revues pi rite 68

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    REVUE SPIRITEJOURNAL

    D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES

    CONTENANT

    Le rcit des manifestations matrielles ou intelligentes des Esprits, apparitions,vocations, etc., ainsi que toutes les nouvelles relatives au Spiritisme. -L'enseignement des Esprits sur les choses du monde visible et du monde invisible ;sur les sciences, la morale, l'immortalit de l'me, la nature de l'homme et son avenir.- L'histoire du Spiritisme dans l'antiquit ; ses rapports avec le magntisme et lesomnambulisme ; l'explication des lgendes et croyances populaires, de la

    mythologie de tous les peuples, etc.

    FONDE PAR ALLAN KARDEC

    Tout effet a une cause. Tout effet intelligent a une cause intelligente.La puissance de la cause intelligente est en raison de la grandeur de l'effet.

    ANNEE 1868

    - I -

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    Janvier 1868

    Coup d'il rtrospectif

    L'anne 1867 avait t annonce comme devant tre particulirement profitable au Spiritisme, etcette prvision s'est pleinement ralise. Elle a vu paratre plusieurs ouvrages qui, sans en porter lenom, en popularisent les principes, et parmi lesquels nous rappellerons Mirette, de M. Sauvage ; LeRoman de l'avenir, de M. Bonnemre ; Dieu dans la nature, par M. Camille Flammarion. La Raisondu Spiritisme, par M. le juge d'instruction Bonnamy, est un vnement dans les annales de ladoctrine, parce que le drapeau y est hautement et courageusement arbor par un homme dont lenom, justement estim et considr, est une autorit, en mme temps que son uvre est une

    protestation contre les pithtes dont la critique gratifie gnralement les adeptes de l'ide. LesSpirites ont tous apprci ce livre comme il le mrite, et ils en ont compris la porte. C'est une

    rponse premptoire certaines attaques ; aussi pensons-nous qu'ils considreront comme un devoirde le propager dans l'intrt de la doctrine.L'anne n'aurait-elle eu que ces rsultats, il faudrait s'en fliciter ; mais elle en a produit de pluseffectifs. Le nombre des socits ou groupes officiellement connus n'a pas, il est vrai, sensiblementaugment ; il a mme plutt diminu par suite des intrigues l'aide desquelles on a cherch lesminer, en y introduisant des lments de dissolution ; mais, en revanche, le nombre des runions

    particulires ou de famille s'est accru dans une trs grande proportion.Il est en outre notoire pour tout le monde, et de l'aveu mme de nos adversaires, que les idesspirites ont considrablement gagn du terrain, ainsi que le constate l'auteur de l'ouvrage dont nousrendons compte ci-aprs. Elles s'infiltrent par une multitude d'issues ; tout y concourt ; les chosesqui, au premier abord, y paraissent le plus trangres, sont des moyens l'aide desquels ces ides sefont jour. C'est que le Spiritisme touche un si grand nombre de questions qu'il est bien difficiled'aborder quoi que ce soit sans en voir surgir une pense spirite, de telle sorte que, mme dans lesmilieux rfractaires, ces ides closent sous une forme ou sous une autre, comme ces plantes auxcouleurs varies qui poussent travers les pierres. Et comme dans ces milieux on rejettegnralement le Spiritisme par esprit de prvention, sans savoir ce qu'il dit, il n'est pas surprenantque, lorsque des penses spirites y paraissent, on ne les reconnaisse pas, et alors on les acclame

    parce qu'on les trouve bonnes, sans se douter que c'est du Spiritisme.La littrature contemporaine, petite ou grande, srieuse ou lgre, sme ces ides profusion ; elleen est maille, et il n'y manque absolument que le nom. Si l'on runissait toutes les penses spiritesqui courent le monde, on constituerait le Spiritisme complet. Or c'est l un fait considrable, et l'un

    des plus caractristiques de l'anne qui vient de s'couler. Il prouve que chacun en possde par devers soi quelques lments l'tat d'intuition, et qu'entre ses antagonistes et lui, il n'y a le plussouvent qu'une question de mot. Ceux qui le repoussent en parfaite connaissance de cause sont ceuxqui ont intrt le combattre.Mais alors, comment arriver le faire connatre pour triompher de ces prventions ? Ceci estl'uvre du temps. Il faut que les circonstances y amnent naturellement, et l'on peut compter pourcela sur les Esprits qui savent les faire natre en temps opportun. Ces circonstances sont

    particulires ou gnrales ; les premires agissent sur les individus et les autres sur les masses. Lesdernires, par leur retentissement, font l'effet des mines qui, chaque explosion, enlvent quelquesfragments du rocher.Que chaque Spirite travaille de son ct sans se dcourager par le peu d'importance du rsultat

    obtenu individuellement, et songe qu' force d'accumuler des grains de sable on forme unemontagne.

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    Parmi les faits matriels qui ont signal cette anne, les gurisons du zouave Jacob tiennent lepremier rang ; elles ont eu un retentissement que tout le monde connat ; et, bien que le Spiritismen'y ait figur qu'incidemment, l'attention gnrale n'en a pas moins t vivement appele sur un

    phnomne des plus graves et qui s'y rattache d'une manire directe. Ces faits, se produisant dansdes conditions vulgaires, sans appareil mystique, non par un seul individu mais par plusieurs, ont,

    par cela mme, perdu le caractre miraculeux qu'on leur avait attribu jusqu'alors ; ils sont rentrs,

    comme tant d'autres, dans le domaine des phnomnes naturels. Parmi ceux qui les rejetaientcomme miracles, beaucoup sont devenus moins absolus dans la ngation du fait, et en ont admis lapossibilit comme rsultat d'une loi de nature inconnue ; c'tait un premier pas dans une voiefconde en consquences, et plus d'un sceptique a t branl. Certes, tout le monde n'a pas tconvaincu, mais cela a fait beaucoup parler ; il en est rsult chez un grand nombre une impression

    profonde qui a fait rflchir plus qu'on ne le croit ; ce sont des semences qui, si elles ne donnent pasune abondante moisson immdiate, ne sont pas perdues pour l'avenir.M. Jacob se tient toujours l'cart d'une manire absolue ; nous ignorons les motifs de sonabstention et s'il doit ou non reprendre le cours de ses sances. S'il y a intermittence dans sa facult,comme cela arrive souvent en pareil cas, ce serait une preuve qu'elle ne tient pas exclusivement sa

    personne, et qu'en dehors de l'individu il y a quelque chose, une volont indpendante.

    Mais, dira-t-on, pourquoi cette suspension, ds l'instant que la production de ces phnomnes taitun avantage pour la doctrine ? Les choses ayant t conduites jusqu'ici avec une sagesse qui ne s'est

    pas dmentie, il faut supposer que ceux qui dirigent le mouvement ont jug l'effet suffisant pour lemoment, et qu'il tait utile de mettre un temps d'arrt l'effervescence ; mais l'ide a t lance, etl'on peut tre certain qu'elle ne restera pas l'tat de lettre morte.En somme, comme on le voit, l'anne a t bonne pour le Spiritisme ; ses phalanges se sontrecrutes d'hommes srieux dont l'opinion est tenue pour quelque chose dans un certain monde.

    Notre correspondance nous signale de presque partout un mouvement gnral de l'opinion vers cesides, et, chose bizarre dans ce sicle positif, celles qui gagnent le plus de terrain sont les ides

    philosophiques, bien plus que les faits matriels de manifestation que beaucoup de gens s'obstinentencore rejeter. En sorte que, vis--vis du plus grand nombre, le meilleur moyen de faire du

    proslytisme, c'est de commencer par la philosophie, et cela se comprend. Les ides fondamentalestant latentes chez la plupart, il suffit de les rveiller ; on les comprend parce qu'on en possde lesgermes en soi, tandis que les faits, pour tre accepts et compris, demandent une tude et desobservations que beaucoup ne veulent pas se donner la peine de faire.Puis le charlatanisme, qui s'est empar des faits pour les exploiter son profit, les a discrdits dansl'opinion de certaines gens en donnant prise la critique ; il n'en pouvait tre ainsi de la philosophiequ'il n'tait pas aussi facile de contrefaire, et qui, d'ailleurs, n'est pas matire exploitable.Le charlatanisme, par sa nature, est remuant et intrigant, sans cela il ne serait pas charlatanisme. Lacritique, qui se soucie gnralement peu d'aller au fond du puits chercher la vrit, a vu lecharlatanisme en parade, et s'est efforce d'y attacher l'tiquette du Spiritisme ; de l, contre ce mot,

    une prvention qui s'efface mesure que le Spiritisme vrai est mieux connu, car il n'est personne,qui l'ayant tudi srieusement, le confonde avec le Spiritisme grotesque de fantaisie, quel'insouciance ou la malveillance cherchent y substituer. C'est une raction en ce sens qui s'estmanifeste en ces derniers temps.Les principes qui s'accrditent avec le plus de facilit, sont ceux de la pluralit des mondes habitset de la pluralit des existences, ou rincarnation ; le premier peut tre considr comme admis sanscontestation par la science et par l'assentiment unanime, mme dans le camp matrialiste ; le secondest l'tat d'intuition chez une foule d'individus en qui c'est une croyance inne ; il trouve denombreuses sympathies, comme principe rationnel de philosophie, en dehors mme du Spiritisme.C'est une ide qui sourit beaucoup d'incrdules, parce qu'ils y trouvent immdiatement la solutiondes difficults qui les avaient pousss au doute. Aussi cette croyance tend-elle de plus en plus se

    vulgariser. Mais pour quiconque rflchit, ces deux principes ont des consquences forces qui

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    aboutissent en ligne directe au Spiritisme. On peut donc regarder le progrs de ces ides comme unpremier pas vers la doctrine, puisqu'elles en sont parties intgrantes.La presse, qui subit sans doute son insu l'influence de la diffusion des ides spirites, parce quecelles-ci pntrent jusque dans son sein, s'abstient en gnral, sinon par sympathie, du moins par

    prudence ; il n'est presque plus de bon got de parler des Davenport. On dirait mme qu'elle affected'viter d'aborder la question du Spiritisme ; si, de temps autre, elle lance quelques pointes contre

    ses adhrents, ce sont comme les dernires fuses perdues d'un bouquet d'artifice ; mais il n'y a plusce feu roulant d'invectives qu'on entendait il y a deux ans peine. Bien qu'elle ait fait presque autantde bruit de M. Jacob que des Davenport, son langage a t tout autre, et il est remarquer, que, danssa polmique, le nom du Spiritisme n'a figur que trs accessoirement.Dans l'examen de la situation, il ne faut pas seulement considrer les grands mouvementsostensibles, mais il faut surtout tenir compte de l'tat intime de l'opinion et des causes qui peuventl'influencer. Ainsi que nous l'avons dit ailleurs, si l'on observe attentivement ce qui se passe dans lemonde, on reconnatra qu'une foule de faits, en apparence trangers au Spiritisme, semblent venirexprs pour en frayer les voies. C'est dans l'ensemble des circonstances qu'il faut chercher lesvritables signes du progrs. A ce point de vue, la situation est donc aussi satisfaisante qu'on peut ledsirer. En faut-il conclure que l'opposition est dsarme, et que les choses vont dsormais marcher

    sans encombre ? Gardons-nous de le croire et de nous endormir dans une scurit trompeuse.L'avenir du Spiritisme est assur sans contredit, et il faudrait tre aveugle pour en douter ; mais ses

    plus mauvais jours ne sont point passs ; il n'a pas encore reu le baptme qui consacre toutes lesgrandes ides. Les Esprits sont unanimes pour nous pressentir contre une lutte invitable, maisncessaire, afin de prouver son invulnrabilit et sa puissance ; il en sortira plus grand et plus fort ;c'est alors seulement qu'il conquerra sa place dans le monde, car ceux qui auront voulu le renverserauront prpar son triomphe. Que les Spirites sincres et dvous se fortifient par l'union et seconfondent dans une sainte communion de penses. Souvenons-nous de la parabole des dix vierges,et veillons pour n'tre pas pris au dpourvu.

    Nous profitons de cette circonstance pour exprimer toute notre gratitude ceux de nos frresspirites qui, comme les annes prcdentes, l'occasion du renouvellement des abonnements laRevue, nous donnent de nouveaux tmoignages de leur affectueuse sympathie ; nous sommesheureux des gages qu'ils nous donnent de leur dvouement la cause sacre que nous dfendonstous, et qui est celle de l'humanit et du progrs. A ceux qui nous disent : courage ! nous dirons quenous ne reculerons jamais devant aucune des ncessits de notre position, quelque dures qu'ellessoient. Qu'ils comptent sur nous comme nous comptons, au jour de la victoire, trouver en eux dessoldats de la veille, et non des soldats du lendemain.

    Le Spiritisme devant l'histoire et devant l'glise, son origine, sa nature, sa certitude, ses

    dangerspar l'abb Poussin, professeur au Sminaire de Nice

    Cet ouvrage est une rfutation du Spiritisme au point de vue religieux ; c'est, sans contredit, une des plus compltes et des mieux faites que nous connaissions. Elle est crite avec modration etconvenance, et ne se salit point par les pithtes grossires auxquelles nous ont habitus la plupartdes controversistes du mme parti ; l, point de dclamations furibondes, point de personnalitsoutrageantes ; c'est le principe mme qui est discut. On peut ne pas tre de l'avis de l'auteur,trouver que les conclusions qu'il tire de ses prmisses sont d'une logique contestable ; dire qu'aprsavoir dmontr, par exemple, pices en main, que le soleil luit midi, il a tort de conclure qu'il doitfaire nuit, mais on ne lui reprochera pas le dfaut d'urbanit dans la forme.

    La premire partie de l'ouvrage est consacre l'historique du Spiritisme dans l'antiquit et aumoyen ge ; cette partie est riche en documents tirs des auteurs sacrs et profanes, qui attestent de

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    M. Poussin, s'appuyant pour combattre le Spiritisme sur l'autorit de ceux qui repoussent jusqu'auprincipe spirituel, serait-il de ceux qui prtendent que l'incrdulit absolue est prfrable la foiacquise par le Spiritisme ?

    Nous citons intgralement la prface du livre de M. Poussin, que nous ferons suivre de quelquesrflexions : Le Spiritisme, il faut bien le reconnatre, enveloppe comme dans un immense rseau la socit

    tout entire, et par ses prophtes, par ses oracles, par ses livres et par son journalisme, s'efforce deminer sourdement l'Eglise catholique. S'il nous a rendu le service de renverser les thoriesmatrialistes du dix-huitime sicle, il nous donne en change une rvlation nouvelle, qui sape parla base tout l'difice de la rvlation chrtienne. Et cependant, par un phnomne trange, ou mieux,

    par suite de l'ignorance et de la fascination qu'excite la curiosit, combien de catholiques jouentchaque jour avec le Spiritisme, sans se proccuper en rien de ses dangers ! Il est bien vrai que lesesprits sont encore partags sur l'essence et mme sur la ralit du Spiritisme, et c'est probablement cause de ces incertitudes, que le plus grand nombre croit pouvoir se former la conscience et userdu Spiritisme comme d'un curieux amusement. Nanmoins, au fond des mes timores et dlicatesse manifeste une grande anxit. Que de fois n'avons-nous point entendu ces questions incessantes : Dites-nous bien la vrit. Qu'est-ce que le Spiritisme ? Quelle est son origine ? Croyez-vous

    cette gnalogie qui voudrait relier les phnomnes du Spiritisme la magie ancienne ? Admettez-vous les faits tranges du magntisme et des tables tournantes ? Croyez-vous l'intervention desEsprits et l'vocation des mes ; au rle des anges ou des dmons ? Est-il permis d'interroger lestables tournantes, de consulter les Spiritistes ? Que pensent sur toutes ces questions les thologiens,les vques ? L'Eglise romaine a-t-elle donn quelques dcisions, etc., etc. - Ces questions, quiretentissent encore nos oreilles, ont inspir la pense de ce livre, qui a pour but de rpondre toutes dans les limites de nos forces. Aussi pour tre plus srs et plus convaincants, jamais nousn'affirmons rien, sans une autorit grave, et ne dcidons rien que les vques et Rome n'aientdcid. - Parmi ceux qui ont tudi spcialement ces matires, les uns rejettent en masse tous lesfaits extraordinaires que le Spiritisme s'attribue. D'autres, tout en faisant une large part auxhallucinations et au charlatanisme, reconnaissent qu'il est impossible de ne point admettre certains

    phnomnes inexplicables et inexpliqus, aussi inconciliables avec les enseignements gnraux dessciences naturelles, que dconcertants pour la raison humaine ; cependant, ils cherchent lesinterprter, ou par certaines lois mystrieuses de la physiologie, ou bien par l'intervention de lagrande me de la nature, dont la ntre n'est qu'une manation, etc. Plusieurs crivains catholiques,forcs d'admettre les faits, trouvant la solution naturelle parfois impossible et l'explication

    panthiste absurde, n'hsitent point reconnatre dans certains faits du Spiritisme l'interventiondirecte du dmon. Pour ceux-ci, le Spiritisme n'est que la continuation de cette magie paenne quiapparat dans toute l'histoire, depuis les magiciens de Pharaon, la pythonisse d'Endor, les oracles deDelphes, les prophties des sibylles et des devins, jusqu'aux possessions dmoniaques de l'Evangileet aux phnomnes extraordinaires et constats du magntisme contemporain. L'Eglise ne s'est point

    prononce sur les discussions spculatives ; elle abandonne la question historique des origines duSpiritisme et la question psychologique de ses agents mystrieux, la vaine dispute des hommes.Des thologiens graves, des vques et des docteurs particuliers ont soutenu ces dernires opinions ;officiellement, Rome ne les approuve ni ne les blme. Mais si l'Eglise a gard prudemment lesilence sur les thories, elle a lev la voix dans les questions pratiques, et en prsence desincertitudes de la raison, elle signale des dangers pour la conscience. Une science curieuse et mmeinnocente en soi, peut, cause des abus frquents, devenir une source de prils ; aussi Rome a-t-ellecondamn comme dangereux pour les murs, certaines pratiques et certains abus du magntisme,dont les Spirites eux-mmes ne dissimulent pas les graves inconvnients. Bien plus, des vques ontcru devoir interdire leurs diocsains, et dans toute hypothse, comme superstitieux et dangereux

    pour les murs et pour la foi, non seulement les abus du magntisme, mais l'usage d'interroger les

    tables tournantes.

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    Pour nous, dans la question spculative, mis en prsence de ceux qui voient le dmon partout et deceux qui ne le voient nulle part, nous avons voulu, en nous tenant distance des deux cueils,tudier les origines historiques du Spiritisme, examiner la certitude des faits et discuterimpartialement les systmes psychologiques et panthistes par lesquels on veut tout interprter.Evidemment, lorsque nous rfutons plusieurs de ces systmes, nous ne prtendons imposer

    personne nos propres penses, quoique les autorits sur lesquelles nous nous appuyons nous

    paraissent de la plus hante gravit. Sparant des opinions libres tout ce qui est de foi, commel'existence des anges et des dmons, les possessions et les obsessions dmoniaques de l'Evangile, lalgitimit et la puissance des exorcismes dans l'Eglise, etc., nous laissons chacun le droit, nonde nier le commerce volontaire des hommes avec le dmon, ce qui serait tmraire, dit le P.Perronne, et conduirait au pyrrhonisme historique ; mais nous reconnaissons tout catholique ledroit de ne point voir dans le Spiritisme l'intervention du dmon, si nos arguments paraissent plusspcieux que solides, et si la raison et l'tude plus attentive des faits prouvent le contraire.Quant la question pratique, nous ne nous reconnaissons point le droit d'absoudre ce que Romecondamne ; et si quelques mes hsitaient encore, nous les renverrions simplement aux dcisionsromaines, aux interdictions piscopales et mme aux dcisions thologiques que nous reproduisonstout entires.

    Le plan de ce livre est bien simple : la premire partie, ou partie historique, aprs avoir donnl'enseignement des saintes Ecritures et la tradition de tous les peuples sur l'existence et le rle desEsprits, nous initie aux faits les plus saillants du Spiritisme ou de la magie, depuis l'origine dumonde jusqu' nos jours.La seconde partie, ou partie doctrinale, expose et discute les divers systmes imagins pourdcouvrir l'agent vrai du Spiritisme ; aprs avoir prcis de notre mieux l'enseignement de lathologie catholique sur l'intervention gnrale des Esprits, et donn libre carrire des opinionslibres sur l'agent mystrieux de la magie moderne, nous signalons aux fidles les dangers duSpiritisme pour la foi, pour les murs et mme pour la sant ou pour la vie.Puissent ces pages, en montrant le pril, achever le bien que d'autres ont commenc ! Inutiled'ajouter, qu'enfants dociles de l'Eglise, nous condamnons d'avance tout ce que Rome pourraitdsapprouver. M. l'abb Poussin reconnat deux choses : 1 que le Spiritisme enveloppe, comme dans un immenserseau, la socit tout entire ; 2 qu'il a rendu l'Eglise le service de renverser les thoriesmatrialistes du dix-huitime sicle. Voyons quelles consquences ressortent de ces deux faits.Le Spiritisme, comme nous l'avons dit, est en grande majorit recrut parmi les incrdules ; en effet,demandez aux neuf diximes des adeptes quoi ils croyaient avant d'tre Spirites ; ils vousrpondront qu'ils ne croyaient rien, ou tout au moins qu'ils doutaient de tout ; l'existence de l'metait pour eux une hypothse, dsirable sans doute, mais incertaine ; la vie future une chimre ;Christ tait un mythe ou tout au plus un philosophe ; Dieu, s'il existait, devait tre injuste, cruel et

    partial, c'est pourquoi ils aimaient autant croire qu'il n'y en a pas.

    Aujourd'hui ils croient, et leur foi est inbranlable, parce qu'elle est assise sur l'vidence et ladmonstration, et qu'elle satisfait leur raison ; l'avenir n'est plus une esprance, mais une certitude,parce qu'ils voient la vie spirituelle se manifester sous leurs yeux ; ils n'en doutent pas plus qu'ils nedoutent du lever du soleil. Il est vrai qu'ils ne croient ni aux dmons, ni aux flammes ternelles del'enfer, mais en revanche ils croient fermement en un Dieu souverainement juste, bon etmisricordieux ; ils ne croient pas que le mal vienne de lui, qui est la source de tout bien, ni desdmons, mais des propres imperfections de l'homme ; que l'homme se rforme, et le mal n'existera

    plus ; se vaincre soi-mme c'est vaincre le dmon ; telle est la foi des Spirites, et la preuve de sapuissance, c'est qu'ils s'efforcent de devenir meilleurs, de dompter leurs mauvais penchants, et demettre en pratique les maximes du Christ, en regardant tous les hommes comme des frres sansacception de races, de castes, ni de sectes, en pardonnant leurs ennemis, en rendant le bien pour le

    mal, l'exemple du divin modle.

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    Sur qui le Spiritisme devait-il avoir le plus facile accs ? ce n'est pas sur ceux qui avaient la foi et qui cette foi suffisait, qui ne demandaient rien et n'avaient besoin de rien ; mais sur ceux qui la foifaisait dfaut. Comme Christ, il est all aux malades et non aux gens qui se portent bien ; ceux quiont faim et non ceux qui sont rassasis ; or, les malades sont ceux qui sont torturs par lesangoisses du doute et de l'incrdulit.Et qu'a-t-il fait pour les amener lui ? Est-ce grands renforts de rclames ? Est-ce en allant

    prcher la doctrine sur les places publiques ? Est-ce en violentant les consciences ? Nullement, carces moyens sont ceux de la faiblesse, et, s'il en et us, il aurait montr qu'il doutait de sa puissancemorale. Il a pour rgle invariable, conformment la loi de charit enseigne par le Christ, de necontraindre personne, de respecter toutes les convictions ; il s'est content d'noncer ses principes,de dvelopper dans ses crits les bases sur lesquelles sont assises ses croyances, et il a laiss venir lui ceux qui ont voulu ; s'il en est venu beaucoup, c'est qu'il a convenu beaucoup, et que beaucoupont trouv en lui ce qu'ils n'avaient pas trouv ailleurs. Comme il s'est principalement recrut parmiles incrdules, si, en quelques annes, il a enlac le monde, cela prouve que les incrdules et ceuxqui ne sont pas satisfaits de ce qu'on leur donne sont nombreux, car on n'est attir que l o l'ontrouve quelque chose de mieux que ce que l'on a. Nous l'avons dit cent fois : Veut-on combattre leSpiritisme ? Qu'on donne mieux que lui.

    Vous reconnaissez, monsieur l'abb, que le Spiritisme a rendu l'glise le service de renverser lesthories matrialistes ; c'est un grand rsultat, sans doute, et dont il se glorifie ; mais comment l'a-t-il obtenu ? prcisment l'aide de ces moyens que vous appelez diaboliques, des preuvesmatrielles qu'il donne de l'me et de la vie future ; c'est avec les manifestations des Esprits qu'il aconfondu l'incrdulit, et qu'il triomphera dfinitivement. Et vous dites que ce service est l'uvre deSatan ? Mais alors vous ne devriez pas tant lui en vouloir, puisqu'il dtruit lui-mme la barrire quiretenait ceux qu'il avait accapars. Rappelez-vous la rponse du Christ aux Pharisiens qui luitenaient exactement le mme langage, en l'accusant de gurir les malades et de chasser les dmons

    par les dmons. Rappelez-vous aussi cette parole de Mgr Frayssinous, vque d'Hermopolis, cesujet, dans ses confrences sur la religion : Certes, un dmon qui chercherait dtruire le rgne duvice pour tablir celui de la vertu serait un trange dmon, car il se dtruirait lui-mme. Si ce rsultat obtenu par le Spiritisme est l'ouvrage de Satan, comment se fait-il que l'Eglise lui enait laiss le mrite et qu'elle ne l'ait pas obtenu elle-mme ; qu'elle ait laiss l'incrdulit envahir lasocit ? Ce ne sont cependant pas les moyens d'action qui lui ont manqu ; n'a-t-elle pas un

    personnel et des ressources matrielles immenses ? les prdications depuis les capitales jusqu'auxplus petits villages ? La pression qu'elle exerce sur les consciences par la confession ? la terreur despeines ternelles ? Linstruction religieuse qui suit l'enfant pendant tout le cours de son ducation ?le prestige des crmonies du culte et celui de son anciennet ? Comment se fait-il qu'une doctrine

    peine close, qui n'a ni prtres, ni temples, ni culte, ni prdications ; qui est combattue outrancepar l'Eglise, calomnie, perscute comme le furent les premiers chrtiens, ait ramen, en aussi peude temps, la foi et la croyance en l'immortalit un si grand nombre d'incrdules ? La chose n'tait

    cependant pas bien difficile, puisqu'il suffit la plupart de lire quelques livres pour voir s'vanouirleurs doutes.Tirez de l toutes les consquences que vous voudrez ; mais convenez que si c'est l l'uvre dudiable, il a fait ce que vous n'avez pas pu faire vous-mmes, et qu'il s'est acquitt de votre besogne.Ce qui tmoigne contre le Spiritisme, direz-vous sans doute, c'est qu'il n'emploie pas, pourconvaincre, les mmes arguments que vous, et que, s'il triomphe de l'incrdulit, il ne l'amne pascompltement vous.Mais le Spiritisme n'a la prtention de marcher ni avec vous, ni avec personne ; il fait ses affaireslui-mme et comme il l'entend. De bonne foi, croyez-vous que si l'incrdulit a t rfractaire vosarguments, le Spiritisme en et triomph en s'en servant ? Si un mdecin ne gurit pas un maladeavec un remde, un autre mdecin le gurira-t-il en employant le mme remde ?

    Le Spiritisme ne cherche pas plus ramener les incrdules dans le giron absolu du catholicisme quedans celui de tout autre culte. En leur faisant accepter les bases communes toutes les religions, il

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    dtruit le principal obstacle, et leur fait faire la moiti du chemin ; chacune de faire le reste, en cequi la concerne ; celles qui chouent donnent une preuve manifeste d'impuissance.Ds l'instant que l'Eglise reconnat l'existence de tous les faits de manifestation sur lesquels s'appuiele Spiritisme ; qu'elle les revendique pour elle-mme, titre de miracles divins ; qu'il y a entre lesfaits qui se passent dans les deux camps une analogie complte, quant aux effets, analogie que M.l'abb Poussin dmontre avec la dernire vidence et pices l'appui en les mettant en regard, toute

    la question se rduit donc savoir si c'est Dieu qui agit d'un ct et le diable de l'autre ; c'est unequestion de personne ; or, lorsque deux personnes font exactement la mme chose, on en conclutqu'elles sont aussi puissantes l'une que l'autre ; toute l'argumentation de M. Poussin aboutit ainsi dmontrer que le diable est aussi puissant que Dieu.De deux choses l'une, ou les effets sont identiques, ou ils ne le sont pas ; s'ils sont identiques, c'estqu'ils proviennent d'une mme cause, ou de deux causes quivalentes ; s'ils ne le sont pas, montrezen quoi ils diffrent. Est-ce dans les rsultats ? Mais alors la comparaison serait l'avantage duSpiritisme, puisqu'il ramne Dieu ceux qui n'y croyaient pas.Il est donc bien entendu, de par la dcision formelle des autorits comptentes, que les Esprits quise manifestent ne sont et ne peuvent tre que des dmons. Convenez cependant, monsieur l'abb,que si ces mmes Esprits, au lieu de contredire l'Eglise sur quelques points, eussent t en tout de

    son avis, s'ils fussent venus appuyer toutes ses prtentions temporelles et spirituelles, approuversans restriction tout ce qu'elle dit et tout ce qu'elle fait, elle ne les appellerait pas des dmons, mais

    bien des Esprits angliques.M. l'abb Poussin a crit son livre en vue, dit-il, de prmunir les fidles contre les dangers que peutcourir leur foi, par l'tude du Spiritisme. C'est tmoigner peu de confiance dans la solidit des basessur lesquelles cette foi est assise, puisqu'elle peut tre branle si facilement. Le Spiritisme n'a pasla mme crainte. Tout ce qu'on a pu dire et faire contre lui ne lui a pas fait perdre un pouce deterrain, puisqu'il en gagne tous les jours, et cependant le talent n'a pas manqu plus d'un de sesadversaires. Les luttes qu'on a engages contre lui, loin de l'affaiblir, l'ont fortifi ; elles ont

    puissamment contribu le rpandre plus promptement qu'il ne l'et fait sans cela ; de telle sorteque ce rseau qui, en quelques annes, a envelopp la socit tout entire, est en grande partiel'uvre de ses antagonistes. Sans aucun des moyens matriels d'action qui font les succs en cemonde, il ne s'est propag que par la puissance de l'ide. Puisque les arguments l'aide desquels onl'a combattu ne l'ont pas renvers, c'est, apparemment, qu'on les a trouvs moins convaincants queles siens. Voulez-vous avoir le secret de leur foi ? le voici : c'est qu'avant de croire, ils comprennent.Le Spiritisme ne craint pas la lumire ; il l'appelle sur ses doctrines, parce qu'il veut tre acceptlibrement et par la raison. Loin de craindre pour la foi des Spirites la lecture des ouvrages qui lecombattent, il leur dit : Lisez tout ; le pour et le contre, et choisissez en connaissance de cause. C'est

    pour cela que nous signalons leur attention l'ouvrage de M. l'abb Poussin1.Nous donnons ci-aprs, sans commentaires, quelques fragments tirs de la premire partie.1. - Certains catholiques, mme pieux, ont en matire de foi de singulires ides, rsultat invitable

    du scepticisme ambiant qui, leur insu, les domine et dont ils subissent la dltre influence. Parlezde Dieu, de Jsus-Christ, ils acceptent tout l'instant ; mais si vous essayez de leur parler du dmonet surtout de l'intervention diabolique dans la vie humaine, ils ne vous entendent plus. Comme nosrationalistes contemporains, ils prendraient volontiers le dmon pour un mythe ou une

    personnification fantastique du gnie du mal, les extases des saints pour des phnomnes decatalepsie, et les possessions diaboliques, mme celles de l'vangile, sinon pour de l'pilepsie, dumoins pour des paraboles. Saint Thomas, dans son langage prcis, rpond en deux mots cedangereux scepticisme : Si la facilit voir parler le dmon, dit-il, procde de l'ignorance des loisde la nature et de la crdulit, la tendance gnrale ne voir son action nulle part, procde del'irrligion et de l'incrdulit. Nier le dmon, c'est nier le christianisme et nier Dieu.2. - La croyance l'existence des Esprits et leur intervention dans le domaine de notre vie, bien

    plus, le Spiritisme lui-mme ou la pratique de l'vocation des Esprits, mes, anges ou dmons,1 Un vol. in-12 ; prix, 3 fr. Chez Sarlit, libraire, 25, rue Saint-Sulpice, Paris.

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    remontent la plus haute antiquit, et sont aussi anciens que le monde. - Interrogeons d'abord, surl'existence et le rle des Esprits, nos livres saints, les plus anciens et les plus incontests livresd'histoire, en mme temps qu'ils sont le code divin de notre foi. Le dmon sduisant sous une formesensible Adam et ve dans le Paradis ; les chrubins qui en gardaient l'entre ; les anges qui visitentAbraham et discutent avec lui la question du salut de Sodome ; les anges insults dans la villeimmonde, arrachant Loth l'incendie ; l'ange d'Isaac, de Jacob, de Mose et de Tobie ; le dmon qui

    tue les sept maris de Sara ; celui qui torture l'me et le corps de Job ; l'ange exterminateur desgyptiens sous Mose, et des Isralites sous David ; la main invisible qui crit la sentence deBalthazar ; l'ange qui frappe Hliodore ; l'ange de l'Incarnation, Gabriel, qui annonce saint Jean etJsus-Christ ; que faut-il de plus pour montrer et l'existence des Esprits, et la croyance l'intervention de ces Esprits, bons ou mauvais, dans les actes de la vie humaine ? Dieu a fait lesEsprits ses ambassadeurs, dit le Psalmite ; ce sont les ministres de Dieu, dit saint Paul ; saint Pierrenous apprend que les dmons rdent sans cesse autour de nous comme des lions rugissants ; saintPaul, tent par eux, nous dclare que l'air en est rempli.3. - Remarquons ici que les traditions paennes sont en parfaite harmonie avec les traditions juiveset chrtiennes. Le monde, selon Thals et Pythagore, est rempli de substances spirituelles. Tous cesauteurs les divisent en Esprits bons et mauvais ; Empdocle dit que les dmons sont punis des fautes

    qu'ils ont commises ; Platon parle d'un prince, d'une nature malfaisante, prpos ces Espritschasss par les dieux et tombs du ciel, dit Plutarque. Toutes les mes, ajoute Porphyre, qui ont

    pour principe l'me de l'univers, gouvernent les grands pays situs sous la lune : ce sont les bonsdmons (Esprits) ; et, soyons-en bien convaincus, ils n'agissent que dans l'intrt de leursadministrs, soit dans le soin qu'ils prennent des animaux, soit qu'ils veillent sur les fruits de laterre, soit qu'ils prsident aux pluies, aux vents modrs, au beau temps. Il faut encore ranger dansla catgorie des bons dmons ceux qui, suivant Platon, sont chargs de porter aux dieux les priresdes hommes, et qui rapportent aux hommes les avertissements, les exhortations, les oracles desdieux.4. - Les Arabes appellent le chef des dmons Iba ; les Chaldens en remplissent l'air ; enfinConfucius enseigne absolument la mme doctrine : Que les vertus des Esprits sont sublimes !disait-il ; on les regarde et on ne les voit pas ; on les coute et on ne les entend pas ; unis lasubstance des choses, ils ne peuvent s'en sparer ; ils sont cause que tous les hommes dans toutl'univers se purifient et se revtent d'habits de fte pour offrir des sacrifices ; ils sont rpanduscomme les flots de l'Ocan au-dessus de nous, notre gauche et notre droite. Le culte des Manitous, rpandu parmi les sauvages d'Amrique, n'est que le culte des Esprits.5. - Les Pres de l'glise, de leur ct, ont admirablement interprt la doctrine des critures surl'existence et l'intervention des Esprits : Il n'y a rien dans le monde visible qui ne soit rgi et dispos

    par la crature invisible, dit saint Grgoire. Chaque tre vivant a dans ce monde un ange qui le rgit,ajoute saint Augustin. Les anges, dit saint Grgoire de Nazianze, sont les ministres de la volont deDieu ; ils ont naturellement et par communication une force extraordinaire ; ils parcourent tous les

    lieux et se trouvent partout, tant par la promptitude avec laquelle ils exercent leur ministre que parla lgret de leur nature. Les uns sont chargs de veiller sur quelque partie de l'univers qui leur estmarque de Dieu, de qui ils dpendent en toutes choses ; d'autres sont la garde des villes et desglises ; ils nous aident dans tout ce que nous faisons de bien.6. - Par rapport la raison fondamentale, Dieu gouverne immdiatement l'univers ; maisrelativement l'excution, il y a des choses qu'il gouverne par d'autres intermdiaires.7. - Quant l'vocation elle-mme des Esprits, mes, anges ou dmons et toutes les pratiques de lamagie, dont le Spiritisme n'est qu'une forme, plus ou moins enveloppe de charlatanisme, c'est une

    pratique aussi ancienne que la croyance aux Esprits eux-mmes.8. - Saint Cyprien explique ainsi les mystres du Spiritisme paen : Les dmons, dit-il, s'introduisent dans les statues et dans les simulacres que l'homme adore ; ce

    sont eux qui animent les fibres des victimes, qui inspirent de leur souffle le cur des devins et quidonnent une voix aux oracles. Mais comment peuvent-ils gurir ? Ldunt primo, dit Tertullien,

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    postque ldere desinunt, et curasse creduntur. Ils blessent d'abord, et, cessant de blesser, ils passentpour gurir. Dans l'Inde, ce sont les Lamas et les Brahamites qui, ds la plus haute antiquit, ont le monopole deces mmes vocations qui se continuent encore. Ils faisaient communiquer le ciel avec la terre,l'homme avec la divinit, absolument comme nos mdiums actuels. L'origine de ce privilge paratremonter la Gense mme des Hindous et appartenir la caste sacerdotale de ces peuples. Sortie

    du cerveau de Brahma, la caste sacerdotale doit rester plus prs de la nature de ce dieu crateur etentrer plus facilement en communication avec lui, que la caste guerrire, ne de ses bras, et, plusforte raison, que la caste des Parias, forme de la poussire de ses pieds. 9. - Mais le fait le plus intressant et le plus authentique de l'histoire, est sans contredit l'vocationde Samuel par le mdium de la Pythonisse d'Endor qu'interroge Sal : Samuel tait mort, ditl'criture ; tout Isral l'avait pleur, et il avait t enterr dans la ville de Ramatha, lieu de sanaissance. Et Sal avait chass les magiciens et les devins de son royaume. Les Philistins, s'tantdonc assembls, vinrent camper Sunam ; Sal, de son ct, assembla toutes les troupes d'Isral, etvint Gelbo. Et ayant vu l'arme des Philistins, il fut frapp d'tonnement, et la crainte le saisit

    jusqu'au fond de son cur. Il consulta le Seigneur ; mais le Seigneur ne lui rpondit ni en songes, nipar les prtres, ni par les prophtes. Alors, il dit ses officiers : Cherchez-moi une femme qui ait

    un Esprit de Python, afin que je l'aille trouver, et que, par son moyen, je puisse la consulter. Sesserviteurs lui dirent : Il y a Endor une femme qui a un Esprit de Python. Sal se dguisa donc,changea d'habits, et s'en alla, accompagn de deux hommes seulement. Il vint la nuit chez cettefemme, et lui dit : Consultez pour moi l'Esprit de Python, et voquez-moi celui que je vousdirai. Cette femme lui rpondit : Vous savez tout ce qu'a fait Sal, et de quelle manire il aextermin les magiciens et les devins de toutes ses terres. Pourquoi donc me tendez-vous un pige

    pour me perdre ? Sal lui jura par le Seigneur, et lui dit : Vive le Seigneur ! il ne vous arriverade ceci aucun mal. La femme lui dit : Qui voulez-vous voir ? Il lui rpondit : Faites-moivenir Samuel. La femme ayant vu Samuel, jeta un grand cri, et dit Sal : Pourquoi m'avez-vous trompe ? car vous tes Sal. Le roi lui dit : Ne craignez point. Qu'avez-vous vu ? - J'ai vu,lui dit-elle, un dieu qui sortait de la terre. Sal lui dit : Comment est-il fait ? - C'est, dit-elle, unvieillard couvert d'un manteau. Sal reconnut donc que c'tait Samuel ; et il lui fit une profondervrence, en se baissant jusqu' terre. Samuel dit Sal : Pourquoi avez-vous troubl mon reposen me faisant voquer ? Sal lui rpondit : Je suis dans une trange extrmit. Les Philistins mefont la guerre et Dieu s'est retir de moi ; il ne m'a voulu rpondre ni par les prophtes ni en songes.C'est pourquoi je vous ai fait voquer, afin que vous m'appreniez ce que je dois faire. Samuel luidit : Pourquoi vous adressez-vous moi, puisque le Seigneur vous a abandonn, et qu'il est pass votre rival ? Car le Seigneur vous traitera comme je vous l'ai dit de sa part. Il dchirera votreroyaume de vos mains pour le donner David, votre gendre, parce que vous n'avez ni obi la voixdu Seigneur, ni excut l'arrt de sa colre contre les Amalcites. C'est pour cela que le Seigneurvous envoie aujourd'hui ce que vous souffrez. Il livrera mme Isral avec vous entre les mains des

    Philistins. Demain vous serez avec moi vous et vos fils ; et le Seigneur abandonnera aux Philistinsle camp mme d'Isral. Sal tomba aussitt, et demeura tendu sur la terre, car les paroles deSamuel l'avaient pouvant ; et les forces lui manqurent, parce qu'il n'avait point encore mang ce

    jour-l. La magicienne vint lui dans le trouble o il tait, et elle lui dit : Vous voyez que votreservante vous a obi, que j'ai expos ma vie pour vous, et que je me suis rendue ce que vousdsirez de moi. Voici quarante ans que je fais profession d'voquer des morts au service des trangers, dit Philon la suite de ce rcit ; mais je n'ai jamais vu de semblable apparition. L'Ecclsiastique s'est chargde nous prouver qu'il s'agit d'une vritable apparition et non d'une hallucination de Sal : Samuelaprs sa mort parla au roi, dit l'Esprit-Saint, lui prdit la fin de sa vie et, sortant de terre, il haussa savoix pour prophtiser la ruine de sa nation, cause de son impit.

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    Les Assaoua ou les convulsionnaires de la rue Le Pelelier

    Au nombre des curiosits attires Paris par l'Exposition, une des plus tranges est assurment celledes exercices excuts par des Arabes de la tribu des Assaoua. Le Monde illustr, du 19 octobre1867, donne une relation, accompagne de plusieurs dessins, des diverses scnes dont l'auteur del'article a t tmoin en Algrie. Il commence ainsi son rcit : Les Assaoua forment une secte religieuse trs rpandue en Afrique et surtout en Algrie. Leur

    but, nous ne le connaissons pas ; leur fondation remonte, disent les uns, Assa, l'esclave favori duProphte ; d'autres prtendent que leur confrrie a t fonde par Assa, pieux et savant marabout duseizime sicle. Quoi qu'il en soit, les Assaoua soutiennent que leur pieux fondateur leur donne le

    privilge d'tre insensibles la souffrance. Nous empruntons au Petit Journal, du 30 septembre 1867, le rcit d'une des sances qu'unecompagnie d'Assaoua a donnes Paris, pendant l'Exposition, d'abord sur le thtre du Champ-de-

    Mars, et en dernier lieu dans la salle de l'arne athltique de la rue Le Peletier. La scne n'a sansdoute pas le caractre imposant et terrible de celles qui s'accomplissent dans les mosques,entoures du prestige des crmonies religieuses ; mais, part quelques nuances de dtail, les faitssont les mmes et les rsultats identiques, et c'est l l'essentiel. Les choses, d'ailleurs, s'tant passesen plein Paris, sous les yeux d'un nombreux public, le rcit ne peut tre suspect d'exagration. C'estM. Timothe Trimm qui parle : J'avoue bien que j'ai vu, hier soir, des choses qui laissent fort loin derrire elles les frresDavenport et les prtendus miracles du magntisme. Les tonnements se produisent dans une petitesalle qui n'est pas encore classe dans la hirarchie des spectacles. Cela se passe dans l'arneathltique de la rue Le Peletier. Voil sans doute pourquoi il est si peu question des sorciers dont je

    parle aujourd'hui.

    Il est vident que nous avons affaire des illumins, car voil vingt-six Arabes qui s'accroupissentet se servent d'abord de castagnettes de fer pour accompagner leurs chants.Du corps de ballet musulman est d'abord sorti, le premier, un jeune Arabe qui a pris un charbonardent. Je n'ai pas le soupon que ce pt tre un charbon d'une chaleur factice, prpar plaisir, car

    j'ai senti son ardeur quand on l'a pass devant moi, et il a brl le plancher quand il a chapp auxmains de celui qui le tenait. L'homme a pris ce charbon ardent ; il l'a mis dans sa bouche avec descris horribles, et il l'y a gard.Il est vident pour moi que ces farouches Assaoua sont de vritables convulsionnairesmahomtans. Au sicle dernier, il y eut les convulsionnaires de Paris. Les Assaoua de la rue LePeletier ont assurment retrouv cette curieuse dcouverte du plaisir, de la volupt et de l'extasedans la mortification corporelle.

    Thophile Gautier, avec son style inimitable, a dpeint les danses de ces convulsionnaires arabes.Voici ce qu'il en disait dans le Moniteur, du 29 juillet dernier :Le premier intermde de danse tait accompagn de trois grosses caisses et de trois hautbois jouanten mode mineur une cantilne d'une mlancolie nostalgique, soutenue par un de ces rythmesimplacables qui finissent par s'emparer de vous et vous donner le vertige. On dirait une me

    plaintive que la fatalit force marcher d'un pas toujours gal vers une fin inconnue, mais qu'onpressent douloureuse.Bientt une danseuse se leva de cet air accabl qu'ont les danseuses orientales, comme une mortequ'veillerait une incantation magique, et par d'imperceptibles dplacements de pieds s'approcha del'avant-scne ; une de ses compagnes se joignit elle, et elles commencrent, en s'animant peu peusous la pression de la mesure, ces torsions de hanches, ces ondulations de torse, ces balancementsde bras agitant des mouchoirs de soie rays d'or et cette pantomime langoureusement voluptueuse

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    qui forme le fond de la danse des almes. Lever la jambe pour une pirouette ou un jet-battu serait,aux yeux de ces danseuses, le comble de l'indcence.A la fin, toute la troupe se mit de la partie, et nous remarqumes, parmi les autres, une danseuse

    d'une beaut farouche et barbare, vtue de haks blancs et coiffe d'une sorte de chachia cercle decordelettes. Ses sourcils noirs rejoints avec du surmeh la racine du nez, sa bouche rouge commeun piment au milieu de sa face ple, lui donnaient une physionomie la fois terrible et charmante ;

    mais l'attraction principale de la soire tait la sance des Assaoua ou disciples d'Assa, qui lematre a lgu le singulier privilge de dvorer impunment tout ce qu'on leur prsente. Ici, pour faire comprendre l'excentricit de nos convulsionnaires algriens, je prfre ma prosesimple et sans art, la phrasologie lgante et savante du matre. Voici donc ce que j'ai vu :Un Arabe arrive ; on lui donne un carreau de vitre manger ! Il le prend, il le met dans sa bouche,et il le mange tout entier ! On entend pendant plusieurs minutes ses dents broyer le verre. Le sang

    parat la surface de ses lvres frmissantes il avale le carreau de verre broy, le tout avec forcedanse et gnuflexions, au son des tam-tam obligs.A celui-l, succde un Arabe qui porte la main des branches du figuier de Barbarie, le cactus auxlongues pines. Chaque asprit du feuillage est comme une pointe acre. L'Arabe mange ce

    piquant feuillage, comme nous mangerions une salade de romaine ou de chicore.

    Quand le feuillage meurtrier du cactus eut t absorb, il vint un Arabe qui dansait en tenant unelance la main. Il appuya cette lance sur son il droit en disant des versets sacrs que devraient

    bien comprendre nos oculistes et il sortit son oeil droit tout entier de l'orbite ! Tous lesassistants poussrent aussitt un cri de terreur !Alors vint un homme qui se fit serrer le corps avec une corde vingt hommes tirent ; il lutte, il sentla corde entrer dans ses chairs ; il rit et chante pendant cette agonie.Voil un autre nergumne devant lequel on apporte un sabre turc. J'ai pass mes doigts sur sa lamefine et coupante comme celle d'un rasoir. L'homme dfait sa ceinture, montre son ventre nu et secouche sur la lame ; on l'y pousse, mais le damas respecte son piderme ; l'Arabe a vaincu l'acier.Je passe sous silence les Assaoua qui mangent du feu, tout en plaant leurs pieds nus sur un brasierardent. J'ai t voir le brasier dans les coulisses, et j'atteste qu'il est ardent et compos de boisenflamm. J'ai galement examin la bouche de ceux qui sont nomms les mangeurs de feu. Lesdents sont brles, les gencives sont calcines, la vote palatine semble s'tre endurcie. Mais c'est

    bien du feu, tous ces tisons qu'ils avalent, avec des contorsions de damns, cherchant s'acclimaterdans l'enfer, qui passe pour un pays chaud.Ce qui m'a le plus impressionn dans cette trange exhibition des convulsionnaires de la rue LePeletier, c'est le mangeur de serpents. Figurez-vous un homme qui ouvre un panier. Dix couleuvres la tte menaante en sortent en sifflant. L'Arabe ptrit les serpents, les agace, les fait s'enroulerautour de son torse nu. Puis il choisit le plus gros et le plus vivace, et de ses dents lui mord et luienlve la queue. Alors, le reptile se tort dans les angoisses de la douleur. Il prsente sa tte irrite l'Arabe qui met sa langue la hauteur du dard ; et tout coup, d'un coup de dent, il tranche la tte

    du serpent et la mange. On entend craquer le corps du reptile sous la dent du sauvage, quimontre travers ses lvres ensanglantes le monstre dcapit.Et, durant ce temps, la musique mlancolique des tam-tams continue son rythme sacr. Et ledvoreur de serpents va tomber perdu et tourdi aux pieds des chanteurs mystiques. On n'a, jusqu'la semaine dernire, expriment cet exercice qu'avec des serpents de l'Algrie qui auraient pu seciviliser en route ; mais les serpents algriens s'puisent comme toutes choses. C'tait hier le dbutdes couleuvres de Fontainebleau ; et l'Algrien paraissait plein de dfiance l'endroit de nos reptilesnationaux.Passe pour le feu dvor, support aux extrmits la plante des pieds et aux paumes desmains mais le broyeur de verre et le mangeur de couleuvres ! ce sont d'inexplicables

    phnomnes.

    Nous les avions vus autrefois dans un douair aux environs de Blidah, dit M. Thophile Gautier et cesabbat nocturne nous a laiss des souvenirs encore tout frissonnants. Les Assaoua, aprs s'tre

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    excits par la musique, la vapeur des parfums et ce balancement de bte fauve qui agite comme unecrinire leur immense chevelure, ont mordu des feuilles de cactus, mch des charbons ardents,lch des pelles rouges, aval du verre pil qu'on entendait craquer sous leurs mchoires, se sonttravers la langue et les joues avec des lardoires, ont fait sauter leurs yeux hors des paupires, ontmarch sur le fil d'un yatagan en acier de Damas ; un d'eux, cercl dans le nud coulant d'une cordetire par sept ou huit hommes, semblait coup en deux ; ce qui ne les a pas empchs, leurs

    exercices achevs, de venir nous saluer dans notre loge la manire orientale et de recevoir leurbacchich.Des affreuses tortures auxquelles ils venaient de se soumettre, il ne restait aucune marque. Qu'un

    plus savant que nous explique le prodige, nous y renonons pour notre part. Je suis de l'avis de mon illustre collgue et vnr suprieur dans le grand art d'crire, tout aussidifficile que celui d'avaler des reptiles. Je ne cherche pas expliquer ces merveilles ; mais il tait demon devoir de chroniqueur de ne pas les passer sous silence.

    Nous avons assist nous-mme une sance des Assaoua, et nous pouvons dire que ce rcit n'a riend'exagr ; nous avons vu tout ce qui y est relat, et de plus, un homme se traversant la joue et lecou avec une broche tranchante en forme de lardoire ; ayant touch l'instrument et examin la chosede trs prs, nous nous sommes convaincu qu'il n'y avait aucun subterfuge, et que le fer

    traversait vritablement les chairs. Mais, chose bizarre, c'est que le sang ne coulait pas, et que laplaie s'est cicatrise presque instantanment. Nous en avons vu un autre tenir dans sa bouche descharbons ardents de coke, gros comme des ufs, dont il activait la combustion par son souffle en se

    promenant autour de la salle, et en lanant des tincelles. C'tait du feu si rel, que plusieursspectateurs y ont allum leurs cigares.Il ne s'agit donc point ici de tours d'adresse, de simulacres, ni de jongleries, mais de faits positifs ;d'un phnomne physiologique qui droute les notions les plus vulgaires de la science ; cependant,quelque trange qu'il soit, il ne peut avoir qu'une cause naturelle. Ce qui est plus trange encore,c'est que la science semble n'y avoir prt aucune attention. Comment se fait-il que des savants, qui

    passent leur vie la recherche des lois de la vitalit, restent indiffrents la vue de pareils faits etn'en cherchent pas les causes ? On se croit dispens de toute explication en disant que ce sont toutsimplement des convulsionnaires comme il y en avait au dernier sicle ; soit, nous sommes de cetavis ; mais alors, expliquez ce qui se passait chez les convulsionnaires. Puisque les mmes

    phnomnes se produisent aujourd'hui, sous nos yeux, devant le public, que le premier venu peut lesvoir et les toucher, ce n'tait donc pas une comdie ; ces pauvres convulsionnaires, dont on s'est tantmoqu, n'taient donc pas des jongleurs et des charlatans, comme on l'a prtendu ? Les mmeseffets se reproduisant volont par des mcrants au nom d'Allah et de Mahomet, ce ne sont donc

    pas des miracles, ainsi que d'autres l'ont pens ? Ce sont des illumins, dit-on ; soit encore ; maisalors il faudrait expliquer ce que c'est qu'tre illumin. Il faut que l'illumination ne soit pas unequalit aussi illusoire qu'on le suppose, puisqu'elle serait capable de produire des effets matrielsaussi singuliers ; ce serait, dans tous les cas, une raison de plus pour l'tudier avec soin. Ds lors

    que ces effets ne sont ni des miracles, ni des tours de prestidigitation, il en faut conclure que ce sontdes effets naturels dont la cause est inconnue, mais qui n'est sans doute pas introuvable. Qui sait sile Spiritisme, qui nous a dj donn la clef de tant de choses incomprises, ne nous donnera pasencore celle-ci ? C'est ce que nous examinerons dans un prochain article.

    Une manifestation avant la mort

    La lettre suivante nous a t adresse de Marennes au mois de janvier dernier : Monsieur Allan Kardec,J'aurais cru manquer mon devoir si, au commencement de cette anne, je n'tais venue vousremercier du bon souvenir que vous avez bien voulu conserver de moi, en adressant Dieu denouvelles prires pour mon rtablissement. Oui, Monsieur, elles m'ont t salutaires, et je reconnais

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    bien l votre bonne influence, ainsi que celle des bons Esprits qui vous entourent ; car, depuis le 14mai, j'tais oblige de garder le lit de temps en temps par suite de mauvaises fivres qui m'avaientmise dans un bien triste tat. Depuis un mois, je suis mieux ; je vous remercie mille fois, en vous

    priant de remercier en mon nom tous nos frres de la Socit de Paris qui ont bien voulu joindreleurs prires aux vtres.J'ai souvent eu des manifestations, comme vous le savez ; mais une des plus frappantes est celle du

    fait que je vais vous rapporter.Au mois de mai dernier, mon pre vint Marennes passer quelques jours avec nous ; peine arriv,il tomba malade et mourut au bout de huit jours. Sa mort me causa une douleur d'autant plus viveque j'en avais t avertie six mois l'avance, mais je n'y avais pas ajout foi. Voici le fait :Au mois de dcembre prcdent, sachant qu'il devait venir, j'avais meubl une petite chambre pourlui, et mon dsir tait que personne n'y coucht avant lui. Depuis l'instant o je manifestai cette

    pense, j'eus l'intuition que celui qui coucherait dans ce lit y mourrait, et cette ide, qui mepoursuivait sans cesse, me serrait le cur au point que je n'osais plus aller dans cette chambre.Cependant, dans l'espoir de m'en dbarrasser, j'allai prier auprs du lit. Je crus y voir un corpsenseveli ; pour me rassurer, je lve la couverture et ne vois rien ; alors je me dis que tous ces

    pressentiments ne sont que des illusions ou des rsultats d'obsessions. Au mme instant, j'entendis

    des soupirs comme d'une personne qui finit, puis je sens ma main droite presse fortement par unemain tide et humide. Je sortis de la chambre, et n'osai plus y rentrer seule. Pendant six mois je fustourmente par ce triste avertissement, et personne n'y coucha avant l'arrive de mon pre. C'est lqu'il est mort ; ses derniers soupirs ont t les mmes que ceux que j'avais entendus, et avant demourir, sans que je le lui demande, il me prit la main droite et me la pressa de la mme manire quece que j'avais ressenti six mois auparavant ; la sienne avait la sueur tide que j'avais galementremarque. Je ne puis donc douter que ce ne soit un avertissement qui m'a t donn.J'ai eu beaucoup d'autres preuves de l'intervention des Esprits, mais qu'il serait trop long de vousdtailler dans une lettre ; je ne rappellerai que le fait d'une discussion de quatre heures que j'eus aumois d'aot dernier avec deux prtres, et pendant laquelle je me sentis vraiment inspire, et forcede parler avec une facilit dont j'tais moi-mme surprise. Je regrette de ne pouvoir vous rapportercette conversation ; cela ne vous tonnerait pas, mais vous amuserait.Recevez, etc.Angelina de Og

    Il y a toute une tude faire sur cette lettre. Nous y voyons d'abord un encouragement prier pourles malades, puis une nouvelle preuve de l'assistance des Esprits par l'inspiration des paroles quel'on doit prononcer dans des circonstances o l'on serait fort embarrass de parler si l'on tait livr ses propres forces. C'est peut-tre un des genres de mdiumnit les plus communs, et qui viennentconfirmer le principe que tout le monde est plus ou moins Mdium sans s'en douter. Assurment, sichacun se reportait aux diverses circonstances de sa vie, observait avec soin les effets qu'il ressent

    ou dont il a t tmoin, il n'est personne qui ne reconnatrait avoir quelques effets de mdiumnitinconscienteMais le fait le plus saillant est celui de l'avertissement de la mort du pre de madame de Og, et du

    pressentiment dont elle a t poursuivie pendant six mois. Sans doute, lorsqu'elle alla prier danscette chambre, et qu'elle crut voir un corps dans le lit qu'elle constata tre vide, on pourrait, avecquelque vraisemblance, admettre l'effet d'une imagination frappe. Il en pourrait tre de mme dessoupirs qu'elle a entendus. La pression de la main pourrait aussi tre attribue un effet nerveux,

    provoqu par la surexcitation de son esprit. Mais comment expliquer la concidence de tous ces faitsavec ce qui s'est pass la mort de son pre ? L'incrdulit dira : pur effet du hasard ; le Spiritismedit : phnomne naturel d l'action de fluides dont les proprits ont t inconnues jusqu' ce jour,soumis la loi qui rgit les rapports du monde spirituel avec le monde corporel.

    Le Spiritisme, en rattachant aux lois de la nature la plupart des phnomnes rputs surnaturels,vient prcisment combattre le fanatisme et le merveilleux qu'on l'accuse de vouloir faire revivre ; il

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    peine fut-on arriv la gare que Magnan s'esquiva et se rendit seul en ville, plus proccup encoreque d'habitude. Il prit dans un cabaret quelques verres de bire qui achevrent de le troubler, et cefut dans ces dispositions qu'il rentra chez lui vers neuf heures du soir. Se retrouvant seul, la penseque sa femme n'tait plus l le surexcita encore, et il prouva un dsir insurmontable de la revoir. Il

    prit alors une vieille bche et une mauvaise rasette, se rendit au cimetire, et, malgr l'obscurit et lapluie affreuse qui tombait en ce moment, il commena aussitt enlever la terre qui recouvrait sa

    chre dfunte.Ce n'est qu'aprs plusieurs heures d'un travail surhumain qu'il parvint retirer le cercueil de safosse. Avec ses mains seules et en se brisant tous les ongles, il arracha le couvercle, puis, prenantdans ses bras le corps de sa pauvre compagne, il le reporta chez lui et le coucha sur son lit. Il devaittre alors trois heures du matin environ. Aprs avoir allum un bon feu, il dcouvrit le visage de lamorte, puis, presque joyeux, il courut chez la voisine qui l'avait ensevelie, pour lui dire que safemme tait revenue comme il le lui avait prdit.Sans ajouter aucune importance aux paroles de Magnan, qui, disait-elle, avait des visions, elle seleva et l'accompagna jusque chez lui afin de le calmer et de le faire coucher. Qu'on juge de sasurprise et de sa frayeur en voyant le corps exhum. Le malheureux ouvrier parlait la mortecomme si elle et pu l'entendre et cherchait avec une tnacit touchante obtenir une rponse, en

    donnant sa voix la douceur et toute la persuasion dont il tait capable ; cette affection au del dutombeau offrait un spectacle navrant.Cependant la voisine eut la prsence d'esprit d'engager le pauvre hallucin reporter sa femme dansson cercueil, ce qu'il promit en voyant le silence obstin de celle qu'il croyait avoir rappele lavie ; c'est sous la foi de cette promesse qu'elle rentra chez elle plus morte que vive.Mais Magnan ne s'en tint pas l et courut veiller deux voisins qui se levrent, commel'ensevelisseuse, pour chercher tranquilliser l'infortun. Comme elle aussi, le premier moment destupfaction pass, ils l'engagrent reporter la morte au cimetire, et cette fois celui-ci, sanshsiter, prit sa femme dans ses bras et revint la dposer dans la bire d'o il l'avait tire, la replaadans la fosse et la recouvrit de terre.La femme de Magnan tait enterre depuis dix-sept jours ; nanmoins, elle se trouvait encore dansun tat parfait de conservation, car l'expression de son visage tait exactement le mme qu'aumoment o elle fut ensevelie.Quand on a interrog Magnan le lendemain, il a paru ne pas se rappeler ce qu'il avait fait ni ce quis'tait pass quelques heures auparavant ; il a dit seulement qu'il croyait avoir vu sa femme pendantla nuit. (Sicle, 29 avril 1867.)

    Instruction sur le fait prcdent(Socit de Paris, 10 mai 1867 ; mdium, M. Morin, en somnambulisme spontan.)Les faits se montrent de toutes parts, et tout ce qui se produit semble avoir une direction spcialequi porte aux tudes spirituelles. Observez bien, et vous verrez chaque instant des choses quisemblent, au premier abord, des anomalies dans la vie humaine, et dont on chercherait inutilement

    la cause ailleurs que dans la vie spirituelle. Sans doute, pour beaucoup de gens, ce sont simplementdes faits curieux auxquels ils ne songent plus, la page retourne ; mais d'autres pensent plussrieusement ; ils cherchent une explication, et, force de voir la vie spirituelle se dresser devanteux, ils seront bien obligs de reconnatre que l seulement est la solution de ce qu'ils ne peuventcomprendre. Vous qui connaissez la vie spirituelle, examinez bien les dtails du fait qui vient devous tre lu, et voyez si elle ne s'y montre pas avec vidence.

    Ne pensez pas que les tudes que vous faites sur ces sujets d'actualit et autres soient perdues pourles masses, parce que, jusqu' prsent, elles ne vont gure qu'aux Spirites, ceux qui sont djconvaincus ; non. D'abord, soyez certains que les crits spirites vont ailleurs que chez les adeptes ; ily a des gens trop intresss la question pour ne pas se tenir au courant de tout ce que vous faites etde la marche de la doctrine. Sans qu'il y paraisse, la socit, qui est le centre o s'laborent les

    travaux, est un point de mire, et les solutions sages et raisonnes qui en sortent font rflchir plusque vous ne croyez. Mais un jour viendra o ces mmes crits seront lus, comments, analyss

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    publiquement ; on y puisera pleines mains les lments sur lesquels doivent s'asseoir les nouvellesides, parce qu'on y trouvera la vrit. Encore une fois, soyez convaincus que rien de ce que vousfaites n'est perdu, mme pour le prsent, plus forte raison pour l'avenir.Tout est sujet d'instruction pour l'homme qui rflchit. Dans le fait qui vous occupe, vous voyez unhomme possdant ses facults intellectuelles, ses forces matrielles, et qui semble, pour un moment,compltement dpouill des premires ; il fait un acte qui parat tout d'abord insens. Eh bien ! il y a

    l un grand enseignement.Cela est-il arriv ? diront quelques personnes. L'homme tait-il en tat de somnambulisme naturel,ou a-t-il rv ? L'Esprit de la femme est-il pour quelque chose l-dedans ? Telles sont les questionsqu'on peut se faire cet gard. Eh bien ! l'Esprit de la femme Magnan a t pour beaucoup danscette affaire, et pour beaucoup plus que ne pourraient le supposer mme les Spirites.Si on suit l'homme avec attention depuis le moment de la mort de sa femme, on le voit changer peu peu ; ds les premires heures du dpart de sa femme, on voit son Esprit prendre une direction quis'accentue de plus en plus pour arriver l'acte de folie de l'exhumation du cadavre. Il y a dans cetacte autre chose que le chagrin ; et, comme l'enseigne le Livre des Esprits, comme l'enseignenttoutes les communications : ce n'est pas dans la vie prsente, c'est dans le pass qu'il en fautchercher la cause. Nous ne sommes ici-bas que pour accomplir une mission ou payer une dette ;

    dans le premier cas, on accomplit une tche volontaire ; dans le second, faites la contrepartie dessouffrances que vous prouvez, et vous aurez la cause de ces souffrances.Lorsque la femme fut morte, elle resta l en Esprit, et comme le mariage des fluides spirituels et deceux du corps tait difficile rompre en raison de l'infriorit de l'Esprit, il lui a fallu un certaintemps pour reprendre sa libert d'action, un nouveau travail pour l'assimilation des fluides ; puis,lorsqu'elle a t en mesure, elle s'est empare du corps de l'homme et l'a possd. C'est donc, ici, unvritable cas de possession.L'homme n'est plus lui, et remarquez-le : il n'est plus lui que lorsque la nuit vient. Il faudrait entrerdans de trop longues explications pour vous faire comprendre la cause de cette singularit ; mais, endeux mots : le mlange de certains fluides, comme en chimie, celui de certains gaz, ne peutsupporter l'clat de la lumire. Voil pourquoi certains phnomnes spontans ont lieu plus souventla nuit que le jour.Elle possde cet homme ; elle lui fait faire ce qu'elle veut ; c'est elle qui l'a conduit au cimetire

    pour lui faire faire un travail surhumain et le faire souffrir ; et le lendemain, lorsqu'on demande l'homme ce qui s'est pass, il est tout stupfait et ne se rappelle que d'avoir rv sa femme. Le rvetait la ralit ; elle avait promis de revenir, et elle est revenue ; elle reviendra et elle l'entranera.Dans une autre existence, il y a eu un crime de commis ; celui qui tenait se venger laissa le

    premier s'incarner et choisit une existence qui, le mettant en relation avec lui, lui permettaitd'accomplir sa vengeance. Vous demanderez pourquoi cette permission ? mais Dieu n'accorde rienqui ne soit juste et logique. L'un veut se venger ; il faut qu'il ait, comme preuve, l'occasionde surmonter son dsir de vengeance, et l'autre doit prouver et payer ce qu'il a fait souffrir au

    premier. Le cas est ici le mme ; seulement les phnomnes n'tant pas termins, on ne s'tend pasplus longtemps : il existera autre chose encore.Allan Kardec

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    Fvrier 1868

    Extrait des manuscrits d'un jeune mdium bretonLes Hallucins, les Inspirs, les Fluidiques et les Somnambules

    Nos lecteurs se rappellent avoir lu, dans le courant de juin 1867, l'analyse du Roman de l'Avenir,que M. Bonnemre avait emprunt aux manuscrits d'un jeune mdium breton qui lui avait remis sestravaux.C'est encore dans ce volumineux recueil de manuscrits que l'auteur a trouv ces pages crites l'heure de l'inspiration, et qu'il vient soumettre l'apprciation des lecteurs de la Revue spirite. Il vasans dire que nous laissons au mdium, ou plutt l'Esprit qui l'inspire, la responsabilit desopinions mises, nous rservant de les apprcier plus tard. De mme que le Roman de l'Avenir, c'estun curieux spcimen de mdiumnit inconsciente.

    ILES HALLUCINS

    Nous avons peu de chose dire sur l'hallucination, tat provoqu par une cause morale qui influesur le physique, et auquel se montrent plus volontiers accessibles les natures nerveuses, toujours

    plus promptes s'impressionner.Les femmes surtout, par leur organisation intime, sont portes l'exaltation, et la fivre se prsente

    plus souvent chez elles, accompagne de dlire qui prend les apparences de la folie momentane.L'hallucination, il faut le reconnatre, touche par un petit ct la folie, ainsi que toutes lessurexcitations crbrales, et tandis que le dlire s'exhale surtout en paroles incohrentes, ellereprsente plus particulirement l'action, la mise en scne. Mais c'est tort cependant que parfois on

    les confond ensemble.En proie une sorte de fivre intrieure qui ne se traduit au dehors par aucune perturbationapparente des organes, l'hallucin vit au milieu du monde imaginaire que cre, pour un moment, sonimagination trouble ; tout est en dsordre en lui comme autour de lui ; il porte tout l'extrme : lagaiet parfois, la tristesse presque toujours, et des larmes roulent dans ses yeux pendant que seslvres grimacent un sourire maladif.Ces visions fantastiques existent pour lui ; il les voit, les touche, en est effray. Mais cependant ilconserve l'exercice de sa volont ; il cause avec ses interlocuteurs et leur cache l'objet de sesterreurs ou de ses sombres proccupations.

    Nous en avons connu un qui, pendant environ six mois, assistait tous les matins l'enterrement deson corps, ayant pleinement conscience que son me survivait. Rien ne paraissait chang dans leshabitudes de sa vie, et cependant cette pense incessante, cette vue mme parfois le suivait en touslieux. Le mot de mort rsonnait incessamment son oreille. Quand le soleil brillait, dissipait la nuitou perait le nuage, l'effroyable vision s'vanouissait peu peu et disparaissait la fin. Le soir, ils'endormait, triste et dsespr, car il savait quel horrible rveil l'attendait le lendemain.Parfois, lorsque l'excs de la souffrance physique imposait silence sa volont et lui enlevait cette

    puissance de dissimulation qu'il conservait d'ordinaire, il s'criait tout coup : - Ah ! les voil ! jeles vois ! Et alors il dcrivait son entourage le plus intime les dtails de la lugubre crmonie, ilracontait les scnes sinistres qui se droulaient sous ses regards, o des rondes de personnagesfantastiques dfilaient devant lui.L'hallucin vous dira les folles perceptions de son cerveau malade, mais il n'a rien vous rpter de

    ce que d'autres viendraient lui rvler ; car, pour tre inspir, il faut que la paix et l'harmoniergnent dans votre me, et que vous soyez dgag de toute pense matrielle ou mesquine ;

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    quelquefois la disposition maladive provoque l'inspiration, c'est alors comme un secours que lesamis partis les premiers viennent vous apporter pour vous soulager.Ce fou, qui hier jouissait de la plnitude de sa raison, ne prsente pas de dsordres extrieurs

    perceptibles l'il de l'observateur ; ils sont nombreux cependant, ils existent et sont rels. Le malest souvent dans l'me, jete hors d'elle-mme par l'excs du travail, de la joie, de la douleur ;l'homme physique n'est plus en quilibre avec l'homme moral ; le choc moral a t plus violent que

    n'en peut supporter le physique : de l cataclysme.L'hallucin subit galement les consquences d'une perturbation grave dans son organisme nerveux.Mais, - ce qui rarement a lieu dans la folie, - chez lui ces dsordres sont intermittents et d'autant

    plus facilement curables, que sa vie est double en quelque sorte, qu'il pense avec la vie relle et rveavec la vie fantastique.Cette dernire est souvent l'veil de son me malade, et si on l'coute avec intelligence, on arrive dcouvrir la cause du mal, que souvent il veut cacher. Parmi le flux de paroles incohrentes quelance au dehors une personne en dlire, et qui semblent ne se rapporter en rien aux causes probablesde sa maladie, il s'en trouvera une qui reviendra sans cesse et comme malgr elle, qu'elle voudraitretenir, et qui chappe cependant. Celle-l est la cause vritable et qu'il faut combattre.Mais le travail est long et difficile, car l'hallucin est un habile comdien, et, s'il s'aperoit qu'on

    l'observe, son esprit se jette dans d'tranges carts et prend les apparences de la folie pour chapper cette pression importune que vous paraissez dcid exercer sur lui. Il faut donc l'tudier avec untact extrme, sans le contredire jamais, ou essayer de rectifier les erreurs de son cerveau en dlire.Ce sont l diverses phases d'excitations crbrales, ou plutt d'excitations de l'tre tout entier, car ilne faut pas localiser le sige de l'intelligence. L'me humaine, qui la donne, plane partout ; c'est lesouffle d'en haut qui fait vibrer et agir la machine tout entire.L'hallucin peut, de bonne foi, se croire inspir, et prophtiser, soit qu'il ait conscience de ce qu'ildit, soit que ceux qui l'entourent puissent seuls, son insu, recueillir ses paroles. Mais ajouter foiaux indications d'un hallucin serait se prparer d'tranges dceptions, et c'est ainsi que trop souventon a port au passif de l'inspiration les erreurs qui n'taient que le fait de l'hallucination.Le physique est chose matrielle, sensible, expose au grand jour, que chacun peut voir, admirer,critiquer, soigner ou tenter de redresser. Mais qui peut connatre l'homme moral ? Quand nous nousignorons nous-mmes, comment les autres nous jugeraient-ils ? Si nous leur livrons quelques-unesde nos penses, il en est bien plus encore que nous celons leurs regards et que nous voudrionsnous cacher nous-mmes.Cette dissimulation est presque un crime social. Crs pour le progrs, notre me, notre cur, notreintelligence sont faits pour s'pandre sur tous les frres de la grande famille, pour leur prodiguertout ce qui est en nous, comme pour s'enrichir en mme temps de tout ce qu'ils peuvent nouscommuniquer.L'expansion rciproque est donc la grande loi humanitaire, et la concentration, c'est--dire ladissimulation de nos actions, de nos penses, de nos aspirations est une sorte de vol que nous

    commettons au prjudice de tout le monde. Quel progrs se fera, si nous gardons en nous tout ceque la nature et l'ducation y ont mis, et si chacun agit de mme notre gard ?Exils volontaires, et nous tenant en dehors du commerce de nos frres, nous nous concentrons dansune ide fixe ; l'imagination obsde cherche s'y soustraire en poursuivant toutes sortes de pensessans suite, et l'on peut arriver ainsi jusqu' la folie, juste chtiment qui nous est inflig pour n'avoir

    pas voulu marcher dans nos voies naturelles.Vivons donc dans les autres, et eux dans nous, afin que tous nous ne fassions qu'un. Les grandes

    joies, comme les grandes douleurs, nous brisent lorsqu'elles ne sont pas confies un ami. Toutesolitude est mauvaise et condamne, et toute chose contraire au vu de la nature amne sa suited'invitables, d'immenses dsordres intrieurs.

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    IILES INSPIRS

    L'inspiration est plus rare que l'hallucination, parce qu'elle ne tient pas seulement l'tat physique,mais encore et surtout la situation morale de l'individu prdispos la recevoir.

    Tout homme ne dispose que d'une certaine part d'intelligence qu'il lui est donn de dvelopper parson travail. Arriv ou point culminant o il lui est accord d'atteindre, il s'arrte un moment, puis ilretourne l'tat primitif, l'tat d'enfant, moins cette intelligence mme qui, chez l'un granditchaque jour, et chez le vieillard s'amoindrit, s'teint et disparat. Alors, ayant tout donn, et ne

    pouvant plus rien ajouter au bagage de son sicle, il part, mais pour aller continuer ailleurs sonuvre interrompue ici-bas ; il part, mais en laissant la place rajeunie un autre qui, arrivant l'geviril, aura la puissance d'accomplir son tour une mission plus grande et plus utile.Ce que nous appelons la mort n'est que le dvouement au progrs et l'humanit. Mais rien nemeurt, tout survit et se retrouve par la transmission de la pense des tres partis les premiers quitiennent encore, par la partie la plus thre d'eux-mmes, la patrie quitte, mais non oublie,qu'ils aiment toujours, puisqu'elle est habite par les continuateurs de leur vie, par les hritiers de

    leurs ides, auxquels ils se plaisent insuffler par moments celles qu'ils n'ont pas eu le temps desemer autour d'eux, ou qu'ils n'ont pu voir progresser au gr de leurs esprances.

    N'ayant plus d'organes au service de leur intelligence, ils viennent demander aux hommes de bonnevolont qu'ils apprcient, de leur cder pour un moment la place. Sublimes bienfaiteurs cachs, ilsimprgnent leurs frres de la quintessence de leur pense, afin que leur uvre bauche se

    poursuive et s'achve en passant par le cerveau de ceux qui peuvent lui faire faire son chemin dansle monde.Entre les amis disparus et nous, l'amour se continue, et l'amour, c'est la vie. Ils nous parlent avec lavoix de notre conscience mise en veil. Purifis et meilleurs, ils ne nous apportent que des choses

    pures, dgages qu'ils sont de toute partie matrielle comme de toutes les mesquineries de notrepauvre existence. Ils nous inspirent dans le sentiment qu'ils avaient dans ce monde, mais dans cesentiment dgag de tout alliage.Il leur reste encore une part d'eux-mmes donner : ils nous l'apportent, en nous laissant croire quenous l'avons obtenue par notre seul labeur personnel. De l viennent ces rvlations inattendues quidroutent la science. L'esprit de Dieu souffle o il veut Des inconnus font les grandesdcouvertes, et le monde officiel des acadmies est l pour les entraver au passage.

    Nous ne prtendons pas dire que pour tre inspir, il soit indispensable de se maintenirincessamment dans les voies troites du bien et de la vertu ; mais cependant ce sont d'ordinaire destres moraux auxquels on vient, souvent comme compensation des maux dont ils souffrent par lefait des autres, accorder des manifestations qui leur permettent de se venger leur manire, enapportant le tribut de quelques bienfaits l'humanit qui les mconnat, les raille et les calomnie.

    On rencontre autant de catgories d'inspirations, et d'inspirs par suite, qu'il existe de facults dansle cerveau humain pour s'assimiler des connaissances diffrentes.La lutte effraie les Esprits purs partis pour des mondes plus avancs, et ils dsirent qu'on lescoute avec docilit. Aussi les inspirs sont-ils gnralement des tres purs, nafs et simples, srieuxet rflchis, ptris d'abngation et de dvouement, sans personnalit accuse, aux impressions

    profondes et durables, accessibles aux influences extrieures, sans parti pris sur les choses qu'ilsignorent, assez intelligents pour s'assimiler les penses d'autrui, mais pas assez forts moralement

    pour les discuter.Si l'inspir tient ses propres convictions, il prend, de bonne foi, leur cho pour l'avertissement desvoix qui parlent en lui, et, de bonne foi aussi, il trompe au lieu d'clairer. La bont prside cesrvlations, qui n'ont jamais lieu que dans un but utile et moral la fois.

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    Quand une de ces organisations sympathiques est souffrante par suite d'une dception cruelle oud'un mal physique, un ami s'intresse elle et vient, en donnant un autre aliment sa pense, luiapporter du soulagement pour elle-mme, mais surtout pour ceux qui lui sont chers.Il n'est pas rare que l'inspir ait commenc par tre un hallucin. C'est comme un noviciat, une

    prparation de son cerveau concentrer son esprit et pouvoir accepter la chose qu'on lui dira.Parce qu'un inspir ne peut rien formuler de concluant un certain moment, ce n'est pas dire pour

    cela qu'il ne le pourra pas faire dans d'autres. Les manifestations demeurent libres, spontanes ; ellesviennent quand il en est besoin. Aussi les inspirs, mme les meilleurs, ne le sont-ils pas jour et heure fixes, et les sances annonces l'avance prparent souvent d'invitables dceptions.A faire de trop frquentes vocations, on court risque de n'aboutir qu' un tat de surexcitation plusvoisin de l'hallucination que de l'inspiration. Alors ce ne sont plus que les jeux de notre imaginationen dlire, au lieu de ces lumires d'un autre monde destines clairer les pas de l'humanit dans saroute providentielle.Ceci explique ces erreurs dont l'incrdulit se fait une arme pour nier d'une manire absoluel'intervention des Esprits suprieurs.Les inspirs le sont par tous ceux qui, partis avant l'heure, ont quelque chose nous apprendre.Il peut arriver que la femme la plus simple, la moins instruite, ait des rvlations mdicales. Nous

    en avons vu une qui, sans savoir mme ni lire ni crire, trouvait en elle diffrents noms de plantesqui pouvaient gurir. La crdulit populaire l'avait presque force d'exploiter cette facult. Aussin'tait-elle toujours galement bien claire, encore qu'en ttant le pouls de la personne malade,elle se mt en rapport avec elle : car elle tait aussi de ces fluidiques dont nous parlerons tout l'heure. Bien que faible et dlicate, elle pouvait, par son contact, redonner l'quilibre celui qui enmanquait et remettre en circulation les principes vitaux arrts. Sans s'en rendre compte, elle faisaitsouvent, par ce simple attouchement, sur certaines personnes dont le fluide tait identique avec lesien, plus de bien que par les remdes qu'elle prescrivait, quelquefois par habitude seulement, etavec des variantes insignifiantes, quel que ft le mal pour lequel on la consultait.La Providence a plac auprs de chaque homme un remde pour chaque maladie. Seulement ilexiste autant de natures diffrentes que d'individus. Les remdes agissent diffremment aussi surchaque organisme, lequel influe sur les caractres du mal ; et c'est ce qui fait qu'il est presqueimpossible au mdecin de prescrire le remde efficace. Il connat ses effets gnraux, mais il ignoreabsolument dans quel sens il agira sur tel sujet qu'on lui prsente.C'est ici qu'clate la supriorit des fluidiques et des somnambules, puisque, lorsqu'ils se trouventdans certaines conditions de sympathie avec ceux qui viennent les consulter, les tres suprieurs lesguident avec une infaillibilit presque certaine.Souvent cette inspiration est inconsciente d'elle-mme ; souvent un docteur, mais seulement auprsde certains malades, trouve subitement le remde qui peut les gurir. Ce n'est pas la science qui l'aguid, c'est l'inspiration. La science mettait sa disposition plusieurs modes de traitement, mais unevoix intrieure lui criait un nom ; il a t forc de le dire, et ce nom tait celui du remde qui devait

    agir, l'exclusion de tout autre.Ce que nous disons de la mdecine existe au mme titre dans toutes les autres branches du travailhumain. A certaines heures, le feu de l'inspiration nous dvore, il faut cder ; et si nous prtendonsconcentrer en nous-mmes ce qui doit en sortir, une vritable souffrance devient le chtiment denotre rvolte.Tous ceux qui Dieu a accord le don sublime de cration, les potes, les savants, les artistes, lesinventeurs, ont tous de ces illuminations inattendues, parfois dans un ordre de faits bien diffrent deleurs tudes ordinaires, si l'on a prtendu violenter leur vocation. Mais les Esprits savent ce quenous devons et pouvons faire, et ils viennent rveiller incessamment en nous nos attractionstouffes.On sait comment Molire expliquait ces ingalits qui dparent les plus belles pices de Corneille :

    Ce diable d'homme, disait-il, a un gnie familier qui vient par moments lui souffler l'oreille deschoses sublimes ; puis tout coup il le plante l, en lui disant : Tire-toi de l comme tu pourras !

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    Et alors il ne fait plus rien qui vaille. Molire tait dans le vrai. Le fier gnie de Corneille n'avait pas la docile passivit ncessaire pour subir toujours l'inspiration d'en haut. Les Espritsl'abandonnaient, et alors il s'endormait, comme Homre lui-mme le faisait quelquefois.Il en est, - Socrate et Jeanne d'Arc taient de ceux-l, - qui entendent des voix intrieures qui parlenten eux. D'autres n'entendent rien, mais sont contraints d'obir une force victorieuse qui lesdomine.

    D'autres fois, un nom vient frapper l'oreille de l'inspir : c'est celui d'un ami, d'un individu qu'il neconnat pas mme, dont il a peine entendu parler. La personnalit de cet ami inconnu le pntre,s'infuse en lui ; des penses tranges viennent se substituer peu peu aux siennes. Il a pour unmoment l'esprit de celui-l ; il obit, il crit, son insu, malgr lui, s'il le faut, des choses qu'il nesait pas. Et comme si cette obissance passive laquelle il est condamn lui tait amre supporterdans l'tat veill, il fuit ces choses crites sous une inspiration oppressive, et ne veut pas les lire.Ces penses peuvent tre en dsaccord formel avec ses croyances, avec ses sentiments, ou pluttavec ceux que l'ducation lui a imposs, car, pour que certains Esprits viennent lui, il faut qu'ilexiste quelques rapports entre eux. Ils lui donnent la pense en lui laissant le soin de trouver laforme ; il faut donc qu'ils sachent que son intelligence peut les comprendre, et s'assimilermomentanment leurs ides pour les traduire.

    C'est qu'il est rare que les circonstances nous aient permis de nous dvelopper dans le sens de nosaptitudes natives. Les Esprits plus avancs savent quelle corde il faut toucher pour qu'elle entre envibration. Elle tait demeure muette, parce que l'on avait attaqu les autres en ngligeant celle-l.Ils lui rendent pour un moment la vie. C'est un germe longtemps touff qu'ils fcondent. Puisl'inspir, revenu son tat habituel, ne se souvient plus, car il vit d'une existence double, dontchacune est absolument indpendante de l'autre.Il arrive cependant aussi qu'il conserve une plus grande facilit de comprhension, et conquiert un

    plus grand dveloppement intellectuel. C'est la rcompense de l'effort qu'il a fait pour donner uneforme saisissable aux penses que d'autres sont venus lui rvler.

    Ne croyons pas que tout inspir puisse tout connatre. Chacun, suivant ses prdispositionsnaturelles, mais restes souvent inconnues lui-mme comme aux autres, est inspir pour telle outelle chose, mais ne l'est pas galement pour toutes. Il existe en effet des natures tellementantipathiques certaines connaissances, que les Esprits ne viendront jamais frapper une portequ'ils savent ne pas pouvoir s'ouvrir.L'avenir n'est connu des inspirs que dans une certaine mesure. Aussi n'est-il pas vrai de dire qu'uninspir a prdit dans quel monde telle personne ira aprs sa mort, et quel jugement Dieu prononcerasur elle. Ceci est un jouet de l'imagination hallucine. L'homme, si haut qu'il soit mont dansl'chelle des mondes, ne connat pas quelle sera la destine de son frre. C'est la part rserve Dieu : jamais la crature ne pourra empiter sur ses droits.Oui, il y a des manifestations, mais elles ne sont pas continuelles, et notre impatience leur gardest souvent coupable.

    Oui, tout se tient, et rien n'est rompu dans l'immense univers. Oui, il existe entre cette existence etles autres un lien sympathique et indissoluble qui relie et unit les uns aux autres tous les membresde la famille humaine, et qui permet aux meilleurs de venir nous donner la connaissance de ce quenous ne savons pas. C'est par ce labeur que s'accomplit le progrs. Qu'il s'appelle travail del'intelligence ou inspiration, c'est la mme chose. L'inspiration, c'est le progrs suprieur, c'est lefond : le travail personnel y met la forme, en y ajoutant encore la quintessence des connaissancesantrieurement acquises.Pas une seule invention ne nous appartient en propre, car d'autres ont jet avant nous la semenceque nous rcoltons. Nous appliquons l'uvre que nous voulons poursuivre les forces et le travailde la nature qui est tous, et sans l'aide de laquelle rien ne se fait, puis les forces et le travailaccumuls par les autres qui nous ont prpar les moyens de russir.

    A bien dire, tout est uvre commune et collective, pour confirmer encore ce grand principe desolidarit et d'association qui est la base des socits et la loi de la cration tout entire.

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    Le travail de l'homme ne sera jamais rendu inutile par l'inspiration. L'Esprit qui vient nousl'apporter respectera toujours cette partie rserve l'individu ; il la respectera comme une nobleet sainte chose, puisque le travail met l'homme en possession des facults que Dieu a dposes engerme dans son me, afin que le but de sa vie ft de les fconder. C'est par leur dveloppementqu'il a appris se bien connatre, et qu'il a mrit de se rapprocher de lui.L'inspiration vient indiffremment le jour, la nuit, dans la veille ou pendant le sommeil. Seulement

    elle exige le recueillement. Il lui faut rencontrer des natures qui puissent s'abstraire de touteproccupation du monde rel, pour donner la place libre et vacante l'tre qui viendra l'enveloppertout entier et lui infuser ses penses.Aux heures de l'inspiration, l'homme devient beaucoup plus accessible tous les bruits extrieurs, ettout ce qui vient du monde rel le trouble. Il n'est plus dans ce monde, il est dans un milieutransitoire entre celui-ci e