protection des espaces agricoles et naturels : une analyse

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Économie rurale Agricultures, alimentations, territoires 291 | Janvier-février 2006 Numéro 291 (2006) Protection des espaces agricoles et naturels : une analyse des outils américains et français farmland and open space preservation: an analysis of u.s. vs. french tools Jean-Christophe Dissart Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/economierurale/578 DOI : 10.4000/economierurale.578 ISSN : 2105-2581 Éditeur Société Française d'Économie Rurale (SFER) Édition imprimée Date de publication : 1 mars 2006 Pagination : 06-25 ISSN : 0013-0559 Référence électronique Jean-Christophe Dissart, « Protection des espaces agricoles et naturels : une analyse des outils américains et français », Économie rurale [En ligne], 291 | Janvier-février 2006, mis en ligne le 05 janvier 2008, consulté le 19 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/economierurale/578 ; DOI : 10.4000/economierurale.578 © Tous droits réservés

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Économie ruraleAgricultures, alimentations, territoires

291 | Janvier-février 2006Numéro 291 (2006)

Protection des espaces agricoles et naturels : uneanalyse des outils américains et françaisfarmland and open space preservation: an analysis of u.s. vs. french tools

Jean-Christophe Dissart

Édition électroniqueURL : http://journals.openedition.org/economierurale/578DOI : 10.4000/economierurale.578ISSN : 2105-2581

ÉditeurSociété Française d'Économie Rurale (SFER)

Édition impriméeDate de publication : 1 mars 2006Pagination : 06-25ISSN : 0013-0559

Référence électroniqueJean-Christophe Dissart, « Protection des espaces agricoles et naturels : une analyse des outilsaméricains et français », Économie rurale [En ligne], 291 | Janvier-février 2006, mis en ligne le 05 janvier2008, consulté le 19 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/economierurale/578 ; DOI :10.4000/economierurale.578

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RECHERCHES

Protection des espaces agricoles et naturels :Une analyse des outils américains et françaisJean-Christophe DISSART* • Cemagref Grenoble, UR DTM

Courriel : [email protected]

Introduction

En raison d’une plus grande accessibilitéphysique (transport) et économique (coût

du foncier), un espace périurbain s’est déve-loppé autour de la plupart des aggloméra-tions d’Europe de l’Ouest et d’Amérique duNord. Les enjeux liés à l’occupation de cetespace l’on rendu déterminant en matièred’aménagement, puisque s’y côtoient villespériphériques et centres commerciaux maisaussi exploitations agricoles et espacesnaturels.

En particulier, la protection des espacesagricoles et naturels est importante pourdes raisons de production alimentaire maisaussi d’entretien du paysage, ce derniercontribuant à la qualité de vie d’une agglo-mération.

Dans cet article, les espaces agricolesfont référence aux terres cultivées et pâtures ;les espaces naturels comprennent les forêts,parcs et habitats naturels. De manière géné-rale, les espaces agricoles et naturels cor-respondent aux espaces non bâtis ou auxsols non artificialisés. La plupart des tech-niques présentées peuvent servir à proté-ger indifféremment les espaces agricolesou naturels, la principale distinction étantque les premiers demeurent des biens àusage privé.

L’analyse repose sur une comparaisondes outils (tels que décrits dans la littératureet la législation) développés à la fois enFrance et aux États-Unis afin de protéger lesespaces agricoles et naturels. En effet, les

États-Unis disposent de plus de foncier pouraccommoder la croissance urbaine, mais,en raison de densités résidentielles et com-merciales plus faibles, le mitage et la conver-sion de l’espace non bâti y sont plus impor-tants. Pour protéger ces espaces, ils ontdéveloppé des outils qui sont intéressants carassez différents des outils français dans leurapproche : la culture politique américaineaccorde moins d’importance aux approchesréglementaires et favorise le développementd’outils basés sur les mécanismes de marché.

Le reste de cet article est divisé en troissections. Basée sur des statistiques natio-nales, la deuxième section montre le rythmede conversion des espaces agricoles enFrance et aux États-Unis, ainsi que lesenjeux liés à la protection des espaces agri-coles et naturels. Suite à une présentation desdifférences entre les systèmes d’aménage-ment français et américains, les principalesmesures de protection développées par cesdeux pays sont détaillées en fonction d’unetypologie commune. La section finaleconclut sur l’opportunité de compléter lesoutils français.

Les contributions de cette analyse résidentà trois niveaux : proposition d’une typolo-gie des mesures de protection des espacesnon bâtis, présentation des outils améri-cains (et français) en la matière, et recom-mandations en termes de politique publique.De manière générale, l’idée est moins depréserver chaque hectare que de ralentir lerythme de conversion de ces espaces.

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RECHERCHES

Jean-Christophe DISSART

Protection des espaces agricoles et naturels en France et aux États-Unis

Protéger les espaces agricoleset naturels ?

1. La perte d’espaces agricoles

De manière générale, les tensions par rapportà l’utilisation du sol sont liées à plusieursvariables clés. Ces dernières, répertoriéesdans letableau 1, montrent que la France estplus densément peuplée que les États-Unis,avec moins de terres agricoles par habitant.

Les deux pays présentent le mêmeniveau d’urbanisation et des surfaces agri-coles généreuses. Aux États-Unis, la sur-face totale est presque 17 fois plus impor-tante qu’en France, mais la France présenteune proportion plus importante de cettesurface en sols agricoles utilisés (35 vs.20 %). Avec un niveau de revenu plusélevé, associé à une forte consommation (ycompris celle de foncier) et à une crois-sance de la population deux fois plus éle-vée qu’en France, les États-Unis connais-sent une pression importante sur lesressources naturelles.

Ainsi, les espaces agricoles régressent1

à la fois en France et aux États-Unis maisbeaucoup plus dans ces derniers. Sur lapériode 1992-1993 à 2001-2002, enmoyenne, les États-Unis ont perdu chaque

année 0,40 % de leurs espaces agricoles,contre 0,26 % en France (Agreste, 2004 ;NASS, 2004). Les valeurs absolues sontégalement impressionnantes : alors quela France a consommé « seulement »78 451 ha par an sur la même période deréférence, en moyenne, les États-Unis ontconverti 1 546 021 ha chaque année, soitla moitié de la surface de la Belgique oupresque deux fois la surface de l’Alsace.

On peut ajouter que des sols agricolessont également transformés en sols boisés,réduisant de fait la déprise au regard d’en-jeux environnementaux, mais cela neremet pas en cause l’artificialisation duterritoire.

Compte tenu de ce rythme de conver-sion, il n’est pas surprenant que les États-Unis aient développé des outils de protec-tion des espaces agricoles et naturels, de lamême façon que les pays d’Europe del’Ouest (la France en particulier) l’on faiten raison de surfaces moins importantes etde densités de population plus élevées.

2. Pourquoi protéger les espaces agricoleset naturels

Les espaces agricoles et naturels convertissont en majorité voués à des utilisationsbâties et à des réseaux de communication.Liés à un niveau de richesse et à uneconscience environnementale renforcée, desarguments ont été avancés pour protéger cesespaces au titre d’enjeux économiques, esthé-tiques et environnementaux (AFT, 2003).

1. Les statistiques sur les espaces naturels (openspace) ne sont pas disponibles. Ces espaces recou-vrent des utilisations variées du sol, ce qui com-plique les comparaisons internationales au coursdu temps.

Tableau 1. Statistiques comparatives

Variable France États-UnisPopulation (estimation Juillet 2003) 60 180 529 290 342 554Taux de croissance de la population (est. 2003), % 0,42 0,92Surface, km2 545 630 9 158 960Densité de population, #/km2 110 32Urbanisation, % 76 77Surface des sols agricoles utilisés, % 35,41 19,54Surface des sols agricoles utilisés par personne, ha 0,32 0,62PNB par habitant (parité de pouvoir d’achat, est. 2002), € 21 580 30 129

Sources : tous chiffres de CIA (2004), à l’exception d’urbanisation (nationmaster.com)

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Selon l’argument économique, les espacesagricoles devraient être protégés car il s’agitde maintenir la base du système agroali-mentaire, important pour les économiesfrançaise et américaine, à la fois en termesde balance commerciale, de création d’em-ploi et de revenu. Le maintien des espacesagricoles permet d’accompagner l’aug-mentation de la demande globale liée àl’augmentation de la population et des reve-nus et à l’ouverture des marchés. D’ailleurs,les espaces agricoles proches des zonesmétropolitaines sont parmi les plus pro-ductifs (et menacés) car, historiquement,les hommes se sont plutôt établis à proximitédes terres agricoles les plus planes et fertiles.

Les espaces agricoles et naturels devraientégalement être protégés pour des raisonsfiscales : un développement urbain épar-pillé se traduit par des coûts d’équipementélevés qui sont financés par des impôtsaccrus ; de manière générale, les espacesnaturels sont sources d’aménités qui aug-mentent les valeurs des propriétés et lesrevenus issus du tourisme (Brabec, 1994).

La valeur des espaces agricoles et natu-rels, toutefois, va au-delà de critères écono-miques : exploitations agricoles et paysagesattrayants contribuent à la singularité d’unecommunauté, fournissant des repères dansl’espace et augmentant la qualité de vie locale.

Dans une perspective environnementale,les espaces agricoles et naturels fournissentaussi des services écologiques comme lemaintien de la biodiversité, la protectiondes zones humides, le filtrage des eaux rési-duaires, le rechargement des nappes phréa-tiques, la séquestration de carbone et unecontribution à la qualité de l’air. Les solsdevraient être économisés au titre de res-source finie et non renouvelable.

En revanche, des arguments ont égale-ment été avancés contre la protection desespaces agricoles (Gordon & Richardson,1998). D’abord, les niveaux de producti-vité actuels sont tels que la perte d’espaceagricole ne constitue pas une menace pour

l’offre alimentaire nationale. Ensuite, lessubventions agricoles entraînent des distor-sions de l’économie : l’agriculture ne créepas autant d’emplois que les autres secteurséconomiques, si bien que la protection de cesecteur se traduit par un gaspillage de res-sources. Les critiques font également remar-quer les coûts environnementaux de l’agri-culture liés à la pollution diffuse. Enfin, enmatière d’aménagement, il est reproché à laplupart des programmes de protection d’êtrecoûteux et inefficaces parce qu’ils ne fontque rediriger l’urbanisation et, dans cer-tains cas, contribuent à l’étalement des zonesbâties.

En conclusion, bien que l’offre alimen-taire ne paraisse pas en danger et que l’acti-vité agricole puisse avoir des impacts éco-logiques négatifs, i l est prudent des’intéresser à la protection des espaces agri-coles, vu leur rythme de conversion actuel(Daniels, 1999a). De plus, des simulationsmontrent que la perte de foncier pourraitaugmenter avec l’évolution de la démogra-phie rurale (Cavailhès, 1995). Les préoc-cupations liées à la conversion des espacesagricoles et naturels sont de plus en plusfortes et une gamme d’outils a été dévelop-pée pour les protéger.

Présentation des outils américainset français

1. Éléments d’aménagement clés

En France, comme aux États-Unis, la struc-ture de protection des espaces agricoles etnaturels est définie par des éléments d’amé-nagement fondamentaux, notamment parrapport au contenu du droit de propriété età la place de l’État fédéral.

Dans les deux pays, le droit de propriétéprivée est l’un des principes du droit, maisle contenu de ce droit y est cependant trèsdifférent. En France, le droit de propriétésur le sol est basé sur une conception uni-taire alors qu’aux États-Unis la propriété du

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Protection des espaces agricoles et naturels en France et aux États-Unis

sol est un faisceau de droits (bundle ofrights) qui accompagne le foncier2. Cesdroits sont séparables et peuvent concernernon seulement la terre, l’eau, le sous-sol(exploitation), l’air (survol) qui y sont rat-tachés, mais aussi le droit d’utiliser le fon-cier de plusieurs manières : don, vente,location, construction, exclusion du publicou legs (Daniels & Bowers, 1997). En par-ticulier, le droit de construction peut êtreaffecté par une servitude de protection(conservation easement) qui le restreintou l’élimine.

Le droit de propriété privée est protégépar la constitution américaine et le 5e

amendement exige que le gouvernementpaie une « juste indemnisation » à un pro-priétaire en cas de « saisie » (taking). Tou-tefois, ce qui est considéré comme saisieest sujet à débat et ce sont les tribunaux desÉtats ou la Cour Suprême qui décident siune réglementation est « allée trop loin »et a résulté en une prise de possession parle gouvernement. Le 14e amendementcontient également une provision impor-tante : les américains ont le droit de voya-ger librement, ce qui signifie qu’une col-lectivité locale ou un État ne peut imposerde limite de population.

Contrairement aux États-Unis, il existe enFrance un principe général de non-indem-nisation des servitudes d’urbanisme (Châ-teaureynaud, 2003 ; Renard, 1999). Ainsi,les aménageurs français n’ont pas à affron-ter la question des saisies lorsqu’ils sou-mettent une parcelle privée à un usage spé-cifique tel que le patrimoine naturel. End’autres termes, le droit de propriété pri-vée ne peut être violé arbitrairement (justi-fication par l’intérêt général), mais son

infraction ne débouche pas sur une indem-nisation3.

D’autre part, en France, et par oppositionà d’autres pays européens comme l’Italie oul’Espagne, la responsabilité de l’aménage-ment a été principalement allouée au gou-vernement central : les lois adoptées parle pouvoir exécutif encadrent la mise enœuvre des politiques spatiales qui peuventêtre déléguées aux collectivités locales sielles sont dotées d’un plan d’urbanisme(Caillaud & Aubert, 2003). D’autre part, cescompétences sont encadrées par des normessupérieures et sujettes au contrôle de léga-lité exercé par le préfet (Caillaud & Aubert,2003 ; Cullingworth, 1994). Ce systèmecomprend donc des recours légaux pourles acteurs du processus d’aménagement.Enfin, les moyens de l’État s’articulent nonseulement autour d’outils réglementairesmais aussi d’outils financiers, y comprisdes fonds structurels de l’Union européenne(Casteigts, 2002).

Aux États-Unis, la constitution a allouéla responsabilité de l’utilisation du sol auxgouvernements des États, de sorte que legouvernement fédéral est peu impliquédans les questions de planification spatiale(Alterman, 1997). Le gouvernement centralinfluence le foncier et l’activité agricolesprincipalement par des programmes d’aidefinancière et de classification des sols(Beesley, 1999). De plus, avec 50 États etde nombreux gouvernements locaux, lespolitiques de protection du foncier sontcaractérisées par la variété, l’inventivitéet l’expérimentation, et seules les poli-tiques locales ayant réussi bénéficient d’unereconnaissance nationale (Alterman, 1997).Par conséquent, les mesures de protection

2. Moins souple que le système américain, le droitfrançais connaît toutefois le démembrement de pro-priété qui consiste à séparer les différents droitscomposant le droit de propriété (usus, fructus etabusus) entre plusieurs personnes.

3. En France, des servitudes conventionnelles peu-vent être instituées entre un propriétaire privé et cer-tains organismes comme le Conservatoire du litto-ral où l’interdiction de bâtir qui pèse sur le terrainfait l’objet d’une indemnisation, mais ces outils nesont pas fréquents.

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s’y présentent comme un ensemble d’outilstransversaux par rapport aux politiquesfonctionnelles, appliquant des contrôlessur l’usage des sols et une variété de méca-nismes pour réguler leur conversion.

2. Une typologie des techniquesde protection des espaces agricoleset naturels

Il existe plusieurs classifications des tech-niques de protection des espaces agri-coles et naturels (Adelaja & Schilling,1999 ; AFT, 2002 ; AFT, 1997 ; Bees-ley, 1999). La classification proposée icis’inspire de Daniels (1999b) qui la pré-sente comme un ensemble de techniquesde gestion de la croissance dans lesespaces périurbains.

Le tableau 2résume les outils exis-tants aux États-Unis et en France enmatière de protection des espaces agri-coles et naturels. Pour chacun des types,seuls les outils les plus utilisés sontdétaillés ci-après. Cette limitation est jus-tifiée du fait que des revues plus exhaus-tives existent (pour les États-Unis, voir,par exemple : AFT, 1997 ; Daniels,1999b ; Daniels & Bowers, 1997) et queces outils sont les plus fréquemmentrépertoriés.

Les directives de développement visent àguider l’aménagement à l’échelle d’une oude plusieurs localités, aussi bien en termesde construction et d’équipement que de pro-tection de l’environnement. Ensuite, lezonage définit les usages du terrain permisdans des zones spécifiques délimitées, enprincipe, à l’échelle communale. Les acqui-sitions de propriété font référence à la foisà la possibilité d’acquisition physique desterrains et la possibilité d’acquérir, de vendreou d’échanger des droits à bâtir. Enfin, lesincitations comportent des dispositions fis-cales et juridiques qui renforcent l’intérêt demaintenir des terrains non bâtis.

3. Outils américains de protection des espaces agricoles et naturels

Certaines techniques sont mises en œuvreessentiellement au niveau des États, d’autresau niveau local, ces dernières venant souventen renfort des premières (AFT, 2002). Ladescription des outils s’inspire principale-ment d’AFT (1997) et de Daniels & Bowers(1997).

Sous le registre des directives de déve-loppement on trouve principalement le mas-ter (ou comprehensive) plan (schéma direc-teur) et l’urban growth boundary(limitede croissance urbaine).

Tableau 2. Principales techniques de protection des espaces agricoles et naturelsType d’outil États-Unis FranceDirective de développement Master plan Schéma de cohérence territoriale

Urban growth boundary Plan local d’urbanisme

Zonage Agricultural protection zoning Règle de constructibilité limitéeCluster zoning Zones (A) et (N) des PLU

Zone agricole protégée

Acquisition de propriété Purchase of development right Transfert de COSTransfer of development right Espace naturel sensiblePrivate land trust Etablissement public foncier local

Zone d’aménagement différéConservatoire du littoralSAFER

Incitation Circuit breaker tax relief credit Taxe sur le foncier non bâti Current use valuation CTE/CADAgricultural districtRight-to-farm law

Note : afin que la traduction ne trahisse pas le sens original, les outils américains sont listés en langue anglaise

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Protection des espaces agricoles et naturels en France et aux États-Unis

Le but du master planest de définir unevision et de guider le développement sur labase de projections de population et desbesoins fonciers correspondants. Les avan-tages de ce plan, établi au niveau de la com-mune ou du comté, sont nombreux : donneune base légale au zonage et autres règlesd’usage du sol, définit des objectifs de crois-sance et de protection, identifie des zonesciblées pour une gamme d’utilisations dusol, promeut le développement ordonné deséquipements. Ses inconvénients principauxsont qu’il n’est pas légalement contraignantpar lui-même, n’a pas à promouvoir de visionrégionale, et peut être ignoré dans les déci-sions quotidiennes. Le master planpeut pro-mouvoir la protection des espaces agricoleset naturels en encourageant la définition delimites de croissance urbaine ou l’adoptiond’une zone agricole protégée ou encore enincorporant l’utilisation de programmesd’achat ou de transfert de droit à bâtir.

Mise en place par un État, une limite decroissance urbaine a pour objectif de gérerl’extension urbaine en contrôlant son timinget en déterminant les usages du sol permisaux niveaux local et régional. Ligne théo-rique tracée autour d’une agglomération,cette limite définit une zone permettant d’ac-commoder la croissance anticipée à 10-20ans et limite l’extension des équipements.Cette mesure demande également aux col-lectivités d’identifier les sols à forte valeurde ressource et de les protéger de l’artifi-cialisation. En conséquence, elle promeut undéveloppement plus compact, moins coû-teux en termes de service, décourage l’éta-lement urbain et peut protéger les espacesagricoles et naturels si elle est combinée àd’autres techniques. Cependant, elle néces-site un zonage restrictif au-delà de la limiteet une politique de phasage de la croissanceà l’intérieur. Si elle sous-estime les besoins,elle peut aussi entraîner une augmentation ducoût du foncier liée à la restriction de l’offre.Enfin, un accord entre communes et comtéssur son tracé peut être difficile à obtenir.

Le zonage comprend principalement deuxtechniques : la délimitation d’une zone agri-cole protégée (agricultural protectionzoning) et le zonage en grappe (clusterzoning).

Principalement mise en œuvre au niveaulocal, une zone agricole protégée identifieune ou plusieurs zones où l’agriculture estl’usage privilégié du sol et décourage (sinoninterdit) d’autres usages. Le but est de limi-ter les conflits d’usage en séparant les acti-vités agricoles des autres et de protéger unemasse critique d’exploitations et de terresagricoles. L’identification de la zone estgénéralement basée sur des critères de loca-lisation et de qualité du sol. Ce type dezonage peut aussi spécifier le nombre d’ha-bitations par km2, la taille minimale des ter-rains4 ou autoriser des activités commer-ciales (vente directe). Au-delà de son impactsur l’activité agricole, ce zonage permetaussi de maintenir l’espace non bâti et delimiter la spéculation immobilière, le tout àun coût réduit pour le contribuable. Cettetechnique, toutefois, requiert des terrainsimportants (ou nombreux) et contigus etdes éléments sur la taille minimale des lots.De plus, la zone ciblée peut être parsemée depropriétés ; les propriétaires fonciers ne sontpas indemnisés pour la restriction d’usage ;les collectivités peuvent changer le zonage ;et les terrains sont vulnérables à l’annexion.

Également mis en œuvre au niveau local,le zonage en grappes permet ou exige queles bâtiments soient groupés sur des ter-rains dont la taille minimale est importante.Ce zonage est parfois utilisé, aussi, pouraccorder aux promoteurs un bonus de den-sité sur un site tandis que la portion du ter-rain qui n’est pas bâtie est sujette à une ser-vitude de protection. Le zonage en grappespermet un développement moins coûteuxque le mode périurbain classique et plus

4. Les densités maximales vont de 0,4 (dans l’Ouest)à 12,3 (dans l’Est) habitations par km2. La tailleminimale des terrains est de 16,2 ha et plus.

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sensible à la protection de l’environnement.Les détracteurs de cette technique souli-gnent qu’elle protège davantage le foncierque l’activité agricole parce que les pro-priétaires du terrain protégé peuvent ne pasvouloir louer leur propriété en raison desnuisances potentiellement associées à l’agri-culture. Le zonage en grappes peut égale-ment se traduire par un étalement groupé(clustered sprawl).

Il existe trois principaux outils d’acqui-sition de propriété pour la protection desespaces agricoles et naturels : le programmed’achat de droit à bâtir (purchase of deve-lopment right), le programme de transfert dedroit à bâtir (transfer of development right)et la fiducie foncière privée (private landtrust), qui tous reposent sur un droit à bâtirnégociable. D’autres techniques existent,comme l’achat de propriété traditionnel (quiporte sur l’ensemble du faisceau de droits)ou l’expropriation (eminent domain).

Essentiellement mis en œuvre par lesÉtats, le programme d’achat de droit à bâtirconsiste à payer les propriétaires foncierspour qu’ils ne construisent pas sur leur ter-rain, ce qui offre une protection plus forte etplus durable que le zonage. Un propriétairevend le droit à bâtir à une agence gouver-nementale ou une organisation de conser-vation privée, qui en général lui paie la dif-férence entre la valeur du foncier non bâti :la valeur de la servitude et celle construc-tible. Cette dernière correspond à l’usage « lemeilleur et le plus élevé » (highest and bestuse), en général résidentiel ou commercial.Ainsi, l’acheteur acquiert la responsabilitéd’imposer la servitude de protection tandisque le vendeur est indemnisé pour la pertedu droit à bâtir. Les États peuvent jouerplusieurs rôles dans l’exécution de ce typede programme, dont le partenariat avec lescollectivités locales pour acheter des servi-tudes.

Le programme d’achat de droit à bâtirest intéressant pour les propriétaires et lasociété. Pour les propriétaires, la technique

capte la plus-value du terrain et l’indemnitépeut servir à rembourser des emprunts ouréaliser des investissements. La valeur plusfaible du terrain devenu non constructiblefacilite la reprise des exploitations ou lesnouvelles installations. De plus, les pro-priétaires peuvent recevoir des crédits d’im-pôt et restreindre l’accès à la propriété quidemeure privée. Par rapport à la société,cet outil permet une protection permanente,aide à maintenir une masse critique de fon-cier non bâti et évite la question du taking.Les collectivités peuvent aussi cibler lesterrains. Cependant, ce programme peuts’avérer coûteux pour une commune, avecopposition possible des contribuables. Ilpeut ainsi être difficile de protéger une sur-face significative et le programme peut résul-ter en un archipel de terrains protégés. Unediversité de moyens existe pour lever lesfonds nécessaires, y compris dons privés,contributions croisées des collectivités ettaxation locale.

Généralement établi au niveau local, unprogramme de transfert de droit à bâtir estutilisé pour déplacer le développement d’unezone agricole ou naturelle vers une zone decroissance plus proche des équipements.Le droit de construction est transféré d’unezone émettrice vers une zone réceptrice, desorte qu’une servitude de protection per-manente restreint l’usage de la zone émet-trice tandis que la zone réceptrice peut êtrebâtie à une densité plus élevée que cellenormalement permise par le zonage. Legouvernement peut assumer plusieurs rôles: soit les collectivités approuvent les tran-sactions entre propriétaires privés et pro-moteurs et contrôlent les servitudes ; soit lescollectivités créent des banques de trans-fert qui achètent les droits à bâtir des pro-priétaires et les revendent à des promoteurssouhaitant construire à des densités plusélevées (Daniels & Bowers, 1997).

Ainsi, mettre en place un programme detransfert requiert : 1) l’identification d’unezone à protéger, 2) l’identification d’une

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zone de croissance, 3) un ensemble de droitsà bâtir, et 4) une procédure par laquelle lesdroits de construction sont transférés d’unepropriété à l’autre (Daniels & Bowers,1997). Un programme de transfert offretous les avantages d’un programme d’achat.De plus, il est davantage guidé par le mar-ché et peut ne pas requérir de fonds publics.Ce programme est flexible, pouvant servir àprotéger des terres agricoles aussi bien quedes zones écologiquement sensibles ou desmonuments historiques. La densité plus éle-vée dans les zones réceptrices permet d’uti-liser les équipements publics à pleine capa-cité et d’assumer plus facilement une partéquitable d’habitat social (Daniels, 1999b).

Bien que théoriquement efficace, la tech-nique de transfert n’a pas été beaucoup uti-lisée en raison de sa complexité qui résideà plusieurs niveaux : éduquer et susciterl’intérêt des promoteurs et des propriétaires,identifier et s’entendre sur les zones émet-trices et réceptrices, déterminer la valeurdes droits à bâtir, mettre en place une banquede crédits de transfert et disposer d’unrobuste marché de l’immobilier. Les pro-priétaires voisins de la zone réceptrice peu-vent aussi s’opposer à une densité plus éle-vée (phénomène NIMBY). Enfin, les créditsde transfert sont généralement basés sur lasurface possédée et pas nécessairement surla localisation, la qualité des sols ou l’accèsaux équipements (Daniels, 1999b).

Une fiducie foncière est une organisa-tion de conservation privée, à but non lucra-tif, créée pour protéger les ressources natu-relles (ainsi que les monuments historiques)pour le public. Une fiducie foncière achèteou accepte des dons de servitudes de pro-tection, d’argent ou de propriété. Elle aaussi pour mission d’éduquer le public etpeut conseiller les collectivités et particuliersen matière de planification immobilière. Ledonateur de servitude peut recevoir un cré-dit d’impôt ; le bénéficiaire de la servitudedoit la faire respecter. La plupart des servi-tudes sont permanentes, mais l’accord peut

concerner un nombre d’années limité. Lesavantages de cet outil sont multiples : pro-tection permanente du foncier, possibilité deforger des partenariats publics-privés à faiblecoût pour la collectivité, déductions fiscalespour les donateurs alors que le terraindemeure en propriété privée, enfin le terrainreste dans l’assiette fiscale. Les inconvé-nients incluent le manque de fonds, la pos-sibilité de créer des îlots de protection dis-persés, peu de contrôle des collectivités surla désignation des zones à protéger et desincitations fiscales insuffisantes pour nombrede propriétaires. Toutefois, Daniels (1999b)estime que les fiducies foncières sont desoutils prometteurs en zone périurbaine.

Enfin, les techniques d’incitation pour laprotection des espaces agricoles et naturelscomprennent principalement la taxation pré-férentielle sur la propriété (property prefe-rential taxation), le district agricole (agri-cultural district) et la loi sur ledroit-à-exploiter (right-to-farm law).

La taxation préférentielle sert à encoura-ger les propriétaires à maintenir le foncier enusage agricole ou naturel. Cet outil reposesur l’hypothèse que des impôts plus élevésréduisent les profits et que le manque derentabilité est un facteur majeur de laconversion des terrains. Deux types de pro-gramme existent : 1) circuit breaker taxrelief credit, qui offre un crédit d’impôtlorsque la taxe sur la propriété est supé-rieure à un pourcentage donné du revenu del’exploitant ; 2) évaluation à l’usage courant(current use valuation), qui exige des col-lectivités qu’elles estiment le terrain agricoleà sa valeur d’usage (non bâti) et non savaleur (constructible) sur le marché. Latechnique peut effectivement encouragerles propriétaires à garder leur terrain enusage non bâti, mais est critiquée pour sesrègles d’éligibilité souvent laxistes. De plus,elle peut être utilisée par les spéculateursfonciers ou les exploitants à temps partiel etpeut se traduire par un manque à gagnersignificatif pour les collectivités.

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Autorisé par un État et appliqué locale-ment, un district agricole est une zone crééepour une durée fixe et renouvelable, où l’ac-tivité agricole est encouragée par les avan-tages procurés aux propriétaires. Ces avan-tages varient d’un État à l’autre et peuventinclure des limites sur la construction deséquipements, une plus grande protectionpar rapport à l’annexion et l’expropriation,une éligibilité pour un programme d’achatde droit à bâtir et, souvent, une taxationpréférentielle sur la propriété. Adaptableaux conditions locales, cet outil est flexibleet plus efficace s’il est combiné au zonageagricole. L’inscription dans un district agri-cole, toutefois, est strictement volontaire, lesavantages peuvent ne pas être assezattrayants pour les exploitants (surtout enzone périurbaine) et les sanctions liées auretrait du programme peuvent ne pas êtresuffisamment fortes pour empêcher laconstruction. Les districts agricoles peu-vent encourager l’aménagement local, parexemple en limitant les autorisations de dis-tricts aux collectivités dotées de schémasspécifiques de protection des espaces agri-coles et naturels.

Enfin, principalement décrétées auniveau des États, les lois sur le droit-à-exploiter sont conçues pour protéger lesexploitants agricoles contre les procès pournuisance. Aujourd’hui, chaque État dis-pose d’une telle loi, affirmation politique dela valeur de l’agriculture. Certaines dis-positions incluent une mention portée surle titre des propriétés situées en zone agri-cole qui prévient les acheteurs de la possi-bilité de bruit, poussière, odeurs et autresinconvénients liés à l’activité agricole. Ceslois renforcent la position légale des agri-culteurs vis-à-vis de nouveaux voisins non-agriculteurs et peuvent éduquer les rési-dents par rapport aux besoins del’agriculture. Elles peuvent ne pas décou-rager l’engagement de poursuites pour nui-sance. Cette disposition peut être rappro-chée du régime de responsabilité civile

français des « troubles anormaux de voisi-nage » qui aboutit sensiblement à la mêmesolution (indemnisation des dommages devoisinage, entre un agriculteur et ses voi-sins, résultant de troubles considéréscomme excessifs, le juge français pouvantprendre en compte la vocation agricole dela zone). Le système américain, toutefois,est spécifique aux activités agricoles, cequi n’est pas le cas du régime français. Demanière générale, les lois sur le droit-à-exploiter n’ont pas été testées devant les tri-bunaux et il est donc difficile de savoir sielles peuvent aider à maintenir les espacesagricoles.

En conclusion, des outils présentés ci-des-sus, le zonage de protection agricole, la taxa-tion à valeur d’usage, l’achat de droit à bâtiret la loi sur le droit-à-exploiter sont les plusutilisés (AFT, 2002). Certaines communau-tés ont élaboré des programmes complets deprotection des espaces agricoles et naturels encombinant zonage agricole, achat de droits àbâtir et district agricole : le zonage stabiliserapidement la base foncière et l’inscriptiondans un district aide à prévenir la conversionde surfaces importantes tandis que les exploi-tants attendent (parfois un certain temps) devendre une servitude de protection perma-nente sur leur terrain. Environ 40 % de la sur-face protégée par des programmes d’achat dedroit à bâtir est soumise à une forme dezonage agricole (AFT, 2002).

Il convient de ne pas minimiser la volontédes américains de protéger leurs espacesagricoles et naturels. Ainsi, un recensementmené par le Land Trust Alliance(LTA, 2006)montre que sur la période 1998-2003, lenombre de land trustsa crû de 1 213 à 1537 (+ 27 %) et la surface protégée par desconservation easementsa progressé de560 490 ha à 2 050 918 ha (+ 266 %). D’autrepart, une analyse du Trust for Public Land(TPL, 2006) montre que sur la période 1994-2005, 77 % des mesures destinées à utiliserdes fonds publics pour la conservation dufoncier, soumises à référendum, ont été

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approuvées, générant une somme totale de25,4 milliards d’euros. Situés en zonesurbaines autant que rurales, les électeurs ontapprouvé de telles mesures dans 45 États.

4. Outils français de protection des espaces agricoles et naturels

En termes d’intervention directe, l’État etles collectivités locales disposent de deuxmoyens principaux pour mener la politiquefoncière : le droit de préemption et laréserve foncière, qui permettent de luttercontre la spéculation et d’accommoder lacroissance urbaine (Gry, 2002). Le droitde préemption est un outil souple qui peutêtre utilisé dans des situations spécifiquestelles que la protection des espaces naturelssensibles ou plus généralement pour gérerdes zones d’extension urbaine à vocationdiverse. Les pouvoirs publics peuvent aussicréer des réserves foncières selon troismoyens d’acquisition principaux : l’acqui-sition à l’amiable, le droit de préemption etl ’expropriation pour cause d’uti l i tépublique. L’acquisition à l’amiable est laprocédure préférée car la plus légère destrois ; la procédure d’expropriation est uti-lisée comme recours final lorsque les négo-ciations ont échoué (Gry, 2002). Le zonageconstitue également un moyen important del’action foncière.

En France, les espaces agricoles et natu-rels bénéficient d’une protection particu-lière et de règles spécifiques d’utilisation dusol. La forêt fait l’objet de règles spéci-fiques (défrichement, par exemple) quisemblent difficiles à comparer au contexteaméricain. La forêt publique, d’ailleurs,constitue une protection efficace contre saconversion vers l’urbain. Aux États-Unis,les forêts sous responsabilité du gouver-nement fédéral font plutôt l’objet de débatsquant à la construction de route et à leurexploitation sylvicole ; plusieurs outils,comme l’achat et le transfert de droit àbâtir, sont utilisés pour protéger les espacesboisés. La présentation des outils français

suit la typologie du tableau 2et se baseprincipalement sur Châteaureynaud(2003)5.

Tout d’abord, les directives de dévelop-pement incluent les deux schémas clésissus de la loi Solidarité et Renouvelle-ment Urbains (SRU) en 2000 : le Schémade Cohérence Territoriale (SCOT) et lePlan Local d’Urbanisme (PLU).

Le SCOT, innovation principale de la loiSRU (Gry, 2002), remplace le schémadirecteur avec une fonction intégrative àl’échelle supracommunale (Casteigts,2002). Parmi les documents d’un dossier deSCOT figure le projet d’aménagement et dedéveloppement durable. Ce document défi-nit les grands projets d’équipements et deservices, des objectifs quant à l’équilibreentre habitat, transport et commerces, etfixe des orientations générales de l’orga-nisation de l’espace, en particulier lesgrands équilibres entre espaces urbains età urbaniser et espaces naturels et fores-tiers. Le but d’un SCOT est d’assurer unecohérence de l’aménagement à des échellesvariées et entre les politiques sectoriellesdans une perspective de développementrégional (Casteigts, 2002). Un SCOT estétabli et approuvé par un EtablissementPublic de Coopération Intercommunale(EPCI) ou un syndicat mixte, en associationavec les services de l’État, après concerta-tion avec le public.

Également créé par la loi SRU de l’an2000, le PLU a remplacé le plan d’occu-pation des sols. Défini par la commune,en association avec les services de l’État,il est approuvé par le conseil municipalaprès enquête publique et modificationséventuelles. Tout comme un SCOT, unPLU comprend un projet d’aménagementet de développement durable qui formalisela vision stratégique du PLU : un plan pourl’ensemble de la commune avec des projets

5. Il faut aussi noter la publication du rapportBoisson (2005) sur la maîtrise foncière.

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détaillés par quartier et des engagementsconcrets en termes d’opérations d’aména-gement. L’accent est mis sur le renouvel-lement urbain, la protection de l’environ-nement et la qualité architecturale. Le PLUdéfinit quatre zones : urbaine (U), urbani-sation future (AU), agricole (A) et naturelle(N). Il traite de tous les aspects du déve-loppement, y compris la destination desconstructions, l’apparence extérieure desbâtiments, le tracé des voies et les secteursà protéger.

SCOT et PLU ont pour objectif, entreautres, de protéger les espaces agricoleset naturels. En particulier, si une réduc-tion importante des surfaces agricoles etforestières est prévue, les projets de SCOTet de PLU sont soumis à plusieurs organi-sations dont la commission départemen-tale d’orientation de l’agriculture, lachambre d’agriculture, l’institut nationaldes appellations d’origine et, le cas échéant,le centre régional de la propriété fores-tière. S’il n’y a pas de réponse de ces orga-nisations sous deux mois après notifica-tion, leur avis est considéré favorable(Caillaud & Aubert, 2003). La réductiondes terres agricoles par un PLU, toutefois,ne constitue pas en soi une violation desrègles d’aménagement.

Les dispositions de zonage incluent larègle de constructibilité limitée, les zones(A) et (N) du PLU et la zone agricole pro-tégée.

Afin de lutter contre l’habitat dispersé, larègle de constructibilité limitée vise à inter-dire toute construction en dehors des partiesactuellement urbanisées de la commune, àmoins qu’un PLU (ou document d’urba-nisme opposable) approuvé existe, condi-tion de dévolution des pouvoirs d’aména-gement au niveau local. Ainsi, il existe unparadoxe en ce sens que seules les com-munes choisissant de ne pas avoir de pla-nification spatiale sont affectées par cetterègle fondamentale. Ce principe a été assou-pli grâce à des possibilités de dérogation

(Caillaud & Aubert, 2003 ; Châteaurey-naud, 2003) comme la possibilité d’uneextension limitée qui nécessite l’accord dupréfet et une étude d’impact sur l’exten-sion urbaine et l’activité agricole. Le règle-ment national d’urbanisme stipule égale-ment que l’habitat ne doit pas être nuisibleaux activités agricoles et forestières.

Les zones agricoles (A) sont précisé-ment protégées dans le PLU pour leurpotentiel agronomique, biologique ou éco-nomique. Les zones A sont exclusivementréservées à l’activité agricole ou biolo-gique et comprennent les bâtiments et lesinstallations qui sont nécessaires aux ser-vices publics et à l’activité agricole. Laconstruction de bâtiments n’y est donctolérée que si considérée comme indis-pensable à l’activité agricole. La loi SRUindique aussi des distances de séparationentre les bâtiments agricoles et les pro-priétés non agricoles.

Le PLU comprend également les zones(N) qui sont des zones naturelles ou fores-tières protégées pour la qualité du site ou dupaysage et pour leur intérêt esthétique, his-torique ou écologique. Le développementpeut y être autorisé si aucun dommagen’est porté à l’intérêt protégé, ou, à ce titre,déplacé via un transfert de COS (cf. infra).Enfin, l’élaboration du plan doit prendre encompte le document de gestion de l’es-pace agricole et forestier, notamment pourplanifier l’urbanisation qui peut réduire demanière significative la surface de telleszones.

La zone agricole protégée a été crééepour lutter contre la fragmentation desterres agricoles à proximité des métro-poles. Il s’agit d’une zone dont la protec-tion présente un intérêt public en raisonde sa localisation ou de la qualité de saproduction. Cette zone soumet tout chan-gement dans l’usage du sol, qui altère dura-blement le potentiel agricole, biologique ouéconomique de la zone, à l’approbation dela chambre d’agriculture et de la commis-

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Protection des espaces agricoles et naturels en France et aux États-Unis

sion départementale d’orientation de l’agri-culture, à moins que le projet soit situé surle territoire d’un PLU opposable. Les per-mis de construire sont également soumis àdes conditions spécifiques. Enfin, cettezone, qui peut comprendre de petites airesboisées, peut être gérée par une associationagricole pluricommunale pour promouvoirle regroupement des parcelles ou la conti-nuité de l’activité agricole dans la zone.

Les outils d’acquisition de propriété fontréférence, à l’exception des transferts deCoefficient d’Occupation du Sol (COS), àl’usage du droit de préemption. Ils concer-nent ainsi les espaces naturels sensibles, lesétablissements publics fonciers locaux, leszones d’aménagement différé, le Conser-vatoire du littoral et les Sociétés d’Aména-gement Foncier et d’Etablissement Rural(SAFER).

Les transferts de COS sont l’équivalentfrançais des transferts de droit à bâtir améri-cains. Le COS est le ratio entre la surface deplancher et la surface du terrain. La loi SRUapplique les COS aux zones urbaines et d’ur-banisation future seulement, et permet (demanière limitée) des transferts de COS dansles zones naturelles. Dans ce cas, deux valeursde COS sont établies : l’une pour l’ensemblede la zone, identifiée par le PLU avec unevaleur maximale de densité, l’autre pour unesous-zone spécifique. La zone émettrice perdses droits de construction en raison d’uneservitude administrative d’inconstructibilité,avec une valeur de COS moins élevée. Encontrepartie, la zone réceptrice est bâtie àdensité (COS) plus élevée en raison duregroupement des constructions, les droits àbâtir initiaux y étant augmentés de ceux liésau transfert. Le transfert de COS fait l’objetd’une procédure rigoureuse, dont la recon-naissance formelle de la servitude par unnotaire (Caillaud & Aubert, 2003). De plus,la valeur de COS augmentée (qui résulte dutransfert) sur un terrain donné doit être com-patible avec le schéma de cohérence territo-riale (Châteaureynaud, 2003).

L’espace naturel sensible a été créé pourfinancer une politique de protection, de ges-tion et de développement limité des zonesnaturelles à des fins d’accès public. L’ob-jectif est de protéger des zones naturellessans limitation aux zones côtières et mon-tagneuses. L’identification d’un tel espaceimplique un droit de préemption au bénéficedu département et pouvoir au préfet deprendre action pour la protection du site etdu paysage en y limitant le développement(Châteaureynaud, 2003). La définition del’espace naturel sensible peut être facilitéepar une Zone Naturelle d’Intérêt Ecolo-gique, Faunistique et Floristique (ZNIEFF)qui identifie des zones de patrimoine natu-rel. Une ZNIEFF n’a pas de statut légalmais peut servir de référence pour les auto-rités administratives.

Un établissement public foncier localpeut être créé par le préfet pour contrôlerl’usage du sol et éviter la spéculation fon-cière. En application de la loi SRU, cet outilpermet aux établissements publics de coopé-ration intercommunale de créer des réservesfoncières en acquérant des terrains pour lesmunicipalités membres (ou l’État), qui lesrachètent en fonction de leurs besoinsd’aménagement. Un tel établissement peututiliser le droit de préemption et acquérir desterrains par expropriation.

Une zone d’aménagement différé peutêtre créée pour définir le périmètre des opé-rations d’aménagement futures et luttercontre la spéculation foncière en recourantau droit de préemption. Une telle zone peutainsi servir à créer des réserves foncières. Lepréfet peut créer une telle zone pour unedurée maximale de 14 ans après suggestionpar les communes intéressées. D’après la loiSRU, une zone d’aménagement différé doitêtre compatible avec un schéma de cohé-rence territoriale.

Le Conservatoire du littoral est un outild’acquisition de propriété dont le fonction-nement est intéressant pour cette analyse.Etablissement public, le Conservatoire a

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pour mission de protéger les rivages mari-times et lacustres et d’assurer le respect dessites naturels et l’équilibre écologique. Lefoncier acquis par le Conservatoire fait par-tie du domaine public et sa gestion peut êtredéléguée à une collectivité locale, un EPCIou une association accréditée. L’activitéprincipale du Conservatoire consiste à acqué-rir des biens pour un terme indéfini, soit àl’amiable, par expropriation pour cause d’uti-lité publique ou par préemption dans le cadred’une zone d’aménagement différé ou desespaces naturels sensibles, ou par donationou legs. En général, le Conservatoire cibleses acquisitions en fonction des orientationsdéfinies par le SCOT et le PLU. Aucun déve-loppement n’y est permis.

Les SAFER jouent un rôle important enmatière de gestion des terres agricoles. Ellesont été créées en 1960 pour acheter desterres agricoles et les subdiviser afin d’aiderl’agriculture familiale et faciliter l’installa-tion des jeunes agriculteurs. Aujourd’hui,leur activité principale consiste à bâtir desréserves foncières et faciliter les échanges deterre afin de protéger les espaces ouverts(essentiellement agricoles). Disposant dudroit de préemption, elles peuvent acquériren priorité, dans certaines conditions, lespropriétés agricoles mises en vente. L’ac-quisition amiable est cependant préférée,et le foncier est revendu sous 5 ans soit à desagriculteurs en activité qui augmentent leursurface d’exploitation, soit pour de nou-velles installations. Les SAFER peuventremembrer les terres agricoles pour regrou-per les petites propriétés en exploitationséconomiquement viables.

Enfin, les programmes d’incitationconsistent en une taxation préférentielledu foncier non bâti et des politiquescontractuelles. Par défaut, en France (etcontrairement aux États-Unis), le foncieragricole est taxé à sa valeur d’usage cou-rant, réduisant ainsi l’incitation à la conver-sion du foncier agricole et naturel non bâti.D’autre part, une politique contractuelle a

été initiée entre le gouvernement et lesexploitants agricoles sous la forme deContrats Territoriaux d’Exploitation (CTE)mis en place en 1999. Les agriculteurs s’yengagent, en échange d’une aide finan-cière et en fonction d’un cahier des charges,à respecter les paysages et l’environne-ment. Fin 2003, ils ont été remplacés par lesContrats d’Agriculture Durable (CAD),plus directifs en matière d’objectifs envi-ronnementaux et territorialisés pour mieuxharmoniser les pratiques. En contrepartied’une subvention de 27 000 en moyennepour cinq ans, l’exploitant promet, parexemple, de lutter contre la pollution del’eau ou de planter des haies. Entre lesCTE et les CAD, depuis 1999, plus de 35000 contrats ont été signés.

En conclusion, la décentralisation s’esttraduite par un pouvoir accru des mairespar rapport à l’usage du sol, mais aussi parune fragmentation accrue des décisionsd’usage du sol et un certain laxisme ducontrôle de légalité de l’urbanisation (Rey-Lefebvre, 2004). Malgré cela, l’État conti-nue de garder un contrôle sur la pratique del’aménagement à travers la prescription duformat des documents d’urbanisme (Cul-lingworth, 1994). Cependant, avec laréforme de l’intercommunalité, la plupartdes communes françaises sont désormaismembres d’un EPCI à fiscalité propre dontles compétences obligatoires incluent l’amé-nagement de l’espace. Ainsi, le contrôletechnique de l’État via ses services décon-centrés a régressé. En pratique, vu que lamajorité des communes sous pression d’ur-banisation sont dotées d’un document d’ur-banisme, la décentralisation a entraîné un netrecul de l’influence de l’État sur l’usage dufoncier.

Les politiques spécifiques françaises, enparticulier par leur approche réglementaire,semblent offrir un ensemble de mesures deprotection plus efficace qu’aux États-Unis.Peut-on tirer des enseignements de la com-paraison de ces outils ?

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Protection des espaces agricoles et naturels en France et aux États-Unis

Des recommandations pour la protection des espaces agricoles

et naturels français ?

1. Une synthèse des outils américains etfrançais

On a souligné plusieurs différences clésentre les systèmes d’aménagement françaiset américains, différences qui ont un impactsur les outils privilégiés en matière de pro-tection des espaces agricoles et naturels :rôle limité du gouvernement fédéral auxÉtats-Unis, au profit des collectivités localeset des États, alors qu’en France le gouver-nement central continue de jouer un rôle(certes limité depuis la décentralisation) ;question de l’indemnisation des servitudesoù les aménageurs américains font face auxtribunaux en cas de taking, ce qui trancheavec le principe de non-indemnisation desservitudes en France.

Alterman (1997) estime que les États-Unis connaissent, en général, un succèslimité en matière de protection des terresagricoles, bien que les États dotés de plu-sieurs outils semblent plus efficaces. Demanière plus surprenante peut-être, cetauteur évalue également comme faible lesuccès de la France en la matière, du moinspar rapport à d’autres pays européens. LaFrance protège mieux ses espaces agricolesque les États-Unis, mais ce résultat sembleen grande partie dû à des normes de densi-tés plus élevées.

Autre similitude : en dépit de systèmesd’aménagement différents, les deux paysprésentent des outils dans les quatre caté-gories définies (directive de développement,zonage, acquisition de propriété, incitation).En ce sens, les deux pays sont au mêmestade de création d’une gamme diversifiéed’outils pour protéger leurs espaces agri-coles et naturels.

En moyenne, cependant, le système fran-çais est probablement plus efficace que lesystème américain parce que plus cohérentsur l’ensemble du territoire. Avec une faible

implication du gouvernement fédéral, lesÉtats-Unis ne peuvent garantir qu’unensemble donné d’outils sera appliqué uni-formément à travers le pays. En revanche, lefait que le gouvernement central joue un rôle(quoique limité en pratique) dans la planifi-cation spatiale garantit, par exemple, que larègle de développement limité existe par-tout en France. L’application de ce principepeut varier sur le terrain, mais son existenceest néanmoins certaine. Un autre exempleest la taxation du foncier non bâti à sa valeurd’usage courant, qui est la règle par défaut enFrance, alors que les États américains doiventvoter une loi spécifique en ce sens.

Les outils américains mettent davantagel’accent sur les approches par le marchéalors que les outils français favorisent desapproches réglementaires. Cela se constate,par exemple, dans la variété des schémas quidoivent être cohérents entre eux dans lesystème français : SCOT, PLU, sans men-tionner les plans à l’initiative de l’État (e.g.,directive territoriale d’aménagement), pourdes milieux spécifiques (e.g., littoral) oules plans sectoriels (e.g., schéma de servicecollectif). Les plans sont également soumisau contrôle de légalité, avec le rôle impor-tant du préfet comme garant de la cohé-rence et de la prise en compte des prioritésde l’État au niveau local. Enfin, l’État etles collectivités locales disposent d’unemarge de manœuvre plus importante pour laprotection de l’environnement vu qu’ilsn’ont pas à indemniser les propriétaires pourla perte du droit à bâtir.

Au contraire, les États-Unis tendent àfavoriser une implication du gouvernementaussi limitée que possible, surtout en matièred’acquisition de foncier, tel qu’illustré parl’émergence des fiducies foncières privéesou des programmes de transfert de droit àbâtir. De plus, en raison de la question destakings, les outils les plus communément uti-lisés sont des programmes d’incitation (taxa-tion préférentielle de la propriété) qui cher-chent à influencer l’économie de la

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conversion des espaces agricoles et naturels,plutôt que des contrôles directs d’utilisa-tion du foncier (Beesley, 1999).

En résumé, les États-Unis et la Franceont créé un ensemble d’outils de protectiondes espaces agricoles et naturels, certessimilaires dans la diversité des approches,mais différents dans leurs poids respectifs entermes d’adoption nationale vs. locale, oud’approche réglementaire vs. marché.

2. De nouveaux outils ?

Toutes les techniques présentées contri-buent à protéger les espaces agricoles etnaturels. La plupart des observateurs del’usage du foncier estiment que les incita-tions fiscales sont l’outil de préservation lemoins efficace, alors que des stratégiesintégrées et complètes, qui combinentapproches incitatives et réglementaires,sont les plus prometteuses pour une pro-tection à long terme (AFT, 2002 ; Alter-man, 1997 ; Beesley, 1999). Merlin (1995)estime, par ailleurs, que l’acquisition est laseule garantie absolue pour protéger lefoncier de l’urbanisation.

La protection la plus efficace impliquedonc une combinaison d’outils adaptée à lasituation politique locale, aux propriétaires,à l’économie des espaces visés et à la pres-sion d’urbanisation (Daniels & Bowers,1997). Cette combinaison devrait viser unéquilibre entre, d’une part, développementdes ressources pour accommoder l’urba-nisation et, d’autre part, protection de cesespaces.

Dans une perspective économique,Brueckner (2000) montre que l’étalementurbain est le résultat de trois forces prin-cipales : augmentation de la population,revenus croissants et diminution des coûtsde navette domicile-travail (commutingcosts). L’étalement urbain est alors le résul-tat de trois défaillances du marché corres-pondantes : défaillance de prise en comptedes avantages des espaces naturels, navetteexcessive due à la défaillance de prise en

compte des coûts sociaux de la conges-tion, et défaillance de prise en compte parle nouveau développement des coûts d’in-frastructure qu’il engendre. Brueckner(2000) suggère des solutions pour contrerces défaillances, solutions qui consistent àimposer des taxes sur le développementet un péage assumé par les navetteurs(commuters).

En outre, Alterman (1997) a listé cinqconditions pour une protection efficacedes espaces agricoles (et naturels). D’abord,avec un déclin de la contribution de l’agri-culture à l’économie locale, il existe unfossé grandissant entre protection de lacampagne et protection de l’activité agri-cole, d’où la nécessité d’une redéfinition dela protection des espaces agricoles commeprotection de la campagne. Ensuite, despolitiques nationales guidées par l’aména-gement du territoire et effectivement appli-quées par les collectivités locales via unepolitique d’usage du sol forte, de façon àlimiter l’urbanisation anarchique. Troisiè-mement, un accent mis sur la maîtrise del’urbanisation par le renouvellement urbain,par des densités beaucoup plus élevéesqu’aux États-Unis et par l’éducation à l’im-portance d’une bonne gestion du foncierpour les générations futures. Ensuite, despolitiques de protection qui bénéficientd’un large appui de l’électorat. Enfin unelimitation extrême des initiatives exur-baines.

En effet, un ensemble de techniquescoordonnées constitue un facteur d’atté-nuation de la conversion des espaces agri-coles et naturels, mais la volonté politique(et donc le soutien des populations locales)et les collaborations sont essentielles. Unecoalition de protection peut inclure lasociété civile avec des groupes comme lesclubs de sports en plein air ou les associa-tions de résidents. Le contexte françaissouligne également la nécessité d’unecoopération intercommunale véritable en lamatière.

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Protection des espaces agricoles et naturels en France et aux États-Unis

Malgré le déclin de l’agriculture, les poli-tiques actuelles reposent en grande partie surdes exploitants « jardiniers » du paysagepour entretenir l’espace ouvert. Le meilleurmoyen de protéger les espaces agricoles etnaturels, alors, n’est-il pas de maintenir larentabilité de l’agriculture, de sorte que lesexploitations restent en activité ? Les tech-niques de protection devraient servir à garan-tir qu’une surface critique est protégée(contiguïté), que cette protection est durable(long terme), que les prix du foncier restentabordables (installation et agrandissementdes exploitations) et que les conflits avec lemonde non agricole sont minimisés (Daniels& Bowers, 1997). Outre les techniquesdécrites, des initiatives susceptibles d’amé-liorer la viabilité des exploitations com-prennent la diversification des produits, lavente directe ou l’agritourisme.

Par ailleurs, Alterman (1997) avance plu-sieurs facteurs clés du succès des Pays-Basen matière de protection des terres agri-coles. D’abord, le système d’aménagementnéerlandais repose sur une hiérarchie natio-nale-régionale-locale, avec des directivesfortes émanant du gouvernement central.Ensuite, la protection des terres agricoles estexplicitement justifiée sur la base de la pro-tection des campagnes. Troisièmement, ilexiste un engagement fort en faveur de l’en-diguement (containment) urbain et de den-sités élevées. Ensuite, il n’existe pas d’in-demnisation en cas de refus de construction,avec une politique foncière communale quisuit la norme achat-viabilisation-revente : lescollectivités achètent les terrains agricoles àleur valeur non bâtie, apportent les servicespublics et revendent le foncier viabilisé auxpromoteurs en captant la plus-value.

On peut alors penser à six outils de pro-tection des espaces agricoles et naturels quipourraient compléter ceux existant enFrance. Dans la mesure où une évaluationdes outils actuels ne constitue pas l’objet decet article, ces propositions doivent êtreenvisagées avec prudence et considérées

comme des pistes à explorer pour alimenterle débat. Leur pertinence dépend des avan-tages potentiels « nets » (prenant en compteleurs aspects positifs et négatifs) par rapportaux objectifs que se fixe la société.

Une technique de protection des espacesémergente aux États-Unis est celle de l’arrêtéd’atténuation (mitigation ordinance). Cetteréglementation exige que pour chaque hectareagricole ou naturel converti à un autre usage,le promoteur protège une surface équiva-lente aux caractéristiques similaires sur leterritoire de la même collectivité. Cette exi-gence peut être satisfaite en payant un droità la collectivité ou en achetant des droits àbâtir aux exploitants. Outre les avantagesliés au programme d’achat de droit à bâtir,cette technique assure une protection, quasi-ment hectare pour hectare, des espaces mena-cés. De plus, la technique pourrait s’appuyersur le dispositif français de la servitude admi-nistrative d’inconstructibilité. D’autres outilsaméricains innovants existent (voir Adelaja& Schilling, 1999) mais reposent fortementsur une capacité à séparer aisément le droit depropriété du droit à bâtir, et semblent doncplus difficiles à transposer.

Ensuite, on pourrait, comme deuxièmeoutil, étendre l’utilisation des transferts deCOS des zones naturelles aux zones agri-coles des plans locaux d’urbanisme. AuxÉtats-Unis, cet outil est utilisé pour la pro-tection des espaces agricoles et naturels,mais il est limité aux zones N en France.Pourquoi ne pas l’étendre aux espaces agri-coles ? Bien que théoriquement intéressant,cet outil n’a pas été appliqué de manièreextensive pour plusieurs raisons (cf. supra).En France, aussi, les transferts de COS ontété appliqués de manière limitée et dansdes situations différentes, ce qui rend uneévaluation globale difficile (Renard, 1999).En particulier, des difficultés techniques,institutionnelles et éthiques ont été souli-gnées, difficultés qui limitent les applicationspratiques des transferts de COS (Renard,1999). Cependant, l’extension de cette

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méthode aux espaces agricoles augmenteraitde fait le nombre d’applications. Une éva-luation de ces applications, en France etoutre-Atlantique, apporterait une plus grandecompréhension des situations spécifiquesdans lesquelles cette méthode est efficace.

Troisièmement, il semble que la seulegarantie de non-urbanisation soit l’acquisitionde droits à bâtir, à défaut l’acquisition depropriété. Le Conservatoire du littoral a déjàété présenté comme un outil d’acquisitionde propriété actuellement limité aux rivagesmaritimes et lacustres. Pourquoi ne pasétendre la mission du Conservatoire auxzones agricoles et naturelles des PLU (quitteà rebaptiser ledit Conservatoire), ou biencréer un établissement public similaire auConservatoire dont la mission serait ciblée surces zones ? Ces espaces bénéficieraient ainsid’un programme d’acquisition les protégeantà perpétuité. Vue la portée potentielle decette recommandation, toutefois, il seraitimportant de restreindre un tel programmeaux zones A et N présentant des caractéris-tiques paysagères spéciales ou une valeurécologique unique. Le principal frein à lamise en application de cet outil serait levolume des fonds requis pour l’acquisition deterrains. Une autre possibilité serait que cetorganisme public n’ait pas pour vocationl’acquisition de propriété mais celle de droitsà bâtir, solution beaucoup moins coûteuse.Cela consisterait à généraliser le dispositifévoqué en note 3 de cet article : servitudeconventionnelle où le propriétaire privé estindemnisé pour l’interdiction de bâtir pesantsur son terrain, c’est-à-dire une solution com-patible avec le droit (servitude) et de gestionplus simple (droit d’usage maintenu pour lepropriétaire).

Par conséquent, un quatrième outil ser-vant à résoudre en partie les problèmes definancement serait de transférer la politiquenéerlandaise de revente des terrains agricolesviabilisés aux promoteurs (via le droit depréemption, par exemple). De cette façon,la collectivité dans son ensemble capterait

la plus-value du foncier liée à la pressiond’urbanisation. Bien entendu, il est possibled’imaginer que cette plus-value soit davantagerépartie entre les acteurs de l’aménagement,dont les propriétaires des terrains. Lessommes générées pourraient être placées dansun fonds spécial utilisé par les collectivitéspour l’acquisition de foncier. Les fonds pour-raient aussi être attribués sur la base d’unconcours entre propriétaires pour des projetsde protection spécifiques, ou alloués à desespaces remarquables sur la base de prioritésdéterminées en association entre État, col-lectivités locales et société civile. SuivantBrueckner (2000), il est également possibled’envisager une taxe qui récupèrerait les plus-values d’urbanisation. Liée à la pression d’ur-banisation et peut-être plus simple à mettre enplace que le recours au droit de préemption,cette taxe, payée par les promoteurs, freine-rait d’autant le processus de conversion desterrains non bâtis, et pourrait alimenter lefonds d’acquisition évoqué.

Si les propositions trois et quatre vontdans le sens d’achats fonciers (ou de droitsà bâtir) par les pouvoirs publics, elles posentles questions de la mise en valeur de cesterres et de l’extension du domaine public.En effet, le statut du fermage actuel n’est pastrès bien adapté et une mise en valeur directepar l’État ou des collectivités semble diffi-cile à envisager, alors que les politiquesactuelles tendent à la privatisation dudomaine public. L’enjeu de la mise en valeurest lié à celui de l’usage des terres. Si l’usageest agricole ou forestier privé, alors unepolitique de contractualisation (proposition5) pourrait faciliter le maintien de cet usagedans le temps ; la solution de la servitudeconventionnelle simplifie également cettequestion. Quant à la tendance à la privati-sation, elle est en partie la conséquence dumanque de moyens affiché par les pouvoirspublics. La proposition 4, relative au finan-cement des acquisitions par la captation dela plus-value d’urbanisation, limiterait l’ar-gument financier à propos du manque de

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Protection des espaces agricoles et naturels en France et aux États-Unis

réserves foncières, un des pivots de la maî-trise de l’espace.

Un cinquième outil serait la promotion depolitiques contractuelles, qui semblent trou-ver un équilibre entre approches basées sur lemarché et approches réglementaires. Lescontrats permettent aux exploitants ou auxpropriétaires fonciers et aux collectivitéslocales d’identifier des situations gagnant-gagnant. Cela tend à mettre en valeur lanature multifonctionnelle de l’agriculture etde la sylviculture, avec productions et servicesfournis à la communauté en échange d’unecompensation spécifique. Les contrats peu-vent aussi servir à minimiser les conflitspotentiels entre exploitants et non-exploi-tants, et donc à accroître la durabilité desexploitations dans les zones périurbaines.

Enfin, sixième outil, il s’agirait de créerdes zones spécifiques pour la protection desespaces agricoles et naturels dans les zonespériurbaines, en permettant l’acquisition defoncier par les collectivités locales, établis-sements publics fonciers locaux ou autresorganisations accréditées. A l’intérieur depérimètres délimités en fonction de la valeurproductive et paysagère des terrains, lesacquisitions pourraient être réalisées àl’amiable, par préemption ou par expro-priation. Les terrains acquis pourraient êtredonnés ou loués en fonction d’objectifs deprotection. Une proposition similaire a étérécemment adoptée dans le cadre de la loirelative au développement des territoiresruraux (loi n°2005-157 du 23 février 2005)en accordant aux départements le droit dedélimiter des périmètres d’intervention etd’acquérir des terrains pour protéger etmettre en valeur des espaces agricoles etnaturels périurbains.

Si cette loi va effectivement dans le sensde la sixième proposition, on peut regretterque son application prenne du temps : ledécret en Conseil d’État qui détermine lesconditions d’application du chapitre portantsur la protection des espaces agricoles etnaturels périurbains est, début juin 2006, en

attente de publication. De plus, même si la loimentionne l’accord nécessaire avec les autrescollectivités intéressées (communes, établis-sements publics compétents en matière deplan local d’urbanisme), on peut regretterque la loi place le département au centre dela délimitation de ces périmètres d’interven-tion. En effet, de par son échelle, le départe-ment n’a pas vocation à intervenir spécifi-quement sur les espaces périurbains (à moinsque ces derniers recoupent les espaces natu-rels sensibles). On aurait pu souhaiter que ladélimitation de zones de protection desespaces agricoles et naturels périurbainsrepose davantage sur les communes dépassantun certain seuil de population ou, mieux,aux établissements publics de coopérationintercommunale qui ont pour vocation cen-trale l’aménagement de l’espace à l’échellepluricommunale.

En conclusion, les propositions décritesdans cet article pourraient être appliquées àla protection des espaces agricoles et natu-rels présentant une valeur productive, esthé-tique, paysagère, écologique ou récréative.La mise en œuvre et l’efficacité de cesmesures dépendent non seulement desefforts coordonnés de tous les niveaux degouvernements, des propriétaires fonciers etautres acteurs de l’aménagement, mais ausside l’intégration des enjeux économiques,sociaux et environnementaux dans des pro-grammes de protection complets. Ce ne sontpas seulement les espaces agricoles et natu-rels qui sont en jeu, mais aussi une meilleurecompréhension de l’impact de la destinationdes sols sur la qualité de vie locale. ■

* L’auteur remercie les deux referees pour leursriches commentaires. Une version antérieure de cetarticle a été présentée au congrès annuel de l’As-sociation of European Schools Of Planning, Gre-noble (France), 1-4 juillet 2004. Cet article a étésoumis lorsque l’auteur était à l’Institut Supérieurd’Agriculture de Lille, remercié pour son soutienfinancier.

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