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Réflexions Henri Comte Maître de conférences à l'université Lyon II LA RÉFORME DU SYSTÈME DOCUMENTAIRE DES UNIVERSITES APRÈS LE décret du 23 dé- cembre 1970, celui du 4 juil- let 1985; l'unité du système do- cumentaire des universités, si longtemps appelée, est désor- mais inscrite dans la loi. Mais la portée d'une réforme ne se mesure qu'à son application; aussi banale soit-elle cette re- marque doit être rappelée. Il est toutefois moins banal que ce soient les sujets d'une réforme qui en deviennent les responsa- bles ; sans doute le phénomène est-il conforme à l'esprit des temps mais il peut représenter la condition nécessaire à son succès... Le système documen- taire des universités ne sera véritablement unifié que s'il est intégré à leur fonctionnement. Telle est la leçon qu'on peut retenir de l'analyse d'Henri Comte. Le décret du 4 juillet 1985, l'arrêté ministériel du même jour et deux circulaires, du 31 octobre 1985, établissent une nouvelle organisa- tion des bibliothèques et centres de documentation des universités. Ces textes', bien que ne concer- nant pas les établissements de la région parisienne, promis à un aménagement spécifique, sont d'une portée considérable. Les bibliothèques universitaires (BU), institutions séculaires, disparais- sent. Leur succèdent des services communs de documentation (SCD) rassemblant l'ensemble des unités documentaires des universités et fonctionnant selon des règles nouvelles. Cette réforme répond, certes, à des nécessités d'ordre conjonctu- rel. Ainsi était-il indispensable d'adapter le statut des institutions documentaires universitaires à la nouvelle organisation des univer- sités instituée par la loi du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur. Il convenait notamment de prendre en compte la nou- veauté introduite par l'article 4 de la loi, assignant à ce service pu- blic « la diffusion de la culture et de l'information scientifique et technique ». Mais aussi et surtout, les nouveaux textes ambitionnent, et c'est en cela que leur analyse 1. Cf. p. 425 dans la rubrique Informations du présent numéro. nous retiendra particulièrement, de porter remède à certaines déficiences structurelles de l'or- ganisation et de la gestion des services documentaires des uni- versités. La crise que traversent les institu- tions documentaires universitaires est en effet avérée depuis de longues années. Manifeste dès les années 1950, elle n'a fait que s'amplifier par la suite, devenant dans les années 1970 une préoc- cupation majeure des services centraux du ministère, des pro- fessionnels et des universitaires. Prenant appui sur la réflexion critique développée au cours de cette période le nouveau disposi- tif s'attache à corriger les défauts les plus fréquemment reprochés à l'organisation ancienne: son manque de cohérence d'une part, son insuffisante intégration à l'uni- versité d'autre part. RÉUNIFIER LA GESTION DE LA DOCUMENTATION Excepté le cas particulier de Pa- ris, les bibliothèques universitai- res françaises sont nées de la réunion des bibliothèques de fa- culté et ont ainsi, des décennies durant, réalisé l'unité de gestion de la documentation scientifique des universités. Si aujourd'hui une réforme est nécessaire pour re- venir à cette unité, c'est parce que cette dernière s'est progressive- ment altérée, sous l'influence de facteurs qu'il paraît nécessaire de bien identifier. Ainsi pourrons- nous mieux mesurer la portée et les chances de réussite du projet réunificateur assigné à la réforme. Le monopole documentaire perdu « Considérant que former une seule bibliothèque des bibliothè- ques spéciales des Facultés di- verses, c'est à la fois associer les travaux des maîtres et faciliter les études des élèves, généraliser les ressources et introduire dans tout le service plus d'ordre et plus d'économie. » Ces propos du ministre H. Fortoul, en 1855, font étrangement écho à ceux des auteurs du décret du 4 juillet préconisant « que la gestion de tous les documents qui appartien- nent à une université soit coor- donnée par le service commun de la documentation » afin de mettre fin à une situation caractérisée par « une gestion morcelée, dont les

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APRÈS LE décret du 23 dé-cembre 1970, celui du 4 juil-let 1985; l'unité du système do-cumentaire des universités, silongtemps appelée, est désor-mais inscrite dans la loi. Maisla portée d'une réforme ne semesure qu'à son application;aussi banale soit-elle cette re-marque doit être rappelée. Il esttoutefois moins banal que cesoient les sujets d'une réformequi en deviennent les responsa-bles ; sans doute le phénomèneest-il conforme à l'esprit destemps mais il peut représenterla condition nécessaire à sonsuccès... Le système documen-taire des universités ne seravéritablement unifié que s'il estintégré à leur fonctionnement.Telle est la leçon qu'on peutretenir de l'analyse d'HenriComte.

Le décret du 4 juillet 1985, l'arrêtéministériel du même jour et deuxcirculaires, du 31 octobre 1985,établissent une nouvelle organisa-tion des bibliothèques et centresde documentation des universités.Ces textes', bien que ne concer-nant pas les établissements de larégion parisienne, promis à unaménagement spécifique, sontd'une portée considérable. Lesbibliothèques universitaires (BU),institutions séculaires, disparais-sent. Leur succèdent des servicescommuns de documentation(SCD) rassemblant l'ensembledes unités documentaires desuniversités et fonctionnant selondes règles nouvelles.

Cette réforme répond, certes, àdes nécessités d'ordre conjonctu-rel. Ainsi était-il indispensabled'adapter le statut des institutionsdocumentaires universitaires à lanouvelle organisation des univer-sités instituée par la loi du 26janvier 1984 sur l'enseignementsupérieur. Il convenait notammentde prendre en compte la nou-veauté introduite par l'article 4 dela loi, assignant à ce service pu-blic « la diffusion de la culture etde l'information scientifique ettechnique ». Mais aussi et surtout,les nouveaux textes ambitionnent,et c'est en cela que leur analyse

1. Cf. p. 425 dans la rubrique Informationsdu présent numéro.

nous retiendra particulièrement,de porter remède à certainesdéficiences structurelles de l'or-ganisation et de la gestion desservices documentaires des uni-versités.La crise que traversent les institu-tions documentaires universitairesest en effet avérée depuis delongues années. Manifeste dès lesannées 1950, elle n'a fait ques'amplifier par la suite, devenantdans les années 1970 une préoc-cupation majeure des servicescentraux du ministère, des pro-fessionnels et des universitaires.Prenant appui sur la réflexioncritique développée au cours decette période le nouveau disposi-tif s'attache à corriger les défautsles plus fréquemment reprochésà l'organisation ancienne: sonmanque de cohérence d'une part,son insuffisante intégration à l'uni-versité d'autre part.

RÉUNIFIER LA GESTIONDE LA DOCUMENTATION

Excepté le cas particulier de Pa-ris, les bibliothèques universitai-res françaises sont nées de laréunion des bibliothèques de fa-culté et ont ainsi, des décenniesdurant, réalisé l'unité de gestionde la documentation scientifiquedes universités. Si aujourd'hui uneréforme est nécessaire pour re-venir à cette unité, c'est parce quecette dernière s'est progressive-ment altérée, sous l'influence defacteurs qu'il paraît nécessaire debien identifier. Ainsi pourrons-nous mieux mesurer la portée etles chances de réussite du projetréunificateur assigné à la réforme.

Le monopole documentaire

perdu

« Considérant que former uneseule bibliothèque des bibliothè-ques spéciales des Facultés di-verses, c'est à la fois associer lestravaux des maîtres et faciliter lesétudes des élèves, généraliser lesressources et introduire dans toutle service plus d'ordre et plusd'économie. » Ces propos duministre H. Fortoul, en 1855, fontétrangement écho à ceux desauteurs du décret du 4 juilletpréconisant « que la gestion detous les documents qui appartien-nent à une université soit coor-donnée par le service commun dela documentation » afin de mettrefin à une situation caractérisée par« une gestion morcelée, dont les

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résultats ne pouvaient être quepartiels et parfois décevants, lesbibliothèques d'institut et d'UERne cessant de se multiplier et dese développer de façon irration-nelle et coûteuse ».

L'identité d'intentions, à près d'unsiècle et demi de distance, nouséclaire sur une donnée perma-nente du problème : l'unité degestion documentaire, aujourd'huicomme hier, n'est ni spontané-ment réalisée ni facile à mainte-nir. Etablie sur des bases extrê-mement solides avec les débutsde la IIIe république elle a com-mencé à se défaire dès l'entre-deux-guerres, jusqu'à atteindreles proportions inacceptables quenous lui connaissons aujourd'hui.

Le monopole des débutsCe sont les différents ministres del'Éducation des premiers gouver-nements de la IIIe république quiont réalisé, en pratique, l'unifica-tion documentaire préconisée parH. Fortoul. Leur attachement àcette unification attesté par denombreux textes2, s'est traduit parla mise en place d'un monopoledocumentaire très solide, dans lecadre des bibliothèques universi-tairès. Ce monopole, concrète-ment, fut établi sur une tripleconcentration: de l'organisationdocumentaire, des ressources fi-nancières affectées à la documen-tation universitaire, du personnelprofessionnel.La concentration de l'organisationdocumentaire a été considéréecomme un principe intangible parles fondateurs des bibliothèquesuniversitaires. Ainsi le ministreFortoul, dans son arrêté du 18mars 1855, impose-t-il la fusiondes « bibliothèques spéciales »des facultés implantées dans unemême ville (article 1er de l'arrêté).Jules Ferry, dans sa circulaire du23 août 1879, fait sienne l'intentionde son prédécesseur. Il évoque« le devoir de chercher active-ment tous les moyens d'opérer laréunion de nos dépôts ». C'estcependant le ministre R. Gobletqui établit le monopole documen-taire des bibliothèques universi-taires dans sa forme définitive.Ayant à approuver les règlements

2. Cf. Ulysse ROBERT, Recueil des lois,décrets, ordonnances, arrêts, circulairesetc... concernant les bibliothèquespubliques, Paris, H. Champion, 1883,p. 109-187.

des bibliothèques universitaires ilfait connaître par avance un cer-tain nombre de « principes dont(il) est décidé à ne pas se dé-partir » au premier rang desquelsil fait figurer celui selon lequel« la bibliothèque universitaire,même quand elle a des sectionsdifférentes, est une, sauf certainscas tout à fait exceptionnels ». Parvoie de conséquence il imposerale respect de ce principe dans sesarrêtés du 20 novembre 1886approuvant les règlements desbibliothèques universitaires3.

L'organisation administrative ettechnique des bibliothèques uni-versitaires a procédé égalementde ces conceptions. C'est ainsique les collections furent physi-quement rassemblées dans degrands ensembles en nombre res-treint, donnant naissance auschéma classique de la centralerelayée par un nombre aussi ré-duit que possible de sections.C'est ainsi également que le pou-voir de direction de la bibliothè-que fut concentré dans les mainsde son directeur, les chefs desection ou de service n'ayantd'autre rôle que de relayer sesdirectives, sans aucun droit departiciper à la direction de l'éta-blissement.La création en 1873 d'une res-source affectée au fonctionne-ment de la bibliothèque universi-taire, sous la forme du droit debibliothèque acquitté par les étu-diants, a donné son assise finan-cière au système. Les sommesainsi drainées -- 10 F par an etpar étudiant -- étaient en effetsans commune mesure avec lesmaigres crédits antérieurementaffectés par les facultés à leursbibliothèques particulières. Lesressources procurées par le droitde bibliothèque présentaient enoutre l'avantage d'être sûres, ré-gulières et directement propor-tionnelles au nombre d'utilisateursà desservir.La professionnalisation du per-sonnel, initiée par deux arrêtés deJules Ferry du 23 août 1879, estvenue couronner l'édifice. Dé-sormais le personnel de directionbénéficie d'une qualification in-

3. Cf. Ernest COYECQUE, Codeadministratif des bibliothèques, Paris, E.Droz, 1929, t. 1, p. 475-502.

contestable, attestée par un di-plôme professionnel : le Certificatd'aptitude aux fonctions de biblio-thécaires4.Ainsi assurées d'une triple préé-minence, administrative, finan-cière et professionnelle, les bi-bliothèques universitaires ont pumonopoliser sans aucun partagela gestion des ressources docu-mentaires des universités. Le sys-tème connut la réussite. Analysanten 1902 leur situation, un auteurrelève qu'« elles sont devenues,entre toutes les bibliothèquesfrançaises, les bibliothèques lesmieux organisées, les plus sage-ment réglementées, celles quioffrent aux travailleurs les plusgrandes facilités, tant pour la lec-ture sur place que pour le prêt au dehors5 ». En 1939, un autre ana-lyste relèvera encore que « lescritiques à adresser aux biblio-thèques universitaires sont plutôtrares, et que dans le cadre quileur a été fixé, elles fonctionnentà la satisfaction de tout lemonde6 ».

Le déclin du monopoleIl serait vain et assurément arbi-traire de dater précisément lespremières lézardes qui affectentle système que l'on vient de dé-crire. Ce dernier, assurément,connaît son âge d'or entre lesannées 1880 et la PremièreGuerre mondiale. Il se maintient,presque intact, encore de longuesannées. Cependant, dès l'entre-deux-guerres, les facteurs agis-sants de la crise sont à l'oeuvre :affaiblissement interne de l'institu-tion en raison du déclin de sonpouvoir d'achat, émergence d'uneconcurrence externe, du fait deson incapacité croissante à cou-vrir la totalité des « demandes »documentaires au sein de l'uni-versité.

4. Ce diplôme, remplacé en 1932 par le

Diplôme technique de bibliothécaire, ne doitpas être confondu avec l'actuel CAFB.5. Jean GAUTIER, Nos bibliothèques

publiques. Leur situation légale, Paris,Larose, 1902.

6. René MOTHES, Essai sur le régimeadministratif des btbliothèques publiquesen France, Paris, LGDJ, 1939.

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L'amenuisement de la capacitéfinancière des bibliothèquesuniversitaires

Jusqu'en 1914, le pouvoir d'achatdu franc est demeuré stable. Ledroit de bibliothèque, principaleressource des bibliothèques uni-versitaires, a pleinement remplison rôle de source de finance-ment à la fois prévisible, certaineet suffisante. Dès l'entre-deux-guerres, l'inflation galopante varéduire dans des proportions con-sidérables l'apport de ce finan-cement. Sans doute, le droit debibliothèque a-t-il été plusieursfois réévalué, mais le pouvoird'achat de ce droit a irrémédia-blement décliné. Appréciée defaçon cumulée, la perte est del'ordre de 50 % pour la période del'entre-deux-guerres et de 80 %pour l'après-guerre.Les subventions de l'Etat et desuniversités n'ont pas, dans lemême temps, augmenté suffi-samment pour compenser cetteperte de pouvoir d'achat. On peutainsi estimer, toutes ressourcesconfondues, que la dépense do-cumentaire des bibliothèquesuniversitaires par an et par étu-diant a été réduite de moitié envi-ron dans l'entre-deux-guerres etdes trois quarts au moins après1945. Cette véritable asphyxie fi-nancière, qui semble s'être en-core accentuée au cours desquinze dernières années7, est, enelle-même, une donnée impor-tante et permanente de la criseque connaissent les services do-cumentaires des universités. Ellepermet de relativiser les effetsbénéfiques que l'on peut escomp-ter d'une réforme purement ad-ministrative de leur fonctionne-ment. Mais elle permet aussi demieux comprendre pourquoi lesbibliothèques universitaires, af-faiblies financièrement et fort à lapeine pour exercer leurs fonc-tions traditionnelles, n'ont pu pré-venir ou empêcher l'émergenced'institutions documentaires con-currentes.

7. Cf. Pierre VANDEVOORDE, LesBibliothèques en France. Rapport àMonsieur le Premier Ministre, Paris, 1981,

p. 253. De 1970 à 1979 les crédits defonctionnement par étudiant passent de 45,5à 34,03 F.

L'émergence de servicesdocumentaires concurrents

L'évolution des conditions de l'en-seignement et de la rechercheà l'université a provoqué l'appari-tion de besoins documentairesnouveaux. Schématiquementdeux fonctions principales, peuou mal remplies par les bibliothè-ques universitaires, ont poussé àla création de bibliothèques parti-culières. Dans le domaine de larecherche, la nécessité est appa-rue de constituer des bibliothè-ques de spécialité, correspondantà l'activité hautement spécialiséede laboratoires ou d'instituts. Dansle domaine de l'enseignement, cesont plutôt des bibliothèques deproximité qui ont été constituéespar les UER pour répondre auxbesoins documentaires élémen-taires de travail des étudiants.

Cependant, au fil du temps, d'iné-vitables dérives se sont produites.Ces institutions documentairesparticulières, conçues au départcomme complémentaires de labibliothèque universitaire ont fré-quemment débordé leur vocationd'origine, de sorte que le partagedes missions, des responsabilitéset des financements s'est singuliè-rement obscurci.

DysfonctionnementsLes inconvénients dus à la prolifé-ration de bibliothèques autono-mes ont été aperçus assez tôt.S'exprimant au colloque de l'AU-PELF, en 1965, Paul Poindron es-timait déjà, avec beaucoup denetteté, que « nous nous trouvonsactuellement en présence d'unedispersion anarchique de la do-cumentation où règne un déséqui-libre injustifié et qui comporte deslacunes regrettables ». Par lasuite, de multiples travaux, no-tamment dans le cadre des asso-ciations professionnelles, se sontattachés à préciser le diagnosticet à envisager des remèdes8. Dèsle milieu des années 70 le pro-blème de l'anarchie documenaireest ainsi devenu une préoccupa-

8. Cf. « Quelles bibliothèques pourl'Université ? », colloque tenu à Paris le 1er

et 2 février 1969, Bull. d'inlormation del'ABF, 1969, p. 162; journée d'étude « Les

bibliothèques universitaires et les autresorganismes de documentation au sein del'université », Lyon, 22 février 1975,

colloque de Gif-sur-Yvette, 7 et 8 avril 1975,Bull. Bibl. France, 1975.

tion majeure des services cen-traux du ministère, justifiant lespremières mesures correctives9.

Sans entrer dans le détail desanalyses précitées, on peut mettrel'accent sur deux inconvénientsmajeurs du système actuel. Lepremier, immédiatement percep-tible, est d'établir de fait « l'occul-tation documentaire » d'une partieimportante des ressources docu-mentaires qui existent dans lesuniversités. Ces bibliothèquesparticulières, en effet, ont le plussouvent des collections non signa-lées, difficilement accessibles etindisponibles. Ce cloisonnementinduit un évident gaspillage deressources et exclut toute politi-que documentaire à l'échelle del'université.

Le second, moins visible maisplus fondamental, est d'avoir gé-néré une absurde dichotomiedans la gestion des ressourcesdocumentaires. Ainsi les biblio-thèques universitaires, qui dispo-sent de locaux adaptés et d'unpersonnel spécialisé, ne peu-vent-elles valoriser ces moyensfaute de crédits documentairessuffisants (avec 71 % du person-nel qualifié, dont la quasi-totalitédu personnel scientifique, ellesn'assurent qu'environ 40% desacquisitions de documents). Deleur côté, les bibliothèques d'UER,d'institut ou de laboratoire, sontdans une situation exactement in-verse. Elles acquièrent près de60 % de la documentation mais nepeuvent pleinement valoriser cesressources, faute de personnelqualifié et de locaux appropriés10.

C'est donc trop peu de dire queles deux ensembles coexistent ens'ignorant. Ils sont en réalité l'un etl'autre en situation de déséquili-bre, et par le fait sous-valorisés.Cette situation est d'autant plusregrettable, en termes d'efficacité,que ces déséquilibres sont rigou-reusement symétriques et com-plémentaires. D'un côté on a uneorganisation bien rodée et per-

9. Cf. p. 422 du présent numéro l'article deThérèse BALLY, Avant le décret. Lapolitique documentaire d'université.10. Estimation de 1980, publiée dans lerapport VANDEVOORDE.

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formante mais dépourvue depouvoir d'achat, de l'autre unpouvoir d'achat important maisdépourvu de support organisa-tionnel adéquat...

Vers une gestion unifiée

L'exposé des motifs du décret du4 juillet 1985 souligne, à juste titre,une lacune de la réglementationantérieure. Celle-ci avait en effetcréé un service commun, mais« qui s'occupait seulement d'unepartie des documents », à savoirceux de la bibliothèque universi-taire ou interuniversitaire.Le nouveau dispositif tend, aucontraire, à réunir dans « un sys-tème documentaire unique » lagestion de toutes les ressourcesdocumentaires de l'université (ti-tre I du décret). Ce recentrage surl'université doit ménager, cepen-dant, les acquis et les potentialitésde la coopération interuniversi-taire (titre II).

Promouvoir l'unitéLe nouveau schéma d'organisa-tion fixé par le titre I du décret du4 juillet 1985 s'inspire des proposi-tions contenues dans le rapportétabli en 1980 par une missionmixte d'inspection générale (ad-ministration et bibliothèques). Sapièce maîtresse est la création,dans toutes les universités, d'unservice commun de documenta-tion. L'innovation essentielle con-siste à réunir dans ce servicecommun « toutes les bibliothè-ques et tous les centres de docu-mentation fonctionnant dans l'uni-versité11 ».

Cependant, la structure du SCDlaisse place à une importantediversité interne. Une partie duSCD, appelée à constituer une« bibliothèque de l'université »est entièrement unifiée sous unedirection commune. Mais une au-tre partie, constituée de biblio-thèques « associées », continuerad'être administrée de façon sépa-rée, n'entretenant avec la biblio-thèque de l'université que desrelations de coopération.

11. Inspection générale de l'administration,

Inspection génerale des bibliothèques,Rapport sur les bibliothèques et les centresde docunientation des universités, juin1980.

La promotion de l'unité de gestiondes ressources documentaires estainsi engagée selon un doubleprocessus : d'intégration, par lemoyen de la constitution d'unebibliothèque d'université, et decoopération par le développe-ment de la coordination entrecette dernière et les bibliothèquesassociées.

La voie de l'intégration : l'enjeu dela formation des bibliothèquesd'université

Les bibliothèques d'universitévont être formées par la réunionde bibliothèques antérieurementdistinctes. Elles incorporeront enpremier lieu l'ancienne bibliothè-que universitaire ou, dans le casd'une bibliothèque interuniversi-taire préexistante, une partie decelle-ci. Mais elles pourront éga-lement incorporer, et c'est la nou-veauté significative, certaines bi-bliothèques d'UFR, d'institut ou delaboratoire. Ces dernières, selonla terminologie du décret, de-viendront bibliothèques inté-grées.L'enjeu lié à la formation desbibliothèques d'université estainsi décisif. Dans le cas où au-cune bibliothèque particulièren'est intégrée, la bibliothèque del'université conserve les dimen-sions de l'ancienne bibliothèqueuniversitaire et l'on maintient àl'identique, au sein du SCD, leclivage ancien bibliothèque uni-versitaire/bibliothèques particu-lières. Dans le cas contraire oùtoutes les bibliothèques particu-lières sont intégrées, la formationde la bibliothèque de l'universitéréalise, au contraire, une unifica-tion complète de la gestion detoutes les ressources documentai-res de l'université et l'objectif dela réforme est entièrement réalisé.Le décret laisse à chaque univer-sité le soin de choisir, entre cesdeux limites extrêmes, la solutionqui lui paraîtra opportune. Il n'estdonc pas possible, dès mainte-nant, de préjuger de l'utilisationqu'elles feront de la procédured'intégration. On peut cependantredouter, à l'examen des condi-tions posées pour les intégrations,que celles-ci, en pratique, nesoient guère fréquentes.Sans doute l'intégration est-elletoujours possible : au moment dela création du SCD ou plus tard,dans le cadre de ce dernier. Maissa réalisation apparaît singuliè-rement difficile à opérer. Expres-sion institutionnelle de la politiquedocumentaire de l'université, l'in-

tégration est logiquement déci-dée par son conseil d'administra-tion, après avis du conseil de ladocumentation et sur le rapportdu directeur du SCD. Mais ledécret requiert, au surplus, l'ac-cord du conseil de l'unité dontrelève la bibliothèque. Ce dernierdispose donc, au nom de sesintérêts documentaires particu-liers d'un véritable droit de veto.Ainsi, même dans le cas d'unepolitique documentaire volonta-riste des universités, axée sur leregroupement des bibliothèquesparticulières, l'issue de la procé-dure d'intégration demeurera-t-elle suspendue à l'acquiesce-ment des autorités gestionnairesde ces dernières. Cette disposi-tion risque de favoriser, sinonmême de figer, le statu quo actueldont on a assez souligné les in-convénients. Le premier avant-projet du texte, nettement plusincitatif, se bornait à exiger l'avisdu conseil de l'unité dont relèventles bibliothèques particulières.Moins favorable à la conservationdes situations acquises, cette for-mule était nettement plus adé-quate aux objectifs de la réformeet l'on peut regretter son abandon.Ce regret est d'autant plus vif quele substitut de l'intégration, l'asso-ciation, semble 'n'entraîner quedes conséquences assez réduitespar rapport à la situation actuelle.

La voie de l'association : l'enjeu dela coopération entre les

bibliothèques d'université et lesbibliothèques associées

Les unités documentaires fonc-tionnant dans le cadre des univer-sités, et qui ne seront pas inté-grées, ne demeureront pas pourautant extérieures au SCD. Ledécret prévoit pour elles un statutd'association, permettant d'inclureleur activité dans le cadre de lapolitique documentaire des uni-versités.

L'acquisition de ce statut de « bi-bliothèque associée » s'opère dedeux manières distinctes. Pour lesservices documentaires relevantdes diverses composantes inter-nes de l'université (UFR, instituts,laboratoires, etc.), l'associationprésente un caractère obligatoireet automatique (article 3, 4e alinéadu décret). De ce fait, l'associationne peut pas être refusée et n'amême pas besoin, pour exister,d'être matérialisée par la rédac-tion d'un acte particulier. Il s'agitdonc, en vérité moins d'une asso-ciation au sens juridique du terme(accord librement conclu en vue

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d'une fin déterminée) que d'unesorte d'intégration partielle unila-téralement imposée. En revanche,pour les services documentairesrelevant d'unités ou organismesreliés contractuellement à l'uni-versité, l'entrée dans le servicecommun de documentation estréellement consensuelle. Elle esten effet librement négociée etmatérialisée par la rédaction d'unvéritable contrat.Le décret, s'agissant de l'acquisi-tion du statut d'association, vadonc aussi loin qu'il est possibledans la voie de l'unification. Tou-tes les unités documentaires del'université et certaines unitésextérieures à elle sont désormaisparties prenantes au SCD. Il restecependant à apprécier les consé-quences de cette association.Du point de vue de l'organisation,ces conséquences sont doubles.En premier lieu les bibliothèquesassociées participent à la gestiondes affaires du SCD. Elles sontreprésentées au conseil de ladocumentation où leurs mandantsdisposent des mêmes droits queceux des services documentairesintégrés.En second lieu la bibliothèqueassociée doit satisfaire à certainesobligations liées à son insertiondans le SCD. Selon l'article 8 dudécret, ses personnels « collabo-rent avec le responsable de lasection documentaire, celui-ciétant chargé d'élaborer les direc-tives techniques nécessaires à lamise en oeuvre de la politique del'université ». Cette formulationautorise des pratiques diversi-fiées. « L'obligation » de collabo-ration avec le responsable de lasection documenaire est en effetdes plus imprécises. Elle peutsignifier simplement qu'on cher-chera un accord, ou bien qu'ilconviendra d'en trouver un, dontle contenu minimum n'est ausurplus pas précisé... Quant àla subordination aux directivestechniques elle pose tout à lafois un problème de définition(qu'est-ce qu'une directive tech-nique ?) et de sanction au cas oùces directives ne seraient passuivies (le décret est muet sur cepoint).Du point de vue du fonctionne-ment, la bibliothèque associée estsoumise à deux obligations : d'unepart elle doit, en tant que partieprenante du SCD, mettre ses res-sources à la disposition des« usagers et personnels » de touteuniversité (article 1er), d'autre partelle doit fournir au directeur et auconseil du SCD « toute informa-

tion sur les acquisitions documen-taires et sur les moyens d'accès àl'information financés par le bud-get de l'université » (article 2).Il résulte de cette analyse quel'association n'entame guère l'au-tonomie de la bibliothèque asso-ciée. Celle-ci conserve un budgetdistinct, un personnel propre etune politique documentaire li-brement déterminée. Le réforma-teur a donc opté pour une formuled'association ne produisant, parelle-même, que des conséquen-ces très réduites, laissant à la librenégociation des diverses partiesprenantes le soin de l'enrichir. Cechoix, qui a l'avantage de ména-ger les susceptibilités et de per-mettre des évolutions progressi-ves, comporte également un ris-que : celui de voir la réformes'enliser dans une situation trèsproche du statu quo actuel. Ainsi,s'agissant de l'unification internede la documentation, le décretengage la réforme mais ne laréalise pas. Ce sont les arrange-ments librement conclus au seinde chaque université qui déter-minent son contenu et donc saportée réelle.

Le réaménagement de la

coopération documentaireinteruniversitaireL'unité de gestion des ressourcesdocumentaires n'est pas souhaita-ble uniquement au sein de cha-que université mais également,dans certaines hypothèses, entreplusieurs universités. Le décret aainsi entendu éviter que le recen-trage des services documentairessur les universités n'occulte lesacquis ou les potentialités de lacoopération entre universités.

La préservation des acquis : lesservices communsinteruniversitaires (SICD)succédant aux actuellesbibliothèques interuniversitairesL'article 12 du décret réserve unsort particulier aux formes decoopération destinées à relayerles actuelles bibliothèques inter-universitaires. Celles-ci, on le sait,constituent un service intégré,commun à plusieurs universités.Elles représentent donc uneforme très poussée de mise encommun des ressources docu-mentaires de plusieurs universi-tés. Même si la formule ne donnepas toujours pleinement satisfac-tion, il n'est pas non plus évidentque sa disparition pure et simplepuisse n'entraîner que des effetsbénéfiques. Qu'il s'agisse en effetde rechercher des économies

d'échelle ou de développer descomplémentarités, la dimensioninteruniversitaire est de nature àvaloriser les actions documentai-res conduites au sein de chaqueuniversité.

Le décret, pour ces raisons, exclutla dissolution pure et simple desactuelles bibliothèques interuni-versitaires. Cette précaution ré-sulte du 3e alinéa de l'article 12précité qui rend obligatoire lacréation d'un SICD dès lors quepréexiste, dans le cadre d'univer-sités situées dans la même ag-glomération urbaine, une biblio-thèque interuniversitaire. Ce dis-positif contraignant, on peut lenoter, ne fait que reprendre celuiqu'avait déjà institué le décret du23 décembre 1970 organisant lacréation des actuelles bibliothè-ques interuniversitaires. Cepen-dant, si la création du SICD estimposée, son aménagement estlargement dépendant de la vo-lonté des universités intéressées.Celles-ci pourront ainsi opter pourdes formes de coopération plusou moins développées.

La circulaire du 31 octobre 1985entend néanmoins éviter que leSICD ne puisse devenir une co-quille vide... Elle prescrit, à ceteffet, un minimum de fonctionsobligatoirement dévolues auSICD:- la création de nouvelles unitésdocumentaires intéressant plu-sieurs établissements,- la définition du schéma deréférence en matière d'équipe-ments, de réseaux documentaireset d'utilisation des techniquesnouvelles,- la formation professionnelleinitiale et continue, en coopéra-tion éventuellement avec certai-nes unités des établissementscontractants,- la gestion des moyens techni-ques qu'il paraît utile de regrou-per et de promouvoir,- les catalogues collectifs,

- la conservation et l'éliminationdes documents vieillis.

Au-delà de ce seuil, toutes autresfonctions sont susceptibles d'êtreconfiées au SICD, jusqu'à la limiteextrême que constitue l'intégra-tion totale de toutes les fonctionsdocumentaires des universitéscontractantes.La mise en oeuvre de ce dispositifparaît susceptible de rencontrercertaines difficultés. La créationdu SICD doit résulter, on l'a souli-gné, d'une convention entre les

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universités gérant les actuellesbibliothèques interuniversitaires.Que va-t-il se passer en casd'échec de la négociation entreuniversités ? Pour un an, les ac-tuelles bibliothèques interuniver-sitaires vont subsister en l'état(article 18). Mais au-delà ? Ledécret est muet sur ce point. Onpeut d'ailleurs, de façon connexe,s'interroger sur la légalité del'obligation imposée aux universi-tés de s'associer pour créer unSICD.Le décret du 4 juillet 1985 seréfère en effet explicitement àl'article 44 de la loi sur l'ensei-gnement supérieur relatif à lacréation des services communs.Or cet article fixe la procédure decréation de tels services et nerenvoie à des décrets d'applica-tion que pour « les modalités decréation et de gestion des servi-ces communs ». Il peut donc êtreconstesté qu'un texte régissant lesmodalités de création d'un servicecommun puisse remettre encause le principe, formulé par laloi (article 43), du caractère vo-lontaire et facultatif de la création

de tels services. Quoi qu'il en soit,des difficultés sont à craindrequant à la création des SICD. Parailleurs, la notion de « coopéra-tion minimum » avancée par ledécret et, plus encore, par lacirculaire du 31 octobre, peutégalement faire difficulté. Dans lecas où les universités souhaite-raient descendre au-dessous dece seuil minimum, l'administrationcentrale paraît en effet désarmée,au moins juridiquement, pour lesen empêcher. La procédure decréation du SICD n'exige en effet,préalablement à la conclusion dela convention, qu'un avis simpledu ministre chargé des universi-tés. Ce dernier ne peut donc faireobstacle à une convention quiméconnaîtrait les prescriptions dela circulaire du 31 octobre 1985.L'avant-projet de décret était à cetégard nettement plus rigoureuxpuisqu'il subordonnait l'entrée envigueur de la convention à l'ap-probation du ministre.Les acquis de la coopération ausein des bibliothèques interuni-versitaires ne sont donc peut-êtrepas aussi solidement garantis

qu'on pourrait l'imaginer. Sansdoute les universités seront-ellesincitées dans leur intérêt à valori-ser les avantages de la coopéra-tion, notamment au regard del'économie de moyens qu'elleentraîne (absence de duplicationd'équipes spécialisées, missionscommunes, etc.). Cependanttoute décision en sens inverse nepeut être exclue. La façon dont vase dérouler la mise en place desSICD, dans les prochains mois, vadonc être décisive pour le succèsde la réforme sur ce point.

L'élargissement de la coopérationdocumentaire entreétablissements : les servicescommuns interuniversitaires dedroit commun

Le décret du 4 juillet a prévu uncadre juridique pour l'établisse-ment de nouvelles formes decoopération entre universités. Lesdeux premiers alinéas de l'arti-cle 12 en précisent les caractéris-tiques.La première et la plus importanteréside dans le caractère facultatif

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de cette coopération. La secondeest de paraître réserver cette fa-culté, assez curieusement, auxuniversités ayant leur siège dansune même agglomération (arti-cle 12, alinéa 1). Quant aux uni-versités seules dans leur agglo-mération, elles ne peuvent créerentre elles un SICD mais seule-ment participer au SICD d'uneagglomération comportant plu-sieurs universités. Cette restric-tion semble répondre au souci decentrer la coopération sur desétablissements importants. La por-tée pratique de ce dispositif nousparaît devoir rester modeste, aumoins dans l'immédiat. Il n'est eneffet que la reprise de disposi-tions similaires prévues par ledécret du 23 décembre 1970, les-quelles, à notre connaissancen'ont jamais été utilisées...

Il apparaît ainsi que, tant en ce quiconcerne l'unification interne desservices de documentation desuniversités qu'en ce qui concerneleur coopération, le décret du4 juillet 1985 n'a innové qu'avecbeaucoup de prudence. Il n'a, parlui-même, créé qu'assez peud'obligations nouvelles et même,s'agissant de la coopération, il arendu possible l'allègement decontraintes antérieures. En revan-che, il a mis en place des méca-nismes qui, sur la base du volon-tariat, autorisent la coopération oumême l'intégration d'unités fonc-tionnant actuellement de façonautonome et isolée. Le sort de laréforme, en ce qu'elle vise à laréunification de la gestion desressources documentaires, estainsi placé entre les mains desuniversités. Ces dernières dispo-sent au surplus, c'est le secondvolet des innovations introduitespar le décret du 4 juillet 1985, demoyens accrus pour bâtir unepolitique documentaire.

DONNER AUX UNIVERSITÉSLA MAÎTRISE DE LA POLITIQUEDOCUMENTAIRE

Le décret du 4 juillet 1985 réformeprofondément la gestion des res-sources documentaires des uni-versités. Ces dernières, paradoxa-lement, étaient très peu impli-quées dans cette gestion. Lesbibliothèques particulières exis-tant en leur sein étaient en effetgérées directement par les auto-rités des sous-ensembles auprèsdesquels elles fonctionnaient : la-boratoires, instituts, UER, etc.Quant aux bibliothèques universi-taires et interuniversitaires, ainsi

que le souligne l'exposé desmotifs du décret, elles dépen-daient « beaucoup plus de l'ad-ministration centrale (servicesdes bibliothèques) que desautorités responsables » de l'uni-versité. Le nouveau dispositif, aucontraire, confère aux universitésla responsabilité principale de lagestion de leur documentation.

Une implication limitée

L'insignifiance du rôle joué parles universités dans la gestion deleurs services documentaires ap-paraît d'abord comme un héritagehistorique. Au moment où furentcréées les bibliothèques universi-taires, c'est en effet délibérémentque les instances universitairesfurent écartées de la gestion deleur documentation. Il en est ré-sulté une tradition que la réformede 1970 n'a pas suffi à renverser.

La mise à l'écart des originesOn pourrait estimer en paraphra-sant une formule célèbre que,pour les initiateurs des bibliothè-ques universitaires, « la documen-tation était une chose trop sé-rieuse pour être confiée aux uni-versitaires ». C'est en effet lacrainte d'une gestion erratique dela documentation par les instan-ces universitaires qui les a con-duits à adopter une formule degestion directe par l'autorité cen-trale des bibliothèques universi-taires.En vérité, cette défiance des ori-gines visait moins les universitai-res que le particularisme desdiverses facultés. Celles-ci, jus-qu'en 1968, ont constitué l'élémentde base du système universitaire.Le risque était donc réel, en con-fiant la responsabilité de la docu-mentation aux instances universi-taires, d'aboutir à un systèmedocumentaire éclaté dans lequelchaque faculté aurait créé et dé-veloppé sa propre bibliothèque.C'est pourquoi, dans la logique deleur projet d'une bibliothèquecommune à toute l'université, lesautorités ministérielles ont optépour une gestion centralisée. El-les ont ainsi placé la bibliothèqueuniversitaire sous la responsabi-lité directe du recteur. Ce prin-cipe est affirmé de la façon la plusnette par l'arrêté du 23 août 1879,signé Jules Ferry, qui énonce dansson article 1er que « les bibliothè-ques universitaires ou bibliothè-ques de faculté sont placées sousl'autorité du Recteur ».

Sur ces bases l'administration desbibliothèques universitaires vaêtre organisée de façon étroite-ment centralisée : personnelnommé et géré par les servicesdu ministère; responsabilité del'organisation du fonctionnementet du financement des servicesassurée directement par l'admi-nistration centrale.

Quant aux autorités universitaires,elles ne sont associées à la mar-che des services documentairesque de façon assez formelle :- le Conseil de l'Université pro-

posait le règlement de la biblio-thèque (circulaire du 31 décem-bre 1885) et son budget (circu-laire du 20 novembre 1886). Cetteseconde attribution, en pratique,laissait très peu de place à soninitiative puisque l'essentiel desressources de la bibliothèqueuniversitaire échappait à son em-prise (droit de bibliothèque etsubvention du ministre);- la commission de la bibliothè-

que, associant le bibliothécaire etdes enseignants, avait en théorieun rôle important puisque la circu-laire du 20 novembre 1886 luireconnaissait « la direction scien-tifique de l'établissement ». Dansles faits elle n'a jamais joué qu'unrôle consultatif, au demeurant,res-treint, en matière d'acquisitions(formule officialisée par l'arrêtédu 1er août 1962).Les bibliothèques universitaires,traditionnellement, ont donc étéorganisées non comme des servi-ces des universités, mais commedes services de l'État dans lesuniversités. Cette conception n'acommencé à s'infléchir qu'aprèsla réforme universitaire de 1968.

La mise à l'écart perpétuéeLa loi d'orientation de l'enseigne-ment supérieur du 12 novem-bre 1968 a entraîné, par contre-coup, une réforme des bibliothè-ques universitaires. Un aspect im-portant de cette réforme a été derechercher une meilleure intégra-tion des bibliothèques (universi-taires ou interuniversitaires) dansl'institution universitaire. Troisdispositions des décrets du23 décembre 1970 et du 10 fé-vrier 1972 (bibliothèques desacadémies de Paris, Créteil etVersailles) traduisent cette orien-tation.En premier lieu est créé un « con-seil de la bibliothèque » qui rem-place l'ancienne « commission dela bibliothèque ». Sa représentati-vité est améliorée (le personneldes bibliothèques et les étudiants

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y sont représentés...) et ses com-pétences étendues. Il propose lebudget de la bibliothèque et « seprononce sur les règles de fonc-tionnement de la bibliothèque ».Cette dernière formule, ambiguë,a été interprétée par la circulairedu 29 avril 1974 comme lui confé-rant un véritable pouvoir de déci-sion en certains domaines : horai-res d'ouverture, conditions d'ac-cès offertes à certaines catégoriesde lecteurs, régime du prêt et dela communication...

En second lieu, les universitésacquièrent, en principe, la maî-trise budgétaire des bibliothè-ques universitaires ou interuni-versitaires. Le budget de cesdernières est en effet adopté parle conseil de l'université. En troi-sième lieu, enfin, les instancesuniversitaires acquièrent un droitde regard accru dans le fonction-nement de la bibliothèque univer-sitaire : elles émettent un avis surla nomination de son directeur, luidélèguent la gestion de l'établis-sement et le conseillent dans lesachats par l'intermédiaire descommissions consultatives spécia-lisées.Ces innovations, cependant, n'ontpas suffi à infléchir profondémentle mode de gestion des bibliothè-ques universitaires. L'administra-tion centrale, en effet, y a con-servé les principaux leviers dedécision que sont la direction et lagestion du personnel ainsi que lamaîtrise de leurs ressources fi-nancières. Au surplus, et c'estsans doute l'essentiel, la réformede 1970 n'a pas réellement affectéla ligne hiérarchique d'exercicede l'autorité. Les directeurs debibliothèque et, par leur intermé-diaire l'ensemble du personnel,ont continué de relever de l'auto-rité centrale, cependant que lesautorités universitaires demeu-raient démunies de l'essentiel desprérogatives hiérarchiques à leurendroit. Le décret du 4 juil-let 1985, prenant acte de l'ensem-ble de ces limites, se proposed'accroître sensiblement le rôledes instances universitaires.

Maîtriser la politique

documentaire

L'acquisition par les universitésde la maîtrise de leur activitédocumentaire passait nécessaire-ment par le renforcement de leurrôle à un triple point de vue :organisationnel, financier et fonc-tionnel.

Responsabilitésdans l'organisationLe décret du 4 juillet 1985 attribueaux autorités universitaires descompétences étendues pour con-cevoir et fixer elles-mêmes l'archi-tecture organisationnelle de leursservices de documentation. L'arti-cle 1er du décret réserve en effetau conseil d'administration le soinde créer le service commun dedocumentation.Cette compétence entraîne, logi-quement, celle d'en fixer le statut(article 1er de l'arrêté du 4 juillet).L'élargissement de compétenceapparaît à un double point de vue.En premier lieu la compétenceuniversitaire pour créer le servicecommun de documentation estdésormais exclusive alors que,sous l'empire des textes anté-rieurs, elle était partagée (lesuniversités étaient compétentespour élaborer les statuts des bi-bliothèques universitaires et inter-universitaires, mais ces statutsdevaient être approuvés par leministre chargé des universités).En second lieu cette compétenceest élargie. Elle ne portait, anté-rieurement que sur une partie desservices documentaires (les an-ciennes bibliothèques universitai-res) alors que le nouveau texteleur permet de statuer sur l'en-semble des services documentai-res et notamment sur les biblio-thèques particulières d'UER, d'ins-titut ou de laboratoire. Ainsi laconception d'ensemble du sys-tème de documentation des uni-versités relève-t-elle désormaisdes autorités universitaires.Diverses limitations encadrentcependant la liberté d'action desuniversités. L'une est relative à lacréation des sections documentai-res. Ces dernières sont appeléesà jouer un rôle central dans lamise en oeuvre de la politiquedocumentaire des universités.Constituées par disciplines ougroupes de disciplines, les sec-tions vont en effet constituer lesservices opérationnels du servicecommun de documentation, char-gés d'acquérir, de gérer et decommuniquer les différents sup-

ports de documentation acquispar les universités.Pour des raisons aussi bien tech-niques (éviter de descendreau-dessous d'une certaine taillecritique) que scientifiques (main-tenir une certaine interdisciplina-rité) le décret opte pour un nom-bre très restreint de sections do-cumentaires. L'article 4 du décretprécise cette option en indiquantque les sections documentairesseront « en nombre limité ».Aussi, pour éviter tout dérapage,un droit de regard est conservépar le ministère sur la créationdes sections documentaires.Celle-ci devra être soumise àl'approbation préalable du minis-tre chargé des universités.Une autre limitation, déjà évo-quée, se rapporte à la répartitiondes services entre la composanteintégrée du service commun dedocumentation et les bibliothè-ques associées. Le conseil d'ad-ministration de l'université nepourra ni intégrer des bibliothè-ques particulières contre le voeude leurs actuels gestionnaires niconférer le statut de bibliothèqueassociée à des services actuelle-ment compris dans une bibliothè-que universitaire ou interuniversi-taire (article 3).

Responsabilitésdans le financementUn budget, on le sait, constitue latraduction financière d'une politi-que. Il aurait été vain de confieraux universités la responsabilitéde leur politique documentairesans leur attribuer, en mêmetemps, la capacité financière de laconduire. Le décret du 4 juillet1985 s'inscrit, à cet égard, dans laperspective d'une évolution déjàlargement amorcée d'accroisse-ment du rôle des universités dansle financement de leurs servicesdocumentaires.En ce qui concerne la détermina-tion du niveau des ressourcesaffectées à la documentation, cerôle s'est borné, pendant long-temps, au vote d'une subvention.Celle-ci, cependant, ne constituaitla plupart du temps qu'un apportsecondaire de financement12. Une

12. Citons, à titre de contre-exemple

significatif, le cas de la bibliothèqueuniversitaire de Compiègne (en 1985 la partde l'Université représente près de 25 % desrecettes).

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extension importante de leur res-ponsabilité a résulté de la réformedu droit de bibliothèque. Depuis1982 (année universitaire 82-83),les arrêtés relatifs au montant dudroit de scolarité dans les univer-sités indiquent que la part de cedroit revenant à la bibliothèqueuniversitaire ou interuniversitaireest déterminée librement par leconseil de l'établissement à laseule condition de respecter uncertain plancher (égal en prati-que à 16 % du droit de scolarité).Le décret du 4 juillet va encoreaccroître leur marge de manoeu-vre en réformant la procédured'attribution de la subvention mi-nistérielle. Celle-ci ne sera plusattribuée unilatéralement parl'administration centrale mais né-gociée avec l'université dans lecadre d'une procédure contrac-tuelle globale, incluant l'ensem-ble des activités universitaires.En ce qui concerne l'affectationde ces ressources, la procédurenouvelle ne diffère pas sensible-ment de l'ancienne. Le budget estpréparé par le directeur du ser-vice commun de documentation,soumis pour avis au conseil de ladocumentation et adopté par leconseil d'administration. Le con-texte dans lequel se déroule cetteprocédure est cependant trèsdifférent. L'action sur les recettes,autrefois quasi inexistante, va de-venir un temps fort de la procé-dure d'élaboration budgétaire,impliquant étroitement les autori-tés universitaires.

L'exécution du budget, enfin,marque une extension du rôle desinstances universitaires. Dans ledispositif issu du décret du 23 dé-cembre 1970 le directeur de labibliothèque universitaire ou de labibliothèque interuniversitaireétait de droit l'ordonnateur secon-daire du budget propre de labibliothèque (article 5). Cetteformule rendait superflue touteinvestiture par une autorité uni-versitaire et, corrélativement, ex-cluait tout contrôle de sa part. Lenouveau dispositif institué par ledécret du 4 juillet 1985 modifiecette situation. Le directeur duservice commun de documenta-tion demeure l'ordonnateur se-condaire du budget documentairemais il acquiert cette fonction pardésignation du président de l'uni-versité (article 10). Le terme« désignation », repris du décretdu 22 janvier 1985 relatif au bud-get et au régime financier desEPSCP paraît signifier la possibi-lité, pour le président de l'univer-sité, d'accorder la qualité d'or-

donnateur secondaire soit par unedélégation de pouvoir, soit parune simple délégation de signa-ture. L'attribution de cette déléga-tion est appelée en pratique àrevêtir un caractère systématique.Il y aurait en effet contradiction àce que le directeur du SCDnommé sur un avis favorable duprésident ne reçoive pas de cedernier tous les moyens requispour assumer pleinement sa mis-sion.

Responsabilitésdans le fonctionnementSi l'ancienne structure bibliothè-que universitaire a pu apparaître,jusqu'à aujourd'hui, comme unservice de l'État dans l'université,il est clair que l'option du décretdu 4 juillet 1985 est d'en faire unservice de l'université. Le servicede documentation devient ainsi,ce que n'ont jamais été les biblio-thèques universitaires ou interu-niversitaires, un service réelle-ment intégré dans l'institution uni-versitaire.Le fonctionnement du servicecommun de documentation estclairement placé sous l'autorité duprésident de l'université (arti-cle 2). Le directeur du servicecommun de la documentation, parvoie de conséquence est lui aussi« placé sous l'autorité directe » duprésident de l'université. Il exerceses fonctions par délégation (di-rection du personnel affecté auservice commun de la documen-tation, répartition de ce personnelentre les sections documentaireset gestion du service).Afin de renforcer cette intégrationà l'institution universitaire, sa dé-signation est désormais condi-tionnée par un avis favorable duprésident de l'université (arti-cle 9)13, procédure qui n'est passans analogie avec la procédured'affectation des personnels en-seignants de l'université (le dé-cret de 1970 exigeait égalementun avis de l'université, mais iln'était pas nécessaire que cet avissoit favorable...). Dans le mêmeesprit, la responsabilité des sec-tions documentaires est égale-

13. Notons cependant que dans le cas d'un

SICD, un avis simple, et donc pasnécessairement favorable, est suffisant.

ment conférée par le président del'université (article 11). Enfinl'obligation faite au directeur duservice commun de la documen-tation de présenter chaque annéeau conseil d'administration unrapport sur la politique documen-taire de l'université (article 10)confirme l'inclusion désormaiscomplète du service commun dela documentation dans la structureinstitutionnelle de l'université.

L'activité du service commun dela documentation, par ailleurs, serelie étroitement à celle de l'uni-versité. Le conseil de la documen-tation, qui succède à l'ancien con-seil de la bibliothèque, remplitcomme lui une double fonction dereprésentation et d'orientation. Parsa composition il reflète la diver-sité des catégories de personnesintéressées à la bonne marchedes services documentaires : per-sonnel des bibliothèques, ensei-gnants, chercheurs, étudiants...L'arrêté du 4 juillet n'apportepas de bouleversement sensiblequant à l'équilibre de représenta-tion entre ces diverses catégories.Il innove cependant en remettantau président de l'université laprésidence de droit du conseil dela documentation et en y assurantla représentation du personneldes bibliothèques associées. Parses attributions, le conseil exerceune fonction d'orientation géné-rale de l'activité du service com-mun de la documentation. À ceteffet il exerce un pouvoir deproposition très étendu portantnotamment sur l'organisation etle fonctionnement du service,l'orientation de la politique docu-mentaire, le budget, la coopéra-tion, tant interne avec les biblio-thèques associées qu'externeavec d'autres organismes docu-mentaires ou autres (l'arrêté du4 juillet mentionne la région).

Il lui appartient également de seprononcer sur la constitution descommissions scientifiques consul-tatives. Ces dernières, commeantérieurement, sont constituéespar disciplines et ont pour missionla préparation des acquisitions.L'article 4 de l'arrêté les investitd'une fonction nouvelle, à savoirl'évaluation de la mise en oeuvredes politiques d'acquisition qu'el-les ont contribué à définir.

La participation qu'autorise leconseil de la documentation et lescommissions consultatives spécia-lisées présente l'avantage d'êtreorganisée et régulière. Son incon-vénient est d'être discontinue,assez lourde à mettre en oeuvre etexposée à un certain formalisme.

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Une innovation intéressante dudécret est d'avoir complété cetteparticipation institutionnelle par lamise en place d'interlocuteurs duservice commun de la documen-tation. Désignés par chaque con-seil d'UFR, d'école ou d'institut,ces correspondants documentai-res sont appelés à assurer uneliaison permanente et, par saforme, personnalisée, entre lesdivers pôles de l'activité universi-taire et le service commun de ladocumentation. L'article 1er de l'ar-rêté du 4 juillet précise leur si-tuation au regard du conseil de ladocumentation. D'une part ilspeuvent être désignés à ceconseil comme représentants desenseignants, chercheurs, ou en-seignants-chercheurs ; d'autrepart, si cette éventualité ne seréalise pas, ils peuvent participer,avec voix consultative, aux déli-bérations du conseil.La circulaire du 31 octobre indi-que cependant que leur missionprincipale intéressera les acquisi-tions. L'interlocuteur sera ainsiassocié à l'élaboration de la poli-tique d'acquisition des sections etjouera normalement, du fait de sasituation de délégué d'UFR, delaboratoire, d'institut, un rôle im-portant dans la coordination decette politique avec celle desbibliothèques associées.

Vers une politique

de la demande

On a tenté, dans les développe-ments qui précèdent, de mettrel'accent sur les principales orien-tations ou innovations de la ré-forme. Il nous apparaît, en défini-tive, que la portée de celle-cin'est pas identique quant auxdeux objectifs principaux qu'ellepoursuit.

S'agissant de l'unification de lagestion des ressources documen-taires, tant à l'intérieur de chaqueuniversité que par le développe-ment de la coopération interuni-versitaire, le décret n'apporte, parlui-même, que des progrès limi-tés. La voie choisie étant celle del'incitation, il reviendra aux auto-rités universitaires, dans la phasede mise en oeuvre de la réforme,de décider elles-mêmes jusqu'àquel point elles accepteront des'engager pour gérer de façonplus rationnelle et mieux coor-donnée leurs ressources docu-mentaires.

S'agissant de l'intégration des ser-vices documentaires dans l'uni-versité, le nouveau texte réaliseau contraire une mutation consi-dérable et sans précédent dumode de gestion des ressourcesdocumentaires des universités.Traditionnellement centralisé etséparé de l'administration desuniversités, il est désormais dé-centralisé et intégré à cette der-nière.

Au-delà de ces innovations juridi-ques et institutionnelles, cette ré-forme s'inscrit dans un processusplus vaste de transformation desinstitutions documentaires. Lesbibliothèques scientifiques sesont constituées, peut-on dire,dans la logique d'une bibliothé-conomie de l'offre. À une époqueoù les supports d'informationétaient peu variés, leur produc-tion limitée et leur mode de com-munication standardisé, la fonc-tion majeure de la bibliothèqueétait et ne pouvait être que derechercher l'excellence dans lacomposition de leur fonds docu-mentaire (qualité et exhaustivitédes collections). La mission dubibliothécaire était de constituerles meilleures collections possi-bles d'où découlait, pour le lec-

teur, le meilleur service. On peutse demander si cette logique n'estpas devenue complètement pé-rimée dans le contexte contempo-rain. La diversification des sup-ports d'information, l'immensité dela production documentaire ex-cluent en effet toute réduction del'institution documentaire à sonfonds. L'excellence des collec-tions ne peut plus concerner quecertains secteurs de la connais-sance et ne rencontre pas néces-sairement les attentes du lecteur,lui aussi porteur d'une demandede plus en plus spécifiée et diver-sifiée. Par ailleurs le « docu-ment » n'est plus le seul supportd'information et le mode d'accèsà l'information (commodité, conti-nuité, proximité) devient unecomposante décisive de la de-mande documentaire. La conju-gaison de ces facteurs conduit àenvisager une bibliothéconomiedésormais fondée sur la de-mande. La fonction majeure de labibliothèque s'identifie alors à laconduite « d'une politique docu-mentaire » consistant à optimiserde multiples arbitrages: entrepublics ayant des besoins dis-tincts, entre des supports d'infor-mation ayant des coûts et descaractéristiques différents, entredes conditions d'accessibilité el-les aussi variables selon la naturedes besoins à satisfaire. Cettebibliothéconomie de la demandesuppose, pour réussir, la collected'une information poussée sur lesattentes des usagers et une éva-luation permanente des actionsentreprises. Le décret du 4 juillet1985, au-delà de l'intégration àl'université, crée les conditionsd'une meilleure communicationavec les usagers. Son incidencedécisive pourrait être, grâce à celevier, d'accélérer le recentragesur la demande du système dedocumentation des universités.