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www.lepointensante.com Volume 11, numéro 1 PRINTEMPS 2015 Convention de la Poste-publications n o 40045878 D’une réforme à l’autre… L’inspiration du ministre Barrette : Kaiser Permanente Le silence des gestionnaires… La gestion du changement Portrait et enjeux de la réforme Dépolitiser la gestion du système La gouvernance clinique La revue au service du réseau de la santé La réforme du réseau EN SANTÉ ET SERVICES SOCIAUX

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Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1 /// 1

www.lepointensante.com

Volume 11, numéro 1 PRINTEMPS 2015

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• D’une réforme à l’autre…

• L’inspiration du ministre Barrette : Kaiser Permanente

• Le silence des gestionnaires…

• La gestion du changement

• Portrait et enjeux de la réforme

• Dépolitiser la gestion du système

• La gouvernance clinique

La revue au service du réseau de la santé

La réforme du réseau

EN SANTÉ ET SERVICES SOCIAUX

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18 juin 2015Montréal

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SOMMAIREVol. 11, no 1

PRINTEMPS 2015

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ÉDITORIALD’une réforme à l’autre, où en est la gestion du système de santé? MICHÈLE ST-PIERRE, professeure titulaire Département de management, Faculté des sciences de l’administration, Université LavalLUCILLE JUNEAU, directrice, Direction clientèle soins aux ainés et vieillissement, CHU de Québec et Centre d’excellence sur le vieillissement de Québec

ANALYSESKaiser Permanente : une inspiration pour le Québec ? LÉONARD AUCOIN, président, InfoVeille SantéMARIE-HÉLÈNE JOBIN, directrice, Pôle santé HEC Montréal

La loi 10 et le nouveau visage du système de santé québécois DAVID LEVINE, ex-président-directeur général Agence de la santé et des services sociaux de Montréal

Que donne à entendre le silence des gestionnaires du réseau ? ROBERT BASTIEN, chercheur, direction de santé publique de Montréal – professeur adjoint de clinique Département de médecine sociale et préventive, Université de Montréal

Les territoires de desserte des CISSS et leur constitution – Portrait et enjeux d’une réforme davantage structurelle que cliniqueMADELEINE CHEVRIER, consultante

Le partenariat de soins et services : une voix/voie pour donner un sens à la loi 10 ?MARIE-PASCALE POMEY, professeure agrégée Département d’administration de la santé École de santé publiqueVINCENT DUMEZ, codirecteur patient DCPP, Faculté de médecineANTOINE BOIVIN, professeur adjoint, Département de Médecine familiale et médecine d’urgence Faculté de médecineHASSIBA HIHAT, candidate à la maitrise Département d’administration de la santé École de santé publiquePAULE LEBEL, professeure agrégée, codirectrice médecin, DCPP, Faculté de médecineUniversité de Montréal

L’entrepreneur-médecin et la transformation du réseauGAÉTAN FILION, directeur des affaires médicales et universitaires, Centre montérégien de réadaptation

De la structure au déploiement : maximiser les retombées positives de la loi 10ALAIN RONDEAU, professeur honoraire et directeur associéCAROLINE PARENT, coordonnatrice et chargée de projetsMARIE-HÉLÈNE JOBIN, professeure titulaire et directrice, Pôle santé HEC Montréal

Leviers d’accompagnement d’une transformation réussie : gouvernance, structure, méthodologie et rôlesCÉLINE BAREIL, professeure agrégée, HEC Montréal

La gouvernance clinique à l’heure du PL 10 : un nouvel espace de leadership à occuperDENIS A. ROY, vice-président Science et gouvernance clinique, INESSS

Le réseau et la réforme associée au projet de loi 10JULIEN MICHAUD, consultant

TRIBUNES Une réflexion sur l’impact de l’implantation de la loi 10 sur les conditions d’exercice et de travail des gestionnaires AHMED BENHADJI Psychologue organisationnel conseilYVES BOLDUC, président-directeur général, AGESSSEUGÈNE ABARRATEGUI, coordonnateur d'activités aux affaires juridiques, ressources humaines et formation, AGESSS

Héritage de la vie associative pour le réseau de la santé et des services sociaux CLAUDE BELLEY, directeur général, FQCRDITEDANNE LAUZON, directrice générale, AERDPQDIANE LAVALLÉE, directrice générale, AQESSSALAIN ST-PIERRE, directeur général par intérim, ACJQ

Une dimension professionnelle : à quoi ça sert quand on est infirmière-chef ? CLÉMENCE DALLAIRE, professeure titulaire Faculté des sciences infirmières, Université LavalNATHALIE THIBAULT, directrice des soins infirmiers Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de QuébecSANDRINE HEGG-DELOYE, professionnelle de recherche, Faculté des sciences infirmières Université LavalFRANÇOIS VILLENEUVE, professeur, Unité d’enseignement et de recherche en sciences de la gestion, UQAT

EXPÉRIENCESLes trajectoires de soins et de services des clientèles du CHU de Québec Nouveau regard selon la loi 10 MARTINE DALLAIRE, adjointe au directeur clientèle soins intensifs, traumatologie et neurosciences CHU de Québec, Université Laval

La clinique de mémoire du CSSS du Rocher-Percé HÉLÈNE CHAGNON, infirmière clinicienneDR YVES TURGEON, neuropsychologue CSSS du Rocher-Percé

La gestion du changement dans un contexte de fusion MICHEL MALETTO, conseiller en ressources humaines agrées, spécialisé en développement organisationnel

Proposition d’orientations stratégiques en développement des communautés et santé publique pour le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal CLAUDE DOYON, coordonnateur au développement des communautés et santé publique CSSS de Saint-Léonard et Saint-Michel

Notre mission Le Point en santé et services sociaux a pour mission de mettre à la disposition des intervenants et des intervenantes du milieu les outils appropriés et les in-formations pertinentes leur permettant d’enrichir leurs compétences et leur épa- nouissement professionnel. Le Point en santé et services sociaux est un orga-nisme sans but lucratif.

La réforme du réseau

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Éditeur NormaNd BouchardCoordination à l’édition SuzaNNe PerroNComité éditorialPrésidentGilleS PiNeau, directeur adjoint unité d’oncologie, institut national d’excellence en santé et en services sociaux (iNeSSS)Membresahmed BeNhadji Psychologue organisationnel conseilliSe Bolduc consultante en gestion, mentorat, organisation clinique des services sociauxYveS Bolduc, président-directeur général association des gestionnaires des établissements de santé et de services sociaux (aGeSSS)claude chamPaGNe adjoint intérimaire à la drh chef, développement organisationnel cSSS de Saint-jérômedaNiel corBeil, PdGa ciSSS des laurentidesdomiNique derome conseillère en gestionjacqueS FortiN, adjoint à la direction générale par intérim, ciSSS de la montérégie-centrelucille juNeau directrice clientèle soins aux aînés et vieillissement chu de québec, centre d'excellence sur le vieillissement de québec

liSe lamothe vice-doyenne aux études École de santé publique université de montréalaNNick lavoie administrateur agrééjulieN michaud consultant/coach, julien michaud inc. enseignant - microprogramme gestion du changement et responsabilité populationnelle daSum - université de montréalPierre Paul milette directeur général adjoint Santé physique générale et spécialisée directeur des services multidisciplinaires ciuSSS centre-est-de-l’Île-de-montréalNathalie rodriGue, présidente ordre professionnel des technologistes médicaux du québecmichèle St-Pierre Professeure titulaire Faculté des sciences de l’administration université lavalComité de lecturejacqueS FortiN, lucille juNeau, aNNick lavoie, Nathalie rodriGue, julieN michaud Collaboration à la présente éditioneuGèNe aBarrateGui, lÉoNard aucoiN, cÉliNe Bareil, roBert BaStieN, claude BelleY, ahmed BeNhadji, aNtoiNe BoiviN, YveS Bolduc, hÉlèNe chaGNoN, madeleiNe chevrier, clÉmeNce dallaire, martiNe dallaire, claude doYoN, viNceNt dumez, GaÉtaN FilioN, haSSiBa hihat, SaNdriNe heGG-deloYe, marie-hÉlèNe joBiN, lucille juNeau, aNNe lauzoN, diaNe lavallÉe, Paule leBel, david leviNe, michel maletto, julieN michaud, caroliNe PareNt, marie-PaScale PomeY, alaiN roNdeau, deNiS a. roY, alaiN St-Pierre, michèle St-Pierre, Nathalie thiBault, YveS turGeoN, FraNçoiS villeNeuve

Ventes et marketing aNdrÉ Falardeau 514 277-4544, poste 239

Développement et projets spéciaux chriStiaN GreNier 514 277-4544, poste 233

Service à la clientèle, abonnements et tirage Nathalie Brochu 514 277-4544, poste 234 [email protected]

Révision linguistique et correction d’épreuves SuzaNNe PerroNGraphisme deNiSe du Paul

Abonnementsau canada : 1 an (4 numéros) = 49,95 $, 2 ans (8 numéros) = 69,95 $,un numéro, 14,95 $, plus les taxes qui s’appliquent à ces tarifs.

Dépôt légalBibliothèque et archives nationales du québecBibliothèque nationale du canadaISSN 1911-7221

convention de la poste-publications no 40045878retourner toute correspondance ne pouvantêtre livrée au canada à :1360, avenue de la Gare, 2e étagemascouche (québec), canada j7k 2z2tél. : 514 277-4544, poste 2281 888 832-3031 poste 228 téléc. : 514 [email protected] - www.lepointensante.com

Tous droits réservés. Le contenu de la revue, en tout ou en partie, ne peut être reproduit sans autorisation de l’éditeur.

Indexé dans REPÈRE

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:DANS LE PROCHAIN NUMÉRO

La responsabilité sociale — Volume 11, no 2 – La reNTrée 2015 Depuis plusieurs années, la pression sociale est telle que les organisations n’ont d’autres choix que d’être proactives et innovantes en ce qui a trait au respect des individus, au maintien de l’intégrité de l’environnement et à l’atteinte de l’équité sociale. Les gestionnaires

d’aujourd’hui et de demain devront intégrer ce principe d’action évolutif afin de répondre à l’appel pressant de faire différemment et mieux. Ainsi donc, le quantitatif du faire plus avec moins cèdera la place au qualitatif dans les organisations.

Cette prise de conscience favorise la responsabilisation de nos établissements de santé et de services sociaux qui se situe à trois niveaux : des initiatives telles que l’impression recto verso, la récupération de papier et carton et l’économie d’énergie et d’eau – des approches intégrées, soit le développement d’une politique d’achat responsable, l’utilisation d’une approche cycle de vie qui se veut

intégrée dans les valeurs de l’organisation – et l’approche sociale et éthique où l’organisation se conforme à la norme ISO 26000, adhère à une idéologie de responsabilité sociale des entreprises et utilise l’approche sociale du cycle de vie.

Il est possible pour les établissements de travailler sur le plan du pilier social, en s’assurant, notamment, de mettre en place de meilleures pratiques dans le domaine des relations de travail, de la gouvernance et de la transparence; de mobiliser les ressources, d’encadrer et promouvoir la formation de la main-d’œuvre et de se conformer aux principes de santé et sécurité au travail. D’autre part,

les établissements ont le pouvoir de travailler sur le pilier environnemental, comme mentionné précédemment.

L’objectif poursuivi par ce numéro de la revue est de proposer une réflexion d’abord sur l’état réel du concept de responsabilité sociale au sein de notre réseau, puis d’établir des comparaisons avec ce qui se fait ailleurs.

Nous avons donc réuni différents points de vue sur la question afin de mieux en connaitre les différents tenants et aboutissants et entrevoir les changements à effectuer le cas échéant.

LA SUItE DU vOLUME 11 • Le financement du système de santé – Tome 1 – AUTOMNE 2015

• Le financement du système de santé – Tome 2 – HIVER 2015 - 2016

vOLUME 12 • Les dimensions critiques de la mise en œuvre des réformes feront l’objet des numéros du volume 12

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d’uNe réforme à L’auTre, où eN esT La gesTioN du sysTème de saNTé ?Le ministre Barrette, comme d’autres avant lui, entreprend une réforme majeure de notre sys-tème de santé. Cette fois, on parle moins de gestion que de gouvernance centralisée. Doré-navant, le réseau québécois de la santé sera réduit de plus de 80 % de ses établissements. Il n’est plus question maintenant d’agences ré-gionales de la santé et des services sociaux, de centres hospitaliers universitaires, de cen-tres hospitaliers, de centres de santé et de services sociaux (CSSS), de centres de réadap-tation (déficience intellectuelle, dépendances, déficience physique, difficultés d’adaptation), de centres jeunesse et d’instituts universitaires en santé mentale, de réadaptation en déficience physique et de gériatrie, mais de Centres inté-grés de santé et de services sociaux (CISSS), de Centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS) et de quelques centres hospitaliers universitaires et instituts de cardiologie et de pneumologie.

Dans ce cadre de centralisation administra-tive, la loi 10 (Loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l’abolition des agences régionales) confère au ministre de la Santé et des Services sociaux les fonc-tions et pouvoirs de nomination et de révoca-tion des administrateurs et hauts dirigeants des établissements, de rémunération des pré-sidents directeurs généraux (PDG) et des PDG adjoints des établissements, de modification et de création de corridors de services, ainsi que de coordination des activités entre les éta-blissements et d’allocation des ressources. De plus, la loi 10 attribue au ministre le droit de prescrire des règles relatives à la structure organisationnelle de la direction des établisse-ments, de mettre en place des programmes et de permettre une réorganisation et une gestion différentes de la prestation des services aux usa- gers. À partir de là est annoncée une refonte importante des normes, des directives, de cer-taines lois et de divers règlements concernant, entres autres, la main-d’œuvre, le financement, les ententes de gestion, la reddition de comp-tes et l’allocation des ressources.

Le vecteur commun à toutes les modalités sous-jacentes à cette réforme semble se loger

à l’enseigne de l’amélioration de l’accès aux services à la population, de la qualité et de la sécurité, qui pour sa part passe par la conti- nuité des services entre les établissements. Lors des deux dernières réformes, les ministres de la santé Rochon (septembre 1994 à décem-bre 1998) et Couillard (avril 2003 à juin 2008), qui ont aussi conduit des réorganisations de structures à cette fin, ont retenu que pour réus-sir de telles réformes, il était avant tout fon- damental de se préoccuper des modifications des pratiques et des modes de fonctionne- ment. Pour ce faire, la contribution des ges- tionnaires a été considérée essentielle pour participer à la conduite, au soutien et à la mo-bilisation de ces transformations (Entrevues, Le Point, vol. 10, no 2)1.

Aujourd’hui, plusieurs questions se posent quant à l’avenir des gestionnaires du réseau de la santé et des services sociaux et de l’espace qui leur sera réservé pour mener à bien la nou-velle réforme en cours. Comment la centralisa-tion des pouvoirs et des décisions pourra-t-elle permettre aux gestionnaires de favoriser la proximité des soins et services ? Comment faire pour assumer un leadership mobilisateur, visant à favoriser l’intégration et la coordina-tion d’équipes provenant d’organisations mar-quées par la liberté professionnelle, dans un contexte de marge de manœuvre de gestion réduite ? Comment favoriser l’innovation dans les façons de faire et la responsabilisation des niveaux locaux dans une grande bureaucra-tie centralisée ? Quelle est la voie / voix des gestionnaires dans cette réforme ? Quel con-trepoids les usagers du réseau de la santé et des services sociaux exerceront-ils sur la prise de décision ?

Toutes ces questions et bien d’autres sont au cœur des enjeux de gestion qui préoccupent les gestionnaires soumis à une nouvelle ré-forme de la santé. Ce numéro lance la réflexion qui, nous l’espérons, continuera à être por-teuse de réelles solutions pour que « l’appareil d’encadrement » (Entrevue de M. Couillard, Le Point, vol. 10, no 2) puisse réaliser avec ef-ficacité et efficience, mais aussi dans le res-pect des acteurs du réseau et des usagers, les mandats qui lui sont confiés. ///

Comment faire pour assumer un leadership mobilisateur,

visant à favoriser l’intégration et la coordination

d’équipes provenant d’organisations marquées par

la liberté profes-sionnelle, dans un

contexte de marge de manœuvre de gestion réduite ?

Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1 /// 5

1. Deux entrevues réalisées par Le Point en santé et services sociaux au début de l’année 2010 et publiées dans le volume 6, numéro 1, édition Printemps 2010, sous le thème 5 ans de réforme : qu’avons-nous amélioré ? – Elles furent publiées de nouveau dans le Volume 10, numéro 2, dans le cadre du numéro thématique L’approche populationnelle, édition de La rentrée 2014.

MICHÈLE ST-PIERRE Professeur titulaire

Département de management Faculté des sciences de l'administration

Université Laval

LUCILLE JUNEAU Directrice, direction clientèle soins

aux ainés et vieillissementCHU de Québec et Centre d’excellence

sur le vieillissement de Québec

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ANAL

YSE

Kaiser PermaNeNTe : uNe iNsPiraTioN Pour Le Québec ?

Article no 11.01.04 Mots-clés : réforme, Kaiser Permanente, gestion intégrée, responsabilités et imputabilité des médecins, prévention, évaluation des résultats.

Le ministre Barrette dit s’inspirer du modèle de Kaiser Permanente (KP), une organisation très performante aux États-Unis. L’intérêt que le Dr Barrette porte à ce modèle phare ne peut que nous réjouir. Cependant, le cadre d’action de ce HMO1 américain est bien différent du nôtre et ce modèle ne peut pas s’appliquer tel quel au Québec. Si l’on souhaite se rapprocher des résultats de KP, des transformations majeures et des adaptations imaginatives devront être ap-portées à notre cadre législatif et règlementaire, de même qu’à la dynamique entre les acteurs du réseau. Il faudra de plus viser un changement profond des pratiques et de la culture de nos organisations de santé. Dans cet article, nous dressons un portrait du modèle de Kaiser Permanente et en explorons les facteurs de succès. Nous complétons par une discussion sur les changements à apporter à notre réseau pour nous rapprocher du modèle de KP.

Bref, si le ministre est sérieux dans son intention de rapprocher le modèle québécois de celui de KP, des travaux titanesques l’attendent.

UN MODèLE DE CLASSE MONDIALEKaiser Permanente figure parmi les 20 meilleurs plans d’assurance santé aux États-Unis et rafle la palme au chapitre de la satisfaction des patients et de la sécurité des soins. Les agences d’évaluation certifient année après année la performance exceptionnelle du groupe KP.

Bien que les services de santé offerts par KP ne soient pas tous exceptionnels, il demeure que ce HMO a su atteindre une qualité remarquable dans plusieurs pathologies (cardiopathies et diabète entre autres). La qualité générale des hôpitaux du groupe KP et le rapport cout-efficacité des services offerts sont aussi reconnus. KP se différencie des autres systèmes de santé américains par son leadership innovateur et par la qualité de ses systèmes d’information clinique.

Une étude du Commonwealth Fund en 20092 expliquait l’excellente performance de KP par la présence de six caractéristiques idéales d’un système de soins de santé :

Le réseau de la santé et des services sociaux du Québec s’engage dans un vaste mouvement de fusion à la suite de l’adoption de la loi 10. À l’horizon, se pointent d’autres actions vigoureuses promises par le ministre Barrette. Parallèlement, nous constatons que « le modèle québécois » de la santé, bien imparfait, nécessite des améliorations en profondeur. Nous sommes à la recherche d’inspiration et de modèles pour nous aider à le transformer.

/// 6 Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1

1. Health Maintenance Organization2. http://www.commonwealthfund.org/~/media/Files/Publications/Case%20Study/2009/Jun/1278_McCarthy_Kaiser_case_

study_624_update.pdf

LÉONARD AUCOIN M. Ps., MPH

Président, InfoVeille Santé

MARIE-HÉLÈNE JOBINMBA, Ph. D.

Directrice Pôle santé HEC Montréal

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Finalement, le Permanente Federation regroupe tous les mé-decins qui pratiquent au sein de KP grâce à une relation con-tractuelle exclusive. C’est une entité à but lucratif, surtout à des fins fiscales. Kaiser Permanente est décentralisé en sept régions et on retrouve, dans chacune, la triade corporative.

En 2013, le groupe comptait 38 hôpitaux, 608 cliniques, 174 400 employés, 17 400 médecins et 48 300 infirmières. On y a fait 93 700 accouchements et 36,5 millions de visites médicales. Le revenu annuel fut de 53,1 milliards de dollars US. C’est beau-coup plus élevé que le budget annuel du Québec en santé mais, dans le contexte américain, KP à un bien meilleur cout / efficacité que d’autres systèmes.

FACtEURS CLÉS DE SUCCèSPour comprendre en quoi KP peut servir d’inspiration, il nous faut en identifier les facteurs clés de succès.

Modèle intégré de gouvernance et de gestion Au Québec, la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) est gérée de façon indépendante du réseau de la santé. Chez KP, il n’y a pas de « silos » budgétaires. Le modèle de KP repose sur une intégration des fonctions d’assureur, d’acheteur et de prestataire de soins. C’est aussi une intégration stratégique, clinique et budgétaire complète. Cette gouvernance et ges-tion intégrée, sur le plan corporatif, se fait au sein du Kaiser Permanente Partnership Group (KPPG). Le KPPG est composé de représentants des médecins (Permanente Federation) et des administrateurs (Health Plan et Hospitals). On y discute

• Accès facile aux soins appropriés; • Continuité et fluidité de l’information clinique;• Travail collaboratif et interdisciplinaire et évaluation

par les pairs;• Coordination des soins et gestion des transitions entre

lieux de soins;• Imputabilité claire pour l’ensemble des soins aux patients;• Innovation et apprentissage continus pour améliorer la

qualité, la valeur et l’expérience patient.

Bien que la compétition soit féroce sous la frontière, le groupe réussit, année après année, à maintenir un haut niveau de qualité de services à ses membres et dispute aux meilleurs hôpitaux et HMO américains les premiers rangs dans les marchés qu’ils desservent.

ORIgINE Et CONStItUANtES DU MODèLELe modèle de Kaiser Permanente ne s’est pas bâti en un jour. Son origine remonte à 1933, durant la Grande Dépression, en Californie. Un médecin, le Dr Sydney Garfield, offre ses servi- ces à un important chantier de construction de barrage. Il pro-pose de limiter les accidents de travail et d’assurer la santé des travailleurs en étant payé sous forme de capitation. Pour limiter le recours aux soins de santé et rendre l’opération rentable, il met l’accent sur la prévention et l’éducation à la santé, à la maison comme au travail. Il développe son modèle sur d’autres grands chantiers de construction et crée ainsi le premier « Prepaid group practice » aux États-Unis.

Durant la Deuxième Guerre mondiale, le Dr Garfield s’associe à l’industriel Henry J. Kaiser qui cherche à maximiser la productivité des travailleurs de ses chantiers pour la cons-truction des Liberty Ships. Avec l’appui du gouvernement, le Dr Garfield et Kaiser fondent le premier HMO pour desservir une population de 30 000 travailleurs.

Au sortir de la guerre, les usines Kaiser sont reconverties dans la production civile et le nombre de travailleurs passe de 90 000 à 13 000. M. Kaiser et le Dr Garfield poursuivent leur as-sociation et offrent leur modèle de capitation à l’ensemble de la population. Ils fondent le Kaiser Permanente Health Plan. Bientôt, un groupe de médecins participants s’organise et forme le Permanente Medical Group. Au cours des années 50, la formule Kaiser Permanente prend de l’expansion sur la côte ouest3, avec l’appui des grands syndicats ouvriers.

Aujourd’hui, Kaiser Permanente dessert une population de plus de 9 millions d’assurés. Sur le plan corporatif, trois entités distinctes fonctionnent en synergie. Tout d’abord, le Kaiser Foundation Health Plan assure la population desservie par une capitation de chaque membre assuré, variable selon le plan d’assurance choisi (individuel, familial, de groupe). Cette entité est à but non lucratif. Le Kaiser Foundation Hospitals regroupe des professionnels de la santé et des gestionnaires qui offrent les services de soins et de prévention à la popu-lation assurée, à travers un ensemble d’installations hospita-lières et communautaires. C’est une entité à but non lucratif.

Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1 /// 7

3. Encore aujourd’hui, Kaiser Permanente est très concentré sur la côte ouest (Californie, Oregon, Washington, Colorado).

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de gouvernance, de vision et d’orientations stratégiques na-tionales, de politiques corporatives et d’investissements. Le KPPG est le responsable corporatif de la qualité des soins, de la performance financière et du réinvestissement des marges dégagées, notamment les investissements en innovation et en technologies de l’information.

Il y a dans chacune des 7 régions l’équivalent d’un KPPG qui assure la gestion intégrée de la région dans le respect des orientations stratégiques définies par le palier national. Les médecins sont des cogestionnaires cliniques et administra-tifs au palier régional et local, dans une structure semblable à la structure nationale. Les médecins sont des partenaires cliniques et des partenaires d’affaires.

Responsabilité et imputabilité collective des médecins Les médecins de KP ne sont pas des employés des établisse-ments. Ils sont liés, par contrat, à leur Permanente Medical Group (PMG) régional qui, de son côté, est le partenaire cli-nique et d’affaires du Kaiser Foundation Health Plan and Hos-pitals de la région. Conséquemment, les médecins ne sont pas des entrepreneurs indépendants.

En signant un contrat avec leur PMG régional, les médecins deviennent collectivement coresponsables et co-imputables de la pertinence et de la qualité des services, de la qualité de l’expérience-patient, de l’utilisation optimale des ressources et des objectifs d’affaires de KP. Ils ont aussi une responsabi-lité collective face à l’état de santé de leur population régionale.

Par ailleurs, chaque médecin est évalué annuellement par ses pairs sur la base d’indicateurs cliniques et d’utilisation des ressources. Ainsi, un médecin qui prescrirait avec libéralité certains tests diagnostiques devrait justifier sa pratique au-près de ses pairs.

Le modèle de rémunération est adapté à cette responsabilité collective. Tous les médecins de KP sont payés à salaire. Ils peuvent recevoir un bonus de groupe, en deçà de 5 %, en fonc- tion d’indicateurs de résultats. Ils ont par ailleurs accès à un panier de services et d’avantages sociaux bien garni (vacances, couverture médicale, assurance, etc.). Somme toute, leur ré-munération reste concurrentielle dans le contexte américain.

Les médecins de KP jouent un rôle actif dans la gouvernance et la gestion du système. Ceux qui accèdent à des postes de gestion doivent être formés. On exige minimalement une for-mation intensive de deux semaines pour tous les médecins qui s’engagent dans cette voie. Plusieurs médecins gestion-naires ont des formations beaucoup plus étoffées en gestion. La prise en charge de fonctions administratives n’a pas la connotation négative qu’elle porte au Québec. Il s’agit d’un moyen différent d’améliorer la qualité des soins et l’efficacité du système au bénéfice des patients.

Le modèle KP n’attire pas tous les médecins. KP choisit ses médecins en fonction de leur adhésion à ses valeurs fonda-mentales et à sa vision de l’organisation des soins de santé. KP a l’embarras du choix : l’organisation reçoit neuf demandes de médecins intéressés pour un médecin choisi.

Une vision claire et cohérenteLe maintien de la santé est prioritaire chez KP. Il en découle des principes directeurs qui encadrent les actions cliniques et de gestion :• Approche populationnelle épidémiologique;• Accent sur la promotion de la santé et la prévention des

maladies;• Interdisciplinarité, travail d’équipe et responsabilité

collective des résultats;• Prise en charge intégrée de tous les niveaux de soins et

services, en équipe, par le médecin de première ligne;• Coordination de la trajectoire complète de soins et services

par cette équipe, surtout en maladies chroniques;• Responsabilisation des patients, des proches et de

la communauté face à leur santé.

Chez KP, on mise beaucoup plus que chez nous sur les activi- tés de prévention, de promotion de la santé et sur le traite-ment des maladies chroniques, d’abord pour le maintien de la santé mais aussi pour les économies de couts à long terme.

Cette vision claire et cohérente sert aussi de guide pour ali-gner et intégrer culture, stratégie, structure, ressources hu-maines et financières, technologies.

Une centralisation à géométrie variableDans le système KP, les activités de soutien sont, pour l’es-sentiel, centralisées mais déconcentrées. C’est le cas de la gestion des ressources humaines, financières et matérielles. Il en va de même des technologies de l’information, des com-munications et de l’approvisionnement qui sont aussi centrali-sées, de même que la recherche et l’innovation.

À l’inverse, les activités cliniques et de promotion de la santé sont décentralisées pour s’adapter aux besoins régionaux et

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l’efficience, dans la mise en place de nouvelles technologies, en formation, en évaluation ou en recherche. Une série d’initia-tives de prévention ou de promotion de la santé ont aussi été mises de l’avant dans les écoles et les communautés.

DES DÉFIS MAjEURSL’organisation québécoise des services de santé est, elle aussi, tributaire de son histoire, de la dynamique de ses acteurs et de ses tentatives répétées de réorganisation.

Si nous nous comparons à Kaiser Permanente, nous avons au Québec un « non-système » caractérisé par une absence de vision claire et cohérente, l’incertitude, l’instabilité4, la gestion « en silo », les relations conflictuelles entre méde-cins et gestionnaires, la médiatisation de l’anecdote et son corollaire, le micro-management politisé et centralisé.

L’approche budgétaire y est morcelée et à court terme. Il n’y a pas de gestion pluriannuelle et pas d’approche sérieuse d’investissement. Après des années d’efforts et d’essais– erreurs, on peine à faire émerger le dossier médical électro-nique, les infrastructures informationnelles sont inadéquates et la capacité d’analyse des données cliniques et population-nelles est médiocre. Ce portrait à peine « caricatural » illustre bien, à notre avis, les écarts entre le Québec et KP sur le plan organisationnel.

Si l’on veut s’inspirer du modèle KP, il faut cerner quelles transformations majeures permettraient au Québec de se rap-procher des facteurs clés de succès de KP. Nous en voyons au moins trois.

1. Un coup de barre dans le rôle de l’état et dans la gouvernance du système

Nous avons un système essentiellement public. L’état doit donc présenter une vision et des orientations claires et fixer des résultats globaux à atteindre en termes de santé. Il doit, par sa législation et sa règlementation, donner du « sens » et de la cohérence au système. Par ses modalités d’allocation des ressources financières, il doit donner les leviers, la marge de manœuvre et la flexibilité nécessaires à l’atteinte des ré-sultats. Il doit enfin demander des comptes en lien avec les

locaux. Cependant, on s’assure d’une cohérence des actions en centralisant les activités stratégiques telles l’élaboration de la vision, les grandes politiques et les stratégies d’entreprise.

L’évolution et l’évaluation des pratiques cliniques, le soutien à l’innovation et la recherche sont encadrés pour le groupe, mais chaque région est responsable de contribuer activement à leur développement et de les déployer.

Il s’agit donc d’une décentralisation dans le déploiement mais d’une coordination centrale forte. On mise aussi beau-coup sur la mutualisation des ressources pour les fonctions de soutien, économisant ainsi des couts de système.

Utilisation exemplaire des technologies de l’informationL’expérience-patient chez KP se distingue par plusieurs points mais c’est au chapitre de l’utilisation des TI que les différen-ces sont les plus notables.

Depuis plus de cinq ans, les assurés de KP ont accès en tout temps au portail My Health Manager. Ce portail permet aux assurés de prendre des rendez-vous en ligne, renouveler des ordonnances, consulter les résultats de leurs tests de labo-ratoire et correspondre avec les intervenants cliniques ou administratifs. Il permet à l’assuré de consulter en tout temps son dossier médical ou pharmaceutique et de suivre ses dé-penses de santé. Il lui donne accès à une foule de services de prévention et de promotion de la santé. Le portail est utilisé par 4,4 millions de membres adultes. My Health Manager est aussi disponible en version mobile.

Ce portail est relié au système Health Connect, le plus grand dossier médical électronique intégré au monde, accessible à tous les professionnels de la santé peu importe leur lieu de pratique. De plus, Health Connect offre une base de données complète pour assurer les études populationnelles et clini-ques et faciliter l’analyse des ressources utilisées. Il permet le développement d’outils d’aide à la décision, de guides de pratique clinique, de même que d’indicateurs cliniques et de gestion qui sont utilisés pour mesurer la performance des équipes et des médecins. Le soutien de Health Connect est essentiel à l’évaluation par les pairs.

Chez KP, l’information prime sur la technologie qui est perçue comme un outil. Les investissements ont été gigantesques : plus de 4 milliards en 10 ans. La prise en charge de ce déve-loppement a été confiée non pas à des firmes conseils mais à des cliniciens et gestionnaires cliniques dont quelques méde-cins qui en ont assuré le leadership.

Pratiques d’investissement à long termeLe développement des technologies chez KP démontre bien les pratiques d’investissement à long terme mises de l’avant par le groupe pour en assurer la pérennité. Cette notion de pé- rennité est fortement ancrée dans la culture de l’organisation. Elle prend probablement sa source dans la vision claire et co-hérente de KP.

Dès que des marges bénéficiaires sont dégagées, elles sont investies dans des projets d’amélioration de la qualité ou de

Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1 /// 94. 1994-2014 : huit ministres titulaires du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).

L’État ne peut et ne doit pas être le gestionnaire du

système de santé. À notre avis, la gestion

de la santé doit être dépolitisée et la fonction

de gestion revalorisée.

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résultats globaux et l’utilisation des ressources. Au-delà de ce rôle politique essentiel, l’État ne peut et ne doit pas être le gestionnaire du système de santé. À notre avis, la ges-tion de la santé doit être dépolitisée et la fonction de gestion revalorisée.

Peu importe le modèle que le Québec se donnera, il faut aussi un coup de barre dans la gouvernance du système. Il faut des pratiques de gouvernance favorisant la vision à long terme et la responsabilisation des administrateurs et des gestion-naires. Il faut doter le système d’une structure de gouver-nance forte et autonome qui aura certes à répondre devant l’Assemblée Nationale de la mise en actions des orientations nationales, des résultats globaux obtenus et de l’utilisation des ressources allouées, mais certainement pas des détails de microgestion.

Certaines fonctions ont avantage à être mutualisées et gérées de façon centralisée, mais il faut que les responsables locaux aient la latitude d’adapter les services aux besoins de leur population locale. Il convient réciproquement de les rendre imputables des résultats.

2. Le corps médical comme « partenaire » de gouvernance et de gestion, collectivement responsable et imputable

Dans cette transformation de la structure de gouvernance, le rapport avec les médecins doit être profondément modifié. Les médecins devraient, collectivement, participer plus ac-tivement à la gouvernance et à la gestion du système de san-té, non pas dans une approche antagoniste – syndicale mais dans un véritable partenariat. Ce partenariat collectif doit s’étendre à tous les médecins, qu’ils pratiquent en établisse-ment ou en clinique.

Un tel partenariat implique de partager une vision et des orientations communes traduites dans des ententes contrac-tuelles avec des objectifs de résultats et un processus rigou-reux d’évaluation par les pairs. Il faut que les modalités de rémunération soient adaptées aux résultats visés. De plus en plus de systèmes de santé s’éloignent du paiement à l’acte. C’est le cas de KP mais c’est aussi le cas de la Mayo Clinic et de la Cleveland Clinic aux États-Unis.

Il faut des incitatifs plus généreux pour les médecins qui ac-ceptent d’exercer des fonctions de gestion. Il faut leur per-mettre de développer leurs compétences en gestion, il faut les former. La professionnalisation de ces fonctions est es-sentielle pour assumer les rôles de gouvernance et de gestion envisagés.

Sur le plan clinique, l’interdisciplinarité et le travail collabora-tif, en équipe, et avec la participation du patient, doivent être valorisés. La complexité des problèmes de santé et sociaux exige ce genre de collaboration.

3. Un système intelligent, innovant et dynamique

Le rôle de la RAMQ doit changer fondamentalement. Sa fonction d’agent payeur doit migrer vers un rôle d’évaluation et d’intelligence clinique pour analyser et faire évoluer les pratiques, en collaboration avec les professionnels et les gestionnaires du réseau.

Il nous faut rattraper le retard énorme dans le développe-ment et l’intégration de nos systèmes d’information cliniques, opérationnels et financiers. L’expérience de KP est éclairante : la véritable amélioration continue passe par des informations fiables et accessibles, partagées avec les équipes interdisci-plinaires cliniques et les gestionnaires.

L’amélioration des processus demande aussi une plus grande souplesse des règles syndicales et des logiques de protec-tion professionnelle. Il faut faire confiance à l’expérience et à l’expertise des acteurs sur le terrain. Il faut les habiliter à agir, à collaborer avec les autres, à partager de l’information et de l’expérience, à faire émerger des solutions adaptées à leur environnement, à les évaluer, bref à innover.

UN vAStE CHANtIER EN PERSPECtIvENous avons tracé les contours d’un des modèles les plus per-formants au monde, le modèle Kaiser Permanente qui, de par sa taille et son ambition, peut sembler pertinent pour le con-texte québécois. Si nous souhaitons vraiment nous inspirer de ce modèle, nous ne pourrons pas faire l’économie de trans-formations majeures qui toucheront des pratiques cliniques, de gouvernance et de gestion profondément ancrées dans notre « non-système ». L’expérience de Kaiser Permanente démontre que c’est possible.

Comme disait Goethe : « Il ne suffit pas de savoir, il faut ap-pliquer. Il ne suffit pas de vouloir, il faut agir. » Encore faut-il savoir où on s’en va. Les projets de loi en cours à Québec sont, pour l’instant, loin d’être clairs à ce sujet. ///

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4. 1994-2014 : huit ministres titulaires du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).

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ANAL

YSE

La Loi 10 eT Le NouVeau Visage du sysTème de saNTé Québécois

Article no 11.01.03 Mots-clés : centralisation, loi 10, réforme, bureaucratisation, leadership, modèle à 2 paliers, régionalisation.

La réforme du système de santé de 2004 fut mise en place par le Dr Philippe Couillard, ministre de la Santé de l’époque. Elle découlait des recommandations des Commissions Rochon et Clair au Québec et avait pour objectif d’intégrer les services et d’assurer un meilleur continuum de soins. Chaque autorité régionale avait été mise à contribution pour effectuer un processus de consultation permettant d’identifier les établissements de soins de santé qui devraient fusion-ner pour former une nouvelle organisation ayant la responsabilité de la santé de la population d’un territoire géographique donné. Les Centres de santé et de services sociaux (CSSS) furent créés sous forme de système à trois paliers, à l’intérieur desquels le ministre était responsable des directives et des politiques, les agences régionales se chargeaient de la coordination ré-gionale, et le CSSS lui-même assurait la gestion des services adaptés aux besoins de sa popu-lation. Les CSSS avaient aussi le mandat de mettre en place des réseaux locaux de services (RLS) qui agiraient comme intégrateur des énergies, des initiatives et des programmes des multiples acteurs dans chaque région afin de conjuguer leurs efforts pour améliorer la santé de leur population.

Cette réforme comprenait la création d’un modèle de responsabilité populationnelle intégrant les hôpitaux, les Centres locaux de services communautaires (CLSC) et les Centres d’héberge-ment et de soins de longue durée (CHSLD) dans de nouveaux réseaux de santé et services so-ciaux responsables d’une population définie. On vit ainsi la création de 93 réseaux couvrant les 17 régions sociosanitaires du Québec. Dix ans après la mise en place de ce modèle de soins, on commençait à constater ses bienfaits sur le système de santé. Il avait fallu cinq ans pour consolider les fusions avant de pouvoir se concentrer sur le continuum de soins et services, la responsabilité clinique et la gestion des maladies chroniques. Les relations se renforçaient entre les différents acteurs au sein du réseau et la confiance commençait finalement à s’installer.

La priorité du nouveau gouvernement élu au Québec en 2014 portait sur la réduction des dépenses publiques; ce qui a servi à préparer le terrain pour introduire une nouvelle réforme des structures et du fonctionnement du système sociosanitaire québécois. Mais cette fois, par contre, les consultations et la participation des régions au processus de planification étaient absentes.

La réorganisation du système de santé découlant de l’adoption du projet de loi 10 a réduit le nombre d’établissements de 182 à 34, avec la création des Centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) et des Centres intégrés universitaires (CIUSSS). Sous la supervision du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), ces centres assumeront à la fois le rôle d’une agence régionale et celui de dispenser l’ensemble des services à la population de leur région, toutes missions confondues. En effet, pour la première fois dans l’histoire du système québécois de santé et de services sociaux, une seule organisation est responsable des différentes missions de sa région : les soins de courte et de longue durée, les services de réadaptation pour les personnes handicapées physiques et intellectuelles, la protection de la jeunesse et les hôpitaux psychiatriques. Le gouvernement estime que cela permettra une meilleure intégration des services et du continuum de soins pour les usagers, une gestion et

DAVID LEVINE Ex-président-directeur général

Agence de la santé et des services sociaux de Montréal

Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1 /// 11

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qu’ils sont soutenus et encouragés par leur organisation. Ce n’est déjà pas facile pour un PDG de créer un tel envi-ronnement au sein d’un seul établissement dont il ou elle est responsable. Arriver à le faire pour 10 à 15 établissements différents comportant des missions variées et 8 000 à 15 000 employés représente donc un défi colossal. La façon de faire d’autres systèmes de santé canadiens à deux paliers fut la mise en place d’une bureaucratie axée principalement sur le contrôle. La direction y a perdu en termes de flexibilité et d’innovation en raison des niveaux de suivi et de reddition de comptes mis en place. Les projets prennent plus de temps à être approuvés et les professionnels qui offrent les services de première ligne voient leur leadership s’effriter. Les cadres intermédiaires sont frustrés, n’ayant pas leur mot à dire dans la prise de décision; on s’attend simplement à ce qu’ils exé-cutent les directives.

La nouvelle réforme concentre la prise de décisions entre les mains du ministre. Celui-ci a maintenant le pouvoir de dé-signer tous les membres du conseil d’administration (CA) ainsi que le PDG de l’organisation. Le ministre pourra prescrire les règles de la structure organisationnelle de la direction des nouveaux établissements et de tous les programmes offerts. Il nomme aussi le numéro deux, le PDGA, qui remplace le PDG en son absence. Le CA qui, par le passé, eut toujours comme mandat la sélection du PDG, ne sera plus l’employeur de celui-ci. Le ministre nomme même le président du CA.

Cette nouvelle dynamique du système de santé québécois modifie fondamentalement le rôle du PDG, à tel point que je me demande si ce titre est toujours approprié. Puisque l’État nomme le PDG, cela lui confère un statut de sous-ministre, avec les obligations légales que cela comporte. Ainsi, le PDG ne peut plus critiquer ou remettre en question les actions ou les politiques gouvernementales. Les nouveaux PDG ne sont plus autorisés à mettre publiquement de l’avant des idées et innovations sans obtenir au préalable l’autorisation de l’État, puisqu’un PDG nommé par celui-ci s’exprime toujours au nom du gouvernement. Étant donné que ces PDG peuvent cons-tituer l’unique barrière contre une centralisation complète, j’ai le sentiment que la façon dont chacun assumera ce nouveau

une circulation de l’information clinique améliorées, moins de bureaucratie et un allègement de la gouvernance, le tout gé-nérant à terme des économies de 220 millions de dollars.

L’évolution vers un système à deux paliers dans lequel les ins-tances régionales (CISSS) sont en contrôle direct de la pres-tation de services n’est pas en soi une mauvaise façon d’offrir des soins. Cela facilite la mise en place de programmes régionaux et assure une meilleure fluidité des services. Ce-pendant, un danger certain réside dans la gouvernance cen-tralisée du système et dans la bureaucratisation des soins, alors que le ministre et le MSSS essaient de contrôler et gérer les couts. Les nouvelles organisations sont si énormes que leurs dirigeants courent le risque de se déconnecter des pro- fessionnels qui assurent la prestation des soins. Les personnes qui y travaillent et qui offrent les soins risquent quant à elles de perdre leur sentiment d’appartenance à l’établissement ainsi que leur fierté par rapport au travail accompli par leur organisation. La réforme pourrait faire plus de mal que de bien si ces écueils ne sont pas évités.

Les soins de santé sont un acte très intime et lorsque nous sommes malades ou que nous souffrons, nous voulons rece-voir des soins de la part de gens qui aiment leur travail parce

/// 12 Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1

Ainsi, le PDG ne peut plus critiquer ou remettre en question les actions ou les politiques gouvernementales.

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Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1 /// 13

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statut dans les régions déterminera la nouvelle dynamique des soins de santé au Québec.

Chaque PDG devient une extension du ministre dans sa pro-pre région et, de ce fait, politiquement responsable de tous les problèmes qui y surviennent. Tous les matins, le PDG sera à l’affût de ce que les médias rapportent, comme le faisaient les agences régionales maintenant abolies. Une équipe sera affectée à la collecte des données pour préparer une réponse aux médias locaux et fournir les renseignements permettant au ministre de répondre aux questions à l’Assemblée natio-nale. Cette opération se déroulera en parallèle avec celle du cabinet du ministre.

Ce changement de paradigme dans la responsabilité d’une of-fre de services de qualité incombant au PDG vers un rôle plus politique, modifiera sa position en forçant la mise en place d’un mécanisme de contrôle plus rigide. Je crois que ce pro-cessus de bureaucratisation assujettira lentement l’ensemble du système de santé. Une attaque des médias contre un PDG sera interprétée comme une attaque directe envers le minis-tre et permettra à l’opposition de critiquer le gouvernement à l’Assemblée nationale. Les agences régionales avaient pour mandat – le développe-ment d’une vision stratégique dans les régions – l’évaluation de l’état de santé de leur population – la coordination de l’offre de soins et services entre les différents prestataires – la certification des résidences privées pour personnes âgées – l’accréditation des organismes communautaires et l’allocation des ressources – la gestion des services intégrés (SI) – la coordination des services entre les différentes régions – l’éva-luation des projets d’équipement et d’infrastructures – et le maintien d’un budget régional équilibré. Ces activités incom-beront désormais au CISSS régional par l’exercice d’un con-trôle direct de tous les services de la région.

La possibilité que ce nouveau modèle améliore l’efficacité, la productivité et l’accès aux soins et services sera tributaire du leadership de chaque nouvelle organisation et de l’habileté du PDG à créer une vision commune à laquelle tous ses mem-bres peuvent adhérer. Il importe de créer une organisation où règne la confiance envers ses dirigeants et que ceux-ci inspirent cette confiance. Il existe par ailleurs plusieurs dan-gers et embuches, notamment le piège de la bureaucratisa-tion du système de santé. Dans l’ancien système, le ministère suivait un modèle organisationnel déterminé de gouvernance et de contrôle, et les agences géraient leur région de la même façon. À l’inverse, les établissements offrant des services opéraient selon un modèle bureaucratique axé sur les problé-matiques cliniques. Il sera impératif d’assurer un équilibre en-tre ces deux modes de gestion, puisqu’ils doivent coexister en vue d’assurer le développement et la prospérité du système de santé québécois.

Il est à craindre que les établissements perdent leur identité, entrainant ainsi la disparition de la fierté du personnel en-vers leur organisation. L’identité culturelle de certains de nos établissements doit être préservée pour leur permettre de

continuer à servir leurs communautés, d’autant qu’ils n’ont plus de conseil d’administration représentatif de celles-ci pour maintenir les liens historiques.

Une autre difficulté peut également surgir : l’hospitalocentrisme, avec moins de soins axés sur la communauté, de même qu’une diminution des services à l’extérieur de l’établissement. Les ressources pourraient être détournées des secteurs sociaux, des groupes communautaires et de la santé publique pour être redirigées vers le secteur hospitalier, puisque le principal fac-teur de déficit proviendra du secteur des soins hospitaliers de courte durée. Des coupures seront effectuées dans les soins et services où il est plus facile de créer des listes d’attente plus longues, notamment les soins à domicile, les services aux jeunes, les services de réadaptation et les services sociaux, au profit des soins de courte durée où les listes d’attente sont plus visibles et difficiles à justifier.

Alors que le ministre de la Santé s’est attribué beaucoup de nouveaux pouvoirs dans le cadre de la Loi 10, on craint que le niveau de centralisation empêche le PDG d’innover et de mettre de l’avant de nouveaux concepts et programmes pour le bénéfice de sa population spécifique. Il sera difficile d’éviter une approche mur-à-mur de soins uniformes pour tous, puis-que le MSSS considérera désormais les PDG comme des agents opérateurs de leur établissement plutôt que des personnes y

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développement d’une base solide de soutien politique de la part de son établissement et de sa région.

Tel que souligné par Henry Mintzberg dans son livre sur la gestion, les soins de santé sont une bureaucratie profession-nelle. En ce sens, un PDG acquiert sa légitimité de gouver- nance grâce à son habileté à gérer les conflits au sein de l’organisation, à obtenir les ressources requises par l’organi-sation, et sa capacité à interagir adéquatement dans l’inter-face entre l’établissement et son environnement extérieur. Sa légitimité à non seulement gérer mais à gouverner l’orga-nisation sera à la mesure de la crédibilité qu’il inspire.

CONCLUSIONLa seule façon pour un PDG de prévenir la microgestion du ministre de la Santé et du MSSS sera d’asseoir sa légitimité dans l’établissement et la région de même qu’une base poli-tique solide dans la communauté. Les établissements de santé et de services sociaux sont maintenant les plus gros employeurs de leur région et les soins de santé demeurent la priorité absolue pour la population. Un PDG doit être en inter-action constante avec les députés régionaux, les maires des localités, les leaders communautaires et religieux, la com-munauté d’affaires ainsi que la population de sa région. Cette personne doit développer une notoriété publique régionale pour se faire connaitre de la population et représenter à ses yeux la figure de proue des soins de santé. Ces conditions fa-ciliteront l’accès du PDG aux ressources nécessaires pour sa région et lui assureront une certaine autonomie pour diriger l’établissement avec le conseil d’administration.

La Loi 10 détient un véritable potentiel pour – offrir un meilleur système de soins de santé intégré et régionalisé – améliorer le continuum de soins et de services – permettre un transfert des ressources du secteur hospitalier vers la communauté et les services de première ligne – accroitre l’accès aux mé-decins de famille, à la technologie nécessaire en santé et aux médecins spécialistes – contribuant ainsi à améliorer la santé de la population. Par ailleurs, ce nouveau modèle socio- sanitaire n’est pas sans danger. Il appartiendra donc aux PDG et à leurs CA d’évaluer les besoins de santé de leur région, d’obtenir les ressources indispensables et de réorganiser la prestation de soins et services en fonction de ces besoins. ///

assurant un leadership. Le risque de microgestion de la part du ministre et du MSSS est bien réel : un événement récent survenu au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) en est un bon exemple.

Durant la première semaine de mars 2015, la lettre de démis-sion du PDG du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), Jacques Turgeon, a été rendue publique. Cette dé-mission faisait suite à une intervention ministérielle l’obligeant à maintenir en poste le directeur du département de chirurgie de l’hôpital. Le ministre Barrette aurait menacé de ne pas re-conduire le PDG actuel de l’hôpital dans ses fonctions si le directeur du département ciblé n’était pas choisi. Le prési-dent du conseil d’administration du CHUM ainsi que plusieurs membres du CA ont aussi démissionné pour soutenir leur PDG et dénoncer à leur tour l’ingérence politique du ministre. Au moment où le ministre de la Santé nommait lui-même tous les nouveaux PDG et PDGA des CISSS et CIUSSS du Québec - un pouvoir lui ayant été octroyé par la Loi 10 - le public était également mis au fait de sa microgestion de l’hôpital univer-sitaire francophone le plus prestigieux au Québec. Cédant finalement à la pression médiatique, le ministre de la Santé et le premier ministre Couillard ont dû accepter publiquement quatre conditions pour que le PDG reste en poste et mettre ainsi fin au scandale. La leçon à retenir de l’affaire Turgeon est la suivante : la seule façon dont un PDG pourra s’assurer d’acquérir une certaine forme d’autonomie passera par le

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Je crois que ce processus de bureaucratisation assujettira lentement

l’ensemble du système de santé.

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TRIB

UNE uNe réfLexioN sur L’imPacT

de L’imPLaNTaTioN de La Loi 10 sur Les coNdiTioNs d’exercice eT de TraVaiL des gesTioNNaires1

Article no 11.01.08 Mots-clés : réforme, Loi 10, conditions de travail et d’exercice des gestion-naires, mesures de soutien au changement, mesures de stabilité d’emploi, gouvernance du réseau.

INtRODUCtIONLe 25 septembre 2014, le ministre de la Santé, M. Gaétan Barrette, dépose à l’Assemblée natio-nale le projet de loi 10 visant à modifier l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux. Ce projet aura sans contredit de forts impacts sur les conditions de travail et d’exercice des gestionnaires, de même que sur les services offerts aux usagers.

Nous croyons que ce projet de loi, s’il est adopté dans sa forme actuelle, constituera sans l’ombre d’un doute le plus grand projet de concentration et de centralisation du pouvoir dé-cisionnel entre les mains du ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec et qu’il entrainera une déresponsabilisation des gestionnaires du réseau.

Ainsi, cet article vise à présenter nos préoccupations sur les impacts possibles de ce projet de loi. En outre, pour contrer d’éventuels effets néfastes de cette réorganisation sans précédent, nous suggérons la mise en œuvre d’une série de mesures de soutien au changement et à la réflexion sur la carrière pour aider les gestionnaires à se repositionner professionnellement. Et considérant les révisions profondes prévues par le projet de loi 10 au plan des mesures de stabilité d’emploi particulièrement, nous présentons aussi un ensemble de recommandations pour la révision de certains articles du projet.

LE PROjEt DE LOI 10 : UNE SOLUtION vRAIMENt CENtRÉE SUR LE PAtIENt ?Quand on sait que le réseau de la santé et des services sociaux emploie à lui seul 268 127 personnes2 (au 31 mars 2014 et pour l’ensemble des établissements) et qu’il utilise près de la moitié des fonds publics, ce projet de récupération totale de la gouvernance et de la gestion des établissements par le ministre et une poignée de hauts dirigeants et de membres de CA choisis et nommés par ce même ministre a de quoi faire craindre les pires dérives!

Un modèle d’organisation qui met les services en périlDans le modèle proposé par le ministre, plusieurs aspects nous apparaissent tirés de la pen-sée magique ou de la volonté de ne pas voir la réalité comme elle se présente, mais plutôt de l’aborder sous l’angle du retour à l’équilibre budgétaire à tout prix.

Selon nous, réunir l’ensemble des services de santé et de services sociaux sous une même gouvernance nous ramène en arrière de plusieurs années. À cette époque, nous avions opté pour un accroissement de l’autonomie des programmes, entre autres en déficience physique,

YVES BOLDUC Président-directeur général

AGESSS

AHMED BENHADJI Psychologue

organisationnel conseil

EUGÈNE ABARRATEGUI Coordonnateur d'activités aux affaires juridiques, ressources

humaines et formation, AGESSS

1. Note : Un certain nombre d’informations de cet article sont extraites et/ou adaptées du mémoire présenté par l’AGESSS à la Commission de la santé et des services sociaux lors des auditions publiques sur le projet de loi no 10, Québec, 5 novembre 2014. De plus, nous avisons nos lecteurs que le présent article a été écrit et soumis pour publication avant l’adoption de la Loi 10.

2. Direction de la gestion intégrée de l’information du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), février 2015.

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déficience intellectuelle, dépendance ou jeunesse, en leur per-mettant de se développer en dehors des grandes structures à prédominance hospitalière. Dans le projet de loi 10, nous croyons que le risque de voir le volet santé porter ombrage au volet social est trop élevé si l’on considère l’accroissement constant des besoins en matière d’interventions sociales dans nos communautés. Le prix à payer nous semble beaucoup trop élevé et peu justifié dans les circonstances.

Un projet de loi en rupture avec les acquis de l’exercice de la responsabilité populationnelleRappelons que lors de la création des centres de santé et des services sociaux (CSSS), le modèle prévoyait une place privilégiée aux citoyens dans la composition des conseils d’administration, afin de s’assurer que les services répondent le plus possible aux besoins des populations locales et se développent à proximité de ces dernières. Où est passée la place citoyenne ? Et surtout, où est passée cette vision de res-ponsabilité partagée par les membres des réseaux locaux de services, les agences, la population et le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) pour, disons-le sans détour, améliorer l’état de santé et de bien-être de la population3 ?

Les CSSS : des acteurs importants dans les économies localesIl ne faut pas non plus sous-estimer les effets négatifs de la centralisation sur les économies locales. Qu’adviendra-t-il de l’octroi des contrats de toutes sortes lorsque les décideurs seront à plusieurs dizaines, voire des centaines de kilomètres des centres de services ? La centralisation ne fera que creu-ser l’écart entre les localités les plus éloignées et le siège so-cial des nouveaux Centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS). De telles circonstances nous éloignent plus que jamais de l’idéal de l’approche et de la responsabilité populationnelles, une vision du système de santé et de ser-vice sociaux chèrement défendue par les ex-ministres de la Santé et des Services sociaux, messieurs Rochon, Couillard et Bolduc.

vERS DES CONDItIONS D’ExERCICE ENCORE PLUS ÉPROUvANtESAlors que le MSSS et ses partenaires du réseau venaient à peine d’unir leurs efforts pour soutenir un certain nombre

de projets organisationnels visant à améliorer les conditions d’exercice du personnel d’encadrement, nous voilà à nouveau ramenés à la case départ. Rappelons que ces projets tou-chaient principalement la surcharge de travail, le peu d’au-tonomie et de latitude décisionnelle, le décalage criant entre les rôles et des responsabilités assumés par rapport à ceux attendus, l’optimisation des processus, les défis de la gestion multisite ainsi que le développement des compétences et le travail de collaboration pour s’arrimer aux exigences du mo-dèle de la responsabilité populationnelle.

Avec le projet de loi 10, et tout ce qu’il implique comme res-serrement et réduction de ressources, nous entrons désormais dans une ère d’austérité et de suspension d’investissements et de soutien financier, compromettant du coup la continuité des démarches d’innovation et de transfert des connaissances.

Du point de vue des gestionnaires, la conséquence de cet ar-rêt de soutien politique et financier est double. La première réside dans le message démobilisant voulant que les condi-tions de travail des gestionnaires, encore une fois, ne consti-tuent pas la priorité pour la nouvelle gouvernance, bien que, selon nous, elles devraient plus que jamais l’être compte tenu de la multitude de transformations et de chambardements organisationnels introduits par la loi 10. Le second dommage « collatéral » renvoie, quant à lui, à la perception d’un déficit de vision et de cohérence dans l’exercice de rentabilisation des efforts et ressources financières investis dans les projets d’amélioration initiés depuis les quatre dernières années !

UNE DÉtÉRIORAtION DU tAUx D’ENCADREMENtAlors qu’au 31 mars 2013, notre réseau comptait près de 18 em- ployés par cadre, il faudra s’attendre, avec l’effet combiné de la création de mégastructures organisationnelles et l’exercice d’abolition de postes cadres, qu’il y ait un accroissement signi- ficatif du volume de supervision de personnel et des tâches de coordination interne et externe. Ceci nous amène à nous inquiéter non seulement de la capa-cité des gestionnaires à s’acquitter de leurs tâches et de leurs responsabilités gonflées, mais également des conséquences sur leur santé physique et psychologique induites par cette surcharge qualitative et quantitative de travail.

3. AGENCE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX DE CHAUDIÈRE-APPALACHES (2005). Stratégie sur l’approche populationnelle et le soutien à l’exercice de la responsabilité populationnelle.

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son agilité, sa performance, voire même sa pérennité. Voici quelques exemples de traits soulevés dans la documentation :

• une plus grande centralisation du pouvoir décisionnel au sommet de la hiérarchie;

• des décisions prises loin des centres d’informations pertinentes;

• réduction de la flexibilité et de l’autonomie nécessaires pour agir et intervenir rapidement;

• plus grande distance entre les gestionnaires et leurs équipes de travail;

• plus grande compétition entre les gestionnaires pour l’octroi et le partage des ressources;

• plus grande difficulté de mobilisation de multiples ensembles d’employés;

• plus grande résistance aux changements;

• faible niveau d’innovation;

• sentiment d’appartenance peu développé.

DES RECULS DANS LES CONDItIONS DE tRAvAIL DES gEStIONNAIRESÀ n’en pas douter, l’abolition des agences et la transforma-tion des 182 établissements en un peu moins d’une trentaine d’établissements régionaux et suprarégionaux provoqueront des mouvements massifs de départs de cadres avec des im-pacts significatifs sur les mesures de stabilités d’emploi, le climat de travail et la mobilisation des ressources humaines.Cette réorganisation du réseau et de la gouvernance viendra chambarder un certain nombre de dispositions au plan des mesures de stabilité d’emploi telles qu’elles sont consignées dans le décret 1218-96, de même que sur les clauses liées à la retraite et la préretraite.

Les mesures de stabilité d’emploiUn cadre visé par un avis d’abolition de poste, article 94 du Règlement, peut choisir entre deux options, soit le replace-ment dans le secteur, articles 95 et suivants du Règlement, ou le départ du secteur, notamment le congé de préretraite et la retraite, s’il est âgé d’au moins 50 ans, articles 121 et suivants du Règlement.

Le cadre en replacementDans le cas du cadre ayant choisi le replacement, le Règle-ment prévoit qu’aux fins de permettre la réalisation de son plan de replacement, celui-ci peut étaler sa période de re-placement de 36 mois sur une durée maximale de 60 mois, sous forme de congé sans solde, article 99 du Règlement.

Également, un cadre ayant choisi le replacement peut étaler sa période de replacement de 36 mois par le biais d’un prêt de service à la charge d’un autre employeur, ne pouvant excéder 36 mois, article 95, alinéa 8 du Règlement. Enfin, conformé-ment à son plan de replacement, un cadre ayant choisi le re-placement, peut étaler sa période de replacement de 36 mois par le biais d’un congé sans solde, non rémunéré, ne pouvant excéder 36 mois, article 100 du Règlement.

Il va sans dire que cette pression d’encadrer plus d’employés dans un contexte de gestion multisite, avec en prime un dé-ficit de véritable pouvoir décisionnel et un manque de soutien et de valorisation du rôle, va fort probablement engendrer chez les gestionnaires des comportements défensifs, de re-trait, de désengagement et de cynisme envers la direction de l’organisation. Les travaux de recherche de Siegrist, Karasek et, plus près de nous, de Serge Gagnon et François Ville-neuve ainsi que François Bolduc et Geneviève Baril-Gingras, ont d’ailleurs bien documenté ce lien et ses multiples con-séquences individuelles et organisationnelles.

UN MODèLE DE gOUvERNANCE EN DÉCALAgE AvEC LES PRAtIqUES ExEMPLAIRES EN MAtIèRE DE gEStION Et DE LEADERSHIPLa journaliste Amélie Daoust-Boisvert, dans Le Devoir du 4 octobre 2014, rapportait : « La réforme du réseau de la santé telle que pensée par le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, est à contre-courant des approches jugées efficientes de par le monde, selon des experts québé-cois en administration de la santé. » En effet, sous le couvert d’éradiquer la bureaucratie couteuse du réseau par l’abolition de structures et de postes de gestionnaires, il introduit en même temps une ligne d’autorité et de gouvernance verticale, unidirectionnelle (top down) et où le pouvoir ultime de gérer et de décider est réservé au ministre et à ses PDG et adjoints, nommés également par celui-ci. Donc, la gestion locale, por-tée jusque-là par le personnel d’encadrement, se trouve vidée d’autorité réelle pour définir, orienter et décider des mesures à prendre pour livrer les soins et services à la population.

Un bon nombre de chercheurs et de théoriciens des organisa-tions (Karasek, 1979; Burns, T., & Stalker, G. M., 1961; Mintzberg, 1994; Lawrence et Lorsch, 1967) ont démontré que plus une or-ganisation est décrite comme étant de grande ou très grande taille, plus elle est susceptible de développer des caractéris-tiques organisationnelles contre-productives pouvant affecter

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Du point de vue des gestionnaires, la conséquence de cet arrêt de soutien politique et financier est double.

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Pour le cadre qui se retrouve sans emploi, l’article 119 du projet de loi 10 aurait pour effet de retirer toute la flexibilité souhaitable en période de replacement. Faire disparaitre du Règlement les possibilités qu’offre l’étalement va à l’encontre des objectifs de transition de carrière qui doivent animer l’intention du législateur à la veille d’un changement si pro-fond de l’organisation et de la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux.

Le cadre en congé de préretraite et retraiteDans le cas du cadre ayant choisi le congé de préretraite et la retraite, le Règlement permet que le congé de préretraite, lequel est de 24 mois, puisse faire l’objet d’un étalement, et ce, sous la forme d’un congé sans solde, donc non rémunéré. Articles 125 et 126 du Règlement.

Pour les cadres ayant choisi le départ du secteur et la retraite, la possibilité d’aménager la durée de leur congé de préretraite de 24 mois est souvent essentielle, puisqu’elle peut permettre aux cadres visés de décider de la date de leur prise de la re-traite ET de bénéficier d’une rente de retraite sans pénalité actuarielle.

À cet effet, rappelons que le maintien du lien d’emploi avec son employeur, même sans solde, est une condition à la prise de la retraite. Rappelons également que les règles de la Commis-sion administrative des régimes de retraite et d’assurances

(CARRA) du gouvernement du Québec permettent à un cadre en congé de préretraite, de procéder à un rachat de service non cotisé, soit un congé sans solde.

Pour le cadre qui est à l’aube de sa retraite, l’article 119 du projet de loi 10 aurait pour effet de retirer toute possibilité d’a-ménager cette dernière portion de sa vie professionnelle. Pire, elle pourrait signifier pour ces cadres une importante baisse de revenu à la retraite, pouvant aller jusqu’à 4 % par année, dans le cas d’une rente de retraite versée avec pénalité.

LE SOUtIEN REqUIS POUR LIMItER LES DÉRIvES DE gEStION Et DE DÉRESPONSAbILISAtIONL’expérience des réformes antérieures nous a bien enseigné ces dérives... Que faire alors pour limiter les effets dévasta-teurs de cette réforme sur la mobilisation et l’engagement des gestionnaires envers le réseau et la clientèle desservie ?

À l'intention des gestionnaires qui seront durement affectés par la transformation au plan de leur carrière et de l’exercice de leurs nouvelles fonctions, superchargées de respon-sabilités et d’un plus grand nombre d’employés à super-viser, il est essentiel de définir et mettre en œuvre dans les meilleurs délais une offre globale de services-conseils de soutien à la carrière et à la performance. Ce soutien devrait

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CONCLUSIONParce que ce projet de réforme de l’organisation et de la gou-vernance du réseau de la santé et des services sociaux ne se fonde guère dans son articulation sur les meilleures pratiques et données probantes - enlève le pouvoir aux communautés dans la détermination de l’offre de service et la gouvernance de l’établissement - accentue l’hospitalocentrisme au détri-ment des services sociaux - risque de détériorer sérieuse-ment les conditions de travail et d’exercice des gestionnaires - accentue la mainmise du pouvoir médical - amène le minis-tre et son ministère dans la microgestion dans les établisse-ments - représente une rupture manifeste avec l’approche et la responsabilité populationnelle, nous croyons qu’un tel projet ne peut qu’avoir des effets démobilisants sur les prin-cipaux acteurs du réseau de la santé et des services sociaux, particulièrement sur les gestionnaires.

Il est malheureux d’en arriver à un tel résultat, car le réseau est bondé d’hommes et de femmes de cœur qui ne deman-dent qu’à contribuer à l’accroissement des services, tant sur la base qualitative que quantitative.

En terminant, nous préférons vous laisser sur ce message confié par un gestionnaire de vision de la Direction de la pla-nification de la main-d’œuvre et du soutien au changement du MSSS dans un éditorial de la revue Le Point en santé et services sociaux 4 mentionnant ceci :

« La mobilisation, la préparation et le soutien de nos cadres intermédiaires sont essentiels pour réaliser les nombreux changements requis dans le réseau ». ///

Références bibliographiques

BOLDUC, F et G. BARIL-GINGRAS (2010). « Les conditions d’exercices du travail des cadres de premier niveau : une étude de cas », Piste, Vol. 12 (3) : 1-21.

BURN, T., & STALKER, G. M. (1961). The Management of Innovation. London: Tavistock.

GAGNON, S., M. DESJARDINS et L. CHARTIER (2009). « Les conditions d’exercices des cadres intermédiaires - Comment engager son établissement dans une démarche de changement durable », Le Point en administration de la santé et de services sociaux, Vol. 5 (2) :26-30.

KARASEK, R. (1979). "Job demands, job decision latitude, and mental strain: implications for job redesign". Administrative Science Quarterly 24 : 285-308.

KARASEK, R. & THEORELL, T. (1990). Healthy work: stress, productivity, and the reconstruction of working life. Basic Books, New York, NY.

KARASEK, R., SIEGRIST, J. & THEORELL, T. (1998). Joint statement on the relationship between the two theoretical models measuring stress at work: the demand-control model (DC) and the effort-reward imbalance model (ERI).

LAWRENCE, P. R., & LORSCH, J. W. (1967). Organization and Environment: Managing Differentiation and Integration. Boston: Harvard Business School Press.

MINTZBERG, H. (1994). Structure et dynamique des organisations, Les Éditions d’organisation, Paris.

SIEGRIST, J. (1996). "Adverse Health effect of hight-efforts/low-reward conditions". Journal of occupational healt psychology Vol.1 (1): 27-41.

VILLENEUVE, F. (2005). L’influence des facteurs structurels sur le travail mana-gérial des infirmières-chefs : six études de cas dans trois hôpitaux du Québec. Thèse de doctorat, Faculté d’administration, Université de Sherbrooke.

être offert autant aux gestionnaires qui seront directement touchés par les coupures qu’à ceux leur ayant survécu (« survivants »).

De fait, nous croyons que ces « survivants » auront autant besoin de soutien que ceux qui pourraient être en mesure de stabilité, afin de retrouver le sens, l’énergie et les repères nécessaires pour vaquer à leurs nouvelles fonctions, consi-dérant les nouveaux rôles et les responsabilités additionnelles, le taux d’encadrement, les changements dans les façons de faire et l’élargissement des zones grises et d’ambiguïté. Pour des fins de référence, notons qu’à la réforme de 2004, les agences de la santé et des services sociaux et les établisse-ments du réseau ont bénéficié d’une forme de services de soutien professionnel équivalent à ce qui est proposé ci-des-sus. L’offre de services en matière de soutien au changement et de réflexion sur la carrière a été préparée et actualisée par le Centre de référence des directeurs généraux et des cadres (ex-CRDGC). Les services de soutien individuel et de groupe ont été mis à la disposition des gestionnaires de trois paliers d’encadrement d’établissements.

DES CONSULtAtIONS NÉCESSAIRES POUR REvOIR CERtAINS ARtICLES DU PROjEt LIÉS AUx MESURES DE StAbILItÉOutre la suggestion au MSSS de mettre en œuvre dans les meilleurs délais une offre globale et intégrée de services- conseils de soutien à la carrière et à la performance, l’AGESSS recommande l’ouverture le plus rapidement possible de ren-contres de consultation avec le MSSS pour revoir certains projets d’articles. Plus précisément,

• l’Association demande que les articles 116 à 119 du projet de loi 10 fassent l’objet de consultations entre l’Association et le MSSS par le biais de rencontres du comité consultatif de relations professionnelles;

• l’Association demande qu’il y ait dans les meilleurs délais possible des consultations au sein du comité consultatif des relations professionnelles (CCRP) afin de définir les orienta-tions et les modalités destinées à mettre sur pied une offre de services-conseils de transition de carrière et d’aide à la réflexion sur la carrière;

• l’Association est d’avis que l’article 118 du projet de loi devrait référer à l’article 86 du Règlement et non à l’article 81 de celui-ci. Ce faisant, le projet de loi 10 constituera, au moment de son adoption, l’avis de fusion et d’intégration, lequel entrera en vigueur au plus tard 120 jours suivant l’adoption de la loi;

• l’Association recommande que l’article 119 du projet de loi 10 ne s’applique pas aux cadres qui choisiront le départ du secteur;

• l’Association demande que les conditions de travail ac-cordées par le Règlement aux 7 245 membres actifs qu’elle représente soient respectées.

4. Le Beau, G. (2013). « Gestionnaires de sens », Cahier spécial, Programme d’amélioration des conditions d’exercice du travail des cadres, Le Point en administration de la santé et de services sociaux, Été 2013.

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ANAL

YSE Que doNNe à

eNTeNdre Le siLeNce des gesTioNNaires du réseau ?

Article no 11.01.20 Mots-clés : réforme, bruit du silence, gestionnaires et réseau public, démocratie, violence symbolique, épreuve de la honte.

En admettant que certains gestionnaires étaient, en 2014, tenus au silence à l’annonce des bouleversements à venir dans le réseau de la santé et des services sociaux, qu’en est-il aujourd’hui en cette fin du mois de mars 2015 au Québec ? Selon toute vraisemblance, ils sem-blent être davantage aphones parce que, d’une part, ils ne sont pas informés des décisions du ministre de la Santé et des Services sociaux et, d’autre part, qu’ils ne font que relayer une information de dernière minute, souvent changeante, du haut vers le bas.

C’est ce qui circule dans le réseau depuis plusieurs mois. L’existence d’un bâillon au sens pre-mier du terme : quelque chose qu’on met sur la bouche pour étouffer, par la force, la dissuasion et la peur, les bruits dont les mots font partie. Comment, au-delà de la spéculation, savoir si cela est vrai ou faux si personne ne parle ? Et si ce silence était la résultante d’une forme paradoxale de loyauté se retournant contre tous et toutes ?

« Le mot silence vient du latin silere : garder le silence, être en silence, se taire, ne dire mot, passer sous silence. Ce ne rien dire du silence peut être signifiant, ou pas, selon les intentions véhiculées par l’acte de se taire. On peut signifier quelque chose en ne parlant pas lorsqu’on devrait parler. Le silence produit du sens de manière relative, par rapport au mot attendu, au mot qui manque. »(1)

Avant de donner la parole, en admettant que cette parole existe, à des gestionnaires rencon-trés furtivement dans le cadre d’entretiens anonymes, il importe de mettre en contexte cette volonté d’en savoir un peu plus sur la parole silencieuse de gestionnaires du réseau, alors qu’ils venaient tout juste d’apprendre que leurs postes seraient soumis au ballotage(2), tout en sachant que le souci de supprimer 1 300 postes de gestionnaires sur un total de 6 000 était connu bien avant le dépôt du projet de loi 10. Étrange conjoncture!

Il importe de préciser que ce texte n’est pas un plaidoyer en faveur ou en défaveur des gestion-naires du réseau de la santé et des services sociaux. L’objet principal de cet article consiste à tenter de comprendre et à donner à entendre comment l’imposition d’un silence est venue se poser sur ces travailleurs du réseau, à partir de leurs interprétations de cette mesure que l’on pourrait qualifier d’hostile aux savoirs d’expérience des gestionnaires et, par le fait même, à la démocratie.

ROBERT BASTIEN, Ph. D. Chercheur, Direction de santé

publique de Montréal Professeur adjoint de clinique

Département de médecine sociale et préventive

Université de Montréal - chargé de cours Université du Québec à Montréal

École de travail social

Depuis l’été 2014, diverses rumeurs font état du fait que des gestionnaires, principalement les cadres supérieurs, sont tenus au silence. Ce qui veut dire qu’ils ne peuvent prendre la parole, outre par l’intermédiaire de leurs associations, pour donner nominative-ment leurs avis, se mobiliser, critiquer, approuver, appuyer ou simple-ment mettre en question publiquement les tenants et aboutissants de la réforme qu’ils doivent, malgré tout, gérer et administrer.

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CONtExtE Et NOtES SUR L’APPROCHE D’ENtREtIEN EMPLOyÉEAu Québec, depuis le printemps 2014, une série de mesures sont annoncées pour réduire le déficit. D’importantes réfor-mes structurelles, fonctionnelles et administratives sont aussi mises en place pour vraisemblablement relancer la crois-sance économique de la province et mieux répondre aux besoins de la population, particulièrement les patients. Ces annonces parfois d’une dureté extrême, mobilisent plusieurs organisations et mouvements où, nominativement, des citoyens ordinaires, des étudiants, et des professeurs, par exemple, prennent la parole contre des mesures qu’ils considèrent ini-ques touchant la famille, le développement des régions, l’aide sociale, les arts et la culture, l’enseignement, la recherche, la santé et les services sociaux, etc. Ce qui n’est pas le cas des gestionnaires œuvrant dans le réseau de la santé et des ser-vices sociaux québécois. Pourquoi sont-ils silencieux et re-fermés sur eux malgré le fait qu’ils sont, comme bien d’autres, frontalement touchés par ces mesures d’austérité ?

Devant la lourdeur de ce silence, je me suis senti dans l’obli-gation professionnelle de m’enquérir du sens que les gestion-naires accordent à l’esprit du temps. De cerner leurs visions du monde au moment précis, autrement dit dans l’urgence, où leur travail fait l’objet de sérieuses menaces et où, pourtant, ils demeurent muets et continuent à travailler du mieux qu’ils peuvent.

La méthode employée n’a pas de prétentions scientifiques et nulle généralisation n’est possible. Je me suis simplement intéressé à cerner biographiquement la manière dont la vie professionnelle de trois gestionnaires rencontrés s’éprouve et se donne à voir au quotidien, en sentiments, en pensées et en mots. Pourquoi choisir de porter son regard sur des ges-tionnaires ? Parce qu’ils sont au centre d’un intense feu croisé où d’un côté on leur demande, sur la base des convictions du ministre de la Santé et des Services sociaux, de mettre en ap-plication de nouvelles règles de fonctionnement, alors qu’au même moment on attend d’eux, de l’autre côté, qu’ils soient

discrets à l’égard d’informations sensibles dont ils pourraient disposer, en plus de leur apprendre que leurs postes seront abolis le premier avril 2015.

Nulle part sur la place publique les gestionnaires prennent nominativement la parole1. C’est ce qui fait qu’on ne sait pas comment, au quotidien, ils vivent les choses, gèrent les situa-tions et composent avec les ordres du ministre. En d’autres mots, comment arrivent-ils à travailler dans un tel contexte ?

Dans un premier temps, j’ai approché deux gestionnaires pour leur faire part de mon intention de mener des entretiens portant sur leur silence et l’inconfort de leur position. Les échanges furent brefs et je comprends pourquoi. Rien ne servait à creuser davantage le sujet. Mal à l’aise, j’avais l’im-pression de m’insérer dans quelque chose de très lourd à porter. Quelque chose qui isole, qui ne donne pas le gout de parler mais qui, en même temps, force au travail. Et c’est là un des paradoxes induit par un bâillonnement qu’on passe sous silence. Travailler malgré tout.

PREMIèRE INCURSION AUPRèS DE DEUx gEStIONNAIRES DU RÉSEAUSynthétiquement, voilà ce qui ressort de deux premières ren-contres furtives avant que je n’envisage une autre façon de faire pour aller plus en profondeur sur le silence de gestion-naires et de leur inconfortable position. Plus loin dans le texte, j’expliquerai en quoi consiste cette approche complémentaire qui viendra clore l’article.

Premier cas : Fernande (55 ans), plus de 20 ans d’expérience en gestion. Ton projet d’entretien est intéressant Robert. En ce qui me concerne, je n’ai aucune idée de quoi sera fait mon lendemain. J’y vais au jour le jour. Et dans tout ça, je dois m’occuper des inquiétudes de mes employés, trouver des solutions alors que nous n’avons aucune marge de manœuvre et ni non plus de pouvoir. Imaginer comment conserver les quelques acquis qui font que nous avons, pendant des années, développé une expertise dans notre domaine au CSSS. Au cours du week-end, à l’annonce possible de la fermeture de mon poste, j’ai calculé mes an-nées d’ancienneté. Et si jamais on abolissait mon poste! À imaginer ce que je pourrais faire après. Je suis trop jeune pour prendre ma retraite et trop âgée, sans doute, pour es-pérer me replacer dans le réseau. Cela fait près de dix ans que je suis impliquée dans des projets où la question de la pauvreté est au cœur de mes préoccupations. Aujourd’hui j’éprouve de la honte, je ne me reconnais plus en tant que femme. J’ai perdu toute fierté à travailler dans le réseau de la santé et des services sociaux. Comme s’il s’agissait d’une tromperie, d’une attaque à la dignité. Voilà que je me retrouve sur le point d’éprouver la précarité. Je voudrais bien te parler, mais je n’ai pas le temps parce que malgré tout je dois travailler; finaliser des demandes, évaluer des projets, soutenir des équipes, participer à des rencontres. Pourtant, je vais rester jusqu’à la fin.

1. Ceci était vrai avant la démission du président du CHUM le 5 mars 2015, suivie de la démission d’autres membres du conseil d’administration du CHUM. Des lettres de démission, rendues pu-bliques dans la presse écrite et électronique, laissent entrevoir une ingérence du ministre de la Santé et des Services sociaux dans la gestion du CHUM. Ce fut la première prise de parole publique par des gestionnaires et des décideurs du réseau de la santé et des services sociaux depuis l’été 2014.

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Par ricochet, les savoirs de tous et chacun sont ainsi volontairement et délibérément oblitérés et suspendus.

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que le ministre de la Santé abroge, pour une durée détermi-née, l’exercice des savoirs et des pouvoirs de décision pro-venant des scènes régionales et locales partout au Québec.

Par ricochet, les savoirs de tous et chacun sont ainsi volon-tairement et délibérément oblitérés et suspendus. Les uns sont tétanisés et les autres sont tenus au mutisme, principale-ment les gestionnaires du réseau qui eux, sont plus proches des lieux suprêmes de décisions, car ils en savent un peu plus que les autres qui sont placés au bas de l’échelle.

« Le silence est pensé comme une stratégie défensive, né-cessaire pour conjurer les risques de conflit. Ainsi, le silence apparait comme bénéfique en première intention, même s'il participe à la tolérance et à la compliance à des situations "inacceptables". »

Christelle Routelous (3)

Ici, nous ne sommes pas dans une situation où, métaphorique-ment, un commandant de bord d’un avion en péril prendrait le micro pour annoncer que tout est sous contrôle alors que la vérité est tout autre mais que les règles et les normes en vigueur limitent la prise de parole inopportune du pilote par crainte de semer la panique chez les passagers. Dire la vé-rité pourrait précipiter la catastrophe. Elle risquerait même de la provoquer, parce qu’on ne sait jamais comment, devant l’imminence d’une tragédie, les hommes, les femmes et les enfants pourraient se comporter dans un espace clos. C’est là que l’impératif de la parole apaisante s’impose, comme une loi. Ne pas faire peur, rester coi sur la vérité jusqu’au bout, même si l’on sait que l’irrémédiable va se produire. En ce qui a trait à la réforme de la santé et des services sociaux, le scénario était écrit d’avance comme dans les consignes expliquées et mimées aux passagers, depuis longtemps, par des agents de bord juste avant le décollage. Le gouvernement

Sur une courte période de deux semaines (entre le 16 février et le 5 mars 2015) cette gestionnaire a appris qu’elle risquait de perdre son poste. Inquiétude. La semaine d’après on l’in-formait qu’elle le conservait. Soulagement. Finalement, elle vient tout juste d’apprendre que son poste sera aboli. Pré-carité imminente.

Durant la même journée, j’ai rencontré une deuxième gestionnaire.

Deuxième cas : Joëlle (47 ans), juste un peu plus de cinq années d’expérience. À compter du premier avril, je n’ai plus d’équipe et sans doute plus de travail. On vient d’apprendre qu’un poste ren-du vacant à la suite d’un départ à la retraite sera aboli. En quelques mois, nous sommes passés de sept employés à quatre. De ceux-ci, une professionnelle en congé de mater- nité dont le poste ne sera pas remplacé, une technicienne contractuelle qui quitte le 31 mars après cinq années de travail au sein de l’équipe. Les deux autres personnes ont moins de deux années d’ancienneté, ce qui fait que leur situation est précaire. Mais on ne sait jamais. Personnelle-ment, je ne possède que cinq années d’expérience en tant que gestionnaire. Comme les autres, je suis dans la pré-carité et bientôt soumise au ballotage. Ce n’est pas évident de se trouver du travail ailleurs lorsque tu as quarante-sept ans et que tu possèdes une expertise très pointue dans le développement de projets et la supervision de ressources. Pour le dire franchement, nous ne savons pas quoi faire. Nous n’avions jamais imaginé l’ampleur et la dureté de cette réforme. On découvre, jour après jour, que les règles changent et que de nouvelles menaces planent sur le ré-seau dans son entier. Ce n’est pas le bon moment pour bien expliquer ce qui se passe. Je m’excuse.

Comment faire pour pousser plus loin cette incursion dans l’ordre des sentiments éprouvés sans vouloir trop perturber ? J’ai tout simplement demandé à un ami gestionnaire de lire ce texte pour par la suite amorcer avec lui un dialogue lui per-mettant de parler de sa pratique dans le temps présent.

LES IMPÉRAtIFS DE LA RÉFORME Et LES SONS DU SILENCESous des prétextes d’accessibilité, de rentabilité, d’efficience et d’efficacité, la réforme du réseau de la santé et des servi-ces sociaux introduite en 2014 aura inévitablement des réper-cussions sur les services et les soins à la population, mais aussi sur tous les travailleurs du réseau, une fois toutes les manœuvres administratives complétées et les dispositifs mis en place. Ceci, sans prendre en considération la violence de l’après-coup de cette réforme sur la société, la culture, les savoirs, les hommes, les femmes, les enfants et les institu-tions qui la composent, dont les universités qui forment la relève. Une relève qui, de toute évidence semble condamnée à la précarité.

C’est à mots découverts et pour le prétendu bien des patients que cette réforme s’effectue de manière autocratique où les fondements de la démocratie sont malmenés par le fait même

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actuel n’improvise pas. Il applique, avec systématisme et froi-deur, des règles fondées sur des convictions qui devraient être critiquées et discutées par les gestionnaires. Pourtant, c’est silence radio.

Dans la situation actuelle, le silence des plus hauts gradés ne s’effrite pas. La loyauté des gestionnaires reste entière. Pour-tant, tous les travailleurs rattachés à ce réseau savent qu’il y a péril en la demeure : les gestionnaires en premier et en second, les chercheurs, les organisateurs communautaires, les médecins, les sages-femmes, les sociologues, les infir-mières, les travailleurs sociaux, les psychologues, les agents administratifs, pour ne citer qu’eux. Ces travailleurs, incluant les gestionnaires, sont soumis à l’incertitude et, surtout, à l’incompréhension quant aux effets attendus de cette réforme pour eux et les autres, c’est-à-dire la population. Plusieurs ne comprennent pas le pourquoi des choses et ne peuvent faire autrement que d’anticiper avec méfiance le futur à venir. Ceux, nombreux, à statut précaire savent déjà qu’ils perdront leur emploi. Cette annonce est faite. Les plus jeunes devront quitter. La relève est expulsée. Certains ont déjà quitté. Les autres attendent en rang le son de la cloche pour évacuer les lieux. À chaque semaine, les ordres et les règles changent. À l’incertitude se mêle l’incompréhension.

À l’instar de tous les autres membres du réseau de la santé et des services sociaux, des gestionnaires sont affectés et, comme les autres, coupés des choix politiques qui impactent tous les travailleurs du réseau. Une large part des gestion-naires sont inquiets pour eux, car leur avenir personnel est menacé. Ils sont soucieux pour l’ensemble des travailleurs et l’avenir du réseau de la santé et des services sociaux. Les deux brefs entretiens, en introduction, illustrent cet état de vertige.

Même si l’on soupçonne que les gestionnaires doivent rester muets sous peine d’y perdre beaucoup, leur façon d’exposer les choses à venir est régulièrement empreinte de contin-gence. Le silence forcé est révélateur parce qu’il s’observe, parce qu’il s’entend. On pourrait conclure que le mutisme pré-conisé fonctionne, mais partiellement comme nous venons de l’esquisser, car de près nous entendons ce silence.

Depuis l’annonce de la réforme de la santé et des services sociaux du Québec par le ministre de la Santé actuel, plu-sieurs individus et groupes, s’intéressent prospectivement aux impacts à venir de la réforme sur les soins et les services. Depuis des mois, la multitude des publications et des prises de position en témoignent. Pourtant, il est rare que l’attention se porte sur la vie quotidienne des travailleurs du réseau et, plus rare encore, sur la parole des gestionnaires. En guise de conclusion à cet effort préliminaire de compréhension de l’esprit du temps dans le réseau de la santé, nous donnons ici la parole à un gestionnaire.

SECONDE INCURSION AUPRèS D’UN gEStIONNAIRE

Troisième et dernier cas : Nicolas (50 ans). Je viens de lire le texte. Je vais donc, dans la poursuite de ton initia-tive, apporter ma vision des choses en évitant de plonger dans ce qui est à venir car c’est le bout que personne ne maitrise.

Je possède douze années d’expérience dans le réseau de la santé et des services sociaux à titre de gestionnaire. Depuis que je suis en poste, je n’ai jamais vu une restruc-turation aussi violente. En plus de mes tâches de gestion, je participe depuis plusieurs années à la mise sur pied d’initiatives visant le rapprochement de patients vers les lieux de décision dans le réseau de la santé. Non pas pour faire de la figuration dans un CA (conseil d’administration), mais bien pour que ceux-ci participent activement aux dé-cisions qu’envisagent des médecins, des psychologues, des travailleurs sociaux et autres membres de notre or-ganisation. Ces patients sont là au même titre que les au-tres. Avec le vent de réforme qui frappe le réseau, je ne sais pas ce qui adviendra de ces initiatives qui cherchent à mettre le patient, voire le citoyen, au cœur du système. Depuis que les hauts dirigeants furent contraints au si-lence, je peux dire que cela a percolé sur l’ensemble des gestionnaires. Ensemble, nous partageons nos angoisses tout en étant soumis, nous aussi, à livrer au compte-goutte de l’information pour ne pas augmenter l’effet de panique qui prévaut dans le réseau. Cet état de fait perdure depuis l’été 2014. Lorsque les têtes dirigeantes du réseau furent les premières à être touchées. Au quotidien, cela implique que je dois gérer dans l’incertitude, annoncer des choses qui risquent d’être contredites dès le lendemain car le mi-nistre peut à tout moment imposer des décrets. C’est ce que nous vivons. Mon poste sera aboli le 1er avril 2015, je viens de l’apprendre. Lorsque je compare ma condition à celles d’autres travailleurs du réseau de la santé, je sais qu’il m’est impossible de me plaindre. Tous les travailleurs à statut précaire ainsi que ceux qui bénéficient d’une

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des sentiments et de la sensibilité chez les gens qui sont au plus proche des populations, incluant les populations elles-mêmes qui adapteront et transformeront, pour le meilleur, les savoirs et les pratiques qui leurs seront imposés. Nous le sou-haitons. C’est le propre de l’humanité que d’adapter et trans-former les choses.

Toutefois, il ne faut pas être naïf, d’autres en profiteront pour durcir leur position, acquérir plus de pouvoir, écraser, asseoir leur autorité, se soumettre au régime du silence et du secret et le perpétuer, allant jusqu’à blâmer ceux qui, prétendument, auront résisté, résistent et résisteront à l’imposition de chan-gements en prenant la parole pour rompre la quiétude du bruit du silence

Nous voudrions remercier les trois gestionnaires rencontrés ainsi que des chercheurs du réseau qui ont bien voulu lire et commenter ce texte avant sa publication. ///

Références bibliographiques

1. ARROYAVE, Myriam. « Silence, on écoute le temps », Esprit d’avant - Site : http://www.espritdavant.com/DetailElement.aspx?numStructure=79255&numElement=136210

2. DAOUST-BOISVERT, Amélie (2015). « Onde de choc chez les cadres de la santé » journal Le Devoir, 11 février.

3. ROUTELOUS, Christelle (2009). La démocratie sanitaire à l'épreuve des pratiques médicales : sociologie d'un modèle participatif en médecine, École Nationale Supérieure des Mines de Paris. (2009;192).Thèse de doctorat.

4. LIPSKY, Michael (1980). Street-Level Bureaucracy: Dilemmas of the Individual in Public Services. Russell Sage Foundation.

certaine sécurité d’emploi ont beaucoup plus à perdre. Là où je peux légitimement prendre la parole c’est pour décrire l’effet dommageable d’un cumulatif de décisions qui mettent en péril la démocratie, les droits et la partici-pation citoyenne au centre du réseau de la santé et des services sociaux.

Pour l’instant, nous mettons à jour nos curriculum vitae en espérant pouvoir nous replacer quelque part dans le réseau lors des affichages de postes. Nous terminons du mieux possible des projets en cours. Nous reportons des projets à des dates ultérieures, indéterminées. Enfin, nous essayons de conserver un minimum d’énergie parce que nous savons très bien que le plus difficile est à venir.

EN gUISE DE DISCUSSION : UN FUtUR FORtUItLes changements annoncés dans le réseau de la santé et des services sociaux sont indéniables, incontournables et inévi-tables. Les annonces sont faites, les changements sont en cours. D’autres sont à venir. Et d’autres, après coup, suivront. Que ce soit pour le meilleur ou pour le pire. On verra. On sait, notamment par l’intermédiaire des travaux déjà anciens de Michaël Lipsky(4) (1980), qu’il y a des écarts pouvant être considérables entre une volonté politique, aussi affirmée soit-elle et rigide puisse-t-elle être, et les transformations qu’elle subira au contact de la réalité; au moment où elle sera inter-prétée, critiquée, traduite et mise en application sur le terrain. Pourquoi? Tout naturellement parce qu’il y a de l’intelligence,

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Il y a déjà plus de dix ans, une réforme majeure, axée sur l’accessibilité, la continuité et la qualité, a entrainé une transformation importante du réseau de la santé et des services sociaux. Au cours de cette dernière décennie, des équipes de différents établissements se sont apprivoisées, elles ont joint leurs efforts et déve-loppé de nombreux projets afin de mieux intégrer les continuums de services et faciliter le cheminement des clientèles : des guichets d’accès ont été mis en place, des trajectoires ont été tracées et des partenariats ont été établis dans les réseaux locaux.

Parallèlement à ces mesures, pour faire plus et mieux, une préoccupa-tion grandissante de révision des méthodes de travail et de recherche de la performance a donné lieu au développement d’une culture d’amé- lioration continue.

Aujourd’hui, une nouvelle réforme donne un second souffle à celle de 2004 ! L’effet de surprise que son annonce a provoqué n’a eu d’égal que l’ampleur de la transformation qu’elle impose. Cette nouvelle ré-forme oblige le réseau à se remettre en question. Elle cache de nom-breux inconnus. Elle suscite aussi des craintes.

Malgré des échos de protestation vé-hiculés dans les médias, malgré les appréhensions exprimées à certains moments sur la capacité du réseau de vivre cette grande métamorphose, c’est un nouveau rendez-vous à ne

pas manquer, avec une transition à réussir et d’excellents résultats au bulletin ! Les travaux à accomplir pour y parvenir sont gigantesques et le fil d’arrivée, encore loin. Mais c’est une occasion de faire encore plus et surtout, encore mieux. Voyons quelques exemples :

• Presque toutes les barrières interétablissements ont été abolies. Il faudra utiliser les leviers nécessaires pour réussir une transformation clinique et enrichir l’expérience client. Les mécanismes de gestion de l’accès ne pourraient-ils pas être réinven-tés ? Il ne tiendrait qu’aux ges-tionnaires et aux équipes d’ouvrir grandes les portes des nombreux guichets qui ont été créés, de sim-plifier les trajectoires de services parfois complexes qui ont été élaborées et, surtout, d’abolir le concept des listes d’attente ! La revue du rôle, de l’organisation et du nombre de ces guichets d’accès serait une occasion de faire place au suivi rapide, voire immédiat, des personnes qui s’y présentent plutôt qu’à l’évaluation ou à la surévaluation des besoins !

• Le regroupement d’établis-sements devrait permettre d’affronter ouvertement, et avec les coudées franches, les difficiles et délicates remises en question concernant les dédoublements de services ou les déséquilibres dans l’utilisation des plateaux de soins.

• Les nouvelles structures formalisent la présence d’une direction de la qualité – évalua-tion – performance – éthique. C’est maintenant le temps d’intensifier les actions d’amélio- ration de la performance globale, d’accélérer la mise en place des solutions élaborées et, surtout, d’en mesurer les résultats et d’en assurer la pérennité.

Tout en respectant les balises minis-térielles et les règles dictées, les exi-gences de cette réforme vont nous obliger à explorer de nouveaux sen- tiers, à nous aventurer dans de nou-velles voies, à oser et à faire preuve d’audace pour trouver de nouvel-les façons de faire les choses… Cela exige de la confiance en nous ainsi que l’expression de tout l’optimisme qui nous habite et nous anime, le tout afin de mieux servir la popu-lation de chacun des territoires des nouveaux CISSS et CIUSSS. Ce savoir-faire devra aussi permettre à l’ensemble des ressources humaines de vivre une expérience employé ri-che et solide pour l’avenir.

D’autres avant nous ont rencontré l’impossible et l’ont vaincu. Pour réussir nous aussi, inspirons-nous de la sagesse et de l’ambition de ceux qui nous ont précédés :

« On ferait beaucoup plus de choses si l'on en croyait moins d'impossibles. »

Malesherbes Pensée et maximes

La transformation en cours, une occasion de vaincre l’impossible

pour améliorer l’accès aux soins !Chantal Friset, associée

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PUBLIREPORTAGE

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« Lors de la dernière réforme, nous avons su vous soutenir avec brio. Plus présents que jamais, nous sommes à vos côtés pour vous accompagner dans les transformations importantes à venir. »

Chantal Friset, B.Sc. Inf., MBA Marie-Hélène Desrosiers, B.Sc. Inf., MBA

Dévouée et expérimentée, notre équipe saura déployer des idées innovatrices et des stratégies gagnantes pour vous seconder dans vos prises de décisions. Concrètes et performantes, les solutions proposées vous aideront à repousser les limites de l’efficacité, à dominer le changement et à faire vivre la différence à votre clientèle.

Référence solide dans le marché, notre équipe vous aidera à obtenir des résultats.

Expertise – Santé et services sociaux rcgt.com

Jonathan Perrier B.Sc. Inf.,

M.Sc. Adm. Santé,Ceinture noire LSS

Sylvie Schryve B. Arch.

Nicole Parent B.Sc. Inf.,

Ph.D., Épidémiologie

Marc Hyndman M.Sc. Adm. Santé

Pierre Fortin CPA, CA

May Lissa Ollivier M.Sc. Adm. publique,

M.A.P.

Jonathan Gariepy M.Sc. Adm. Santé

Marc Ouellet CPA, CA

Maria Fortino Dt.P., MBA,

Ceinture noire LSS

Serge Gagnon M. Ps., Ph. D.

(Comm.)

Lise Denis MBA, C.Q.

Marie Beauchamp MBA, Adm.A.

Dr Michèle Pelletier MD, M.Sc. Adm.

Santé

Valérie Fichelle B.A.A,

M.Sc., Adm. Santé, Ceinture noire LSS

Céline Martinez M.Sc. RH, CRHA

Michèle Desrosiers FCPA, FCMA

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ANAL

YSE Les TerriToires de

desserTe des cisss1 eT Leur coNsTiTuTioN – PorTraiT eT eNjeux d’uNe réforme daVaNTage sTrucTureLLe Que cLiNiQue

Article no 11.01.02 Mots-clés : réforme, desserte, réorganisation, défi, enjeux, accompagnement.

Se sont greffés à ces transformations la formalisation d’un grand nombre d’ententes interser-vices et interétablissements, témoignant de la volonté de collaboration des régions, des éta-blissements et des professionnels concernés, le tout visant l'amélioration du continuum des services de santé et des services sociaux. En parallèle, c'est majoritairement avec les hôpitaux universitaires de Québec, Montréal et Sherbrooke que se sont consolidés les corridors de ser-vices extrarégionaux(1).

Notons que lors de la dernière vague importante de fusions, en 2003/04, la très grande majorité des CSSS se sont formés en regroupant de trois (3) à neuf (9) établissements, certains étant de très petite taille. Dans la présente opération, le défi est décuplé : une majorité de CISSS sera formée en regroupant de 9 à 13 établissements distincts (cf. Tableau 2), tous étant de taille nettement supérieure cette fois-ci et dispersés sur des territoires immenses, dans certaines régions.

qUE SAIt-ON DES RÉSULtAtS DES DERNIERS REgROUPEMENtS ? À la demande du MSSS(2), une proposition d’évaluation a été conçue afin d’examiner l’impact des Réseaux locaux de services (RLS) sur certains aspects de l’offre et de l’organisation des services de santé et des services sociaux. Huit (8) RLS-CSSS furent étudiés en profondeur.

MADELEINE CHEVRIER Consultante

Plusieurs réformes ont eu lieu dans le réseau de la santé et des services sociaux au cours des ans, avec comme slogan : Tous les efforts de gestion doivent être dirigés vers les services à la popula-tion. Parmi les moyens retenus, notons la fusion des établissements de même mission — déficience intellectuelle (DI), déficience physique (DP) — et aussi de missions différentes — Centre hospitalier (CH), Centre d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD), Centre local de services communautaires (CLSC), notamment en 2004 alors que les regroupements sur une base territoriale avaient comme objectif de favoriser la coordination des services aux usagers autour d’un réseau de services local animé par les Centres de santé et de services sociaux (CSSS).

/// 28 Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1

1. Aux fins d’alléger le texte, le terme CISSS inclut les Centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) et les Centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS), à moins d’indication contraire.

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Les objectifs de l’évaluation se résument en quatre points :

1) comprendre les enjeux, les leviers et les contraintes de la mise en place des RLS dans le cadre de la réorganisation des services;

2) examiner l’implantation des structures et des moyens nécessaires à l’actualisation de l’intégration des services dans le cadre des RLS;

3) mesurer l’influence des RLS sur l’accessibilité des services de première ligne, incluant les services de prévention et médicaux, ainsi que sur le suivi et la prise en charge des personnes ayant eu recours aux services;

4) dégager les conditions qui favorisent ou entravent le fonctionnement et l’efficience des RLS.

Nous reprenons dans le tableau 1 ci-dessous certains des principaux constats de cette étude publiée en 2010.

Volets analysés Principaux constats 2004/2008 – après 4 ans

Ressources humaines Essoufflement, climat de travail difficile, éloignement du processus de communication jugé déficient & intégration clinique non terminée dans tous les sites étudiés.

Enjeux structurels Les expériences de fusions antérieures n’influençaient pas la rapidité du processus d’intégration clinique.La grandeur du territoire et le nombre d’installations fusionnées ne sont pas, en soi, une contrainte à la vitesse de réalisation du processus d’intégration, sauf dans les très grands territoires.La fusion de CLSC se révèle par ailleurs difficile à réaliser, l’harmonisation des pratiques se révélant très laborieuse.

Enjeux systémiques En gouvernance : rôles plus ou moins bien définis entre les paliers et des ententes de gestion qui ne cor-respondent pas toujours aux priorités établies par les établissements et leurs partenaires.En soutien : les attentes sont nombreuses quant à l’informatisation, à commencer par l’équipement de base qui se révèle insuffisant et souvent désuet.

Enjeux organisationnels Dans les six CSSS plus avancés relativement à l’intégration organisationnelle et clinique, la présence d’un grand leadership, de la transparence dans la communication et l’intensification des mécanismes de concertation intra-CSSS et intra-RLS a favorisé leur progression.L’adhésion au projet est un enjeu central mais le cli-mat de travail teinte la rapidité et l’adhésion au projet clinique, un essoufflement se fait sentir chez plu-sieurs. Tous les CSSS composent avec un personnel peu enthousiaste face aux résultats probables de la fusion, déplorant une hiérarchisation et une bureau-cratisation accrues : « trop de marches à l’escalier ». Le personnel déplore également l’éloignement du processus décisionnel et encore le peu d’effets re-marqués sur le travail en équipe et sur l’amélioration des services.

En parallèle à cette étude, à la lumière de notre propre expérience lors d’accompagne- ment dans des mandats d’intégration, rappelons quelques faits quant à l’intégration des systèmes informationnels des établissements fusionnés en 2003/04.

Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1 /// 29

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Tableau 2 - Intégration des systèmes informationnels – principaux constats postfusion 2005

Intégration des systèmes

informationnels

PRINCIPAUX constats par suite de la fusion de 2005

Systèmes financiers

Cette fusion des systèmes s’est faite assez rapidement – dans les 12 à 24 mois de la date de fusion : notons qu’il y avait des budgets d’appoint pour soute-nir financièrement cette opération.

Progiciels de ressources humaines

La fusion des systèmes s’est faite as-sez lentement – dans les 36 à 60 mois suivants la date de la fusion : notons qu’il n’y avait pas de budget d’appoint dans la majorité des régions pour le soutien financier de cette opération exi-geante; de plus chaque établissement avait et à encore son propre index, ce qui est le cas des CH, CHSLD, CLSC et autres établissements du réseau.

Index clientèle Des index patients maître (Identification unique de chaque usager pour la cir-culation de l’information clinique entre les intervenants et entre les établisse-ments) sont constitués progressivement dans tous les CSSS : par contre, très rares sont les CSSS qui ont fusionné leurs index CLSC et Hôpital. Les appli-catifs cliniques et clinico-administratifs fonctionnent donc en silo, avec tous les dysfonctionnements qui en découlent.

Fusion des bases de données I-CLSC

32 CSSS étaient concernés par cette problématique : il a d’abord fallu convaincre le MSSS du bien-fondé et de la nécessité de fusionner ces bases de données pour permettre un travail intégré sur le terrain pour les cliniciens. 2010 a été l’année de la grande fu-sion… est-ce que tout est terminé à ce jour ? Là est la question…

En somme, les expériences québécoises les plus récentes des fusions et certaines données probantes recueillies lors de l’é-tude commandée par le MSSS :

• ne permettent pas de confirmer les attentes du projet de loi 10 quant à des gains et des transformations rapides et systémiques;

• démontrent que l’harmonisation des pratiques constitue tout un défi en raison, notamment, des façons de faire fort différentes entre les établissements, ce qui engendre de nombreuses tensions lors des démarches d’harmonisation ou d’uniformisation;

• mettent en relief les enjeux sur le plan des ressources informationnelles : les plateformes d’interopérabilités in-existantes seront vraisemblablement source de frustrations pour le personnel des nouveaux CISSS;

• révèlent des résultats non prévus et indésirables, même à moyen terme, notamment sur le plan des ressources humaines;

• démontrent que l’horizon de temps pour réaliser les intégra-tions administratives et informationnelles sera très long, si l’on se fie aux expériences précédentes (Damien Contandriopoulos, analyse projet de loi 10, p.12).

À partir de cet éclairage, nous croyons utile d’élaborer plus à fond sur trois enjeux que nous percevons comme détermi-nants quant à la présente réforme découlant du projet de loi 10 : les enjeux structurels, de dessertes régionales et infor-mationnelles. Nous nous interrogeons dans chaque cas sur la façon dont cela sera mené.

Les enjeux structurelsUne centralisation ministérielle accrue, la politisation et la déresponsabilisation des acteurs sont des menaces qui pla-nent sur cette réforme. Le ministre détient un droit de tutelle quotidienne, opérationnelle et politisée sur la gouvernance, le fonctionnement et l’organisation interne des nouveaux établissements régionaux. Cette centralisation volumineuse entrainera vraisemblablement une diminution du sentiment d’appartenance, d’où des effets sur la motivation et la performance.

La disparition du pouvoir de décision locale et la gestion de nombreux points de services (installations) dans un ensem-ble régional risquent de fragiliser certains programmes et services découlant de particularités locales. Il ne faudrait pas que les installations se retrouvent devant un déficit de pla- nification et de redéfinition des services de leur territoire, attribuable aux restrictions budgétaires; ultimement, l’amé-lioration de l’accès, un des objectifs de la réforme, pourrait être compromise au plan géographique. Dans le contexte de rationalisation des programmes et services, quelles sont les probabilités que des services soient centralisés dans des centres plus importants et que des points de desserte soient fermés ?

Les redditions de comptes demeurent : vont-elles se bonifier, avoir plus de sens et s’alléger ?

Ce processus de fusion, avec son approche et son langage technocratique, va à l’encontre d’une intégration fonctionnelle au plan clinique pour améliorer la dispensation des soins de santé et de services sociaux.

Un défi de taille - Il y aura un seul Conseil d’administration par CISSS, soit 22 pour 195 établissements et 1480 installa-tions, et ce, sans compter les établissements universitaires non fusionnés. Dans la distribution des services de santé, les acteurs sont interdépendants sur les suivis interdisciplinaires, interétablissements et même interrégionaux pour les régions éloignées. Au risque de le répéter, l’intégration du réseau de la santé repose davantage sur les enjeux humains et cliniques que sur des enjeux structurels. (Exemple d’impact : un enjeu de taille pour les ressources humaines, quant aux remplace-ments des congés de toutes sortes.)

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ceux du privé(4). On est actuellement dans une phase d’inté-gration et de déploiement du dossier clinique informatisé (DCI), du dossier patient (DP), du dossier médical électronique (DME). Laboratoire, radiologie, ressources humaines et ad-ministratives : comment seront redéployés les actifs d’intérêt commun sur le plan clinique ? Qui décidera et sur quelles bases ? Les utilisateurs principaux des systèmes seront-ils consultés ?

Dans un contexte où les équipes seront inévitablement plus grosses et plus dispersées, l’informatisation du réseau pour les suivis clientèle devient une priorité incontournable. D’où viendra le budget requis pour ces travaux de conception et de développement, ou de mise à niveau des systèmes ?

Ces changements tant structuraux qu’organisationnels (har-monisation des outils et des pratiques) devront être gérés. Compte tenu de l’ampleur de la réforme actuelle, le niveau d’encadrement et de soutien aux différents professionnels, puisqu’il est reconnu que ces changements nécessitent plus d’accompagnement et de formation, sera-t-il à la hauteur ?2

Des transformations majeures pour le personnel et la clientèle L’accompagnement et la formation qui s’imposent auront-ils lieu ? A-t-on un plan et une stratégie de changement axés sur le soutien, la formation et l’accompagnement dans la démarche ?

Comment gérer la perte d’expertise découlant des nombreux départs et les répercussions collatérales sur la formation de la relève ?

Comment assurer les services à la clientèle dans un contexte de changements, sans tenir compte de leur impact sur le per-sonnel et de l’inquiétude de la clientèle?

Il est important de ne jamais perdre de vue que la priorité est d’assurer des services de santé de qualité. Ainsi, on se doit :• D’améliorer la gestion, l’utilisation, le partage et la circula-

tion des informations sur la clientèle;• D’implanter des outils de soutien aux activités cliniques et

des instruments de soutien à la tâche pour le personnel du réseau;

La perte de pouvoir des usagers - Il est difficile de compren-dre le sens de certaines décisions dans cette réforme, notam-ment le peu de représentation des usagers sur les conseils d’administration(3). Le fait que la loi fasse passer le nombre d’administrateurs issus du comité des usagers de deux à un nous parait tout à fait inacceptable, d’autant plus que les can-didats dits « indépendants » seront ultimement nommés par le ministre(3).

Aussi, il y a lieu de craindre que la participation citoyenne au sein du comité des usagers et du conseil d’administration du CISSS ne devienne l’apanage que des personnes résidant à proximité du centre administratif du CISSS (avec les pro-blèmes de représentation des différentes localités d’une ré-gion que cela entraine). Comment, dans des régions comme l’Abitibi‐Témiscamingue ou le Bas-Saint‐Laurent, peut-on croire que des personnes, souvent à mobilité réduite, accep-teront de faire des heures de route pour simplement assister à une réunion ? Les enjeux d’équité – et de perception d’équité – demanderont une grande attention(3).

Les enjeux de desserte régionale des CISSS et des CIUSSSRevenons à la desserte régionale et à ses particularités en Montérégie et à Montréal. Dans les deux cas, des CISSS se re-trouvent à gérer des services et des établissements régionaux, tout en jouant leur rôle d’établissement territorial. Ces six CISSS (tableau 3) auront des défis particuliers et complexes.

Dans ce contexte, des ententes intra et extrarégionales de-vront être élaborées sur des bases nouvelles et les processus de référence, aussi bien que de liaison, devront être dévelop-pés sur de nouvelles bases.

• Comment seront élaborées les règles de gouvernance de ces entités ? Sur quelles bases seront définis les budgets de ces établissements particuliers ?

• Quelle sera la latitude de ces CISSS pour décider du développement ou des restrictions touchant ces secteurs d’activités ? (Voir le tableau 4 à la page suivante)

Les enjeux informationnels Les actifs informationnels sont nombreux et plus ou moins in-terfacés quand ils ne sont pas désuets, et ce, sans compter

Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1 /// 31

CISSS de la Montérégie- Centre

L’Institut Nazareth et Louis-Braille (services aux personnes avec déficience visuelle), avec des dessertes inter et extrarégionales à Montréal et Laval

CISSS de la Montérégie-Est Tous les Centres jeunesse de la Montérégie, enjeux par rapport à l’étendue du territoire

CISSS de la Montérégie-Ouest

Les Services de réadaptation en déficience intellectuelle, en dépendance, en réadaptation, en trouble de développement (donc tous les CR du territoire)

CIUSSS de l'Ouest- de-l'Île-de-Montréal

Centre jeunesse, centre de réadaptation de l’ouest, CH Anciens combattants pour l’ensemble de la province

CIUSSS du Centre-Est-de-l'Île-de-Montréal

L’Institut de réadaptation Gingras-Lindsay-de-Montréal (IRGLM), le Centre de réadapta-tion Lucie Bruneau, les Centres Jeunesse de Montréal, CRDI-TED de Montréal

CIUSSS du Centre-Ouest-de-l'Île-de-Montréal

Centre de réadaptation Constance-Lethbridge et également avec la Rive–Sud de Montréal.

Tableau 3

2. Exemple : les actifs informationnels sont nombreux et plus ou moins interfacés quand ils ne sont pas désuets. (Voir article 162 projet de loi 10, actifs informationnels cédés au ministre, sans compter ceux du privé).

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• De valoriser les acquis en misant sur l’intégration des activités déjà en place;

• De mettre en place les adaptations nécessaires aux nouveaux modes de pratique et de gestion;

• Et finalement, d’accompagner et faire connaitre les préa-lables et les conditions de succès d’une harmonisation des pratiques pour un meilleur suivi en réseau et une informati-sation des réseaux.

CONCLUSIONLa réforme actuelle favorise une fois de plus la structure au lieu de se concentrer sur les services à la clientèle et à son corol-laire, soit des professionnels engagés, motivés et soutenus à l’aide d’outils de travail assurant le suivi clientèle dans une chaine d’événements sans rupture (informatisation du réseau).

L’actualisation d’une telle réforme exige en outre d’accor-der une marge de manœuvre aux acteurs - administrateurs,

/// 32 Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1

professionnels et citoyens–usagers - en leur donnant les moyens nécessaires pour optimiser les processus. ///

RemerciementsL’auteure remercie les personnes suivantes qui ont collaboré à la rédaction de l’article : Jacques Daniel, Renée Mongeon et Céline Turcotte, gestionnaires retraités du réseau de la santé.

Références bibliographiques

1. MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX DU QUÉBEC (MSSS). Logiciel Consomme.

2. MSSS (2010). Évaluation de l’implantation des réseaux locaux de services de santé et de services sociaux, Rapport final, Québec.

3. CONSEIL POUR LA PROTECTION DES MALADES –CPM (2014). Projet de loi no 10 - Mémoire présenté à la Commission de la Santé et des Services sociaux, octobre.

4. ASSEMBLÉE NATIONALE DU QUÉBEC (2014). Projet de loi no 10, article 162, Les actifs informationnels d’intérêt commun […] sont transférés au ministre de la Santé et des Services sociaux…, p. 33.

Tableau 4 - Desserte et étalement régional : impact sur la gestion des services et du personnel

Installations par CISSS et étalement régional

CISSS Population Nombre Installations/ points de services pour

l'ensemble des missions par région

Étalement régional km2

(Distance)

Densité hu-maine par Km2

H=habitant

CISSS du Bas-Saint-Laurent 201 256 h 11 75 28 319 7 107 h

CISSS du Saguenay-Lac-St-Jean 268 714 h 10 60 106 173 2 531 h

CIUSSS de la Capitale-Nationale 705 338 h 13 148 20 319 34 713 h

CISSS de la Mauricie- et-du-Centre-du-Québec

503 335 h 13 132 47 066 10 694 h

CIUSSS de l’Estrie-Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke

315 464 h 13 74 10 483 30 093 h

CIUSSS de l'Ouest-de-l’Île-de-Montréal 368 398 h 7 63

483 4 096 h

CIUSSS du Centre-Ouest-de- l'Île-de-Montréal

350 983 h 9 26

CISSS du Centre-Est-de-l'Île-de-Montréal 298 450 h 10 36

CIUSSS du Nord-de-l'Île-de-Montréal 433 423 h 5 40

CIUSSS de l'Est-de-l’Île-de-Montréal 526 987 h 6 89

CISSS de l’Outaouais 378 364 h 10 86 33 991 11 132 h

CISSS de l’Abitibi-Témiscamingue 147 774 h 10 67 64 656 2 285 h

CISSS de la Côte-Nord 93 095 h 8 50 379 314 245 h

CISSS de la Gaspésie 81 014 h 7 48 20 089 4 032 h

CISSS des Îles 13 349 h 1 8 187 71 h

CISSS de Chaudière-Appalaches 413 720 h 10 101 16 088 25 716 h

CISSS de Laval 416 786 h 5 32 266 1 567 h

CISSS de Lanaudière 499 002 h 6 73 13 479 37 020 h

CISSS des Laurentides 554 777 h 12 72 22 464 24 696 h

CISSS de la Montérégie-Centre 585 908 h 4 28

11 824 131 907 hCISSS de la Montérégie-Est 520 992 h 4 81

CISSS de la Montérégie-Ouest 452 779 h 9 91

195 1480

ANAL

YSE

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TRIB

UNE HériTage de La Vie

associaTiVe Pour Le réseau de La saNTé eT des serVices sociaux

Article no 11.01.09 Mots-clés : réforme, Association d’établissements, projet de loi 10, FQCRDITED, AERDPQ, AQESSS, ACJQ.

Entre 1990 et 2009, le nombre d’établissements au Québec a diminué de 68 %(1) en raison de nombreuses fusions, dont celle constituant les centres de santé et de services sociaux (CSSS) en 2003. Les principes directeurs des réseaux locaux de services (RLS), de l’approche popu-lationnelle et de la hiérarchisation des services devenaient les nouvelles bases pour redéfinir l’offre de service à la population. Dès lors, nous parlions d’une première ligne qui devait offrir des services de santé spécifiques alors que la deuxième et la troisième lignes auraient à fournir des services spécialisés et surspécialisés.

Ce changement structurel a conduit les établissements - centres de santé et de services sociaux (CSSS), centres jeunesse (CJ), centres de réadaptation en dépendance (CRD), centres de réadaptation en déficience intellectuelle et en troubles envahissants du développement (CRDITED), centres de réadaptation en déficience physique (CRDP) - à définir leurs rôles res-pectifs et les interfaces entre eux.

De façon complémentaire, les établissements ont mandaté leur association respective pour les soutenir dans la réalisation de leur mission, et ce, dans un souci d’amélioration continue. En ce sens, plusieurs initiatives ont été mises de l’avant par les associations, par exemple :

Pour les CSSS

• élaboration d’outils et de formations au regard de la nouvelle gouvernance du réseau et du concept de responsabilité populationnelle;

• redéfinition du rôle des directeurs des services professionnels et, plus largement, du concept de partenariat médico-administratif;

• développement des services d’accueil clinique et de méthodes de soins informatisés.

On le sait, le réseau de la santé et des services sociaux a été appelé à changer constamment, à évoluer et à s’adapter. Il est un organisme vivant composé de plus de 200 000 personnes qui, au quotidien, s’investissent pour offrir le meilleur de leur expertise à des millions de Québécoises et Québécois. Un organisme vivant qui s’est trans-formé et qui continuera de le faire. Regard sur l’évolution du réseau de la santé et des services sociaux et de l’apport des associations d’établissements : un héritage utile et riche en contenus.

ALAIN ST-PIERRE Directeur général par intérim Association des centres jeunesse du Québec (ACJQ)

DIANE LAVALLÉE Directrice générale Association québécoise d’établissements de santé et de services sociaux (AQESSS)

ANNE LAUZON Directrice générale Association des établissements de réadaptation en déficience physique du Québec (AERDPQ)

CLAUDE BELLEY Directeur général Fédération québé-coise des centres de réadaptation en déficience intellectuelle et en troubles envahissants du développement (FQCRDITED)

Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1 /// 33

Page 34: réforme Volume 11, numéro 1 ...gestiondamboise.com/wp-content/uploads/2016/02/LePointE...Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1 /// 1 Volume 11, numéro 1 PRINTEMPS

pouvons nous targuer d’avoir le système de protection de la jeunesse le plus performant au Canada et d’avoir des experts cliniques qui s’appuient sur les meilleures pratiques afin de contribuer à l’intégration sociale des personnes aux prises avec des problèmes de dépendance, des jeunes en difficulté et des personnes ayant une déficience. Ces avancées sont le fruit des forces vives canalisées pour l’atteinte d’objectifs communs.

Le 25 septembre 2014, le gouvernement conviait une fois de plus, par le biais du projet de loi 10, Loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l’abolition des agences régionales, à revoir la structure actuelle, entre autres, en réduisant le nom-bre d’établissements de 182 à 34. Chaque nouveau centre inté-gré de santé et de services sociaux (CISSS) ou centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) sera la porte d’entrée pour l’ensemble des services offerts à la popu-lation de son territoire, et ce, dans le but d’en simplifier l’accès et de favoriser le continuum entre les programmes. Le dépôt de ce projet de loi a suscité une mobilisation impor-tante au sein des associations d’établissements. D’aucuns ne pouvaient prétendre être contre les objectifs d’efficience et ceux en lien avec l’amélioration des services. C’est pourquoi les représentants de chacune des associations ont plaidé, lors de la commission parlementaire de novembre dernier, pour une réforme basée sur les personnes plutôt que sur les structures. La personne a toujours été au cœur des actions posées par chaque membre du personnel du réseau et elle doit demeurer leur motivation première.

Les associations d’établissements ont également souhaité trouver une voie afin de pérenniser les travaux de grands chantiers qu’elles avaient entrepris, tant sur le plan clinique, de la performance que des technologies de l’information ainsi que des services aux établissements tels que les services-conseils en relations de travail, en santé et sécurité au travail et le programme d’assurances du réseau.

Appelées à disparaitre, les associations ont émis le souhait de pérenniser l’expertise développée au fil des ans et ont travaillé de concert avec des membres de l’équipe sous-ministérielle afin de trouver un véhicule permettant de poursuivre les tra-vaux au bénéfice des usagers du réseau de la santé et des services sociaux. Le fruit de ces travaux résulte en :

• l’intégration d’une vingtaine de personnes à la nouvelle Direction des services sociaux de l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux (INESSS), qui sera dirigée par Mme Anne Lauzon, afin de poursuivre les travaux relatifs aux meilleures pratiques et à la perfor-mance clinique dans les programmes jeunes en difficulté, dépendance, déficience intellectuelle et troubles du spectre de l’autisme et déficience physique;

• l’incorporation de l’équipe Services-conseils en relations de travail et du Guide d’interprétation des conventions collec-tives (GICC-Sentar) au Comité patronal de négociation du secteur de la santé et des services sociaux (CPNSSS);

Pour les CJ • création d’un programme national de formation;• repérage, mise en œuvre, suivi et évaluation des meilleures

pratiques cliniques (passage à la vie autonome des jeunes, intervention en attachement, implication de la communauté);

• harmonisation des pratiques et soutien à la performance;• développement de partenariats provinciaux, nationaux

et internationaux.

Pour les CRD • élaboration de guides de pratique.

Pour les CRDITED • définition d’une offre de services spécialisés;• élaboration de programmes de formation universitaire en

troubles envahissants du développement et en déficience intellectuelle;

• élaboration de guides de pratique.

Pour les CRDP • réalisation d’une démarche provinciale d’appréciation de

la performance;• soutien à la mise en place de projets novateurs en

organisation du travail;• élaboration de guides de pratiques cliniques et soutien

à l’appropriation.

Réalisés sous l’égide des associations d’établissements(AQESSS, ACJQ, ACRDQ, FQCRDITED, AERDPQ), ces travaux ont mobilisé un nombre important d’acteurs dans le but ultime de mettre en place un réseau efficient tout en facilitant l’har-monisation de l’offre de services à l’ensemble du Québec. Nous

/// 34 Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1

TRIB

UNE

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La personne a toujours été au cœur des actions posées par chaque membre du personnel du réseau et elle doit demeurer leur motivation première.

• le rattachement de l’équipe-conseil en santé et sécurité au travail, incluant le Guide des régimes d’assurance salaire, le Système de management en santé et sécurité au travail (SMSST) et les Exigences juridiques indexées de la santé et de la sécurité au travail (EJISST) était en attente de préci-sion au 31 mars 2015;

• la poursuite des travaux au regard du système d’information pour les personnes ayant une déficience (SIPAD) ainsi que du système informatique de gestion des aides techniques (i-SAT) sous la Direction générale des technologies de l’information du MSSS;

• le transfert au ministère de la Santé et des Services sociaux des activités en lien avec le rapport performance du réseau et le Carrefour RH;

• le rattachement administratif de la Direction des assu-rances du réseau de la santé et des services sociaux à SigmaSanté1;

• le rattachement administratif du Service québécois d’expertise en troubles graves du comportement (SQETGC) au CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec;

• la récupération de l’expertise sur le vieillissement et des produits qui en découlent, dont le guide De la théorie à l’action, par le CIUSSS de l’Estrie-Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke;

• le rattachement des Méthodes des soins informatisées au CIUSSS de l’Estrie-Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke.

Nous croyons que malgré la cessation des activités des as-sociations d’établissements, les personnes-expertes qui pour-suivront leurs travaux au sein de ces différents véhicules contribueront à donner un sens au changement en cours, tout comme elles l’ont toujours fait en partageant une vision avec leurs pairs à l’égard des services à fournir à la popula-tion. Comme le mentionne Céline Bareil, « Tout changement

Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1 /// 35

1. SigmaSanté est un organisme à but non lucratif représentatif des établissements des régions de Laval et de Montréal qui a pour mission la gestion de l’approvisionnement en commun de produits et services.

organisationnel ne peut se réaliser sans l’apport des individus. L’organisation ne change pas tant que ceux qui la composent ne changent pas. Le changement n’existe que dans la mesure où de nouveaux gestes apparaissent, de nouvelles façons de faire sont mises à l’épreuve et deviennent des habitudes. Le changement passe nécessairement par les personnes. »(2)

Chaque personne aura un rôle à jouer pour contribuer à chan-ger les choses au cours des prochaines années, faisant en sorte que la population puisse bénéficier des meilleurs servi-ces. Il appartient à chacun de nous de se mettre en mouve-ment vers l’avenir, en s’appuyant notamment sur l’héritage légué par les associations d’établissements du réseau de la santé et des services sociaux. ///

Références bibliographiques

1. OBSERVATOIRE DE L’ADMINISTRATION PUBLIQUE – ENAP (2012). L’État québé-cois en perspective – Le réseau de la santé et des services sociaux, printemps - http://cerberus.enap.ca/Observatoire/docs/Etat_quebecois/a-sss.pdf

2. BAREIL, Céline (2004). Gérer le volet humain du changement, Éditions Transcontinental, Montréal.

Page 36: réforme Volume 11, numéro 1 ...gestiondamboise.com/wp-content/uploads/2016/02/LePointE...Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1 /// 1 Volume 11, numéro 1 PRINTEMPS

PUBLIREPORTAGE

1. L’Information Technology Infrastructure Library (connue sous le sigle ITIL) rassemble les meilleures pratiques en matière de gestion des services informatiques. C’est un référentiel mondialement reconnu.

OMNITRACKER :

la clef pour une vraie gestion intégrée des services

Chaque jour, les organisations de santé doivent coordonner une mul-titude d’activités et de processus complexes émanant de domaines aussi variés que les services cliniques, les ressources humaines et ma-térielles, la gestion documentaire, le transport interétablissements et les services administratifs. Après deux ans de recherche, c’est en Allemagne que Claude D’Amboise a déniché OMNITRACKER, la plateforme logicielle modulable développée par OMNINET qui, ef-ficacement et à faible cout, centralise, intègre et optimise l’ensemble des processus des établissements de soins. Son entreprise, Gestion D’Amboise, offre maintenant ce progiciel de gestion intégrée des services aux établissements de santé du Québec.

« OMNITRACKER est encore peu connu en Amérique, mais la société-mère OMNINET, qui a son siège so-cial en Allemagne, est bien établie dans plusieurs pays d’Europe, et ce, depuis une vingtaine d’années. Elle travaille notamment avec des géants comme Siemens et Mercedes- Benz, ainsi qu’avec une multitude d’entreprises variées. Dans le secteur

de la santé précisément, OMNINET est implantée dans des petites et grosses organisations qui, ensemble, gèrent plus de 30 000 lits. C’est plus que ce que compte le Québec actuellement », précise Claude D’Amboise.

Chaque année, la société OMNINET investit un peu plus de 30 % de son revenu pour faire évoluer sa plateforme. Ses outils tech-nologiques sont certifiés ITIL v31, une garantie de qualité mondiale-ment reconnue.

Comme il ne requiert aucune programmation, le progiciel OMNI-TRACKER est aussi facile à implanter qu’il est simple d’utilisation; de plus, il est à la fois plus complet et plus économique que les au-tres solutions sur le marché. Le progiciel de base offre déjà un envi-ronnement de gestion entièrement intégré et centralisé; différents modules peuvent s’y greffer, qui seront automatiquement intégrés. Le progiciel permet aussi de relier entre eux les outils logiciels déjà en place. Claude D’Amboise explique : « OMNITRACKER, c’est d’abord une composante de base pour gérer et automatiser tous les processus et les fonctionnalités de communication de tous les systèmes existants du client. Avec OMNITRACKER, les systèmes communiquent entre eux : on entre l’information une seule fois et elle est accessible en temps réel à tous les intervenants concernés, ce qui évite la perte de temps et les risques d’erreur. Les gains d’efficacité sont réels. »

OMNITRACKER est construit autour d’une unique base de données regroupant différents objets et comprend un moteur de gestion de flux de travail permettant d’organiser les processus de travail suivant des modes collaboratifs et transversaux basés sur

l’optimisation des tâches, qu’elles soient séquentielles, parallèles, récurrentes ou hybrides. Le progiciel est capable d’automatiser tout processus d’affaires en soutien à l’ensemble des activités, qu’elles soient médicales ou non : gestion des services de TI (GSTI), du ma-tériel de génie biomédical, y compris les alertes biomédicales, de l’inventaire, de l’entretien et la prévention, des installations, des pro-jets du BGP ou de soins infirmiers, et plus encore.

Les Cliniques universitaires Saint-Luc dépendent de l’Université catholique de Louvain et desservent la région de Bruxelles depuis la commune de Woluwe-Saint-Lambert. L’Hôpital universitaire de Gand est le deuxième plus grand hôpital de Belgique. Ces deux institutions utilisent OMNITRACKER pour notamment gérer leurs ressources humaines; les Cliniques universitaires Saint-Luc comptent quelque 5 650 employés et l’Hôpital universitaire de Gand environ 6 000, dispersés dans 40 sites.

Les modules complémentaires d’OMNITRACKER s’adaptent en-tièrement aux besoins de l’organisation : gestion de projets (selon les normes PMI — Project Management Institute), gestion de contrats, gestion du calendrier, gestion de documents, gestion des tâches et des activités, etc. Ces modules se greffent à la plateforme de base et sont interreliés. L’ensemble est évolutif et peut être remodulé selon l’évolution des exigences et des besoins de l’établissement.

À partir d’une interface utilisateur unique, un intervenant a accès à tous les processus et à l’ensemble de l’information sur un sujet, une activité ou un procédé. Tous les intervenants peuvent ajouter des notes aux dossiers et consulter l’historique des interventions, ce qui améliore la transparence et la traçabilité. Différents niveaux d’accès à l’information sécurisée sont paramétrés.

Prodiguant des soins dans 32 communes autour de la ville d’Anvers et dans la ville elle-même, le Réseau hospitalier d’Anvers, en néerlandais Ziekenhuis Netwerk Antwerpen (ZNA), utilise OMNI-TRACKER pour gérer ses neuf hôpitaux et autant de centres de jour, rassemblant quelque 7 000 employés.

OMNITRACKER constitue une belle opportunité dans le contexte actuel pour les établissements de santé québécois, d’après Claude D’Amboise. « Notre progiciel offre une solution globale pour une gouvernance complexe. Or, la création récente des centres intégrés de santé et de services sociaux ajoute encore de la complexité. Plus que jamais, le flux d’information doit circuler efficacement entre les équipes, les départements, les installations, bref toutes les com-posantes du nouvel établissement régional; il faut éliminer les silos. Pour y arriver, le gestionnaire doit avoir en main les meilleurs outils possibles, des outils adaptés à ses besoins. C’est ce que nous lui of-frons avec une solution qui améliore l’efficacité tout en réduisant les couts d’opération. » Gestion d’Amboise offre un service complet d’analyse et d’accompagnement pour l’implantation du système OMNITRACKER, y compris la formation du personnel.

/// 36 Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1

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ANAL

YSE

Le ParTeNariaT de soiNs eT de serVices : uNe Voix/Voie Pour doNNer uN seNs à La Loi 10 ?

Article no 11.01.11 Mots-clés : réforme, patient partenaire, pratiques collaboratives, engagement des patients, partenariat de soins et de services.

Or, depuis 2010, un virage patient partenaire est en cours de réalisation dans le système de santé et de services sociaux au Québec (Pomey et coll., 2015a, b). Ce virage, qui s’inscrit dans un mouvement plus large à l’échelle internationale (Richards et coll., 2013), a comme principale caractéristique de positionner le patient comme membre à part entière de l’équipe interprofes-sionnelle de soins : d’autant plus que le patient assume ses propres soins (autosoins) avec l’aide de ses proches, tout en maintenant des contacts réguliers avec les intervenants du sys-tème de santé et de services sociaux. En effet, dans un contexte où la population vieillit, où le nombre de personnes atteintes de maladies chroniques et de conditions de santé complexes augmente, où la diffusion d’information sur la santé et le bien-être ne fait que s’accroitre grâce aux nouvelles technologies, et où le faible niveau d’observance aux traitements est reconnu, un nouveau paradigme s’impose : celui du partenariat entre les patients et les intervenants du système de santé et de services sociaux afin de faire face ensemble à ces nouveaux défis.

Cet article envisage de quelle manière ce virage peut rendre plus performante la réforme pro-posée et comment les gestionnaires du réseau pourraient entrevoir de considérer le parte-nariat de soins et de services comme une priorité dans leur prise de décision afin de donner du sens à leur travail aux plans individuel et collectif. En effet, les gestionnaires ont un rôle essen-tiel pour soutenir les intervenants et les patients dans la mise en œuvre d’une telle démarche.

MARIE-PASCALE POMEY Professeure agré-gée, Département d'administration de la santé, École de santé publique et Institut de recherche en santé publique, Université de Montréal

VINCENT DUMEZCodirecteur patient Direction collabora-tion et partenariat patient (DCPP) Faculté de méde-cine, Université de Montréal

ANTOINE BOIVIN Professeur adjoint Département de Médecine familia-le et de médecine d’urgence, Faculté de médecine, Université de Montréal

HASSIBA HIHAT Candidate à la maitrise QUÉOPS-i Département d'administration de la santé, École de santé publique et Institut de recherche en santé publique, Univer-sité de Montréal

PAULE LEBEL Professeure agré-gée, codirectrice médecin, Direction collaboration et partenariat patient (DCPP) Faculté de méde-cine, Université de Montréal

De nombreuses critiques ont porté sur l’absence de vision et d’objectifs collectifs fédérateurs qui permettraient de donner du sens aux fusions d’établissements telles que décrétées par la Loi 10. Bien que le ministre de la Santé et des Services sociaux ait signifié, à plusieurs reprises, que les motivations de la réforme portent sur l’amélioration de l’accès et de la qualité des soins et des services, les arguments avancés n’ont pas convaincu tous les intervenants du réseau qui ont présenté des mémoires en commission parlemen-taire. En effet, la création de 29 Centres intégrés de santé et de services sociaux avec (CIUSSS) ou sans statut universitaire (CISSS), sur des territoires géographiques de taille variable, intégrant des missions diverses et regroupant de nombreux établissements, risque d’éloigner les gestionnaires/décideurs des réalités cliniques et donc des intervenants de terrain et des patients ou usagers1.

/// 38 Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1

1. On parlera ici de patient qui englobe la notion d’usagers, clients et proches aidants.

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Leur expérience avec la maladie ou les services est reconnue et contribue à la qualité de la dynamique de soins. Grâce à leurs compétences acquises tout au long de la maladie et leur parcours de soins et services, l’équipe interdisciplinaire, en considérant le patient comme un membre à part entière de l’équipe, s’attèle à renforcer sa capacité d’autodétermination. C’est sur ces bases que les patients acquièrent progressive-ment les habiletés et aptitudes qui leur permettent d’agir directement sur leur vie en effectuant librement des choix éclairés, en fonction de leur projet de vie.

Dans le cadre du partenariat de soins et de services, le pa-tient peut s’impliquer tout d’abord dans ses soins, en tant que patient partenaire de ses soins. Dans ce cas, il interagit et partage avec son équipe de soins les savoirs qu’il a acquis avec sa maladie (savoirs expérientiels) et sa manière de vivre avec la maladie. Il redonne du sens à son existence à travers ses expériences et son projet de vie ainsi que ses capacités à changer ses habitudes de vie. Il peut être amené aussi à mettre en œuvre des stratégies qui portent sur la recherche continue d’information sur sa/ses maladies, mais aussi sur l’évaluation des soins qu’il reçoit en termes de qualité tech-nique et relationnelle, et de concordance avec ses préféren-ces personnelles. Finalement, il s’adapte aux intervenants et cherche même parfois à compenser des circonstances ou des soins qu’il juge non optimaux (Pomey et coll., 2015a).

Certains patients sont intéressés à aller au-delà de leur parte-nariat dans leurs propres soins et souhaitent mettre leur expérience à disposition d’autres patients. Ces patients parte-naires de soins et de services (ou encore patients ressources) sont prêts à partager leur vécu avec la maladie avec d’autres patients afin de les aider à passer à travers leur épisode de soins. De telles implications permettent par exemple une meil-

leure adhésion au traitement et limitent l’impact de la maladie, des rechutes ou des handicaps. Ils peuvent aussi être en appui aux équipes pour rendre plus efficaces les soins et services grâce à leur participation à des groupes d’amé-lioration de la qualité ou encore à des activités liées à la gouvernance (sié-ger aux conseils d’administration, par exemple). Ils peuvent aussi former d’au-tres patients; ce sont alors des patients formateurs qui pourront échanger sur leurs savoirs en lien avec la maladie et sur les stratégies à mettre en œuvre pour éviter les effets secondaires, les rechutes, l’inobservance, etc.

Et finalement, certains patients peuvent devenir des patients coachs qui assu-ment un leadership transformationnel. En d’autres mots, ces patients ont la

capacité d’analyser des situations relationnelles complexes, sont capables d’accompagner des individus ou des groupes, peuvent tisser et entretenir des réseaux et mobilisent leurs ex-périences sociales et professionnelles au profit du partenariat et de l’organisation. Ils s’impliquent dans des changements

Nous présenterons d’abord les fondements théoriques du partenariat de soins et de services, pour ensuite partager des expériences vécues qui ont eu lieu au cours des dernières années dans des établissements au Québec et, finalement, nous examinerons comment ce nouveau paradigme pourrait s’inscrire dans la réforme.

FONDEMENtS tHÉORIqUES DU PARtENARIAt DE SOINS Et DE SERvICES Depuis une vingtaine d’années, l’approche paternaliste des soins, où les professionnels de la santé décident pour le pa- tient ou l’usager, est remise en cause car elle exclut les prin-cipaux intéressés de la prise de décision. Or, les patients souhaitent de plus en plus être impliqués dans leurs soins et services. Aussi, au cours des années 2000, les approches cen-trées sur le patient se sont renforcées afin que les personnes soient mises au centre des décisions et que leurs valeurs et vécus soient pris en considération. Les initiatives de prise de décision partagée ou certaines approches d’éducation théra-peutique ont ainsi permis de tenir compte davantage du point de vue des patients et des usagers (Legaré et coll., 2012; Flora, 2013). Malgré la contribution significative et indiscutable de celles-ci, le médecin et les intervenants de la santé conser-vent la prérogative de la décision et du rôle de soignant. Dans le cas du partenariat de soins et de services (Karazivan et coll., 2015; Vanier et coll., 2014; Pomey et coll., 2015a) un pas de plus est franchi entre les intervenants et les patients où ces derniers sont reconnus : 1) pour leurs savoirs expérien-tiels avec la maladie; 2) comme des membres à part entière de l’équipe, et en cela sont considérés comme des soignants au regard de leur maladie ou état; 3) comme les personnes légi-times pour prendre les décisions les plus adaptées en fonc-tion de leur projet de vie (cf. Figure 1).

Le partenariat se base sur le principe fondamental que les patients, considérés comme des acteurs du soin à part en-tière, sont accompagnés progressivement au cours de leur parcours de soins et de services pour faire des choix de santé et de bien-être libres et éclairés.

Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1 /// 39

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culturels en favorisant le partenariat aux différents paliers de l’organisation (clinique, organisationnel et stratégique).

Le partenariat de soins et de services s’inscrit dans un con-tinuum de l’engagement des patients (Carman et coll., 2014; Pomey et coll., 2015a), qui part du partage d’information pour aboutir au partenariat. Tout d’abord, le partage d’information par des documents, sites Internet et témoignages permet aux patients d’avoir accès à des connaissances qui pour-ront être pertinentes pour lui. Dans le cadre de la consulta-tion, les patients sont amenés à exprimer leur point de vue sur des situations données. Pour la collaboration, le patient participe à la prise de décision et finalement, dans le cadre du partenariat, la personne est habilitée à prendre sa place au même titre que les autres intervenants pour optimiser l’intervention. Cet engagement peut se faire à l’échelle mi-cro, c’est-à-dire au sein du parcours individuel de soins et de services de l’UCPC2 dans les soins; à l’échelle méso, dans le cadre de l’organisation des soins et des services et de la gou-vernance des établissements, et macro, dans l’élaboration de programmes ou de politiques à une échelle populationnelle ou encore dans l’organisation du système ou de sa gouvernance (cf. Figure 2).

ExEMPLES D’ENgAgEMENt DES PAtIENtS DANS LES SOINS Et LES SERvICESAu cours de ces dernières années, de nombreux établisse-ments au Québec ont fait un virage patient partenaire. Nous nous attarderons ici sur certaines initiatives qui nous parais-sent significatives pour devenir sources d’inspiration dans le cadre de la réforme actuelle.

Le programme partenaires de soinsDes établissements se sont engagés dans le Programme Partenaires de soins (PPS) offert par la Direction collabora-tion et partenariat patient (DCPP) de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal qui permet à des équipes de soins de constituer des comités d’amélioration continue (CAC) afin d’améliorer les soins et les services. Les particularités du PPS et ses facteurs de succès sont :- l’implication de la haute direction; - la constitution de CAC de 8 à 10 personnes, dont au mini-

mum deux patients ou proches aidants et un médecin; - la sélection des patients selon un certain nombre

de critères basés principalement sur le référentiel de compétences des patients ressources3;

/// 40 Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1

Figure 2 - Modèle de l’engagement des usagers ou patients et proches (UP-P) avec les intervenants ou cliniciens

2. Unités centralisées de préparation des chimiothérapies anticancéreuses3. Les critères portent sur : la capacité de s’exprimer en public, avoir pris du recul par rapport à son épisode de soins, être disponible pour participer aux rencontres.

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• assurer la mobilisation des employés et des gestionnaires;• laisser une empreinte mémorable et positive.

De ces visites ont découlé des changements tels que :• la réfection de la salle d’attente pour l’endoscopie

intégrant l’implication des patients pour la rendre plus accueillante;

• le regroupement sur un même site de tous les services diagnostiques et thérapeutiques de la clinique du sein;

• la modification du programme d’antibiothérapie intraveineuse ambulatoire.

En complément, des groupes de discussion avec des patients alimentent tous les programmes dans leur projet d’améliora-tion de la qualité. De plus, des employés qui sont reconnus par des patients ou des proches pour leur engagement dans l’amélioration de l’expérience patient sont regroupés au sein d’un comité aviseur pour participer à la planification straté-gique, ainsi qu’à la révision du code d’éthique et des guides d’accueil.

La structuration de la voix des patients à tous les paliers du CSSS de l’ÉnergieÀ la suite de l’accompagnement depuis 2012 par la DCPP et l’Université Laval, le CSSS de l’Énergie a décidé de structurer l’implication des patients à tous les paliers de gouvernance de son établissement. Le CSSS a :• recruté une patiente ressource 2 jours/semaine, en tandem

avec une gestionnaire où conseillère à la structuration du partenariat et à l'accompagnement des nouveaux patients;

• développé des outils sur le partenariat et une requête de demande de participation de patients ressources;

• statué sur les compensations financières et les modalités de recrutement pour les patients;

• formé des patients ressources qui assument un rôle de promotion du partenariat de soins et services aux différents paliers de gouvernance de l’organisation;

• formé des intervenants et des gestionnaires, en tandem avec une conseillère et une patiente formatrice, au partenariat et à la collaboration interprofessionnelle des stagiaires;

• constitué un regroupement de patients ressources pour permettre le partage d’expériences, de pratiques et d’outils;

• élaboré un cadre de référence sur le partenariat de soins et de services.

qUELqUES PIStES DE RÉFLExION POUR StRUCtURER LE PARtENARIAt DES PAtIENtS À partir des expériences présentées ci-dessus, et d’autres réalisées au Québec, au Canada et à l’international, il appa-rait que le partenariat de soins et de services peut également avoir un rôle primordial dans la mise en œuvre des CISSS/CIUSSS afin d’assurer l’intégration des soins et des servi-ces offerts à la population. Le partenariat pourrait contribuer à donner du sens à la réforme, et ce, d’autant plus que la

- la formation des intervenants et des patients au partenariat de soins et de services et aux outils de base en améliora-tion de la qualité;

- la désignation d’un ou de leader(s) collaboratif(s) en éta-blissement (LCE) dans chaque établissement (gestionnaires intéressés par la collaboration interprofessionnelle) pour favoriser la mise en œuvre des changements proposés;

- la mise à disposition d’outils de gestion de projet et de gestion de la qualité;

- la réalisation de projets d’amélioration réalisables sur des cycles courts (4 mois);

- la présence de patients coachs pour accompagner les patients ressources dans ce nouveau rôle.

Le premier bilan de ce programme, qui a impliqué 26 équipes (DCPP, 2014), permet d’améliorer les soins et les services et d’intégrer cette approche de partenariat de soins et de ser-vices au plan individuel et organisationnel. Le programme a permis de :• Du point de vue de la haute direction :

- introduire un changement de culture qui favorise la col-laboration entre gestionnaires, médecins et patients.

• Pour les équipes :- redonner du sens à leurs activités et de mieux perce-

voir l’impact qu’ils ont sur les patients et leurs proches dans leurs interactions quotidiennes.

- renforcer le travail d’équipe en obligeant les inter-venants à se consulter et à orienter leurs actions en fonction du projet de vie des patients.

• Pour les patients (Pomey et coll. 2015d) :- mettre à profit leur expérience pour d’autres patients.- ressentir un accueil et du respect par les intervenants.- donner du sens à leur histoire et transcender une

expérience difficile en une expérience constructive et valorisante.

Malgré une certaine lourdeur du processus, dont certaines difficultés à concilier les agendas des intervenants et des pa-tients, les premières études d’impact du partenariat de soins et de services montrent une amélioration de la qualité tech-nique et relationnelle des soins (DCPP, 2014).

L’écoute patient au service de l’expérience patient au CSSS Richelieu-YamaskaUne autre initiative, réalisée au CSSS Richelieu-Yamaska, a porté sur l’écoute patient pour améliorer l’expérience des pa-tients et de leurs proches. Depuis 2014, la directrice générale rencontre chaque semaine deux patients issus de différents programmes. Ces visites, qui se déroulent dans tous les mi-lieux de soins (résidences de type familial (RTF), l’hôpital de jour, centres d’hébergement, unité de courte durée, domicile des personnes) permettent à la direction générale de :

• mieux connaitre la clientèle pour mieux la servir;

• lancer un signal à toute l’organisation portant sur la priorité de l’expérience patient;

• devenir une organisation agile;

Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1 /// 414. 1994-2014 : huit ministres titulaires du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).

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Direction de l’éthique et de la qualité du ministère de la Santé et des Services Sociaux souhaite proposer des orientations ministérielles pour améliorer la qualité et la sécurité des soins et des services portant sur le partenariat patient.

Pour y parvenir, il importe que les directions générales et les conseils d’administration comprennent l’apport que peut représenter l’engagement des patients pour amener les inter-venants à travailler autour d’un projet commun, qui donne du sens aux activités à la fois cliniques, managériales et de gou-vernance. En effet, revenir aux raisons d’être des établisse-ments, soit d’offrir des soins et des services répondant aux besoins des personnes, non seulement au plan technique mais aussi sur le plan humain, permet de mobiliser les per-sonnes qui travaillent dans les CISSS/CIUSSS vers un objectif humaniste partagé. Cela s’accompagne d’une vision struc-turée comprenant d’une part des activités cliniques (micro), tactiques (méso) et stratégiques (macro), et d’autre part, de nature informationnelle, de consultation, de collaboration et de partenariat. Cette vision est alors portée non seulement par la direction générale et le conseil d’administration mais aussi par l’ensemble des intervenants ainsi que par les pa-tients et les patients ressources dans les différents sites cons- titutifs des CISSS/CIUSSS.

Le déploiement d’une telle démarche requiert d’abord la dé-signation d’un membre du comité de direction, si possible en charge aussi de la qualité et de la sécurité des soins ou en-core des soins/services multidisciplinaires, comme coordon-nateur des structures et activités. Cela demande aussi que la démarche soit portée par des patients coachs qui mettent à profit leur leadership transformationnel pour le déploiement des activités. On peut aussi envisager, comme cela est fait au Centre universitaire de santé McGill, la création de co-mités consultatifs de patients ressources pour l’ensemble de l’établissement ou pour des programmes spécifiques afin qu’ils puissent être impliqués dans les prises de décisions d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins et des services. Ces comités sont complémentaires des comités des usagers reconduits par la loi 10, ces derniers ayant comme principal objectif la défense des droits et intérêts des usagers, le bon fonctionnement des comités de résidents et l’évaluation du degré de satisfaction des usagers (LSSSS, art. 209).

Pour ce qui est des activités à mettre en place, on peut citer quelques exemples. Au niveau clinique, cela peut consister en la réalisation de plans d’intervention interdisciplinaires avec les patients afin que les objectifs soient axés sur le projet de vie des personnes concernées. Au plan tactique, cela peut se traduire pour les intervenants et patients par la réalisation de formation sur le partenariat de soins et de services par des tandems intervenants/patients formateurs, la création de comités d’amélioration continue de la qualité où siègent des patients ressources, ou la création d’un réper-toire de patients ressources formés. D’un point de vue straté-gique, par la présence de patients coachs dans les comités des usagers ou encore dans les différents comités du conseil d’administration.

Un tel dispositif repose sur une implication des gestionnai- res de trois ordres. Le premier consiste à reconnaitre la compétence professionnelle des intervenants, la maitrise et

la complémentarité des savoirs disciplinaires. Le deuxième porte sur l’approche d’intervention qui privilégie en toute occasion le partenariat avec l’usager, où les intervenants mettent leur expertise professionnelle au service du patient avec une attitude où ils le considèrent dans une relation égali- taire. Et finalement, les gestionnaires ont un rôle essentiel pour favoriser les conditions nécessaires à la coordination du travail interdisciplinaire en étant à l’écoute des besoins des intervenants et des patients et en apportant les ressources nécessaires à son déploiement.

CONCLUSION Redonner du sens à ses actions, en particulier pour les ges-tionnaires, et aussi pour ceux qui interviennent directement avec la personne, permet de pouvoir donner le meilleur de soi-même. Une des voies prometteuse et humaniste est celle du partenariat de soins et de services qui permet aux patients d’être reconnus comme des partenaires à part entière de l’équipe. Le partenariat de soins et de services peut être vu comme un levier pour la gestion du changement de cette ré-forme structurelle et une manière d’inspirer et de mobiliser tous les partenaires, malgré les difficultés inhérentes à ce type de transformation. Ainsi, cela pourrait permettre au sys-tème de santé et de services sociaux de ne pas être inspiré uniquement par les impératifs budgétaires et politiques; mais plutôt de se construire autour de la valeur créée pour et par les personnes qui y travaillent et qui y sont accueillies, afin d’être plus efficace, plus performant et répondre davantage aux attentes des citoyens. ///

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LEs RIsqUEs dEs LIqUIdEs BIOLOGIqUEs sUR LEs TRAvAILLEURs

RICHARD MASSICOTTE, Ph. D.

En milieu de soins, de nombreux travailleurs sont exposés tous les jours aux deux types de liquides biologiques. Il suffit de penser au personnel infirmier, aux préposés aux bénéficiaires, au personnel d’hygiène et sa-lubrité, à celui de la buanderie, aux ambu-lanciers, etc. L’exposition de ces travailleurs aux liquides biologiques est actuellement reconnue principalement comme étant une source potentielle de transmission d’un ris-que infectieux, dont les virus de l’hépatite B et C, de l’immunodéficience humaine et Ébola. L’infection résulte, généralement, d’une exposition accidentelle au sang ou à un li-quide contaminé par contact avec du maté-riel souillé, une coupure ou une piqûre, par exemple. Les piqûres avec une aiguille creuse représentent de 59 à 94 % des expositions chez les travailleurs de la santé(1,2,3). Le dé- veloppement d’une infection peut aussi se faire par contact avec une muqueuse, une plaie, ou une peau altérée. Les expositions des muqueuses au sang et aux liquides biologiques représentent de 6 à 16 % des expositions professionnelles(2,3). En cas d’ac- cident, il existe une procédure à suivre qui comprend une évaluation du risque, un trai-tement et une surveillance de la personne exposée.

Le risque biologique fait donc l’objet d’un encadrement relativement serré. Toutefois, le risque infectieux n’est pas le seul que peut représenter une exposition à des liquides biologiques. Il existe un risque chimique qui tend à croitre depuis quelques années en parallèle à l’administra-tion croissante de molécules chimiques dans les traitements anticancer. Depuis la recommandation en 2004 du National Institute for Occupa-tional Safety and Health (NIOSH)(4) des États-Unis concernant la manipu-lation des médicaments dangereux, différentes études ont démontré

On désigne par liquide biologique une substance liquide produite par le corps humain. Il y a principalement deux types de liquides biologiques. Il y a ceux qui sont normalement confinés à l’intérieur de l’organisme, notamment le liquide péritonéal, céphalorachidien et le sang. La seconde catégorie fait référence à des liquides qui sont rejetés à l’extérieur du corps humain sous formes d’urines, de fèces, de sueur, d’expectorations, etc.

Paramètres Quantités moyennes mesurées*(ng/cm2)

% des échantillons contaminés

Extérieure de la bassine 0,28 100

Linge ayant servi à laver le patient

10 100

Serviette ayant servi à essuyer le patient

13 89

Oreiller du patient 2.6 71

Drap (abdomen) 1,8 79

Exemple - Tableau de contamination d’objets en contact avec un patient ayant reçu du cyclophosphamide (CP)

Source : ASSTSAS (2008). Guide de prévention – Manipulation sécuritaire des médicaments dangereux.*Mesures effectuées le lendemain de l’administration de C.P. La valeur maximale proposée aux USA.

Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1 /// 43

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que les travailleurs de la santé étaient exposés aux produits antinéoplasiques(5,6,7,8). Le risque que peut re-présenter l’exposition à ces produits est modulé princi-palement par les paramètres suivants : la concentration du produit, sa toxicité ainsi que le temps d’exposition. Cette exposition, au tout début, était surtout recon-nue comme étant liée à la manipulation des contenants contaminés ainsi qu’au moment de la préparation et de l’administration des produits antinéoplasiques.

Cependant, à la suite de différentes études, des cher-cheurs ont observé que de nombreux médicaments cytotoxiques sont excrétés sans modification chimique ou sous forme de métabolites actifs toxiques dans des liquides biologiques comme les vomissures, la salive, la sueur, les urines et les selles(9,10). Ces liquides biolo-giques représentent donc un risque chimique potentiel pour les travailleurs. Ce risque perdurerait en moyenne environ 96 heures après le dernier traitement de chimio-thérapie(11). Voir le tableau qui précède.

Risques pour les travailleurs Il y a donc lieu de s’interroger quant à la menace poten-tielle de la présence de ces produits cytotoxiques pour la santé des travailleurs. Actuellement, il n’existe pas d’é-tudes permettant de faire un lien entre la présence de produits cytotoxiques dans l’environnement des travail-leurs et le développement du cancer chez ces derniers. Le risque potentiel demeure tout de même présent car nous savons que l’exposition à ces produits peut induire différents effets génétiques parmi les suivants(12,13) :

• Carcinogènes : peut entrainer l’apparition d’un cancer et même l’aggraver;

• Mutagènes : modification du bagage génétique des cellules;

• Génotoxiques : altération du matériel génétique (ADN) pouvant stimuler le développement d’une tumeur maligne.

Malgré l’absence d’études démontrant un lien entre les produits cytotoxiques et le développement de cancer chez les travailleurs exposés, d’autres effets ont cepen-dant été observés :

• Dommages aux chromosomes;

• Irritations de la peau, des yeux et des muqueuses;

• Des nausées;

• Des maux de tête et des étourdissements.

Le risque d’exposition à des produits antinéoplasiques provenant de liquides biologiques n’est donc pas une simple hypothèse mais une réalité quotidienne pour un bon nombre de travailleurs. Nous tenons à souligner que le risque d’exposition à ces produits dans les liquides biologiques ne se limite plus uniquement à la pharma-cie et au milieu hospitalier en raison des divers types

/// 44 Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1

de traitements qui sont maintenant administrés à domi-cile(14). Cette réalité touche de plus en plus la population dont un proche reçoit des traitements de chimiothérapie à la maison. En outre, nous retrouvons actuellement de ces produits dans l’écosystème aquatique(15).

ConclusionAux cours des prochaines années, le risque d’exposition à des liquides biologiques contaminés avec des produits cytotoxiques devrait croitre. Cette prémisse se base sur l’évolution de la croissance du nombre de cas de cancers au Québec. Pour la seule année 2014, les estimations pré-voyaient 49 100 nouveaux cas de cancers(16).

Afin de réduire le risque, il est donc nécessaire, dans un premier temps, de se doter d’outils de formation et d’in-formation adéquats pour les travailleurs et la population susceptibles d’être exposés. Nous sommes régulièrement confrontés dans les milieux de soins à une méconnaissance de cette problématique. En deuxième lieu, il sera néces-saire de mettre en place des procédures et des équipe-ments standardisés afin de réduire le risque d’exposition aux produits cytotoxiques et limiter, également, les rejets dans notre environnement.

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15. RABII, F.W., SEGURA, P.A., FAYAD, P.B., SAUVÉ, S. ( 2014). "Determina-tion of six chemotherapeutic agents in municipal wastewater using online solid-phase extraction coupled to liquid chromatography-tandem mass spectrometry". Sci. of the total Env Vol. 487, July, p. 792-800.

16. SOCIÉTÉ CANADIENNE DU CANCER - https://www.cancer.ca/fr-ca/about-us/for-media/media-releases/quebec/2014/statistiques-2014/?region=qc

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CE Les TrajecToires de soiNs eT de serVices des cLieNTèLes du cHu de Québec – NouVeau regard seLoN La Loi 10

Article no 11.01.07 Mots-clés : réforme, trajectoire, AVC, CHU, intégration, Loi 10.

La réorganisation proposée doit permettre une harmonisation des pratiques et assurer une meilleure fluidité des services en abolissant les agences de la santé et des services sociaux (ASSS) et en fusionnant les centres de réadaptation (CR) et les centres de protection de l’en-fance et la jeunesse (CPEJ) aux centres de santé et de services sociaux (CSSS) (figures 1 et 2, page suivante). Au CHU de Québec, une équipe d’adjointes à la direction-clientèle - volet tra-jectoires de soins est en place depuis 2012. Leur fonction première est la mise en œuvre et l’évaluation des trajectoires de soins et services de la clientèle. Une trajectoire de soins et de services étant définie comme le résultat d’un consensus obtenu entre les partenaires internes et externes du CHU de Québec ainsi que le patient et ses proches pour l’organisation des soins et des services destinés à une clientèle ciblée assurant des transitions harmonieuses et sécu-ritaires tout au long du continuum de soins et services (CHU de Québec, 2014). L’objectif de cet article est de mieux cerner les leviers qu’aura la Loi 10 sur la fluidité des trajectoires établies au CHU de Québec en collaboration avec les centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) et les centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS). La trajectoire des soins et services de la clientèle ayant subi un accident vasculaire cérébral (AVC) ou un accident ischémique transitoire (AIT) servira d’exemple concret pour faciliter la compréhension.

LA MISE EN PLACE D’UNE tRAjECtOIRE DE SOINS Et SERvICES DE LA CLIENtèLE AyANt SUbI UN AvC/AIt En février 2008, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) émettait un projet de développement d’un continuum de services pour les personnes victimes d’un AVC ou à risque de le devenir. Cette décision faisait suite aux propositions effectuées afin d’agir précocement, selon des standards de pratique reconnus pour réduire la dépendance, auprès des personnes ainées dont l’état de santé requiert des soins aigus (MSSS, 2005). Une approche systémique intégrée et coordonnée des services sous forme de continuum réduit la mortalité et la mor-bidité associées à l’AVC et améliore la performance du système de santé (cout-efficience) (MSSS, 2013).

Assemblée nationale du Québec, février 2015, une nouvelle réforme voit le jour, modifiant ainsi la Loi sur les services de santé et les ser-vices sociaux et autres dispositions législatives (Projet de loi no 10). Celle-ci amène une nouvelle transformation de l’organisation et de la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux.

MARTINE DALLAIRE M. Sc. inf., DESS dévelop-pement des organisations Adjointe au directeur clientèle soins intensifs, traumatologie

et neurosciences, volet trajectoires de soins neurosciences

Centre hospitalier universitaire (CHU) de Québec, Université Laval

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EXPÉRIENCE

Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1 /// 47

Figure 2 - En 2015 : Réseau territorial de services (RTS) http:/www.msss.gouv.qc.ca/reseau/reorganisation/portrait

Territoire local

Centres hospitaliers - Soins généraux et spécialisés - Soins psychiatriques

Centres de réadaptation - Déficience intellectuelle et troubles envahissants du développement - Déficience physique - Dépendances

Médecins (GMF, cliniques médicales)

Entreprises d'économie sociale

Ressources privées

Pharmacies communautaires

Organismes communautaires

Ressources non institutionnelles

Figure 1 - En 2004 : Réseau local de services (RLS)

Centre de santé et de services sociaux

(regroupement de CLSC, de CHSLD et de CH)

Centre jeunesse Autres secteurs d'activité - Scolaire, municipal, etc.

Responsabilitépopulationnelle

CISSS ouCIUSSS

(missions CH, CLSC, CHSLD, CPEJ, CR)

et volet santé publique

RÉSEAU TERRITORIAL DE SERVICES (RTS)* :UN MAILLAGE DES SERVICES AU SEIN DU CISSS OU DU CIUSSS

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Chaque organisation dans le réseau a un rôle à assumer et des interventions à effectuer selon des résultats probants : la san-té publique réalise la sensibilisation auprès de la population afin qu’elle reconnaisse les symptômes de l’AVC - l’équipe de la 1re ligne propose des programmes de prévention primaire - les services préhospitaliers reconnaissent rapidement la clientèle ciblée et l’amène dans l’établissement désigné - les hôpitaux dispensent tous les soins et services dans les délais requis - et les centres de réadaptation, les CSSS et la com-munauté assurent la réadaptation et la réintégration dans leur environnement. Toutes les transitions entre les milieux sont des points sensibles amenant possiblement une rupture dans la fluidité.

Figure 3 (http://www.strokebestpractices.ca/?lang=fr)

Afin d’effectuer la mise en œuvre de cette trajectoire de soins et services, un portrait de la situation actuelle du centre hos-pitalier affilié universitaire de Québec (CHA) fut réalisé en mars 2009. En effectuant la comparaison avec les interven-tions proposées dans les recommandations canadiennes de l’AVC (2008), des écarts ont été notés. Un mandat fut confié à la gestionnaire clinico-administrative (coordonnatrice des sciences neurologiques) afin de mettre en œuvre ce qu’il fal-lait pour corriger la situation. Différents gestionnaires et clini-ciens de l’interne et du réseau ont fait partie de comités de travail pour atteindre les résultats escomptés.

En 2012, le CHU de Québec a vu le jour par suite de la fusion du CHA et du Centre hospitalier universitaire de Québec (CHUQ), amenant ainsi une transformation de la gouvernance du centre hospitalier. On vit alors la mise en place de direc-tions clientèles, notamment celle incluant les neurosciences, et la nomination d’une adjointe au directeur clientèle, volet trajectoires de soins. Sa fonction première était la mise en œuvre et la coordination des trajectoires de soins et services de la clientèle en collaboration avec les acteurs concernés. Les divers travaux pour l’amélioration des écarts se poursui-virent avec un certain ralentissement durant cette période de transformation. À l’automne 2013, l’Hôpital de l’Enfant-Jésus du CHU de Québec fut désigné Centre tertiaire de l’AVC par le MSSS. Les travaux effectués en collaboration avec les équi-pes et les partenaires ont eu un impact sur les résultats ob-tenus. Les équipes internes et externes étaient très fières du chemin parcouru.

En 2015, la pérennité de cette trajectoire devient de plus en plus laborieuse en raison principalement de la fluidité de la clientèle dans la trajectoire établie. Le nombre de patients ad-mis augmente d’année en année. Ils arrivent principalement à l’urgence à l’improviste en raison de leur état de santé et cer- tains ne répondent pas aux critères établis. Ils y demeurent

régulièrement 24 heures, par manque de lits à l’unité des sciences neurologiques (unité dédiée AVC). Le départ du pa- tient du centre hospitalier à la fin de la phase aiguë (7-10 jours) est couramment tributaire des lits disponibles au centre de réadaptation (CR) ainsi qu’à ceux en hébergement, prolon-geant ainsi la durée de séjour. Le CR a lui aussi son goulot d’étranglement avec l’occupation prolongée de ses lits par cette même clientèle en attente d’hébergement. De plus, selon les bonnes pratiques, l’accès aux professionnels de la réadap-tation doit avoir lieu dans les deux jours suivants l’admission; mais il survient souvent après 4-5 jours, car ils sont occupés à donner des soins à la clientèle ayant une durée moyenne de séjour prolongée. Il est démontré que cette hospitalisation prolongée sans l’accès rapide à la réadaptation augmente le nombre de personnes qui auront besoin d’hébergement.

Les problèmes sont connus par les équipes internes et ex-ternes, différentes propositions sont effectuées, mais un nœud subsiste.

La trajectoire AVC avant et après la Loi 10

Situation actuelle Amélioration obtenue

Possible avec la loi 10

Certains patients, ne répondant pas aux critères établis, sont amenés au CH par ambulance.

La formation pour l’utilisation d’un outil validé par les ambulanciers a amélioré la reconnaissance.

La restructura-tion du service préhospitalier pourra faciliter le maintien du résultat.

Mise en place d’une unité dédiée AVC, mais difficulté à la maintenir en rai-son d’un manque régulier de lits.

Clientèle disper-sée antérieure-ment et résultats patients non optimaux.

Le regroupement et la responsabi-lité du CIUSSS devraient faciliter la fluidité des patients vers leurs services.

DMS longue à l’urgence en raison d’un manque de lits à l’unité dédié AVC.

Aucune La DMS plus courte à l’unité dédiée AVC per-mettra une fluidité plus rapide lors d’un départ en temps opportun vers le CIUSSS.

Délai allongé pour la prise en charge de l’équipe de réadaptation amenant pour la clientèle un ris-que d’une moins bonne récupéra-tion en raison de la période importante pour la plasticité du cerveau.

Clientèle plus sévère vue en moins de 48 heures.

La DMS plus courte par une fluidité plus grande va aider à concentrer le temps des professionnels sur les patients en phase aiguë et diminuer aussi les demandes d’hébergement.

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deviendra vraisemblablement plus facile de diriger le patient vers la gamme de services du RTS. Le dossier unique dans le CISSS/CIUSSS simplifiera la fluidité de l’information pour la recevoir à l’arrivée et aussi pour l’organisation des services vers la première ligne au départ du CHU.

Le CHU conserve sa raison d’être, soit d’offrir des soins spé-cialisés et surspécialisés à des personnes nécessitant une surveillance 24 heures par jour. Ce type de soins et servi- ces génère des couts importants et se doit d’être accessible uniquement le temps nécessaire. La fluidité des trajectoires de soins est l’une des solutions majeures pour répondre à cette obligation. La coordination des trajectoires, assurée par les adjointes aux directeurs clientèles, apporte une solution intéressante lors des goulots d’étranglement, car souvent ces situations sont reliées à la complexité du réseau de la santé. On pourrait les appeler les « débogueurs » du système.

CONCLUSIONL’intégration des services sous la gouvernance d’un établisse-ment unique (CISSS/CIUSSS) réduisant la hiérarchisation à deux piliers de gestion faisait partie des idées proposées; la voici mise en action. La concentration des surspécialisa-tions dans les CHU permet de penser qu’elles seront de plus en plus centrées sur les clientèles de 3e ligne et en moindre partie sur celles de 2e ligne. La 3e ligne est définie comme un milieu accueillant des patients avec des problèmes de santé et sociaux complexes dont la prévalence est faible, mais né-cessitant une expertise pointue avec un plateau technique associé. La 2e ligne permet aussi de traiter des problèmes de santé et des problèmes sociaux complexes, mais répandus. Les deux types d’établissements (CISSSS/CIUSSS et CHU) ayant des trajectoires de soins communes soutiendront l’offre de service intégrée. Voici ce à quoi nous convie le ministre avec cette nouvelle réforme. La mise en place de gestion-naires clinico-administatifs (adjointe direction clientèle – volet trajectoires de soins) par le CHU de Québec était très visionnaire, car ceux-ci vont grandement soutenir l’organisa-tion des services avec les CISSS/CIUSSS, ayant ce mandat au cœur de leur rôle. Passer d’un réseau d’établissements à un véritable réseau intégré, entièrement axé sur les services aux patients, voilà un projet intéressant (MSSS, 2015). ///

Références bibliographiquesASSEMBLÉE NATIONALE DU QUÉBEC (2014). Projet de loi no 10 : Loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l’abolition des agences régionales, Adopté le 7 février 2015. http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=5&file=2015C1F.PDFCHU DE QUÉBEC – UNIVERSITÉ LAVAL (2014). Cadre de référence visant l’élaboration et la consolidation des trajectoires de soins et services – Sommaire, CHU de Québec, non publié.MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX - MSSS (2005). Un défi de solidarité, les services aux ainés en perte d’autonomie - Plan d’action 2005-2010. p. 39 http://publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/documenta-tion/2005/05-830-01.pdfMSSS (2004). L’intégration des services de santé et des services sociaux. Le projet organisationnel et clinique et les balises associées à la mise en œuvre des réseaux locaux de services de santé et de services sociaux. http://publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/documentation/2004/04-009-08.pdfMSSS (2013). Continuum de services pour les personnes à risque de subir ou ayant subi un accident vasculaire cérébral – Orientations ministérielles 2013-2018. http://publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/documentation/2013/13-944-01W.pdfRÉSEAU CANADIEN CONTRE LES ACCIDENTS CÉRÉBRAUXVASCULAIRES (2008). « Recommandations canadiennes pour les pratiques optimales de soins de l’AVC (mise à jour de 2008) », JAMC 179(12 SUPPL):SF1-SF29).

Un cadre de référence a été constitué par l’équipe d’adjointes aux directions clientèles pour élaborer et consolider les tra-jectoires de soins et services en collaboration avec les équi-pes internes et externes afin de soutenir la pérennité.

LA LOI 10 Et L’OPtIMISAtION DE LA FLUIDItÉ DES tRAjECtOIRES DE SOINS Et SERvICESLe projet de loi 10 se veut en continuité avec ce qui a été initié en 2004 avec l’adoption des projets de loi 25 et 83. Ils visaient la création de réseaux locaux de services (RLS), dont les cen-tres de santé et de services sociaux (CSSS) seraient au cœur de la nouvelle organisation de services; une responsabilité populationnelle leur était conférée. L’objectif était d’améliorer l’état de santé et de bien-être de la population. Il s’agissait de :• rapprocher les services de la population;• faciliter le cheminement des personnes au sein du système

de santé;• favoriser l’intégration des services accessibles, continus,

à proximité et de qualité;• assurer une saine gestion des fonds publics.

L’intégration des services par la constitution d’un réseau de partenaires devait permettre une meilleure réponse aux be- soins de la population en limitant les barrières entre les éta-blissements et entre les professionnels. La régie régionale devenait l’Agence de la santé et des services sociaux, avec le mandat de proposer un modèle d’organisation pour le RLS de son territoire sociosanitaire (MSSS, 2005). Ces organisations avaient la responsabilité d’atteindre les résultats visés. Il est mentionné que le véritable défi consistait à responsabiliser les organisations et l’ensemble des acteurs à agir collective-ment en vue d’offrir des services plus accessibles et mieux intégrés (MSSS, 2004).

Selon le ministre, force est de constater que les résultats attendus ne sont pas tous au rendez-vous. La nouvelle réor-ganisation du système de santé confie à un CISSS ou à un CIUSSS la majorité des services de santé et des services sociaux qui sont au cœur d’un réseau territorial de services (RTS). L’abolition des agences régionales réduit les piliers hiérarchiques de gestion au sein du réseau. Le CISSS/CIUSSS doit assurer une gestion de l’accès simplifié aux services. Un seul dossier par patient dans le CISSS/CIUSS amène une in-formation centralisée sur sa situation de santé. De plus, le MSSS doit veiller à la prestation des services médicaux sur-spécialisés avec les établissements exploitant un CHU qu’il place directement sous sa gouvernance.

Si l’on réfléchit aux différentes problématiques pour la trajec-toire de l’AVC, il plaît de penser que l’intégration des CR au CISSS/CIUSSS permettra une meilleure fluidité pour diriger leurs patients vers les lits d’hébergement lorsque requis et libérer ainsi des lits pour la réadaptation. Le transfert du pro-gramme pour les personnes âgées (article 179 - loi 10) sera-t-il aussi un levier pour le transfert de cette clientèle ? Ainsi, des patients auront possiblement accès plus rapidement au service de réadaptation, et moins de patients auront éven-tuellement besoin d’un centre d’hébergement en raison de la réadaptation intensive plus rapide. Les équipes de liaison du CHU seront transférées au CISSS/CIUSSS (article 179) et il

Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1 /// 49

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Quand l’or bleu coule à flot

l’eau, gaspillée dans les établissements de santé québécois

« Il faut faire quelque chose, c’est quasiment dramatique », dit Annie Duret, technicienne en assainissement de l’eau. Elle a piloté l’enquête réalisée en milieu institutionnel par le Centre des technologies de l’eau (CTE) pour le compte du ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du terri-toire (MAMOT). Entre 2011 et 2014, cet organisme de recherche affilié au Cégep de Saint-Laurent a mesuré la consommation de 50 établissements publics, dont des centres de détention, des écoles, des centres jeunesse et une vingtaine de bâtiments de santé.

Ces derniers, opérationnels 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, sont tout na-turellement, de par leur vocation, de plus grands consommateurs. Il reste que le constat est troublant à la lumière de comparaisons. L’audit indique que les huit hôpitaux évalués utilisent en moyenne de 421 à 4 666 litres d’eau par lit par jour. Les hôpitaux américains sont légèrement plus éco-nomes avec une consommation de 713 et 3 090 litres par lit par jour. En France, c’est autre chose : on n’y dépasse pas 800 litres d’eau par lit par jour.

Annie Duret dit que l’Ontario aussi fait mieux. Et d’ajouter : « nous som-mes les pires gaspilleurs ». Si le CTE ne s’est penché que sur quelques cas, il n’est pas déraisonnable de supposer que la situation est généralisée, selon Duret. « Nous ne la payons pas notre eau, alors nous ne comptons pas. Nous aimons que ça coule. Quand le débit est moins fort, nous lavons plus longtemps. »

Désuétude et inefficacitéAutre chiffre inquiétant : dans certains établissements, plus 70 % de l’eau sert à refroidir des équipements ou à alimenter des dispositifs qui fonc-tionnent en continu, comme les urinoirs, quand elle n’est pas directement rejetée dans les égouts en raison de fuites. Ce « débit plancher » — la quantité d’eau consommée indépendamment des activités des usagers de l’immeuble — représente un important potentiel d’économie. « Les compresseurs sont particulièrement problématiques », note Duret.

L’Hôpital Pierre Boucher à Longueuil comptait parmi les établissements étudiés par le CTE. Avec une consommation annuelle extrapolée de 1260 litres par lit par jour et un débit plancher de 15,6 %, l’établissement de soins généraux et spécialisés de 323 lits fait certes meilleure figure que d’autres hôpitaux québécois, mais la direction reconnait qu’il peut être

encore plus performant. « Nous avons commencé à remplacer des équi-pements vétustes refroidis à l’eau, comme des chambres froides, par des équipements refroidis à l’air » explique le directeur adjoint des services techniques, Marc Poudrier. « Et dorénavant, dans nos sélections de projets de rénovation, nous nous assurons de répondre aux normes suggérées. »

Manque d’incitatifsIl n’est pas question cependant de se procurer de nouvelles technologies si les équipements plus âgés n’ont pas encore atteint la fin de leur vie utile. « En l’absence de subventions précises pour des mesures d’économie de l’eau, nous devons puiser dans nos enveloppes régulières de maintien des actifs », dit Monsieur Poudrier.

Les budgets sont trop restreints pour remplacer les toilettes défectueuses, par exemple, même si elles ont le potentiel de gaspiller des dizaines de litres d’eau quotidiennement. « Et comme un compresseur peut couter une bonne centaine de milliers de dollars, les établissements vont prioriser, dit Annie Duret. C’est la même chose dans les écoles. Si elles ont un peu d’argent, elles vont acheter de nouveaux livres, de nouveaux ordinateurs et si j’étais gestionnaire c’est probablement ce que je ferais aussi. »

« Par ailleurs, étant donné que ce sont les municipalités qui défraient les couts de traitement des eaux, les établissements ne sont pas pressés d’agir. Sauf que l’obtention de la certification environnementale BOMA BESt® Santé, développée dans les derniers mois, pourrait être source de motivation pour investir dans le développement durable, croit-elle. »

L’Hôpital Pierre-Boucher, maintenant certifié Niveau 3, a contribué à l’éla-boration du questionnaire du module dans le cadre d’un projet pilote auquel ont aussi participé l’Hôpital général de Montréal et l’Hôpital de Montréal pour enfants. En plus de la reconnaissance qu’il symbolise, Marc Poudrier voit de nets avantages à décrocher le label : entre autres, de disposer de données comparatives pour juger du rendement et de pistes de solution pour l’améliorer.

« Nous trouvions que nos indicateurs étaient bons par rapport à ceux d’hôpitaux similaires dans la province, mais relativement aux hôpitaux du reste du Canada, ils l’étaient moins, raconte-t-il. Ça nous montre qu’il y a encore du progrès à faire. »

Par Caroline Arbour, BOMA Québec

PUBLIREPORTAGE

Les gestionnaires de la plupart des hôpitaux et des centres d’hébergement de la province n’ont aucune idée du volume d’eau consommé par leurs établissements parce que très peu d’entre eux disposent de compteurs. Des quantités considérables

seraient tout simplement perdues selon un audit rendu public l’an dernier. Et comparées aux statistiques d’usage de l’eau provenant des États-Unis ou de certains pays d’Europe, les données contenues dans le rapport sont à faire pâlir. La nouvelle certification BOMA BESt® Santé peut-elle inciter au changement ?

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CE La cLiNiQue de mémoire du csss du rocHer-Percé initiative régionale en réponse aux besoins de santé d’une population vieillissante dispersée en milieu rural

Article no 11.01.16 Mots-clés : réforme, accessibilité, services ambulatoires, milieu rural, troubles cognitifs, symptômes comporte-mentaux et psychologiques de la démence (SCPD)

CONtExtE Le projet s’inscrit dans la perspective ministérielle de rehausser l’offre de services spécialisés en vieillissement dans nos communautés. La Clinique de mémoire veut à la fois aider les mé-decins de famille à prendre en charge les personnes atteintes d’Alzheimer et de maladies ap-parentées, et diffuser des connaissances sur les troubles cognitifs liés au vieillissement pour les intervenants de première ligne. Le projet est une des 19 initiatives locales retenues par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) à ces fins. La clinique s’engage égale-ment à faire la promotion du vieillissement en santé et du mieux-être des personnes âgées dans la communauté. Elle se veut un déterminant dans le maintien à domicile comme premier choix pour la population.

Cet article a pour but de présenter la Clinique de mémoire du Rocher-Percé, laquelle représente un effort de développement régional axé sur l’offre de services spécialisés en vieillissement. Il résume l’état des avancements à ce jour et partage quelques idées d’expansion future.

Le projet va dans le sens de la réforme instituée par le Projet de loi modifiant l'organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux. D’une part, il s’agit de rapprocher les services de santé des usagers et, d’autre part, d’augmenter l’efficience des processus de livraison des soins de santé, notamment par une augmentation de l’offre directe de soins de santé à la population. Le modèle est celui d’un déploiement clinique et administratif à visées pragmatiques et fonctionnelles par équipe stratégique spécialisée.

LA CLINIqUE DE MÉMOIRE DU ROCHER-PERCÉ Prévenir et prendre en charge les troubles cognitifs liés au vieillissement en milieu rural n’est pas une mince affaire. Un vaste territoire desservi en milieu rural défavorisé - une population parmi les plus vieillissantes du Québec - l’éloignement des services de troisième ligne – et l’absence de médecins spécialistes en gériatrie et en neurologie ne sont que quelques-uns des défis auxquels les professionnels de la santé doivent faire face au quotidien. La mise en place

La Clinique de mémoire du Centre de santé et de services sociaux (CSSS) du Rocher-Percé est un projet qui découle directement de la volonté des administrateurs locaux de doter le CSSS d’un service ambulatoire de dépistage des troubles cognitifs dans le but de pré-venir la perte d’autonomie chez les personnes âgées du territoire.

DR YVES TURGEONNeuropsychologue

CSSS du Rocher-Percé

HÉLÈNE CHAGNON Infirmière clinicienne

/// 52 Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1

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ciblées auprès des équipes cliniques dans l’ensemble du cen-tre de santé afin d’aider les médecins et les professionnels à mieux planifier les soins aux personnes âgées les plus vulnérables.

Parmi les interventions les plus marquantes, notons la mise en place de petites équipes spécialisées, constituées à par-tir des équipes cliniques requérant un soutien en gestion des SCPD et des membres de l’équipe de la Clinique, lesquels agissent ponctuellement de concert avec les partenaires des équipes cliniques en place dans les milieux. Ces amalgames de transition visent notamment à faciliter le développement de solutions cliniques par les équipes existantes et le trans-fert des connaissances dans les milieux cliniques.

LOgO DE LA CLINIqUE DE MÉMOIRE UN AbRÉgÉ DES MOtIvAtIONS D’UNE ÉqUIPE CLINIqUE DÉDIÉE AU vIEILLISSEMENt EN SANtÉ Et MIEUx-êtRE DES PERSONNES âgÉES

L’engagement de l’ensemble des membres de l’équipe de la Clinique de mémoire, à tous les niveaux, est résolument orienté vers les soins directs aux personnes âgées, et ce, de manière très sincère. Le logo développé par l’équipe et les énoncés qui le soutiennent sont un des nombreux exemples qui dé- montrent que les personnes nécessitant des soins sont au cœur de préoccupations, tant en ce qui concerne l’accom-pagnement que le traitement.

Le logo représente trois concepts, lesquels définissent la clien- tèle, les professionnels et les membres de la communauté. Le cerveau exprime le motif pour lequel les clients de la Clinique recherchent des soins de santé. Les professionnels de la cli-nique sont dédiés à la promotion de la santé du cerveau et du vieillissement en santé. Les mains expriment le rôle que les professionnels de la clinique assument au quotidien; ils sont au service des personnes âgées. Tous ensemble, ils les soutiennent. L’entité formée par le cerveau et les mains re-présente un arbre en pleine éclosion. Il s’agit d’une symbo-lique définie par un arbre mature à l’automne de sa vie. Les feuilles perdues représentent les fonctions mentales qui s’amenuisent. Un arbre n’existe pas sans une communauté d’autres arbres, une forêt, dont il est un élément, tout com-me une personne âgée appartient à une communauté dans laquelle elle a vécu et vit encore.

Le logo de la clinique exprime cette idée toute simple selon laquelle une personne âgée, même lorsqu’elle perd un peu d’elle même, ne cesse jamais d’être un être humain. Les pertes de mémoire et des fonctions mentales ne sont que le reflet d’un processus naturel qui ne change pas l’être de la personne, un peu comme un arbre sans feuille demeure toujours un arbre, malgré ses pertes. Ainsi, la clinique de mémoire met l’accent sur ce qui reste et non ce qui n’est plus. Elle met l’accent sur

d’une clinique de mémoire ambulatoire à travers de multiples sites, en soutien à l’expertise des médecins de famille sur le territoire du CSSS du Rocher-Percé, a été une réponse à ces contraintes.

Le territoire du CSSS du Rocher-Percé se situe en milieu rural éloigné des grands centres urbains. Sa population est con- sidérée comme l’une des plus vieillissantes à l’échelle pro-vinciale. Les usagers doivent se déplacer sur de grandes distances pour recevoir des services spécialisés. La clinique est un service ambulatoire de première et deuxième ligne qui se déploie sur un vaste territoire d’un peu plus de 3 000 km2 pour une population totale d’environ 17 500 habitants, dont un peu plus de 4 000 ont plus de 65 ans.

Depuis un peu plus d’un an, avec plusieurs points de services, les professionnels de la Clinique offrent des services de santé ambulatoires et spécialisés en soutien aux médecins de famille de la région. Une planification élaborée et une approche adap- tée aux besoins spécifiques des personnes âgées permettent d’assurer une synergie et une complémentarité des inter-ventions, sans compter les opportunités de partenariat com-munautaire et de diffusion des connaissances.

Initialement composée d’une infirmière clinicienne, d’un mé-decin, d’un neuropsychologue, et du soutien administratif de madame Isabelle Jones, la Clinique est maintenant dirigée par monsieur Tim Sutton, chef de programmes des soins à domi-cile et maladies chroniques. Elle dispose aussi des ressources suivantes : une infirmière clinicienne pivot et chargée de projet - un neuropsychologue - une médecin - une ergothérapeute - un travailleur social - une infirmière clinicienne - une tech-nicienne en assistance sociale - une agente administrative.

Les interventions des membres de la clinique ont eu lieu dans les cliniques de Groupe de médecine de famille (GMF), les Centres locaux de services communautaires (CLSC), les cli-niques privées, à domicile, en clinique externe et dans les res- sources intermédiaires. Les interventions auprès des proches aidants représentaient un peu plus de 5 % des services rendus, alors que les suivis systématiques en lien avec les interven-tions représentaient près de 10 % des apports de la Clinique.

En soutien aux médecins de famille, les professionnels de la Clinique participent à la prise en charge des problématiques associées au vieillissement. Les personnes âgées de 65 ans et plus ou avec un profil clinique préétabli ont directement accès aux services de la Clinique. Même sans médecin de famille, la clientèle orpheline bénéficie des mêmes services. Ainsi, l’ensemble des usagers du CSSS du Rocher-Percé, in-cluant leurs proches, peuvent bénéficier d’un soutien efficient en temps opportun.

En première ligne, la Clinique a pour mandat le repérage, l'é-valuation, le traitement et l’accompagnement des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et des troubles cognitifs apparentés. En deuxième ligne, elle offre des services spé-cialisés d'évaluation de traitements, de recommandations cliniques, d’enseignement et un soutien actif dans la gestion des symptômes comportementaux et psychologiques de la démence (SCPD). Depuis l’an dernier, des services ont été développés afin d’améliorer les soins et d’identifier de nou-velles solutions cliniques en lien avec la prise en charge des SCPD. Depuis quelques mois, nous offrons des interventions

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l’accompagnement des personnes à une étape importante de la vie. Les professionnels de la clinique croient que l’on doit essayer de faire en sorte que les besoins des personnes âgées soient pris en compte. C’est pourquoi le maintien à do-micile est la considération qui caractérise leur action. La vie à la maison est un enracinement, un point d’ancrage dans la communauté, qu’ils cherchent simplement à préserver. Un ar-bre est à sa place dans la forêt où il a pris racine.

La volonté des personnes âgées de notre région est de de-meurer dans leur chez soi le plus longtemps possible. Le be-soin d’être à la maison, même en perte d’autonomie, est un impératif dicté par les usagers eux-mêmes. Les bénéfices sont multiples pour les clients, surtout considérant que le pla-cement en milieu de soins, dans nos communautés rurales, se résume presque inéluctablement à une relocalisation à des kilomètres du milieu d’origine. Les services à domicile per-mettent de maintenir ce lien fragile entre la personne et son milieu; et c’est ce que le logo exprime

LES ENjEUx FUtURS Et LE DÉFI DE LA CONSOLIDAtION DES ACqUISL’équipe de la Clinique croit que toute personne, peu importe son âge ou sa condition, a droit au respect et à la dignité. L’autonomie de chacun et le maintien à domicile, dans un contexte sécuritaire et approprié à chaque situation, sont la priorité et le but avoué des interventions.

La mise en place de la Clinique de mémoire met l’accent sur un important besoin de services de consultations spécialisées en vieillissement dans la communauté, dont l’aide au repé-rage et à la précision des diagnostics auprès des médecins de famille. L’apport de l’évaluation neuropsychologique en consultation de deuxième ligne, notamment en lien avec l’é-valuation de l’aptitude, est également un constat important. Il en est de même des besoins de formation et de diffusion des connaissances liés aux démences et troubles cognitifs chez la personne âgée dans la communauté, y compris les profes-sionnels de première ligne. L’expérience de la dernière année a définitivement permis de souligner la pertinence de déve- lopper des services régionaux, de même que des collabora-tions interrégionales en vieillissement.

Avantageusement, les professionnels de la clinique se sont approprié la clinique de mémoire. Mme Hélène Chagnon, char-gée de projet locale, est pleinement investie dans le projet. L’accessibilité, la collaboration et l’ouverture des médecins de première ligne sont également un atout considérable à l’affermissement des services en place. La présence d’un neuropsychologue, le rattachement de l’équipe aux soins à domicile, la proximité des membres de l’équipe, tous ratta-chés au même établissement, les services bilingues, les par-tenariats avec le GMF et les cliniques privées, de même que l’appui des partenaires communautaires sont autant de réus-sites pouvant être régionalisées.

Ainsi, la consolidation et le maintien des services implantés sur le territoire sont des priorités dans l’immédiat. L’amélioration de l’offre de services et l'accroissement du soutien aux activi-tés cliniques, par le développement d’une expertise régionale en vieillissement, sont également une considération essen- tielle. Cette clinique est exportable sur l’ensemble du territoire

gaspésien et possiblement ailleurs au Québec, même en ré-gions urbaines. En effet, la promotion du vieillissement en santé dans un contexte plus large de gestion des maladies chroniques en milieu rural sur l’ensemble du territoire gas-pésien pourrait représenter une avancée majeure en ce qui concerne l’offre de services spécialisés en vieillissement.

L’engagement dans des actions concrètes visant à valoriser le mieux-être et à prévenir les troubles cognitifs dans les communautés vieillissantes de la Gaspésie est au cœur de la planification stratégique des prochaines années. Le dévelop-pement d’une action régionale permettra de relever le défi de servir tous les membres des communautés, aux quatre coins de cet imposant territoire. Le développement de programmes de formations sur mesure à l’intention des professionnels de première ligne s’inscrit dans cette perspective de diffusion des connaissances dans l’ensemble des équipes cliniques.///

RemerciementsLa Clinique de mémoire n’aurait pas vu le jour sans l’appui incondi-tionnel de madame Yolaine Galarneau, présidente de l’Agence de la santé et des services sociaux Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine et de madame Chantale Duguay, directrice générale du CSSS du Rocher-Percé. Dès les premières ébauches du projet, mesdames Galarneau et Duguay ont recruté, mandaté, puis fait confiance aux membres de l’équipe de la Clinique. Elles n’ont ménagé aucun effort afin que ces derniers bénéficient du soutien nécessaire à la réalisation de leur mandat. En outre, madame Stella Travers, directrice des soins infirmiers, de la qualité et du soutien à domicile a assumé un rôle pri-mordial dans l’élaboration et le déploiement du projet, depuis sa con-ception jusqu’à ce jour, et ce, en étroite collaboration avec madame Johanne Buisson, agente de planification, de programmation et de recherche à l’Agence de la santé et des services sociaux. Madame Travers a également contribué à soutenir les efforts de mise en place du projet, notamment par des commentaires judicieux et des sugges-tions informées. Par ses initiatives, elle a su mobiliser les ressources humaines nécessaires à la mise en place de la clinique.

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Première rangée, dans l’ordre habituel : Stella Travers, directrice des soins infirmiers et de la qualité et du soutien à domicile - Dre Julie Gauthier,

médecin responsable de la clinique externe de gériatrie - Hélène Chagnon, infirmière clinicienne, pivot et chargée de projet - Myriam Grenier,

ergothérapeute - Monica Huard, technicienne en assistance sociale - Kathy Baker, infirmière clinicienne.

À l’arrière : Dr Yves Turgeon, neuropsychologue - Marc-Antoine O'Connor, travailleur social, est absent de la photo.

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ANAL

YSE

L’eNTrePreNeur-médeciN eT La TraNsformaTioN du réseau

Article no 11.01.15 Mots-clés : Loi 10, réforme, médecins, Loi 20, projet clinique.

INtRODUCtION Le réseau de la santé vivra une période de profond changement au cours des prochaines années. Ce qui était initialement annoncé comme la simple abolition des agences et la fusion d’établissements devient un appel à une transformation majeure et un aplanissement des struc- tures avec la Loi 10. Et avec la Loi 20, le législateur vient toucher les volets de la main-d’œuvre médicale, sujet délicat à bien des égards, essentiel au succès d’une telle transformation. N’étant pas salariés, les médecins ne répondent pas aux mêmes règles que les intervenants du réseau, tant en ce qui a trait aux modes de rémunération qu’à l’imputabilité. Cet article souhaite apporter des éléments de réflexions et suggère des pistes d’action pour impliquer activement les équipes médicales dans le processus.

CEt ENtREPRENEUR qU’ESt LE MÉDECINContrairement aux gestionnaires salariés du réseau, répondant de leurs actions à un supérieur immédiat, le médecin est, d’abord et avant tout, un professionnel autonome, régi par un code, mais avec davantage de liberté d’action et une entreprise à faire fonctionner. Évidemment, comme professionnel, il doit respecter son code de déontologie tout en cherchant à exercer selon les données probantes. Par ailleurs, la ligne est bien mince entre « le médicalement requis » et « ce qu’il serait bon d’avoir pour notre usager », surtout si des considérations finan-cières influencent la décision. D’ailleurs, certains soulignent l’existence d’une relation entre des modifications dans la rémunération du médecin et le profil de pratique, sans modifica-tion des données scientifiques, exemple d’un effet pervers du système de rémunération. Par exemple, lorsqu’il y a modification à la hausse du tarif d’un acte spécifique, on observe fréquemment une augmentation de la fréquence de sa facturation, sans que les normes de pratique n’aient changé.

Ici, on touche directement la corde sensible de l’autonomie professionnelle, sacro-sainte dans toutes les professions, mais qui n’est pas un obstacle au respect des règles. En fait, les mé-decins sont majoritairement dévoués à leurs usagers et c’est d’abord dans l’intérêt de ces derniers qu’ils se mobiliseront dans toute transformation du réseau. Bien qu’ils ne soient pas salariés, il n’en demeure pas moins qu’ils ont une responsabilité conjointe avec les gestion-naires face à la population, dans l’offre de services en santé.

Une tendance se dessine, tant dans la société que chez les membres du corps médical. Pendant des années, les médecins ont effectué, de bon gré, de nombreuses tâches non ré-munérées, parce qu’il fallait le faire. Lors des dernières négociations, plusieurs de ces activités ont été reconnues, en créant toutefois l’effet pervers selon lequel tout devrait maintenant être rémunéré. Or, cette propension ne se retrouve pas uniquement au sein du corps médical, mais est également observée dans de nombreux domaines.

Cet article examine certaines options quant au rôle du médecin gestionnaire dans le contexte actuel du projet de loi 10, mais ne représente pas une prise de position concernant la réforme proposée. Il a aussi pour objectif de partager humblement le fruit des réflexions de l’auteur sur la collaboration avec l’équipe médicale dans le cadre de la transformation du réseau.

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GAÉTAN FILION, physiatre, M.D., F.R.C.P. (c), M. Sc., EMBA

Directeur des affaires médicales et universitaires, Centre montérégien

de réadaptation (avant son intégration au CISSS-MO)

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services (Contandriopoulos, 2012). Plusieurs leaders médicaux se sont rapidement mobilisés contre ce projet de loi, invoquant la perception d’ingérence dans la pratique professionnelle.

PARtICULARItÉS DU RÉSEAU DE LA SANtÉ COMME ORgANISAtIONDans la structure organisationnelle de notre réseau de santé, les établissements présentent des particularités qui en font un type d’organisation à part. Vu sous l’angle du modèle de Mintzberg (2004), il s’agit d’abord d’une organisation haute-ment professionnelle, devant continuellement s’adapter aux besoins des usagers et à l’évolution technologique. On tente de la faire fonctionner comme une structure-machine, comme en font foi les différents projets Lean, tout en voulant privilégier l’innovation dans les façons de faire, avec une touche d’ad-hocratie et l’intervention d’entrepreneurs que sont les méde-cins (Demers, 2013; Dupuis et coll., 2005). Ceci constitue un assemblage très particulier propre à l’univers de la santé. La gestion de ce réseau est alors très complexe en raison de la mul-tiplicité des parties prenantes, ayant leurs enjeux et objectifs propres, qui peuvent tout aussi bien converger que diverger.

De plus, si on considère les obligations et les multiples reddi-tions de comptes imposées aux établissements du réseau, on constate que le destinataire final n’est plus l’usager, mais bien plutôt l’État. En effet, l’énergie des gestionnaires se trouve con- centrée pour répondre aux commandes incessantes des orga- nismes règlementaires, et de moins en moins axée sur l’usager.

Il est par ailleurs intéressant de constater que dans la litté-rature, le volet entrepreneur du médecin fait l’objet de peu d’études et ne fait que rarement partie de l’équation lorsqu’il est question de fusion ou de transformation. Pourtant, les mé-decins peuvent être de puissants agents mobilisateurs, autant que des obstacles pouvant ralentir grandement le processus de transformation. Considérant le statut de travailleur auto-nome des médecins, plusieurs gestionnaires ne savent pas trop comment transiger avec eux, alors que la coopération de tous demeure la clé du succès dans le réseau.

POUR LA PEtItE HIStOIRE DU qUÉbECAu Québec, nos ancêtres comptaient trois notables dans la place : le curé, le notaire et le médecin. Seul le médecin a conservé à ce jour un certain statut aux yeux de la population. Du bon vieux médecin de campagne qui ne comptait pas ses heures et ne savait jamais s’il serait rétribué pour ses ser-vices, l’arrivée de l’assurance maladie a modifié le rapport entre l’usager, le médecin et l’État. Plus profondément, le lien transactionnel entre le médecin et son patient, dans la rela-tion professionnelle, passe maintenant par une tierce partie en ce qui concerne la rémunération. Ceci ouvre la porte à un changement de contrat dans la pratique médicale, à savoir que pour le médecin, ce n’est plus l’usager qui est considéré comme le client, mais bien le gouvernement. Ce changement contractuel peut malheureusement favoriser une dérive de certains dans leur attitude et leur action professionnelle, sans oublier les effets pervers des divers modes de rémunérations.

Malheureusement, nous avons tous entendu de la part des usagers ou de proches des histoires qui s’éloignent du bon docteur, alors que la population requiert de plus en plus de

RÉFORME, vERSION 2015Le réseau de la santé et des services sociaux du Québec a fait l’objet de diverses réformes et réorganisations au cours des dernières décennies, ayant pour conséquence la réduction du nombre de centres, passant de 1000 à 200 établissements (Demers, 2013). La Loi sur les agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux (Projet de loi 25), qui créait les centres de santé et de services sociaux (CSSS), visait à établir de nouvelles conceptions de l’organisation des services : la responsabilité populationnelle et la hiérarchisation des services. Un numéro complet de cette revue a d’ailleurs été consacré au sujet. Évidemment, tous les médecins n’étaient pas nécessairement favorables à ce changement; mais aujourd’hui, peu remettraient en question la pertinence de cette réorganisation des structures de soins.

Le projet de loi 10 visant entre autres à mettre en place les centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) réduit encore davantage le nombre d’établissements du ré-seau. Cette réforme ambitionne beaucoup plus que la simple fusion d’établissements : elle a pour objectif une restructura-tion de la gouvernance pour aboutir à l’amélioration de l’offre de services. Il s’agit d’une volonté avouée du gouvernement de réduire les paliers décisionnels des ministères, autant que le nombre total des divers intervenants, en plus d’un appel à davantage de coordination et d’intégration des services. On constate d’ailleurs dans les organismes publics une faible tolérance aux systèmes multiorganisationnels (Dupuis, Fari-nas, & Demers, 2005). Dans le discours toutefois, on entend surtout parler d’impératifs financiers face à la situation du Trésor public, préoccupation qui semble avoir un écho varia-ble au sein de la profession médicale : la plupart des méde-cins mesurent difficilement l’impact potentiel que peut avoir le projet de loi sur leur pratique, dans sa formulation actuelle. D’autant que le ministère insiste sur le fait qu’il vise l’amé-lioration de l’accessibilité des services, tout en mettant de l’avant les restrictions budgétaires.

Le ministre vient également de présenter le projet de loi 20, en insistant sur le volet de l’accessibilité et sur la possibilité de se donner les moyens d’y arriver, avec les conditions actuelles de la pratique médicale. Ce projet de loi viendrait modifier certains paramètres de la rémunération des médecins, s’ap- puyant sur des données qui tendent à démontrer que, mal-gré des investissements et une augmentation des couts, il n’y a pas eu d’amélioration significative de l’accessibilité des

ANAL

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… pour le médecin, ce n’est plus l’usager qui est considéré comme le client, mais bien le gouvernement.

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services, particulièrement avec l’arrivée des « baby-boomers » aux portes de nos cabinets. Désormais, le respect voué au médecin se fragilise et les nouvelles générations souhaitent davantage qu’une simple prestation d’un service médical. Cette mise en garde est de plus en plus présente dans le discours des leaders médicaux. Il n’est pas rare d’entendre que la société a donné beaucoup de pouvoirs aux médecins, mais que ceux-ci ont l’obligation de s’autoréguler, sinon l’État s’impliquera davantage dans leurs affaires. Ils doivent agir en conséquence afin de démontrer qu’ils sont pleinement cons-cients de leurs responsabilités envers la société.

RALLIONS NOS MÉDECINS MObILISAtEURSDans le bouleversement découlant de l’application de la ré-forme, tous les gestionnaires seront directement touchés. Alors, le temps presse. Pourquoi ne pas regarder dans nos organisations et identifier les médecins «leaders » qui pour-raient contribuer positivement à la reconfiguration des organi- sations et à la révision de l’offre de service ? Le meilleur outil permettant de favoriser la mobilisation médicale demeure l’élaboration d’un projet clinique interpellant l’équipe médi-cale pour la prise en charge des usagers. Il faut mettre rapi-dement à contribution l’équipe médicale qui connait bien les besoins des usagers et les problématiques du terrain.

On ne doit pas perdre de vue que la plupart des médecins ne sont pas formés comme gestionnaires, bien qu’ils soient sou-vent amenés à assumer un rôle de gestion. Nous avons donc le devoir de les guider et de mettre en place des formations adaptées à leurs besoins. Parmi les sujets de formations à en-visager, celui de la gestion du changement dans le contexte de la réforme actuelle est prioritaire. En ce sens, une pre-mière action essentielle doit porter sur l’identification des be-soins de formation des médecins ayant trait à la gestion. Pour la vaste majorité d’entre eux, cela aura un effet rassembleur. Une fois les besoins connus, la mobilisation qui suivra permet-tra aux médecins de comprendre davantage les contraintes des gestionnaires et facilitera leur implication, plutôt que de générer un dénigrement de la réforme et de ses impacts. Cette mise en commun des difficultés et impacts découlant de la réforme fera qu’ils seront moins attribués uniquement aux gestionnaires. De plus, cela peut représenter une belle occa-sion de concrétiser la responsabilité conjointe des médecins et des gestionnaires face à la prise en charge des besoins de santé de la population.

LES MÉDECINS Et LE PROjEt CLINIqUEAfin de mobiliser l’équipe médicale autour du projet clinique et d’assurer sa réussite, il doit être centré d’abord et avant tout sur les besoins de l’usager. À toutes les étapes de la mise en place de ce projet, on doit l’examiner sous l’angle d’un client à desservir. Notre réseau actuel est très complexe et les usa-gers s’y perdent facilement. Et ils ne sont pas les seuls; les médecins font également face à cette réalité, amenant des pertes de temps et d’efficacité inutiles. Les médecins ne de-mandent pas mieux que de faciliter la prise en charge de leurs usagers et veulent participer à la mise en place de solutions concrètes.

Dans le cadre du projet clinique, on doit procéder à une analyse des problématiques afin de trouver des éléments de solutions

pratiques. Dans ce contexte, les médecins doivent être inter-pellés et mis à contribution pour identifier les problèmes et des pistes de solutions. À l’instar des entreprises privées, pourquoi le gestionnaire ne considérerait-il pas l’usager et son médecin comme les clients du réseau, envers lesquels il a l’o-bligation de rendre un service conforme aux attentes ?

Le fait de faciliter les références aux spécialistes, surtout dans des situations qui requièrent une évaluation dans un délai spécifique, représente un autre aspect mobilisateur pour les médecins et important pour les usagers. La mise en place d’accueil clinique permet à l’équipe médicale de s’impliquer directement et facilite la prise en charge, tout en évitant des rendez-vous multiples et inutiles aux usagers. Toutefois, ceci comporte également des contraintes et des obligations, tant de la part du médecin traitant que du spécialiste, pour lequel une adhésion volontaire demeure la clé, malheureusement pas toujours possible. En effet, pour que le système fonctionne, les médecins doivent s’engager à prendre en charge les pa-tients et à poursuivre les soins actifs après les consultations.

La mise en place du projet clinique peut être sérieusement compromise si la collaboration de l’équipe médicale n’est pas acquise au préalable. Il s’agit d’un enjeu majeur, d’où l’im-portance de la mobilisation dès les premiers travaux. Un des grands obstacles demeure la disponibilité des médecins et leur volonté de participer, sans oublier qu’ils doivent simulta-nément s’occuper de leurs entreprises.

Il faut résister à la tentation de multiplier les cas particuliers dans nos travaux de conception de corridors de services et de protocoles de prise en charge. Il s’agit d’une tentation facile dans le secteur de la santé de par la nature des cas d’espèce auxquels nous sommes confrontés quotidiennement. La meil-leure façon de démobiliser des médecins en matière de ges-tion consiste à rendre un projet de plus en plus complexe en abordant d’abord tous les cas singuliers et complexes. Dans ce type d’approche, notre orientation « usager » doit devenir spontanément une partie intégrante du « système ».

CONCLUSIONBien que les médecins soient des travailleurs autonomes, ils demeurent une partie prenante importante et incontournable dans la transformation du réseau. Ils ont une responsabilité collective envers le service public et on devrait pouvoir le leur rappeler sans être cloué au pilori. La société civile, le con-tribuable, désire une imputabilité de tous, demande des ser-vices, mais exige aussi des comptes. Les médecins doivent répondre, mais également contribuer à la solution. Comme gestionnaires et cliniciens, les médecins peuvent être de puissants alliés : il ne tient qu’à nous, gestionnaires, de les mobiliser. ///

Références bibliographiquesCONTANDRIOPOULOS, D. (2012). « Et si on changait le réseau en équipe ? », Colloque annuel des DSP. Montréal: AQESSS.

DEMERS, L. (2013). "Mergers and integrated care: the Quebec experience". The Internationnal Journal of Intergrated Care 13(February), 1–5.

DUPUIS, A., L. FARINAS & L. DEMERS (2004). « Gouvernance et fusions d’établissements sociosanitaires », Revue Gouvernance 1(2), 1–23.

MINTZBERG, H. (2004). Le management : voyage au centre des organisations. Configurations (p. 703), Éditions d'Organisation - tiré de http://www.amazon.fr/dp/2708130935.

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De la genèse à aujourd’huiDécoulant directement du Plan d’action gouvernemental de pro- motion des saines habitudes de vie et de prévention des problè- mes reliés au poids 2006-2012 – Investir pour l’avenir (PAG), les TIR-SHV regroupent plusieurs partenaires régionaux réunis au- tour d’un même objectif; le bien- être de leur communauté.

Marie-Ève Morin cumule les rô- les de coordonnatrice de la TIR Laurentides ainsi que d’accom-pagnatrice provinciale des TIR-SHV : « Depuis 2007, les TIR ont

beaucoup évolué et leur mode de financement également. Ainsi, au début, l’attribution des fonds se faisait par l’identification de projets régionaux alors qu’aujourd’hui, chaque TIR a reçu un financement de Québec en forme par suite de choix concertés résultant en un plan d’action régional intersectoriel. Les TIR ce sont avant tout des partenaires, des ministères et des organismes qui ont à cœur les saines habitudes de vie des jeunes et des familles de leur région respective. »

« Les participants sont des gestionnaires ou des professionnels qui endossent les rôles et objectifs de la TIR et mettent en commun leurs préoccupations, mais aussi leurs leviers pour bâtir un plan d’action à saveur régionale », résume Marie-Ève Morin. La TIR, c’est de l’action en région par la contribution de tous !

Inspirée par la mobilisation qu’elle constate partout au Québec, madame Morin voit son rôle d’accompagnatrice comme une plaque tournante des expertises, des défis et des bons coups de tous et cha-cun ainsi que du maillage entre les paliers national, régional et local : « Bien que les réseaux régionaux vivent de grands bouleversements actuellement, comme l’abolition des Conférences régionales des élus (CRE), les TIR sont tournées vers l’avenir. L’intersectoriel, c’est la façon d’enregistrer des gains pour la santé de la population en matière de saines habitudes de vie. »

Faire bouger les filles en Abitibi-TémiscamingueMalgré le fait que la concertation régionale soit bien ancrée en Abitibi-Témiscamingue depuis plus de 50 ans, son importance s’est accrue depuis le Plan d’action gouvernemental (PAG). « Nous som- mes partis des indicateurs fournis par la santé publique et de l’expérience d’une école qui participait au programme Fillactive pour démarrer notre projet », raconte Paul Saint-Amant, conseiller Kino-Québec. Un comité de travail a alors été créé pour initier le projet et le proposer aux autres partenaires de la TIR. « Le projet comporte trois volets : la formation des éducateurs physiques selon le programme national Mentors actifs (débuté en novembre 2014), des capsules vidéo éducatives qui seront diffusées sur le Web et un grand événement à la fin du mois de mai qui regroupera 500 filles des cinq commissions scolaires de la région », explique le conseiller.

Le volet de formation vise à amorcer un changement de culture, donc qui demeurera dans le temps. « Par exemple, nous savons que les filles discutent souvent avant un cours d’éducation physique alors que les garçons discutent plutôt après. La formation nous a permis d’effectuer des changements afin que les garçons n’attendent pas les filles en les observant lors de cours à la piscine afin d’éviter de causer des malaises. Nous avons aussi offert aux filles de leur donner 100 % sur les tests Cooper ou Léger Navette en échange de leur participation pendant huit semaines à notre programme d’entrainement FitClub. En somme, nous avons adapté notre offre de service à notre clientèle féminine », indique Paul Saint-Amant. « Il y a clairement une place à faire aux filles afin qu’elles se réa-lisent en activité physique et tous les partenaires de la TIR l’ont bien compris ».

Les Tables intersectorielles régionales sur les saines habitudes de vie : des outils de concertation essentielsPrésentes dans toutes les régions du Québec, les Tables intersectorielles régionales (TIR) sur les saines habitudes de vie sont de véritables incubateurs pour des projets et des réflexions structurantes au diapason des besoins des communau-tés. Cet article vous présente deux succès probants tout en dressant un portrait des TIR à travers quatre intervenants du milieu.

Entrevues réalisées par Annie Champagne, collaboratrice au Point en santé et services sociaux

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Cibler la petite enfance au Bas-Saint-LaurentAu Bas-Saint-Laurent, c’est en identifiant les besoins des jeunes avec le monde scolaire que le projet d’améliorer les saines habitudes de vie dès la petite enfance est né. De projet régional, le dossier est ensuite devenu une priorité d’action au fil des consultations auprès des partenaires locaux. « Comme les actions en saine alimentation nous semblaient insuffisantes, la TIR a choisi d’en faire son cheval de bataille », relate Julie Desrosiers, nutritionniste et responsable de la TIR-SHV au Bas-Saint-Laurent. Sa collègue Marie-Josée Pineault, coordonnatrice en santé publique, renchérit : « C’est un projet con-certé au bénéfice de tous les enfants de la région. Nous souhaitons ainsi leur garantir l’accès à la meilleure offre alimentaire possible avec le programme À nos marmites. »

À nos marmites cible des actions dans toutes les sphères de déve-loppement touchant non seulement au repas en tant que tel mais aussi à son contexte, à l’encadrement de l’enfant, à la notion de plaisir qui vient en mangeant et aux activités éducatives. « Comme la moitié des enfants de la région ne sont ni en CPE ni dans les

services de garde en milieu familial reconnus, nous avons aussi in-tégré un volet qui s’adresse aux parents et aux communautés. Nous entamons actuellement une nouvelle phase du programme, qui est en quelque sorte sa continuité, afin d’agir directement en milieu scolaire », indique Julie Desrosiers.

La première phase du projet a duré deux ans à la suite desquels un consultant externe a évalué les résultats obtenus. Le constat est plus que positif : 92 % des CPE se sont engagés dans le projet et 40 % des services de garde en milieu familial reconnus ont emboité le pas. Qui plus est, 70 % des participants ont apporté des changements significatifs à leur organisation en matière d’alimentation. « Ces résultats sont plus que satisfaisants et encouragent les partenaires de la TIR à continuer de prioriser cet engagement dans notre plan d’action 2014-2016. Nous souhaitons également aller plus loin en intégrant le volet service de garde en milieu scolaire et en assurant un arrimage avec les futurs techniciennes en diététique et éduca-teurs en services de garde en diffusant les messages clés de À nos marmites dans le cadre des DEC et AEC. À la fin de 2016, nous souhaitons offrir une formation À nos marmites aux nutritionnis- tes et partenaires de la région », ajoute Marie-Josée Pineault.

L’importance des TIR-SHVLes quatre intervenants interrogés pour cet article sont unanimes quant à l’importance des TIR-SHV, qui selon eux constituent un levier très important pour faire émerger des projets structurants. Il s’agit d’un bel exemple de mise en commun des forces et des expertises de chacun des partenaires impliqués afin de rendre les environnements favorables aux saines habitudes de vie dans les différents milieux de vie des jeunes et des familles, et optimiser ainsi l’offre de service à la population. « Les TIR sont des acteurs régionaux importants qui n’ont pas encore atteint leur maturité. Nous devons travailler ensemble afin de les développer davantage car sans elles, nos actions ne pourraient être aussi réfléchies. Ce sont des points d’ancrage essentiels entre le national et le local afin de prendre en considération les particularités régionales », conclut Paul Saint-Amant.

PUBLIREPORTAGE

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ANAL

YSE de La sTrucTure au

déPLoiemeNT : maximiser Les reTombées PosiTiVes de La Loi 10

Article no 11.01.05 Mots-clés : Loi 10, structure, déploiement clinique, gestion par processus, gestion du changement, performance.

Mais comment s’assurer que cette reconfiguration apporte de réelles retombées positives pour l’usager ? A-t-on raison de croire que le fait de fusionner des établissements va produire d’office les effets escomptés ? Est-ce que cette réforme signifie une volte-face par rapport aux efforts entrepris depuis la réforme de 2005 ou s’inscrit-elle dans sa continuité ? Comment faire pour maximiser l’efficacité de cette réforme pour mieux servir l’usager et alléger les dépenses en santé dans la même foulée ? Cet article propose une réflexion sur ce que pourrait être le déploiement de la loi 10 et présente un guide pour accompagner le réseau dans l’actualisation de cette loi.

L’ÉtAt DU RÉSEAU AU tEMPS DE LA LOI 10Le projet de loi 10 vise à modifier la structure de gouvernance du système et l’organisation de soins et services par l’abolition des Agences régionales et la réduction du nombre d’entités au-tonomes, passant de 182 à 34 établissements. Cette nouvelle organisation des services inclut 13 Centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) et 9 Centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS). L’intention est aussi de faire passer le système de santé québécois d’un réseau d’établissements à un réseau intégré de services aux patients. L’esprit de la loi est en effet d’assurer une meilleure continuité de soins et de services sur un territoire, notamment en centralisant la prise de décision par ce vaste mouvement de fusion. Par cette intégration administrative, on souhaite également accentuer la normalisation et ainsi assurer des services plus uniformes à la population.

Depuis l’annonce de ce changement structurel, un vent de désorganisation se fait cependant sentir chez le personnel administratif qui voit plusieurs emplois menacés par les nombreuses coupures de postes annoncées. Les projets amorcés sont abandonnés et tout le réseau est en attente. Par un étrange effet du sort, toute cette attention portée sur les structures administra-tives amène divers acteurs cliniques à considérer « ... qu’enfin, on les laisse tranquilles et qu’ils peuvent se concentrer sur les enjeux cliniques! »

À court terme donc, la loi 10 ne semble pas engendrer de répercussions négatives en regard de la qualité des soins et des services offerts aux usagers. Elle renforce même la perception négative du grand public à l’effet que les administratifs n’apportent que très peu de valeur au système.

Néanmoins, plusieurs dangers guettent le réseau. Tout d’abord, le désinvestissement dans l’administratif est comme une maladie chronique. Les effets sont pernicieux et peuvent handi-caper le système à long terme. En dévalorisant la gestion au sein de la direction des établisse-ments, l’investissement des personnes à haut potentiel sera improbable. La qualité de relève

Depuis l’annonce du projet de loi 10 le 25 septembre dernier, le réseau de la santé et des services sociaux vit une grande période de turbulence. Cette loi vise à réduire les dépenses administratives en modifiant de façon significative la structure du système et en réduisant le nombre d’établissements par des regroupements. Ultimement, les ressources dégagées pourront être réinjectées directement dans les soins et services, ce qui est tout à fait louable.

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ALAIN RONDEAU Professeur honoraire et directeur associé

CAROLINE PARENT Coordonnatrice

et chargée de projets

MARIE-HÉLÈNE JOBIN Professeure titulaire et directrice

Pôle santé HEC Montréal

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pourrait en souffrir et entraver le système à mieux servir le patient ou l’usager à long terme.

Par ailleurs, les tractations à court terme auront inévitable-ment l’effet d’engager un jeu politique malsain de reposi-tionnement des acteurs administratifs pour permettre à ces derniers de reprendre du contrôle. Ces chassés croisés ont déjà cours actuellement. Il ne faut pas écarter le danger que ces efforts de positionnement stratégique relèguent à l’arrière-plan la mise en place de processus de soins et de services intégrés.

Il est d’ailleurs facile de concevoir comment la normalisation des services financiers va mobiliser des énergies phénomé-nales; comment la mise à niveau des conventions collec-tives et l’avalanche de griefs qui s’ensuivra vont cristalliser l’attention; comment la normalisation des technologies aux services de paie, d’achats ou d’ententes de gestion, va engen-drer un déplacement des efforts sans grande valeur ajoutée pour l’amélioration de la performance clinique du système.

En somme, le déploiement de la loi 10 risque d’entrainer le ré-seau de la santé et des services sociaux du Québec dans une « structurite aigüe », ce qui pourrait faire de l’usager, à court et à moyen terme, le grand perdant de cette réforme. Pour autant, cette réforme ne sera pas inutile, d’autant plus qu’elle viendra compléter les travaux entrepris avec la réforme du système de santé et services sociaux de 2005. Dix ans plus tard, nous remettons sur le métier notre ouvrage et tentons de redresser les pans de la réorganisation du réseau de santé qui n’ont pas encore été mis totalement en place.

REtOUR SUR LA RÉFORME DE 2004 ? Avec la création des 95 réseaux locaux de services (RLS) en 2004, l’objectif était de rapprocher les services de la popula-tion et de les rendre plus accessibles, mieux coordonnés et continus en misant sur les trois piliers fondamentaux de la ré-forme qu’étaient la responsabilité populationnelle, la gestion par programme et l’organisation réseau.

Aujourd’hui, dix ans plus tard, il est clair que cette réforme a fait progresser l’organisation des soins et services malgré de nombreuses ratées. Avant 2004, pour la majorité des éta-blissements, les soins et services étaient organisés dans une logique d’offre de services propre à chaque établissement et non selon une meilleure compréhension des besoins réels de la population d’un territoire donné, ce que seul les CLSC analysaient jusqu’alors.

La mise en place par les CSSS de la responsabilité population-nelle a été longue et ardue à réaliser car on devait repenser l’organisation des services autour des besoins des bénéfi- ciaires et non seulement autour des dispensateurs de ser-vices. On devait aussi apprendre à prioriser les services selon les besoins et à déployer une première ligne forte, ce qui ne s’est pas fait sans anicroche. En ce sens, la réforme actuelle n’est qu’une continuité de la précédente et vise à intégrer plus avant les services sur un même territoire.

Cette responsabilité populationnelle a aussi nécessité la mise en place d’une gestion par programme, c’est-à-dire une or-ganisation des soins et services plaçant le bénéficiaire au cœur du soin et prenant en compte son état global plutôt que

de simplement le faire circuler d’un service à l’autre, d’une activité clinique à l’autre. Certes, encore une fois, cette ges-tion par programme a été réalisée à géométrie variable selon les territoires, mais cela a constitué un premier effort con-certé pour déployer des soins et services selon une logique de processus où l’usager est pris en charge et non selon une logique de dispensation de services où il est laissé à lui-même pour circuler dans les dédales d’un système complexe.

Les piétinements de la mise en place de la gestion par pro-gramme se sont traduits par une organisation de soins sou-vent trop lourde et mal adaptée à la diversité des clientèles. On en vient aujourd’hui à reconnaitre la valeur d’une organi-sation des services autour de trajectoires beaucoup plus pré-cises et raffinées, fondées sur une meilleure prise en compte de l’expérience-patient.

L’apprentissage le plus important à tirer de la réforme de 2004 est sans aucun doute lié au troisième pilier de cette réforme : l’organisation réseau. À cette époque, le législateur était bien conscient que pour assurer une fluidité dans les services, il importait de faire travailler les établissements en réseau et non plus en silo. La formule déployée alors consistait à né-gocier des « contrats de services » entre établissements demeurés autonomes, par ailleurs. Bien que l’organisation des soins et services soit aujourd’hui davantage réfléchie en termes d’organisation réseau, il n’en demeure pas moins que la collaboration entre les différentes composantes du système se fait toujours difficilement. Pour paraphraser De Gaulle : « Comment voulez-vous gouverner un réseau où il y a 184 établissements!1»

La réforme de 2004 a cependant fait progresser le modèle de soins et services au Québec d’une façon notable et il ne fau- drait pas que la loi 10 se traduise par des reculs dans l’évolution de ce modèle. Au contraire, il est souhaitable que la mise en place de cette loi constitue une occasion de consolider les acquis de la réforme. De fait, si le déploiement de cette loi permet aux CISSS et aux CIUSSS de clarifier plus efficace-ment les trajectoires de soins et de services et de mieux les intégrer à travers des établissements fusionnés, cela pourrait revitaliser le système.

Établissons au départ que ce n’est pas la structure d’un sys-tème qui en détermine la performance. C’est plutôt l’efficacité des processus de soins et services qui détermineront la capacité du système à atteindre la qualité souhaitée dans les services dispensés. En d’autres termes, les nouveaux di- rigeants des établissements devront mettre rapidement l’ac-cent sur la mise en place et l’amélioration de leurs trajectoires de soins et de services. Le temps consacré à l’établissement de structure et d’organigramme n’améliorera pas la perfor-mance du système. Cette tâche est nécessaire, mais elle n’engendrera pas à elle seule la performance. Les bénéfices ne se feront sentir que lorsque les acteurs stratégiques au-ront comme objectifs de travailler à l’intégration des proces-sus cliniques et de services.

Par leur taille et par la simplification de la structure de gouver-nance, les CISSS (ou CIUSSS) ont en main les atouts pour per-mettre une meilleure intégration des continuums de soins et services, ce que les ententes de gestion entre établissements autonomes n’ont pas réussi. Il faut cependant savoir donner

Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1 /// 611. De Gaulle avait déclaré en 1962 « Comment voulez-vous gouverner un pays où il existe 258 variétés de fromages? » http://www.dicocitations.com/citations/citation-6783.php#PE2flvbJ6wgtzxv0.99.

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être modulée pour s’ajuster de façon flexible aux besoins émergents et non être le simple prolongement de l’action des établissements qui les composent.

Responsabiliser les CISSS ou CIUSSS dans des continuums de soins et services plus raffinésUne idée novatrice de la réforme de 2004 fut l’établissement d’une gestion par programme mettant l’accent sur des con-tinuums de soins et services centrés sur des clientèles spéci-fiques. Cependant, l’expérience acquise a démontré que ces continuums étaient souvent trop larges et mal intégrés. En outre, la coordination des efforts autour de ces continuums se faisait sans réelle autorité sur leur déploiement entre les établissements.

Comme les CISSS et CIUSSS disposeront de multiples instal-lations et points de service, ils auront intérêt à adopter une structure matricielle de gestion des soins qui reconnait une autorité réelle aux propriétaires de continuums. Ces derniers devront mettre l’accent sur la continuité et la fluidité des ser-vices à travers les continuums dont ils sont responsables, mais devront également assurer la continuité et la fluidité des services entre les continuums de l’établissement.

Virtualiser les soinsLa concentration du pouvoir aux mains d’un nombre restreint de joueurs et la simplification des structures administratives est un atout intéressant pour favoriser l’intégration massive des technologies de l’information en soutien aux soins et aux processus administratifs. Actuellement, le réseau est en très piètre état d’un point de vue technologique. Les équipements sont désuets, les systèmes sont inefficaces et non intégrés, les capacités d’analyse et d’extraction des données sont anémiques. Certes, les choix des établissements d’investir dans les soins et services plutôt que dans des éléments de soutien ne sont pas étrangers à cet état de fait, mais l’addition des années de négligences et de chicanes stériles sur les projets majeurs entrepris dans le réseau ont fait en sorte qu’aujourd’hui, le système est à l’âge de pierre. Un coup de barre majeur doit être donné pour accélérer l’introduction des technologies, en soutien aux soins.

Développer une culture d’innovation continueLe dernier chantier qui se dresse est celui de l’innovation. Le réseau peine à innover. La recherche est anémique mais il est surtout déplorable de constater que la diffusion des in- novations et des améliorations est entravée par des enjeux administratifs, des règles syndicales ou simplement la pro-tection de l’identité territoriale. La simplification des struc-tures amenée par la loi 10 apparait donc comme un levier intéressant qui pourrait favoriser la diffusion des innovations plus harmonieuse et efficace. Au lieu d’entamer une lutte où la culture de l’établissement le plus fort prend le dessus sur les autres, les CISSS et les CIUSSS devront travailler à faire évoluer la culture de leur nouvel établissement vers une cul-ture d’amélioration continue et d’innovation.

En définitive, s’il s’avère possible d’axer le déploiement de la loi 10 sur les enjeux cliniques et non sur les seuls enjeux administratifs, cette transformation pourrait atteindre son objectif de faire passer le système de santé québécois d’un réseau d’établissements à un réseau intégré de services aux patients. ///

du sens à cette fusion et en faire un outil d’amélioration de la performance.

PENSER LE DÉPLOIEMENt : qU’ESt-CE qUI DONNE AUx FUSIONS LEUR vALEUR RÉELLE ?Comme le démontre généralement la recherche en gestion dans le domaine des fusions d’organisations, la valeur ajou-tée d’une fusion tient rarement à de seuls enjeux financiers mais comporte de nombreuses composantes liées à la com-plémentarité des instances et à l’organisation sociale du tra-vail (Staub, 2007)2. Appliquée au déploiement de la loi 10, il importe donc que la mise en place des CISSS et CIUSSS ne vise pas que de simples objectifs budgétaires mais s’avère bénéfique au client qui en utilise les services. La fusion d’éta-blissements doit se faire autour de la complémentarité cli-nique des diverses installations qui composent les CISSS ou CIUSSS aux continuums de soins. Il faut éviter que l’attention des décideurs soit centrée uniquement sur des questions ad-ministratives, mais qu’au contraire, elle soit l’occasion d’une meilleure intégration clinique.

Dans cette perspective, la mise en place des CISSS et des CIUSSS doit servir de nouveau tremplin aux trois piliers de la réforme de 2005. La responsabilité populationnelle devra continuer d’être un élément central de la réforme. C’est en travaillant à mieux connaitre les populations desservies sur leur territoire que les nouveaux établissements donneront de la légitimité à une action clinique intégrée. En outre, c’est par un raffinement de la gestion par programme que les parcours cliniques se colleront davantage sur l’expérience-patient. En-fin, la réelle valeur des CISSS et des CIUSSS sera de favoriser un réseautage plus rigoureux entre installations soumises à une même normalisation.

UN gUIDE DE DÉPLOIEMENt : qUELqUES PRINCIPES à RESPECtERTout en reconnaissant l’incertitude et l’insécurité associées au déploiement de la loi 10, les pistes d’action proposées ici veulent mettre en garde les décideurs contre une focalisa-tion sur les questions administratives. La démarche de fusion entreprise doit se mesurer à l’aulne des objectifs du système : accessibilité, continuité et qualité des soins et services. Pour ce faire, diverses actions pourraient baliser ce processus.

Maintenir l’usager au cœur de la transformation L’une des grandes forces de la réforme de 2004 a été la mise en place de la responsabilité populationnelle. De cette façon, le législateur d’alors affirmait l’importance d’un soin centré sur les besoins du patient et non sur les préoccupations des dispensateurs. Afin de continuer dans cette même orienta-tion, les nouveaux CISSS et CIUSSS devraient être appelés à raffiner non seulement le portrait des besoins de leur ter-ritoire élargi, mais aussi des ressources dont ils disposent pour les traiter. Ici, il importe de ne pas établir ces portraits pour chaque établissement fusionné, mais bien d’établir un portrait intégré des besoins et des ressources à disposition, sans égard aux pratiques traditionnelles. Comme l’a démontré la mise en place récente de cliniques temporaires pour traiter la grippe, l’offre de service d’un CISSS ou CIUSSS pourrait

2 Straub, T. (2007). Reasons for Frequent Failure in Mergers and Acquisitions - A Comprehensive Analysis. Deutscher Universitäts-Verlag.

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ANAL

YSE LeViers d’accomPagNemeNT

d’uNe TraNsformaTioN réussie : gouVerNaNce, sTrucTure, méTHodoLogie eT rôLes

Article no 11.01.06 Mots-clés : réforme, accompagnement, transformation, gouvernance, structure, méthodologie.

Les présidents-directeurs généraux et leur équipe de direction, avec les gestionnaires et les cadres du réseau sont les artisans de premier plan des vastes chantiers administratifs, ju-ridiques, financiers et d’intégration des soins et services. Ils ont à réviser et à préciser les pro-cessus de soins les mieux adaptés aux besoins actuels et futurs de la population québécoise. Puis, ils ont à déployer ces modèles de soins et, surtout, à les opérationnaliser. Voilà un beau défi qui se dessine à l’horizon !

Cet article vise à explorer les leviers d’accompagnement pour réussir une telle transformation. Plusieurs études démontrent l’importance d’accompagner les transformations pour en aug-menter le taux de réussite (McKinsey, 2008). Selon l’étude de Prosci (2014), un accompagne-ment de qualité (plutôt qu’absent ou très pauvre) permet d’augmenter l’adhésion, accroitre les bénéfices, réduire les risques, atteindre les objectifs visés et de respecter les échéanciers et le budget alloué.

Bref, l’accompagnement de cette réorganisation majeure devrait contribuer à atteindre les bénéfices recherchés pour les patients. L’accompagnement d’une transformation, aussi com-munément appelée la « conduite du changement », la « gestion du changement », ou le « pilo-tage du changement », réfère à « une démarche structurée et dynamique qui permet d’apporter du soutien à la direction, aux gestionnaires, aux destinataires (employés, professionnels et mé-decins) et aux parties prenantes (p. ex., associations, comités, exécutif syndical, pharmaciens, patients et familles, etc.), afin qu’ils s’approprient la transformation et traversent leur propre période de transition avec le moins de perturbations, et le plus de performance et d’innovations possibles. Également, l’accompagnement vise à préparer l’organisation en termes de révisions des systèmes (de performance et de gestion des ressources humaines), des processus (cli-niques et administratifs), de structure, d’harmonisation des sous-cultures et finalement, de ré- vision des rôles et des contrats psychologiques, afin de retirer tous les bénéfices anticipés

La réorganisation du système de santé québécois, issue d’une Loi adoptée en février 2015, vise à « harmoniser les pratiques, tout en assurant une meilleure fluidité des services offerts par la fusion des diverses installations…, en vue de fournir un parcours de soins simplifié pour les patients et un travail facilité pour le personnel soignant »1. Elle constitue une transformation organisationnelle au sens où elle pousse plus loin la réorganisation de 2004-2005, en passant de 182 à 34 établissements, et où seront ajustés les missions, les structures, les rôles et les responsabilités des établissements.

1. Site du Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, consulté le 14 mars 2015. - http://www.msss.gouv.qc.ca/reseau/reorganisation/

CÉLINE BAREIL Professeure agrégée

HEC Montréal

Plusieurs études démontrent l’importance

d’accompagner les transformations

pour en augmenter

le taux de réussite.

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Au point de vue de l’accompagnement des personnes, l’en-gagement visible et l’implication active de la direction envers une transformation sont considérés comme la condition #1 de réussite d’un changement majeur (Prosci, 2014; McKinsey, 2008). Le leadership transformationnel constitue l’un des dé- terminants de la capacité d’une organisation à se transformer (Hafsi et Demers, 1997). On le reconnait au charisme, à l’ins-piration des équipes, à la considération individualisée et à la stimulation intellectuelle. Ces comportements sont impor-tants car ils suscitent chez les équipes des niveaux d’effort, d’efficacité et de satisfaction plus élevés.

Les membres des équipes de direction nouvellement nommés sont responsables d’inspirer, d’initier et d’orienter la mise en œuvre de la réorganisation. Ils doivent développer une vision convaincante, positive et inspirante de l’organisation renou-velée, partager l’information de façon transparente, fréquente et énergique, ouvrir le dialogue, prendre les décisions, mesu-rer et garder le cap.

Les défis de la gouvernance sont nombreux et ont des inciden-ces importantes sur le succès de la réorganisation. Comment créer une vision rassembleuse, mobilisatrice et créatrice de sens ? Quelles sont les grandes étapes de déploiement (à la fois décisionnelles et consultatives) ? Quels sont les mécanismes à mettre en place (p. ex., structure d’accompagnement, comité de pilotage, outils technologiques, tableau de bord) ? Quels sont les projets porteurs prioritaires ? Comment soutenir les cadres autour des enjeux de légitimation, de réalisation et d’appropriation du changement (Rondeau et Bareil, 2010) ? Comment faire l’accompagnement des gestionnaires ? Com-ment créer rapidement une équipe de direction cohésive ?

Selon l’étude de McKinsey (2008), les leaders qui réussissent le mieux leur transformation sont ceux qui définissent non seulement les buts, le rôle et les grandes étapes du plan de mise en œuvre de leur transformation mais également ceux qui misent sur les capacités et les forces de leur organisation tout autant que sur les problèmes à résoudre.

Les directeurs des ressources humaines, communications et affaires juridiques peuvent sûrement contribuer à accompa-gner les équipes de direction dans tous ces défis.

Comment structurer l’accompagnement de la transformation?Alors que la gestion du changement a longtemps été l’apa-nage des consultants externes, les organisations ont de plus en plus recours à une structure interne souple dédiée à la transition, l’accompagnement au changement et au déploie-ment des capacités et des pratiques organisationnelles liées à la transformation (Autisser et Moutot, 2013; Lemieux et Hervieux, 2014). Les avantages sont nombreux : diminution des couts, vision systémique, expertise conservée à l’interne et développement des compétences et d’un langage commun, méthodologie adaptée, compréhension et connaissance du contexte, de la culture, des pratiques et enjeux internes et de la vision organisationnelle, réputation et capacité d’influencer les systèmes organisationnels.

de la transformation (Bareil, Beausoleil, Charbonneau, 2011). Une stratégie d’accompagnement intégrée vise autant à peaufiner la solution qu’à prioriser les projets ou initiatives de changement, en plus d’accompagner les gestionnaires et leurs équipes, à l’adoption et à l’appropriation de nouvelles pratiques et à les enraciner dans les systèmes organisation-nels. Il s’agit en fait de créer les conditions nécessaires et suffisantes pour bâtir des capacités organisationnelles et in-dividuelles à changer.

qUAtRE LEvIERS D’ACCOMPAgNEMENt POUR RÉUSSIR CEttE tRANSFORMAtIONEn termes d’accompagnement de la transformation, quatre leviers sont discutés : une gouvernance visionnaire, une struc- ture interne souple pour la transition, une méthodologie d’accompagnement adaptée et finalement, des rôles d’acteurs mobilisés à contribuer au projet commun et partagé.

Qu’est-il attendu de la gouvernance? Le rôle exercé par les membres des équipes de direction en contexte de transformation est fondamental dans la réussite des transformations. Au point de vue stratégique, le rôle de la direction est celui de champion du changement et de né-gociateur de ressources. En tant que champion, l’équipe de direction remodèle la pensée stratégique du Ministère en pro-posant des initiatives qui suivent l’orientation mais également qui la font évoluer dans un alignement qui correspond mieux aux besoins de sa mission propre. Également, elle doit aller se chercher une marge de manœuvre suffisante auprès de l’équipe centrale pour réaliser sa transformation. Il faut avoir les moyens de ses ambitions et il serait très risqué d’entamer une telle démarche sans obtenir les ressources suffisantes. En ce sens, une négociation au sujet des ressources finan-cières, humaines, informationnelles, temporelles, techniques et technologiques est souvent requise pour mener à bien une transformation et il est évident qu’un investissement à cet ef-fet est nécessaire.

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Les nombreux départs risquent d’entrainer de la surcharge de travail pour ceux qui vont rester en plus de générer le syndrome du survivant chez certains.

ANAL

YSE

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ANALYSEPour procéder à la mise sur pied d’une structure interne sou-ple dédiée à la réorganisation de chacun des CISSS ou des CIUSSS, il importe de répondre aux sept questions suivantes :

1. A-t-on besoin d’une structure dédiée à l’accompagnement de cette réorganisation ?

2. Quelle serait la mission de cette structure ?

3. Où la situer ?

4. Quelles compétences rechercher et combien de personnes y octroyer ?

5. Quelles en seraient les ressources ?

6. Quelle méthodologie déployer ?

7. Comment faire connaitre cette structure ?

Plusieurs critères peuvent être utilisés afin de déterminer la structure efficace. Il faut d’abord établir un diagnostic quant aux besoins du nouveau territoire et ses clientèles, aux objec-tifs de service, aux besoins d’accompagnement du personnel et des gestionnaires, aux ressources disponibles, sans ou-blier d’évaluer les écarts entre les soins et services actuels et ceux désirés.

On peut considérer également l’ampleur et la complexité de la réorganisation, l’existence actuelle d’une telle structure - parfois permanente (à la DRH, en développement organisa-tionnel ou au Bureau de projet) ou temporaire (les Bureaux de la transition), ou un mixte, - les compétences des gestion-naires en gestion du changement et le degré de maturité des pratiques de conduite du changement (Lemieux, 2013). À ti-tre d’exemples, il existe déjà des Directions de la transition au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), au CHU Sainte-Justine (Parent et Bareil, 2014) et au Centre uni-versitaire de santé McGill (CUSM). Elles offrent des formes d’accompagnement différentes pour les grands projets d’a-grandissement ou de modernisation.

Les autres questions découlent de la première. La mission de ce groupe d’experts (question 2) doit être précisée car il en existe une variété, allant du plus stratégique au plus opéra-tionnel. Elle peut viser entre autres,

• l’accompagnement stratégique à la réflexion et à l’intervention,

• la gestion du portefeuille des initiatives (projets) de changement et leur priorisation en fonction de la vision, de la mesure d’appropriation par les milieux, de la capacité d’absorption des changements dans l’organisation et de l’atteinte des objectifs,

• l’accompagnement des gestionnaires clinico-administratifs, des mandataires, des propriétaires de projets et des équipes de projet sur le terrain pour développer leurs compétences, soutenir leurs efforts de communication et de formation, évaluer les impacts directs et collatéraux afin d’aider les personnes à s’adapter aux changements de façon plus humaine et,

• d’être le gardien d’une méthodologie qui se renouvelle (expert, formateur). La définition de la mission de ce groupe

influencera grandement non seulement l’offre de service de l’accompagnement mais aussi son appellation (p. ex., Di-rection de la transition, Centre d’excellence en changement stratégique, Bureau de la transformation) et sa localisation.

En fonction de la mission, sa localisation dans la structure organisationnelle doit être déterminée (question 3). De qui relève cette structure : du PDG, des Ressources humaines, de la Direction générale ou du Bureau de projet ? Il s’agit ici de positionner le niveau d’influence et de pouvoir requis pour mener à bien la mission qui lui est confiée.

Il faut également déterminer le titre du poste du responsable de ce groupe (p. ex., Directeur de la transition, Directeur de la transformation) de même que le nombre de personnes à y allouer et les différentes expertises nécessaires (question 4). Des ressources appropriées (informationnelles, technologi-ques et budgétaires) doivent être suffisamment dédiées au bon fonctionnement de cette structure (question 5). Quant à la méthodologie (abordée plus loin dans le texte), elle doit être cohérente à la mission du groupe (question 6). Finalement, il faut aussi penser à publiciser et à diffuser la mission, l’offre de service de cette structure interne, le mode de fonctionnement (généraliste ou spécialiste ou mixte) et les expertises dé-tenues par les spécialistes pour accompagner les groupes ciblés (question 7).

Le type de structure, le nombre de personnes à y dédier, la du-rée de l’accompagnement, le budget à y consacrer en fonc-tion de la taille de l’organisation de même que l’intégration avec d’autres groupes sont discutés dans Prosci (2014 : 52-88).

Le réseau de la santé bénéficie déjà de plusieurs spécialistes de la gestion du changement, du développement organisa-tionnel, de la gestion de projet, de la révision des processus, de la planification stratégique, des ressources humaines, des communications internes, des bureaux de la transition, de la gestion de la performance et de la qualité, de la gestion des connaissances et du Lean Santé, qui ont développé au cours des dernières années des expertises pointues et un certain degré de maturité en gestion du changement qui seront requis dans le déploiement de la réforme actuelle. Il serait

Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1 /// 65

Bref, l’accompagnement de cette réorganisation

majeure devrait contribuer à atteindre

les bénéfices recherchés pour les patients.

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/// 66 Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1

que les cadres intermédiaires étaient préoccupés de leur charge de travail, de la gestion des priorités et des impacts de la réforme sur la qualité des soins et services. De plus, il leur était difficile de s’impliquer, de percevoir leur degré d’influence, et ce, malgré les nombreuses interventions en développement organisationnel qui leur avaient été destinées.

Leur accompagnement dans l’action peut prendre des formes variées : coaching auprès de leur petite équipe de gestion du changement, groupe de codéveloppement des cadres, ju-melage, capsules de formation en ligne, World Café, démarche de recherche du futur (Future Search), enquête appréciative, Forum ouvert, etc. Également, la création et la formation d’un réseau interne d’agents de changement peut aider à mobiliser autant les cadres que les employés et médecins des Centres de santé (voir Lachance et Maletto, 2014).

Au point de vue individuel, il faut porter une attention spéciale aux symptômes d’épuisement et de détresse psychologique qui guettent les employés et plus particulièrement les gestion-naires. Les nombreux départs (à la retraite, volontaires, etc.) risquent d’entrainer de la surcharge de travail pour ceux qui vont rester (faire plus avec moins de ressources) en plus de générer le syndrome du survivant chez certains. Certains sont plus à risque et il faut se montrer vigilant pour identifier les personnes vulnérables et leur apporter le soutien nécessaire. Également, des gestes symboliques de reconnaissance envers ceux qui exercent du leadership formel ou informel pour tes-ter les nouvelles approches et les généraliser sont à planifier. Des objectifs à court terme incitent à la responsabilisation.

Quels rôles sont attendus des différents groupes d’acteurs pour contribuer au projet commun?Il faut comprendre que le succès de la transformation repose sur la contribution de plusieurs groupes d’acteurs.

L’équipe de gouvernance encourage l’innovation, négocie les ressources suffisantes, inspire leur CISSS/CIUSSS par une vision claire et mobilisatrice, exerce du leadership transfor-mationnel, tient compte des sous-cultures organisationnelles des établissements et de leur historique de changements pas-sés, informe ses cadres de façon régulière sur l’avancement de la réorganisation, les consulte sur les initiatives, mesure l’évolution de la transformation et en assure le suivi. Elle décide des mécanismes de régulation et d’apprentissage nécessaires à la réussite de la réorganisation. Elle demeure imputable des résultats.

Les gestionnaires jouent des rôles de premier plan dans une réorganisation. Non seulement ils participent aux révisions des processus dont ils sont souvent les propriétaires, mais ils ont aussi à mobiliser leurs équipes afin qu’elles adhèrent aux nouvelles façons de faire, et ce, tout en gérant leurs opéra-tions courantes. Plus de 15 rôles sont répertoriés dans l’étude de Riel (2011) sur les gestionnaires intermédiaires en contexte de changement. Parmi eux, je retiens les rôles d’influence (formelle et informelle auprès de son supérieur, des collègues et de son équipe) et d’accompagnement de chaque membre

décevant, voire aberrant, de constater que leurs compé-tences ne soient pas mises à contribution dans les différents chantiers de cette vaste réorganisation.

Comment harmoniser et diffuser la méthodologie d’accompagnement de la transformation?Il existe de nombreuses approches (hiérarchique, structurelle, culturelle, politique, symbolique, développement organisation-nel, démarche appréciative, recherche-action, changement planifié) pour accompagner une transformation. En outre, plusieurs méthodologies de gestion/conduite/accompagne-ment du changement ont été publiées. La plupart offrent des outils de diagnostic sur l’état de préparation au changement (readiness to change), les capacités organisationnelles, la révision des processus et des systèmes, l’analyse des parties prenantes, l’analyse d’impacts, la gestion de la résistance et des préoccupations des acteurs et l’analyse des besoins de formation. La plupart offrent également des bonnes pratiques de gestion et insistent sur la communication en continu, les plans de formation et de transfert adaptés aux besoins, la par-ticipation à la coconstruction de plans de mise en œuvre et de transition. D’autres insistent sur les indicateurs de mesure et la gestion par objectifs. La plupart de ces méthodologies sont prescriptives.

Dans le réseau de la santé et des services sociaux, les mo-dèles de gestion du changement les plus populaires qui ont davantage inspiré les établissements de santé sont, outre celui de Lewin, le modèle de pilotage de Collerette, Lauzier et Schneider (2013), les phases de préoccupations de Bareil (2004), le modèle d’adhésion de Maletto (2009), les modèles de transformation de Rondeau (1998; 2008), les 9 étapes du Change Leader’s Roadmap de Anderson et Ackerman Ander-son (2010) et la méthodologie de gestion humaine, proactive et intégrée des projets de changements organisationnels dé-nommée CAPTE2 (Comprendre, Adhérer, Participer, Transférer et Évoluer), développée, destinée et diffusée dans tout le ré-seau québécois de la santé et des services sociaux.

La plupart des établissements ont toutefois développé leur propre modèle maison, ayant déjà adapté ces différents mo- dèles à leur contexte et à leur réalité. Le principal défi mé-thodologique d’accompagnement de la réorganisation n’est pas tant dans le développement d’une nouvelle méthodologie mais plutôt dans l’harmonisation des pratiques d’accompa- gnement exemplaires déjà présentes dans les établissements. Il s’agit donc plutôt de mettre en commun les différentes méthodologies dont les plus avancées sont déjà intégrées au Lean Santé et à la gestion de projet en mode agile. Les critères décisionnels pour le choix méthodologique peuvent tenir compte des objectifs visés par l’accompagnement, du degré de maturité des directions et des gestionnaires des dif-férents sites en gestion du changement et de l’expertise de l’équipe.

L’accompagnement doit certes être dirigé en priorité vers les gestionnaires et les cadres administratifs. Dans la fusion précédente, l’étude de Rousseau et Bareil (2013) a démontré

2. La firme Brio Conseils a poursuivi la commercialisation de CAPTE avec l’outil Sherpa TO qui s’avère être le premier coach virtuel bilingue en gestion du changement.

ANAL

YSE

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Le Point en administration de la santé et des services sociaux • Vol. 11, no 1 /// 67

de son personnel. Il importe que le gestionnaire comprenne et interprète la vision du CISSS/CIUSSS en fonction de son unité. Il en évalue également les impacts directs et collaté-raux auprès des différents groupes de son unité. Il soulève les enjeux et les risques avant de préparer son plan d’action. Il négocie les ressources nécessaires : humaines (dégager des personnes à temps plein et à temps partiel pour préparer les activités et les solutions, les tester en projets pilotes et former des agents multiplicateurs de changement) et financières (se dégager de la marge de manœuvre). Il adapte le rythme de changement en fonction des priorités. Il fait participer son équipe à l’élaboration d’initiatives de changement et la rend imputable. Il vise à ce que son équipe comprenne, adhère, participe, transfère et améliore les nouvelles pratiques visant le soin ou le service au patient. Son rôle d’accompagnement auprès de son(ses) équipe(s) est crucial : leader visionnaire, motivateur reconnaissant, coach, informateur cohérent et ré-partiteur de ressources. Il donne le « sens » au changement en créant une « histoire », il informe, il écoute, il accompagne et reconnait les efforts. En résumé, il crée les conditions néces-saires à l’appropriation des nouvelles pratiques tout en main-tenant la qualité des soins et services offerts aux clientèles.

Les professionnels de la santé et des services sociaux et les médecins identifient les façons efficaces de travailler en équipe, en collaboration interprofessionnelle lorsque néces-saire. Ils sont des apprenants agiles et des contributeurs mo-bilisés à améliorer constamment leur pratique en acceptant de se mesurer, pour le bien des patients.

Les équipes d’accompagnement utilisent leur pensée systémi- que, réfléchissent et canalisent leurs énergies pour anticiper et répondre aux besoins de la gouvernance, des gestionnai-res, des employés et des autres groupes intéressés.

En conclusion, force est d’admettre que le mythe de la pensée magique en transformation est maintenant révolu.

Le succès de cette transformation du réseau repose autant sur l’accompagnement, nécessaire mais non suffisant, que sur la contribution de la direction, des gestionnaires, des médecins et des employés des CISSS/CIUSSS, afin de ré-colter tous les bénéfices si ardemment souhaités par cette réorganisation. ///

Références bibliographiques

ANDERSON, D. & ACKERMAN ANDERSON, L. (2010). Beyond Change Manage-ment: how to achieve breakthrough results through conscious change leadership, 2nd Edition, San Francisco: Pfeiffer.

AUTISSIER, D. et J.-M. MOUTOT (2013). Méthode de conduite du changement : Diagnostic, Accompagnement, Pilotage, 3e édition, Paris : Dunod.

BAREIL, C. (2004). Gérer le volet humain du changement. Montréal : Les Éditions Transcontinental.

BAREIL, C., L. BEAUSOLEIL et S. CHARBONNEAU (2011). « Une approche nova-trice pour gérer plus humainement vos projets de changement », Colloque des CHU (Centres hospitaliers universitaires); Super-session, Québec : 16 septembre.

COLLERETTE, P., M. LAUZIER et R. SCHNEIDER (2013). Le pilotage du change-ment, 2e édition, Québec : Presses de l’Université du Québec.

HAFSI, T. et C. DEMERS (1997). Comprendre et mesurer la capacité de change-ment des organisations, Montréal : Les Éditions Transcontinental.

LACHANCE, C. et È.-M. MALETTO (2014). « Un réseau d’agents de changement en soutien au CHU Sainte-Justine », Effectif, Septembre/Octobre, 26-29.

LEMIEUX, N. (2013). « Création et adoption de pratiques pour la conduite du changement : une démarche évolutive au sein d’une entreprise québécoise », Question(s) de Management, 3, 67-79.

LEMIEUX, N. et G. HERVIEUX (2014). « La gestion des changements organisa-tionnels : intervention des professionnels RH et des gestionnaires », Effectif, Septembre/Octobre, 22-25.

MALETTO, M. (2009). La gestion du changement : comment faire adhérer le personnel, Montréal : Éditions Saint-Martin.

MCKINSEY (2008). "McKinsey Global Survey Results: Creating organizational transformations". The McKinsey Quarterly, July.

PARENT, C. et C. BAREIL (2014). « Gérer une équipe de changement : illustra-tion des pratiques appliquées au secteur de la santé et des services sociaux », Gestion, 39, 3, 63-73.

PROSCI (2014). Best practices in Change Management, Prosci Benchmarking Report. http://www.change-management.com/best-practices-report.htm.

RIEL, B. (2011). Les préoccupations des gestionnaires intermédiaires face à leurs rôles en contexte de changement organisationnel. Mémoire de maîtrise, HEC Montréal. (Séminaire du CETO du 25 septembre 2014 : webdiffusion : Vers un nouveau modèle dynamique des rôles des gestionnaires intermédiaires en contexte de changement).

RONDEAU, A. (1998). « Transformer l’organisation – vers un modèle de mise en œuvre », Gestion, 24, 3, 152-154.

RONDEAU, A. (2008). « L’évolution de la pensée en gestion du changement : leçons pour la mise en œuvre de changements complexes », Télescope, 14, 3, 1-12.

RONDEAU, A. et C. BAREIL (2010). « Comment la direction peut-elle soutenir ses cadres ? », Gestion, 34, 4, 64-69.

ROUSSEAU, C. et C. BAREIL (2013). « Évolution de l’appropriation et des préoc-cupations des cadres intermédiaires en contexte de changements simultanés », Question(s) de Management ?, 3, 81-100.

ANALYSE

« PARCE QUE LES DÉFIS SONT GRANDS, NOUS VOUS OFFRONS UNE FORMATION ARRIMÉE AUX TRANSFORMATIONS DU RÉSEAU DE LA SANTÉ. »Chantal Levesque, responsableCertificat en gestion des services de santé et des services sociaux

Admission Automne 2015fep.umontreal.ca

ANNONCE UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL

PUBLICATION : LE POINT

PARUTION : MAI 2015(vol. 11, nº 1)

FORMAT : 1/4 HORIZONTAL 7,375 po x 2,5 po

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450 651-6000 | 1 800 361-6526 | [email protected]

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EXPÉ

RIEN

CE La gesTioN du cHaNgemeNT daNs uN coNTexTe de fusioN

Article no 11.01.10 Mots-clés : réforme, Loi 10, changement, fusion, accompagnement, préoccupation, opportunité.

LE CHANgEMENtNous avons découvert qu’en mandarin le mot changement n’existe pas. Cette réalité se traduit par les notions conjuguées de danger et d’opportunité. En d’autres termes, tout changement fait émerger un ensemble de préoccupations chez des individus ou des groupes, mais est égale-ment porteur de gains. L’expérience démontre que si les dirigeants ne traitent pas les préoc-cupations des membres de leur personnel, il sera très difficile pour ces derniers de s’engager dans le nouveau projet d’entreprise et d’y apporter le meilleur d’eux-mêmes.

DANS UN CONtExtE DE FUSIONLorsque des entreprises fusionnent, les dirigeants se penchent sur les éléments légaux et financiers, mais accordent moins d’importance aux aspects organisationnels et humains. Pour-tant, bien traiter ces derniers points permet d’assurer le succès du nouveau projet.

Un principe de gestion guide l’ensemble de nos interventions, particulièrement dans un con-texte de fusion.

Gérer, c’est constamment :• compléter le passé • et planifier l’avenir

• pour mieux libérer le présent

Dans le cadre de la loi 10, compléter le passé consiste à fermer les centres de santé et de service sociaux (CSSS), y compris les Agences de la santé, et à ouvrir les centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) et les centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS).

Fermer les CSSSDepuis plus d’une décennie, chaque CSSS a développé ce que nous appelons un patrimoine. Les membres de ces organisations ont mené à bien un ensemble de projets et se sont créé

Lorsque nous parlons de changement dans le réseau de la santé, il faut distinguer deux volets : le projet lui-même (le projet de loi 10 du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec) et le processus psychologique par lequel les individus devront cheminer, ce que nous appelons l’aspect humain du changement. Cet article traite du second volet et ne prend aucunement position sur le projet du Ministère.

MICHEL MALETTO Conseiller en ressources

humaines agrées (CRHA), spécialisé en développement

organisationnel

/// 70 Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1

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ces perceptions facilite la création des nouvelles relations nécessaires à la mise en place de la nouvelle organisation. C’est une autre façon de compléter le passé.

Les nouveaux PDG des CISSS et des CIUSSS vont certaine-ment constituer leur comité de direction et entreprendre la création de leur nouvelle organisation. Nous suggérons aux entreprises qui fusionnent de clarifier dès le départ les attentes : celles des membres de l’équipe envers leur nou-veau patron et celle du patron envers son équipe. Toutes les nouvelles équipes devraient se prêter à cet exercice. C’est une deuxième façon, après avoir exorcisé les perceptions, de partir du bon pied.

Nous proposons ensuite de regrouper les gestionnaires des anciens CSSS (ou Agences), selon leur secteur d’activités : Finances, Ressources humaines (RH), Technologies de l’in-formation et des télécommunications (TIT), etc., pour qu’ils mettent en commun leurs meilleures pratiques et développent ensemble leur nouvelle direction. Ici encore, l’expérience dé-montre que participer à la création de la nouvelle organisa-tion permettra à chacun de définir sa nouvelle identité. Nous commençons ENSEMBLE à planifier l’avenir.

Les gestionnaires et les employés du réseau de la santé sont des professionnels. Et l’encadrement des professionnels passe nécessairement par une gestion participative. Com-prenons-nous bien : gestion participative n’est pas synonyme de cogestion. Il y a toujours un pilote dans l’avion (le patron),

Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1 /// 71

une famille. Ils se sont forgé une identité. C’est à cela qu’ils doivent maintenant renoncer – pour compléter leur passé et ainsi tourner la page sur cette étape de leur carrière.

Pour mieux compléter ce passé, nous suggérons aux diri- geants de dresser l’inventaire des réalisations de l’entreprise, de façon à ce que chaque direction reconnaisse officielle-ment la contribution des personnes qui y ont œuvré. Cette ac-tivité permet au personnel de faire le deuil de l’organisation, de manière positive. Ce qui aide aussi les membres de chaque équipe dans ce processus, c’est d’exprimer à leurs collègues ce qu’ils ont appris en les côtoyant, durant toutes ces années.

Nous recommandons ensuite aux dirigeants d’inventorier les préoccupations du personnel envers ce changement et d’offrir diverses activités d’accompagnement. L’expérience démontre que le seul fait d’écouter les préoccupations des employés, sans jugement et en les accompagnant, favorise le lâcher-prise nécessaire pour s’ouvrir au nouveau projet(1).

Ce sont quelques exemples d’accompagnement qui aide le personnel à compléter son passé, tout en le préparant à pour-suivre son cheminement professionnel et à s’intégrer à la nouvelle organisation.

Ouvrir les CISSS et CIUSSSDans un processus de fusion, généralement les parties se con- naissent. Elles ont donc des perceptions les unes des autres. L’expérience démontre que traiter – et même exorciser –

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mais le personnel mérite d’être consulté. Si les règles de la consultation sont claires, un processus de mobilisation peut facilement s’enclencher.

Peu de gens ont eu leur mot à dire sur l’avènement de la loi 10. Cependant, les nouveaux PDG peuvent y voir l’opportunité de repartir à neuf. Non seulement un nouveau contrat de travail sera signé avec le personnel-cadre, mais un nouveau contrat psychologique devrait l’être aussi. Nous disions plus haut que le changement comprend deux volets : le projet lui-même et l’aspect humain, que nous sommes en train de traiter. La nou-velle structure implique une transformation organisationnelle qui, pour être réussie, doit être soutenue par une nouvelle cul-ture organisationnelle. La culture organisationnelle fait partie de l’aspect humain du changement.

Ces jours-ci, nous accompagnons une entreprise dans sa dé-marche d’implantation d’une nouvelle culture organisation-nelle. Pour l’aider, nous avons identifié cinq comportements que doivent acquérir les dirigeants, ainsi que cinq pour les ges- tionnaires et cinq pour les employés. Les nouvelles organisa-tions ne sont plus que des organigrammes, mais un ensemble de réseaux en interaction permanente. Par exemple, l’un des comportements que tous auraient intérêt à adopter est le suivant : dès que j’ai accès à une information, je dois me demander qui pourrait en avoir besoin et la lui transmettre. Aussi, quand nous prenons une décision, je dois me deman-der qui pourrait en être affecté et en tenir compte.

C’est ainsi que les nouvelles cultures organisationnelles dé-veloppent le SAVOIR INTERAGIR. Pour ce faire, elles doivent mettre en place un ensemble de compétences collectives axées sur la collaboration : savoir collaborer, vouloir collabo-rer et pouvoir collaborer, comme le préconise Guy Le Boterf1.

LA gEStION DE SOI EN SItUAtION DE CHANgEMENt(2)

Dans un changement :

• les dirigeants (ici les PDG) ont la responsabilité de planifier le changement;

• les gestionnaires ont la responsabilité de le mettre en œuvre;

• les employés ont la responsabilité de le réaliser.

Et chacun doit se gérer personnellement durant la période de transition.

Depuis le début nous parlons de changement dans les organi-sations mais, pour nous, la notion de changement est périmée. Nous sommes dans l’ère de la transformation. En situation de transformation, il faut encore plus apprendre à se gérer soi-même, car il est de plus en plus difficile d’accompagner tout le personnel dans cette nouvelle culture organisationnelle.

Pour illustrer ce propos, nous utilisons souvent l’analogie de l’avion. Durant un vol, nous avons tous déjà connu des zones de turbulences, ce qui correspond à une forme de change-ment. L’annonce qu’en fait le pilote n’a aucun effet sur les tur-bulences, mais elle a généralement un impact sur la quiétude

des passagers. Le pilote, c’est l’équivalent des gestionnaires qui soutiennent leurs employés en période de transition. Leur soutien n’a aucun impact, ou si peu, sur le changement, mais il en aura sur la façon dont les employés le vivront. Enfin, chaque passager a un rapport différent à l’avion. Certains se sentiront toujours à l’aise et en sécurité durant un vol, quelles que soient les turbulences ou les annonces du pilote. Par contre, d’autres auront toujours peur de prendre l’avion, turbulences ou non...

La gestion de soi dans le changement est du même ordre. Certains employés se sentent relativement à l’aise dans tout changement, tandis que d’autres le sont rarement. C’est pour-quoi chacun doit apprendre à se gérer en situation de change-ment. Pour ce faire, il faut distinguer ce sur quoi nous avons du pouvoir et ce sur quoi nous n’en avons pas. Généralement, nous n’avons pas de pouvoir sur le changement, mais nous en avons sur notre façon de le vivre. Nous nous inspirons ici du modèle de la « matrice de la force intérieure(3) », qui suggère d’agir là où nous avons du pouvoir.

Prenons l’exemple d’un employé qui se pointe au bureau de mauvaise humeur. Il peut choisir de bougonner durant cinq minutes pour se défouler, puis se mettre au travail. Ce com-portement l’aidera à se gérer. Il peut aussi passer la journée à rouspéter, une attitude qui ne lui donnera aucune énergie, et encore moins à ses collègues.

Il en est de même en situation de changement. Prioriser ce sur quoi vous avez du contrôle sera bénéfique. S’acharner sur son contraire ne pourra qu’être néfaste. Partager ses préoccupa-tions avec ses collègues ou, encore mieux, avec son supérieur immédiat pourra être utile. Former des groupes de soutien ins-piré du codéveloppement le sera également.

Une autre façon de se gérer dans le changement consiste à gérer l’ensemble de ses secteurs de vie. Si on est en survie dans le secteur « vie professionnelle », s’organiser pour être en état de maintien dans un autre secteur (vie privée ou fami- liale, forme physique ou psychologique, gestion financière, etc.) peut nous aider à traverser la période de transition. Nous pou-vons ainsi puiser de l’énergie dans nos autres secteurs de vie.

Donc, identifier ce sur quoi on a du pouvoir ou pas et se main-tenir actif ne peut qu’être bénéfique pour soi et son entourage. Et si notre organisation nous soutient, c’est encore mieux !

Le 3e millénaire a débuté par une transformation sociétale sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Nous n’avons aucun pouvoir sur cette réalité. Toutefois, nous avons du pouvoir sur la gestion de nos organisations ou, à tout le moins, sur notre gestion de soi. ///

Références bibliographiques

1. MALETTO, Michel (2009 et 2011). La gestion du changement, comment faire adhérer le personnel, (Éditions Saint-Martin), 2e éd. Éditions Maletto, Montréal, octobre.

2. Extrait d’une autoformation en ligne : Module 11 — La gestion de soi en situation de changement, Éditions Maletto, mars 2015.

3. SCOTT, C., D. JAFFE (1995). Faites face aux changements qui vous touchent personnellement, Paris, Les Presses du Management, p. 54-59.

/// 72 Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1

1. Expert en gestion et en développement des compétences, Paris, France.

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ANAL

YSE La gouVerNaNce

cLiNiQue à L’Heure du PL 10 : uN NouVeL esPace de LeadersHiP à occuPer

Article no 11.01.12 Mots-clés : réforme Barrette, gouvernance clinique, projet de loi 10, leadership des professions cliniques, amélioration des services.

La prochaine décennie sera celle de la gouvernance clinique ou celle de l’éclatement du sys-tème universel et gratuit hérité du 20e siècle. La gouvernance clinique vient éclairer les voies d’avenir dans une optique de pérennité du système, puisqu’elle intègre à la fois l’excellence clinique et la logique des ressources limitées. Elle fournit aux gestionnaires et aux leaders clinico-administratifs un levier prometteur pour animer une transformation en profondeur du système de santé et de services sociaux québécois, aussi attendue que nécessaire.

La gouvernance clinique repose sur une responsabilité clinique et administrative partagée : aux cliniciens d’adapter leur pratique en fonction des ressources limitées, aux gestionnaires d’intégrer l’objectif des soins dans leurs décisions. Cet idéal de cogestion mise à la fois sur les connaissances des professions cliniques et sur les savoirs propres à la gestion et à la gouver-nance. Il est plus que jamais temps de conjuguer ces expertises complémentaires, essentielles à un système performant.

Pourquoi s’intéresser maintenant à la gouvernance clinique ? Quelles en sont les caractéris-tiques et conditions de réussite ? Qui doit y contribuer ? Nous partageons dans ce court texte certaines réflexions personnelles sur ces questions. Espérons que celles–ci sauront susciter chez le lecteur la curiosité d’en savoir davantage et le désir de s’associer aux initiatives en cours d’élaboration au Québec.

POURqUOI LA gOUvERNANCE CLINIqUE, Et POURqUOI MAINtENANt ?En quelque sorte les boucs émissaires de la réforme Barrette, les gestionnaires sont blâmés de tous les maux : les cadres-conseil et les services de soutien sont la cible première des restric-tions budgétaires, on sabre dans les dépenses pour les activités administratives, on rationalise les modes et modalités de la gouvernance, etc. Les pratiques classiques de la gestion sont fortement remises en cause. Plusieurs cadres opteront vraisemblablement pour la retraite.

Au moment où s’implante la vaste restructuration découlant du projet de loi 10, la Loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l’abolition des agences régionales, le sentiment d’être dépassé s’accompagne partout d’une crainte de perdre des acquis chèrement gagnés, non sans un certain désarroi. N’y voyons pas que des contraintes. Les changements structurels et la pression sur les ressources, financières et autres, offrent en même temps une occasion de refonder nos choix. C’est le temps de se remettre en cause et de réviser nos pratiques.

DENIS A. ROY Vice-président

Science et gouvernance cliniqueInstitut national d’excellence en santé et services sociaux

INESSS

Les professions doivent s’ouvrir

aux nouvelles idées pour servir

le bien collectif.

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et de surtraitement sont d’ailleurs reconnus par l’Association médicale du Québec comme l’un des défis de l’heure de notre système de santé et de services sociaux(6).

Une recherche originale réalisée récemment en Ontario vient d’ailleurs confirmer que les dépenses de santé sont massive-ment concentrées chez un petit nombre, 5 % des individus générant 55 % des couts totaux(7). L’étude met également en lumière le fait que l’augmentation des couts est non seule-ment associée au vieillissement de la population et à des soins suboptimaux, mais aussi à la croissance des inégalités sociales observée au cours des dernières années.

Les professions sont ici fortement interpellées. En échange du droit que nous accorde l’État de contrôler des normes et des compétences, la « responsabilité sociale » des profes- sionnels envers la société nous oblige à servir le bien collec-tif. Les professions de la santé et des services sociaux doivent redoubler de vigilance afin d’orienter les choix en faveur de meilleurs services, d’une meilleure santé et d’une plus grande valeur pour les ressources consenties. L’exercice de la res-ponsabilité sociale des professions, à l’instar de la responsa-bilité populationnelle des établissements, exige que tous les groupes de la population puissent profiter équitablement des bénéfices découlant de l’accès à des soins et services conti-nus et de qualité.

Il apparait donc indispensable de mobiliser les disciplines cli-niques et leurs collègues gestionnaires dans la recherche de solutions. Il n’est pas réaliste d’espérer que les profession-nels et gestionnaires de la base seront en mesure de le faire spontanément dans chacun des établissements. Il faut mo-biliser plus largement les meilleurs scientifiques et les lead-ers d’opinion des différentes disciplines, tant en santé qu’en services sociaux, afin de soutenir l’engagement actif des professionnels dans les efforts d’amélioration de la perfor-mance clinique des continuums d’intervention au cœur des programmes services.

C’est là un premier rendez-vous stratégique pour l’instauration d’une gouvernance clinique, et un défi primordial pour le suc-cès de la réforme des Centres intégrés de santé et de ser-vices sociaux.

Ce virage brutal s’annonçait néanmoins depuis un certain temps. Historiquement centrés sur la gestion des ressources - et souvent sur la défense du territoire de chacun - les ges-tionnaires sont dorénavant conviés à de nouveaux rendez-vous comme l’optimisation des processus, la collaboration interdisciplinaire, les organisations apprenantes ou encore la gestion de réseaux. La finalité de la gestion se transporte vers l’amélioration continue des processus(1).

Du côté des professionnels, la voie est aussi rude, les métiers d’aidants sont en souffrance partout. À une époque où les disciplines surspécialisées et les technologies sont en plein essor, il existe un réel désavantage stratégique pour les pro-fessions généralistes qui rendent les services de proximité. Assaillis de masses de nouvelles informations de plus en plus abondantes et difficiles à intégrer, les professionnels de premier recours peinent à maitriser les savoirs cliniques et organisationnels dont ils ou elles ont besoin pour faire leur travail. Comment répondre à cette question, pourtant simple mais considérable : qu’est-ce qu’une bonne pratique clinique, en 2015 ?

Un professionnel est réputé maitriser son champ d’exercice. Or, il faudrait 21,7 heures par jour à un omnipraticien pour ap-pliquer intégralement à sa pratique (soins curatifs, chroniques et préventifs) les lignes directrices élaborées par les sociétés savantes(2). Quelle place reste-t-il alors pour le jugement cli-nique ? Tracées pour un contexte idéal par des surspécialistes qui n’évoluent pas dans le monde réel, les lignes directrices imposent la tyrannie des standards. Elles décrètent une plé-thore de recommandations qui n’intègrent aucunement les contraintes du patient, celles du professionnel débordé, ni la possibilité d’associer une équipe interdisciplinaire à la résolu-tion des problèmes, ni la structure des couts, etc. Elles procè-dent d’une logique fragmentée qui perd de vue les attentes de base du patient. Les lignes directrices seules peuvent aussi mener à des voies sans issue.

LES INtERvENANtS CLINIqUES DOIvENt DEvENIR DES ACtEURS CLÉS DE LA RÉFORMEOn le dit et on l’écrit partout : le leadership des professions cliniques, incluant celui de la médecine, est une condition sine qua non de la réussite des transformations(3). Or, face à la complexité croissante des besoins et des moyens d’inter-vention, la pertinence des services ne peut plus être assu-rée par des intervenants laissés à eux-mêmes : il faut passer d’une logique où chacun est responsable de sa pratique per-sonnelle à une logique où chacun devient aussi collective-ment responsable du parcours santé optimal du patient/client, en intégrant les contraintes de ressources.

On estime qu’environ 80 % des couts des services découlent de décisions prises par les professionnels de la santé(4). De plus, l’analyse des variations des modes de pratiques révèle qu’il serait possible de réduire du tiers les couts des soins sans entraver leur qualité si les praticiens des régions à cout élevé adoptaient des modes de prise en charge semblables à ceux des régions à faible cout(5). Les enjeux de surdiagnostic

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La gouvernance clinique déplace donc le

curseur de l’attention du clinicien vers le patient,

vers les besoins de la population.

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ANALYSELA gOUvERNANCE CLINIqUE, UN LEvIER POUR L’AMÉLIORAtION DES SERvICES Il existe plusieurs définitions de la gouvernance clinique, plu-sieurs approches qui ont été expérimentées dans différentes juridictions(8). Voici comment je verrais se décliner l’approche dans le contexte québécois (schéma 1) :

1. une veille stratégique des développements scientifiques et technologiques, en lien avec les questions et préoc-cupations des décideurs de la gouvernance et des milieux de pratique;

2. des synthèses de connaissances et des avis produits sur les « bonnes pratiques » relativement aux questions jugées prioritaires;

3. des outils d’aide à la décision, notes d’information, guides, formations ou autres, afin de soutenir l’application des bonnes pratiques sur le terrain;

4. une mesure de l’écart entre ces bonnes pratiques et celles observées dans la réalité, en mettant en lumière les disparités et leurs facteurs explicatifs;

5. une rétroaction transparente aux acteurs de la gou-vernance, des milieux de pratiques et du public afin d’encourager et guider les efforts d’amélioration.

Chacune de ces étapes est contributive en soi, mais c’est leur agencement dans un cycle cohérent d’activités qui est le vé-ritable moteur de l’amélioration continue des pratiques clini-ques, de gestion et de gouvernance.

Schéma 1- Le cycle de la gouvernance clinique

Le cycle de la gouvernance clinique doit d’abord reposer sur des informations, des connaissances et des expertises mé- thodologiques maitrisées. Solidement ancrée dans les don-nées probantes, la démarche de la gouvernance clinique doit également prendre en considération les préférences du patient, les réalités des équipes terrain, les contraintes or-ganisationnelles, la structure des couts, etc. La gouvernance clinique doit agencer les savoirs scientifiques, cliniques et managériaux, en plus d’intégrer la perspective citoyenne.

Il est crucial de réunir et mailler la diversité des expertises pertinentes. Autrement, parce qu’elles sont souvent tracées par des sociétés savantes spécialisées, les lignes directrices de pratique peuvent devenir inapplicables.

On a atteint les limites du modèle d’expertise fragmentée; il faut migrer vers l’expertise collective. Plutôt que d’accorder un pouvoir absolu à l’un ou à l’autre des spécialistes, la gouvernance clinique doit les amener tous à collaborer, afin d’extraire une sagesse de ces savoirs fragmentés. L’expertise collective est le principe actif de la gouvernance clinique qui permet d’arbitrer entre ce qui est théoriquement possible et ce qui est applicable, et ainsi établir des repères appropriés pour notre contexte. Pour réconcilier toutes les logiques aussi, le patient a son mot à dire. Lui redonner le pouvoir semble être la clef, comme le veut la démocratie sanitaire. Le professionnel, l’aidant, doit accepter la prépondérance du point de vue de l’aidé, admettre que son point de vue puisse au besoin supplanter celui de l’expert. La gouvernance cli-nique déplace donc le curseur de l’attention du clinicien vers le patient, vers les besoins de la population.

Quant au dogme des données probantes, il est nécessaire, mais non suffisant. Il faut aussi prendre en compte les savoirs empiriques et tacites, le contexte organisationnel, les don-nées de gestion, etc. Au-delà des aspects normatifs, il faut faire appel à un jugement délibératif et apprendre à « faire parler » les indicateurs. Les taux ne se résument pas à de sim-ples données comptables. En pointant nos lacunes, ils peu-vent nous renseigner sur la façon d’améliorer nos services, en fonction des réalités propres à notre contexte spécifique.

Maitriser le cycle vertueux de la gouvernance clinique repré-sente un deuxième rendez-vous stratégique afin de réussir la transformation mise à l’ordre du jour par l’adoption du PL 10.

DES ORgANISMES PUbLICS D’AIDE à LA DÉCISION EN APPUI à LA tRANSFORMAtIONQue dicte notre contexte actuel de rigueur, en somme ? Qu’il faut arbitrer entre ce qui est théoriquement possible et ce qui est applicable comme repères d’aide à la décision. Qui peut réconcilier ces logiques ? Pas les syndicats, dit-il, dont la mission consiste à défendre les revenus et les conditions d’exercice. L’État seul non plus ne peut faire contrepoids. Les ordres professionnels alors ? Eux aussi peinent à suivre la cadence, leur rôle premier consistant à protéger le public des professionnels déviants, pas à améliorer la moyenne de compétence de tous leurs membres. Et puis, un ordre profes-sionnel ne gèrera jamais que sa discipline. Que peut-il faire, sinon négocier avec ses voisins, lorsqu’il s’agit de pratiques interdisciplinaires ?

Au moment où les hauts dirigeants du système de santé et de services sociaux s’affairent à implanter une réforme qui vise à simplifier les processus de gouvernance et mieux intégrer la prestation des services à la population des territoires, il faut saisir l’occasion de mieux préciser, voire de réinventer, la place de l’expertise nationale en appui au changement.

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Ce contrat social est présentement sous tension. Voilà qui rejoint l’avertissement lancé aux nouveaux professionnels par le gouverneur général du Canada, David Johnston(9), con-cernant leur respect du contrat social. Car le professionna-lisme, dit-il, inclut la responsabilité sociale, le contrat, pour les professionnels, reposant sur trois modalités : 1) des con-naissances spécialisées enseignées dans un cadre officiel et supervisé; 2) le droit que leur accorde l’État de contrôler des normes et des compétences; et 3) une responsabilité envers la société qui les oblige à servir le bien collectif.

Si les professions cliniques et de la gestion négligent ces obli-gations, la population – ou ses représentants élus – pourrait modifier le contrat et redéfinir le professionnalisme à leur place. Des règlements et des changements seraient alors imposés, de manière à ce que les privilèges d’autonomie et d’autoréglementation soient restreints, sinon supprimés.

Les professions doivent s’ouvrir aux nouvelles idées pour servir le bien collectif. La gouvernance clinique se situe au confluent de ces idées et approches novatrices. Puisqu’elle conjugue les logiques des professions et celles des organi-sations dans l’amélioration de la qualité du travail et qu’elle combine des opportunités associées à une réorganisation des services qui bénéficie aux intervenants, aux clients et à l’État, la gouvernance clinique répond à un besoin très actuel et pourrait bien être promise à un bel avenir. ///

Références bibliographiques

1. ROY, D.A., E. LITVAK, F. PACCAUD (2010), Des réseaux responsables de leur population, Le Point en santé et services sociaux Éditeur, 199p.

2. INSTITUTE OF MEDECINE (2012)."Best care at lower cost -The Path to Continuously Learning". Health Care in America; p. 72.

3. COMMITTEE ON QUALITY OF HEALTH CARE IN AMERICA (2001). Crossing the quality chasm. A new health care system for the 21st century. Washington, DC: Institute of Medicine, National Academy of Sciences.

4. KASSEL, Christine K., GUEST, James A. (2012). "Choosing Wisely: Helping Physicians and Patients Make Smart Decisions About Their Care". JAMA 307(17):1801-1802.

5. FISHER, E.S., BYNUM, J.P., SKINNER, J.S. (2009). "Slowing the growth of health care costs - lessons from regional variation". N Engl J Med 360:849-852.

6. ASSOCIATION MÉDICALE DU QUÉBEC (2014). Le surdiagnostic : constats et plan d’action. 24 pages. https://www.amq.ca/images/stories/documents/m%C3%A9moires/surdiagnotsic-plan-action-fr.pdf - Consulté le 15 mars 2015.

7. ROSELLA, FITZPATRICK, WODCHIS, CALZAVARA, MANSON, & GOEL (2014). "High-cost health care users in Ontario, Canada: demographic, socio-economic, and health status characteristics". BMC Health Services Research 14:532.

8. BRAITHWAITE, J., TRAVAGLIA, J. (2008). "An overview of clinical governance policies, practices and initiatives". Australian Health Review 32(1):10-22.

9. JOHNSTON, David (2012). Collation des grades, Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, octobre.

L’apport réflexif d’organismes tels que l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et l’Institut national d’ex-cellence en santé et en services sociaux (INESSS), en col-laboration avec les centres universitaires, s’avère précieux et apparait de plus en plus essentiel pour opérer les néces-saires réconciliations.

Les organismes publics jouissent d’un positionnement unique pour soutenir une véritable transformation et exercer le lead-ership requis dans le créneau de l’expertise : les universités sont trop centrées sur le développement des connaissances nouvelles et l’enseignement, les centres spécialisés sur leurs secteurs pointus d’excellence, les entreprises privées sur leur profitabilité, les établissements sur la prestation des services et le ministère, sur les règles de l’administration publique et les enjeux politiques.

Mais les organismes publics d’expertise ne peuvent, ni ne doivent, s’acquitter seuls de cette responsabilité. Plutôt que de miser sur un développement indu de leur capacité de pro-duction à l’interne, ils doivent tirer profit de leur légitimité, de leur crédibilité, de leur impartialité et de leur distance criti-que des pouvoirs publics afin de fédérer les forces vives des divers milieux en faveur de l’excellence des pratiques et du bien commun. C’est en partageant qu’on acquiert le pouvoir d’améliorer les choses.

Voilà donc un troisième rendez-vous stratégique pour appuyer l’évolution de la gouvernance clinique, partout au Québec : les organismes publics d’aide à la décision, particulièrement l’INESSS, doivent consolider leurs réseaux, mobiliser les cen-tres spécialisés, les réseaux de recherche, les experts uni-versitaires et les Unités d’évaluation des technologies et des modes d’intervention en santé (UETMIS), en plus d’entretenir des passerelles de collaboration dynamiques avec les milieux utilisateurs de leurs produits et services. Ils doivent établir des ententes avec les centres qui gèrent les sources d’infor-mation qui leurs permettront de documenter les indicateurs de performance clinique et populationnelle. Ils doivent enfin s’arrimer avec les institutions à l’extérieur du Québec qui poursuivent la même mission. Les expertises et les réalisa-tions de ces instituts doivent être considérées comme autant d’actifs adaptables aux spécificités de notre contexte, dans un souci d’efficience et de non-duplication.

CONCLUSIONLe professionnalisme repose sur un ensemble de valeurs, de comportements et de relations qui sous-tendent la confiance que le public voue aux professions. Cette confiance est à la base du contrat social implicite qui lie les professions à la société.

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On estime qu’environ 80 % des couts des services découlent de décisions prises par les professionnels de la santé.

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ANAL

YSE Le réseau eT La

réforme associée au ProjeT de Loi 10 comment les nouveaux gestionnaires intermédiaires ou des cliniciens et cliniciennes intéressés à gérer des équipes sont interpellés

Article no 11.01.18 Mots-clés : réforme, loi 10, gestionnaire intermédiaire, gestion du changement, pertinence, doutes.

Voici une occasion de partager avec vous quelques analyses découlant des observations faites au cours des six derniers mois lors de mes interactions avec de jeunes gestionnaires du réseau québécois de la santé et des services sociaux ou auprès de cliniciens/cliniciennes de ce réseau qui envisagent une carrière en gestion dans un avenir proche. Cette période correspond au dépôt, à l’adoption et à l’amorce de la mise en place de la réforme majeure de transformation du réseau québécois associée au projet de loi 10.

J’ai regroupé ces considérations autour de quatre thèmes : l’interrogation qui revient le plus souvent parmi les jeunes gestionnaires, la perception véhiculée quant aux fonctions de gestion dans ce réseau, le doute par rapport à la vision qui sous-tend cette réforme et la pertinence de l’approche privilégiée pour générer les changements souhaités.

L’INtERROgAtION LA PLUS FRÉqUENtELe questionnement le plus fréquent chez ceux qui amorcent une carrière en gestion ou qui s’apprêtent à le faire, est :

« Est-ce qu’il y aura des besoins et de la place pour moi comme jeune gestionnaire d’équipes ou cadre-conseil dans le réseau québécois? »

La réalité prévisibleUne abolition importante, déjà amorcée, de postes de cadre-conseil et de cadre supérieur, une perte importante et subite de gestionnaires d’expérience et de leurs expertises d’ici la fin de l’été 2015, une restriction importante des opportunités d’accéder à des responsabilités en gestion d’ici le début de l’automne 2015, suivie d’une pénurie significative de gestionnaires dès l’année 2016… ou avant… et avec des défis colossaux !

Les faits1 qui sous-tendent cette prévision Depuis la réforme Couillard de 2003/2004, le nombre de cadres dans le réseau québécois a aug-menté significativement pour trois raisons :

À titre de consultant, coach et enseignant au Département d’administration de la santé de l’Université de Montréal (DASUM), l’auteur a pu partager des réactions et des questionnements avec plus d’une centaine de personnes du réseau - principalement des gestionnaires, dans 5 régions du Québec - entre octobre 2014 et mars 2015, durant les débats liés à l’adoption du projet de loi 10 et lors des premières phases de sa mise en œuvre.

JULIEN MICHAUD Consultant

« J’avoue qu’il est peu valorisé d’être gestionnaire dans

le réseau, comme si gestion rimait avec

bureaucratie. »

Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1 /// 771. Malgré des difficultés à concilier des données et des définitions normalisées de diverses sources, les grandes tendances évoquées ici

sont néanmoins fiables.

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Par contre, un renversement de tendance tout aussi signifi-catif est en cours depuis les dernières années : diminution du taux d’encadrement (pour revenir à ceux prévalant il y a 12 ans), transformation de postes de conseillers cadre en con-seillers professionnels, impératif récent d’abolir 1 300 postes en gestion - ce qui est déjà pratiquement actualisé par près de 1000 postes vacants non comblés4 au 31 mars 2015.

En somme, à la suite de ce réajustement et des départs à la retraite dans la foulée des fusions en cours, le nombre de postes de cadres intermédiaires va vraisemblablement croi-tre de nouveau dès 2016 : par la transformation de postes de cadres supérieurs vers des postes intermédiaires, certes plus exigeants, et par la croissance des programmes/services liés au vieillissement de la population5.

LA PERCEPtION vÉHICULÉE qUANt à LA PERtINENCE DE LA gEStIONPlusieurs personnes se sont senties heurtées par des men-tions répétées dans les médias, au cours des derniers mois, à l’effet qu’une partie importante des problèmes du réseau québécois est liée aux gestionnaires eux-mêmes : le réseau est mal géré et les gestionnaires sont non seulement inutiles, mais, pire encore, nuisibles. Ces bureaucrates scléroseraient le système. Ce qui en résulte est synthétisé dans les réflexions suivantes :

« J’avoue qu’il est peu valorisé d’être gestionnaire dans le réseau, comme si gestion rimait avec bureaucratie6. »

« Pourquoi punir l’ensemble plutôt que de demander des correctifs aux organisations qui sont en grandes difficultés ou mal gérées ! »

« Depuis quand être gestionnaire dans ce réseau est-il si mal perçu ? Même des membres de ma famille plus éloi-gnée m’interpellent à ce sujet ! Moi qui suis une clinicienne dans l’âme, dévouée sans compter au service de mes équi-pes, engagée dans un service public essentiel, je me sens insultée ; cela me coupe les ailes…»

La réalité prévisible Il y aura inévitablement un ressac à court terme sur l’attirance et la valorisation des fonctions de gestion dans ce réseau, au moment même où les personnes déjà en fonction vivront une intensification de leurs responsabilités. Cette tendance était latente et va s’accentuer.

De plus, il est plausible de penser que le stress associé aux fonctions de gestion de premier niveau va croitre durant les deux ou trois prochaines années. Il y aura intérêt à surveiller les démissions, les absences pour maladies ou les épuise-ments professionnels. Ces phénomènes seront-ils en hausse ? Le syndrome du survivant qui a conservé son poste, la dimi-nution du soutien organisationnel durant le jeu de chaises musicales des hauts dirigeants découlant de l’intégration des organisations, la perte d’expertises de collègues qui quitte-ront prématurément pour la retraite, sans avoir le temps de

• Une augmentation du nombre de conseillers cadres (4 sources : spécialisation des tâches et gestion plus com-plexe d’enjeux tels les risques d’infections acquises dans les grandes organisations, création de nouvelles fonctions liées aux plaintes, conversion des postes syndicables non syndiqués (SNS2) en postes de gestion, transformation de postes syndiqués en postes cadres dans des fonctions de soutien clinique [changements requis pour attirer des clini-ciens d’expérience dans des fonctions cliniques "gestion des risques, des infections" en leur offrant une rémunéra-tion adéquate. Modification aussi liée à des considérations financières et de flexibilité : un salaire global annuel, sans payer de temps supplémentaire/temps double pour des fonctions qui exigent de rencontrer des équipes jour/soir/nuit ou les week-ends, est plus approprié]).

• Une augmentation globale du taux d’encadrement dans les premières années de cette réforme (de 1/19 à 1/17.53 - Figure 1) dans l’ensemble du réseau, même si, selon d’autres sources, ce taux semble être demeuré assez stable à 1/22 dans les CSSS. Il est d’ailleurs connu que la proportion de cadres dans les Agences était très élevée (ratio de 1/6 à 1/10).

Figure 1

• Une augmentation des effectifs totaux, donc des personnes travaillant dans le réseau : en équivalent temps complet (ETC), il s’est ajouté 13 940 personnes depuis cinq ans (Tableau 1, page 79). Ainsi, entre 2008/09 et 2013/14, l’effectif total a aug- menté de 6,6 %, ce qui a engendré de fait une augmenta-tion de 790 cadres intermédiaires (ETC), même si les cadres supérieurs diminuaient durant cette période.

ANAL

YSE

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2. La catégorie SNS, une catégorie hybride, a été abolie : un poste devait être dorénavant syndiqué ou cadre. 3. Extrait de : Note socio-économique - La gouvernance en santé au Québec, IRIS, février 2014. 4. Estimé sur la base d’un échantillonnage de quelques établissements.5. Budget additionnel de 100 millions en programmes/services = 50 à 60 postes en gestion pour coordonner des équipes interdisciplinaires.6. Cette citation, et les suivantes, sont des réflexions dépersonnalisées – parfois légèrement reformulées - tirées de travaux d’étudiants en gestion suivant la lecture du livre Becoming a Manager

de Linda Hill ou tenant un journal de bord à l’automne 2014.

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transférer leurs connaissances tacites, ou le bouleversement des politiques et procédures dans les services de soutien – ressources humaines, gestion financière, approvisionnement, etc. – sont autant de facteurs qui toucheront directement les quelques 10 000 personnes qui sont l’épine dorsale de la ges-tion de ce réseau.

LE DOUtE qUANt à LA vISION qUI SOUS-tEND CEttE RÉFORMEDevant l’écart entre les énoncés d’intention de la loi 10 – sim-plifier l’accès, améliorer la qualité, etc. - et le véritable plan de match connu de cette réforme, axée à court terme sur des économies de 220 millions et des fusions structurelles7, le doute et l’incompréhension sont omniprésents. D’où ce type de réactions des gestionnaires intermédiaires face à l’orien-tation perçue de changements à courte vue :

« J’étais une personne positive, je voyais le système de santé s’améliorer et là, je le vois se transformer, mais pas tou-jours positivement…»

« Nous allons perdre beaucoup de temps en jeux de pou-voir dans ces fusions. »

« Si on a de la difficulté à se faire entendre et comprendre dans un établissement de 1 000 personnes, qu’en sera-t-il dans un établissement de 10 000 personnes? »

De plus, au quotidien, les gestionnaires intermédiaires font face à des exigences constantes qui se déclinent de diverses façons :

« Comment maintenir la mobilisation des équipes que je dirige – alors qu’il y a déjà beaucoup à faire – et ne pas se laisser distraire par des changements liés aux fusions à venir, lesquels changements demeurent difficiles à cerner. D’autant plus que nous avons peu de prise sur ce qui va se passer, d’abord avec nos supérieurs qui vont jouer à la chaise musicale… et très peu d’information sur la suite pour nous. »

« Quant aux impacts possibles du projet de loi 10 sur les cadres intermédiaires, jusqu’à présent, je n’étais pas vrai-ment inquiète ; toutefois, j’ai pris conscience que ma situa-tion est précaire, n’ayant pas encore terminé ma période de probation. Et mon patron n’a pas été très rassurant en mentionnant qu’il ne peut devancer ma probation et qu’il y

aura inévitablement une réorganisation de services et des coupures de postes d’encadrement. J’ai dû prendre une grande respiration et mettre de côté mes émotions en vue de me faire rassurante auprès de mon équipe! »

« J’adore la gestion et peu importe la loi 10, les CISSS et les titres d’emploi, je vais faire ma place et poursuivre dans ma nouvelle "profession" en gestion. »

« Est-ce qu’il y a, qu’il y aura "vraiment" de la place et de la considération dans ces méga-organisations très centrées sur les hôpitaux, pour les clientèles vulnérables que nous desservons en déficience intellectuelle (santé mentale ou jeunes contrevenants) ? »

« La presque totalité des gestionnaires en ressources hu-maines de notre CSSS quitte l’organisation d’ici la mi-avril : qui va recruter pour combler nos pénuries d’effectifs pour cet été, qui va nous soutenir en relations de travail et dans les dossiers complexes en santé et sécurité du travail ? »

La réalité prévisibleUne très grande partie des énergies et des disponibilités des gestionnaires intermédiaires seront accaparées, pour au moins les 12 à 24 prochains mois, à maintenir les activités cliniques dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, de diminution de l’aide à leurs tâches en provenance des ressources hu-maines, des ressources informationnelles et des ressources financières et approvisionnement. Des transitions et ruptures qui ne laisseront pas de place pour l’amélioration des proces-sus cliniques, seul levier apte à interpeller positivement ces gestionnaires de proximité, d’autant plus que les acteurs en mesure de coordonner des démarches d’amélioration de ces processus seront eux-mêmes déplacés, réaffectés ou en cu-mul de fonctions.

LA PERtINENCE DE L’APPROCHE qUANt AU PILOtAgE DU CHANgEMENtEn quittant un travail clinique comme professionnel en santé et services sociaux vers un travail de gestion, les personnes apprennent rapidement les limites de la coercition autoritaire pour susciter et actualiser des changements. Leurs propres expériences sur le terrain, aussi bien que les enseignements tirés des données probantes en gestion du changement, sont

Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1 /// 797. Une majorité de CIUSSS ou de CISSS fusionne dès le 1er avril de 9 à 13 organisations distinctes.

Tableau 1 - Taux d'encadrement du personnel du réseau de la santé et des services sociaux (en équivalent temps complet ETC)

DG/DGA & cadres sup.

Cadresintermédiaires

Totalcadres

Salariés Total Ratiod'encadrement

2013-142012-132011-122010-112009-102008-09

2 0392 0202 2392 2482 2982 385

9 6799 7519 5849 4779 2778 889

11 71911 77111 82311 72411 57511 273

210 556208 642207 924203 713201 552196 616

222 275220 413219 747215 437213 127207 890

17,9717,7317,5917,3817,4117,44

Source : Banque de données sur les cadres et salariés du réseau de la santé et des services sociaux.

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et leurs modalités (p. ex., financement à l’activité, axé sur le patient ou les épisodes des soins ?), la prévention est dévaluée.

• les compétences requises sont bradées : par suite des départs massifs appréhendés de personnes expérimentées, un doute se crée quant à la faisabilité de gérer cette opéra-tion « fusions » avec diligence et efficience.

• les incitatifs sont absents ou contreproductifs : prime pour quitter le secteur, pénalités actuarielles potentielles, non-garantie d’un replacement dans un poste équivalent, perte des repères d’appartenance.

• les ressources sont rares ou en diminution : il y a donc peu de place pour des équipes dédiées à l’intégration adminis-trative, opérationnelle, encore moins clinique!

• le plan d’action est confus, improvisé… et surtout dévoilé au compte-goutte dans ces premières étapes.

Faut-il alors s’étonner de la confusion, de l’anxiété, des ralen-tissements, de la frustration et des faux départs ou des ca-fouillages qui se font jour de façon assez importante depuis l’adoption de la loi 10 au début de février 2015 ?

AttENtION AUx ICEbERgSLes gestionnaires intermédiaires affrontent un contexte d’ad-versité qui fera appel à leur résilience. Pour recycler le puis-sant vent de face auquel ces personnes seront confrontées, d’ici peu, en un vent porteur pour gonfler leurs voiles et celles de leurs équipes sur le terrain et leur permettre de progresser, un réalignement majeur, tant dans la perspective que dans l’exécution de cette réforme, est de mise. Comme le rappelle Golden avec justesse, c’est d’avoir sous-estimé le poids et l’impact de la partie immergée de l’iceberg, c’est-à-dire le 90 % sous la surface, qui a coulé le Titanic. ///

Références bibliographiques

GOLDEN, B. (2006)."Transforming Healthcare Organizations". Healthcare Quarterly, Vol. 10, Special Issue.

AMBROSE, D. (1987). Managing Complex Change. Pittsburg, PA: The Enterprise Group Ltd.

aux antipodes du type de démarche utilisée et des actions posées à ce jour par les ténors de la réforme as-sociée aux projets de loi 10 et 20. Le scepticisme des cadres intermé- diaires que je côtoie à l’égard des visées de cette réforme – l’inadé-quation entre les objectifs et les moyens – se double alors d’une perte de crédibilité de ceux qui la pi- lotent et d’un certain cynisme quant à leur ignorance ou leur arrogance. Peut-être ces comportements sont- ils délibérés ? Pour créer de l’incer-titude et accroitre leur pouvoir ?…, se demande-t-on.

Ainsi, dans un cadre académique, je recours souvent au modèle de Golden (figure 2) comme outil d’analyse des projets de changements dans les organisations sociosanitai- res. Ce modèle décortique 4 étapes déterminantes d’un chan-gement, en s’appuyant sur les spécificités du domaine de la santé et des organisations professionnelles.

Dans le cas de la réforme en cours, en plus de mal commu-niquer la finalité désirée dès la première étape, les gestion-naires estiment que la deuxième et la troisième étapes sont escamotées. Comme les organisations sociosanitaires dans lesquelles ces cadres travaillent ont déjà une culture favori-sant la prudence, la continuité et donc une certaine forme d’inertie face à des changements brusques, la communica-tion et la cooptation d’un soutien au changement sont des clés incontournables et largement ignorées pour le moment.

Golden a aussi recours à la perspective complémentaire dé- veloppée par Ambrose (1987) pour synthétiser les consé-quences probables et prévisibles d’un changement majeur lorsque cinq (5) ingrédients de base sont absents, négligés ou en quantité insuffisante : le « soufflé ne lève pas! » (figure 3).

À la lumière des réactions observées chez une pluralité de cadres intermédiaires depuis les six derniers mois, la syner-gie de ces cinq ingrédients de base est absente :

• la vision est incomplète : le « connu » diverge des intentions exprimées, des pans entiers sont inconnus dans leur forme

/// 80 Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1

ANAL

YSE

Figure 2 - DIRIGER LE CHANGEMENT ET L'INNIVATION SELON LE MODÈLE DE GOLDEN

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TRIB

UNE uNe dimeNsioN

ProfessioNNeLLe : à Quoi ça serT QuaNd oN esT iNfirmière-cHef ?

Article no 11.01.19 Mots-clés : réforme, infirmières gestionnaire, infirmière-chef, gouvernance clinique, rôle, dimension clinique.

INtRODUCtIONL’adoption en février dernier de la Loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux crée un contexte favorable à des modifications éventuelles du rôle des gestionnaires, notamment celui des infirmières-chefs (IC). Par ailleurs, et bien avant les modifications qui se mettront en place à compter du 1er avril, on avait constaté au cours de la dernière décennie une évolution des rôles et des responsabilités des infirmières gestion-naires (infirmière-chef) vers l’administratif et le managérial, la dimension professionnelle étant petit à petit diminuée. Or, cette tendance ne reflète pas tout à fait la réalité suggérée par le concept de gouvernance clinique, ni celle révélée par les résultats d’une étude récente mon-trant que les IC souhaitent qu’une place importante continue d’être accordée à la dimension clinique de leur rôle. Dans cet article, et après analyse de la littérature québécoise publiée entre 1990 et 2014 afin de mieux comprendre l’évolution des rôles et responsabilités des IC, nous proposons une piste susceptible de contribuer aux réflexions qui s’amorcent au sujet des rôles et responsabilités des cadres intermédiaires dans la gouvernance clinique au sein des établissements de santé.

CONtExtE Des changements organisationnels récents ainsi que l’adoption d’une loi modifiant l’organisa-tion et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux vont inévitablement in-fluencer les décisions et les réflexions entourant le rôle et les responsabilités des acteurs de la gouvernance clinique. Ainsi, au sein des établissements et en sus de la gouvernance globale visée par la loi, une gouvernance clinique constitue le lieu où se concentre la collaboration entre les gestionnaires et les cliniciens en vue d’assurer une qualité et une sécurité des soins et services offerts. Au-delà de la définition et de l’opérationnalisation à un milieu particulier, il est incontestable que les infirmières -chefs sont associées à la gouvernance clinique. En effet, les IC sont un rouage important de la capacité de l’organisation à donner des soins de qualité et sécuritaires en raison de leurs responsabilités pour les soins directs aux patients et dans la gestion du personnel.

MÉtHODOLOgIELa synthèse de la littérature grise du Québec concernant les rôles et responsabilités des IC couvre l’ensemble des projets ayant eu lieu dans la province de Québec, durant la période al-lant de 1990 à 2014. Pour cette recension, une stratégie boule de neige à partir des premiers documents trouvés a été adoptée. Au total — deux thèses de doctorat, une traitant de « L’influence des facteurs structurels sur le travail managérial des infirmières1-chefs : six études de cas dans trois hôpitaux du Québec »(1) et l’autre traitant des « Perceptions et straté-gies optimisant l’environnement psychosocial de travail des chefs d’unité(s) de soins infirmiers de centres hospitaliers de soins généraux et spécialisés de la région de Montréal »(2) — sept documents ministériels traitant, notamment, de la planification de la main-d’œuvre, du rôle et

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CLÉMENCE DALLAIR, inf. Ph. D.Professeure titulaire, Faculté des sciences infirmières Université Laval

NATHALIE THIBAULT, inf. M. Sc. Directrice des soins infirmiers Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec

SANDRINE HEGG-DELOYE Ph. D. Professionnelle de recherche Faculté des sciences infirmières Université Laval

FRANÇOIS VILLENEUVE, DBA Professeur, Unité d'enseignement et de recherche en sciences de la gestion, Université du Québec en Abitibi- Témiscamingue

1. Attendu la composition de la population infirmière, l’expression « infirmières » est ici utilisée à titre épicène.

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des compétences des cadres — et une étude au Centre de santé et de services sociaux (CSSS) de la Baie-des–Chaleurs sur les compétences de gestionnaires ont été retenus.

RÉSULtAtSTout d’abord, dans les deux thèses de doctorat, des recen-sions des écrits allant de 1990 à 2000 et de 1985 à 2005 ont été réalisées (Mayrand-Leclerc, 2006; Villeneuve, 2005). Leurs principaux constats sont identiques à ce que nous lisons dans la littérature scientifique (2000-2012), à savoir qu’une multi-tude de termes est utilisée pour désigner les IC, une évolution du rôle de l’IC vers des responsabilités de plus en plus admi-nistratives, et un manque de clarté dans les fonctions et les caractéristiques du rôle des IC. Ainsi, les constats semblent les mêmes, à l’international et au Québec,

Ensuite, Villeneuve (2005) montre qu’il existe une grande va-riété de contextes dans lesquels les IC œuvrent en termes de structures organisationnelles et configuration de poste (type et nombre d’unités, nombre d’employés, horaire d’ouverture, intensité des soins, imprévisibilité/prévisibilité de l’état et du flux de patients, spécialisation et destination du patient après son séjour dans l’unité). Mayrand-Leclerc (2006) souligne également ce point en précisant que les IC gèrent souvent plusieurs unités dans un ou plusieurs hôpitaux et coordonnent plusieurs spécialités. Ce point fait également écho à la litté-rature scientifique(1, 2).

Pour Villeneuve (2005), et à partir d’un cadre de référence de management, le travail des IC est divisé en 4 grandes dimen-sions : clinique, administrative, managériale et compensatoire. L’activité compensatoire réfère à des activités de diverses na- tures, notamment cléricale, clinique, administrative, clinico- administrative, exécutées par l’infirmière-chef, a) qui ne relèvent pas des attributions de son poste, mais b) qu’elle accomplit afin de combler un manque de ressources, soit dans ses uni-tés et services, soit dans les services soutien du centre hos-pitalier, c) la réalisation de ces activités compensatoires par l’infirmière-chef étant motivée par différentes intentions, soit d’économie, de qualité des services, de soutien au personnel, d’efficacité (Villeneuve, 2005, p. 384).

Il affirme que certaines activités dominent leur travail alors que d’autres sont très peu réalisées. Par exemple, la gestion administrative du personnel (horaires et congés), la coordi-nation et la régulation quotidienne des activités sur le terrain sont dominantes. En revanche, ces IC contribuent très peu au développement clinique, au développement d’une vision d’établissement, à l’amélioration continue des services et des processus (dimension clinique). Finalement, le contrôle de la qualité des soins, l’assurance de la continuité des soins et ser-vices, la gestion des ressources matérielles, la mise en œu- vre de changements et le travail compensatoire sont mention-nées comme étant des activités quotidiennes et récurrentes.

Mayrand-Leclerc (2006), quant à elle, déclare que l’environ-nement psychosocial des IC n’est pas optimal et ne permet pas d’optimiser la qualité des soins offerts aux patients. À l’origine d’un environnement psychosocial non optimal,

Mayrand-Leclerc (2006) souligne un accroissement de la ges-tion administrative et de la gestion du personnel (manque de ressources humaines, surcharge de travail), un écartèlement de plus en plus marqué entre la dimension administrative et la dimension professionnelle (clinique) au profit de la dimen-sion administrative, même si les IC désirent répondre autant aux deux dimensions. Ainsi, bien qu’ayant une approche psy-chosociale, Mayrand Leclerc (2006) aboutit à des conclusions comparables à celles de Villeneuve (2005), qui avait plutôt adopté une perspective managériale. Dans la même veine, le rapport du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS, 2009), mentionne que 75 % des cadres intermédiaires (IC) sont insatisfaits de leur travail. Selon le MSSS, le maintien en poste chez les 55 ans et plus de même que l’attraction des jeunes professionnels talentueux vers des postes de gestion sont difficiles, point également soulevé par Mayrand-Leclerc (2006). D’ailleurs, le MSSS n’a pas cherché à identifier les cau-ses du manque de rétention mais s’est basé sur des éléments apportés par Villeneuve (2005) et Mayrand-Leclerc (2006).

Alors que l’étude et les conclusions de Villeneuve (2005) pren-nent indirectement en compte la dimension clinique du rôle des IC, le MSSS semble omettre l’importance de cette dimen-sion. Ainsi, selon notre analyse, il se pourrait que le MSSS se soit ainsi donné une vision particulière. Selon Villeneuve (2005), l’exercice des domaines d’activités de la dimension clinique des IC varie selon divers degrés d’intensité, allant de dominant à laissé-pour-compte dans leur travail. La di-mension professionnelle clinique est englobée dans le travail compensatoire pour Villeneuve (2005), alors que Mayrand-Leclerc (2006) la considère comme une dimension importante du travail de l’IC. Néanmoins, selon les résultats de notre pro- pre étude et ceux ressortis de la revue de la littérature scien- tifique, la dimension clinique semble faire partie intégrante du travail des IC et de leur capacité de participer à la gouver-nance clinique.

D’ailleurs, la vision du MSSS se confirme quant aux actions et moyens à mettre en place pour soutenir et recentrer le tra-vail des cadres intermédiaires, notamment les cadres clinico- administratifs. Pour le MSSS, les trois dimensions centrales du rôle et des responsabilités des cadres intermédiaires sont : la sécurité, la productivité et le climat de travail (MSSS, 2009). De cette réflexion est né le cadre de référence du Centre de recherche et d’intervention en santé des organisations (CRISO) (2009) (mandaté par le MSSS) qui fournit une grille d’analyse des conditions d’exercice et clarifie les rôles et les responsa-bilités des différents acteurs du réseau(3).

Faisant appel au cadre de référence du CRISO qui met de l’avant les dimensions administrative et managériale, le MSSS a financé neuf projets d’envergure (les G9) concernant le po-sitionnement du rôle des cadres et l’amélioration de leurs conditions d’exercice. D’autres projets - les G38 - ont égale-ment été financés par le MSSS. Ces projets visent à mettre en œuvre, à court terme, des actions concrètes et réalisables pour améliorer les conditions d’exercice du travail des cadres en utilisant une approche Lean. Cependant, quels que soient les projets menés, soit selon le cadre de référence du CRISO

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Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1 /// 83

CONCLUSIONDans cet article, nous avons fait le point sur ce qui ressort de la littérature québécoise moins connue. Et en conclusion, elle soulève les mêmes problématiques que la littérature scientifique, à savoir une grande variabilité des rôles et des responsabilités des IC, selon les besoins des unités, leur fonc-tionnement et la gestion multisite. On note aussi un manque d’études québécoises à propos des rôles et responsabilités de l’IC. De plus, il semble que les conclusions apportées par Villeneuve (2005) ont été strictement utilisées, sans égard à la dimension clinique, pour donner une orientation exclusive-ment managériale aux différents projets ministériels d’analyse des conditions d’exercice des cadres intermédiaires, omet-tant ainsi l’importance de la dimension professionnelle sou-levée par la thèse de Mayrand-Leclerc (2006), l’Association américaine des hôpitaux et l’Association des infirmières et infirmiers du Canada (Canadian Nurses Association, 1998).

Il en résulte, selon notre analyse, une définition des rôles et responsabilités des IC et des cadres intermédiaires au Québec qui est incomplète par rapport à ce qui est rapporté dans la lit-térature scientifique, mais aussi avec le désir des IC de main-tenir cette dimension professionnelle. C’est pourquoi il nous apparait essentiel de suggérer aujourd’hui qu’on accorde une juste part à la dimension professionnelle clinique dans les définitions de postes des cadres intermédiaires, lorsque ces derniers gèrent des soins infirmiers ou que l’essentiel de la tâche qui leur est confiée est composé de soins infirmiers. Il apparait souhaitable que l’expertise et la connaissance des soins infirmiers soient sollicitées afin d’assurer des soins de qualité et une légitimité du cadre intermédiaire au sein de l’é-quipe de soins. Cela nous apparait d’autant plus important que les soins infirmiers participent à la gouvernance clinique des établissements. Aussi, l’accent mis par la réforme actuelle sur les services prodigués directement à la population et la réponse à leurs besoins, pourrait faire en sorte que l’expertise de la dimension clinique du rôle des IC s’avère indispensable à la résolution des difficultés rencontrées. ///

Références bibliographiques

1. VILLENEUVE, F. (2005). L'influence des facteurs structurels sur le travail mana-gérial des infirmières-chefs : six études de cas dans trois hôpitaux du Québec, Université de Sherbrooke : Québec.

2. MAYRAND-LECLERC, M. (2006). Perceptions et stratégies optimisant l'environnement psychosocial de travail des chefs d'unité(s) de soins infirmiers de centres hospitaliers de soins généraux et spécialisés de la région de Montréal, Université Laval : Québec.

3. MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX (2009). Cadre de référence sur les conditions d'exercice des cadres intermédiaires du réseau.

4. MCCALLIN, A. & FRANKSON, C. (2010). "The role of the charge nurse mana-ger: a descriptive exploratory study". Journal of Nursing Management 18(3): p. 319-325.

5. AMERICAN HOSPITAL ASSOCIATION (1992). The role and functions of the hospital nurse manager.

ou selon les projets G38, nous constatons que la dimension professionnelle (dimension clinique dans le cas des IC) n’y est pas mentionnée alors que cette dernière était présente chez Villeneuve (2005) et chez Mayrand-Leclerc (2006).

Ajoutons que lors de l’analyse de la littérature scientifique, nous avons aussi relevé plusieurs auteurs qui insistaient sur l’importance du rôle professionnel et le désir des IC de garder ce rôle de professionnelle(4). D’ailleurs, selon l’Association américaine des hôpitaux(5), l’IC assume un rôle non négligea-ble dans le maintien de la qualité des soins d’un hôpital. Ses fonctions comportent six catégories, dont la gestion de la pratique infirmière et des soins aux patients, l’application et la concordance de la pratique avec les lois, les normes et critères professionnels de même que l’application des politi- ques, protocoles et procédures de l’établissement. La dimen-sion professionnelle est également mise en évidence par l’Association des infirmières et infirmiers du Canada qui sou-ligne que les IC devraient avoir une fonction administrative et une fonction de coordination professionnelle des soins dis-pensés aux patients (Canadian Nurses Association, 1998).

DISCUSSIONLes constats issus d’une synthèse des écrits scientifiques et de la littérature grise effectuée dans le cadre d’un projet de recherche nous permettent de mieux comprendre comment et pourquoi le rôle et les responsabilités des IC ont évolué vers l’administratif. Alors que la littérature scientifique sug-gère des fonctions professionnelles et administratives, au Québec, les activités administratives en vue de répondre aux objectifs de leurs organisations ont gagné du terrain(4). Face à ces constats et à l’adoption de la Loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services so-ciaux, que faut-il anticiper quant à la participation des IC à la gouvernance clinique ?

D’ailleurs, d’autres questions se posent au sujet de la partici-pation générale des soins infirmiers à la gouvernance clinique. Ainsi, afin de soutenir cette participation du groupe profes-sionnel le plus nombreux dans le système de santé et dans les établissements et d’en faire un levier de la qualité globale des soins, il semble important de garantir l’apport de la dimension clinique infirmière à tous les niveaux du système. Plus spéci-fiquement, dans le cas des IC, il semble prudent d’assurer un juste équilibre entre la dimension administrative et la dimen-sion clinique dans leur rôle. De cette façon, on serait assurés que l’apport de la vision clinique infirmière dans le processus qui concentre la collaboration entre les gestionnaires et les cliniciens, en vue d’une qualité et une sécurité des soins et services offerts, contribue à la mission globale des établisse-ments de santé.

En somme, cette revue de la littérature, lorsqu’elle est exami-née à la lumière de l’apport des soins infirmiers à la qualité des soins et dans une perspective de gouvernance clinique dans le système, appuie la nécessité d’une formation profes-sionnelle en soins infirmiers permettant de favoriser le déve-loppement de compétences relatives aux principaux rôles de l’IC en matière de gestion et fonctions cliniques de l’IC .

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ProPosiTioN d’orieNTaTioNs sTraTégiQues eN déVeLoPPemeNT des commuNauTés eT saNTé PubLiQue Pour Le ciusss de L’esT-de- L’ÎLe-de-moNTréaL

Article no 11.01.14 Mots-clés : réforme, orientations stratégiques, planification, développement des communautés, CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, santé publique.

La population qui réside sur ce vaste territoire présentera de multiples caractéristiques qui composeront autant de défis pour la planification des services du CIUSSS, de même que pour la planification d’actions en développement des communautés et en prévention promotion. À titre d’exemple, voici quelques données populationnelles qui distinguent les trois RLS du CIUSSS et qui impliquent des défis différents.

RLS de Saint-Léonard et Saint-MichelLa population du RLS de Saint-Léonard et Saint-Michel (129 910 habitants) est relativement jeune. Presque un quart de celle-ci (24,6 %) se compose de personnes ayant moins de 19 ans. Elle se distingue également par la forte proportion d’immigrants qui y résident : près de la moitié de la population est immigrante (47,7 %). On y retrouve une forte proportion de personnes dont la langue maternelle n’est ni le français ni l’anglais (54,9 %). Il y a aussi une faible scolarisa-tion sur ce territoire : 31,1 % de la population de 15 ans et plus est sans diplôme. Il est à noter que près du tiers de la population de ce RLS (29,7 %) vit dans un contexte de faible revenu. Les

Le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de l’Est-de-l’Île-de-Montréal desservira une population d’environ 500 000 personnes. Il aura entre autres comme mandat la gestion de trois réseaux locaux de services (RLS) initialement créés par la réforme de 2003. En tout, ce sont huit quartiers de la ville de Montréal et une municipalité qui seront desservis par le CIUSSS. Huit (8) quartiers qui comptent neuf (9) tables de concertation en développement social conjointement financées par le réseau de la santé, la ville de Montréal et Centraide du Grand-Montréal.

/// 84 Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1

CLAUDE DOYON Coordonnateur au développement

des communautés et santé publique CSSS de Saint-Léonard et Saint-Michel

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caractéristiques populationnelles de ce RLS amènent, pour le CIUSSS, des défis pour répondre aux besoins propres aux familles immigrantes vivant en situation de pauvreté.

RLS de Lucille-TeasdaleLa population du RLS de Lucille-Teasdale (174 585 habitants) se distingue par sa proportion d’adultes, surtout de jeunes adultes : les 20-44 ans comptent pour 40,3 % de la popula-tion. Celle-ci est essentiellement francophone (74,1 %) et née au Canada (76,8 %). Elle vit dans une relative pauvreté éco-nomique : 26,4 % de la population vit dans un contexte de faible revenu. Sur ce territoire se trouvent certaines situations pouvant mener à une défavorisation sociale : plus du quart des personnes y vivent seules (25,6 %); et presque la moitié des personnes de 65 ans et plus y vivent seules (45 %). En outre, 40,4 % des familles sont monoparentales. Les caracté-ristiques de ce RLS soulèvent, pour le CIUSSS, des défis pour répondre aux besoins spécifiques d’une population vivant dans un contexte de défavorisation à la fois économique et sociale.

RLS de la Pointe-de-l’ÎleLa population du RLS de la Pointe-de-l’Île (194 585 habitants) se caractérise par son vieillissement. Les 45 ans et plus re-présentent près de la moitié de la population totale (48 %). Celle-ci est majoritairement francophone (67,2 %) et née au Canada (77,1 %). Beaucoup de personnes sur ce territoire sont faiblement scolarisées : 25,9 % des 15 ans et plus sont sans diplôme. Il y a relativement moins de défavorisation éco- nomique : 18 % vivent dans un contexte de faible revenu. D’ailleurs, le revenu médian des ménages de ce territoire est l’un des plus élevés à Montréal. Ce territoire vit toutefois des enjeux de santé importants : 40 % de la population souffre d’au moins une maladie chronique (la proportion la plus élevée de Montréal). Les particularités de ce RLS engendrent, pour le CIUSSS, des défis pour répondre aux besoins d’une popula-tion vieillissante, plus économiquement favorisée, mais plus vulnérable aux problèmes de santé.

ORIENtAtIONS StRAtÉgIqUESPour répondre efficacement aux spécificités de ces trois RLS, il s’avère donc utile, pour soutenir l’implantation du CIUSSS de l’Est-l’Île-de-Montréal, de proposer cinq (5) orientations stra-tégiques pour préciser la contribution que l’organisation com-munautaire et la santé publique peuvent avoir dans la réussite de cette réforme. Le CIUSSS héritera de trois (3) cultures dif-férentes en matière de santé publique et d’organisation com-munautaire, et les orientations stratégiques ici proposées sont de nature à favoriser leur harmonisation.

Les cinq (5) orientations stratégiques (issues de la Charte d’Ottawa) proposées ici, ne sont pas classées par ordre d’importance.

Élaboration de politiques favorables à la santéÀ certains égards, cette orientation stratégique peut sembler hors de portée pour un CIUSSS. Toutefois, avec un budget de près d’un (1) milliard de dollars, et plus de 15 000 employé(e)s, il sera possible pour cet établissement de développer des

politiques d’achat local, d’embauche locale, et d’utilisation de ses infrastructures par la communauté (telle que les cuisines des CH et les terrains vacants). Le CIUSSS pourra être mem-bre de la coalition sur le tabac, du réseau des établissements promoteurs de santé, favoriser le transport actif auprès de ses employés, etc.

Cette orientation permettra au CIUSSS d’améliorer son exper-tise en promotion de la santé pour soutenir les arrondisse-ments, les commissions scolaires et les grands employeurs de l’Est pour leur permettre de développer, selon leur mission respective, des politiques favorables à la santé. Que ce soit les politiques alimentaires des écoles, ou des politiques pour l’utilisation des infrastructures récréatives d’un arrondisse-ment, ou encore des stratégies de type « employeur de choix », le CIUSSS pourra accompagner ses partenaires dans leur ré-flexion et leurs démarches.

Bref, cette orientation offre un bel espace de mobilisation du personnel de même qu’un espace d’innovation dans les rela-tions entre un établissement de santé et la communauté qu’il dessert.

Création d’environnements favorables à la santéCette orientation consiste à prioriser, au sein des équipes en organisation communautaire et santé publique, une straté-gie dite d’environnements favorables de manière à favoriser

Le Point en santé et services sociaux • Vol. 11, no 1 /// 85

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niveau primaire que secondaire. Ces ateliers sont dispensés conjointement par les travailleuses sociales et les infirmières scolaires et ont comme objectif de prévenir les abus, les in-fections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) et

les grossesses non désirées.

Réorientation et réorganisation des services de santé

Les services de santé sont un important déterminant de la santé. Avec la fusion des sept (7) établissements dans le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, il apparait essentiel de faire en sorte que les besoins de la po- pulation soient constamment pris en compte dans la program-mation des différents services. En effet, la taille des établis-sements rendra difficile une gestion de proximité comme ce fut le cas antérieurement. Avec un soutien sur le plan de l’analyse des données popu-lationnelles, de l’analyse des problématiques émergentes et

des données expérientielles issues de la pratique terrain, cette orientation permettra une meilleure adéquation entre les besoins de la population et les services offerts par le CIUSSS. Tel que mentionné précédemment, le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal aura autant de communautés et de particularités à prendre en considération dans la planifica-tion/programmation de ses services.

Pour soutenir cette orientation, l’équipe de Saint-Léonard et Saint-Michel possède une solide expérience avec son ob-servatoire populationnel, en projet de promotion de la santé, en approche de communauté stratégique, en organisation communautaire et en organisation de services. Notamment, des projets en persévérance scolaire, en clinique de santé sexuelle, en salubrité des logements et en travail de proximité auprès des ainés sont des acquis au sein de l’équipe déve-loppement des communautés et santé publique.

EN CONCLUSIONLe succès de l’actuelle réforme sera lié, entre autres, à la capacité qu’auront les nouveaux établissements à maintenir des liens de proximité avec les communautés locales. Nous croyons que ces orientations stratégiques campent solide-ment les éléments nécessaires au maintien de cette proxi- mité. De plus, une équipe en développement des commu-nautés et santé publique sera également apte à soutenir la programmation des services du CIUSSS en mesurant cons-tamment l’adéquation de ces derniers aux besoins de la po-pulation. Finalement, ces orientations, telles que définies par la Charte d’Ottawa, s’inscrivent dans une action ciblée sur les déterminants sociaux de la santé et visent la réduction des inégalités en pareille matière. ///

l’émergence de projets structurants dans la communauté. Cette stratégie vise à mettre en place des projets s’adressant plus largement à la communauté tout en s’inscrivant durable-ment en son sein. D’une certaine manière, il s’agit ici d’un solide levier que possède le CIUSSS pour actualiser sa res-ponsabilité populationnelle.

Que ce soit des projets d’amé-nagement de parcs pour le dé-veloppement des tout-petits, des projets de marchand am-bulant pour favoriser les accès physique et économique aux fruits et légumes frais, ou l’amé- nagement d’une cour d’école, les environnements favorables visent à faciliter les choix santé et les saines habitudes de vie pour la population.

Renforcement de l’action communautaireAvec la création du CIUSSS de l ’Est-de-l’Î le-de-Montréal, nous aurons la responsabilité d’animer pas moins de trois (3) réseaux locaux de services qui compteront comme partenaires privilégiés neuf (9) tables de quartier ainsi que plusieurs tables de concertation sectorielle et d’organismes commu-nautaires. De nombreux ouvrages ont démontré la pertinence du travail en partenariat pour favoriser la prise en compte collective de problèmes de santé. Il apparait donc important que le CIUSSS soutienne, par l’entremise de professionnels de l’organisation communautaire, la vie associative des grou- pes issus de la communauté, de même que les processus de concertation au sein de cette même communauté. Cette orientation stratégique vise à soutenir un des piliers de notre système de santé et de services sociaux, soit l’engagement de la population dans la prise en charge de sa santé et de son développement.

Éducation populaire et pouvoir d’agirCette orientation favorisera, auprès de la population, l’acqui-sition des connaissances nécessaires au maintien ou au développement d’une bonne santé et à la connaissance des droits sociaux et obligations légales. S’adressant prioritaire-ment aux populations vulnérables, l’éducation populaire visera à créer un pouvoir d’agir auprès de ces mêmes populations avec, comme objectif, leur mobilisation pour résoudre collec-tivement des problèmes identifiés comme collectifs.

Actuellement, deux actions traduisent concrètement cette orientation. D’une part, il y a la réalisation de kiosques d’infor-mation/sensibilisation dans les services de garde en milieu scolaire au sujet de la salubrité des logements. D’autre part, il y a également la mise en œuvre d’un programme d’éducation à la santé sexuelle qui se donne dans les écoles du territoire du CSSS de Saint-Léonard et Saint-Michel (SLSM) tant au

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Le succès de l’actuelle réforme sera lié, entre autres,

à la capacité qu’auront les nouveaux établissements

à maintenir des liens de proximité avec les

communautés locales.

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