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A F J Le Bulletin de l’Association des Français du Japon Afghanis- tan . Afrique du Sud . Alba- nie . Algérie . Allemagne . Andorre . Angola .Antigua-et-Barbuda . Arabie saoudite . Argentine . Ar- ménie . Australie . Autriche . Azerbaïdjan . Bahamas . Bahreïn . Bangladesh . Barbade . Belau . Belgique . Belize . Bénin . Bhoutan . Biélorussie . Birmanie . Bolivie . Bosnie-Herzégovine . Botswa. Brésil . Brunei . Bulgarie . Burkina . Burundi . Cambodge . Cameroun . Canada . Cap- Vert . Chili . Chine . Chypre . Colombie . Comores . Congo . Cook . Corée du Nord . Corée du Sud . Costa Rica . Côte d’Ivoire . Croatie . Cuba . Danemark . Djibouti . Domi- nique . Égypte . Émirats arabes unis . Équateur . Érythrée . Espagne . Estonie . États-Unis . Éthiopie . Fidji . Finlande . France . Gabon . Gambie . Géorgie . Ghana . Grèce . Grenade . Guatemala . Guinée . Guinée-Bissao . Guinée équatoriale . Guyana . Haïti . Honduras . Hongrie . Inde . Indonésie . Iran . Iraq . Irlande Islande . Israël . Italie . Jamaïque . Japon . Jordanie . Kazakhstan . Kenya . Kirghizistan . Kiribati . Koweït . Laos . Lesotho . Lettonie . Liban . Liberia . Libye . Liechtenstein . Lituanie . Luxembourg . Macédoine . Madagascar . Malaisie . Malawi . Maldives . Mali . Malte . Maroc . Marshall . Maurice . Mauritanie . Mexique . Micronésie . Moldavie . Monaco . Mongolie . Mozambique . Namibie . Nauru . Népal . Nicaragua . Niger . Nigeria . Niue . Norvège . Nouvelle-Zélande . Oman . Ouganda . Ouzbékistan . Pakistan . Panama . Papouasie - Nouvelle . Guinée . Paraguay . Pays-Bas . Pérou . Philippines . Pologne . Portugal . Qatar . République centrafricaine . République dominicaine . République tchèque . Roumanie . Royaume-Uni . Russie . Rwanda . Saint-Christophe-et-Niévès . Sainte-Lucie. Saint-Marin . leVatican . Saint-Vincent-et-les Grenadines . Salomon . Salvador . Samoa occidentales . Sao Tomé-et-Principe . Sénégal . Seychelles . Sierra Leone . Singapour . Slovaquie . Slovénie . Somalie . Soudan . Sri Lanka . Suède . Suisse . Suriname . Swaziland . Syrie . Tadji- kistan . Tanzanie . Tchad . Thaïlande . Togo . Tonga . Trinité-et-Tobago . Tunisie . Turkménistan . Turquie . Tuvalu . Ukraine . Uruguay . Vanuatu . Venezue- la . Viêt Nam . Yémen . Yougoslavie . Zaïre . Zambie . Zimbabwe Printemps-Eté 2012 « France, loin des yeux, près du cœur » La Présence engagée des Français de l’Étranger DOSSIER SPÉCIAL Du besoin d’être ou de ne pas être Français lorsqu’on réside à l’étranger Dossier Reportage Livres Associatif EXCLUSIVITÉ Interview exclusif accordé à l’AFJ par le Secrétaire d’État aux Français de l’Étranger, Édouard Courtial

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1LE BULLETIN DE L’AFJ

AFJLe Bulletin de l’Association des Français du Japon

Afghanis-tan . Afrique du Sud . Alba-

nie . Algérie . Allemagne . Andorre . Angola .Antigua-et-Barbuda . Arabie saoudite . Argentine . Ar-

ménie . Australie . Autriche . Azerbaïdjan . Bahamas . Bahreïn . Bangladesh . Barbade . Belau . Belgique . Belize . Bénin . Bhoutan

. Biélorussie . Birmanie . Bolivie . Bosnie-Herzégovine . Botswa. Brésil . Brunei . Bulgarie . Burkina . Burundi . Cambodge . Cameroun . Canada . Cap-

Vert . Chili . Chine . Chypre . Colombie . Comores . Congo . Cook . Corée du Nord . Corée du Sud . Costa Rica . Côte d’Ivoire . Croatie . Cuba . Danemark . Djibouti . Domi-

nique . Égypte . Émirats arabes unis . Équateur . Érythrée . Espagne . Estonie . États-Unis

. Éthiopie . Fidji . Finlande . France . Gabon . Gambie . Géorgie . Ghana . Grèce . Grenade . Guatemala . Guinée . Guinée-Bissao . Guinée équatoriale . Guyana . Haïti . Honduras .

Hongrie . Inde . Indonésie . Iran . Iraq . Irlande Islande . Israël . Italie . Jamaïque . Japon

. Jordanie . Kazakhstan . Kenya . Kirghizistan . Kiribati . Koweït . Laos . Lesotho . Lettonie . Liban . Liberia . Libye . Liechtenstein . Lituanie . Luxembourg . Macédoine . Madagascar . Malaisie . Malawi . Maldives . Mali . Malte . Maroc . Marshall . Maurice . Mauritanie . Mexique . Micronésie . Moldavie . Monaco . Mongolie . Mozambique . Namibie . Nauru . Népal . Nicaragua . Niger . Nigeria . Niue . Norvège . Nouvelle-Zélande . Oman . Ouganda . Ouzbékistan . Pakistan . Panama . Papouasie - Nouvelle . Guinée . Paraguay . Pays-Bas . Pérou . Philippines . Pologne . Portugal . Qatar . République centrafricaine . République dominicaine . République tchèque . Roumanie . Royaume-Uni . Russie . Rwanda . Saint-Christophe-et-Niévès . Sainte-Lucie. Saint-Marin .

leVatican . Saint-Vincent-et-les Grenadines . Salomon . Salvador . Samoa occidentales . Sao Tomé-et-Principe . Sénégal . Seychelles . Sierra Leone . Singapour . Slovaquie . Slovénie

. Somalie . Soudan . Sri Lanka . Suède . Suisse . Suriname . Swaziland . Syrie . Tadji-kistan . Tanzanie . Tchad . Thaïlande . Togo . Tonga . Trinité-et-Tobago . Tunisie

. Turkménistan . Turquie . Tuvalu . Ukraine . Uruguay . Vanuatu . Venezue-la . Viêt Nam . Yémen . Yougoslavie . Zaïre . Zambie . Zimbabwe

Printemps-Eté 2012

« France, loin des yeux, près du cœur »La Présence engagée des Français de l’Étranger

DOSSIER SPÉCIALDu besoin d’être ou de ne pas être Français lorsqu’on réside à l’étranger

Dossier

Reportage

Livres

Associatif

EXCLUSIVITÉ Interview exclusif accordé à l’AFJ par le Secrétaire d’État aux Français de l’Étranger, Édouard Courtial

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3LE BULLETIN DE L’AFJ

S O M M A I R EI N T R O D U C T I O N D O S S I E R

A S S O C I A T I F

4 Mot du présidentAu fil du temps

5 Mot de l’ambassadeur de France au japon6 Message de l’Ambassadeur du Japon en France

7 Mot du Consul8 Sénateur CointatPas de rêves sans votes !

9 Boris FaureLa représentation des Français à l’étranger

10 Thierry ConsignyL’amour de la France, loin de la France

12 Jean-Francois CollinetDe la présence

13 Edouard CourtialUn message aux Français du Japon

14 Christian RoudautAmbassadeurs ou éclaireurs ?

16 Michel Sauzet18 Virginie Jux19 Yoshikazu Gahier20 Florence Costa-Kageyama22 Marguerite France23 Yves Cerf-Mayer

24 à 26 Père JacquelRéflexion sur « la Présence » Le Père Bernard Jacquel, vu par lui-même

28 Jean BourgeoisDe France ou bien d’ailleurs

30 Alain BernardUne trace de pas...

31 Alain Verzeroli32 Frédéric Madelaine33 Kernbaum Alexandre34 Yukiko Omori36 Les Français de l’étranger37 Joelle EzoeComment peux-tu épouser un Japonais ?

38 Philippine de CathazarÀ un ami « expat ».

40 Emina Tonnelier2 Pays, 1 Femme, 3 Possibilités où j’ai deux Amours…

41 Clément GroisneChoc des cultures ou fusion ?

42 Laurent Teycheney43 Yoann Rocheteau 44 La vie d’expat, bagne ou vie de château ?

E N Q U Ê T E p 4 6

La carte mondiale de la présence française évolue

R E P O R T A G E

50 Visite du Premier Ministre François Fillon51 L’heure du premier bilan

À LIRE p 52 & 5354 Ski de fond & Raquette à Yumoto55 Minka56 Atelier bijoux fantaisieLa Nuit des Publivores 2011“J’’aime chanter” 201157 Voyage au pays des rikishi ! 58 Cette année encore59 Sortie des Koyos

Directeur de la publication : Association des Français du Japon. Éditrice : Catherine ESTRADE Maquette : Catherine ESTRADE. Rédacteur en chef : Yves ALEMANY avec l’aimable aide de Claude ChavanneDessin : Kristian www.kristian-cartoon.com Relecture : Un grand merci à l’équipe des correcteurs.Le bulletin est édité 2 fois par an par l’Association des Français du Japon. Section consulaire, Ambassade de France 4-11-44 Minami-Azabu, Minato-Ku. Tokyo 106-8514 Japon. www.afj-japon.orgREMERCIEMENTS: Nous tenons à remercier très chaleureusement toutes les personnes, toutes bénévoles, qui ont bien voulu apporter leur contribution à la réalisation de ce Bulletin tant sur le plan de la réalisation infographique que concernant la rédaction des articles qui dé-montrent beaucoup de talent et surtout une grande sensibilité et beaucoup de générosité. Nous remercions aussi les annonceurs sans lesquels «aucune presse», qu’elle soit petite ou grande, ne peut réussir à publier. Le Bulletin AFJ est le lien entre tous les membres de la communauté française du Japon, il mérite que vous le souteniez, pour notre part nous essayons de donner une représentation de la communauté française ouverte à toutes les sensibilités, merci de l’intérêt que vous y trouverez .YA

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4 LE BULLETIN DE L’AFJ

L’édito

Les Français établis hors de France s’apprêtent à élire, pour la première fois, les 10 et 17 juin

prochains, des députés pour les représenter à l’Assemblée Nationale.

Ils pourront le faire dans 11 circonscriptions représentatives du découpage de la carte électorale des Français de l’étranger. À cette occasion, il nous a semblé important de consacrer ce Bul-letin à ce que peut signifier pour les communautés françaises à l’étranger, et en particulier pour la nôtre au Japon, le fait d’être un citoyen français expatrié à l’époque d’une mondialisation croissante. Rappelons nous qu’au XVIIIe siècle, les encyclopé-distes voyaient grand et nous disaient que nous, Français, nous avions vocation à être citoyens du monde!On pourrait donc s’interroger et se demander si ces élections de députés des Français de l’étranger n’arrivent pas trop tard et si elles ne sont pas une affaire politicienne purement fran-çaise. Notre sphère de rayonnement, aujourd’hui, n’est-elle pas le monde tout entier et ne passe-t-elle pas impérativement par l’Europe? Cependant il n’est pas de notre intention de vou-loir minimiser cette décision historique, qui apporte enfin une reconnaissance officielle au rôle des Français de l’extérieur dans la communauté nationale. Car ces Français assurent à la France son rang et son rayonnement culturel, artistique, scientifique, commercial et économique. Cet événement, qui correspond à une promesse de campagne du candidat Nicolas Sarkozy en 2007 et pour la réalisation de laquelle il a fallu aménager la constitution, est très important. Il correspond à un engagement durable qui donne aux Français établis hors de France, non seu-lement des devoirs, mais, aujourd’hui, le même droit que leurs concitoyens de métropole, d’élire leurs représentants à l’Assem-blée Nationale. Comme les autres, ils pourront donc peser sur l’élaboration et le vote de la loi. L’énergie que dépensent ces Français pour assurer le développement et le rayonnement de la présence française dans le monde méritait bien cette recon-naissance. Elle contribuera à contrer et corriger les images et les réflexions caricaturales blessantes et souvent mensongères qui sont faites à l’égard des « expatriés ».

De manière très modeste, l’AFJ a pris le risque, dans ce Bulletin, de traiter ce sujet qui nous concerne tous, en prenant soin d’éli-miner toute confusion. L’AFJ a toujours su résister à l’épreuve des clivages. Comme toujours, elle se situe dans la diversité et la pluralité des idées et des convictions de nos compatriotes du Japon. Elle est, et tient à rester, un pole d’accueil, d’entraide et de solidarité pour tous, comme cela est sa vocation depuis maintenant plus de 60 ans.Beaucoup de nos compatriotes sont aujourd’hui des binationaux, il n’y a pas de débat idéologique sur cette réalité. Nous vivons très bien le multiculturalisme et le multilinguisme et nous pen-sons même qu’à cette époque d’une mondialisation devenue incontournable, le métissage qui reflète la réalité d’une commu-nauté de destin est une chance pour l’ensemble de nos compa-triotes et une source d’inspiration nouvelle pour la nation fran-çaise pourvu qu’elle s’inscrive dans le respect des valeurs du pacte républicain.

Dans ce Bulletin nous abor-dons le dialogue des cultures à travers le témoignage de compatriotes. Ils nous parlent, de leur intégration en tant qu’expatriés, de leur choix de vie, de leurs efforts pour mieux comprendre et mieux s’intégrer à la vie de leur pays d’accueil. Abor-der un monde nouveau avec des traditions et une culture si différentes reste un défi considérable qui témoigne, de la part de ces « français du dehors », de leur courage et aussi de leur audace. Découvrir un nouveau pays, une nouvelle langue, une autre culture, des habitudes sociales très différentes, est une “nouvelle promesse” au sens biblique du terme. Mais tout dépend de l’approche de chacun. Trouver des convergences qui rassurent n’est pas aisé et les risques de dérapages sont nombreux. Certaines expériences, parfois trop hasardeuses peuvent parfois, hélas, laisser un goût amer.

Les réflexions sur l’intégration sont multiples. Pour s’intégrer doit-on favoriser une approche rationnelle ou intuitive? Doit-on choisir de s’assimiler, au point de renoncer à toute identité fran-çaise et renoncer aussi a tout contact avec la France, avec ses compatriotes, avec ses représentations associatives, son Ambas-sade et son Consulat, pour essayer de devenir « un autre » ? Ou bien, réussir une expatriation n’exige t-il pas, d’abord, de rester fidèle à sa culture d’origine ? On ne gagne guère à vou-loir s’affranchir de sa propre culture pour intégrer une autre. Féconder nos rapports avec nos nouveaux amis ne dépend-elle pas, d’abord, de la confiance que nous avons en nos propres valeurs humanistes et culturelles ? Comment obtenir la recon-naissance de « l’autre » si « il » ne peut pas trouver en nous des bases solides d’échanges ? Sans doute est-il indispensable de respecter « l’esprit des lieux » et de s’en imprégner afin de mieux comprendre. Mais nous devons aussi savoir sauvegarder notre spécificité, car aucune relation n’est possible dans l’indif-férence. La « neutralité » des sentiments débouche toujours sur le vide des cœurs et sur celui des âmes.

Deux approches s’opposent. Celle de ceux qui choisissent l’in-tégration définitive et qui brûlent leurs navires. Celle de ceux qui acceptent que, quelque soit la durée de leur séjour au Japon, ils ne seront jamais que de passage sur cette terre où le soleil se lève mais où la modestie implique de ne pas vouloir briller plus que lui ! Chercher à se faire accepter par nos amis japonais, c’est créer un lien social qui repose, non pas sur des non-dits, mais sur une confiance intuitive. Définir une éthique du comporte-ment de l’expatrié n’est pas notre propos, ni même, notre ambi-tion. Nous voudrions seulement pouvoir rester dignes de ces valeurs françaises humanistes et universelles qui, aux yeux des Japonais, font de nous des citoyens du monde. Alors, n’ayons pas peur d’être nous-mêmes. Efforçons-nous d’être à la hauteur de cette réputation qui nous est faite. Et que la providence nous guide !

Yves AlemanyPrésident de l’Association des Français du Japon

Au fil du temps……

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5LE BULLETIN DE L’AFJ

Message de l’Ambassadeurde France au Japon

Chers amis, chers compatriotes,

Trois mois déjà que j’ai pris mes fonctions.

Trois mois qui m’ont permis de rencontrer et connaître la com-munauté française du Japon et, surtout, de l’apprécier. Je sais combien l’Association des Français du Japon, l’AFJ, en est une composante essentielle et c’est pourquoi j’ai grand plaisir à m’adresser à vous au travers de son Bulletin.

Il y a peu, le 11 mars dernier, nous avons commémoré tous ensemble, réunis dans la cour d’honneur de la résidence de France, les terribles événements de l’an passé. Ils ont profondé-ment marqué notre communauté et celle-ci a témoigné de façon exemplaire sa solidarité avec le peuple japonais, resté digne et courageux.

Dans cette épreuve, l’AFJ, emmenée par son président, Yves Alémany, a su se mobiliser très rapidement, que ce soit au travers de l’aide apportée sur le terrain aux opérations de déblaiements par ses nombreux volontaires, par sa participation, dès son ori-gine, à la caravane «Bon Appétit», ou en contribuant de manière déterminante à la célébration, par l’Ambassade de France, de notre fête nationale du 14 juillet. La force, le dynamisme et les compétences dont tous ont su faire preuve sont les marques de notre communauté au Japon. Elles contribuent à enrichir, depuis plus de 150 ans, les relations entre nos deux pays.

Un an après la catastrophe, le Japon rebondit. La solidarité que vous avez manifestée a renforcé les liens entre nos deux peuples et les perspectives de coopération sont plus fortes que jamais. Il nous appartient de les concrétiser. C’est la tâche qui attend chacune et chacun d’entre nous.

Après les nouveaux bâtiments de l’Ambassade, nous inaugu-rons, cette année, le nouveau lycée français international à Taki-nogawa. Plus vaste, mieux équipé, adapté à l’accueil des élèves que nous souhaitons voir toujours plus nombreux, il répond à la volonté de rayonnement culturel de la France. Il se devra aussi d’être un lieu d’échanges et de dialogues et je suis heureux que

l’AFJ l’ait choisi comme lieu pour y organiser sa Soirée Annuelle de Solidarité, ce moment fort, entre tous, de rassemblement, de cohésion et de convivialité. Ce sera le 26 mai prochain. Je sou-haite vivement que vous soyez les plus nombreux possible à y participer.

Expatriés de longue date ou de passage, vous avez fait le choix de vivre à l’étranger et d’y représen-ter notre pays en travaillant pour ses entreprises, en faisant la promotion de sa culture, de son art de vivre et de son savoir-faire. Chacun, par son acti-vité, enrichit la communauté nationale et étoffe la relation entre la France et le Japon. Vous savez que vous pouvez également compter, dans cette optique, sur les services de l’Ambassade et, en particulier, sur ceux de la section consulaire.

C’est en reconnaissance du rôle essentiel des Français de l’étran-ger que la République a décidé qu’ils pourraient dorénavant élire leurs propres députés, en plus des sénateurs qu’ils élisaient déjà depuis longtemps. A partir de cette année qui verra se tenir les 22 avril et 6 mai les élections présidentielles, vous pourrez désigner vos « députés des Français de l’étranger », les 3 et 17 juin pro-chain. Je vous invite à participer massivement au scrutin. Votre représentation à l’Assemblée nationale est essentielle car elle est garante de la prise en compte pérenne de vos avis, de votre volonté et de l’expression de vos intérêts légitimes.

Vive le Japon, vive la France et vive l’amitié franco-japonaise !

Christian MassetAmbassadeur de France au Japon

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6 LE BULLETIN DE L’AFJ

INTRODUCTION

Je suis Ichiro KOMATSU, nouvel Ambassadeur du Japon en France depuis la fin du mois de novembre 2011. Même si le

contexte dans lequel se déroulaient les relations entre nos deux pays a considérablement évolué depuis ma précédente affec-tation en France, il y a trente-six ans, j’ai maintenu des liens forts avec l’Europe en occupant les postes successifs de Direc-teur général des affaires européennes puis de Directeur général des affaires juridiques internationales au sein du Ministère des Affaires Étrangères du Japon. Avec votre soutien, je souhaite contribuer au mieux au développement des relations du Japon avec la France et avec l’Europe.

Après le grand séisme de l’Est du Japon du 11 mars dernier, de nombreux Français nous ont apporté une aide et un soutien qui nous a fait chaud au cœur. Je souhaiterais souligner le fait qu’aujourd’hui encore, dix mois après cette catastrophe, un grand nombre d’évènements caritatifs continuent d’être organi-sés par des bénévoles. À toutes ces personnes, je renouvelle mes remerciements les plus sincères.

Ce désastre, qui constitue une épreuve sans précédent pour le Japon, a coûté de nombreuses vies précieuses et infligé des dé-gâts importants au pays. Toutefois, la confirmation que le Japon comptait des amis dévoués dans de nombreux pays à travers le monde, dont la France, a donné beaucoup de courage à chacun de mes concitoyens. Grâce au soutien de la communauté inter-nationale, l’ensemble de la population a uni ses efforts pour par-ticiper à la reconstruction sur le moyen et long terme. Tous les efforts du Japon pour se relever le plus rapidement possible et continuer à apporter pleinement sa contribution à la communau-té internationale sont, j’en suis certain, une manière de remercier le monde entier.

La France et le Japon partagent les mêmes valeurs fondamentales, ainsi qu’un certain nombre de défis auxquelles sont confrontées aujourd’hui les nations développées. Les relations franco-japo-naises revêtent à ce titre une importance particulière pour nos deux pays. Celles-ci sont d’ailleurs au mieux actuellement, car nous sommes conscients d’être l’un pour l’autre des partenaires irremplaçables. La visite du Président Nicolas SARKOZY juste

après le séisme ainsi que celle plus récente du Premier ministre François FILLON illustrent bien cette proximité sur le plan di-plomatique, sans parler des coopérations industrielles en plein essor dans les domaines des véhicules électriques, du nucléaire, de l’environnement et de l’énergie, à l’image du lancement en partenariat avec la NEDO (Organisation japonaise du Dévelop-pement de l’Energie Nouvelle et de la Technologie Industrielle) d’un projet pilote de collectivité énergétique intelligente à Lyon en décembre 2011 (Projet Lyon – Confluence). Comparé à l’époque de mon précédent séjour, la France compte aujourd’hui bien plus de restaurants japonais, de jeunes gens voulant étudier notre langue ou d’amateurs de notre cinéma et de notre littéra-ture. On assiste ainsi à une véritable « fièvre japonaise », qui se traduit sur le plan culturel par une compréhension sensiblement plus profonde entre nos deux peuples.

Nos deux pays poursuivent également le renforcement de leurs liens dans le cadre plus vaste des relations nippo - européennes. Désireux de renforcer ses relations économiques avec la France, le Japon attache une grande importance à la signature rapide d’un accord de partenariat économique (APE) avec l’Union européenne, qui est l’un de ses principaux partenaires commer-ciaux. En ce sens, il s’est ainsi entendu avec les représentants européens lors du 20ème Sommet Japon – Union européenne en mai 2011 sur le démarrage d’un processus pour lancer des négociations. Nos deux pays partagent également une même approche de la question du réchauffement climatique. Lors de la 17ème confé-rence des parties (COP17) de la Convention – cadre des Na-tions-Unies sur le changement climatique, le Japon a souhaité d’ouvrir la voie à l’adoption rapide d’un nouvel accord global juridiquement contraignant, afin de mettre en place un cadre in-ternational efficace et équitable auquel participerait l’ensemble des principaux pays émetteurs, et initier des actions nécessaires lors des négociations pour parvenir à un accord. S’agissant de l’établissement d’un cadre pour l’après 2015, point central des discussions, le Japon a contribué avec l’Union Européenne et la France à des avancées dans les négociations en faisant des pro-positions constructives, comme la création d’un nouveau groupe de travail. Le Japon continuera de parta-ger ses expériences et de collaborer avec la France et l’Europe sur des questions globales comme la stabilité de l’économie mondiale et la lutte contre le terrorisme, mais également sur des questions communes à l’ensemble des pays développés comme la lutte contre le vieillissement démographique et la protection de la propriété intellectuelle dans les pays tiers.

L’année 2011 a été pour le Japon synonyme d’épreuves et, dans le même temps, de renforcements de ses liens avec la France et le reste du monde. Je ferais mon possible pour que 2012 voit un renforcement et un développement des liens qui unissent nos deux pays et, pour ce faire, j’espère pouvoir compter sur votre soutien renouvelé.

Ichiro KOMATSUAmbassadeur du Japon en France

Message de l’Ambassadeur du Japon en France

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7LE BULLETIN DE L’AFJ

INTRODUCTION

La récente commémoration du grand séisme du 11 mars 2011 a été l’occasion de rappeler à ceux qui vivent au Japon la

nécessité absolue de se préparer au pire, à tout moment.

À travers cette crise, chacun a pu réaliser combien la violence d’une catastrophe peut, en quelques minutes, abolir le dense maillage des moyens de communication et de transport qui ca-ractérise un pays de haut niveau technologique comme le Japon. Leur dysfonctionnement constitue alors une source d’angoisse supplémentaire pendant plusieurs heures, voire plusieurs jours.

Pour répondre à une telle situation, le réseau de sécurité mis en place par l’ambassade depuis 1997, remanié régulièrement, permet à chacun de se signaler et de recevoir une information adaptée aux circonstances.

Il est dès lors essentiel que chaque famille française s’inscrive dès son arrivée au Japon au registre consulaire (www.amba-france-jp.org puis rubrique «Vivre au Japon»), qu’elle commu-nique à l’ambassade toute modification de ses données de base (domicile, téléphone, e-mail...) qui survient au cours de son séjour (www.monconsulat.fr), qu’elle utilise enfin la faculté de géolocaliser son foyer, un élément d’appréciation du risque si utile dans une situation d’urgence (https://emili.ambafrance-jp.org).

Ces précautions prises dans le calme des jours ordinaires, se révèlent précieuses quand il s’agit, en temps de crise, de faire connaître sa situation personnelle aux organisateurs des secours ou simplement de rassurer les siens en France.

À l’approche des prochains scrutins, je signale aux électeurs qui ont fait le choix de prendre part aux élections législa-

tives (3 et 17 juin 2012) en utilisant le vote par correspondance sous pli fermé, qu’ils disposent jusqu’au 24 avril pour faire connaître, s’il y a lieu, leur nouvelle adresse postale. De même, les électeurs qui préféreront voter par voie élec-tronique/Internet auront jusqu’au 7 mai pour modifier, le cas échéant, leur adresse électronique.

Dans les deux cas, il convient de mettre à jour ses données par l’intermédiaire de www.monconsulat.fr.

Naturellement le vote à l’urne reste possible même si l’électeur a indiqué son intention de voter à distance.

Par ailleurs, je rappelle que pour l’élection présidentielle (22 avril et 6 mai), seul le vote à l’urne est possible.

Naturellement, pour l’un comme pour l’autre de ces scrutins, il est possible en cas d’absence de recourir à la modalité de la procuration de vote: mandant et mandataire doivent être inscrits sur la même liste électorale (Tokyo ou Kyoto) et le mandat est à établir sur un formulaire spécial, disponible à la section consu-laire de l’ambassade.

Enfin, s’agissant du contrôle d’identité de l’électeur à l’entrée du bureau de vote, je précise que désormais seule sera recevable une pièce comportant la photographie du titulaire et émanant d’une autorité publique française.

Pour de plus amples renseignements sur les modalités de vote, veuillez consulter: www.votezaletranger.gouv.fr

Philippe MartinConsul

La récente commémoration du grand séisme du 11 mars 2011 a été l’occasion de rappeler à ceux qui vivent au Japon la nécessité absolue de se préparer au pire, à tout moment.

Le mot du consul

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8 LE BULLETIN DE L’AFJ

FRANÇAISÀ

L’ÉTRANGER

Du besoin d’être ou de ne pas être Français lorsqu’on réside à l’étrangerD O S S I E R

Crise économique, tension sur l’euro, effervescence politique dans plusieurs parties du monde, incertitude du lendemain..,

il y a de la morosité dans l’air. Les prochaines semaines et même les prochains mois seront difficiles pour tout le monde. Les en-jeux sont de taille et les difficultés à résoudre le sont encore plus. Mais chacun sait qu’au-delà des nuages, aussi lourds et noirs soient-ils, se cache toujours le soleil. Tout le problème est de savoir comment le faire apparaître le plus vite possible !

L’action est sans nul doute la meilleure méthode. Exposer ses idées, mettre en avant ses convictions, défendre ses valeurs sont des médications particulièrement efficaces contre la « sinistrose ». Soyons ravis, les campagnes électorales qui s’annoncent vont sûrement nous doper!

Mais dans tous ces combats en préparation, où sont les Fran-çais de l’étranger ? Quelle place leur est accordée ? Sont-ils conscients de la force qu’ils représentent ? Quel sort leur réser-veront véritablement les différents candidats en dehors de pa-roles aimables, de promesses lénifiantes ou de « ny a qu’a » ou de « faut qu’on»?

Tel est, pour nous, l’un des enjeux, de ces élections. Serons-nous présents dans le débat ? Serons-nous des acteurs du grand mouvement politique qui se met en place ? Une partie de notre avenir en tant que Français établis hors de France est en train de se jouer car pour la première fois de notre histoire nous allons participer à part entière aux législatives. Nous n’avons pas le droit de les rater ! Toute la question est de savoir si les Français de l’étranger ont pris conscience de ce qu’ils sont et de ce qu’ils représentent. Ont-ils comme les Français de France ce sentiment d’appartenance à une composante de la République qu’elle soit régionale, départementale, communale, provinciale ou ultra ma-rine ? J’ai parfois quelques inquiétudes à ce sujet.

La devise des Luxembourgeois est: « Nous voulons rester ce que nous sommes ». La nôtre devrait être « Nous voulons être ce que nous sommes » car nous pouvons en être fiers. Nous portons les couleurs de la France hors de ses frontières en défendant ses positions sur les fronts économique, social et culturel qui agitent le monde sur tous les continents.

A l’occasion d’une rencontre de Sénateurs représentant les Français établis hors de France avec le tout nouveau secrétaire d’État aux Français de l’étranger, l’une d’entre nous lui a posé à l’époque cette question toute simple : « Monsieur le Ministre, à quoi servez-vous? ». Tant la question que les circonvolutions de la réponse démontrent à quel point nous avons encore du chemin à parcourir pour affirmer notre identité et notre fierté d’être ce

que nous sommes à savoir les postes avancés de la France par-tout dans le monde.Jamais une telle question ne serait venue à l’esprit de nos compa-triotes ultra-marins tellement il est évident pour eux d’avoir une représentation spécifique au gouvernement. 2 500 000 Français de l’étranger, 2 500 000 ultra-marins, notre combat est le même : nous servons la République et dans des conditions plus difficiles que les Français de France métropolitaine. Cela ne nous confère aucun droit supplémentaire mais appelle intérêt et respect de la part de tous et donc des candidats aux élections présidentielles. Nous comptons sur eux. A ceux qui diront que l’on peut rêver, je répondrai comme Oscar Wilde : « Le degré suprême de la sagesse, c’est d’avoir des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue ».

Pas de rêves sans votes !

Sénateur Cointat, Sénateur Représentant les Français de l’Étranger

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9LE BULLETIN DE L’AFJ

Ernest Renan, concepteur de la notion moderne de « Nation », aurait-il approuvé la création des députés des Français

de l’Étranger et aurait-il vu dans ces nouveaux représentants les porteurs d’une vision ouverte et étendue de la Nation qui dépasserait en tout cas le seul cadre de nos frontières ?

Presque 130 ans après la célèbre conférence qu’il prononça à la Sorbonne le 11 mars 1882 pour définir la « Nation », imaginons qu’à cette question Renan aurait pu répondre par l’affirmative.

Mais où peut bien se situer le « Vouloir vivre ensemble», ciment de la Nation, quand on réside à l’étranger, qu’on entretient un lien plus ou moins distendu avec les commu-nautés françaises locales, qu’on ne paye pas, ou pas toujours d’impôt en France, et qu’on entretient, comme c’est le cas pour certains binationaux, un rapport complexe à la langue française ?

Le stéréotype de l’expatrié fiscal que serait le français ré-sident de l’étranger n’a-t-il pas la peau dure et le Français de l’étrange n’est-il pas (trop) vite accusé d’être « un mauvais Français » ou un français apatride de seconde catégorie, au point que l’on puisse douter de cette commune appartenance à une même Nation?

Et pourtant

Le « vouloir vivre ensemble » ciment des nations modernes, dépasse à n’en pas douter le seul cadre d’un territoire, celui de l’Hexagone et de ses prolongements d’Outre-Mer. Renan définit l’appartenance à la Nation comme le partage « d’une âme » ou d’un « principe spirituel », une notion assise à la fois sur « le passé » soit « la possession d’un riche legs de souvenirs » et « de présent » soit de « consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis ».

Le lien avec le « legs du passé » se conçoit pour les Français de l’étranger à travers l’expérience d’une culture partagée et d’abord d’un rapport à la langue française.

La transmission de la langue, qu’elle passe par la scolari-sation en établissement scolaire francophone, par une édu-cation en français au sein de la cellule familiale ou par la fréquentation d’un projet FLAM, permet de se raccrocher à ce passé et de nourrir également le consentement au « vivre ensemble » et donc le lien à une culture vivante et mouvante : les instituts français de l’étranger, d’abord établissements de coopération culturelle, ne permettent-ils pas également à titre subsidiaire d’entretenir ce lien avec la culture française dans ses expressions les plus contemporaines, par l’accès à l’écrit en français ou aux représentations de « spectacles vivants » et de « musiques actuelles » ? La diffusion des médias français à l’étranger, que ce soit par la radio, la télé-vision ou le net, ne permet-elle pas également d’entretenir ce lien privilégié avec la culture nationale ?

Certes, le consentement au « vivre ensemble » doit s’en-tendre à l’étranger dans une vision, parfois plus virtuelle et moins immédiate que la résidence partagée sur le sol natio-nal :

Nourrir des liens avec les communautés françaises dans un pays donné, à travers l’expérience associative qui permet de partager une commune expérience de vie et d’action est peut-être aussi une première expression à minima de l’ap-partenance à une même nation. Mais c’est plus largement par le vote qu’un Français de l’étranger peut donner le signe le plus éclatant de l’appartenance à la nation grâce à ce mode privilégié d’expression de la souveraineté populaire dans une démocratie.

À n’en pas douter, c’est le taux de participation aux législa-tives en juin prochain qui donnera une légitimité forte à se vouloir « vivre ensemble » alors que les modalités d’expres-sion de vote, à travers le vote par correspondance, par voie électronique ou à l’urne, ont été multipliées pour permettre aux Français de s’exprimer plus largement.

Sans vouloir dramatiser à l’excès le taux de participation aux élections, c’est à coup sûr ce « baromètre » politique qui jouera un rôle capital dans le devenir des députés de l’étranger, qui leur donnera leur première légitimité forte et garantira ainsi un lien renforcé des citoyens de l’étranger à la Nation française. Ce « plaidoyer pour une Nation ouverte » est donc un bon prétexte à l’appel au vote et au civisme.Alors, les 3 et 17 juin prochain, Françaises et Français de

l’étranger, votez en nombre !

Boris FAUREVice-président de Français du monde-adfewww.adfe.org

La représentation des Français à l’étranger par des députés : plaidoyer pour une nation ouverte.

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10 LE BULLETIN DE L’AFJ

FRANÇAISÀ

L’ÉTRANGER

Du besoin d’être ou de ne pas être Français lorsqu’on réside à l’étrangerD O S S I E R

J’ai grandi dans une petite ville tranquille et typique de la pro-vince française, à proximité de la frontière suisse. Durant

toute mon enfance, le sujet de l’identité nationale ne se posait même pas. Le monument aux morts ainsi que les récits des an-ciens nous rappelaient que des générations antérieures s’étaient battues, parfois au prix de leur vie, pour défendre leur pays. Pour ma part, élevé dans les années de l’amitié franco-allemande et de la construction européenne, j’ai fait partie de ces millions de jeunes Français qui ont tissé des liens d’amitié profonds avec l’Allemagne, dont j’ai appris la langue dès le plus jeune âge. J’ai aussi suivi avec grand intérêt l’élargissement de l’Europe à 6, à 9, puis à 15 pays et je me sentais fier d’être « Français et Européen ».

Puis ce furent mes années dans l’enseignement supérieur, avec une dernière année qui m’a fait découvrir le continent améri-cain et l’Asie du Nord et qui a provoqué la forte envie d’expéri-menter la vie à l’étranger après mon diplôme. Ces années char-nières entre mon enfance et ma vie à l’étranger n’ont jamais fait naître en moi de questionnement sur la place de la France dans le monde, ni sur la vie des communautés dans lesquelles j’étais de passage.

Ce n’est qu’une fois établi au Japon, par le pur hasard d’une opportunité de stage en entreprise puis du premier emploi, que la notion de « Français de l’étranger » s’est faite ressentir. Ce sont d’ailleurs les Japonais qui ont souvent été prompts à me rappeler le poids de la culture française, de ses arts, du raffinement de la langue française, et je me suis parfois senti bien peu connaisseur de ma propre culture.

Pour ceux d’entre nous qui ont vécu plusieurs années dans ce pays, je constate que nous sommes nombreux à nous être vo-lontairement éloignés de la communauté française durant nos premières années de Japon afin de nous consacrer à un appren-tissage intensif de la langue et de la culture japonaise. Le retour vers la communauté française après cette immersion forcée m’a fait découvrir une vie associative riche en diversité et en nature, et a surtout fait naître des rencontres qui ont marqué ma vie, des amis sincères de toutes générations, qui m’ont fait partager cet amour de la France qui guidait leur action.

L’accueil, la découverte du Japon, la vie quotidienne, il y a tou-jours eu quelqu’un de disponible pour me guider ou me tenir la main, et parfois passer ensemble certains caps difficiles. J’ai appris l’amour de la France au Japon à travers ces Français du Japon, et par la suite, j’ai été celui qui tendait la main, qui se rendait disponible, et qui redonnait à son tour un peu de tout ce qui lui avait été donné, de bienveillance et de sollicitude.

Élu plus tard au suffrage universel pour représenter les Fran-çais du Japon et d’Asie du Nord ; j’ai découvert, comme on le fait en passant de « Gentil Membre » à « Gentil Organisateur » d’une association, que tout ce que nous prenons pour acquis et garanti lorsque l’on vit à l’étranger, comme par exemple le réseau culturel, le réseau d’enseignement, la solidarité, l’aide à l’emploi, procédait de l’engagement de serviteurs de l’État dévoués à leur fonction, et de l’engagement de nombreux volon-taires dans toutes les instances consulaires et de la communauté éducative. Ayant travaillé plus de dix ans dans des organismes européens au Japon, je crois pouvoir dire que je n’ai nulle part ailleurs constaté autant d’actions menées par un autre pays pour ses ressortissants vivant à l’étranger. Et concernant ces Français réputés pour cultiver l’individualisme qui vivent dans un pays comme le Japon où le groupe est roi, je suis toujours surpris de constater l’existence de la presque trentaine d’associations françaises actives.

Je vis cet amour de la France, loin d’elle, au travers de ces cen-taines d’hommes et de femmes engagés au service de leurs com-patriotes.

Ces dernières années, la montée du populisme en France, la radicalisation d’un mouvement xénophobe, m’ont au contraire

L’amour de la France, loin de la France

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11LE BULLETIN DE L’AFJ

renforcé dans une approche humaniste et dans le respect de la di-versité. La double nationalité, l’accueil des étrangers en France représentent pour moi des valeurs essentielles dans mon action politique, et en tant que Français de l’étranger, je me sens proche des étrangers en France lorsque l’on stigmatise certaines com-munautés.

Le tsunami et la crise nucléaire qui en a découlé m’ont semblé avoir renforcé la solidarité et la cohésion de notre communauté. Elle a le sentiment d’être passée au travers de difficultés com-munes qui ont rapproché ses membres, et j’ai pu constater, lors du passage d’une personnalité ou à l’occasion d’un matin de 14 juillet ou de 11 novembre, combien le désir de se retrouver en-semble était fort. C’est le même sentiment de fraternité que j’ai retrouvé dans les actions de La Caravane des repas chauds ou à l’occasion du nettoyage de maisons du Tohoku, par des Français qui partaient ensemble au service d’un objectif commun, venir en aide à ce pays que nous aimons, le Japon.

Dans les semaines à venir, la représentation politique des Fran-çais vivant à l’étranger va s’étoffer de 11 sièges à l’Assemblée Nationale, complétant celle du Senat et de l’Assemblée des Français de l’Étranger. Quelles que soient nos sensibilités poli-tiques, saisissons cette occasion de décider par nous-mêmes de notre devenir en envoyant à l’Assemblée Nationale des députes

élus par une forte participation. L’amour de la communauté na-tionale pour sa composante vivant à l’étranger deviendra de plus en plus pragmatique. Après la critique des étrangers qui vivent aux dépens de la nation en France, ce sera ou c’est déjà, la cri-tique des Français de l’étranger qui profitent des avantages de la communauté nationale tout en ne participant pas à ses efforts. Il nous faudra protéger par nous-mêmes au travers de notre repré-sentation politique nationale notre action culturelle, notre réseau d’enseignement, nos aides sociales en cette période de dur exer-cice d’équilibre budgétaire et de revue des dépenses publiques. Alors que nous le savons, les Français établis hors de France contribuent à l’emploi en France, au travers de la promotion des exportations de biens et services, du rayonnement culturel de la France qui incite des millions de touristes japonais à voyager en France chaque année.

Cet amour de la France, présent en chacun de nous, je le retrouve dans la devise « Fraternité », et je vois ce sentiment se perpétuer tous les jours dans la vie de notre communauté établie au Japon. Qu’il continue à guider nos efforts, et notre ouverture vers le Japon et vers le monde.

Thierry ConsignyConseiller à l’Assemblée des Français de l’Étranger

La mise en service du site MonConsulat.fr constitue une étape supplémentaire pour faciliter l’accès des Français à l’administration.

Ce portail de téléprocédures va simplifier et sécuriser la relation des quelques 2 millions de Français établis hors de France avec leur consulat, en leur permettant de gérer leur dossier consulaire person-nel à distance.

Moderne, simple et sécurisé, MonConsulat.fr s’articule autour de 4 fonctionnalités :

• Les données personnelles : l’usager peut consulter et mettre à jour ses coordonnées personnelles (postales, téléphoniques ou électroniques) ;

• La situation électorale : l’usager peut facilement vérifier son inscription sur la liste électorale consulaire, choisir de voter en France ou à l’étranger pour les élections pré-sidentielle, législatives, européennes et les référendums. Il peut également opter pour voter par correspondance, sous pli fermé, pour les élections législatives à l’étranger.

• Les données de sécurité : l’usager a la possibilité de fournir et modifier des don-nées importantes relatives à sa sécurité.

• L’attestation d’inscription consulaire : l’usager peut imprimer directement ce document, qui est utile dans le domaine fiscal ou douanier pour prouver l’installation à l’étranger ou, parfois, pour ouvrir un compte bancaire à l’étranger.

MonConsulat.fr est une application d’un accès facile : l’ergonomie a été profon-dément rénovée par rapport à GAEL, les fonctionnalités ont été développées et améliorées, et une procédure d’assistance a été mise en place.

MonConsulat.fr est également une application sécurisée : la confidentialité des données est pleinement assurée grâce à un mot de passe créé par l’usager et que lui seul connaît.

MonConsulat.fr est aussi une application évolutive : sa conception moderne permettra de proposer de nombreuses autres fonctionnalités au fur et à mesure de l’évolution

des procédures administratives ou réglementaires.www.monconsulat.fr,

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12 LE BULLETIN DE L’AFJ

FRANÇAISÀ

L’ÉTRANGER

Du besoin d’être ou de ne pas être Français lorsqu’on réside à l’étrangerD O S S I E R

Vous appartenez “au monde des Français à l’étranger”. Vous êtes

au Japon. Vous en aimez les rites, les mœurs, les valeurs, les habitants. Vous y représentez la France. Et puis, un soir de nostalgie, remontant de votre mémoire, s’impose à vous l’image de la province de vos racines, de la maison familiale où des générations ont vécu au bord de la rivière où vous avez appris à aimer l’eau et du jardin dont votre enfance fit un fabuleux espace d’aventures. Images présentes, réalité absente, instant de déchirement. Ou c’est l’être cher auprès duquel vous partagez les jours et les nuits qui est parti en voyage, et votre pensée le suit au loin : image présente, réalité absente, déchire-ment. Ou plus douloureux encore : l’être aimé a quitté ce monde, l’absence est irrémédiable, et pourtant il est là. Alors cette question sans réponse vous harcèle : pourquoi n’ai-je pas été plus présent à la présence de cette personne aimée? Que d’heures appauvries, que d’amour perdu.

Le plus douloureux peut-être : vous vous retournez sur votre vie, elle est là, présente, et vous sentez que vous n’avez pas su l’habiter : que devant l’amour qui s’offrait à vous, vous avez reculé; qu’à la cause et aux valeurs que vous entendiez défendre, vous vous êtes dérobé. Pré-sence en vous d’espaces désertiques. Le contraire absolu de la présence : la part de notre existence que nous avons désertée.

Peut-on vivre sans aspirer à la plénitude de la présence?

Une personne passe sur laquelle tous se retournent parce que, dit-on, “elle a une incroyable présence”. D’où vient cette densité de rayonnement qui émane d’elle? De la densité de ce qui est présent au dedans d’elle. Ou vous traversez des circonstances difficiles, il y a quelqu’un dont vous espérez qu’il vous tendra la main; le voilà, il est là et vous constatez “qu’il a su répondre présent”. Présence qu’aucune absence n’effacera : fidélité à des valeurs, à une foi, à une amitié; pré-

sence à soi-même, présence aux autres, inséparables. Ou encore : vous traversez ces temps de grâce nés de l’aube d’un amour partagé, d’un émerveillement de-vant la beauté du monde, de la confiance que ce qu’il y a de plus haut vient souvent de ce qui est le plus humble : vous voilà toute attention à ces doigts qui effleurent vos lèvres, au vol de cet oiseau en plein ciel qui joue, à ce fruit posé dans la jatte, au parfum qui par la fenêtre ouverte vient du verger, au mouvement de la foule qui s’écoule au long de l’avenue, à tout ce qui est là et qui vit. Conscience de soi-même et du monde, dans le recueillement de ce que l’on donne et reçoit.

Et enfin : vous marchez, vous étiez seul et soudain vous ne l’êtes plus. La Présence, vous la sentez, là, partout. Vous ne pourriez la nommer mais elle s’est faite si forte que vous ne pouvez l’igno-rer. Inconnue et intime, elle vous contient et vous la contenez : présence du monde en vous, de vous au monde.

Accomplissement.

Qui est de la responsabilité de chacun. Et dit tout de la réussite ou de l’échec d’une vie.

Jean-Francois Collinet Magistrat,Président de Chambre honoraire à la Cour des Comptes, Romancier

De la présence.Peut-on penser la présence sans

penser aussi l’absence ?

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13LE BULLETIN DE L’AFJ

« Il y a environ deux millions de Français, qui sont à l’étranger. Deux millions de Français qui vivent à l’étran-ger et qui y travaillent. Et sur ces deux millions, neuf mille sont au Japon, y vivent et y travaillent. Neuf mille, c’est beaucoup, et en même temps c’est peu. Mais ce sont neuf mille Français qui vivent et qui travaillent au cœur d’un pays fascinant. Un pays vraiment pas comme les autres. Un pays qui adore la nature, qui compose avec elle, mais aussi la défie, et en souffre souvent. Un pays qui défie les sceptiques car il renaît chaque fois qu’on le croit mort et qui se reconstruit plus vite qu’il ne s’écroule. Un pays au peuple courageux. Et ces neuf mille Français le constatent chaque jour, en partageant ses angoisses mais aussi ses succès, car ils y contribuent. Ils assurent auprès de lui, la présence de la France ».

Edouard Courtial, Secrétaire d’État Chargé des Français à l’Etranger, nous parle. Car c’est par un dialogue avec l’AFJ qu’Edouard Courtial, a tenu à s’adresser aux Fran-çais du Japon et à leur délivrer un message personnel. L’AFJ s’en honore, elle, qui depuis 60 ans met toute son

énergie au service de toutes celles et tous ceux qui ont choisi de vivre l’expérience nippone et qui tiennent à garder leurs liens avec la France. Edouard Courtial poursuit :« Au cœur de la troisième puissance éco-nomique mondiale, les Français du Japon sont les reflets d’une France qui avance, d’une France qui crée, d’une France qui entreprend, d’une France qui recherche, d’une France qui enseigne. D’une France qui apprend et qui veut partager, tant les

liens culturels entre les deux pays sont anciens et pro-fonds. Et d’une France qui sait aussi aider. À cet égard, la tragédie du Tsunami a montré combien les Français ont su réagir et exprimer leur solidarité. Je les ai, d’ailleurs personnellement rencontrés lorsque je me suis rendu le 22 octobre dernier à Ishinomaki avec le Premier Ministre François Fillon. Encore une fois, dans l’épreuve, j’ai pu constater que l’AFJ était, aux avant-postes ». Les Français de l’étranger seraient-ils détachés des problèmes natio-naux, comme on l’entend parfois ? N’aurait-on pas ten-dance à les considérer comme des privilégiés, comme on l’entend aussi ? Edouard Courtial s’insurge : « C’est le contraire ! Ils restent attachés à leur propre pays et à son devenir, et c’est pourquoi il convient de leur permettre de mieux exprimer cet attachement. J’ai proposé, pour cela, qu’il leur soit consacré l’année 2014, comme l’année 2011 l’avait été pour les Territoires d’Outre-mer ».

Mais beaucoup d’entre nous ont parfois l’impression d’être mal entendus. Parfois, même, pas du tout ! Edouard Cour-tial ne se défile pas.

« Je le comprends. C’est pourquoi, et pour la première fois, ils pourront élire leurs propres députés, onze de par le monde, à l’occasion des prochaines élections législatives. Je suis convaincu que les Français du Japon y participeront massivement et joueront ainsi pleinement leur rôle. À cet égard, l’action de l’AFJ et de son président, Yves Alemany, est exemplaire ».

Interview réalisé par Claude Chavanne

Un message aux Français du Japon

Edouard Courtial, Secrétaire d’État Chargé des Français de l’Étranger,dialogue avec L’AFJ

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14 LE BULLETIN DE L’AFJ

FRANÇAISÀ

L’ÉTRANGER

Du besoin d’être ou de ne pas être Français lorsqu’on réside à l’étrangerD O S S I E R

« Ne soyons pas binaire », me dit Christian Roudaut, qui répond à ma question de savoir si les Français de l’étranger lui paraissent moins - ou plus - sensibles, à la chose publique que ne le sont leurs compatriotes restés dans l’Hexagone. « Rien n’est ni blanc ni noir, et, comme dans l’Hexagone, il peut bien y avoir un avis par Français ! ».

Il a sans doute raison, car être à l’étranger ne fait pas échap-per à la règle gauloise ! « Et tout notre entretien devra en tenir compte, d’autant », ajoute-t-il, avant de dialoguer, « que les choses ont changé depuis deux décennies. Nouvelles technologies et surtout internet assurent l’information de façon permanente, diffusent en temps réel, les idées, les

débats, qui animent la France et mettent au diapason ceux qui sont éloignés ». Donc la distance n’est plus un obstacle à l’intérêt que l’on peut accorder à la « chose publique ? « Plus maintenant », me dit-il. « Non seulement les «Français de l’étranger » s’y intéressent autant, mais j’ai même l’im-pression qu’ils s’en préoccupent plus que leurs compatriotes. Pendant toutes les années passées à l’étranger », ajoute-t-il, lui qui, pendant longtemps, a résidé à Londres « j’étais très étonné de l’importance que l’on semblait donner à des choses hors du temps et, vue de l’extérieur, la France, bien souvent, donne la triste impression qu’elle vit dans le passé, qu’elle aime à replonger dans les vieilles idées et les vieilles que-

Interview de Christian Roudaut par Claude Chavanne.

Ambassadeurs ou éclaireurs ?

Regard sur ces Français qui partent ailleurs…

Entretien avec Christian Roudaut,Journaliste, écrivain.Auteur de :« France, je t’aime, je te quitte »Aux éditions Fayard

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15LE BULLETIN DE L’AFJ

relles. Et c’est souvent pour ça, que les « expatriés », éloignés des débats, ont un regard critique qui pourrait laisser croire qu’ils prennent leurs distances avec la Mère Patrie ».

Faut-il donc mieux se fondre dans la vie locale et oublier la France ?Là encore, Christian Roudaut se montre modéré, soucieux de ménager, pas la « chèvre et le chou », mais la nécessité, de ne pas s’enfermer dans des clichés trop simples. Je lui parle Japon, de « tatamisation », comme on dit plaisamment, à l’égard de ceux qui tentent de disparaître dans la culture nippone. « Il faut être les deux, maintenir l’identité tout en s’ouvrant aux autres en sachant répliquer au fameux «French bashing », un temps très à la mode chez nos amis américains. Les Français sont bien vus », m’assure-t-il, « en dépit de cli-chés, eux aussi éculés et qui voudraient faire d’eux des êtres arrogants et donneurs de leçons. Certains d’entre eux le sont, certes, qui flétrissent chaque jour le pays où ils sont. Mais ils sont moins nombreux, à rester attachés à un certain passé ».

Mais quid de l’inverse, ceux qui « tapent » sur la France ?« Oui, bien sûr », admet-il, « c’est souvent énervant, mais il est bien normal de se garder ce droit, celui de critiquer. Il nous faut rester libre, libre d’être élogieux, et libre de ne pas l’être, Libre de comparer et admettre que la France pourrait bien s’inspirer de ce qui se fait ailleurs Mais il faut proposer, plutôt que critiquer et il faut, pour cela, pouvoir être enten-du, ou, tout au moins, mieux l’être».

À cet égard, une représentation spécifique des Français de l’étranger débutera cette année. N’est-ce pas une bonne chose ?« Donner à ces Français une représentation qui puisse leur être dédiée et pour la première fois, à la Chambre des Députés, c’est sûrement une bonne chose. A condition que cela ne serve pas qu’à compter leurs « voix », mais à les entendre, à prendre sincèrement en compte leurs besoins et puis, par-dessus tout, leurs idées, les avis qu’ils peuvent apporter, confrontés qu’ils sont à la réalité».

Mais y aurait-il calcul ? Je vois Christian Roudaut sourire, comme je pourrais le faire. « Qui n’a jamais tenté de s’attirer les grâces d’un million d’électeurs ? Et puis, est-on bien sûr que tous ces Français là vont voter comme « avant », les temps changent là aussi », dit-il, « certaines certitudes pourraient être ébranlées. La France de l’étranger n’est peut-être pas plus que le miroir d’elle-même. Seulement éloignée».

Mais ces Français, ils se sentaient donc oubliés, abandonnés, pour certains ?« Difficile, de nos jours, de ressentir cela. La France est bonne mère et elle l’est beaucoup plus que bien d’autres pays. Sécurité sociale, certes, mais aussi ambassades, consulats et représentations, font d’elle la plus présente, après les Etats-Unis. Beaucoup ne le savent pas, mais le drapeau tricolore n’est jamais très loin de l’endroit où l’on est. Et puis com-ment être oublié à l’heure d’internet ? Qui peut, à l’étranger, se sentir hors du coup faute d’information ? Les temps ont bien changé. Jadis, l’isolement, ça existait vraiment. Ça ne l’est plus maintenant. En tout cas, beaucoup moins. Internet et « NT » ont révolutionné rapports et échanges».

Et tous ces Français là, peuvent-ils se sentir comme des « ambassadeurs » ?

« Des ambassadeurs ? » Christian Roudaut n’aime pas beaucoup le mot. « L’Ambassadeur », me dit-il -, et de par sa famille, il sait de quoi il parle -, « est un profes-sionnel de la diplomatie et donc des relations. Il n’a pas forcément la même perception des événements locaux car, par nécessité, autant que par fonction, il se doit de les voir au travers d’intérêts qui peuvent dépasser l’échéance quotidienne. Mais, les autres Français, eux, sont impliqués dans cette réalité. Chaque jour les y confronte, alors, leur perception est bien plus pragmatique. Ils sont des éclai-reurs, bien plus qu’ambassadeurs ». Et, de toute évidence, la formule lui plaît. « Ils ne représentent pas mais ils sont les témoins de son activité, des opportunités qui peuvent s’offrir à elle. Et c’est bien pour cela qu’on gagnerait beaucoup à prendre leur avis, beaucoup plus qu’on ne le fait. Aux élections prochaines, 11 députés « dédiés », sont un pas important dans le sens souhai-table. Au-delà des calculs - ils ne sont jamais loin-, c’est une très bonne chose ».

Si nous devions conclure ?Christian Roudaut, sans hésiter, me parle de la « crise », cette crise économique qui ébranle l’Europe et, bien sûr, la France. « La donne a bien changé, totalement changé », me répond- il gravement. « La mondialisation, qu’on l’aime ou la déteste, est devenu un fait qu’on ne peut ignorer. Des hommes et des femmes préfèrent tenter leur chance là où ils pensent trouver ce qu’un monde plus ancien ne leur donne plus assez. Et, parfois, plus du tout. Les pays « émergents », BRIC, comme on dit si souvent, remplacent, peu à peu les vieilles destinations ». Et tous ces Français là, sont les vrais éclaireurs». On doit compter sur eux, mais aussi avec eux.

Claude Chavanne

Christian Roudaut est au-jourd’hui basé à Paris, il a été correspondant en Grande-Bre-tagne pendant 10 ans, colla-borant principalement à Radio France , Arte et Marianne.

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16 LE BULLETIN DE L’AFJ

FRANÇAISÀ

L’ÉTRANGER

Du besoin d’être ou de ne pas être Français lorsqu’on réside à l’étrangerD O S S I E R

Bien entendu, en tant que proviseur du Lycée Fran-çais de Tokyo et ancien du réseau de l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Étranger - dont il faut

rappeler qu’il est le 1er au monde avec 485 établissements et plus de 300 000 élèves - je me sens au premier chef concer-né par ce sujet.

Professeur d’Histoire géographie de formation, j’ai entamé ma carrière au sein de ce réseau en exerçant des fonctions de direction, avant même la naissance de l’AEFE, à Blida en Algérie dès 1984, au Collège Jules Ferry, avant de la pour-suivre à Annaba (ex Bône) puis à Séoul en Corée du sud, à New-Delhi en Inde et enfin au Qatar, au Lycée Bonaparte de Doha.

Tous les échanges que j’ai pu avoir avec parents, élèves et collègues tout au long de ces longues années pourtant si vite passées, m’ont amené à prendre pleinement conscience du fait que l’expatriation - qui correspond le plus souvent à un choix de carrière personnel - amène égale-ment à faire des choix pour sa famille et qu’au-delà du choix en faveur d’un système éducatif pour ses enfants ( le plus souvent le français ou l’anglo-saxon) on opte également pour un mo-dèle culturel.

D’aucuns peuvent considérer que l’accès à la mondialisation ou au monde globalisé implique de se fondre dans un modèle linguistique, édu-catif et culturel unique qui est celui de la 1ère économie du monde.

Les plus nombreux restent fort heureusement attachés au modèle français. Pourquoi ? Parce qu’au-delà de tout nationalisme incongru, ce modèle consiste, me semble-t-il, à conjuguer la valorisation de la Langue et de la Culture du pays d’accueil, la maîtrise de la langue et des codes du véhicule de la mondialisation ainsi que l’adoption pleine et entière d’une éducation « à la française » assumant son héritage, celui de la découverte des « humanités », de la construction d’un esprit critique et de la maîtrise des fonda-mentaux de la démarche scientifique … sans oublier les Arts et l’éducation physique.

A certains égards on peut considérer que la volonté de la France de contribuer à l’émergence d’un monde multipo-laire correspond bien aux valeurs portées par l’enseigne-ment français à l’étranger qui favorise le maintien de ce brassage culturel et éducatif présenté comme une richesse propre à notre réseau d’enseignement.

Faire le choix d’un enseignement à la française permet donc d’opter pour une voie de qualité, cohérente et ouverte qui préserve en outre les enfants français de l’étranger du risque d’acculturation et de la perte d’un lien fort et irremplaçable avec leur pays.

Le thème retenu pour ce bulletin d’avril de l’AFJ ne peut que sus-citer l’intérêt de toutes les familles françaises du Japon et de tous ceux qui œuvrent au quotidien à l’accueil, à l’éveil et à la forma-tion des enfants et adolescents français et francophones du pays qui nous accueille.

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Me vient à ce sujet à l’esprit la très belle formule du grand historien Alphonse Dupront - qui avait lui-même passé plu-sieurs années hors de France dans l’entre-deux-guerres au service de notre mission culturelle - dans un article consacré au sentiment national, lorsqu’il évoque « la conscience, le besoin, la foi d’être Français. Au delà des suffisances natio-nalistes, cristallisation paralysante des passions et scléroses de l’Histoire. Mais dans le génie missionnaire d’être soi pour que soit plus...authentiquement communiant le monde luxuriant des hommes ».

Alors que notre réseau d’enseignement se trouve de fait concurrencé à travers le monde par le développement ou l’émergence de nouvelles offres éducatives, il se doit de continuer à exercer sa première mission qui est d’assurer en faveur des enfants français résidant à l’étranger les mis-sions de service public relatives à l’éducation et contribuer au rayonnement de notre langue et de notre culture tout en renforçant les relations de coopération entre les différents systèmes éducatifs, conformément au plan d’orientation stratégique de l’AEFE 2010-2013.

A Tokyo, cet engagement va se traduire très prochainement par la naissance tant attendue d’un nouveau Lycée qui pren-dra le nom de LFIT (Lycée Français International de Tokyo) afin d’affirmer sa vocation internationale.Il bénéficiera d’un site désormais unique doté d’équipe-ments complets et de qualité ; d’un beau projet architectural qui sera une vitrine de la technologie française mais aus-si des artistes français ; d’un nouveau projet pédagogique cohérent et ambitieux, intégrant un volet Langues cohérent

confortant la place du Japonais et de l’Anglais ; d’une offre rendue lisible grâce à une campagne de communication dy-namique relayée par le réseau ; du recensement de nos an-ciens élèves afin de faire naître une association des anciens élèves du Lycée Français de Tokyo affiliée à l’Association des Anciens des Lycées Français du Monde et bien entendu de l’exploitation de toutes les synergies nées de la nouvelle dynamique du réseau culturel français.

Ainsi, doté d’un nouveau projet pédagogique et d’instal-lations conformes à sa vocation internationale, le nouveau Lycée Français International de Tokyo sera prochainement en capacité d’accueillir un plus grand nombre d’élèves, no-tamment japonais et étrangers tiers en favorisant l’expan-sion, à Tokyo, d’une offre scolaire française à la hauteur des ambitions de la France au Japon et des attentes fortes de toute la communauté française mais également francophone et/ou francophile, présente et à venir.

Comme l’indiquait très justement l’historien Fustel de Cou-langes, à tort un peu oublié de nos jours, au XIX ème siècle, « Les hommes sentent dans leur cœur qu’ils sont un même peuple lorsqu’ils ont une communauté d’idées, d’intérêts, d’affections, de souvenirs et d’espérances. Voilà ce qui fait la patrie. »

Adoptant cette analyse, notre dessein est bien de permettre à nos élèves français de le rester alors qu’ils sont très éloi-gnés de la terre de leurs ancêtres mais également d’accueil-lir avec enthousiasme tous les francophones présents et à venir, en les invitant, toujours plus nombreux, à partager les valeurs et la culture qui sont les nôtres. Davantage que d’un besoin, il me semble s’agir là d’une impérieuse nécessité.

Michel Sauzet, Proviseur du Lycee Francais International de Tokyo

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FRANÇAISÀ

L’ÉTRANGER

Du besoin d’être ou de ne pas être Français lorsqu’on réside à l’étrangerD O S S I E R

L’autorité de laquelle on dépend n’est plus la même, le fonc-tionnement de la société est sur un autre modèle; cependant

les expatriés ressortissants français restent sous la protection de l’Etat français par l’intermédiaire de l’autorité diplomatique et consulaire française présente dans le pays d’accueil.

Donc finalement, s’expatrier, c’est devenir un étranger ailleurs qui, progressivement, va comprendre et intégrer le nouveau mo-dèle social dans lequel il vit, sans pour autant qu’il y ait assimi-lation complète mais compréhension dans la mesure du possible et acceptation. C’est aussi garder et perdre ce qu’on appelle « une identité nationale » (l’expression en elle-même peut faire frémir j’en conviens, mais je me contente de l’employer dans son acceptation la plus dépouillée, la plus humble, comme une réalité qu’il faut bien nommer...). La garder parce que le Fran-çais à l’étranger va forcément conserver un lien avec la commu-nauté française du pays dans lequel il réside, c’est une appar-tenance de fait, à un noyau comme fondement d’une société : une langue, un fond culturel, une histoire sociale et politique. L’expatrié connaît forcément ce sentiment, rassurant du reste, d’appartenance à une identité, qui constitue pour lui une sorte de repère au moment où il en perd tant d’autres en venant vivre dans un pays si différent du sien... C’est aussi perdre cette « identité nationale » dans une certaine mesure, puisqu’on s’écarte des préoccupations qui font l’actualité quotidienne en France. Quand on n’y vit plus, on se sent moins concerné directement. L’expatrié ne rencontre pas exactement les mêmes problèmes que les Français de France.

Mais qu’est-ce que « l’identité nationale »? C’est assez diffus en fait, difficilement définissable parce qu’il s’agit à la fois d’un sentiment très personnel et d’un sentiment collectif émanant d’une Nation. Et puis c’est une idée qui échappe à une défi-nition précise parce que ce concept doit être pensé de manière dynamique, évolutive. L’identité est particulièrement complexe et propre à chaque individu, même si par principe elle fait un lien entre plusieurs personnes. Puisque ce qui fait l’identité nationale d’un pays c’est la somme, l’ensemble des individus-citoyens de ce pays. L’identité est donc appelée à s’enrichir, à changer, à évoluer, à intégrer des faits nouveaux, des réalités naissantes, des cultures et c’est le peuple lui-même qui fonde cette identité,

elle ne peut être le fait de quelques politiques qui tenteraient de la définir pour la figer...

Souvenons-nous d’ailleurs qu’il a existé en France, un Ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire dans le gouvernement François Fillon, sous la présidence actuelle de Nicolas Sarkozy. Un Ministère créé en 2007 et supprimé en 2010, peut-être justement parce qu’il empêchait une possible identité nationale cohérente, mais toujours mouvante, bien complexe qui ne se laisse enfermer dans aucun décret parce qu’elle existe librement, naturellement mais parce qu’elle est appelée à évoluer.

Vivre dans un pays étranger est une chance et un choix. Une richesse, parce que la différence, par définition, est une expé-rience très instructive: elle est un principe actif pour nourrir un sentiment d’identité justement. C’est aussi parfois connaître une sorte de rejet, plus ou moins marqué. Arriver au Japon c’est d’abord éprouver la sensation plutôt désagréable d’être complè-tement illettré, la barrière de la langue et la barrière culturelle sont hautes, mais pas infranchissables! C’est aussi se heurter parfois à l’hostilité de certains à l’égard des étrangers et com-prendre que la différence existe, qu’elle peut exclure si on ne la considère pas positivement...

Sans bien pouvoir l’expliquer donc, je me sens Française, peut-être un peu plus depuis que je vis à l’étranger que lorsque j’étais en France (!); je me sens aussi européenne (une autre identité?!); je me sens plus encore « citoyenne du monde » quand je suis face à l’inacceptable, à l’incompréhensible, à ce qui ébranle le monde et je pense à une catastrophe telle que celle du 11 mars 2011 et à ses conséquences... Et je sais que ce qui définit ce sen-timent d’appartenance, cette identité, c’est ma propre identité, ma personnalité et ma sensibilité, je fais certes partie d’un tout mais je suis « moi » à l’intérieur de cet ensemble, je suis une identité qui se fonde avec l’âge, au fil des rencontres, au contact des gens et du monde que je découvre...

Virginie Jux

Être Française ou Français à l’étranger, c’est accepter de devenir une ou un étranger dans le pays de résidence choisi puisque les différents domaines du quotidien sont alors régis par les lois du pays dans lequel on s’installe.

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« Diplômé de l’École de commerce Euromed Management, Yann Yoshikazu Gahier com-mence sa carrière au Japon chez Rémy-Coin-treau, puis devient General Manager chez Christofle. Il occupe actuellement le poste de Président et Directeur General de la maison S.T. Dupont Japon. »

« Te considères-tu plus Japonais ou Fran-çais ? Préfères-tu vivre en France ou au Japon ? En quelle langue rêves-tu ? Com-bien de fois m’a-t-on posé ces questions depuis mon enfance ? Je ne sais plus ! Le biculturalisme a toujours intrigué. Com-ment peut-on être biculturel ? Mon père est français d’origine bretonne. Ma mère est japonaise, originaire de la région de Miyazaki, sur l’île de Kyushu. Moi, je suis né en France et j’y ai vécu jusqu’à l’âge de 24 ans. Cela ne m’a pas empêché d’être plongé dans la culture ja-ponaise dès ma plus tendre enfance. Grâce à ma mère. Elle ne me parlait qu’en japo-nais. Comme mes grands-parents chez qui, chaque année, à Miyazaki, j’allais passer deux mois. Et puis la lecture des mangas et la pratique, dès l’âge de 5 ans, d’un art martial, le Karaté-do, ont contri-bué à m’enseigner diverses valeurs et codes moraux parmi les plus ancrés dans la tradition japonaise, tels que la bienveil-lance, le sens de la justice, la discipline, la loyauté, la sagesse ou l’honnêteté, pour n’en citer que quelques-uns. Puis je suis parti pour travailler au Japon, et j’y vis maintenant depuis plus de 12 ans.Je me souviens, il y a 25 ans lors de nos séjours estivaux à Miyazaki, ma petite sœur et moi étions systématiquement montrés du doigt partout où nous allions tels Usbek et Rica à Paris dans Les Lettres Persanes. Les « gaijins » étaient rares à l’époque et les gens autour de nous étaient d’autant plus troublés lorsqu’après un temps d’écoute indiscrète, nous nous mettions à converser dans un japonais fluide et sans accent - un petit jeu qui nous amusait beaucoup ma sœur et moi.Bien entendu notre statut changeait en

conséquence, nous basculions dans la catégorie des « half / haafu », terme que j’ai toujours trouvé inapproprié, n’étant pas le « résultat » de deux moitiés mais au contraire de deux entités. « Double » serait donc le terme adéquat.J’ai toujours naturellement considéré comme un avantage unique le fait de pouvoir maîtriser deux langues et d’être à l’aise au sein de deux cultures si éloi-gnées l’une de l’autre. C’est la conscience de cet acquis précieux qui a renforcé très tôt ma confiance en moi. Cependant, je ne crois pas qu’il soit possible d’être à 100% binational, la balance penche forcément d’un côté ou de l’autre. Dans mon cas, mon éducation suivie en France entouré de français fait que ma manière de penser et de raisonner est principalement carté-sienne. Le danger est de vouloir s’adapter ou bien de changer sa manière de penser selon que l’on vit en France ou au Japon, et cela est aussi valable pour des personnes qui ne sont pas binationales. Il était facile de tom-ber dans le piège de la « japonisation » une fois ma vie commencée à Tokyo, mais je me suis vite rendu compte que préserver mon identité française tout en démontrant une parfaite connaissance de la culture japonaise me permettait de nouer avec les Japonais des relations beaucoup plus rapidement et aussi de manière beaucoup plus crédible. Cela s’est révélé particulièrement vrai dans le cadre professionnel, mon rôle de « kakehashi », de « pont vivant » entre la France et le Japon s’est toujours avéré être un atout de premier ordre. Finalement, j’ai intégré très tôt la no-tion d’ambassadeur culturel, de par ma connaissance intime de ces deux pays. Par contre, la notion de « patrie » est une notion qui n’a jamais vraiment résonné en moi et à laquelle j’ai toujours eu du mal à adhérer, d’autant plus que nous vivons aujourd’hui dans un monde qui tend vers la mondialisation et l’ouverture des fron-tières. Néanmoins cela ne m’empêchera pas d’accomplir mon devoir de citoyen et d’aller voter lors des prochaines élections présidentielles et législatives.La notion de patrie me semble anachro-nique et prendrait du sens si un conflit survenait entre la France et le Japon, mais c’est avant tout une notion de patrimoine culturel où la patrie est le fruit d’une his-toire. Étant Français et Japonais, puis-je avoir deux patries ? « Ma patrie est le monde », ainsi disait Sénèque dans De la Vie Heureuse. Être bilingue et biculturel, n’est-ce pas favo-riser le dialogue entre deux différentes cultures et donc nous, binationaux, ne serions-nous pas tout simplement des ci-toyens du monde? Il n’y a pas de contra-

diction à être profondément attaché à l’héritage culturel du pain français et du riz rond japonais, de la même manière que l’on peut se sentir biculturel, en adhérant à la culture d’une personne aimée, d’une tierce nationalité. Être biculturel peut aus-si être considéré simplement sous l’angle de l’amour de deux cultures, en-dehors de l’héritage familial.Si ma langue naturelle est le français, ma langue « maternelle émotionnelle » est celle de ma mère, celle-ci est par-tie intégrante de mon être, de même que mon éducation scolaire et universitaire est française mais les deux ont forgé mon identité, qui reste indivisible.Il me semble que le biculturalisme fran-co-japonais ne crée pas non plus de pro-fonds conflits internes de par son histoire exempte de colonisation ou de guerre réciproques. Il serait une approche du monde qui n’oppose pas les différences internes des deux cultures mais allient au contraire leurs forces. La philosophie « bouddhico-shintoïste» véhiculée chez moi par la présence d’un au-tel dédié à la mémoire de nos aïeux, et par mes grands-parents japonais, m’ont donné une dimension plus large de la conception spirituelle de la vie, qui n’est pas contra-dictoire avec la culture judéo-chrétienne dans laquelle on baigne en France.Être biculturel donne un champ de vision plus large, englobant les différences de chaque culture et me permet d’explorer la notion de « relativisme culturel ». Au final, mon double miroir me renvoie à la fois une France idéale issue du Siècle des Lumières, humaniste, généreuse, ouverte sur le monde, porteuse des valeurs univer-selles et un Japon traditionnel soucieux des hiérarchies mais qui intègre de plus en plus une double culture, empruntant à la culture occidentale tout ce qui peut contri-buer à faciliter et à accélérer son intégra-tion et ses succès au sein d’une économie mondiale globalisée. Citoyen du monde, ma personnalité va refléter telle ou telle caractéristique de chaque culture et finalement, je peux aussi décider d’une aspérité que je vais renfor-cer selon le contexte. Au Japon, les per-sonnages féminins de Kabuki, incarnés par des hommes donnant à voir l’essence même de la féminité, sont une représen-tation parfaite d’une dualité fusionnelle parfaitement intégrée. J’ose espérer un jour pouvoir atteindre ce degré de perfec-tion.Yann Yoshikazu Gahier

Double et indivisible, je suis français et je suis japonais,

Crédit photo :Taro Irei

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FRANÇAISÀ

L’ÉTRANGER

Du besoin d’être ou de ne pas être Français lorsqu’on réside à l’étrangerD O S S I E R

Lorsque nous arrivons dans un pays pour la première fois, que ce soit lors d’un voyage de quelques jours ou pour une

installation sur le long ou le très long terme, nous sommes tous pareils : nous voulons tout voir, tout goûter, tout connaître et tout comprendre. Papilles, oreilles et yeux grands ouverts, nous sommes comme le nouveau-né qui vient au monde et le découvre. Qui d’entre nous n’a pas essayé de dormir sur des futons pour faire comme les habitants de notre pays d’accueil ? Qui d’entre nous n’a pas essayé le petit déjeuner à la japonaise, échangeant baguette fraîche tartinée de confiture et café au lait contre riz, poisson et soupe au miso ? Qui n’a pas essayé un kimono ou un art martial pour se rapprocher davantage de la culture japonaise ? Je ne vais pas vous cacher que moi aussi je suis passée par cette phase. Nous essayons souvent de nous détacher de notre propre culture pour mieux comprendre l’autre : quoi de plus naturel ? D’après moi, l’idéal est de découvrir un pays mais de rester soi-même, que l’on soit célibataire, famille française ou franco-japonaise ou autre. Nous ne sommes et ne serons jamais comme ceux du pays que nous visitons ou dans

lequel nous résidons. Ce n’est pas la peine de renier nos origines, celles que nos parents et nos proches nous ont transmises.

Quand les années passent et que notre vie est ici, si nous avons fondé une famille franco-japonaise, nous sommes passés par la première phase au début de notre installation, nous continuons à aimer le Japon mais nous passons à l’étape suivante : rester Fran-çais pour montrer à nos enfants que nous le sommes. Lorsque le premier enfant naît, le parent Français a envie de lui parler dans sa langue, montrer la France à son enfant, lui faire connaître les habitudes culturelles et sociales de son pays pourtant quitté depuis longtemps. Tout ceci, uniquement si notre enfance a été heureuse, si nos souvenirs de la France sont positifs et bons à transmettre à notre progéniture.

Dans mon cas, lorsque j’élève mes trois enfants franco-japonais, je repense souvent à cette phrase de la chanson d’Aznavour « C’est doux de revenir aux sources du passé » : il est toujours bon de revenir sur notre passé, sur ce que notre mère, notre père, nos grands-parents, nos professeurs, nos amis nous ont appris. J’ai toujours voulu que mes enfants puissent communiquer avec leurs grands-parents et ma famille en France, non seulement lin-guistiquement, mais aussi qu’ils aient suffisamment de connais-sances culturelles sur la France et sur les codes sociaux pour s’y sentir bien quand ils s’y rendent, qu’ils s’y sentent Français comme leurs cousins et le reste de la famille, sans décalage.Lorsque mes enfants sont nés, tout est ressorti: les chansons que mes parents fredonnaient ou écoutaient, les livres lus dans mon adolescence, les musées visités en famille, les plats typiquement français dégustés au quotidien, les fêtes traditionnelles qui se succèdent chaque année. Je n’ai eu qu’une envie: tout présenter à mes enfants, leur inculquer la culture dans laquelle mes parents m’ont baignée depuis ma tendre enfance. Mais je leur ai toujours montré que j’aimais le Japon, sa langue, sa culture, pays que j’avais choisi avant même de choisir mon mari. Dans une famille bi-nationale, comme la nôtre, nous mangeons aussi bien de la dinde aux marrons et de la bûche à Noël que les plats de « osechi ryori » le premier janvier au matin, nous cherchons la fève dans notre part de galette et nous lançons les haricots de « setsubun » : nos deux pays s’unissent au fil des jours pour que les enfants connaissent aussi bien la culture de mon époux que la mienne. Si les enfants sentent que leurs parents sont fiers de la patrie de l’autre, s’ils voient que les différences sont acceptées, s’ils perçoivent que leurs deux parents savent leur montrer ce qu’il y

COMMENT ÊTRE FRANÇAIS QUAND ON VIT DANS UNE FAMILLE BI-NATIONALE ?

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a de mieux dans chacun de leur pays, et même ce qu’il y a de moins bien, tout sera plus facile dans leur corps et dans leur cœur, et se fera sans heurts.

Un mariage, une union, qu’elle soit nationale ou bi-nationale, se fonde sur l’amour et le respect mutuel de deux êtres. L’amour, c’est ce qui nous a unis. Tout au long de notre vie de couple, avec ou sans enfants, si l’amour résiste aux années, avec ses joies et ses peines, le respect sera présent aussi, grâce à des efforts mutuels et constants. Si nous avons été élevés par des parents aimants, si nous avons eu un modèle familial heureux, il est donc plus facile de reproduire ce modèle quand nous devenons couple puis parents à notre tour. Aimer l’autre, c’est le respecter et l’accepter, ac-cepter même les différences, aussi étranges et dif-ficiles qu’elles soient à nos yeux d’étranger. Car le conjoint aussi trouvera nos habitudes parfois étranges mais les admettra. Accepter le réveil-lon du 31 décembre si calme par rapport à celui qu’on a connu en France, c’est accepter la culture japonaise et la famille du conjoint. En contrepar-tie, accepter les longues heures à table en France l’été, autour de discussions et de plats qui n’en finissent plus, c’est pour le conjoint Japonais accepter la culture et les habitudes françaises. Cependant, je remarque que parfois c’est la personne qui habite dans le pays de l’autre qui fait le plus d’efforts, et il arrive que le membre Japonais du couple ne fasse pas toujours spontanément ou suffisamment les concessions ou les compromis nécessaires. Il faut essayer de trouver un équi-libre, car chacun doit faire un pas vers la culture de l’autre, cela ne peut être à sens unique. Chacun fait donc des concessions et l’harmonie s’installe.

Je pense qu’il faut rester soi-même car nous devons être fiers d’être Français dans un pays étranger, dans un pays qui aime la France et les Français. C’est pour cela que les Japonais nous aiment. Nous n’avons pas besoin de porter un masque, nous sommes Français et le resterons toujours, où que nous soyons, même si parfois nous préférons ce qui nous entoure au Japon, telle habitude culturelle, tel trait de caractère des habitants. Lorsqu’une Japonaise me demande où j’ai acheté telle robe ou tel bijou, et que je réponds « à Paris » je vois un sourire apparaître et elle me dit « ça se voit! ». Si je dis « dans la galerie marchande près de chez moi », je la sens déçue car ce qu’elle préfère, c’est ce petit goût d’exotisme parisien que j’apporte, mais elle appré-cie que j’achète des vêtements dans son pays et que je les assor-tisse à ma façon, avec une petite touche française. Les Japonais nous aiment parce que nous sommes différents d’eux et aussi par l’apport culturel que nous leur donnons de notre pays. Ils aiment que nous puissions répondre à leurs questions sur notre pays et ses habitudes : les monuments à visiter s’ils ont l’intention de s’y rendre, les restaurants ou les boutiques à la mode, les faits de politique ou d’actualité, les plats à goûter. C’est à nous de savoir répondre à leurs questions et à leurs attentes, car nous sommes tous un peu les ambassadeurs et ambassadrices de la France au Japon, ce qu’on nomme ici « kakehashi »*. C’est tout ceci que j’essaye d’enseigner, de transmettre à mes enfants, tout natu-rellement, pour que non seulement ils soient fiers de l’Empire du soleil levant, le pays de leur père, mais aussi de la France, notre douce France, celle que mes parents et mes proches m’ont apprise et appris à aimer.

Quand je vois mes enfants demander à leur père de mettre son chanteur préféré, Hamada Shogo, dans leur iphone, ou quand je les entends chanter à tue-tête avec moi, dans la voiture, lors d’une sortie familiale, «Camarade» de Jean Ferrat, je me dis que nous avons réussi, mon mari et moi, lui à être Japonais dans son pays et moi à rester Française au Japon.

* « kakehashi » signifie « pont » ; c’est un mot souvent uti-lisé lorsqu’on parle de « pont culturel » entre deux pays, par exemple.

Florence Costa-KageyamaPrésidente de l’association AFFJJAssociation des familles franco-japonaises du Japon

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Du besoin d’être ou de ne pas être Français lorsqu’on réside à l’étrangerD O S S I E R

Un Français est une personne ayant reçu lors de son enfance, une éducation spécifique : culture, mentalité et façon de penser. Un Français se sent plus ou moins bien en France, et ne peut abandonner complè-tement l’environnement dans lequel il a grandi, il ne peut que chercher à compléter et élargir sa vision des choses, et pense, pour y arriver, à s’expatrier.

Il y a, à mes yeux, 2 modes d’ex-patriation : « Expatriation d’entre-prise », quand on projette de reve-nir plus tard au pays après avoir «

essayé » d’autres horizons. La France reste toujours près du cœur et on y revient à chaque occasion. On ne s’assimile jamais vrai-ment au pays d’accueil, parce qu’on ne reste jamais assez long-temps hors de France, et pour ça, et on reste « Français » partout.

Mais, il y a aussi ce que j’appelle « l’expatriation du cœur », quand on s’attache à rester auprès du compagnon qu’on a choisi

dans le pays d’expatriation. Là, même si on est heureux, c’est beaucoup plus difficile : habitudes, langue et traditions diffé-rentes, la vie commune hors du pays natal demande beaucoup d’amour, de patience, d’abnégation. Mais il faut admettre aussi qu’on n’oubliera jamais son pays, son enfance, sa famille fran-çaise. La France, même si elle est loin des yeux reste près du cœur, et son souvenir devient un facteur d’équilibre affectif.

On doit arriver à être « Français hors de France », et ne mon-trer que la bonne image de son origine, ce qui demande un retour intérieur sur soi-même objectif et franc : le Fran-çais râleur, impertinent, impoli… ne travaille pas bien à être accueilli positivement dans son pays d’expatriation…

Les problèmes de l’éducation des enfants mixtes et du travail de l’expatrié-du-cœur « sur place » sont réels, j’en parlerai une autre fois, en racontant ma propre expérience (musicienne au Japon de-puis 1975 et mariée avec un Japonais, 2 enfants, 3 petits-enfants)

Bon séjour et bon courage quand même !!!

Textes : Marguerite FrancePrésidente de l’association AFJAMAssociation Franco-Japonaise des Amis de la Musique

Pourquoi suis-je venue faire de la Musique au Japon ?

Je suis née à Paris d’une mère française violoniste amateur, et d’un père d’origine hongroise. Mes parents ont divorcé quand

j’avais 3 ans, moment où j’ai commencé la Musique. Je n’ai presque pas connu mon père, et suis fille unique. Ma mère orga-nisait des concerts à la maison, j’ai donc baigné dès le berceau dans la Musique. Ma mère avait une Pension de Famille et recevait beaucoup d’étudiants, surtout étrangers ; J’ai grandi dans un milieu cosmo-polite et ai fait toutes mes études de Musique au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris (CNSM).

Parmi les pensionnaires, beaucoup de Japonais, dont l’un, pia-niste, étudiait au Conservatoire. Il donnait parfois des petits concerts dans sa chambre pour se préparer aux examens, et met-tait sur son piano un ikebana et une poupée japonaise en costume de Kyoto À l’âge de 12 ans, je suis tombée amoureuse, non pas du pia-niste, mais de l’art japonais…Ensuite je suis allée plusieurs fois manger dans un restaurant japonais du quartier, et suis tombée amoureuse de la cuisine japonaise…Enfin, parmi les étudiants, j’ai remarqué la politesse, la propreté, le soin des Japonais, toujours souriants, calmes, studieux…je suis donc tombée naturellement amoureuse des Japonais !

J’ai été particulièrement attirée par un “lettreux”, proustien qui, en plus adorait la musique ! Nous nous sommes mariés à Paris envers et contre tous. Nous sommes ensuite partis à Genève où je suis entrée à l’Orchestre de la Suisse Romande, engagée par Ansermet. Mon mari travaillait au Consulat Général du Japon à Genève. Nous avons eu nos 2 enfants en Suisse.

12 ans après notre mariage, j’ai remarqué que mon mari avait le mal du pays, je lui ai donc proposé de partir au Japon, gros déménagement, mais je pouvais enfin accomplir mon rêve : dif-fuser la Musique française “à la française” au Japon. 38 ans après, je suis toujours dans la Musique, au Japon !!!J’ai créé un centre de musique, Chanteclair, et l’Association Franco-Japonaise des Amis de la Musique AFJAM, un” Pont des Arts entre la France et le Japon” qui sont un outil de diffu-sion à part entière de la musique européenne et de son contexte historico-culturel.

La musique classique européenne est encore un phénomène culturel récent dans l’Histoire du Japon, (depuis l’ère Meiji) ; nous apportons nos racines européennes et en tant que langage du cœur, elle est comprise et aimée des Japonais.

D’abord, « être Français », c’est être quoi ?

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Français, expatrié au Japon et chrétien

Nous espérons que cet « exercice » pourra être poursuivi par une amplification du dialogue entre nous, à Tokyo et

au Japon, entre expatriés de sensibilités et de confessions très diverses et parfois d’opinions divergentes, mais finalement tous unis par le respect des convictions des uns et des autres, car « partager, prier, célébrer, agir, rencontrer, réfléchir, se rassem-bler et vivre avec nos enfants notre foi en Jésus Christ et notre Espérance.», est ce que nous cherchons à accomplir. Comment, donc, un Français, expatrié au Japon et chrétien pratiquant de surcroît, ressent-il l’environnement religieux au Japon ? N’est-ce pas un peu déroutant ? Pourquoi est-il donc si important de pouvoir trouver à Tokyo « une paroisse d’accueil francophone » ? Au-delà de sa foi chrétienne universelle qui peut s’exprimer dans la prière individuelle, pourquoi a-t-on-besoin d’un ancrage dans une communauté chrétienne francophone ? ». C’est sous forme de témoignages, exprimés par des membres de notre com-munauté, que nous tentons d’apporter, ici, un début de réponse. En voici des extraits qui, nous l’espérons, vous donneront envie d’en lire l’intégralité sur notre site : http: //catholiques-francophones-tokyo.asso-web.com

…d’un résident permanent au Japon« Les chrétiens en dehors de la prière individuelle ont besoin de se retrouver en communauté pour célébrer l’eucharistie et rece-voir les sacrements, qui vont leur permettre de vivre leur foi. Depuis les origines l’Église a veillé à ce que les fidèles puissent recevoir un enseignement dans leur langue maternelle. C’est le cas à Tokyo où il existe de nombreuses aumôneries de langues diverses en dehors du japonais, dont, bien sur, le français. C’est aussi très important pour la transmission de la foi aux enfants et aux jeunes. Certains de nos compatriotes, au contact d’une civi-lisation si différente se posent des questions et se remettent à la pratique religieuse au sein de notre communauté. [… ] Les Japo-nais, qui sont à une écrasante majorité bouddhistes et shintoïstes à la fois, sont très ouverts et tolérants pour les autres religions et le christianisme en particulier.[… ]

…d’une résidente de longue date au Japon « Tout naturellement la possibilité de vivre sa foi, recevoir les sacrements, permettre à ses enfants de grandir dans cette com-munion qu’est la vie chrétienne, c’est essentiel. En tant que chré-tien, comment vivre sa foi « dans son coin » ? [… ] Vivre sa foi à l’étranger, dans un pays non chrétien, donne une dimension supplémentaire. […] En même temps nous sommes interpellés par d’autres religions. La découverte du shintoïsme, du boudd-hisme a de quoi surprendre et nous amène à nous ouvrir sur les autres, sur une autre façon de vivre sa foi. Une autre spiritualité est là, vous la côtoyez sans saisir sa profondeur. Cette présence

est permanente, à chaque pas vous en voyez les signes. Quel bonheur de découvrir au gré des balades en ville ou aux détours des chemins de montagne, ces temples et petits autels si bien entretenus. […] »…d’une résidente au Japon et habituée aux expatriations« Mon arrivée au Japon a certainement joué un rôle de «révéla-teur» en ce qui concerne ma foi chrétienne. «Révéler», au sens photographique du terme, de rendre visible l’image latente d’un film impressionné en le plongeant dans un bain chimique. Pour la première fois - ce n’est pas notre première expatriation -, je me suis sentie dans un environnement dont les valeurs sont radicalement différentes des miennes.[…] On souligne par exemple souvent la solidarité des Japonais et la prédominance du groupe sur l’individu. On souligne rarement en revanche

combien il est difficile d’aider un collègue, un ami ou même un inconnu dans la rue au Japon. Tout geste d’aide qui pour nous serait perçu comme «désintéressé» («Dieu nous le rendra») est reçu avec méfiance, voire hostilité. […]

…d’un résident au Japon, membre d’un foyer franco-japo-nais« Comme sans doute pour beaucoup de personnes ayant fondé comme moi un foyer franco-japonais, l’association et la com-munauté constituent une pierre d’attache fondamentale, même quand on fréquente aussi une paroisse japonaise et que l’on y est très inséré. On y trouve une amitié et un soutien moral très forts. Aujourd’hui l’association, ses membres et l’aumônerie, sont devenus mon principal lien avec la France. Fin 2008 j’ai perdu à la fois mon emploi et la santé, comme on peut s’y attendre en temps de crise extrême. Notre communauté m’a apporté le retour à la confiance, des contacts, un immense soutien spirituel. Même quand je suis resté plusieurs mois sans la fréquenter, la communauté m’a accueilli de nouveau et chaleureusement. […] Le mot de l’année 2011 au Japon a été «kizuna» (lien). Rien ne s’applique mieux à l’association. »

Yves Cerf-MayerPrésident de l’Association de la Communauté des Catholiques Francophones et Français de Tokyo,

Yves Alemany, par son message d’invitation, nous a convié à nous interroger plus spécifiquement sur notre condition de chrétiens expatriés, et pour beaucoup d’entre nous à nous poser de nouveau des questions très importantes que le rythme de la vie courante peut nous faire oublier un instant.

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24 LE BULLETIN DE L’AFJ

FRANÇAISÀ

L’ÉTRANGER

Du besoin d’être ou de ne pas être Français lorsqu’on réside à l’étrangerD O S S I E R

Présent ! « Il faut être présent ! »,

« Nous sommes présents »,« Nous répondons présent », « Merci d’être présent »… Qui n’a pas entendu ces for-mules toutes faites, répé-tées à l’envie, qui cachent trop souvent une sincérité parfois plus que douteuse. Car « présent », qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que ça signifie ? Et qu’est-ce qu’être présent ? Et qu’est-ce que la présence ? Coup d’œil au dictionnaire. Pour le Petit Robert :« La présence est le fait d’être dans le lieu dont on parle, d’être dans le monde, d’y agir, d’y être mêlé, de participer ». Et pour Wikipedia, c’est encore bien plus simple, car : « -Présence-, est le nom d’un groupe français de rock des années 70… » !

Me voilà renseigné, renvoyé dans mes buts ! Mais je persiste et signe, car j’ai bien l’impression que ce n’est pas seu-lement le fait … de n’être pas absent comme je le lis pourtant sur un site inter-net que, pour m’en amuser, je consulte parfois. J’ai même le sentiment que c’est

bien autre chose. Alors, pourquoi pas « lui » ? Je prends donc rendez-vous avec quelqu’un qui sait, sans doute mieux que personne, ce qu’est une « présence » et lui pose la question : « Être présent, c’est quoi ? Et la présence, c’est quoi ? ». « C’est partager, recevoir et donner

et puis, surtout rester ! » me dit, sans hésiter, l’homme qui est devant moi. « C’est savoir recevoir, pour encore mieux donner et surtout pas donner, en voulant recevoir. Mais c’est surtout rester, non pas comme une souche ou comme un ballot, mais rester pour at-

Interview du Père Jacquel par Claude Chavanne.

Regard sur ces Français qui partent ailleurs…

Réflexion sur « la Présence »

Entretien avec Bernard Jacquel Prêtre, MEP Ancien aumônier des Français de Tokyo

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25LE BULLETIN DE L’AFJ

tendre, un peu comme on veille, même quand les circonstances ne nous sont pas vraiment favorables et qu’à vue de nez on ne voit pas les beaux résul-tats qu’on escomptait. Cela c’est un peu l’expérience de mes confrères au Japon. Après plus de cent ans de pré-sence, rien d’un succès fracassant. Le Japon n’est pas entré dans l’Église. Mais l’Église est entrée au Japon, elle y est solidement implantée et elle est japonaise.». Et celui qui me parle s’ap-pelle Bernard Jacquel. Il est prêtre. Un prêtre de la Société des Missions Étrangères de Paris comme il tient à le dire, en me reprochant presque de voir aussi en lui un artiste connu et un théo-logien. Le père Bernard Jacquel. Beaucoup le connaissent bien ou l’ont très bien connu, bien au-delà d’une foi qu’ils n’ont pas forcément ou bien de convictions qu’ils n’ont peut-être pas. Pendant trente-sept années, il était au Japon et, pendant très longtemps a été l’aumônier des Français de Tokyo. Et c’est sans doute pour cela qu’il me dit en souriant que ses fonctions actuelles, rue du Bac, à Paris, sont sans doute provisoires. Il dirige les archives et les publications de sa bonne maison en attendant le jour où il repartira. Et, peut-être, au Japon. Et c’est en tant que prêtre, mais aussi en Français, qu’on dit « de l’étranger », qu’il parle de « la présence ». Et il s’interroge et, en s’in-terrogeant, il m’interroge aussi: « Y aurait-il des recettes qui permettraient d’être réellement présent là où on s’est rendu, loin, au terme d’un long voyage et d’une expatriation qui dure ? ».

Je reste silencieux.

Il me donne une réponse. Une réponse toute autre que celle des Marchands : « Il y a un certain attrait sans doute de se retrouver dans cette situation, parfois acrobatique, d’étranger qui ne comprend pas tout et à qui on le fait savoir. Il y a la volonté d’apprendre et de comprendre avec le goût de se lais-ser surprendre... Il y a eu le consente-ment à rompre des amarres et à prendre du large pour s’attacher à ceux dont vous croisez la route et qui vous font un brin de conduite ou davantage tout en vous parlant et de la vie qu’on a et de ce qu’on espère dans la vie. Il faut donc du temps, beaucoup de temps, c’est peu à peu, c’est pas à pas, c’est traverser pas mal d’illusions sur soi-

même, c’est passer parfois par des crises de confiance en soi et dans les autres et c’est rester parce quelqu’un de nouveau vous le demande. En pla-çant en premier cette expérience d’une insertion dans une tradition parmi mes pairs, je ne perds pas de vue l’autre aspect essentiel de la Mission, celui qui justifie le dérangement et qu’on veuille rester là, dans le pays où l’on a été envoyé : il s’agit d’approcher une autre culture ou, plus exactement, des gens d’une autre culture et de se lais-ser approcher. Le temps vient alors où l’on prend ses aises parmi eux, où le partage de la vie et de la foi deviennent possibles et savoureux ». Nous ne par-tons pas, nous ne restons pas dans l’es-poir de conquérir des parts d’un mar-ché des âmes et des consciences : notre présence de missionnaire ne s’explique guère par un esprit de conquête, fût-elle spirituelle. Plus d’un parmi nous pourrait avouer plutôt qu’il s’est laissé conquérir et qu’il reste tout simplement parce qu’on lui fait place avec beau-coup de générosité. Il s’est mis peu à peu en condition d’accepter cela : ce qu’on lui sert ! «Mangez ce qu’on vous servira» est un conseil évangélique de Jésus à ceux qui sont devenus ses disciples ! C’est un conseil qu’il leur a donné pour partir, bien avant de leur dire aussi : «Donnez leur vous-mêmes à manger». Et si je parle ici des choses qui se mangent, je ne m’en tiens pas aux nourritures matérielles : je pense à tout ce qu’on nous sert et qu’on nous offre de partager : d’une hospitalité qui passe par le langage, les usages et tout ce qui non seulement vous est proposé de prendre mais encore à apprendre et à saisir de sorte qu’on finira par par-tager le regard des hôtes qui vous ont reçu, appréciant ce qu’il goûtent, re-gardant ce qu’ils voient de leurs yeux, partageant même quelque chose de leur mémoire et de leurs sources qui deviennent notre propre mémoire et le bon vin de l’existence !

Car, pour le Père Jacquel, la présence est avant tout partage. Offrir ce que l’on a et recevoir des autres ce qu’ils veulent vous donner. Être présent, pour lui, c’est avant tout rester, rester pour mieux comprendre. Prendre, aussi, ou, plutôt, recevoir et, beaucoup plus encore, c’est sa-voir recevoir et ne pas refuser. Nous sommes des étrangers et le resterons tous. Nous ne voulons pas l’être mais

nous le sommes tout de même. C’est un inconvénient, parfois un avantage. Nous devons l’accepter, non pas pour s’isoler, vivre en marge des autres, comme le font trop souvent ceux « qui ne font que passer », mais pour res-ter conscient de ce qui nous sépare, et mieux appréhender tout ce qui nous rapproche et peut nous rassembler. Et surtout comprendre pourquoi « ces autres-là », ne sont pas comme nous sommes ! Car c’est cette différence qui permet d’échanger et puis de partager. C’est connaître les autres et vouloir les connaître et puis aussi, bien sûr, vou-loir qu’ils nous connaissent. Pas du « donnant-donnant », mais un enrichis-sement, mutuel et accepté. Être présent, c’est être attentif, c’est savoir écou-ter, s’efforcer de comprendre, plutôt qu’administrer sa propre connaissance, ses propres certitudes. Être présent, ce n’est pas, loin de là, être « juste pré-sent » et, ce n’est pas attendre que l’on vienne vous parler. C’est à nous « d’y aller ». Non pas pour « exposer » qui nous sommes, ni ce que nous faisons. Mais bien pour écouter, voir et, surtout comprendre ce que « les autres », eux, ont sans doute à nous dire et à nous expliquer. Car nous sommes chez eux. Et parce qu’ils le veulent bien. Nous sommes leurs invités, ne nous compor-tons pas comme des envahisseurs car nous pourrions passer pour des indé-sirables.

Pour le Père Jacquel, « cela justifie que l’on reste. On veut voir et savoir la suite. Il y a là quelque chose qui promet et on resterait pour moins que cela ! Il y a une forme de curiosité et d’attente qui justifient une présence au long cours : voir enfin, au Japon, ce qu’on espère et dont on a déjà saisi quelque chose dans le partage, la patience, le pardon qui sont autant de biens dont on bénéficie avant de pouvoir en offrir sa part ».

Alors, restons ce que nous sommes tout en étant conscients qu’il appartient aux autres de nous dire qui ils sont et non pas pour nous dire pourquoi ils sont ici, car, ne l’oublions pas, ils sont ici chez eux !

Claude Chavanne

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26 LE BULLETIN DE L’AFJ

FRANÇAISÀ

L’ÉTRANGER

Du besoin d’être ou de ne pas être Français lorsqu’on réside à l’étrangerD O S S I E RLe Père Bernard Jacquel, vu par lui-même

Les dessins de Kristian www.kristian-cartoon.com

« Je suis né en 1946 dans les Vosges. J’ai fait très tôt, dans mon enfance, la connaissance de la Société des Missions Étrangères de Paris à laquelle j’appar-tiens. Interne dès la classe de septième dans ce qu’on appelait un petit sémi-naire... puis passé du petit au grand sé-minaire, j’ai été ordonné prêtre en 1972. Destiné dès l’année précédente par mes supérieurs à la Mission du Japon, j’ai rejoint mes confrères qui se trouvaient là-bas. Dès mon arrivée, j’ai été le com-mensal de missionnaires qui étaient pré-sents dans l’archipel depuis fort long-temps et qui eux-mêmes évoquaient dans leurs conversations d’autres mis-sionnaires qui les avaient précédés et qui étaient arrivés au Japon au début du vingtième siècle ou même à la fin du dix-neuvième. De sorte que pour par-ler de présence, je commencerais par relater cette expérience-là : je n’étais ni premier, ni seul, je ne me voyais d’ail-leurs aucunement dans la peau d’un aventurier solitaire mais je m’agrégeais à un corps charpenté de missionnaires. J’étais le benjamin de leur groupe dissé-

miné à travers le pays, ils me faisaient place avec une certaine curiosité et j’allais partager avec eux non seule-ment une longue mémoire du Japon, mais, tant bien que mal, la vie qu’ils menaient, les chemins qu’ils faisaient et les idéaux qu’ils me représentaient avant de trouver mon propre rythme et ma musique à leur côté, dans un pays dont j’avais tout à connaître et à apprendre, à commencer par la langue et les usages. J’appartiens ainsi à une Société de missionnaires dont la présence continue au Japon remonte aux années 1860 et dont les membres s’étaient répandus en plus de cent ans dans de nombreux points de l’archi-pel. Je suis revenu en France à l’au-tomne de 2010! Cette interruption d’un séjour de 37 ans au Japon par la grâce d’une élection de mes confrères au cours d’une assemblée générale m’a contraint certes à changer d’hori-zon et d’emploi, mais pas de métier, si je puis dire, ni d’idéal : c’est toujours le service de la Mission parmi mes confrères ! ».

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27LE BULLETIN DE L’AFJ

Le samedi 26 mai 2012 à partir de 18h30

Soirée dîner spectacle cabaret avec au programme : numéros

visuels, danses, prestidigitation, claquettes, french-canan…

A partir de 18h30 Au nouveau lycée français

de Takinogawa

Réservation obligatoirewww.afj-japon.org

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DE l’AFJASSOCIATION DES FRANÇAIS DU JAPON

Avec le patronage de l’Ambassadeur de France au Japon, Monsieur Christian Masset

Participation Cotisant jeune de 29 ans ou moins 28 歳以下 9,000 yens

Couple Cotisant (Mme et M.) 18,000 yens

Couple Non-Cotisant (Mme et M.) 22,000 yens

Groupe (8 pers minimum) 11,000 yens/per

Cotisant simple 会員 10,000 yens

Autres 12,000 yens

Adresse〒114-0023

東京都北区滝野川5-57-375-57-37 TAKINOGAWA

KITA-KU114-0023 TOKYO

Soirée de Solidarité

Samedi 26 mai 2012 à partir de 18h30

Nouveau lycée français international de Takinogawa

Soirée dîner spectacle cabaret avec au programme : numéros

visuels, danses, prestidigitation, claquettes, french-cancan…

Réservation obligatoirewww.afj-japon.org

[email protected]

ASSOCIATION DES FRANÇAIS DU JAPONAvec le patronage de l’Ambassadeur de France au Japon,

Monsieur Christian Masset

Participation Cotisant jeune moins de 28 ans 歳以下 9,000 yens

Couple Cotisant 18,000 yens

Couple Non-Cotisant 23,000 yens

Groupe (8 pers minimum) 11,000 yens/pers

Cotisant simple 会員 10,000 yens

Autres 13,000 yens

Adresse〒114-0023

東京都北区滝野川5-57-375-57-37 TAKINOGAWA

KITA-KUAccès stations

Itabashi (JR Saikyo Line)Shin Itabashi (Toei Mita Line)

Soirée de Solidarité

«Door Prize», un vol aller-retour Tokyo-Paris avec une location de véhicule sur place à gagner par tirage au sort.

«Silent Auction ou Enchères Muettes»,lots exceptionnels offerts par les entreprises francaises soutenant l’action de solidarite de l’AFJ.

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28 LE BULLETIN DE L’AFJ

FRANÇAISÀ

L’ÉTRANGER

Du besoin d’être ou de ne pas être Français lorsqu’on réside à l’étrangerD O S S I E R

Vous avez dit Français ?

C ’est un thème ésotérique et un peu vague que « L’être Fran-çais à l’étranger » à priori, ce n’est pas vraiment un sujet

qui m’inspire. Trouver une définition ? Pour définir quoi ? Par quel bout abor-der ce sujet, après tout, j’ai vécu les trois quarts de ma vie à l’étranger. Cela ne devrait pas être un problème. Mais au fait : ai-je jamais vraiment ressenti ce «être Français à l’étranger » ? En y réfléchissant bien, oui, c’est certain, que je le veuille ou non, je suis Français mais surtout, je suis perçu comme tel, ce qui compte, c’est : comment me perçoivent les personnes qui vivent dans le pays ou je me trouveEn Juillet 1984 je débarquais tout seul à Narita en provenance de Papeete à Tahiti ou j’étais en poste depuis cinq ans. Pour la première fois, je mettais les pieds au Japon. Croyez-moi, j’ai vraiment eu l’impression de tomber du cocotier dans le 21ème siècle. En Polynésie, c’était la bonne franquette, je me sentais à la maison, tout le monde y parle français et tahitien et tout le monde se tutoie, mais le Japon c’était une autre planète…

Sourd, muet et aveugleNous avons pratiquement tous eu cette impression en arrivant. J’exagérerais en disant que j’étais complètement paumé, j’avais derrière moi une grosse structure, même si à l’époque le Club Med n’était pas au Japon aussi connu qu’aujourd’hui, il y avait du monde! Ce qui m’a vraiment fait prendre conscience de la différence, c’est que deux cantines de taille moyenne que j’avais amené rentraient à peine dans ma chambre d’hôtel! J’entrais dans une nouvelle dimension.J’avais pas mal bourlingué avant des venir au Japon, études en Angleterre au Dover College, puis à Heidelberg en Allemagne, puis le Club Med, qui sans aucun doute fait voir du pays. Ce-pendant vivre « en Village » comme nous disons dans notre jar-gon, c’est une peu embarquer comme membre d’équipage sur un bateau, les escales sont brèves, pour faire court, on ne vit pas vraiment à l’intérieur du Pays mais plutôt avec un pied dedans et l’autre dehors.L’Angleterre fut ma première expérience à l’étranger, nous étions en 1962, le « Dover College » était so british , c’était vraiment comme dans Harry Potter, la magie en moins, quoique !... J’étais

le froggy ! Seul Français au collège, j’ai tout de suite eu l’im-pression d’être perçu comme un Français, il me fallait intégrer la langue bien sûr, mais avant tout la culture très codifiée d’un « Public School » pur jus. En 1965 je me retrouvais en Allemagne, travaillant dans un hôtel de Stuttgart pour apprendre l’allemand dont je ne parlais pas un mot. J’avais une année pour apprendre cette langue avant d’al-ler à Heidelberg pour y suivre les cours de l’école hôtelière…. Pourquoi faire simple !

Pendant cette période assez difficile, je n’ai que très rarement eu le sentiment d’être Français, j’avais bien assez à faire pour être moi-même. L’expérience anglaise m’a bien servi, elle m’avait appris à me glisser dans le costume allemand, en faisant toute-fois bien attention à garder ce côté « Franzose » désinvolte et élégant qui plaît bien, pour autant que l’on sache s’en servir avec modération.

Se fondre sans se confondreBref, je ne veux pas ici vous raconter ma vie, j’ai passé l’âge ! Une vie n’est racontable que lorsqu’on est jeune, après c’est ennuyeux. Quelle bonheur cela a été de vivre l’insidieuse et néanmoins très agréable transformation qui jour après jour m’a fait dévorer du tatami. Il est très difficile de vivre dans un pays que l’on n’aime pas profondément. S’il ne se crée pas de résonance in-time entre l’extérieur et le plus profond de soi, le naturel fout le camp. Vivre au Japon c’est tout à fait comme se trouver dans un « Onsen » dans lequel de temps en temps quelque diable ferait passer un fort courant électrique. Cela m’a pris deux ans pour me sentir à l’aise au Japon, deux années difficiles et très stressantes, cours de japonais tous les matins de 8h à 10h puis travail professionnel au bureau qui à cette heure ci était déjà lancé à plein régime… J’y ai appris à respecter les personnes qui m’entouraient : voix mesurée au télé-phone et gestes sobres, j’y ai appris également la plus importante des règles du savoir-être au Japon et partout ailleurs : se fondre dans le paysage. Enfin se fondre jusqu’à un certain point. Cette sensation me semble plus forte au Japon qu’ailleurs, au fur et à mesure que je ressentais mon intégration culturelle, ressortait ma différence: j’étais « Gaijin » et qui plus est Français…Vous dire que je n’en ai pas tiré quelques avantages serait mentir.

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LICENCE 3-3881DEPUIS 1977

FRANCE TRAVEL CENTERMembre de la CCIFJ depuis 1978Nihoinseimei Ichibancho Bldg., 4F, 23-3 Ichibancho, Chiyoda-ku , Tokyo 102-0082Tel : +81 3 5210-2288Fax : +81 3 [email protected]

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29LE BULLETIN DE L’AFJ

Les Français étant perçus au Japon, mais aussi comme dans la plus part des pays comme étant spirituels, raffinés et bon vi-vants, je m’efforçais de coller à cette image, en gommant au maximum le côté râleur, suffisant, voire même arrogant ce qui n’est pas toujours évident. J’ai remarqué aussi qu’ il existait plusieurs façons d’être Fran-çais à l’étranger selon que l’on se trouve près, loin ou très loin de cette chère Marianne, être Français en Europe n’est pas tout à fait la même chose que de l’être sur un autre continent. Pourquoi ? Peut-être parce-que le voisin du dessus ou d’à côté est moins exotique que l’oncle d’Amérique !

Le retour des hirondellesC’est ce que disait mon père à chaque fois que je revenais à la maison après quelques mois d’absence. Le retour au pays ! Ce n’est pas évident de revenir, comme c’est difficile de se retrouver chez soi après avoir vécu sous transfusion multiculturelle pen-dant des années. Deux cas de figures possibles, soit on revient du passé soit on revient du futur. Venant du Japon on revient du futur. Et plouf, je suis tombé dans le piège, dénigrant tout, râlant pour un rien « Ah quel pays de c… ! » Enfin vous voyez le genre, crétin et prétentieux à la fois. Le Japon ayant vingt ans d’avance sur la France, il est facile de faire des comparaisons dévastatrices. Revenir dans son pays est un Art délicat. À pratiquer avec beaucoup de discernement et de modestie d’autant plus que les « expats » sont généralement mal perçus par nos compatriotes ! Allez, rêvons un peu, ne sommes nous pas tous des ambassa-deurs adorant le chocolat ?

Jean Bourgeois

kabira ishigaki juillet 1989

France Tavel Center, l’ami français des voyageursFTC, vous connaissez ? France Travel Center ? C’est l’agence de voyages des Français du Japon, bien sûr ! Mais, à part ça ? FTC a été fondé en 1977 par Michel Haour et depuis il continue toujours à diriger cette agence de voyages. Eh oui, trente-cinq ans déjà ! Douze personnes y travaillent. Douze personnes, dont huit Japonais. Tous parlent japonais et français, évidemment, mais aussi bien l’anglais tout aussi couramment. Nombre d’entre eux ont résidé en France. Ils en connaissent les usages, les contraintes, la spécificité. Leur « biculturalisme » est une aide précieuse au traitement des demandes qu’ils reçoivent chaque jour. Ils savent mettre en place des voyages que les agences japonaises n’envisage-raient même pas. La section « extérieur », organise les voyages professionnels, en assurant l’ensemble des prestations à des prix préférentiels. Elle traite les retours périodiques des familles en France mais aussi tout type de vacances en Asie-Pa-cifique. Détente au bord d’une plage du Vietnam ou à Tahiti ? Voyage culturel en Chine ou en Birmanie ? La section sait faire du « sur-mesure » comme elle sait assurer les déplacements en groupe de ceux qui sont soucieux des contraintes budgétaires. La section « intérieur », elle, vous l’aviez deviné, traite des voyages domestiques. Pour les résidents Français, comme pour les agences francophones

dont FTC est le correspondant, elle organise tout type de voyages, visites, tours, hébergements, sur l’ensemble du territoire. Elle peut s’appuyer, pour cela, sur plus de cent guides et accompagnateurs francophones. Soyons francs, la section souffre un peu depuis le Tsunami. Les Européens hésitent encore à revenir. « Heureusement, qu’il y a les Français du Japon ! ». Preuve de cela, Renault, depuis vingt ans, a choisi FTC comme partenaire privilégié pour sa formule « TTEurodrive », de location de voitures aux Expatriés. FTC a un slogan, et il est mérité : « tous les services d’une agence de voyages japonaise, plus ceux d’un ami français ».

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30 LE BULLETIN DE L’AFJ

FRANÇAISÀ

L’ÉTRANGER

Du besoin d’être ou de ne pas être Français lorsqu’on réside à l’étrangerD O S S I E R

Il a neigé toute la nuit sur les pentes du Mont Rokko et il neige encore ce matin... Sur la route qui mène au temple Jurinji (le temple de la forêt de l’aigle) chemine la trace des pas d’un pèlerin de l’aurore.

Cette neige me ramène vers d’autres pentes neigeuses celles des montagnes de la Savoie. Un petit village de la haute Vallée de la Tarentaise. C’est de là que part une longue trace de pas qui a atteint il y a plus de trente-six ans le Pays du Soleil Levant.

Le pays aux cent mille vallées

Une des joies du montagnard, c’est une fois parvenu à la crête d’un col, de découvrir l’autre vallée qui se dévoile tout à coup. La découverte de l’âme des provinces du Japon ressemble beaucoup à cet exercice. Seulement alors qu’en France les val-lées se dérobent à notre regard par leur longueur et leur largeur, celles du Japon nous troublent et nous égarent par leur multi-tude. Chaque vallée cache un méandre de la culture japonaise.

En trente-six années de pérégrinations nippones je ne connais que quelques centaines de vallées mais ce qu’elles m’ont appris m’a permis de planter mes racines dans l’une d’entre elles.

Ces racines sont celles qui avaient grandi en terre de France et de Savoie. C’est grâce à ces racines que je me suis laissé ap-privoiser par le Kansai et la petite vallée de Jurinji sur les hauts de Nishinomiya aux portes de Kobe.

Le hameau de Jurinji Dominant la grande ville, le hameau de Jurinji étale ses rizières et ses jardins sur les contreforts du mont Rokko. Les familles qui vivent à Jurinji depuis plusieurs générations ont su malgré la contagion citadine toute proche garder les qualités d’accueil et les traditions du Japon. Aux équinoxes, le soir de la pleine lune, tous les enfants du hameau vont de maisons en mai-sons souhaiter le bonsoir et y remplissent petit à petit un grand sac de friandises et autres petits cadeaux... Et lorsqu’ils s’endor-ment ce soir-là, ces enfants font un rêve où toutes les maisons d’alentour sont devenues une seule grande maison.

C’est dans ce même Jurinji qu’au matin du grand tremble-ment de terre de Kobe tous se mobilisaient pour fouiller les dé-combres et retrouver ceux que le séisme avait épargnés et hélas rendre les morts à leurs proches.

Être fier d’être Français

Et c’est en tant que Français et comme beaucoup de Sa-voyards amoureux de la montagne qu’avec ma femme japonaise et nos trois garçons nous avons trouvé à Jurinji un ‘furusato’ (village natal). Nous y avons simplement partagé joies et peines avec les habitants.

Lorsque je dis « en tant que Français », je voudrais insister sur le fait que nous ne sommes perçus par nos voisins et interlo-cuteurs que par rapport à ce que nous sommes. Nos amis japo-nais n’aiment pas l’inconnu et se rassurent en percevant claire-ment notre identité. Être fiers de nos origines en reconnaissant humblement nos différences et bien souvent nos incompréhen-sions me semble être le chemin de la rencontre.

Un chemin de rencontre

Tout à l’heure j’ai retrouvé la trace de pas dans la neige sur la route du temple. Au delà du sanctuaire les pas m’ont conduit jusqu’au sommet du mont Kannon par le nouveau sentier que j’ai tracé il y déjà douze ans. C’est maintenant un chemin très emprunté par les montagnards de la région. S’il m’a donné les honneurs d’un article dans le quotidien de Kobe, il m’a surtout procuré la joie de beaucoup de rencontres et est à l’origine de quelques amitiés.

Deviser sur le chemin, n’est-ce pas la meilleure façon de rencontrer ceux qui marchent avec nous ? On parle du temps d’avant, de celui de maintenant et on s’aventure parfois dans celui d’après... Mais tous ces temps ne sont-ils pas en fait le présent de chaque jour ?

Du sommet du Mont Kannon, la vue s’étend sur le Kansai : l’aéroport, petit îlot dans la mer où atterrissent toutes les routes du ciel, Kobe qui a su renaître à la vie après sa destruction en 1995, Osaka la ville des marchands, et vers le nord, Kyoto l’ancienne capitale.

Hélas il faut déjà redescendre. C’est là le lot du monta-gnard, comme celui de tout être humain. Redescendre pour avoir l’occasion de remonter plus haut encore afin que la trace de pas continue...

Alain Bernard

Arrivé au Japon en 1975, Alain Bernard dirige la Société BNB (Bragard - vêtements profes-sionnels). Très engagé dans la vie associative, il est Président d’honneur de l’AFJ Kansai, Vice-Président de la Société Franco-Japonaise de Kobe, Ad-ministrateur du Cercle France-Kansai et d’Emmaüs Japon.

Une trace de pas...

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Comment être capable de s’adapter au goût des japonais tout en veillant à diffuser la gastronomie française ?

La clientèle du Château Joël Robuchon est à la recherche d’une expérience de

cuisine française authentique. C’est la raison pour laquelle il est im-portant de mettre en avant des produits directement importés de France, des tech-niques de cuisson, découpe de produits et d’assaisonnement typiquement français tout en utilisant parfois des produits d’ori-gine japonaise, notamment de la mer.

Mon objectif est de servir une cuisine « Joël Robuchon » en prenant en compte le goût de la clientèle japonaise et son atta-chement à la saisonnalité des produits.Il faut donc être attentif à ne pas utiliser certains produits qu’elle n’apprécie pas forcement tout en étant capable de lui donner une vraie expérience de cuisine française basée sur les techniques et les assaisonnements français.

Tout l’art de l’équilibre consiste à utiliser

des produits d’origine japonaise, donc avec un goût et une texture forcément dif-férents de leurs équivalents français, tout en leur donnant une ‘crédibilité’ française.En effet, la plupart des grands restaurants français au Japon font de la cuisine fran-çaise avec une grande partie de produits d’origine japonaise.Le fait de créer et servir une cuisine fran-çaise avec des produits venant du Japon fait donc que l’authenticité est déjà rela-tive, tout simplement que le goût et la tex-ture des ingrédients d’origine japonaise sont différents : produits de la mer, fruits, légumes, etc.…Certains produits sont donc importés directement de France soit parce qu’on ne peut pas les trouver ici - tel que le foie gras - soit que leur équivalence japonaise se trouve être trop éloignée sur un plan gustatif. C’est le cas du pigeon, du canard, du homard breton ou encore du turbot breton. Par exemple, le turbot de Bretagne est connu pour sa chair ferme avec une texture soutenue ; à contrario, le turbot Japonais est un poisson particuliè-rement bien adapté à une utilisation crue en sashimi ou sushi mais à la cuisson sa chair manque de fermeté.

Surtout, ce que les clients japonais re-cherchent c’est à la fois une technique et un esprit français dans les plats mais c’est surtout une expérience (mets, service, atmosphère, art de la table) « à la Fran-çaise ».Au delà de la cuisine, le fait de déguster vins et champagne, de consommer du pain au cours du repas, du fromage, tout cela tend à donner à cette expérience, une sa-veur typiquement française ; tout comme de suivre la logique de construction typi-quement française de la composition d’un repas (amuse-bouche, entrée froide, en-trée chaude, poisson ou crustacé, viande, fromage et dessert). Et cette composition est reprise également dans les restaurants tenus par des chefs japonais et qui font une cuisine française.

Nous pouvons aussi noter l’importance du respect de la saisonnalité des produits dans la cuisine au Japon, qu’il s’agisse de cuisine française ou japonaise. Le concept de proposer des produits frais de saison, consommés à l’apogée de leur goût, est largement plébiscité par les clients Japo-nais.

Dans ma cuisine, j’intègre donc logique-ment l’asperge blanche, les pousses de bambous aussi bien que les morilles au printemps, les tomates juteuses d’été, le matsutaké en automne, la truffe noire en hiver.

Par ailleurs, il est vrai que le Japon n’échappe pas à la mondialisation et aux influences culinaires venus de monde entier. Citons l’exemple de la vogue récente de la cuisine espagnole qui a détrôné dans une certaine mesure celle de la cuisine italienne.D’une manière générale, -et pas seule-ment au Japon- la cuisine française est en perpétuelle évolution à contrario de la cuisine japonaise qui reste hermétique à toute influence, ancrée dans le savoir-faire et les gestes traditionnels.Au Japon, la cuisine française évolue et s’adapte aux goûts de la clientèle locale, de la même manière en France la cuisine gastronomique offre une large part aux produits étrangers et notamment japonais.L’évolution du matériel technique de cui-sine (sous vide, cryoconservation, cuis-son à basse température à l’aide de sonde, etc.) contribue également a l’évolution de la cuisine Française.

Enfin, beaucoup de chefs de nationa-lité japonaise qui font une cuisine fran-çaise ici au Japon ont eux même appris la cuisine en France et une fois de retour au Japon l’interprètent à leur manière et l’adaptent à leur clientèle, souvent avec grand succès.Il y a quelques décennies, les chefs japo-nais ne faisaient que recopier et refaire les plats qu’ils avaient appris en France. Aujourd’hui ils se sont affranchis et sont capables de créations culinaires origi-nales, mixant harmonieusement saveurs françaises et japonaises.

En conclusion, la gastronomie française au Japon se nourrit de diverses influences, ses acteurs qu’ils soient Français ou Japo-nais participent à son évolution, tout en restant attachés à ses principes fondateurs.

Il est en de même de ma cuisine, viscéra-lement ancrée dans le savoir-faire du chef Joël Robuchon mais nuancée de touches et d’inspiration japonaises, entre autres.

Alain Verzeroli

Alain Verzeroli né le 17/10/1966 à Saïgon (Sud Vietnam), de nationalité française. D’août 1999 jusqu’à présent : Directeur de la restauration, Groupe Joël Robu-chon, Japon “Château Restaurant Joël Robuchon”Tokyo, Japan Ebisu Garden Place, 1-13-1, Mita, Meguro-ku, Tokyo, Japan Trois étoiles Michelin depuis le lancement du guide Michelin Tokyo (2008) D’août 1996 à août 1999 : Chef au Restaurant Pétrus situé au sein de l’hôtel Island Shangri-La à Hong-Kong

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FRANÇAISÀ

L’ÉTRANGER

Du besoin d’être ou de ne pas être Français lorsqu’on réside à l’étrangerD O S S I E R

La vie la tête en bas était plaisante, mais je considérais que mes acquis professionnels n’étaient pas suffisants pour que

je puisse m’exprimer pleinement. Je décide donc de rentrer au pays à la condition d’entrer dans une des mecques des restaurants : un 3 étoiles Michelin. Après quelques contacts, je décrochais une place de chef pâtissier chez Marc Meneau en septembre 90, ce fut 7 années de bonheur d’être aux cotés de ce couple excep-tionnel, à la recherche permanente de la perfection, à essayer de sublimer chaque assiette qui sera posée devant les convives. Chaque année fut ponctuée de 3 à 4 voyages à l’étranger, pour des démonstrations et séjours gastronomiques, d’ailleurs nous étions venus dans l’archipel à 3 reprises.

Mon but a toujours été de m’installer, je repris le chemin de mes premières amours. La boutique Dalloyau par l’entremise de sa présidente, m’offre l’opportunité de m’expatrier au Japon avec en poche un contrat de 2 ans. Comme beaucoup de collègues choisissant cette destination, on se rend vite à l’évidence qu’une

période limitée n’est pas suffisante… après 5 années dans cette grande maison, j’entreprends d’ouvrir ma 1ère boutique Le Pommier à Tokyo fin 2005.

Cela fait 13 ans que je vis au Japon à faire partager ma passion pour la pâtisserie à mes clients et mes équipes.Lorsque l’on s’établit pour la 1ère fois et de surcroît à l’étranger, quelques interrogations se présentent à vous, essentiellement sur les gammes de produits qui vont garnir vos vitrines. À mon ouverture je fis le choix de présenter du franco-français dans la vraie tradition culinaire, me disant secrètement qui si des clients venaient chez un pâtissier français c’était avant tout pour trouver autre chose que chez un japonais, mais surtout sentir un petit air de la France.Nous étions à 2 mois de Noël, j’avais en tête les bûches et entre-mets que j’allais proposer à la clientèle.J’exposais donc mes idées à mon équipe 100% japonaise et mon épouse, qui ont dû me persuader que si je n’envisageais pas de remplacer et modifier certains gâteaux j’allais droit dans le mur. Fort d’une longue et belle expérience professionnelle et de 5 ans de Japon, j’eus la mauvaise impression de repartir de zéro.Face à une page blanche, je croquais, dessinais, copiais de nou-velles recettes en tenant compte des conseils que mon équipe et ma femme m’avaient soufflées. Il nous fallait absolument l’ancestral « Short cake » qui a sa place d’honneur à chaque anniversaire, ou événements dans les foyers japonais. Je m’exé-cutais donc pour fabriquer ma version de ce traditionnel gâteau local pour Noël.Ce fut un succès, le « Short Cake » remporta la palme avec plus de 50% des ventes, je ne peux que remercier mon entourage de m’avoir conseillé.

J’ai toujours considéré que nous devions respecter les règles qui nous ont été inculquées, mais qu’un compromis maîtrisé pouvait être autorisé.Notre métier est un art qui n’a pas le droit d’être galvaudé par le premier venu, notre vocation est avant tout de continuer à faire perdurer l’héritage qui nous a été transmis et de défendre notre patrimoine gastronomique français.Notre engagement pédagogique est essentiel pour que des jeunes qui démarrent dans ce métier deviennent de bons représentants de la gastronomie de demain, il leurs faut avant tout bien ap-prendre et connaître les bases de la pâtisserie française avant d’aller explorer d’autres horizons.Nous avons la chance de vivre dans ce pays d’accueil ou l’his-toire de la culture gastronomique est d’une grande richesse, aus-

Ma carrière de pâtissier je l’ai débutée à l’âge de 14 ans à Nantes, j’ai commencé par la boutique chez un chocolatier,

ensuite chez un pâtissier avant de partir pour Paris en hôtellerie au Méridien, c’est là que j’ai connu le monde de la restauration, les portes d’un 2 étoiles Michelin sur les Champs-Elysées se sont ouvertes à moi, et après 2 années m’ont propulsé en Australie, ma 1ère expatriation.

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si sources d’inspirations, comme de nombreux autres arts. Utiliser des produits japonais dans la pâtisserie ne me dérange absolument pas, eux comme nous ont le droit de voyager, je me sers de chose comme le kuromitsu, le tofu, le yuzu, ce sont sou-vent des produits de saison, qui ont leur semblant dans notre pâtisserie française, par contre, par éthique il y a des ingrédients que je m’interdis d’ajouter à mes compositions, le Anko (pâte de haricot rouge) par exemple, il fait partie pour moi du patrimoine local, utilisé depuis des siècles, j’estime, avant tout par respect, laisser ce produit à ses origines de la pâtisserie japonaise. C’est toujours un plaisir de découvrir de nouveaux produits, une de mes premières démarches lorsque j’arrive dans un pays étran-ger est de me rendre sur un marché ou une épicerie humer les senteurs locales.

Vous l’aurez compris, je prône pour que notre institution reste dans la pure tradition en accordant des clins d’œil au pays d’ac-cueil, mélanger plusieurs cultures à mon avis n’a pas de sens, lorsque qu’un client mange une pâtisserie ou un plat dans un restaurant, il a besoin d’y trouver une identité. Je n’interdis pas la modernité, bien au contraire, car nous en avons besoin pour progresser et nous porter dans des rêves.

Notre métier n’a pas de frontière, il est fait de rencontres de gens passionnés qui échangent en permanence, des recettes, des tours de main, de nouvelles techniques, on parle des ingrédients, il y a une vraie fraternité dans nos professions de métiers de bouche.

Je terminerai en rendant hommage à mes maîtres, ces chefs qui m’ont enseigné ce fabuleux métier, leur savoir-faire, la culture et la tradition de la pâtisserie française. Si je suis ici aujourd’hui, bien sûr c’est le travail qui m’y a conduit, mais c’est aussi de cet héritage qu’ils m’ont transmis, et que sans cela je n’aurais certainement pas réussi de la même manière, j’y pense souvent.

Mes 2 boutiques à Tokyo et mes pâtisseries sont des petites par-celles de terre française exportées au Japon où flotte le drapeau tricolore, et suis fier en tant que Français de contribuer à pro-mouvoir cette culture pâtissière au pays du soleil levant.

Frédéric Madelaine Chef PâtissierPatisserie le pommierhttp://www.lepommierpatisserie.com/

« Encore une petite coupe ? »ou les tribulationsd’un coiffeur français au Japon

Dans mon métier - celui de coiffeur, vous l’aviez deviné - une question m’est souvent posée.

Une question qui me fait toujours rire, mais une question que j’adore : comment peut-on coiffer et maquiller une Japonaise ?

Mais enfin, voyons, les cheveux japonais sont-ils si différents des cheveux des Fran-çais ? Et puis, après tout, les Japonais sont- ils si différents des Français ? Je les ai bien observés. Ils sont faits tout comme nous ! Comme nous, ils ont une bouche, un nez, des yeux… et des cheveux ! Nos cheveux sont plus ou moins épais, plus ou moins longs, plus ou moins noirs ou plus ou moins blonds, … mais ce sont des cheveux ! Bien sûr, la façon de les travailler peut être différente. Mais c’est tout ! Et l’intérêt que je trouve à le faire est le même : très grand ! Car ce que je trouve inté-ressant, dans mon métier, c’est l’intérêt que je lui porte plus que ce qu’il me rapporte ! Ca vous fait rire, hein, ma phrase ? Quoi qu’on dise, et même si les demandes de la clientèle locale sont différentes, un homme ou une femme a toujours envie de se sentir désiré, d`être beau, belle et jolie et de sentir le regard des autres posé sur soi. Au Japon comme ailleurs. Mais, c’est vrai, certaines habitudes locales sont parfois surprenantes. Tenez, les femmes, par exemple, eh bien après une couleur ou une permanente elles vont systématiquement se faire faire un traitement naturel pour donner l’impression que leurs cheveux n’ont subi aucun traitement… artificiel ! Toujours le souci, bien japonais, de l’apparence ! C’est pour cela que vous voyez leurs cheveux rester si brillants. Mais, ne le répétez surtout pas ! Car c’est un secret bien gardé ! Un autre trait local, c’est le temps que met, ici, un jeune apprenti avant d’être reconnu comme un vrai spécialiste. Au Japon, une femme ne confie jamais ses cheveux à un débutant. En France, au contraire, une femme aura tendance à rechercher un jeune car elle voit en lui un nouveau créateur, peut-être même un prodige en puissance ! Toujours l’ancienneté ! Même après vingt ans de métier, j’apprends toujours. Travailler et discuter avec mes collègues japonais m’apporte énormément. C’est ça, aussi, l’intérêt d’être un Français à l’étranger. Et, encore plus, au Japon. Vous reprendrez bien encore une petite coupe ?

ケアボンアレクサンドルKernbaum Alexandre 090 3520 6262(携帯E-mail) [email protected] Hair and Make-up Artist & BeautyAdviser.

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FRANÇAISÀ

L’ÉTRANGER

Du besoin d’être ou de ne pas être Français lorsqu’on réside à l’étrangerD O S S I E R

Chers cuisiniers français,

Où va la cuisine française ? Je n’y comprends plus rien ! La cui-sine française considérée, à Paris, à la pointe de l’avant-garde est élaborée aujourd’hui à partir d’une nouvelle technique en pro-venance d’Espagne, la cuisine moléculaire. À celle-ci sont par ailleurs très souvent associés des ingrédients japonais. Et c’est avec cela que vous imaginez que vous allez maintenant étonner le monde! Ceci n’est pas la cuisine française que l’on m’a enseignée, celle que j’ai apprise au Cordon Bleu à Paris et au cours de mes stages dans de prestigieuses maisons comme l’Arpège, Apicius, l’Am-broisie, La Tour d’Argent ou dans de bons restaurants de quar-tiers comme Le Toit de Passy et Chez Hubert.On m’avait toujours enseigné que la cuisine française tradition-nelle était d’abord fondée sur la maîtrise des sauces et c’était pour cela que dans une brigade traditionnelle la compétence du saucier était si importante, mais aujourd’hui on ne sert pratique-ment plus de plat en sauce, les clients n’en veulent plus, la faute au cholestérol et à la peur de l’infarctus. À une certaine époque, on avait aussi coutume de dire que la façon la plus élaborée de cuisiner était “la cuisine mijotée”, on en trouve aussi de moins en moins. C’est comme cela que j’ai appris l’expression “mijoter des petits plats” et que les chefs avec qui je travaillais me disait en me charriant, tu vois Yuki, si, plus tard, tu veux garder ton mari à la maison il “faudra savoir lui mijoter des petits plats”! Il paraît que c’est comme cela, m’a- t-on dit, que les femmes françaises réussissent à garder leur mari à la maison! Nous, les Japonaises, nous avons un autre truc beaucoup plus efficace pour s’assurer que notre mari dépende complètement de nous, chaque mois nous lui confisquons son salaire que nous gérons nous-mêmes ; mais par contre, nous sommes bien contentes quand le matin il part travailler et qu’on sait qu’il ne rentrera que très tard le soir, ainsi nous avons toute la journée tranquille et nous avons tout le temps devant nous pour aller déjeuner avec nos copines dans des restos français, de préférence !

Une des raisons pour laquelle la cuisine française a été obligée de se simplifier, c’est sans doute que vous n’avez plus assez de temps pour faire mijoter vos petits plats en raison des 35 heures auxquelles il a fallu vous adapter.

À part cela, je pense que ce qui est important dans la cuisine, c’est le choix et la qualité du produit. Maintenant grâce aux voyages et à la mondialisation on peut trouver des produits en provenance du monde entier, beaucoup qui seront intégrés à la cuisine française proviennent du Japon. Cependant, quand, nous autres Japonais, nous allons au restaurant en France, que croyez- vous, que nous voulons manger ? De la cuisine japonaise revue à la française comme cela m’est arrivé récemment à Paris quand je suis allée dîner rue Mazarine chez Agape Substence. Est-ce qu’un chef japonais renommé oserait plagier de cette manière la cuisine française? Ce que nous recherchons, c’est l’authenticité. Vous pensez nous flatter en faisant autant de compromis; pour nous séduire beaucoup d’entre vous sont allés beaucoup trop loin dans ce concept de cuisine fusion ; modérez votre fougue, vous Français, vous ne savez qu’être extrêmes, vous ne savez pas aimer avec modération! Respectez votre clientèle japonaise, c’est lui servir de la cuisine française authentique, bien entendu nous recherchons aussi la créativité et la modernité mais avant tout ce que nous voulons surtout c’est que vous nous étonniez avec le goût et les saveurs.

J’ai connu une autre expérience à Paris il y a quelques années, quand je suis allée dans le restaurant d’un grand hôtel parisien à l’enseigne d’un très grand chef ; à la carte un risotto de Koshi-

L’ASSIETTE “ SE CREUSE”

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hikari, c’est un riz japonais de qualité exceptionnelle et de très grande renommée en raison de son goût, de sa texture et de sa brillance, évidemment lorsqu’on le cuisine en risotto il perd toute ses propriétés. Ce n’est pas le risotto en soi qui était mau-vais mais la manière de cuisiner le Koshihikari et de ne pas avoir su respecter sa caractéristique originale : son goût, sa texture, sa brillance. Un tel riz se déguste, il doit se manger blanc et de pré-férence avec des baguettes! Le cuisiner en risotto c’était presque une insulte faite au Japon! Ma remarque c’est qu’il n’est pas opportun d’utiliser certains produits japonais n’importe com-ment et à mauvais escient, ça n’apporte rien de plus à la cuisine française. Restez davantage fidèles à vos racines, à vos traditions et à vos grands maîtres cuisiniers qui ont donné ses bases à la cuisine française.

Ce que nous Japonais, nous nous attendons à trouver dans nos assiettes quand nous allons au restaurant en France c’est vrai-ment la tradition du goût français, c’est pour cela que nous aimons la France. Rendez-vous compte que pour nous, péné-trer dans un grand restaurant français c’est toute une démarche, celle-ci prend un véritable caractère culturel, nous y mettons énormément d’émotion et nous nous y préparons mentalement à l’avance parfois pendant plusieurs jours pour nous mettre en condition. Anticiper cette sortie peut prendre des proportions énormes! En général, au quotidien, les Japonais, tous les jours, se nourrissent mais lorsqu’ils vont au restaurant, tout particu-lièrement au restaurant français, c’est pour déguster. On change complètement de registre, on n’est pas là pour manger afin de se nourrir, on est là pour déguster mais c’est aussi en plus pour nous immerger l’espace d’un moment qui doit être unique dans l’art de vivre à la française. Nous pensons aussi que le service de la table et le service des vins sont très importants.

Les Japonais ont besoin d’avoir des repères, pour nous il y a la cuisine bourgeoise héritière de la cuisine de cour qui a été codifiée au XIXème siècle par un très grand Maitre Cuisinier, Auguste Escoffier, et puis la cuisine régionale de France ex-trêmement riche et variée grâce à la richesse et à l’abondance exceptionnelles de votre terroir. J’aime par exemple aller dégus-ter un cassoulet chez Pachon à Daikanyama ou un boudin chez Christophe Paucod au Lugdunum à Kagurazaka parce que dans l’un et l’autre de ces deux établissements je peux retrouver la vraie ambiance d’une province française et le goût de la France, ce que l’on me sert me plaît parce que c’est authentique. Dans le registre des grandes tables je choisirais Le Château Robuchon à Ebisu, la cuisine du Chef Alain Verzeroli est une cuisine subtile et sensible qui honore l’esprit de finesse de la France, sa cuisine sait me faire rêver, je suis effectivement dans un endroit fée-

rique, transportée dans un conte comme si je me trouvais être en France l’hôte d’une grande famille aristocratique. Je pourrais aussi citer le 6ème Sens de Dominique Corby, ou encore Les Saisons à l’Imperial Hôtel où œuvre un très grand chef, Thierry Voisin, qui fait honneur à son métier et à la France.

Ce que nous, Japonais, attendons donc de vous, les chefs fran-çais, c’est que vous soyez de véritables ambassadeurs de la cui-sine française au Japon fidèles à vos fondamentaux. Le Guide Michelin au Japon nous agace, il ne respecte rien, pourquoi se mêle-t-il de juger la cuisine japonaise et sur quels critères? Où est sa légitimité dans ce domaine? Il bouscule nos traditions et nos règles ancestrales et sème le désordre. Au Japon il y a d’abord un respect viscéral pour les Maitres dont la légitimité ne se discute pas et surtout ne saurait être remise en question par le diktat d’un guide culinaire, étranger qui plus est, qui ne reconnaît ni nos traditions ni notre culture. Nul, dans notre pays, ne saurait prétendre prendre la place du maître de façon aussi catégorique. Cela se réalisera peut-être un jour à la suite d’un très long apprentissage aux côtés du Maître empreint de sou-mission et d’humilité ce qui n’a rien à voir avec une promotion expéditive ne reposant sur aucune racine légitime permettant ensuite de se nourrir et de croître en pouvant bénéficier de la reconnaissance et de l’appui du Maître. Grave erreur !

Au Japon le meilleur guide pour faire la réputation d’un restau-rant c’est la clientèle ; c’est elle qui par son assiduité et le bouche à oreille, plébiscite un Chef et fait, qu’un jour peut-être, il sera reconnu comme “un grand”.

En conclusion, chers cuisiniers français, pour nous plaire et pour nous séduire soyez avant tout vous-mêmes, restez authentiques comme la plupart d’entre vous, vous l’êtes naturellement. En général vous êtes bons et généreux ; chaleureuse et humaine, votre personnalité est importante, c’est à partir d’elle que nous nous faisons aussi notre image de la cuisine française et de la France, ce que nous voulons tout simplement retrouver dans votre cuisine et dans nos assiettes. La France a milité auprès de l’UNESCO pour obtenir que la cuisine française puisse être reconnue comme appartenant au patrimoine immatériel de l’hu-manité. Raison de plus pour ne pas faire n’importe quoi et rester fidèles aux règles de l’art de la cuisine française.

Yukiko OMORICommentatrice GastronomiqueConseillère CulinaireSpécialiste de l’histoire des pâtisseries régionales françaises.Auteurs de plusieurs livres de cuisine et de pâtisserie

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L’ÉTRANGER

Du besoin d’être ou de ne pas être Français lorsqu’on réside à l’étrangerD O S S I E R

Ça sent les élections ! Un signe ? On re-parle des Français, de ceux « de l’étran-ger ». Ils vont être flattés. Flattés à gauche, flattés à droite et aussi au milieu. Ils seront cajolés, et bien sûr, estimés, surtout sollicités, car, pour la première fois, ils vont pouvoir élire leurs propres députés. Onze députés tout neufs. Onze députés pour eux. Et il était bien temps d’enfin considérer ces deux millions de Français d’au-delà des frontières. Mais, au fait, ces Français, comment les ap-pelle-t-on ? Sont-ils « expatriés » ou sont-ils « natifs ». Sont-ils « détachés » ou sont-ils « envoyés ». Expatriés ? Na-tifs ? Détachés ? Envoyés ? Pour certains « Éloignés» ?. Dans le passé, hélas, par-fois même déportés ? Beaucoup se disent « expats » - « expatriés » -, faute d’un mot plus précis. Et c’est un mot récent, et un peu ambigu, car il désigne sur-tout ceux qui sont « déplacés » par leur propre employeur. « Avant », du temps de nos grands pères - et même arrière-grands-pères, pour certains d’entre nous -, on ne le citait pas, ce mot d’expatrié. Et, même, on l’ignorait. « Étranger», trop souvent, voulait dire « colonies ». Et donc nos grands ancêtres ne pou-vaient pas se voir comme des « expatriés »… puisqu’ils étaient « chez eux », ou du moins, le croyaient ! Et, ces fameux Français, sont-ils « de » l’étranger ou bien « à » l’étranger ? Aucune définition n’en n’est jamais donnée. Alors, solli-citons Monsieur de La Palice et disons, avec lui, qu’ils sont tous des Français… qui vivent à l’étranger ! Et puis n’en par-lons plus. Car au-delà des mots et de la sémantique, il y a des femmes et il y a des hommes qui décidèrent, un jour, de s’installer ailleurs. Ailleurs pour un temps ou ailleurs pour toujours. Et ils sont des Français qui vivent à l’étranger, c’est-à-dire hors de France. Qui sont-ils ? Qu’y font-ils et pourquoi y sont-ils ? « à » l’étranger ? Comme toujours, les raisons sont multiples. Beaucoup ont fait ce choix, sont partis par eux-mêmes, ou

bien ont demandé à changer un peu d’air. Certains y sont par force et d’autres par hasard. Certains, eux, n’avaient rien demandé et, pourtant, y sont nés. Ils y vivent toujours et y mourront peut-être sans avoir jamais vu le pays qui leur donna, un jour, leur nationalité. Certains voudraient partir, mais en sont empêchés ou bien ne savent pas où ils pourraient aller. D’autres voudraient bien rester mais se doivent d’obéir aux ordres hié-rarchiques. D’autres voudraient y reve-nir, après en être partis. Artistes et étu-diants, hommes d’affaires et professeurs, diplomates et cuisiniers, rabatteurs de boîtes et hôtesses de club, hommes du sabre ou bien du goupillon. Mais tous sont des Français qui tiennent à le rester. Pas seulement pour la forme ou certains « avantages », mais parce qu’au fond d’eux mêmes, ils se sentent Français. Et, partout où ils sont, quelle que soit leur fonction et qu’ils le veuillent ou non, ils représentent la France. Et comme tous les Français, ils ont leurs qualités, et aussi leurs défauts. Et ils ont leurs pas-sions, leurs tourments, leurs idées, leur « sensibilité ». Leurs options politiques. Ils sont tous sensibles à la chose poli-tique. Ils sont, comme tous les autres, de gauche, de droite ou du milieu. C’est ce qui les divise en période sensible. Mais ils sont réunis ou se doivent de l’être quand ils ont à défendre un intérêt com-mun, celui de leur pays. Ils forment, bien souvent, une autre petite France là où ils se retrouvent. Une France « recomposée » où ils reconstituent des histoires de clocher. Clochemerle aux antipodes, ça existe, bien sûr, et c’est bien naturel et sans doute même souhaitable. Car sans ces petites luttes, ces querelles in-testines et ces conflits larvés, la France, à l’étranger, ne serait pas la France ! Et puis, comme leurs cousins qui ne sont pas partis, ils ont le droit de vote, les Français de l’étranger. Et ils peuvent l’exercer, d’aucuns disent même qu’ils le doivent. Et ils votent à gauche et ils

votent à droite. Au milieu ou au centre. Et l’année 2012 sera très importante car, pour la première fois, les « expats », comme on persiste à dire, pourront avoir une voix, celle de leurs députés, leurs députés à eux. Car ils sont des Français, des Français comme les autres, sauf qu’ils sont éloignés. Et même sans béret ou baguette sous le bras, ils sont re-connaissables partout où ils se trouvent. Leur démarche, leur accent, leur façon de parler et de se comporter les font vite repérer, généralement en bien, parfois un peu en mal. Et j’étais l’un d’entre eux, il n’y a pas si longtemps, et je m’en sens encore. Et comme tous les Fran-çais, ils ont leurs qualités, beaucoup. Et aussi des défauts, un peu. Encore une fois, comme tous. Certains, admettons-le, peuvent être irritants, surtout quand ils s’exercent à vouloir, parfois, flétrir la mère patrie en mettant en exergue ses fai-blesses et ses failles. Et en oubliant vite ses nombreux avantages, et notamment sociaux, qu’ils aiment à retrouver quand un orage monte. Ils ont parfois tendance à regarder la France avec condescendance, parfois même, avouons-le, une certaine arrogance, tout fiers qu’ils sont deve-nus de connaître d’autres lieux, d’autres mœurs, d’autres façons de vivre et d’en faire l’étalage d’un air faussement bla-sé. Là n’est pas l’essentiel. Et ils sont comme ils sont. Qu’ils soient au bout du monde ou bien un peu plus proches, ils sont dépositaires des « valeurs » fran-çaises. Car ces « valeurs » existent, n’en déplaisent à certains. Elles ne sont pas de droite, elles ne sont pas de gauche, pas même du milieu, encore moins des extrêmes, les « valeurs de la France ». Ces valeurs de la France que deux mille ans d’Histoire ont forgé à jamais et dont les plus connues se retrouvent incrustées aux frontons des mairies.

Claude Chavanne

Les Français de l’étranger

« De » l’étranger ou « à » l’étranger« Du » Japon ou « au » Japon, des Français…

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37LE BULLETIN DE L’AFJ

C’est un Français qui me dit « ça ». À moi, qui ai vingt ans. Il y a qua-

rante ans. Un de ces bons Français qui vivent au Japon, mais un de ces Fran-çais qui n’y vivent qu’entre eux, qui n’en parlent pas la langue, qui vivent de préju-gés et ne s’efforcent pas de comprendre quoi que ce soit de ce si beau pays qui les accueille pourtant. Et j’ai entendu dire qu’il en existe encore !

Alors, oui, ce jour-là, sans doute « à cause de ça » ou plutôt, « grâce à ça », je deviens Japonaise.Par l’esprit tout d’abord, et puis, bien vite, par l’âme et puis, très vite aussi, par mon corps que je refuse aux « miens », pour mieux l’offrir aux « autres », ceux qui mangent par terre, comme disait un des « miens ». Et j’épouse un des « autres », pour aller jusqu’au bout de mes pensées profondes. Et je coupe les ponts avec la mère patrie. Et je brûle mes navires. Et j’oublie le français, la langue de Molière pour ne plus m’exprimer que dans celle de Kuwabata ou de Murakami.

C’était il y a longtemps. J’étais jeune, j’étais belle, certains flatteurs disent même que j’en ai quelques restes… C’est pour l’aïkido que j’y étais venue dans ce pays lointain. Ce pays d’un « grand maître », qui, passant par Paris, m’avait donné l’envie d’en savoir beaucoup plus sur cet art sacré encore plus que martial. Alors, je suis partie vers cet Extrême Orient dont on me parlait tant. Avec un peu d’argent, tout au fond de ma poche. Vraiment très peu d’argent. Toutes mes économies. Et puis, par-dessus-tout, l’adresse d’une amie, d’une amie d’une amie. Et je suis arrivée. Et comme bien entendu, l’amie de mon amie m’annonça, désolée, qu’elle ne pourrait rien faire pour mon hébergement. Alors, j’ai pleuré, la tête entre mes mains, assise sur ma valise, devant l’aérogare, qui n’était pas encore celle de Narita. Je regrettais déjà d’avoir fait le voyage et voulais repartir…et tout a basculé. Un jeune Japonais s’est approché de moi. Lui aussi, il venait d’arriver, mais lui, rentrait

chez lui. Et sa mère et sa sœur étaient venues l’attendre. Ils comprennent tout de suite. Saisis de com-passion - il paraît que c’est rare chez « ces autres » disent certains des « miens » - ils me proposent leur aide et m’indiquent une auberge, pas trop loin, pas trop chère. Et puis, se ravisant, ils m’emmènent chez eux, et m’offrent le coucher. Et pendant plusieurs mois, je vais rester chez eux. On se pousse un peu plus, dans cette pe-tite maison, une maison de poupée dans laquelle la maman tient une librairie. La fille me donne sa chambre, on me sert chaque matin le petit déjeuner. Je fais par-tie des leurs. Je deviens Japonaise.

Vous devinez la suite. Je décide de rester. Je visite le Japon, en « stop », s’il vous plaît ! J’apprends le japonais. J’épouse un Japonais et aussi ses coutumes ! J’en oublie mon pays, sa langue, ses habitudes pour encore mieux me fondre dans ma nouvelle famille. J’accouche de cinq en-fants. Mon mari est leur père, du moins je m’en persuade car je le vois rarement. Il rentre tard le soir, l’estomac plein d’alco-ol, me délaisse peu à peu et je comprends

bien vite que mon pain noir approche. Et au bout de vingt ans, je repars « au pays ». On ne m’y attend plus. Je m’y sens « étrangère ». J’ai du mal à com-prendre ses mœurs oubliées. Et puis, le temps aidant, je m’y réhabitue et je pense au passé. « Non, non, je ne regrette rien » et vraiment rien de rien.Une petite chose quand même, celle d’avoir trop voulu changer d’identité, me fondre dans un monde pour mieux oublier l’autre. Mais, comme « le natu-rel qui revient au galop », le passé lui aussi, surtout lui, revient vite, et il nous fait comprendre que nous ne pouvons pas renier nos propres origines. Il faut s’ouvrir aux autres, les apprendre, les comprendre, pour mieux être accepté et pour mieux accepter, aussi pour s’inté-grer. Mais sans jamais renier nos attaches initiales, car, quand rien ne va plus, ce sont elles qu’on retrouve.

Les années ont passé et je suis, de nou-veau, au pays Yamato. J’y ai tout retrou-vé, y compris mon mari, lui aussi aguerri par tant d’années troublées. Ma deuxième vie commence, enrichie d’un passé que je veux expérience. Française ou Japonaise ? Cette fois, c’est décidé, je veux être les deux. Car je tiens à mon lien, mon lien avec la France. Et donc avec moi-même. Ma deuxième vie se lève, et de nouveau ici, au Japon, à l’Est, comme le soleil. Je veux y être heureuse. J’ai compris com-ment l’être, et, donc, je vais l’être. Avec l’aide de tous.

Joelle Ezoe

Comment peux-tu épouser un Japonais ?

En plus, ils mangent par terre !Ou la confession sans fard d’une Française atypique

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FRANÇAISÀ

L’ÉTRANGER

Du besoin d’être ou de ne pas être Français lorsqu’on réside à l’étrangerD O S S I E R

Tu es loin... alors j’essaye d’imaginer... pas facile d’imaginer malgré les photos... les mails... Skype... Pour toi c’est facile. Toutes les images de la France que tu as quittée sont là... Moi je transpose ; je mets bout à bout les choses et je me fais un film dans lequel tu es le héros... et le film est beau et je t’imagine en train de découvrir chaque jour ce pays dont tu parles avec tant de passion... mais mon film est un peu muet... tu me diras c’est à la mode!Mais n’est pas Jean Dujardin qui veut... car ce que j’imagine le moins ce sont les bruits, les sons d’une civilisation autre, le son des conversations au bureau, les sons dans la rue, les musiques s’il y en a dans les magasins... Ici tu as laissé tous les sons qui rythmaient ta vie en France et je suis sûre que certains te ramèneraient d’un coup ici. Tiens, ferme les yeux... t’entends, on te prépare un café sur le zinc et tu l’entends ce bruit sourd du filtre que l’on tape sur le bois…Raconte-moi les sons qui te surprennent le plus... raconte-moi ceux que je n’entendrai jamais ici.Tu ne pourras jamais m’envoyer non plus les odeurs... Elles n’auraient aucun écho à mes sou-venirs olfactifs pour peu qu’elles soient très différentes ; tu sais il y a des odeurs même les yeux fermés tu les retrouves... l’odeur du métro... l’odeur des croissants et du pain chaud rien qu’en passant devant la grille du boulanger le matin...Parfois j’ai l’impression que tout est si différent entre nos deux mondes... que tu en viendrais dans cette immersion à ne plus être pareil. Enfin ce qui me rassure c’est que tu m’écris encore «ma chérie»... ça ne s’oublie pas tout de suite. Mais parfois je crains aussi que la prégnance de cette civilisation te donne l’impression que j’habite maintenant le pays du soleil couchant... Mais

Philippine de Cathazar vit en vallée d’Aspe dans les Pyré-nées Atlantiques.Là se trouvent ses racines.Antiquaire-Écrivaine, la cinquantaine, elle sillonne Béarn et Pays Basque pour son activité d’antiquaire et de retour dans sa vallée se consacre à l’écriture.Elle vit l’expatriation de son ami comme un nouveau chal-lenge, consciente de la difficulté à maintenir les liens, re-doutant parfois que leur histoire tourne au « roman », mais pleine d’espoir aussi de concrétiser ses rêves dans la découverte de ce Japon étonnant et mystérieux.

Chers lecteurs,

Je connais votre revue, je voulais juste apporter mon témoignage.

J’ai toujours aimé écrire, j’ai aussi toujours aimé les voyages.

Mais il est un voyage que je ne connaissais pas jusqu’alors : le voyage du cœur et avec lui ses interrogations.

Quand cette mission s’est présentée pour mon ami, bouleversant le rythme de notre vie, je l’ai encouragé à partir. Nous avions décidé de correspondre ; je serai en quelque sorte sa «marraine «de voyage. Les mots, les lettres deviendraient le vecteur de nos vécus respectifs...Vous savez la lettre que l’on relit, dont on s’imprègne ; la lettre qui ne se perd pas et qui laisse une place à l’imagination d’après.

Ma lettre est un témoignage d’un vécu de séparation comme il en existe peut-être d’autres.

Comme il est des voyages et de leur magie à tester ses propres capa-cités d’adaptation, il est aussi le voyage des sentiments et du cœur ou là encore ces mêmes capacités sont mises à l’épreuve et pour ne pas perdre contact il faut faire preuve de confiance, de persévérance et d’adaptation.

Dans ma valise qui ne prendra jamais l’avion, il y a toutes mes pensées...

C’est ce que je vis et sans doute d’autres, que les circonstances de vie ont séparés ; départ raisonné dû au tsunami qui sépare les familles, départ professionnel où l’autre ne peut pas forcément suivre, avec toujours en toile de fond l’espoir de se revoir à l’occa-sion et dès que l’on peut.

Je vous prête donc cette lettre témoin de mes interrogations.

Ma sensibilité est celle de l’estampe : tout près on ne voit rien, il faut se reculer, pour imaginer une femme qui aime un homme depuis une vallée Pyrénéenne, la vallée des ours, la vallée d’Aspe où les gens sont forts, persévérants, généreux. Le caractère montagnard où un pas de plus est toujours un pas de plus vers le sommet.À un ami « expat ».

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tu sais ici le soleil se lève aussi et c’est beau.Dans mes moments de spleen, je redoute, pour ne pas partager cette expérience, que tu m’aimes moins, comme si d’un coup j’étais appauvrie de cet enrichissement qui est le tien. Mais tu sais je lis aussi plein de choses sur le Japon et je vais régulièrement à mes cours d’Ikebana.Alors, n’oublie pas de tout me raconter, même les choses que je ne peux imaginer... et, les plus petits détails surtout ceux qui te surprennent, me feront mieux comprendre ta vie, me feront mieux comprendre aussi cette civilisation et puisses-tu choisir les mots les plus justes pour ali-menter mon imagination.J’écoute souvent NHK... c’est ma manière à moi d’être au Japon avec toi, les actualités du pays me rapprochent de vos joies et soucis quotidiens... Tu vois là j’entends que vous avez par endroit 3m de neige... Ici ce n’est donc rien à côté! As-tu commencé à rêver en japonais... Ce serait normal et drôle à la fois... Et puis d’ailleurs toi qui commences à apprendre cette langue... ce serait bon signe;Une chose aussi m’interpelle... nous vivons en rythmes inversés, tu sais quand tu te réveilles je pars dormir... Quelle fantaisie... ce rythme décalé de tous les jours qui rend plus cruelle ton absence...Les week-ends aussi... ils sont longs tu sais. T’es-tu inscrit comme tu en avais l’intention à cer-taines activités proposées par l’AFJ ? Raconte-moi.Moi c’est drôle j’ai envie d’apprendre le japonais... ne serait-ce que pour me débrouiller du minimum quand je viendrai te voir. J’ai hâte de découvrir de mes propres yeux.Ici aussi, comme pour toi, tu sais, le quotidien bouge. Nous sommes en pleine campagne élec-torale… on est noyé... preuve que le moment est important. À la télé les chaînes quelles qu’elles soient se disputent les chroniques politiques. Je n’arrête pas de recevoir des mails sur le sujet, de tous genres... Si je te les envoyais tous, ta boîte exploserait. Parfois je me demande si tu n’es pas un peu déconnecté de l’importance de cet évènement, alors qu’ils n’arrêtent pas de répéter que l’abstention au premier tour pèsera lourd.De leur côté les politiques ne parlent pas beaucoup des votes des Français de l’étranger, alors que la chasse aux voix est pourtant ouverte depuis un long moment... bizarre… c’est à n’y rien comprendre.

Tu sais au moment où tout le monde parle tant de la mise en valeur du savoir français et des enjeux de l’exportation de nos produits, j’espère que toi et tes collègues français faites tout pour redorer notre blason qui en a bien besoin et faites du mieux pour préparer les stratégies commerciales de demain.Pas facile peut-être non plus de se fondre au mieux pour ne pas faire tache, tout en continuant à porter nos couleurs pour des choses importantes et pas seulement la gastronomie. Et, je crois plus que jamais que cette mission est importante.As-tu toujours envie d’inviter tes amis japonais en France cet été? Ce serait bien.Tu sais je me suis fait une nouvelle amie japonaise, Miho. Elle est originaire de Nagano. Elle dit qu’ici il y a des similitudes dans les paysages et aussi dans les mentalités...et elle se sent bien ici.J’admire son courage et à quel point elle a réussi ici son intégration. Pour autant sur le marché du jeudi elle prépare avec les ingrédients locaux quelques spécialités japonaises. Et quelles que soient ses ventes, même pas extraordinaires, elle a toujours le sourire, le punch.Essaye d’en faire autant. C’est une leçon à prendre.C’est surement grâce à ce caractère proche de celui des montagnards, qu’elle a réussi au mo-ment du Tokohu à lever 3000 € dans la vallée en une soirée pour les enfants d’un petit village proche de Fukushima.Higashimatsushima city... Il a fallu qu’elle me l’écrive... pas facile non plus de le dire. J’ai du le répéter 3 fois. Elle est préoccupée pour les enfants là-bas et les conséquences de ce drame absolu.Voilà ce soir pour toi, cet après-midi pour moi… c’est ça l’autre bout du monde… mais rien que ce mot… je rêve... l’autre bout du monde... Je sais qu’un jour tu me feras découvrir les estampes d’Hokusai... ce sera mon sommet à moi.

Je t’embrasse

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FRANÇAISÀ

L’ÉTRANGER

Du besoin d’être ou de ne pas être Français lorsqu’on réside à l’étrangerD O S S I E R

Encore une fois, le mot était sorti, sournois, incontrôlable comme un

reflexe alors qu’un malotru suintant venait de me bousculer de plein fouet et en silence dans les escaliers grouillants de Shibuya. Comme si le verbe venait dénoncer le masque au teint délicat et aux yeux bridés que j’avais mis tant de mal à enfiler ce matin. J’entends déjà les interrogations de certains ; Un masque ? Quelle idée sau-grenue pour quelqu’un qui revendique ouvertement et fièrement sa dualité cultu-relle comme marque d’originalité ! Certes, et à l’instant même où je recon-nais ma supercherie, il me semble que le fragile édifice sur lequel j’avais bâti ma prétendue parfaite osmose biculturelle, s’effondre. Mais chaque jour, le miroir de ma salle de bains n’avait jamais cessé de dénoncer ma volonté de paraître comme tous ces gens croisés dans la rue, de me fondre anony-mement dans la foule tokyoïte. Pour qui-conque il n’était pas possible de ne pas soupçonner des origines franco-gauloises

à la vue de mon visage. N’aurais-je pour les japonais de commun avec eux que la couleur de mes cheveux ? Pas même pour les puritains. Trop fins, trop souples. Je ne vais pas lister l’intégralité des dé-tails anatomiques qui auraient motivé le rejet de ma candidature à la légitimation de ma parenté avec Murasaki Shikibu, mais ce rejet m’était d’autant plus into-lérable que du côté de la parole j’avais réussi à en tromper plus d’un ; la flui-dité de mon langage, plus châtié sans doute en japonais qu’en français car il me fallait faire mes preuves, avait forcé mes pairs à admettre qu’il y avait assu-rément quelques gouttes de sang nippon dans mes veines. Des efforts et, ce que croyais être à l’époque des sacrifices

innombrables, pour me hisser à la hauteur de mes condisciples ; ne pas être la cible des regards condescendants qui m’au-raient charitablement pardonné toutes les fautes grammaticales que j’aurais pu faire pour la simple raison que je n’étais pas 100% pur sang. Toute la hargne que j’avais exprimée et cette reconnaissance admirative de mon bréviaire m’avait per-mis de me croire, comme un poisson dans l’eau, incognito sur ces terres insulaires.

Ce masque dont je vous ai tant parlé c’était donc celui du verbe ; j’essayais tant bien que mal de m’effacer derrière ma propre voix, seule preuve tangible de mon appartenance à ce sol. Je l’avais défi-nitivement adopté depuis ma décision de vivre au Japon sur le long terme et dont j’avais éprouvé la nécessité augüe lors de chaque séjour de mon enfance, pour me défendre des sobriquets moqueurs et envieux du voisinage. Le déguisement était si réussi qu’habi-tude et mimétisme aidant, j’en étais arri-vée à être aussi désagréablement muette lorsqu’il était question de s’engouffrer

le matin dans une rame plus que bondée sans attendre le prochain train, que mes compatriotes. Surtout ne vous méprenez pas. Je ne suis pas en train de dresser un portrait aux antipodes de l’image généralement véhi-culée d’un peuple japonais grossier et désagréable, ni de glorifier la regrettée politesse ou le savoir-vivre à la française ! Mon discours égoïstement tourné autour de la quête d’un cogito plus que jamais tiraillé entre le doux crissement de la croûte dorée d’une baguette et les eni-vrantes vapeurs d’un saké juste pressé n’a pour seul enjeu que de pointer du doigt tous les écarts de conduite qui auraient pu bafouer ma « japonité ». Pourquoi dans ce sens et pas dans l’autre ? Pourquoi ne pas chercher les signes de gauloise-rie dans mes traits ou mes intonations ? Tout simplement parce que je ne crois pas avoir besoin de m’assurer quant à ma part d’identité française. Née en France, d’un père français aux ancêtres français depuis des siècles, élevée à l’école et l’université française ; que demander de plus pour clamer haut et fort « Marianne et fière de l’être » ? Il me semble que c’était acquis et je m’ennuyais de cette limpidité.

Etre Marianne ne me m’a pas suffit. Ma-rianne et Nadeshiko ; ne suis-je pas une des rares qui osa tremper sa madeleine dans ton thé, ou coiffer le bonnet phrygien parée d’un kimono de soie ? Comment se résigner à abandonner cette exception-nelle richesse dont j’avais héritée en choi-sissant « mon camp » ?

Il me fallut de longs mois d’exil ici, me frotter quotidiennement à la matière nip-pone pour comprendre que toute mon atti-tude n’avait été qu’un affront. Une offen-sive contre les détracteurs du hors-norme, les fanatiques du pedigree qui m’avaient donné l’impression que je devais me cou-ler dans leur moule au risque de perdre les pâles vestiges de mes racines nippones. J’avais abandonné la France qui m’avait éduquée, car je la croyais acquise à ja-

2 Pays, 1 Femme, 3 Possibilités où j’ai deux Amours…

« Et Pardon c’est pour les chiens ? P***** »

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mais comme une amoureuse éperdue qui attend son indigne bien-aimé ; et j’avais voulu convoler avec ce Japon, miroitant, à l’éclat qui me paraissait plus scintillant vu des toits haussmanniens.

Le Japon ne s’est pas avéré un miroir aux alouettes. Toutefois, la fougueuse pas-sion des premières étreintes a fait place à la maturité d’une tendre affection. Et à l’inverse, ce sentiment ingrat dont j’avais été coupable à l’encontre de la France, cet indéfinissable embarras que j’avais éprouvé car je me sentais trop imbibée de ma culture occidentale – j’avais long-temps fuit les cercles francophones de peur qu’ils ne me corrompent d’avan-tage – ne me tourmente plus. J’ai dépassé cette pénible épreuve où l’on cherche désespérément à choisir entre l’officiel et l’amant. Le triangle était la seule issue à mon dilemme cornélien où, chance ex-ceptionnelle, j’étais finalement la seule à avoir mon mot à dire parmi les trois par-ties. Tantôt plus l’un, tantôt plus l’autre je laisse voleter mon cœur à sa guise entre ses deux amours.

À cette heure, les reflets gouleyants du Pi-not noir accompagnant quelques tranches généreuses d’un Brie aux truffes me trans-portent dans des frissons plus intenses sans doute que les lèvres pulpeuses d’un oursin débordant de son coussin nacré de riz cerclé de noir.

Je porte à présent ce regard apaisé d’amour et de reconnaissance vers le Vieux Conti-nent, qui m’offrit les ressources d’être ce que je suis.

J’ai deux amoursMon pays et TokyoPar eux toujoursMon cœur est raviMa savane est belleMais à quoi bon le nierCe qui m’ensorcelleC’est Tokyo, Tokyo tout entierLe voir un jourC’est mon rêve joliJ’ai deux amoursMon pays et Tokyo

Emina Tonnelier

Quelques années plus tard, j’étais « le Japonais », comme disaient les Français, aussi les Japonais. Et c’est d’abord en France que, paradoxale-ment, je me suis immergé dans la culture nippone, à travers son histoire, ses livres, son cinéma mais surtout sa langue. Cette langue si difficile que j’avais décidé de parler couramment. Peu d’effort, après tout, car je me com-plaisais dans ce moule nouveau dont j’épousais la forme. Empathie, atten-tion à l’égard des autres, tous ces petits détails étaient mon quotidien. Mon séjour d’échange à l’université Chuo et la maîtrise progressive de la langue ont permis mon immersion totale. Je me souviens des cours en japonais dans des salles immenses où j’étais toujours le seul « gaijin ». Tout comme pendant les séjours organisés en groupe de travail, les fameux « gasshuku », ou encore mon « baito » dans un res-taurant local que m’avait présenté un ami japonais à moitié par plaisanterie. A vrai dire, j’évitais les autres étran-gers, aussi les Japonais qui parlaient bien l’anglais. Je n’avais qu’un seul but : l’immersion culturelle, totale et sans réserve. Tellement totale, que quelques années plus tard, je convolais en juste noce avec une Japonaise !... et ma vie bascula. Mon « quotidien » devint celui d’un Japonais, d’un vrai « salaryman ». Une entreprise française, certes, mais ou j’étais le seul à en avoir la nationalité. Tous mes collègues, tous nos partenaires, tous nos clients étaient des Japonais. Je devais assurer, avec la clientèle, un service exigeant et je dus m’habituer à ne jamais dire non, à manier avec nuance les subtili-tés des niveaux de politesse où il faut s’abaisser et élever l’autre. Comme tout bon « eigyoman » j’usais mon temps dans les « izakaya » à servir et à boire « nihonshu » et « shochu » à nos nombreux clients. Il en fallait bien moins pour qu’ils me considèrent comme pleinement des leurs. Certains disaient, parfois, que je portais un masque. Sans doute était-ce vrai. Et le propre d’un masque étant de camou-fler, quand je le retirais je réapparais-sais tel que j’étais avant. Je retrouvais

mon identité, mes racines et j’en res-sentais un grand vide. Je devais expli-quer, justifier même, mon apparence « gaijin » à tous ceux qui pensaient que j’étais un des leurs quand je les rencontrais pour la première fois. Dans ce contexte, j’ai ressenti le besoin de retrouver mes racines. Je me suis rap-proché de la communauté française que j’avais, un temps, délaissée. J’ai redé-couvert la culture française. Je me suis replongé dans nos « auteurs », j’ai relu Boris Vian, mais aussi, André Gide. Je me suis réintéressé à notre patrimoine. Mais c’est en échangeant avec d’autres expatriés vivant les mêmes questions que j’ai pu retrouver mes marques. Au terme de ces « tiraillements culturels » je crois pouvoir dire que l’expatriation n’apporte pas seulement une nouvelle culture mais elle permet d’en créer une nouvelle. Elle permet une fusion entre France et Japon dont les valeurs se rejoignent souvent. C’est cette « fusion culturelle » « franco-japonaise » que je souhaite transmettre à mon futur enfant.

Clément Groisne

Il arrivera en juin.Après un master de commerce interna-tional, une licence de japonais, et l’ob-tention du JLPT 1, Clément Groisne a été « VIE » chez Unic, leader fran-çais de machines espresso profession-nelles. Il en est, aujourd’hui, le Re-présentant au Japon. Clément est aussi pianiste et pratique le « footing ».

Choc des cultures ou fusion ?Confession d’un jeune « immergé »

Jusqu’ à mes vingt ans, je n’étais qu’un Français.

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FRANÇAISÀ

L’ÉTRANGER

Du besoin d’être ou de ne pas être Français lorsqu’on réside à l’étrangerD O S S I E R

Créateur de la formation musicale « Ensemble Muro-machi » et installé à Tokyo depuis 1995, le musicien

français Laurent Teycheney possède une relation parti-culière et forte avec le Japon, son pays d’accueil, mais aussi avec la France. Portrait d’un homme passionné désirant marier les cultures occidentales et orientales.

Laurent Teycheney est venu au Japon en 1995 à la fois pour des raisons familiales et à l’occasion d’une oppor-tunité d’emploi dans le secteur musical. « Le Japon m’intéressait depuis beaucoup d’années, et je ressentais déjà une attirance culturelle pour ce pays, notamment pour le cinéma, la littérature, et tardivement la musique ». Il a ainsi décidé, à 40 ans, de changer de vie et de venir vivre sur l’archipel. « C’était à la fois un grand challenge mais aussi extrême-ment naturel », explique-t-il. Ne parlant pas le japonais, il a beaucoup appris seul car il dit avoir « horreur des écoles ».

Laurent Teycheney avoue avoir quitté la France car il était « fatigué » de la vie en France, à divers niveaux, notamment par le contexte social et le rapport au travail dans l’hexagone. « La France m’est évidemment proche car c’est mon pays, mais ma relation avec le Japon est très forte et je ne saurais vraiment l’expliquer. C’est étrange car j’ai compris très tôt que je resterai long-temps au Japon, alors que les contrats de travail étaient annuels. », raconte-t-il. Le musicien s’est ainsi tout de suite senti bien au Japon, « pays facile à vivre à beau-coup de niveaux ».

Une relation affective avec les deux paysAprès être rentré en France pour la première fois en 1996 afin de voir sa famille, Laurent Teycheney est retourné dans l’archipel. « J’ai revu ma famille la première fois que je suis rentré en France et puis, curieusement, lors de mon retour à Narita, j’ai eu tout à coup le sentiment très fort de revenir chez moi. C’était un véritable choc émotionnel », relate-t-il. Depuis, quand il rentre dans l’Hexagone, le musicien a toujours le sentiment de revenir dans son pays natal, avec de nombreux liens affectifs et culturels, mais ne se sent pas chez lui. Toute-fois cela n’est pas, selon lui, un rejet de la France avec laquelle son affection n’a pas changée. « Je me sens d’autant plus Français que je suis au Japon. Sachant très bien que je n’arriverai jamais à devenir Japonais, ce qui n’est de toute façon pas un souhait, je mesure à quel point le mariage de l’Occident et de l’Orient est important, et que la rencontre des deux est l’avenir, même si ce n’est pas évident », explique-t-il. Amoureux du Japon, claveciniste de formation, com-positeur et pédagogue, Laurent Teycheney est à l’origine d’une initiative unique en son genre : l’Ensemble Muromachi. Créée en 2007, cette formation musicale réunit aujourd’hui plus d’une cinquantaine de membres et a pour but d’allier instrumentalistes traditionnels japonais et baroques européens, afin d’en faire une ouverture sur le monde.

Quentin Weinsanto

LAURENT TEYCHENEY

Se sentir chez soi au Japon, tout en gardant un lien avec la France

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43LE BULLETIN DE L’AFJ

Installé depuis maintenant environ 4 ans au Japon, Yoann Rocheteau vit simplement, amoureusement et humainement sa rela-tion à son métier et à son pays d’accueil. Cela ne l’amène toutefois pas à couper les ponts avec ses origines.

Arrivé au Japon en octobre 2008 avec sa petite amie japonaise rencontrée au Japon en 2007, lors d’un voyage avec des amis,

devenue depuis son épouse, Yoann Rocheteau est aujourd’hui ins-tallé à Tokyo. À la fin de ses études d’ostéopathie, le choix s’est posé entre la France et le Japon. Sa femme parlant couramment français, il voulait vivre une nouvelle expérience et pensait déjà à vivre ailleurs qu’en France depuis bien longtemps. Les débouchés post-études étant quasiment nuls en France, et devant quitter sa famille pour réussir, il s’est naturellement dit « que quitte à s’éloigner pour réussir, autant partir à l’étranger ».

Un démarrage simple, rapide et des contacts internationaux :Le métier et le diplôme n’ont pas de reconnaissance officielle au Japon, ce qui permet de démar-rer facilement son activité en ayant l’apport financier nécessaire. Après son arrivée en octobre 2010, il a ensuite ouvert son cabinet en avril 2011. « Mes patients sont constitués à 90% de Fran-çais, 2% de Japonais, le reste provenant d’autres pays à l’international, pour la majeure partie francophones ou anglophones ». La constitution de son réseau s’est faite essentiellement par les associations françaises, sites Internet (Tokyo Petites Annonces…). « Le bouche à oreille reste aujourd’hui ma source essentielle de publicité, qui, contrairement à ce qui se fait en France, est autorisée », explique-t-il. Le rapport aux patients est lui aussi radicalement différent : « il m’est aussi possible de prendre mon temps, ce qui peut sembler paradoxal, surtout ici. Mais cela pro-cure une écoute et un décalage appréciés de chacun. Je demande souvent à mes patients s’ils ont quelque chose de prévu, s’ils ont le temps, et ils aiment échanger, discuter.»

Une expérience enrichissante, redécouvrant ses origines en s’en éloignant :« J’en ai appris d’avantage sur mon pays d’origine, tant positivement que négativement, et j’ai profondément changé mon regard sur lui parce que je l’ai quitté ». Son rapport personnel à la France ayant son intégration au Japon s’est faite en deux temps : « j’ai d’abord voulu m’intégrer à la communauté japonaise mais je suis vite rendu compte de la difficulté, et je me suis orienté d’avan-tage vers la communauté française dernièrement ». Il vit son métier à l’échelle d’un village, « comme un médecin de campagne », et privilégie la relation thérapeute-patient. « À l’avenir, je souhaite rester et m’installer sur le très long terme pour m’intégrer aux deux communautés, française et japonaise ». N’étant pas du tout dans l’optique à titre personnel d’un séjour court comme il peut l’observer parfois avec le « turn-over » au sein des communautés, il « souhaite et apprécie de pouvoir faire découvrir sa pratique durant ces courts suivis autant que sur le très long terme ». Yoann Rocheteau veut faire connaître sa spécialité à une grande partie de ses patients éloignés de la France et de l’évolution de cette nouveauté qui s’est développé dernièrement hors des frontières du Japon. « Je pense qu’il reste encore beaucoup à faire pour faire découvrir l’ostéopathie et je prends un réel plaisir à développer mon activité à l’étranger ».

Textes rédigés par Quentin Weinsanto

« Médecin de campagne » à Tokyo

YOANN ROCHETEAU

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44 LE BULLETIN DE L’AFJ

FRANÇAISÀ

L’ÉTRANGER

Du besoin d’être ou de ne pas être Français lorsqu’on réside à l’étrangerD O S S I E R

Un ami canadien, de retour au pays d’un poste à Singapour, me disait, malicieux, que s’il pouvait choisir sa réincar-

nation, il désirerait « revenir » en tant que « femme d’expat » ! Tout un programme et qui en dit bien long sur la vie plus que dure que persistent à avoir certains de nos clichés. Il est vrai qu’à l’époque, disons après la guerre, devenir un « expat » ouvrait souvent la voie à une vie différente, risquée mais pas-sionnante, troublée mais captivante, très souvent gratifiante! Le temps n’est pas loin, où, à titre d’exemple, un cadre parisien refusait d’accepter une fonction en province « au motif » que sa mère, un peu vieille et malade, avait besoin de lui, à côté de chez elle, mais, paradoxalement, trouvait très rapidement une bonne solution si ladite fonction l’envoyait à Sydney ou aux îles Seychelles ! Alors, vie de château, ou bien bagne ? Sauf pour les pensionnaires de la lointaine Cayenne, il y a près d’un siècle, sûrement ni l’un ni l’autre ! Car, même s’il fut un temps où « expat » voulait dire assurance d’une « grande vie », les temps ont bien changé. L’époque est maintenant loin où salaires volup-tueux et grasses indemnités, faisaient d’un salarié de la grande banlieue un potentat local ou un mamamouchi. Les communi-cations, et surtout, internet, ont totalement changé la vraie vie des expats et réduit à néant l’éternelle ritournelle des grosses « compensations » et autres « incitations » destinées à couvrir, tout au moins en principe, le fameux « éloignement » qu’on recherchait pourtant. Et, nonobstant, maintenant, la différence horaire, pour ceux qui sont très loin, la vie professionnelle d’un expat salarié n’est plus très éloignée de celle d’un « non-expat ». Elle est même plus dure, car bien peu de pays connaissent « les 35 heures » ! Mais il n’y a pas qu’eux, les expats sala-riés, envoyés à grands frais, par leurs entreprises, normalement

assurés de retrouver un « poste » à leur retour en France. Il y a les « vrais » expats. Ceux qui ont décidé de changer de pays, pour un temps, pour toujours. Pour vivre une autre vie, une vie différente ou bien fuir un passé devenu douloureux. Parfois par goût du risque, un besoin d’aventure, ou bien, plus simplement, pour y faire autre chose. Beaucoup ont entrepris. Certains ont réussi. D’aucuns étaient venus pour « juste quelque temps » mais sont restés longtemps. D’autres avaient décidé d’y refaire leur vie jusqu'à ce que mort s’ensuive. Mais ils sont repartis plus vite qu’espéré devant l’adversité, celle de la culture ou de l’économie. Car ne s’expatrie pas qui veut. Si quitter son pays n’est pas si dramatique, n’y jamais revenir est une épreuve tra-gique. Certains ont eu l’audace de franchir l’obstacle. Certains autres, par contre, n’en avaient pas le choix, contraints d’aller, au loin, pour y trouver, peut-être, ce qu’ils ne trouvaient plus dans leur propre pays. Pas seulement un emploi, mais très sou-vent aussi, un autre style de vie. Pas forcément meilleur, juste un peu différent de ce qu’ils connaissaient et qui les ennuyait. La conviction, parfois, de pouvoir faire « là-bas », ce qu’ils ne pouvaient plus entreprendre chez eux. Alors, des courageux ou des désespérés ? Des résignés ou bien des têtes brûlées ? Des audacieux ou des aventuriers ? Des êtres hors du commun ou des gens comme les autres ? Un peu de tout sans doute, mais, sans doute bien plus près des gens comme les autres. Comme les autres Français.

Claude Chavanne

La vie d’expat, bagne ou vie de château ?

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46 LE BULLETIN DE L’AFJ

ENQUÊTE

Le nombre de nos compatriotes inscrits dans les consulats a augmenté de près de 50% ces dix dernières années, soit un

taux de progression annuel proche de 4%. En 2010, la popu-lation française établie à l’étranger s’est accrue de plus de 34 000 inscrits. Selon les régions du monde, cette évolution n’est cependant pas uniforme.

Les régions où la population expatriée est en pleine expansionL’Asie-Océanie, le Proche et Moyen-Orient ainsi que l’Europe de l’Est ont enregistré un taux de croissance annuel moyen supé-rieur à 5% ces dix dernières années.

•Proche et Moyen Orient : + 5,1 %C’est la zone où la population française a connu la plus forte expansion en 2010, du fait de la croissance des communautés de Jérusalem (+ 10,5%), des Emirats Arabes Unis (+ 11, 3 %), d’Arabie Saoudite (+ 12,8%). En Israël, premier pays par le nombre d’inscrits au registre (près de 45% de la population de la zone avec 59018 inscrits), l’accroissement est plus modéré (1,9%).

•Asie-Océanie : + 4,8%Cette région a enregistré en 2010 près de 5000 inscrits supplé-mentaires. Elle dépasse désormais les 100 000 inscrits au re-gistre. Alors que la majorité des pays qui la compo-sent connaît un accroissement significatif, comme la Chine (+ 9%, soit 27 207 inscrits), Singapour (+ 10,8%, soit 7 706 inscrits) et la Thaïlande (+4%, soit 9 261 inscrits), le nombre d’inscrits dimi-nue dans quelques pays : le Japon (- 3,5%, 7 262), l’Australie (-1,1%, 15 821), l’Inde (- 0,3%, 9 004).

•Europe de l’Est : + 4,3%.Au 31 décembre 2010, la communauté française comprenait 28 403 inscrits. Les pays où l’expatriation française est la plus importante (Russie, Pologne, Roumanie et République Tchèque) contribuent le plus activement à cette évolution : ils représentent 70% de l’accroissement observé.

La population française par régionPAYS 2009 2010

Afrique du Nord 89 789 90 153Afrique francophone 109 872 112 441

Afrique non francophone 16 875 17 475 Amérique Centrale et Sud 90 665 92 633

Amérique du Nord 185 251 186 462Asie - Océanie 100 519 105 365

Europe de l’Est 27 176 28 403Europe Occidentale 722 132 737 300

Proche et Moyen-Orient 127 232 133 769

Ensemble 1 469 511 1 504 001

Les régions où le nombre d’inscrits progresse plus modérémentL’Europe occidentale, l’Amérique Centrale et du Sud, ainsi que l’Afrique (francophone et non francophone) ont connu une aug-mentation de l’ordre de 2% en 2010.

•Europe occidentale : + 2,1% (Soit 15 168 inscrits supplémentaires). Dans cette région, qui s’est accrue de 15 168 inscrits en 2010, les plus fortes hausses se situent dans cinq pays.

En Turquie, la communauté française s’est accrue de 5,9% en 2010 comme en 2009. Sur les cinq dernières années, la progression est conti-nue, avec près de 2 000 inscriptions supplémentaires, soit 6 109 Français inscrits au registre fin 2010.

Aux Pays-Bas, l’augmentation s’est élevée en 2010 à 5,3%. Avec un accroissement similaire à 2009, le pays compte mainte-nant 23 593 inscrits, soit 5 000 Français de plus en cinq ans.

En Belgique, avec 4 640 inscrits de plus en 2010 (+ 4,8%), le consulat général de Bruxelles a franchi le seuil des 100 000 inscrits. La Belgique accueille toujours la cinquième plus impor-tante communauté française.

Au Portugal, l’accroissement a atteint 5,1% (15 049 ins-crits) et en Grèce, 4,3%, soit 11 355 inscrits. Cette hausse est en grande partie imputable aux communautés inscrites à Porto et Athènes.

En Espagne, le nombre des inscrits a augmenté de 3,7% (davantage à Barcelone qu’à Madrid). La communauté française compte ainsi près de 90 000 inscrits fin 2010. (89 391 inscrits). En termes d’importance de la communauté française inscrite au registre, l’Espagne occupe toujours la sixième position.

Dans les autres pays d’Europe occidentale, la croissance des effectifs d’inscrits a été plus modeste en 2010. La communauté française au Luxembourg s’est accrue de 3%, pour un total de 26 136 inscrits. En Allemagne, le nombre de Français a aug-menté de 2,1% et compte désormais 111 742 inscrits. Comme l’an passé, cette progression résulte du seul fait de l’accroisse-ment du nombre de Français inscrits au consulat de Francfort.

La Suisse (+ 0,9%), le Royaume-Uni (+0,5%) et l’Italie (- 0,1%) se caractérisent par des communautés très stables.

•Amérique Centrale et du Sud : + 2,1%Cette partie du monde a enregistré près de 2 000 inscriptions supplémentaires en 2010, pour une communauté de 92 633 Fran-çais inscrits. L’accroissement est notable au Brésil (+1%, soit 18 757 inscrits), au Chili (4,5%, 10 595) et au Mexique (2,2%, 16 404)). En Argentine, le nombre d’inscrits auprès du consulat de Buenos Aires a continué à diminuer (620 Français en moins, - 4,2%).

La carte mondiale de la présence française évolue

Fin 2010, 1 504 011 Français étaient inscrits au registre mondial. Une hausse de 2,3% par rapport à l’année précédente, légèrement inférieure à celle de 2009.

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47LE BULLETIN DE L’AFJ

ENQUÊTE•Afrique francophone : + 2,3%

Quatre pays concourent principalement à cette augmentation de près de 2 500 inscrits en 2010 : la Côte d’Ivoire (7,7%, 13 094 inscrits), l’Ile Maurice (5,9%, 9 109), le Congo (5,3%, 4 512) et le Bénin (4,3%, 3 584 inscrits), tandis que dans les trois autres pays à forte population française expatriée, Madagascar, le Sénégal et le Gabon le nombre d’inscrits au registre est resté stable au cours de l’année (respectivement 19 930, 16 817 et 10 960 Français inscrits fin 2010).

•Afrique non francophone :+ 3,6%C’est la plus petite zone géographique du réseau avec 1,2% des Français inscrits dans le monde. Parmi les pays où l’on compte le plus grand nombre de nos comptatriotes, la com-munauté reste stable en Afrique du Sud et en léger accroissement au Ni-géria (+2,2%). L’augmentation est plus significative au Kenya (+5,2%).

Les régions où l’expansion de la communauté française ralentit

•Amérique du Nord : 186 462 Français

Cette communauté importante de Français comprend environ 115 000 inscrits aux États-Unis (deuxième pays d’accueil des Français résidant à l’étranger) et plus de 71 000 au Canada (sep-tième pays). La taille de cette communauté évolue peu depuis 2008, mais la répartition entre les deux pays s’est légèrement modifiée au bénéfice du Canada.

•Afrique du Nord : 90 153 Français

La région se caractérise encore en 2010 par une relative stabi-lité de la communauté française. Entre les différents pays du Maghreb, les variations observées en 2009 se sont poursuivies en 2010. En effet, tandis que le Maroc et la Tunisie voient leur nombre d’inscrits progresser de plus de 5%, avec des commu-nautés françaises de respectivement 41 129 et 19 995 inscrits, l’Algérie a enregistré pour la quatrième année consécutive une baisse du nombre de nos compatriotes inscrits. Elle compte au-jourd’hui 28 287 inscrits, soit 8,7% de moins qu’en 2009. En quatre ans, ce pays aura vu sa communauté diminuer de 29%, soit plus de 13 000 inscrits en moins.

49%

2% 9% 7%

6%

12%

8% 6% 1%

L’Europe reste la première destination des expatriés

Europe Occidentale : 49%

Europe de l’Est : 1,9%

Proche et Moyen-Orient : 8,9%

Asie-Océanie : 7%

Afrique du Nord : 6%

Amérique du Nord : 12,4%

Afrique francophone : 7,5%

Amérique centrale-Sud : 6,2%

Afrique non francophone : 1,2%

La moitié des Français inscrits au registre est établie en Europe. Près de 20% vivent en Amérique et 15% en Afrique. L’Asie Océanie représente 7% de la population du registre, soit un peu moins de ce que comptent le Proche et le Moyen-Orient (9%).

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48 LE BULLETIN DE L’AFJ

ENQUÊTEQui sommes-nous ?Le registre contient des informations précieuses sur la struc-ture de la population expatriée : l’âge, le sexe, la binationalité. Une étude menée régulièrement par la Maison des Français de l’étranger complète ces informations, notamment sur les motiva-tions de nos compatriotes établis à l’étranger.

Les motivations de l’expatriationC’est d’abord pour des raisons professionnelles que plus d’un expatrié sur deux (54,8%) part pour l’étranger. Une large majo-rité des personnes interrogées déclarent être envoyées par leur entreprise (75,7%) et un quart (24,3%) travaillent à l’étranger au service de leur administration.Quelque 29% déclarent s’être expatriés pour suivre leur conjoint.Les motifs « familiaux et personnels » expliquent plus d’un quart des départs (26,9%), loin devant les séjours étudiants (6%) et les retraités (5,4%).Les Français travaillant dans des ONG ou des associations hu-manitaires représentent 1,3% des expatriés interrogés.La volonté d’augmenter leurs revenus est prépondérante pour près d’un quart des sondés (23%), mais l’intérêt économique ne détermine pas à lui seul la décision d’expatriation. Le désir de découvrir un nouveau pays, une nouvelle culture est mis en avant par plus de 7 Français sur 10 et l’envie d’ap-prendre une langue étrangère a motivé 19% des expatriés.

Les double-nationaux : 44,3 %Parmi les Français inscrits au registre fin 2010, on compte 44% de double nationaux. Leur proportion varie fortement d’une région à l’autre, comme le montre le graphique ci-dessous.Moins d’un Français sur quatre établis en Asie-Océanie pos-sède une autre nationalité, alors qu’ils sont près des trois-quarts au Proche et au Moyen-Orient.En Europe, un expatrié sur trois a plusieurs nationalités et un sur deux en Amérique du Nord. Contrairement à 2009, la progres-sion des doubles nationaux français (+2,9%) est plus importante que celle de l’ensemble des expatriés inscrits au registre (2,3%). Résultat : la part des double nationaux tend à augmenter légère-ment, de 44% en 2009 à 44,3% en 2010.

Sur les cinq dernières années, cet indicateur reste toutefois stable.La proportion de double-nationaux dépend en partie de la légis-lation sur la nationalité de chaque pays. Si en Suisse, en Italie ou en Belgique, la part des double-nationaux reste proche de 60%, elle est de l’ordre de 30% en Allemagne, où l’acquisition de la nationalité allemande était difficile jusqu’à une époque récente.

Autant de femmes que d’hommes et plus de jeunesAvec 50,8% de femmes inscrites au registre, la population fran-çaise établie à l’étranger a pratiquement le même profil que la population métropolitaine (51%). Il existe cependant des dif-férences selon les zones géographiques. Ainsi les femmes sont moins présentes en Europe de l’Est (41,9%) ou dans la zone Asie Océanie (42,8%) qu’en Europe Occidentale (53,7%).La structure par âge reste stable par rapport à 2009. On note toutefois une légère progression de la part des « moins de 6 ans » (9% des inscrits en 2010, soit 134 786 inscrits, contre 109 122 en 2009) au détriment des « 60 ans et plus » (203 128 inscrits en 2010 contre 208 730 en 2009).La part des moins de 60 ans est plus représentée chez les expa-triés inscrits que dans la population métropolitaine. Les moins de 18 ans sont 27,1%, mais seulement 22,2% en métropole. La part des 18-59 ans s’élève à 59,4% contre 55,6% en France. Seuls 13,5% de nos compatriotes inscrits au registre sont âgés de 60 ans et plus, contre 22,2% pour l’ensemble de la population française.

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Les doubles-nationaux par région

2009

2010

Enquête réalisée par La Voix de la France reproduite par autorisation et la courtoisie de l’UFE avec tous les remerciements de la redaction du Bulletin AFJ.

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49LE BULLETIN DE L’AFJ

Reportage

Le onze mars dernier, plus de deux cents personnes s’étaient ras-semblées dans la cour d’honneur de la Résidence de France pour

y commémorer le premier anniversaire du séisme qui ravagea le nord du Japon. Une cérémonie simple et émouvante, organisée et présidée par notre nouvel Ambassadeur. En d’autres lieux le jour du Tsunami, Christian Masset, après une minute de silence à la mémoire des vic-times, a tenu à montrer combien il avait ressenti le poids de ce drame pour le peuple japonais et pour les Français du Japon. « France-Japon, plus que jamais ensemble pour demain », a été son message, en rap-pelant l’action de la France au lendemain du désastre et en assurant qu’elle se poursuivrait sans faille.Reconnaissants, les représentants à Tokyo des trois Préfectures les plus touchées, Messieurs Sugawara, pour Miyagi ; Suzuki pour Iwate et Hoshi pour Fukushima, rappelèrent les difficultés toujours présentes et les défis à relever dans leur région, du point de vue économique, certes, mais avant tout humain. Deux beaux textes, l’un de Haruki Murakami : « Autoportrait de l’auteur en coureur de fond », qui souligne le caractère inéluc-table du temps qui passe ; l’autre de Tatsuya Ishii : « un monde uni, continuons à vivre », chanson écrite à partir de témoignages d’enfants de la région de Ibaraki sur cette journée là , furent lus par Virgile Amichaud et Natsuko Ueda , tous deux élèves du lycée Franco-japonais. Au-delà d’une simple commémoration, la cérémonie du onze mars a permis de montrer combien la communauté française du Japon était attachée à son pays d’accueil, combien elle était soucieuse de resserrer encore plus le lien qu’elle a avec son peuple et depuis si longtemps et, par-dessus tout, construire l’avenir ensemble.

Olivier Ragu

L a caravane du cœur. Comme les « Restos du Cœur ».

Les restos de Coluche. Parce qu’au bout d’un moment les mots ne suffisent plus. Parce qu’il faut bien penser à remplir l’estomac. Parce qu’il faut bien survivre avant de pouvoir vivre. Ou, plutôt, de revivre. Alors, « bon appétit », ont décidé de dire, sans ironie aucune, des Français généreux. Des Français au grand cœur et qui l’ont écouté pour apporter leur aide à ceux qui souffraient tant. Onze mars 2011 ! Le Tsunami ! Le Tohoku dévasté ! Une région martyrisée. Des routes disparues. Des ponts rayés des cartes. Des voies ferrées balayées. Des voitures empilées. Des bateaux déboussolés juchés sur des maisons elles-mêmes déplacées. Et puis Fukushima. Fukushima qu’un mur un

peu plus haut aurait sans doute sauvée. Pauvres pêcheurs, marins, fermiers et ostréiculteurs qui vont devoir attendre, et attendre longtemps, que leur mer et leurs terres reprennent un peu de vie. Alors, oui, c’est une vraie caravane qu‘il fallait pour partir. Pour partir vers le Nord. Et partir plusieurs fois. Et souvent. Et qui y va encore. Et qui ira encore autant que de besoin. Du cœur, Patrick Hochster en a et avec l’UFE et nos « cuistots » toqués, Japonais et Français, ils ont montré au monde, avec « la Caravane », que la cuisine française n’est pas seulement prestige et raffinement pour riches. Qu’elle savait être aussi, et sans doute même surtout, en un si bel élan, celle qui peut apporter soutien et réconfort à ceux qui avaient tout au bout de tant d’années et qui n’avaient plus rien au bout de trois secondes. A l’heure où quelques-uns, troublés par l’Événement, se chamaillaient encore, l’initiative heureuse de Patrick Hochster et l’UFE, soutenue par Yves Alemany et l’AFJ, a fait bouger les lignes. « Bon Appétit », la caravane « Bon Appétit », « La Caravane »! Avec bien d’autres, bien souvent moins connus, souvent même anonymes et, bien sûr, bénévoles. Tous unis comme on se doit de l’être face à l’adver-sité, les « caravaniers » ont donné de la France et des Fran-çais l’image positive que l’on attendait d’eux : une présence engagée.

Claude Chavanne avec la contribution de Yves Alemany.

«Bon appétit », la caravane du cœur

Onze mars 2011, Onze mars 2012Hommage aux victimes du séisme à la Résidence de France.

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50 LE BULLETIN DE L’AFJ

Reportage

Compte-rendu des week-ends de bénévolat de l’AFJ à Ishinomaki Visite du Premier Ministre François Fillon

C’était un week-end de volontariat comme tous les

autres à Ishinomaki, dans la Préfecture de Miyagi, une des nombreuses villes côtières du Nord-Est du Japon dévastées par le tsunami du 11 mars 2011. Nous, les bénévoles emmenés par l’AFJ, avions fait un long trajet par le bus de nuit pour nous retrouver dès le samedi matin à patauger dans des gouttières embourbées, la pelle à la main, essayant de participer du mieux que nous pouvions au colossal travail de déblayage du Tohoku.Pour ne pas nous faciliter la tâche, il fai-sait ce samedi-là un temps effroyable, pluvieux et réfrigérant. Nous en venions presque à regretter de nous être soustraits à l’optique d’un week-end canapé à boire du thé macha fumant dans notre confort

tokyoïte quand la nouvelle tomba : le Pre-mier Ministre de notre douce France, M. François Fillon, allait bel et bien venir nous rendre visite dans les ruelles en ruine d’Ishinomaki. La rumeur était donc vraie.En effet, on nous avait préalablement an-noncé la « possibilité » que « peut-être », « éventuellement », « dans la mesure du possible », et « si son agenda le permettait » le chef du gouvernement se déplacerait dans le Tohoku lors de sa visite officielle au Japon. A fortiori, il était question que François Fillon vienne précisément à Ishinomaki, localité pourtant bien moins facile d’accès que Sendai, une autre ville tout aussi vastement réduite en miettes par le raz-de-marée, et dont la présence de l’Alliance Française en ses murs en fai-sait jusqu’alors la destination privilégiée de nos hommes politiques de passage. Mais tout cela demeurait de l’ordre de l’hypothèse… jusqu’à ce que nous assis-tions à l’apparition du Premier Ministre, en chair et en os, escorté par une foule d’assistants/officiels/traducteurs/journa-listes traînant leurs perches de micro dans son sillage. Malgré notre état peu relui-sant, nous eûmes chacun droit à une poi-gnée de main en bonne et due forme (un peu au dessus du poignet pour ne pas trop salir ses manchettes immaculées), et à des encouragements bienveillants – la France nous tirant son chapeau pour notre huile de coude, paraît-il.Si cinq secondes de tête à tête avec un Premier Ministre sont vite passées, les di-vers accompagnateurs de François Fillon s’attardèrent ensuite plus longtemps avec nous pour en savoir plus sur la nature de notre travail, le cadre dans lequel s’effec-tuaient les missions et la façon dont nous voyions les choses se transformer sur le terrain, petit à petit. Une bonne occasion d’expliquer les objectifs et l’esprit de l’AFJ de façon simple et directe, sans la dose de catastrophisme trop souvent in-troduite sur le sujet. À l’heure de la photo de groupe de rigu-eur en de pareilles occasions et alors que nous avions reçu consigne de nous pla-cer en attendant le Premier Ministre parti passer un coup de fil, le staff ministériel,

hilare, nous assura que de leur vie ils n’avaient vu des Français constituer un « groupe à photo » avec autant de discipline et de célérité. Ce à quoi nous rétorquâmes fièrement qu’ils n’avaient pas affaire à n’importe qui, mais à « des Français du Japon ! » et qu’au pays du groupe et de la photographie, on ne badine pas avec ce genre de choses.Trois crépitements de flash plus tard, l’éminent invité nous laissa reprendre notre noble tâche non sans nous avoir prodigué moult encouragements. Cepen-dant, les journalistes, eux, restèrent avec nous pour nous poser quelques questions sur l’avancée des travaux ; nous eûmes donc droit à quelques précieuses secondes d’antennes au JT de 20h pour porter les couleurs de l’engagement français dans le Tohoku ! Comme quoi, il n’y a pas que les séismes qui génèrent des répliques : les passages de Premiers Ministres aussi.

Pour conclure, les volontaires de l’AFJ ne peuvent que se féliciter de la venue de François Fillon à Ishinomaki. Ce qui a permis de donner un tant soit peu de visi-bilité à cette ville chère à notre cœur, de-meurant médiatiquement dans l’ombre de la menace Fukushima, mais qui continue d’exister avec ses ruines, ses quartiers ré-habilités, ses zones abandonnées, sa carte modifiée, ses habitants revenus, disparus, partis ailleurs ou relogés dans des préfa-briqués. Ishinomaki, une ville défigurée, mais vivante et active, qui mérite toute l’attention du public français !

Faites comme nous, témoignez de votre solidarité avec le Nord-Est du Japon en apportant votre soutien à l’AFJ ! Appel aux dons solidarité séisme/tsunami sur http://www.afj-japon.org/

Chers compatriotes, vive Ishinomaki, vive le Japon, et vive la France !

Noémie, bénévolehttp://noeminonihon.canalblog.com

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51LE BULLETIN DE L’AFJ

Reportage

C’est dans le recueillement et avec un esprit de solidarité qu’une délégation d’anciens volontaires de l’AFJ a participé

à la journée de commémoration organisée à l’école de Minato de Ishinomaki, école qui accueillit près de 500 réfugiés et aussi remplit le rôle de centre de volontariat.Depuis le mois de mai jusqu’en novembre, cette école fut la des-tination des 11 opérations de volontariat de l’AFJ. Les quelques 300 volontaires qui y participèrent ont tous donné le meilleur d’eux-mêmes pour aider les sinistrés à un retour vers la vie nor-male en nettoyant et déblayant les maisons, en récupérant et dis-tribuant de l’électroménager, des vêtements, chaussures, jouets et autres objets de première nécessité mais aussi en apportant au mieux leur réconfort auprès des survivants.La commémoration en elle-même a eu lieu dans le gymnase, celui-là même submergé en partie par le tsunami, décoré pour l’occasion selon le rite bouddhiste du « Issyuki » (service funé-raire commémorant le premier anniversaire après la mort) de ballons aux couleurs mauves et blanches, avec un autel entouré de fleurs blanches. Des panneaux de photos de l’école et des volontaires ont été accrochés un peu autour du gymnase ainsi que des dessins de soutien d’enfants du monde entier pour rap-peler cette période difficile que fut l’après tremblement de terre.Dans une atmosphère solennelle, la journée a été rythmée par des cérémonies œcuméniques commémorant la mémoire des victimes mais aussi conjurant les survivants à se tourner vers l’avenir. Le point d’orgue fut la minute de silence à 14h46, heure précise à laquelle le tremblement de terre eut lieu.Cette journée a marqué une étape importante pour les activités de soutien aux sinistrés du Tohoku de l’AFJ. Que d’évolution quand on se remémore l’état de la ville en mai 2011. Lors de la première opération de volontariat, le travail à effectuer paraissait énorme, insurmontable. Des voitures étaient empilées çà et là, des bateaux barraient des routes, les maisons éventrées jalon-naient les quartiers proches du bord de mer, certaines routes défoncées et inondées. L’électricité, l’eau et le gaz n’étaient pas encore rétablis partout. Les refuges étaient encore pleins et man-quaient de biens de première nécessité.Un an après, Les pelleteuses et autres bulldozers ont fait leur tra-vail : nombre de maisons inhabitables ont été détruites dans les quartiers touchés par le tsunami. L’essentiel des quartiers inon-dables seront rasés. Du point de vue humain, les refuges sont maintenant fermés et les sinistrés déplacés dans les lotissements de préfabriqués qui ont fleuri autour de la ville. Les besoins ont changé : les besoins matériels basiques étant en grande partie couverts, l’essentiel de l’aide consiste maintenant au soutien psychologique et sanitaire notamment auprès des personnes âgées. Puis viendront les périodes de relogement définitif des 20.000 déplacés.L’AFJ à Ishinomaki a représenté l’élan de solidarité de la com-munauté française au Japon. Elle a, grâce à ses volontaires, pu participé aux opérations de nettoyage et déblaiement assurant ainsi un quotidiens plus agréable à nos amis japonais de cette région sinistrée. Place maintenant aux organisations locales. Une page est tour-née.

Olivier Ragu

Ishinomaki, 11 Mars 2012 :

L’heure du premier bilan

La ville la plus touchée en pertes humaines, triste conséquence du tremblement de terre de l’est du Japon avec 6.000 morts et disparus, a donc passé le cap symbolique de la première année après la catastrophe.

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52 LE BULLETIN DE L’AFJ

Un recueil de chroniques et anecdotes qu’il écrit chaque semaine. Il nous parle de l’Asie et surtout du Japon où il a résidé pendant plus de dix ans. Mais aussi de la Corée, de la Chine et bien d’autres encore. Il nous fait partager des moments authentiques. Parfois avec malice, un brin mauvais esprit, quelquefois ironique, mais jamais dédaigneux ; toujours avec humour. Anecdotes vécues, faits divers étonnants, évènements imprévus et toujours sincères, il en tire parti pour nous entretenir de coutumes locales, usages et tra-ditions. Il en profite aussi, pour donner un avis, exprimer son humeur sur des questions actuelles, importantes ou légères, jamais fondamentales, mais souvent essentielles. Bonne lecture !

De Claude ChavanneAncien expatrié à Tokyo, qui apporte sa collaboration au bulletin de l’AFJ, vient de publier son premier l ivre :

« Kiniobi ou le gâteau du vendredi » est disponible sur : www.edifree.fr www.rueducommerce.fr www.alapage.com

LIVRES

L’ouvrage :Depuis quelques années, on s’est fabriqué en France une certaine image de l’art contemporain japonais, portée notam-ment par l’artiste Takeshi Murakami et l’esthétique “manga”. Or, au Japon cette influence est, depuis

une dizaine d’années, non seulement dépassée mais aussi reje-tée par la plupart des artistes.Nés autour des années 1970 et après, les artistes contempo-rains ont grandi avec la croissance et ont connu la crise des années 1990. Portés par les profondes mutations de la société japonaise, tant économique, politique ou sociale, ils reposent les questions essentielles du sens de l’art et de leur rapport au réel. Sortant de la vieille problématique de positionnement vis-à-vis de l’Occident, ils découvrent de plus en plus des modes d’expression qui leur sont propres.Étant Japonais « naturellement », comme ils le disent sou-

vent, ils entretiennent des rapports au temps, à la réalité ou à l’espace issus de leur culture et de leur philosophie. Ils se font les témoins des multiples bouleversements de leur pays, tout en gardant leur distance vis-à-vis d’une attitude politique qui n’est pas la leur.

L’auteur Caroline Ha Thuc.Diplômée d’une grande école de commerce puis d’histoire de l’art, metteur en scène et écrivain, Caroline Ha Thuc estl’auteur de pièces de théâtre, de deux romans et d’un recueil de nouvelles parus aux éditions Ragage.

Nouvelles Éditions Scala5, rue du Sommerard75005 Paris

Disponible sur amazon, fnac, virgin etc128 pages /100 illustrations/brochéPrix public : 15,50 €

Nouvel art contemporain japonaisÉditions Scala

De Caroline Ha Thuc

« Kiniobi ou le gâteau du vendredi »

Editions Edilivre

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53LE BULLETIN DE L’AFJ

LIVRES

Au milieu du XIXème siècle, le Japon est un pays fermé aux étrangers depuis deux siècles et demi : il n’a aucune relation politique et commerciale avec le monde occidental. Tous les ports de l’archi-pel sont interdits aux étrangers, sauf l’îlot de Deshima dans la baie de Nagasaki où les Hollandais disposent d’un comptoir pour commercer avec les Japonais.Le pays est une société féodale militaire hiérarchisée à la tête de laquelle se trouve un gouver-nement bicéphale très particulier. Il s’agit de l’empereur et du shogun : le premier est un chef religieux respecté mais sans aucun pouvoir (il vit à Kyoto), le second qui a reçu délégation de l’empereur pour gouverner, dirige le pays (il vit à Yedo). Depuis le XVIème siècle, une famille de grands féodaux, les Tokugawa, détient ce pouvoir sans interruption.En 1853, une flotte américaine, conduite par le commodore Perry, arrive dans la baie de Tokyo et, en 1858, le shogun signe un traité de commerce avec les Etats-Unis. Le Japon s’ouvre aux influences occidentales : les étrangers s’installent dans les ports qui leur sont ouverts. Débute alors une période politique confuse entre partisans du shogun, de l’empereur et des seigneurs du sud. Les Occidentaux prennent partie : les Français sont au coté du shogun et les Anglo-américains soutiennent les rebelles du sud. De 1858 à 1868, se succèdent guerres civiles, intrigues politiques et représailles des Occidentaux victimes d’attaques de Japonais xénophobes.En janvier 1868, l’armée du shogun est battue par les « forces impériales » aidées par celles des fiefs du sud. Le nouvel empereur Meiji retrouve son autorité pour faire autour de lui l’unité du pays.

Paru également aux éditions Amalthée : « Le Général Decaen à l’Île de France » (2007)« Une catastrophe épidémiologique : la fièvre jaune à Saint-Domingue (1802-1803) » (2009)Éditions Amalthée – 2, Rue Crucy – 44005 NANTES cedex 1

De Jacques Sandeau

La fin du shogunat et les OccidentauxÉditions Amalthée

Gaela transmet son savoir-faire de modiste dans cet ou-

vrage. Elle s’adresse aussi bien aux personnes qui souhaitent se lancer dans la

petite folie qu’est la réalisation d’un couvre-chef, afin de l’assortir à leur goût et leur imagination, qu’à de futurs modistes. Lire ce livre, c’est découvrir les coulisses d’un métier, son histoire, ses mots, son quotidien. C’est aus-si connaître l’indispensable : pénétrer dans l’atelier, choi-sir le bon matériel, distinguer et travailler les matières, les ornements. C’est enfin 21 créations explicitées pas à pas et magnifiquement illustrées. ‘’

En vente sur Amazon.fr, à la Fnac, chez Cultura, etc.

Gaela vit au Japon et participe aux ateliers de l’AFJ :http://www.afj-japon.org/index.php?id=1618

Créer ses chapeaux, bibis et bijoux de tête

Éditions EYROLLES

De Gaella

Le livre de la vraie cuisine japonaiseÉditions CHÊNE

Concocter des repas japo-nais savoureux dont on ne pourra plus se passer, et y prendre plai-sir grâce aux recettes et aux conseils de chefs expérimentés. De la préparation des mets à l’art de les disposer dans la vaisselle, toutes les techniques pour réussir des plats à la fois bons et beaux vous sont proposées.Rien n’a été laissé au hasard dans la préparation de plats dé-licieux et faciles à manger. On dit que la cuisine japonaise attache une grande importance à la saveur originelle des in-grédients. Les Japonais, qu’ils soient professionnels ou ama-teurs débutants, en sont tous intimement convaincus. Telle est l’essence de la cuisine japonaise, que nous ressentons tous profondément.

En vente à la librairie OMEISHA de l’Institut à Iidabashi

Catherine Lemaitre Traductrice

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54 LE BULLETIN DE L’AFJ

ssociatif

6 H du matin, le réveil sonne…. Je vérifie mes emails. Ouf, malgré la neige tombée cette nuit sur Tokyo, la sor-

tie n’est pas annulée. On retrouve le reste du groupe à Asakusa pour prendre le train pour Nikko… Nous ne sommes pas les seuls à en avoir eu l’idée ! Arrivés à la gare de Nikko, nous prenons un bus pour mon-ter dans la montagne en longeant le lac Chuzenji. Les pay-sages sont superbes. Nous ne sommes qu’à150 km de Tokyo mais ici c’est le plein hiver avec de la neige à gogo.

La chance est avec nous car le magasin de location a du matériel en taille 45. Tout le monde peut donc faire du ski de fond. Pour moi, c’ était la première fois et ce parcours de 5 km était parfait. Apres 2 bonnes heures de randonnée et quelques chutes pour les uns et les autres, nous nous retrouvons au bord de la rivière pour un pique-nique…. d’accord ce n’est peut-être pas la meilleure saison mais le paysage est tellement beau et tout est si calme que nous prenons 10 minutes pour avaler notre casse-croûte avant de se remettre en route. Il y a les acharnés qui partent faire une dernière ballade avant la tombée du jour, les frileux qui se rassemblent autour du poêle au Kérosène (!!!!!!!!!!!!!!) dans le hall de l’hôtel. Le soir tombe et nous voila déjà dans le train pour rentrer à Tokyo.

Isabelle et Michel Hocquet

Bien sûr les quatre qui ont dû repartir le samedi soir n’ont pas joui du confort de l’Hôtel ASTORIA qui se trouve

en pleine nature alors que les 9 personnes qui sont restées en ont profité pendant tout le week-end.Nous avons commencé la soirée en utilisant le bus de l’hôtel pour aller au Yumoto onsen où, comme tous les ans, une expo-sition de plus de 10 statues sculptées dans la glace nous a ravis. Elles sont toutes protégées par des grands igloos individuels et ont même de petits projecteurs mettant encore plus en valeur le relief des formes et les détails que les sculpteurs ont réussi à reproduire. Ensuite nous sommes allés voir la promenade des bougies où des guirlandes électriques ont remplacé les centaines de bou-gies de l’année dernière. L’avantage est que la couleur devient bleu de temps en temps et il faut reconnaître que l’allumage et l’entretien de chaque abri de chaque lampe fait en neige doit être plus facile….et comme on dit souvent : il faut vivre avec son époque. Après un petit détour par un temple et des sources chaudes qui sortent naturellement à travers la neige d’un champ, nous sommes revenus à notre hôtel pour profiter d’un bon repas bien mérité. Il était à la hauteur de nos attentes avec plus de dix petits plats tous aussi différents que surprenants….surtout pour les nouveaux arrivants au Japon. Bien sûr la soirée n’aurait pas été parfaite si nous n’avions pas pris un onsen…ou plutôt un Rotenburo (bain chaud exté-rieur) entouré de neige. C’est seulement quand la bouteille de whisky fut presque finie, que nous nous sommes tous écroulés sur les futons.Grâce aux bienfaits du onsen, le dimanche matin après le petit déjeuner traditionnel, nous voilà repartis, sur des raquettes cette fois, sous un ciel tout bleu (la météo avait prévu de la neige…)Nous faisons un bon tour avec au retour un arrêt à la ferme où nous dégustons du lait frais…c’est vrai que les pauvres vaches dans la neige ne devaient pas avoir très chaud. À 11h30 nous retrouvons les 5 nouvelles personnes qui sont arrivées juste pour la journée, puis nous partons pour la grande cascade de RYUZU NO TAKI. En chemin nous faisons beaucoup de pauses pour profiter de la beauté des rivières, marécages et forêts recouvertes de neige. Nous mangeons rapi-dement au pied de cette grande cascade et après quelques pho-tos nous courons vers le bus qui doit nous ramener à notre hôtel. Les pressés en profitent pour rentrer bien vite à Tokyo pen-dant que les autres rendent à nouveau visite aux vaches en ap-préciant un verre de lait bien crémeux ou même une glace au lait frais avec plein de calcium pour être sûr de repartir avec autant de calories que lors de notre arrivée. C’est vrai que nous nous sommes bien dépensés ce week-end, que le temps a été superbe et que vous pouvez voir nos photos sur le site de l’AFJ en attendant de nous rejoindre à la prochaine sortie/randonnée… ou bien sûr dans une autre acti-vité que l’AFJ aura le plaisir d’organiser pour vous. Patrick Deblaise

Ski de fond & Raquette à Yumoto

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55LE BULLETIN DE L’AFJ

Associatif

Malgré la déception éprouvée la veille suite aux nombreuses annulations à cause de la grippe ; j’ai

su que ce dimanche serait riche en découvertes et en visages radieux afin de découvrir ce merveilleux lieu qu’est le Minkaen.

C’est donc par une matinée fraîche accompagnée d’un beau ciel bleu, qui nous fit honneur de sa présence toute la journée, que le premier groupe de Shinjuku partit rejoindre le reste des membres à la gare de Mukogakoen-yuen.Après une petite dizaine de minutes de marche pour rejoindre l’entrée du parc, qui était en réalité à une vingtaine de minutes car il fallait bien acheter le bento pour le déjeuner, nous arri-vâmes donc à ce fameux parc. Avant d’y entrer, Michel nous invita à prendre une photo de groupe afin que cette sortie puisse avoir sa place dans ce bulletin.Bref, je m’égare et vous aimeriez bien connaître la suite de ce dimanche 12 février. Donc, allons-y !!!

Ce musée en plein air compte 23 bâtiments, principalement des maisons des différentes régions du pays du soleil levant, ain-si qu’un moulin à eau, un théâtre de Kabuki (théâtre japonais). Dans un premier temps, madame Sugimoto (notre guide) nous expliqua les caractéristiques des maisons par région, les outils ainsi que les méthodes de constructions dans la partie couverte du musée. Par la suite, nous pûmes apprécier et pénétrer dans ces fameuses bâtisses. En passant de la salle de séjour, à la cuisine et la salle de bain, l’ensemble des participants fit le même constat : l’isolation japonaise n’est pas vraiment faite pour nous Occiden-taux. Cependant, l’accueil du personnel qui fait vivre ce musée est toujours de qualité. En effet, nous fûmes invités à nous réchauf-fer autour du foyer traditionnel « l’irori » qui n’est qu’en autre le cœur de la maison, ils nous contèrent les caractéristiques de celles-ci (la raison de deux entrées dans les maisons du Nord, le système antisismique,…).

Au fil de nos pas, les artisans nous montrèrent le travail du bambou par la découpe et la réalisation de paniers, certains par-ticipants purent s’exercer à la découpe. Comme à leur habitude les enfants épanouis étaient toujours à la tête du groupe et même le petit Romain âgé de 2 ans. Ils en profitèrent pour faire des frayeurs aux personnes qui n’aiment guère les insectes. « Au secours, un insecte ! » ; Mais, non. C’est une belle sauterelle fabriquée à partir d’une feuille de bambou. Ainsi tout le monde put apprécier le travail minutieux de ce Japonais sexagénaire.Ces anciennes maisons qui paraissent si loin dans le temps ne le sont pas en réalité. J’étais surpris quand mon ami Shioge me confia que ses grands-parents avaient résidé dans ce style d’ha-bitation, il n’y a pas si longtemps.

Par la suite, le groupe visita le musée de Okamoto Taro pour un plaisir des yeux d’un autre genre. Okamoto Taro est le Pi-casso japonais et certaines de ses œuvres ont été critiquées ; les goûts et les couleurs ne se discutent pas. Mais cet artiste a des liens avec la France et l’AFJ. En effet il a vécu en France pen-dant sa jeunesse et offrit une oeuvre à l’AFJ (logo). N’ayant pas eu l’autorisation de prendre des photos, nous pou-vons tous profiter de ses œuvres un peu partout au Japon (à Omotesando, Osaka,…).Une fois la visite terminée, les participants purent se détendre et souffler un peu autour d’un café avant de regagner Tokyo pour les uns et Yokohama pour les autres.

Loin des immeubles et de la vie intrépide de Tokyo, ce fut une sortie fort appréciable que je recommande à tout le monde et surtout aux familles.

Minka : à la découverte des maisons traditionnelles japonaises

Dimanche 12 février 2012

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56 LE BULLETIN DE L’AFJ

ssociatif

Il y a d’abord une personnalité. Pas-sionnée, Frédérique a commencé à explo-rer la création de bi-joux dans une école

américaine. Soucieuse de se perfection-ner, elle poursuit sa formation dans une école de Tokyo. Pleine de prévenances délicates et d’encouragements, elle distille avec précision et simplicité ses directives pour créer une chaîne entre-coupée de perles, façonner un fermoir, personnaliser un anneau… Guide infati-gable, elle vient au secours de nos hési-tations et n’hésite pas à donner un coup de main pour que le travail avance plus vite ; car ici, on parle de projet devant être terminé au cours de la séance !Une semaine avant l’atelier, Frédérique nous demande de choisir entre deux réalisations et de lui donner nos sou-haits de couleurs. Certaines ont choisi le modèle proposé, d’autres des variantes de bleus ou orangés. Le jour J, les modèles sont exposés sur un joli porte-bijou et Frédérique dis-tribue à chaque participante une fiche opératoire récapitulative des conseils dispensés pendant la séance.

Quand la fatigue se fait sentir, un thé, un café ou des biscuits apparaissent miraculeusement sur la table où nos mains et nos yeux redécouvrent ce que signifie la minutie. Chez Frédérique, nos doigts manipulent les pinces plates ou rondes, les marteaux, les limes. Ils poussent, tirent, enroulent, martèlent, polissent, ouvrent et ferment, jouent avec les tiges d’argent, les assortiments de perles et d’anneaux, tentent d’amé-liorer d’un enchaînement à l’autre la précision du geste. Ces doigts auxquels on prête quelques heures une attention particulière parce qu’ils sont la clé du projet à réaliser, ces mains auxquelles on confie une tâche qui réveille leurs plus petits muscles d’habitude sans importance, nous ra-content une histoire : celle des bijoux dont, depuis la nuit des temps et dans toutes les cultures, les femmes ont eu le désir de se parer.

Merci à Frédérique pour cet accueil, pour cette technique et pour ces mo-ments de complicité bienveillante. Aurélia Kerguéno

Une poignée de courageux a affron-té une longue nuit tokyoïte.

Le 11 novembre, 10 d’entre nous se sont retrouvés pour passer une nuit entière à admirer le génie créatif des publicitaires du monde entier à l’oc-casion de : la Nuit des Publivores. Imaginez un cinéma rempli de specta-teurs armés de claquettes pour applau-dir les publicités, équipés de café et de thé pour tenir la nuit et très en forme grâce à un accueil sur fond de samba. Pendant 6 heures les publicités se sont succédé: certaines hilarantes d’autres graves, certaines d’une esthétique incroyable d’autres d’une imagination folle. Tout ceci entrecoupé de pauses musicales pour se détendre les jambes et boire un café histoire de tenir le coup.Les 10 représentants de l’AFJ ont (presque) tous tenu les 6 heures de marathon, avec l’envie certaine de recommencer l’année prochaine. Hélène Burger

La Nuit des Publivores 2011

Atelier bijoux fantaisie

LE LAUREAT DU CONCOURS “J’AIME CHANTER” 2011 Vous connaissez l’histoire d’un mec qui tombe malade juste avant de réaliser le voyage de

ses rêves, et à qui la vie offre peu après un billet gratuit pour la même destination ? Eh bien, c’est un peu mon histoire.Car j’avais prévu d’aller en France à l’automne pour la première fois, et j’en ai été empê-ché par une forte grippe. Mais, quelques jours plus tard, sur la scène du concours J’aime chanter, je recevais le premier prix : un billet d’avion pour Paris ! C’est peu banal, non ?Bon, je vous l’accorde, je n’ai pas trouvé ce billet dans une pochette-surprise.L’histoire a commencé bien avant, quand j’étudiais le français à l’université Meiji, ou quand je me suis mis à écouter et ré-écouter un CD d’Enrico Macias que possédaient mes parents.Il a fallu aussi que j’apprenne par coeur au moins une des chansons, que je fasse des efforts pour améliorer ma prononciation... et que j’aie envie de chanter devant beau-coup de monde. Ah! on me croit timide et réservé ? Ce fut l’occasion de prouver le contraire.

Et à Paris, la ville de mes rêves, je m’en suis donné à coeur joie. En 5 jours, j’ai fait la tournée de tout ce que je voulais voir, musées, marchés, illuminations, et j’ai pris plus de 700 photos !

Alors, un grand merci à Air France et à Pierre-Gilles Delorme, l’organisateur de J’aime chanter.

Hiroshi Tamai

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57LE BULLETIN DE L’AFJ

Associatif

T out le monde connaît le Sumo : la morphologie généreuse des lutteurs, l’énergie et la brièveté des

combats, l’aspect cérémonieux omniprésent. Au-delà des clichés, une sortie de l’AFJ a permis à une quaran-taine de personnes de découvrir ce sport national nippon.Dimanche 15 janvier, début d’après-midi. Station Ryogoku. Di-rection le «Kokugikan» la salle dédiée au Sumo la plus impor-tante du pays, pour le premier des 6 tournois japonais de l’année. Si vous n’avez jamais été à un tournoi de Sumo, sachez que le spectacle commence dès les abords du bâtiment: des dizaines de bannières colorées sont placées le long du trottoir, avec le nom des lutteurs imprimé dessus. Le groupe des visiteurs AFJ se rassemble auprès de Miyuki, qui nous emmène rapidement à l’intérieur de l’enceinte. Le temps de faire une photo-souvenir et nous entrons dans l’imposant bâtiment. Apprentis et champions: hiérarchie quand tu nous tiens !Après un passage par le musée du Sumo où nous avons pu admi-rer des objets et vêtements traditionnels magnifiques ainsi que le portrait de grands champions à la stature plutôt impressionnante, direction les gradins. Il est environ 14h30 et les choses sérieuses vont commencer: les combats des lutteurs de rang supérieur. Comme toujours au Japon, tout est organisé selon un rituel bien établi, avec le respect d’une hiérarchie claire. En effet, sur les deux semaines que dure un tournoi de Sumo, chaque jour, le matin, se déroulent les combats des apprentis et aspirants cham-pions. L’après-midi, c’est au tour des champions de se crêper le chignon. Et lorsqu’on parle de chignon, à la prochaine occasion, soyez attentif à la coiffure des lutteurs : celle-ci est différente selon leur rang. C’est ça aussi, le sens du détail japonais...

Le dohyō-iri: l’harmonie avant la lutteLa salle est immense (et calme), les lutteurs sont imposants. En comparaison, le «ring» où s’affrontent les lutteurs, semble bien petit... Le «dohyō», c’est son nom, est en forme de cercle et mesure 4,55 m de diamètre. En japonais, «Iri» signifie «entrer». Le «dohyō-iri» est donc la cérémonie précédant les combats des 40 meilleurs lutteurs. Les lutteurs (rishiki en japonais), font leur entrée sur le ring, vêtus d’un splendide keshō-mawashi, tablier coloré en tissu richement brodé. Ils sont séparés en deux groupes : Est et Ouest, selon le côté par lequel ils arrivent. Le speaker (yobidashi) annonce alors leur lieu de naissance, le nom de «l’écurie» qui les a formés, leur nom, ainsi que leur titre pour les plus forts d’entre eux. Après avoir formé un cercle sur le dohyō, les lutteurs se retournent vers l’intérieur, frappent dans leurs mains, lèvent les bras, soulèvent leur keshō-mawashi puis regagnent leur place en salle d’attente (le terme coulisses serait mieux) .

Puis vient le tour du ou des yokozuna. Les lutteurs portant le titre de yokozuna (champion suprême) ont droit à une entrée per-sonnalisée (appelée yokozuna dohyō-iri), en présence de deux assistants. Le yokozuna est reconnaissable à son énorme corde

en chanvre tressé, à laquelle sont rattachées des shide (sortes bandelettes en zigzag) sur le devant, symbole religieux très com-mun pour faire fuir les « kami » (esprits)). Durant cette cérémo-nie emprunte de tradition Shinto, le yokozuna frappe dans ses mains pour attirer l’attention des dieux, puis frappe fortement le sol avec une jambe soulevée de façon latérale puis avec l’autre, afin de chasser les mauvais esprits du dohyō. Guerre froide et attaque-éclairVient enfin le premier combat de l’après-midi. Les deux lutteurs montent lentement sur le dohyō, se donnent quelques claques sonores sur le visage et le ventre pour se motiver, lancent une (bonne) poignée de sel sur le dohyō afin de le purifier, se font face, s’accroupissent sous le regard attentif du tategyōji (juge-arbitre), se dévisagent, et... se relèvent, font demi-tour, re-tournent dans leur coin du ring et recommencent l’entièreté de la manœuvre ! Les lutteurs ont en effet quelques minutes pour prendre possession du lieu, se concentrer, voire tenter d’intimi-der par le regard leur adversaire. Ces «intermèdes» font monter la pression chez les spectateurs qui se demandent à chaque face-à-face si le combat va effectivement démarrer. Vous trouvez cela trop lent ? Aujourd’hui, les lutteurs ont 4 minutes maximum de temps réglementaire avant de démarrer le combat. Et ce temps était auparavant beaucoup plus long ! En 1928, une limite de 10 min. a été mise en place pour que ce climat de guerre froide ne s’éternise pas... Puis progressivement, le temps a été raccourci. Ces cérémonies préparatoires font partie intégrante de ce sport et contrastent de manière saisissante avec la brièveté du combat, qui ne dure en général que quelque secondes, un des deux lut-teurs mettant la main au sol ou sortant des limites du dohyō (ce qui conduit à la défaite).Logique respectée au sommet... cette fois

Tout au long de l’après-midi, les combats s’enchaînent, par-fois brefs, parfois plus longs (mais dépassant rarement les 40 secondes). Des surprises parfois, avec des lutteurs légers l’em-portant sur des lutteurs bien plus lourds ou des retournements de situation spectaculaires. Etonnant surtout: la force déployée bien entendu, mais surtout l’agilité et la vitesse dont font preuve ces grands gaillards de 150 kg voire davantage. Avec en apothéose, le combat du yokozuna, qui l’emportera malgré une résistance acharnée de son challenger, mais ce n’est pas toujours le cas et le roi vacille parfois sur son trône. Pas de doute: malgré les a priori présents avant d’assister aux combats, le Sumo est un vrai sport. Codifié et traditionnel, mais exigeant et spectaculaire. À ne pas manquer lors d’une prochaine sortie AFJ.

Texte et photo : Denis Vasilov

Découverte du Sumo: Voyage au pays des rikishi !

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58 LE BULLETIN DE L’AFJ

ssociatif

En 2011, la deuxième sortie fut annulée le jour-même du départ à 14h46 heure locale, lorsque la terre nippone se mit à trem-bler comme jamais auparavant, avec toutes les conséquences qui pèsent sur le Japon aujourd’hui encore au quotidien, et pour

quelques décennies. Je profite de cette pensée pour féliciter et encourager l’AFJ lors de ses actions de solidarité menées dans le Tohoku. La sortie de ski 2012 de l’AFJ ne devait pas pour autant en être impactée. La vie doit continuer. L’équipe s’est empressée de renou-veler cette activité qui attire plus de 50 personnes - les places partent très vite. Même l’allée centrale du bus où s’alignent les sièges inconfortables est remplie : la classe super-éco pour le même tarif !

Tout est prévu pour gagner en temps et en efficacité : le bus part à l’heure (quand les Italiens ne nous retardent pas faute de plan du métro) ; s’arrête au bout de 2h15 – au milieu du parcours – pour un dîner rapide (quand les femmes et les enfants ne nous retardent pas pour la pause pipi) ; et arrive à l’heure (quand la neige n’est pas trop abondante, mais cela est plutôt une bonne nouvelle !)L’hôtel est très bien, la nourriture excellente et typiquement japonaise, les gérants très patients et agréables. Quand vous entrez dans votre chambre, un écriteau vous suggère de fermer les fenêtres pour éviter tout vol… par des singes ! Ceux-là même que vous

pourrez découvrir dans des onsens un peu plus loin avec votre slip sur la tête. Tout le monde s’accorde à dire que le site est inégalable en terme d’enneigement. Plusieurs per-sonnes ont laissé leurs traces dans différentes stations du monde et avouent n’avoir trouvé autant de neige nulle part ailleurs. Cette sortie de ski est aussi une bonne façon de découvrir le Japon avec toute la famille, du plus petit bout qui avait 18 mois au plus « grand bout » du 3e âge.

Laetitia Aymonin

Cette année encore, l’AFJ frappe fort en choisissant THE week-end où les conditions de ski sont EXCEPTIONNELLES !!

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59LE BULLETIN DE L’AFJ

Associatif

D imanche matin 8h30, temps splen-dide, rendez-vous à la gare de shinjuku avec Patrick en tenue

genre "Crocodile Dundee" afin qu'on le reconnaisse grâce à son chapeau.

Nous prenons ensuite le train en direc-tion d’Isehara où un autre groupe nous rejoint. Nous entamons alors la montée vers le téléphérique au milieu d’une mul-titude de magasins, d’échoppes et de restaurants. Des odeurs appétissantes assaillent nos narines (vivement le som-met que l’on casse la croûte !).

Voilà nous sommes au pied de la mon-tagne Oyama. Nous empruntons ensuite un petit téléphérique qui doit dater des années 70 (60 ?). La pente est vraiment

très raide et on se dit : pourvu que la cré-maillère tienne sinon on n’est pas près de la pendre...

Ça y est, nous sommes arrivés, quelques marches (enfin quelques dizaines de marches) qui donnent déjà le ton de la très prochaine ascension et nous voilà devant le temple. Photos de groupe et nous partons par le petit chemin pentu en direction du sommet. C’est raide, très raide et la doyenne du groupe (qui ressemble un peu à une certaine Berna-dette C.) commence à donner des signes de fatigue (sans doute le poids des pièces jaunes...) .

Le paysage est magnifique et les haltes permettent de prendre de splendides photos. Nous croisons plusieurs groupes de marcheurs et même de coureurs (mais comment font-ils ?). Il y a même un groupe de Japonais en pèlerinage, certains sont vêtus tout en blanc et de temps en temps résonne le son d’un ins-trument de musique.

Après une heure et demie de marche très sportive et harassante (sauf pour Patrick qui est un sportif accompli), nous voilà arrivés au sommet. Une vue magnifique sur la forêt et la petite ville tout en bas. Mais c’est l’heure du déjeuner et le som-met ressemble à une aire d’autoroute les jours de grand départ !

Nous trouvons difficilement à nous instal-ler pour un déjeuner bien mérité. Nous repartons ensuite par un autre chemin plus long mais plus facile pour rejoindre

l’arrêt de bus sans prendre le téléphé-rique. Qui a dit que c’était plus facile de descendre ? Le cœur est moins sollicité mais les muscles des jambes beaucoup plus ! La descente est très longue mais quel bonheur de marcher au milieu de cette magnifique forêt. De temps en temps, Patrick a besoin de se dégourdir les jambes, il se met alors en mode 4x4 et descend à grandes enjambées en pre-nant des raccourcis casse-cou. Le reste du groupe, plus prudent, se contente du chemin déjà bien assez glissant à cause des pluies du dernier vendredi.

Le groupe est composé de quelques Français et de plusieurs Japonais franco-phones dont certains parlent un excellent français presque sans accent ! Étonnant !

Malgré l’effort, l’ambiance est décontrac-tée, réparties et traits d’humour fusent.

Après plus de 3 heures de descente, nous voilà arrivés à la gare, certains vont faire un stop la station suivante pour se délas-ser dans un onsen et d’autres (dont je fais partie) rentrent directement vers Shin-juku.

Nous sommes fatigués mais heureux d’avoir fait cette sortie très sympathique emmenée par un Patrick en pleine forme et qui ne se départit jamais de son hu-mour.

Vivement la prochaine !

Colette & Christophe

Sortie des Koyos

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