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    L'offre organise de jeux de hasard et d'argent

    aux ans : responsabilit sociale, gouvernance etprvention

    Chercheur principalYves Boisvert, cole nationale d'administration publique

    Co-chercheur(s)Frdric Lesemann, Institut national de la recherche scientifique

    lisabeth Papineau, Institut national de sant publique du Qubec

    Avec la collaboration deFanny Lemtayer, M.A.

    Olivier Guertin, M.A.Nadia Gigure, Ph.D.

    Claudine Desjardins, M.A

    tablissement gestionnaire de la subventioncole nationale d'administration publique

    Numro du projet de recherche2009-VD-131882

    Titre de lAction concerteJeux de hasard et d'argent chez les ans

    Partenaire(s) de lAction concerteLAssociation qubcoise des retrait(e)s des secteurs publics et parapublics; le Conseildes ans; le ministre de la Sant et des Services sociaux; le Secrtariat aux ans;

    et le Fonds de recherche du Qubec Socit et culture (FRQSC)

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    Rapport de recherche

    FQRSC-Programme des actions concertes

    Les ans et les jeux de hasard et dargentManagement du risque et thique de la gouvernance dans loffre organise

    de jeux de hasard et dargent1

    Yves Boisvert, Ph.D., ENAP,

    Frdric Lesemann, Docteur en sociologie, INRS,lisabeth Papineau, Ph.D., INSPQ

    Avec la collaboration de Fanny Lemtayer, M.A., Olivier Guertin, M.A., Nadia Gigure, Ph.D. et

    Claudine Desjardins, M.A.

    Septembre 2012

    1 Cette recherche a t subventionne par le Conseil des ans, le ministre de la Sant et des Services sociaux, leSecrtariat aux ans, lAssociation qubcoise des retrait(e)s des secteurs publics et parapublics et le Fonds qubcoisde la recherche sur la socit et la culture dans le cadre du programme Actions concertes (FQRSC).

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    Introduction

    Depuis plusieurs annes, le gouvernement qubcois est proccup par les problmes lis la pratiquedes jeux de hasard et dargent. Dans son Plan daction gouvernemental sur le jeu pathologique 2002-2005, le ministre de la Sant et des Services sociaux (MSSS) reconnaissait les personnes anes

    comme tant un groupe risque de dvelopper des problmes de jeu. Cela est particulirementinquitant surtout lorsquon constate que les 55 ans et plus semblent constituer, pour les partiesprenantes impliques dans loffre de jeu, un important segment de consommateurs (Ferland & al., 2006 ).

    Alors que Loto-Qubec et ses filiales sont les gestionnaires lgaux des jeux de hasard et dargent auQubec, les voyagistes, les compagnies de transport par autocar, les organismes communautaires ousans but lucratif, ont aussi un rle jouer dans loffre de jeu. Toutefois, deux acteurs fondamentaux nedoivent pas tre omis parmi cette liste dacteurs, notamment, le ministre des Finances, qui constitue leministre responsable des entreprises publiques qui fixe les objectifs de performance financire de cesdernires, ainsi que le gouvernement du Qubec, lunique actionnaire de ces entreprises publiques, qui

    rcolte ainsi les dividendes de ces dernires. En 2003, M. Russel Williams, adjoint parlementaire duministre de la Sant et des services sociaux du Qubec, affirmait dailleurs que parce que les jeux dehasard et dargent sont rgis par les autorits publiques, les personnes exerant le pouvoir lgislatif etle pouvoir excutif ont une responsabilit quant aux rpercussions ngatives qui, reconnaissons-le, sontinhrentes ce genre de jeu (Williams, 2003).

    La question de la responsabilit sociale de ces acteurs publics et privs lis la gestion de loffre de jeuna pourtant jamais t rellement examine, dfinie, voire balise. En effet, qui ( quel palier? quelmoment?) dans le processus de marchandisation du jeu est apte et responsable de faire de laprvention? De quel type de geste prventif le domaine du jeu a-t-il rellement besoin pour faire diminuerles effets ngatifs de loffre de jeu ? Quelles sont les responsabilits politiques face aux problmes qui

    sont causs par des produits quune entreprise publique met sur le march ?

    Dans le cadre de notre projet de recherche, nous avons voulu nous pencher sur le rle en matire deprvention des parties prenantes impliques dans loffre de jeu organise au Qubec. Parce que danslappel de proposition du FQRSC une importance particulire est accorde la question de la prvention,nous dsirions, dans la ligne de nos travaux prcdents, tester la faisabilit et lacceptabilit duneculture de coresponsabilit chez les acteurs impliqus dans loffre de jeu aux ans ( Papineau, Boisvert &Roy, 2001 ; Blanger, Boisvert, Papineau & Vtr, 2003 ; Papineau & Boisvert, 2003).

    Selon les valuateurs de notre demande de subvention, lune des richesses de notre projet tait le regard

    interdisciplinaire que nous proposions. Nous avons maintenu le cap sur cette interdisciplinarit qui aamen nos recherches lintersection de trois champs : la sociologie du vieillissement, les jeux de hasardet la sant publique ainsi que lthique publique.Nous avons dailleurs respect ce cadre pour rdiger leprsent rapport.

    Mme si ce projet est guid par un esprit interdisciplinaire, il est noter que lorientation principale desrsultats est celle de lthique publique. Il faut donc accepter lide que les rsultats miseront sur un plan

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    de prvention ax sur le devoir-tre et quun intrt particulier sera accord la ncessit de revoircertaines dcisions politiques et certaines actions publiques.

    Nous aimerions prciser de facto que notre recherche a rencontr une rsistance de la part de Loto-Qubec : la socit dtata refus de rpondre nos demandes daccs l information et elle a refus de

    nous accorder des entrevues pour la recherche.

    Dans le prsent document, nous prsentons notre cadre thorique et nous livrons une brve synthse denos rflexions dcoulant des rsultats de la recherche, rflexions ancres dans nos trois approchesthoriques. Un second document sera prsent part afin de soumettre des recommandations en lienavec ces rsultats2.

    Cadre thorique

    Nous avons appuy notre dmarche de recherche sur la vision particulire dite de lthique publique, qui

    nous amne aborder de faon spcifique la question de la prise de dcision publique.

    Contrairement la posture morale, qui nous parat dphase dans le contexte des socits pluralistescontemporaines, lthique publique se veut mieux adapte, car plus pragmatique et respectueuse de lapluralit des valeurs. On peut mme dire que lthique publique propose justement de modrer les excsde la morale et damener la dcision publique vers une voie mdiane qui favoriserait le consensus. Cechoix de lthique publique nous loigne donc de facto de tout ce qui pourrait prendre les allures derevendications de types prohibitionnistes ou no-prohibitionnistes.

    Lthique publique saligne sur le constructivisme et le pragmatisme, ce qui lamne dfendre lide quelon doit analyser les phnomnes sociaux comme sil sagissait dvnements cherchant influencer la

    faon dont les acteurs sociaux abordent la ralit sociale et lui donnent du sens. Elle cherche fairecomprendre aux acteurs quon ne doit pas aborder les problmes sociaux ni dans une perspectivenaturaliste (la pratique sociale serait naturelle en soi), ni dans un horizon moraliste (la pratique socialeserait immorale en soi). Lthique publique dfend plutt lide que la pratique sociale reoit saqualification du jugement collectif qui lui est appos. Ainsi, lthique publique veut amener les acteurssociaux et politiques faire face leurs responsabilits, car ceux-ci ont le pouvoir de qualifier lespratiques sociales et dinfluencer lorientation des actions publiques qui vont leur tour influencer cespratiques sociales.

    Lthique publique adopte la perspective de la rsolution des problmes complexes ; perspective qui

    affirme que face des problmes sociaux qui sont de plus en plus complexes, on ne peut pas opter pour

    2Cest dlibrment que nous nous abstenons de prsenter ici des donnes de nature pidmiologique. Deux recherchessur les problmes de jeu chez les ans ont cours actuellement au Qubec, finances par le MSSS, le FQRSC et leurs

    partenaires. Elles proposent des donnes plus spcifiques lexprience individuelle de jeu et aux problmes de jeu desans. Nous avons donc mis lemphase sur des aspects complmentaires aux donnes gnres par ces deux quipes(Giroux, I., Landreville, P. & Svigny, S. (En cours). Trajectoire rtrospective de jeu et influence des aspectsfinanciers et sociaux sur la participation au jeu des adultes gs de 55 ans et plus et Vallerand, R, Guay, F. (en cours).Robert Vallerand Les jeux de hasard et dargent chez les personnes anes : tat de la situation .

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    des solutions simplistes qui excluent les autres propositions ; on doit plutt accepter de regarder chacundes problmes dans sa globalit et reconnatre que lon doit rester modeste dans les propositions dersolution qui sont avances.

    Lthique publique a la prtention de sinscrire dans une logique daide la dcision qui serait plus proche

    de nos valeurs dmocratiques, tels que lquit, la justice, la libert et le bien commun. Alors que lalogique du lobbying est dinfluencer les dcisions politiques en fonction des intrts particuliers des clientsindividuels ou tribaux, lthique publique a plutt la volont de faire merger une dcision qui favori seraitle maintien de la cohsion sociale et un juste quilibre entre les droits particuliers et lintrt public.

    Le rle de ceux et celles qui participent au dbat relatif un problme public est de fournir delinformation, des arguments et des propositions afin daider les acteurs qui occupent les espacespolitiques prendre les meilleures dcisions. Ainsi, lthique publique fait donc la promotion des dbatsqui clairent la vie de nos socits, elle prend position contre les dcisions politiques arbitraires qui seforgent hors des lieux de dialogue en affirmant quil sagit l dun dtournement du sens mme de ce quelon doit considrer comme lesprit de notre dmocratie contemporaine.

    Il faut cependant faire attention et ne pas exiger que lthique publique se substitue au politique (lieudorganisation, de structuration, dinstitutionnalisation et de gestion du vivre ensemble social). Lthiquepublique ne doit pas avoir la prtention de vouloir instituer de nouveaux espaces dcisionnels en matirepolitique, elle doit se limiter occuper un espace prcis dans linfrastructure dmocratique, soit lespacerflexif et dialogique qui se profile en amont de lespace politique.Lthique publique sinscrit assurmentdans une perspective de transaction sociale.

    Des indicateurs propres lthique publique

    Pour rendre oprationnelle cette approche de lthique publique, nous identifions quatre indicateurs.

    Management du risque : Cette perspective fait la promotion de la prise en charge par les pouvoirs publicsdune gouvernance responsable de la gestion prventive des problmes sociaux qui touchent noscollectivits. Lobjectif est de dvelopper une vritable thique de la gouvernance , o chaque acteursera renvoy sa propre responsabilit en participant la responsabilit collective (MRM, 2002). Nousadapterons cette approche au management des risques thiques, cest--dire la gestion prventive descomportements et des situations risque en matire doffre de jeu. Cette approche vise dvelopper unethique de la gouvernance qui fasse la promotion de la coresponsabilit chez tous les acteurs impliqusdans lindustrie de loffre de jeu aux ans.

    Principe de prcaution : Selon le principe de prcaution, labsence de certitude scientifique absolue ne

    doit pas servir de prtexte pour remettre plus tard ladoption de mesures effectives visant prvenir (Ewald, 2001) les impacts que peut avoir un produit jug dangereux sur la population ou un groupe decitoyens. Le principe de prcaution amne les acteurs publics agir avec prudence face lmergence denouveaux problmes sociaux qui sont lis un produit ou une activit qualifis de dangereux, et ce,mme si les liens de causalit ne sont pas parfaitement tablis. Si ce principe a surtout t utilis dans lecadre des rflexions sur lenvironnement et les nouvelles technologies, il apparat adapt llaborationde toutes autres politiques publiques portant sur des activits sociales considres comme risques pourla sant et la scurit des citoyens.

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    Responsabilit sociale : Au cours des dernires annes, le concept de responsabilit sociale desentreprises (RSE) est devenu un thme dominant dans la littrature managriale. Lmergence de ceconcept est le reflet dune importante remise en question du rle des entreprises. Le concept de RSEinterpelle lacceptabilit sociale de lautorgulation des entreprises et elle pose la question de la capacitet la volont autorgulatoire de ces dernires. De faon plus prcise, on incite les entreprises tenir

    compte des externalits associes leurs activits (ex. consquences sur lenvironnement, sur lesindividus, sur des groupes dindividus, etc.) ainsi qu accorder aux parties prenantes une attentionparticulire. Pour notre projet, nous allons largir ce champ dintervention de la RSE la RS en gnral etnous allons nous poser la question de la responsabilit intrinsque qui interpelle lensemble desorganisations, entreprises et acteurs qui interviennent dans le domaine de loffre de jeu. Nous allons doncanalyser quelles sont les responsabilits lies aux dcisions quils prennent et les actions quils posentdans le cadre de cette industrie.

    Utilitarisme versus Caring : dans le cadre de cette recherche, il nous a sembl important de faire ladistinction entre certaines interprtations de la mission fondamentale de ltat et des services publics.Dans le domaine qui nous intresse, la vision troite et simpliste de lutilitarisme (le plus grand bien, pour

    le plus grand nombre) est dominante puisque cest toujours la question de limpact positif pour lintrtpublic de la contribution financire de Loto-Qubec qui est mise de lavant par nos gouvernements, alorsquon aurait avantage se rfrer un utilitarisme moderne plus quilibr (maximisation des satisfactionsen respect avec une volont de minimiser les souffrances). Dans le discours gouvernemental portant surloffre de jeu on aborde trs peu la responsabilit gouvernementale de base qua ltat dassurer laprotection sociale des plus vulnrables et encore moins son obligation de soccuper de la souffrance quegnrent les activits commerciales de la socit dtat (lapproche par le Care ). Cela est pourtant aucur de la vision traditionnelle de la mission de ltat, o ltat sengage protger ses citoyens contreles menaces produites lintrieur et lextrieur de la communaut. Ainsi, le contrat social qui est labase du dveloppement des tats insiste sur lidal de protection des membres de la communaut. Le

    dfi qui est pos par lthique publique sera de trouver un certain quilibre entre les vises utilitaristes etla prrogative de protection des citoyens.

    Lthique publique, comme stratgie de recherche contestant les fondements du paradigme dominant

    pour expliquer les problmes de jeux

    En ce qui a trait la problmatique du jeu, nous pensons que la rflexion doit souvrir sur la gestion deloffre de jeu et non seulement sur la responsabilit individuelle comme cela a trop longtemps eu tendance simposer (Reith, 2008). Ainsi, nous suivons Gusfield (2009) qui insiste sur limportance de rejeter leprimat du paradigme dominant qui simpose toujours trop rapidement dans la construction des problmespublics. Comme dans le dossier de lalcool au volant qui inspirait les recherches de Gusfield, la

    problmatique du jeu est, elle aussi, domine par le paradigme de la responsabilit individuelle dessujets incomptents ou dviants (Becker, 1985) qui narrivent pas utiliser adquatement et defaon responsable les produits du jeu qui leur sont offerts.

    Conformment la posture de Gusfield, nous dirons quil est essentiel dlargir leregard que lon portesur le problme public qui nous intresse et quil faut questionner les responsabilits collectives quipourraient tre sous-jacentes ce problme. En contestant le paradigme, nous rejoignons le professeurPierre P. Tremblay, pour qui la question de lthique en matire de jeu ne doit pas porter sur lacte lui -

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    mme, elle doit plutt porter sur la manire et lintensit de son exploitation par ltat, lui dont la finalitpremire est le bien commun (Tremblay, 2003). Lex-dput libral Russel Williams prcise : le jeu faitpartie de la vie. Le gouvernement a la responsabilit morale de le contrler et de le grer et, surtout,dassurer que sa promotion soit adquate et approprie. Il doit montrer quil est prt prendre desdcisions difficiles, afin de garantir un bon quilibre en ce domaine (Williams, 2003).

    Dans lesprit de Genard et al. (2007), on dira aussi que ce paradigme impose ltat et aux gestionnairesde loffre de jeu une vision particulire de ce quil faut faire en matire de prvention, soit : A) la promotiondu jeu responsable (Blazczynski, Ladouceur, Shaffer, 2004) comme seule avenue de normalit ; B) untravail sur la capacitation, qui constitue une aide au dveloppement des capacits des sujets dviantspour les amener se prendre en charge, assumer leur responsabilit personnelle pour viter de glisservers la dviance. Comme on la vu, lthique publique nous amne remettre en question le paradigmedominant de la stricte responsabilit individuelle au profit dun questionnement largi la responsabilitdes acteurs impliqus dans loffre de jeu. Par ricochet cela va nous amener revoir aussi la faon donton aborde le volet prventif. Dans une perspective largie, nous allons explorer des pistes de prventionqui se situent bien en amont du dveloppement des problmes de jeux, soit lanalyse des facteurs de

    risque propres aux diverses stratgies de mise en march de ces produits de jeu, lvaluation de lapression financire de lactionnaire unique de Loto-Qubec, soit le gouvernement et mme lanalyse deschoix de politiques publiques en matire de revenus.

    Mthodologie

    La ralisation de ce projet de recherche sest faite en plusieurs tapes et selon des mthodologiesvaries.Les revues de littrature3: suivant les mthodes traditionnelles danalyse de la littrature scientifique etgouvernementale, nous avons produit plusieurs documents de travail qui nous ont servi de rfrences

    pour rdiger notre rapport.Boisvert, Yves (sous la direction de), thique publique et gestion prventive de loffre de

    jeux de hasard et dargent aux ains qubcois : pour une pluralit de repres rflexifs,document de travail, septembre 2010.Desjardins, Claudine, Gouvernance des socits dtat du Qubec et finances publiques :limpact de la loi sur le dficit zro, document de travail sous la direction de Yves Boisvert,t 20104.Guertin, Olivier, Analyse de la conceptualisation par les diffrents acteurs publics delimpact des jeux de hasard et dargent sur la socit, document de travail sous la directiondlisabeth Papineau, juillet 2010.

    Lesemann, Frdric et Charest, Roxane, La notion de vulnrabilit des ans et sesliens avec loffre de jeu: synthse dune recension des crits dans les domaines de lagrontologie sociale, du travail social, des politiques sociales et du management, t 2010.

    3Toutes ces revues de littrature ont t ralises dans le cadre du projet FQRSC-action concerte : Les jeux de hasard

    et dargent chez les personnes aines, Management du risque et thique de la gouvernance dans loffre organise de jeuxde hasard et dargent, septembre 2010.4 Claudine Desjardins a donn une confrence sur une partie de ses rsultats au colloque

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    Gigure, Nadia et Papineau, lisabeth, Le jeu et les ans Une perspective de santpublique, document de travail sous la direction dlisabeth Papineau, novembre 2009.

    Les observationsDans le cadre de ce projet, nous avons procd des sances dobservation participative au

    casino de Montral. Nous avons men ces observations en quipe afin dassurer lacomparabilit des conditions et den valider la concordance. Ces priodes dobservationnous ont permis de constater : la prsence importante des ans pendant la priodecomprise entre du milieu de la matine au milieu de laprs-midi, la concentration des anssur le parquet des machines sous, la ressemblance entre ces machines et les ALV,lutilisation des cartes privilges par la grande majorit des ans.

    Le volet loisirs et rsidencesa) Ce volet destin comprendre loffre de loisiret de jeu destine aux ans a t ralis

    par notre professionnelle Fanny Lemtayer sous la direction de Frdric Lesemann. Il adonn lieu la production dun document de travail : Les rouages de lindustrie : maisonde retraite et rsidences pour ans ; associations, organismes communautaires et clubs

    de lge dor; voyagistes et transporteurs.b) Cette recherche exploratoire sappuyait sur ladministration de questionnaires

    tlphoniques raliss auprs de 54 rpondants issus du milieu des rsidences pourans et des associations, organismes communautaires et clubs de lge dor. Ce volet agalement donn lieu une analyse du contenu de site Internet de voyagistes,transporteurs ainsi que des casinos du Qubec.

    ) Le volet avec les intervenants des Centres de radaptation en dpendancea) Ce volet visant comprendre le vcu des ans aux prises avec un problme de jeu a

    t ralis par notre professionnelle Fanny Lemtayer sous la direction dlisabethPapineau. Il a donn lieu la production dune note de travail : Profil des joueurs ans,lintervention et la prvention qui leurs sont ddis : pistes de prvention5.

    b) Cette tude exploratoire est base sur 14 entrevues semi-diriges auprs de personnesuvrant dans un centre de radaptation en dpendance. Lanalyse des entrevues a teffectue avec le logiciel NVivo.

    ) Le volet sur les acteurs de loffrea) Ce volet a t ralis par Chantal Auger et Yves Boisvert. Ce chantier ciblait 4 types

    dacteurs : les acteurs lis directement Loto-Qubec6, les acteurs lis au ministre desFinances, des acteurs lis au domaine du marketing social et les acteurs lis lindustriedu voyage. Il visait comprendre comment les acteurs lis loffre de jeux percevaient

    la dangerosit des produits offerts et intgraient le principe de prcaution en amont de lamise en march de ces produits.

    b) Nous avons procd des entrevues semi-directives : avec un ex-ministre des financeset avec deux des voyagistes. Nous avons galement eu deux entrevues semi-directives

    5 Ce document de travail sera publi sous forme de rapport en 2012 par lInstitut National de Sant publique du Qubec6Comme nous lavons prcis en introduction, aucun acteurs lis la Socit dtat na accept de nous donner desentrevues.

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    (dont une avec deux rpondants) avec des acteurs du milieu du marketing socialspcialis sur la problmatique du jeu (un membre du conseil dadministration de Misesur toiet deux employs de Mise sur toi).

    LES TROIS ENVIRONNEMENTS DE BASE DE NOTRE PROJET

    A) Lenvironnement public : finances et politiques publiques

    Ltat qubcois a adopt en 1996 la Loi sur llimination du dficit et lquilibre budgtaire(communment appele Loi sur le dficit zro). Pour le gouvernement du Qubec, la lutte au dficitbudgtaire devenait une priorit afin dassurer la survie des services publics afin dviter de laisser unedette trop importante aux gnrations futures. Les diffrents gouvernements qui se sont succd aprsladoption de la loi ont aussi mis en place des mesures de gestion publique inspires du nouveaumanagement public. Cette nouvelle philosophie de gestion devait amener les organisations publiques duct de la performance et de lefficacit.

    Conformment la pense de Dewey, on peut se demander si le mandat impos aux organisationspubliques peut tre compatible avec la responsabilit qui incombe aux ministres en rgime parlementaire :responsabilit de sassurer de leur capacit datteindre leurs objectifs lintrieur du cadre normatifexistant.

    Mme si le gouvernement a amend la loi sur le dficit zro en 2009, afin de se donner une marge demanuvre ncessaire pour contrer les effets de la crise conomique, le ministre des Finances gard lecap sur la rigueur des dpenses, la pression conomique sur les entreprises publiques et laugmentationde la pression sur les utilisateurs des services publics afin quils contribuent au financement direct de ceservice (taxe sur la sant, augmentation des frais de scolarit, etc.). Lannonce faite lt 2010, de la

    mise en activit du site de jeu en ligne de Loto-Qubec dmontre bien quel point le ministre desFinances maintient la pression financire sur les entreprises publiques et comment il facilite leursdirigeants laccs de nouvelles stratgies commerciales. Ainsi, lamendement ne remet nullement enquestion la stratgie gouvernementale, il vise seulement donner au gouvernement une marge demanuvre plus grande pour faire face la crise conomique. En juin 2012, le ministre Bachandraffirmait dailleurs son engagement revenir le plus vite possible en situation dquilibre budgtaire :son objectif est clair, le gouvernement doit revenir lobjectif de base de la loi de 1996, soit un dficit zroimpos et norm, dici 2013.

    Entre les annes budgtaires 1998-2009, le Qubec avait russi maintenir un frle quilibre budgtaire.Par contre, depuis 2009, les finances de la province ont t fortement branles et la ministre libraleMonique Jrme-Forget na pu quilibrer son budget. Le gouvernement sest alors retrouv en situationde dficit la hauteur de 3,9 milliards de dollars en 2009 et en 2010 (ministre des Finances, 2009 ;2010). Une rcente tude du Conference Board du Canada prdit que si des mesures dassainissementdes finances publiques ne sont pas prises plus rapidement, le dficit budgtaire pourrait atteindre 45milliards en 2030 (site Conference Board, page consulte le 20 novembre 2010).En cette priode o les hausses dimpts ne semblent plus tre une option envisageable pour nosgouvernements, peu de solutions peuvent tre envisages pour assurer le retour un quilibre des

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    finances publiques. Outre la rduction des dpenses, laugmentation de la taxe de vente du Qubec 8,5% enjanvier 2011, le gouvernement et ses experts semblent penserquune pression financire plusgrande sur les socits dtat vocation commerciale pourrait tre une option. La pression passe par descommandes du ministre des Finances afin que celui-ci fixe de faon rcurrente des hausses desdividendes verser par chacune des entreprises publiques. Le Comit consultatif sur lconomie et les

    finances publiques considrait dailleurs que les Socits dtat peuvent gnrer plus de profitssupplmentaires, et verser plus de dividendes au gouvernement du Qubec (2010).

    Discours sur le budget et socits dtat: outil de mise en uvre de la politique budgtaire.

    Il est indniable que ce nest pas seulement depuis 2010 que nos gouvernements misent sur lesentreprises publiques pour faire face aux problmes budgtaires. De faon gnrale, on peut dire que dsla mise en place de la loi sur le dficit zro, la rentabilit croissante des socits dtat a fait partie de lastratgie conomique labore par le gouvernement Bouchard pour sortir le Qubec de sa fragilesituation financire. Si on remonte dans le temps en considrant de plus prs le discours prononc par M.Bernard Landry lors du Discours sur le budget de 1996, on peut mme dire que cette stratgie estdevenue un des piliers de lapproche gouvernementale :

    Depuis plusieurs annes, les rsultats financiers des socits dtat se retrouvent dans le budget dugouvernement, comme lexigent les rgles comptables modernes. Ainsi, une dtrioration de leursrsultats engendre automatiquement une baisse des revenus de ltat. On ne peut donc songer redresser les finances publiques sans se proccuper du niveau de rentabilit des entreprises

    publiques vocation industrielle et commerciale (ministre des Finances, 1996, p.10).

    Parmi les solutions envisages pour renforcer la performance conomique des socits dtat, on leurpropose de rduire leurs charges dexploitation afin damliorer leurs bnfices et dappliquer desmesures de tarification qui augmenteront les revenus globaux du gouvernement (ministre des Finances,1996). En fait, ces bnfices (do sont tirs les dividendes) et tarifs7 sont essentiels pour permettre au

    gouvernement de, non seulement faire face aux objectifs du dficit zro, mais aussi de fournir desservices publics adquats aux Qubcois et Qubcoises. Ce discours gouvernemental est rcurrentlorsque vient le temps de se porter la dfense de Loto-Qubec ; tous les ministres des Finances desdeux dernires dcennies ont insist sur la formidable contribution sociale que fait cette entreprisepublique via ses transferts de dividendes.

    Les prescriptions faites aux socits dtat touchent galement les investissements publics qui sontconsidrs comme des catalyseurs pour la performance conomique globale du Qubec. Comme laministre des Finances Pauline Marois le mentionnait en 2002 :

    7 Les dividendes des entreprises publiques et les tarifs des socits dtat sont considrs comme une source de revenusautonomes en comptabilit publique :

    Les revenus autonomes peuvent tre classs en trois catgories. Ils sont dabord constitus des revenusfiscaux, composs essentiellement de limpt sur le revenu des particuliers, des impts des socits et destaxes la consommation. Ils comprennent galement les revenus non fiscaux, comme les diffrents droits et

    permis (droits dimmatriculation, permis de chasse et de pche, etc.), les revenus divers (intrts,recouvrements, ventes de biens et services, amendes, etc.) et les revenus des organismes consolids. Enfin, ilsincorporent les revenus provenant des entreprises du gouvernement, tels ceux dHydro -Qubec, de Loto-Qubec et de la Socit des alcools du Qubec (Ministre des Finances, 1999, p.27).

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    Pour soutenir davantage linvestissement au Qubec, notre gouvernement national dispose dun levierstratgique, savoir ses socits dtat vocation commerciale. Non seulement ces entreprisesapportent-elles une contribution trs positive lconomie et la socit qubcoise, mais ellesralisent aussi de manire continue des investissements dans lconomie qubcoise. Les projetsraliss ou soutenus par ces entreprises constituent des projets rentables et conomiquement viables.

    Le gouvernement leur a donc demand de devancer un certain nombre de projets en ayant une

    proccupation particulire pour les projets situs en rgion (ministre des Finances, 2002, p.26).

    Ainsi, les socits dtat sont considres comme des leviers conomiques dont les investissements sontrputs avoir un effet multiplicateur sur lconomie en gnral. Le gouvernement espre bien entendu queces investissements se traduiront par une augmentation des revenus et dans le cas des entreprisespubliques commerciales, par une influence positive sur les dividendes verss lactionnaire unique.Si entre 1996 et 2002 les socits dtat ont d rpondre aux demandes du gouvernement en termes degestion plus efficace de leurs finances, de rvision de la tarification de leurs services et daccroissementde leurs investissements, le Discours sur le Budget de 2002 hausse les attentes de performance gnraleauxquelles elles devront rpondre :

    Si la transformation de ltat interpelle le niveau des dpenses gouvernementales et des dpensesfiscales, elle interpelle aussi les socits dtat. Un certain nombre dentre elles sont dj rentables.Elles peuvent le devenir davantage. Dautres encaissent plutt des pertes, une situation quil fautredresser. Dores et dj, nous avons demand trois socits dtat majeures damliorer leurperformance. Hydro-Qubec, Loto-Qubec et la Socit des alcools du Qubec ont convenu

    dobjectifs additionnels de bnfices nets (ministre des Finances, 2002, p.15).

    Les directives prcises adresses aux socits dtat dans le Discours sur le budget de 2002 sontrptes dans le Discours sur le budget 2003, un peu la mani re dun mantra visant renflouer lescoffres de ltat :

    Les socits dtat sont galement mises contribution pour rsorber limpasse budgtaire. Il a tconvenu avec les trois socits dtat majeures, soit Hydro-Qubec, Loto-Qubec et la Socit des

    alcools du Qubec, quelles auront rencontrer des objectifs additionnels de bnfices nets de 695millions de dollars pour 2003-2004, par rapport la prvision du 11 mars 2003 (ministre des

    Finances, 2003, p.6).

    Ce passage est rvlateur, car, bien que les cibles de performance conomique soient dfinies avant ledbut de lexercice financier des socits dtat, il peut arriver, dans le cas des entreprises publiques vocation commerciale, quelles soient modifies afin de reflter les nouveaux besoins financiers dugouvernement. Daucuns affirmeront que les socits dtat sont instrumentalises au profit des besoinsfinanciers de lactionnaire unique: ltat qubcois.Si la pression est forte pour les socits commerciales, cest que le dividende8quelles versent leur

    8 Le passage suivant du Discours sur le budget 2004-2005 explique le rle jou par les dividendes ainsi que les rglesentourant leur versement :

    Le gouvernement intgre ses revenus la totalit des bnfices raliss par ses socits dtat. Or, dans lecas de certaines socits, comme Hydro-Qubec, le gouvernement ne reoit pas la totalit de leurs

    bnfices sous forme de dividendes. Dans un tel cas, le gouvernement laisse ces socits une partie deleurs bnfices pour quelles financent leurs investissements. Cela quivaut pour le gouvernement effectuer un placement dans ces socits dtat qui correspond au montant des bnfices qui ne lui est pasvers sous forme de dividendes. Cette opration a pour effet daugmenter la dette, puisquelle contraint legouvernement emprunter une somme quivalente ce placement (Qubec, 2004, p.5).

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    actionnaire unique, le ministre des Finances, a un impact considrable sur la teneur des besoinsfinanciers combler et sur la gymnastique budgtaire. t itre dexemple, voici un extrait du Discours sur leBudget de 2004 :

    Pour leur part, les besoins financiers nets consolids sont rviss 1 433 millions de dollars, soit une

    diminution de 390 millions de dollars. Ainsi, les besoins financiers nets des organismes consolids

    slvent 1 233 millions de dollars et ceux du Fonds consolid du revenu stablissent 200 millionsde dollars, soit une rvision la baisse de 100 millions de dollars par rapport au Budget du 12 juin

    2003 en raison dun dividende additionnel de 100 millions de dollars de Loto-Qubec (ministre desFinances, 2004, p.3).

    Le gouvernement recourt aux entreprises publiques comme moyen pour renflouer les coffres de ltatmais, dans ses discours et dcisions, il semble peu se proccuper de la dimension thique des moyensque les entreprises publiques utiliseront pour rpondre ses objectifs financiers. Au nom de lautonomiede la gestion des entreprises publiques, le gouvernement agit comme si le champ des moyens taitrserv aux dirigeants des entreprises publiques et que ces derniers avaient carte blanche pour cibler lesstratgies les plus performantes pour atteindre la finalit. Cette posture gouvernementale ouvre la porte

    au pur raisonnement stratgique qui repose sur la logique : la fin justifie les moyens. Ainsi, en refusantdassumer ses responsabilits face lvaluation de lacceptabilit sociale des moyens utiliss par lesresponsables des Socits dtat et en ngligeant dintervenir pour baliser et limiter lunivers despossibilits, le gouvernement contribue aux errances dcisionnelles de ces derniers eu gard aux attenteslgitimes que la population qubcoise peut avoiren matire dthique publique.

    valuation de la gouvernance de loffre de jeu au Qubec : le discours des acteurs publics

    On ne saurait terminer cette section sans dire que lanalyse du discours gouvernemental qua ralisenotre stagiaire de recherche, Olivier Guertin (2010), a dmontr que pour tous les gouvernements qui sesont succd, la gouvernance de Loto-Qubec a toujours t considre comme irrprochable tant sur le

    plan de lintgrit, de la modration, que de la responsabilit. Les gouvernements successifs ne tarissentpas dloges pour cette entreprise publique qui, via ses dividendes, contribue au maintien de la qualit denos services sociaux. La vision gouvernementale est purement utilitariste ; elle nintgre pas du tout lavision du caring, puisque les effets collatraux du jeu ont tendance tre ou marginaliss ou transfrsdans la sphre de la responsabilit individuelle des joueurs dits irresponsables .Les diffrents ministres de la Sant ont dailleurs t fort silencieux sur la question du jeu, lorsquils nontpas t jusqu minimiser limportance de ce problme. En effet, le ministre de la Sant et des Servicessociaux, Philippe Couillard, affirmait que le jeu est une activit naturelle, que les Qubcois ne sont pasdes gros joueurs, que le jeu est gr de manire exemplaire et que la prvention est adquate.Dailleurs, on leur reproche de ne pas avoir t proactifs dans les dossiers des Salons de jeux et du jeudargent sur Internet. Le mutisme des ministres de la Sant en matire de jeu semble sinscrire dans une

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    tradition dabdication des responsabilits de caring qui leur incombent, au profit 9des exigences duministre des Finances10.

    On observe que les ministres de la Sant du Qubec se font davantage les complices des dcisionspolitiques utilitaristes, sloignant ainsi des responsabilits qui leur incombent11. Par leur inertie, ils

    abdiquent leur responsabilit ministrielle relative larticle 54 de la Loi sur la sant publique du Qubec,dont le second alina confie aux ministres et organismes gouvernementaux la responsabilit de prendreen compte la sant dans llaboration de leurs projets de loi et de rglement (Hroux -de-Sve, Druet,Pigeon, 2008).

    Le seul lu libral qui a manifest une sensibilit lgard des joueurs ayant des problmes de jeu, estRussel Williams, adjoint parlementaire du ministre de la Sant et des services sociaux du Qubec. M.Williams a toujours dfendu la thse de la responsabilit gouvernementale face aux problmes suscitspar loffre de jeu de Loto Qubec (Williams, R, 2003 p. 93).

    Les acteurs externes et leurs critiques

    Les appels la vigilance viennent essentiellement des gardiens de lthique publique comme leVrificateur gnral du Qubec et le Protecteur du citoyen ou des gardiens de la sant publique, telslINSPQ et les DSP. Le Vrificateur gnral a t particul irement critique face la faiblesse de lagestion prventive faite par Loto-Qubec. Il na pas hsit se substituer au MSSS et demander, dansson rapport de 1999-200012 (Vrificateur gnral du Qubec, 2000), ce que lInstitut national de santpublique du Qubec fasse davantage defforts dans le domaine de la recherche sur les problmes de

    jeu. LInstitut national de sant publique du Qubec a fait le ncessaire pour rpondre cette demande.Depuis ce temps, lINSPQ et les Directions de sant publique ont men des recherches pour mieux

    9 En contre-exemple, on pourrait citer le cas du ministre franais de la Sant (vin) qui, dans les annes 1990 na pascraint de sattaquer la consommation excessive dalcool en France et dimposer une gestion restrictive de loffre,malgr les pressions des acteurs conomiques et politiques dpendant de limportante industrie du vin. Voir: Smith, A.& al., Vin et politique, Paris, Les Presse de Sciences Po, 2007, chapitre 7.10 Cette position ne se limite pas la question du jeu, le 3 juillet 2012, des mdecins spcialistes de la sant publique etdes spcialistes des sciences sociales ont dcri lhrsie de la subvention accorde par le gouvernement Charest lamine damiante Jeffrey et ils ont accus le ministre Bolduc dtre complice, par son silence, dune importante bavure enmatire de sant publique.11 ce niveau, le ministre de la Sant du Qubec na jamais eu louverture et le courage de son quivalent franais quina pas eu peur dans les annes 1990 de sattaquer un tabou, via loi vin (du nom du Prsident du Conseil des sages ensant publique qui a dpos un rapport au Ministre de la Sant en mai 1989, sur la question de lalcool et les problme sde sant), soit la consommation dalcool. Malgr toutes les pressions des acteurs conomiques et politiques qui taientdpendant de limportante industrie du vin, le ministre de la Sant a dcid de suivre les recommandations des

    chercheurs et mdecins spcialiss en sant publique et dimposer des mesures svres au niveau de la publicit, labonification des informations concernant la dangerosit de lalcool et une gestion restrictive de loffre. Cest donc uneloi propre au ministre de la Sant qui est venu rguler de faon trs rigoureuse lindustrie du vin. Comme le ministre dela Sant avait t rigoureux dans la dmarche, il a t capable de rallier sa cause le Premier ministre socialiste MichelRocard. Il a ainsi t capable de renverser le poids dterminant de son collgue du Budget et des finances qui syopposaient farouchement. Lexemple franais nous dmontre bien comment un ministre de la Sant responsable peu sedmarquer du dictat des finances publiques sil a des convictions et du courage politique.12 Vrificateur gnral du Qubec (2000). Chapitre 12 : Gestion des rpercussions sociales et conomiques lies auxjeux de hasard et dargent, dans Rapport du vrificateur gnral pour lanne 1999-2000, Tome I [en ligne],http://www.vgq.qc.ca/fr/fr_publications/fr_rapport-annuel/fr_1999-2000-T1/fr_Rapport1999-2000-T1-Chap12.pdf.

    http://www.vgq.qc.ca/fr/fr_publications/fr_rapport-annuel/fr_1999-2000-T1/fr_Rapport1999-2000-T1-Chap12.pdfhttp://www.vgq.qc.ca/fr/fr_publications/fr_rapport-annuel/fr_1999-2000-T1/fr_Rapport1999-2000-T1-Chap12.pdfhttp://www.vgq.qc.ca/fr/fr_publications/fr_rapport-annuel/fr_1999-2000-T1/fr_Rapport1999-2000-T1-Chap12.pdf
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    comprendre ce problme et ils nont pas hsit remettre en cause certaines assertions de Loto -Qubecet du gouvernement. Les acteurs de la sant publique vont notamment exiger plus de rigueur dans lagestion du parc des ALV (en exigeant une diminution des machines sur le territoire qubcois) et ils ontcontest dimportantes dcisions publiques (notamment le dmnagement du Casino de Montral aubassin Peel).

    Pour sa part, la Rgie des alcools, des courses et des jeux a, en 1997, questionn la gestion de loffre dejeu et elle a surtout affirm que Loto-Qubec ne devrait pas soccuper de prvention. Le Vrificateurgnral va dans le mme sens et considre que Loto-Qubec na pas la lgitimit de soccuper deprvention13 (Vrificateur gnral du Qubec, 1996). Il a aussi recommand deux reprises que legouvernement se donne les moyens dvaluer les cots socioconomiques de lexploitation des jeux dehasard et dargent et de dvelopper un outil permettant de calculer les cots sociaux des problmes de

    jeu 14 . Cette recommandation visait non seulement donner plus de lgitimit aux dcisions dugouvernement, mais aussi amener le gouvernement intgrer le point de vue de sant publique. LeProtecteur du citoyen recommandait galement au gouvernement de grer le jeu de manireresponsable, en ne cherchant pas le profit maximal, mais en essayant plutt datteindre lquilibre entre

    sant de la population et revenus pour ltat. Cette tension entre diffrentes responsabilits que ltatdoit assumer dans le dossier du jeu (sant publique, scurit publique et finances publiques) estsouligne par de nombreux acteurs. Le Protecteur du citoyen suggre galement que lintention de nepas augmenter loffre de jeu exprime par Loto-Qubec soit inscrite dans la loi, et que le gouvernementpuisse tablir un plafond aux revenus de Loto-Qubec (sous forme de pourcentage des revenus tirs du

    jeu dans le budget de ltat).

    Les Directions de sant publique ont, en 2007 et en 2010, suggr ladoption dune Politique qubcoisesur les jeux de hasard et dargent, qui encadrerait lgalement la gestion de loffre de jeu et les conditions remplir pour que celle-ci soit modifie. LInstitut national de sant publique du Qubec cro it galement

    que la gestion du jeu devrait tre modifie pour que celle-ci soit base sur une approche de santpublique : elle devrait prendre en compte le dterminisme de l accessibilit et de la dangerosit dans ledveloppement des problmes de jeu ainsi que le lien entre les ingalits sociales et les problmes de

    jeu. LInstitut a aussi suggr de crer un organisme indpendant qui contribuerait la gestion de loffrede jeu (en 2007 et en 2010).

    On le voit, cest lextrieur du gouvernement que se dveloppe la posture du caring ; les acteurspublics qui adoptent cette posture construisent leurs argumentaires sur des rsultats de recherchesscientifiques, ce qui leur permettra dacqurir rapidement une lgitimit dans lopinion publique. Lacrdibilit de ces acteurs, qui parlent au nom de lintrt public et du devoir de protection des individusvulnrables, oblige le gouvernement prendre des mesures prventives. Certaines de ces mesures

    furent adoptes sans conviction, car le discours officiel de nos gouvernements est clair : comme Loto-

    13 Vrificateur gnral du Qubec (1996). Chapitre 12 : expertises judiciaires et certification des appareils de jeu et deloterie vido, dans Rapport du vrificateur gnral pour lanne 1995-1996 [en ligne],http://www.vgq.qc.ca/fr/fr_publications/fr_rapport-annuel/fr_1995-1996-T1/fr_Rapport1995-1996-T1-Chap12.pdf.14 Outil qui a t dvelopp par la suite. Voir The Socio-Economic Impact of Gambling (SEIG) Framework, fruit dunconsortium pancanadien dont le ministre de la Sant et des Services sociaux du Qubec tait membre.http://www.anielski.com/Documents/SEIG%20Framework.pdf. Une telle tude des cots du jeu na cependant pasencore t mene au Qubec.

    http://www.vgq.qc.ca/fr/fr_publications/fr_rapport-annuel/fr_1995-1996-T1/fr_Rapport1995-1996-T1-Chap12.pdfhttp://www.vgq.qc.ca/fr/fr_publications/fr_rapport-annuel/fr_1995-1996-T1/fr_Rapport1995-1996-T1-Chap12.pdfhttp://www.anielski.com/Documents/SEIG%20Framework.pdfhttp://www.anielski.com/Documents/SEIG%20Framework.pdfhttp://www.anielski.com/Documents/SEIG%20Framework.pdfhttp://www.vgq.qc.ca/fr/fr_publications/fr_rapport-annuel/fr_1995-1996-T1/fr_Rapport1995-1996-T1-Chap12.pdf
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    Qubec gre le jeu de manire adquate, il ny a pas lieu de faire du problme du jeu, un problmepublic. Dans cette rhtorique, il ne sagit que dun problme individuel. Ainsi, pour les diffrentsgouvernements, il ny a pas lieu de remettre en question la gestion de loffre par Loto-Qubec ; cetteposition sera aussi celle du ministre de la Sant et des Services sociaux et de la Fondation Mise sur toi(puis de Mise sur toi).

    La position paradoxale de Mise sur toi

    Au fil des ans, la production de ce discours gouvernemental qui minimise les externalits de lexploitationdes jeux a eu plusieurs vhicules, dont la recherche et la prvention finances par Loto-Qubec. Misesur toi, cr par la socit dtat en 2002, constitue un autre exemple dabdication de la responsabilitministrielle et la marginalisation des rpercussions du jeu sur le bien-tre et la sant de la populationMise sur toi, et jadis la Fondation Mise sur toi, ont toujours adopt une posture argumentative jumelle audiscours officiel de Loto-Qubec. Comme la position de lorganisme sinscrit toujours dans le sillon decelle du gouvernement et de la socit dtat, et que son unique bailleur de fonds est aussi toujoursLoto-Qubec, lindpendance que cet OBNL revendique est litigieuse. Le manque de distance critique deMise sur toi face la gestion de loffre de jeu faite par Loto-Qubec (elle ne commente jamaisngativement cette gestion de loffre) sexplique dabord par la dpendance financire totale de cetOBNL face son unique commanditaire. En tant quunique bailleur de fonds, Loto-Qubec garde lecontrle sur le conseil dadministration; la prsence dun reprsentant de la socit dtat sur ce Conseil dadministration permet de garder un il constant sur lorientation de lOBNL. Les entrevues et changesque nous avons mens avec des acteurs internes de cet OBNL nous ont confirm linfluence qua leConseil dadministration et son prsident sur la gouverne de lorganisation, les membres de la directionayant une marge de manuvre plutt troite.

    Incidemment, lapproche marketing et les campagnes publicitaires de Mise sur toi sont trs loin des

    approches prventives usuelles qui font rfrence au Qubec, soit celles des mises en scne daccidentde voiture de la SAAQ et des accidents de travail de la CSST, qui ne laissent place aucune ambigut.Si la stratgie prventive des campagnes publicitaires de ces deux organismes publics a clairement pourbut de dcourager des pratiques dangereuses ou dencourager la vigilance et la prcaution, la stratgiede Mise sur toi est plutt inspire des approches marketing de contre-offensive, mthode utilisenotamment par lindustrie viticole franaise pour attaquer la loi vin. Comme cette loi saligne sur laprotection de la sant publique, lindustrie du vin sest regroupe afin de crer dabord lassociation Vinet Socit, puis lInstitut europen vin et sant dont les mandats taient similaires, soit de faire dumarketing sant partir de la thorie du french paradox qui vante les vertus du vin pour la sant15.

    Attaque sur le terrain de la sant, la stratgie des gens de lindustrie est de travailler sur un contre-discours sur ce mme terrain : pris avec modration, le vin est excellent pour la sant. La stratgie

    renvoyait donc la responsabilit des problmes de sant aux seuls mauvais buveurs : contrairement ceque prtendait la loi vin, ce ntait pas le produit qui devait tre considr comme dangereux, mais bienla conduite irresponsable dune minorit de consommateurs incomptents. On revient donc la logiquede capacitation qui est au cur du discours prventionniste et qui renvoie toujours la faute du ct duconsommateur qui utilise le produit de faon inadquate.

    15 Pour plus de dtails, voir lexcellent ouvrage : Smith, A. & al., Vin et politique, Paris, Les Presse de Sciences Po,2007, chapitre 7.

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    Dans une recherche excute dans le cadre dune autre action concerte du FQRSC, une quipe derecherche de lINSPQ a test les perceptions quont les citoyens qubcois de la campagne de Mise surtoide novembre 2010. Les rsultats dmontrent que le message de lOBNL ne fait pas lunanimit face ses objectifs de prvention puisque 20% de la population pensaient mme quil sagissait dune publicit

    visant encourager le jeu. Par ailleurs, 40 % estimaient que cest Loto-Qubec plutt que Mise sur Toi(identifie par 32 % des rpondants) qui tait lorigine de ces messages, soulevant un doute sur lanature promotionnelle ou prventive du message. Diffrentes hypothses sur les effets paradoxaux oudissonants sur une partie des tlspectateurs de cette campagne sont souleves par ces rsultats. Lamise en scne anodine du poker dans la publicit qui banalise cette activit et labsence dlments surles risques associs au jeu de poker ou sur une stratgie pour viter les problmes de jeu ont pu susciterla confusion. La charge symbolique dune figure dautorit qui joue, un bon pre de famille , a pususciterlide que le poker tait promu, idem pour la mre qui joue aux appareils lectroniques de jeu.Le thme de lintgration du jeu dans les autres activits quotidiennes/hebdomadaires tait par ailleursidentique largumentaire de la campagne de promotion dEspace Jeux Faites comme chez vous ,suscitant peut-tre lerreur didentification du commanditaire du message. Par ailleurs, le message utilis

    parMise sur Toi Le jeu doit rester un jeu est un message cr et utilis par Loto-Qubec depuis200016. Finalement, la mise en scne de joueurs dappareils lectroniques de jeu, ce que Loto-Qubecsabstient de faire (voir http://www.casinosduquebec.com/fr/jeu-responsable), a pu contribuer ladifficult des rpondants dassimiler cette campagne de la prvention (Papineau & al, 2012).

    Face ces rsultats, il est lgitime de se questionner sur les enjeux de responsabilit lis au travail deprvention, alors que Mise sur Toi dclare vouloir instaurer et promouvoir une culture du jeuresponsable au Qubec . Lapproche publicitaire de lOBNL ressemble davantage une stratgie demarketing social qui tente dencourager et de normaliser la consommation des produits des jeux dargentet de hasard en vacuant toute rfrence leur dangerosit. Dans un langage propre la thorie de la

    construction sociale qui est sous-jacente lthique publique, nous dirons que Mise sur toiutilise sonstatut officiel dorganisation de prvention pour construire la lgitimit sociale du jeu : Mise sur toi faitessentiellement du lobbying favorisant lacceptabilit sociale, voir la banalisation sociale, des produits deLoto-Qubec. Cette instrumentalisation de sa fonction est condamnable puisquelle exerce une fonctionngative sur la finalit relle qui devrait tre lobjet de professionnels de la sant en prvention ou enmarketing social. Au niveau de lagir stratgique, on comprend bien lintrt idologique et financier deLoto-Qubec continuer de financer directement la stratgie de prvention via Mise sur toi, mais auniveau de lthique publique, on comprendra que cet agir stratgique ne peut tre que condamnable.

    Dans une perspective dintgration de lthique publique et de la sant publique dans la lutte auxproblmes de jeu, le gouvernement du Qubec gagnerait mettre fin cette alliance ambigu, en

    rapatriant la prrogative de la prvention au Ministre de la sant ou la sant publique. Legouvernement devrait galement rorienter les deniers publics qui sont transfr par Loto-Qubec Mise sur toi vers le MSSS afin que ce dernier utilise cet argent des fins rellement prventives.

    16 Le professeur J.-C. Chebat (2010) a dmontr quun message perd de sa crdibilit lorsquil est associ ou attribu auproducteur du risque.

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    thique et entreprises publiques

    On peut dire quaucun ministre des Finances ne pourrait aujourdhui envisager son mandat sans avoirlassurance que les dividendes des socits dtat commerciales seront disponibles pour laider faireface aux besoins financiers de son gouvernement. Pour notre collgue Pierre P. Tremblay, cette

    conclusion ne devrait pas tre accepte de facto, mais elle devrait plutt ouvrir un important dbat enmatire dthique publique. Pour lui, la question thique doit donc snoncer ainsi: lutilisation des jeuxde hasard et dargent comme sources de revenus publics participera-t-elle au bien commun et est-elle enaccord avec le comportement attendu en matire de prlvement des deniers publics ? (Tremblay,2003). En ce sens, cest un dbat plus large sur les finances et sur les sources de financement publicque nous convie la problmatique de la gestion de loffre de jeu.

    En suivant Bruel et Lesemann, la question des finances publiques nous amne aborder la questiongnrale relative au dilemme gouvernemental entre la gestion des revenus et celle des dpenses (Bruel &Lesemann, 2008). En suivant la rflexion de ces derniers, la stratgie gouvernementale oriente vers unequte de nouvelles sources de revenus viendraient pallier la baisse de la fiscalit des entreprises et lestaxes manufacturires. La stratgie de la pression financire sur les entreprises publiques serait alignesur une philosophie financire allant lencontre des logiques de solidarit et de justice.

    Pour nos collgues Bernier et Farinas (2008), le choix de maintenir des entreprises publiques doit avoirune signification structurante qui fasse en sorte quon ne puisse pas se soumettre une pure logique dumarch qui entrainerait les socits dtat ne vouloir tre que des machines produire des profits. Pources chercheurs, les entreprises publiques, en tant quinstruments de politiques publiques, doivent avoirun comportement guid par lintrt gnral et non seulement par les profits souhaits par legouvernement. Si les entreprises publiques adoptent en tous points le comportement des entreprisesprives, il ne sert rien de les garder dans le secteur public. Aussi bien les privatiser.

    B) Lenvironnement propre au vieillissement de la population

    Ces jalons politiques et conomiques du contexte de loffre de jeu et de la prvention tant maintenantposs en termes thiques, nous regarderons maintenant comment la sociologie du vieillissement suggreelle aussi une approche thique nuance en fonction des enjeux de vulnrabilit. Selon lInstitut de lastatistique du Qubec, la population du Qubec connat un vieillissement acclr qui se traduit par unehausse importante du nombre de personnes ges de 65 ans et plus. Ce phnomne de vieillissementest la rsultante de la baisse marque du nombre de naissances depuis le milieu des annes soixante etdune augmentation soutenue de lesprance de vie la naissance. En 2011, on comptait au Qubec1.254.000 personnes ges de 65 ans et plus, dont 692.000 ges de 65 74 ans et 546.000, de 75 84ans. Larrive massive des baby-boomers, ns entre 1944 et 1968, devrait, entre 2006 et 2026, faireexploser les effectifs des personnes de 65 74 ans, puis, entre 2016 et 2036, ceux des personnes de 75 84 ans et, partir de 2026, ceux des personnes de 85 ans et plus. Bref, les personnes gesconnaissent une esprance de vie croissante, de plus, une esprance de vie en bonne sant, puisque80% dentre elles demeurent autonomes jusqu la fin de leur vie.

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    Ce phnomne dmographique a bien srdes consquences directes sur lemploi, le revenu, les rgimesde retraites, la consommation, la sant, les loisirs, les finances publiques, le fonctionnement de ladmocratie et les clientles lectorales, entre autres. Ces transformations ne concernent pas que lesgouvernements au plan des systmes de sant, de retraite, de la fiscalit, par exemple; elles ont unimpact sur les marchs et la consommation de biens et de services. Les entreprises rorientent leurs

    produits en fonction de ces clientles dont on sait quelles sont actuellement les principales dtentrices dela richesse. Elles les ciblent directement, grce des stratgies de marketing qui leur sont, explicitementou non, destines : que lon pense simplement aux voyages, aux loisirs, ou, comme ici, aux jeux dehasard et dargent.

    Ltat se trouve ds lors dans une situation paradoxale, lui qui dtient le monopole des jeux de hasard etdargent (JHA): il incite aux JHA, assimils une activit de loisirs inoffensive, en adaptantparticulirement loffre aux joueurs gs qui constituent une source importante de revenus fiscaux. Dansle mme temps, sa mission de protection sociale lamne prvenir, via son ministre de la Sant,lusage abusif du jeu! Comment va-t-il rsoudre cette contradiction? En sadressant certaines catgoriesdusagers quil identifie comme tant particulirement vulnrables . Sans limiter la libert de ces

    individus, et donc sans prohiber, il tente de prvenir, principalement par linformation relative aux risques , mais aussi par des services de soutien. La notion de vulnrabilit , et la prvention quelleappelle, est au centre de cette stratgie qui exclut par ailleurs toute prvention axe sur loffre de jeu ensoi.

    Une population vulnrable ?

    On associe souvent vieillissement et fin de lemploi salari, rduction des rseaux familiaux et sociaux,isolement, fragilisation de la sant physique et motive, la suite dune perte de capacit ou dun deuil,autant dvnements du cycle de vie relis des manifestations potentielles de vulnrabilitconomique, sociale, affective, physique. Lapplication de cette notion autant de domaines de lactivitet des comportements des ans contribue sans doute les constituer globalement en une catgoriesociale en besoin de protection de la part de la socit, et donc accrotre les reprsentations sociales

    dune population en situation de dpendance et de fragilit, comme on lentend frquemment.

    De telles gnralisations sont abusives et elles contribuent obscurcir la comprhension desphnomnes quon tudie. Il convient plutt davoir une approche diffrenciedes phnomnes si loncherche non seulement les comprendre, mais bien agir sur eux. En ce qui a trait aux populationsges, on les diffrenciera au moins selon les classes dge, le sexe, lhistoire de la carrire de travail etde revenu, ltat de sant, lducation. Quy a-t-il en commun, au plan des capacits physiques, de laparticipation civique, des stratgies de consommation, entre des personnes de 65, 75, 85 ans quon

    qualifie toutes dges, surtout lorsque lvolution des marchs du travail tend qualifier dgs destravailleurs de 55 ans, voire de 50 ans ? Quy a-t-il en commun entre des femmes ges qui ont lev unefamille, particip ou non, et de manire fragmente, au march du travail, et des hommes dont laprincipale raison dtre et source de lgitimit a t leur carrire de travail? Quy a-t-il en commun entredes personnes en bonne sant, autonomes et riches, et des personnes dpendantes et pauvres, pour ledire comme Yvon Deschamps ? Rassembler toutes ces personnes dans un seul groupe pesant 15% de lapopulation au seul critre quils ont franchi la barrire des 65 ans (ou prs de 25% si lon tablit le

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    seuil 55 ans) est inefficace. Si, en plus, on associe ce groupe constitu par un indice dmographique une reprsentation de vulnrabilit , on tend alors un voile dignorance sur la ralit.

    Deux visions bien diffrentes du vieillissement et de la vulnrabilit

    Les revues de littrature auxquelles nous avons procd dans le cadre de cette recherche mettent envidence deux visions bien diffrentes du vieillissement. Il y a schmatiquement celle qui, sur la base desprojections dmographiques, prdit une catastrophe actuarielle pour les politiques publiques, que lonpense simplement aux systmes de sant et de retraite, mais aussi la pnurie apprhende de mainduvre qualifie entranant une invitable baisse du PIB. Sassocient cette vision, les groupesprofessionnels qui dfinissent leurs clientles ges comme tant en demande de protection au nomdune vulnrabilit intrinsque leur condition ge. loppos, il y a la vision optimiste qui va desprofessionnels - qui prtendent quavec un peu de soutien, les situations de relative dpendance sontparfaitement grables pourvu que les communauts sorganisent et que les individus fassent preuvedinitiative pour bien grer leur vieillissement -, jusquaux marchands qui voient avec enthousiasmesouvrir avec le vieillissement dmographique de nouveaux territoires de consommation, de nouveaux

    marchs conqurir.

    La notion de vulnrabilit sinscrit dans ce dbat. Elle est un fait indiscutable et objectif pour lapremire, elle est un fait secondaire et parfaitement grable pour la seconde. Or, nous pensons quil y abien une vulnrabilit sociale et conomique chez certaines personnes ges (dans un contexte desolitude, dennui, mais aussi dun certain niveau de richesse, bien que le plus souvent limit), une vulnrabilit qui justifie des mesures cibles de prvention. Toutefois, cette vulnrabilit nestdaucune manire le propre des 65 ans et plus . Mais on sy intresse en ce quune certaine offre de

    jeu semble sadresser cette portion dmographique de la population.

    Mettre en dbat la vulnrabilit et linscrire dans lespace public

    Ds lors, ces mesures cibles de prvention doivent tre discutes dans le cadre dun dbat thique quiconvoque tant lindustrie du jeu et ses multiples acteurs (rsidences pour ans, associations, Clubs d elge dor, voyagistes et transporteurs ), que ltat dans son double rle dincitateur (via Loto-Qubec et leministre de Finances) et de protecteur (via le ministre de la Sant et ses agences de sant publique),que les individus effectivement vulnrables et auxquels une aide lgitime doit tre fournie, sans toutefoislimiter tant leur responsabilit que leur libert. Cette aide respectera le principe voulant que ce soit le sensdonn par lindividu son exprience vcue qui dtermine le pouvoir rel dagir des personnes dites vulnrables. (Cyrulnik, cit par Suissa, 2008). Ce dbat tmoignera de la reconnaissance du fait quecertaines problmatiques qui, jusquici taient considres comme prives, relevant de la dcision et de

    comportements individuels privs comme ltait, par exemple, jusqu rcemment la violencedomestique - sont dsormais inscrites dans lespace public. ce titre, la vulnrabilit de certainespersonnes ges face au jeu sera dgage de sa connotation strictement prive pour devenir un enjeuqui concerne au premier chef la socit.

    Notre recherche a galement dmontr que des questions comme loffre de loisirs aux ans et lavalorisation de leur engagement social mriteraient aussi une rflexion plus pousse. Nos rpondants ontavanc plusieurs occasions que ces questions ntaient pas assez dbattues. Pourtant, ils pensent que

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    ces changes pourraient bien faire merger des solutions durables qui auraient des effets directs sur lechoix des pratiques dactivits sociales. Le ministre de la Famille et des ans devrait donc inviter lesacteurs associatifs qui reprsentent les ans venir rflchir collectivement ces enjeux importants.

    C) Lenvironnement de loffre de jeu et de la sant publique

    Le modle de sant publique appliqu la problmatique du jeu chez les ans

    Dans une perspective de sant publique maintenant, le jeu nest pas considr comme intrinsquementnfaste ou bnfique et les problmes de jeu sont plutt vus comme circonstanciels et dpendants deplusieurs facteurs17.

    Le modle pidmiologique propre la sant publique veut que les problmes de sant soient crs parun dsquilibre entre un produit, lenvironnement, et la personne. Conformment ce modle, lesproblmes de jeu et le jeu dit pathologique, sont dtermins par une interaction complexe entre desaspects individuels, propres au joueur, des caractristiques structurelles propres au jeu et des aspects

    environnementaux comme, par exemple, laccessibilit au jeu.

    Il existe une grande varit de jeux de hasard et dargent et tous ne prsentent pas le mme risquedengendrer des problmes, dont le jeu pathologique . La dangerosit des jeux sarticule autour dedeux dimensions : la dangerosit intrinsque, spcifique aux diffrents types de jeux qui prsentent descaractristiques varies les rendant plus ou moins susceptibles de gnrer ou dacclrer lapparition deproblmes de jeu. La dangerosit extrinsque, quant elle, correspond lenvironnement dans lequel le

    jeu est offert.

    Plusieurs recherches mondiales ont clairement tabli le lien entre laccessibilit au jeu et les problmes

    qui en dcoulent. Chevalier et Papineau (2007) prcisent la dfinition de laccessibilit au jeu selon cinqdimensions: laccessibilit gographique, qui rfre la capacit dune personne ou dune population parcourir la distance ncessaire pour participer une activit de jeu ou au temps requis pour parcourircette distance. Laccessibilit temporelle, qui fait rfrence au temps requis pour participer une activitde jeu ainsi quaux priodes pendant lesquelles les activits de jeu sont disponibles: le nombre dheurespar jour et le nombre de jours par anne o un jeu est accessible. Laccessibilit conomique correspond la capacit dune personne ou dune population de dfrayer les cots directs et indirects inhrents laparticipation une activit de jeu. Les cots directs incluent le cot des mises et ventuellement durestaurant, des consommations et du spectacle (dans le cas dun casino). Laccessibilit symbolique tientdavantage de lacceptabilit sociale et du degr de normalisation dune activit. Toutes les formes demise en march contribuent rendre le jeu plus accessible symboliquement auprs des populations.

    Finalement, laccessibilit lgale est dfinie par les lois et la rglementation interdisant ou limitant laparticipation de certaines catgories de personnes certaines activits de jeu.

    La reconnaissance de la dangerosit de certains jeux, de laccessibilit et de facteurs individuels commedterminants majeurs des problmes de jeu, constituent les fondements du cadre conceptuel de sant

    17Ici, des donnes pidmiologiques sur le jeu chez les ans venir.

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    publique. Cette conceptualisation a de nombreuses implications pour la prvention: si loffre de jeu oulaccessibilit un produit entrane gnralement une augmentation des problmes lis au jeu dans lasocit, la rduction de ceux-ci passe par le ramnagement de cette accessibilit et la rduction deloffre afin de retarder ou prvenir les problmes de jeu. De la mme faon, tant reconnu que certains

    jeux exacerbent davantage les problmes de jeu, laction prventive doit viser la rduction de leur

    dangerosit, sinon viser une augmentation de linnocuit des jeux proposs. Finalement, les actions detype sensibilisation, information, ducation la sant, peu efficaces prises isolment, ont le potentiel decontribuer rduire les problmes associs au jeu lorsquelles sont combines aux mesures visantlaccessibilit et la dangerosit.

    Cependant, malgr les rflexions thoriques de ces dernires annes, la revue des tendances enprvention des problmes de jeu au Qubec dmontre labsence dune vision structure et systmique dela prvention. Pour la majeure partie, elles visent linformation aux joueurs et aux proches, sinscrivantrsolument dans le courant du jeu responsable . Le fait que certains jeux prsentent des facteurs derisques et des proprits toxicomanognes suprieures dautres nest que trs peu pris en considrationpar ces programmes de prvention de nature strictement ducative. On constate aussi que la prvention

    sinstalle souvent dans une logique ractive, en raction soit laugmentation de loffre de jeu, soit unquestionnement mdiatique ou populaire. Par ailleurs, certaines mesures prventives sont parfoisparallles dautres mesures susceptibles den minimiser les effets prventifs comme, prcisment, lemarketing ou la fidlisation.

    Cest donc dire que la stratgie tatique dune offre organise de jeu qui facilite les accessibili tstemporelle, symbolique, financire et gographique dune portion potentiellement vulnrable de lapopulation vers les jeux reconnus les plus toxicomanognes peut apparatre un rel sujet deproccupation pour la sant publique et pour les associations dans partenaires.

    Dans sa relecture de la Charte dOttawa, le professeur de sant publique Jean-Pierre Deschamps insistesur le rle des professionnels de la sant, ces tmoins privilgis, de rappeler aux dcideurs leurresponsabilit lgard de la sant des populations, car beaucoup de responsables, imprgns dumodle biomdical de gestion de la sant, imaginent de bonne foi que tout est un problme demdecine. La responsabilit lgard de la promotion de la sant ne repose pas, en effet, uniquementsur les dcideurs du secteur sanitaire, mais aussi sur ceux qui exercent un pouvoir dcisionnel au niveaudes politiques sociales, conomiques, ducatives, de loisirs, etc. La Charte dOttawa mentionne le besoinindispensable de procder lvaluation systmatique des effets du milieu sur la sant . Sur laproblmatique du jeu chez les ans souleve par les acteurs de laction concerte, la sant publiquerejoint donc lthique publique en recommandant dadopter une position thiquement responsable, de sesoucier de la compatibilit entre les efforts demands sur le plan individuel et les conditions de vie

    environnantes; il importe dagir pour changer lenvironnement et non seulement de convaincre lesindividus de changer leurs pratiques: les pratiques changer deviennent ds lors celles desresponsables sociaux et conomiques . Toujours selon Deschamps, ce sont eux qui doivent constituer legroupe prioritaire de nos interventions et non uniquement les usagers. Comme nous le verronsmaintenant, dans le cas des ans, des conditions objectives peuvent favoriser ladoption de conduites risque et lapparition de problmes de jeu.

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    Des individus, des parcours de vie et des jeux

    Il existe des htes ou des sous-groupes dits vulnrables , dont certains ans peuvent faire partie,et pour lesquels les jeux de hasard et dargentpeuvent avoir davantage dimpacts ngatifs. Prcisons quetout comme en sociologie du vieillissement, les ans ne constituent pas un groupe monolithique et,

    selon la littrature, seulement certains segments de la population ane sont susceptibles de prsenterune vulnrabilit accrue comme, par exemple, les femmes ges seules, les proches aidants, lespersonnes fragilises sur le plan de la sant, les personnes migrantes et les personnes faibles revenus.Les entrevues menes dans le cours de cette recherche confirment lhtrognit des expriences etdes sous-groupes en distinguant, par exemple, le parcours des femmes et des hommes, celui des joueursprcoces ou tardifs. Conformment aux analyses de notre collgue R. Vallerand, le degrdinvestissement dans le monde de lemploi, dans la vie familiale, dans des activits ou des passionssemble galement contributif de la qualit de vie et, dans le cas qui nous occupe, de lexprience vis --visdu jeu.

    Nos entrevues et la revue de la littrature ont permis dobserver comment loffre rpond point par poin t des caractristiques spcifiques aux ans comme la perte de mobilit, la grande quantit de temps libre,le besoin de socialisation et de reconnaissance, la perte de sens, etc.

    Une offre organise : voyages vers les casinos

    Diffrentes dimensions de lenvironnement dterminent les parcours de jeu, soit en favorisant linitiation, lemaintien et ventuellement lexcs au jeu. Pour les ans, qui disposent souvent davantage de tempslibre, une offre spcifique semble stre dveloppe et a dj fait lobjet de diverses tudes. Plusieursacteurs concourent cette offre organise de jeux de hasard, notamment vers les casinos. Afin de mieux

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    comprendre cet environnement de jeu, une cartographie de loffre a t dresse. Nous avons i dentifi etmen nos enqutes dans les rgions de Qubec, des Laurentides, de la Mauricie, de Montral et de Laval(chacune delles tant directement ou relativement proche dun casino) et auprs dinformateurs demaisons de retraite et rsidences pour ans, dassociations, organismes communautaires et Clubs delge dor, de voyagistes et de transporteurs.

    En ce qui concerne les rsidences consultes, seules les grandes rsidences prives accueillant despersonnes valides et nanties proposaient leurs rsidants des voyages au casino, puisquelles disposentdun bassin de clientle suffisant pour remplir lesautobus. Pour les rsidences plus modestes, loffre taitau contraire limite parce que la plupart des rsidants sont peu mobiles ou na que peu de ressourcesfinancires. Le rle des Clubs de lge dor et des organismes communautaires pour les ans dans loffrede sortie au casino de mme que leurs relations commerciales avec la Socit des casinos sont maldfinies et ncessiteraient des analyses et des rflexions supplmentaires. Des donnes sur ce sujetexistent vraisemblablement, Loto-Qubec sest refus, comme nous lavons mentionn, toutecollaboration ou accs aux donnes.

    Ce sont surtout les voyagistes et les transporteurs 7 agences majeures - qui apparaissent comme lesprincipaux partenaires de la Socit des casinos du Qubec (SCQ) dans la mesure o, motivs par desoffres des primes mensuelles et des ristournes intressantes (pour laccompagnateur et le chauffeur) dela SCQ, ils organisent deux types doffres : les navettes quotidiennes vers les casinos dont les offres sontdiffuses dans les journaux locaux ; et les forfaits vers les casinos sont diffuss auprs des organismesdestins aux ans. Les navettes sont quotidiennes vers lun ou lautre des casinos pour un montant quivarie de 12 30$ pour la journe et elles couvrent la plupart des territoires de la Valle du Saint-Laurent,des Laurentides et de lEstrie. Les voyageurs se voient remettre des points-privilges dune valeur de 10$, condition de devenir membres du Club Privilge du casino qui leur dlivre une carte. Celle-ci permettraau casino de connatre, outre leur identit et leur adresse, leurs habitudes de consommation de jeu

    puisque cette carte doit tre introduite dans les machines pour que le joueur bnficie de ses privilges etcumule dautres points. En outre, le casino pourra dvelopper diverses stratgies de fidlisation:rcompenses, invitations diverses donnant aux personnes concernes limpression dtre connues etreconnues. Par le biais des sorties au casino, ltablissement de jeu initie potentiellement de nouvellespersonnes au jeu, largit ainsi sa base de clientle et peut ds lors les solliciter personnellement sils ledsirent. Ces stratgies sont plus susceptibles dtre particulirement efficaces auprs de personnesseules ou isoles socialement, dont on sait quelles sont potentiellement parmi les plus vulnrables.

    Les agences de voyages reoivent des primes mensuelles ainsi que des avantages de la Socit descasinos pour organiser des voyages en groupes vers les casinos du Qubec ; lune des voyagistes qui ontparticip notre tude a dailleurs reconnu que si Loto-Qubec noffrait plus de subventions aux

    voyagistes, elle ne pourrait plus offrir de tels forfaits en autobus puisque le cot rel dun bus est lev etelle ne pourrait offrir des forfaits des prix aussi bas . Loffre de forfaits et de navette vers les casinossemble reprsenter une grande part du chiffre daffaires des agences rpertories sur le site des casinos.La Socit des casinos recourt donc ces intermdiaires pour effectuer le dmarchage de sa clientle ;les agences agissent titre de recruteurs et louent les services de transporteurs pour qui les ansreprsentent une clientle privilgie. Les lieux de diffusion des forfaits et des navettes sont les

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    rsidences et les organismes ainsi que les journaux locaux, qui participent ainsi la normalisation et lacommercialisation de jeu auprs de leur clientle.

    La proccupation thique revient donc ici puisque la le fardeau de linvitation ou de lincitation au jeu estdlgu par ltat (Loto-Qubec) une tierce partie. Il est intressant de constater que la Socit des

    casinos utilise les voyagistes pour initier les ans aux jeux et quelle tente ensuite de les rejoindredirectement. Pour lune des responsables dagence de voyages que nous avons rencontres, la Socitdes casinos a une dmarche agressive pour ramener ses clients aux casinos : selon elle, la Socit descasinos ne devrait pas faire la promotion du jeu en envoyant directement mes clients () une carte de

    jeu promotionnelle prpaye () a incite les gens retourner aux casinos de faon individuelle et doncdy aller plus souvent.

    Les appareils de loterie vido (ALV)

    La recherche sest attarde sur cette offre de jeu organise par les casinos puisque cest celle quisemblait sadresser le plus directement aux ans. Dans les casinos, les clients de ces voyages sont

    amateurs de machines sous (MAS) ; par ailleurs, les intervenants des Centres de radaptation endpendance interviews ont mis en relief le fait que les appareils de loterie vido (ALV), disponibles dansles bars, les salons de jeu et maintenant les Kinzo, constituent indniablement une autre forme spcifiquede loffre de jeu. Une grande partie des ans qui consultent mentionnent avant tou t des problmes avecce type dappareils, lesquels prsentent des risques spcifiques. Les ALV sont ainsi disponibles courtedistance de la clientle, dans un bar, restaurant, dans des tablissements dans des centres dachats, parexemple. Ils constituent un risque spcifique en raison de leur proximit, mais aussi de la rapidit aveclaquelle les clients accumulent des pertes, en raison aussi de la possibilit de consommer de lalcool en

    jouant, et de lisolement du joueur. Dans les bars, le jeu est rsolument priv, solitaire, anonyme, alorsque la sortie au casino peut tre loccasion dune certaine convivialit associe une dmarche degroupe (encore que nos observations des lieux de jeu et le tmoignage des intervenants amnent considrer que si le trajet en autobus est peut-tre source de sociabilit, la sance de jeu au casino proprement parler est hautement solitaire, les joueurs tant dans une bulle ).

    Le contexte des dveloppements technologiques dans lindustrie du jeu

    Que lon parle des habitudes de jeu dans les casinos, les salons de jeu ou les bars, les machines souset les appareils de loterie vido tendent de plus en plus prsenter les mmes caractristiques. Autrefoistrs diffrencis sur le plan de la mcanique et des thmatiques, les avances en matire de technologieet les choix de commercialisation ont attnu ces diffrences. Les adeptes de lune ou lautre desmodalits de jeu se retrouvent face de semblables mcanismes visant faire perdurer les sessions de

    jeu comme loccurrence de quasi-gains et de renforcements positifs, visuels et sonores, des dispositifsimmersifs et des modalits de paiement qui favorisent une dpense acclre et dsincarne. Laminimisation symbolique de la dangerosit des appareils lectroniques que lon retrouve au casino parleur appellation de machines sous est en ce sens trompeuse. Ce terme anodin, qui laisse croire quilnen cote que quelques sous pour jouer, ne favorise pas la prudence du joueur. Les prochainesgnrations dappareils lectroniques de jeu devraient exposer les ans qui sy adonnent des jeux plusimmersifs, rseauts et persistants. La nouvelle gnration dappareils de loterie vido et de machines sous qui sera installe sous peu est donc susceptible daccentuer davantage la perte de contrle aujeu.

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    Les intervenants ont galement exprim des craintes face larrive du jeu en ligne, qui permet lusagerde jouer chez soi et accentue le caractre isol et priv de la pratique du jeu, et donc les risques associs cet isolement. Le site de jeu en ligne de Loto-Qubec, Espace jeux, offre des jeux familiers aux ans,grands amateurs de casual gaming , qui simulent des jeux dhabilet (Rubik, Blokus, Missionnavale) ou des jeux tlviss, dont les ans sont aussi adeptes. Le bingo sera lanc prochainement,

    autre jeu traditionnellement pris des ans. Si loffre de jeu en ligne est gnralement dcrite commevoulant cibler et fidliser les jeunes, on observe quelle rpond sur certains plans aux pratiques familiresde certains ans.

    Lanalyse de loffre de jeu destine aux ans prend donc place dans un contexte o se pose le dfisupplmentaire de ne pas gnrer des joueurs problmatiques avec les clients de loffre organise auxcasinos et avec cette portion dans qui favoriseront les jeux en ligne parce quils semblent familiers,inoffensifs, peu coteux et quils nimpliquent pas de dplacements. En ce sens, la posture de la santpublique, dans une optique de vieillissement en sant, rejoint celle de lthique publique qui recom mandeladoption du principe de prcaution dans la gestion gouvernementale de cette industrie.

    SynthseNous avons donc observ que la proportion de la population ane va grandissant et que ce phnomnedmographique saccentuera au cours des prochaines dcennies. Les ans ne sont pas unilatralementvulnrables, au contraire, ils vivent dornavant plus longtemps autonomes et en sant. Ils constituentnanmoins une clientle apprciable des Centres de traitement pour le jeu pathologique.Comme pour une panoplie de biens de consommation ou de biens culturels, le nombre grandissantdans a donn lieu au dveloppement de produits et dun marketing qui leur est spcifiquement adapt.Nous avons aussi constat que les ans constituent une partie importante de la clientle des casinos etdes salons de jeu du Qubec, qui ont labor une mcanique commerciale complexe impliquantplusieurs acteurs pour attirer et fidliser cette clientle. Cette offre semble rpondre de faon symtrique

    des facteurs de risque associs la vulnrabilit chez certains ans : diminution du rseau social,instabilit financire, temps libre, limitations physiques, etc.

    Lobjectif datteinte du dficit zro exerce une influence sur les finances publiques, et la pression sur laSocit dtat Loto-Qubec pour gnrer de nouveaux profits explique en partie les initiatives visantlexploitation de diffrents crneaux commerciaux. Il apparat cependant que le financement de cetteoffre organise vers les casinos reprsente une concurrence inquitable pour dautres types de loisirsappropris.

    Par ailleurs, dans le contexte o les solutions proposes, notamment les activits organises au casino,au Salon de jeu et, ventuellement, au Kinzo, impliquent le jeu sur des appareils lectroniques de jeu,

    ces solutions commerciales engendrent des rpercussions sanitaires et soulvent des interrogationsthiques.

    Cette recherche suggre donc la prise en compte du principe de prcaution dans la gestion de loffre dejeu, linstauration dune instance indpendante de prvention qui tienne compte de laspect multifactorieldes problmes de jeu et la mise sur pied de mcanismes permettant des activits alternatives de loisirsabordables pour les ans.

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