espaces naturels

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Trimestriel 12 REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE Juillet 2010 • n° 31 Vu ailleurs Wisconsin, les sciences citoyennes au service des gestionnaires. • Études recherches Les araignées au fil de la gestion. • Aménagement gouvernance Syndicat mixte du bassin de l’Or, l’émergence d’une intelligence collective. Le portail « outils naturalistes » fait peau neuve : www.outils-naturalistes.fr Enjeux universels, solutions singulières Biodiversité outre-mers des

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Revue des professionnels de la nature

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REVUE DES PROFESSIONNELS DE LA NATURE

Juillet 2010 • n° 31

Vu ailleurs Wisconsin, les sciences citoyennes au service des gestionnaires. • Études recherches Les araignées au fil de la gestion. • Aménagement gouvernance Syndicat mixte du bassin de l’Or,l’émergence d’une intelligence collective.

Le portail « outils naturalistes » fait peau neuve : www.outils-naturalistes.fr

Enjeux universels, solutions singulières

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Champs de blés et coquelicots au bocage du Parc départemental du Sausset (93).

Gauthier Malherbe Technicien-animateur au Parc départemental du Sausset, photographe naturaliste à ses heures…

« Nature et agriculture se côtoient dans ce site Natura 2000. Le contraste des couleurs surprendtoujours dans les champs non traités du bocage colonisés par les plantes adventices comme lecoquelicot. On y retrouve des paysages de la Seine-Saint-Denis que l’on croyait disparus. »* Vous êtes photographe dans un espace naturel ? Envoyez-nous des clichés de vos lieux préférés : [email protected]

Page 3: Espaces naturels

SOMMAIRE

En couverturePêcheur kanak collectant

des bénitiers lors d’uneaction de repeuplement sur

certains récifs. Photo : Javier Ortiz

de Zuniga (bénévole WWF).www.espaces-naturels.fr

juillet 2010 • n° 31TOUR D’HORIZONS FORUM PROFESSIONNEL TERRITOIRES EN PROJETS

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Suivez ce symbole au fil des pages

pour retrouver les

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44▼

5. ÉDITO

6. L’ESSENTIEL

10. TERRITOIRES

12. DES MOTS POUR LE DIREÀ propos du trait de côte

13. L’ENTRETIENAvec Xavier Le Roux sur larecherche sur la biodiversité

14. VU AILLEURSWisconsin : les sciences citoyennesau service des gestionnaires

16. LIRE

18. LE COURRIER

19. L’AGENDA

34. PÉDAGOGIE ANIMATIONHappy culture : un jeu de rôle autourdes abeilles

36. ÉTUDES RECHERCHESLes araignées au fil de la gestion

38. MANAGEMENT MÉTIERS38 • Une démarche pour intégrer lesanimateurs saisonniers

40 • Un stage pour identifier le chantdes oiseaux

41. DROIT POLICE DE LA NATUREPolice de l’eau : ce qu’il faut savoirpour devenir rapidement opérationnel

42. MÉTHODES TECHNIQUESTechniques pour capturer des cervidésen montagne à des fins scientifiques

44. ACCUEILFRÉQUENTATIONPROVENCE - RÉSERVE DE BIOSPHÈRE

Tour de France au mont Ventoux :la vipère d’Orsini s’en sort bien

46. AMÉNAGEMENTGOUVERNANCESYNDICAT MIXTE DU BASSIN DE L’OR

L’émergence d’une intelligencecollective

48. GESTION PATRIMONIALEPlacer les mesures decompensation sous éthique

51. INDICATEURGÉOGRAPHIQUE

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INFOS PÉDAGOGIQUES

Le Dossier

20Sommaire détailllé en page 21

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Lancé en 2007, le projet deparc naturel marin sur laCôte Vermeille seconcrétise. La création d’unparc répondra aux enjeux deprotection et deconnaissance d’unebiodiversité et d’unécosystème remarquables,tout en soutenant ledéveloppement durable desactivités maritimes. Enconcertation avec les acteurslocaux, la mission d’étudepropose un périmètre, desorientations de gestion et lacomposition d’un conseil degestion. Le projet de parcsera soumis à enquêtepublique cet été dans lescommunes littorales. ●www.mission-cote-vermeille.parc-naturel-marin.fr

Page 5: Espaces naturels

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 5

TOUR D’HORIZONS I L’ÉDITO

L’outre-mer abrite 98% des vertébrés et 96% des plantes vas-culaires présentes en France, 97 % de la zone économiqueexclusive, 10 % des récifs et 20 % des atolls coralliens de la

planète…Cette biodiversité d’importance mondiale appartient à la Nation toutentière, nous avons le devoir de la transmettre intacte aux géné-rations futures.Mais nous ne pouvons ignorer que cette biodiversité ultra-marineest très menacée. C’est ainsi par exemple que 600 des 756 es-pèces menacées de France se situent, selon l’UICN, en outre-mer.Aussi, l’action de l’État français se structure-t-elle autour detrois axes : développer la connaissance, protéger, assurer le déve-loppement économique.Dans l’immensité de nos territoires terrestres comme la Guyaneou de nos zones maritimes, les marges de progression de la connais-sance sont immenses. C’est pourquoi les missions et programmesscientifiques sont nombreux, telles les recherches menées sur lesplantes à parfum, aromatiques et médicinales retenues par le pre-mier conseil interministériel de l’outre-mer en novembre der-nier. L’établissement de passerelles entre les programmes des dif-férentes institutions (Cirad, IRD, Ifremer, FFEM, Gret, FRB, BRGMetc.) doit être au centre de nos préoccupations.La France porte aussi la responsabilité d’assurer une protectionraisonnée de ces territoires pour éviter un appauvrissement ir-rémédiable de la biodiversité. Cet impératif, en s’appuyant surles parcs naturels terrestres ou maritimes, structure les démarchesde politiques de développement local. C’est ainsi que 42 % de laRéunion et plus de 26 % de la Guyane sont classés espaces proté-gés, et que la plus grande réserve naturelle terrestre et marine deFrance et d’Europe (22 700 km2) se situe dans les terres australesfrançaises. Le Grenelle de la mer nous invite du reste à faire mieuxet à développer de nouvelles aires marines protégées, celle des îleséparses par exemple.Cependant, les espaces protégés ne doivent pas être sanctuarisés.Et, dans l’optique du développement économique et de la protec-tion de la biodiversité, nous avons beaucoup de progrès à faire : l’ex-ploitation des molécules issues de la pharmacopée tropicale, lespossibilités de développement d’une aquaculture durable… Par ail-leurs, ce patrimoine naturel est un atout considérable pour letourisme. La protection de la biodiversité doit alors permettre devaloriser des métiers du développement durable, des métiers verts.Les dispositifs de formation et d’insertion au profit de la jeu-nesse ultramarine qui souffre aujourd’hui d’un taux de chômagetrès important doivent aussi être mobilisés dans ce sens. ●

Par Marie-Luce PenchardMinistre chargée de l’outre-mer

L’éditoÉDITEUR Aten - Atelier technique des espacesnaturels SupAgro - 2 place Viala - 34060 Montpellier cedex 2 - Tél. : 04 67 04 30 30

DIRECTEUR DE LA PUBLICATIONYves Vérilhac

COMITÉ ÉDITORIALTOUR D’HORIZONL’essentiel Marc Maury Cela se passe ailleursChristian Perennou, Catherine CibienFORUM PROFESSIONNELPédagogie, Animation Nicolas Gérardin,Sandrine Chalvet Droit, Police de la natureLouis-Gérard d’Escrienne, Sophie Heyd Études,Recherches John Thompson, Arnaud CossonManagement, Métiers André LechigueroMéthodes, Techniques Bernard Commandré,Véronique Vinot, Bénédicte Lefèvre TERRITOIRES EN PROJETAccueil, Fréquentation Anne Vourc’h, ArmelleHélou Aménagement, Gouvernance ArnaudCallec, Annick Faucon, Bruno Mounier, ThierryMougey Gestion patrimoniale Anne Douard,Hélène Michaud, Nathalie Berger

RÉDACTIONDirectrice de la rédactionMarie-Mélaine BerthelotRédactrice en chef Moune Poli Maquette Vanina Bellini, Moune PoliCorrectrice Magali FloriMediaterra Route Royale - 20600 Bastia Mél : [email protected]él. : 04 95 31 12 21

ADMINISTRATION, ABONNEMENTSMediaterra - Laetizia GiampietriRoute Royale - 20600 Bastia Tél. : 04 95 31 12 21

IMPRESSIONImprimerie Chirat744, rue de Sainte-Colombe42540 Saint-Just-la-Pendue

Tarifs des abonnements 1 an (4 numéros) :particulier 35,50€ - institutionnel 48,50€ISSN n° 1637-9896Commission paritaire 0510 G 83179

L’Atelier technique des espaces naturelscompte dix-neuf membres : Ministère en chargede l’Écologie • Parcs nationaux de France •Conservatoire du Littoral • Fédération des parcsnaturels régionaux de France • Réserves naturellesde France • Fédération des Conservatoiresd’espaces naturels • Fondation Tour du Valat •Office national des forêts • Office national de lachasse et de la faune sauvage • Agence des airesmarines protégées • Région Île-de-France • RégionRhône-Alpes • Région Languedoc-Roussillon •Conseil général de l’Isère • Conseil général de laDrôme • Eden 62 (Pas-de-Calais) • Réseau desGrands Sites de France • Rivages de France • Liguepour la protection des oiseaux.

L’annéede la biodiversitése joue outre-mer

Page 6: Espaces naturels

6 Espaces naturels n° 31 juillet 2010

TOUR D’HORIZONS I L’ESSENTIEL

DROIT

Érika. La cour consacre la notion de préjudice écologique

Mardi 30 mars 2010, plus de 10 ans après le naufragede l’Érika, la cour d’appel de Paris confirme etaggrave le jugement de première instance

(16 janvier 2008). La cour reconnaît la notion de préjudiceécologique causé aux collectivités et associations etaffirme la nécessité de réparer l’atteinte causée au vivant.Elle consacre que «toute atteinte non négligeable aumilieu naturel constitue une agression pour la collectivitédes hommes qui vivent en interaction avec lui». Lepréjudice comprend «toute atteinte non négligeable àl’environnement naturel, à savoir, notamment, l’air,l’atmosphère, l’eau, les sols, les terres, les paysages, lessites naturels, la biodiversité et l’interaction entre ceséléments, qui […] affecte un intérêt collectif légitime». Parailleurs, la cour confirme la responsabilité pénale de tousles acteurs du transport maritime à l’origine de lacatastrophe, la compagnie Total qui a «commis une fauted’imprudence en relation de causalité avec le naufrage»(375000 euros d’amende), la société de classification Rina(375000 euros d’amende), le propriétaire du navireGiuseppe Savarese et son gestionnaire technique AntonioPollara (75000 euros d’amende chacun). En revanche, letribunal dégage Total de toute responsabilité civile. Arrêtparadoxal : Total est donc coupable pénalement mais pasresponsable civilement. Total ne participera pas aurèglement des trente millions d’euros de dommages etintérêts restants à l’issue des sommes accordées par Totalaprès le jugement de première instance, qui seront donc àla charge de la société Rina et de messieurs Savarese etPollara. ● Sébastien Mabile - Avocat - [email protected]

L’Érika.

À CONSULTER « Paysage, infrastructureet société » : la neuvième réuniondes Ateliers pour la mise en œuvrede la Convention européenne dupaysage s’est déroulée à Cordoue,Espagne, 15-17 avril 2010 sousl’égide du Conseil de l’Europe. Le rapport à paraître sous peu :http://www.coe.int

À SUIVRE. L’Onema et le Cemagrefconjuguent leurs savoirsscientifiques et techniques auservice des plans d’eau(naturels ou artificiels) afin deproduire les connaissancesnecessaires pour restaurer leur étatcomme l’exige la directive-cadre surl’eau (DCE).

À SAVOIR. Selon la dernière Listerouge des espèces en danger enEurope, publiée en mars par l’UICN,9 % des papillons, 11 % desscarabées et 14 % des libellules sontmenacés d’extinction. Cette listemontre que 31 % des 435 espèces depapillons diurnes d’Europe sont endéclin.

SCIENCES

Rose bonbon pour un nouveau champignon

Une équipe de chercheurs du Laboratoiredes symbioses tropicales et sespartenaires vient de découvrir, dans le

Grand Sud de la Nouvelle-Calédonie, unenouvelle espèce de champignon d’un rose

presque fluorescent et d’une forme trèssurprenante. Podoserpula miranda, ainsi nommépar ses découvreurs pour l’émerveillement qu’ila suscité, vit au cœur d’une forêt de chênesgommes, en symbiose avec ces arbres. Lacouleur rose bonbon de ce champignon esttotalement inattendue : « la palette chromatiquede ce règne s’étale plutôt de l’orange au brun,en passant par le jaune » commente MarcDucousso, chercheur du Cirad au Laboratoiredes symbioses tropicales. L’architecture duchampignon intrigue également lesscientifiques. Elle présente la particularitéquasi-unique de former plusieurs étages enforme d’entonnoir, jusqu’à six, de tailledécroissante vers le sommet, tous centrés surl’axe du champignon. Sa taille peut atteindrejusqu’à 10 cm.Troisième particularité remarquable, cechampignon, découvert dans une forêt de chênesgommes plusieurs fois centenaires, vit ensymbiose avec ces géants de la canopée, enformant sur leurs racines de petits manchonsappelés ectomycorhizes, siège des échangesentre ces partenaires.Les spécimens étudiés permettent de classercette espèce dans le genre Podoserpula. ●http://www.ird.fr - [email protected]

Les pieds du Podoserpula mirandapeuvent mesurer 10 cm de hauteur.

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Espaces naturels n° 31 juillet 2010 7

TOUR D’HORIZONS I L’ESSENTIEL

FORMATION

Les sortants de formationsenvironnementales connaissentplus longtemps le chômage

Réalisée par l’Ifen, une étude de mars 2010 fait le pointsur « l’insertion des étudiants sortant des formationsenvironnementales supérieures » niveaux I et II

(licences, master, DEA, DESS, doctorat, ingénieur). Pour eux,l’insertion professionnelle est moins aisée que pour d’autresformations. Ils passent en moyenne plus de temps auchômage que ceux de l’ensemble des formations de mêmeniveau (7,5 mois contre 3,9 mois).Le niveau du diplôme n’influe pas sur le temps d’accès à

l’emploi. Lessortants desniveaux I et II ontla même duréed’obtention dupremier emploique ceux deniveauxinférieurs (4,9mois).Pour cesformations, leparcoursd’entrée dans lavie activeapparaît un peumoins favorableque pour

l’ensemble des jeunes ayant des formations de même niveau.Ainsi, sur la période 2004-2007, 75 % accèdent à un emploidurablement contre 84 % pour l’ensemble des formations.Dans l’environnement, les emplois sont un peu moins stableset moins rémunérés mais ils correspondent à des postesqualifiés. Trois ans après la sortie du système éducatif, unemajorité des jeunes issus des formations environnementalessupérieures occupent un poste stable. 11 % sont fonctionnaireset 50 % sont en CDI. Ces proportions s’élèvent respectivementà 18 % et 56 % pour les formations de même niveau. 30 % sonten CDD contre 16 % pour l’ensemble des sortants. Les postes occupés après une formation environnement serattachent en majorité (53 %) à la catégorie « cadres etprofessions intellectuelles supérieures ». Cette proportion estun peu supérieure à la moyenne (47 %) mais le salaire médiann’est pas pour autant plus élevé. ● www.ifen.fr

POLITIQUES PUBLIQUES

Le label Grand Site de Franceau code de l’environnement

L’amendement parlementaire porté parGérard Voisin, président du réseau desGrands Sites de France, William Dumas,

vice-président, et Jérôme Bignon, présidentdu Conservatoire du littoral, a été adopté le11 mai dernier par l’Assemblée nationale dansle cadre du projet de loi portant engagementnational pour l’environnement (Grenelle 2). Lapromulgation de la loi devrait intervenircourant juillet.Le texte vient donner un fondement juridiqueà la politique nationale des Grands Sites et aulabel. Les organismes qui gèrent localementles Grands Sites sont ainsi pleinementreconnus comme des acteurs incontournablesdu développement durable des territoires. ●

Anne Vourc’h - Réseau des Grands Sites de Francewww.grandsitedefrance.com

© Grand Site de Sainte-Victoire

Pour relier nos ordinateurs et nos serveurs, ce ne

sont pas moins de 480 000 kilomètres de câbles

faits d’acier et de bitume contenant des fibres

optiques (elles-mêmes composées d’inox, de cuivre,

de polyéthylène, de plastique…) qui ont été posés au

fond des océans à côté des fils téléphoniques et

télégraphiques du 20e siècle. Chaque année, 40 000

kilomètres de câbles sortent de l’usine afin

d’améliorer la qualité des débits de nos

consultations. ●

Source : Agence régionale de l’environnementde Haute-Normandie. www.arehn.asso.fr

DES AUTOROUTES SOUS LES OCÉANS

L’équipe du Grand Site Sainte-Victoire devant leurlabel obtenu en 2004 (en cours de renouvellement).

FORMATIONS NIVEAUX I ET II ENSEMBLE

Ensemble des formations 1 670 € 1 300 €

Formations environnementales 1 600 € 1 300 €

Pollutions, nuisances et risques : industrie et construction 1 740 € 1 500 €

Pollutions, nuisances et risques : services 1 600 € 1 200 €

Nature, milieux et équilibres écologiques 1 480 € 1 270 €

Aménagement du territoire et cadre de vie 1 500 € 1 250 €

Gestion sociétale de l’environnement 1 650 € 1 650 €

Salaire médian net des bénéficiaires des formations de niveaux I et II, trois ans après la sortie du système éducatif.

Ensemble des formations

Accès rapide et durable à l’emploi

Autres situations de non-emploi

Chômage

Parcours de stabilisation différé dans l’emploi

13 %

17 %

42 %

33 %

8 %

65 %

18 %

4 %

Formationsenvironnementales

Trajectoire professionnelle de 2004 à 2007pour les jeunes sortants de niveaux I et II

Page 8: Espaces naturels

8 Espaces naturels n° 31 juillet 2010

TOUR D’HORIZONS I L’ESSENTIEL

ÉTUDES

Le mot biodiversité est méconnu

Selon un eurobaromètre publié au mois de mars, seuls 38% des Européensconnaissent le sens du mot «biodiversité». 28% d’entre eux ont déjà entendu ceterme sans savoir de quoi il s’agit. Une majorité de personnes comprennent que

c’est une question sérieuse mais ne saisissent pas qu’elles en seront personnellementaffectées. Seules 17% des personnes interrogées reconnaissent qu’elles sont déjàtouchées par ce phénomène. ●http://ec.europa.eu/public_opinion/index_fr.htm

CONSERVATION

Une stratégie de création d’aires marines protégées

En France métropolitaine, la création de plusieursaires marines protégées est à l’étude. Aux deuxparcs naturels marins existants (Iroise et Mayotte),

s’ajoutent cinq projets de parcs : 1) sur l’estuaire de laGironde et les pertuis charentais, 2) à l’ouvert des troisestuaires de la Somme, Authie et Canche, 3) dans legolfe normand-breton, 4) sur le bassin d’Arcachon. Lecinquième sur la Côte Vermeille fera l’objet d’uneenquête publique cet été. Il en est de même pour leprojet de Parc national des Calanques. Le Parc nationalde Port-Cros devrait, quant à lui être étendu. Enfin, lessites en mer du réseau Natura 2000 ont été désignés ;désormais, place à la gestion. Des analyses stratégiquesrégionales sont également réalisées en Bretagne sud etPays de Loire, en Corse et en outre-mer. ●Fabienne Queau - [email protected]

LÉGISLATION

Loi Grenelle 2 : en cours d’adoption

Après l’examen de 247 articles et 1 600 amendements,l’Assemblée nationale a voté le 11 mai dernier leprojet de loi portant engagement national pour

l’environnement, dite loi Grenelle II. Parmi les nouveautés :L’article 45 du texte prend en compte les corridorsécologiques en instituant les notions de Trame verte etTrame bleue. Afin de stopper la perte de biodiversité, lesSchémas régionaux de cohérence écologique devrontprésenter les mesures nécessaires au maintien ou à laremise en bon état de ces trames. Cependant, cesdocuments auront une force contraignante limitée : ils nes’imposeront pas en matière d’urbanisme, mais devrontsimplement être pris en compte lors de l’élaboration desdocuments d’aménagement de l’espace ou d’urbanisme. Un amendement du gouvernement, retenu dans le texte,vise à instituer avant fin 2010 une « instance de gouvernanceet de pilotage », afin d’accroître la lisibilité, lacomplémentarité et la cohérence des actions depréservation de la biodiversité menées tant par les acteurspublics que par les acteurs privés ou associatifs (nouvelarticle 47 A).L’urgence ayant été déclarée (une seule lecture devantchacune des deux chambres), une commission mixteparitaire s’est réunie le 16 juin pour proposer un texte surles dispositions restant en discussion. Ce texte doitmaintenant être soumis à l’approbation du Sénat et del’Assemblée nationale. (cf. article p. 22) ●

Sophie Heyd - [email protected]

CONSERVATION

Les prairies et pâturages secs de Suisse mieux protégés

L’ordonnance réglant la mise en œuvre del’inventaire des prairies et pâturages secs deSuisse est entrée en vigueur le 1er février 2010.

Approuvée par le Conseil fédéral, elle impose demaintenir en l’état le milieu des surfaces inventoriées.Les cantons ont dix ans pour agir. Issus le plus souventd’une exploitation agricole extensive, les prairies etpâturages secs jouent un rôle essentiel dans le maintienet le développement de la biodiversité. Ils seront mieuxprotégés. (cf. Espaces naturels n° 30 p.14-15) ● MarinaMagnin - [email protected]

Analyse stratégiquerégionale

Corse

Port-Cros

Calanques

Côte Vermeille

Bassind’Arcachon

Estuaire de la Girondeet pertuis charentais

Sud-BretagnePays de la Loire

Parcnaturelmarind’Iroise

NormandBreton

À l’ouvert des estuairesSomme, Authie, Canche

Parc naturel marinMission d’étude

Parc nationalEn projet

Parc nationalExtension

Aires marines protégées françaises

Sources : AAMP/MNHN • SHOM contrat39/2008 • GEBCO • FAO/IGN • avril 2010

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AIRES MARINES PROTÉGÉESSTRATÉGIE NATIONALE D’ACTION À COURT TERME

Page 9: Espaces naturels

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 9

TOUR D’HORIZONS I L’ESSENTIEL

SCIENCE

Découverte du plusancien marsupialeuropéen enCharente-Maritime.Cette mise à jour parune équipe descientifiques duMuséum, du CNRS etde l’université deRennes permet de

proposer une nouvelle hypothèse des voies demigration des premiers mammifères marsupiaux.Cette découverte permet d’envisager aucénomanien (carte ci-dessus) un passage directentre l’Asie et l’Europe (1’-2’), alternativement àl’hypothèse d’un passage par la voie nord-américaine (1-2). Elle conforte également lesrelations fauniques et géographiques anciennesentre l’Amérique du Nord et l’Europe. Lesopossums et les kangourous sont lesreprésentants actuels de cette lointaine originenordique des marsupiaux. ● [email protected]

FORMATION

Enfin une qualification nationale pour le savoir-faire pierre sèche.Un certificat de qualification professionnelle « CQPouvrier professionnel en pierre sèche » N2, vientd’être homologué par la Commission nationale(CPNE) le 4 mars dernier. Cette reconnaissancenationale d’un savoir-faire spécifique faisait partiedes objectifs de bataille lorsque l’idée de créationd’une filière professionnelle est née, il y a 10 ans,parmi ce noyau d’artisans rassemblés par le Parcnational des Cévennes et la Chambre des métierset de l’artisanat de Vaucluse. ● Claire [email protected]

DROIT

Pour une Cour pénale internationale de l’environnement.L’International Academy of EnvironmentalSciences 1 veut promouvoir une Cour pénaleinternationale de l’environnement. Ses membressoutiennent ainsi une résolution déposée par lesparlementaires européens et soutenue par leprésident Pöttering (2007-2009). Cette juridictionspéciale veut répondre aux besoins des États faceau caractère international de la pollution et destrafics, ce qui rend très difficile l’appréhension dela criminalité. La création d’une telle instanceétant longue à obtenir, un Tribunal pénal européende l’environnement pourrait constituer unepremière étape. Diverses associations seretrouvent dans un comité français pour soutenircette initiative. ● Questions écrites E-3406/07 et E-3804/07. http://cour.penale.environnement.org

1. IAES. Association culturelle dirigée par Adolfo PérezEsquivel, Prix Nobel de la paix 1980.

“Les référentiels habitats sont disponibles en

téléchargement au format Excel sur le site de

l’Inventaire national du patrimoine naturel.

http://inpn.mnhn.fr ● La directive Oiseaux est

désormais codifiée Directive 2009/147/CE (JOUE

26/01/2010). ● Le bouquetin des Alpes revient en

Chartreuse. Le PNR de Chartreuse a été retenu

comme un territoire d’accueil privilégié.

Terrasses en schiste pour un jardin d’accompagnement d’un vieuxmas cévenol - Bruno Durand et Thomas Brasseur, artisans.

TEXTO

POLITIQUE PUBLIQUE

Les anciens ministres de l’Environnementse rassemblent pour agir

Le 24 mars dernier, à Bruxelles, plus de quaranteanciens ministres de tous les continents ont crééune association regroupant les anciens ministres de

l’Environnement et les anciens dirigeants d’organisationsinternationales de l’environnement (AME-DIE). « L’échecde Copenhague et la montée en puissance desadversaires d’un développement soutenable nous donnentune véritable responsabilité », expliquent-ils. L’AME-DIE,créé avec l’aide de l’Académie internationale des sciencesde l’environnement et sous l’impulsion de CorinneLepage se donne notamment comme objet la défense dudroit de l’environnement national et international, lapromotion du droit international de l’environnement etl’émergence d’une justice internationale dans le domainede l’environnement.Les dix premiers fondateurs : Ahmed Alami (Maroc), RittBjerregaard (Danemark), Elisa Ferreira (Portugal),Charles Goerens (Luxembourg), John Gummer (GrandeBretagne), Serge Lepeltier (France), Corinne Lepage(France), Alfonso Pecoraro Scanio (Italie), Inese Vaidere(Lettonie), Halima Taya Alao (Nigéria) ●http://www.corinnelepage.eu/

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Page 10: Espaces naturels

10 Espaces naturels n° 31 juillet 2010

TOUR D’HORIZONS I TERRITOIRES

CAMARGUE

Des pêcheurs au chevet de leurs ressources pour obtenir la création d’une réserve marine

Le golfe de Beauduc, principalement constitué desubstrats meubles, est identifié comme une zone denurserie, notamment pour les poissons plats,

espèces à haute valeur commerciale. Les milieux, leurfonction de nurserie et leur exploitation par les pêcheursartisanaux sont menacés par la pratique incessante etillégale d’arts traînants non sélectifs (chalutier) etnormalement réservée à un espace allant au-delà destrois miles marins.Souhaitant participer à une gestion durable desressources marines et favoriser la restauration du golfe deBeauduc, les pêcheurs petits métiers (20 pêcheurs enpleine mer dont une partie pêchant également en lagunes)ont opté pour la création d’un cantonnement de pêcheassorti de mesures de gestion sur 450 ha (1/10e du golfe).Le projet de réserve pourrait très raisonnablement voir lejour en 2012 (application du plan de gestion). D’autant quel’Agence des aires marines protégées a programméen 2010 et 2011 une série d’inventaires biologiquesapprofondis sur tous les sites Natura 2000 en mer. Pourle site d’importance communautaire Camargue, celapermettra d'affiner l'état initial de conservation décritdans le documents d’objectifs (prochainement validé) etde compléter les données pour l’ensemble de la zonemarine. En effet, jusque-là, beaucoup d’études ont étéconcentrées sur le golfe de Beauduc.Une équipe de gestion sera mise en place pour assurer lasurveillance, les suivis et la gestion du site. ●Delphine [email protected]

Pêcheurs aux petits métiersdans le golfe de Beauduc. ROYAUME-UNI

La plus grande réservemarine du mondeLe 1er avril dernier, le Royaume-Uni annonçaitsa décision de protéger entièrement l’archipeldes îles Chagos. Dans l’océan indien, les 55îles de l’archipel appartiennent à la Grande-Bretagne depuis 1814. Elles abritent 220espèces de coraux, un millier d’espèces de

poissons mais aussi 175000 couples d’oiseauxmarins. Avec 544000 km2, il s’agira de laréserve la plus étendue du monde. Avantl’archipel des Chagos, la plus grande airemarine protégée a été créée en 2006 parGeorges Bush, au nord-ouest d’Hawaii(350000 km2), et comprend une dizaine d’îlesinhabitées et une centaine d’atolls. Selon leProgramme des nations unies pourl’environnement (PNUE), il existerait au totalun peu plus de 5000 aires marines protégéess’étendant sur une surface de 3,1 millions de km², soit seulement moins de 1% de lasurface de la Terre. ●www.globaloceanlegacy.org

Anémone et poissonclown.

C’est le nombre deblockhaus aménagés sur leterritoire du Parc naturel

régional des Caps et Marais d’Opale pour recevoirles chauves-souris. Le territoire est truffé defortifications du Mur de l’Atlantique, de blockhaus,de bases de lancement d’armes secrètes, reliques dela Seconde Guerre mondiale… d’ouvrages devenusdes hauts lieux d’accueil des chauves-souris. Laforteresse de Mimoyecques, base de lancement deV3, abrite à elle seule un tiers du total connu dechauves-souris en hivernage dans le Nord-Pas-de-Calais. La Coordination mammalogique du Nord de laFrance et le parc ont aménagé des blockhaus, maiségalement des grottes et des clochers. ●

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“Le 1er décret relatif à l’évaluation des incidences Natura

2000 a été publié au Journal officiel le 11 avril. Il fait suite à

la condamnation de la France par la Cour de justice de l’UE

(cf. Espaces naturels n° 30). Notre revue y consacrera un

article approfondi dans son numéro de janvier.

TEXTO

EN CHIFFRE

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Page 11: Espaces naturels

© René Robert

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Espaces naturels n° 31 juillet 2010 11

TOUR D’HORIZONS I TERRITOIRES

Le Parc national du Mercantour fête ses trente ans. ● Un

troisième gypaèton est né cette année, le 5 mars, dans le Parc

national de la Vanoise. Disparu dans les Alpes au début du 20e

siècle, le gypaète barbu a été réintroduit depuis 1986. ● Trois

nouvelles aires marines protégées ont été inaugurées le 12 avril

dernier, toutes trois en Nouvelle-Calédonie (AMP de Hienga, de

Doïman, de Yambé-Diahoué). ● Un film sur la biodiversité dans le

Morvan est actuellement en tournage. Tout public, il servira de

base pour des débats sur le territoire. ● L’attitude mer est un

nouveau trimestriel édité par le Parc national de Port-Cros. Seize

pages pour convaincre de la particularité varoise. ● C’est à

Concarneau en avril dernier que s’est déroulé le 1er symposium

international scientifique traitant du plateau des Kerguelen.

TEXTO

> Hérisson.

< Fluorite Laurent.

MONT-BLANC

Un échantillon minéralogique reconnu « bien culturel d’intérêt patrimonial majeur »

Une fluorite (fluorite Laurent) du Mont-Blanc a été reconnue « bienculturel d’intérêt patrimonial majeur ». Ce spécimen minéral d’uneextrême rareté vient d’enrichir les collections du Muséum national

d’histoire naturelle. Son acquisition, d’un montant de 250 000 euros, a étéassuré grâce au mécénat de la Fondation Total.C’est une première en France : aucun échantillon minéralogique n’avaitjusqu’ici été reconnu à ce titre, ni même aucun objet relevant de l’histoirenaturelle. Découvert en 2006 dans les aiguilles Vertes du massif du Mont-Blanc en Haute-Savoie, ce spécimen, d’une largeur de 26 cm et d’unpoids de 5,1 kg, a la particularité de présenter une association d’uneexceptionnelle qualité de deux minéraux typiques des géodes desmontagnes de Chamonix : la fluorite rouge en octaèdre et le quartzenfumé (voir photo). ● www.museum-mineral.fr

SAINT-MARTIN - ANTILLES

Crème solaire bio distribuéegratuitement.Le cahier des charges imposé auxexploitants du sentier sous-marinde Saint-Martin (ouvert ennovembre 2009 au cœur de laréserve naturelle nationale) leurfixe des règles en matièred’environnement. C’est ainsiqu’une crème solaire bio estfournie à chaque client afin d’évitertoute pollution de l’eau de mer. ●www.reservenaturelle-saint-martin.com

AUVERGNE

Charte signalétique.Soucieux de concilier la promotiondes activités locales et la qualitédes paysages, le Parc naturelrégional Livradois-Forez a éditéune charte signalétique, guideméthodologique pour unesignalisation conforme à lalégislation et adaptée à l’identitédu Livradois-Forez. Conçu comme« une base de propositions » et unoutil de concertation, ce guide esttéléchargeable. ●www.parc-livradois-forez.org

ISÈRE

Un hérisson dans mon jardin.À Voiron, en Isère, l’association deprotection de la nature Le Pic Vert,la maison des jeunes et la mairielancent une enquête sur larépartition des hérissons dans lacommune. Date, nombre, lieu, âge,sexe… Le grand public est sollicitépour cette collecte scientifique. Leplus ? Des conseils pour hébergerun hérisson dans son jardin. ●[email protected]

SAINT-MARTIN - ANTILLES

Pour que fonctionnentles stations d’épuration.La fiabilité des systèmesmécaniques des stationsd’épuration est toute relative.Quand elles tombent en panne, unjour ou l’autre, les eaux usées sedéversent dans les étangs ou dansla mer. La Réserve naturellenationale de Saint-Martin veutdonc promouvoir la mise en placede bassins de lagunage, plantés demangroves, afin d’épurernaturellement les eaux usées. ●

© JF. Noblet

Page 12: Espaces naturels

Bruno Gravelat a quitté en mars leParc naturel régional du massif desBauges pour rejoindre le bureaud’études Ecoter de Nyons comme chefde projets ornithologie et botanique.

[email protected]

David Sautet a quitté en mars le Parcnaturel régional des Landes deGascogne où il était chargé de missionNatura 2000 pour intégrer l’associationdes écologistes de l’Euzière en

Languedoc-Roussillon en tant que chargé de missionexpertises faunistiques. [email protected] -www.euziere.org

Jean-Pierre Arnaud, DAF deMayotte, est devenu chef du serviceAménagement, sites, paysages etnature, et adjoint au directeur à la Dirende la Martinique en mars.

[email protected]

Olivier Scher a quitté en mars leposte d’animateur du pôle-relais Mares,zones humides intérieures et valléesalluviales à la Fédération des parcsnaturels régionaux pour le Cren du

Languedoc-Roussillon. Il est chargé du Plan nationalde restauration de l’aigle de Bonelli et d’expertisenaturaliste. Olivier Pelegrin lui succède([email protected])[email protected]

Ségolène Travichon a quittél’ONCFS pour la LPO en mars. Chef duservice des Espaces protégés, elleremplace Francis Meunier qui rejoint leCEN Picardie. [email protected]

Jacques Trouvilliez a quitté en juinla direction du service du Patrimoinenaturel au Museum national d’histoirenaturelle. Il est aujourd’hui conseillerbiodiversité et chasse au cabinet du

ministre de l’Écologie, de l’énergie, du développementdurable et de la mer, remplaçant ainsi Antoine [email protected]

12 Espaces naturels n° 31 juillet 2010

TOUR D’HORIZONS I LES GENS

Trait de côte

L a détermination de la limite entre la terre et la mera été une préoccupation juridique ancienne. Onrappellera que l’ordonnance de la Marine

d’août 1681, œuvre de Colbert, fixait cette limite à la ligneatteinte par la mer pendant les nouvelles et pleines lunes,et « jusqu’où le grand flot de mars se peut étendre surles grèves ».Cette ordonnance envisageait essentiellement les côtesde la façade océanique de la France soumises à une ma-rée notable, alors qu’en Méditerranée, demeuraient ap-plicables les Institutes de Justinien selon lesquelles « lerivage de la mer s’étend jusqu’où parvient le plus grandflot d’hiver ».Le terme de trait de côte apparaît ultérieurement pourdéfinir la ligne atteinte par la mer lors de la plus grandemarée astronomique possible (cœfficient 120) avec desconditions météorologiques normales et la ligne atteintepar les tempêtes d’hiver en Méditerranée.Le tracé. Le tracé du trait de côte peut être simple surles rivages accores1 ou sur les côtes sableuses uniformes.Il se complique dans les estuaires où il accompagne lesrives du fleuve et dans les lagunes de Méditerranée danslesquelles il pénètre par les graus.L’utilisation fréquente de cette notion a conduit l’Institutgéographique national et le service Hydrographique etocéanographique de la marine à en donner une expres-sion graphique accessible sur le site Geoportail.L’évolution. Le trait de côte se déplace sous l’action desagents géomorphologiques. L’érosion tend à le faire mi-grer vers l’intérieur des terres principalement sous l’ef-fet des vagues. L’accumulation produit un mouvementinverse avec la progression des dépôts appelée progra-dation, comme dans beaucoup de deltas ou dans cer-taines baies dont les fonds se comblent.La gestion. On parle aujourd’hui de gestion du trait decôte car la civilisation contemporaine a tendance à le dé-placer. Vers l’intérieur des terres, en creusant desbassins portuaires ; vers l’extérieur par la création dedigues, de polders ou de terres-pleins industriels. Lagestion comporte des actions de protection des biens etdes personnes, tendant à stopper ou à déplacer lesactions d’érosion par des ouvrages longitudinaux (digues,plantations…) ou par des ouvrages transversaux (épis).Elle peut aussi recourir à l’apport de sédiments pour re-charger les plages. Dans certains cas, la gestion peutconsister à accepter l’évolution naturelle ou même à ren-dre des terres à la mer en pratiquant des dépoldérisa-tions propices à la biodiversité et favorables à une meil-leure défense face à la montée du niveau de la mer. ●

DES MOTS POUR LE DIRE I CHRONIQUE

Par Fernand VergerProfesseur émérite à l’École normale supérieure*

* Fernand Verger est également conseiller scientifique duConservatoire du littoral. Il est auteur de Zones humides dulittoral français, Belin, 448 pages, 2009.

EN SAVOIR PLUS

La gestion du trait de côte, Meeddm, Quæ, 290 pages, 2010.

ELLE A DIT… À PROPOS DE LA TRAME VERTE ET BLEUE

Valérie LétardSecrétaire d’État au développement durable

“Je compte sur votre mobilisation pour l’élaboration

des schémas régionaux de cohérence écologique. J’en appelle à votre responsabilité pour que les

démarches soient complémentaires et partagées […]. Nous ne pouvons nous permettre de risquer la dispersion.

Je souhaite que chacun d’entre vous puisse répondre à cette doubleinterrogation : que contient mon territoire en termes de continuitésécologiques a sa propre échelle? Que peut-il apporter à l’échellesupérieure? » ● Lors du congrès annuel de Réserves naturelles de France à Strasbourg, le mercredi 14 avril 2010.

1. Abrupts.

Page 13: Espaces naturels

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 13

TOUR D’HORIZONS I L’ENTRETIEN

Entre recherche et gestion

“«Orienter la recherche en fonction d’un dialogueétabli avec la société »

La Fondation pour la recherche surla biodiversité s’est donnée pourmission de soutenir une recherched’excellence. L’originalité résidedans la volonté de mettre enadéquation des programmes portéspar la communauté scientifique etles attentes des acteurs de terrain.Expliquez-nous l’enjeu de cepositionnement.L’enjeu ? C’est de donner aux acteursde la biodiversité des outils pourprévoir et gérer. Nous travaillons parexemple pour modéliser ladynamique de la biodiversité afin depouvoir établir des scénarios de seschangements et évolutions. De telsprogrammes phares, extrêmementcoûteux, s’inscrivent dans le longterme pour structurer unecommunauté de recherche.Néanmoins, pour répondre auxattentes des acteurs et gestionnairesqui ont besoin de prendre desdécisions, il faut que la rechercheproduise des résultats utiles sur destemps plus courts : deux à cinq ans. Nos programmes sont souvent co-construits. Les priorités de rechercheont été pensées par notre conseilscientifique pluridisciplinaire. Celui-ci a dégagé dix axes prioritaires. Ilsont été soumis à la sagacité desacteurs, porteurs d’enjeux de labiodiversité, réunis au sein duconseil d’orientation stratégique. Desgestionnaires d’espaces, deressources génétiques animales,végétales, des ONG, des entreprises,

des collectivités territoriales, despouvoirs publics ont apporté leurscommentaires et suggestions.

Renforcer le dialogue entre lesdifférents acteurs de la biodiversitéconstitue donc une fin… C’est un élément indispensable pourdévelopper de nouvelles stratégiesde recherche. Parmi les difficultés àsurmonter déjà, tout simplement, lefait de mettre en place les élémentsd’un langage commun. Dans le même but, nous visons àconstruire des mécanismes efficacesde mobilisation de l’expertisefrançaise sur la biodiversité. Pourcela, il faut savoir où sont les pôlesd’expertises. Nous créonsactuellement une base de donnéesnationale de tous les acteursrecherche de la biodiversité. Qui faitquoi ? Sur quelles thématiques ? Quitravaille ensemble ? Où ? Cette basesera bientôt disponible via notre siteweb. Notre rôle, c’est d’animerdialogues et débats, de contribuer àcoordonner des actions entredifférents acteurs.

D’autres programmes ?Nous menons une expertise sur lesaspects juridiques dans le domainedes ressources génétiques. Les substances actives de certainesplantes sont utiles pour le secteur dela santé. Mais à qui appartient cesavoir, comment rétribue-t-on leprélèvement de cette ressource ?

D’un point de vue juridique, il n’existepas encore d’encadrement clair auniveau international ni de traductionen droit français. Ces problématiquesd’accès aux ressources et de partagedes avantages sont à éclairer enmobilisant une large expertise. Nous sommes aussi en train deproduire une synthèse sur lesindicateurs des ressourcesgénétiques des plantes cultivées (encommençant par le blé). Un autreprogramme ? Faire l’état des lieux dela demande et des besoins deformations dans le domaine de labiodiversité. Pour certains métiers, ily a de réelles lacunes.

Un des enjeux de la biodiversité sejoue au niveau de l’agriculture…Le rôle de la Fondation est decomprendre où sont les points deblocage et d’œuvrer sur les points deconvergence possibles. En effet,après la Seconde Guerre mondiale,l’agriculture s’est lancée dans laproduction intensive pour relever undéfi : nourrir la population.Aujourd’hui, elle est face à unnouveau défi : produire en prenantmieux en compte l’environnement etla biodiversité. Cette notion estacceptée par le monde agricole maiscelui-ci réclame que l’on considèreses contraintes sociales etéconomiques. La Fondation a là toutson rôle à jouer. L’année dernièreavec l’entreprise « Lu » (les biscuits),nous avons soutenu des projetsassociant chercheurs et acteurs deterrain pour étudier comment lespratiques agricoles en grandescultures céréalières peuvent évolueret mieux intégrer la biodiversité. En fait, la Fondation se veut être un« assemblier » des acteurs de labiodiversité pour renforcer ledialogue science-société, nécessaireà la mobilisation de l’expertise. ●EN SAVOIR PLUS

http ://www.fondationbiodiversite.fr

La Fondation pour la recherche sur la biodiversité

Outil du « Grenelle de l’environnement », la Fondation pour larecherche sur la biodiversité a été lancée en février 2008. Elle unitles organismes publics de recherche1, les associations de défense

de l’environnement, les gestionnaires d’espaces et de ressourcesbiologiques, les collectivités territoriales, ainsi que les entreprises dans lebut de relever les défis scientifiques de la biodiversité. ●

1. Membres fondateurs : BRGM, Cemagref, Cirad, CNRS, Ifremer, INRA, IRD, MNHN.

Xavier Le RouxDirecteur de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité

Page 14: Espaces naturels

14 Espaces naturels n° 31 juillet 2010

TOUR D’HORIZONS I VU AILLEURS

Les sciencesc i toyennessont des pro-

grammes dans les-quels des scienti-fiques font appel àdes volontaires afin

de récolter des données natura-listes à l’échelle nationale ou lo-cale. Les suivis reposent sur unéchange d’informations (et deconfiance) entre chercheurs et vo-lontaires à différents stades de ladémarche scientifique.Cette façon de concevoir la récoltedes données écologiques nous vientdu monde anglo-saxon où les pro-grammes de sciences citoyennessont une longue tradition. LeChristmas bird count, par exemple,se déroule depuis 1900 en Amériquedu Nord. Chaque année, du 14 dé-cembre au 5 janvier, les volontairessont invités à compter les oiseaux.L’action est coordonnée par une

WISCONSIN - ÉTATS-UNIS

Les sciences participatives sont le résultat d’une longue tradition.L’expérience menée dans le Wisconsin met en exergue l’intérêt decette collaboration entre chercheurs et grand public.

association et relayée localementpar des coordonnateurs régionaux.

Un grand succès. Au sein de laBeaver creek reserve (Wisconsin-USA), un centre scientifique (Citizensciences center) suscite la rencon-tre des volontaires, enseignants,élèves et professionnels de l’envi-ronnement. Les programmes de laBeaver creek reserve connaissentun grand succès et des centaines devolontaires s’impliquent dans unelarge gamme de suivis : les plantesaquatiques envahissantes ou non,les oiseaux, les vers de terre, les in-sectes, les amphibiens mais aussiles habitats naturels ou la qualitéde l’eau. Ils aident aussi les scien-tifiques dans certaines expériencesde germination et de culture.La Beaver creek reserve justifie sonaction en soulignant que le Wisconsinabrite beaucoup d’espèces et cou-vre une surface telle que les scien-

tifiques seuls ne peuvent en assurerle suivi. Les participants aux pro-grammes les aident donc à comblerles lacunes existantes, en apprenantles techniques scientifiques de baseet en les assistant dans le travailde terrain.

Quid de la qualité des données ?Une question-clé réside certes dansla qualité des données recueillies :sont-elles utilisables à des finsscientifiques ?Plusieurs études (dont celle deSchmeller en 2009) mettent en évi-dence que la qualité de données ré-coltées par des amateurs et par desprofessionnels est comparable. Enfait, une donnée n’est pas bonne oumauvaise en soi. Une bonne donnéevient de la combinaison adéquateentre les objectifs de la rechercheet le protocole d’échantillonnage.C’est pourquoi les programmes dela Beaver creek reserve mettent unsoin particulier à la mise en œuvrede ce protocole. Celui-ci n’est paspensé uniquement du point de vuedu spécialiste mais il intègre lavision du volontaire. Les critères defaisabilité sont grandement pris encompte comme l’intérêt que l’ac-tion est à même de susciter chez levolontaire.Les différentes catégories d’ama-teurs, du débutant au naturalistechevronné, sont considérées. Desguides pédagogiques très simplessont fournis et/ou des petites for-mations sont organisées afin des’assurer que tous ont les basesnécessaires pour identifier les es-pèces. C’est ainsi, par exemple, queles participants sont formés à l’uti-lisation des bat box, détecteurstranscodeurs d’ultrasons per-mettant le suivi acoustique deschauves-souris. Dans le même es-prit, le site internet du centre ren-voie vers l’USGS Frog quizz, lequelpermet aux amateurs de testerleurs connaissances sur les chantsdes crapauds et des grenouilles.

Les sciences citoyennes au service des gestionnaires

Les expériences de science citoyenne commencent à sedévelopper en France. Parmi les plus connues: le Suivitemporel des oiseaux communs (Stoc), le PhénoClim (suivi du

cycle des arbres dans les Alpes) ou encore l’Observatoire despapillons des jardins, dédiés au grand public. Les protocoles decertaines de ces initiatives nationales ont été adaptés aux espacesnaturels et sont maintenant repris, par exemple, par la commissionscientifique des Réserves naturelles de France. C’est notamment lecas du Stoc ou du Suivi temporel des rhopalocères de France.Un colloque Sciences citoyennes et biodiversité s’est tenu àMontpellier, les 22 et 23 octobre derniers. Il a donné l’occasion àl’association Tela Botanica d’éditer un livret recensant quarante-trois projets, coordonnés principalement par des instituts derecherche ou des associations (cf. en savoir plus).En revanche, peu de suivis sont développés par des gestionnairesd’espaces naturels à l’image de celui de la Beaver creek reserve.L’efficacité de tels programmes, reconnue et utilisée par denombreuses collectivités, devrait favoriser leur développementdans les espaces naturels français. ●

SCIENCES CITOYENNES EN FRANCE▼

1. Un cardinal,passereau

nord-américain.

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Page 15: Espaces naturels

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 15

© Amy Kovach - Courtesy NAS

S C I E N C E S P A R T I C I P A T I V E S

Simplicité. L’objectif et les méthodes doiventêtre simples tant à expliquer qu’à comprendre.Un effort doit être porté sur la clarté du siteinternet, notamment sur le volet relatif à latransmission des données.

Protocole. Le protocole doit être pensé selonde nouveaux critères de faisabilité et d’intérêtpour un volontaire et non seulement poursatisfaire les besoins du gestionnaire ou duscientifique.Ce protocole doit être standardisé. Il doitpermettre l’analyse et l’interprétationrigoureuses des données. La propriété desdonnées et les règles d’accès doivent êtreclairement établies.

Retour. Les participants doivent être tenus aucourant de l’utilisation de leurs données. À quoi servent-elles, à quels résultatsaboutissent-elles ? À cette fin, les résultats,cartes et graphiques doivent être rapidementdisponibles et régulièrement mis à jour.

Communication. Une stratégie decommunication est cruciale pour recruter denouveaux participants et fidéliser lesbénévoles. Ceci suppose de rédiger descommuniqués de presse, d’activer les réseauxexistants, de mettre en œuvre un site internetattractif, d’éditer des publications à la foisscientifiques et de vulgarisation.Une collaboration forte est nécessaire, dès ledébut du programme, entre l’équipescientifique, celle de l’éducation àl’environnement et celle de la communication.

Durabilité. La continuité des projets desciences citoyennes doit être garantie. Uneéquipe permanente doit assurer lefonctionnement général et l’exploitation desdonnées devant aboutir à leur analyse et à lapublication des résultats. ●

sonnes de s’approprier l’espace na-turel. Ainsi lors du Water action vo-lunteer, des volontaires suivent unmême cours d’eau d’avril à sep-tembre, une fois par mois. Ils ap-partiennent aux gens qui connais-sent le mieux le site. Un réseauconvivial de femmes et d’hommesdéfendant l’espace naturel s’estainsi créé qui permet, en grandepartie, à la Beaver creek reserved’assurer les suivis de terrains,d’entretenir chemins et bâtimentset d’accueillir le public.Au chapitre du bilan, il faut encoreajouter que les professionnels ontacquis de nouvelles compétences,réclamées par l’animation de tels ré-seaux. Du reste, dans le Wisconsin,un salarié est directement respon-sable des volontaires.Ce travail, qui impose d’acquérir dessavoir-faire en communication (siteinternet, événements, retour des ré-sultats), nécessite également unegrande implication des salariés res-ponsables des différents projets. ●Coralie Beltrame - Tour du [email protected] Devictor - [email protected]

Outil éducatif. Ces programmessont des outils éducatifs et les mes-sages passent d’autant mieux queles volontaires deviennent acteursde la protection de la nature. Lesproblématiques environnementalessont alors perçues, vécues et ap-propriées par les participants.De ce point de vue, l’exemple desplantes exotiques dans les coursd’eau et les lacs de la Beaver creekreserve est révélateur. Ici, le pro-blème est majeur d’autant que lesvégétaux sont transportés sur lescoques des bateaux. Aujourd’hui,après quelques années de sciencesparticipatives, non seulement il estaisé de trouver des volontaires pourtravailler sur ce thème, mais ceux-là adhèrent à des actions de vérifi-cation des coques des bateaux desparticuliers. Le grand public estdésormais devenu acteur de la sensibilisation aux problèmes écologiques.Autres retombées de cette science:la découverte du métier des gestionnaires.Ici, sous l’encadrement d’une per-sonne travaillant à la réserve, lesvolontaires ont pu participer à l’éla-boration des plans de gestion deslacs. Cette contribution s’est tra-duite par une responsabilisation desparticipants, laquelle a fortementaiguisé leur volonté de bien faire.On peut noter aussi comment cesprogrammes permettent aux per-

“Un des principaux avantages des sciences citoyennesest d’allier suivi de biodiversité et éducation àl’environnement.

EN SAVOIR PLUS

• www.tela-botanica.org/wikini/colloquescb/wakka.php?wiki=PagePrincipale• www.beavercreekreserve.org• www.bsc-eoc.org/volunteer

INFO PÉDAGOGIQUE

Cinq clés pour le succès

Un volontaire lors du 110e Christmasbird count, qui s’est déroulé du14 décembre 2009 au 5 janvier 2010.

Page 16: Espaces naturels

lire

16 Espaces naturels n° 31 juillet 2010

TOUR D’HORIZONS

FLORA BELLISSIMA, POUR IDENTIFIER LA FLOREÉdité sous forme de CDrom, Flora Bellissima

permet d’identifier la flore de France : 1 400espèces décrites, 9 800 photos plein écran, 80 000

lignes de nomenclature basée sur l’index deréférence de la flore de France (BDNFF).

Le plus ? Ce logiciel peut s’enrichir avec vosphotographies et informations personnelles.

Novice, amateur et expert, trois niveauxd’utilisation sont proposés. En ligne, il est aussi

possible de consulter les commentaires oudonner son avis. Ce logiciel a été développé par

Thierry Pernot, biologiste et informaticien deformation. Vidéo de démonstration sur le site

web de Tela-Botanica. ● www.tela-botanica.org/page:flora_bellissima • 29 euros

INTRODUCTION AU DROIT DE L’ENVIRONNEMENTCet ouvrage aborde la réglementation relative à

la préservation de la nature et du patrimoine,que les atteintes soient liées aux activités

humaines ou à des risques naturels. Cetteédition intègre les récentes évolutions de la

réglementation dans tous les domaines du droitde l’environnement. Destiné aux étudiants ensciences et technologies de l’environnementainsi qu’aux techniciens des industries, des

collectivités locales et des associations deprotection de l’environnement. ● P. Malingrey •

334 pages • Tec & Doc • 41 euros

LE GUIDÉDUCÉléments clés d’un projet éducatif,

fonctionnement du réseau des réservesnaturelles, agrément Éducation nationale,

anticipation d’une animation, actionsbiogéodiversité… ce classeur illustré (schémas,tableaux, témoignages) mêle conseils pratiques

et fiches pédagogiques. S’adressant à tous leséducateurs à la nature, le guide des Réserves

naturelles de France est un repère dans lapréparation d’animations destinées aux scolairesdu primaire. ● Coord. par D. Aubonnet et F. Ravenot

• 100 pages • Réserves naturelles de France [email protected] • 28 euros

FLEUVES ET RIVIÈRES SAUVAGESAU FIL DES RÉSERVES NATURELLESDE FRANCE

Les réserves naturelles jouent unrôle essentiel et servent deréférents dans la préservation etla restauration des 500 000 km decours d’eau de notre pays.L’ouvrage étudie donc lesdifférents milieux et espècesaquatiques de l’hexagone, avantd’analyser les aménagementsfaits par les réserves sur cesespaces. Enfin, il nous offre untour de France des fleuves et desrivières. ● G. Cochet • 192 pages •Delachaux & Niestlé • 38 euros

LA CIRCULATION DES ENGINSMOTORISÉS DANS LES ESPACESNATURELSCe guide explique différentstermes de loi pour que chacunpuisse s’en saisir, mais aussipour faciliter la prise de décisionpar les élus, les inciter à allerplus loin dans la gestion de lapratique des loisirs motorisésdans les espaces naturels. Il faitle point sur la question en quatretemps : le cadre légal,l’application de la loi, les outilspour encadrer et maîtriser, lapublicité illicite. Bien que destinéprincipalement aux collectivités,ce document peut-être mis entretoutes les mains. ● MountainWilderness, Frapna • 42 pages •gratuit • www.mountainwilderness.fr

TOURBIÈRESDES MONTAGNES FRANÇAISES

L’ouvrage constitue un outild’aide à la gestion des milieuxtourbeux et associés enmontagne et piémonts. Aprèsavoir traité de certains choixfondamentaux, il se penche surdes thèmes comme laconnaissance de l’hydrologie, lepâturage, le boisement, lesinteractions avec les stations desports d’hiver, le suivi des sites. ●Pôle-relais Tourbière, Fédérationdes Cren, C. de communes Frasne-Drugeon • gratuit

ESPÈCES

JURIDIQUE

ÉDUCATION

SENSIBILISATION

JURIDIQUE

GESTION

Page 17: Espaces naturels

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 17

«Une aire protégée ne fonctionne pasisolément. » Patrick Triplet

L A P H R A S E

«Une aire protégée ne fonctionne pas isolément. Elle doitêtre en relation étroite avec son environnement humain. »Le principe mérite de s’appliquer sur l’ensemble des

espaces naturels protégés… Et pour cette raison ce Manuel de gestiondes aires protégées d’Afrique francophone peut être exploité par toutacteur de la conservation de la nature.Issu du travail de quatre-vingt-quinze auteurs de vingt et unenationalités, l’ouvrage est le premier en langue française à réaliserune synthèse des connaissances et des pratiques reconnues sur lesespaces d’Afrique francophone. Instrument, simple et clair, il offre uncadre solide pour construire sa réflexion, analyser ses problèmes et

trouver la réponse adéquate, intégrant l’appropriation de laconservation de la nature par la population locale et lesvisiteurs.La logique scientifique qui a sous-tendu l’élaboration dumanuel permet de répondre aux questions inévitables qui seposent à chacun d’entre nous : quand, pourquoi et commentintervenir ? Qui doit le faire ? La finesse des réponsesconstitue une référence au quotidien pour tout gestionnaired’espace naturel, ici et ailleurs… ● Bénédicte LefèvreManuel de gestion des aires protégées d’Afrique francophone • P. Triplet • 1 234 pages • Awely • Téléchargement gratuit surwww.awely.org • Rubrique : Docuthèque

TECHNIQUE

Certes, l’auteur écrit pour les coachsprofessionnels, mais unresponsable d’équipe trouvera bien

du grain à moudre pour rationnaliser letravail et les relations quotidiennes ausein de son équipe, bref amorcer unchangement dans son organisation. Cetouvrage illustre parfaitement le vieiladage « un problème bien posé est à

moitié résolu ». Son intérêt majeur est de faciliter l’observationdécentrée des situations de travail : ainsi désengagé, le managerpeut identifier les « jeux » (au sens d’Éric Berne) et construire unesolution avec son équipe. Dans la deuxième partie, on découvre lesfinesses des deux facteurs à l’œuvre dans un groupe au travail :l’autorité et la dynamique de groupe. D’une part, le manager peutanalyser sa conception et sa pratique de l’autorité : mêmesubjective, cette étape est importante pour percevoir l’influenceexercée sur le groupe. D’autre part, des outils simples d’analysedes modalités de travail, de l’histoire du groupe et des facteurs decohésion lui permettront d’élaborer des pistes de changement.Pour la mise en œuvre, le manager devra compter sur sa créativitéet celle de son équipe. Mais quoi de plus propice au développementde la cohésion et l’autonomie ? ● Véronique Petit-Uzac

Coacher groupes et organisations. La Théorie organisationnelle d’ÉricBerne • F. Vergonjeanne • 304 pages • InterÉditions / Dunod • 28 euros.

« Management »L E M O T

LE CHÊNE AUTREMENTComment produire du chêne dequalité en moins de 100 ans enfutaie régulière ? Cet ouvrageoffre les derniers résultatsexpérimentaux pour répondre àcette question : distinctions etexigences écologiques deschênes sessile et pédonculé,régénérations, conduite deséclaircies, cubage… Richementillustré par des schémas, photoset exercices de terrain. ●J. Lemaire • 176 pages • Forêtprivée française / IDF • 20 euros.

POLITIQUES PUBLIQUES

L’OCÉAN GOUVERNE-T-ILLE CLIMAT ?L’auteur dresse un panorama del’avancée des connaissances enocéanographie depuis le MoyenÂge. En s’appuyant sur les modèlesnumériques et les observationscontinues, il analyse les fonctionsde l’océan dans le climat, son rôledans l’équilibre énergétique de laplanète, son interaction avecl’atmosphère, sa place dans leréchauffement climatique en courset l’importance des prévisionsocéanographiques. ●J. Merle • 254 pages • IRD / Vuibert /Adapt-SNES • 29 euros.

© Patrick Triplet

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EEn cette année consacrée, une réflexion sur labiodiversité s’impose. Autorisons-nous doncun regard sur le droit et cherchons à savoir

quelle place la biodiversité tient réellement dansnotre système juridique ? Tournons alors leprojecteur sur la loi de 1976, laquelle préconise « sipossible » des mesures de compensations (art.L.122-3 et R.122-3, code de l’environnement) dèslors que l’autorisation des projets d’aménagementgénère des dommages sur la nature. Qu’en penser ? Un récent séminaireinterdisciplinaire s’est penché sur la question.Il se tenait au Centre du droit de l’environnement deStrasbourg les 26 et 27 avril et les participants n’ontguère été optimistes en mettant en évidencel’absence de vision globale des impacts cumulésdes aménagements. Avec, pour corollaire, le faitque l’on sous-estime les impacts négatifs destravaux et que l’on oublie parfois l’incertitude quientoure les mesures compensatoires.

Car après tout, la perte immédiate est certaine, lacompensation ne l’est pas, surtout en absence depérennisation ou de suivi.Si les coûts de la compensation autorisent de faireune évaluation économique des atteintes, ils nereprésentent en aucun cas le prixde la nature.Les débats ont voulu rappelerque l’analyse juridique de labiodiversité, se situe à l’écart descatégories traditionnelles quifondent le régime juridique. La nature est choseuniverselle, objet de droit, mais inappropriée etinappropriable. La biodiversité ferait-elle partie deces choses (article 714 du code civil) « quin’appartiennent à personne et dont l’usage estcommun à tous » ? ●

John Thompson - Marie-Pierre Camproux-Duffrè[email protected]>>> SUR LES MESURES COMPENSATOIRES, LIRE AUSSI P. 48.

TOUR D’HORIZONS I LE COURRIER

Un outil pro pour les pros : le nouvel agenda collaboratif mis en place sur la toile parl’Aten ! Nombre de colloques, séminaires, et autres forums sont organisés par et pourles gestionnaires d’espaces naturels et les acteurs de la protection de la nature. Pours’y retrouver, organiser ses propres réunions aux dates les plus propices, l’Aten pro-pose donc à ses membres et partenaires un agenda dynamique.Deux clics et vous trouverez, sous forme d’un calendrier, cet outil collaboratif. Aprèss’être inscrit sur le site, on signalera un événement en renseignant rapidement unformulaire qui apporte les précisions utiles : lieux, thématiques, organisateurs, programme…Pour recevoir l’information en fonction de vos préoccupations, un moteur de rechercheest à votre disposition, de même qu’un abonnement via un flux RSS pour se tenir aucourant en temps réel. ● http://agenda.espaces-naturels.fr

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18 Espaces naturels n° 31 juillet 2010

L’agenda des professionnels de la nature

Agir pour la biodiversité

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76 ha deboisement engestiondifférenciée ausein du parcdépartementaldu Sausset(Seine-Saint-Denis), siteNatura 2000.Au printemps,les jacinthessauvagesémergent dusous-bois…

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Espaces naturels n° 31 juillet 2010 19

TOUR D’HORIZONS

BIODIVERS’ÉTÉ

7 au 9 juillet - FloracSupAgro Florac organise cetterencontre entre les acteurs duterritoire national pour un étatdes lieux sur l’usage desindicateurs de biodiversité.Quelle complémentarité desindicateurs existants prendre encompte ? Quelle aire d’utilisationenvisager ? Quelles adaptationssont possibles ?…. Témoignagesde terrain et présentationsscientifiques visent à répondre àces questions concrètes.www.biodivers-ete.fr

FORESTS FOR THE FUTURE

23 au 28 août - SéoulCe 13e congrès mondial estorganisé par l’IUFRO sur le thème«Les forêts soutenant la sociétéet l’environnement à venir».http://www.iufro2010.com

ÉCOLOGIE DE LA RESTAURATION

23 au 27 août - AvignonRestauration écologique etdéveloppement durable, cette 7e conférence internationale estouverte aux acteurs,professionnels et scientifiques.http://www.seravignon2010.org

ESPACES NATURELS SENSIBLES

8 et 10 septembre - Causse ComtalCe colloque national, organisépar le conseil général del’Aveyron, traitera de lavalorisation des espaces naturelssensibles, de leur gouvernanceainsi que de leur usage etconservation.Anthony Rouxel - 05 65 75 82 22

PROTECTION DE LA NATURE - HISTOIRE

24 et 25 septembre - ParisCette conférence internationaleveut donner une perspectivehistorique aux questions de laprotection de la nature en France.Organisée par l’association pourl’histoire de la protection de lanature, l’université de Paris-Sudet l’école doctorale d’histoiremoderne et contemporaine. http://[email protected]

CONGRÈS DES PARCS NATURELS RÉGIONAUX

6 au 8 octobre - Pourcy (51)Le congrès des Parcs se tiendradans le PNR de la Montagne deReims. Au programme: «La biodiversité, atout desterritoires?»Élise Rousseau - 01 44 90 86 32

FESTIVAL INTERNATIONAL GÉOGRAPHIE

7 au 10 octobre - St-Dié des Vosges«Bien gérer les forêts du mondeau service des hommes», tel serale thème de ces 21e rencontres del’association pour ledéveloppement du festivalinternational de gé[email protected] 29 52 66 78

RENCONTRES DES PARCS NATIONAUX

13 au 16 octobre - FloracLes rencontres des Parcsnationaux de France seconcrétiseront à Florac sur fond du40e anniversaire de la création duParc national des Cé[email protected] 42 96 87 63

l’agenda

Le Parc national du Mercantour etMountain Wilderness organisent, du 9 au14 juillet 2010, une 11e action de nettoyage

avec pour objectif cette année, celle des 30 ansdu parc, un secteur totalement débarrassé debarbelés. Le grand public est appelé à veniraider les agents et les bénévoles pour menercette opération à but à la fois esthétique,sécuritaire, mais aussi naturaliste. ●Carmen Grasmick - [email protected] 76 01 89 08 - voir aussi www.mercantour.eu

Laissez passer !

Comment évaluer la biodiversité? Laquestion se pose avec acuité, cetteannée peut-être plus particulièrement.

Aussi les chercheurs travaillent-ils afin dedéterminer des indicateurs susceptiblesd’objectiver l’analyse.Dans ce contexte, d’aucuns soutiennent que,outre l’approche scientifique, d’autressavoirs seraient tout aussi pertinents pourporter cette évaluation. Les savoirsvernaculaires par exemple, dont la validitélocale s’est construite au fil du temps, sur labase d’une expérience directe au territoire.Certes. Mais ces savoirs vernaculairestiennent-ils compte des changements,notamment climatiques, constatés depuisquelques années ? Quelle crédibilité peuvent-ils avoir aujourd’hui dans la gestion d’unespace à l’heure du bouleversementenvironnemental constaté? Les dictons quise construisent par l’observation fine dumilieu, sur le temps long, ne deviennent-ilspas obsolètes face aux transformationsactuelles ?Une chose est sûre : les indicateurs debiodiversité, qui se construisent àl’intersection des savoirs scientifiques et despratiques locales, doivent faire la part entreenrichissement issu des savoirs de terrain etremise en question d’éléments constitutifsd’une culture.Réapprendre à observer la nature devientnécessaire pour revoir nos vieux dictons. Il s’agit par là de compléter efficacement leregard scientiste porté sur l’environnementqui ne doit pas en être la seule entrée. ●

Aurélie JavelleIngénieur de recherche SupAgro [email protected]

Pour tenter d’apporter des réponses auxgestionnaires de plus en plus désarçonnés faceaux changements des milieux, Espaces naturelsn°33 proposera un dossier sur l’usage desindicateurs de biodiversité.

INDICATEURS DE BIODIVERSITÉ

Revoirnos vieux dictons

I LE COURRIER

« Âne quibrait sansfin, pluie lelendemain. »

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© Mountain Wilderness

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LE D

20 Espaces naturels n° 31 juillet 2010

Biodiversité des outre-merEnjeux universels, solutions singulières

Polynésie françaiseCollectivité d’outre mer •

Repères : 118 îles, 5 archipels : Gambier,Marquises, Australes,Société, Tuamotu •

220 000 hab. • 3 500 km² •

62 hab./km2 • Sommet :2 241 m. Décalage : - 10 h

Terres australes et anctartiquesfrançaisesTom • Repères : Terre Adélie,Kerguelen, Crozet, îlesAmsterdam et Saint-Paul,Europa, les Glorieuses, Juande Nova, Bassas da India,Tromelin… • Pas depopulation • 439 700 km² •

Décalage : entre + 2 h et + 4 h

GuadeloupeDom • Repères : Grande-Terre.Basse-Terre, la Soufrière •

420 000 hab. • 1 700 km² •

263 hab./km2 • Sommet :1 467 m • Décalage : - 5 h.

MartiniqueDom • Repère : montagne Pelée• 401 000 hab. • 1 128 km² •355 hab./km2 • Sommet : 1 397 m• Décalage : - 5 h

St-Pierre et MiquelonCollectivité d’outre-mer •

6 800 hab. • 240 km² •28 hab./km2 • Sommet : 240 m• Décalage : - 4 h

GuyaneDom • Repères : montagne deKaw • 230 000 hab. • 85 000 km² •4 hab./km2 • Sommet : 851 m •

Décalage horaire : - 4 h

ClippertonAdmin. par le Hautcommissaire de la Polynésiefrançaise • Pas de population •2 km² • Décalage : - 8h

MayotteDom en 2011 • Repères :Grande-Terre, Petite-Terre •

160 000 hab. • 377 km² •

425 hab./km2 • Sommet : 240 m •

Décalage horaire : + 2 h

RéunionDom • Repères : piton desNeiges, piton de la Fournaise •

785 000 hab. • 2 512 km² •213 hab./km2 • Sommet : 3 070 mDécalage horaire : + 3 h

”80 % de la biodiversité mondiale est présente dans cesterritoires français.L’outre-mer représente 97 % du domaine marin français.

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DOSSIERSOMMAIRE21 Outre-mers, univers divers.

22 Vincent Boulet : « Les erreurs. On va les payer très cher. »

24 Laure Bourraqui-Sarré : « Il nous a fallu adapter le cahier du garde. »

25 Michel Cantou : « Pour la sécurité des agents, une formation spécifique au milieu tropical. »

26 Sandrine Chalvet : « Ici, les missions de police sont plus dangereuses. »

Jean-Baptiste Schneider : « La nature est au centre de l’économie. »

27 Laoumi Aboutoihi : « L’enquête publique en shimaorais ! »

28 Pas de salut sans réseautage.

29 Léon Razafindrakoto : « L’étranger, c’est moi. »

30 Les habitants des atolls définissent leurs règles en référence à leur culture.

31 En Polynésie, l’analyse écorégionale marine vient de s’achever.

32 Prendre en compte l’histoire et l’organisation sociale.

Dossier préparé parLaure Vincent et Emmanuel Thevenindans le cadre du programme Temeum

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 21

Terres glacées antarctiques, ar-chipels sub-antarctiques, ar-chipels de l’Atlantique nord,

atolls, îles hautes de Polynésie, îlesvolcaniques et calcaires des Antilles,forêts tropicales primaires deGuyane… Avec son éparpillementgéographique, l’outre-mer françaisprésente une diversité de cultures,de paysages, de milieux naturelset d’espèces emblématiques. 80 %de la biodiversité du territoire fran-çais se trouve outre-mer.La France se situe dans le top 10des pays hébergeant le plus grandnombre d’espèces animales et vé-gétales menacées. Les enjeux ma-rins y sont fondamentaux. En effet,avec l’outre-mer, la France possèdele deuxième domaine marin aumonde, le seul à s’étendre à la foissur trois océans.Enjeu universel : chacun s’accordesur le niveau de responsabilité de laFrance et des ultramarins pour pré-server cette biodiversité.À ce titre, les meilleures initiativesconduites dans l’outre-mer françaisont vocation à rayonner dans leurssphères géographiques régionales :arc antillais, océan indien, paci-fique… Elles sont le reflet des ac-teurs engagés dans la gestion desespaces naturels et de la préserva-tion de la biodiversité.Aussi, protéger ce patrimoine re-vient à protéger la diversité cul-turelle et les modes de vie propresà ces régions.Mais concrètement, comment faire

s

au jour le jour? Comment cette res-ponsabilité se répartit-elle entre lesprérogatives nationales et locales ?Les gestionnaires d’aires protégéesde métropole ne peuvent-ils pasmieux bénéficier des expériences etacquis des outre-mers ? Commentintégrer dans sa pratique profes-sionnelle les fortes identités cul-turelles des populations ? Et, dansces territoires plus qu’ailleurs, com-ment concilier développement so-cial et économique avec préserva-tion de la biodiversité ?En effet, presque toutes les régionsfrançaises d’outre-mer localiséesdans la ceinture inter-tropicale fontface à une situation socio-écono-mique particulière : d’un côté, la po-pulation augmente rapidement (plusde la moitié des Guyanais sont âgésde moins de 25 ans), de l’autre, letaux de chômage est partout large-ment plus élevé qu’en métropole.Protéger la biodiversité comme based’un capital économique endogène,créateur de revenus et d’emplois lo-caux, implique de ne pas considé-rer ces territoires comme en sursismais comme en devenir.L’échange d’expériences et des voiesnouvelles explorées dans chacun deces territoires doit nous conduire àadopter les solutions singulières quirépondront à cet enjeu universel. ●Romain Renoux - [email protected] MartinezAgence des aires marines protégé[email protected]

Outre-mersUnivers divers

Nouvelle CalédonieCollectivité à statut particulier • Repères :Grande-Terre, îles Loyauté, Chesterfieldet Bellona, Hunter et Matthew, autresîles… • 207 000 hab. • 18 576 km² •Densité : 11 hab./km2 • Sommet : 1 628 m •Décalage horaire : + 9 h

Wallis et FutunaDom • 14 100 hab. • 215 km² •

66 hab./km2 • Sommet : 765 m •

Décalage : + 11 h

m •

Coordonné par l’Aten, le programme Temeum vise au renforcement descapacités des gestionnaires d’espaces naturels d’outre-mer (formations,informations, mise en réseau, développement d’outils, co-financement d’actions).http ://outremer.espaces-naturels.fr

Page 22: Espaces naturels

VINCENT BOULLET

22 Espaces naturels n° 31 juillet 2010

LE DOSSIER I BIODIVERSITÉ DES OUTRE-MERS

Les erreurs ? On va les payertrès cher

Vu de métropole, onparle de l’outre-mercomme d’un ailleurs

pluriel et si l’on s’accorde surune différence, on ne sait troplaquelle. On sait juste que là-bas, les enjeux de biodiversitésont «énooormes» avec plu-sieurs o pour bien soulignerla difficulté et l’urgence à agir.Mais comment qualifier etcomprendre la spécificité d’untravail de gestion outre-mer?Ancien directeur scientifiquedu Centre botanique nationaldes îles françaises de l’océanindien, Vincent Boullet a tra-

Présenté comme « la boîte à outilsjuridique » du Grenelle del’environnement, le projet de loi dit

Grenelle 2 1 est un texte d’application et deterritorialisation de la loi Grenelle 1 du3 août 2009. L’article 56 de cette loi estdédié à l’outre-mer. Il concerne notammentla sauvegarde de la biodiversité et desressources naturelles. Il vise à mettre enplace des dispositifs de connaissance, degestion intégrée, de protection des habitatset des espèces sauvages (tant terrestresque marines), comparables à ceux demétropole lorsque ces derniers ne sont pasapplicables (Natura 2000 ne s’applique pasoutre-mer).Il s’agit également de valoriser lesbiotechnologies vertes et bleues : enincluant notamment les plantes et espècesmédicinales dans la pharmacopée française,en veillant à l’application des articles 8 et 15de la convention sur la diversité biologique(5/06/1992).La loi Grenelle 1 visait à réaliser, d’ici fin2010, un inventaire de la biodiversité outre-mer ainsi qu’une synthèse desconnaissances permettant l’identification etla localisation des enjeux prioritaires,notamment en Guyane.Par ailleurs, des actions exemplaires enfaveur des récifs coralliens doivent êtremenées par le biais du renforcement del’initiative française sur ces récifs ou surdes espaces marins protégés.

Déclinaison pratique. Certainesdispositions à l’étude concernant l’ensembledu territoire français sont particulièrementpertinentes au regard des enjeux outre-mer.Il s’agit de mettre en place des Plansd’action espèces menacées : 131 plansd’actions sur la période 2009-2013, dont 88concernent des espèces présentes en outre-mer en danger critique d’extinction auniveau mondial. Autre exemple : consoliderle réseau des conservatoires botaniquesnationaux par la création de conservatoiresen Guyane, Martinique et Guadeloupe. Enmer, les dispositions relatives auxdocuments stratégiques de façade (littoral)doivent être adaptées à la situationparticulière des collectivités d’outre-mer.Par ailleurs, le texte vise l’autonomieénergétique en 2030 pour la Guadeloupe, laGuyane, la Martinique et la Réunion. ●

▼Le projet de loi Grenelle 2vise l’outre-mer

1. Le projet de loi «portant engagementnational pour l’environnement» a étéadopté par l’Assemblée nationale le 3 mai2010. À l’heure où nous mettons souspresse, il doit encore être discuté enCommission mixte paritaire (le 16 juin).Voir encart page 8.

ENTRETIEN AVEC

Après sept ans passés à l’île de LaRéunion, Vincent Boullet est actuellementdirecteur scientifique du conservatoirebotanique national du Massif [email protected]

ÎLE DE LA RÉUNION

Ancien directeur du Conservatoire botanique nationalde Mascarin (île de La Réunion), Vincent Boullet nousdonne quelques clés pour comprendre comment sepose la question de la sauvegarde de la biodiversitédans ces territoires d’outre-mer.

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INFOS PÉDAGOGIQUES

Page 23: Espaces naturels

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 23

vaillé sept ans à la Réunion.Il n’a de cesse d’expliquerpourquoi et comment la ré-flexion ne s’y «pose» pas dansles mêmes termes qu’enFrance métropolitaine. «Dansl’hexagone, explique-t-il, labiodiversité est issue de l’ac-tivité humaine. Quand le ges-tionnaire veut savoir ce qu’ildoit conserver, réhabiliter, re-naturer, il prend pour référentune diversité complexe, fa-çonnée par l’homme au coursdes siècles. Nos pelouses parexemple : nous apportons unevaleur à cette biodiversité se-condaire, laquelle possède uncaractère culturel.

Juste la diversité primaire.A contrario, dans ces systèmesinsulaires, seule compte labiodiversité organisée autourdes milieux primaires». Se fai-sant plus imagé, VincentBoullet poursuit : «Ce qui estanthropique, exotique, c’estl’ennemi !»Il semble logique, en effet, dedonner priorité à la conser-vation des milieux à vocationprimaire. Les derniers exis-tants à l’échelle mondiale !Leur perte serait telle qu’elleserait impossible à compen-ser. Du coup, la diversité se-condaire n’a pas d’intérêt au

titre de sa conservation. «Lessavanes, par exemple», pour-suit le directeur du conser-vatoire botanique national,« ces constructions anthro-pozoogènes sont intéres-santes, mais elles existentaussi ailleurs. Ce n’est pas lecas des pelouses altimontaines

ou des milieux de très hautealtitude qui développent untaux d’endémisme frisant les100% et qui constituent unepriorité absolue.»

Nature et société. La conser-vation vise donc à laisser, leplus possible, ces territoireshors de l’emprise de l’homme.Une position sous-tendue pardes enjeux sociaux. VincentBoullet confirme: «Impossibled’allier nature et société, leprincipe même est contradic-toire, les deux sont en concur-rence. Cela signifie que leur

place réciproque doit être dé-limitée et contingentée. Oravec 800000 habitants, l’île dela Réunion connaît une crois-sance économique perma-nente et une démographie galopante.L’acuité du problème résideentre la nécessité de préser-ver la biodiversité et celle deconsacrer de l’espace au dé-veloppement des sociétés hu-maines. Clairement, le ges-tionnaire est au centre d’unconflit pour l’aménagementdu territoire.Un conflit d’autant plus durque, depuis toujours, la sociétéréunionnaise s’est construiteen puisant sur les milieux pri-maires. Qu’elle ait eu besoinde ressources ou d’espace, ellea “pris” sur la nature.

Quel rapport à la nature. Lespeuples de ces îles sont tou-jours, majoritairement, danscette représentation d’une na-ture qui peut être asservie etservir (en usant d’outils demoins en moins tradition-nels). On braconne énormé-ment par exemple. Or, pourmettre en œuvre les politiques

publiques au service de la bio-diversité, il faut que la sociétéadopte une nouvelle positiondans son rapport à la nature ;qu’elle adhère à un nouveauréférent social et culturel enrupture avec le modèle passé.Elle doit faire sienne l’idée quece milieu ne supporte pas, ouplus, d’être pillé, perturbé. Lesgens doivent trouver d’autresmanières d’être, d’autressources de nourritures et deloisirs aussi… Il faut que ceschéma fasse référence dansles comportements indivi-duels et les choix collectifs.

L’accompagnement vers cettetransformation est aussi aucœur du métier du gestion-naire d’espaces naturels. C’estpourquoi, par exemple, leséquipes du parc national ten-tent de mettre en place desprogrammes susceptibles demodifier ce référent. »

Coercition. L’évocation de lacoercition, ou plus concrè-tement d’une seule police dela nature, pour modifier lescomportements humains faittressaillir Vincent Boullet.«Quand vous avez connu l’es-clavage et la domination descolons, l’interdit représente lepouvoir du colonisateur qu’iln’est pas illégitime de trans-gresser. Et du reste, ne vous ytrompez pas, lorsque vous ve-nez de l’extérieur, quoi quevous fassiez, vous êtes identi-fié au gouvernement, à l’au-torité. C’est pourquoi prati-quer la culture de l’interdit estcontre-productif. Elle prive lapopulation du sentiment deliberté associé à la nature, ellesuscite l’opposition.»On en conclura que la gestionde la biodiversité, à la Réunionen tout cas, nécessite de tra-vailler afin que l’interdit de-vienne une décision collective.

Humilité. Cette humble pos-ture du gestionnaire enversles populations locales se dou-ble d’une même humilité en-vers le milieu. En métropole,on est capable d’intervenir surune tourbière, on sait com-ment gérer les pelouses, com-ment mener des conduitespastorales… Mais, face auxmilieux primaires, il faut bienadmettre l’ignorance.On connaît si peu de choses surleur fonctionnement.«De fait, la grande spécificitéde ces milieux primaires c’estnotre absence de référence enmatière de conservation. On estdans l’expérimentaltotal, com-plète Vincent Boullet qui pour-suit, les erreurs? On va les payertrès cher.» Il y a donc une choseà retenir : ici plus qu’ailleurs,agir avec précaution. ●Moune Poli

“Les enjeux de la conservation sont simples :préserver des milieux primaires quin’existent nulle part. Ce qui ouvre desconflits de gestion du territoire.

Une ambaville jaune, millepertuisarborescent indigène de La Réunion, devantla plaine des Cafres et le piton des Neiges,plus haut sommet de l’île (3 070 m).

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LAURE BOURRAQUI SARRÉ

24 Espaces naturels n° 31 juillet 2010

LE DOSSIER I BIODIVERSITÉ DES OUTRE-MERS

L’adaptation des outils initiés ailleurss’avère impérativement nécessaire

Que les causes soient géographiques, historiques ou sociales, la situation outre-mer esttoujours spécifique. Les gestionnaires peuvent rarement utiliser, tels quels, les outilsgénériques. Ils doivent également développer compétences et connaissances propres auxbesoins de leur territoire. Quelques exemples montrent comment ils s’adaptent. Faisantd’ailleurs, ici ou là, figure de précurseurs.

« Il nous a fallu adapter le cahier du garde »

Chef de projet ONF à la directionrégionale de Basse-Terre.

En Guadeloupe, la gestion des cinquante pas géomé-triques1 protégés par le Conservatoire du littoral estassurée par les gardes du littoral communaux. L’ONF

et le Parc national confortent cette gestion courante parun entretien des écosystèmes. Or, à la variété des intervenantsse superpose une variété d’outils : efficaces, perfectibles, com-plémentaires mais non coordonnés et donc peu opération-nels pour la programmation de la gestion des sites dansson ensemble.Aussi, en 2008, le Parc national et l’ONF décident de déve-lopper une base de données numérique commune aux deuxorganismes en analysant les avantages et les inconvénientsde chacun des outils.L’ONF dispose d’un cahier du garde. Celui-ci est renseignémanuellement pour chaque site. Il s’agit d’un tableau de bordcomposé d’une fiche de description initiale, de fiches d’in-tervention et de fiches de bilan, lesquelles synthétisent lesactions engagées dans l’année. Cet outil est donc assez com-plet mais un document manuel est quelquefois difficilementlisible. Par ailleurs, il ne garantit pas la rigueur et la rapiditéde synthèse d’une version numérique.Les agents du Parc national renseignent, quant à eux, unebase de données informatique qui recense les infractions sursite. Les informations qu’elle offre sont par conséquent in-complètes pour assurer un suivi de la gestion courante dessites.Pendant un an, le choix des rubriques, l’organisation des don-nées et la fonctionnalité de la base font l’objet d’échanges en-

1. Bande littorale présente dans tous les départements d’outre-mer, large de 81,20 mètres. Elle est calculée à partir de la lignedes plus hautes marées. En Guadeloupe, parmi les 8 000 haprotégés par le Conservatoire du littoral, 1 800 ha concernent lescinquante pas géométriques.

tre nos deux structures. C’est Alain Ferchal, géomaticien au ser-vice Systèmes d’information qui assure le développement duprogiciel tandis qu’à l’ONF nous en testons les fonctionnalités.Aujourd’hui, ces données spatialisées sont accessibles par in-ternet. Elles permettent de suivre l’état du foncier (occupationsillicites, bornage, acquisition de nouvelles parcelles), d’assurerla gestion écologique (évolution des milieux, suivi des tra-vaux de restauration, propositions) et, également, l’accueil dupublic (état des équipements, recensement des besoins).La prochaine étape visera à permettre aux gardes du littoralcommunaux d’accéder à cette base. Après une période test,une extension de l’outil vers d’autres territoires pourra mêmeêtre envisagée. ●[email protected]

GUADELOUPE

”Ils en témoignent

Occupation illicite desterrains du Conservatoiresur la commune de Pointenoire (anse Caraïbe).

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Espaces naturels n° 31 juillet 2010 25

Immense mer végétale dont la démesure peut inquiéter, laforêt équatoriale amazonienne ne présente pas plus de me-naces que n’importe quel autre milieu extrême. Sa dan-

gerosité cependant est liée à la richesse du contexte naturelqui expose l’agent à une variété de situations techniques etenvironnementales.Dans ce milieu tropical humide, l’eau est omniprésente, lescours d’eau sont quasiment les seules voies de communica-tion et nécessitent de maîtriser des savoir-faire spécifiques.Sur terre, la densité de la forêt peut amener à se perdre. L’agentdevra savoir progresser, s’orienter, connaître les dangers etapprendre à survivre en situation d’isolement. Il devra aussiposséder des notions médicales et de premiers soins.Début février 2010, cinq jours de stage inscrits au cata-logue de l’Atelier technique des espaces naturels et organiséspar Innovaqua visaient à faire progresser la sécurité des agentsévoluant en milieu tropical. Les compétences croisées desix personnes ont été nécessaires pour répondre aux be-soins de quinze stagiaires originaires des parcs de Guadeloupe,de Guyane et amazonien.

Sur terre. Outre la description d’une carte IGN et de sescourbes de niveau, des exercices de déplacement en forêtvisaient à savoir utiliser une boussole, orienter une carte, in-tégrer la Déclinaison magnétique rapportée (DMR) ; sanscompter la maîtrise des astuces permettant de s’orienter avecle soleil, les cours d’eau, la montre, etc.Lors d’exercices pratiques, des équipes de quatre personnesont évolué en forêt démontrant, grande leçon de l’atelier, quese perdre peut rapidement devenir une réalité.L’installation des bivouacs a également fait l’objet d’un ate-lier. Comment choisir son emplacement, monter le hamac,

le protéger de la pluie, le sécuriser en élaguant au ras dusol pour éviter d’être exposé aux piqûres d’insectes ou auxanimaux la nuit venue ? Enfin, apprendre à allumer un feu.Essentiel en milieu humide, il réchauffe, rassure, protègeet n’est pas évident à réussir.Face à certaines situations, la formation s’est faite médi-cale. Le docteur Nicolas Heran a expliqué la composition d’unetrousse de survie, le brancardage de fortune, la réanima-tion cardio-respiratoire.

Sur l’eau. Unique voie de communication, exception faite del’hélicoptère, l’eau représente une des principales causes d’ac-cidents en forêt : par noyade.L’habileté des piroguiers à manœuvrer détermine la sécuritédu groupe. Le passage d’un saut par exemple est une ma-nœuvre très technique. Non-navigable au moteur, l’endroitest jalonné de pierres et le débit du fleuve est tel que la confi-guration apparaît comme un torrent bouillonnant. La miseen œuvre a mis en exergue quelques points de sécurité à amé-liorer tel le fait, avant le saut, de troquer ses lourdes chaus-sures de marche contre d’autres, plus légères, permettant denager en cas de chute.Mais ici comme ailleurs la réussite d’une mission passe parune planification de l’objectif et des moyens humains et struc-turels à mettre en œuvre : désigner un chef de mission, listerle matériel nécessaire, les moyens de transport, les rationsalimentaires, les réserves d’eau, etc. Étudier la cartogra-phie du parcours, identifier les obstacles, envisager le timingde progression, prévoir les lieux de bivouacs, convenir d’uncontact régulier avec l’employeur par téléphone satelli-taire, etc. La sécurité est l’art d’anticiper. ●[email protected]

« Pour la sécurité des agents,une formation spécifique au milieu tropical »

MICHEL CANTOU

Président d’Innovaqua.Association d’aide au développement et à la valorisation des zoneset activités aquatiques littorales et continentales.

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Le risque de se perdreest bien réel.

Page 26: Espaces naturels

Avec près de 400 habitants au km2, la mise en place d’unréseau de réserves biologiques en Martinique constitueune réponse pour la sauvegarde de la biodiversité en fo-

rêt publique. Ainsi, la réserve biologique intégrale de la mon-tagne Pelée a été créée en 2007. Suivie bientôt par la ré-serve intégrale de Prêcheur-Grand’Rivière, elles offriront, àelles deux, un espace protégé continu de la mer jusqu’au pointculminant de l’île. Mais la tâche n’a pas été aisée pour les ges-

tionnaires de l’ONF qui ont piloté le chantier.Dans une île où l’espace et les ressources sont limités, la fo-rêt constituait le fondement de l’économie et les habitudessont restées. Le gestionnaire a dû faire l’inventaire des usages.Et, que les pratiques soient traditionnelles ou récentes, les in-térêts sont divers et nombreux ! Pour l’agriculture et la pêche(confection des casiers), les habitants prélèvent du bois d’œu-vre et de jeunes tiges. Ils cueillent des plantes à valeur thé-rapeutique ou culinaire. Les jardins créoles (bananiers, co-cotiers…) se sont développés et avec eux, l’introductiond’espèces exotiques. Des familles squattent en forêt…Dans le domaine de l’économie touristique, la randonnée pé-destre a de plus en plus d’adeptes et des problèmes apparais-sent sur les crêtes sensibles à l’érosion. À noter aussi, la pra-tique du canyoning, de grands raids, du camping, du bivouac…La liste ne se veut pas exhaustive, elle souligne toute la dif-ficulté de mettre en place une réserve intégrale. Or, vu la tailledes surfaces mises en réserve (3000 ha), aucune police ne sau-rait être efficace. La gestion de tels espaces réside donc, né-cessairement, dans la concertation et la responsabilisationdes habitants et des touristes.Panneaux d’informations axés sur la réglementation et l’in-térêt patrimonial du site, communiqués de presse… sontles outils de l’immédiat. L’éducation à l’environnement estensuite la voie primordiale. ● [email protected]

LE DOSSIER I BIODIVERSITÉ DES OUTRE-MERS

« La nature est au centre de l’économie »

JEAN-BAPTISTE SCHNEIDER

Directeur régional à l’Office national des forêts en Martinique

MARTINIQUE

« Ici, les missions de police sont plus dangereuses »

Concevoir et animer des formations au commissionne-ment, comme nous avons pu le faire pour les agents enGuyane, suppose de répondre à des besoins propres liés

à une réalité professionnelle spécifique.Point névralgique donc : connaître les besoins.Or ici, tout d’abord, le rapport à la nature est différent. Celle-ciest nourricière (chasse, cueillette), guérisseuse, spirituelle. Ilen découle une dépendance directe à l’environnement qui peutrendre les missions de police plus dangereuses (mais aussides échanges plus concrets en formation). À acquérir donc: uneconnaissance des habitudes, des langages et des milieux, la-quelle s’avère essentielle pour éviter de se mettre en danger.La formation doit nécessairement aborder la problématiquedu territoire concerné en s’intéressant aux particularités desactivités, des espèces et des sites. Ainsi, de même qu’en Guyane,les exercices et examens répondent à la délicate question duramassage des œufs de tortues ; à la Réunion, les gardes sontamenés à «plancher» sur la cueillette d’herbes médicinales.

D’ailleurs, pour rester connecté à la fois au terrain et à sesacteurs, nous avons fait en sorte que les volets pratiques soientanimés par les brigades de police de l’environnement localescomme l’ONCFS, la Brigade nature océan Indien, le Parcnational de Guadeloupe ou encore la Brigade nature Mayotte.Conçu depuis la métropole, les principaux facteurs condi-tionnant la conception et l’animation d’une formation enoutre-mer sont le temps, l’éloignement et le coût induit. Or,si concernant les missions de police, les compétences atten-dues sont partout les mêmes, les formations en outre-mer sonttoujours plus courtes. Il nous a donc fallu revoir les objectifset les outils pédagogiques dans un esprit plus synthétique, plusopérationnel : guide de l’agent commissionné en outre-mer,tableau d’infractions spécifiques à chaque site…Cependant, de tous ces éléments, l’identification des besoinsreste le point faible ; organismes de formation et employeursdoivent travailler ensemble pour approfondir le sujet. ●[email protected]

Chargée de formation Aten collaboratrice sur le programme Temeum

SANDRINE CHALVET

La matoutou falaise, mygale endémique protégéede La Réunion, est très recherchée par lescollectionneurs et fait l’objet de nombreux trafics.

”Ils en témoignent

26 Espaces naturels n° 31 juillet 2010

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Espaces naturels n° 31 juillet 2010 27

« L’enquête publique : en shimaorais ! »

LAOUMI ABOUTOIHI

Chargé de mission à l’Agencedes aires marines protégées

L’aboutissement du processus de concertation qui, enjanvier dernier, a donné naissance au Parc naturel ma-rin de Mayotte ne doit rien au hasard. Faire chemi-

ner les populations vers l’acceptation d’un tel parc supposaitnécessairement d’être compris avant même de comprendreles réalités sociales, économiques et culturelles. La mis-sion1 a donc pris en compte le fait que nombre de Mahoraismaîtrisent encore mal la langue française. Ainsi, les deuxlangues majoritairement parlées sur l’île (shimaorais et shi-bushi) ont été systématiquement employées lors des échangesdestinés à recueillir les avis et dans les explications destinéesà promouvoir le parc. Dans le même esprit, la mission comp-tait trois agents recrutés localement et susceptibles de per-cevoir plus intuitivement les hommes et les réalités.L’équipe a ainsi sillonné les dix-sept communes de l’île pourexpliquer le projet. Elle a mené des entretiens avec les pêcheurs,les aquaculteurs, les acteurs du tourisme afin de saisir lesenjeux et problématiques de cette pêche vivrière.Prendre en compte les usages s’est également avéré indis-pensable. La pêche au djarifa par exemple, est-elle ou non des-tructrice? Celle-ci, pratiquée majoritairement par les femmes,consiste à prélever de petits poissons à l’aide d’un tissu faisantoffice de filet. Pour savoir s’il y a lieu de promouvoir cette pra-tique traditionnelle ou s’il convient de l’adapter afin de la ren-dre respectueuse de la ressource halieutique, une étude aété initiée avec une forte implication des femmes adeptes decette pêche.Par ailleurs, dans ce contexte où les gens participent diffi-cilement (difficultés de déplacements, d’appropriation duprojet…), une réflexion sur la mise en place de moyens adap-tés a fait jour. Les registres déposés en mairie ne devaient pasrestés vides de remarques ! Ainsi la communication s’est faiteau travers d’articles de presse, de spots TV et radio, là encoreen langues locales.

Participationde la mission« parc marin »à une pêchetraditionnelleau djarifa(tissu faisantoffice de filet)en vued’étudier cettepratique.

Quant aux propositions ouvertes à enquête publique et concer-nant par exemple les limites du parc ou les orientations de ges-tion, elles ont été déposées en mairie accompagnées d’unfilm en langues locales et diffusé en continu.Un des points forts de cette concertation repose sur la mo-bilisation de personnes « relais» dans chaque commune : desagents du conseil général. Là encore, des hommes du terrain.Un atout indéniable ! ● [email protected]. Placée sous l’autorité du préfet, la mission a été mise en placepar l’Agence des aires marines protégées.

PARC NATUREL MARIN DE MAYOTTE

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Au centre des enjeux pour la biodiversité : l’outre-mer et lanécessité d’élaborer des scénarios sur les changementsfuturs. Il est indispensable de synthétiser toutes les connais-

sances éparses mais aussi d’obtenir des séries longues dedonnées, complémentaires. Le Système d’information sur la na-ture et les paysages (SINP) vise depuis 2007 à la caractérisa-tion et la structuration de l’ensemble de la connaissance dis-ponible. Il s’appuie sur les nombreux systèmes d’observationet d’inventaire de la biodiversité existant. Avec la loi Grenelle 1,2010 a vu la création de l’Observatoire national de la biodiver-sité (ONB). Il a pour objectif, via des jeux complets d’indicateurs,de porter à connaissance l’état et l’évolution de la biodiversité,ainsi que les liens entre les activités humaines et la biodiversité.Il croisera les informations de synthèse produites par le SINPavec celles issues des autres systèmes d’information. Il s’arti-culera avec les nombreuses initiatives internationales comme laplate-forme sur la biodiversité « IpBes » actuellement à l’étude.Une réflexion est en cours visant à missionner, dans les différentsoutre-mers, des organismes relais qui porteront le projet de SINP.Des indicateurs spécifiques devront être développés. ●Avec le concours de Luc Mauchamp et Claude-Anne Gautier

L’outre-mer enjeude connaissance

OBSERVATOIRE NATIONAL POUR LA BIODIVERSITÉ

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LE DOSSIER I BIODIVERSITÉ DES OUTRE-MERS

où le tapir, espèce pourtant menacée, estchassable. Heureusement les dernières« orientations régionales de gestion etde conservation de la faune sauvage etde ses habitats » ont permis d’interdiresa commercialisation.Parfois, les pays frontaliers de la Guyanecomprennent mieux ses enjeux écolo-giques que la France. Une incohérence àlaquelle il est urgent de remédier, en s’ins-pirant, si nécessaire, du cadre législatifsouvent plus strict de nos voisins en ma-tière de protection de la biodiversité. ●Nyls de Pracontal - Directeur du [email protected] Riegel - Mission internationale [email protected]

EN SAVOIR PLUS

www.gepog.org.Propositions desassociationsornithologiquesultramarines auxdéputés et eurodéputésen matière de leviersjuridiques et financiers :« Avifaune des Dom : unpatrimoine, un atout. »

Pas de salut sans réseautage

Agir pour l’avifaune en Guyane! Afinde définir les espèces prioritaires,relayer des programmes globaux

de conservation, valoriser ses données etson expérience, le Groupe d’étude etde protection des oiseaux en Guyane(Gepog) est en lien quotidien avec la coor-dination de BirdLife Amériques à Quito(Équateur). Cette proximité permet laprise en compte des enjeux de conser-vation de Guyane dans les programmesde la sous-région comme dans ceux del’ensemble du continent américain.Ainsi, les résultats des comptages annuelsdes oiseaux d’eau sont transmis directe-ment à Wetlands Argentine et la Guyanefigure dans le plan de conservation desoiseaux d’eau des Amériques.Par ailleurs, l’outre-mer ne bénéficieni de la directive Oiseaux, ni de la direc-tive Habitats, faune, flore ni, donc, dudispositif Natura 2000. Aussi, privée deces trois piliers des politiques de conser-vation de la nature, la Guyane définit dessites d’importance mondiale pour laconservation des oiseaux (Important birdsareas-IBA) sur la base de critères mon-diaux établis par BirdLife international.

Ancrage national. L’enjeu est de fairereconnaître cette labellisation IBA au ni-veau des instances administratives etinstitutionnelles nationales et localesafin de nourrir les orientations juridiqueset financières des politiques de conser-vation françaises.L’articulation avec les réseaux d’ONGnationaux s’avère alors indispensable.Le Gepog s’appuie d’ailleurs sur la fé-dération France nature environnementpour le conseil juridique et le portagepolitique.Dans la même veine, l’appui de cette fé-dération, celle de l’UICN, ainsi que celledes membres du Conseil national de laprotection de la nature, a permis de dé-boucher sur l’établissement d’un schémad’orientation minier satisfaisant.La Ligue pour la protection des oiseaux,

GUYANE - GROUPE D’ÉTUDE ET DE PROTECTION DES OISEAUX

Conserver la biodiversité ultra-marine suppose d’intégrer des réseaux. Mutualiserinformations, outils et analyses conditionne l’efficacité de l’action. Le Groupe d’étude etde protection des oiseaux en Guyane fait la démonstration.

“L’outre-mer ne bénéficie ni de la directive Oiseaux ni de la directive Habitats ni, donc, du réseau Natura 2000.

représentante de BirdLife en France, estpartenaire d’actions de protection, de lob-bying ou de valorisation des associationsultramarines. Dans le domaine des es-paces naturels protégés, le Gepog est éga-lement lié à Réserves naturelles de Franceet bénéficie ainsi des initiatives de for-mation du réseau Temeum (Terres et merultramarines). Deux autres structuresnourrissent également les réflexions : lesconservatoires d’espaces naturels et leConservatoire du littoral.

Enjeux institutionnels et législatifs.L’appui de ce panel d’acteurs métro-politains est indispensable pour porterauprès des ministères en charge de l’en-vironnement et de l’outre-mer des amé-liorations législatives et pour se fairel’écho des attentes spécifiques des asso-ciations locales. La Guyane par exemple,est le seul département français où les es-pèces d’oiseaux non protégées sont, pardéfaut, chassables. Sur ce territoire oùn’existe pas de fédération de chasse, il n’ya ni période définie, ni quota, ni permisde chasse. De tout le bassin amazonien,la France est ainsi presque le seul pays

Un coq deroche, dansla montagnede Kaw.

© M. Dechelle - Gepog

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Espaces naturels n° 31 juillet 2010 29

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Aboutira, aboutira pas?La réserve de Kawtransformera-t-elle un

deuxième essai pour établir sonplan de gestion? À chaque fois,jusqu’ici, le document n’a puaboutir car trop vertement re-jeté par la population. Depuisquelques mois cependant, leclimat a changé avec l’arri-vée de Léon Razafindrakoto.Malgache en terre guyan-naise, le conservateur afficheprès de vingt années d’expé-rience dans divers pays et unefaçon toute personnelled’aborder la question.« Tout repose sur le proces-sus relationnel, narre-t-il. Levillage de Kaw abrite une cin-quantaine d’habitants per-manents. La réserve est leurlieu de vie et leur source derevenus. Je suis arrivé dansun contexte difficile où lesgens n’avaient reçu que despromesses d’un quotidienmeilleur. En réalité, la pro-tection ne leur apporte quedes contraintes. Leurs pro-blèmes, leurs questionsn’étaient pas pris en consi-dération. Le climat était à ladéfiance et à la démotivation.Certaines personnes sont il-lettrés mais, ici, elles sontchez elles depuis des généra-

tions; et vous, intrus venu res-treindre leur liberté, que re-présentez-vous? Ces gens sontles descendants des esclaves,en êtes-vous conscients ?Pour ma part, j’avais une vi-sion claire de ma posture : jereprésentais l’autorité, sanslégitimité.Aussi, j’ai joué la transparencedes relations humaines, del’écoute. J’ai pris le temps detaper aux portes, d’aller versles gens dans la rue, de dis-cuter comme on palabre poursoupeser et rencontrer l’au-tre. C’est à nous, «étrangers»,d’aller vers les gens. Eux, ilsnous regardent, ils nous sur-veillent, se demandent si noussommes vraiment sincères.Lors de ces relations infor-melles, je privilégie le rapportavec les anciens, les sages !Je suis un simple gestionnairemissionné pour établir unplan de gestion. Je ne suis ni

l’État ni le préfet et je cherchetoujours beaucoup de clartédans mon positionnement.Rien ne m’empêche d’être aucôté des populations.Ainsi, par exemple, un jour quedes véhicules avaient été sac-cagés, les villageois revendi-quaient plus de sécurité. Ils fai-saient barrage et empêchaientqui que ce soit d’entrer dansla réserve. Ils ont voulu, moiaussi, me contraindre.Ma réaction a été de montrerque nous étions dans la mêmegalère. En effet, aucun plande gestion ne peut être per-formant si on ne résout pasles problèmes de sécurité.« Moi aussi, on m’a volé despirogues», ai-je expliqué. J’aisigné leur pétition et noussommes allés, ensemble, voirle préfet. J’ai servi de passe-relle entre eux et l’adminis-tration et la confiance s’estvraiment instaurée.Pour être accessible, il fautaussi reconnaître la culturede l’autre. Lors d’une réunion,j’ai eu envie d’exprimer mondésir de travailler main dansla main avec eux. Aussi, j’aiparlé en créole. Et là… toutle monde a applaudi.Par cet acte, je voulais signi-fier que je reconnaissais la va-

leur de leur culture. Je saisaussi que, dans une réunion,quand les gens parlent leurlangue, c’est une manière demettre certaines choses à plat.Je n’y vois pas de défiance.Tout cela ne m’empêche pasd’affirmer mes positions, quipeuvent être en contradictionavec la population. Je peux, jesais, dire non.Je n’en suis pas moins res-pecté. Ma crédibilité repose surla parole donnée et sur le faitd’être fiable. Je suis conserva-teur et je cherche à ce que lesgens identifient mon posi-tionnement comme tel.Je ne veux pas confondre lesrelations de confiance, le res-pect et le copinage. On m’in-terpelle, et j’échange avectous, enfants ou adultes… ce-pendant, je reste ce que je suis.Récemment, par exemple, desjeunes m’ont invité pour leuranniversaire. J’ai décliné. »On serait tenté d’applaudirtant le positionnement estclair, cohérent, respectueux.Pourtant le plan de gestionest en retard et l’administra-tion complexifie la situationpar ses nécessités adminis-tratives. Rien n’est joué. ●Recueilli par Moune Poli

“Le conservateuraffiche une façontoute personnelled’aborder la question.

L’étranger, c’est moiGUYANE

Léon RazafindrakotoConservateur de la réserve de Kaw

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En Polynésie, le dialogue constitue l’outil privilégié pour favoriser unegestion durable des ressources.

LE DOSSIER I BIODIVERSITÉ DES OUTRE-MERS

En 2002, un projet viseà agrandir la réserve debiosphère de l’atoll de

Taiaro (Polynésie) à l’ensem-ble des sept atolls de la com-mune de Fakarava. La pro-position émane des élus deFakarava, du gouvernementde Polynésie française relayéepar le comité Mab1 France.En accord avec le concept etles pratiques des réserves debiosphère de l’Unesco, les rè-gles concernant l’usage desressources seront élaboréesavec les populations, les-quelles sont également solli-citées pour établir un zonagespatialisant les types de ré-glementations et modes degestion.Ici, où le milieu naturel offreles principales ressources (lamajorité de la population vitde la pêche, de la coprahcul-ture, de l’artisanat, de la perli-culture), certaines questionscruciales vont se poser: com-ment réglementer les prélève-ments d’œufs de kavekas(sternes fuligineuses), de ka-veu (crabe de cocotier) ou en-core ceux de coquillages en-démiques de Niau, de bénitiers,de pati (poissons laits), etc.

Accompagnement. Les ser-vices administratifs, membresde l’organe de gestion de laréserve, ne peuvent être enpermanence sur site, faute demoyens humains et finan-ciers. Ils choisissent tout demême d’accompagner les ac-teurs locaux dans l’élabora-tion des règles de gestion enréalisant de nombreuses mis-sions dans ces îles. Ainsi, sur

POLYNÉSIE FRANÇAISE

30 Espaces naturels n° 31 juillet 2010

“Les modes de régulationtraditionnels, à l’initiativedes habitants, doivent êtremis en valeur.

chaque atoll, des réunions pu-bliques sont organisées par lamunicipalité, permettant d’ex-pliquer ce qu’est une réservede biosphère, ses objectifs in-tégrés de conservation, d’édu-cation, de recherche et de dé-veloppement, et d’aboutir à lamise en place de différenteszones et des règles qui s’y ap-pliquent. La participation dela population est active.Les débats portent principa-lement sur la gestion des res-sources. Des conflits d’usagespeuvent parfois se révéler.L’atoll de Niau en est une il-

lustration puisqu’une partiede la population souhaite l’in-terdiction de l’exportation depoissons laits tandis qu’uneautre exprime son désaccord.

Identité et culture. Le dia-logue se fait en référence avecl’identité et la culture des po-pulations. Ainsi, certaineszones de la réserve renvoientà la culture du rahui poly-nésien : un outil de gestiontraditionnelle des écosystèmeset des ressources naturellesutilisé par les Polynésiensavant l’arrivée des Européens.

Celui-ci visait à garantir desréserves de nourriture ou lemaintien d’espèces particu-lières en restreignant ou dé-fendant l’exploitation de res-sources naturelles ou cultivées2.On note alors que trois desatolls ont intégré des rahuidans leur zonage pour des pé-riodes allant de six mois àdeux ans.La concertation aboutit éga-lement à la définition deszones à vocation touristique,agricole… et à l’ensemble desmodes de gestion des zonesterrestres et lagonaires.

Les habitants des atolls définissent leurs règles en référence à leur culture

Piège à poissons sur l’atoll de Raraka.

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Espaces naturels n° 31 juillet 2010 31

Les atolls sont représentatifs de ladiversité des situations

géomorphologiques, écologiques ethumaines de Polynésie : lagon fermé, à

une ou à deux passes, socle corallien.

En Polynésie, l’analyse écorégionalemarine vient de s’achever

La France possède le deuxièmedomaine marin du monde

La France possède le deuxième domaine marin au monde, le seul sur laplanète à couvrir les trois grands océans. 97 % de ce domaine se trouvedans les eaux ultra-marines dont près de la moitié en Polynésie française.

La France abrite aussi 20 % des atolls et 10 % des récifs coralliens de la pla-nète, quatre écorégions marines prioritaires avec des zones d’importance in-ternationale pour les espèces menacées telles que les tortues marines, lescétacés ou les oiseaux de mer. ●

POLYNÉSIE FRANÇAISE

Mise en place dans le but d’iden-tifier les réseaux de sites d’airesmarines protégés d’intérêt prio-

ritaire, l’analyse éco-régionale (AER) seconcentre sur les grands objectifs deconservation : hot-spots de biodiversité,échantillons représentatifs des écosys-tèmes, processus écologiques… Ellecherche également à identifier les activi-tés liées à la mer, porteuses de dévelop-pement économique durable, afin de dé-velopper des orientations stratégiques àmoyen et long termes pour leur conser-vation et leur gestion.Le travail d’analyse des données biolo-giques, écologiques et socio-économiques,porté par des experts et des scientifiques,s’accompagne d’une importante consul-tation des acteurs.Les connaissances acquises lors de l’AERsont ensuite croisées pour identifier lessites porteurs des enjeux les plus forts.En Nouvelle-Calédonie, par exemple, cettedémarche conduite de 2005 à 20082 a per-mis de justifier du caractère exceptionneldes sites et d’aboutir au classement desrécifs au patrimoine mondial de l’Unesco.

En Polynésie française, une analyse éco-régionale marine vient de s’achever.Conduite pour le gouvernement poly-nésien par l’Agence des aires marines pro-tégées et le WWF-France, elle a identifiécinquante-huit îles ou atolls (près de 50%des îles polynésiennes) comme étant remarquables.En termes d’application pratique, l’ana-lyse permet de hiérarchiser les priorités.En Polynésie, seize îlots sont qualifiés d’in-térêt prioritaire majeur et trente et un d’in-térêt prioritaire. L’AER permet égalementde juger des besoins de connaissance. Ici,onze îlots ont été catalogués de poten-tiellement importants mais mal connus.Après présentation de ces résultats dans lesdifférents archipels, cette stratégie de créa-tion des aires marines protégés de Polynésiefrançaise sera officiellement promulguéepar le gouvernement. Elle conduira au dé-veloppement d’un réseau d’espaces pro-tégés, administrés et gérés différemmenten fonction des enjeux identifiés. ●Catherine Gabrié - WWF et Agence desaires marines protégé[email protected]

1. Les objectifs nationaux visent laprotection de 20 % des zones marines sousjuridiction française en 2020 (10 % en 2012).2. Conduite par le WWF avec lesfinancements du Crisp (Coral reef initiativesfor south pacific) et de l’Ifrecor (Initiaverécifs coralliens pour le Pacifique sud).

En bleu, les zones économiquesexclusives (ZEE) françaises. Unezone économique exclusive est unespace maritime sur lequel un Étatcôtier exerce des droits souverainsen matière économique.

La Convention sur la diversité biologique (traité international adopté àRio de Janeiro en 1992) se fixe pour objectif le développement de réseauxreprésentatifs d’aires marines protégées d’ici 20121. Ces réseaux sontidentifiés par le biais d’analyses écorégionales.

© Fred - Wikipédia

Révision. Certaines règlesainsi définies se sont révéléesinappropriées ou inapplica-bles. À la demande de la po-pulation, elles devront être ré-visées. Certaines zones derahui par exemple, sont au-jourd’hui remises en cause.Un processus de révision estdonc en cours, et les admi-nistrations locales poursuiventleur accompagnement de dé-finition de mesures de gestion.Le comité de gestion de la ré-serve de biosphère (il re-groupe les principales partiesprenantes de l’ensemble dessept atolls et est présidé parle maire de Fakarava), re-cueille et étudie toutes lespropositions à cet effet.Par ailleurs, plusieurs asso-ciations permettent un tra-vail de relais. Constituées surdivers atolls, elles visent lamise en œuvre des mesuresde gestion et la valorisationde la réserve de biosphère. Officiellement désignée en2006 par l’Unesco, la réservede biosphère est inscrite dansle droit de la Polynésie fran-çaise. Si les changements ap-portés au zonage et aux mo-dalités de gestion se révèlentimportants, l’Unesco en serainformé. ●Catherine Cibien - Mab1

[email protected]. Man and biosphere.2. On posait un rahui pour unedurée définie, au cours delaquelle la ressource peut sereconstituer (sur une zonedélimitée ou sur des espèces).©

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32 Espaces naturels n° 31 juillet 2010

Le vieux Joseph interpelle lestechniciens chargés de la ges-tion participative des airesmarines: les seuls critères bio-logiques et écosystémiques nesuffiront pas à l’organiser.Pour gérer les espaces et lesespèces, il faudra tenir comptedes enjeux humains et de l’or-ganisation coutumière des po-pulations locales, de tout unhéritage culturel riche etcomplexe ignoré par l’admi-nistration, et qui, de fait, s’ef-frite. Sur le domaine publicmaritime hérité de l’admi-nistration française, deux lé-

En cette fin d’année 2007sur l’atoll d’Ouvéa, enNouvelle-Calédonie, le

projet d’inscription des récifssur la liste du Patrimoinemondial de l’Unesco ne cessed’alimenter les conversationsdes 2500 habitants de l’île. Enréunion dans la case de lachefferie, le « vieux » Josephprend la parole : « C’est lesvieux d’avant qui ont mis leschoses comme ça ! Y fautqu’on range sans déranger…Derrière le caillou aux mulets,y a des gens, mais moi, je peuxpas parler parce que c’est àeux ça !»

Les traces vivantes d’unehistoire douloureuse. Certes,ce projet d’inscription àl’Unesco serait une recon-naissance de la valeur natu-relle exceptionnelle du lagoncalédonien, pour sa taille – le

gitimités cœxistent sans re-lation entre elles, sans se re-connaître, celle de l’adminis-tration qui a compétence enmatière environnementale etqui agit avec des outils légaux,et celle coutumière qui orga-nise l’espace par la parole.Pour la population de l’île,le projet représente donc unformidable enjeu de recon-naissance culturelle et deprise en compte de la territo-rialité identitaire kanak. Maisvoilà, c’est compliqué.

Une organisation claniste.Des semaines d’enquêtes révè-lent qu’un clan «gardien» dé-signé par une chefferie estchargé du lieu où fraient lesmulets. Pourtant, ce clan n’apas de légitimité pour en par-ler en public et est absent desréunions. On découvre aussique la chefferie qui l’a dési-

Chefferie de Fayawe,à une dizaine dekilomètres de Mouli.

LE DOSSIER I BIODIVERSITÉ DES OUTRE-MERS

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Prendre en compte l’histoireet l’organisation sociale

“Pour gérer les espaces et les espèces, il faut tenir compte de l’organisationcoutumière des populations, de tout unhéritage culturel riche, et ignoré parl’administration ».

plus grand du monde –, etpour la diversité stupéfiantede ses récifs coralliens et éco-systèmes associés. En cestemps de changements et demenaces sur l’environnementde la planète, chacun ici esten mesure de comprendre laportée mondiale du projet.Mais sur l’île d’Ouvéa, il prendaussi une tout autre dimen-sion pour la population kanakqui se remet doucement dulourd tribut qu’elle a payé du-rant la guerre civile pour l’in-dépendance des années 80 (19morts lors d’une prise d’otage).

En Nouvelle-Calédonie, l’inscription du lagon au patrimoine de l’Unesco relève le défi d’unegestion participative. Elle prend en compte la complexité de la construction sociale et traitede la relation des hommes entre eux, à propos de la nature.

NOUVELLE-CALÉDONIE

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Espaces naturels n° 31 juillet 2010 33Espaces naturels n° 31 juillet 2010 33

gné n’est pas la chefferie locale,mais une chefferie ancienne par-lant une autre langue et dépla-cée dans un autre district del’île, chefferie non reconnue parl’administration malgré son or-ganisation sociale en réseaubien vivante… Chaque fil quel’on tire de l’écheveau de l’or-ganisation coutumière com-plexe révèle de nouveaux enjeuxterritoriaux, sociaux, identitaireset culturels cachés dans uncontexte parfois conflictuel hé-rité d’une histoire douloureuse.

L’occasion de faire recon-naître l’identité kanak. EnNouvelle-Calédonie, ce projetd’inscription au Patrimoinemondial de 15000 km2 de la-gon est une occasion d’orga-niser la gestion participativede l’environnement, de fairereconnaître concrètement lesliens aux territoires, l’identitékanak et les autorités coutu-mières qui régissent le quoti-dien d’une partie importantede la population. Depuis 2007,les trois provinces (Îles, Nordet Sud) et les habitants deNouvelle-Calédonie ont par-tout monté des comités degestion rassemblant toutes lesparties prenantes, avec la vo-lonté de répondre aux nou-veaux enjeux de gouvernanceliés au patrimoine naturel etculturel. Les responsables po-litiques et la société calédo-nienne dans son ensemble, parcette volonté de travailler en-semble, nous rappellent avecforce que la gestion environ-nementale n’est pas qu’unequestion de relation del’homme à la nature, maispeut-être, surtout, de relationdes hommes entre eux à pro-pos de la nature. ●Pascal Hébert Biologiste marinJean-Brice HerrenschmidtGéographeSven Menu - Juriste del’environnementGIE Océanide, Pôle d’expertiseet de recherche pour la gestionintégrée des territoires et del’environnement,Centre IRD de Noumé[email protected]

Vous aimez dire qu’outre-mer, la naturen’est pas un décor mais un personnage,qu’est-ce que cela signifie ?

Il y a, en Europe, une idée qui consiste àpenser que nous pouvons nous rendremaître et possesseur de la nature. L’objetde la réunion des hommes en société estde lutter contre la nature disait-on au 18e

siècle. Cette pensée occidentale a émigrévers l’Amérique au moment de la colo-nisation. Ceci explique la tentative d’ex-ploitation à outrance de la nature aumême titre que l’exploitation humaine.Mais outre-mer, la nature n’est pas per-

çue de cette manière. Nos sociétés sontun condensé d’humanités venantd’Afrique, d’Europe, d’Asie, d’Amérique ;elles sont constituées d’une humaine di-versité construite sur l’esclavage, la traite,les immigrations diverses. Nous avonsvécu l’aliénation de l’homme, tandis quela nature subissait la même exploitationavec la monoculture et l’utilisation à ou-trance de ces ressources sans se préoc-cuper de sa protection.Aussi dans le combat des révoltés, lanature est-elle perçue comme étant ducôté des opprimés ; contre l’oppresseur.C’est elle qui offre le refuge, les fruits, lachaleur. La nature était le lieu d’accueildes résistances. Elle participe à notre his-toire et elle est célébrée comme une al-liée. À ce titre, c’est un personnage aveclequel s’est installé une connivence. Lespeuples de Caraïbes ne peuvent oublierque tout doit être fondé sur une allianceentre la biodiversité naturelle et humaine.

« Ici, la nature se range du côté des opprimés »

Daniel MaximinRomancier, poète et essayiste, né en GuadeloupeDaniel Maximin est en charge de l’organisation de l’année des outre-mers français pour 2011.

Il y aurait outre-mer une conscience plus« juste » du rapport à la nature ?

L’outre-mer est traversé par des contra-dictions. Car au fond, c’est bien un mo-dèle européen d’exploitation de la naturelié à l’exploitation de l’homme qui a étéimposé. Ce modèle génère des contra-dictions avec celui de résistance contreles systèmes oppresseurs.Que voulez-vous, les peuples ne sont pasnaturellement écologistes et parfois l’an-

cienne victime reproduit les modalitésde l’oppresseur…Mais ici la nature n’est jamais considéréeni comme une personne faible et fra-gile qu’il faudrait protéger contre la puis-sance de l’homme, ni comme un ennemià dompter ou à abattre.Elle offre l’image de la vitalité, car mêmeses cataclysmes font partie de la vie. Levolcan par exemple est le créateur de l’îleau milieu de la mer. Il y a un vrai res-pect de la force de cette nature. Un respectque traduit fort bien cette pensée amé-rindienne: «Le cyclone vient détruire toutce qui n’aurait pas dû être construit.» ●Recueilli par Moune [email protected]

RENCONTRE AVEC

“La nature fait partie denotre histoire, elle estperçue comme unpersonnage, une alliée.

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34 Espaces naturels n° 31 juillet 2010

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RÉSERVE DE BIOSPHÈRE DE FONTAINEBLEAU ET DU GÂTINAIS

Happy cultureL’abeille au cœur d’un jeu de rôlesUn jeu de rôles autour de l’activité apicole permet aux collégiens decomprendre la complexité des jeux d’acteurs du territoire de la réserve.

Activité traditionnelle enGâtinais, l’apiculture n’en gé-nère pas moins des conflits

d’usage. Depuis deux ans, et pourrépondre à la demande de profes-seurs de collège, la Réserve de bio-sphère de Fontainebleau et duGâtinais élabore un jeu de rôles.Celui-ci s’adresse à des collégiens afinqu’ils se forgent leur opinion et com-prennent comment l’apiculture in-teragit sur le territoire et génère desrelations entre les divers acteurs.Dans ce jeu, conçu pour être facile-ment pris en main par un professeur(pour une demi-classe), les élèveschoisissent de s’identifier soit à unapiculteur, soit à un forestier soit,encore, à un agriculteur.Sur un plateau, le territoire de la ré-serve de biosphère est représentéavec ses zones forestières, agricoleset urbaines. Chaque joueur va, à tour

de rôle, intervenir pour faire deschoix qui aboutissent à aménager leterritoire.Tel agriculteur va planter du bléou du colza ici, alors que tel api-culteur retirera ses ruches de là,pour les positionner plutôt dans uneforêt avec des robiniers ; à condition,bien sûr, d’avoir l’autorisation du forestier. Celui-ci va-t-il accepter ? Est-ce son intérêt ? Pourquoi ?Comment? Au fil du jeu, les jeunesparticipants, qui produisent du bois,du miel ou du blé qu’ils peuventéchanger, modifient leur stratégie.Ils adaptent leur comportement aufur et à mesure qu’ils comprennentla logique des autres acteurs.Au début de la partie, chacun reçoitquelques consignes. Sur une ficherécapitulative, chaque acteur/joueurdécouvre les grandes règles qui ré-gissent ses actions : quelle culture

1. Broute-la-Motteà Ouessant ou

ButorStar enCamargue sont

des jeux de rôlessimilaires utilisésavec des lycéens

et dansl’enseignement

supérieur.

Page 35: Espaces naturels

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 35

FORUM PROFESSIONNEL I PÉDAGOGIE ANIMATION

planter, à quelle saison; où trouverdes ressources pour les abeilles pen-dant une année entière… De mêmel’agriculteur peut choisir de « fairedu bio» ou non. Il devra alors suivredes règles spécifiques à son choix.

Suivre la méthode. Appréhenderles interactions et implications desmultiples acteurs. Pour répondreà cette ambition, les créateurs dujeu se sont appuyés sur la méthodeArdi. Quatre lettres pour signifierque les Acteurs, Ressources,Dynamiques, Interactions existantssur le territoire vont être identi-fiés tour à tour. Afin, in fine, de cer-ner les enjeux impliquant l’acti-vité apicole et d’élaborer un modèleconceptuel du fonctionnement del’apiculture sur le territoire. Ce mo-dèle, représenté par un schéma (ci-contre) a nécessité une collecte im-portante de données scientifiques.En effet, s’il peut être simple denommer les acteurs, il est plus ardud’identifier les ressources du terri-toire et de savoir comment en ga-rantir une utilisation durable. Demême, il est moins aisé de repérerles dynamiques entre les ressourcesdisponibles et les acteurs.Le schéma synthétique final décritcomment chaque utilisateur des res-sources interagit sur le territoire. Ilillustre, par exemple, que si le fo-restier ne régule pas la populationde sanglier, celle-ci, trop importante,peut sortir du bois et se nourrir dansles champs. Les dégâts peuvent êtredommageables pour l’agriculteur,mais aussi (en poussant à l’extrême)pour l’apiculteur si les abeilles n’ontplus assez de fleurs à butiner dansle champ.La méthode a nécessité de rencon-trer les acteurs (apiculteurs, agri-culteurs, ONF, PNR du Gâtinais fran-çais, chercheurs…) afin de leur faireexprimer leur propre vision du ter-ritoire (en rapport avec leur activité).La synthèse de ces données a permisd’établir le modèle final ensuite va-lidé par les acteurs eux-mêmes.Des demandes spécifiques des pro-fesseurs tels les effets du climat, lecycle biologique des abeilles ou laclassification du vivant ont été éga-lement intégrées au jeu.

Phase de test. Aujourd’hui, le jeuest en phase de test. Les premièresévaluations montrent qu’à l’issue de

La méthode Ardi a été développéepar un collectif de chercheurstravaillant sur la modélisation

d’accompagnement (groupe ComMod).Elle vise une dialectique entre leterrain et la recherche. Son applicationà la conception de jeux de rôles1

comme outils de médiation estparticulièrement pertinente pour lesgestionnaires d’espaces naturels, carelle permet de franchir les frontièresdisciplinaires et de comprendre lacomplexité des territoires. Selon lesexpériences et les outils mis en place,la démarche a pour objectif soit de co-construire un système multi-agentsreprésentant les interactions entrenature et sociétés, soit de modifier laperception des acteurs ou leurs façonsd’interagir, soit encore de modifier lesactions qu’ils entreprennent. ●

EN SAVOIR PLUS• www.commod.org• Co-construction d’un modèled’accompagnement selon la méthode Ardi :guide méthodologique. ComMod, M. Étienne, 2008, 71 p.http://cormas.cirad.fr/pdf/guideARDI.pdf• Repères méthodologiques pour la mise enœuvre d’une démarche de modélisationd’accompagnement. W. Daré, R. Ducrot, A. Botta, M. Étienne, 2009, Cardère éd.,Laudun, 127 p.

La méthode Ardi

leur partie, les joueurs sont effec-tivement capables d’établir des liensentre produits de consommation,acteurs, territoire et ressources na-turelles. La plupart découvre les dif-férentes méthodes de cultures et leursintérêts, parallèlement aux problèmesengendrés par les pesticides ou la dif-ficulté de s’installer en agriculturebiologique. Les joueurs, par exem-ple, relient la chasse au besoin decontenir les populations de sanglier.La marge d’amélioration réside dansla compréhension de certains conceptscomme la dynamique des milieux ou-verts et la problématique de leurconservation.La richesse des informations faitde ce prototype un outil éducatif uti-lisable hors contexte scolaire (cen-tres de loisirs), mais impose de nom-breuses explications au départ. Cetinconvénient pourrait être réduit enaméliorant les supports graphiques.Une phase de validation avec des pro-fesseurs et le conseil d’éducation dela réserve finalisera ce jeu dont ladiffusion est envisagée aux collègesdu territoire. ●Adeline Destombes - [email protected] Etienne - Inra [email protected]

CONTACTER [email protected]

ACTEURS, RESSOURCES, DYNAMIQUES, INTERACTIONS

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Apiculteur

Ruches et abeilles

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Forêt domanialeForêt privéeChamp et prairie

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APICULTURE : MODÈLE DES INTERACTIONS SUR LE TERRITOIRE

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Aussi surprenant que celapuisse paraître, les araignéesreprésentent un groupe par-

ticulièrement utile en tant qu’indi-cateurs de la qualité des habitatset des modes de gestion. Un en-semble de caractéristiques concourtà en faire un modèle biologique (lar-gement sous-exploité) pour suivreet évaluer les pratiques de gestion.Ainsi, les gestionnaires d’espaces na-turels peuvent-ils estimer la va-leur de conservation des habitats enfonction du nombre et de l’abon-dance des espèces d’aranéides in-féodées qu’ils abritent. D’autant quela composition spécifique des com-munautés peut varier rapidementlorsque les biotopes se modifient.Environ 1 600 espèces d’aranéidesexistent en France métropolitaine.Elles exploitent une grande diver-sité d’habitats, avec une densité depopulation et une richesse spéci-fique souvent remarquables.

36 Espaces naturels n° 31 juillet 2010

FORUM PROFESSIONNEL I ÉTUDES RECHERCHES

Certaines espèces ont des exigencesécologiques strictes, c’est pourquoiles bases de données sur la distri-bution des espèces permettent d’éva-luer l’état du milieu. Pour ce faire, une méthode récem-ment mise au point s’appuie surl’analyse de la rareté des espèces àl’échelle régionale ou nationale.

Échantillonnage. La première dif-ficulté réside dans la constitutionde l’échantillonnage. Quelles espècesd’aranéides va-t-on retenir pour uneétude territorialement définie ?La diversité des modes de vie desaraignées suppose, pour connaîtrela composition en espèces locales,d’utiliser des méthodes variées etcomplémentaires entre elles. Le pié-geage d’interception ou encore lachasse à vue ou au filet fauchoirconstituent deux exemples que dé-taille l’encadré page ci-contre.

Définir les paramètres. Deuxièmeétape, le choix des paramètres : queva-t-on regarder ? À quoi l’étude va-t-elle s’intéresser? Deux types deparamètres sont classiquement re-tenus: la richesse spécifique (le nom-

Essentiellement prédatrices, les araignées présentent desmodes de chasse très variés. Les arachnologues distinguentdifférents groupes fonctionnels (guildes), réunissant souvent

une ou plusieurs familles.Certaines espèces diurnes (Lycosidæ) ou nocturnes (Clubionidæ)chassent à courre, cherchant à gagner leurs proies de vitesse.D’autres, telles les araignées-crabes (Thomisidæ) se tiennent dansla végétation à l’affût. Les Salticidæ, pour leur part, sautent surleurs proies. Un grand nombre d’araignées ont aussi développé despièges : les espèces à toiles géométriques construisent des toilesverticales, alors que d’autres construisent des toiles soit en nappehorizontale (Linyphiidæ), soit en réseau (Theridiidæ), ou même entubes ouverts (Segestriidæ) voire fermés comme les mygales de nosrégions (Atypidæ). ●

Les araignées en groupes fonctionnels

Les araignées au fil de la gestionMÉTHODE

bre d’espèces présentes dans le bio-tope) ou encore l’observation despopulations d’espèces inféodées aumilieu. L’usage de ces paramètress’illustre par exemple dans une étudemenée sur les marais salés de la baiedu Mont-St-Michel (Ille-et Vilaineet Manche). L’observation d’uneforte diminution de la richesse spé-cifique du biotope a mis en évidencel’impact négatif d’un sur-pâturageovin sur les araignées. Cette ob-servation, qui a été conduite parla comparaison de l’espace pâturéavec des zones témoins, montre éga-lement que la réponse des espècesinféodées aux milieux salins était,elle, contrastée1.La méthode récemment développéeva s’intéresser à un paramètre d’unautre ordre : la rareté relative del’échantillon, à savoir l’assemblage desespèces colonisant un habitat donné. Pour ce faire, chaque espèce reçoitune notation : un poids de rareté.L’ensemble de ces poids pourra alorsêtre additionné pour se traduireen un indice unique (entre 0 et 1)reflétant la valeur conservatoirede l’habitat étudié. Comment celase déroule-t-il ?

L’étude des assemblages d’araignées permet d’estimer la valeur conservatoiredes habitats. Novatrice, cette méthode…

RÉSERVE NATURELLE DE MARAIS DE SÉNÉ

La présence d’espèces d’araignées (de très rares à peu communes) met enévidence la qualité de gestion du milieu.

INFO PÉDAGOGIQUEEspècestrès rares

■ Marais salé non pâturé ◆ Prairie sub-halophile non pâturée● Marais salé pâturé ▲ Prairie sub-halophile pâturée

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Espèces de très raresà peu communes

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Espaces naturels n° 31 juillet 2010 37

▼Échantillonner les araignées ?Deux méthodes complémentaires

Le piégeage d’interception : le piégeage au sol est fréquemment réalisé àl’aide de systèmes dits de type «Barber». Il comprend un tube enterré defaçon à ce que son bord supérieur affleure la surface du sol. Un pot est placé àl’intérieur, surmonté d’un entonnoir qui empêche la capture de petitsvertébrés : les arthropodes errants sont ainsi interceptés et tombent dansl’entonnoir puis dans le récipient-collecteur. Grâce à cette méthode, il estpossible d’appréhender la composition et la diversité des assemblages, lesespèces dominantes, et de calculer une activité-abondance des espèces. Le nombre de pièges par unité de végétation est déterminé par un nombreminimum de trois réplicats pour effectuer correctement les traitementsstatistiques et par le temps nécessaire au tri et à l’identification des individus.Cependant, si elle permet la capture des espèces mobiles sur le substrat, cetteméthode ne donne pas la composition arachnologique complète d’un milieu.

La chasse à vue et le filet fauchoir complètent les pièges Barber par lacapture d’aranéides à toile ou sédentaires. La chasse à vue peut êtrestandardisée par unité de temps (par exemple : un observateur expérimentédurant 1 heure) ou de surface. Le filet fauchoir peut être normalisé par unnombre de coups délimité par unité de longueur (quelques dizaines demètres). La chasse à vue comme le fauchage restent toutefois plus difficiles àstandardiser que le piégeage au sol. ●

Calculer le poids de rareté. Chaqueespèce de l’échantillon va se voir at-tribuer un poids de rareté, disions-nous. Poids qui repose sur une for-mule mathématique susceptible derelativiser l’observation. Ainsi plusune espèce est rare, plus son poidsest fort.Ce calcul mathématique permet derelativiser l’occurrence des indivi-dus observés en fonction de la ra-reté locale de l’espèce.Il permet également de moduler cepoids selon que l’espèce est rareou commune. Ainsi, si l’on consi-dère quatre espèces dont l’occur-rence est respectivement de 2%, 5%(rare), 50 % et 55 % (commune),la différence de poids entre l’espèceprésente à 2 % et celle à 5 % seraplus importante qu’entre les espècesde 50 et 55%.La formule mathématique suit doncune fonction exponentielle inverse.

Calculer l’indice de conservation.Un indice de conservation peut alorsêtre calculé. Il est la résultante dela somme des poids de rareté des es-pèces présentes, divisée par la ri-chesse spécifique de l’assemblage.

L’indice 0 laisse apparaître quetoutes les espèces sont très com-munes. Tandis que l’indice 1 traduitque toutes les espèces de l’assem-blage ont un poids maximal, parcequ’elles sont très rares. La gestionconservatoire est optimale.

Pertinence. Afin d’évaluer la perti-nence de ces indices, la méthode a ététestée dans la Réserve naturelle desmarais de Séné (Morbihan) (voir fi-gure p. 36). Les résultats mettent enévidence que :• le marais salé non pâturé figureparmi les 25% meilleurs marais sa-lés de l’Ouest de la France ;• il en est de même pour la prairiepâturée mais seulement pour les es-pèces les plus rares ;• les indices des marais salés pâ-turés et de la prairie sub-halophilenon pâturée ne figurent pas parmi

1. Le pâturage favorise certainesaraignées de petite taille et à fortpouvoir colonisateur telles lesErigonidæ, cependant qu’il défavorisecelles de plus grande taille à l’exempledes araignées-loups ou Lycosidæ.

À gauche, uneArctosa fulvolineata,une araignée-louprare des zoneslittorales. À droite,l’épeire diadème(Araneusdiadematus), uneespèce trèscommune en France.

“Un indice de rareté a étécréé. Cette formulemathématique est baséesur la proportiond’espèces d’aranéidesrares constatée ainsi quesur l’intensité de leurrareté.

les 25% meilleurs, et ne présententdonc pas d’intérêt particulier au ni-veau régional.L’étude apporte ainsi la preuve quel’indice de conservation permetde faire une lecture globale et ra-pide de la valeur conservatoire deshabitats. Elle démontre égalementl’intérêt des araignées dans le suivides habitats en lien avec les prio-rités de gestion. ●Julien PétillonUniversiteit [email protected] Leroy - Alain CanardFrédéric YsnelUniversité de Rennes 1

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38 Espaces naturels n° 31 juillet 2010

FORUM PROFESSIONNEL I MANAGEMENT MÉTIERS

Yves Gilly, comment conce-vez-vous la répartition entreles temps de production (vi-sites de terrain avec le public)

et les temps de formation ou de réflexioncommuns à votre équipe de salariés ?

Le temps de travail « dépensé » par notreéquipe pour élaborer le référentiel métiera été identifié en tant que tel. Il a été financéau titre de la formation professionnelle.Par ailleurs, nous avons acté une demi-jour-née de réunion d’équipe par mois, sur lethème de « l’actualité passée et à venir ».Quand c’est nécessaire et en fonction de pro-jets techniques, nous nous voyons aussi pouraborder d’autres thématiques. ●

LA QUESTION

Des milliers d’enfants, entre6 000 et 7 000 scolaires paran, fréquentent la Réserve

naturelle géologique de Saucats. Lesite est attractif, il «colle» aux pro-grammes des 5e et des lycées. Desenseignants et universitaires se sontd’ailleurs impliqués dans la concep-tion de sorties pédagogiques.Victimes du succès, les sept per-sonnels permanents de la réservene peuvent suffire aux besoins d’en-

cadrement éducatif. En réponse, l’or-ganisme gestionnaire recourt à l’em-ploi de vacataires. À l’automnecomme au printemps, ce sont deuxà quatre personnes qui viennent prê-ter main-forte aux animateurs.Conservateur de la réserve, Yves Gillya vite été confronté aux questionsliées à la qualité de l’accueil. Il ex-plique : « La rencontre des publicsest un moment fort. Nous sommesdonc attentifs à préserver sa qualitéet à ne pas céder aux sirènes d’unbrassage quantitatif.

Recrutement par cooptation.Historiquement, nous embauchionsdes personnels par cooptation etnous demandions aux permanentsd’assurer leur suivi.Globalement, cela fonctionnait, maissans méthodologie précise et sanscontenu défini. En fait, ces “conduitesaccompagnées” dépendaient du tu-teur et ne mettaient pas nécessaire-ment en exergue les pans importantsde gestion, de réglementation ou del’état de la recherche. Par ailleurs lediscours n’était pas en lien avec uneconnaissance fine de la réserve.Depuis trois ans, nous avons prisdu temps pour réfléchir: que devons-

nous apporter aux personnels vaca-taires? Réponse difficile. D’autant quenotre spécificité professionnelle (édu-quer à la géologie sur un site protégé)n’a pas de référentiel métier.

Nous focalisions sur l’animationNous avons donc fait appel au direc-teur du Graine Aquitaine (notre ré-seau d’éducation à l’environnement)et, avec lui, l’équipe des sept per-manents a construit des outils d’éva-luation visant à définir les missionsconfiées aux animateurs temporaireset à faciliter leur intégration.Six temps de travail nous ont per-mis de construire un référentiel tou-chant à nos missions, compétenceset savoirs spécifiques.Surprise ! Nous focalisions sur l’ani-mation, or nous avons découvertcombien il était important d’avoirun assez fort niveau scientifique. Lagéologie, la biologie, l’évolution, lagéographie sont des prérequis quenous ne considérions pas jusque-làà leur juste valeur.Aujourd’hui, cela se traduit par desréflexes à l’embauche : un CV typépar une formation universitaire at-tire notre attention même si, pournous satisfaire, il doit être abondé

Notre démarche pour intégrerles animateurs saisonniersL’équipe de la Réserve naturelle géologique de Saucats-La Brède invente le référentiel de sonmétier : « Éduquer à la géologie d’un site protégé ». Rencontre avec Yves Gilly, conservateur.

RÉSERVE NATURELLE GÉOLOGIQUE DE SAUCATS-LA BRÈDE

© RNG Saucats-La Brède

Animationauprès de lycéens.

Page 39: Espaces naturels

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 39

d’une pratique en animation. Notrerôle d’accompagnement est au-jourd’hui davantage tourné sur l’ap-port de connaissances propres aumilieu de la réserve ou encore surl’utilisation des outils pédagogiqueset sur l’encadrement du groupe.

Quelles compétences manquent ?Ce cheminement mental nous aconduits à ouvrir un chantier visantà homogénéiser nos pratiques etdiscours.Jusque-là par exemple, chaque ani-mateur répondait aux questions dupublic relatives au changement cli-matique en fonction de sa culturepersonnelle. Nous avons travailléà un discours commun.Cette démarche a eu des retombéessurprenantes, notamment une enviede formation permanente de la partdes salariés. Pour l’accueil et la for-mation des saisonniers, notre réfé-

rentiel a un aspect directement opé-rationnel. Nous sommes aujourd’huien mesure de savoir quelles com-pétences leur manquent, nous per-mettant ainsi de cibler notre ac-compagnement pendant la premièresemaine de travail.

Un outil d’évaluation. Par ailleurs,en s’appuyant sur ce référentiel,nous avons mis en place une grilled’évaluation des actions menées parles animateurs. Ainsi nous vérifions

qu’une visite de trois heures a donnélieu à un temps d’introduction, untemps d’observation, un autre de ma-nipulation du matériel pédagogique,pour finir par un moment d’échangeautour d’une démarche scientifiqueafin que le public se pose des ques-tions et formule des hypothèses.L’animateur se saisit de cette grillepour vérifier qu’il a bien répondu àses objectifs et qu’il s’est donné lesmoyens de les atteindre. L’échangeavec le saisonnier peut se faire au-tour de cette grille.Le temps du bilan viendra. Mais nousnous sentons armés pour intégrerde nouveaux vacataires. » ●Recueilli par Moune Poli

EN SAVOIR PLUS

Yves [email protected]

www.rngeologique-saucatslabrede.reserves-naturelles.org

“Nous nous sommes misd’accord pour affiner undiscours commun. Plusquestion, par exemple,d’expliquer chacun à samanière le concept deréchauffementclimatique.

NIVEAU ATTENDU FORMATION INTERNE

1. Connaître le milieu de la réserve nationale géologique et les problématiques environnementales afférentes

Expliquer les temps géologiques, les différentesroches fossiles (formation, rôle), datation, for-mation de paysages, cartographie.

Connaissance des groupes présents sur la réserve • Des limites des ères et desétages représentés • Des roches locales, karst… (savoir les dater) • De la no-menclature, Tyfipal • Des collections de la réserve.

Présenter la ripisylve, la forêt et la forêt cultivée,les grands ordres.

Connaissances sur le patrimoine naturel de la réserve :

Faune flore, espèces communes • Espèces protégées • Faune aquatique • Inventaireset suivis en cours • Groupes actuels et classification • Détermination des ar-bres courants • Notion de biodiversité en France (invasives, milieux, ripisylve, cul-tivé/caractère naturel).

Présenter les problématiques environnementales.

Connaissances des problématiques environnementales :Activités humaines sur le territoire • Règlementation de la réserve • Espaces na-turels protégés • Écocitoyenneté • Métiers de la nature • Gestes au quotidien •Réchauffement climatique…

2. Connaître des attentes et des besoins des publics

Être capable de proposer un complément du cours.Introduire, compléter, illustrer • Faire la différenceentre une sortie de fin d’année, un complément auprogramme.

Connaître l’enseignant, l’élève, les accompagnants, les animations • Organigrammede l’éducation nationale, responsabilité, mission de service public, les programmes…• Niveau réel de l’élève : mineur à l’école, position d’adulte, protection de l’enfance• Les accompagnants : l’association gestionnaire et sa commission pédagogique…

3. Utiliser les outils pédagogiques disponibles

Savoir utiliser les outils existants au sein de la ré-serve • Connaître le site et les locaux de la réserve.

Savoir identifier les « spots », les endroits remarquables qui illustrent le discours• S’orienter sur la réserve • Connaître les ressources pédagogiques présentesdans le musée : les loupes, boites, bassines, cartes géologiques, posters, échellede temps, etc.

4. Encadrer un groupe/Adapter son discours au public

Animer et évaluer ses séances d’animation.

Savoir situer l’animation, la contextualiser (loisir, scolaire…) et adapter son dis-cours • Se familiariser avec une démarche scientifique et proposer une alternance• Lister des critères d’évaluation pertinents • Faire une autoanalyse de son tra-vail • Donner des consignes de sécurité…

5. S’adapter aux impératifs de fonctionnement de la Réserve nationale géologique

Intégrer la dynamique de la structure et de l’équipe• S’approprier la culture de la réserve.

Arriver avant le public pour préparer sa séance d’animation, l’accueillir • Respecterle temps de déroulement prévu • Ranger le matériel • Répondre à une demandeprécise du public…

Référentiel de l’animateur à la réserve et plan de formation internet. Extraits

Page 40: Espaces naturels

40 Espaces naturels n° 31 juillet 2010

Pour gérer, il faut connaître. Etpour connaître, il faut parfoissavoir écouter. D’où l’intérêt

d’un stage d’initiation à l’ornitho-logie où l’on apprend à décortiqueret finalement retenir un son émispar un oiseau. L’apprentissage estprogressif et insistant sur la struc-ture physique du son. Le chant bi-syllabique du pouillot véloce est com-paré au timbre et au rythme desnotes vives de la mésange charbon-nière, ou à celles répétitives d’un cride pinson des arbres. D’onomatopéesen analyses structurales, les sons ac-quièrent du sens.La nature prend alors du volume etla diversité avienne s’accroît. Et pourcause, dans les milieux fermés, telsles forêts, les bocages serrés ou lesbroussailles, l’ornithologie de ter-rain dépend à 80% de l’oreille. Leséchantillonnages ponctuels simples(EPS) dans le cadre des suivis del’évolution des populations d’oiseauxen France, les indices ponctuelsd’abondance (IPA) pour les inven-taires localisés, témoignent de l’im-portance de reconnaître les oiseauxà leurs émissions sonores, cris,chants, tambourinages…À cette émanation de suivis et d’in-ventaires s’ajoute une autre di-

mension : écouter les populationsdans leurs subtilités sonores.Ainsi nous pouvons discerner desdialectes ou des régiolectes entre lesdifférentes populations ; ils se ca-ractérisent par des vocalisations li-mitées à des sous-populations dansune aire géographique donnée. Lesdialectes occupent des espaces se re-couvrant, tandis que les régiolectessont définis par des aires géogra-phiques distinctes. Le pas vers lasous-espèce, voire la spéciation encours, est parfois franchi. Cette pra-tique de la différentiation vocale estprésente chez plusieurs espèces, dontles bruants, le troglodyte mignon ouencore nos deux grimpereaux, pourlesquelles la dérive des chants esttellement forte qu’il est permisd’émettre des hypothèses sur leurdegré et leur durée d’isolement encorrélation avec la modification desstructures acoustiques. Quelle au-baine pour les milieux insularisés,comme les grands massifs forestiers!De plus, nous pouvons accéder àl’âge de l’individu chanteur comme,par exemple, avec la mésange char-bonnière. Il est aussi possible de sa-voir si les plastronneurs sont en cou-ple ou célibataires, ces dernierstendant à siffler plus que les pre-

miers. Nous entrons alors dans ledétail de la composition, de la dy-namique et de l’évolution des po-pulations, tout en restant les mainsdans les poches… ou presque !L’emploi d’un enregistreur apporteune finesse supplémentaire à lacompréhension des variations d’unson mais, fort heureusement, cer-taines différences sont accessibles àl’oreille… nue !Ainsi, tout le monde connaît le riresonore du pic vert. Dans le sud-ouestde la France, nous rencontrons deuxsous-espèces : Picus viridis viridis,sous-espèce nominale, couvrant toutle territoire national, et Picus viri-dis sharpei, sous-espèce ibérique.S’ils se distinguent par le dessin dumasque facial, il est bien difficile deles apercevoir dans les jumelles,lorsqu’ils sont en fuite devant l’or-nithologue. Par chance, ils émettentun cri d’une tonalité distincte. Ainsi,le Parc national des Pyrénées, en zonecentrale et en zone d’adhésion, re-groupe les deux sous-espèces1. Unesimple écoute cartographiée per-mettra de suivre l’évolution des po-pulations. Observerons-nous une pro-gression nordique de la sous-espèceméditerranéenne? Qui aurait cru, envenant à un stage d’initiation, repar-tir avec l’espoir d’entendre les effetsdu réchauffement climatique? ●Olivier Grosselet - [email protected]

Un stage pour identifierle chant des oiseaux

Partir en stage afin de savoir reconnaître le chant des oiseaux, c’est acquérir une précieuse compétence pour gérer la biodiversité.

COMPÉTENCES POUR LA GESTION

FORUM PROFESSIONNEL I MANAGEMENT MÉTIERS

1. «Le pic deSharpe dansles Pyrénées

occidentales»,J.-L. Grangé,

Le casseurd’Os, 2008.

© MT Corel« Coucou, hibou ! » Peud’espèces se contentent d’unrépertoire aussi réduit et d’unetonalité aussi franche.

Page 41: Espaces naturels

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 41

Police de l’eau : ce qu’il faut savoir pour devenir rapidement opérationnel

Avec la loi du 14 avril 2006 lesagents des parcs nationaux ontacquis une compétence en ma-

tière de police des milieux aquatiques.Sans formation préalable, ils doiventcependant connaître le champ d’ap-plication du droit mais égalementmaîtriser les concepts clés.Savoir donc que les polices de la pro-tection des milieux aquatiques sontprincipalement codifiées aux livres IIet IV du code de l’environnement1.Le livre II traite des eaux superficielles(cours d’eau, canaux, plans d’eau),ainsi que des eaux souterraines etmaritimes territoriales.Le livre IV s’applique aux eaux libresoù le poisson peut passer naturelle-ment, par opposition aux eaux closes.Son champ d’application s’élargitaux eaux closes pour les pollutionset le contrôle des peuplements.

Maîtriser les concepts clés.Intervenir à bon escient, c’estconnaître les concepts clés. Le code

de l’environnement use d’un voca-bulaire précis. Les cours d’eau, dé-chets, débit minimum… tous cestermes ont une définition juridiquehors de laquelle l’agent assermentéintervient sans fondement. Ainsi,verbaliser sur un canal en évoquantla notion de cours d’eau constitueraun vice de procédure et consacreral’inutilité de l’action. Un cours d’eauen effet, suppose la présence per-manente d’un lit naturel. Les défi-nitions ci-contre permettront auxlecteurs de maîtriser des conceptsde base et ainsi de s’inscrire dans lecadre d’une action légale.

Agir à coup sûr. Vous êtes vous-mêmeassermenté? Quelques attitudes etréflexes professionnels vont s’avé-rer nécessaires. Ainsi, sachez quelorsque que vous recherchez une in-fraction au livre II du code de l’en-vironnement, vous devez en informerau préalable le procureur.D’une façon générale, prenez unmaximum de photos, de mesures(mètre ou décamètre). Interrogezles personnes présentes et relevezleurs noms et qualités. Cherchez àidentifier les maîtres d’œuvre, d’ou-vrage, l’entreprise. Tous figurerontdans votre constat comme auteursdes faits. Quand c’est possible, viser

SE FORMER

FORUM PROFESSIONNEL I DROIT POLICE DE LA NATURE

Cours d’eau. Présence etpermanence d’un lit naturel àl’origine et d’un débit suffisant unemajeure partie de l’année. Uncanal, un talweg, ne sont donc pasdes cours d’eau. Le lit mineur d’uncours d’eau est l’espace en eaurecouvert à pleins bords avantdébordement. Le lit majeur d’uncours d’eau est la zonenaturellement inondable par laplus forte crue connue.

Débit minimum. Dans le lit d’uncours d’eau et sauf cas particulier,tout ouvrage doit en permanencemaintenir à l’aval un débit égal aumoins au dixième du module ducours d’eau (L. 214-18).

Module du cours d’eau. Débitmoyen interannuel calculé sur aumoins cinq ans.

Déchet. Ce qui est destiné à êtreabandonné. Débit moyen mensuelsec de récurrence cinq ans.

QMNA5. Le sigle retraduitl’expression « quantité mensuelleminimale annuelle de fréquencesèche sur 5 ans ». Le QMNApermet d’apprécier statistiquementle plus petit écoulement d’un coursd’eau sur une période donnée. ●

INFO

PÉD

AGO

GIQ

UE

Glossaire

les personnes morales, les peinesencourues sont multipliées par cinq.Retenez qu’une entreprise ou unecollectivité est prise en la personnede son représentant légal : madameou monsieur X en sa qualité de gé-rant, de directeur général, etc.Retenez aussi que la représentationd’un cours d’eau par un simple traitcontinu sur votre carte IGN ou sadénomination sont de bons indicesde caractérisation.Concernant les pollutions, les pho-tos, paramètres physico-chimiques,odeurs sont à relever au moins entrois lieux amont/rejet/aval. En aval,les relevés doivent être effectués enplusieurs points, de plus en pluséloignés du rejet, jusqu’à ce qu’iln’y ait plus d’impact identifiable.Et puis, sur le procès-verbal n’omet-tez pas non plus de caractériser l’élé-ment moral ou intentionnel pourles délits : y a-t-il ou non respect derègles de sécurité ou d’exploitation,y a-t-il négligence, imprudence ?Retenez surtout que la suite donnéepar le procureur à votre procès-ver-bal repose sur la fiabilité des élé-ments que vous allez réunir ; fiabi-lité objective et juridique… ●Pierre-Antoine DavidParc national des Cé[email protected]

1. Livre II,titre I : «Eau etmilieuxaquatiques ».Livre IV, titre III : «Pêche en eaudouce etgestion desressourcespiscicoles ».

Page 42: Espaces naturels

42 Espaces naturels n° 31 juillet 2010

Techniques pour capturer des cervidésen montagne à des fins scientifiques

La capture d’ongulés en montagne se heurte à des contraintes environnementales.Différentes techniques ont été testées dans le massif des Bauges1 (Savoie). Elles ouvrentdes alternatives intéressantes en milieu accidenté.

Préalablement à toute opéra-tion, il est indispensable enmilieu accidenté d’acquérir

une connaissance annuelle aussifine que possible des populations decervidés (densité, taille des groupes,rythmes d’activités, milieux fré-quentés, passages privilégiés, zonesd’alimentation…) et de leur envi-ronnement (topographie, couvertvégétal…). Il convient de choisir unbon emplacement. En effet, lesconditions de capture seront d’au-tant meilleures que la densité d’ani-maux est élevée.Les emplacements de pièges doiventêtre identifiés et préparés plusieursmois à l’avance. Seront privilégiésles secteurs les plus fréquentés parles animaux et les plus faciles d’ac-cès, peu ou pas soumis aux déran-gements extérieurs (tourisme, cir-culation routière).

Quelles techniques utiliser ?Le choix de techniques de capturedépend de plusieurs facteurs telsque l’espèce recherchée, les moyenshumains disponibles, la saison, l’ac-cessibilité des sites et bien évidem-ment les moyens financiers consa-

Les enclos-piègesCes enclos grillagés de 2 m dehauteur pour le chevreuil et de

2,5 m pour le cerf sont installés depréférence sur des zones planes oudes replats en rupture de pente. Ils

doivent être parfaitement intégrés àleur environnement. Le plus

souvent, leur taille n’excède pas20 m². Différents systèmes de

portes peuvent être utilisés(guillotine, coulissante).

L’installation de ces dispositifs peutnécessiter une logistique

importante. Leur intégration àl’environnement des animaux

demande plusieurs mois. La taillerelativement importante de ces

pièges peut permettre de capturerdes groupes de cervidés. Ils

nécessitent donc la présence d’ungrand nombre d’opérateurs. ●

crés à ces opérations. Les animauxs’adaptant rapidement aux modifi-cations de leur environnement enassimilant les risques que repré-sentent les pièges, il est souvent pré-férable de combiner plusieurs tech-niques dans l’espace et dans le temps.Les techniques de capture de cer-vidés testées en milieu accidentéainsi que les recommandationsconcernant leur utilisation en mon-tagne figurent dans les illustrationset tableau ci-contre.Ces méthodes engendrent peu demortalité chez les ongulés sauvages(1%). Le suivi post-capture des ani-maux équipés de collier émetteur apermis de le confirmer. Certaines pa-thologies rares (myopathie de cap-ture…) peuvent cependant décou-ler du stress engendré par la capture.

Mise en œuvre. Pour certainstypes de pièges (panneautage,filet tombant), l’utilisation desystèmes de surveillance radio,renseignant sur la fréquen-tation et le déclenchement dupiège via un récepteur, estindispensable. L’utilisation deces mêmes dispositifs améliore

FORUM PROFESSIONNEL I MÉTHODES TECHNIQUES

RÉSERVENATIONALE DECHASSE ET DE

FAUNE SAUVAGEDES BAUGES

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1. La Réservenationale dechasse et de

faune suavagedes Baugesest cogérée

par l’ONCFS,l’ONF et le

PNR duMassif des

Bauges.

Page 43: Espaces naturels

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 43

considérablement le contrôle desautres pièges (boîtes, enclos) auquotidien.Les conditions de manipulation desanimaux capturés dépendent de latechnique de piégeage employéeainsi que du nombre de manipula-teurs présents. Ce nombre doit êtresi possible supérieur à la quantitéd’animaux à maîtriser. Le temps demaniement des animaux (mesures,prélèvements, pose de collier, relâ-cher) doit être le plus court possible(20 minutes en moyenne). Le re-cours à l’anesthésie totale de l’ani-mal peut s’avérer nécessaire, lors descaptures de cerfs par exemple. ●Thierry Chevrier - Office national dela chasse et de la faune sauvageCNERA cervidé[email protected]

EN SAVOIR PLUS• www.oncfs.gouv.fr• « Comment capturer des cervidésen montagne ? », T. Chevrier, JP. Bergeon, Y. Leonard, Faunesauvage n° 285, 2009, p. 16-21.

Le filet tombantCe piège est constitué d’un filet maintenu

par une armature métallique de 10 m x10 m. Relevé à 2 m de hauteur, le système

est retenu soit par un mât central(cham’arche), soit par un câble tenduentre deux arbres. Le déclenchement

s’effectue lorsque les animaux sont sousle piège. L’installation du dispositif en

milieu partiellement boisé estrelativement rapide et facile. En revanche,

en milieu ouvert, il nécessite un mâtporteur. Un opérateur doit également être

présent pour provoquer sondéclenchement. ●

Les boîtes ou cages piègesUtilisées en hiver pour capturer deschevreuils, ces cages en bois(60 x 120 x 180 cm), sont munies deportes de type guillotine. Elles sontdisposées prioritairement sur leszones d’hivernage des animaux, enforêt, lorsque le manteau neigeuxrecouvre complètement la végétation.Démontables en plusieurs panneaux,elles sont susceptibles de s’adapter àune large gamme de territoires et desituations. Ces installationsdemandent peu d’investissementhumain. Toutefois, en cas de fortenneigement ou de gel prolongé, lesdispositifs de déclenchement exigentun entretien plus fréquent. ●

PANNEAUTAGE BOITE ENCLOS PIÈGE FILET TOMBANT

SAISONS (OPTIMUM) Été (automne) (Hiver) Automne (hiver) Printemps (été) automne

APPÂTS Aucun Sel + appâts végétaux(lierre, gui)

Sel + appâts végétaux(lierre, gui, pomme,

poire, betterave)Sel

MOBILISATION EN PERSONNEL Très importante (+ ou = 50) Faible (+ ou = 2) Importante (+ ou = 10) Importante (+ ou = 10)

EFFICACITÉ CERF ++ ++ ++ -

EFFICACITÉ CHEVREUIL ++ ++ + -

EFFICACITÉ MULTI-ESPÈCES++ (cerf, chevreuil, chamois, mouflon) ++ (chamois, mouflon) ++ (cerf, chevreuil,

chamois, mouflon) + (cerf, chamois, mouflon)

RENDEMENT OPTIMUM(NOMBRE D’HOMMES PAR JOURPOUR CAPTURER UN ANIMAL)

20 5 3 6

FACTEURS LIMITANTS

• Mobilisation en personnel • Logistiqueimportante

Conditions météo(enneigement enparticulier)

• Mobilisation enpersonnel • Dispositiffixe

• Surveillance des piègesen continu • Mobilisationen personnel • Zonesfavorables

“Le temps de maniement desanimaux doit être le plus courtpossible, 20 minutes en moyenne.

Le panneautage (filets)Le principe consiste à délimiter des enceintes ferméespar des lignes de filets, à l’intérieur desquelles desrabatteurs (assistés ou non de chiens) poussent lesanimaux vers les filets. En montagne, les lignes de filetssont disposées en utilisant le relief et les éléments fixesdu paysage : le long des pistes forestières et dans le sensde la pente lorsque cela est possible. Plusieurs équipesd’opérateurs mobiles, composées d’au minimum troispersonnes réparties le long du dispositif, manipulent lesanimaux pris dans les filets. Le panneautage permet decapturer simultanément des individus de plusieursespèces : chevreuils, chamois, mouflons… En revanche,cette technique est très coûteuse en personnel et enpréparation (logistique importante). Par ailleurs, le gel etla neige limitent l’utilisation des filets. ●

Synthèse des tests de capture de cervidés effectués dans la RNCFS des Bauges

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Page 44: Espaces naturels

Tour de France au mont VentouxLa vipère d’Orsini s’en sort bien

Le passage du Tour au sommetdu Ventoux n’est pas une nou-veauté (treize fois depuis

1951). Mais cette édition 2009 pré-voit des flux de spectateurs très im-portants en périphérie immédiatede pelouses où vit une petite po-pulation d’un serpent protégé : la vipère d’Orsini. Par ailleurs,l’épreuve reine cycliste est couplée,quelques jours avant, avec l’étapedu MondoVelo, une épreuve ama-teur avec ses 9500 coureurs et leursaccompagnateurs… La successionde ces deux événements sportifslaisse donc présager une fréquen-

tation inédite : plusieurs centainesde milliers de personnes sont at-tendues sur ce territoire reconnuRéserve de biosphère1, site Natura2000 et bénéficiant d’arrêtés pré-fectoraux de protection du biotopeainsi que d’un programme LifeNature pour la Conservation des po-pulations françaises de vipèresd’Orsini2. Aussi, comment garantirl’accueil des visiteurs tout en assu-rant la protection du milieu natu-rel et de l’espèce ?La communauté scientifique, letissu associatif, les services de l’Étatet le conseil général de Vaucluse se

Juillet 2009, l’arrivée du Tour de France cycliste est prévue au mont Ventoux.Le site, protégé, abrite une population de vipères d’Orsini. Un an plus tard, laliesse populaire s’en est allée. Quelles conclusions en tirer ?

400 genres floristiques, plus de 1 000espèces de plantes sur cinq étages devégétation observés entre 400 et 1 900mètres. Le mont Ventoux abrite unevariété de paysages et une végétationvariant en fonction de l’altitude. Il a étédistingué par l’Unesco. Le label Mab ena fait une réserve de biosphère.

44 Espaces naturels n° 31 juillet 2010

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© Pierre Martin - CDT de Vaucluse

1. Programme del’Unesco : Homme etbiosphère. www.mab-france.org2. www.vipere-orsini.com3.www.smaemv.fr4. Interdiction deparcours.

PROVENCE - RÉSERVE DE BIOSPHÈRE

Page 45: Espaces naturels

Espaces naturels n° 31 juillet 2010 45

TERRITOIRES EN PROJETS I ACCUEIL FRÉQUENTATION

perts se penche sur les résultatsd’une récente étude traitant de laconservation de la vipère d’Orsini àl’échelle régionale. Celle-ci, appuyéesur près de trente années d’obser-vations locales, montre que l’espèces’inscrit dans un processus inexo-rable d’extinction et ce, malgré tousles récents efforts déployés (restau-ration et entretien du milieu, ren-forcement de la surveillance, de lasensibilisation…). En cause, unchangement dans l’aire de réparti-tion de l’espèce. La population dumont Ventoux correspond en effetà la station la plus occidentale del’aire de répartition, or celle-ci glisseprogressivement vers les zones d’al-titude situées plus à l’est.La fragmentation du milieu est aussiincriminée ; à tel point que l’espècesemble vivre cloisonnée en plusieursnoyaux de sous-populations. Ilconvient donc de laisser le proces-sus se dérouler le plus naturelle-ment possible en canalisant la sur-fréquentation.

Pour cela, trois types d’actions sontdonc envisagés. Elles s’appuient surun argumentaire et des préconisa-tions de gestion bénéficiant d’unéclairage scientifique. Ainsi, quelquesjours avant l’épreuve, et après déli-mitation précise sur site, tous leshabitats favorables à l’espèce sontmis en défens4. Le jour dit, desmoyens humains sont déployés pourrenforcer la surveillance et sensibi-liser le public. Un appel est d’ailleurslancé auprès de tous les organismespublics et associatifs locaux pourparticiper à cet accompagnement etune trentaine de bénévoles viennentépauler les partenaires du pro-gramme Life Nature. Enfin, une in-formation claire et standardisée estdiffusée par le biais d’articles depresse, pour expliquer ces mesuresexceptionnelles et présenter l’in-térêt de conserver cette espèce.

mobilisent progressivement aux cô-tés des gestionnaires de l’espace pro-tégé afin de limiter, voire d’évitertout impact. Impacts sur le milieunaturel (piétinement et dégradationde l’habitat, diminution de la res-source alimentaire principale dela vipère) mais aussi impacts directssur l’espèce (destruction volontaire,augmentation du stress des femellesgestantes, diminution du taux desurvie…).Le Conseil scientifique de la réservede biosphère3 est saisi pour mieuxappréhender les enjeux d’une tellesurfréquentation. Ce groupe d’ex-

“La vipère d’Orsini estcondamnée à disparaître surle territoire du montVentoux. En cause ? Lechangement de l’aire derépartition de l’espèce.

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Christian Prud’hommeDirecteur du Tour de France

Nous ne sommes pas parfaits etl’organisation d’une manifestationqui attire des foules pose

forcément des problèmes en matièreenvironnementale. L’an dernier au montVentoux, il y a eu des quantitésimportantes de déchets accumulés. Nousn’en sommes pas fiers et nous sauronsen tirer les leçons. Cependant, nousavons une sensibilité environnementaleet nous sommes de plus en plus attentifsà préserver les paysages que nousmontrons lors des retransmissionstélévisées. Concrètement ? Cela semanifeste par des choix qui peuvent serévéler être des contraintes mais qui,finalement, servent notre image et notrephilosophie au service de la bicyclette.En 2008 par exemple, le Tour passait aucol de la Bonette dans le massif duMercantour. Nous avons préalablementrencontré les responsables du parc. Ilsnous ont exposé leurs impératifs et nousen avons tenu compte. Klaxons ethélicoptères ont été prohibés. Le Tour aété filmé à moto. Le passage du Tour aété subordonné à ces obligations. Depuisles voitures de suivi, nous martelionsrégulièrement les consignes. Tout celacomplique un peu l’organisation maisnotre objectif est aussi de protéger lesbeautés de notre pays. Qui comprendraitqu’en partant d’une bicyclette qui nepollue pas, on arrive à polluer ? ●

L’AVIS DE

Ainsi sensibilisé, le public réagit enfaisant preuve d’une compréhensionimmédiate et d’une acceptation deslimitations d’accès. Aucun dégâtn’est déploré sur les pelouses abri-tant la vipère d’Orsini.Ce résultat surprenant relève de l’ef-ficacité du dispositif, qu’il faudrad’ailleurs reconduire au prochainpassage du Tour. Néanmoins, il fautbien reconnaître que les spectateursont boudé tout intérêt pour l’espacenaturel. Venus pour le Tour, ils sontrestés postés sur les quelques mè-tres bordant la route.De fait, l’événement a davantageposé de problèmes en termes sani-taires et de sécurité (surpopulationtemporaire ou quantité de déchetsaccumulés dans le massif). La vipèred’Orsini, elle, s’en sort bien. ●Ken ReynaRéserve de biosphère du mont Ventoux [email protected] EtiennePrésident du Conseil [email protected]

Page 46: Espaces naturels

2

46 Espaces naturels n° 31 juillet 2010

L’émergence d’une intelligence collective

2005. Quatre communes, dix asso-ciations de chasse, un syndicat mixteet un groupement foncier agricoledéposent un recours en annulationcontre le périmètre Natura 2000 dusite de l’étang de Mauguio (Hérault).Motifs : incohérence du périmètre,et absence d’inventaire spécifiquepréalable. À cette date, le site déjàproposé pour intégrer le réseauNatura 2000 est désigné commezone de protection spéciale.Pour la plupart opposés au projet,les élus concernés se réunissent.«Natura 2000 se fera… autant quecela se fasse avec nous, non ? » Delongues négociations s’engagent,notamment pour s’assurer des fi-nancements… Il sort une décision :plutôt que de laisser agir les servicesde l’État, les élus porteront eux-mêmes1 l’élaboration du documentd’objectifs (Docob) en associant lesacteurs locaux. La concertation pourfaire bouger les lignes !

Mobilisation générale. En 2007,un choix politique voit la mise enplace d’un comité de pilotage, le re-crutement d’une chargée de mis-sion, le lancement des inventairesnaturalistes (confiés à un bureaud’études) et du diagnostic socio-éco-

nomique. Mais c’est par des ren-contres individuelles avec les prin-cipaux usagers que les choses vontvraiment basculer.Parce que reconnus, les acteurs vonts’impliquer dans cette démarche.Usagers, chambre d’agriculture,prud’homie de pêche, associationsde cabaniers et manadiers, de pro-tection de la nature… tous œuvrentau sein de groupes de travail : agri-culture et élevage, pêche, habita-tions et loisirs…Par ailleurs, des ateliers thématiquestransversaux sont ouverts à tous. Ony traite de la qualité de l’eau et dela gestion hydraulique, de la gestionde la fréquentation ou encore del’ajustement du périmètre du site.Parallèlement, le syndicat s’impliquedans une opération pilote «Actionsde connaissance, de suivi et de mé-diation environnementale sur lachasse et Natura 2000 en Languedoc-Roussillon». La Diren et la régiondélèguent un médiateur de la fédé-ration régionale des chasseurs pouranimer le groupe chasse.

Reconnaissance. Progressivement,alors que la légitimité de chacun estreconnue, la mutualisation desconnaissances et compétences de-

vient un fait. Les socioprofession-nels, qui s’expriment en groupes detravail, permettent de comprendreles motivations collectives en place,lesquelles sont débattues ensuite enateliers thématiques. Lors d’une réu-nion, un élu reconnaîtra : «Une in-telligence collective a émergé, ellea permis de formaliser une volontéd’agir. »Rien n’est simple cependant, commel’ajustement du périmètre du site,où il faut concilier intérêt généralet projets privés.L’accord sera possible grâce à l’écouteinstaurée et à l’échange informel. Lesmoments de convivialité suivant lesréunions permettent que s’exprimentplus volontiers interrogations etpréoccupations personnelles.

Organisation. Le succès doit égale-ment à l’organisation éthique de ladémarche. Afin d’assurer le respectmutuel et la productivité du travail,les séances sont toujours précédéesde l’envoi des documents provisoires.De plus, c’est en temps réel que lescomptes rendus de réunions et do-cuments d’étape sont diffusés. Unerubrique internet permet à chacunde vérifier la retranscription de sespropos. Un moyen qui permet, aussi,de valoriser l’implication des acteurslocaux.La concertation met l’accent sur l’im-portance des vocables propres à cha-cun et l’adoption de termes de ré-férence communs. Écrit-on: Objectifs

Cela avait mal, très mal, commencé : par des actions en justice.Deux ans plus tard, c’est à l’unanimité que le comité de pilotagevote le document d’objectifs du site Natura 2000. Entre les deux ?Une longue démarche de concertation.

1. Le syndicatmixte

de gestion del’étang de l’Or

des sites Natura 2000

Étang deMauguio

(SMGEO) seramaître

d’ouvrage.

2. SupAgro etIram. Contacts :

Jacques Ripochejacques.ripoche

@supagro.inra.frBernard Bonnet

[email protected]

SYNDICAT MIXTE DU BASSIN DE L’OR

TERRITOIRES EN PROJETS I AMÉNAGEMENT GOUVERNANCE

Page 47: Espaces naturels

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Espaces naturels est un support d’échanges professionnels pour tous les métiers de la sauvegarde desespaces et du patrimoine naturels, en poste ou en devenir. La revue s’adresse aux acteurs et relais de la

gestion des territoires et des paysages. Les auteurs y présentent, évaluent et discutent les expériences etsavoir-faire issus des territoires, et portent à la connaissance des intéressés les actualités, recherches,

textes et initiatives dans ces domaines.

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de conservation? Orientations de ges-tion? Objectifs de développement du-rable? Les séances de travail sont l’oc-casion de donner la parole et la plumeaux participants.Jongler avec les impératifs des uns etdes autres fut un exercice complexe.En effet, le degré de participation desacteurs est souvent dépendant de ladistance géographique. Le compro-mis a été trouvé dans l’alternance deslieux et des plages horaires des séancesde travail.

Unanimité. Le 18 décembre 2008,le Docob des sites Étang de Mauguioest validé à l’unanimité par le co-mité de pilotage. Cette appropria-tion de la démarche par les élus etplusieurs groupes, fortement réti-cents au départ, se traduit concrè-tement par la signature de contratsNatura 2000, dès 2009, première an-née de mise en œuvre du Docob.Cinq contrats ont été signés : qua-tre contrats agricoles visant une ges-tion pastorale favorable à la biodi-versité et un contrat Natura 2000porté par une commune et consis-tant en des travaux de réhabilitation

L ’évaluation était effec-tivement une suite lo-gique de l’action. Elle

a été initiée en 2009 grâce àla collaboration de onze stagiaires de l’Institutdes régions chaudes de Montpellier2. Ceux-ciont exploité les comptes rendus des réunionset les dires de vingt-cinq acteurs qu’ils ontconsultés par le biais d’entretiens semi-di-rectifs. Les résultats de cette évaluation ex-térieure montrent qu’en deux ans, la partici-pation a peu varié : 32 % pour les élus, 34 %pour les techniciens, idem pour les usagers.La stabilité de ces chiffres est représenta-tive de l’implication partagée.La plus grande majorité (19/25) des acteursconsidère leur implication dans la concertationcomme positive et reconnaissent la prise encompte de leur point de vue dans l’élabora-tion du Docob et l’ajustement du périmètre.À l’inverse, l’inventaire des ressources natu-

relles a été mal vécu, les acteurs considè-rent en majorité (13/25) qu’il a été fait sansconcertation.À retenir : la concertation doit démarrer dèsl’état des lieux pour impliquer toutes les par-ties prenantes du site.Les pêcheurs, qui n’ont pas bénéficié d’unedémarche de médiation comparable aux chas-seurs, affirment que «le groupe pêche n’a pasbien fonctionné ». À l’inverse 100 % des chas-seurs déclarent que leur point de vue a étépris en compte dans le Docob.Nous considérons qu’il reste du travail pourfaire connaître et reconnaître le contenu duDocob par les citoyens non directement mo-bilisés dans la phase d’élaboration.L’évaluation a aussi montré que le site inter-net n’a pas permis de toucher tout le monde.Finalement, à l’exception des pêcheurs, leDocob est aujourd’hui considéré comme uneréférence par tous les acteurs confondus. ●

Journée d’information sur les enjeux écologiquesà destination du comité de pilotage.

© S

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QUESTION À L’AUTEURE

du réseau hydraulique des marais.Deux ans auront été nécessairespour parvenir à cette fin. Deux anset trente-trois réunions. Le jeu envalait la chandelle. ●

Eve Le PommeletChargée de mission Natura 2000Syndicat mixte du bassin de l’[email protected]

Eve Le Pommelet, avez-vous procédé à une évaluation pour porterune analyse si positive de cette démarche collective?

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48 Espaces naturels n° 31 juillet 2010

TERRITOIRES EN PROJETS I GESTION PATRIMONIALE

Depuis plus de trente ans, tousles projets le justifiant lé-galement ont vu l’instaura-

tion de mesures compensatoires.Hélas construites dans des condi-tions parfois peu transparentes, cesmesures sont plus ou moins misesen œuvre.Ainsi, avant ou après l’autorisationde travaux, les parties prenantesmarquent souvent une différenced’intérêt pour la biodiversité. Un« grand écart » dont le vivant estle plus souvent victime.Le principe du pollueur/payeur(d’ailleurs non remis en cause parle « Grenelle ») est pertinent et denombreux exemples démontrentl’intérêt de ces mesures, sources deréelles « réparations ». Pourtant,l’existence d’un gouffreentre les dé-gradations (visibles, irrévocables)et les « plus-values » apportées parces mesures pose question. Un re-gard critique sur les mesures com-pensatoires s’avère opportun.

Fondamentaux sur l’éthique.Réaffirmons tout d’abord quelquesfondamentaux en lien avec l’éthiquede ces mesures.• En premier lieu, les politiques decompensation ne doivent pas sous-traire à l’obligation de limiter lesimpacts sur la nature car il est il-lusoire d’affirmer qu’un équilibreentre dégradations et compensationest possible. Il existe toujours uneperte nette finale.• Certaines dégradations doiventconduire au refus des plans, pro-grammes ou projets déposés. Celles,notamment, relatives aux espècesendémiques ou aux milieux trèsrares qui ne sauraient être équita-blement compensées. Il en est demême lorsque des seuils de dégra-dation irréversible sont atteints.• La notion d’utilité publique doitgarder son sens profond. Pourchaque projet, la notion d’intérêtgénéral doit être démontrée.• Le bilan d’action des entreprises

Certains aménagements de notre territoire impactentirrévocablement la biodiversité. Un regard critique sur lesmesures compensatoires s’avère nécessaire et opportun.

Placer les mesures de compensation sous éthique

PERTE DE BIODIVERSITÉ

(et la communication qui en découle)doit dissocier les programmes me-nés en faveur de la protection de lanature (itinéraire vertueux de pro-duction, mécénat, aménagementsd’espaces…), de ceux résultant d’obli-gations (évitements, compensa-tions…). Ceci d’ailleurs en confor-mité avec une volonté affichée desentreprises, privées et publiques, des’investir face aux problèmes d’en-vironnement.• Les fonds issus des mesures doi-vent s’additionner à tous les autres.Il serait dramatique que des moyensnouveaux, issus d’une politique decompensation redynamisée, se subs-tituent aux politiques publiques etinitiatives privées existantes en fa-veur de la biodiversité.L’aboutissement serait que les fi-nancements pour la biodiversité di-minuent d’autant que les moyensissus de mesures compensatoiresaugmentent.

S’appuyer sur un cadre cohérent.Ces éléments d’éthique réaffirmés, lecadre d’application des mesures com-pensatoires mérite d’être précisé.• Les actions doivent être en rela-

Dans l’esprit de la loi de 1976 pour la protection de la nature, « limiter, réduire » leseffets des aménagements constituent le préalable à la mise en place de mesures pourcompenser les impacts résiduels.

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Espaces naturels n° 31 juillet 2010 49

«Depuis trente ans, les dispositifs de compensation souffrent, en France,d’un manque d’évaluation. Chaque année pourtant, 60 000 hectares demilieux naturels sont impactés de manière irréversible. Éviter, réduire

et, lorsque c’est possible, compenser », les itinéraires dictés par la loi sont clairs. Ilconvient maintenant de clarifier les doctrines pour définir ces mesures. L’absencede recul impose la plus grande prudence. Ainsi, il n’est pas réaliste (probablementinfaisable) de donner une valeur objective (un tarif) à la biodiversité. C’est pourquoila mise en place d’un observatoire des compensations et la définition d’indicateursde pertinence sont plus que jamais souhaitables. Plus qu’une recherche improbablede valeurs fixes et théoriques, c’est par l’expérience que doivent s’installer lesréférences des politiques de compensation.Ces équivalences, entre les dégradations et les actions de compensation, devrontêtre déterminées selon les types de milieux, leur rareté, les surfaces, la pérennité,la territorialité (proximité des projets), les activités économiques présentes et tenircompte de la fonctionnalité des milieux et de leur dimension sociale, culturelle etéconomique. ●

tant d’identifier clairement les gainsde biodiversité alors que la notionde patrimoine est forcément sub-jective ?Selon qu’elles répondent à des en-jeux d’espèces, d’espaces ou encorede paysage dans des secteurs bio-géographiques variés, des prescrip-tions très différentes peuvent êtreconsidérées comme acceptables.

Mise en œuvre. Les mesures, pourêtre efficaces, doivent être dura-bles et fondées sur des protectionsfortes et structurantes, de type maî-trise foncière ou réglementaire. Enprenant garde toutefois à ce qu’ellesne constituent un simple transfertde responsabilité (et de financement)sur l’État. Une compensation parla simple création d’une réserve na-turelle par exemple, constitue l’il-lustration concrète d’un tel trans-fert. Dans le même esprit, sauf si lesmesures permettent de consoliderou étendre clairement les protec-tions (surface augmentée, statut ren-forcé), les zones bénéficiant déjàde protections fortes ne peuvent êtreconcernées par des mesures com-pensatoires.Les études de suivi d’impact, les équi-

C’est urgentUn observatoire des compensations

INDICATEURS

▼“Une mesure compensatoire n’est pas un droit à détruiremais l’ultime étape d’une procécure. Pour chaque projet,la notion d’intérêt général doit être démontrée.

tion directe avec les dégradations etinduire des effets pérennes.• Une cohérence entre les espaces (etleurs fonctions patrimoniales) dé-gradés et les surfaces compensatricesdoit être recherchée en donnant prio-rité en particulier à la proximité ter-ritoriale.• La conception de l’action com-pensatoire doit intégrer une ap-proche globale sur les effets cumu-latifs. Il n’est pas cohérent, parexemple, de traiter les mesures com-pensatoires d’un long aménagementlinéaire par sections indépendantes.• Une réelle traçabilité des actionsest indispensable (qui a payé, pour-quoi?) car en plus d’être durable (ré-sultats effectifs et protections pé-rennes), les actions doivent êtreévaluables. Elles doivent donc tenircompte de « l’avant », pour identi-fier les plus-values de biodiversité«après». La définition d’indicateursau moment de la décision est fon-damentale, autant que l’évaluationeffective à échéance.

Définir des finalités claires.L’efficience impose de définir clai-rement les objectifs. Ainsi, les me-sures compensatoires doivent servirprioritairement :• La préservation de populationsd’espèces ou d’habitats aux fonc-tionnalités comparables et justifiantune gestion active.• La renaturation, c’est-à-dire un en-semble d’actions conduites sur dessites présentant des potentialitéscomparables aux espaces dégradés.Il faut par ailleurs être prudent surdes actions de recréation, et donc neles conduire qu’à titre expérimen-tal car leur essence les confronte àdeux limites majeures : le choix del’état supposé naturel auquel ellesdoivent conduire est arbitraire (an-thropocentré) et son succès est sou-vent aléatoire.Ayant posé le regard sur les finali-tés, la question de l’équivalence éco-logique se pose évidemment avecacuité. Comment déterminer des«prescriptions objectives» permet-

Les principesde la compensation

Le développement des territoiresaffecte parfois de manière irreversiblele milieu naturel et les espèces. La

localisation et l’ampleur desaménagements sont évalués et validés parl’État dans le cadre du code del’Environnement, des directiveseuropéennes concernées (habitats, faune,flore, cadre sur l’eau et évaluation desincidences…). L’aménageur a obligation decompenser la disparition de la biodiversitéaprès avoir étudié tous les moyens d’éviteret d’atténuer les impacts. Les phases dediagnostic et de définition de mesurescompensatoires doivent être séparées. ●

INFO PÉDAGOGIQUE

DIFFÉRENTES ÉTAPES AVANT LA MISE EN PLACEDE MESURES DE COMPENSATION

Étape 1 : chercher des alternativessans impact (évitement)

Étape 2 : si évitement impossible,limiter au maximum les impacts

(réduction/atténuation)

Étape 3 : accompagner le projet (observatoire, aménagement, suivi,

études complémentaires…)

Étape 4 : mise en œuvre des mesurescompensatoires

Constat d’un impact résiduel

Définition d’une mesurecompensatoire par l’État

Suivi desprocédures

par lesservices de

l’État (Diren,DDAF, DDEA,

DRE…)

Validationpar l’Étataprès avis

du CNPN etautres

experts(CSRPN…)

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50 Espaces naturels n° 31 juillet2010

TERRITOIRES EN PROJETS I GESTION PATRIMONIALE

5La création de « réserves d’actifsnaturels » peut constituer uneautre piste pour optimiser la mise

en œuvre des mesures compensatoires.Ces réserves financières pourraient êtreutilisées comme « mesurescompensatoires à vendre » en faveurd’actions pour la biodiversité. Mais cettedémarche appelle à la vigilance, car elleprésente un certain nombre de risques :• le transfert de responsabilité, c’est-à-dire un réflexe de « facilité » et derecherche de bonne conscience. • La possibilité « offerte » de s’exonérerdes recherches concernant l’évitement,la réduction des dégâts et la définitiondes actions de compensation.• L’éloignement des mesures. Cesréserves d’actifs doivent être utiliséespour compenser des dégradations desites comparables et de proximité. • La spéculation sur ces actifs, qui nedoivent être utilisables qu’en flux direct,immédiatement entre l’investisseurinitial et l’acquéreur final, sansintermédiaire. Une financiarisation, paressence source de confusion majeure• L’absence d’indépendance entre lepétitionnaire, le porteur de lacompensation et le porteur d’actifs. ●

Vendre des mesurescompensatoires5 précautions majeures

pements de valorisation, la sensi-bilisation ou les actions de forma-tion ne peuvent constituer à euxseuls des mesures de compensation.Ces actions sont cependant cohé-rentes en accompagnement des me-sures structurantes.La recherche d’efficacité impliquedes financements à un juste niveau,permettant au porteur des mesuresde les mettre en œuvre dans desconditions convenables.Au-delà de la biodiversité, les valeursesthétiques, culturelles, récréativesou morales de certains milieux doi-vent être prises en compte dans la

détermination de la compensationau même titre que leur valeur éco-logique.Malgré trente-cinq ans d’existence,peu de références ont été construites.Le suivi et l’évaluation des mesuresdoivent donc s’envisager sur une pé-riode pertinente.La «plus-value de biodiversité» ob-tenue par des actions de gestion éco-logique doit être démontrée, ce quiimpose des cahiers des charges éla-borés avec une grande précision aumoment de la décision.Pour tenir compte des incertitudesdes résultats, l’application d’un tauxmultiplicateur aux surfaces à com-penser doit permettre, le cas échéant,de tenir compte du risque d’échec.Plus globalement, la mise en œuvrede ces mesures compensatoires nepeut s’inscrire dans un cadre nor-matif rigide. Il n’y a pas, en matièrede biodiversité, de vérité absoluetransposable. Une mesure compen-satoire réussie est donc probable-ment un ensemble d’actions com-posé en fonction du contexte. Levivant, par sa complexité, ne peut seréduire en une équation simpliste.

Dépasser les difficultés. Dans l’en-semble de cette démarche, c’est lamise en œuvre des mesures com-pensatoires qui constitue l’un desprincipaux problèmes. C’est d’ail-leurs ce à quoi cherche à répondrela loi Grenelle II, qui réforme lesétudes d’impact et impose une éva-luation des actions (article 86). Cetteévolution est importante car elle in-troduit des obligations de résultats.L’installation de possibilité de re-cours est probablement une pistepertinente d’amélioration. Gageonsque ce texte aura des conséquencespositives et durables et que ses as-pects plus coercitifs porteront leursfruits.Une autre voie d’amélioration desétudes d’impact aurait pu encoreêtre envisagée en séparant diagnosticet inventaire d’une part, et défini-tion des mesures compensatoires

accompagnées d’une étude de fai-sabilité d’autre part.Enfin, il est souhaitable que, pourgarantir leur objectivité, les porteursd’actions compensatoires soient ex-térieurs aux processus qui ontconduit à la définition des mesures.Ils doivent pouvoir apporter des so-lutions inscrites dans le temps etdisposer d’une technicité avérée.C’est là le sens de la charte éthiquedes Conservatoires régionaux d’es-paces naturels éditée en mai 2009.Plus généralement, une réflexionautour du label de qualité sur la basede savoir-faire avérés pour les struc-tures porteuses pourrait être op-portune.La mise en place de mesures com-pensatoires cohérentes est un desfacteurs d’acceptation sociale desprojets d’aménagement du territoire,et probablement un des enjeux duvolet du Grenelle de l’environnementcroisant politiques de biodiversité etde territoire. L’incapacité d’endiguerla perte de biodiversité et l’arrivéedes Trames vertes et bleues impo-sent des progrès majeurs. ●Bruno Mounier - Fédération desconservatoires d’espaces naturels

EN SAVOIR PLUS

• La charte éthique sur le net :www.espaces-naturels.fr/media/files/charte_ethique• Fédération des CEN : 02 38 24 55 00

“Chaque année en France 60 000 hectares de milieuxnaturels sont impactés de manière irréversibles par unaménagement.

Protégée au niveau européen depuis 1993,la grande nacre en Méditerranée est leplus grand coquillage au monde avec lebénitier tropical.

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Page 51: Espaces naturels

Nous en avons parlé dans ce numéro

RÉSERVE DE BIOSPHÈREDU MONT VENTOUXTour de France et vipèred’Orsini • Page 44

SYNDICAT MIXTEDU BASSIN DE L’ORÉmergence d’uneintelligence collective •Page 46

WISCONSINLes sciencescitoyennes auservice desgestionnairesPage 14

ONFGUADELOUPEBiodiversité desoutre-mersPage 24

GUYANEBiodiversité desoutre-mersPages 25, 28 et 29

ONFMARTINIQUEBiodiversité desoutre-mersPage 26

POLYNÉSIEFRANÇAISEBiodiversité desoutre-mersPages 30 et 31

PARC NATURELMARIN DE MAYOTTEBiodiversité des outre-mers • Page 27

NOUVELLE CALÉDONIEBiodiversité des outre-mersPage 32

CETTE CARTE, À CHAQUE PARUTION, SERA NOTRE, VOTRE, INDICATEUR GÉOGRAPHIQUE : L’OBJECTIF DE LA RÉDACTION

EST DE TRAITER DES SUJETS QUI CONCERNENT TOUS LES TERRITOIRES. À VOUS DE LES PROPOSER.

RÉSERVE NATURELLEGÉOLOGIQUE DESAUCATS-LA BRÈDEIntégrer lesanimateurs saisonniers • Page 38

RÉSERVE DE BIOSPHÈREDE FONTAINEBLEAU ETDU GÂTINAISL’abeille au cœur d’un jeude rôles • Page 34

RÉSERVE NATIONALEDE CHASSE ET DE FAUNESAUVAGE DES BAUGESTechniques de capture de cervidés en montagne •Page 42

Page 52: Espaces naturels

« Agir ensemble pour la Nature en Europe »

La Conférence annuelle Eurosite 2010 est organisée par Scottish

Natural Heritage en collaboration avec le Countryside Council for

Wales et la participation de Natural England.

Pour plus d’informations : www.eurosite.org

CONFÉRENCE ANNUELLE EUROSITE 201013-16 septembre, Dunblane, Écosse

Le grand défi : gérer les sites dans un environnement en mutation

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La mission d’Eurosite

est d’échanger, améliorer

et promouvoir l’expertise

en matière de gestion

des sites pour la nature,

dans toute l’Europe.