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Revue des professionnels des espaces naturels 11 juillet 2005 trimestriel • 9,5 Le point pour leur gestion Tourbières

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Page 1: Revue des professionnels des espaces naturels Tourbières

Revue des professionnels des espaces naturels11

juillet 2005

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Le point pour leur gestionTourbières

Page 2: Revue des professionnels des espaces naturels Tourbières

PAGE 3 • JUILLET 2005 • ESPACES NATURELS • N° 11

DIRECTEUR DE LA PUBLICATIONJean-Marie Petit

COMITÉ ÉDITORIALCoordination : MichelleSabatier • Secrétariat :Gwénaëlle Arons •Rubriques : Actualités BrunoMounier, Pascal Danneels •Gestionnaires et partenairesJean-Claude Bonnafé,Véronique Petit-Uzac, CécileBirard • Scientifiques et chercheurs Valérie Fiers,Jean-Pierre Martinot •Animateurs, formateurs,pédagogues NicolasGérardin, Fabrice Cugny •Juristes Fabienne Martin-Therriaud • Comptables etfinanciers Florence Lespine •Ailleurs (international) MarcLutz • Agenda, publicationsLaurence Boussand.Autres membres : Caroline Guesnon, FrançoisPitron, Laurence Resano,Anne Vourc’h.

RÉDACTIONRédactrice en chef : MounePoli • Rédactrice graphiste :Camille Prosperi •Assistante graphiste:Laetizia Giampietri •Rédaction : Moune Poli •Joël Demasson •Correctrice : Magali FloriMediaterra Route Royale20600 Bastia Mél : [email protected]él. : 0495311221

ADMINISTRATION,ABONNEMENTSRÉDACTIONMediaterra Route Royale20600 Bastia Tél. : 0495311221

PUBLICITÉMarie-José Dupuis, Chef de Publicité • Virginie Terron,Assistante de Publcité • PLC31 rue de la Rochefoucauld75009 Paris Tél. : 0145269332Mél : [email protected]

ÉDITEUR Aten - Ateliertechnique des espacesnaturels • Annexe Mandon - Bat. 14 397, rue de Las Sorbes • 34060 Montpellier cedexTél. : 0467043030

IMPRESSIONImprimerie Chirat • 744, rue de Sainte-Colombe • 42540 Saint-Just-la-Pendue

ÉDITO

ÉDITOpar

JACQUES ROUSSEAU-DUFOUR© Éric Sardet

COMARETDESMARAIS.

Près de la moitié des tourbières ont disparu dans notre pays durant lesiècle passé. Déprise agropastorale, enrésinement irraisonné, drainageabusif, le constat n’est plus à faire. Au-delà du débat technique et

scientifique sur les différents types de tourbières et leurs évolutions, lademande en terreaux produits à base de tourbe reste en augmentation. Lesproduits de substitution ne conviennent pas à tous les usages et poursatisfaire le jardinier-consommateur-planteur qui s’est éveillé en nous, lesprofessionnels se tournent vers l’Est. Quoi de plus normal puisque les paysbaltes font désormais partie de notre Communauté. Ils nous fournissent déjàprès de 2 millions de m3 de tourbe par an, soit 70 % de nos besoins. Tantmieux pour nos tourbières, direz-vous ? Mais quel avenir pour les leurs ?Professionnels des « substrats et supports de culture », distributeurs,consommateurs, exploitants estoniens ou lituaniens, gestionnairesd’espaces naturels, décideurs, responsables administratifs et contre-pouvoirs, tous sont concernés aux échelles locale, nationale ou européenne.Connaître, protéger, gérer et mettre en valeur nos milieux et nos espacesnaturels ne s’arrête ni à nos frontières (désormais désuètes), ni à la pratique« vertueuse du meilleur gestionnaire », ni aux efforts de la collectivité pouren « moraliser » les multiples usages et fonctions. Aujourd’hui, seules desdémarches concertées ont quelques chances d’aboutir et de s’inscrire dansl’intérêt général.Oui, j’ai bien dit « intérêt général » . Cet intérêt général qui est censé guidernos sociétés « avancées ». Certains en parlent, d’autres le cherchent,d’autres sont persuadés de l’exprimer, voire l’incarner (c’est plus grave).C’est peut-être un peu comme le beau, le vrai ou le bonheur… Chacun peuten avoir des représentations, des images, le vivre ou le cerner fugitivement,le transcrire concrètement, mais nul ne saurait en être le dépositaire.Se poser la question de l’intérêt général, qui n’est ni l’exigence du plus fort,ni la somme des intérêts particuliers, ni des plus nombreux, c’est tenter deretrouver collectivement le sens et les directions dans lesquels nous devonsinscrire nos actions.C’est par des efforts de déconcentration, d’écoute, de questionnement, dedoute et des « sursauts d’intelligence collective » que nous pouvons espérertendre vers cet intérêt général qui doit rester le moteur de nos sociétéshumaines et de nos initiatives. ■

JACQUESROUSSEAU-DUFOUR

EST PRÉSIDENTDE LA FÉDÉRATION

DES CONSERVATOIRESD’ESPACES NATURELS

Tourbièresmilieux naturels

et intérêt général

>>> [email protected]

juillet 2005 • n° 11

3 ÉDITO Tourbières, milieux naturels et intérêt général

4 L’ÉCHO DES PROS Actualités

sommairePhoto de couverture : Stoelwinder Fotografie - Bios Jeune rainette verte au milieu de rossolis (Pays-Bas).

Tarif des abonnements : 1 an (4 numéros) : 33,50 €ISSN N° 1637-9896 - Commission paritaire 0505 G 83179

DOSSIERTourbières

7 Le type de zone humide le plus répandu dans le monde.

8 Plus variées qu’on ne l’imagine.9 Un lien particulier avec le temps.10 Restaurer après drainage et exploitation,

ce qui est possible.12 L’arbre et la tourbière,

héritiers d’un conflit.13 Boiser les tourbières : non-sens forestier,

hérésie économique !14 L’analyse des micro-organismes, un outil

d’étude et de gestion des tourbières.15 Les sphaignes.16 « Armor nature » : le Département passe

convention avec les agriculteurs.17 Conviction, acquisition : le bon dosage.18 Réseau Sagne: impliquer les propriétaires.20 Avenir radieux ou sombres perspectives?

CAHIERRenaturation21 Renaturer ! Pas reverdir…22 La reconversion de terres agricoles

en espaces naturels.23 «En milieu périurbain, les espaces verts…

répondent à des vocations multiples ».24 Stop au ratissage systématique des dunes.25 « La nature en chantier ».

Prenons-en de la graine.

GESTIONNAIRE - PARTENAIRE

27 Études et méthodesBrasser l’expérience avec des algorithmes.Étude sur la fréquentation annuelle des sites.

SCIENTIFIQUE - CHERCHEUR

30 Recherche appliquéeFonctionnalité écologique des milieux naturels : la baie du Mont Saint Michel.

MANAGER

32 Nouvelles règlesFuture politique européenne de développement rural : l’environnement en sursis.

33 Quel avenir pour les Parcs?

ANIMATEUR - FORMATEUR

34 Pédagogie activeLes touristes, auxiliaires de la science.

JURISTE

36 Relations contractuellesLa photographie protégée par le droitd’auteur.

AILLEURS

38 Groupe international tourbièresTourbières du monde.

40 LECTEUR - PENSEUR42 VIENT DE PARAÎTRE43 L’AGENDA

[ Les propositions desujets d'articles àtraiter dans la revuesont à adresser à :[email protected]

21 Renaturation

Conservatoiredu littoral

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Le dossier7

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Page 3: Revue des professionnels des espaces naturels Tourbières

Pêche sportivepour handicapésLe site est classé Espace naturelsensible du département de L’Orne.Il accueille « tout public » pour uneéducation à l’environnement. Depuispeu, un parcours « pêche-nature »,permet de venir découvrir le site enconsultant les bornespédagogiques jalonnant le parcours,mais aussi, et c’est là quel’aménagement est innovant, il rendaccessible aux personneshandicapées la pratique de la pêchesportive au bord d’une rivière depremière catégorie !Coût du projet : 265000 eurosfinancés par l’Europe, l’État, lescollectivités locales et l’Agence del’eau. ■Pour en savoir plus : Benjamin Potel,CPIE des collines normandesb.potel@cpie-collinesnormandes.orgwww.cpie-collinesnormandes.org

Marchés publicset gestion durable des forêtsUne circulaire sur les moyens àmettre en œuvre dans les marchéspublics de bois et produits dérivés aété signée par le Premier ministre,le 5 avril dernier. Elle indique que« chaque fois que l’état de l’offre lepermet, les acheteurs publicsdoivent s’assurer […] que les boisutilisés pour l’exécution du marchéproviennent de sources présentantdes garanties d’exploitation et detransformation durables ». L’objectifvisé pour 2010 est que la totalitédes achats publics de produits àbase de bois réponde à cetteexigence.Publié au Journal officiel du 8 avril,ce texte est téléchargeable :www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=PRMX0508285 ■

PAGE 5 • JUILLET 2005 • ESPACES NATURELS • N° 11ACTUALITÉS

l’écho des prosACTUALITÉS

l’écho des pros ESPACES NATURELS • N° 11 • JUILLET 2005 • PAGE 4

● Suivre la migration des aloses

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L’otolithe est une pièce calcifiée quel’on trouve au niveau de l’oreilleinterne des poissons et qui leur

permet de maintenir leur équilibre. Cette pièce, bien connue desscientifiques, apporte de nombreuxrenseignements à la fois sur l’identité dupoisson, son âge, les étapes de sonhistoire de vie ou encore ses conditionsde vie. Aude Lochet, doctorante auCemagref, s’est intéressée à cette petitepièce chez l’alose. Son objectif : évaluerle temps passé par les jeunes alosesdans l’estuaire de la Gironde.Les aloses se reproduisent en eau doucepuis passent en estuaire avant de gagnerla mer où elles grandissent. Ellesreviennent ensuite en eau douce pour sereproduire. Comment les jeunes alosesutilisent l’espace estuarien? Y a-t-il des va-et-vient entre la mer et l’estuaire?

Connaître leur temps de séjour en estuairepermet notamment d’évaluer les stocks oula contamination des polluants.Pour suivre les jeunes aloses, Aude Lochets’est aidée des particularités desotolithes. Pendant les premières annéesde vie, il est admis qu’elles grandissentd’une strie par jour. Pour en être sûre, ladoctorante a confirmé ce dépôt journalieren étudiant les otolithes de 80 larvesd’âge différent, dont elle connaissait ladate de naissance. Deuxième étape : connaître les conditionset le milieu de vie que ces poissons ontexpérimentés. Là encore, les otolithes sonttrès utiles. On peut en effet doser parspectrométrie deux éléments chimiquesprésents dans les otolithes : le strontiumet le calcium. Leur rapport, indirectementlié à la salinité, est élevé en milieu marin,alors qu’un rapport faible caractérise unevie en eau douce. En couplant lesinformations sur l’âge à celles sur le milieude vie, on peut alors suivre avec précisionla migration des jeunes aloses et leurpassage entre les différents milieux. ■

>>> Aude Lochet - Cemagref [email protected]

LE MINISTRE DE L’ÉCOLOGIE ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE A PRÉSENTÉ UN PROJET DE LOI RELATIF AUX

PARCS NATIONAUX ET AUX PARCS NATURELS MARINS1. Malgré la réussite des sept Parcs nationauxexistants, la politique des Parcs nationaux en France marque depuis de nombreusesannées des signes d'essoufflement. Depuis quinze ans, la France n'a pu créer de nouveauxParcs nationaux, alors même que la volonté existe, notamment outre-mer.En grande partie inspiré du rapport de Jean-Pierre Giran, député du Var, le projet de loicrée un outil nouveau : le Parc naturel marin. Le projet prévoit de consolider laprotection dont bénéficient les espaces protégés d'un Parc national. Il maintient ainsile rang international de cette protection (catégorie II de l'UICN - Union mondiale pour lanature) et renforce le droit pénal applicable dans ces espaces. Il introduit plusieurs innovations majeures : - la « zone périphérique » du parc n'est plus délimitée par l'État mais résulte de la libreadhésion des communes au plan de préservation et d'aménagement du Parc national ; - une dotation forfaitaire spécifique est prévue en faveur de ces communes pour lessujétions qui résultent du régime de protection ; - le régime juridique des Parcs naturels est conçu pour répondre aux spécificitéstechniques et juridiques du milieu marin. Tirant les leçons de l'expérience réussie des Parcs naturels régionaux, le projet de loirésout l'une des questions posées depuis l'origine des Parcs nationaux : celle del'association des collectivités locales à la politique du parc. Il permet aux porteurs desprojets de Parcs nationaux des Hauts-de-la-Réunion, de la Guyane et des Calanques,ainsi qu'aux porteurs du projet de Parc naturel marin de la mer d'Iroise, de poursuivreactivement leurs réflexions afin d’aboutir dans les dix-huit mois qui viennent. Il répond àl'ambition des collectivités qui désirent s'organiser pour protéger une nature exceptionnelle.Le projet de loi instaure une forme de gouvernance locale où l'État demeure fortementprésent au regard du patrimoine de niveau national ou mondial mais où les collectivitésassument une responsabilité à la mesure des intérêts qui sont les leurs. ■

1. Conseil des ministres du 25 mai 2005.

● En bref ● Parcs nationaux et Parcs naturels marins

ALOSE FEINTE GÉNITEUR.

DES RÉFÉRENTIELS TECHNIQUES VONT PARAÎTRE. Afin d’assurer labonne gestion des sites Natura 2000, dans un cadre contrac-tuel, chaque intervenant doit pouvoir disposer, dès la signaturedu contrat, d’un cadrage technique et financier des mesures degestion proposées. Répondant à ce besoin, des référentielstechnico-économiques sont en cours d’élaboration. Ils repren-nent chacun des grands types de milieux, en fonction du décou-page proposé par les cahiers d’habitats.Pour l’opérateur, l’utilisation de ces référentiels facilite grande-ment l’élaboration des cahiers des charges. En effet, ils identi-fient les mesures dont la pertinence pour la conservation desespèces et habitats a été validée par l’expérience et larecherche.Ils offrent aussi des références pour établir les itinéraires tech-niques et le chiffrage des coûts. Les opérateurs pourront ainsicibler plus aisément les priorités de conservation.Concrètement, l’élaboration de ces référentiels utilise et valoriseles expériences acquises par les gestionnaires d’espaces natu-rels, notamment les opérateurs de Docob. Elle concerte les dif-férents partenaires socioprofessionnels, associatifs et scienti-fiques et s’organise sous l’égide d’un comité de pilotage.La première étude a porté sur les milieux forestiers. Achevée fin2003, elle a d’ailleurs servi de base à la rédaction de la circulairedu 24/12/04 relative à la gestion des sites1. D’autres réflexionsabordent à présent la gestion des milieux ouverts, humides etaquatiques. Ce travail, confié en septembre 2004 à un groupe-ment de bureaux d’études, aboutira fin 2005. Après une phasedocumentaire, des réunions régionales ont eu lieu de juin à sep-tembre. Elles ont permis aux experts régionaux de confronterles résultats de l’étude aux expériences et spécificités de leurrégion.Les champs d’investigations portent essentiellement sur l’arti-culation du contrat Natura 2000 (pris en charge par le Medd)avec les dispositifs agro-environnementaux 2 d’une part, et avecles modalités de gestion des milieux humides et aquatiques,d’autre part (ce deuxième point en lien avec les réglementationset la directive cadre sur l’eau).L’étude comporte aussi une dimension prospective puisque les règlements de financements européens pour la période2007-2013 font actuellement l’objet de discussions entre lesÉtats membres et la Commission européenne. Ils paraîtrontd’ici fin 20053. ■>>> Contact : [email protected]

● Gestion des sites Natura 2000

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● Vanoisecréation d’un observatoire

C’est pour étudier l’évolutionnaturelle à long terme de laforêt de l’Orgère (une

cinquantaine d’hectares), quevient d’être décidée la créationpérenne d’un observatoire,accompagnée de lavalorisation touristique etscientifique de cette forêt.Cette décision résulte d’un

consensus entre la communede Villarodin-Bourget,

propriétaire, l’Office national desforêts, gestionnaire, et le Parcnational de la Vanoise, qui inclut lamajeure partie de cette cembraie.L’observatoire permettra de suivre,sur le long terme, l’évolution de cebois qui comprend des mélèzes etpins cembros vieux de plusieurssiècles. Il permettra aussi, et surtout,de valoriser les connaissancesacquises depuis 1999, date dupremier protocole d’accord entre lestrois parties.Parmi les études précédemmentconduites, les résultats les plussignificatifs concernent la sociologieet, plus précisément, les diversesreprésentations attachées à cetteforêt selon que l’on est habitant dupays, pratiquant du sentierd’interprétation ou encore écologue.Ainsi, le constat, étonnant : «Uneforêt peut en cacher une autre. » Eneffet, une forêt n’est pas perçue dela même manière par ses différentsusagers. Ce constat a d’ailleurspermis de faire émerger une tiercesolution quand il s’est agi de savoirs’il fallait, ou non, poursuivre unegestion sylvicole incluant une coupede bois. Chacun aujourd’huis’accorde à penser, la Communenotamment, que l’on a plus àattendre (en termes d’image etd’attrait touristique) à promouvoir età mettre en valeur cette forêt.Les trois parties s’attachentmaintenant à travailler pour lui offrirun label ou un statut et porter à laconnaissance du plus grand nombreses caractéristiques remarquables,voire exceptionnelles. ■Jean-Pierre Martinot,Parc national de la Vanoise

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en milieux ouverts, humides et aquatiques

Réserves...Le décret issu de laloi « démocratie deproximité » est enfinparu le 19 mai.Pour les réservesnaturellesnationales, ce textefait disparaître laprocédure decréation simplifiée.Il donne un statutréglementaire auxconditions et outilsde gestion. Il simplifieet déconcentre lesprocéduresd’autorisation detravaux. Pour lesréserves naturellesrégionales,l’initiative dupropriétaire privépour la création estpréservée. Il n’y apas de durée declassementimposée et lesprocédures dedéclassement sontprécisées. Lesconditions et outilsde gestiondeviennentcomparables à ceuxdes réservesnationales. Desdispositionstransitoires sontprévues pour les ex-réserves naturellesvolontaires.

en étudiant leur oreille interne

1. Sur demandeauprès d’IsabelleJannot.2. S’appuyant surles CAD, la PHAE(prime herbagèreagri-environnementale).3. C’est le casnotamment pour le Fonds européenpour ledéveloppementrural.

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Page 4: Revue des professionnels des espaces naturels Tourbières

«C’était la fin de la guerre, le restaurant s’est installé à labonne franquette… À l’époque il n’y avait pasd’autorisation. C’est un pêcheur de Palavas qui venait

ici : il y avait des rochers, et beaucoup de poissons, de coquillages etde crustacés… Des langoustes ! Il a coulé une dalle… C’était fait !Une autre époque. Les gens de ma génération ont quantité desouvenirs : des fêtes, des premières communions ! Je ne vous dispas qu’il n’y a pas une petite émotion à le voir démolir. Mais voussavez, dans le coin, il y a eu tellement de brassage de populationsdepuis quelques années : les gens comme moi, qui se souviennentdes soirées d’autrefois, il n’y en a plus beaucoup. Et pour les autres,tout ça ne veut rien dire. »

Souvenirs, émotion, vent sur la plage : le 6 avril, une pelle mécanique démolit les derniers mursencore debout du restaurant de la plage des Aresquiers (34) en application du permis de démoliren site classé pris par le ministre de l’Écologie le 2 février 2005, déposé par le Conservatoire dulittoral, propriétaire du site. L’objectif : rendre le site à son état naturel et prendre en compte lavaleur paysagère mais aussi économique que représentent les segments naturels du rivage, quisont plus qu’un cadre mais un écrin, pour toute l’activité touristique de la région.Un rapide bilan du préfet de région ouvre des perspectives : « La situation est à peu prèsassainie sur de nombreux secteurs du littoral. Les restaurants qui sont implantés à titreprécaire ont tous une autorisation pour fonctionner, de mai à septembre seulement. Dès la finde la saison estivale, ils replient tout. Il reste un gros point noir, c’est Vias où le littoral estattaqué par la mer (le rivage recule) et occupé par plus de 500 cabanes. L’autre priorité, cesont les étangs : plus de 5000 cabanes dont 2% à peine correspondent à l’esprit authentiquede la cabane de pêcheur. Les autres sont des résidences précaires – qui deviennent parfoisprincipales – sur le domaine public, et parfois en zone inondable. Des négociations sont encours avec les communes volontaires pour les déplacer, régulariser éventuellement là où c’estpossible, et retrouver l’intégrité des lieux. Dans les sites de la Petite Camargue (66), du lidodu Petit-Travers (34), de Frontignan - Villeneuve-Les-Maguelone (34), de Sète-Marseillan (34), laplage de Vias (34), les Coussoules à Leucate (11), l’Étang de Canet (66) et Paulilles (66) : huitsites qui ont été désignés comme emblématiques par la mission Littoral, différents projets deréhabilitation sont aussi en cours. » ■

Michelle Sabatier - Aten

PAGE 7 • JUILLET 2005 • ESPACES NATURELS • N° 11

Les tourbières comptent un nombre remarquable d’es-pèces intéressantes : sur environ un millième du territoiremétropolitain, on y trouve 6% (27) des espèces de plantesvasculaires de la liste rouge nationale, 9% (39) des espècesprotégées nationales. Par ailleurs, 6 % des espèces de laflore vasculaire sont inféodées aux tourbières. Elles atti-rent par leur beauté, leur aspect original. Une partied’entre elles a gardé un caractère naturel très marqué, cer-taines même semblent pouvoir se maintenir en équilibre,sans intervention humaine autre que la préservation.Dans les pages qui suivent, et afin de mieux appréhenderles tourbières, il convenait de rappeler les élémentsessentiels de leur fonctionnement. Parmi eux : l’eau, quipar sa nature et par sa permanence en qualité et quantité,est déterminante pour créer et maintenir une tourbièreactive. Mais d’autres éléments font la grande originalitédes tourbières et doivent être suivis en détail par le gestion-naire : les uns incontournables, comme les sphaignes quiprésident aux destinées de toute tourbière acide, les autresméconnus mais essentiels, comme les micro-organismesqui s’y développent.Plus que d’autres milieux, les tourbières induisent laquestion de l’intervention du gestionnaire. Un regard surla relation de l’arbre (et de la forêt) avec la tourbière estpar exemple nécessaire, afin que le «syndrome du castor»

© Jean-Christophe Ragué

Savoir-faire Pierre sur pierre

le dossier

Tourbières

I l y a au moins sept bonnes raisons de conserveret d’entretenir les murs en pierres sèches:

• leur résistance à la poussée a été démontrée •leur coût intègre une part de main-d’œuvre plusimportante que le banché (béton coulé) mais leurdurabilité est plus grande • leur éco-bilan énergé-tique est excellent, bien meilleur que celui du mor-tier-ciment • ils ont un important impact paysageret agricole • ce sont d’excellents filtres hydrau-liques qui laissent passer l’eau mais la freinent enamortissant l’érosion • ils traduisent un savoir-faire manuel qu’il faut transmettre • ils laissent laplace à l’expression, à la création, au plaisir defaire.Quinze stagiaires réunis ce printemps par l’Ateliertechnique des espaces naturels dans un mascévenol 1 en étaient convaincus quand ils ont par-ticipé à la formation «Création et entretien de sen-tiers ». Mais comment passer à l’acte?

LA RÈGLE D’OR : quand on pose une pierre, il fautpenser à la suivante…•Le tri d’abord : les grosses, le tout-venant, laterre végétale.

• Le choix des pierres de parement (celles qui vontvenir devant) : elles doivent posséder une belleface, au besoin il faut leur rectifier le portrait d’uncoup sec de massette.• La position dans le mur :- perpendiculaire au versant pour s’y ancrer en pro-fondeur,- décalées d’un niveau à l’autre pour éviter l’effet« coup de sabre » qui fragiliserait le mur,- bien horizontale sur son lit,- le remplissage de cailloutis, derrière, est lui-même posé pierre à pierre, stabilisé, sans jamaisdépasser le niveau du parement.

LE SECRET : bien mémoriser la forme du creux oùla pierre va devoir s’insérer, rechercher ce qui cor-respond à cette forme en mémoire, et… casser cequi dépasse. L’idée que l’on se fait du mur aupréalable est essentielle : l’angle du mur doit êtrepensé « rentrant » pour que la poussée venue duhaut s’exerce vers l’intérieur. In fine, la motivationdu constructeur rejoint le plaisir qu’il y a à regarderla chose bien faite… ■

1. Dans le Parc national des Cévennes (48-Molezon).

Les murs en pierressèches. Un film deRaymond Achilli • Producteursexécutifs Chambre de métiersde Lozère, Association desartisans bâtisseurs en pierressèches Gard/Lozère •Producteur délégué L’Écrancévenol • Musique originaleClaude Pisaneschi • Durée 15 min Vidéo ou DVD (15 ou23 euros) à commander :www.restaurbati.com

Le type de zone humidele plus répandu dans le monde

Les tourbières seraient le type de zone humide le plus répandu dans le monde! Mais ce n’est pas le cas en France, où elles occupent moins de 100000 ha. Cependant,

les tourbières françaises présentent une surprenante diversité detypes, de paysages, de situations.

ne nous gagne. Dans d’autres cas, et surtout lorsque desdégradations se sont produites, des actions de gestionvoire de réhabilitation paraissent indispensables ; issuesde l’expérience suisse, quelques pistes en matière de res-tauration active sont encourageantes. Elles montrentcependant les limites de l’exercice : la conservation, iciaussi, est préférable à la réhabilitation.Des mesures durables, ou qui devraient l’être, passent pardes interventions de l’État ou des collectivités. Il est descas où les conseils généraux ont pu intervenir, soit par desmesures de type agri-environnemental, soit grâce à la taxedépartementale sur les espaces naturels sensibles. Des ini-tiatives privées sont aussi à souligner. C’est le cas desréseaux Sagne qui s’intéressent à de petites tourbières,échappant à l’emprise du réseau Natura 2000 ou desRéserves naturelles. Et puis, preuves chiffrées à l’appui, ledoigt sera mis sur l’ineptie de plantations boisées sur cessites. Encourageantes sans doute, ces réflexions devraientutilement inspirer les gestionnaires pour une transposi-tion aux tourbières alcalines et aux plantations de peu-pliers qui souvent les envahissent.Et puis, pour réfléchir à l’avenir, nous ne négligerons pasla situation des tourbières dans d’autres pays, prises enétau entre un mitage qu’elles continuent de subir et desatteintes provoquées par l’exploitation de la tourbe. Certesces dernières menaces s’estompent dans notre pays, maisen tant que consommateurs de tourbe, nous en restonsresponsables. Les mesures prises, comme celles conte-nues dans le Plan d’action pour les zones humides, suffi-ront-elles à endiguer le recul des tourbières? ■

FRANCIS MULLER - PÔLE-RELAIS TOURBIÈRES1

>>> Mél : [email protected]

>>> Association des artisansbâtisseurs en pierres sèchesGard/Lozère. Chambre demétiers de Lozère - 2, bdSoubeyran - 04800 MendeTél. : 0466491266

● Détruire la guinguette…

>>> Conservatoire du littoralMél : [email protected]él.: 0499232900>>> Mission interministérielled'aménagement du littoralLanguedoc-RoussillonMél : [email protected] Tél. : 0467065332

ESPACES NATURELS • N° 11 • JUILLET 2005 • PAGE 6

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ACTUALITÉSl’écho des pros

PLANTE EMBLÉMATIQUEDES TOURBIÈRES, LA DROSÉRA ESTCARNIVORE. LES DEUXLIBELLULES VONT PAYERLEUR TRIBUT.

1. Le Pôle-relais tourbières a mis enplace unedocumentationtechnique, scientifique,juridique, pédagogique :plans de gestion etDocob, revuesspécialisées, articles scientifiques, vidéos, CD-Rom

Plus d’informations : >>> [email protected] >>> www.pole-tourbieres.org:81

Page 5: Revue des professionnels des espaces naturels Tourbières

PAGE 9 • JUILLET 2005 • ESPACES NATURELS • N° 11 le dossierESPACES NATURELS • N° 11 • JUILLET 2005 • PAGE 8

tourbièresle dossier

Les tourbières sont lentes à s’installer, ou à se réinstaller !

Alors qu’une pelouse sèchemettra quelques décennies às’installer, une forêt quelquessiècles, la tourbière prendraquelques millénaires pouraccumuler une hauteur detourbe qui se chiffre enmètres. Le gestionnaire doitprendre en compte ce rapportavec le temps dans sespropositions d’entretien ou deréhabilitation de sites.Mais la lenteur desdécompositions en leur seinpermet aussi aux tourbièresd’être des archives de lanature (cf. croquis p. 8). Ellesconservent ainsi les pollens,les charbons de bois, etpermettent d’identifier à desniveaux parfois spécifiques,parfois seulement génériques,les espèces auxquelles cesrestes se rapportent. La datation peut se faire enfonction de la couche où sonttrouvés ces restes ou par desméthodes comme la mesuredu carbone 14 (avant l’année1700 environ) ou des isotopesde césium ou de plomb. On peut, grâce à elles,retracer les variations de lavégétation autour destourbières au fil desmillénaires.Des hommes entiers y ontparfois été découverts en étatde conservationexceptionnelle. Des outils,vêtements ou embarcationsont aussi été retrouvés,comme dans le nord del’Allemagne ou de laScandinavie.Les tourbières ont aussi unlong passé avec l’Homme, àqui elles ont fourni uncombustible ou un support decultures (la tourbe). Il s’estaussi servi d’elles pour la cueillette, la chasse, le pacage. ■OLIVIER MANNEVILLE

* Lexique

Toute réhabilitation ou restauration nécessite de fairele bilan préalable des facteurs hydriques. Si les condi-tions antérieures ne peuvent être rétablies, on ne pourraobtenir, selon l’importance de la variation, qu’un autretype de tourbière, voire un autre type de zone humidenon tourbeuse, ou même un milieu non humide. Ainsi,il est relativement vain d’essayer d’extirper les grami-nées sociales 1 émanant des arbres envahissants quandles conditions hydrauliques ne sont plus à même demaintenir un marais. Cet acharnement ne peut êtrevalable qu’à titre temporaire, le temps de trouver unesolution intégrant les questions hydrologiques ou, àpetite échelle, pour sauvegarder la station d’une espècerare. ■OLIVIER MANNEVILLE - MAÎTRE DE CONFÉRENCE BIOLOGIE

ET ÉCOLOGIE VÉGÉTALE À L’UNIVERSITÉ DE GRENOBLE.FRANCIS MULLER - PÔLE-RELAIS TOURBIÈRES

>>> Mél : [email protected]

Un lien particulier avec le tempsPlus variées qu’on ne l’imagine

L’eau et la tourbe sont les paramètres communsdes tourbières. Mais celles-ci offrent une diversitéde formes et de paysages.

va être rendue difficile par la minéralisation de la tourbeen surface. En effet, la disponibilité en oxygène crééepar l’assèchement va permettre une décomposition desvégétaux et une modification des caractéristiques de latourbe des couches supérieures du marais. Même avecle retour d’eau de qualité adéquate, cette tourbe estdéfinitivement détériorée. Une restauration pourraimpliquer d’ôter les couches supérieures de tourbe.La composition de l’eau peut également être modifiée(généralement du fait d’activités humaines). La baissede qualité des eaux est tout aussi grave que le manqued’eau. Ainsi, l’apport d’une eau riche en minéraux et enengrais (dû à une modification des pratiques agricolesaux abords), dans une tourbière naguère oligotrophe*

et acide, va faire disparaître la végétation et la fauneinféodées aux milieux pauvres et acides.

1. Graminées sociales ; se rapporte auxespèces de graminées qui sedéveloppent en tapis denses, laissantsouvent peu de place aux autresespèces.

Les flèches indiquent les mouvements latéraux ou verticaux de l’eau.

radeau tremblant atterrissementrivière

atterrissement d’un méandre isolé

pente du bombement

centre du bombement

lagg pente du bombement

paludification

centre de la tourbière bombée

paludification

tourbière de pente

tourbière de source

percolation

ruissellement

TYPE LIMNOGÈNE

TYPE LIMNOGÈNE PHASE OMBROTROPHE BOMBÉE TYPE OMBROGÈNE (TOURBIÈRE D’ENSELLEMENT)

TYPE FLUVIOGÈNEVALLÉE ALLUVIALE

TYPE TOPOGÈNETYPE SOLIGÈNE

◗ LE MODE D’ALIMENTATION HYDRIQUE . Ombrotrophe(alimenté uniquement par la pluie). Le cas se présenteuniquement dans les régions à pluviométrie importante,il s’agit alors de tourbières oligotrophes*, donc pauvresen nutriments. Dans les autres cas, la tourbière estminérotrophe (les eaux sont plus chargées en matièresminérales ; le pH dépend surtout de la nature des solstraversés par ces eaux).◗ L’ACIDITÉ. Si la langue française n’a pas de mot spéci-fique pour différencier les tourbières acides (dont leseaux d’alimentation ont un pH < 5,5) et les tourbièresalcalines, d’autres langues les identifient. En anglaison dit bogs pour les premières (essentiellement baséessur l’accumulation de sphaignes) et fens pour lessecondes où dominent des joncacées ou cypéracéescomme les laîches.◗ LE CARACTÈRE ACTIF. Selon que la turfigénèse, pro-duction de tourbe, est en cours ou non.◗ L’ÉPAISSEUR DE TOURBE. Elle peut aller jusqu’à plu-sieurs mètres. Mais l’on différencie les milieux para-tourbeux (épaisseur de moins de 30 ou 40 cm) desmilieux proprement tourbeux.Chacun des types de tourbières définis par les critèresci-dessus réagit différemment aux pressions du milieuet nécessite donc une gestion adaptée.De manière générale, on peut dire :- que les tourbières, surtout les plus oligotrophes etles plus anciennes, sont très difficiles à restaurer aprèsdégradation. Cela tient en partie à la lenteur des pro-cessus qui les concernent ;- qu’il n’est pas impossible d’intervenir positivementsur une tourbière dégradée. Cependant, il n’est pas tou-jours possible de revenir à un état antérieur. La réhabi-

litation envisageable est fonction de l’am-pleur et de l’ancienneté des dégradations,ainsi que des modifications du contexte.

HydrologieL’eau est au centre du fonctionnement etdes dysfonctionnements d’une tourbière.Des variations peuvent être la cause deperturbations importantes. Ainsi la naturepeut, dans une certaine mesure s’accom-moder d’un manque d’eau ; en revanche,les conséquences d’un drainage induisentune modification durable des conditionsde la tourbière et, souvent, sa disparitionpure et simple.Suite à un assèchement, la réhabilitation

à l’échelle de la région naturelle : apports régionaux et lointains

production pollinique

vent dominant

dispersionpollinique

dépôt

sondage préparation au laboratoire

interprétation des analyses

ruissellementtourbière: piège à pollen et spores

apports régionaux

pluie pollinique locale (70%)

ACIDIPHILE

Se dit d’une espèce quiapprécie les milieuxacides (pH < 5,5).ALCALIN

Se dit d’un milieu àréaction basique,généralement riche encarbonates.BRYOPHYTE

Embranchement deplantes nonvascularisées regroupantles mousses, leshépatiques et lesanthocérotes.CARIÇAIE

Groupement végétal demilieux humides dominépar des espèces dugenre carex (laiches).EUTROPHE

Se dit d’un milieu richeen éléments nutritifs,pas ou peu acides.MÉSOTROPHE

Se dit d’un milieumoyennement riche enéléments nutritifs,neutres à légèrementacides.OLIGOTROPHE

Se dit d’un milieu trèspauvre en élémentsnutritifs pour lesvégétaux verts, souventacides.TURFIGÉNÈSE

Production de tourbe.

environ 10 000 km2

de 1 à 100 km2

eausous-sol perméablesous-sol imperméable

alluvionsvase de fond de lactuf calcaire

tourbe de haut-maraistourbe de bas-marais

butte d’ombrotrophisation

arrivée et circulationd’eau

FONCTIONNEMENT HYDROLOGIQUEDES PRINCIPAUX TYPES DE TOURBIÈRES

▼▼

APPORTS DE LA PLUIE POLLINIQUEDANS LA TOURBIÈRE

▼▼

Sous le vocable «tourbière» se cachent des milieuxtrès divers. Le stéréotype de leur genèse est celuid’un petit lac glaciaire dont les bords se font lente-

ment envahir par une végétation palustre. Sur un entre-lacs de trèfle d’eau et de comaret, les sphaignes se déve-loppent puis se déposent en une couche épaisse. C’est ladécomposition très incomplète de ces bryophytes* quidonne naissance à des couches de tourbe. Envahi parcette tourbe, le lac disparaît progressivement enquelques millénaires. Mais il existe bien d’autres formespossibles d’évolution des tourbières.

Une tourbière?Les tourbières ont des critères en commun:◗ IL S’AGIT DE MILIEUX HUMIDES SUR TOURBE. Ce maté-riau, en grande partie organique (30% au moins), estissu de la décomposition partielle de végétaux sousconditions d’anaérobiose.◗ ELLES ONT UN BILAN HYDRIQUE GLOBALEMENT POSITIF.L’ensemble des apports d’eau (précipitations, écoule-ments de surface ou souterrains…) est supérieur ouégal à l’ensemble des pertes (évaporation, absorptionpar les plantes, écoulement…) pendant la majeure par-tie de l’année.Mais d’autres critères les différencient :◗ LE MODE DE FORMATION ET LA SITUATION, LIÉS À LAPOSITION GÉOMORPHOLOGIQUE (cf. schémas page 9). Ilexiste tant de possibilités d’installation d’une tourbièreque l’on peut dire : «dans les climats appropriés, toutezone d’eau stagnante a vocation à voir s’installer unetourbière… si on lui en laisse le temps!» (sauf en milieuextrême très salé, très froid ou à inondation temporaire).

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Page 6: Revue des professionnels des espaces naturels Tourbières

PAGE 11 • JUILLET 2005 • ESPACES NATURELS • N° 11 le dossierESPACES NATURELS • N° 11 • JUILLET 2005 • PAGE 10le dossier

>>> LIN’eco Philippe GrosvernierCase postale 80, 2732 Reconvilier, SuisseMél : [email protected]

Restaurer après drainage et exploitation ce qui est possible

Oui, les tourbières sont souvent susceptibles de restauration.Non, ce processus n’est pas facile. Il est lent et nécessite uneméthodologie élaborée.

Coupe longitudinale d’un ouvrage permettant debloquer un important fossé de drainage, tout enassurant l’évacuation d’un trop-plein d’eau en

période de crues. Ce fossé a, en moyenne, une largeur de4,5m et une profondeur de 2 m, pour une longueur totalede 80 m. Le comblement total n’était pas envisagé pourdeux raisons : 1) le volume de tourbe était beaucoup tropconséquent pour que l’on ait une chance de trouver unlieu où le prélever, et les coûts d’acheminement de cematériel auraient été insupportables pour le maîtred’œuvre ; 2) le fossé sert d’exutoire aux eaux de l’étangde la Gruère (Jura Suisse), un plan d’eau de quelque8 ha, ce qui imposait de devoir assurer l’évacuation d’unflux d’eau pouvant atteindre ou dépasser 300 l/s sansrisque de voir le bouchon de tourbe être emporté à lapremière crue.Le type d’ouvrage conçu est un barrage constituéd’éléments qui, combinés, remplissent cinq fonctions :

Le drainage et l’exploitation de la tourbe ont pourprincipale conséquence une forte perturbationdu fonctionnement hydrologique des tourbières.

Il s’ensuit la disparition des plantes et animaux carac-téristiques, une forte banalisation des milieux et fina-lement une perte de biodiversité significative.Dans les pays d’Europe occidentale, ce phénomène apris une telle ampleur qu’il a justifié la mise enœuvre de programmes de restauration. En restau-rant tout ou partie des fonctions hydrologiquesd’une tourbière, il est en effet possible de favoriser ledéveloppement d’une végétation typique des maraiset de réinitier un processus d’accumulation de tourbe.Les mesures entreprises visent avant tout à conser-ver le plus possible d’eau de bonne qualité à l’inté-rieur de la tourbière et à rehausser le niveau de lanappe dans la tourbe.Mais dans bien des cas, les perturbations engendréespar le drainage et l’exploitation de la tourbe ont irré-médiablement modifié la tourbière. Dès lors, il estillusoire de vouloir retrouver l’état d’origine. Ceconstat oblige le gestionnaire à bien examiner lasituation de la tourbière à restaurer et à mettre enœuvre des mesures de restauration en fonction d’ob-jectifs cohérents et réalistes. Il doit pour cela tenircompte de la situation de la tourbière dans son nou-veau contexte hydrogéologique et biogéographique.D’autres critères peuvent également intervenir dansla conduite des mesures. Notamment, en regard de lagestion conservatoire d’espèces invertébrées liées àdivers types d’habitats qui peuvent parfois être asso-ciés aux stades précoces des successions végétalesconduisant à la formation de la tourbière àsphaignes.

La plus grande difficulté consiste à définir des objectifs réalistes

Les possibilités réelles d’intervention dépendent demultiples critères : les conditions topographiques, letype de tourbière (bombée, de pente, de percola-tion… cf. p. 9), la présence de drains (forme, profon-deur, densité), la provenance et donc la qualité deseaux qui alimentent la tourbière, l’épaisseur et laqualité du substrat tourbeux, la présence de réser-voirs de populations d’espèces clés en matière de res-tauration ou encore d’espèces prioritaires en termesde conservation. Le gestionnaire est par conséquent

tourbières

Petits bassinspeu profonds,cheminement

de l’eau contrôlé àl’aide de techniquesfaisant appel augénie biologique,plantationd’espècespionnièressoigneusementsélectionnées,diversification desstructures et deshabitats pourrépondre auxobjectifs fixés, cetexemple derevitalisation d’unesurface de tourbenue dans lesPréalpes suissesdémontre lacomplexité desfacteurs à gérer.

BLOCAGE D’UN FOSSÉ DRAINANT

RESTAURATION D’UNE SURFACE DE TOURBE NUE SUR FORTE PENTE >>>

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• la plantation d’espèces pionnières soigneusementsélectionnées, afin de faciliter la restauration de sur-faces de tourbe nue ;• le débroussaillement, qui permet une ouverture dumilieu et une plus grande hétérogénéité des struc-tures végétales.L’accompagnement du processus de restauration aufil des ans et des décennies ne doit pas être négligénon plus. Ainsi, un entretien, parfois sous la formed’une exploitation agricole mesurée, peut s’avérernécessaire au maintien des milieux restaurés, enattendant qu’ils retrouvent leur faculté d’autorégula-tion. Un tel accompagnement nécessite un suivi, demanière à contrôler et, le cas échéant, à corrigerl’évolution des milieux en cours de restauration. ■PHILIPPE GROSVERNIERLIN’ECO

� une palissade de madriers de bois, ancréeprofondément dans le sous-sol minéral et assurant unebonne part de l’étanchéité de l’ouvrage ;� un noyau de marne au niveau de la palissade demadriers pour assurer un contact étanche entre le sous-sol marneux et la palissade ;� une masse de tourbe dont la hauteur et la longueuront été calculées de façon proportionnelle à la hauteur dela colonne d’eau à retenir en amont, de manière à formerun bouchon étanche ;� une masse de tourbe complémentaire, incluant unepalissade de pieux, et faisant office de contrepoidsstabilisateur pour l’ouvrage principal ;� un tuyau coudé en guise de trop-plein et dimensionnépour assurer l’écoulement des eaux en provenance del’étang.

Évolution d’uneancienne fossed’extraction detourbe envahiepar le bouleau

dans le Jurasuisse.

Juste avant (1)et juste après (2)la remise en eau

enseptembre 1990,

et, dix ansplus tard, en

juillet 2000 (3).

La régulationprécise du niveau

de l’eau grâce àun ouvrageapproprié apermis destimuler lacroissance

des sphaignes,qui reprennent

peu à peu le contrôledu milieu.

Les bouleauxquant à eux

dépérissent,laissant ainsi

la lumièrepénétrer

dans le sous-bois.

RÉGULATION DU NIVEAU DE L’EAU DANS UNE ANCIENNE FOSSE D’EXPLOITATION DE TOURBE

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le plus souvent confronté à un choix entre plusieursoptions de restauration possibles. La plus grande dif-ficulté consiste à définir des objectifs réalistes enfonction de ces différents critères.Une fois les objectifs clairement établis, diversestechniques de restauration sont applicables, parexemple :• le barrage de drains à ciel ouvert, ou leur comble-ment total ;• le blocage ou la suppression de tuyaux de drainage,y compris en périphérie de la tourbière, sans quoi lesmesures prises en surface pourraient s’avérer vaines ;• l’aménagement de bassins permettant d’accumulerdes réserves d’eau ;

Page 7: Revue des professionnels des espaces naturels Tourbières

ESPACES NATURELS • N° 11 • JUILLET 2005 • PAGE 12

tourbièresle dossier

L’arbre et la tourbière

héritiers d’un conflit

Quand on parle de conservation des tourbières,l’arbre fait plutôt partie des ennemis désignés, etle forestier a généralement intérêt à se faire tout

petit… En effet, qu’il s’agisse de perturbation de l’ali-mentation en eau, d’apport de litière, d’ombrage… lesmaux imputables à la végétation arborescente sontlégion. Les forestiers de l’ONF n’ont pas été les der-niers à s’en laisser convaincre, après la large diffusiondans leurs services du manuel d’Espaces naturels deFrance sur la gestion conservatoire des tourbières.Oui, mais voilà, les choses ne sont pas si simples…

La forêt tourbeuse est un objetd’intérêt patrimonial à part entière

C’est l’un des mérites de la directive Habitats d’avoirmis en exergue l’intérêt de certains groupements detourbières boisées en les retenant comme types d’ha-bitats prioritaires (CB 44A, code Natura 2000 91D0).Certaines boulaies, pineraies, pessières, sont partiesintégrantes du complexe tourbeux. Et, même si ellessont associées à une disparition du fonctionnementturfigène1, ces communautés n’en sont pas moinsremarquables.Cependant leur caractérisation est délicate. En effet,l’évaluation de l’intérêt patrimonial des diverses for-mations arborescentes sur tourbières (pour déciderde leur conservation ou de leur élimination au profitd’autres habitats) est compliquée par plusieurs fac-teurs. Le premier est l’identification des habitats. Ils’agit de ne pas confondre un habitat naturel avec unfaciès issu de semis spontanés à partir de peuple->>> Mél : [email protected]

ments artificiels. Ainsi, par exemple, les pessièresnaturelles sur tourbe, au déterminisme très particu-lier, sont beaucoup plus rares que les faciès d’origineanthropique indirecte, y compris en zone d’indigénatde l’épicéa.Par ailleurs si la directive a eu le mérite de réhabili-ter les forêts tourbeuses, on peut lui reprocherd’avoir presque totalement délaissé les forêts maréca-geuses (CB 44.9). Ainsi, outre leur rareté, certainesde ces forêts font partie du complexe d’habitats detourbières, alors qu’elles ne sont pas reconnues parla directive. Et pour ne rien simplifier, certaines forêtsde la directive n’ont de tourbeuses que le nom…

Tourbeuses ou pas tourbeuses?Sous végétation forestière, les risques de confusionsont importants entre vraie tourbe et certains humusforestiers très épais engorgés.Cette question n’affecte que secondairement la carac-térisation des habitats, puisqu’il est admis que certainsgroupements forestiers d’intérêt communautairepeuvent se trouver sur tourbe comme dans desmilieux non tourbeux.En revanche, c’est quand on envisage la restaurationd’une tourbière que le problème revêt toute sonimportance: déboiser une boulaie dans un site où l’ac-cumulation de matière organique ne s’est faite depuisl’origine que sous forme d’un épais humus forestierexpose à de sévères déconvenues : adieu les droséras etLycopodiella, bonjour les joncs et autres espèces déce-vantes… Adieu aussi la boulaie et sa diversité bryolo-gique (cf. lexique p. 8), entomologique…On l’aura compris, il importe de ne pas céder à ce«syndrome du castor » qui fait souvent se précipiterle gestionnaire (y compris le forestier) pour supprimerles ligneux sur une tourbière réelle ou imaginaire.N’oublions pas, non plus, l’importance de l’arbrecomme élément de structuration du paysage et dediversification des habitats d’espèces.Ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier,règle d’or pour la conservation des complexes d’habi-tats que sont les tourbières, est un principe dont lesgestionnaires doivent faire profiter les mal-aiméesque sont les formations boisées. Mais, ne pas vouloiravoir de tout partout est une autre règle importante :conserver de petits bouquets de bouleaux dispersés,peut aussi signifier le maintien de semenciers quicontinueront d’arroser la tourbière… ■NICOLAS DRAPIER - ONF DIRECTION DE L’ENVIRONNEMENT

ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

Les tourbières boisées sont des habitats rares et remarquablesreconnus par la directive Habitats.

PINERAIE DE PINS ÀCROCHETS TOURBEUSE(RÉSERVE BIOLOGIQUEDOMANIALE DES HAUTESPINASSES, 88).

UNE RÉUSSITE DU PROJETLIFE TOURBIÈRES DEFRANCE AURA ÉTÉD’OBTENIR L’ABANDOND’AIDES AU BOISEMENT DANSLES MILIEUX HUMIDESET L’INSCRIPTION DEL’INTÉRÊT PATRIMONIALDE CES MILIEUX DANS LESDOCUMENTS-CADRES DEPOLITIQUE FORESTIÈRE.

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1. Production de la tourbe.

«Certains terrains sont impropres à la pro-duction forestière. Inutile, donc, de s’yacharner. C’est le cas des tourbières.

Il vaut donc mieux concentrer les efforts forestiers surles meilleures stations et raisonner les investissementsen fonction d’un succès escompté.» Voici la conclu-sion à laquelle sont parvenus les forestiers, membresdu réseau Tourbières d’Auvergne après avoir comparéles conditions économiques de mise en place d’uneplantation d’épicéas communs dans un bon sol fores-tier et dans une zone tourbeuse. Cette analyse a permisd’évaluer les impacts, sur la rentabilité de l’investisse-ment consenti, des surcoûts liés à la valorisation de cesterrains difficiles.Les simulations réalisées sur la même sylviculture(avec un taux d’actualisation de 4 % - voir tableau) ont été pratiquées à des âges différents pour tenircompte du différentiel de croissance lié à la fertilité desstations. Elles font ressortir que:◗ dans le cas d’une futaie régulière d’épicéas, installéesur un « bon » sol forestier, le bénéfice actualisé(BASI0

1) et l’indice d’efficacité 2 sont positifs. Quant autaux interne de rentabilité (TIR3), il s’établit à 4,75%;◗ sur tourbière, avec la même essence, les valeurs dubénéfice actualisé (BASI 0) et de l’indiced’efficacitédeviennent négatives (le propriétaire perd60 centimes d’euro par euro investi) et le taux internede rentabilité fléchit nettement.Tout ceci sans compter le paramètre préalable et aléatoireque constitue la réussite de l’installation du peuplement.Or, dans les tourbières, l’accroissement des risques esttrès fort. Il est notamment lié au taux de mortalité élevé à

En Auvergne, 30% des tourbières

se situent dans des espaces boisés.

Les forestiersparticipent activement

au réseau Tourbièresd’Auvergne dont l’objetest la promotion d’unegestion respectueuse

de ces milieuxsensibles.

Avec le Conservatoiredes espaces et

paysages d’Auvergnequi anime ce réseau,

gestionnaires etforestiers se sontinterrogés sur la

rentabilité du boisementdes tourbières.

Le verdict : planter unetourbière est un

investissement coûteuxvoué à l’échec.

>>> [email protected]/Auvergne

BOISEMENT D’ÉPICÉAS SURTOURBE APRÈS QUARANTE ANS. ON PEUT VOIR LA DIFFICULTÉPOUR LE BOISEMENT DE SEDÉVELOPPER NORMALEMENT.

la mise en place, à la sensibilité accrue aux attaques para-sitaires ainsi qu’aux aléas climatiques.Cette démonstration chiffrée ne manque jamais de mar-quer les esprits des propriétaires forestiers. Aussi pour lesconvaincre, les structures de vulgarisation forestière,telles que le CRPF, doivent relayer ces arguments et démontrer que le boisement «tous azimuts», tel qu’ilfut longtemps pratiqué, et même encouragé, n’est plusd’actualité.Pendant des décennies, le déficit de la filière bois avaitconduit les pouvoirs publics à mettre en place desmesures incitatives avec une politique forestière qui étaitalors à l’expansion des surfaces. Parallèlement, le recul del’agriculture et sa modernisation avaient libéré desespaces considérables. Aujourd’hui, a contrario, le taux deboisement apparaît suffisant dans bon nombre de régionset la tendance est plus à valoriser ce qui existe qu’àaccroître les zones forestières. D’ailleurs, le contexte juridique prend en compte des zonages qui définissentune «règle du jeu» pour l’utilisation des territoires, ainsique les zones humides avec leur potentiel hydrologique et écologique.Désormais, alors que les coûts de main-d’œuvre et de miseen valeur ne cessent de croître, et tandis que les prix desbois sont plutôt orientés à la baisse, la rationalité écono-mique commande de concentrer les efforts forestiers surles meilleures stations, en dehors des zones tourbeuses. ■JEAN MICHEL HÉNONCENTRE RÉGIONAL DE LA PROPRIÉTÉ FORESTIÈRE D’AUVERGNE

SYLVIE MARTINANT - CONSERVATOIRE DES ESPACES ET PAYSAGES

D’AUVERGNE ET ANIMATRICE DU RÉSEAU TOURBIÈRES D’AUVERGNELes classes 1 et 3 font référence

aux classes de fertilité des tables de production

utilisées.

Facteurs d’analyse retenus1. Le BASI 0 ou Bénéfice actualisé, à l’année 0, de la séquenceinfinie. Il permet de comparer deux hypothèses de durée différente,en considérant qu’elles sont répétées à l’infini.2. L’indice d’efficacité du capital investi. Il exprime le nombred’euros gagnés (ou perdus) par euro investi.3. Le taux interne de rentabilité ou TIR. C’est le taux pour lequel lesrecettes actualisées compensent les dépenses actualisées. C’estdonc le véritable taux de fonctionnement du système.

RENTABILITÉ COMPARÉE DE DEUX PLANTATIONS

Sol sainCLASSE 1

Sol tourbeuxCLASSE 3

DURÉE DU PROJET 60 ans 80 ans

TAUX D’ACTUALISATION 4% 4%

BASI 0 1245,21 - 2 594,25

INDICE D’EFFICACITÉ 38 % - 60%

TIR TAUX INTERNE DE RENTABILITÉ 4,75 % 2,33 %

Non-sens forestier, hérésie économique!Boiser les tourbières

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Page 8: Revue des professionnels des espaces naturels Tourbières

Souvent négligées dans les démarches d’inventaires et de gestion,elles sont les espèces clés du fonctionnement des tourbières hautes.

La connaissance des communau-tés de sphaignes et leur réparti-tion sur le site sont les meilleurs

outils d’un diagnostic écologique detourbière haute. Les objectifs de gestion

ou de restauration doivent être tournésvers le maintien ou le développement des

espèces productrices de tourbe.Ce constat découle de deux observations : les

sphaignes mortes constituent la majorité de latourbe ; les sphaignes vivantes construisent un milieuqui leur est favorable et qui limite l’implantation decompétiteurs.En effet, l’analyse des restes végétaux dans les carottesde tourbe ou sur des coupes de tourbières exploitéesmontre l’importance quantitative des sphaignes. Lesespèces constituant la tourbe sont caractéristiques deshautes buttes (Sphagnum fuscum, S. capillifolium, etS. austinii) et des larges banquettes ou basses buttes(S. magellanicum et S. rubellum). Les sphaignes dedépressions comme S. cuspidatum, S. fallax, S. denti-culatum ou S. tenellum ne représentent le plus sou-vent que de minces couches, elles contribuent peu àl’édification de la tourbière. Ces dernières sont pour-tant celles qui croissent le plus vite (S. fallax peut s’al-longer de 32 cm en un an!), mais produire de la massevégétale ne suffit pas.La présence importante, dans la tourbe, des espèces debuttes et de banquettes s’explique par leur constitutionchimique qui les met à l’abri de la décomposition parles microbes du sol. Elles produisent peu, mais seconservent mieux.Autre propriété essentielle des sphaignes : leur capacitéà exclure arbres, arbustes et autres végétaux destruc-teurs de tourbières hautes. Le milieu généré par les

le dossier

Les organismes microscopiques sont très abon-dants à la surface des tourbières à sphaignes.Certains peuvent être photosynthétiques (cya-

nobactéries, algues unicellulaires), prédateurs(protozoaires, rotifères, nématodes) oudécomposeurs (bactéries, champignons).Ces micro-organismes sont étroite-ment dépendants des végétauxconstructeurs de tourbe que sontles sphaignes, en particulier parceque ces mousses maintiennentun taux d’humidité élevé indis-pensable à leur survie.Cependant, les sphaignes ont,elles aussi, besoin des micro-organismes qui fixent

ESPACES NATURELS • N° 11 • JUILLET 2005 • PAGE 14

tourbières

Nos tourbières hautesn’existent que par leparticularisme desorganismes qui lescomposent : lessphaignes. Plantes

à part dans le mondevégétal, elles sontdotées de propriétésexceptionnelles qui leurdonnent un rôle essentieldans l’accumulation de latourbe. À lui seul, sousforme vivante et sousforme de tourbe, le genreSphagnum représente surTerre la plus importantemasse d’origine végétale.

le dossierPAGE 15 • JUILLET 2005 • ESPACES NATURELS • N° 11

et recyclent les éléments nutritifsindispensables à leur croissance.

Depuis plusieurs années,les chercheurs ont pris

en compte les lienstrès étroits qui exis-

tent entre les sphaigneset les micro-organismes.Ils s’en servent aujourd’huipour mettre en évidence laqualité actuelle ou passée destourbières. Ainsi, en fonctionde la diversité et de l’abon-dance des différentes espèces

de micro-organismes, il estpossible de mettre en évidence

les effets d’un apport d’azoteatmosphérique ou d’un drainage.

L‘un des groupes de micro-organismesle plus utilisé pour étudier les tourbières

est celui des amibes à thèques, ou thécamoe-biens, car il présente un triple avantage : les espècessont très abondantes dans les sphaignes, elles sontsouvent très spécifiques des conditions du milieu et ellespossèdent une enveloppe externe (la thèque) qui persistedans la tourbe après leur mort et permet leur identifica-tion. Ces caractéristiques peuvent être très utiles pourreconstituer l’histoire de la tourbière au cours dessiècles, mais aussi, plus simplement, pour suivre l’avan-cement de la restauration après exploitation.L’étude des micro-organismes est un moyen perfor-mant pour comprendre le fonctionnement des tour-bières, mais leur utilisation est limitée parce qu’ilsrestent encore mal connus. La réalisation future deguides pratiques de gestion et de détermination pour-rait permettre de lever ces inconvénients. ■

DANIEL GILBERTLABORATOIRE DE BIOLOGIE ENVIRONNEMENTALE, BESANÇON.

EDWARD MITCHELLÉCOLE POLYTECHNIQUE FÉDÉRALE DE LAUSANNE

>>> Daniel GilbertLaboratoire de biologie environnementale, USC INRA, EA 3184,université de Franche-Comté, place Leclerc - 25030 Besançon. >>> Edward MitchellEPFL, Laboratoire des systèmes écologiques, Station 2, CH - 1015 Lausanne, Suisse.

Les micro-organismes sont encore mal connus.Leur étude pourtant, se révèle être un moyenperformant pour connaître le fonctionnement et l’histoire des tourbières.

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L’analyse des micro-organismes

1. CYANOBACTÉRIEMICROSCOPIE OPTIQUE.2. MICRO-ALGUES

MICROSCOPIE OPTIQUE.3. EUGLYPHA COMPRESSA

OUVERTURE BUCALE DUTHECAMŒBÉMIEN. MICROSCOPIEÉLECTRONIQUE

À BALAYAGE.

COUSSIN DESPHAIGNES.BORDURE BOISÉED’UNE TOURBIÈREHAUTE (ALLIER).

un outil d’étude et de gestion des tourbières

1. VUE AU MICROSCOPE

OPTIQUE D’UNE FEUILLE

TEINTÉE DES BRANCHES DE

S. SQUARROSUM. LA COLORATION ARTIFICIELLE

DES FEUILLES PERMET AUX

SCIENTIFIQUES DE METTRE EN

ÉVIDENCE LES PORES,CARACTÈRES IMPORTANTS POUR

IDENTIFIER CERTAINES

ESPÈCES. LARGEUR DU CHAMP :0,2 MM.

2. VUE AU MICROSCOPE

OPTIQUE D’UNE FEUILLE DES

BRANCHES DE S. PALUSTRE. LES CELLULES VERTES ET FINES

SONT VIVANTES ET CONTIENNENT

LES CHLOROPLASTES (SIÈGE DE

LA PHOTOSYNTHÈSE). LES LARGES CELLULES

TRANSPARENTES SONT MORTES

ET SE REMPLISSENT D’EAU OU

SE VIDENT PAR DES PORES

CIRCULAIRES. LARGEUR DU

CHAMP : 0,2 MM.

espèces de buttes et de banquettes est particulièrementcontraignant. Il est bien connu que les sphaignes secomportent comme une éponge, maintenant en leursein une grande quantité d’eau. Le fait que le sol soitgorgé d’eau provoque l’asphyxie des racines des autresvégétaux. En plus, les sphaignes ont la capacité de cap-ter certains éléments minéraux, essentiels à la surviedes autres végétaux, comme le calcium ou l’azote, cequi appauvrit le milieu. D’autant qu’en échange, elleslibèrent des produits acides, nocifs aux racines desplantes. Pour couronner le tout, les sphaignes sontcapables d’enterrer vivant tout végétal ne poussant pasassez vite!Asphyxie, acidité, pauvreté minérale et «sol avaleur»sont des contraintes que peu de plantes vasculairespeuvent subir. Celles qui résistent, rares, ne se rencon-trent presque que dans les tourbières hautes.Retenons donc que certaines sphaignes produisent dela tourbe et excluent les compétiteurs, ce sont ellesqu’il faut protéger et favoriser pour assurer la pérennitédu milieu. Leur présence sur la tourbière est signe debonne santé et permet la vie d’espèces à fort intérêtpatrimonial comme la droséra, les canneberges, l’an-dromède… Malheureusement, elles sont fragiles etsupportent mal les changements liés à l’humidité dusecteur et à l’écrasement, qu’il soit causé par desHommes, des bêtes ou des machines.Ainsi, pour une tourbière haute, l’étude des sphaignespermet de dire s’il faut intervenir, où intervenir et sur-tout où ne pas intervenir. Elle est donc un préliminaireà toute intervention. ■PIERRE GOUBETINSTITUT DES HERBIERS UNIVERSITAIRES DE CLERMONT-FERRAND

UNIVERSITÉ BLAISE-PASCAL

>>> Mél : [email protected]

S. magellanicum, S. capillifolium, S. angustifolium, S. russowii.

Les sphaignes

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MICRO-ORGANISMES DANS LES SPHAIGNESESTIMATION PAR LITRE D’EAU

BACTÉRIES/CYANOBACTÉRIES 1000000000

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PROTOZOAIRES 100000

ROTIFÈRES 100000

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LES ALGUES FORMENT UNGROUPE TRÈS HÉTÉROGÈNE.LES PLUS PRIMITIVES SONTLES CYANOBACTÉRIES(ALGUES BLEUES) QUE L’ONRÉUNIT AVEC LES BACTÉRIESDANS LES PROCARYOTES.

Page 9: Revue des professionnels des espaces naturels Tourbières

PAGE 17 • JUILLET 2005 • ESPACES NATURELS • N° 11 le dossierESPACES NATURELS • N° 11 • JUILLET 2005 • PAGE 16

tourbièresle dossier

«Armor nature»

1. Le territoire decontractualisation estdéfini par rapport à unenotion de site naturel àenjeux patrimoniauxforts.

2. L’UGB (Unité grosbétail) définit lechargement.

Le Département passe convention avec les agriculteurs

NARTHÉCIE.

L e sud-ouest du département des Côtes d’Armorpossède un réseau dense de vallées humides.Ces ensembles constituent une vaste mosaïque

de landes et de prairies tourbeuses qui offrent uneimportante diversité de milieux. Or, après avoirrecensé ces espaces, le Département met en évidencequ’ils sont en danger. En effet, fortement imbriquésavec les parcelles agricoles en culture ou en prairietemporaire, ces milieux sont progressivement aban-donnés. Ils présentent des contraintes d’exploitationmajeures (hydromorphie, obstacles au sein des par-celles, éloignement vis-à-vis du siège d’exploita-tion…) entraînant l’arrêt des pratiques de gestionpar fauche et pâturage. Cette évolution constitue unemenace sérieuse pour leur conservation.Cherchant à réagir, le Conseil général met alors enplace en 2001 un dispositif de conventionnement avecles exploitants et les agriculteurs : «Armor nature».

Une démarche territorialeL’ensemble des exploitants possédant des parcellesremarquables dans le périmètre établi1 est alorscontacté. Ils peuvent signer pour cinq ans uneconvention avec le Département. Cette conventionles engage sur des modalités d’entretien, par faucheou pâturage, définies par un cahier des charges. Enéchange, le Conseil général leur verse une indemnitécompensatoire. Trois contrats, compatibles avec ceuxrédigés dans le cadre des Contrats d’agriculture

durable (CAD), sont déclinés en fonction de la naturedes espaces gérés (prairies mésophiles naturelles,prairies oligotrophes à jonc acutiflore et landes tour-beuses à sphaignes et narthécie). Ces aides qui tien-nent compte du niveau de contrainte de gestion ren-contrée par les exploitants, sont comprises entre 49et 168 euros/ha/an. Elles se justifient, entre autres,par le fait que la pression de pâturage sur les landestourbeuses doit être faible sous peine de dégrader ceshabitats fragiles. À titre de comparaison, la pression depâturage annuelle est comprise entre 0,8 et 1,2UGB/ha/an2 pour les prairies mésophiles, entre 0,6 et1 pour les prairies humides ou tourbeuses et infé-rieure à 0,6 pour les landes tourbeuses.Préalablement, une étude de pré-contractualisationcomprenant une cartographie détaillée des habitatset de l’état de conservation du site ainsi qu’une éva-luation des surfaces est effectuée.Une fois le contrat signé, l’agriculteur n’est pas livréà lui-même. Le Département a mis en place un relaislocal. Cet organisme assure la mission de conseiltechnique, de suivi et de contrôle annuel. Il doitremettre chaque année au Département un rapportcomprenant une cartographie détaillée des parcellesgérées, des modes de gestion pratiqués et descontraintes rencontrées. Le tout dans une relation deconfiance mutuelle, dont il faut souligner qu’elleconstitue la base de la réussite de cette convention.L’objectif consiste en effet, à dépasser l’unique fonc-tion de contrôle pour élaborer un réel partenariatavec les exploitants gestionnaires.À tout moment, l’exploitant peut résilier le contrat« Armor nature » et s’engager dans une démarcheContrat d’agriculture durable à l’échelle de sonexploitation.Enfin, pour évaluer l’impact des mesures, ces actionsde gestion donnent lieu à des suivis scientifiquesannuels (botaniques et entomologiques). Ainsi,depuis 2003, une étude portant sur l’impact des différents modes de gestion sur les peuplementsentomologiques des landes, des prairies et de méga-phorbiaies est lancée. Depuis 2001, dix sites sontconventionnés sur une superficie de 265 ha. Lepotentiel de contractualisation s’élève à 1 500 ha demilieux à fort intérêt patrimonial. Et, si cet outil degestion constitue une garantie de maintien debonnes pratiques sur les milieux tourbeux ouverts, ilpermet également d’associer le monde agricole etenvironnemental sur le thème de la conservation desespaces naturels. ■OLIVIER LE BIHAN - CONSEIL GÉNÉRAL DES CÔTES-D’ARMOR

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>>> [email protected]

Le Conseil général des Côtes-d’Armor a mis en place un dispositif deconventionnement destiné à maintenir dans un bon état de conservationles prairies et les landes humides ou tourbeuses. En échange du respectdes pratiques de fauche et de pâturage, le Département rétribue lesexploitants et les gestionnaires contractants.

>>> Mesures agri-environnementales en faveur des tourbières

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Le département de la Loire a accepté la compétencerelative à la gestion des espaces naturels sensibles1.De quels moyens financiers disposez-vous ?

Effectivement, depuis quinze ans, nos élus ont choisi demener une politique en faveur des espaces naturels sen-sibles. Face à cette compétence, le législateur a prévu unoutil financier. Nous prélevons donc la taxe départemen-tale pour les espaces naturels sensibles. Nous avons optépour un taux de 1%. Ce qui, concrètement, nous permetde disposer d’un budget d’un million d’euros par an.

La loi ne définit pas les espaces naturels sensibles,comment avez-vous arrêté le champ de cescompétences ?

Nous avons conduit des inventaires départementauxpour déterminer quels espaces étaient les plus menacés.Nous avons identifié cinq milieux prioritaires parmi les-quels s’inscrivaient les tourbières. 93 sites de tourbièresont ainsi été répertoriés. Ils appartiennent pratique-ment tous à des propriétaires privés.

Vous avez refusé la politique d’acquisition foncière?

Non. Ce que nous avons refusé, c’est d’user du droit depréemption au titre des espaces naturels sensibles.D’une part, parce que nos élus considèrent qu’il y a uneatteinte à la propriété privée et, d’autre part, parce quel’occasion d’un droit de préemption ne se présente pastous les jours. C’est une politique de très très longterme. Par contre, nous ne négligeons pas la maîtrisefoncière directe. Pour vous donner un ordre d’idée,chez nous, une tourbière se vend moins de 1000 eurosl’hectare. Il faut dire que ces terrains ne sont pas trèsvalorisés par l’agriculture.

Vous achetez beaucoup…

La maîtrise foncière directe est effectivement mise enavant, mais nous aidons plutôt les collectivités à deve-nir propriétaires. Nous finançons l’acquisition, ou cher-chons des fonds européens de manière à limiter l’auto-financement des communes à 20%.Il était très difficile au début de convaincre les éluslocaux, d’abord parce que ce n’était pas dans leur culture

et certainement, aussi, parce que nous sommes face àdes communes à faible budget qui ont d’autres priorités.Aujourd’hui, dix ans plus tard, les choses ont évolué…,les élus sont davantage convaincus de l’importance des tourbières. Je pense que notre action y est pourquelque chose… Nous développons d’ailleurs un rôled’appui technique.

Une acquisition… est-ce l’occasion de convaincre de l’importance de ces milieux ou,uniquement, une procédure administrative ?

Vous avez raison de souligner ce point, car notre poli-tique est basée sur la concertation. C’est sans doutepour cela que nous avons pu convaincre.Généralement, nous réunissons les propriétaires et lesélus en mairie. Nous allons ensuite sur le terrain etanimons des réunions publiques. Quelquefois, un siteappartient à une vingtaine de propriétaires, d’où l’im-portance de cette animation foncière qui donne du sensà la vente et détermine l’accord. Quelquefois nousn’aboutissons qu’à une location sur vingt ans, maisnous « semons» notre message.Quand le Département décide d’acheter directement,parce que les communes ne sont pas partantes, nousfinançons aussi la gestion par l’intermédiaire de laTDENS. Le coût de la gestion peut varier. Par exemple,il y a quelques années, nous avons acheté une tourbièreenrésinée. Le déboisement a coûté cher. En revanche,sur des sites bien préservés, l’objectif est simplementde faire un suivi scientifique.

Vous développez également l’outil conventionnel…

Oui. Les exploitants peuvent effectivement signer uneconvention avec le Conseil général pour une gestionrespectueuse, sur la base du respect d’un cahier descharges. Mais il est vrai que nous privilégions la poli-tique de maîtrise foncière.

Sur cet outil financier, quel bilan faites-vous ?

Je dis tout simplement que, sans la TDENS, on n’auraitpas de politique sur les tourbières. C’est un outil financier exceptionnel. ■RECUEILLI PAR MOUNE POLI

1. Le code de l’urbanismedonne la possibilité auxConseils générauxd’accepter (ou non) lacompétence relative à lapolitique des espacesnaturels sensibles. Ils peuvent alors préleverla taxe départementalepour les espaces naturelssensibles (TDENS).Cette taxe est indexée surle bâti. Son calcul estindexé sur la SHHON(surface habitable horsœuvre nette). Son tauxest fixé par leDépartement entre 0% et2%. Aujourd’hui, environles 3/4 des Départementsont accepté cettecompétence.

RECENSÉES COMME ESPACENATUREL SENSIBLE : 93 TOURBIÈRES DANS LEDÉPARTEMENT DE LA LOIRE.LES PLUS PETITS SITESS’ÉTENDENT SUR UN HECTARE,LES PLUS GRANDSÉCO-COMPLEXES VONT JUSQU’ÀUNE CENTAINE D’HECTARES.

Conviction, acquisitionle bon dosage

La parole àLaurent

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RESPONSABLEDU SERVICEENVIRONNEMENTAU CONSEIL GÉNÉRALDE LA LOIRE.

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TOURBIÈRE DE LA PIGNECHALMAZEL (42) MONTS DUFOREZ.

Page 10: Revue des professionnels des espaces naturels Tourbières

ÉLEVEUR DE BREBISÀ ANGLÈS - TARN

PAGE 19 • JUILLET 2005 • ESPACES NATURELS • N° 11 le dossier

Vous travaillez avec le réseauSagne depuis plus de sept ans.Qu’est-ce qui a motivé cette décision ?

J’ai 53 ans et suis éleveur sur le plateau depuis 1987. En 1998, j’ai décidé detransformer mon exploitationen agriculture biologique. J’ai dû repenser tout monassolement.La question de l’usage dessagnes (tourbières) laissées àl’abandon s’est alors posée. Jesouhaitais les valoriser, sansles détruire. J’ai donc fait appelà l’animateur du réseau Sagne.

Vous avez été convaincu dès la première rencontre ?

Effectivement. Jacques Thomasest venu visiter l’exploitation,son approche nous a plu parcequ’elle était pragmatique etqu’elle tenait compte de noscontraintes. Jacques m’amontré comment les sagnesfonctionnent : comment l’eaucircule, quelles plantes ypoussent… On a discuté desdifficultés à valoriser ces sitesavec nos brebis.

Cela a pu déboucher sur des actions immédiates ?…Et très concrètes : nousavons broyé une partie destouradons3, remis en état lesrigoles de surface et refait lesclôtures pour y mettre desvaches plus adaptées à cesmilieux.

Quel bilan faites-vous de cettecoopération avec le réseauSagne?

Tout d’abord, nous prenonsacte du fait que ces parcellesnous sont bien utiles. Il étaitimportant de s’en occuper. Par ailleurs, je retiendrais quela démarche du réseau Sagnepermet d’élaborer dessolutions en commun. Cette responsabilisation sur la gestion de nos sites estfondamentale. Pour une fois,on participe au choix, sans quece soit « pipé » par l’attraitd’une prime. ■

ESPACES NATURELS • N° 11 • JUILLET 2005 • PAGE 18le dossiertourbières

Assistance techniqueCette forme d’assistance technique est née en 2001suite aux travaux du programme Life «Tourbières deMidi-Pyrénées ». Le Conservatoire régional desespaces naturels a alors souhaité démultiplier lesacquis de ce programme en impliquant les proprié-taires ou gestionnaires de zones tourbeuses.L’essentiel consiste à établir une relation de confianceet d’échange entre le technicien du réseau et l’adhé-rent afin de valoriser ce patrimoine. L’adhérent estresponsabilisé sur la gestion de son site. Il peut solli-citer le technicien qui lui rend visite une fois par an.Pour le propriétaire ou l’exploitant d’une zone tour-beuse, adhérer c’est s’engager à mettre en œuvre despratiques de gestion compatibles avec la préservationdes zones humides.Le service est gratuit, mais aussi désintéressé pourl’adhérent, puisqu’il ne reçoit pas d’aide financièrepour l’entretien de son site.

Concernant les tourbières, l’une des principales menaces identifiées est l’a priori d’indifférence que suscite ce patrimoine aux yeux de sespropriétaires. Pourtant, la conservation des zones humides ne pouvait se

contenter d’actions exemplaires menées sur quelques sites à forts enjeux. En réponse, la démarche du réseau Sagne consiste à proposer au propriétaire lavisite d’un technicien du réseau, pour réaliser un diagnostic de son site et lui fairedécouvrir les intérêts patrimoniaux et fonctionnels de sa zone humide. Ensemble,ils bâtissent un plan de gestion adapté au site et aux moyens dont dispose legestionnaire. Ce plan de gestion identifie les modalités d’entretien des parcelles,donne des conseils techniques et propose des travaux de restauration selon lesenjeux identifiés. L’ensemble du plan de gestion est consigné dans un documentqui, une fois validé par le gestionnaire ou le propriétaire, fait office de conventiond’adhésion au réseau Sagne.

Une expérience qui essaimeEn Midi-Pyrénées, le réseau compte 33 adhérents quigèrent 350 hectares de zones tourbeuses, ce quireprésente près de 7 % des surfaces de zones tour-beuses connues dans la région. Parmi les adhérents,37 % ne sont pas des exploitants agricoles (particu-liers, collectivités locales). Jusqu’à présent, ce type degestionnaires n’avait pas été la cible de programmesvisant la conservation du patrimoine naturel.Mais l’expérience essaime dans plusieurs régions, ainsi:- espaces naturels d’Aquitaine a conclu un accordavec l’Agence de l’eau pour un programme, s‘éten-dant jusqu’en 2006 ; déjà 10 adhérents, gérant 86hectares, ont bénéficié de ce service ;- le Conservatoire départemental des sites lozériens aréalisé en 2004 un important travail de sensibilisa-tion pour les tourbières de la Margeride, ce qui s’estconcrétisé pour le moment par l’adhésion d’unecommune et d’un agriculteur ;- le Conservatoire des espaces et paysages d’Auvergnemet en œuvre le Plan d’action régional en faveur destourbières en s’appuyant sur ce dispositif dans leCantal et une partie du Puy-de-Dôme ;- le Conservatoire du Limousin, après avoir menéune étude de faisabilité avec l’appui du Cnasea 1, sou-haite aussi mobiliser un réseau d’acteurs en faveurdes landes et des tourbières ;- enfin, l’Adasea 2 de l’Aveyron qui anime des pro-grammes agri-environnementaux traditionnels, sou-haiterait s’insérer dans ce nouveau dispositif d’assis-tance technique spécialisé.

>>> Scop SagneTél. : 0563752873- Mél : [email protected]://www.sagne.coop

Compléter la démarcheDes voies nouvelles sont encore à explorer pour assu-rer un meilleur service aux gestionnaires de tour-bières. On peut citer : l’innovation en matière detechniques d’entretien ; la vulgarisation technique debonne qualité auprès des adhérents ; les modalitésd’accompagnement et la réalisation de travaux derestauration ou de gestion de sites ; la mobilisationdes collectivités locales pour conserver ce patrimoineprivé d’intérêt collectif.

RIGOLE DE SURFACESUR TOURBIÈRE.

Impliquer les propriétaires

TECHNICIEN DURÉSEAU SAGNE

LORS DE L’ÉTUDED'UN SITE.

PAYSAGE DE LANDESET TOURBIÈRESDANS LES MONTS DE LACAUNE(TARN).

>>> [email protected]

VISITE DES AGENTS DE LA DDAF DU TARN SUR LA TOURBIÈRE

DE CANROUTE (LE MARGNÈS - TARN).

La réflexion collective des animateurs des réseauxSagne à l’échelle du bassin Adour-Garonne lesamène à solliciter le renforcement des soutiens insti-tutionnels, pour que leur action technique reçoiveencore un meilleur écho.Enfin, reste aussi à favoriser l’appropriation par lesadhérents du réseau, et donc de l’outil qu’il consti-tue. À cette condition, l’assistance technique prendrasa véritable dimension de ressources et de compé-tences partagées par les gestionnaires eux-mêmes. ■JACQUES THOMAS - SCOP SAGNE

L’Agence de l’eau s’investit

Des actions variées ont été menées en faveur des milieux tourbeux. Dans leur prolongement, il estvite apparu qu’à l’échelle du bassin Adour-Garonne, la préservation de ces milieux ne pouvait serésumer à la gestion de quelques sites, exceptionnels de par leur richesse biologique. Les zones

humides, même les plus banales, devaient être prises en compte dans la gestion des bassins versants.Les expériences de gestion menées sur les sites « patrimoniaux » devaient être valorisées et diffuséesauprès des gestionnaires classiques de ces tourbières, principalement les agriculteurs et les forestiers.Pour cela, il n’y avait pas d’autres moyens que d’aller à la rencontre des gestionnaires sur leurs terri-toires, se mettre à leur écoute pour trouver, avec eux, des modalités de gestion conciliant l’utilisation desparcelles et la pérennité de la zone humide. Mais la mise en œuvre est parfois délicate, d’où l’idée d’expé-rimenter l’assistance technique aux gestionnaires de milieux humides.Le pari a été relevé par plusieurs structures. Aujourd’hui, l’Agence de l’eau souhaite réfléchir avec elles,avec les bénéficiaires de leurs conseils et avec d’autres partenaires institutionnels pour confirmer cebesoin d’appui de terrain. De même, il est important de penser les modalités pratiques de sa mise enœuvre. Ces constats serviront à renforcer la politique de l’Agence en faveur des zones humides dans lecadre de son prochain programme d’intervention (2007-2011). ■DOMINIQUE TESSEYRE - CONSEILLÈRE TECHNIQUE « GESTION DES MILIEUX AQUATIQUES », AGENCE DE L’EAU ADOUR-GARONNE

voici pourquoi...

Solidarité technique et scientifique, la démarche du réseau Sagne vient soutenir les exploitants sur leur terrain

Réseau Sagne

© Coralie Viala - Scop Sagne

© Jacques Thomas - Scop Sagne © Céline Thomas - Scop Sagne

© Jacques Thomas - Scop Sagne

MARAIS DE LA FONDIAL (LOT).

La parole àLucien Viala

1. Centre national pourl’aménagement desstructures des exploitationsagricoles.

2. Associationdépartementale pourl’aménagement desstructures des exploitationsagricoles.

3. Grosses touffes pouvantatteindre 1m de hauteur.Résultat de la persistance,au cours des ans, de lasouche et des feuillesbasales sèches de certainesplantes herbacées.

Page 11: Revue des professionnels des espaces naturels Tourbières

intègre un bon usage d’une ressource si peurenouvelable : la tourbe.Les mesures prônées sont l’utilisation de pro-duits de substitution à la tourbe partout oùcela est possible. Et dans les autres cas, l’usagede produits à faible proportion de tourbeextraite selon des méthodes permettant la réhabilitation des tourbières (exploitationsous eau, par petits paquets, restauration voire«réensemencement» des sites après exploita-tion, comme au Québec).L’autre grande menace étant, en France, ladisparition ou la dégradation de zoneshumides, un Plan national d’action pour leszones humides a été lancé en 1995 afin d’in-verser la tendance, constatée depuis plusieursdécennies, de régression continue de cesmilieux. Ce plan a pour buts : d’inventorier etde renforcer les outils de suivi et d’évaluation;d’assurer la cohérence des politiquespubliques ; d’engager la reconquête deszones humides ; de lancer un programmed’information et de sensibilisation.Il utilise notamment comme outils cinqpôles relais zones humides, dont le Pôle-relais tourbières. Ces pôles ont pour vocation

le recueil et la diffusion des informationsliées aux zones humides, le soutien

1. Le lecteur se reporterautilement au site web

du Pôle-relais tourbières(coordonnées ci-contre).

renaturation d’espaces renaturation

Renaturer! Pas reverdir…«Reconquérir des espaces délaissés après avoir été utilisés, modifiés, dégradéspar une activité humaine, afin de les mettre à disposition de la faune et de la floresauvages»… telle est la définition de la renaturation développée par unequarantaine d’acteurs de la région Nord-Pas-de-Calais.Marquée par un passé industriel et minier, cette région qui détient environ 50%des friches industrielles françaises s’est lancée à la reconquête écologique dessites délaissés. Une opportunité pour la préservation des espèces et des habitats!

La requalification des anciens espacesd’activité est un enjeu.Généralement,les projets sont envisagés sous les

angles de la sécurisation et de la remise enétat paysagère imposées par la réglementa-tion. Ils visent à effacer toute trace de l’acti-vité, à gommer les cicatrices et les pointsnoirs de l’environnement qui figent l’identitéd’un territoire dans une vision passéiste, polluée… Pour faire propre et vert…Pourtant, les caractéristiques offertes parce type d’espaces perturbés puis délaissés(qualité du sol, tranquillité…) peuvent êtreà l’origine de potentialités écologiquesrépondant aux exigences de nombreusesespèces. Certaines, rares voire menacées,peuvent même y trouver des espaces de viecompensant la disparition de leurs bio-topes naturels, à condition que les travauxde requalification en tiennent compte.Dans le Nord-Pas-de-Calais, la renaturationest une démarche de projet qui s’est déve-loppée au fur et à mesure des expériences.Elle s’inscrit dans une logique de préserva-tion de la diversité biologique et apparaîtcomme une solution permettant d’amoin-drir les impacts liés à la dégradation d’unréseau de sites naturels et de soutenir lavolonté de reconquête du maillage écolo-gique régional.

>>> Une diversité d’expériences dans le Nord-Pas-de-Calais

C’est un mélange subtil d’introduction, deréintroduction et d’évolution naturelle quivise la création d’espaces naturels et nonde « déserts verts ». Objectif : identifier lesenjeux patrimoniaux au regard de ce quiexiste et ne pas chercher à adapter un pro-jet préconçu, autrement dit accompagnerla nature au lieu de faire à sa place.Les exemples sont nombreux. Ils intéres-sent les terrils miniers, de cendres ou descories, divers bassins de décantation, desvoies de circulation, des carrières en eauou à sec, des espaces agricoles…De façon générale, si l’introduction de végé-taux peut s’avérer nécessaire pour des ques-tions de sécurité (stabilisation de berges oude pentes) ou écologiques (secteurs sen-sibles à la colonisation d’espèces invasives) ;

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LE TERRIL SAINTE-MARIE, À AUBERCHICOURT (59).UN ANCIEN ESPACE D’ACTIVITÉ MINIÈRE

AUJOURD’HUI CLASSÉ ZNIEFF ET GÉRÉ PAR LE

CONSERVATOIRE DES ESPACES NATURELS.SUR UNE TOPOGRAPHIE MOUVEMENTÉE, LES TRAVAUX DE REQUALIFICATION ONT PRIS EN

COMPTE LES HABITATS ET FAVORISÉ LA VÉGÉTATION

SPONTANÉE. À TERME, LES SITES RENATURÉS DU

NORD-PAS-DE-CALAIS FORMERONT AUTANT DE

PÔLES RÉGIONAUX DE SOUTIEN À LA BIODIVERSITÉ.CETTE NOTION DE MISE EN RÉSEAU EST D’AUTANT

PLUS IMPORTANTE DANS DES RÉGIONS AU MAILLAGE

ÉCOLOGIQUE FORTEMENT DÉSTRUCTURÉ.

PAGE 21 • JUILLET 2005 • ESPACES NATURELS • N° 11

renaturation

gestionnaire

ou encore pour des raisons liées à l’ac-cueil du public (contrôle des chemine-ments, zones d’aménités), il faut garder àl’esprit le risque tant génétique questructurel que courent les écosystèmes.Il faut donc favoriser les écotypeslocaux, par la récolte de plants ou degraines à proximité immédiate du siteou s’approvisionner chez un fournisseurproposant des plantes d’origine indigènecontrôlée.L’apport de terres arables et de cultivarsnon adaptés sont des procédés qui entraî-nent un appauvrissement de la biodiver-sité ainsi qu’un surcoût de gestionimportant à long terme ; contrairementau maintien de substrats pauvres et audéveloppement d’une flore adaptée. Enoutre, le transport accidentel d’espècesinvasives dans les terres de remblai, rare-ment contrôlées, et leur introductionpour raisons horticoles sont les princi-pales causes de leur dissémination.Toutefois, le fait de laisser s’opérer unevégétalisation spontanée sur un site estloin d’être évident pour l’ensemble desacteurs locaux qui ne voient pas dechangements rapides. La communica-tion est alors un élément capital pourpermettre l’appropriation du projet partous et en assurer la pérennité. Entre le« beau et propre » et l’écologiquementremarquable, c’est principalement notreperception de la nature qu’il convientde modifier. ■LAURENT SPYCHALA - CONSERVATOIRE

DES SITES NATURELS DU NORD ET DU PAS-DE-CALAIS

>>> Mél : [email protected]©

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SITE MINIER APRÈS RENATURATION.

ESPACES NATURELS • N° 11 • JUILLET 2005 • PAGE 20

>>> Pôle-relais tourbièresFédération des conservatoires d’espaces naturelspole.tourbieres@enf-conservatoires.orgwww.pole-tourbieres.org

tourbièresle dossier

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Avenir radieux

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Source: Pôle-relais tourbières / FCEN - Carte provisoire janvier 2005.

LOCALISATION DES TOURBIÈRES ACIDESET ALCALINES DE FRANCE ET DESPRINCIPAUX SITES D’EXTRACTION

ou sombres perspectives?

▲▲ Plus de 60000 tonnes

15000 à 60000 tonnes

5000 à 15000 tonnesMoins de 5000 tonnes

Secteur à faible densitéde tourbières

Secteur à forte densitéde tourbières

COLIASPALAENO.

La situation des tourbières dans lemonde est délicate (cf. p. 38) : cer-tains pays ont des tourbières très

dégradées (l’Allemagne…) d’autres voientcertaines activités destructrices se ralentirsans que les menaces disparaissent(Norvège ou Lettonie). Par ailleurs, despays, telle la Terre de Feu, aux tourbièresen bon état, voient croître les pressionsdestructrices. Des organisations interna-tionales comme le Groupe internationalpour la conservation des tourbières multi-plient les rencontres et les interventionspour que les tourbières soient reconnuesà leur juste valeur1.Cependant, la situation française ne peutêtre déconnectée de celle des autres pays.En effet, nos importations de tourbe crois-sent, principalement depuis les pays baltes,scandinaves ou l’Irlande. Une réflexion àl’échelle mondiale est donc nécessaire, qui

>>> Face à un marché en croissance

aux gestionnaires et l’apport de réflexionsutiles à l’État et aux collectivités territoriales,dans le cadre de leurs politiques touchant leszones humides.L’avenir des tourbières reste préoccupant. Lesmesures de protection se multiplient, notam-ment sur les tourbières acides. Mais un chan-gement d’échelle est nécessaire. Les grandsensembles tourbeux nécessitent souvent unegestion à grande échelle, parfois après des tra-vaux de réhabilitation complexes. Commedans la vallée de la Somme, où des mesuresde protection d’un grand intérêt ont prisplace sur de petites surfaces, il faudra trouverles moyens techniques, humains et financierspour intervenir sur les bassins versants. Les tourbières ne sont pas non plus isolées dureste de l’écosystème Terre. Elles sont trèsdépendantes des pratiques agricoles et desautres activités humaines. Elles seraient aussiparmi les premières touchées par un réchauf-fement marqué de la planète ou par une aug-mentation des apports atmosphériques,notamment en azote sous forme de nitratesou d’ammoniums. ■FRANCIS MULLER - PÔLE-RELAIS TOURBIÈRES

© Lebrecht Jeschke

Page 12: Revue des professionnels des espaces naturels Tourbières

ESPACES NATURELS • N° 11 • JUILLET 2005 • PAGE 22 PAGE 23 • JUILLET 2005 • ESPACES NATURELS • N° 11

gestion différenciée renaturationgestionnairegestionnaire

LE PORT AUTONOME DE DUNKERQUE

EST PROPRIÉTAIRE DES TERRAINS SUR

LESQUELS À ÉTÉ MENÉE LA

RÉHABILITATION DES FRICHES

INDUSTRIELLES. QU’EST-CE QUI A

MOTIVÉ VOTRE ADHÉSION À CETTE

DÉMARCHE?La coulée verte de Mardyck àLoon-Plage est une action concrètede longue durée. Nous y avonsparticipé parce que nous nousinscrivons dans la démarched’élaboration du Schémad’environnement industriel quiconduit à la gestion des paysageset de l’industrie et prend encompte l’environnement dansl’aménagement des sites. Ilrepose sur une nécessairecohérence avec le plan locald’urbanisme. D’où l’importance detravailler en synergie avec lesservices de la Communautéurbaine de Dunkerque. Nousl’avons fait dans le cadre d’uneconvention pluriannuelle desaménagements paysagers de lazone industrialo-portuaire et nousavons épousé les objectifs debiodiversité par une gestion descorridors écologiques et desespaces de transition. ■

Pascal GrégoireRESPONSABLE DU SERVICE ENVIRONNEMENT

AU PORT AUTONOME DE DUNKERQUE

● la parole à

but de favoriser le réveil de la banque desemences du polder et la germination degraines apportées par le vent.Le coût global de l’opération est estimé à460000 euros, soit 1,62 euro/m 2.

Le bilan écologiqueParmi les espèces ciblées : le crapaud cala-mite qui affectionne les milieux pionniers,pauvres en végétation. Le succès est quasiimmédiat ! À partir de milieux sources,éloignés de plusieurs kilomètres, ils colo-nisent rapidement ces nouveaux espacesouverts. Espaces qui eurent également lesfaveurs des tadornes de Belon et de diverslimicoles parmi lesquels on a pu constaterla reproduction du vanneau huppé, dupetit gravelot et, probablement de l’avocetteélégante.À l’heure du bilan, on peut constater laprésence de la samole de Valérand, de lachlore perfoliée, de la petite centaurée,d’une espèce d’élocharis et du gnaphalejaunâtre dans les sables humides.Callitriche truncata et œnanthe aquatiquefurent également recensées dans les fossés.Les prairies sèches accueillent, quant àelles, l’érigéron âcre, la bugrane épineuseet l’ophrys abeille.Au cours de l’hiver 2003-2004, la troisièmetranche a permis de créer un hectare demarais sur une ancienne voirie située à proximité immédiate des sites. Y dominela phragmitaie. Aujourd’hui, la totalité desroselières compte plus de deux hectarestout comme les surfaces en eau libre(étangs, mares). ■GUILLAUME LEMOINE - DÉPARTEMENT DU NORD

FABRICE TRUANT - COMMUNAUTÉ URBAINE DUNKERQUE

1. La demande émane du Port autonomede Dunkerque (propriétaire des terrains).La maîtrise d’ouvrage fut portée par leConseil général, en accord avec laCommune et en liaison avec laCommunauté urbaine de Dunkerque(organisme gestionnaire).

2. Fossés riches en roseaux,caractéristiques de la Flandre maritime.

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renaturationLa reconquête de sites agricoles délaissés pour créer des zones naturelles présente degrandes potentialités pour l’accueil de la faune et de la flore sauvages. Ils peuvent remplirles rôles de refuges ou d’habitats complémentaires pour de nombreuses espèces etparticipent au renforcement du maillage écologique de secteurs géographiques complets.

Eflore d’intérêt patrimonial. Par ailleurs,cette opération a permis la germinationde graines issues de plantes locales etconservées dans le sol durant l’exploita-tion agricole.Alors qu’initialement les prairies avaientété semées à la densité de 15 g au m 2, les nouveaux semis sont très lâches (10 gau m 2). Bien évidemment, les fabacées etgraminées à forte croissance sont pros-crites. Ce choix vise à limiter la croissancedu tapis herbacé et à réduire les coûtsd’entretien. Ces semis très légers (ouabsents dans les dépressions) ont pour

La reconversion de terres agricoles>>> La coulée verte de Mardyck

sEn savoir plusÉdité par le Conservatoire des sites naturels du Nordet du Pas-de-Calais, ce Recueil sur la renaturationd’espaces a été élaboré par et avec plus d’unequarantaine de structures engagées dans cettethématique. Capital d’expériences abordant toutes lesnotions, de l’intérêt scientifique à la faisabilité et aucoût financier, il a également valeur d’exemplarité pourmodifier le comportement des autres acteurs de lasociété, en particulier des aménageurs.200 pages - 20 euros + port. Tél. : 0328045345

Le Nord ! ses terrains agricoles… sesespaces dégradés aussi. Était-il pos-sible de reconvertir les anciens pol-

ders en espaces naturels respectueux deshabitats présents ou potentiels ? De proté-ger et de développer les richesses patrimo-niales des sites ?L’action la plus significative est sans doutel’aménagement d’une coulée verte sur lescommunes de Mardyck et Loon-Plage. Menésen trois phases successives 1, les travauxdébutent en 1999 pour s’achever en 2001.Vingt-huit hectares sont ainsi aménagéspar le Département. Des opérations de ter-rassements et de décapages ont permis laformation de dépressions humides, depelouses sèches et steppiques, de prairiessur des terres agricoles initialementvouées à la culture céréalière. Huit hec-tares de boisements sont également crééspar la plantation d’arbres sélectionnésparmi les essences régionales. À cette sur-face, s’ajoutent 2,6 km de canaux et water-gangs 2 bordés de saules têtards, plantéspour la circonstance.Pour que les potentialités écologiques desanciens espaces agricoles soient intéres-santes, il est souvent nécessaire de remo-deler le sol. L’étrépage de l’horizon orga-nique permet notamment d’appauvrir lesol, ce qui favorise l’implantation d’une

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LES MARES PEU PROFONDES ET LES DÉPRESSIONSTEMPORAIRES BORDÉES DE VÉGÉTATIONS PAUVRESSONT DES HABITATS NÉCESSAIRES À LA SURVIE DECERTAINS OISEAUX ET BATRACIENS.

en espaces naturels

WATERGANG.

Il s’agit d’ailleurs d’une approche globale du territoire : l’ensemble des espaces doitrépondre à l’ensemble des vocations.

Gestion différenciée, cela signifie aussiintervenants différenciés ?

L’absence de cloisonnement entre lesapproches est un axe important. La gestiondifférenciée fait appel aux techniques desespaces verts mais également à l’ingénieriespécifique propre aux espaces naturels pro-tégés et à l’agriculture. La contribution decelle-ci montrera comment faucher uneprairie périurbaine, récolter le foin et parti-ciper ainsi à l’entretien de l’espace pour queles enfants viennent jouer.Mais ce qu’il faut surtout retenir, c’est qu’ils’agit d’une démarche philosophique dansl’optique du développement durable. Biensûr, nous pouvons supprimer les mauvaisesherbes sur les trottoirs. Mais nous préconi-serons un désherbant thermique.L’absence de cloisonnement entre lesmétiers s’exprime aussi avec le paysagiste.Nous lui demanderons d’intégrer les problé-matiques de gestion dès la conception del’espace. Si l’on veut que les gestionnairesterritoriaux modifient leurs pratiques, ilfaut leur donner tous les outils pour qu’ilspuissent le faire. Ainsi, la gestion différen-ciée implique une réflexion sur les maté-riels, la formation, la communication…

Vous parlez d’habitats présents oupotentiels. Qu’entendez-vous par là ?

Ce sont les habitats susceptibles d’émergersur un espace, simplement parce que vousmodifiez son mode de gestion. Un exemple :la commune de Grande-Synthe possède desespaces verts sur zones sableuses. Ce sontdes terrains très filtrants, très secs. Nousavons suggéré d’arrêter la tonte et de gérerces terrains par la fauche. Conclusion, le

terrain s’est appauvri et on a pu y compterjusqu’à 600 pieds d’orchidées qui ont fleuril’année suivante.

Comment définissez-vous la notiond’écoparc en milieu urbain ?

Par éco, entendez écologique et écono-mique. L’écoparc de Lomme, par exemple,s’étend sur une trentaine d’hectares. Pourrépondre à cette double logique, c’était unagriculteur qui fauchait l’espace pour l’en-tretenir. Comme la gestion différenciée,l’écoparc répond à une approche globale deméthodologie de projet. ■

RECUEILLI PAR MOUNE POLI

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«En milieu périurbain, les espaces verts…répondent à des vocations multiples»

EéGuillaume Lemoinecologue auConseil général du Nord

Pouvez-vous nous éclairer sur leconcept de gestion différenciée ?

La gestion différenciée, c’est l’intégrationdes problématiques environnementalesdans les pratiques courantes de gestion desespaces verts. Je parle bien d’espaces verts :du square urbain, des grands parcs d’agglo-mération, ou encore des espaces périurbains.La gestion différenciée prend en compteles exigences écologiques des espèces oudes habitats présents, mais elle regardeégalement les usages sociaux et récréatifsde ces espaces et la dimension de marke-ting territorial.

De marketing territorial ?…

De vitrine, si vous préférez. Sur le parvisde l’hôtel de ville, il y a un espace vert. Ilest interdit au public, mais il joue un rôleen terme de communication.

Donc, la gestion différenciée…

Le gestionnaire territorial va analyser lesusages, surfaces, potentialités du terrain. Sonécologie, ses espèces, ses habitats… À partirde là, il définit une vocation souhaitée pourcet espace. Le mode de gestion en découleradirectement. Ainsi, devant la mairie, nousmaintenons sciemment une pelouse. La diffi-culté est de définir clairement les objectifs.En effet, ils sont toujours multiples: conser-vation de la nature à 80%, ou marketing etpelouse d’agrément pour pique-nique etpoussette à 80%. Ce sera toujours du 80-20.En périurbain, il n’y aura jamais du 100%quelque chose.

gestion différenciée

Page 13: Revue des professionnels des espaces naturels Tourbières

Algues, bois flottants, cadavres d’animaux,résidus de pontes… tous ces matériauxrelâchés par la mer s’accumulent sur le

sable et constituent les « laisses de mer ».Sources de matière organique, elles viendrontnourrir une faune importante de vers, cre-vettes, micro-organismes. Mais ces matériauxforment également un bon engrais pour unevégétation caractéristique de coquillier mariti-me, de soude, d’arroche, qui affectionnent l’azo-te et qui tolèrent le sel (espèces halonitrophiles).Lors, vient le vent… Il accumule du sable, bien-tôt colonisé par une nouvelle plante : le chien-dent des sables ou agropyron à feuilles de jonc.Accentuant le piégeage du sable, cette plantepermet la formation de dunes embryonnaires.Laisses de mer, dunes embryonnaires… Voilàdonc des habitats remarquables. Or ceux-cisont menacés à l’échelle européenne, principa-lement du fait du ratissage des plages pratiquépar les communes balnéaires. Aussi, depuis dixans, une protection a été mise en place, surl’estran du littoral du département du Nord (àproximité immédiate de la frontière franco-belge). Elle concerne les hauts de plage desdunes du Perroquet (250 ha) et Marchand(110 ha), sur les communes de Bray-Dunes etZuydcoote, propriété du Conservatoire de l’es-pace littoral (1,5 km de linéaire).

La fin du ratissagesystématique

L’initiative du Conseil général du Nord, ges-tionnaire des dunes bordières, visait à réduire,puis arrêter le nettoyage régulier de la plage.De mai à septembre en effet, l’ensemble del’estran était ratissé chaque semaine à l’aide detracteurs équipés de griffes. La fréquence du

Un engraissementspectaculaire

Malgré le côté fragmentaire de ces habitats, desrelevés ont montré leur forte augmentationspatiale, dès la seconde année d’intervention.Aujourd’hui, bien que difficilement quanti-fiables, ces habitats recouvrent de façon homo-gène le haut de plage. Ils sont très importantssur six cent mètres linéaires et sur quinze àvingt mètres de large face aux dunes Marchandet du Perroquet. Certaines laisses de mer, plusabritées dans la dune du Perroquet, ont permisl’installation de la betterave sauvage.L’utilité de la démarche est également faunis-tique. La présence de dépôts réguliers d’algueset de débris végétaux au niveau des laisses demer permet d’espérer le retour de nombreuxinvertébrés des plages.Quant au coût de l’opération, il est quasimentnul. Des économies sont même réalisées avecl’arrêt du ratissage. Ce type d’action est bien sûrreproductible. Il a également permis un trèsimportant engraissement du haut de plage ensable, ralentissant voire inversant la tendanceancienne du recul généralisé du trait de côte decette portion de rivage.Le retour des formations embryonnaires a égale-ment un attrait pédagogique. Elle permet de montrer à un public nombreux, lors de visites gui-dées, la formation des massifs dunaires, les phéno-mènes de sédimentation éolienne, la géomorpho-logie littorale et l’organisation des différentes phy-tocoénoses dont les séquences sont maintenantprésentes de l’estran aux dunes boisées. ■GUILLAUME LEMOINECHARGÉ DE MISSION - DÉPARTEMENT DU NORD

>>> Mél : [email protected]

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ratissage augmentait en période estivale avecune intervention matinale journalière.Le Département attira donc l’attention duSyndicat intercommunal des dunes de Flandre(responsable du nettoyage de l’estran) sur l’in-térêt patrimonial des habitats des hauts deplage. Une réduction des linéaires concernéspar le ratissage fut alors entreprise. Seules lesportions face aux communes balnéaires subis-sent encore un entretien intensif (une bandede propreté de cent mètres supplémentaires dechaque côté des digues est également inclusedans ce périmètre).En revanche, l’ensemble de l’estran, situéparallèlement aux massifs dunaires en gestiondépartementale, fait l’objet d’une gestion plusdouce. Les ratissages n’ont plus lieu et, seulsles plus gros déchets apportés par la mer sontramassés tous les quinze jours par une asso-ciation d’insertion sociale (Écoflandres) 1 oupar l’équipe départementale qui contrôle àcette occasion l’état du cordon dunaire.Au début de l’expérience, il advint que le net-toyage des plages reprenne au printemps. Maisdes opérations de sensibilisation permirent deconvaincre les gestionnaires d’abandonnertotalement toute intervention mécanique auniveau des plages gérées écologiquement.Cette réalité dure aujourd’hui depuis sept ans.

Stop Le nettoyage régulier des plages conduisait à la destructiond’espèces d’intérêt patrimonial. À l’initiative du Départementdu Nord, une gestion plus durable a été adoptée.

au ratissage systématique des dunes

1. Financée, pour cette mission, par le Conseil général.

>>> Privilégier les laisses de mer

renaturation d’espacesESPACES NATURELS • N° 11 • JUILLET 2005 • PAGE 24

gestionnairePAGE 25 • JUILLET 2005 • ESPACES NATURELS • N° 11

renaturationgestionnairerenaturation d’espaces

«La nature en chantier»Prenons-en de la graine

Ils sont penchés sur les talus, ils sontnombreux. Accroupis au ras du sol,leurs doigts agiles écartent les herbes.

Huit semaines durant, ils reviennent, pastoujours les mêmes mais toujours aussiassidus… Ils ramassent des graines.Drôle d’idée !Ceux qui œuvrent ainsi sur les pelousesde l’Audomarois sont tous des bénévolesde l’association « Les Blongios, la natureen chantiers ». Le sens de leur travails’intitule « renaturation ».En effet, alors que la ZNIEFF « Fond deCormette » devait être traversée par unenouvelle rocade, la DDE du Pas-de-Calaisdécide d’intégrer un projet de renatura-tion dans le respect paysager de l’espaceagricole traversé.En 1998, la direction départementale de l’équipement sollicite donc le Parcnaturel régional de l’Audomarois, leConservatoire botanique national deBailleul (CBNBL) et l’association « LesBlongios » afin de reconstituer despelouses calcicoles sur les remblais rou-tiers calcaires de la rocade. Un chantierde récolte de graines est alors organisé.Un semencier (Carneau) est égalementassocié aux fins de multiplication et d’en-semencement des graines récoltées.

Les étapesIl convenait tout d’abord de rédiger le« Cahier des prescriptions de mise enœuvre» relatif à la récolte des semences.En partenariat avec le Conservatoirebotanique, le bureau d’études Osmosedéfinit la nature et les objectifs des tra-vaux, les périodes d’intervention, le profilet le nombre de ramasseurs. Il inventoriales espèces concernées et fixa les diffé-rentes étapes : des préparatifs jusqu’à lalivraison des graines au semencier.Pour parfaire cette préparation, le CBNBLarrêta ensuite le protocole de récolte rela-tif aux trois graminées et neuf légumi-neuses sélectionnées par l’étude. Les siteset dates de ramassage furent déterminés.Les grandes lignes peuvent se résumerainsi : «Les graines récoltées sont typiquesdes pelouses calcicoles de l’Audomarois et

proviennent de zones proches du lieud’ensemencement afin de conserver lescaractéristiques génétiques liées au sub-strat et au climat local. L’objectif du chan-tier est de ramasser 70 kg de graines,triées par espèces, avec le minimum d’élé-ments végétaux (tiges, feuilles…), chacunedans des quantités définies. »

Sur fond d’aménagement du territoire, la renaturation de remblaisroutiers a donné lieu à un travail en partenariat où innovation,découvertes et vie interculturelle étaient au rendez-vous.

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▼ FORMATION COLLECTIVE SUR LE SITE.

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L’étape de mise en œuvre pouvait alors commencer !Une des conditions cependant était de formerles futurs coordinateurs du chantier, tousbénévoles. Ces novices en botanique connurentdeux journées de formation où le CBNBLs’appliqua à les instruire à la reconnaissancedes espèces et à l’estimation de leur degré dematurité.Puis, à la théorie, succéda la pratique. Un pre-mier week-end de « ramassage » initia lescoordinateurs à la récolte de graines en fonc-tion du protocole défini. Ainsi, pour chaqueplante, une part déterminée de grainesmatures fut récoltée en fonction d’uneméthode de cueillette lui étant propre.

RÉPARTITION DES PARTICIPANTS SUIVANTLEUR ORIGINE GÉOGRAPHIQUE

IDENTIFICATION D’UNE GRAINE.

Un chantier international

eensavoir plus>>> Laurent FauconConseil général du NordFerme Nord - Chemin privé59123 ZuydcooteTél. : 0328265020>>> Conservatoire de l’espace littoralet des rivages lacustresLe Riverside - Quai Giard62930 Wimereux

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LAISSES DE MER.▲ L’ARRÊT DU RATISSAGE A RAPIDEMENT PERMIS AUX HABITATS DE S’EXPRIMER.

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«Combien recevez-vous de visiteurspar an ? ». « Beaucoup », répon-dent le plus souvent les gardes du

littoral. Le propos manque de précision. Mais,singulièrement, il est exact ! Il sous-tend uneperception fine des problèmes de terrain…Ceci dit, cette appréciation subjective estinsuffisante. En 2003, le Conservatoire du lit-toral1 décide donc de quantifier précisément etde qualifier la fréquentation de ses sites. Illance une enquête pour identifier le nombre devisiteurs et les principaux problèmes liés à lafréquentation et pour proposer une méthoded’observation légère et efficace. La méthode estinnovante, elle fait appel aux observations desgardes et aux techniques d’intelligence artifi-cielle. Elle va permettre, en quelques mois,d’apporter des informations de qualité homo-gènes, annuelles et exploitables sur les 150 sites.

Une méthode simple et pragmatique

L’intelligence artificielle (IA) est la faculté dereproduire un raisonnement par des moyensinformatiques. Il s’agira ici de codifier le com-portement humain et de définir les règlescomplexes qui régissent la fréquentation d’unsite à partir de la somme des expériencesacquises par les gardes. A contrario des étudesquantitatives, l’IA repose sur l’interprétationde réponses subjectives, incomplètes. Elle estbasée sur la perception et le tâtonnement. Deshypothèses sont formulées puis validées àchaque nouvelle information introduite dansle logiciel. Le programme informatique estainsi capable d’apprentissage et devient de plusen plus « intelligent» au fur et à mesure de sonexploitation.Le choix de cette méthode s’appuie sur unconstat: le Conservatoire n’a pas les moyens demesurer directement les flux de fréquentationsur des centaines de sites et d’interroger les visi-teurs eux-mêmes. L’idée s’oriente alors vers lavalorisation d’une information implicite, existan-

45 % de questionnaires seront ainsi retournés.D’autres données, issues de la bibliographie oude différentes méthodes de comptage serontcroisées avec les précédentes. En effet, plusieurssites ont fait l’objet d’un suivi de la fréquenta-tion ; 25 sites sont équipés de compteurs et 70études ont déjà été menées.

Un système de règlesL’intelligence artificielle permet de révéler lesrelations entre divers paramètres et le taux defréquentation. Concrètement, cela se traduit,par la formulation de règles valables pour tousles sites. Celle-là par exemple : «Si le lieu est ausud et si le jour est le week-end et si le mois estproche de mai et si la température est assez éle-vée, alors la fréquentation est très forte. »Mais cette formulation claire est le résultatd’une approche par tâtonnement. En effet, larègle n’est pas énoncée d’emblée. Des algo-rithmes mathématiques permettent d’énoncerun certain nombre de règles plus ou moinsvalables. Elles seront à leur tour vérifiées. Selonqu’il y ait ou non une divergence entre la règleénoncée et l’estimation avancée par les gardes,on sélectionnera ou écartera la règle, ne conser-vant que les plus opérantes.Exceptionnellement, quelques écarts horsmoyenne sont observés. Ils correspondent à dessituations atypiques, telles celles de sites inac-cessibles une partie de l’année ou très peu fré-quentés, ou encore à accès réglementé… Cesdonnées ont été écartées de l’étude pour ne pasla fausser.

te mais peu exploitée : celle que les gardesdétiennent par leur présence quotidienne.Ainsi, après avoir mené des entretiens préa-lables avec dix gardes, les paramètres pouvantavoir une influence sur les variations de la fré-quentation sont identifiés : météo, géographie,proximité urbaine…Concernant le critère quantitatif, la journée aété retenue comme unité de fréquentation.Sur cette base, un questionnaire est élaborépuis envoyé à l’ensemble des gardes. Cesentretiens ont également permis de lister lesproblèmes généraux posés par la fréquentationet les moyens mis en place pour les pallier.Les vingt-sept questions portent sur les carac-téristiques propres du site (localisation, attrac-tion, accès, notoriété, voisinage périurbain…);mais également sur les paramètres temporels(calendrier) ou météorologiques ; sur l’évalua-tion de la fréquentation et ses effets sur le site ;et, dernier point, sur la gestion des problèmes(moyens utilisés et nécessaires).Pour répondre, les gardes doivent faire appel àleur connaissance du terrain, à leur expérience,à leur ressenti. Les informations recueilliesdécrivent donc non seulement l’attitude desvisiteurs mais elles sont également le reflet del’interprétation.

gestionnaire - partenaireétudes et méthodes

>>> Les Blongios, la nature en chantiersTél. : 0320539885Mél : [email protected]://lesblongios.free.fr

>>> Parc naturel régional des capset marais d’OpaleTél. : 0321879090Mél : [email protected] : http://www.parc-opale.fr

>>> Conservatoire botanique national de BailleulTél. : 0328499307Mél : [email protected] ://www.cbnbl.org

renaturation d’espacesrenaturation ESPACES NATURELS • N° 11 • JUILLET 2005 • PAGE 26

gestionnaire

PARTAGE DES RESPONSABILITÉS LORS DU CHANTIER

Parc naturel régional de l’Audomarois

Les Blongios, la nature en chantiers

• Coordination générale de l’opération.• Organisation générale suivant le protocole

du Conservatoire botanique (calendrier, matériel, stockage

et conditionnement des graines).• Gestion qualitative du chantier :

organisation des formations avec le CBNBL,remise de documents techniques relatifs à

la collecte des graines et organisation des réunions de suivi du projet.

• Communication relative au chantier.

• Réalisation des objectifs du chantier(espèces, quantités, dates) par la

mobilisation de bénévoles et dans le respect du protocole de récolte établi.

• Gestion matériel du chantier : fourniture du matériel nécessaire.• Communication: faire respecter

la réglementation sur les sites, informer le Parc sur l’avancement des travaux:

suivi journalier et bilan détaillé.

À l’issue de ces formations, chaque coor-dinateur reçut un dossier synthétisant lescaractéristiques morphologiques et laméthode de récolte des différentesespèces végétales.Les coordinateurs étaient prêts à l’enca-drement des volontaires…!

La création d’un quadra mobile

Leur première mission fut la formationdes volontaires: formation à la détermina-tion des graines, formation à leur protocolede ramassage. Chacun reçut un kit de ter-rain composé de fiches synthétiquesd’identification des espèces collectées etrappelant les principaux critères d’identifi-cation ainsi que les conditions de collecte.Dans l’optique d’une démarche qualité,« Les Blongios » innovèrent. Ils créèrentun « quadra mobile » (grande croix enbois dont les extrémités sont reliées parune ficelle). Celui-ci permet de délimiterla zone de prospection et de recueillir laquantité définie de graines mûres àchaque passage. Disposés en ligne en basde coteau et translatés progressivementvers le haut, ces « quadras » permirentune récolte minutieuse des graines.Le chantier de ramassage s’organisa entrele 4 juillet et le 13 septembre 1998.Quatre sessions de deux semaines mobili-sèrent cent quatre bénévoles internatio-

FICHES TECHNIQUESLa gestion douce

des milieux naturels

Dix ans d’expérience ontpermis à l’association«Les Blongios» decompiler ces 17 fiches.Structurée et illustrée,chaque fiche dévoile cequ’il faut savoir sur lestravaux de gestion desmilieux naturels. On ytrouve les techniquesd’entretien (étêtage,fauchage, débroussaillage,curage doux), de

restauration(reprofilage deberges, étrépage,restauration d’unmuret en pierres),d’aménagement(pose de platelage,pose de seuil,protection dessentiers). Lestechniques utiles pourfavoriser la survie decertaines espèces(plantation, tressagede haies, récolte de

graines, création d’unemare, confection denichoirs) sont égalementdétaillées. La dernièrefiche présente l’outillageet les précautionsd’emploi. ■

naux, à raison d’une vingtaine de volon-taires et de deux encadrants logistiquespar session de chantier.Durant ces huit semaines d’été, 16 kg degraines furent ramassés alors que, rappe-lons-le, l’objectif affiché était plus dequatre fois supérieur. L’écart entre lesrécoltes escomptées et effectives s’ex-plique par une densité insuffisante desespèces sur les sites sélectionnés. On notealors toute l’importance de travailler avecun semencier. Ainsi, après un séchage etun tri graines/matière végétale, le semen-cier a multiplié (semées et récoltées) lesgraminées (fétuque de Lémane et bromedressé). Les autres espèces ont été condi-tionnées en chambre froide dans l’attented’être semées.Enfin et puisque l’on aborde le bilan, ilfaut insister sur le coût du projet (près de25 000 euros). Un tel travail n’aurait puavoir lieu sans l’implication de bénévoles.Ceux-ci témoignent de l’intérêt qu’ils ontpris à cette participation. Outre l’appren-tissage des notions de botanique, ladécouverte des sites naturels, des tech-niques de multiplication et de séchage, lechantier routier… tout fut l’occasiond’ouverture, jusqu’à la vie d’un groupeinterculturel.■GUILLAUME OLLIVIERLES BLONGIOS - LA NATURE EN CHANTIERS

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BÉNÉVOLES RAMASSANT DES GRAINES À L’AIDE DU QUADRA MOBILE.

Contacts

© Les Blongios - La nature en chantiers

>>> Conservatoire du littoral

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1. Avec l’appui dela Fondation Procter& Gamble pour laprotection du littoralet en collaborationavec Rivages deFrance. Par ailleursle comité depilotage, constituépour suivrel’ensemble duprojet, rassembledes chercheurs etdes représentantsde diversorganismes (Aten,Afit, Rivages deFrance…).

étude sur la fréquentation annuelle des sitesBrasser l’expérience avec des algorithmes

L’étude visait à connaître la fréquentation annuelle des sitesdu Conservatoire du littoral et les problèmes qui s’yrattachent… Plutôt que de « suivre » les visiteurs, elle amobilisé l’expérience des gardes et s’est appuyée sur uneméthode basée sur l’intelligence artificielle.

PROBLÈMES POSÉS PAR LA FRÉQUENTATION % DE RÉPONSES

Page 15: Revue des professionnels des espaces naturels Tourbières

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ESPACES NATURELS • N° 11 • JUILLET 2005 • PAGE 28gestionnaire - partenaire

études et méthodes

L’exploitation des règles, enfin, fait appel àdes modèles mathématiques qui permet-tent d’évaluer la fréquentation quel quesoit le jour de l’année et selon les condi-tions météorologiques sur une année type.La somme de toutes ces évaluations jour-nalières permet d’aboutir à l’estimation dela fréquentation annuelle du site.Les résultats seront alors traduits en dia-grammes (voir exemple). Ceux-ci permet-tent un suivi régulier à partir du modèleinitial. Ils rendent possible une analyse desévolutions, et notamment de l’impactéventuel d’aménagements, réglementa-tions ou autres dispositifs de veille, canali-sation ou médiation mettant à contribu-tion les personnels.

Des problèmes récurrentsPrès de 150 sites ont été étudiés; à partir decet échantillon significatif, le traitement desdonnées a permis de dégager les grandestendances de fréquentation (50 % de fré-quentation en période estivale, 30% liés auxactivités de plages en juillet et août), en dis-tinguant trois grandes catégories (plages -zones humides-caps, bois, prairies).On estime à trente millions le nombre devisites annuelles sur les terrains duConservatoire du littoral. Sachant qu’unevingtaine de sites, parmi ceux étudiés,reçoivent plus de 500000 visites par an, onsitue l’enjeu majeur représenté par cesespaces littoraux et la responsabilité desdifférents partenaires (propriétaires, ges-tionnaires, gardes, etc.) pour allier aumieux conservation et gestion raisonnée dela fréquentation.Les principaux problèmes de gestion soule-vés par les gardes concernent le piétine-ment (60% des sites), le dérangement parles chiens, la création de sentiers sauvageset le dépôt de déchets. Les actes de vanda-lisme et de dégradation du milieu sont enoutre une préoccupation majeure desgardes, tout comme les problèmes demœurs et de fréquentation nocturne.Toutefois, les régions ne sont pas toutesconcernées de manière égale :

- dans le Nord, vandalisme, piétinement,déchets et chiens sont signalés par 50% desgardes ; en Normandie et Bretagne le piéti-nement domine (2 sur 3) ; dans le Sud, oùles difficultés semblent plus accentuées, lepiétinement, les chiens et les risques sontcités par un garde sur deux ;- certains espaces se « spécialisent» dans untype de difficulté : les plages, en zone périur-baine très fréquentée, présentent davantagede problèmes de mœurs, de bivouac et defréquentation nocturne, au contraire, leszones humides sont plutôt affectées par lesdivagations des chiens ;- les conflits d’usage font apparaître des prota-gonistes récurrents : chasseurs, vététistes,promeneurs motorisés, cavaliers, individusaccompagnés de chiens, ou exhibitionnistes.Il est prévu que, par la suite, les estimationsglobales soient complétées et affinées, soitpar l’intégration de nouvelles données (à par-tir des gardes ou en élargissant à d’autresacteurs impliqués dans la gestion de cesespaces), soit par amélioration des typologiesutilisées dans la modélisation.

À suivre…Si l’intérêt de cette méthode réside sur sasouplesse, son moindre coût, son évolutivité,elle présente certaines limites. Ainsi, on notequ’il existe une grande hétérogénéité dans laprécision des données fournies par lesgardes. Afin d’affiner les résultats, leConservatoire prévoit de mettre en place unprotocole cadre d’observation de la fréquen-tation. Destiné aux équipes de gestion, ceprotocole leur permettra de préciser leursmesures. Et puis, autre retombée de l’en-quête, elle aura permis de se poser la ques-tion de l’optimisation des outils de gestion àl’égard de la fréquentation. La mise en com-mun des expériences est dès lors engagée. ■CHARLOTTE MICHEL - CONSULTANTE

VIOLAINE CHENAT - CONSERVATOIRE DU LITTORAL

FRANÇOIS PITRON - RIVAGES DE FRANCE

Après avoir eu connaissancedes résultats de l’enquête etpour optimiser les résultats

acquis, la demande desgestionnaires porte sur unemeilleure connaissance de lafréquentation, des solutionstechniques spécifiques, desmoyens juridiques, du temps detravail et des moyens. En effet, ilapparaît clairement que les gardesdu littoral sont en «position demédiateurs entre un espaceprotégé qu’ils préservent, nettoient,jardinent et des millions devisiteurs qu’ils accueillent,informent et sensibilisent »…En vue de les aider à valoriser etmutualiser leur savoir-faire, il seraitutile de mieux expliciter : ce quesignifie concrètement « faire de laprésence» (activité de veille) ; quelleest l’efficacité de leur mobilité surle site ; comment des liensconstructifs peuvent se tisser entreeux et les visiteurs.Les gestionnaires font aussi despropositions :

◗D’ÉDUCATION : se doter d’outilsd’information, trouver des solutionspour éduquer les adultes ;

◗D’AMÉNAGEMENT : toilettes etparkings, gestion des déchets,mise en place d’une signalétique ;

◗DE RÉGLEMENTATION : timbres-amende, politique pénale à définirpar le Conservatoire, rondesnocturnes, partenariat avec lagendarmerie et la policemunicipale, renforcement del’autorité et la crédibilité de lagarderie ;

◗DE STRATÉGIE : définir un objectifd’usage, une gestion foncière,dissuader les usagers sportifs,interdire la chasse.Charlotte Michel, qui a conduitl’enquête, conclut : « Il seraitintéressant de faire une typologiedes modes de fréquentation […]qui pourrait servir de baseméthodologique. En effet, denombreuses études sont menéessur les sites du Conservatoirerépondant à un besoin réeld’observation, notamment lors dela mise en place du plan degestion. Malheureusement,chacune de ces études a sa propreméthodologie et s’appuie sur desoutils d’observation différents, cequi rend difficile le croisement desinformations d’un site à l’autre. » ■

le savoir-faireoptimiser ● ● ● suite de la page 27

>>> [email protected]@[email protected]

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FRÉQUENTATION DES PLAGES • DIFFÉRENCE ENTRE LES JOURS DE SEMAINE ET WEEK-END

mois

faible

moyenne

forte

très forte

L’influence entre semaine(en bleu) et week-end (enrouge) pour une journéeensoleillée apparaît sur

ce schéma. Les deuxcourbes présentent une

différenceparticulièrement marquée

en automne.

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PAGE 31 • JUILLET 2005 • ESPACES NATURELS • N° 11scientifique - chercheurrecherche appliquéeESPACES NATURELS • N° 11 • JUILLET 2005 • PAGE 30

>>> La baie du Mont-Saint-Michel, un cas d’école

>>> Mél : [email protected]

péennes abritant une plante extrêmementrare, Obione pedunculuta. De plus, la baiepossède le statut de zone humide devaleur internationale vis-à-vis des oiseauxmigrateurs et hivernants. Elle joue unrôle de nourricerie pour les stades juvé-niles de plusieurs espèces de poissons…Si une telle proposition de mise en réser-ve se justifiait pleinement du strict pointde vue de la protection de son patrimoinenaturel exceptionnel, elle ne pouvait mal-heureusement recueillir l’assentiment desusagers de la baie qui se voyaient déjàinterdits de chasse ou de pacage de mou-tons sur les marais salés…

Utilité des marais salésC’est à l’occasion du projet de restaurationdu caractère maritime du mont Saint-Michel que la question s’est posée: à quoiservent les marais salés?1. La réponse est claire pour les agricul-teurs locaux qui les utilisent pour produire

du foin en quelques endroits et, surtout,pour faire pâturer de nombreux troupeauxde moutons, les fameux prés salés de labaie du Mont-Saint-Michel.Le pâturage modifie fortement le couvertvégétal des marais salés qu’il transformeen une végétation rase dominée par uneespèce, la puccinellie. Cette dernière planteconstitue la source de nourriture princi-pale des canards siffleurs hivernants, l’unedes espèces cibles des chasseurs. Un autreanatidé hivernant, la bernache cravant,qui est cette fois une espèce protégée, estégalement tributaire des marais à pucci-nellie mais préfère les zones pâturées parles bovins qui laissent une végétationmoins rase.Dès lors, on comprend qu’agriculteurs,chasseurs et protecteurs de la naturesoient attachés au maintien de ces maraistransformés par le pâturage, à conditiontoutefois qu’une trop forte pression depâturage ne vienne pas réduire le milieuen un gazon très ras, inapte à accueillirles oiseaux en recherche de nourriture.2. En revanche, l’intérêt pour les maraissalés «naturels» n’est pas évident.L’une des espèces pionnières est la salicornedont le grand public découvre de plus enplus les mérites comme condiment. Aufur et à mesure que l’on se déplace vers lemilieu terrestre, on retrouve tout d’abordla puccinellie, dont on vient de voir l’inté-rêt quand son extension est favorisée parles « organismes ingénieurs », en l’occur-rence les moutons. Dans leur partiemoyenne, les marais salés sont occupéssur de grandes surfaces par une espècetrès banale, répandue des salins d’Hyèresà la baie de Somme, Obione portulacoïdes.D’une manière générale, ce marais moyenà obione apparaît complètement banal etsans intérêt pour les usagers de la baie.

Révélation de l’obioneDix ans de recherche en écologie vien-nent de montrer qu’il n’en est rien. Toutd’abord cette obione est très productive :plus de 20 tonnes en moyenne de matièreorganique sèche par hectare et par an, laproduction pouvant atteindre 36 tonneset ce, sans labour, sans engrais, sans pes-ticide alors que le maïs utilise 140 à180 kg d’azote par hectare pour une pro-duction de 10 à 13 tonnes de matièresèche. L’essentiel de la matière organiqueproduite par l’obione est décomposé surplace (à une vitesse égale à celle desforêts tropicales humides) grâce au tra-vail en particulier d’un petit crustacé« déchiqueteur » du genre Orchestia etdes bactéries dont certaines vont jusqu’àla minéralisation de cette matière. Il enrésulte une production de matière orga-nique sous forme dissoute et sous formede particules fines ainsi que des nutri-ments (azote et phosphore) qui, exportésvers le milieu marin, viennent enrichirles vasières voisines des marais salés. Cetenrichissement permet de comprendre lacapacité de production de ces vasières enmicro-algues benthiques, les diatomées.Reprises par le flot lors des marées mon-tantes, ces diatomées, vivantes oumortes, et les microdétritus organiques(provenant notamment des marais salés)permettent d’expliquer en partie pour-quoi la baie du Mont-Saint-Michel estcapable de produire chaque année 12000tonnes de moules commercialisées (pre-mier centre français d’élevage de moulessur bouchots), près de 10 000 tonnesd’huîtres… sans compter la productiond’invertébrés consommés pour certainspar les oiseaux migrateurs et particulière-ment les limicoles.Mieux, si l’on observe de plus près lefonctionnement de ces marais salés« naturels », pourtant inondés par moinsde 40 % des marées au cours d’uneannée, on s’aperçoit qu’ils sont visitéslors de la submersion (qui dure moins

d’une heure par marée) par des poissonscomme les mulets et les juvéniles de barsde première année. Pour beaucoup, cespoissons arrivent le ventre vide. Lesmulets se gorgent de diatomées qu’ils pré-lèvent sur le fond des « criches » (nomlocal donné aux chenaux de marée quidrainent les marais salés). Les jeunes barsrepartent l’estomac plein d’Orchestia donton a vu précédemment le rôle très actifdans la décomposition de l’obione. La cap-ture de ces petits crustacés permet d’expli-quer jusqu’à 90% de la croissance des barslors de leur première année de vie.Quant aux marais pâturés, ils perdent engrande partie ces fonctions. Ils produisenten effet moins de 5 tonnes de matièresèche par an et par hectare, ce qui, par lejeu des exportations vers le milieu marin,représente une perte pour la productionde moules et d’huîtres… Par ailleurs, ilsn’abritent qu’une population réduited’Orchestia, ce qui est dommageable pourles juvéniles de bars.

Richesse de la merCes quelques exemples suffisent à expli-quer pourquoi le grand spécialiste del’écologie, Eugène Odum, disait, lorsqu’ilcherchait à convaincre les aménageursd’arrêter de transformer les marais salésdes côtes est des USA en terres agricolespar drainage et assèchement : «Les maraissalés sont la richesse de la mer.»Ainsi à la différence des agriculteurs, deschasseurs et de tous ceux qui perçoivent«visuellement» les «services rendus» parles marais salés pâturés, les pêcheurs etles conchyliculteurs n’ont pas cette appré-hension directe. Le succès de leur produc-tion et leur manque de connaissances les

empêchent de réaliser que leurs revenussont en partie tributaires de ces marais«ordinaires». Jusqu’à présent, ils y voyaientplutôt une gêne qu’un atout.Dix ans de recherche auront permis cetteautre vision des marais salés. Elle se tra-duit par l’abandon de deux barrages chassed’eau (initialement prévus pour rétablir lecaractère «îlien» du mont Saint-Michel) etpar l’adoption récente d’aménagementsqui « ménagent » désormais les maraissalés.Le futur consistera à fournir de nouvellesconnaissances aux usagers de la baie, auxélus et à tous les décideurs en matièred’aménagement et de gestion. Ensembleet avec les protecteurs de la nature(inquiets de l’évolution régressive dupatrimoine naturel de la baie), ils devrontse concerter et tenter de prendre des déci-sions permettant de trouver un équilibreentre des marais salés, transformés par lepâturage, et des marais restés naturelsformant la base d’une nature «ordinaire»,rendant de nombreux services à des usa-gers qui l’ignorent le plus souvent.Gageons que de telles avancées enrecherche feront plus pour obtenir la gestion raisonnée de cet espace complexeremarquable qu’une mesure autoritairevenue d’un ministère et imposant la pro-tection. Pour qu’une telle démarche puissese développer sur d’autres territoires etconvaincre la majorité de nos concitoyensque la nature, fût-elle «ordinaire», mérited’être protégée, il est nécessaire qu’unmeilleur sort soit réservé dans notre pays audéveloppement de la recherche en écologieet tout particulièrement dans le domaine dufonctionnement sur le long terme des éco-systèmes et des échanges intersystèmes. ■JEAN-CLAUDE LEFEUVREPROFESSEUR AU MUSÉUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE,PRÉSIDENT DE L’INSTITUT FRANÇAIS DE LA BIODIVERSITÉ,PRÉSIDENT DU CONSEIL SCIENTIFIQUE DU CONSERVATOIREDU LITTORAL

Les recherches valorisées dans ce texte sont larésultante de plusieurs programmes financés par l’Union européenne tout aulong des années 90. Elles ont notamment permis l’aboutissement de quinzethèses en écologie entre 1995 et 2001. Les financements européens ont consti-tué le « noyau dur » d’une recherche qui s’est rapidement étendue à d’autres sys-tèmes écologiques composant la baie du Mont-Saint-Michel. Actuellement, lesrecherches entreprises sur les «marais salés » sont ciblées sur les causes, lesmodalités et les conséquences de la présence d’une espèce invasive, le chien-dent, sur le fonctionnement des marais salés et leurs usages.

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L’OBIONE PEUT FORMER UN TAPIS TRÈSDENSE LORSQUE LE MARAIS SALÉDEMEURE NON SOUMIS AU PÂTURAGE.

ÉcologiePour des raisons à la fois culturelles et naturelles, la baie du Mont-Saint-Michel est unsite prestigieux classé Patrimoine mondial de l’Unesco. Depuis quelques années, ellefait également partie de l’association internationale « Les plus belles baies du monde ».

PÂTURÉS,LES MARAISSALÉSPERDENTUNE PARTIEDE LEURCAPACITÉ ÀNOURRIR LAMER.

Fonctionnalité écologique des milieux naturels

Créée il y a 7500 ans par l’élévation duniveau des mers (+ 120 mètres parrapport au niveau marin de la derniè-

re époque glaciaire), la baie du Mont-Saint-Michel a évolué au rythme d’un processussédimentaire toujours actif qui permet desdépôts actuels de près de 1,5 millions demètres cubes de tangues 1 et de sables fins.À la périphérie de la baie, les tangues secouvrent d’une végétation de plantesrésistantes au sel (les halophytes 2) for-mant des marais salés dont la progressionest estimée à 25-30 hectares par an. Cesmarais salés sont les plus importants ensuperficie (4 000 hectares) des littorauxeuropéens et ils renferment également laplus grande richesse en espèces végétaleshalophiles des côtes françaises. À ce seultitre, on conçoit qu’un projet de mise enréserve ait été envisagé en 1972 par leministère de l’Environnement, confortédans son choix par la présence dans la baiede l’une des dernières stations euro-

1. Tangue :sablevaseux,calcaire,très fin,grisâtre, dulittoral de laManche,que l’onutilisecommeengrais.

2. Quicroissentdans lesmilieuximprégnésde sel marin(Le Robert).

s>>> Lefeuvre J-Cl., 2004 - La Baie du Mont-Saint-Michel et ses bassins versants : un modèled’anthroposystèmes. In 130e congrès. Dol 2003.Association bretonne et Union régionalistebretonne. Tome CXII. 760 p.

>>> Lefeuvre J-Cl., 2000 - La baie du Mont-Saint-Michel. Arles, Actes Sud, 48 p.

En savoir plus

scientifique - chercheurrecherche appliquée

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ESPACES NATURELS • N° 11 • JUILLET 2005 • PAGE 32 PAGE 33 • JUILLET 2005 • ESPACES NATURELS • N° 11

En avril dernier, Espaces naturels présentait les nouveautés de la Politiqueagricole commune et, notamment, son « premier pilier » : l’organisation desmarchés. Le « second pilier », relatif au développement rural, est tout autantréformé et tente de prendre en compte l’environnement. Il sera mis en œuvrepar le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader).Par ailleurs, le développement rural ne peut être abordé sans faire le lien avec lapolitique de cohésion économique et sociale européenne menée par le biais duFonds social européen (FSE) et du Fonds européen de développement régional(Feder), tous deux également en cours de réforme.

Future politique européenne de développement ruralL’environnement en sursis

En juillet 2004, la Commission euro-péenne adoptait une propositionvisant à renforcer la politique de

développement rural de l’Union et à ensimplifier considérablement la mise enœuvre. Elle fait écho à la demande socialequi privilégie l’environnement, la sécuritéet la qualité des aliments.Pour ce faire, la proposition prévoit unfinancement communautaire accru(12,7 milliards d’euros par an pour lapériode 2007-2013) et se limite à un seulinstrument de financement et de pro-grammation : le Feader. La nouvelle poli-tique devrait ainsi être beaucoup plussimple à programmer, gérer, contrôler.Les États membres et les Régions pour-ront plus librement choisir les modalitésde mise en œuvre des programmes.Les mesures proposées pour leur mise enœuvre poursuivent trois objectifs et sontregroupées en quatre axes (trois axes thé-matiques, un méthodologique).• Axe 1 : amélioration de la compétitivitédes secteurs agricole et forestier (15%1) :quinze mesures. Elles portent sur l’amé-lioration et le développement des infra-structures, le soutien des agriculteursparticipant à des programmes d’améliora-

tion de la qualité des aliments, l’installa-tion des jeunes agriculteurs…•Axe 2 : aménagement de l’espace (25%) :douze mesures. Elles portent sur lesindemnités versées aux agriculteurs et lescritères de zonage en compensation dehandicaps naturels, les paiements au titrede Natura 2000, les mesures agro-envi-ronnementales, les indemnités pour lebien-être des animaux…• Axe 3 : diversification de l’économierurale et qualité de vie (15 %) : huitmesures. Elles portent sur la diversifica-tion vers des activités non agricoles, l’aideà la création de micro-entreprises, le tou-risme, la rénovation de villages…•Axe Leader : (7%) il reprend la démarcheterritoriale testée dans Leader +. À appli-quer sur les trois premiers axes.Dans le Feader (axe 2), la Commissionpropose donc de revoir le zonage desIndemnités compensatoires de handicapsnaturels2 (ICHN). Elle souhaite que lesÉtats-membres redéfinissent les zonesdéfavorisées simples. Le projet de règle-ment ne modifie pas les critères actuelsliés à la montagne ou la pente, il main-tient la possibilité de classer 10% de sonterritoire en zones à handicaps spéci-fiques. En revanche, il modifie les critèresdes zones défavorisées simples en ne rete-

© MT Goodshoot

nant que des critères physiques perma-nents et n’intègre plus aucun critèresocio-économique comme c’était le casjusqu’à présent. Ainsi deux tiers des agri-culteurs français actuellement concernéspourraient en être exclus. Concernant lefinancement de Natura 2000, les contratsseront financés, d’une part, parl’Indemnité compensatrice de contrainteenvironnementale (ICCE) et des mesuresspécifiques du Feader pour les zones agri-coles et la forêt. En ce qui concerne leszones non agricoles et non forestières, unerécente proposition de la Commission per-mettrait de financer Natura 2000 par unsoutien aux investissements non produc-tifs, ce qui ne couvre pas l’ensemble de lagestion des sites, notamment l’animation.

Inquiétudes…Ces propositions restent conditionnées àplusieurs inconnues. Globalement, lesenjeux du développement rural et de l’en-vironnement sont menacés, et ce à plu-sieurs titres :- il s’agit notamment au niveau commu-nautaire de l’absence de vision claire desperspectives budgétaires. En effet, lacontribution de chaque État-membren’est pas fixée (certains pays, dont laFrance, demandent un taux de 1 % duRevenu national brut européen). En fonc-tion du budget, le développement rural etl’environnement risquent d’être lesvariables d’ajustement des réformes ;- il existe également des zones d’ombre surle taux de financement par axe du Feader,les axes 3 et 4 risquent d’être réduits ;- autre inquiétude, relevant du niveaufrançais : la traduction française des fonds

Réunis en séminairenational3, lesgestionnaires des

Parcs se sont interrogéssur la place conférée auxespaces naturels dans lesréformes européennes. Ilsont constaté qu’il n’existepas de politiqueeuropéenne spécifique auxmilieux naturels et que,pour réaliser leurs actions,ils doivent « piocher » dansles différentes politiquessectorielles. La politique dedéveloppement rural étantfondamentale pourl’environnement et pour lapréservation de labiodiversité, il semblenécessaire de défendreune approche territorialedépassant le seul secteuragricole. C’est d’ailleursune opportunité qu’offrel’axe Leader (cf. articlep. 32), auquel il serait utiled’adjoindre un thèmefédérateur tel « le paysageet la maîtrise de l’espace ».Il permettrait de renforcerla prise en compte del’environnement et d’ouvrirle dialogue avec l’ensembledes acteurs.Parmi d’autres constats,celui-ci : Natura 2000,pourtant politiqueeuropéenne, semblemenacée ! L’interrogationporte sur l’enveloppeglobale de financement descontrats Natura 2000 etsur l’animation dans lessites non agricoles et nonsylvicoles actuellement malpris en compte par le Fondseuropéen agricole pour le

managernouvelles règles

1. Le pourcentage indiqué concerne le minimum de l’enveloppenationale qui doit être consacré à cet axe. Le taux decofinancement communautaire est plafonné à 50%.2. Les Indemnités compensatoires de handicap naturel ont pourobjet de compenser des handicaps permanents tels que l’altitude,la pente ou le contexte économique et social défavorable.3. Le séminaire de la Fédération des Parcs a eu lieu le8 septembre dernier. Il a réuni plus de cent personnes venues desParcs, des ministères et des régions. Les actes du séminaire et larevue Parcs (n° 51) sont consultables sur le site www.parcs-naturels-regionaux.fr

développement rural.En contrepoint plusoptimiste, on peut noterque, concernant le zonagedes Indemnitéscompensatoires dehandicaps naturels2 (ICHN),la France pourrait demanderl’éligibilité des sitesconfrontés à des handicapsstructurels, en sus deszones de montagne. C’estle cas, en particulier, deszones humides, despelouses sèches et deszones alluviales. Ceshandicaps pourraient alorsdevenir des opportunitéspour le développement deces territoires, à conditionde développer uneingénierie territorialeadéquate.La réflexion a miségalement en lumière lacoopération territorialeeuropéenne déjàexpérimentée au niveau desespaces naturels et, enparticulier, par les Parcsnaturels régionaux.Promouvoir cettecoopération et défendre lepoint de vue des territoirespeut contribuer audéveloppement d’uneculture européenne dudéveloppement durable. Lesréseaux européensd’espaces protégés telsqu’Europarc, l’Unionmondiale pour la protectionde la nature (UICN) etEurosite doivent êtrereconnus et mobilisés danscette optique.

Se saisir des opportunités

Le ministère de l’Agriculturea ouvert une concertationpour définir les orientationsstratégiques nationales quiseront présentées à laCommission fin 2005.France Nature Environnement,la Ligue pour la protectiondes oiseaux, la Fédérationdes Conservatoiresd’espaces naturels et celledes Parcs sont impliquéesdans les groupes de travail.Les Parcs nationaux, auxcôtés du ministère del’Écologie, défendrontégalement les différentsenjeux environnementaux etde gestion de la biodiversitédes territoires. À l’échelledes Régions, l’ensembledes acteurs concernés parla gestion des territoiresruraux devra se mobiliserdans les concertationsrelatives aux définitions desprogrammes opérationnelsde ces politiques. Pour avoirune place dans cesréformes, les gestionnairesdoivent prouver la« compétitivité » de leursterritoires, et ainsi justifierde la nécessité du maintiende politiques publiquesnationales et européennes.Il ne s’agit pas de vendreson âme, mais de montrerque ce mot ne se réduit pasà une dimension économiqueet qu’il n’implique pas uneconcurrence entre territoires.L’expérience doit permettrede témoigner d’autresvaleurs : environnementales,patrimoniales et sociales.Interviewés dans le derniernuméro de la revue Parcs, lesecrétaire d’État àl’Aménagement duterritoire, M. de St-Sernin et F. Grossetête, députéeeuropéenne, présidente du Parc naturel régional du Pilat, ont exprimé cepoint de vue. Les Parcsnaturels régionauxprolongeront cette réflexionlors de leurs Journéesnationales dans l’Avesnoisdu 5 au 7 octobre 2005. ■

ÉLÉONORE BÉCHAUX

>>> Mél : [email protected]

Quel avenir pour les Parcs?La politiquede cohésion

La politique de cohésionéconomique et sociale européenne est également en

cours de réforme. Outre ladisparition du zonage européen etdes Programmes d’initiativescommunautaires, les règlesd’éligibilité seront définies auniveau national. Le Fondseuropéen de développementrégional (Feder) :• prend directement en comptel’environnement (article 5) ; • mentionne Natura 2000 (pourdes investissements) (article 5.2) ;• propose des domainesd’intervention spécifiques en zonerurale (article 9) : infrastructuresdestinées à améliorerl’accessibilité, accélération dudéploiement des réseaux etservices de télécommunicationsdans ces zones, développement de nouvelles activitéséconomiques autres quel’agriculture et la pêche,renforcement des liens entre leszones urbaines et les zonesrurales et développement dutourisme et des aménagements enmilieu rural ;• souligne les thèmes de « laprotection et la gestion conjointede l’environnement, la gestion del’eau, des zones humides, laprévention des risques et letourisme » parmi les thèmesprioritaires pour la coopérationeuropéenne (article 6). ■

Feader, Feder et FSE en documents stra-tégiques nationaux risque de les spéciali-ser par secteurs : le Feader pourrait se concentrer en priorité sur les enjeuxagricoles tandis que le Feder et le FSEseraient sur les enjeux urbains.Par ailleurs, l’Union européenne laisse lechoix aux États-membres du niveau deprogrammation du Feader : il peut êtrenational ou régional. À ce jour, la Francen’a pas encore tranché ce débat. Cettedécision ne sera pas sans conséquence surles priorités et les modalités de mise enœuvre de cette politique. ■ÉLÉONORE BÉCHAUXFÉDÉRATION DES PARCS NATURELS RÉGIONAUX

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managernouvelles règles

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PAGE 35 • JUILLET 2005 • ESPACES NATURELS • N° 11ESPACES NATURELS • N° 11 • JUILLET 2005 • PAGE 34animateur - formateur

Pour allier sortie en mer et protection de l’environnement marin, lesplaisanciers de côtes françaises, italiennes et monégasques, sontconviés, chaque année, à une journée d’observation et de prélèvementd’eau de mer en vue d’analyses scientifiques.

© Thomas Jessin

© Rimmo - Corsica mare observazione. Destination Planète Mer.

d’une réunion d’information, quelquessemaines avant l’action, Rimmo donnerades consignes précises sur le déroulementde l’opération. À cette occasion, l’associa-tion sensibilise les participants à la vie desmammifères marins et à l’importance dusanctuaire. « Nous expliquons le but decette manifestation maritime, développenotre interlocutrice. Nous voulons fairecomprendre aux plaisanciers combiennous avons besoin d’eux. Cette journéenous permet d’obtenir une image instan-tanée de toute la zone, ce qu’aucun bateauscientifique ne peut faire seul. »Jour J-1, rendez-vous au port. Un sacnominatif est remis à chaque participant.À l’intérieur, des informations sur la posi-tion GPS qui leur a été attribuée : un carréde deux ou quatre milles marins selon lacatégorie de navigation. Le sac contientégalement un filet et six bidons étiquetés,qu’ils devront remplir d’eau de mer.Jour J. Entre 12 h et 14 h, les plaisancierssont en mer. Ils observent. Là-bas… Est-ceun dauphin bleu et blanc, un grand dau-phin ? Non ce n’est pas un globicéphalenoir, ils se déplacent en groupe. Les obser-vateurs hésitent finalement entre un cacha-lot et un rorqual… ils ne se souviennentplus très bien s’il faut observer le souffle oula forme de la nageoire… Il y avait égale-ment un cahier d’identification des cétacésdans le sac, ils s’en servent.Puis ils remplissent les bidons remis laveille. Ils savent que l’analyse de ces eauxfera état de la quantité de phosphate, selsazotés, fer et cuivre, calcium, silicium,plancton… Et donnera lieu à l’établisse-ment de cartes.Le protocole est précis : «Réduire la vitessedu bateau à un nœud. Parcourir, à cettevitesse, les côtés de votre carré d’observa-tion pendant dix minutes. Laisser traînerle filet à plancton à vingt-cinq mètres dubateau. Remplir alors le bidon ad hoc avec

le contenu du filet. Recommencer deuxfois l’opération.»Revenu au port, les participants « rendentleur travail » et signalent leur retour.Responsable de la sécurité, Rimmo doitpouvoir activer les secours au moindreproblème. C’est d’ailleurs là une deslimites de l’observation en pleine mer. Eneffet, cette manifestation nautique d’en-vergure est déclarée à la préfecture mari-time. Les positionnements et signale-ment des bateaux sont ainsi connus avecprécision. « Afin que l’intervention dessecours puisse être rapide, nous sommeslimités à 30 milles. D’autres contraintesnous sont imposées comme l’interdictionde stationner dans le couloir empruntépar les navires à grande vitesse (NGV). Ilfaut savoir que M. Riddell, le président del’association, est responsable sur sesbiens propres », souligne encore LaetitiaMourand.Quelques mois plus tard, tous les partici-pants seront conviés à une conférencedonnant et commentant les résultats. Endépit du niveau scientifique de la restitu-tion, la grande majorité des bénévolesrépond présent.« En fait, c’est un véritable réseau quis’est mis en place, relate l’animatriceavec enthousiasme. Il n’est pas rare, toutau long de l’année, que des personnesnous signalent la présence d’un animal

ou de pollutions. On constate d’ailleursqu’il y a une certaine fierté à participer àcette opération. Les plaisanciers gardentle pavillon Delphis toute l’année. Ils sereconnaissent et se parlent avec chaleur.Il est même des ports où, au retour desbateaux, les participants se regroupent etfont la fête. »

Il est long le cheminLa première année, la manifestation neconcernait que quelques ports, aujour-d’hui ce sont vingt et un ports qui parti-cipent, auxquels s’additionnent plusieursports italiens. Quand on s’étonne de l’am-pleur prise par Delphis, Laetitia sourit :«Nous ne sommes que trois permanentsattachés à l’association Rimmo. Et deplus, nous n’avons pas de budget. Je croisque nous avons réussi, parce que nousavons affaire à des passionnés et que nousnous sommes appuyés sur des relaislocaux. Des capitaineries, shipchandlers,clubs de voile, secours nautiques, ont bienvoulu porter le projet sur leur port etrelayer l’information. Lors des réunionsd’informations qu’ils organisent, il peut yavoir jusqu’à soixante personnes dont cer-taines viennent en curieuses parcequ’elles ont vu un article dans la presse.C’est là notre force. Pour le reste, nousbricolons : la première année, le filet àplancton était fabriqué avec de vieux bas !»Mais le chemin parcouru est égalementqualitatif. Les gens sont de plus en plusformés à la reconnaissance des animaux.Cette année, Rimmo a même édité un Cd-rom d’autoformation qu’il dispense auxparticipants. Les données recueillies sontainsi de plus en plus fiables. Sans compterque la zone s’étend…L’association Battibaleno est un relais ita-lien et sarde. Le projet à court terme ?Convaincre les Espagnols de participer afind’élargir la zone d’observation. «Les scien-tifiques nous ont dit qu’il y avait davantagede cachalots vers les Baléares.» ■MOUNE POLI

Les touristes, auxiliaires de la science

1. En fait trois avec le cerveau reptilien. Celui-ci correspond au cerveau primitif, ilcommande les mécanismes en rapport avec la conservation de l’espèce (la fuite, le souci duterritoire, de la défense…). « Les tortues de mer et les poissons qui ne possèdent qu’un cerveaureptilien reviennent pondre leurs œufs toujours au même endroit : si le lieu de leur ponte est détruit, ilsmeurent parce qu’ils ne peuvent pas inventer d’autres endroits » (Dominique Chalvin, cf. note 3).Selon les théories des biologistes Mac Lean, Brown, Auroux, Laborit… les êtres vivants avaient, àl’origine, essentiellement, un premier cerveau reptilien, sur lequel s’est greffé un cerveau limbique.2. Voir les travaux d’Henri Laborit sur les « structures imaginaires ».3. Dominique Chalvin (psychologue et sociologue - Sorbonne) in Utiliser tout son cerveau, ESF éditeur.4. Réserve internationale maritime en Méditerranée occidentale.5. L’accord international créant Pelagos sanctuaire marin de Méditerranée a été signé en 1999 entre laFrance, l’Italie, Monaco.

Comment motiver ? Sensibiliser ? Commentconvaincre ? Le réflexe immédiat est d’argumenter,d’user de la logique et de la parole… de s’adresser aucerveau supérieur : le cortex. Est-ce vraimentpertinent ?Les biologistes l’affirment : nous avons deuxcerveaux1. Le premier, le limbique, est le siège desémotions, il est muet, imperméable à toute logique.Cependant, il enregistre l’action vécue (nous permetd’acquérir de l’expérience) et excite le cortex qui est,chez l’Homme, le siège de la pensée abstraite. Capabled’expression verbale, le cortex est apte, par exemple, àexprimer toute la subtilité des émotions. Il peutégalement recombiner les éléments mémorisés, d’unefaçon différente à celle imposée par le milieu ouacquis par l’expérience. Le cerveau peut alors créerdes structures nouvelles2.Il n’en reste pas moins que le fonctionnementélémentaire du cerveau passe par le mécanisme

biologique suivant : « D’abord l’action puis laréflexion. L’usage correct de notre matière

grise implique ce va-et-vient indispensableentre action et réflexion. Cette

soumission à l’impératif de l’action,sur le plan biologique, correspond

au fonctionnement coordonné ducortex et du limbique. Seule uneexpérimentation constantepermet au cerveau de réagircorrectement. Telle est la loibiologique de l’être humain3. »Soyons concrets : faut-il, pourconvaincre les plaisanciers derespecter un code de bonneconduite, leur faire de longsdiscours ou leur proposerune situationd’expérimentation delaquelle ils tireront plaisir etleçons…? Rimmo4 a choisi l’action.

Ce 18 juillet 2004, la météo estinstable et les conditions de visibilitépourraient être meilleures. Trois

cent plaisanciers, cependant, arment leursbateaux pour participer à l’opérationDelphis. Leur mission: observer et identifierles mammifères marins de Méditerranéeet effectuer des prélèvements d’eau, les-quels seront analysés à leur retour. Ilsn’ont aucune compétence particulière : ilssont touristes, plaisanciers, pêcheurs…,ils offrent simplement leur contribution àla science et aux cétacés, que cette actionleur a appris à connaître et à respecter.Neuf ans déjà qu’à date fixe, une fois paran, certains répondent présents et partentainsi en mer occuper une position précisequi leur est attribuée.L’organisateur de cette manifestation, quinon seulement perdure, mais voit sonpérimètre d’action s’accroître d’année enannée? L’association Rimmo4.Créée en 1992, Rimmo visait à sensibiliserles gouvernements afin que soit créée uneRéserve maritime en Méditerranée. «Noustenions des conférences scientifiques ;explique Laetitia Mourand, animatrice del’association. En 1993, il y a bien eu l’an-nonce de la création d’un prochain sanc-tuaire mais outre cet accord de principe,rien ne bougeait… Nous avons donc penséqu’il fallait associer le grand public, lesensibiliser afin d’élargir le cercle desconvaincus et faire plus amplement pres-sion sur les gouvernements5. L’opérationDelphis est née de là, en 1996.»Le protocole de l’opération est assez vitedéfini. Les plaisanciers désireux de partici-per doivent s’inscrire à l’avance. Lors

CACHALOT. LE GUIDE D’IDENTIFICATION NOUS APPREND QU’IL SOUFFLE A 45°.

animateur - formateurpédagogie active

1. L’OPÉRATION DELPHISSE DÉROULE AU MAXIMUM À30 MILLES DES CÔTES.QUESTION DE SÉCURITÉ.

2. LES OBSERVATIONS ONTMONTRÉ EN 2004 UNE

DENSITÉ PLUS IMPORTANTE QUELORS DES PRÉCÉDENTESOPÉRATIONS DELPHIS. ICI LACARTE SPÉCIFIQUE ÀL’OBSERVATION DES DAUPHINSBLEU ET BLANC ET COMMUN.3. LES ANALYSES DE PLANCTONSONT FAITES AU MICROSCOPEBINOCULAIRE APRÈSCONCENTRATION PAR TAMISAGE.

>>> [email protected]

>>> Opération Delphis

GRAND DAUPHIN.L’OPÉRATION DELPHIS PROLONGE

LES CAMPAGNES SCIENTIFIQUESEFFECTUÉES TOUTE L’ANNÉE SUR LE

PÉRIMÈTRE DU SANCTUAIRE MARIN.

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ESPACES NATURELS • N° 11 • JUILLET 2005 • PAGE 36 PAGE 37 • JUILLET 2005 • ESPACES NATURELS • N° 11juriste

relations contractuelles

Le droit de reproduction d’unephotographie estgénéralement défini pour

chaque utilisation de laphotographie concernée. Pour undocument utilisé sur uneexposition, la durée du droitcorrespond à la durée de vie del’exposition, pour la réalisationd’une plaquette, la durée du droitcorrespond à la durée de validitéde la plaquette. Pour la presse,la durée du droit est égale à lafréquence de parution...S’agissant de l’édition d’unouvrage par exemple, la duréed’utilisation correspond souventà la première édition. Si le livreest épuisé et qu’il a besoind’être réédité, un nouveau droitsera facturé par l’auteur. Lors dela deuxième édition, le montantdu droit de reproduction estsouvent inférieur à la premièreutilisation (de l’ordre de 50%). ■

M.C.

Pour être protégée par la loi et engen-drer des droits d’auteur, une photogra-phie doit être une création de «forme

originale». Mais la notion de «forme origi-nale» étant habituellement définie comme« l’empreinte de la personnalité de l’au-teur », cela signifie, concrètement, que laplupart des photographies réalisées par desêtres humains seront protégées.Propriétaire de son œuvre, l’auteur en a lamaîtrise et l’exploitation. Il peut faire valoirdeux catégories de droits : les droitsmoraux et les droits patrimoniaux.

Les droits morauxPersonnels, perpétuels, inaliénables,imprescriptibles…Les droits moraux (articles L.121-1 et sui-vants du code de la Propriété intellectuelle)sont perpétuels. Cela signifie qu’ils doiventêtre respectés même lorsque l’œuvre est dite«dans le domaine public», même au-delà dela mort de l’auteur. Ils sont inaliénables.Aucune renonciation n’est opposable à l’au-teur. Ils sont imprescriptibles. Ils recou-vrent quatre prérogatives:1) le droit de divulgation permet àl’auteur d’autoriser ou d’interdirela première communication del’œuvre au public ;2) le droit de retrait permet àl’auteur d’annuler touteexploitation en cours de sonœuvre ; le droit de repentirpermet de récupérerl’œuvre déjà communi-quée, afin de lui apporterdes modifications avantd’opérer une nouvellecommunication. L’exercice de ces droits estencadré. Il faudra notam-ment que l’auteur indem-nise l’exploitant qui subitun préjudice ;

À qui appartient une photographie? Qui peut déciderde sa publication, de sa modification?… En France, les droits d’auteurs sont régis par la loin° 57-298 du 11 mars 1957 codifiée dans le code dela Propriété intellectuelle.

Le montant des droits dereproduction est lié à lanotoriété de l’auteur. Le droit

de reproduction est calculé pourchaque utilisation de laphotographie concernée. Le montant des droits dereproduction cédés à l’acheteurest également lié aux supportsutilisés (presse, édition, publicité,exposition), aux formats dereproduction, aux tiragesréalisés… À noter que tous leséditeurs, tous les groupes depresse et autres ont leur proprebarème. Toutefois, il existe desbarèmes syndicaux (desmoyennes) disponibles parexemple à l’Union desphotographes créateurs(http://www.upc.fr).Dans le cas de prises de vuecommandées, au montant de cesdroits s’ajoute la rémunération dela prise de vue. Les fraistechniques, de déplacement, deséjour… sont à la charge del’utilisateur. Généralement, lephotographe reste propriétaire dessupports matériels de ses œuvres,en l’occurrence le négatif ou ladiapositive.Sachez encore que les droits sontassujettis à la TVA. Le tauxapplicable pour la cession desdroits patrimoniaux est le tauxréduit de 5,5%. Le plan comptablea prévu leur place :751600 pour les ventes de droits ;651600 pour les dépenses dedroits. ■

combien ça coûte?Utiliser une photoGérer les droits photos

avec ses salariés

un contrat?Il vaut mieux rédiger

Le consentement de l’auteurest exigé préalablement à toute exploitation.

En l’absence d’écrit, la preuvede la cession des droits ou del’autorisation d’exploitation seradifficile à rapporter. Pour êtrevalable, le contrat doit détailler(article L131-3) :- chacun des droits cédés :seules les exploitationsclairement énumérées(reproduction, adaptation,représentation…) serontconsidérées comme autorisées ;- les domaines d’exploitationclairement délimités (étendue,destination, lieu, durée del’exploitation).Ainsi une disposition du type« tous droits cédés » estinopérante.Le droit moral étant inaliénable,le contrat ne peut avoir poureffet de faire renoncer l’auteur àses prérogatives. Si tel était lecas, l’auteur pourra faire annulerles dispositions en cause. ■

MICHEL CRAMOISPHOTOGRAPHE NATURE

du droit de reproduction?Quelle est la durée

1. Cass. 1re chambrecivile. 27 janvier1993. Pourvoin° 91-15.091

cela veut dire gratuit?«Libre de droits»

Non. En revanche, lorsquel’on a acheté une photo« libre de droits », on est lié

à l’éditeur par un contrat delicence donnant l’autorisation dereproduire la photo sans avoir dedroits supplémentaires à payer.Le contrat précise dans quellesconditions cette autorisation estaccordée. ■ M.C.

En savoirplus>>> «Lesphotographiesdu Parcnational duMercantour. Les problèmesde droitsd’auteur ».Jean-PhilippeNaçabal, sousla direction deGilles Landrieu.Le documents’accompagnedes textes deloi et desjurisprudencesmajeures.>>>

>>> Lephotographe,guide juridiqueet pratique. Éditions du PuitFleuri,19 euros.

3) «le droit à la paternité» permet à l’auteurd’exiger que son nom et sa qualité d’auteursoient clairement indiqués. Ce droit permetaussi à l’auteur de rester anonyme ou d’uti-liser un pseudonyme;4) le droit au respect de l’œuvre permet àl’auteur de s’opposer à toute atteinte à l’in-tégrité de l’esprit de son œuvre.

Les droits patrimoniauxIls sont exposés aux articles L.122-1 et sui-vants du code de la Propriété intellectuelle.Du fait même de sa création, l’auteur jouit,sa vie durant, du droit exclusif d’exploiter oude faire exploiter son œuvre et d’en obtenirrémunération. À son décès, ce droit persisteau bénéfice de ses ayants droit pendant l’an-née civile en cours et pendant les soixante-dix années qui suivent. Au-delà, l’œuvre estdite «dans le domaine public». Son utilisa-tion est donc gratuite mais doit néanmoinsrespecter les droits moraux de l’auteur.Le non-respect des droits de l’auteur entraî-nera non seulement la réparation du préju-dice, mais aussi des sanctions pénales : la contrefaçon est punie de trois ans d’emprisonnement et d’une amende de300000 euros. ■

JEAN-PHILIPPE NAÇABAL - JURISTE

Le Parc national du Mercantour utilise des photographies.Celles-ci proviennent de particuliers ou d’agents agissantdans le cadre de leur mission avec du matériel mis à leurdisposition. Parfois encore, ces clichés sont réalisés parles agents en dehors des heures de travail. La questionrelative à l’exploitation de ces clichés se révélantdélicate, le Parc a contractualisé l’utilisation d’images.

Photos prises pendant le serviceLe régime diffère selon que l’auteur est fonctionnaire ou titu-laire d’un contrat de droit privé. En effet, si l’auteur est fonc-tionnaire et que les photographies sont prises dans l’exercicede sa mission, les droits d’exploitation (et non les droitspatrimoniaux) sont entièrement dévolus à l’administration.À l’inverse, concernant un salarié de droit privé, le Parc quisouhaite acquérir immédiatement les droits patrimoniaux del’auteur prévoit une clause dans le contrat de travail. Et ceci,même si la jurisprudence considère que la nature du contratde travail implique la cession automatique des droits patrimoniaux de l’employé à son employeur (TGI ParisBerthoin/Larousse 29 juin 1971).Cette clause est rédigée en ces termes :«Dans l’exercice de sa mission de…., l’agent peut êtreamené, soit sur la base du volontariat, soit sur demande desservices du Parc national du Mercantour, à photographier lafaune, la flore, les paysages ou quelques autres types desujets. L’agent cède au profit de l’établissement public l’en-semble des droits patrimoniaux mais conserve l’ensembledes droits moraux qui sont rattachés à ces photographies.Cette session ne fera l’objet d’aucune rémunération complémentaire. »En revanche, même en l’absence de dispositions contrac-tuelles, l’employeur a le droit d’utiliser, à des fins internes àl’entreprise, les créations réalisées par les salariés dans lecadre de leur travail.

Photos prises hors serviceHors de son temps de travail, l’agent est soumis au droitprivé. Il disposera donc de l’ensemble des droits patrimoniauxqui se rattachent à son œuvre. Il aura alors toute liberté pourcéder ses droits, à qui il voudra.Selon la jurisprudence, la cession des droits d’exploitationdes photographies à l’employeur par l’employé peut donnerdroit à rémunération en sus du salaire de l’employé 1. Si leParc souhaite récupérer les clichés pris par les agents endehors de leur temps de travail, l’établissement public pourraprévoir un contrat pré-imprimé qui est rempli chaque fois quele Parc souhaite acquérir les droits d’exploitation liés à uneœuvre. Concernant le salarié de droit privé, le Parc a choisid’agir en amont de la création et d’insérer une clause dansson contrat de travail, rédigée comme suit : « Le Parc natio-nal dispose d’un droit de préférence pour les photographiesprises par les agents avec leur propre matériel et en dehorsdu temps de travail. Si l’établissement refuse d’acquérir lesdroits d’exploitation du cliché moyennant un prix proposé,les agents pourront céder leurs droits patrimoniaux àd’autres cessionnaires. » ■

Extrait du rapport de Jean-Philippe Naçabal (cf. En savoir plus).

protégée par le droit d’auteurLa photographie

>>> Parc national du Mercantour

juristerelations contractuelles

www.documentation.espaces-naturels.fr

Page 20: Revue des professionnels des espaces naturels Tourbières

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Au sein du Groupe international pour la conservation destourbières, des scientifiques agissent et tententd’intervenir auprès des pouvoirs publics. Mais la réalitésociale, économique et politique de chaque pays estdifférente et les priorités ne s’expriment pas dans lesmêmes termes. Paroles d’acteurs…

Les protectionssont encore insuffisantesLe pays a conscience de l’intérêt de cesmilieux puisque 12,1% des tourbières deNorvège sont protégées par des Réservesnaturelles, Parcs nationaux ou paysagesprotégés. Le Plan national pour lestourbières comprend 278 sites (554 km2).

rNorvège

eTerre de Feu

TERRE DE FEU. >>> Groupe international pour la conservation des tourbières (IMCG), Tél. : ++(49)-3834-864 128 Mél : [email protected] http://www.imcg.net

Ensavoir

plus

D’autres tourbières sont égalementprotégées dans des Réserves de zoneshumides, des Parcs nationaux…Une liste rouge nationale définit desprotections pour trois groupes devégétation tourbeuse et trois typesprincipaux de tourbières ombrotrophes.Cependant, les sites protégés sontsouvent localisés sur les reliefs, tandisque les tourbières de basse altitude dusud et de l’ouest sont les plus menacées.Certes, des travaux de restauration sontmenés dans quelques Réserves mais lamajorité de ces Réserves n’ont toujourspas de plan de gestion.Initialement, les tourbières de Norvèges’étendaient sur 21000 km2 sous la limitedes forêts et 9000 km 2 dans les zonesalpines. Hélas, ces dernières décennies,plus de 30% ont été drainées. Ainsi, dansles années 70, ce sont près de 100 km2 quifurent drainés chaque année à des finssylvicoles. Le drainage s’est bien ralentices dernières années, mais l’agricultureet la sylviculture représentent toujoursles principales menaces. ■ASBJORN MOENNORWEGIAN UNIVERSITY OF SCIENCE AND TECHNOLOGY

Une évaluation récente chiffre leurétendue à 3000 km2.La zone centrale de la Terre de Feu abritedes tourbières à laîches ; les tourbièresombrogènes à Sphagnum magellanicumsont fréquentes dans les vallées demontagnes (du sud) et différents types detourbières sont présentes dans l’est. ■RODOLFO J. ITURRASPEMEMBRE DU BUREAU DE L'IMCG

ADRIANA B. URCIUOLODIRECTEUR DE L'AGENCE DES RESSOURCES AQUATIQUESDE LA TERRE DE FEU

Tourbières du monde aAllemagne

Toutes les tourbières sont protégées mais…En Allemagne, d’une façon ou d’une autre,toutes les tourbières sont protégées, même sitrès peu sont encore en activité (1%).Cependant, pour ces milieux fragiles, ce sontla poursuite des drainages et l’eutrophisationqui constituent les principaux dangers.Nombre des tourbières ont été détruites, carexploitées pour extraire des supports deculture. L’exploitation agricole intense etcontinue des grandes tourbières basses estd’ailleurs tout aussi destructrice.Il y a aussi des cas particulièrement cruciauxcomme celui de Mecklembourg-Poméranieoccidentale. 40000 ha de tourbières sesituent plus bas que le niveau de la mer.Récemment, 1000 ha ont perdu leur usageantérieur et ces tourbières ont été ennoyées.Nous ne savons pas quel laps de temps seranécessaire pour que des systèmesd’accumulation de tourbe s’y restaurent. De même, nous recherchons des formesalternatives à l’utilisation des tourbières.Les tourbières les mieux conservées setrouvent dans les Alpes et les Préalpes. A contrario, les grandes tourbières bombéesqui existaient dans la plaine n’ont paséchappé à l’assèchement.Les tentatives de réhabilitation des tourbièresautrefois asséchées et qui ne sont plusutilisées, se multiplient. ■LEBRECHT JESCHKESCIENTIFIQUE INDÉPENDANT

Le niveau de chômage est un facteur aggravantDe vastes tourbières vierges s’étendenten Terre de Feu. Le grand public etspécialement les responsables politiquesn’ont qu’une conscience très limitée deleur valeur environnementale. Lesquestions les plus fréquemment poséessont davantage «comment les utiliser ?»que «comment les protéger ?».Le niveau de chômage est d’ailleurs unfacteur aggravant pour l’exploitation desressources naturelles qui affecte lestourbières et les forêts. La situation estpréoccupante car l’extraction de tourbes’est développée ces dernières années,facilitée par la loi sur les mines. Cetteactivité est menée par des particuliersn’ayant fréquemment aucune expérienceet utilisant des méthodes artisanales.En outre, excepté en quelques zones, lestourbières ne sont pas bien connues,c’est le cas dans la province de Tierra delFuego. Il faut dire que la plupart sontsituées dans la partie est de l’île, unezone inhabitée et difficile d’accès.

>>> Mél : [email protected]

>>> Mél :[email protected]

>>> Mél :[email protected] L’IMCG (International

mire conservationgroup) est un réseau

mondial de spécialistes quis’attache à promouvoir,encourager et coordonner laconservation des tourbièreset écosystèmes liés. Son rôleest également de favoriserl’échange d’informations etd’expériences concernant lestourbières et les facteurs quis’y rapportent.Le réseau rassemble unlarge panel deconnaissances et d’intérêts.Il rassemble des chercheurs,représentants de bureauxd’étude, agencesgouvernementales ougestionnaires de sites (400 personnes de 60 pays).L’IMCG dispose d’un siteinternet régulièrement mis àjour, où l’on pourra trouver(en anglais) des informationssur les tourbières du monde,les problèmes auxquels ellessont confrontées. Toutel’actualité des tourbières estrassemblée sous la formed’une lettre d’informationd’accès libre.Des rencontres sontorganisées chaque année outous les deux ans dans l’unou l’autre pays.La France a accueilli lasession de 2002.Les motions, rédigées àl’issue de chaque congrès,veulent influencer lesmentalités et les pouvoirspublics. ■

Lettonie

Il faut un inventaire nationalEn Lettonie, les tourbières couvrent 4,9%du territoire. La moitié est relativementépargnée par les activités humaines, tandisque l’autre moitié a été touchée par ledrainage, particulièrement intensif de1960 à 1980. Aujourd’hui, l’exportation dela tourbe se poursuit vers d’autres payseuropéens. Les tourbières sont égalementmenacées par le développement desactivités de loisirs. Les feux allumés parmégarde ou le piétinement ont desconséquences funestes.La Lettonie se préoccupe bien sûr de sestourbières. En 2003, elle a élaboré un Plande gestion des habitats tourbeux.Actuellement, il existe six programmes Life,incluant des actions de conservation ou degestion des tourbières. Il faudrait cependantaller plus loin et prévoir un inventairenational en vue de la conservation de labiodiversité. En effet, le dernier inventairecouvrait 159 tourbières parmi les plusimportantes, alors qu’il en existe plus de6000 en Lettonie. Des recherches liées aufonctionnement hydrologique, à lapaléobotanique et à la végétation seraientégalement nécessaires. ■MARA PAKALNE - UNIVERSITY OF LATVIA - KRONVALDA

BLVD. 4 LV-1010 RIGA, LATVIA

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MIRAMELLEALPESTRE.

CANNEBERGEEN FRUITS.

© Francis Muller LÉZARD VIVIPARE. © Éric Sardet

ailleursparoles d’acteurs

ailleursGroupe international tourbières

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ESPACES NATURELS • N° 11 • JUILLET 2005 • PAGE 40lecteur

penseur PAGE 41 • JUILLET 2005 • ESPACES NATURELS • N° 11

PLUS LOIN

Il faut bien l’avouer, Comment chier dans les bois,de Kathleen Meyer, est un ouvrage délicieusementmalicieux. L’auteure y joue à l’envi avec les tabous

linguistiques, manie l’anecdote et ne cache rien despetites et grandes histoires de fèces en pleine nature. Elle

implique immédiatement son lecteur par le réalisme de sesconseils. Elle dit sans détour comment éviter les petitsdésagréments vestimentaires et hygiéniques d’une techniquemal assurée. Comment gérer les multiples dangers d’unemarche arrière culotte baissée. Comment déjouer les piègesd’une exposition charnelle aux insectes, aux piquants, au froid, à la neige, au vent ou… aux regards. Toutes choses qui prêtent à sourire, du moins tant que ce n’est pas à vousqu’elles arrivent.

On chie des bombesMoins souriant, le volet écologique de l’ouvrage nous apprendque les matières fécales d’origine humaine ne sont pasindifféremment digérées par la planète. Elles s’accumulent,polluent et, porteuses de maladies, les transmettent etcontaminent. Ainsi, par exemple, la surfréquentation des Parcsnationaux américains par les randonneurs, kayakistes et autresgrimpeurs est devenue un véritable sujet de préoccupation pourles gestionnaires (c’est du moins ce qu’il semble à la lecture del’ouvrage). Les nombreux vestiges de délestages mal géréss’accumulent et perdurent parfois d’une saison à l’autre. Outreleur impact esthétique, ces pratiques semblent devenir unvéritable problème de santé publique. Exposés aux eaux deruissellement, ces dépôts sauvages contribuent activement à ladissémination des parasites dans tout l’écosystème. Ainsi,aujourd’hui, aucune eau de surface dans le monde n’offre plusla moindre garantie d’exemption de Giardia, une maladieparasitaire d’origine fécale. Des kystes de Giardia ont même étédécouverts dans des torrents de montagne. Un autre parasite,le Cryptosporidium, protozoaire transmissible par voie fécale etorale, connaît la même expansion. Très résistant au chlore, ilpeut aussi contaminer les eaux potables non filtrées.

L’art du trouS’il n’est plus envisageable de se soulager en touteirresponsabilité, comment alors gérer l’irrépressible ? Premierréflexe, ancestral celui-là, creuser son trou. Mais pas n’importecomment, ni n’importe où. L’auteure explique que le trouécologiquement correct doit bloquer la dissipation desorganismes porteurs de maladies. Profond de 15 à 20 cm, il estsuffisamment profond pour isoler des animaux ; mais pas trop,pour demeurer dans la strate des enzymes les plus efficaces.Situé hors de portée des eaux de ruissellement, il est creusédans un terrain friable qui permet de mixer terreau et matièresfécales avec un bâton… tout un art, qui requiert un minimumd’organisation et de matériel.Alors, vous l’avez compris, lorsque le terrain n’est pas approprié,ou lorsque, imprévoyant, vous êtes parti sans votre pelle, il nevous reste qu’une seule solution : ne rien laisser derrière vous ettout rapporter à la maison.Saugrenue pour les uns, peu engageante pour les autres, l’idéede transporter ses excréments n’est pourtant pas nouvelle. Lesexplorateurs polaires ou les amateurs de parois verticales ont delongue date imaginé des techniques de collecte et de transportqui les mettent à l’abri du gel pour les uns, et des chutes d’objetsvolants pour les autres. Plus généralement, dans les zones trèsfréquentées et en terrain inhospitalier, le « remportez tout »s’impose pour l’auteure comme la seule solution viable.Le problème est donc sérieux, et comme tout problème a sasolution, les inventeurs de tous poils se sont penchés sur laquestion. Aux États-Unis, Parcs, fédérations de grimpe, de kayakou de randonnées seraient de plus en plus nombreux à proposerdes systèmes plus ou moins élaborés. Il existe ainsi sur lemarché des poop-tubes, tubes hermétiques en PVC, qui peuventensuite être traités dans des unités de décharges.Une rapide exploration sur internet ne m’a pas convaincu qu’enFrance, les gestionnaires, fédérations de sports de nature ouvendeurs spécialisés soient particulièrement sensibilisés à cettequestion. S’agirait-il d’une problématique purement américaine oud’une question qui ne nous a «même pas » encore effleuré? ■LUCRÈCE

“Chier dans les bois?

Non! Rapportez tout

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Les anciens numéros d’Espaces naturels sont téléchargeables au

format pdf depuis le site de l’Aten :

>>> www.espaces-naturels.fr

Anciens numéros sur le web

Comment chier dans les bois ? Pour une approcheenvironnementale d’un art perdu, Kathleen Meyer •Édimontagne • 11 euros

Lorsqu’un livre vous ouvre des horizons nouveaux,vous ressentez immédiatement l’inextinguibleurgence d’en partager la substance avec d’autres.Tel est le cas de Comment chier dans les bois ?de Kathleen Meyer, judicieusement sous-titré Pourune approche environnementale d’un art perdu. “Et si on regardait

Certes, le Docob de votre siteNatura 2000 n’avance pascomme vous le voudriez…,

certes, un éminent membre du comitéde pilotage s’est désisté la veille duditcomité…, certes encore, votre dossierde financement pour construireobservatoire, platelage ou mallettepédagogique n’est pas certain depasser, un exploitant sourcille sur leCAD, et j’en passe et des meilleures.On l’aura compris, les gestionnairesd’espaces naturels sont dansl’incertitude. Cruciale incertitudelorsque l’existence même desstructures de conservation dépend dubon vouloir des financeurs ; moinsdérangeants (mais quand même),lorsque la bonne marche des projetsest freinée par les lobbys, les querelleslocales ou les problèmes techniques.Mais qu’en est-il réellement lorsquenotre regard sur la conservationdépasse les frontières rassurantes dela France ou de l’Union européenne,et s’attarde quelque peu sur lesrégions en crise de ce monde?Au mois de décembre dernier, j’ai pume rendre au Sud Liban, pourappuyer un projet de conservation dezones humides côtières. Après que j’aifranchi quelques check point dûmentgarnis d’armes automatiques et desacs de sable, la conservatrice me faitdécouvrir « son» site : 300 hectares deplages et de dunes, quelques marestemporaires et d’éparses roselières. Leplan de gestion que j’ai sous les yeux,fait également mention de zones demaraîchage traditionnel mais, aupremier abord, rien ne ressemble àune salade. On me dit que c’est «del’autre côté»… du camp de réfugiéspalestiniens. En effet, un camp coupela Réserve en deux et rassemble plusde 80000 personnes parqués là depuisprès d’un demi-siècle. Miradors,portraits des martyrs, j’ai l’impressiond’être à Envoyé spécial. À part ça, rien d’anormal : les ordures

de la ville toute proche débordent surla Réserve et sur la côte où, l’été, lespaillotes empiètent allègrement sur lafrange littorale de la Réserve. Leslumières de la ville désorientent lestortues marines, une route vientd’être goudronnée à travers le site, quia pourtant bel et bien un statut deRéserve nationale côtière. Dans ce contexte, que voulez-vous queje réponde quand la gestionnaire de laRéserve me demande si un comptagemensuel d’oiseaux est nécessaire ?J’évite de lui dire qu’il faut d’abordrégler la question du Moyen-Orient etque pour les piafs, on verra après. Jeconfirme simplement qu’un comptagemensuel sera suffisant, s’il peut êtrehebdomadaire ce sera mieux.Cette anecdote aurait pu prendre pourdécor les Balkans, l’Irak ou quelquespays d’Afrique. Mon propos n’est pasde faire de la flagellation à bon prix, deculpabiliser les conservateurs «nantis»que nous serions en France, au pointde les faire reverser leur dernierfinancement Life, via un SMS ouinternet puisque c’est maintenant larègle, à une obscure Réserve duLibéria ou du Kosovo.Il me semble néanmoins que la visionde nos espaces protégés, de nosproblèmes de gestion au quotidien vuspar la lorgnette de l’internationalnous permette de relativiser quelquepeu nos soucis. Certes, nous râleronstoujours lorsque, coquin de sort, laclé USB de un giga tout justecommandée n’est pas arrivée. Maisdans le même temps, le gestionnairede Parc national des Balkans nepourra toujours pas traverser son Parcsans risque de sauter sur une mine. Le tout est de garder ces différences àl’esprit, pour apprécier tous les joursla chance de travailler dans les calmespaysages de France. ■ M.L.

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Page 22: Revue des professionnels des espaces naturels Tourbières

l’AGENDAPAGE 43 • JUILLET 2005 • ESPACES NATURELS • N° 11PARUTIONS ESPACES NATURELS • N° 11 • JUILLET 2005 • PAGE 42

Fonds documentaire

Management28 et 29 septembreAix-en-ProvenceQuarante ateliers - une tableronde, pour ce 5e Forum dumanagement de l’environnement,de la sécurité et dudéveloppement durable. On peuts’inscrire dès à présent:◗ www.envirorisk-forum.com

Dynamique territoriale des achats responsables29 et 30 septembre - DivonneOrganisé par le Centreinternational de formation desacteurs locaux, ce forum croiseraplénières et ateliers sur leconcept des achats écologiques.Échanges d’opinions et deconnaissances. Réservez.◗ Inscriptions : [email protected]

Conservation de la floreméditerranéenne29 septembre - 2 octobre - VarCe colloque international auralieu à Hyères. En effet, le bassinméditerranéen sera l’une desrégions du globe les plusaffectées par les changementsenvironnementaux et laconservation de la diversitévégétale constitue un sérieux défipour les biologistes. Exposésscientifiques et résultats deprojets sont à l’ordre du jour.◗Conservatoire botaniqueméditerranéen de PorquerollesTél. : 0494128230

Foresterranée1er octobre - Bouches-du-RhôneCes états généraux concernentl’ensemble des acteurs de lagestion et de la protection de la forêt méditerranéenne.De nombreuses réunionspréparatoires auront d’ailleurspermis de préparer cetterencontre, à l’issue de laquelledevrait émerger une«problématique partagée».◗Mél : [email protected]

Littoral : un territoire à haut risque?6 octobre - MontpellierCette journée d’étude proposéepar Rivages de France,permettra aux gestionnaires deréfléchir à leurs rôles, moyens etresponsabilités dans lesterritoires littoraux.◗ Laurence Resano • Mél: [email protected]

Parcs naturels régionaux5 au 7 octobre - En AvesnoisLes journées nationales aurontpour thème: les parcs naturelsrégionaux, l’Europe et lesterritoires ruraux. Lesparticipants chercherontnotamment à savoir si les parcssont des territoires compétitifspour un développementeuropéen durable.◗ www.parcs-naturels-regionaux.fr

Zones humidesquels partenariats?10 et 11 octobre - MontrondLes journées nationales desEspaces naturels sensiblesseront dédiées aux partenariats,noués pour la gestion des zoneshumides. Des visites des sitesremarquables du département dela Loire sont également prévues.◗ Laurent Renault. Réseau Ideal.Tél. : 0145150909

Espaces naturels sensibles13 octobre - NarbonneLa loi du 18 juillet 1985, qui asubstitué les espaces naturelssensibles aux périmètressensibles, célèbre ses 20 ans.Cette conférence est l’occasionde dresser l’état des lieux decette politique dérogatoire,notamment à la lumière desrécentes lois en matièred’environnement, d’urbanismeet d’aménagement du territoire.◗ Faculté de droit - Université de PerpignanMél : [email protected]

PARUTIONS

CD Rom pour chauves-sourisConnaître pour mieux protéger. Le pari estplus que réussi. Ce petit bijou de CD Rom,ludique et au graphisme soigné, fourmillede données techniques, mais aussi histo-riques, littéraires ou biologiques. Alors,n’ayez crainte, entrez d’un double clicdans cet univers d’obscurité. Plongezdans la vue à 360° d’une grotte très fré-quentée. Zoomez sur ses habitants grâceà de mini-vidéos et diaporamas. Jouez,apprenez et testez vos connaissances.Vous y découvrirez, par exemple, qu’uneseule chauve-souris prélève chaque nuit letiers de son poids en insectes. Merci àelle et à ses congénères.

>>> Cybeldoc - 35 euros www.biotheme.be/

Nouvelle livraison dans lacollection du

Conservatoire du littoralconsacrée aux oiseaux du

bord de mer, voici laSterne pierregarin, alias

hirondelle de mer. Letexte est accessible aux

plus jeunes. Lesillustrations, tout en

pastel, nous introduisentdans l’intimité de

l’oiseau.>>> P. Huet - J. Chevallier

• 36 pages • Hesse / Dexia éditions •

11 euros

Vols de nuit

● Guide juridique

Sécurité,responsabilités,assurances…Les espaces naturelsaccueillent plusieursdizaines de millions devisiteurs par an. Ce guide juridiquerépond aux questionsauxquelles sontconfrontés lesgestionnaires. La première partiedéveloppe les grandsprincipes juridiques et leur philosophie.La deuxième permetd’identifier les risques.La troisième esttournée vers l’effet descontrats d’assurance.F. MARTIN-THERRIAUD - M. LIARAS - O. LEMAITRE •136 PAGES • GIP ATEN •20 EUROS

STERNE

● Ornithologie

● Droit

L’Europe et laprotection juridiquede l’environnementVoici un tour d’horizondu droit européen del’environnement soustous ses aspects, ycompris le contentieuxet les politiquespubliques. La matièreconcerne les juristes,mais aussi tous lesacteurs du secteur del’environnement. Lestrois premières partiessont consacrées auxcompétences etréalisations du droitcommunautaire. Lesdeux suivantes mettenten perspective le droiteuropéen avec, d’unepart, le droit françaiset, d’autre part, le droithors Communauté.RAPHAËL ROMI • 177 PAGES • VICTOIRES

ÉDITIONS • 29 EUROS

● Patrimoine naturel● Botanique

Plantes rares et menacées de larégion toulousaineAprès avoir présenté lesdifférents milieux de larégion toulousaine, ceguide s’organise enfiches dédiées à chaqueespèce. Aux notices etillustrations usuelles(statut, description,écologie et habitats)s’ajoutent des encadréssur les menaceséventuelles qui pèsentsur l’espèce. La rubrique « Actions à mener » concerne plusparticulièrement lesgestionnaires et évoqueà la fois les études, lesmesures et lespartenaires concourantà la préservation.COLLECTIF • 74 PAGES •NATURE MIDI-PYRÉNÉES •10 EUROS •WWW.NATUREMP.ORG

● Naturalisme

● Zones humides● Cahiers d’habitats

● Découverte

de guider lesrédacteurs dedocuments d’objectifsdans l’identification deshabitats et dansl’analyse dynamique deleur état deconservation. Desrecommandations degestion sont données àtitre indicatif.Génériques, ellesdoivent être déclinéesen fonction desparticularités locales.384 PAGES + CD-ROM • LA

DOCUMENTATION FRANÇAISE •38 EUROS

Tourisme et patrimoineComment conjuguer lamise en valeuréconomique et socialed’un patrimoine, tantarchitectural quenaturel, et saprotection? Cettequestion est abordée icisous les angleshistoriques,sociologiques,techniques,réglementaires oufinanciers. Une synthèse utile.VALÉRY PATIN • 176 PAGES •BUCHET/CHASTEL • LA

DOCUMENTATION FRANÇAISE •19 EUROS

● Développement

Le cinquième volume des«Cahiers d’habitats » estconsacré aux éboulis,falaises, grottes, grottesmarines et glacierspermanents. Laclassification distingueles grands typesd’habitats, puis sedécline en habitatsélémentaires,caractérisés par leurcomposante végétale,leur climat ou lagranulométrie de leurséboulis. Comme sesprédécesseurs, cetouvrage a pour vocation

Les oiseaux de Camargue et leurs habitatsCet ouvrage collectif rendcompte de la richessedes étudesornithologiquesconsacrées à laCamargue depuis lacréation de la Stationbiologique de la tour duValat en 1954. Cettedurée d’observationexceptionnelle a permisd’étudier, sur le longterme, la dynamique depopulations face auxmutations del’environnement. Lescontributions d’auteurssont servies par denombreuses illustrationset graphiques.SOUS LA DIRECTION DE PAUL

ISENMANN • 300 PAGES •BUCHET/CHASTEL •DIFFUSION SEUIL • 25 EUROS

Habitats rocheuxMarais et estuairesdu littoral françaisSa facture et soniconographie luiconfèrent un look demanuel scolaire. Maisque l’on ne s’y trompepas, voici un ouvrage deréférence, qui s’appuiesur une connaissanceapprofondie desmilieux. Un travail despécialiste, pour desspécialistes, servi parune cartographieparticulièrementparlante et soignée.FERNAND VERGER • 336PAGES • BELIN • 40 EUROS

Les insectespollinisateursDe la connaissance àl’élevage, en passantpar la protection, voussaurez tout sur lesabeilles, guêpes,coléoptères, mouches,papillons et autresinsectes transporteursde pollen.L’iconographie etl’écriture, très lisibles,font de cet ouvrage unoutil de découverte oud’approfondissement,accessible au profanecomme auprofessionnel. Un plaidoyer pour lesinsectes utiles, publiésous l’égide de l’Officepour les insectes et leurenvironnement (OPIE).ANDRÉ POUVREAU • 192 PAGES • DELACHAUX

ET NIESTLÉ • 25 EUROS

Atlas desorthoptères et desmantides de FranceCe numéro de lacollection « Patrimoinesnaturels », lesoixantième, rassemble42600 données,récoltées de 1960 à2002 concernant plusde 200 espècesd’orthoptères et demantides. Les menaces qui pèsentsur les orthoptères,telles que la destructiondes habitats et lespollutions chimiques,sont examinées.MUSÉUM NATIONAL

D’HISTOIRE NATURELLE •104 PAGES •BUCHET/CHASTEL •18 EUROS • WWW.MNHN.FR

À la découverte desRéserves naturellesde FranceL’association Réservesnaturelles de Francenous propose le guideofficiel des 157Réserves naturelles demétropole et d’outre-mer, classées pargrandes régions et parmilieux. Chaque doublepage est consacrée à unsite et comporte cartesgéologiques, illustrationset indications sur lesmilieux, la faune, la floreet l’histoire. Un rédactionnel donne le ton et invite à ladécouverte.394 PAGES • NATHAN •29 EUROS

COUP DE CŒUR

Colloque : incertitudes et environnement23 au 25 novembre - Arles

Ces 17es Journées (organisées par la Société d’écologie humaine)rassembleront scientifiques et gestionnaires de toutesnationalités autour du thème de l’incertitude dans la gestion de

l’environnement. Partant du constat que la plupart des phénomènesenvironnementaux qui peuvent avoir des impacts sur le long terme sontsoumis à des incertitudes scientifiques fortes, il convient que cesincertitudes soient désormais reconnues comme une propriétéintrinsèque des questions environnementales et non comme le résultatd’une défaillance de la part des chercheurs et décideurs. Trois thèmesseront privilégiés : les incertitudes techniques, celles liées à l’utilisationdes modèles et l’incertitude dans la politique de gestion des acteurs.◗Alain Dervieux • Mél : [email protected]

APPEL à COMMUNICATION

LE SOMMET MONDIAL

DES ENFANTS POUR

L’ENVIRONNEMENT SE

TIENDRA DU 26 AU

29 JUILLET À AICHI

(JAPON) LORS DE

L’EXPOSITION

UNIVERSELLE

INTERNATIONALE 2005.

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