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Finance Contrôle Stratégie – Volume 7, N° 1, mars 2004, p. 5 – 31. La responsabilité sociétale des entreprises : enjeux stratégiques et méthodologies de recherche Frédérique DEJEAN * Université Paris 9 Dauphine Jean-Pascal GOND Université Toulouse 1 Classification JEL : M140, L210 Correspondance : Frédérique Déjean 107, avenue du Général Leclerc 92340 Bourg La Reine E-mail : [email protected] * Cet article a fait l’objet d’une communication aux 16 e Journées des IAE en 2002, il a été sélectionné par le comité scientifique pour faire partie d’un ouvrage collectif repre- nant une partie des actes du colloque. Les auteurs sont respectivement doctorante au CREFIGE (Université Paris Dauphine) et Attaché Temporaire d’Enseignement et de Recherche au LIRHE (Université Toulouse 1, Sciences Sociales). Résumé : Cette contribution se pro- pose de confronter le point de vue théorique et le point de vue des prati- ciens sur le concept de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Après avoir esquissé les fondements théoriques et montré l’importance stratégique des dimensions sociétales de la gestion dans le contexte contemporain, nous analysons les convergences entre les problèmes théoriques et managériaux liés à la définition, la mesure et l’impact fi- nancier de la RSE. Cette analyse nous conduit à proposer de nouveaux mo- des d’investigation de la responsabili- té sociétale tenant mieux compte du rôle des acteurs. Mots clés : responsabilité sociétale de l’entreprise – stratégie – stratégie de recherche. Abstract : This paper proposes to confront theoretical and professional perspectives on corporate social re- sponsibility (CSR), which is the sub- ject of renewed interest by both aca- demics and practitioners. After out- lining the conceptual bases and show- ing the strategic importance of social dimensions in the contemporary con- text, we study the degree of conver- gence between theoretical and mana- gerial problems related to the defini- tion, as well as the measurement and the financial impact of CSR. This analysis emphasizes the necessity to better account for the role of various actors by viewing CSR as a social and cognitive construction. Key words : corporate social respon- sibility – strategy – research strategy.

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  • Finance Contrle Stratgie Volume 7, N 1, mars 2004, p. 5 31.

    La responsabilit socitale des

    entreprises : enjeux stratgiques et

    mthodologies de recherche

    Frdrique DEJEAN* Universit Paris 9 Dauphine

    Jean-Pascal GOND Universit Toulouse 1

    Classification JEL : M140, L210

    Correspondance : Frdrique Djean 107, avenue du Gnral Leclerc 92340 Bourg La Reine E-mail : [email protected]

    * Cet article a fait lobjet dune communication aux 16e Journes des IAE en 2002, il a

    t slectionn par le comit scientifique pour faire partie dun ouvrage collectif repre-nant une partie des actes du colloque. Les auteurs sont respectivement doctorante au CREFIGE (Universit Paris Dauphine) et Attach Temporaire dEnseignement et de Recherche au LIRHE (Universit Toulouse 1, Sciences Sociales).

    Rsum : Cette contribution se pro-pose de confronter le point de vue thorique et le point de vue des prati-ciens sur le concept de responsabilit socitale des entreprises (RSE). Aprs avoir esquiss les fondements thoriques et montr limportance stratgique des dimensions socitales de la gestion dans le contexte contemporain, nous analysons les convergences entre les problmes thoriques et managriaux lis la dfinition, la mesure et limpact fi-nancier de la RSE. Cette analyse nous conduit proposer de nouveaux mo-des dinvestigation de la responsabili-t socitale tenant mieux compte du rle des acteurs.

    Mots cls : responsabilit socitale de lentreprise stratgie stratgie de recherche.

    Abstract : This paper proposes to confront theoretical and professional perspectives on corporate social re-sponsibility (CSR), which is the sub-ject of renewed interest by both aca-demics and practitioners. After out-lining the conceptual bases and show-ing the strategic importance of social dimensions in the contemporary con-text, we study the degree of conver-gence between theoretical and mana-gerial problems related to the defini-tion, as well as the measurement and the financial impact of CSR. This analysis emphasizes the necessity to better account for the role of various actors by viewing CSR as a social and cognitive construction.

    Key words : corporate social respon-sibility strategy research strategy.

  • 6 La responsabilit socitale des entreprises

    Laccident industriel de lusine AZF de Toulouse, les ractions face la fermeture des magasins Mark & Spencer et lannonce de licen-ciements chez Danone, les campagnes de publicit de Monoprix ou dEDF sur le dveloppement durable sont autant de tmoignages de lactualit des enjeux lis la responsabilit socitale des entreprises (RSE) en France. Ces faits se doublent dun regain dintrt de la part de la communaut acadmique pour les problmes lis la responsabi-lit socitale, tels que le mcnat (Decock-Good, 2000, 2001), lthique des affaires (Mercier, 1999) et la gestion des relations avec les parties prenantes et lenvironnement (Martinet et Reynaud, 2001 ; Bensedrine, 2001 ; Mercier, 2001).

    Les entreprises semblent donc redcouvrir la ncessit de mieux g-rer leur responsabilit socitale, qui peut se dfinir en premire analyse comme une prise en compte plus explicite des parties prenantes dans la stratgie. Et pourtant, cette ide est moins neuve quil ny parat et sinscrit dans la continuit dun ensemble de dbats rcurrents depuis les annes 1960. Cest aprs avoir retrac cette filiation que les enjeux contemporains de la responsabilit socitale seront esquisss. Voyant son actualit et son importance raffirmes, la notion de responsabilit socitale se prte facilement une confrontation des points de vue thoriques et managriaux, qui peuvent tre dclins au niveau de la dfinition, de la mesure et de ltude de son impact financier. Dans chacun des cas, il est possible dobserver des convergences quant au type de problmes rencontrs au niveau des pratiques managriales comme des recherches. Cette proximit des questionnements ouvre des perspectives de renouvellement des modes dinvestigation de la res-ponsabilit socitale1, dans la logique dune construction sociale et co-gnitive.

    1. La responsabilit socitale de lentreprise : une (re)dcouverte contemporaine ? Si certaines publications rcentes peuvent faire apparatre la notion

    de responsabilit socitale comme une nouveaut dans le contexte fran-ais, en prsentant les pionniers de lentreprise socialement respon-

    1 La responsabilit socitale de lentreprise est ici utilise comme traduction du terme

    anglo-saxon corporate social responsibility (CSR). Le terme socital est utilis de pr-frence social lorsquil dsigne les responsabilits de lentreprise lgard de multi-ples stakeholders, au-del des relations employeurs/employs.

  • Frdrique Djean, Jean-Pascal Gond 7

    sable (DHumire et Chauveau, 2001) ou annonant lmergence dun nouveau paradigme li au dveloppement durable (Frone et al., 2001), lide que lentreprise doit grer les dimensions socitales de son envi-ronnement senracine dans un ensemble de dbats et de rflexions plus anciens. Nanmoins, de nouvelles tendances renforcent la prise de conscience des enjeux stratgiques et de la ncessit de grer la res-ponsabilit socitale.

    1.1. La responsabilit socitale : un dbat rcurrent dans le contexte franais

    Une gnalogie complte de ltude des comportements socialement responsables de la part des entreprises franaises accorderait sans au-cun doute une importance trs grande au paternalisme et linfluence de doctrines telles que le catholicisme social (cf. Ballet et De Bry, 2001). Mais sans remonter jusqu'au 19e sicle, il est possible de situer les dbats contemporains dans le prolongement dun ensemble de r-flexions qui ont t dveloppes depuis les annes 1960, et qui ont conduit mettre en avant le rle que pouvait jouer lentreprise sur son environnement entendu au sens le plus large, savoir lenvironnement cologique, mais aussi et surtout la socit avec laquelle elle inte-ragit.

    1.1.1. Lentreprise rforme et le bilan social la fin de la priode des Trente Glorieuses, le thme de la r-

    forme de lentreprise simpose progressivement en France, accompa-gnant une prise de conscience de la ncessit de grer les dimensions sociales de lactivit et de la croissance conomique la suite des vnements de mai 1968. Dabord restreintes au cercle ferm de quel-ques hauts fonctionnaires, ces rflexions auront un cho politique im-portant lorsquelles se retrouveront au centre des dbats de la campa-gne lectorale de 1974. Elles conduiront un foisonnement dinitiatives spontanes de la part des entreprises en matire de gestion sociale ainsi qu la mise en place de commissions charges de rendre plus explicites les modalits dune telle gestion de la part des entrepri-ses (CES, 1974).

    Si la traduction juridique de ces initiatives travers la loi sur le bilan social du 12 juillet 1977 apparat rtrospectivement dcevante

  • 8 La responsabilit socitale des entreprises

    (Danziger, 1997 ; CES, 1999 ; Zardet, 1997), les dbats et les exp-riences qui lui avaient t pralables restent dune tonnante actualit. Ainsi, les questions de la quantification et de la mesure des aspects so-citaux (Churchill, 1977 ; Rey, 1977), des limites de la responsabilit socitale (Peretti et Roy, 1977) et des moyens de grer cette responsa-bilit travers un reporting et/ou un bilan socital taient dj poses (Igalens et Nioche, 1977). Car ctait bien lensemble des relations avec les stakeholders quil sagissait alors de grer (Blind, 1977) et les expriences de mises en uvre du bilan social dans des entreprises tel-les que Singer (Rey, 1977) allaient beaucoup plus loin dans la prise en compte de lenvironnement de lentreprise que lunique dialogue entre employeur et employs auquel se cantonnera le bilan social. Le bilan social juridique apparat donc comme le produit dune restriction du primtre et de la porte de ce qui fut lorigine un vritable bilan socital . De la mme faon, le surplus de productivit globale, mode spcifique dvaluation de la productivit des entreprises, qui synth-tise les relations conomiques de lentreprise avec ses parties prenan-tes, a connu un succs considrable dans les annes 70, et prfigurait dj llaboration du bilan socital.

    Bien sr, ces expriences ne seront pas toutes suivies, mais elles donneront lieu au dveloppement de travaux centrs sur la comptabilit sociale et socitale (Marqus, 1977 ; Rey, 1974 ; Capron, 2000), qui constituent des lments apprciables pour apprhender les modalits de gestion de la responsabilit socitale.

    1.1.2. Lentreprise r-enchante et citoyenne

    La reconnaissance des dimensions socitales de lactivit de lentreprise passe ncessairement par une rflexion sur la place de lentreprise dans la socit. Moins axe sur les aspects techniques, une telle approche relve plutt dune sociologie de lentreprise et des rela-tions entreprise/socit. La sociologie franaise du travail constituait un bon candidat pour analyser de telles interactions, mais paradoxale-ment, elle les a pendant longtemps ngliges. Refusant daccorder lentreprise le statut dobjet sociologique pertinent , elle a prfr se dfinir comme sociologie du travail et le plus souvent uniquement du

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    travail ouvrier dans lentreprise2 plutt que comme sociologie de lentreprise. Si lon exclut les travaux de Crozier, qui sest attach ds les annes 1960 construire les fondements de ce qui deviendra une sociologie de lentreprise (Bernoux, 1995), il a fallu atteindre le milieu des annes 1980 pour que lentreprise, r-enchante , puisse prten-dre au statut dobjet sociologique part entire susceptible dune in-vestigation systmatique (Sainsaulieu et Segrestin, 1984). Cet tat de fait avait partie lie avec un contexte de chmage persistant que lentreprise tait somme de contribuer rsorber afin de manifester son comportement citoyen, notamment en mobilisant des techniques telles que la gestion prventive des emplois. Ds lors, lentreprise est devenue en France une affaire de socit (Sainsaulieu, 1990), et sa contribution propre la cration et au dveloppement de liens sociaux et didentits sociales a pu tre analyse.

    Ce mouvement de revalorisation sociologique de lentreprise impo-sera progressivement lide dune entreprise citoyenne . Cette r-flexion sur la citoyennet dentreprise, dont le Centre des Jeunes Diri-geants assurera la promotion dans les annes 1990 (CJD, 1996), conduira (re)mettre en avant limportance de la responsabilit soci-tale de lentreprise (Ballet et De Bry, 2001, p. 119).

    Cest donc dans la continuit de ces deux mouvements dides que lon peut situer une rflexion franaise relative aux volutions de la responsabilit socitale des entreprises. Mais au-del de ces dbats, les mutations concrtes du contexte social et conomique et des volutions dans le comportement de certains acteurs ont conduit renouveler les enjeux de la gestion de la responsabilit socitale.

    1.2. La responsabilit socitale : renouvellement des enjeux dans le contexte contemporain

    On assiste au renforcement dun ensemble de pressions qui contrai-gnent lentreprise au moins sur le plan de limage et du symbole et convergent pour lui faire adopter un comportement socialement res-ponsable. Ces transformations de lunivers des entreprises confrent la gestion des dimensions socitales un caractre stratgique.

    2 Ainsi Borzeix notait en 1986 dans son avant propos au numro 3-86 de Sociologie du

    Travail que Lentreprise demeure un lieu plutt quun objet dtude part entire pour la majorit des sociologues des sociologues du travail en particulier .

  • 10 La responsabilit socitale des entreprises

    1.2.1. Le renforcement des pressions Les entreprises ont vu merger et se dmultiplier les pressions vi-

    sant leur faire prendre conscience de nouveaux enjeux socitaux. Ces pressions varient quant leur forme et leur nature, elles renvoient diffrentes catgories dacteurs parmi lesquelles on peut compter :

    les mouvements anti-mondialisations, qui, en se focalisant sur les graves excs de quelques grandes firmes multinationales contri-buent une plus forte prise de conscience des enjeux lis la respon-sabilit socitale. Les ouvrages de protestation tels que celui de Klein illustrent cette radicalisation de la critique des entreprises (Klein, 2001) ;

    une partie des grandes ONG qui ont fait voluer leur stratgie pour passer dun militantisme purement critique la sollicitation et la mobilisation directe des entreprises autour de problmes socitaux, ce dont tmoignent lvolution de Greenpeace depuis sa cration (Fried-man et Miles, 2002) ;

    des consommateurs, qui sont sensibiliss par les ONG et les d-bats mdiatiques rcurrents et se proccupent de plus en plus des conditions de fabrication des produits, ce dont tmoigne laffaire Nike. Ce phnomne conduit les entreprises concourir pour lobtention de prix ou de labels tel celui de lthique sur tiquette . Cette pression tend promouvoir lide dune qualit thique et ou sociale des biens de consommations, dont linscription sur les produits sera un en-jeu social important (Cochoy, 2001) ;

    des investisseurs, qui tendent sexprimer plus frquemment quauparavant dans les assembles gnrales et demander des comp-tes sur les dimensions socitales de la gestion. ces actionnaires classiques sajoutent maintenant les investisseurs dits socialement responsables , qui visent promouvoir encore plus activement ladoption par les entreprises quils dtiennent de comportements de responsabilit sociale et de stratgies de dveloppement durable.

    Cette dernire tendance illustre bien le renouvellement et lvolution des enjeux socitaux dans la France contemporaine, car si le mouvement de linvestissement thique est n aux tats-Unis dans les annes 1920, il ne sest rellement dvelopp en France que depuis cinq ans. Alors quil nexistait que deux fonds thiques dans les annes 1980, et sept en 1999, on en dnombre aujourdhui plus de 80 ! Ces

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    chiffres3 tmoignent de la progression trs rapide de cette forme dinvestissement dans les dernires annes.

    Depuis le milieu des annes 1990, on observe aussi une volution dans le discours des entreprises, qui tendent sapproprier plus syst-matiquement le thme du dveloppement durable et afficher leur per-formance socitale. Le crneau de la responsabilit socitale na pas non plus laiss indiffrent un ensemble dacteurs qui se sont spcialiss pour dvelopper une offre dthique . Sont ainsi apparus une agence de notation des dimensions socitales (aspects sociaux, environnemen-taux) du comportement des entreprises (Arese/Vigeo ; Innovest ; Core Ratings), des cabinets de conseils en stratgie socitale (Utopies, Terra Nova) et, enfin, des observatoires et des groupes de rflexion sur les aspects thiques et socitaux de la gestion (institutions telles que lORSE Observatoire sur la Responsabilit Socitale des Entreprises ou le Cercle thique des Affaires). Ces dernires transformations amnent une prise de conscience par les entreprises du caractre stratgique de la responsabilit socitale.

    1.2.2. Des enjeux aujourdhui stratgiques La question se pose en effet de dterminer la stratgie adopter vis-

    -vis de ces nouvelles exigences. Cette stratgie peut se dcliner au ni-veau de la communication en particulier de la communication dinformations caractre socital mais aussi au niveau de la gestion et de la stratgie gnrale de lentreprise.

    Lvolution est dj sensible au plan du discours et de la communi-cation : on a assist ces dernires annes la publication plus frquente de rapports consacrs lenvironnement ou au dveloppement durable, dabord en rponse aux demandes du march financier. Mais la col-lecte des informations ncessaires la fabrication de ces rapports im-plique le plus souvent une modification du systme de reporting et, cet gard, la grande majorit des entreprises cotes dispose dsormais dun responsable environnement, dun responsable dveloppement du-rable voire dun responsable de la responsabilit socitale ou dun dontologue. La mise en place de ces structures oblige lentreprise adopter une dmarche transversale dans la dfinition de ses objectifs socitaux et redfinir les limites de la responsabilit de chaque dpar-

    3 Voir le site de SRI : www.sri-in-progress.com.

  • 12 La responsabilit socitale des entreprises

    tement. Lapparition de ces fonctions transversales conduit une prise de conscience par les entreprises du caractre stratgique de la gestion de la responsabilit socitale.

    Dabord adaptation du discours et de la communication, la politique socitale implique pour exister de penser les multiples interactions et synergies entre les aspects marketing, comptables, financier et GRH que recouvrent frquemment les problmes dordre socitaux. Cest travers cette reconnaissance du caractre multidimensionnel et trans-versal de la RSE que simpose peu peu la reconnaissance de son ca-ractre stratgique.

    Mais pour pouvoir faire lobjet dune gestion efficace et efficiente, la RSE doit pouvoir tre correctement apprhende par les gestionnai-res. Une telle dmarche implique de stre donne une dfinition du concept et les moyens den mesurer les dimensions. De plus, le nombre croissant dactions et de politiques menes par les entreprises dans le domaine socital conduit questionner limpact conomique et finan-cier de ces dmarches. Le regard thorique peut ici complter utilement le point de vue du praticien pour essayer dapprhender les multiples enjeux que recouvre la RSE.

    2. La difficult dapprhender la responsabilit socitale de lentreprise : convergences entre thories et pratiques

    Il est possible dexaminer les convergences entre thorie et pratique en comparant diffrentes catgories de problmes concernant la fois la responsabilit socitale en tant que construit thorique et en tant quensemble de dimensions concrtes de la gestion de lentreprise. Cette analyse comparative des approches managriales et institution-nelles dune part et des approches thoriques et acadmiques dautre part peut tre dcline autour de trois questions centrales : celle de la dfinition du phnomne de responsabilit socitale, celle de sa mesure ( travers le concept de performance socitale) et enfin celle de son impact financier.

  • Frdrique Djean, Jean-Pascal Gond 13

    2.1. Dfinir la RSE : ambiguts managriales, apports thoriques et dbats idologiques latents

    Aprs avoir analys et prsent les deux types dapproches sur la RSE, nous montrons leurs convergences/divergences. Cette dmarche nous conduit mettre en vidence certains apports thoriques, mais aussi les tensions idologiques et les jeux dacteurs latents que les conceptualisations acadmiques tendent parfois occulter.

    2.1.1. Les dfinitions institutionnelles et managriales de la RSE La responsabilit socitale fait lobjet dune attention accrue de la

    part de nombreuses entreprises ainsi que dorganisations de nature trs diverses : des ONG, des institutions europennes et mondiales, mais aussi des associations religieuses, des associations professionnelles et des rseaux dentreprises. Beaucoup de ces organisations assurent la promotion dune dfinition de la RSE ou dune vision particulire de ce concept.

    La plupart des dfinitions accordent une place centrale la notion dengagement de lentreprise, et spcifient que cet engagement doit al-ler au-del des obligations et des attentes lgales. Cependant, ces ap-proches divergent quant leur approche de la structure de la RSE, et les axes privilgis par les organismes ne sont pas toujours les mmes. Ainsi une entreprise dun secteur donn dfinira la RSE en fonction des stakeholders pertinents de son point de vue (par exemple Danone met en avant la politique humaine), alors que des institutions carac-tre plus international auront tendance privilgier les relations avec la communaut locale et les familles des employs (par exemple, CSR Europe, World Business Council on Sustainable Development) ren-voyant des problmes plus spcifiques tels que le travail des enfants. Limpression densemble qui se dgage de ces dfinitions est le carac-tre en partie contingent du contenu de la RSE en fonction du niveau o se situe lorganisation (secteur / niveau national ou supra-national) et de ses problmatiques propres.

  • 14 La responsabilit socitale des entreprises

    2.1.2. Les dfinitions thoriques de la RSE Ces approches peuvent tre confrontes aux dfinitions de la RSE

    qui ont t donnes par les chercheurs depuis une cinquantaine danne4.

    Les dfinitions acadmiques de la RSE se diffrencient des prc-dentes par la volont de fournir un cadre danalyse gnral et systma-tique, indpendant des objectifs propres une organisation donne. El-les cherchent donc cerner la RSE dans toute sa globalit. On constate une assez forte proximit entre les plus anciennes dfinitions de la RSE (Bowen, McGuire, Davis) et les approches managriales du construit. Ces dfinitions se contentent en gnral de mettre en avant le caractre discrtionnaire de la RSE, en insistant sur le fait quelle recouvre des dimensions qui dpassent les aspects purement conomiques ou lgaux de lactivit de lentreprise.

    Les dfinitions proposes par Carroll (1979) et Wood (1991) vont plus loin que les approches prcdentes en spcifiant les catgories danalyse de la RSE et en systmatisant les acquis des recherches ant-rieures. Carroll (1979) propose de distinguer quatre catgories de RSE les responsabilits conomiques, les responsabilits lgales, les res-ponsabilits thiques et, enfin, les responsabilit discrtionnaires ce faisant, il synthtise et englobe lensemble des approches qui existaient avant lui de lapproche la plus minimaliste, qui ne reconnat lentreprise de responsabilits quenvers ses actionnaires (Friedman, 1970) aux approches mettant en avant les dimensions philanthropiques. Wood (1991) offre quant elle un cadre danalyse multi-niveaux qui concilie des concepts qui taient auparavant opposs les uns aux autres.

    2.1.3. Convergences, divergences : des dbats idologiques latents ?

    En cherchant construire une dfinition thorique de la RSE, les auteurs contribuent tape par tape clarifier la situation et fournir des modes dinvestigation de la RSE bien que chaque modle saccompagne souvent dune nouvelle forme dambigut (Margolis et Walsh, 2001). Cette dmarche tend aussi dcontextualiser le concept de son environnement : la pluralit des approches managriales et des points de vue des acteurs dans un contexte social donn succde la

    4 Pour une analyse historique plus exhaustive des dfinitions de la RSE, se reporter

    Carroll (1999).

  • Frdrique Djean, Jean-Pascal Gond 15

    multiplicit des niveaux danalyse et des catgories conceptuelles, mais la nature sociale et socitale du construit semble chapper aux auteurs.

    En ce sens, les dfinitions managriales du construit sont riches dapport la comprhension du concept, puisquelles illustrent la faon dont chaque catgorie dacteurs et de stakeholders sapproprie le cons-truit et le formate selon ses propres objectifs. La RSE est en effet une notion qui est difficile comprendre indpendamment de tout contexte idologique. Les rponses fournies au Livre Vert de la Commission Europenne sur la RSE par catgories dacteurs de pays diffrents il-lustrent ce caractre socialement construit et lancrage culturel du concept. Ainsi, il ne fait pas de doute que chaque stakeholder a son propre point de vue sur la RSE : alors que certains syndicats y voient un no-paternalisme5, les ONG restent sceptiques quant au caractre dengagement volontaire que la RSE semble recouvrir, comme lillustre le tableau 1.

    Tableau 1 Les perceptions diffrencies de la RSE par les acteurs Organisme Extraits de rponses au Livre Vert de la Commission Europenne

    Force Ouvrire Cette approche comportementale, mme si elle est rgie par des lignes de conduite, reste dessence paternaliste en raison de laspect patronal du choix opr Dans tous les cas, la dmarche de lentreprise est volontariste, et fait passer lintrt des salaris au dernier rang de leurs proccupations. Cette objectivation vide de sens le rapport de forces Elle rduit les rapports sociaux au contrle de la satisfaction de critres dvaluation des donnes sociales.

    Amnesty International

    Lhypothse sous-jacente lensemble du document est que la CSR peut-tre vue comme un ajout aux activits de lentreprise, plutt quune partie in-tgrante de ses activits Ces responsabilits DOIVENT tre considres comme indivisibles, des activits de lentrepris La CSR ne peut tre vue comme une option supplmentaire ou une activit philanthropique Lapproche de lUE ignore le fait que les comportements volontaires sont souvent issus de pressions des stakeholders tels que les consommateurs ou la communaut

    Il semble donc possible de dgager deux niveaux de divergences dans les approches de la RSE : une divergence thorique, opposant les auteurs quant aux catgories conceptuelles pertinentes pour analyser la RSE, et aussi une divergence des points de vue des acteurs sur ce quest ou devrait tre la RSE, reflet de tensions idologiques latentes.

    5 Pour une analyse thorique de la RSE comme no-paternalisme, voir Ballet et De Bry

    (2001)

  • 16 La responsabilit socitale des entreprises

    2.2. Mesurer la RSE : march de la mesure et ambiguts mthodologiques

    La mesure de la RSE reprsente un double enjeu thorique et prati-que : au plan thorique elle conditionne la validit des travaux et des tudes empiriques effectues sur le concept ; au plan pratique, elle in-fluence llection dune entreprise au club des entreprises thiques et donc son image et sa rputation. La pluralit des mesures proposes dans le domaine acadmique comme dans le domaine pratique gnre une double forme dambigut source deffets pervers.

    2.2.1. Les ambiguts lies un march fragment Ltat de gestation du march de la notation socitale explique en

    partie sa fragmentation contemporaine. Cette situation alimente les r-ticences des praticiens et de certaines entreprises lgard des activits de notation socitale : quelle crdibilit accorder un organisme danalyse socitale sil lit au club des entreprises citoyennes une firme considre par dautres agences comme non thique ? Une entreprise franaise fortement engage dans le domaine social et environnemental peut voir sa note socitale seffondrer en Grande Bretagne ou aux tats-Unis. Cette divergence de perception renvoie des divergences mthodologiques : les analystes situs outre-atlantique se fondent sur des critres dexclusion en fonction des activits (par exemple, tabac, alcool) qui peuvent les conduire vincer une entreprise, simplement parce que lune de ses filiales dtient 10 % dune entreprise qui vend de lalcool6 ! En France, lex-agence ARESE utilisait cinq critres pour noter les entreprises (les relations avec les salaris, avec lenvironnement, avec les clients et les fournisseurs, avec les actionnai-res et avec la socit civile) alors que lagence suisse SAM nutilise de son ct que trois critres (social, environnement et financier) quelle apprhende sous langle risque/opportunit. Cette approche de Triple Bottom Line diffre de celle dARESE et explique que toutes les listes thiques proposes aux investisseurs ne prennent pas en compte les mmes entreprises.

    Ces divergences sont galement sources de confusion du ct des entreprises puisque celles-ci nobtiennent pas la mme note en fonction

    6 Sur les critres dvaluation des entreprises par les organismes danalyse socitale,

    voir Ademe (2001) et Frone et al.(2001).

  • Frdrique Djean, Jean-Pascal Gond 17

    du prestataire. Les diffrences de notation crent de la mfiance de la part des investisseurs vis--vis des pratiques de notation des agences et vis--vis des pratiques managriales des entreprises. Ils peuvent sinterroger en effet sur le bien-fond de telle ou telle note attribue.

    Une solution possible est lharmonisation des mthodologies des agences de notation sociale mais l encore des difficults surgissent car au-del des diffrences nationales, persistent des conceptions diffren-tes de lthique, teintes de connotations morales ou idologiques. Les difficults de mesure de la RSE ne font que renforcer le scepticisme des parties prenantes vis--vis de la sincrit de lengagement des en-treprises. Des tentatives de normalisation des pratiques des entreprises illustrent cette volont des acteurs de certifier la sincrit des informa-tions fournies par les entreprises. Cette volont relve la fois de la sphre publique et de la sphre prive. Ainsi la loi sur les Nouvelles Rglementations Economiques (NRE) du 25 fvrier 2001 tmoigne de la volont des pouvoirs publics dobliger les entreprises diffuser un certain nombre dinformations environnementales et socitales. De mme, les travaux de la Global Reporting Initiative (GRI) soulignent lintrt que portent les acteurs privs la ncessit de la normalisation des pratiques de diffusion.

    Au-del de la normalisation, la certification de ces informations savrera ncessaire pour assurer leur qualit et renforcer la confiance des investisseurs et plus globalement de lensemble des parties prenan-tes et les grands cabinets daudit manifestent leur intrt pour ces nou-velles activits.

    2.2.2. Les ambiguts lies labsence dunit mthodologique

    Au niveau thorique, les mmes questions se posent car on constate une grande diversit dapproches thoriques et de modes de mesure du construit RSE. La mesure de la responsabilit socitale a tout dabord fait lobjet dune investigation thorique, travers le dveloppement de modles cherchant expliciter le construit de performance socitale en prcisant les lments quune telle mesure de performance doit prendre en compte (Carroll, 1979 ; Wartick et Cochran, 1985 ; Wood, 1991 ; Swanson, 1999 ; Mitnick, 2000). Mais la RSE a aussi fait lobjet dun vaste ensemble de travaux empiriques visant analyser ses dtermi-nants et/ou ses interactions avec diffrentes variables telles que la per-formance financire. Les modes de mesure de la RSE employs sont

  • 18 La responsabilit socitale des entreprises

    trs divers : il peut sagir danalyses de contenu de rapport annuel, dindicateurs de pollution, de questionnaires valuant les perceptions lgard de la RSE, dindicateurs de rputation ou encore de donnes produites par des agences de notations (Decock-Good, 2001, p. 30-32). Chacune de ces mesures prsente un certain nombre de limites (De-cock-Good, 2001), mais cest surtout la pluralit des mesures utilises dans les tudes qui est problmatique, en conduisant une grande confusion mthodologique.

    Cet tat de fait est particulirement patent pour les tudes empiri-ques consacres aux dterminants de la RSE (Decock-Good, 2000) et son impact (cf. infra 2.3).

    Labsence de consensus thorique sur la dfinition du concept re-jaillit sur loprationnalisation du construit et un foss se creuse entre ce quil faudrait mesurer , daprs les modles thoriques, pour ap-prhender la performance socitale (par exemple, des principes, des processus et des rsultats si lon se fonde sur le modle propos par Wood, 1991) et ce qui est effectivement mesur dans les travaux empiriques travers le choix des proxys de la RSE (par exemple, un unique indicateur de pollution ou un indicateur de rputation).

    2.2.3. Les effets pervers de la recherche de lgitimit ? Au-del de ces problmes, le recours de plus en plus systmatique

    des auteurs aux ratings des agences de notation socitales (par exemple les notes KLD) dans les tudes empiriques faute de mieux (Wood et Jones, 1995) nest pas sans susciter un ensemble dinterrogations. Cette volution conduit la superposition des deux catgories dambiguts prcdentes :

    les ambiguts lies aux jeux des acteurs du march de la nota-tion socitale et au caractre fragment des mesures disponibles ;

    les ambiguts lies au dcouplage possible entre la mesure tho-rique du construit et les donnes disponibles susceptibles doprationnaliser ces mesures thoriques.

    Ds lors, on peut se demander si linteraction entre les sphres ma-nagriales et thoriques et les jeux de lgitimit se situant leur inter-face (par exemple, utiliser un travail de recherche pour lgitimer un mode de notation / lgitimer une recherche par le mode de mesure quelle retient, indpendamment de sa pertinence thorique) ne risque

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    pas dengendrer un cercle vicieux auto-ralisateur conduisant dimi-nuer la qualit scientifique des recherches.

    2.3. valuer limpact financier de la RSE : croyances managriales et incertitudes empiriques

    La question de limpact financier de la RSE peut, elle aussi, se d-cliner au plan managrial ( travers ltude des croyances des managers concernant cet impact) et thorique ( travers les recherches empiri-ques cherchant valuer le niveau et la nature de cet impact).

    2.3.1. Limpact positif de la RSE comme croyance managriale Il semble que lexistence dun lien positif entre la performance so-

    citale et la performance financire ne soit pas remise en question par les praticiens. Les tenants du dveloppement de linvestissement socia-lement responsable prnent ainsi le dveloppement de cette forme de placement en expliquant quune entreprise socialement responsable est une entreprise plus profitable. Des entretiens mens auprs de grants de fonds thiques au dbut de lanne 2002 nous ont permis de recueil-lir des informations confirmant la croyance en une meilleure rentabilit des placements effectus dans des entreprises bien notes par les agen-ces de notation socitale (extraits 1 3 du tableau 2). La croyance dans lexistence dun lien positif entre la performance financire et la performance socitale est dailleurs relaye par les articles de la presse spcialise et est une des raisons expliquant laugmentation du nombre de fonds thiques sur le march financier franais ces deux dernires annes.

    De la mme faon, la plupart des organismes encourageant ou sollicitant le dveloppement dun comportement socialement responsable de la part des entreprises axent une grande part de leur effort de communication sur les gains financiers lis ces comportements. Ils lgitiment leur dmonstration par le recours des rsultats positifs dtudes empiriques et scientifiques consacres au sujet (extraits 4 et 5 du tableau 2). Pourtant le bilan global des recher-ches empiriques sur limpact de la RSE semble beaucoup plus mitig.

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    Tableau 2 Limpact positif de la RSE comme croyance Organismes Verbatims

    1. Grant de fonds thique A

    Une socit qui est bien avec ses salaris, avec son actionnariat, avec ses clients, ses fournisseurs et puis avec tous les gens qui travaillent avec elle, doit normalement assurer des bases solides pour crotre durablement et avoir des performances finan-cires leves

    2. Grant de fonds thi-que B

    Je pense quune socit qui gre de manire intelligente des problmes sociaux et environnementaux est une socit dans laquelle il y a une dynamique beaucoup plus forte, o les gens sont plus productifs, et cela a une influence norme sur la rentabili-t des socits. Pour le social cest une vidence, une socit qui est bien gre sur le plan social ne peut pas faire autrement que davoir des bonnes performances, enfin on va dire des performances conomiques au moins suprieures ses concurrentes mal gres, a ne veut pas dire que ce sera extraordinaire mais a sera suprieur, a cest tout fait vident.

    3. Grant de fonds thi-que C

    Cest un jugement sur des socits qui allonge leur dure de visibilit, c'est--dire quon pense que ce sont des socits qui se projettent non pas sur les rsultats finan-ciers des six mois prochains mais qui se projettent long terme. Et comme nous on est des investisseurs trs fondamentaux, comme ce qui nous intresse cest dinvestir dans des socits qui ont des fondamentaux trs solides, on pense que a nous donne une vision plus complte de la socit

    4. RSE Eu-rope

    Pourquoi la RSE ? Les rcompenses sont normes. Il a t dmontr que la RSE est une stratgie qui fonctionne. Un encadr liste ensuite lensemble des bnfices que la RSE est susceptible de pro-curer : performance financire accrue, des cots de gestion rduits, un renforcement de la valeur de lentreprise et de sa rputation, etc..

    5. Business for Social Responsibil-ity

    Le document disponible sur le site Internet de lorganisme et intitul Introduction la RSE commence par dtailler lensemble des impacts positifs susceptibles dtre gnrs par la RSE, au premier rang desquels figure lide dun renforcement de la performance financire. lappui de chacun des impacts, un grand nombre dtudes empiriques montrant lexistence dun impact positif de la RSE sont cites.

    2.3.2. La mixit de limpact de la RSE dans les recherches empiriques

    Le dbat sur lexistence dun lien entre la performance financire et la performance socitale a t le sujet de trs nombreuses recherches thoriques et empiriques, en particulier tats-Unis. Pourtant, lexistence dune connexion stable entre les deux construits na jamais t clairement prouve et le sens de la relation nest pas encore dfini-tivement tabli (Margolis et Walsh, 2001 ; Preston et OBannon, 1997 ; Griffin et Mahon, 1997 ; Pava et Krausz, 1996). Lambigut des rsul-tats obtenus est susceptible dtre explique par la diversit des cadra-ges thoriques utiliss7. Les bilans les plus rcents des travaux (Margo-

    7 Pour une prsentation dtaille de la diversit des cadrages thoriques, voir Gond

    (2001).

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    lis et Walsh, 2001 ; Decock-Good, 2000 ; Roman et al., 1999) dpei-gnent des rsultats mixtes avec une tendance mettre au jour un lien positif. Ces rsultats doivent cependant tre relativiss laune des li-mites mthodologiques et thoriques que prsentent les recherches dont ils sont issus.

    Les synthses proposes par Griffin et Mahon (1997) et Rowley et Berman (2000) soulvent un ensemble de problmes dordre mthodo-logique : loprationnalisation trop simplificatrice dun concept com-plexe et multidimensionnel et labsence duniformit dans la mesure de la performance financire entranent une diminution des perspectives de comparaison et de gnralisation des rsultats. McWilliams et Sie-gel (2000) soulignent, quant eux, que les modlisations dveloppes dans les travaux ne sont pas toujours exemptes de problmes de spci-fication conomtrique. Le manque de fondements thoriques et conceptuels des tudes sur les liens CSP / FP a aussi t voqu pour expliquer la mixit des rsultats. Le construit CSP est en effet contin-gent au contexte socital dans lequel volue lentreprise ; il serait de facto impossible de sappuyer sur lui pour construire une recherche portant simultanment sur plusieurs secteurs industriels.

    Il apparat donc que lexistence dun impact financier systmati-quement positif de la RSE na pas encore t tablie dans les recher-ches acadmiques, bien quil sagisse dune croyance managriale pr-gnante.

    2.3.3. La recherche comme processus de validation des croyances ?

    Le contraste entre lengouement managrial contemporain pour la RSE et son impact suppos positif et les rsultats des tudes empiriques conduit nouveau sinterroger sur les possibles interactions entre la sphre de la recherche et la sphre managriale. Car il ne fait pas de doute que lexistence dun lien stable et positif entre la RSE et la performance conomique recoupe simultanment des enjeux idologiques, pratiques et acadmiques profonds.

    Ainsi Rowley et Berman (2000) mettent en avant ce biais idologique latent en rappelant que lexistence dun lien positif est souvent peru ou annonc comme une bonne nouvelle . On retrouve alors les mmes accents vanglisateurs et les mmes imprcations adresses aux managers que dans les littratures managriales et acadmiques consacres au Green Business dont Newton et Harte

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    (1997) ont propos une analyse dtaille8. Largument de la convergence entre lthique et lconomique est aussi une faon commode pour les acteurs du march de la RSE de lgitimer la pertinence de leur dmarche (agences de notation, cabinets de conseil) et cest encore un moyen pour des acteurs plus classiques de faire merger de nouveaux crneaux (certification et audit socital pour les cabinets daudit classiques, etc.). Enfin, ce lien est prsent par Rowley et Berman (2000) comme un moyen pour les chercheurs du champ Business & Society de lgitimer leur domaine de recherche auprs des domaines de recherche plus classiques en management.

    Le risque est donc grand, dans un contexte o pressions idologiques et demandes managriales convergent, de voir se renforcer les biais tendant privilgier les travaux et les recherches allant dans le sens dune dmonstration systmatique de lexistence dun lien positif, sans prendre en compte lensemble des hypothses alternatives. Dans cette optique, les travaux consacrs aux liens entre RSE et performance financire risquent de prendre la forme dun processus de validation des croyances idologiques et managriales.

    On peut donc rsumer les consquences de la confrontation entre les approches thoriques et managriales de la RSE pour chacun des trois domaines distingus :

    par rapport la dfinition de la RSE, les approches thoriques semblent gommer les tensions idologiques et les jeux dacteurs qui ressortent clairement des approches managriales et institutionnelles du construit ;

    par rapport la mesure de la RSE, la frontire entre les probl-mes managriaux et thoriques sur le sujet est poreuse et, en cons-quence, une mesure de RSE issue dun acteur du march de la RSE peut difficilement tre mobilise sans prendre en compte les forces et les rationalits qui gouvernent ce march et les logiques de lgitimation situes linterface entre les sphres de la recherche et des pratiques managriales ;

    par rapport limpact financier positif de la RSE, il semble que cet impact relve plus de la croyance managriale que de linvestigation scientifique systmatique, et que la superposition des

    8 Les deux auteurs analysent le caractre vanglisateur et missionnaire des contribu-

    tions portant sur l'entreprise verte et questionnent leur efficacit rhtorique ainsi que leurs enjeux sous-jacents.

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    enjeux idologiques, pratiques et thoriques sur le sujet ne conduise une recherche visant exclusivement valider / renforcer les croyances managriales.

    Ces consquences illustrent chacune diffrents risques inhrents aux recherches sur la RSE risques lis la recherche de lgitimit et auto-validation des croyances des dirigeants et conduisent questionner les stratgies de recherches sur ce concept.

    3. Quelles stratgies de recherche pour tudier la responsabilit socitale ?

    Le triple constat de convergence des problmes pratiques et thoriques poss par la dfinition, la mesure et ltude de limpact de la RSE dessine en creux des perspectives de renouvellement des recherches sur ce construit. Car en soulignant les risques lis au fait de ngliger les tensions idologiques et les jeux dacteurs, la convergence entre thorie et pratique offre lopportunit de mieux saisir le caractre socialement contingent et cognitivement construit de la RSE. Cest pourquoi nous proposons de renouveler lapproche de la RSE en privilgiant deux grilles danalyse : celle de la construction sociale de la RSE (3.1.), et celle de sa construction cognitive (3.2.).

    3.1. Questionner la construction sociale de la responsabilit socitale ?

    Lanalyse des approches acadmiques et institutionnelles de la dfi-nition de la RSE conduit souligner lcart entre des conceptualisa-tions thoriques qui prsentent souvent la RSE de manire lisse et les divergences de point de vue que dveloppent les acteurs qui contri-buent influencer et construire la RSE pour une entreprise donne. Cet cart suggre de tirer parti des limites des premires approches en les compltant par une analyse des jeux dacteurs et des tensions idologi-ques qui structurent la construction de la responsabilit socitale. Ds lors, cest sur ces jeux dacteurs latents quil sagit de se focaliser pour comprendre ltat de la RSE un moment donn : les dfinitions et les visions de la RSE que dveloppent et promeuvent chaque catgorie de stakeholders pourront tre confrontes, ainsi que la faon dont ils sy prennent pour rendre leurs exigences plus lgitimes aux yeux de

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    lentreprise. Une telle approche nest pas loigne de la dfinition positive de lthique des affaires9 que dfend Padioleau (1989), savoir les rgles dfinissant des rapports perus comme efficaces et lgitimes entre les partenaires immdiats ou loigns dune interaction marchande . Les diffrents types de stakeholders peuvent en effet tre assimils autant de groupes dentrepreneurs de morale au sens de Becker (1995), dont laction vise fixer les normes du socialement ac-ceptable et identifier et stigmatiser les transgresseurs au sein dun secteur ou autour dune entreprise donne.

    Une telle orientation de recherche est cohrente avec les approches socio-politiques de la stratgie dentreprise (Martinet, 1984) et le cadre danalyse de la thorie des parties prenantes (Mercier, 2001 ; Donald-son et Preston, 1995). Ces thories invitent en effet une relecture de la RSE privilgiant le rle des parties prenantes dans lexplication de la responsabilit et de la performance socitale de lentreprise (Clarkson, 1995 ; Wood et Jones, 1995).

    Mais au-del de la dfinition de la RSE, cette approche invite aussi repenser la question de la mesure de la RSE et de son impact finan-cier, car en assurant la promotion dune conception ou dune dimen-sion de la RSE un moment donn, les diffrents groupes dacteurs vont contribuer faonner et construire les critres de lvaluation de la RSE et les facteurs affectant la nature des interactions entre RSE et performance financire. Les contributions rcentes de Mitnick (2000) et Rowley et Berman (2000) vont dans ce sens, en proposant chacune de nouveaux modes dinvestigations de la mesure de la RSE et des in-teractions entre RSE et performance financire. Mitnick (2000), en analysant les diffrents problmes lis aux mtriques de la RSE et sappuyant sur un cadre danalyse systmique, est amen mettre en vidence le caractre socialement construit de toute mesure de la RSE. Il propose un modle fond sur la thorie des agendas politiques et la thorie des parties prenantes visant rendre compte de lmergence dun critre de mesure de RSE un moment donn, modle o lintervention des pouvoirs publics va jouer un rle dcisif. Cette ap-proche revient tracer le processus grce auquel un problme dordre socital est progressivement identifi par les acteurs extrieurs lentreprise, puis mesur afin dtre finalement intgr dans la gestion

    9 Dans sa contribution, Padioleau assimile lthique des affaires les concepts de res-

    ponsabilit sociale et de sensibilit sociale.

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    de lentreprise. Elle renvoie lide dun travail de construction so-ciale ncessaire la reconnaissance des externalits produites par lentreprise (Callon, 1999), afin de pouvoir rendre celles-ci calcula-bles (Callon, 1998), phase pralable toute tentative visant les in-ternaliser.

    Rowley et Berman (2000) prsentent, quant eux, un modle des facteurs de contingence susceptible dexpliquer les liens entre RSE et performance conomique. Fond sur la thorie des parties prenantes, ce modle explique le lien entre RSE et performance conomique comme le produit dune interaction entre la firme et ses stakeholders. Il ac-corde une place dterminante aux facteurs sectoriels, la structure du rseau de stakeholders entourant lentreprise ainsi quaux jeux politi-ques que les stakeholders vont dployer pour dfinir chaque instant les rgles du jeu socital conditionnant la nature de limpact de la RSE. Les auteurs concluent en affirmant le caractre minemment contingent de la RSE dont la dfinition serait en permanence sujette changement sous linfluence des interactions entre acteurs. Ces deux analyses se centrent de manire trs exclusive sur des facteurs externes lentreprise, mais elles ouvrent une piste thorique intressante et res-tent compatibles avec des analyses reconnaissant plus explicitement le rle que la firme peut jouer, dans linteraction avec ses parties prenan-tes, pour se construire un niveau de performance socitale satisfaisant. Ces modles posent les fondements dune approche de la RSE comme construction sociale, propre rendre compte de manire endogne de la faon dont la RSE se construit dans un contexte donn travers le jeux des interactions entre les stakeholders. Une telle dmarche peut-tre utilement complte par une analyse plus cognitive de la RSE.

    3.2. Dvelopper une approche cognitive des dimensions socitales de la gestion ?

    Lacuit des demandes des stakeholders et la pertinence des rpon-ses apportes dpendent essentiellement de la faon dont les dirigeants de lentreprise peroivent les caractristiques des stakeholders. Mit-chell et al. (1997) proposent un modle permettant didentifier et de caractriser les relations entre lorganisation et ses diffrentes parties prenantes. La visibilit dun stakeholder dpend de la combinaison de trois attributs : le pouvoir, la lgitimit et lurgence . La prsence dun seul de ces attributs signifie que la demande sera perue comme

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    peu pertinente par le dirigeant. loppos, le cumul des trois attributs contribue donner aux demandes du stakeholder un caractre priori-taire. Par consquent, la satisfaction des attentes des parties prenantes dpend avant tout de la perception quont les dirigeants de leur statut. La vision de la responsabilit socitale varie donc dune entreprise une autre : un mme stakeholder peut tre jug essentiel par une entre-prise et mineur par une autre. Une analyse de leur perception des attri-buts des stakeholders par le biais dune approche cognitive constitue-rait alors un lment essentiel de la comprhension du construit de la responsabilit socitale. Au-del, cette dmarche aboutirait une meil-leure adquation des rponses apportes lenvironnement organisa-tionnel, facilitant alors lharmonisation des pratiques des diffrents ac-teurs. Sil est clair que la RSE dpend des schmas cognitifs des diri-geants des entreprises, il nen reste pas moins que le construit rsulte dune interaction entre lensemble des parties prenantes, chacune pos-sdant sa propre vision de la RSE si lon sen tient la logique de construction sociale de la RSE nonce prcdemment. Une dmarche identique celle envisage au niveau des dirigeants dentreprise peut-tre envisage pour chacune de ces parties prenantes et dans le do-maine de lISR, certains travaux se sont dores et dj dirigs vers cette voie.

    Par exemple, analyser les croyances des investisseurs thiques et comprendre leurs motivations est une tape essentielle toute thorie de linvestissement thique. Actuellement peu dtudes ont t faites en ce sens et on peut rpertorier celles de Lewis et Mackenzie (2000a), (2000b) et de Webley et al. (2001). Ces travaux offrent une vision plus complte des caractristiques des investisseurs thiques et de leurs at-tentes vis--vis des entreprises. Les rsultats de ces recherches empiri-ques offrent un complment indniable aux travaux thoriques et empi-riques sur la RSE et la CSP. Ils ouvrent la voie des perspectives plus larges concernant des recherches sur les croyances des grants de fonds thiques. Ces derniers sont les interlocuteurs entre lentreprise et les investisseurs individuels. Dans une relation dagence, ils se trouvent la fois en position de principal vis--vis des entreprises mais galement dagent vis--vis des investisseurs individuels (Bricker et Chandar, 2000). Leur rle est donc primordial dans linterprtation et la diffu-sion des informations socitales. Une analyse de leur perception de la RSE par le biais dune dmarche cognitive constituerait ds lors un

  • Frdrique Djean, Jean-Pascal Gond 27

    lment essentiel la comprhension de la construction de la RSE, no-tamment en termes de jeux dacteurs et de logiques symboliques.

    Conclusion

    Cette contribution montre que la redcouverte contemporaine du concept de responsabilit socitale des entreprises saccompagne de multiples dbats thoriques et managriaux. Un consensus est encore trouver sur la dfinition et la signification donner ce concept. En outre, tant au plan thorique que managrial, des questions restent po-ses concernant la mise en uvre de stratgies socitales, la mesure de la RSE et les gains financiers quelle peut procurer. Dans ce contexte de convergence des problmes rencontrs par les thoriciens et par les acteurs de terrain, notre analyse nous conduit identifier deux voies de recherche complmentaires susceptibles de contribuer lavancement des travaux et des rsultats obtenus dans le domaine acadmique. Il semble en effet quune dmarche danalyse de la RSE comme cons-truction sociale et cognitive puissent apporter des rsultats significatifs quant la comprhension du construit et affranchir les chercheurs des risques de mise hors tension sociale et idologique du construit, de superposition des ambiguts managriales et empiriques de sa mesure et dauto-validation des croyances quant son impact. En rendant ex-plicites les contradictions latentes la RSE et se donnant les moyens de les expliquer, elle offrirait aux praticiens une image sans doute moins flatteuse mais certainement plus juste des enjeux inhrents aux dimensions socitales de la gestion.

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