ressources humaines d’elior frédéric mion catalogue, on retrouve 14 exe-cutive masters, 13...

6
Frédéric Mion L’homme qui voulait faire tous les métiers CAMPUS La formation continue de Sciences Po ALUMNI Un nouveau conseil d’administration CARRIÈRES Entretien avec la directrice des ressources humaines d’Elior ENQUÊTE La France est une société émergente ! numéro 7 janvier 2014

Upload: tranthuan

Post on 07-May-2018

224 views

Category:

Documents


2 download

TRANSCRIPT

Frédéric MionL’homme qui voulait faire tous les métiers

CAMPUSLa formation continue de Sciences Po

ALUMNI Un nouveau conseil d’administration

CARRIÈRES Entretien avec la directrice des ressources humaines d’Elior

ENQUÊTELa France est une société émergente !

numéro 7 janvier 2014

alumni sciences po. magazine n janvier 2014 janvier 2014 n alumni sciences po. magazine

28 29

Depuis 1973, Sciences Po propose une for-mation continue pour accompagner

cadres et dirigeants des sec-teurs publics et privés dans leur parcours professionnel. Chaque année, plus de 7 500 d’entre eux viennent à Sciences Po pour y suivre plusieurs cursus. Pour s’adapter à la vie active des participants, tous les pro-grammes sont à temps partiel. Il en existe deux types : d’une part les programmes « clés en main », d’autre part des forma-tions « sur mesure », adaptées aux exigences des entreprises soucieuses de proposer à leurs cadres des solutions spécifiques.Parmi les cursus proposés dans le catalogue, on retrouve 14 exe-cutive masters, 13 certificats, 100 programmes courts, des écoles d’été et du coaching. Toutes ces formations s’organisent autour de quatre thématiques : affaires publiques et régulation ; stra-tégie, gouvernance et manage-ment ; communication, média et digital ; leadership et effica-cité personnelle.

Executive mastersLes executive masters (EM) durent en moyenne 40 jours, étalés sur 15 à 18 mois. À la clé, un diplôme officiel de Sciences Po. Julie de La Palme, 40 ans, directrice de la communication

La formation continue de Sciences PoLa formation continue de Sciences Po célèbre, cette année, ses 40 ans d’existence. Alumni Sciences Po Magazine s’est penché sur les différents programmes qu’elle propose aux cadres et dirigeants, ainsi qu’à ses enjeux pédagogiques, dans un marché très concurrentiel.

de IndoSuez Private Banking, a suivi l’EM « Communication » de 2011 à 2013. « Après une expé-rience professionnelle orientée sur les finances, j’avais besoin d’acquis plus académiques en communica-tion, tout en complétant un cursus universitaire par une grande école, raconte-t-elle. Le format, deux jours par mois, était tout à fait compatible avec mon emploi du temps chargé, et conciliable avec ma vie de famille. » Une expérience convaincante : « Le thème de mon mémoire était directement lié à mon expérience de terrain. Mes re-cherches m’ont permis d’alimenter ma stratégie de communication. » Outre la communication, les EM abordent des thèmes aussi va-

riés que la finance d’entreprise, le management des médias, les politiques du handicap, la sil-ver économie, les politiques pu-bliques, etc. Pour Éric-Jean Gar-cia, directeur pédagogique de l’EM « Trajectoire dirigeants », un dirigeant « doit développer une lecture éclairée du monde et être capable de comprendre les enjeux de toutes les grandes fonctions de l’entreprise ». Pour cela, les parti-cipants suivent des séminaires d’analyse financière, marke-ting, ressources humaines, etc. Pour être à l’aise dans leur prise de parole en public, ils participent à un atelier de deux jours d’art dramatique. Pour stimuler leur capacité à s’enga-

ger, ils rencontrent des auteurs et leur soumettent une analyse critique de leurs ouvrages.

Certificats et programmes courtsLes certificats sont des pro-grammes de formation inten-sifs, qui permettent aux partici-pants de se doter de nouvelles compétences dans des secteurs en mutation. On y trouve, par exemple, le certificat « Admi-nistrateur de sociétés », en par-tenariat avec l’Institut français des administrateurs, et deux certificats « pour sportifs de haut niveau ». Ils durent d’une semaine à 15 jours, répartis sur plusieurs mois. Sont aussi pro-posés 90 programmes courts, d’une durée de 1 à 5 jours.

Écoles d’été et coachingLes écoles d’été, organisées pen-dant quatre à cinq jours consé-cutifs, se déroulent à Paris ou sur les campus en région, mais aussi au sein d’universités parte-naires comme l’université fédé-rale de Bahia Salvador (Brésil). De façon plus personnalisée, la formation continue propose quatre types de coaching : crois-sance, développement, dépasse-ment et repositionnement. ©

MA

NU

EL

BR

AU

N

© M

AN

UE

L B

RA

UN

campus dossier

La formation continue existe depuis 1973. Dans quel but a-t-elle été créée ? À qui est-elle destinée ?Les raisons qui ont conduit Sciences Po à proposer aux cadres une formation continue sont, à deux époques différentes, les mêmes que celles qui ont conduit à la création de l’École libre des Sciences politiques. En 1870, la France perd face à la Prusse. Selon Émile Boutmy, cet échec s’explique notamment par les mauvaises décisions prises par les élites de l’époque, à cause de leur mauvaise compréhension du monde. C’est ce constat qui lui inspira la création de l’École libre des Sciences politiques en 1871. En 1973, le choc pétrolier crée de nouveaux rapports de force internationaux. Afin de s’adapter à ce nouveau monde, le gouvernement crée le cadre réglementaire de la formation professionnelle. Dès cette année-là, Sciences Po se positionne sur cette activité, dans le but de former cadres et dirigeants. Quelle est la spécificité de la formation continue de Sciences Po ?Notre offre se différencie par au moins deux facteurs. D’une part, certains thèmes correspondant à notre identité historique : la gouvernance, les affaires publiques, la régulation... D’autres thèmes se rapprochent de ce que font nos concurrents mais nous les abordons avec des spécificités ; je pense au leadership, aux ressources humaines, au numérique et au luxe notamment. D’autre part, notre angle d’approche est différent et répond à l’attente d’originalité intellectuelle exprimée par les entreprises : nous formons aux « sciences sociales appliquées à la décision », et non aux « sciences de gestion ». Nous ne fournissons pas de boîtes à outils préformatées ; nous renforçons la capacité à se poser les bonnes questions.

Quelle sera la stratégie pour accroître la popularité de la formation continue de Sciences Po ?Nous souhaitons tout d’abord cultiver la spécificité de nos programmes, dans un environnement très concurrentiel. Ensuite, nous voulons accroître notre internationalisation. Nous nous appuyons sur plus de 450 partenariats universitaires qui existent à Sciences Po. Aujourd’hui, la Chine est notre premier partenaire. Nous avons aussi un EM itinérant qui se déroule dans cinq pays et développons les « learning expeditions », offrant aux élèves trois à cinq jours d’enseignements et de rencontres professionnelles dans des pays étrangers.

Avez-vous une stratégie numérique ?Tandis que des MOOC (Massive online open courses) seront lancés en janvier 2014 à Sciences Po, nous préparons des SPOC (small private online courses), pour un public ciblé, voire sélectionné. Ils seront disponibles en 2014. Nous pensons par exemple à la thématique de « résolution des conflits », au sens large, que ce soit dans les négociations commerciales, dans la diplomatie, ou dans le dialogue social.

La formation continue s’appuie-t-elle aussi sur le réseau des anciens élèves de l’école ?C’est la force de Sciences Po que de proposer à ceux qui la rejoignent en formation continue d’intégrer ce réseau exceptionnel d’alumni. Mais la formation continue, par ses diplômés, vient aussi enrichir ce réseau de profils de grande qualité. Nous nous attachons à développer un réflexe communautaire de tous ceux qui bénéficient de nos cursus.

Bénédicte Lutaud (M 11)et Anne-Sophie Beauvais (D 01)

« nous voulons accroître notre internationalisation »Interview de Nicolas Péjout (sp 99), directeur de la formation continue de Sciences Po

la formation continUe en chiffres

7 000 cadres et dirigeants

800 intervenants

14 executive masters

et 1 000 diplômés

13 certificats

100 programmes courts

150 000 anciens

La for-mation continue propose quatre types de coaching : croissance, dévelop-pement, dépasse-ment et reposition-nement.

alumni sciences po. magazine n janvier 2014 janvier 2014 n alumni sciences po. magazine

48 49

magazine portrait

Quand il évoque Sciences Po, il préfère utiliser le « nous » plutôt que le « je ». À vrai dire, Frédé-ric Mion n’aime pas trop parler de lui. Le nouveau directeur de la Rue Saint-Guillaume reste discret sur sa vie personnelle, et modeste sur son parcours professionnel. Il a passé ces dix dernières années dans le privé, d’abord au sein du cabinet d’avocats Allen and Overy, puis en tant que secrétaire général du groupe Canal +. On a pu lui reprocher un profil peu uni-versitaire et éloigné du monde de la recherche. En réalité, Fré-déric Mion connaît la maison depuis longtemps. En 1996, Richard Descoings, alors tout nouveau directeur de l’institu-tion, présente cet inconnu de 27 ans lors d’une “bobinette”,

réunion mensuelle des chargés de mission de l’IEP de Paris : « Il vient du conseil d’État. Il est normalien, diplômé de Sciences Po, énarque... alors vous voyez à quoi vous pouvez vous attendre… »1. Richard Descoings aurait aussi pu préciser, au passage, que Fré-déric Mion était sorti major de la promotion Victor Schoelcher de l’ENA, et était passé par la prestigieuse université de Prin-ceton, aux États-Unis, lors d’un échange pendant sa scolarité à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm (lettres). Richard Descoings le charge alors de diriger la section Service pu-blic et la préparation à l’ENA à Sciences Po. En parallèle, Frédé-ric Mion est auditeur au Conseil d’État jusqu’en 1999, et maître de conférences de droit public

L’homme qui voulait faire tous les métiersBénédicte Lutaud (M 11)

à Sciences Po jusqu’en 2000. Le monde universitaire, Frédéric Mion y a aussi été confronté de près de 2000 à 2001 en tant que conseiller au cabinet du ministre de l’Éducation natio-nale, Jack Lang. « À l’époque, le ministère couvrait à la fois l’ensei-gnement scolaire et l’enseignement supérieur. Ce fut extrêmement enri-chissant, assure-t-il. Les leçons que j’ai pu apprendre à l’époque restent actuelles. » À cette époque, il est également membre de la com-mission Attali dédiée à l’har-monisation des diplômes en Europe. Il est ensuite nommé, à seulement 32 ans, directeur au ministère de la Fonction publique jusqu’en 2003, date à laquelle il s’éloigne de la fonction publique. Son virage dans le privé, Frédéric Mion

Frédéric Mion

QHuit mois après sa nomination, dans un contexte de crise, comme directeur de Sciences Po, Frédéric Mion (SP 98) a su apaiser les tensions et prépare des projets ambitieux pour l’avenir de l’école. Rencontre.

« Il vient du conseil d’État. Il est nor-malien, diplômé de Sciences Po, énarque... alors vous voyez à quoi vous pouvez vous at-tendre… »Richard Descoings

alumni sciences po. magazine n janvier 2014 janvier 2014 n alumni sciences po. magazine

50 51

Frédéric Mionmagazine portrait

196930 août, naissance

à Montpellier.

1992 Diplômé de Sciences Po,

section Service public.

2000Conseiller au cabinet du ministre

de l’Éducation nationale Jack Lang.

1996Major de la promotion Victor

Schoelcher de l’ENA. Débute

comme auditeur au Conseil d’État.1998Membre de la commission Attali dédiée à l’harmonisation

des diplômes en Europe, puis

promu maître des requêtes au

Conseil d’État.

1996Chargé de mission à la direction

de la section Service public et à la

préparation à l’ENA à Sciences Po Paris.

2001Directeur adjoint

de l’Administration

et de la Fonction publique.

2003Avocat of counsel puis avocat associé

au cabinet d’avocats Allen and Overy Paris.

2007Secrétaire général du groupe Canal +.

201329 mars, nommé, par

décret du président de

la République et arrêté

ministériel, administrateur de la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP) et

directeur de Sciences Po.

Élève de la Rue d’Ulm, FrédéricMion multiplie les rôles au sein de la troupe de théâtre de l’Archi-cube dans des pièces de Jean Tardieu, Corneille et Feydeau.

l’assume pleinement : « Ce pas-sage de dix ans comme avocat, donc dans un métier de conseil, puis dans une grande entreprise – Canal +, NDLR – avec une forte dimension in-ternationale à chaque fois, constitue un atout pour diriger une maison devenue aussi diverse et complexe que Sciences Po. J’ai pu expérimen-ter de l’intérieur une grande partie des milieux professionnels auxquels nos étudiants se destinent, dans une institution qui est elle-même à la croisée de la gestion publique et de la gestion privée. »

Montpelliérain, amateur de Stendhal et comédienDe ses années étudiantes à Sciences Po, Frédéric Mion garde un souvenir fort. Nous sommes le 9 novembre 1989. Le futur successeur de Richard Descoings fait partie de l’as-semblée d’élèves qui écoutent attentivement la conférence sur l’actualité de la semaine du professeur Alfred Grosser, “père” de la réconciliation et de la coopération franco-alle-mande. « Soudain, le directeur de l’époque, Alain Lancelot, est arrivé et s’est dirigé vers la tribune. “Mon cher Alfred, a-t-il dit au professeur, je suis désolé de t’interrompre, mais le mur de Berlin vient de tomber.” Alfred Grosser s’est tu, et s’est mis à pleurer. La salle était partagée entre la liesse et l’émotion. » Avant d’être un inconditionnel du quartier latin, de la prépa Henri IV à la péniche en passant par la Rue d’Ulm, Frédéric Mion a passé ses 17 premières années

à Montpellier. Quand on évoque sa ville natale, le directeur de Sciences Po esquisse un sou-rire, et son visage, resté jusqu’à présent d’une expression très neutre, s’illumine. « Tous mes proches y ont vécu. J’y suis très atta-ché. Ma ville est très liée à l’histoire de ma famille : elle est montpellié-raine depuis plusieurs siècles ! », souligne-t-il. Petit dernier d’une famille de cinq enfants, il es-time avoir eu un véritable « trai-tement de faveur » et se trouve « très chanceux : j’ai bénéficié de l’expérience acquise par mes quatre frères et sœur. Je suis très proche d’eux ». Par « expérience acquise », Frédéric Mion fait allusion à leurs parcours tout aussi bril-lants que le sien : ses trois frères sont respectivement ingénieur, médecin et avocat. Sa sœur, à

la fibre plus artistique, a fait carrière dans le chant classique avant de se consacrer à sa vie de famille. La fibre artistique, on la retrouve aussi chez le benja-min. Élève de la Rue d’Ulm, Fré-déric Mion multiplie les rôles au sein de la troupe de théâtre de l’Archicube dans des pièces de Jean Tardieu, Corneille et du célèbre auteur de vaudevilles, Feydeau : « J’ai incarné le person-nage de Rédillon dans Le Dindon. Amoureux d’une femme mariée, il lui fait promettre qu’il sera en pre-mier sur la liste si elle décide un jour de tromper son mari ! » Ama-teur de mémoires et de romans classiques, le normalien avoue avoir un faible pour Stendhal et La Chartreuse de Parme. Dans son bureau, se dresse un tableau – s’avérant être en réalité une photo – représentant la vallée de l’Engadine, en Suisse, dans laquelle s’étend un chapelet de lacs à 2 000 mètres d’altitude. « Les sommets la surplombant sont à plus de 4 000 mètres d’altitude », précise le directeur, révélant au passage son goût pour les sports de montagne. Or, c’est aussi dans cette vallée qu’un certain Nietzsche a écrit Ainsi parlait Zarathoustra. « Cette pho-tographie m’a suivi dans tous mes bureaux, depuis que je suis avocat. C’est un peu comme une fenêtre vers des lieux éloignés de Paris »... pour s’évader mentalement quand les dossiers de la Rue Saint-Guillaume deviennent un peu trop lourds. 1 Le Monde, portrait du 4 mars 2013.

« Les anciens élèves sont un trésor pour Sciences Po »

Qu’est-ce qui vous a motivé à proposer votre candidature comme directeur et administrateur de Sciences Po ?Poser ma candidature à Sciences Po n’a pas été une évidence qui se serait imposée à moi. Tout simplement parce que s’autoriser à penser à la succession de Richard Descoings n’était pas simple. Quelques mois ont été nécessaires pour que l’idée puisse faire son chemin. Sciences Po incarne le meilleur de ce dont l’enseignement supérieur et la recherche sont capables en France, lorsqu’ils peuvent bénéficier d’une forme très aboutie d’autonomie et qu’ils s’appuient sur les ressources que constituent une communauté académique de premier rang, des élèves sélectionnés parmi les tout meilleurs au monde, un réseau de maîtres de conférences et d’intervenants extérieurs dans tous les domaines de la vie professionnelle… bref,

sur tout ce qui fait la richesse de Sciences Po. Tout cela constitue une force d’attraction irrésistible. En une phrase, ce qui m’a motivé à être candidat, c’est la puissance de l’institution.

Lorsque votre nom a été révélé, on a pointé du doigt le fait que vous n’étiez pas issu du monde universitaire et de la recherche. Comment avez-vous défendu votre positionnement ?Je n’ai pas ressenti cela comme un handicap. L’histoire de Sciences Po montre que les périodes où l’institution a été dirigée par des universitaires ont été l’exception, pas la règle. Mais peut-être que cela a été souligné avec une insistance particulière parce que Sciences Po a changé ces quinze dernières années : la part des enseignants et chercheurs permanents dans Sciences Po

De g. à d. : Frédéric Mion, Jérôme Guilbert, Anne-Sophie Beauvais, Bénédicte Lutaud et Pierre Meynard.

© M

AN

UE

L B

RA

UN

alumni sciences po. magazine n janvier 2014 janvier 2014 n alumni sciences po. magazine

52 53« Mon am-bition est de faire de Sciences Po une uni-versité de recherche sélective de rang interna-tional, et de le faire dans les disciplines qui sont les nôtres, c’est-à-dire les sciences sociales. »

« La crise de l’an passé est surtout une crise de crois-sance, d’une institu-tion qui a beaucoup grandi, en passant de 3 000 à 12 000 étudiants en dix ans. »

magazine portrait

s’est accrue, et une légitime aspiration de reconnaissance a pu naître au sein de cette communauté et passer par le souhait de mettre à la tête de l’établissement un universitaire. Mon positionnement est clair : je ne vais pas me prendre pour ce que je ne suis pas, mais je dois savoir m’entourer d’universitaires chevronnés pour m’aider à conduire au mieux ma mission, notamment sur les deux poumons de la maison que sont la formation et la recherche. C’est ce que j’ai fait en nommant Françoise Mélonio à la direction des études et de la scolarité et Christine Musselin à la direction scientifique.

La comparaison avec votre prédécesseur, Richard Descoings, semble facile à faire : vous êtes arrivés tous deux relativement jeunes à la direction de Sciences Po, vous êtes tous deux énarques, passés par le Conseil d’état, et anciens conseillers de Jack Lang, alors ministre de l’éducation nationale. Cette comparaison vous gêne-t-elle ? La comparaison, si elle doit être faite, m’honore. Richard Descoings a été indéniablement un très grand directeur de Sciences Po. Mais la comparaison est malgré tout un peu injuste… Je n’ai assurément pas les mêmes qualités que lui, ni, peut-être, les mêmes défauts. Richard Descoings a dédié la quasi-totalité de sa carrière professionnelle à Sciences Po et est devenu un très grand spécialiste des questions d’enseignement supérieur et d’éducation. De mon côté, plusieurs étapes ont marqué mon parcours, et je considère que c’est un atout aujourd’hui pour diriger une maison qui est devenue complexe. Avoir vécu dans tous les univers professionnels auxquels nos élèves se destinent me semble important, tout comme avoir pratiqué la gestion publique autant que la gestion privée. Sciences Po est en effet à la croisée de ces deux mondes, elle fonctionne sur des règles de droit privé, mais elle est indéniablement un élément du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche. De mon parcours, je retire beaucoup de leçons utiles pour les fonctions qui sont les miennes aujourd’hui.

Vous êtes arrivé à la tête de Sciences Po après une année très difficile : le décès brutal de Richard Descoings en avril 2012, le rapport de la Cour des comptes très critique sur la gestion de Sciences Po en novembre 2012, une année de gouvernance par intérim, des élections mouvementées… Le climat est-il aujourd’hui apaisé à Sciences Po, avec une confiance retrouvée ? Sur le climat, vous pouvez en juger aussi bien que moi… L’Association des alumni n’est qu’à quelques mètres du 27, rue Saint-Guillaume. En arrivant au mois d’avril dernier, j’ai trouvé une institution très

journalisme, de la communication, de droit et enfin d’affaires internationales. Nous devons poursuivre, et la prochaine école sera celle des affaires publiques qui sera lancée dès la rentrée 2014.

Beaucoup d’anciens élèves ont connu la « section service public » de Sciences Po, c’est un peu un retour aux sources ? Nous ne voulons pas simplement mettre un peu d’ordre dans ce qui existe, il s’agit de repenser en profondeur la formation qu’une institution comme Sciences Po a vocation à dispenser à des jeunes gens qui se destinent aux métiers du service public, entendu au sens large, et à des responsabilités qui seront en lien avec les pouvoirs publics. C’est pour nous une chance, que je qualifierai même d’historique, de poser des bases neuves dans ce domaine qui est, depuis l’origine, au cœur des missions de notre maison.

D’autres projets d’écoles sont également à l’étude ? Nous avons d’excellentes formations en matière d’affaires urbaines, et je pense qu’elles peuvent également donner lieu à la création d’une école dédiée à ce champ professionnel. Tout comme les métiers de l’entreprise.

L’un des reproches que l’on a souvent faits à Sciences Po est de ne pas avoir assez de professeurs permanents. Derrière les formations, c’est donc peut-être aussi un corps professoral qu’il faut renforcer ? Nous avons recruté une quarantaine de nouveaux professeurs et chercheurs permanents depuis 2008, et nous l’avons fait pour l’essentiel sur nos propres ressources. Mais nous devons en effet continuer à augmenter le corps des enseignants permanents

et l’équipe scientifique. Notre capacité de recherche doit aussi être renforcée. Ce sera utile pour notre enseignement, mais ce sera utile aussi pour inscrire pleinement Sciences Po dans le monde des universités de recherche de premier plan.

Alumni Sciences Po Magazine a dédié l’enquête de son dernier numéro à la culture du numérique. Benoît Thieulin (SP 95), membre du conseil d’orientation du magazine et président du Conseil national du numérique, y a rédigé un article sur les Mooc, ces cours en ligne ouverts à des publics extérieurs aux universités, en parlant « d’innovation disruptive à l’assaut de l’éducation »2. Sciences Po sera-t-il en pointe sur ce sujet ? Qui dit innovation pédagogique aujourd’hui dit en effet nécessairement recours aux technologies numériques. Il y a pour nous un grand chantier, avec deux questions. Comment devons-nous repenser et améliorer la formation que nous dispensons à nos élèves à Sciences Po en fonction de ce que le numérique rend possible ? Et comment pouvons-nous par ailleurs, grâce à ces technologies nouvelles, atteindre des publics qui ne sont pas à Sciences Po ? Je souhaite que nous nous engagions de manière déterminée, dans les mois qui viennent, dans ces deux directions, et que nous nous inscrivions ainsi dans ce mouvement qui se dessine à l’international, celui des Mooc : il s’agit en fait d’un terme générique destiné à désigner des types d’enseignement spécifiquement conçus pour les médias numériques et pour des publics éloignés des universités. Nous lançons notamment, au mois de janvier, deux premiers Mooc, que nous avons confiés à deux grands professeurs de Sciences Po : Bruno Latour, qui va faire un cours en anglais sur les humanités scientifiques, et Bertrand Badie, qui va faire un cours en français sur les grands espaces mondiaux.

marquée par ce qui s’était passé depuis un an, c’est vrai, mais malgré tout concentrée sur ses tâches et surtout désireuse de repartir de l’avant. Et ce sentiment ne s’est pas démenti dans les mois qui ont suivi. Je me suis attaché à rencontrer le maximum de personnes, à restaurer les conditions d’un travail serein et à reformer des équipes pour mener tous nos projets. Aujourd’hui, toutes les conditions sont réunies pour que l’institution reparte de l’avant.

Concrètement, qu’est-ce qui a changé ? Nous nous sommes attachés, sans perdre de temps, à corriger ce qui devait l’être, et à répondre durablement à la totalité des recommandations de la Cour des comptes. Celles-ci ont été, on le sait, abondamment couvertes par la presse, d’ailleurs parfois avec des raccourcis qui ont pu conduire certains à penser que Sciences Po était mal géré, constat auquel je ne souscris pas. Il y a, bien sûr, comme dans toute institution de cette nature, des choses à corriger, et nous l’avons fait au cours de ces derniers mois ; mais Sciences Po a des atouts extrêmement solides qui font sa force aujourd’hui. Nous sommes sur la voie d’une gestion saine. Nous avons encore à moderniser les structures de Sciences Po. La crise de l’an passé est surtout une crise de croissance, d’une institution qui a beaucoup grandi, en passant de 3 000 à 12 000 étudiants en dix ans, avec des structures administratives qui n’avaient pas été nécessairement adaptées. Nous sommes au travail pour moderniser nos statuts, rendre notre fonctionnement plus transparent et adapter nos structures à la taille et aux missions qui sont les nôtres aujourd’hui.

Au-delà de cette réforme de structure et d’organisation, quelles sont vos autres priorités pour Sciences Po ? Mon ambition est de faire de Sciences Po une université de recherche sélective de rang international, et de le faire dans les disciplines qui sont les nôtres, c’est-à-dire les sciences sociales. Notre premier cycle, celui du « collège universitaire », a été déjà entièrement repensé1, et cette réforme a été une réussite. Bien entendu, nous pouvons encore progresser, mais notre effort en matière de formation initiale doit surtout porter sur les masters. Aujourd’hui, pour ce qui concerne les masters, nous avons une offre très riche, mais cette richesse est peut-être excessive et donc peu lisible pour les élèves comme pour les recruteurs. Il faut aller au bout d’un chantier qui a été engagé à Sciences Po il y a dix ans et qui n’est pas arrivé encore à son terme, celui de la structuration du deuxième cycle en écoles professionnelles. Nous avons déjà créé des écoles de ©

VIN

CE

Nt

BLO

CQ

UA

UX

alumni sciences po. magazine n janvier 2014 janvier 2014 n alumni sciences po. magazine

54 55

Face à tous ces projets, la question des ressources se pose…C’est en effet la dernière préoccupation majeure pour réaliser nos ambitions. Il faut être capable de mobiliser des ressources pour assurer notre développement. Le financement de l’État qui était encore très prépondérant il y a vingt ans, de l’ordre de plus de 80 % de nos ressources, est devenu minoritaire, puisque ce sont aujourd’hui seulement 46 % de nos ressources qui nous viennent de la dotation du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Que s’est-il passé entre-temps ? Sciences Po a développé ses ressources propres, à commencer bien sûr par les droits d’inscription, mais aussi la recherche financée sur contrat, les partenariats avec les entreprises, et enfin la levée de fonds auprès des particuliers, notamment des anciens élèves. Il est évident que dans le contexte budgétaire qui est celui de la France aujourd’hui, le financement de l’État, qui reste pour nous absolument décisif, ne sera sans doute pas le poste le plus dynamique de nos ressources. Dès lors, nous devons nous mettre plus que jamais en ordre de bataille pour développer nos ressources propres. Et dans ce domaine, l’implication des anciens élèves et de l’Association des alumni sera déterminante.

La formation continue de Sciences Po est-elle aussi un axe de développement ? Absolument. C’est en effet une activité que nous souhaitons faire rapidement progresser dans les années qui viennent3. Là aussi, le public de nos anciens est un public de choix. À la fois pour en bénéficier eux-mêmes, au cours de leur carrière professionnelle, mais aussi, au cœur de leurs entreprises, pour mettre en valeur la formation continue de Sciences Po.

Sciences Po est membre fondateur du PRES « Sorbonne Paris-Cité »4, devenu, depuis la dernière loi sur l’Enseignement supérieur de juillet 2013, une « communauté d’universités et d’établissements ». Quels sont les enjeux pour Sciences Po d’un tel regroupement avec d’autres acteurs ? Cette construction collective revêt pour Sciences Po une grande importance. Elle permet d’ouvrir des perspectives enthousiasmantes, notamment vers des disciplines qui ne sont pas présentes à Sciences Po, comme les sciences du vivant ou les sciences dures, mais qui sont décisives pour comprendre les enjeux du monde actuel. Cela va nous permettre d’inventer pour demain des projets de recherche et de formation innovants, notamment en matière d’environnement ou de santé publique, qui sont des domaines à la croisée des sciences humaines et des sciences exactes. Mais au sein de cette dynamique collective, si Sciences Po doit rester un acteur clé, il n’a pas vocation à diluer sa spécificité, pédagogique ou juridique. Sciences Po gardera son autonomie. Car cette spécificité est notre richesse.

Un dernier mot à destination des anciens élèves ? Les alumni sont plus importants que jamais. Ce qui fait la richesse d’une institution comme la nôtre et qui assoit plus sûrement encore son positionnement en France et à l’international, c’est la qualité de ses élèves et de ses diplômés. C’est par eux que se joue aussi la réputation de Sciences Po dans un monde aussi concurrentiel que l’est aujourd’hui l’enseignement supérieur. Ce que nos anciens démontrent dans leur pratique professionnelle, au quotidien, témoigne de l’excellence de ce qu’ils ont appris à Sciences Po. Les anciens élèves sont un trésor pour Sciences Po. Et, vous l’aurez compris, au moment où la question de nos ressources devient cruciale, le soutien des alumni devient essentiel pour garantir notre développement. Propos recueillis par Anne-Sophie Beauvais (D 01) et Pierre Meynard (SP 72)

1 Voir l’entretien avec Jean-Louis Pouthier, p. 27.2 À retrouver sur les réseaux sociaux des alumni – Facebook, Twitter, LinkedIn3 Voir l’interview de Nicolas Pejout, p. 29.4 Pôle de recherche et d’enseignement supérieur qui regroupe les universités Paris III, Paris V, Paris VII, Paris XIII, l’Inalco, l’EHESP et l’Institut physique du globe de Paris.

« Ce qui fait la richesse d’une institution comme la nôtre et qui assoit plus sûrement encore son position-nement en France et à l’inter-national, c’est la qualité de ses élèves et de ses diplô-més. »

magazine portrait

www.facebook.com/

SciencesPoAlumni

Pour savoir ce qui se dit sur le 1er des réseaux sociaux.

L’annuaireEn ligne ou sur papier, les coordonnées des 35 000 alumni.

www.twitter.com/

ScPoAlumni

Les dernières infos sur le plus influent des réseaux sociaux.

www.alumni-sciencespo-aspo.fr/linkedin

www.alumni-sciencespo-aspo.fr/viadeo

Un contact direct et professionnel avec des milliers d’alumni.

www.sciences-po.asso.fr Pour mettre à jour ses coordonnées, adhérer, s’inscrire aux événements, suivre les actus, consulter les offres d’emploi.

Une newsletter mensuelleEn français ou en anglais pour connaître les événements et les actualités de l’Association.

www.trajectoires-alumni.fr/blogLe blog emploi pour faire vivre son parcours professionnel.

Alumni Sciences Po MagazineLe nouveau magazine de l’Association pour tous les adhérents. Toute l’actualité de Sciences Po, des alumni, des conseils sur les carrières, une enquête, un portrait…

se connecteR au Réseaucomment

Des sciences-Po ?