reportage en milieux autochtones - riic.ca
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Reportage en milieux autochtones Auteur : Duncan McCue, journaliste à CBC, repris du site www.riic.ca
Traduction et adaptation française par Radio-Canada
Note : Ce document a été traduit et adapté en version française par Radio-Canada dans le cadre d’une formation donnée sur les reportages en milieux autochtones. Le contenu provient des informations recueillies sur le site web Reporting in Indigenous Communities par Duncan McCue. Prenez note que puisque la formation est destinée à un public francophone, quelques éléments du contenu ont été adaptés à la réalité autochtone francophone. Ces changements ont été identifiés par un surlignement en orange au cours du texte.
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https://riic.ca/about/
À propos
REPORTAGE EN MILIEU AUTOCHTONE Avis au public autochtone : ce site web peut contenir des images de personnes décédées.
Duncan McCue est le créateur et l’administrateur de Reportage en milieux autochtones.
Il a lancé l’idée d’un guide de référence en ligne destiné aux reporters déployés en milieux autochtones à l’organe subventionnaire de l’Université Stanford, le John S. Knight Journalism Fellowships , qui lui a fourni pendant un an tout le soutien nécessaire à la réalisation de son projet. C’est ainsi que REMA a vu le jour à l’automne 2011.
Duncan est journaliste à CBC depuis 1998. Basé à Toronto, en Ontario, il anime l’émission Cross Country Checkup sur CBC Radio One. Il a signé plusieurs reportages d’information et d’affaires publiques primés et diffusés à l’émission d’actualité phare de CBC Television, The National .
Il est également professeur invité à l’Université Ryerson et professeur associé à l’École supérieure de journalisme de l’Université de la Colombie-Britannique, où il donne un cours novateur intitulé Reporting in Indigenous Communities .
Duncan a été conseiller auprès de diverses écoles de journalisme au Canada pour la création de cours axés sur les contenus autochtones, entre autres l’Université Carleton, l’Université de King’s College et l’Université Ryerson. En 2014, il s’est vu décerner un Prix de l’innovation par la Canadian Ethnic Media Association pour la conception d’un programme d’études sur les questions autochtones.
Duncan est Anishinaabe, membre de la Première Nation des Chippewas de Georgina Island dans le sud de l’Ontario. Il habite à Toronto, une ville située sur le territoire traditionnel de la Première Nation des Mississaugas de Credit. Visionnez l’extrait suivant de Storytellers in Motion par Urban Rez Productions pour retracer le parcours journalistique de Duncan : https://youtu.be/5p492-dr3AE
Pour en savoir plus sur Duncan et ses réalisations, suivez-le sur Twitter (@duncanmccue) ou visitez : https://www.cbc.ca/news/indigenous/duncan-mccue-1.2456015
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À PROPOS DU SITE DE REMA
Le logo de REMA est une création de l’artiste kwakwaka’wakw Sonny Assu ( http://sonnyassu.com ). « Ce logo est dérivé de ma série iDrum, qui rassemble des tambours peints alliant iconographie iPodique et esthétique moderne de la côte du nord-ouest. Cette série explore notre usage de la technologie contemporaine dans une représentation totémique. »
Le site web de REMA est l’œuvre du concepteur st’at’imc Pat Alec ( http://www.patalec.com ). En plus d’avoir conçu ce formidable site, Pat est aussi un talentueux kickboxeur, alors n’allez pas dire du mal de notre plateforme, sans quoi REMA l’enverra sonner à votre porte!
Les photos sur le site de REMA sont la propriété des photographes. Un merci tout particulier à Bert Crowfoot de crowfootphotography.com , à Don Bain de la Union of BC Indian Chiefs , ainsi qu’à Jeff Bear de urbanrez.ca pour avoir fourni les images de la page d’accueil.
Le Bill Lane Center for the American West de l’Université Stanford a fourni un appui financier à la construction du site ( http://west.stanford.edu ).
DROITS DE REPRODUCTION
Sauf avis contraire, tout contenu sur ce site fait l’objet d’une licence de Creative Commons Attribution-Non commerciale 2.5 Canada ( http://creativecommons.org/licenses/by-nc/2.5/ca/ ).
Cela signifie que vous êtes libre de traduire, de transformer, d’imprimer ou de réutiliser d’une quelconque autre manière le contenu de REMA, à condition de :
• ne pas en faire une utilisation commerciale,
• mentionner REMA comme source, en ajoutant de préférence un lien vers le contenu original.
La présente licence autorise par exemple :
— la traduction de l’ensemble du site en inuktitut,
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— la distribution du Guide REMA aux élèves des collèges et cégeps,
— la reprise de nos divagations sur le blogue de REMA dans les paroles de votre prochain remix hip-hop spécial pow-wow.
Bien sûr, nous serions ravis à REMA que vous nous fassiez part de toute utilisation fructueuse de nos travaux. N’hésitez pas à nous faire signe.
https://riic.ca/about/endorsements/
TÉMOIGNAGES
Quelques bons mots à propos de REMA, signés par quelques bons journalistes, commentateurs et amis des médias. REMA serait heureux que vous y ajoutiez les vôtres.
Peter Mansbridge
Voilà peut-être l’apport le plus précieux au journalisme canadien depuis des décennies. Excepté quelques rares exceptions, les journalistes canadiens ne savent pas trop comment aborder au mieux les questions autochtones. Duncan McCue compte au nombre de ces exceptions, et nous transmet à présent ses connaissances fines en la matière. L’outil qu’il a créé nous permettra à tous de nous améliorer, mais surtout, nos reportages en seront grandement bonifiés.
– Peter Mansbridge, ancien correspondant en chef de CBC News et présentateur – The National
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Jean La Rose
Quiconque regarde les actualités télévisées au Canada connaît Duncan McCue. Ce citoyen des Premières Nations respecté, juste et honorable relaie fièrement nos nouvelles, parmi bien d’autres, au public canadien comme sans doute à d’autres dans le monde. Fruit d’un travail remarquable, ce guide s’adresse aux reporters qui travaillent ou qui souhaitent travailler dans nos communautés. Je recommande fortement cette lecture incontournable à tous les journalistes établis ou en devenir qui aspirent à faire connaître cette dimension unique et intrinsèque de la vie canadienne.
– Jean La Rose, ancien directeur général – Réseau de télévision des peuples autochtones (APTN)
Brenda Nadjiwan
L’information sur ce site est facile à lire, concise et éclairante; elle fournit un cadre et des conseils pratiques pour la couverture de sujets autochtones. Cette information, en cela, soulève la question clé : pourquoi pensons-nous ce que nous pensons? Voilà une question que chaque journaliste doit se poser dans l’élaboration, la rédaction et la présentation d’un reportage. Merci à Duncan McCue d’examiner ces enjeux avec sensibilité et de nous fournir un guide compréhensible, accessible et (j’ose le dire) agréable à lire.
– Brenda Nadjiwan, présidente – Strategic Alliance of Broadcasters for Aboriginal Reflection (SABAR)
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https://riic.ca/the-guide/
Introduction
Je pense bien que Tonto est le premier Indien que j’ai vu à la télé.
L’homme de confiance du Lone Ranger n’était pas un modèle bien fameux pour un petit gamin autochtone. Tonto portait une peau de daim, il parlait un mauvais anglais et s’il était là, c’était pour veiller à ce que « Kemo Sabe » ne manque de rien. Pour couronner le tout, son nom voulait dire « idiot » en espagnol.
Source : Bunky Echo Hawk
Mais, chose certaine, Tonto était indispensable à son compagnon masqué.
Je ne compte plus le nombre de fois où, en tant que journaliste, j’ai regretté de ne pas avoir un « Tonto » à mes côtés alors que je m’aventurais dans une communauté autochtone que je connaissais mal. Un partenaire pour m’aider à apprivoiser le terrain, qui me prodiguerait ses sages conseils et qui m’aiderait à faire de meilleurs reportages.
Autochtone ou non, tout reporter a besoin d’un guide.
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Bienvenue à Reportage en milieu autochtone, un guide en ligne qui vous propose des points de réflexion utiles et des solutions pratiques pour trouver et réaliser des reportages d’information en « terre indienne » (comme nous autres des communautés autochtones appelons parfois la terre que nous habitons).
Cette ressource s’ancre dans l’expérience canadienne, mais les journalistes du monde entier pourront y trouver un intérêt, alors qu’ils couvriront les communautés autochtones des Amériques à l’Australie.
Le guide est divisé en trois volets qui reprennent les étapes du reportage parfois sources de défis pour les journalistes qui traitent l’actualité autochtone :
1) AU BUREAU – Comment faire vos recherches et soumettre vos reportages; 2) SUR LE TERRAIN – Comment recueillir l’information qui va alimenter ces reportages; et 3) À L’ANTENNE – Comment présenter ces reportages sur les Autochtones.
J’ai formulé certains des conseils rassemblés ici, en puisant dans mon expérience de reporter à la télévision. Mais rien ne vous empêche d’être à votre tour un conseiller REMA! Je sais, je sais… c’est excitant!
● Faites-nous part des leçons que vous avez apprises dans la section
Enseignements. ● Rendez-vous sur Facebook au RIIC News ou sur Twitter au @RIICNews pour
partager avec nous des reportages que vous avez trouvés inspirants sur l’actualité autochtone, ou d’autres que vous auriez jetés aux poubelles dans la salle de montage.
● Le blogue de REMA en veut toujours plus : faites parvenir vos billets de blogueur invité sur la façon dont les journalistes peuvent mieux présenter l’actualité autochtone.
● Commentez ou diffusez les conseils du Guide REMA. ● Aidez à ce que REMA soit toujours à la page en publiant vos photos de terrain
et en ajoutant des liens utiles à la section Ressources sur le site ou via nos comptes Facebook et Twitter.
Collectivement, nous pouvons nous aider les uns les autres à mieux faire notre travail, à mieux servir les communautés autochtones et à assurer une meilleure couverture de l’actualité.
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Sur l’épineuse question de la terminologie… Je suis Anishinaabe , comme mon peuple se nomme lui-même, membre de la Première Nation des Chippewas de Georgina Island dans le sud de l’Ontario. Le vocabulaire que j’emploie pour décrire les Autochtones ou les membres des Premières Nations est fluide et varie selon l’occasion (plus de détails dans la section Vocabulaire et terminologie).
A u bureau
Conseils pour préparer et présenter des reportages d’actualité sur les peuples autochtones
https://riic.ca/the-guide/at-the-desk/first-contact/
PREMIER CONTACT
Commençons par la première et la plus importante des choses à faire : s’initier à la poignée de main sacrée des Autochtones.
La poignée de main sacrée des Autochtones : lorsque vous rencontrez une personne autochtone pour la première fois, tendez la main gauche ( JAMAIS AU GRAND JAMAIS IL NE FAUT TENDRE LA DROITE! ), dressez le pouce à un angle de 90 degrés, puis allongez l’index.
Je plaisante.
Source: urbanrez.ca
Il n’y a pas de poignée de main sacrée des Autochtones. Eh non, il n’existe aucun tour de magie pour lever le « voile en peau de daim » sur le riche filon de nouvelles en primeur que cacherait le territoire autochtone. On relaiera les nouvelles des communautés autochtones au Canada comme on relaie toute autre information : à la sueur de son front.
Alors, reprenons depuis le début.
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Je vais écrire un mot. J’aimerais que vous preniez note de la première chose qui vous vient en tête en le lisant.
Voici le mot.
« I N D I E N »
Bon. Qu’est-ce qui vous a traversé l’esprit?
Je fais cet exercice avec les étudiants en journalisme. J’écris « Indien » au tableau et ils me lancent alors des mots à tue-tête. Au bout de quelques minutes, la liste ressemble à peu près à ceci :
« Hug », le salut caricatural . Réserves. Pocahontas. Cari. Plumes. Mohawk. Peau de daim. Totem. Pow-wow. Revendications territoriales. Christophe Colomb. Soûl. Coiffure. Culture. Oka. Aide sociale. Autonomie gouvernementale. Suicide. Chasse. Spirituel. Pauvreté. Jeep.
La liste n’en finit plus. Elle est lourde des images véhiculées sur les « Indiens » dans la culture populaire canadienne. Invariablement, la liste n’inclut PAS les très, très nombreux sujets dont on parle aujourd’hui autour de la machine à café dans les communautés autochtones. Par exemple :
Services de garde. Water-polo. Mécanique automobile. Sexe. Passer l’aspirateur. Carie dentaire. Fournitures scolaires. Millionnaire. Couches. Leçons de piano. Cheerios. Housses de couette. Bonheur. Internet. Professeur de journalisme.
Où veux-je en venir? Le mot « Indien » évoque toutes sortes d’images, et ces images sont loin de brosser un portrait parfait de la vie des peuples autochtones au Canada.
« L’Indien a d’abord été une erreur de l’homme blanc, avant d’en devenir un fantasme », écrit Daniel Francis dans son livre fort instructif The Imaginary Indian . Selon lui, «l’Indien » n’existe pas, le terme renvoyant plutôt à une image des peuples autochtones que les Euro-Canadiens ont « fabriquée, crue, crainte, méprisée, admirée et transmise à leurs enfants » — une image qui modèle aujourd’hui encore les politiques publiques du Canada.
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Qui a créé ces images des Autochtones? Des anthropologues, des explorateurs, des missionnaires, des photographes, des historiens, des chercheurs en médecine, des artistes et des réalisateurs de cinéma, pour n’en citer que quelques-uns.
Pendant longtemps, des non-Autochtones sont venus en milieux autochtones se renseigner sur la vie des gens et ont demandé à entendre leurs histoires, avant de repartir. Ces visiteurs ont interprété ce qu’ils avaient vu et entendu dans des livres, des rapports, des études, des films ou des photos. Les Autochtones n’ont pas vraiment eu leur mot à dire sur la façon dont ils racontaient ces histoires, et dans bien des cas, l’écho de leurs propres récits ne leur est même pas parvenu.
Certaines de ces images constituaient une représentation fidèle des peuples autochtones. Mais c’était rarement le cas.
Les Autochtones savent ce qu’il est advenu de ces histoires. De nos jours, le monde entier a une image de ce à quoi ressemble un Autochtone. De la façon d’agir d’un Autochtone. De ce qu’est un Autochtone. Ces représentations sont souvent stéréotypées. Parfois, elles sont préjudiciables.
Source : urbanrez.ca
En quoi cela concerne-t-il les journalistes?
Vous êtes les derniers d’une longue lignée de communicateurs venus demander la permission de présenter les peuples autochtones au monde.
Si vous appelez ou rencontrez une personne autochtone pour une première interview, sachez qu’elle aura peut-être une image préconçue de VOUS. Vous pourriez être quelqu’un qui va lui prendre son histoire, et il y a de bonnes chances pour que vous ne la compreniez pas bien.
Mais je ne suis pas comme les autres, dites-vous. Je suis Journaliste avec un grand J, moi, et j’ai pour principes directeurs la vérité, l’indépendance, la responsabilité et la réduction du préjudice causé.
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Peut-être bien. Je vais quand même, dans la prochaine section, examiner les nombreux stéréotypes de longue date sur les peuples autochtones qui perdurent encore dans les bulletins de nouvelles télévisées comme à la une des quotidiens.
Et rappelez-vous. Si la personne autochtone que vous espérez interviewer semble en colère, distante ou peu communicative, pensez un peu à la nature de nos relations depuis plus de cinq siècles. C’est à nous, journalistes de carrière, de prendre conscience des plis établis et de comprendre la frustration qu’ils peuvent susciter, puis de persévérer.
https://riic.ca/the-guide/at-the-desk/news-stereotypes-of-indigenous-peoples/
UNE COUVERTURE STÉRÉOTYPÉE DE L’ACTUALITÉ AUTOCHTONE
« On a troqué le mythe de l’Indien soûl pour la légende du conseil de bande véreux. » — Stephen Hume
Un aîné m’a dit un jour que pour faire les nouvelles, un Autochtone devait correspondre à l’un ou l’autre des cas de figure suivants : jouer du tambour, danser, être soûl ou être mort.
Voyons donc, ai-je dit, c’est simpliste. Je peux vous montrer des reportages d’actualité en tout genre sur des travailleurs autochtones qui dirigent une exploitation forestière, une étudiante autochtone qui décroche une bourse d’études ou encore un groupe autochtone qui rapatrie un objet sacré.
Mais à partir de ce moment, je me suis intéressé de plus près au traitement de la population autochtone dans les nouvelles : ces quatre cas de figure reviennent en effet plus souvent qu’à leur tour (et si ledit rapatriement donne lieu à une célébration avec danse et tambour, le journaliste ne manquera pas de leur faire une place dans son reportage).
En fait, si vous ajoutez à ces quatre profils celui du guerrier, vous tenez là une recette éprouvée.
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Couverture de l’actualité autochtone : 5 règles pour passer aux nouvelles
1. Guerrier tu seras.
Source : Shaney Komulainen (CP)
Cette photo est si symbolique qu’elle porte un titre : « Face à face ». Un soldat au visage poupin regardant un guerrier masqué dans le blanc des yeux.
Le cliché qu’a pris Shaney Komulainen durant la crise d’Oka en 1990 capturait si parfaitement les vieilles tensions raciales et nationales en jeu que le magazine The Beaver l’a classé parmi les cinq photos d’actualité qui ont changé le Canada.
Regardez maintenant cette autre photo prise elle aussi durant la crise d’Oka. Elle n’a pas de titre, mais on devrait peut-être l’appeler « Cirque médiatique ».
Source : Ministère de la Défense nationale
Elle révèle tout autant la façon dont les médias modèlent concrètement notre perception de l’affrontement et du conflit entre le Canada et les peuples autochtones.
Pourquoi l’action directe de certains groupes autochtones fait-elle l’objet d’une attention disproportionnée dans les médias d’information (en cas de manifestations,
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de barrages ou d’occupations, par exemple)? Oui, les événements de protestation font souvent la nouvelle, parce qu’ils sortent de l’ordinaire, qu’ils sont spectaculaires et qu’ils impliquent un conflit. Oui, les activistes autochtones, qui comprennent la soif d’intensité des médias, jouent eux aussi un rôle en calibrant leurs protestations de façon à leur assurer une place de choix parmi les manchettes.
Cela dit, et si la couverture à la une du jour des perturbations routières pour défendre des droits territoriaux trouvait ses racines dans une vieille trame narrative : celle des Indiens violents et « non civilisés » qui constituent une menace au progrès de la société canadienne? Et si la méfiance et la peur motivaient notre décision de dépêcher une équipe sur les lieux du plus récent barrage? Et ne cherchez pas cette photo emblématique symbolisant la réconciliation : personne en salle des nouvelles n’estime que l’harmonie entre peuples autochtones et colons est digne de faire l’actualité.
2. Le tambour tu battras.
On peut bien rire, de nos jours, de ces ridicules stéréotypes hollywoodiens du temps jadis sur les Autochtones : parés de plumes, poussant des grognements monosyllabiques, encerclant les convois de chariots. Pourtant, les reportages d’actualité véhiculent encore aujourd’hui cet incontournable des vieux westerns : le tambour autochtone.
Source : Jason Payne (Postmedia News)
Sans être forcément un fanatique de ce genre cinématographique, vous avez sans doute appris à reconnaître ce rythme « indien » dans la cour d’école : BMMM bmmm bmmm bmmm BMMM bmmm bmmm bmmm BMMM bmmm bmmm bmmm. Des « Indien » à cheval qui se profilent en haut de la colline, sur le pied de guerre. Des « Indien » qui font la danse de la pluie. Ce genre de choses.
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Bon, combien de reportages peut-on voir aux nouvelles qui s’ouvrent sur des percussions autochtones? Apparemment, celles-ci fascinent les reporters, qu’elles accompagnent les protestations ou les célébrations (et s’il n’y a pas de tambour en vue, le ciel nous en préserve, on trouvera vite une mélodie flûtée à placer en fond sonore!).
Bien sûr, je comprends. Il vous faut du son et de l’action pour donner un élan à votre reportage.
Mais cherchez-vous à en savoir plus sur le sens et la raison de ce chant? S’agit-il d’un chant d’honneur, de prière, de commémoration? Demandez-vous à ce qu’on vous en traduise les paroles, ou en parlez-vous simplement comme d’un « chant »? Ou encore, laissez-vous ces Autochtones figés dans le temps battre leur tambour en réservant à votre public le soin d’interpréter ces percussions? (Je parie que les soupirs ne manqueront pas : « Oh, des tambours. Des Autochtones sur le pied de guerre. Qu’est-ce qu’ils veulent ENCORE? »)
3. À la danse tu t’adonneras.
Source : CBC News
La danse va de pair avec les percussions. L’ Autochtone en tenue traditionnelle correspond à une interprétation populaire, mais superficielle du multiculturalisme canadien. S’il vous plaît, venez nous divertir avec vos costumes et vos danses et, oui, nous serions ravis de goûter à vos mets exotiques!
À vrai dire, cela fait longtemps que les Autochtones parés de peaux de daim et de plumes (qu’on parle de vrais Autochtones comme Pauline Johnson ou de faux, comme Grey Owl ) suscitent la fascination et même l’admiration.
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Source : Jeff McIntosh (CP)
Pour bien des Canadiens, une personne autochtone vêtue d’une couverture à boutons ou d’un gilet perlé incarne une époque révolue. Les Autochtones ainsi parés sont inoffensifs, étrangers à tous ces problèmes compliqués d’aujourd’hui comme le suicide et les revendications territoriales, les maisons pleines de moisissures et les exonérations fiscales.
Les salles de rédaction ne sont pas insensibles à cette nostalgie des « Indiens ». Pourquoi présente-t-on si souvent les chefs dans leur habit traditionnel (et non filant dans le hall d’un aéroport en train d’aboyer dans un cellulaire)? À la télévision, combien de bulletins de nouvelles affichent une plume dans un graphique d’arrière-plan pour illustrer une nouvelle autochtone ? Est-ce la saison des pow-wow qui commence? Vite, une caméra par ici!
Croyez-moi. Si vous êtes une personne autochtone et que vous voulez passer aux nouvelles, sortez votre coiffure (ou offrez-en une au premier ministre).
4. Soûl tu t’afficheras.
Sans nul doute, l’alcool est au cœur de bien des événements couverts par les journalistes en milieux autochtones : qu’on pense aux accidents de la route, aux meurtres, aux agressions et autres drames de ce genre.
Source : judychartrand.com
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Mais dans la réalité, ce stéréotype séculaire de « l’Indien soûl » est-il le moindrement fondé?
Non, a établi la Commission royale sur les peuples autochtones (CRPA), après avoir examiné plusieurs études montrant que l’abstinence est deux fois plus répandue dans la population autochtone que dans la population en général. Si la consommation abusive d’alcool est plus courante en milieux autochtones, la proportion d’individus qui en consomment tous les jours est sept fois plus élevée en milieux non autochtones. « L’opinion largement répandue voulant que la plupart des Autochtones consomment régulièrement de l’alcool en quantité excessive semble infondée », concluait la CRPA.
Les innombrables reportages sur l’actualité autochtone où l’alcool tient une place contribuent-ils à renforcer le mythe de « l’Indien soûl »? Demandez-vous : l’alcool joue-t-il un rôle dans le fil des événements relatés, et en quoi est-il pertinent d’en parler? En règle générale, les médias ne soufflent pas mot des habitudes de consommation de certains illustres politiciens canadiens : l’alcool figurerait-il dans votre reportage si celui-ci portait sur un non-Autochtone?
5. Le mort tu feras.
Source : CTV News
Ouvrez un moteur de recherche qui compulse les informations tel que Google Actualités, puis tapez « mort » et « Autochtones ». Je parie le capteur de rêves de ma grand-mère que la page déborde de nouvelles des quatre coins du pays.
Les salles de rédaction ont un faible pour la mort, où qu’elle survienne. « S’il y a du sang, ça vend », n’est-ce pas? Malheureusement, au Canada, la mort frappe trop
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souvent en milieux autochtones. Voilà peut-être pourquoi on entend autant parler de personnes autochtones décédées aux nouvelles.
Mais que disent ces incessants avis de décès à nos auditoires sur les communautés autochtones au Canada? Que la vie y est, pour citer Thomas Hobbes et un juge tristement célèbre de la Colombie-Britannique, « pénible, quasi animale et brève »? Ou, plus cruellement, qu’« un bon Indien est un Indien mort »?
D’accord, je l’admets, je fais un peu de provocation avec ces cinq règles. Néanmoins, les recherches montrent que les nouvelles portant sur les communautés autochtones tendent à suivre des lignes directrices extrêmement restrictives fondées sur des stéréotypes préexistants sur ces populations.
Mais prenons d’abord un peu de recul et posons-nous la question : qu’est-ce qu’un stéréotype?
Que nous en ayons conscience ou non, les journalistes font usage de stéréotypes. Souvent. L’actualité n’attend pas, et il nous faut vite trouver une façon simple de dire les choses pour être sûrs que notre public comprendra de quoi il s’agit.
Source : CBC News
Les stéréotypes font office de codes, qui fournissent au public une compréhension immédiate et commune d’une personne ou d’un groupe de personnes — et qui portent généralement sur la classe, l’ethnicité ou la race, le genre, l’orientation sexuelle, le rôle social ou la profession (par exemple, on supposera volontiers que « les joueurs de hockey de la LNH ont une grande endurance physique », sans pourtant s’appuyer sur des données statistiques).
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C’est lorsque les stéréotypes reposent sur des contrevérités que les choses se compliquent. Or malheureusement, on constate souvent que certains journalistes fondent leurs stéréotypes relatifs aux Autochtones sur des présuppositions erronées. En répétant ces stéréotypes, nous disposons du pouvoir de faire de ces suppositions sur les peuples autochtones des « réalités », renforçant ainsi la discrimination et les préjugés.
Les stéréotypes véhiculés par les médias sur les Autochtones tendent à évoluer suivant les préoccupations du jour. Dans les faits, on peut voir les cinq règles céder la place à de nouveaux stéréotypes plus complexes et plus fins.
En 1996, après avoir examiné les représentations que diffusaient les médias des personnes autochtones, la CRPA concluait que bon nombre de Canadiens ne les connaissaient que sous le jour de la « victime pitoyable », de l’« ardent défenseur de l’environnement » ou encore du « guerrier en colère » :
La population autochtone est représentée sous les traits de stéréotypes historiques reconstruits au temps présent : le noble Peau-Rouge qui vagabonde librement dans la forêt; le sauvage assoiffé de sang qui attaque la colonie ou le convoi de chariots; l’Indien ivre; l’environnementaliste autochtone et, plus récemment, le guerrier en habit paramilitaire, le fusil à la main… Comme dans tout stéréotype, on trouve dans ces images un soupçon de vérité. Prenant une dimension dramatique, elles s’impriment dans la conscience populaire. Pourtant, les stéréotypes évacuent la complexité propre au contexte ainsi que la diversité des personnalités et des perspectives.
En 2002, dans le cadre de son mémoire de maîtrise, Crystal Maslin a examiné le portrait des populations autochtones que brossaient les journaux de la Saskatchewan. Elle a distingué deux profils dominants :
● Le « fauteur de troubles » : l’Autochtone actif sur le plan politique est présenté comme un revendicateur, qui exige la reconnaissance des droits autochtones et l’octroi de fonds publics aux communautés autochtones, au détriment des autres Canadiens ;
● Le « bon Indien » : l’Autochtone qui a réussi selon les critères de la société
dominante, qui ne dépend pas de l’aide sociale et qui paie un impôt sur le revenu, malgré ses origines raciales (ceci laissant entendre que ce sont les insuffisances personnelles davantage que les barrières structurelles qui compromettent la réussite à grande échelle des Autochtones).
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Source : Reuters
En 2005, le professeur de travail social Robert Harding estimait que le stéréotype de « l’environnementaliste autochtone » était en train de s’effacer au profit d’un nouveau stéréotype en émergence, dépeignant les Autochtones comme des « gestionnaires financiers incompétents ou corrompus ». Harding suggère que ce canevas dans le discours du journalisme d’information « protège le statu quo tout en limitant la possibilité d’une autodétermination autochtone ». Si le gouvernement autonome est peut-être le but suprême de nombreux peuples autochtones, « d’autres, écrit Hardin, pourraient voir dans ces aspirations avant tout une menace à leur mode de vie comme à leur niveau de vie ».
Les médias « structurent » l’actualité autochtone de bien d’autres façons, et on observe sur ce point certaines variations régionales (par exemple, les nouvelles sont peuplées de « bandits autochtones » dans les Prairies et de « riches Indiens des casinos » aux États-Unis). J’ai souligné ici quelques cas; pour une analyse plus détaillée, rendez-vous à la section des Ressources.
Sans vouloir compliquer les choses, j’ajouterai que dans votre incursion en milieux autochtones, il se peut que vous tombiez sur des personnes qui, parfois, encouragent, amplifient et même exploitent ces stéréotypes. Combien d’équipes autochtones ont ainsi pris pour nom les Braves au baseball, ou encore les Chiefs au hockey? Mais alors, que sont censés faire les reporters?
Pour résumer, en tant que journalistes, nous devons avant tout dire la vérité. Il nous incombe de relayer des faits précis et de les mettre en contexte. Autrement dit, lorsque nous couvrons l’actualité autochtone, nous devons résister à l’envie de prendre un raccourci en usant de stéréotypes.
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Ayez conscience de vos biais personnels et culturels. Vérifiez l’information que vous présentez. Sinon, vous risquez de compromettre l’exactitude de vos propos et de renforcer des stéréotypes existants.
https://riic.ca/the-guide/at-the-desk/beyond-victims-and-warriors/
VICTIMES ET GUERRIERS, MAIS ENCORE?
La terre autochtone est plus qu’une entité juridique ou un état d’esprit. C’est un endroit que le journaliste doit découvrir… en se rendant sur place : pour explorer les lieux, rencontrer les gens, poser des questions, écouter les réponses. — Mark Trehant
Source : urbanrez.ca
L’astuce pour éviter de tomber dans le reportage d’information stéréotypique sur les communautés autochtones consiste à rechercher des sujets différents qui s’écartent du récit éculé de la victime ou du guerrier, sans non plus répéter comme un perroquet la dernière conférence de presse organisée par un groupe autochtone. C’est assez simple, n’est-ce pas? Il suffit en fait de vous tenir au courant de ce qui se passe dans les communautés autochtones.
Pour commencer, suivez régulièrement les nouvelles diffusées sur les nombreux sites d’information autochtones, par exemple : turtleisland.org , mediaindigena.com , ici.radio-canada.ca/espaces-autochtones . Ce pourrait être utile également d’avoir des collègues autochtones en salle des nouvelles, ou encore de garder un « rolodex arc-en-ciel » (une banque de contacts autochtones) à portée de la main.
Mais dans tous les cas, vous devrez travailler fort pour trouver ces sujets qui sortent de l’ordinaire en terre autochtone. La persévérance et la curiosité d’esprit sont essentielles et, bien souvent, il s’avérera nécessaire de faire un tour dans une
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communauté (ou, dans le cas d’une communauté autochtone en milieu urbain, d’explorer cette partie-là de la ville).
Vous aurez beaucoup plus de chances de trouver matière à reportage en milieux autochtones si vous délaissez le téléphone pour faire vos recherches en personne . Bien souvent, la méfiance envers les médias grand public qui s’est accrue au fil des ans (et qu’un journaliste a surnommée le syndrome du « coupable jusqu’à preuve du contraire ») s’évanouit quand un reporter prend simplement le temps de rencontrer son sujet d’enquête.
Source : urbanrez.ca
Bien des gens, et pas seulement en milieux autochtones, préfèrent les entrevues en personne, parce qu’il est alors plus facile de jauger la sincérité de l’intervieweur et de cerner ses intentions. À partir du moment où une personne autochtone comprendra votre volonté de respecter sa culture et d’écouter ce qu’elle a à dire, les portes s’ouvriront à vous.
Toutefois, pour vraiment écouter, vous devrez mettre de côté (au moins temporairement) un double canevas narratif bien ancré chez la plupart des journalistes d’information : la chasse au conflit et à l’information négative.
https://riic.ca/the-guide/at-the-desk/positive-and-negative-stories/
INFORMATION POSITIVE ET INFORMATION NÉGATIVE C’est dans la nature fondamentale de l’information et du reportage d’information : les mauvaises nouvelles prennent toute la place. On rend compte des tragédies, des conflits et des crises, rarement des réussites. Mais au bout du compte, un public non
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autochtone pourrait bien en arriver à la conclusion que les Autochtones forment un peuple tourmenté, accablé de maux et querelleur. — Media Awareness.ca L’anecdote revient souvent entre Autochtones qui regardaient, enfants, des westerns à la télévision : quand venait le temps de jouer « aux cowboys et aux Indiens », les enfants autochtones choisissaient souvent le rôle du cowboy. Qui voudrait jouer l’ « Indien » , ce sauvage violent et inepte avec son tomahawk, dont chaque apparition s’accompagnait en trame sonore de percussions inquiétantes?
Source : Union of British Columbia Indian Chiefs
Les reportages d’information en milieux autochtones, si souvent négatifs par le ton et le sujet abordé, ne sont pas sans rappeler ce vilain « Indien » d’Hollywood. Qui pourrait reprocher leur lassitude aux peuples autochtones devant la « couverture catastrophiste » qu’on leur réserve? Quelles répercussions peut avoir ce flot constant de nouvelles négatives sur l’estime de soi des jeunes Autochtones? Et si c’est à la lumière des actualités que le public non autochtone se fait une impression des peuples autochtones, comment s’étonner qu’il en forge une opinion défavorable?
Cela dit, il est difficile de combattre la pensée qui domine dans bien des salles de rédaction : les mauvaises nouvelles ont la cote. Des années d’expérience nous ont appris que les manchettes qui parlent de conflits, de catastrophes et de morts attirent l’attention, et font vendre les journaux.
Si nous n’essayons pas toutefois d’atteindre un équilibre entre le positif et le négatif dans notre couverture des événements, nous risquons de nous aliéner notre public autochtone et, avec le temps, d’alimenter une perspective biaisée sur les communautés autochtones.
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Voici quelques idées pour tendre vers un équilibre.
Diversifier les comptes rendus. Au programme : nouvelles de l’heure, intérêt humain et reportages de fond. Si vous prenez l’habitude de présenter une variété de perspectives autochtones, en parlant de solutions et non seulement de problèmes ou encore de réconciliation et non simplement de discorde, les personnes autochtones le sauront, et vous découvrirez alors que l’on peut traiter n’importe quel sujet, ou presque.
Intégrer des Autochtones à des sujets « non autochtones ». Ne vous contentez pas de chercher des personnes autochtones pour vos nouvelles « autochtones » (que celles-ci soient « bonnes » ou « mauvaises »). Plutôt, consultez les Autochtones sur toutes sortes de sujets d’intérêt local, provincial, national ou international. Que pensent-ils du temps qu’il fait, de la guerre en Afghanistan ou encore des taux d’intérêt? Si vous recherchez des parents pour votre reportage annuel sur la rentrée scolaire, pouvez-vous interviewer un Wabegijig et une Vollant, en plus d’un Tremblay et d’une Da Costa?
Source : Gouvernement de l’Alberta
Éviter le « journalisme des jours de fête ». Certaines salles de rédaction, dans l’intention de représenter plus équitablement les minorités, introduisent des reportages annuels sur diverses célébrations multiculturelles, tels le Nouvel An chinois ou Diwali. Dans sa version autochtone, ce « journalisme des jours de fête » donnera lieu à des comptes rendus sur la Journée nationale des peuples autochtones, comme sur les divers pow-wow et autres rassemblements culturels qui ponctuent l’année. Si ces événements sont d’une importance indéniable pour les peuples autochtones, les études sur le public des émissions d’information issu des minorités montrent que ces auditoires veulent plus que de belles images de mets festifs et de festivals. Ils veulent une couverture à jour, exacte et factuelle des événements qui reflètent et influencent leur vie. En d’autres termes, ils veulent du journalisme… Alors, ne jetez pas vos principes journalistiques par la fenêtre dans le seul but d’atteindre un quota de diversité.
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Source : urbanrez.ca
Ne pas enterrer les « bonnes nouvelles ». La plupart des salles de rédaction sont en quête de sujets d’intérêt humain ou « qui font du bien », histoire de compenser toute cette violence et tous ces drames que notre public nous dit ne pas aimer. À vrai dire, il n’est pas bien difficile de trouver des « bonnes nouvelles » ou des témoignages de « réussite » parmi les communautés autochtones. Le problème, c’est que ces histoires se trouvent trop souvent enterrées à la toute fin des bulletins d’actualité ou dans la rubrique « Style de vie » des journaux.
Ne laissez pas les « mauvaises nouvelles » monopoliser l’attention. Attribuez-vous le mérite de ce saisissant reportage d’intérêt humain (et rééquilibrez la perception de votre public à l’égard des peuples autochtones) en profitant des outils promotionnels à votre disposition, que ce soit un encart sur votre site web, des gazouillis ciblés ou encore une de ces transitions publicitaires plus tôt dans l’émission annonçant des sujets à venir.
Ne pas se détourner des « mauvaises nouvelles ». Dans leurs efforts pour équilibrer la couverture de l’actualité autochtone, les journalistes ne devraient pas éviter les sujets à controverse ni négliger leur rôle de chien de garde. C’est notre travail d’interroger la responsabilité des acteurs. Les populations autochtones elles-mêmes veulent savoir si la corruption ou la mauvaise gestion sont présentes dans leurs organisations, ou si certaines personnes de leurs communautés sont victimes de maltraitance. Une attention médiatique « négative » peut constituer un puissant moteur de changement social « positif ».
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Source : aaronhuey.com
Il n’en reste pas moins que les enquêtes et les sujets polarisants posent un dilemme aux reporters des « puissantes sociétés médiatiques », estime le professeur John Hartley, qui a examiné la représentation des peuples autochtones dans les médias en Australie :
Le bon journalisme exige une critique sans concession, un traitement impartial et l’absence de toute allégeance à un parti ou à une faction : il exige une indifférence professionnelle. Mais pour les membres d’un groupe marginal, dont les organisations et les dirigeants paraissent constamment mis sur la sellette, c’est exactement à cela que ressemble le journalisme contraire à l’éthique. Pour eux, ce genre de journalisme semble s’intégrer aux stratégies de contrôle d’un régime dans lequel ils n’ont aucun intérêt propre. Le reportage sans concession n’est pas vécu comme un agent purificateur dans « notre » système politique, mais comme une arme toxique dans « leur » arsenal.
Il n’y a pas de solution simple à cela; toutefois, si nous traitons l’actualité des Autochtones avec des pincettes dans nos reportages, nous pouvons être sûrs qu’ils n’intéresseront pas nos auditoires.
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Source : Union of British Columbia Indian Chiefs
Dépasser le conflit. Des zones de guerre aux disputes autour des nids de poule au conseil municipal, le conflit attire les journalistes. Pourquoi? Au cœur de tout conflit réside une composante clé de la plupart des bonnes histoires : le changement. Or avec le changement vient souvent le désaccord, certains lui étant favorables et d’autres non. Certains veulent plus de changement, d’autres s’y opposent. Pour les journalistes, le changement (lire ici : le conflit) fait la nouvelle.
Les groupes autochtones, tout aussi avisés que n’importe quel groupe d’intérêt lorsqu’il s’agit de promouvoir leur cause, ont recours aux barrages, aux manifestations et aux affrontements pour attirer l’attention des médias. Mais en réaction, a estimé la CRPA, les organes d’information accordent à ces événements une couverture disproportionnée eu égard à leur nature et leur fréquence :
Les images médiatiques axées sur le conflit et l’affrontement compliquent la communication et compromettent davantage la réconciliation. Trop souvent, le traitement des peuples et des enjeux autochtones dans les médias renforce la notion ancienne et profondément ancrée de « l’Indien » vu comme un étranger impossible à cerner et qui, en définitive, menace l’ordre civil.
Nos reportages peuvent s’avérer destructeurs, lorsqu’ils alimentent la peur et la querelle, lorsqu’ils renforcent la dichotomie entre « nous » et « eux » et qu’ils situent les groupes autochtones dans une opposition binaire au « reste du Canada ». Ou alors, nos reportages peuvent se révéler constructifs, lorsqu’ils contribuent à ce que les citoyens soient mieux informés et qu’ils favorisent le dialogue.
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Source : Don Staniford
Dans ses travaux sur le « journalisme sensible au conflit », le journaliste et formateur Ross Howard propose une série de questions clés, à vous poser la prochaine fois que vous couvrirez un conflit impliquant un groupe autochtone :
● Dans votre reportage, présentez-vous le conflit comme opposant deux
parties adverses seulement? ● Citez-vous uniquement les porte-parole qui formulent des demandes
habituelles? Interrogez-vous des membres « ordinaires » de la communauté, qui subissent les répercussions du conflit? Avez-vous recours à des sources de première main?
● Posez-vous des questions qui pourraient faire émerger un terrain d’entente?
Traitez-vous des intérêts ou des buts communs des groupes impliqués?
Ce sont là les questions d’un reporter qui souhaite dépasser le conflit pour entrevoir de possibles solutions.
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https://riic.ca/the-guide/at-the-desk/searching-for-solutions-to-the-indian-problem/
CHERCHER À RÉSOUDRE « LE PROBLÈME INDIEN »
Trop insister sur le problème indien en excluant toute dimension positive a pour effet de présenter la population autochtone comme une population à problème… Les peuples autochtones ne constituent pas un problème, ce sont des peuples dont les vies sont compliquées par des forces sur lesquelles ils n’ont pas prise. — Augie Fleras
Combien de reportages sur les peuples autochtones commencent de cette façon?
« Les statistiques dressent un sombre portrait des Autochtones au Canada. Le taux de suicide des jeunes au pays est cinq fois plus élevé chez les jeunes hommes autochtones; la population carcérale est huit fois plus nombreuse; le diabète et la tuberculose atteignent des proportions épidémiques; 30 % des enfants pris en charge par les services d’aide sociale à l’enfance sont autochtones, etc., etc., etc. »
Les études se succèdent, recensant l’une après l’autre ces statistiques désolantes, et les journalistes en rendent compte consciencieusement, tentant ainsi de mettre en contexte les conditions de vie déplorables des peuples autochtones au Canada.
Pourquoi relayons-nous ces statistiques? Parce que nous en observons la manifestation concrète. De près et en personne. Nous nous rendons dans les réserves, grevées de maisons pourries et d’une eau potable impropre. Traversant le centre-ville en auto, nous croisons des Autochtones aux prises avec des problèmes de drogue.
Ces chiffres accablants sont-ils le reflet exact de la vie autochtone au Canada? Bien sûr que non. L’expérience autochtone ne se résume pas aux problèmes de santé, au manque d’éducation et aux maigres perspectives d’emploi.
Néanmoins, si c’est tout ce dont parlent les médias, on comprendra facilement que notre auditoire et notre lectorat en forgent une telle opinion. En ciblant sans cesse les problèmes qui affectent les communautés autochtones, nous transmettons implicitement le message suivant à notre public : les peuples autochtones sont des peuples à problème.
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Source : aaronhuey.com
Un journaliste devrait-il faire comme si ces statistiques inquiétantes n’existaient pas, pour ne parler que de gens heureux, fiers, riches et bien portants? Non : ce portrait ne serait pas plus fidèle à la réalité. Les communautés autochtones font face à une kyrielle de crises socio-économiques, et il faut en parler. Ce ne sont pas de simples pourcentages pour les personnes autochtones : derrière les chiffres se cachent des grands-mères et des grands-pères, des sœurs et des frères, des mères et des pères.
Source : Union of British Columbia Indian Chiefs
C’est là que le journalisme axé sur les solutions entre en jeu.
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EN QUÊTE DE SOLUTIONS
Tandis que le journalisme en mal de scandale demande « ce qui a mal tourné hier, et qui sera condamné pour cela », le journalisme tourné vers l’avenir demande « ce qui pourrait bien aller demain, et qui montre l’exemple ». — David Beers
Journalisme axé sur les solutions, journalisme tourné vers l’avenir, journalisme de développement, journalisme catalyseur : appelez-le comme vous voulez. Le principe clé de cette approche consiste pour les journalistes à rechercher des activités constructives et axées sur les solutions, qui informent, intriguent et inspirent le public.
Car pour chaque problème que vit une communauté autochtone, il y a des chances qu’il y ait une communauté autochtone quelque part (à l’échelle de la province, du pays ou à l’étranger) qui a trouvé une solution ou qui y travaille.
Nous autres journalistes, forts de notre expertise en recherche et en communication, sommes bien outillés pour transmettre et promouvoir des pistes de solution, en témoignant directement des expériences mises en œuvre, en publiant des données, en invitant les auditoires au dialogue et au débat.
Source : urbanrez.ca
Les journalistes de la vieille école lèveront peut-être le nez sur cette approche, la qualifiant de « journalisme de plaidoyer ». Mais est-ce plaider une cause que de vouloir mettre au jour les intérêts communs que partagent les peuples autochtones et le reste du Canada?
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Au lieu de nourrir l’affliction et le désespoir face aux communautés autochtones, le journalisme axé sur les solutions peut susciter l’espoir chez son public. Comme le déclare David Beers, créateur de la plateforme d’information en ligne The Tyee , « lorsque les rédacteurs en chef donnent le feu vert à de tels reportages, cela permet aux citoyens d’envisager de nouvelles perspectives d’avenir, d’en débattre et de mobiliser un appui en faveur des pistes qu’ils proposent ».
Rendre compte de solutions, plutôt que de problèmes, n’est pas chose facile. Les solutions sont rarement simples, et elles surviennent rarement dans les 24 heures que dure un cycle de nouvelles. En résumé, il vous faudra peut-être plus de temps. Mais battez-vous pour ce temps, en expliquant à votre rédacteur en chef ou à votre réalisateur que votre reportage va changer les choses.
DES AUTOCHTONES QUI S’ATTAQUENT AU PROBLÈME Je veux me débarrasser du problème indien… — Duncan Campbell Scott, superintendant adjoint au département des Affaires indiennes, 1920 Ah, le « problème indien ». Des cohortes entières de missionnaires, d’agents de la police montée et d’agents des Indiens (sans compter plus d’un éditorialiste) se sont demandé : « Mais pourquoi ces Indiens ne veulent-ils pas se comporter comme des hommes blancs? »
Politiciens et bureaucrates ont mis en place des lois et des politiques, particulièrement la Loi sur les Indiens , dans le but délibéré de régler le « problème indien » en assimilant les Autochtones. La Loi sur les Indiens traite concrètement les Autochtones comme des enfants ou des pupilles de l’État, incapables d’assumer les responsabilités du monde « blanc ».
La Loi sur les Indiens a condamné des générations d’Autochtones à un état de dépendance.
Aujourd’hui, Autochtones et non-Autochtones dénoncent tout autant cette culture de la dépendance, et il est par conséquent essentiel de ne pas sonder simplement les représentants du gouvernement ou les experts non autochtones.
Demandez-vous toujours : que font les Autochtones eux-mêmes pour s’attaquer au problème?
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Peut-être estiment-ils qu’il n’y a pas de problème. C’est un point important. Peut-être estiment-ils qu’il y a un problème, sans pour autant agir. Ou encore, peut-être exigent-ils que le gouvernement règle leur problème.
Source : urbanrez.ca
Cela dit, bien souvent, les Autochtones s’emploient à trouver des solutions à leurs préoccupations; et d’autres personnes dans d’autres communautés cherchent à répondre à des enjeux similaires.
Renseignez-vous auprès des leaders autochtones sur les mesures qu’ils ont mises en place pour résoudre les problèmes de leur communauté. Demandez leur avis aux membres de la communauté sur les solutions à envisager. Si votre reportage présente les Autochtones comme des personnes enclines à résoudre les problèmes, vous contribuerez à substituer aux discours victimaires des récits d’autonomie et d’autodétermination.
https://riic.ca/the-guide/at-the-desk/how-to-get-stories-assigned/
DES REPORTAGES QUI FONT LES NOUVELLES
Les responsables des affectations sont les gardiens de notre industrie. Tous les jours, une tâche monumentale les attend : remplir les journaux et les émissions d’information de nouvelles inédites, pertinentes et originales. La plupart du temps, il y a trop de sujets à couvrir, et pas assez de reporters.
Autrement dit, tout repose largement sur votre argumentaire.
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S’il sonne creux, votre idée sera écartée avant même que vous vous mettiez au travail.
Ou encore, votre argumentaire sera formidable, mais votre responsable est l’un de ces adeptes des cinq règles qui ne s’intéressent qu’aux nouvelles autochtones parlant de sombres drames, de grands espoirs ou de gros sous.
Voici donc trois conseils pour présenter votre idée de reportage au responsable des affectations, et comme le veut ce vieux dicton autochtone : « Si ça ne marche pas la première fois, essaye et essaye encore. » (Bon, ce n’est peut-être pas un vieux dicton autochtone, mais j’imagine que bien des générations de chasseurs ont suivi ce conseil au fil des siècles.)
Source : urbanrez.ca
TROUVER UN SUJET FORT Quand il s’agit de promouvoir une idée de reportage sur l’actualité autochtone, on gardera en tête, comme pour tout autre sujet, qu’ un bon reportage met l’accent sur les gens.
« Eh, il y a ce gamin qui est mort en détention… On devrait faire quelque chose sur les services de protection de l’enfance autochtone » : voilà un argumentaire qui laisse à désirer. Votre responsable des affectations, qui en a vu d’autres, sait que le public s’intéresse aux gens, et non à des dossiers anonymes.
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Oprah (qui, sans être journaliste, connaît une chose ou deux sur l’art de raconter des histoires) dit que chaque personne porte en elle une histoire . Le tout, c’est d’en faire un récit qui captivera votre public.
Faites vos recherches, afin d’expliquer en quoi votre reportage sera captivant :
● Qui sont les personnes concernées? ● Quel est l’enjeu pour elles? ● En quoi ce sujet est-il important? ● Y aura-t-il des images ou des scènes fortes?
Si vous êtes en mesure de répondre à ces questions (ou à certaines d’entre elles) et de résumer le sujet en deux ou trois phrases, vous susciterez plus facilement l’intérêt de votre responsable.
TROUVER L’ACCROCHE
Pensionnats, revendications territoriales, droits de chasse et de pêche… voilà au moins un siècle qu’on évoque ces questions. Et si on en parle régulièrement, c’est parce qu’elles s’inscrivent au cœur des relations entre Autochtones et non-Autochtones. Elles s’inscrivent dans l’histoire du Canada, comme dans notre conscience nationale.
Mais s’agit-il encore de nouvelles? Vous n’aimez peut-être pas le ton las et condescendant qu’a pris votre responsable des affectations en vous demandant : « Qu’est-ce qu’il y a de nouveau à parler de maisons délabrées en milieux autochtones? » Pourtant, il n’en tient qu’à vous de trouver un nouvel angle au sujet, ou de vous creuser les méninges pour le présenter sous un éclairage inédit.
Si vous parlez des pensionnats en reprenant une formule bien rodée — vous avez trouvé une ancienne élève meurtrie par l’expérience et déniché quelques archives photographiques, et demandé l’avis d’un avocat et d’une ou deux figures politiques —, qui pourra en vouloir à votre public de changer de poste? Ce n’est pas le sujet qui est vieux et usé, c’est la façon dont on l’aborde.
Que pourriez-vous y ajouter pour que votre histoire m’interpelle? Ce pourrait être le point de vue des jeunes, une perspective commerciale ou encore une solution technologique. Pouvez-vous me révéler un aspect du sujet que je n’ai encore jamais
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vu? Y a-t-il quelque part une personne qui pourrait l’incarner sous un jour neuf et fascinant?
Cherchez à créer des reportages qui marqueront les esprits et aideront votre auditoire à comprendre. Trouvez des sujets qui vous intéressent. Vous susciterez alors l’enthousiasme de votre responsable des affectations, comme celui de votre public.
MISER SUR LA DIVERSITÉ
Source : urbanrez.ca
Dans l’infosphère fragmentée d’aujourd’hui, la diversité fait vendre (espérons que votre responsable des affectations soit au courant, sinon parlez-lui aussi de ce tout nouveau phénomène qu’on appelle Internet). Chaque média doit s’efforcer de toucher le plus large public possible et, pour cela, refléter les intérêts et préoccupations de la communauté, de la province, du pays dans son ensemble. Nous devons présenter des reportages sur toutes sortes de populations, y compris les peuples autochtones.
Les études montrent que le public non-autochtone veut mieux connaître les Autochtones, et dans certains marchés, ces derniers représentent une part importante de l’auditoire : ignorez ces faits et vous verrez à coup sûr vos cotes d’écoute se contracter.
Dans cette perspective, « diversité » devrait figurer parmi les mots à la mode qui titillent les oreilles d’un responsable des affectations (au même titre que « exclusivité », « accès privilégié » et « initiative »). Rappelez à votre responsable que non seulement le reportage que vous lui proposez porte sur une formidable initiative qui rassemble des personnalités fascinantes aux prises avec des difficultés
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bien réelles se rattachant à un brûlant enjeu de politique publique, mais qu’en plus, il mettra en avant une communauté diversifiée et sous-représentée dans les nouvelles (à adapter selon les mots à la mode dans votre propre salle des nouvelles).
Qui plus est, pourvu que votre salle des nouvelles soit suffisamment progressiste pour se soumettre à un audit portant sur la diversité , votre reportage l’aidera à marquer des points précieux sur sa feuille de bilan.
S ur le terrain En exclusivité, tout ce qu’il faut savoir sur la culture et les coutumes autochtones.
https://riic.ca/the-guide/in-the-field/indian-time/
LA NOTION DU TEMPS AUTOCHTONE ( INDIAN TIME )
Pour bien raconter cette histoire, on devait ralentir. Je ne veux pas dire qu’on devait travailler lentement; on devait simplement comprendre que certaines des choses qu’il nous fallait pour raconter cette histoire se présenteraient quand elles se présenteraient. – Michael Moore
Il est 9 heures du matin. La responsable des affectations vous remet un communiqué de presse : la ministre des Relations Couronne-Autochtones doit annoncer l’octroi d’un financement important pour la remise à neuf d’une école délabrée dans une communauté de la région. L’événement commence à midi. Vous attrapez un café au vol et vous sautez dans votre voiture pour vous rendre sur place, à une heure de route.
Vous arrivez en avance au gymnase de l’école. Mais l’après-midi se déroule à peu près comme ceci :
12 h 15 L’événement n’a pas encore commencé (les médias sont là, la ministre est là, les gamins de l’école sont là, mais ça n’a toujours pas commencé). Le chef parle avec la directrice de l’établissement.
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12 h 30 La cérémonie est lancée. La directrice fait les présentations : un à un, elle cite les membres du conseil de bande, du conseil d’administration, puis du personnel enseignant. 12 h 40 La directrice invite une aînée à bénir la rencontre. Pendant vingt minutes, cette dernière évoque avec émotion son expérience traumatisante en pensionnat. Elle enchaîne avec une prière. 13 h 15 Un chanteur traditionnel honore la réussite scolaire des derniers diplômés du secondaire. 13 h 30 La directrice présente le conseiller en éducation, qui fait un discours. 13 h 45 Le conseiller en éducation présente le chef, qui fait un discours. 14 h 15 La ministre fait finalement son annonce.
Pendant tout ce temps, votre téléphone n’arrête pas de vibrer. La responsable des affectations veut savoir où on en est : est-ce qu’on a un reportage, et que doit-elle dire à la réunion de production de 14 heures? Le service des nouvelles se demande si vous pouvez faire une courte intervention. Les gens de la promo veulent une capsule.
Deux heures plus tard que prévu, vous avez votre extrait de 15 secondes avec la ministre… mais il vous reste à recueillir quelques entrevues avec des membres de la communauté et à rentrer en ville monter le reportage.
Source : urbanrez.ca
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Bienvenue à « l’heure autochtone ( indian time ) ».
Ce n’est pas facile d’expliquer la notion de « l’heure autochtone ( indian time ) ». C’est plus compliqué que de présumer simplement que tout aura du retard (même s’il vaut mieux s’y attendre, en règle générale). J’ai déjà entendu quelqu’un décrire le « temps autochtone ( indian time )» comme « le temps que prend la mousse pour pousser sur une pierre » ou, comme le disait un aîné, « le temps qu’il faut pour bien faire les choses ».
L’auteur et humoriste ojibwé Drew Hayden Taylor présente ainsi la notion du temps autochtone :
C’est une idée énigmatique fondée sur un unique rapport culturel au temps. En gros, les choses se passent quand elles se passent. Il n’y a pas 24 heures dans une journée. Le temps est sans limites, impossible à découper en morceaux. S’il doit se passer quelque chose à 11 heures, il se pourrait que ça se passe à 11 h 1, à 12 h 26 ou encore à 13 h 11. Ça se passera quand ça se passera. L’univers a son propre pouls, et qui sommes-nous pour l’accélérer ou le ralentir? Pour certains, c’est une excuse qui donne le droit d’être en retard. Pour d’autres, c’est un moyen d’éviter les ulcères.
Le psychiatre mohawk Clare Brant a lui aussi tenté d’expliquer la notion du temps autochtone, après avoir observé des métallurgistes mohawks donnant parfois l’impression d’être « paresseux » ou de traîner les pieds déborder soudain d’énergie pour terminer une tâche :
Quand c’est le bon moment… quand le temps, les saisons, les conditions, les sentiments, le Manitou, l’esprit et tout le reste sont bons, là tu agis : tu remues ciel et terre et tu fais ce qu’il y a à faire.
Pour reprendre le scénario de la conférence de presse à l’école, un reporter anxieux pourrait percevoir le fil des événements comme le comble du laisser-aller, alors qu’en fait, les présentations, les discours et les chants sont fortement structurés suivant les façons de faire et le protocole du lieu. On estime le processus (qui implique de rendre honneur aux personnes) tout aussi important que le produit ou le résultat. Ces étapes sont nécessaires pour faire les choses « d’une façon adéquate » ou « de la bonne manière ».
Ne vous méprenez pas : le temps autochtone n’est pas le même que le temps en salle des nouvelles . Vous avez une échéance, et vous cherchez du contenu pour
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remplir un vide dans votre enchaînement? La notion du temps autochtone pourrait bien faire obstacle.
Voici quelques pistes pour composer avec cet enjeu.
PLANIFIEZ DU TEMPS AUTOCHTONE
Ajoutez du temps à VOTRE horaire, en tenant compte d’un éventuel délai dans le déroulement des événements, d’un possible retard des interviewés, ou pour faire les présentations qui s’imposent en bonne et due forme. Si votre reportage n’est pas une nouvelle de dernière heure, le plus tôt sera le mieux pour amorcer vos recherches, afin de laisser le temps aux communautés autochtones de discuter du sujet et de déterminer les personnes à interviewer.
Le jour du tournage, si vous devez réserver les services d’un caméraman ou d’une photographe, demandez un surplus de temps, avant et après. Faites une demande d’heures supplémentaires si cela peut aider. Prenez soin de ne pas caser un grand nombre d’entrevues dans un court laps de temps. Prévoyez un moment pour la tasse de thé, essentielle.
Expliquez à votre responsable des affectations qu’il vous faudra peut-être deux fois plus de temps pour accomplir le travail dans une communauté autochtone – et que si elle pouvait vous donner un peu de jeu (en prolongeant le temps de recherche ou en repoussant l’échéance), votre reportage en serait grandement amélioré.
LA NOTION DU TEMPS AUTOCHTONE PEUT VOUS PRENDRE DE COURT
Source : urbanrez.ca
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La notion du temps autochtone, surtout lorsqu’on part en excursion dans les terres, ne veut pas forcément dire qu’on est « en retard » ou que les choses prennent plus de temps. Les choses se passent quand elles se passent et, parfois, cela veut dire plus tôt que prévu. Si la notion du temps autochtone remonte à une époque où les activités des communautés tournaient autour des saisons, du soleil et des habitudes migratoires des animaux (mais qui peut vraiment retracer les origines du temps autochtone?), alors vous devez toujours accepter que vos plans puissent changer.
Donc, en supposant que vous aviez prévu une sortie en bateau à 8 heures du matin avec votre sujet autochtone pour le filmer en pleine partie de pêche, dites-vous que vous pourriez le voir frapper à votre porte dès 4 heures si : a) la météo, b) le comportement des poissons, c) le conseil d’un aîné, ou d) toutes ces réponses imposent un départ anticipé.
LE TEMPS AUTOCHTONE N’EST PAS TOUJOURS DE MISE
Il y a des jours où VOUS pourriez être en retard, à cause d’un embouteillage, ou parce que votre rédacteur en chef a mis un temps fou à valider le dossier. « Pas grave si j’ai du retard », vous dites-vous. « Je rencontre des Autochtones : ils comprendront. Ils vivent à l’heure autochtone. » Peut-être que oui, mais peut-être que non.
Les Autochtones sont tout aussi occupés que n’importe qui dans ce monde trépidant, et beaucoup ont un horaire chargé et contraignant. Vous risquez d’offenser quelqu’un ou pire, de passer à côté d’une entrevue, si vous ne vous présentez pas ou que vous n’appelez pas à l’heure convenue.
Traitez les Autochtones comme vous traiteriez n’importe qui : si vous avez du retard, appelez-les en vitesse pour les avertir, et pour vous excuser.
EN CAS D’ÉVÉNEMENT CULTUREL, PRÉVOYEZ UN DÉLAI
Si votre reportage tombe le même jour que le frai des saumons, les funérailles d’une aînée ou un autre des nombreux événements culturels qui marquent la vie des communautés autochtones (comme la chasse, les rassemblements, les récoltes, les cérémonies spirituelles, les funérailles, les naissances ou les réunions familiales), vous aurez peut-être du mal à parler à quelqu’un.
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Cela ne signifie pas forcément que la personne que vous tentez de joindre ne veut pas vous parler. Cela signifie simplement qu’elle n’a pas les mêmes priorités que vous.
VOTRE ÉCHÉANCE EST VOTRE PROBLÈME
Vous aimeriez peut-être que le reste du monde comprenne combien votre échéance est cruciale, et il se peut, si vous leur expliquez cette contrainte, que les personnes autochtones rencontrées se plient en quatre pour vous aider à la respecter. Cela dit, vous aurez de bonnes chances de gagner en estime – et de repartir avec un bien meilleur reportage – si vous essayez d’oublier cette échéance (aussi difficile que cela puisse paraître) pour reconnaître qu’en pays autochtone, on met souvent un peu plus de temps à faire les choses.
Au lieu de penser au temps autochtone comme au pire ennemi du reporter, pourquoi ne pas voir en lui un ami?
Si vous parvenez à faire comprendre à vos supérieurs que vous mettrez un peu plus de temps à préparer votre reportage, mais que le jeu en vaut la chandelle, le résultat n’en sera que meilleur. Profitez de ce temps pour faire des recherches et mettre au point des accroches. Quel reporter ne voudrait pas plus de temps pour peaufiner son sujet?
Votre responsable des affectations veut un reportage coûte que coûte? Eh bien, vous pouvez chercher un autre sujet que vous êtes sûr de rendre à temps – en ajoutant le projet initial ainsi que vos nouveaux contacts à votre banque de sujets. Il se peut aussi que vous soyez coincé : vous allez alors ficeler votre reportage avec ce que vous avez pu rassembler. Mais dans ce cas, si vous vous retrouvez avec seulement des plans d’ensemble de la communauté et des images d’archives, n’allez pas dire que c’est la faute des Autochtones.
https://riic.ca/the-guide/in-the-field/indigenous-customs-and-protocols/
LES COUTUMES ET PROTOCOLES AUTOCHTONES
Mon amie […] dit depuis des dizaines d’années que si elle dirigeait un journal canadien, elle traiterait la couverture des peuples et des affaires autochtones comme relevant d’un bureau à l’étranger, qui aurait son correspondant et son budget de voyage. Le journaliste serait affecté, disons, à Regina pour trois ans, avec pour mandat d’écrire sur les communautés de ce pays, isolées ou non, sur ses peuples natifs, ruraux et urbains,
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et de parcourir le territoire avec ce regard neuf et cet émerveillement qui caractérisent souvent les meilleurs reportages d’un correspondant en poste à Pékin, à Londres ou à Washington. C’est à cette condition […] que l’histoire des peuples autochtones du Canada recevrait l’écoute et l’attention qu’elle mérite, et qu’elle serait adéquatement et pleinement racontée. – Christie Blatchford
Bien que je ne sois pas toujours d’accord avec ce que la journaliste Christie Blatchford a pu écrire sur les « peuples natifs » du Canada au cours de ses rares incursions dans les communautés des Premières Nations, cette idée d’un reporter de la presse nationale ou régionale affecté aux questions autochtones comme un correspondant étranger est particulièrement parlante . Non seulement cette perspective laisse entrevoir le surplus de ressources requis pour assurer une couverture adéquate des communautés autochtones isolées, mais elle nous aide à comprendre que beaucoup de journalistes se sentent complètement sortis de leur élément quand ils s’y rendent.
À l’instar des correspondants internationaux, qui voyagent en terre étrangère au sens propre du terme, les reporters affectés à l’actualité autochtone peuvent se retrouver dans des lieux où la langue, l’alimentation et les coutumes tranchent avec leurs habitudes (et parfois dans des lieux où il n’y a ni électricité, ni eau courante, ni – ouh là! – réseau cellulaire). Cela peut donner l’impression d’être dans un autre monde. Si vous n’êtes pas Autochtone, vous pourriez vous sentir dans la peau d’un aventurier explorateur, ou sinon mal à l’aise parce que c’est vous la minorité qui sort du lot.
Curieusement, si les journalistes que nous sommes ont appris à poser des questions, il arrive que nous hésitions à poser les plus importantes d’entre toutes en raison de différences culturelles.
Le hic, c’est que contrairement aux touristes, les reporters ont pour responsabilité de découvrir la « vérité » du lieu visité, puis de la révéler au reste du monde.
Voilà pourquoi il est important de reconnaître que nous avons tous des partis pris en tant que journalistes, et que ceux-ci nous suivent tous les jours au travail. Ils transparaissent dans notre choix de sujets, dans la façon dont nous les présentons et dans les mots, images et vidéos que nous intégrons à nos reportages.
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Source : urbanrez.ca
Dans cette section, je présente certaines coutumes autochtones répandues et j’offre mes conseils pour vous y retrouver. Tout comme un correspondant étranger se fie à un « intermédiaire » pour l’aider à traduire la langue et les coutumes locales, vous ferez un agréable voyage en pays autochtone si vous bénéficiez d’un conseiller de confiance qui vous expliquera pourquoi ce vieux bonhomme s’attend à être payé pour la motoneige qu’il vous loue, ou quoi faire si on vous invite à une fête. Après tout, le Lone Ranger n’allait pas bien loin sans son fidèle guide indien.
En deux mots, voici ce qu’il faut retenir sur les coutumes et protocoles autochtones : si vous hésitez le moindrement dans votre interprétation d’une coutume, ou que vous vous demandez s’il est approprié de participer à une cérémonie, une danse ou un chant ou encore d’en rédiger une description ou de l’enregistrer, posez la question à votre hôte. Cette personne appréciera votre tact et votre attention (même si elle risque de vous taquiner par la même occasion).
[Pour qui cherche des lectures complémentaires sur différentes thématiques transculturelles, j’ai trouvé bien utile la formation « Working Effectively With Indigenous Peoples », signée Robert et Cynthia Joseph. Elle présente une démarche pleine de bon sens pour le travail en entreprise au sein des communautés autochtones : https://www.ictinc.ca/ ]
PARTICIPER AUX CÉRÉMONIES ET AUX FÊTES
Dans vos sorties en terre autochtone, vous tomberez vite sur des cérémonies spirituelles. Des séances de sudation aux danses du soleil en passant par les fêtes commémoratives et les danses de l’esprit, les différentes nations autochtones pratiquent diverses cérémonies, qui constituent un important lien entre le présent et leurs anciennes traditions culturelles.
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Source : urbanrez.ca
Pour les peuples autochtones, cérémonie et communauté vont de pair : dans la cérémonie, on reconnaît l’interdépendance de toute chose; c’est aussi par elle que la communauté transmet et renforce ses valeurs et croyances.
Certaines cérémonies sont sacrées et privées. Mais parfois, lors d’un rassemblement, il arrive que toutes les personnes présentes soient conviées à participer à une cérémonie culturelle, une prière, une danse ou un repas festif.
Pour un reporter qui se considère comme un observateur objectif des événements, il peut être perturbant de se joindre à une cérémonie pour la première fois. Si vous êtes mal à l’aise, demandez à votre hôte de vous expliquer le processus. Et en dernier recours, faites comme la personne devant vous.
Tout au long de l’événement, il est impératif d’éviter le jugement. Par exemple, l’idée derrière une cérémonie de purification par la fumée est de balayer les pensées négatives, la tension et l’anxiété. Si votre participation est contraire à vos croyances culturelles ou religieuses, expliquez-le simplement avec politesse.
LES CÉRÉMONIES : FILMER OU PAS?
Aux yeux des visiteurs, les cérémonies autochtones sont toujours fascinantes, à l’occasion hautes en couleur, parfois même mystiques. Mais cette cérémonie à laquelle vous assistez, en quoi est-elle importante pour votre reportage?
Elle y tient peut-être une place essentielle, si elle nous révèle quelque chose sur les motivations d’une personne que vous présentez. Sinon, demandez-vous pourquoi vous cherchez à enregistrer la cérémonie. Correspond-elle à une image que vous ou votre public avez des Autochtones, vus comme mystérieux ou exotiques?
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Concernant la permission de filmer ou de photographier une cérémonie, attendez-vous à recueillir différentes opinions. Les religions et les protocoles autochtones se fondent sur une tradition orale; il n’y a pas de manuel officiel disant quoi faire, et la réponse à votre demande variera.
Par exemple, la purification par la fumée est un acte cérémoniel courant que vous pourriez être amené à observer (la fumée de glycérie, de tabac, de cèdre ou de sauge sert à purifier le mental, le corps, le cœur et l’esprit). Si certains Autochtones ne voient pas d’objection à ce qu’on filme ou qu’on prenne des photos d’une purification, d’autres s’y opposent.
À qui vous adresser? Dans certaines communautés, on vous présentera peut-être à l’assistant d’un aîné ou à une porte-parole chargée de s’exprimer au nom d’un chef de cérémonie. Il se peut encore qu’on vous oriente vers la personne qui va diriger la cérémonie. Autrement, essayez de trouver cette dernière, car les personnes présentes ne seront pas forcément habilitées à vous accorder la permission de filmer ou de photographier l’événement, quelle que soit leur position dans la communauté.
Source : urbanrez.ca
Si, après que vous avez demandé cette autorisation poliment, on vous dit : « Non. Pas de caméras permises durant la cérémonie », voyez s’il n’y a pas une façon de présenter celle-ci sans photo ni vidéo. Par exemple, si vous êtes reporter à la télévision, serait-il possible de la décrire vous-même en ondes, comme le ferait un journaliste radio?
Tentez d’expliquer à vos hôtes en quoi la cérémonie est pertinente dans votre reportage, et comment vous comptez la présenter (par un enregistrement sonore seulement? Si on parle d’une vidéo, y aura-t-il un montage? Si on parle d’une photo, que dira la légende figurant en dessous?). Il est possible aussi que seule une petite
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partie de la cérémonie ne puisse être décrite ou filmée. À partir du moment où vos sujets comprendront mieux pourquoi il est important pour vous de décrire ou de filmer l’événement, il se peut que vous trouviez ensemble un terrain d’entente.
Si vous acceptez de ne pas filmer certains volets de la cérémonie, les caméramans devraient éteindre leur caméra ET la pointer vers le sol, ou dans une autre direction, afin que les participants soient assurés qu’elle n’enregistre pas.
Si vous décrivez une cérémonie par écrit, expliquez à vos lecteurs ce qui se passe et pourquoi. Dans une nouvelle brève, ce sera difficile de présenter les récits et les croyances complexes qui expliquent une cérémonie en particulier; toutefois, vous pouvez aider votre public à comprendre que toute cérémonie a une raison d’être, et que les « chants » comportent des mots chargés de sens. Pensez à replacer la cérémonie dans un contexte contemporain : de nos jours, les « guérisseurs » ont un cellulaire, et les « chamanes » peuvent convoquer un rassemblement autant sur Twitter qu’au moyen d’un « tambour sacré ».
Si on vous demande de NE PAS enregistrer une cérémonie, il serait peu judicieux d’ignorer cette requête. Si vraiment vous estimez devoir aller de l’avant et que vous filmez l’événement sans le dire, sachez que vous risquez alors de compromettre votre reportage, ou d’autres reportages à venir sur la communauté autochtone concernée, les vôtres comme ceux de tous vos collègues. Vous pourriez en outre entacher les relations avec d’autres nations qui entendront parler de cette transgression ou qui se rendront compte que vous avez exposé quelque chose qui ne devait pas être rendu public.
VOLER LES ÂMES Le chef lakota Crazy Horse figure au nombre des Autochtones les plus connus de toute l’histoire; pourtant, il n’existe aucune photo de lui. La légende veut qu’il ait refusé de poser devant l’appareil parce qu’il croyait que celui-ci lui volerait son âme.
L ’« École de Crazy Horse » compte aujourd’hui encore des adeptes, qui refusent tout cliché parce qu’ils estiment qu’une photo s’empare littéralement d’un élément de la force vitale propre au sujet photographié. Dans tous les cas, bien des gens, et pas seulement des Autochtones, considèrent qu’un appareil photo ou une caméra peuvent s’immiscer un peu trop dans leur intimité.
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Source : Don Staniford
Néanmoins, dans le passé, bon nombre d’Autochtones ne voyaient pas d’objection à la chose et posaient avec plaisir devant le photographe. De nos jours, les appareils photo et les caméras sont partout, du téléphone cellulaire à l’appareil numérique en passant par le caméscope, et la plupart des Autochtones aiment tout autant s’en servir que n’importe qui d’autre. Beaucoup aiment se voir à la télévision ou dans le journal. À l’occasion d’un pow-wow ou d’une autre célébration publique, si vous le leur demandez poliment, les participants autochtones accepteront généralement que vous les preniez en photo ou que vous les filmiez – à moins que des raisons culturelles ou spirituelles ne le permettent pas.
À vrai dire, de plus en plus de leaders culturels autochtones admettent qu’un appareil photo ou une caméra (comme la personne qui le manipule) peut constituer un témoin important lors d’une rencontre culturelle. Saisir en images les gens et les événements « pour mémoire » (et les représenter dignement) constitue un outil de plus en plus prisé, au service de l’éducation, de la guérison et de l’épanouissement.
FAIRE DES CADEAUX
Les entreprises médiatiques interdisent souvent aux journalistes de rétribuer une source pour sa participation à un reportage, la théorie voulant qu’un paiement puisse compromettre la véracité des propos. En revanche, dans certaines cultures autochtones, il est de bon ton d’offrir un présent à quelqu’un qui nous conte une histoire, dans un geste de respect. Par ce présent, on reconnaît la bonne volonté du conteur qui a donné de son temps et de son savoir, et on reconnaît la valeur de ce savoir.
D’autres peuples autochtones pourront considérer le cadeau d’un visiteur comme une offense, y voyant un pot-de-vin – dans une variante des Européens accostant
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les rives du Nouveau Monde et disant, tout sourire : « Nous arrivons les bras comblés de présents. »
Un reporter devrait-il offrir des cadeaux à la communauté qui l’accueille? Et si oui, quel genre de cadeaux?
Source : urbanrez.ca
La réponse par défaut : demandez à votre hôte autochtone s’il est approprié d’offrir quelque chose à une personne que vous interviewez, et si oui, quel genre de chose . Une chose est sûre : votre cadeau n’a pas besoin d’être gros. Pour nombre d’Autochtones, il est courant d’offrir à un aîné du tabac, considéré comme une plante médicinale sacrée. La tradition veut qu’on offre du tabac en feuilles, mais aujourd’hui, il est acceptable d’offrir une blague de tabac à rouler du commerce. Un paquet de cigarettes fera l’affaire faute de mieux, même si en général, on brûle le tabac dans le cadre d’une cérémonie (plutôt que de le fumer).
Si l’idée d’offrir du tabac vous dérange, un simple petit quelque chose suffira à la place, comme un bocal de pêches au sirop fait maison ou un pot de café Tim Horton. Si la personne conduit une auto, proposez-lui de contribuer aux frais d’essence.
Vous pourriez également envisager de verser des honoraires à une personne interviewée, mais attention, si vous travaillez pour une grande entreprise médiatique, cela risque de devenir compliqué (dans la mesure où il vous faudra alors fournir son numéro d’assurance sociale, son adresse postale, etc.).
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RECEVOIR DES CADEAUX
Le partage et la générosité font partie intégrante de la culture autochtone. On offre souvent aux visiteurs (y compris aux journalistes) un petit cadeau, un souvenir, ou encore les personnes autochtones les inviteront à manger s’ils viennent les voir chez elles. Dans la mesure du possible, acceptez ces cadeaux – il serait bien rare qu’on cherche ainsi à vous acheter.
Les politiques déontologiques de certaines salles de rédaction imposent une valeur maximale au-delà de laquelle on ne peut accepter un cadeau (25 $ étant une limite habituelle), et la plupart des cadeaux qu’on vous fera auront une valeur inférieure.
Cela dit, il peut être bon de discuter de ces paramètres dans votre propre salle des nouvelles (une solution à envisager : rendre la pareille en offrant des stylos, des casquettes de baseball et des épinglettes à l’effigie de votre média d’information – mais… cela peut aussi manquer de subtilité). Si on vous offre de l’argent au cours d’un potlatch ou d’un échange de cadeaux, acceptez et servez-vous-en pour acheter des présents aux membres de la communauté.
Ce qui est vrai pour les cadeaux l’est doublement pour l’offre de nourriture et de boissons. Si quelqu’un vous sert une tasse de thé, prenez le temps de la boire. Évitez de décliner toute offre raisonnable de nourriture, que le mets proposé vous semble délicieux ou non (comme du museau d’orignal : attendez d’y avoir goûté avant de vous faire une idée) – à moins d’une contre-indication médicale (le végétarien est un animal solitaire en pays autochtone).
LA MORT
La mort est souvent le gagne-pain du journaliste.
Mettre la main sur la vidéo amateur du père de deux enfants tué dans cet accident de la route, dénicher dans un album du secondaire la photo du garçon qui s’est fait tirer dessus dans un règlement de compte entre gangs, trouver sur Facebook une photo de la petite fille morte étouffée par ses parents adoptifs.
En permettant à notre public de visualiser la vie d’une personne décédée, on l’aide à apprécier la gravité de la situation et à mieux comprendre certains enjeux publics plus vastes – c’est en tout cas ce qu’on se dit. Le travail est désagréable, peu importe votre culture ou votre communauté d’appartenance, et vous avez sans doute établi
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une façon de faire toute personnelle pour aborder ce sujet particulièrement sensible auprès des amis et parents en deuil.
Toutefois, vous devez savoir que les cultures autochtones ont leurs coutumes propres entourant la mortalité.
Source : urbanrez.ca
Certaines Premières Nations interdisent de montrer l’image d’une personne défunte pendant au moins un an après son décès . D’autres cultures estiment qu’il est extrêmement irrespectueux d’en montrer LA MOINDRE image ou même d’en mentionner le nom.
Cette coutume, qui consiste à « remiser » le nom et l’image des défunts, peut poser tout un problème au journaliste dont l’objectif est à l’opposé : mettre un visage sur une tragédie. Que faire, quand une communauté autochtone fait valoir une objection culturelle à la diffusion d’images d’une personne décédée?
Le service des nouvelles et des affaires publiques du Réseau de télévision des peuples autochtones (APTN) propose une réponse dans la section de sa politique journalistique intitulée « Considérations culturelles » :
Nous veillerons à respecter et à reconnaître la conduite et les coutumes cérémonielles d’une nation. Certaines cérémonies ne doivent pas être nommées ni montrées en ondes […] Dans le respect de la culture inuit, à la mort d’une personne, tout sera mis en œuvre pour ne pas dire son nom et ne pas la montrer dans un reportage d’information pendant au moins un an.
Les journalistes d’information des médias grand public pourraient rechigner à suivre de telles restrictions; pourtant, nos salles de rédaction prennent régulièrement des
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décisions éditoriales motivées par certaines considérations culturelles. Bon nombre de médias limitent leurs reportages sur des cas de suicide, entre autres parce qu’ils impliquent des détails souvent insoutenables, mais aussi par crainte d’entraîner d’autres suicides. De la même manière, les radiodiffuseurs canadiens hésitent à montrer des images choquantes et violentes tirées de scènes de guerre, comme des corps morcelés, par souci de ne pas bouleverser leurs auditoires.
Ce sont là des préoccupations qui relèvent de l’éthique et des politiques journalistiques, fondées sur les mœurs culturelles supposées de notre public. Les traditions autochtones entourant la mort ne reflètent pas forcément les pratiques de la majorité au Canada, mais pourquoi ne peut-on pas les respecter?
En Australie, le gouvernement, les radiodiffuseurs et les réalisateurs ont entrepris de sensibiliser les reporters et les producteurs aux conventions culturelles liées à la couverture des décès en milieu autochtone. Parmi les sociétés autochtones, les traditions entourant le deuil interdisent formellement de mentionner le nom d’une personne décédée (la coutume varie d’une région à l’autre, mais dans certains groupes, cette interdiction peut perdurer jusqu’à quinze ans). Le fait d’ignorer ces conventions peut causer un chagrin et une douleur immenses à la famille endeuillée.
En 2008, le gouvernement australien encourageait les médias à respecter les usages autour du deuil lorsqu’ils couvrent la mort d’Autochtones, publiant les recommandations suivantes :
● Au décès d’une personne connue du public, la communauté ou le média local peut émettre des instructions encadrant la mention du nom de la personne et le recours à un enregistrement sonore ou à une représentation visuelle de celle-ci.
● S’il est prévu de nommer la personne ou d’en montrer des images, une
autorisation écrite de la famille et/ou de la communauté en deuil est requise. Dans cette communication avec la communauté, on veillera à ne pas nommer la personne défunte. Le contexte dans lequel s’insère cette demande devra faire comprendre clairement son identité.
● Si l’autorisation est accordée, elle est généralement restreinte au média qui
en a fait la demande. Les autres sociétés de médias n’auront pas pour autant le droit de publier le nom ou l’image de la personne défunte sans soumettre elles-mêmes une demande.
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Le radiodiffuseur public australien ABC a poussé plus loin la démarche, élaborant des directives détaillées à l’intention de ses journalistes et documentaristes. La politique met en garde contre la détresse que peut engendrer l’utilisation d’images et d’enregistrements sonores de personnes décédées depuis longtemps. Désormais, l’avertissement suivant apparaît au début d’une émission et sur le site web de l’ABC :
ATTENTION : Nous avisons le public autochtone et les insulaires du détroit de Torres que cette émission peut contenir des images et des enregistrements sonores de personnes décédées.
Voilà, peut-être, un dossier compliqué à gérer pour les médias canadiens. À qui appartiennent les images d’archives? Comment rapporter la nouvelle d’un décès sans mentionner le nom de la personne défunte? Et si le média concurrent décidait d’agir autrement? Néanmoins, si l’on veut témoigner de respect et de réciprocité envers les traditions autochtones, il apparaît essentiel d’aborder cet enjeu, que ce soit au cas par cas ou par l’élaboration d’un code de conduite.
Source : urbanrez.ca
LE CONTACT VISUEL
Au Canada, on considère le contact visuel comme une composante essentielle des interactions sociales. « Regarde-moi dans les yeux », disons-nous à nos enfants. « Établissez un contact visuel », conseillons-nous aux élèves et étudiants qui apprennent à parler en public.
Généralement, en situation sociale, les Canadiens établissent un contact visuel quand ils commencent à parler, avant de détourner le regard, puis, de temps à autre, de regarder de nouveau leur interlocuteur dans les yeux (en moyenne, un contact visuel entre Nord-Américains dure environ trois secondes). On considérera une
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personne qui n’établit pas ce contact visuel comme timide ou malpolie, comme quelqu’un qui s’ennuie, ou dont il faut se méfier.
Cependant, dans certains groupes autochtones, le fait de regarder une personne dans les yeux n’est PAS la norme. Si vous constatez qu’une personne autochtone ne vous regarde pas, dites-vous que cela peut renvoyer aux apprentissages culturels ou aux rôles sexuels dans sa communauté, ou encore s’expliquer par d’anciennes relations troubles avec des figures d’autorité en pensionnat.
Ayez conscience de vos propres idées préconçues dans l’interprétation des expressions du visage. Il existe même des manuels de formation transculturels conseillant aux juges non autochtones d’éviter d’interpréter la réticence d’un défendeur autochtone à établir un contact visuel comme un aveu de culpabilité.
Comment se comporter? Cette question peut s’avérer particulièrement complexe pour un reporter en entrevue. La réponse n’est pas simple. On établit un contact visuel ou pas? Et si oui, pour combien de temps? Prêtez attention au visage de votre interlocuteur et efforcez-vous d’afficher des expressions faciales qui puissent le mettre à l’aise.
LE RÔLE DES AÎNÉS
Dans les communautés autochtones, on traite les personnes aînées avec un immense respect. Ce ne sont pas que de vieilles personnes : on voit en elles les dépositaires de l’histoire et des enseignements culturels, et c’est souvent vers elles qu’on se tourne pour obtenir des conseils ou des paroles de sagesse.
Source : urbanrez.ca
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Un journaliste devra prendre grand soin de ménager la sensibilité des aînés. La bénédiction d’un aîné pourra faire en sorte que sa visite dans une communauté se passe bien; sa désapprobation, par contre, pourra faire avorter son reportage.
Malgré tout, la réalité de notre travail est souvent difficilement compatible avec cette bienséance attendue envers les aînés, surtout quand on pense au protocole d’entrevue et aux brefs extraits qu’on veut parfois en tirer.
En règle générale, à l’occasion d’un rassemblement public, on accordera aux aînés tout le temps dont ils ont besoin pour s’exprimer. De la même manière, on considérera le fait d’interrompre un aîné dans une discussion privée comme un manque de politesse. Ne demandez pas son avis à une personne aînée si votre échéance est serrée et que vous n’avez pas le temps de l’écouter respectueusement.
Interviewer une personne aînée peut parfois constituer une expérience frustrante et déroutante. Dans la tradition autochtone, l’ellipse est indissociable de l’art de raconter des histoires, et il est parfois difficile d’amener un aîné à s’exprimer sur un sujet précis. « Quel est votre sentiment à propos de XYZ? » : cette question peut déboucher sur un récit d’une demi-heure autour d’un souvenir d’enfance. Si vous visez simplement l’extrait vidéo de 10 secondes ou la brève déclaration, expliquez les conventions de votre média : au moins, la personne sera prévenue que vous allez réduire ses enseignements à une courte capsule.
Enfin, les aînés autochtones sont des gens occupés. Loin de profiter d’une retraite dorée pour se détendre, les aînés les plus âgés et les plus respectés d’une communauté sont souvent des personnes très recherchées à l’agenda bien rempli, appelées à assumer des fonctions cérémonielles et à partager leur savoir traditionnel. D’ailleurs, le « burnout du consultant » n’est pas rare au sein des communautés autochtones, particulièrement parmi les aînés.
Si vous avez convié une personne aînée à participer à votre reportage, prévoyez de lui offrir un cadeau afin de la remercier pour son temps et pour sa participation à votre projet.
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« DÉONTOLOGIE ET RÈGLES DE COMPORTEMENT DES AUTOCHTONES » : L’APPORT DE BRANT Dans ses échanges et ses entrevues avec des Autochtones, un journaliste doit-il s’attendre à d’autres comportements et réactions que lorsqu’il interagit avec des non-Autochtones? D’après le Dr Clare Brant, la réponse est oui.
Brant était un psychiatre de la communauté mohawk de Tyendinaga. Il y a trente ans, il publiait un court article dans une revue de psychiatrie sur la déontologie et les règles de comportement des Autochtones , proposant une approche culturellement appropriée dans le diagnostic et le traitement des patients autochtones en santé mentale. L’article est encore aujourd’hui largement cité dans les champs de la psychiatrie, de l’anthropologie et de la sociologie, au Canada comme ailleurs.
Fondant ses observations sur « des années d’interactions avec les Iroquois de l’Ontario et les Cris du nord du Québec et de l’Ontario », Brant avance que certains principes éthiques, valeurs et règles de comportement « issus de la culture autochtone persistent sous une forme cachée et exercent aujourd’hui encore une forte influence sur les façons de penser et d’agir des Autochtones ».
Sans prétendre que le comportement qu’il décrit s’applique universellement à tous les peuples autochtones, Brant reconnaît que les Autochtones sont exposés à une diversité d’influences culturelles au cours de leur enfance, et qu’on peut s’attendre à observer des différences de comportement d’une tribu à une autre.
C’est sûr, la généralisation comporte des risques quand on parle de la psychologie d’un quelconque groupe social. Pour chaque personne autochtone qui (comme moi) trouve une parcelle de vérité dans l’analyse de Brant, une autre aura le sentiment que sa communauté agit de façon opposée. Malgré tout, j’espère que mon résumé de la déontologie établie par Brant servira de point de départ opportun aux journalistes cherchant à interpréter le comportement des personnes autochtones rencontrées et observées.
Le principe de la non-ingérence Selon ce principe, nous dit Brant, « un Autochtone ne dira jamais quoi faire à un autre Autochtone ». Ce concept remonterait à la société tribale antérieure au contact avec les Européens, qui reposait sur la coopération volontaire pour permettre l’atteinte des objectifs du groupe. Aujourd’hui, le principe de la non-ingérence se résume ainsi : on considère comme impoli de donner des
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instructions ou des ordres à une personne autochtone (ou d’ailleurs, de se permettre un quelconque jugement).
Source : urbanrez.ca
Un journaliste pourra observer ce type de comportement quand un interlocuteur autochtone se montre réticent à critiquer publiquement un autre membre de la communauté. Le reporter pourra estimer un tel extrait nécessaire afin de créer une tension ou de mettre en avant un conflit dans son reportage; pourtant, son insistance à vouloir soutirer une critique publique pourrait bien s’avérer vaine et frustrante.
Le principe de la non-ingérence entre aussi parfois en jeu quand un journaliste cherche à conseiller ou à persuader un Autochtone de faire quelque chose (prenons le cas d’un caméraman qui dit à une grand-mère de marcher jusqu’à une tombe et d’y déposer des fleurs, puis lui demande de répéter ses gestes une deuxième fois). De telles directives peuvent paraître impolies aux yeux des Autochtones.
Inversement, un Autochtone pourra très bien se rendre compte qu’un journaliste s’y prend mal pour accomplir une tâche (s’il monte à bord d’un bateau maladroitement, par exemple, ou qu’il n’interviewe pas la bonne personne), mais il ne dira rien pour ne pas paraître mal élevé.
La répression de la colère D’après Brant, l’idée qu’on ne doit pas montrer sa colère, autrement dit qu’on doit la réprimer, trouve sa source dans les croyances autochtones portant sur les chamanes et les sorciers, que personne n’ose offenser ni insulter de crainte qu’ils n’usent de leurs pouvoirs contre nous. Dans les sociétés autochtones, avance Brant, « non seulement la colère traduit un manque de noblesse et de sagesse, mais il est immoral de nourrir des sentiments de colère ». De nos jours, beaucoup d’Autochtones ont de bonnes raisons d’être en colère, et Brant a observé que la répression de cette émotion pouvait susciter une hostilité refoulée et une humeur explosive sous l’influence de l’alcool. Il a aussi remarqué que cette hostilité refoulée
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expliquait une forte incidence des réactions de tristesse parmi les Autochtones (Brant cite des statistiques indiquant que les incidents dépressifs sont deux fois plus nombreux dans la population autochtone que dans la population blanche). Un journaliste pourra voir s’exprimer la colère refoulée d’une personne autochtone s’il sonde sa réaction à un événement émouvant. En bref, une personne autochtone qui a vécu un événement tragique ou triste pourrait être réticente à exprimer sur le sujet une réaction de colère ou de tristesse en public. Et si elle exprime finalement ses émotions, il se peut que sa réaction soit extrême. Si voir quelqu’un fondre en larmes ou exploser de colère fera tout un effet à la télévision, un journaliste doit savoir qu’une personne autochtone pourra en éprouver de l’embarras après coup, et qu’il pourra subir l’hostilité de cette personne si elle estime qu’il a provoqué sa réaction.
Le concept autochtone du partage Brant considère le partage comme un principe universel parmi les groupes autochtones, trouvant son origine dans la nécessaire hospitalité dont il fallait faire preuve envers les autres groupes de chasseurs, même lorsqu’il n’y avait pas grand-chose à manger au village. « Quelqu’un qui prend plus que sa juste part ou plus que ce qu’il lui faut concrètement pour survivre passe pour cupide et gaspilleur », explique Brant. Cette coutume du partage se manifeste dans le principe d’égalité. « Tout Autochtone est aussi bon que son voisin », dit-il encore. L’importance du partage et de l’égalité peut s’exprimer quand un journaliste, cherchant à simplifier son reportage en le réduisant à deux personnages clés, se voit repoussé par les gens qu’il interviewe : « Vous devriez interviewer Untel et Unetelle… » Un Autochtone ne voudra pas forcément être la figure clé ou le point central d’un reportage d’actualité, si l’on conçoit qu’un tel portrait place la personne au-dessus des autres dans la communauté.
Source : urbanrez.ca
Le retrait comme réaction de protection Lorsqu’ils se trouvent dans une situation anxiogène, les Blancs apprennent à réagir par un surplus d’activité : dans ces moments-là, observe Brant, ils n’arrêtent plus de
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parler. En revanche, un Autochtone aura une réaction tout autre : « plus il est anxieux, moins il va parler », déclare Brant, donnant pour exemple divers scénarios (ayant pour cadre une fête ou une rencontre psychiatrique, par exemple) dans lesquels un Autochtone qui ne comprend pas les règles de comportement qu’on attend de lui va simplement ralentir ses mouvements jusqu’à en devenir presque catatonique, comme s’il tombait en hibernation. « Plus l’Autochtone paraît calme, plus le Blanc va chercher frénétiquement à le faire réagir », explique le psychiatre. Une rencontre avec un journaliste n’a rien d’ordinaire pour la plupart des gens, et on ne s’étonnera pas qu’elle suscite de l’anxiété. Si vous interviewez une personne autochtone, vous pourriez avoir l’impression qu’elle est nerveuse et qu’elle se ferme au lieu de vous révéler ce qu’elle sait. Si vous voulez que votre entrevue soit fructueuse, faites en sorte que la personne interviewée comprenne vos attentes. Trouvez un moment avant l’entrevue pour faire connaissance avec elle. Répondez à toute question qu’elle pourrait se poser sur le sujet de votre reportage et sur la façon dont vous y intègrerez ses propos. Ainsi, on peut espérer que chacun sera plus à l’aise, et plus ouvert au dialogue.
https://riic.ca/the-guide/in-the-field/who-represents-the-indigenous-perspective/
QUI REPRÉSENTE LA PERSPECTIVE AUTOCHTONE?
Il est tentant, quand on sait que le temps est compté dans une nouvelle, d’aller chercher LA déclaration qu’il nous faut pour représenter « la perspective autochtone ». Cela dit, pensez-y à deux fois avant d’arrêter si vite vos recherches.
Tout comme on s’entend pour dire qu’il n’y a pas un porte-parole unique représentant l’ensemble des points de vue « blancs » du Canada, on trouve au sein des communautés autochtones une multitude de perspectives. Si vous ne faites appel qu’à une seule et unique source autochtone, vous courez le risque de présenter un reportage partial et inexact.
PAS TOUS PAREILS La législation canadienne traite les Autochtones comme un groupe homogène. Pourtant, ceux-ci ne sont pas tous pareils : les peuples autochtones forment un ensemble hétérogène. Un Cri n’est pas un Haïda, une Micmaque n’est pas une Dénée . Et croyez-moi, un membre des Premières Nations n’est pas un Métis, un Métis n’est pas un Inuk, et un Inuk n’est pas un membre des Premières Nations.
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Source : Union of British Columbia Indian Chiefs
À vrai dire, plus on en apprend sur les Autochtones, plus on découvre parmi eux une variété infinie de perspectives : est-ce qu’on parle d’Autochtones vivant dans une réserve ou hors réserve, inscrits ou non inscrits, d’Autochtones visés par un traité, d’Autochtones « traditionnels » ou « progressistes »? La liste n’en finit plus (j’explique certaines de ces catégories dans la section Lexique et terminologie).
Ne soyez pas dérouté par toutes ces différences : l’important, c’est de savoir qu’elles existent. Par exemple, si vous connaissez un peu les cérémonies anichinabées du Manitoba, ne présumez pas que vous retrouverez les mêmes pratiques et coutumes chez des Anichinabés du sud de l’Ontario, encore moins chez des Tsilhqot'in du nord de la Colombie-Britannique.
LEADERS TRADITIONNELS ET ÉLUS
Au moment d’amorcer un reportage sur une Première Nation, c’est bien souvent au bureau du conseil de bande que vous vous adresserez d’abord, dans l’espoir d’obtenir un commentaire ou un extrait vidéo du chef. S’il s’agit d’un sujet d’envergure nationale, vous pourriez appeler l’Assemblée des Premières Nations , en demandant à parler à l’attaché de presse du chef national.
Toutefois, ne faites pas l’erreur de ne présenter qu’un seul « porte-parole » autochtone, par exemple un chef élu, pour commenter l’enjeu soulevé.
Dans les années 1880, le gouvernement du Canada a établi un système en vertu de la Loi sur les Indiens selon lequel les bandes devaient élire des chefs et des conseils dirigeants. Ce système supplantait les formes traditionnelles de gouvernance, avec par exemple des chefs héréditaires institués suivant une coutume séculaire. Si
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certaines communautés ont accepté le système électoral introduit par la Loi sur les Indiens , d’autres se sont montrées hostiles au changement. Aujourd’hui encore, ces structures de gouvernance sont l’objet de débats.
Source : cbc.ca/8thfire
À l’heure actuelle, selon le ministère des Relations Couronne-Autochtones , moins de la moitié des 630 bandes autochtones du pays sont gouvernées par des chefs et des conseils élus conformément à la Loi sur les Indiens . Les autres sont régies par des structures de gouvernance « coutumière » (que les communautés définissent à peu près comme elles veulent, avec des chefs héréditaires ou simplement choisis suivant d’autres règles électorales). Dans certaines communautés, on trouve à la fois un gouvernement traditionnel et un gouvernement élu qui travaillent côte à côte.
Qu’est-ce que cela signifie pour vous? Pour certains reportages, le bureau du conseil de bande sera une bonne porte d’entrée; cependant, surtout si vous traitez de questions territoriales ou de coutumes, demandez aussi s’il y a des chefs traditionnels ou des aînés que vous pourriez consulter.
FACTIONS ET DIVISIONS
Comme tous les groupes, communautés et corps politiques, les communautés autochtones abritent un vaste éventail d’opinions sur toutes sortes d’enjeux. Prenons le développement des ressources : les communautés des Premières Nations sont nombreuses à discuter d’exploitation minière sur leur territoire traditionnel. Certains résidents appuient ces activités, d’autres s’y opposent. D’autres encore ne savent pas quoi en penser.
On peut interpréter ces différences d’opinion sur un sujet comme le signe d’un débat approfondi, tout autant qu’elles peuvent représenter un « schisme » dans la communauté.
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POUR FINIR SUR LES PERSPECTIVES AUTOCHTONES
Ayez conscience qu’il existe une multitude de perspectives parmi les communautés autochtones, et qu’il n’est jamais facile de déterminer qui sont les personnes les plus « pertinentes » à intégrer à un reportage.
Posez des questions, faites vos recherches. Et lorsque viendra le temps de diffuser votre reportage, veillez à ce que votre public comprenne le point de vue à partir duquel les personnes présentées abordent le sujet.
https://riic.ca/the-guide/in-the-field/white-characters-and-the-question-of-agency/
LES PERSONNAGES BLANCS ET LA QUESTION DE LA CAPACITÉ D’AGIR
Ce qui nuit peut-être le plus à l’image des Autochtones, c’est le manque de caractère et de personnalité que les médias leur attribuent. Les Autochtones se voient presque toujours confier un second rôle ou alors ils sont relégués à l’arrière-plan; on leur permet rarement de parler ou d’exprimer une véritable personnalité. Et s’ils démontrent bien un peu de caractère, celui-ci n’a tendance à se révéler que dans leurs interactions avec les Blancs. Il est rare qu’on dépeigne un Autochtone comme quelqu’un qui a ses propres forces et faiblesses, ou qu’on le montre en train d’agir suivant ses propres valeurs et jugements. – Media Awareness.ca
Source : Studios MGM
Hollywood était en grand émoi quand Kevin Costner a sorti son western épique Danse avec les loups en 1990. De vrais acteurs autochtones! Qui parlaient en lakota,
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avec des sous-titres! Des personnages autochtones qui n’avaient pas tous la même opinion : certains voulaient se battre contre les soldats blancs, d’autres voulaient la paix!
Mais, rappelant pour beaucoup les journaux des premiers explorateurs et missionnaires européens, Danse avec les loups tourne autour d’un gars blanc et de ses expériences. « J’ai toujours voulu voir la frontière, avant qu’elle disparaisse », dit le personnage de Kevin Costner, le lieutenant John J. Dunbar. Censé dresser un portrait bienveillant des Autochtones, en vérité, le film les privait de toute voix.
Les reporters feraient bien de se rappeler Danse avec les loups (ou n’importe quel autre film hollywoodien à grand déploiement comme Little Big Man , Cœur de tonnerre ou Avatar ) lorsqu’ils sélectionnent les entrevues et les personnes qu’ils vont intégrer à leur reportage.
Combien de fois entend-on en introduction d’un reportage le commentaire d’un expert non-autochtone, présentant un point de vue général sur l’enjeu en question? Combien de fois nos nouvelles donnent-elles à voir des Autochtones impuissants, attendant qu’un ministère vienne régler le difficile problème auquel ils font face?
Posez-vous la question : les Autochtones auront-ils une capacité d’agir dans mon reportage?
La question de la capacité d’agir qu’a ou non une personne est importante, parce qu’un bon reportage d’information n’est pas qu’un simple résumé des faits. Les journalistes chevronnés utilisent les mêmes techniques de narration que les romanciers ou les cinéastes : un arc narratif, des héros et des méchants, un dénouement. Croyez-le ou non, la race et la culture influencent aussi nos décisions sur la façon de présenter une histoire.
À en juger par une étude sur la couverture dans l’actualité des enjeux entourant l’aide sociale à l’enfance autochtone, les reporters traitent rarement les Autochtones comme ils traitent les non-Autochtones. Le professeur de travail social Robert Harding a ainsi constaté que dans les reportages d’information, les Autochtones étaient principalement représentés comme des « victimes », tandis que les non-Autochtones étaient typiquement décrits comme des « héros ».
Qui plus est, les reporters montreront généralement les non-Autochtones comme des participants actifs aux événements qui font l’actualité, alors que les Autochtones seront plus souvent présentés comme des spectateurs passifs qui n’ont pas prise
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sur les événements. (Par exemple, dans un reportage sur une crise sanitaire au sein d’une communauté autochtone, une journaliste pourra structurer son sujet autour d’une médecin non autochtone, traitant des patients dans une clinique, pour ensuite interviewer un représentant non autochtone du gouvernement afin de mettre la crise en contexte, sans jamais interroger le moindre Autochtone.)
Pour les Autochtones, le fait d’être ainsi régulièrement dépeints comme des personnes ou des groupes dénués de capacité d’agir a des conséquences bien concrètes. Si bon nombre de communautés autochtones visent l’autonomie et l’autodétermination, d’autres Canadiens pourraient voir dans ces aspirations une menace à leur mode et leur niveau de vie. Si les reportages d’information décrivent les Autochtones comme incapables de prendre en main leur propre existence, le public sera encore moins porté à soutenir un transfert de pouvoir ou de ressources aux communautés.
Source : Union of British Columbia Indian Chiefs
Autrement dit, sans que ce soit volontaire, votre reportage pourrait contribuer à maintenir le statu quo en place au Canada, dans lequel les peuples autochtones n’ont qu’une mince emprise sur les affaires qui les concernent.
Comment changer la donne? En prenant conscience des paramètres que sont la race et la culture quand vous structurez votre reportage.
Vos recherches pourraient vous faire découvrir un vaste panel de non-Autochtones ayant des choses à dire sur les questions autochtones : universitaires et experts, politiciens et bureaucrates. Ou encore, des porte-parole recrutés par les Autochtones : administrateurs de bande, infirmières ou agents de développement économique. Dans certains cas, vous trouverez aussi des personnes non
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autochtones touchées d’une façon ou d’une autre par des actions autochtones : voisins, concurrents, partisans.
Si ces perspectives peuvent être valides, veillez toutefois à accorder une place importante aux Autochtones dans un reportage sur les peuples autochtones.
La tendance du reporter à braquer sur son sujet un regard non autochtone est, peut-être, compréhensible. Les spécialistes non autochtones peuvent paraître plus « accessibles » aux médias que les Autochtones, parce qu’ils sont prêts à jouer leur jeu. Quant aux universitaires, aux experts et aux politiciens, ils expriment souvent leurs opinions par des phrases claires et concises qui se prêtent bien à de brefs extraits.
Malgré tout, est-il nécessaire d’axer votre reportage sur cette personne non autochtone, ou favorisez-vous cette perspective parce que vous pouvez facilement joindre la personne en question, et que celle-ci communique son message d’une façon plus satisfaisante pour vous ou votre public?
https://riic.ca/the-guide/in-the-field/Storytakers/
LES PRENEURS D’HISTOIRES
Le choc entre les médias et les cultures autochtones – qui adhèrent à une temporalité, à des valeurs et à des visions du monde si différentes – crée un potentiel infini de malentendu, de méfiance et de non-communication. – Melissa Sweet
Les journalistes que nous sommes rencontrent parfois des personnes contrariées ou fâchées qui ne veulent pas nous voir. Après tout, nous arrivons souvent sur les lieux en période de conflit ou de crise, nous fouinons, nous posons des questions difficiles. Il n’est jamais évident de faire face à la colère d’un parent en deuil ou d’une personne qui estime qu’on a violé son intimité. Mais, nous disons-nous alors, c’est la nature même du journalisme qui veut ça.
Cela dit, il se peut que vous affrontiez une frustration d’un autre genre en sortant faire un reportage en territoire autochtone. Vous pourriez tomber sur un Autochtone qui va déchaîner sur vous une colère jaillissant d’une source sombre, laide et profonde.
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Appelons-la « la colère vieille de 500 ans » : votre façon d’y réagir sera décisive pour l’issue de votre reportage.
Source : Union of British Columbia Indian Chiefs
Vous aurez peut-être déclenché cette réaction bien malgré vous. Engagé dans une démarche de respect, vous avez apporté du tabac et vous vous êtes renseigné sur les coutumes tribales de la région.
Ou peut-être que vous avez agi comme un parfait ignorant.
Peu importe vos intentions. Vous avez simplement émis une petite demande. Vous voulez juste faire une entrevue. Vous voulez raconter l’histoire de quelqu’un. Et c’est là que la chose se produit. Une personne autochtone explose… dirigeant sa colère contre VOUS.
« Toi mon $%@# de journaliste, tu vas prendre ton *%$# de micro et $%&$ ton camp de chez nous pour rentrer en ville, puis y rester! »
Soudain, vous représentez chacun de tous les étrangers colonisateurs, violeurs et pilleurs qui ont un jour volé les enfants, les terres et les objets sacrés de la communauté. Vous êtes l’incarnation vivante de Christophe Colomb, du ministre des Affaires autochtones et du pape.
Vous êtes un « preneur d’histoires ».
Avant de répondre, inspirez profondément et rappelez-vous ces quelques points :
● Certains Autochtones que vous êtes amené à interviewer sont peut-être d’anciens élèves de pensionnats, où ils auront subi des violences et des
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traumatismes. Il n’est donc pas surprenant qu’ils éprouvent de l’amertume ou de la rage face à une figure d’autorité, figure que vous pourriez incarner dans le scénario d’un reportage d’information. ● À moins que vous n’accordiez aux personnes interviewées un droit de veto ou de regard sur votre reportage final (et c’est peu probable, n’est-ce pas?), vous êtes bien, dans les faits, un preneur d’histoires… Et cet Autochtone a sans doute rencontré avant vous un tas de gens cherchant à raconter des « histoires » autochtones, qu’on pense aux missionnaires et aux anthropologues de jadis ou, plus récemment, au flux constant d’administrateurs et de bureaucrates en quête de statistiques, de données ou de « consultations ». ● Au fil des ans, les médias grand public n’ont franchement pas brillé par leur talent à représenter les peuples autochtones. Vous pouvez remercier vos collègues et prédécesseurs pour l’accueil froid qui vous est réservé aujourd’hui. ● Les Autochtones ne sont pas tous en colère.
Bien. Maintenant que vous vous êtes rappelé de tout ceci, voyons comment réagir à la situation.
Source : urbanrez.ca
Vous pourriez vous dire que vous n’irez pas bien loin avec quelqu’un qui vous considère comme un preneur d’histoires. Ou, avec dignité, vous pourriez tenter de répondre aux préoccupations de la personne et de lui expliquer vos objectifs.
Ce que vous ne voulez surtout PAS faire, c’est répondre avec colère. Pourquoi? Parce qu’il se peut que vous regrettiez ensuite vos paroles. Et il y a fort à parier que celles-ci feront bien vite le tour des contrées autochtones, ce qui réduirait à zéro vos chances de repartir avec un reportage, celui-ci ou n’importe quel autre.
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N’ayez crainte. Si vous vous montrez respectueux, vous serez rarement la cible de cette colère vieille de 500 ans. Malgré tout, sachez que cela peut – et va – arriver. Ne culpabilisez pas trop, puis passez à autre chose… car les occasions ne manquent pas d’interviewer un Autochtone : un de perdu, dix de retrouvés!
[Mieux encore, évitez d’être un preneur d’histoires en observant la coutume autochtone de la réciprocité, que j’aborde dans la section RESPONSABILITÉ, RÉCIPROCITÉ ET CRITIQUE.]
https://riic.ca/the-guide/in-the-field/breaking-news-indians-are-funny/
DERNIÈRE HEURE : LES AUTOCHTONES SONT DRÔLES!
On associait une foule d’adjectifs aux Autochtones. Le qualificatif « drôles » n’en faisait pas partie. L’ironie sauvage et l’humour morbide perçaient bien par moments, comme une sorte de dispositif d’autoflagellation pour les Blancs, mais dans l’ensemble, tout le monde ou presque traitait les Autochtones avec une gravité sans borne, comme s’ils étaient soit trop impressionnants, sauvages à vous glacer le sang, soit trop sacro-saints dans leur rôle de victimes innocentes pour autoriser une quelconque réaction comique de leur part ou à leur égard. – Margaret Atwood
C’est bien ça… Des Autochtones drôles. Ça vous pose un problème? – Charlie Hill
Alcoolisme et toxicomanie, suicide, problèmes de santé, logements précaires, griefs historiques : pas étonnant que certains reporters aient envie de plonger sous le bureau lorsqu’on leur confie la couverture d’une nouvelle autochtone. Tout cela est tellement… déprimant.
Source : urbanrez.ca
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À lire nos journaux ou à regarder nos émissions d’information, on pourrait penser que la vie autochtone n’est, en gros, que désolation et misère. Quand les Autochtones font les nouvelles, comment en vouloir à un lecteur de tourner la page, ou à une spectatrice de changer de chaîne?
En fait, l’image de l’Autochtone tragique et stoïque est si ancrée dans nos esprits que le titre de cette section pourrait même vous paraître curieux.
Qu’est-ce qu’ils ont de drôle, les Autochtones?
Pour tout vous dire, l’humour est une dimension essentielle de la vie des communautés autochtones. En tant que reporter, vos sorties seront d’autant plus fructueuses si vous faites preuve d’humour sur le terrain. Alors allez-y, lâchez-vous! Et pourquoi pas même ajouter un peu d’humour à votre reportage?
HUMOUR ET INFORMATION
Avant d’aborder la question de l’humour autochtone, un mot à l’adresse des journalistes qui considèrent l’humour comme un sacrilège dans le reportage d’information.
Les Canadiens convergent en grand nombre devant les émissions satiriques sur la politique, comme Infoman ou The Rick Mercer Report , ou encore leurs équivalents américains tel The Daily Show with Trevor Noah , et tout journaliste devrait y voir l’indice qu’il est temps d’alléger le ton. Sans qu’on parle d’aligner les boutades, les reporters et animateurs que nous sommes doivent prêter attention à l’intérêt croissant de notre public pour le débat politique engagé sous l’angle de la satire et de la mise en scène. De plus, si nous voulons exploiter pleinement les supports à notre disposition, comme la télévision, l’humour est une corde de plus à notre arc, qui nous aide à présenter nos récits avec force.
Pour ce qui est d’insuffler de l’humour aux reportages traitant des questions autochtones, les médias d’information n’ont pas besoin de pousser la note jusqu’à imiter les observations comiques de Joe Crow, le correspondant « autochtone » de This Hour Has 22 Minutes , à la voix douce mais aux paroles sans complaisance. Cela étant dit, est-ce vraiment difficile d’y inclure de temps en temps une personne autochtone en train de rire ou de sourire?
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COMPRENDRE L’HUMOUR AUTOCHTONE ET S’EN SERVIR SUR LE TERRAIN
Dans une de nos discussions sur l’humour autochtone, Thomas King et moi, on se disait que le principe d’incertitude de Heisenberg s’appliquait peut-être ici. Heisenberg estimait que le fait d’observer modifiait la réalité observée. Peut-être qu’en examinant l’humour autochtone au microscope, on modifie ses effets ou son impact. Je ne sais pas. Je n’ai jamais été très bon en physique. – Drew Hayden Taylor
N’essayons pas de discuter les propos de Drew Hayden Taylor et Thomas King , passés maîtres dans l’art de nous faire rire, ni non plus de définir l’humour autochtone. Si vous ne vous en êtes jamais rendu compte de visu , il faudra me croire sur parole : qu’on parle des Premières Nations, des Inuit ou des Métis, tous aiment rire. Bien qu’il varie d’une nation à l’autre, le sens de l’humour autochtone renferme cependant deux éléments universels : la taquinerie et l’autodérision.
Les théories ne manquent pas quand il s’agit d’expliquer pourquoi les Autochtones aiment tant se moquer gentiment les uns des autres. Le psychiatre mohawk Clare Brant a rattaché cette habitude aux efforts que déploient les petits groupes axés sur la famille pour maintenir l’harmonie sociale. Dans le temps, cette bonne humeur servait à dissiper les tensions – un désamorçage crucial pour la survie du groupe exposé à des conditions difficiles.
Dans son livre Custer Died For Your Sins , l’auteur et philosophe sioux Vine Deloria Jr . avance sa propre explication sur l’importance des taquineries dans les communautés autochtones : Au lieu d’embarrasser des membres de la nation en public, les gens taquinaient les personnes qu’ils jugeaient en déphasage par rapport au consensus établi. Ainsi, l’ego de chacun était préservé et les disputes au sein de la nation […] réduites au minimum.
Si un Autochtone vous taquine, même s’il vous semble rude, dites-vous que c’est peut-être là une marque d’acceptation. Si vous pouvez rire de vous – ou mieux encore, vous moquer de vous-même –, vous gagnerez plus vite la sympathie des Autochtones. Surtout si vous êtes Blanc : les Autochtones adorent les blagues des Blancs (comme celle du papier hygiénique John Wayne).
(Si vous ne connaissez pas la blague du papier hygiénique John Wayne, je suis désolé pour vous. Vraiment. Mais je ne vais pas la raconter ici. Demandez à un Autochtone.)
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Dans l’hypothèse où l’événement que vous couvrez est grave ou même tragique, cela vaut la peine néanmoins d’observer la communauté en silence pour voir si l’humour peut trouver sa place dans votre reportage. Citer un bon mot ou filmer une personne qui rit malgré la gravité de la situation en dira beaucoup au public, et aidera à montrer la façon dont les Autochtones utilisent l’humour comme une stratégie d’adaptation ou, peut-être, une tactique de survie subversive.
L’HUMOUR AUTOCHTONE DANS UN REPORTAGE
Si vous notez votre agent de probation sur votre liste de références, vous pourriez bien être un Peau-Rouge. – Don Burnstick
Soyez prudent quand vous maniez l’humour autochtone dans vos reportages. Si vous lisez les mots en petits caractères sur les blagues autochtones, vous saurez que « l’humour mal placé peut offenser ».
Un journaliste n’est pas un humoriste, et notre public ne s’attend pas à ce que les nouvelles se transforment en un festival de la rigolade. Être drôle, ou simplement faire sourire, n’est pas un art qui s’apprend facilement. Il faut parfois du temps au narrateur qu’est le journaliste d’information pour trouver sa personnalité et sa voix, avant même de penser à insuffler de l’humour dans ses reportages.
Par ailleurs, si vous vous rendez en milieu autochtone en espérant y trouver un sujet digne d’un spectacle d’humoriste, bonne chance. Certains Autochtones sont plus portés sur la blague que d’autres. Et dans certains cas, l’humour n’est pas de circonstance.
Cela dit, dans le cadre d’un travail de terrain pour un reportage, toute personne qui a le sens de l’observation pourra voir que l’humour est partout dans la communauté autochtone visitée. Voici deux conseils pour éviter cette image si terriblement stéréotypée de l’Autochtone tragique et stoïque :
● Misez sur l’humour pour illustrer ce que vous voulez dire sur la communauté autochtone. Une personne qui plaisante ou qui rit pourrait aider à dissiper la lourdeur d’un sujet grave, en plus d’amener le public à se reconnaître dans l’humanité de cette personne et à compatir avec elle.
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● Intégrez des photos, des vidéos ou des descriptions de personnes autochtones en train de rire et de sourire. Étonnez et intriguez votre public en prenant le contre-pied du stéréotype de l’Autochtone qui se lamente.
À l’antenne Comment exploiter pleinement ce formidable matériel que vous avez rassemblé sur l’actualité autochtone.
https://riic.ca/the-guide/on-the-air/lexicon-and-terminology/
VOCABULAIRE ET TERMINOLOGIE
Le moment est venu de rédiger votre reportage, et vous voilà sans doute aux prises avec la question de l’appellation. Un journaliste devrait-il parler d’Autochtones, de Premières Nations, de premiers peuples, ou encore employer une autre appellation?
Votre entreprise médiatique a sans doute un guide de rédaction qui pourrait vous éclairer. Néanmoins, les termes employés pour décrire les peuples autochtones évoluent constamment, et il peut être difficile pour un reporter de cerner ce qui distingue ces mots ou à qui ils s’appliquent.
Essentiellement, il n’existe pas de terme faisant consensus pour nommer les peuples qui ont les premiers habité l’Amérique du Nord avant l’arrivée des colons européens. Au Canada, on parle souvent de « peuples autochtones ». Les documents et les différents organes des Nations Unies utilisent eux aussi cette appellation. Dans l’anglais des États-Unis, les termes « American Indian » et « Native American » sont souvent utilisés.
Si vous hésitez quant aux noms et aux termes à retenir, demandez leur préférence aux personnes autochtones que vous présentez dans votre reportage.
Ce guide terminologique est une adaptation autorisée par la SABAR.
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Si la confusion persiste, consultez ce glossaire de mots clés élaboré par la Strategic Alliance of Broadcasters for Aboriginal Reflection (SABAR), un groupe de radiodiffuseurs nationaux cherchant à promouvoir la participation des personnes autochtones dans les médias au Canada. Ce formidable outil propose justement un examen approfondi de ces questions, et je vous le recommande fortement.
Plutôt que de réinventer la roue, j’ai piqué sur ce site certains renseignements (avec l’autorisation de la SABAR) pour en présenter ici une adaptation, afin de vous donner un aperçu du sujet.
AFFILIATION TRIBALE
Depuis des millénaires, le territoire qu’on nomme aujourd’hui le Canada est habité par un grand nombre de peuples divers et autonomes. Chaque communauté ou culture a sa langue, ses croyances religieuses et son système politique propres, ainsi que ses propres appellations pour désigner son peuple comme les peuples voisins.
Dans la mesure du possible, il est préférable de décrire les personnes ou les entités autochtones par le nom de leur nation spécifique (par exemple, un peintre haïda, une école mohawk, une publication pied-noir).
Remarquez que bon nombre de peuples autochtones ont recours à une translittération en anglais ou en français des termes de leur langue pour s’identifier eux-mêmes. Ainsi, la nation mohawk a pour autre nom Kanien‘kehá:ka; les Pieds-Noirs s’appellent aussi les Siksika; les Ojibwés s’appellent les Anichinabés; et les Cris des Marais se nomment aussi les Mushkegowuk.
INDIEN
Dès lors que Christophe Colomb a posté pour l’Espagne sa première lettre de voyage en 1493, appelant les personnes qu’il avait rencontrées « los Indios », le terme « Indien » a servi à désigner les premiers habitants des Amériques. Source : urbanrez.ca
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Ce terme est chargé d’histoire et d’associations, certains estimant que la notion même d’« Indien » est une pure construction de l’homme blanc. D’aucuns y voient une insulte, semblable au mot en n employé pour décrire les Afro-Américains.
Il n’en reste pas moins que beaucoup d’Autochtones eux-mêmes, en particulier dans les Prairies, utilisent régulièrement le terme « Indien » dans leurs conversations. Est-ce que ça vous donne le droit de l’employer? Probablement pas.
Cela dit, par souci d’exactitude, il y a certains contextes dans lesquels on doit employer le terme « Indien » :
● quand on parle d’histoire et qu’il est nécessaire d’être clair et fidèle aux
circonstances de l’époque; ● quand on aborde des questions de droit et d’affaires constitutionnelles qui
exigent une précision terminologique; ● quand on discute des droits et avantages associés au statut d’« Indien »; ● quand on mentionne des données statistiques colligées en fonction des
catégories d’Indiens (issues du recensement, par exemple).
Les Indiens constituent l’un des trois peuples reconnus comme autochtones dans la Loi constitutionnelle de 1982 . Le terme désigne plus précisément les « Indiens inscrits » – mais vous pourriez aussi tomber sur les appellations « Indiens non inscrits » et « Indiens visés par un traité ».
● Indiens inscrits Les Indiens inscrits sont des individus qui ont le droit d’ajouter leur nom au registre des Indiens, une liste officielle établie par le gouvernement fédéral. Il faut répondre à certains critères pour s’inscrire en tant qu’Indien, sachant que seuls les inscrits sont reconnus comme Indiens en vertu de la Loi sur les Indiens . Les Indiens inscrits ont accès à divers avantages et droits conformément à cette Loi .
● Indiens non inscrits Les Indiens non inscrits sont des individus qui se considèrent comme Indiens ou membres d’une Première Nation, mais que le gouvernement du Canada ne reconnaît pas comme tels en vertu de la Loi sur les Indiens , soit parce qu’ils sont dans l’incapacité de prouver leur statut, soit parce qu’ils ont perdu leur droit au statut. Au Canada, beaucoup d’Indiens, notamment des femmes, ont perdu leur statut par le passé en raison de certaines pratiques
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discriminatoires. Les Indiens non inscrits n’ont pas les mêmes droits et avantages que les Indiens inscrits.
● Indiens visés par un traité Les Indiens visés par un traité sont des Indiens inscrits qui appartiennent à une nation autochtone ayant signé un traité avec la Couronne.
Lorsqu’on fait référence à la Loi sur les Indiens , les termes « Indien » et « réserve indienne » sont à utiliser.
Source : urbanrez.ca
● Loi sur les Indiens : Législation fédérale principale portant sur les Indiens inscrits et/ou visés par un traité. C’est en 1876 que le gouvernement fédéral a établi cette loi, avec l’intention d’assimiler les peuples autochtones à la société euro-canadienne et de s’approprier leurs territoires pour la colonisation, le développement et l’agriculture des Européens. ● Réserve indienne : Au sens de la Loi sur les Indiens , parcelle de terrain mise de côté à l’usage et au profit d’une bande indienne. Le gouvernement fédéral s’est arrogé l’autorité sur les terres de réserve et les peuples autochtones vivant sur ces terres.
ABORIGÈNE
Autochtone dont les ancêtres sont considérés comme à l’origine du peuplement, par exemple, les Aborigènes d’Australie. Le terme « Aboriginal » est la traduction anglaise d’« Autochtone ». Le nom « Aborigène » ne s’emploie pas au Canada.
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AUTOCHTONE
Lorsqu’on parle des « Autochtones », on fait référence à tous les Autochtones qui vivent au Canada de façon collective, sans égard à leur origine ni à leur identité; dans d’autres contextes, ce terme désigne simplement plus d’une personne autochtone.
Les journalistes devront employer le terme avec précaution, puisque les « peuples autochtones » désignent généralement les Premières Nations, les Inuit et les Métis. Ainsi, pour décrire un programme ministériel particulier qui s’adresse uniquement aux Premières Nations, comme le financement des bandes, on évitera de parler d’Autochtones pour ne pas causer de malentendus.
Par ailleurs, on se gardera de décrire les peuples autochtones comme « appartenant » au Canada, en délaissant les termes qui expriment la possession.
USAGE INCORRECT : Les peuples autochtones du Canada ont des traditions et des cultures millénaires.
USAGE CORRECT : Les peuples autochtones au Canada ont des traditions et des cultures millénaires.
On trouvera le plus souvent l’appellation « Autochtones » dans les documents de l’ONU, comme dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones ; c’est aussi le terme généralement retenu à une échelle internationale, dans un contexte universitaire ou encore dans la sphère du militantisme.
Source : Climate Justice Now!
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Le terme « autochtone » signifie « qui est issu du sol même où il vit, qui est originaire du lieu ». Les Nations Unies n’ont pas encore défini l’appellation « peuples autochtones », le concept faisant l’objet d’un vaste débat.
Le juriste autochtone S. James Anaya propose cette description : « De nos jours, le terme “Autochtone” désigne d’une manière générale les descendants vivants des habitants qui occupaient des terres entre-temps envahies et aujourd’hui dominées par d’autres. Les peuples, les nations ou les communautés autochtones sont des groupes culturellement distincts qui se trouvent submergés par des sociétés colonisatrices nées des forces de l’empire et de la conquête. »
La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones stipule le droit de ces derniers à la souveraineté culturelle et à l’autodétermination.
Source : urbanrez.ca
PREMIÈRES NATIONS
Cette appellation s’emploie couramment depuis les années 1970, se substituant au terme « Indiens » que certains estimaient offensant. Malgré un usage répandu, elle ne fait l’objet d’aucune définition juridique. Au Canada, les « peuples des Premières Nations » désignent les Indiens à la fois inscrits et non inscrits. Certaines communautés ont adopté le terme de « Première Nation » en remplacement du mot « bande » dans leur nom.
Les appellations « Première Nation » et « membre des Premières Nations » ont ainsi aujourd’hui la faveur de bon nombre d’Autochtones au détriment du terme « Indiens ». Le terme s’emploie rarement comme synonyme de « peuples autochtones », du fait qu’il n’inclut pas d’habitude les peuples inuit et métis.
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Dans la mesure où l’appellation « membre des Premières Nations » désigne en général autant les Indiens inscrits que non inscrits, les journalistes devront l’employer avec discernement. Par exemple, pour décrire un programme visant uniquement les jeunes Indiens inscrits, on évitera la tournure « jeune des Premières Nations », qui pourrait susciter un malentendu.
https://riic.ca/the-guide/on-the-air/context-and-colonial-amnesia/
CONTEXTE ET AMNÉSIE COLONIALE
La rédaction journalistique contemporaine se caractérise par sa tendance à braquer les projecteurs sur les conditions socio-économiques extrêmes des peuples colonisés, tout en démontrant une amnésie générale qui lui fait oublier l’histoire coloniale et son rapport avec l’état actuel des choses. – Robert Harding
Je plains la pauvre reporter qui n’a que deux ou trois phrases à sa disposition pour expliquer des siècles de colonialisme, ou le dispositif politico-juridique complexe qui gouverne la vie des Autochtones. « Oh! Une grande poursuite en justice contre les pensionnats! Mets-toi sur le dossier! » (Et arrange-toi pour que ça ne dépasse surtout pas 75 secondes.) « Eh… C’est quoi cette conférence de presse sur cette nouvelle affaire de tribunal des revendications territoriales? » (Essayez donc d’expliquer ÇA en 450 mots.)
Les questions autochtones ne sont pas un cas à part. Encore et toujours, nos producteurs et rédacteurs en chef nous envoient sur le terrain traiter de sujets d’actualité difficiles, en nous laissant bien peu de marge pour les mettre en contexte.
Pourtant, sans qu’on entre dans le débat sur la capacité d’attention toujours plus limitée des consommateurs de nouvelles, le manque de contexte dans la couverture des questions autochtones est l’une des critiques les plus récurrentes formulées sur notre travail… et cette lacune pourrait causer bien des dommages. Voyons pourquoi.
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Source: aaronhuey.com
Sans cet historique, nos auditoires n’ont pas tous les outils en main pour interpréter et saisir la signification des événements ou des images qui font l’actualité, et encore moins s’ils n’ont qu’un accès limité à l’éventail de sources d’information existant sur les Autochtones. Ainsi, un Autochtone décontextualisé devient « un Indien à problème » : le gestionnaire incompétent d’une agence de protection de l’enfance, l’itinérant soûl dans la rue, la victime de violence sexuelle en pensionnat qui demande de l’aide.
Comment vous « mettre dans les mocassins d’un autre » quand jamais un reporter ne vous permet d’enfiler lesdits mocassins? On comprend mieux pourquoi certains auditeurs n’ont pas beaucoup de sympathie ou d’empathie pour les peuples autochtones, quand les différentes nuances de racisme et l’histoire du colonialisme demeurent inexpliquées. D’une nouvelle à l’autre, nous aggravons plus encore le manque de communication entre les peuples autochtones et le reste du Canada.
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Source : urbanrez.ca
Comment ajouter du contexte à votre reportage La vie se gagne un centimètre à la fois , grommelle Al Pacino dans son rôle d’entraîneur de football dans le film Les héros du dimanche . Comme un porteur de ballon qui se bat pour chaque centimètre gagné sur le terrain, vous devez vous battre avec votre rédacteur en chef pour ces précieux mots en plus, ces précieuses secondes ou minutes qui s’ajouteront à votre reportage. Battez-vous. Bec. Et. Ongle. Pour. Ce. Centimètre.
Il se peut que votre publication ou votre émission n’ait vraiment pas plus d’espace ou de temps à vous accorder pour que vous glissiez cette mise en perspective dans votre reportage. Dans ce cas, c’est à vous de vous montrer créatif pour présenter ces éléments contextuels. Et soyez stratégique quand vient le temps de présenter votre idée au patron.
Voici quelques astuces pour mieux intégrer ce contexte si essentiel.
LES GRAPHIQUES
Quand il s’agit de publier vos reportages sur l’actualité des Autochtones, vos collègues du service d’infographie sont vos amis. Une frise chronologique, le schéma d’un dispositif législatif complexe, le résumé d’une affaire judiciaire, l’illustration d’une tradition culturelle : voilà autant d’exemples qui montrent on ne peut mieux comment intégrer des images et des graphiques à son reportage pour le compléter, et le mettre en contexte.
Le secret pour aider vos collègues à produire un visuel gagnant tient à deux choses :
● Gardez l’œil ouvert quand vous faites vos recherches pour repérer le matériel qui se prête clairement à une mise en forme graphique;
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● Intégrez vos amis graphistes au projet dès les premières étapes de la cueillette d’information.
LES ENCADRÉS
Parfois, nos reportages d’information mettent l’accent sur l’aspect dramatique des événements, ce qui peut involontairement donner une impression incorrecte de la situation. Des éléments courts placés en encadré aident à remettre les pendules à l’heure dans la présentation du sujet, sans pour autant alourdir le corps du reportage.
Par exemple, pour chaque jeune décrocheur du primaire qui sniffe de la colle dans une communauté, il y a de bonnes chances qu’on trouve en parallèle un gamin qui réussit à l’école et qui dit : « Je ne veux rien savoir de ça. »
Source : urbanrez.ca
Dans le même ordre d’idées, une discussion avec un professeur ou une experte que vous placerez en encadré pourra aider à mettre en contexte les figures principales de votre reportage.
LES COMPLÉMENTS SUR LE WEB
Dans votre course pour mettre le reportage à l’antenne, vous tombez sur du matériel et des ressources de toutes sortes qui vous aident à mettre l’enjeu présenté en contexte – décisions judiciaires, essais historiques, rapports statistiques. Dans la mesure où vous ne pouvez pas inclure toutes ces informations au contenu même de votre reportage, invitez le public à visiter votre site web, où vous aurez publié des liens, des documents numérisés et d’autres ressources de ce type. Les personnes
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qui le souhaitent pourront alors faire elles-mêmes leurs recherches et apprentissages.
LE « 2 POUR 1 »!
Défendez l’idée que votre sujet EXIGE une mise en contexte, et que la meilleure solution consiste à y affecter deux reporters (ou plus) : le premier se chargera de couvrir l’événement qui fait l’actualité, le deuxième traitera l’historique et le contexte.
Si votre responsable des affectations manque d’enthousiasme à l’idée de concentrer ses précieuses ressources sur un seul sujet, faites valoir que votre équipe double lui remettra un dossier tout-en-un - graphiques inclus en prime : allons donc, vous pourriez même présenter le projet comme un « grand dossier »!
https://riic.ca/the-guide/on-the-air/accountability-reciprocity-and-criticism/
RESPONSABILITÉ, RÉCIPROCITÉ ET CRITIQUE
Donner en retour : le concept n’est pas difficile à comprendre, pourtant l’une des caractéristiques les plus frappantes de la recherche occidentale sur la vie des peuples autochtones tient justement à la négligence de cette éthique. Donner en retour, cela ne veut pas simplement dire transmettre les résultats de son travail; cela veut dire établir une relation tout au long de la recherche. – Margaret Kovach
Voilà, votre reportage est bouclé. Il est dans les mains du public. Vous avez fait de votre mieux avec les ressources à votre disposition, dans le temps alloué. Demain est un autre jour, et avec lui vous attaquerez votre prochain reportage, n’est-ce pas? Sauf que… si vous voulez faire du bon travail en tant que reporter en milieux autochtones, il reste deux ou trois choses à considérer.
La réussite dans un domaine d’affectation repose sur l’établissement et l’entretien de liens solides et fiables. C’est d’autant plus vrai quand on couvre l’actualité autochtone, compte tenu des craintes fondées sur le passé que peuvent avoir les communautés autochtones concernant le vol et l’appropriation de leur culture. Il faut comprendre que votre reportage aura des conséquences – parfois positives, parfois négatives – pour les personnes que vous y présentez comme pour les Autochtones en général à l’échelle du pays.
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Source : urbanrez.ca
En gardant le contact avec les personnes rencontrées, vous vous montrez prêt à assumer la responsabilité de votre travail (sans compter que vous pourriez trouver ainsi matière à réflexion pour de futurs reportages!).
DONNEZ EN RETOUR
Le journaliste qui travaille à son reportage s’inscrit souvent dans une démarche à sens unique. Nous présumons que le fait de publier le point de vue d’une personne interviewée suffit à la rétribuer, et il est rare que nous donnions suite à des demandes qui entrent en conflit avec notre impératif premier : l’indépendance éditoriale.
Dans une perspective journalistique, si une personne consent à accorder une entrevue, ce matériel devient la propriété de la société médiatique à laquelle est affilié le reporter, régi par la politique de déontologie de sa salle de rédaction.
Les Autochtones, en revanche, se méfient généralement de toute personne qui refuse de partager. L’égoïsme va à l’encontre d’une valeur fondamentale dans les sociétés autochtones : la réciprocité. Un chasseur qui demande la permission à un animal avant de le tuer, une guérisseuse qui dépose du tabac au sol avant de cueillir une plante : ce sont là deux expressions simples du principe de réciprocité.
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Vous pouvez éviter ce choc des valeurs en reconnaissant que vous avez une obligation de réciprocité dès que quelqu’un vous confie son histoire (obligation qui ne se résume pas à promettre un reportage fidèle aux faits et dénué de biais).
Veillez à ce que les personnes interviewées et celles qui vous ont aidé en cours de route puissent voir, lire ou entendre votre reportage. Il suffira parfois de leur envoyer un courriel avec un lien vers votre article, en sollicitant leurs commentaires. Cela dit, ne présumez pas que tous les Autochtones ont accès à un ordinateur. Vos contacts pourraient préférer une façon de faire plus traditionnelle : demandez-leur à quelle adresse envoyer le journal, le CD ou le DVD sur lequel ils trouveront votre reportage.
Une fois le reportage publié ou diffusé, offrez une transcription des entrevues ou une copie des images de tournage. Bon nombre de communautés autochtones manquent de temps ou de moyens pour recueillir des données sur leurs membres : votre travail pourrait constituer une précieuse source d’information pour elles longtemps après que vous-même serez passé à un autre reportage.
Source : urbanrez.ca
À plus long terme, si jamais cette personne autochtone qui vous a accordé une entrevue salvatrice vous suggère une idée de reportage, rappelez-vous l’importance de la réciprocité. Si vous ne pouvez pas exploiter cette suggestion, tentez d’aider la personne à trouver un journaliste qui pourra en tirer un reportage.
NE VOUS EN FAITES PAS
Il se peut que votre reportage ne plaise pas aux personnes qui y sont présentées, ou à d’autres membres de la communauté autochtone : dans ce cas, vous pourriez recevoir des courriels ou des appels téléphoniques assez désagréables.
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N’envoyez pas promener vos critiques.
Vous seriez surpris de voir à quelle vitesse une prise de bec avec quelqu’un reviendra vous hanter, par la magie du réseau de bouche à oreille informel et remarquablement efficace qu’on appelle « le télégraphe à mocassins » .
Source : urbanrez.ca
Plutôt, il sera sage d’écouter ce que ces personnes ont à dire. Cela vous donnera l’occasion de réfléchir à vos partis pris et à la façon dont vous prenez vos décisions.
Vous en sortirez peut-être d’autant plus persuadé du bien-fondé de votre approche. Ou alors, vous vous y prendrez peut-être autrement la prochaine fois. Dans un cas comme dans l’autre, vous aurez appris quelque chose.
Malgré tout, il est important de ne pas vous sentir personnellement visé par ces critiques provenant de votre public autochtone (comme on l’a vu dans la section sur les voleurs d’histoires). Acceptez l’idée que vous serez parfois la cible d’une colère et d’une frustration, agissez avec respect, et passez à autre chose.
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Le mot de la fin Quelques points à ne pas oublier avant qu’on se quitte, et mes remerciements à tous les gens qui ont contribué au site.
https://riic.ca/the-guide/the-last-word/last-bit-of-advice/
UN DERNIER CONSEIL Tu dois faire attention aux histoires que tu racontes. Et prendre garde à celles qu’on te raconte. – Thomas King
J’espère que ce guide vous a été utile. Si l’un ou l’autre des renseignements ou conseils qu’il contient peut vous aider à produire un reportage d’information plus complet et mesuré, il aura rempli ses promesses.
Alors que vous préparez vos recherches et vos reportages en terre autochtone, laissez-vous guider par un principe clé : le respect.
Le respect est profondément ancré dans les enseignements traditionnels autochtones. C’est une valeur fondamentale qui n’est pas toujours pleinement comprise par les personnes de l’extérieur, ni forcément appliquée aux peuples autochtones.
Un reporter cynique pourrait en rire, témoignant comme souvent des nombreuses formes de violence que les personnes autochtones peuvent s’infliger mutuellement, ou des amères disputes politiques qui menacent parfois de déchirer les communautés autochtones de l’intérieur. On repassera pour les « enseignements traditionnels », pourriez-vous dire avec raison.
Néanmoins, vous ferez de belles expériences si :
● vous respectez les coutumes et les traditions des personnes rencontrées; ● vous démontrez une sincère envie d’apprendre; ● vous reconnaissez qu’il n’existe pas une seule et unique façon d’aborder les
peuples autochtones; et ● vous cultivez vos relations.
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Source : urbanrez.ca
Vous découvrirez une mine de reportages d’actualité, on vous offrira des exclusivités uniques, et vous aurez le ventre bien tendu à force d’honorer ce poulet élastique qu’on sert aux cérémonies de remise de prix journalistiques.
Qui sait? Vous pourriez même nouer des relations qui s’épanouiront au-delà du cadre restreint d’une salle de rédaction et d’un article à la une.
Vous, vos reportages et votre public n’en serez que plus riches.
https://riic.ca/the-guide/the-last-word/acknowledgements/
REMERCIEMENTS
Ce site web n’aurait pas vu le jour sans le soutien de nombreuses personnes.
Je suis redevable à Jim Bettinger, Dawn Garcia et Pam Maples du John S. Knight Fellowships à l’Université Stanford pour l’intérêt qu’ils ont accordé à mon projet encore embryonnaire et l’appui indéfectible qu’ils m’ont fourni durant toute une année. Un merci tout particulier à mes camarades boursiers (promotion de 2011) pour leur amitié et leurs conseils au fil de cette année transformatrice.
Je n’aurais pas pu m’échapper du rythme effréné de la salle de rédaction pour prendre un congé sabbatique sans le soutien de Jennifer McGuire et Jonathan Whitten de CBC/Radio-Canada.
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C’est Jon Christensen du Bill Lane Centrer for the American West affilié à l’Université Stanford qui a rendu le projet d’adaptation de ce guide en site web financièrement possible. Les patients conseils de Geoff McGhee, Wendy Norris, Mike Marcotte et Jacob Beaton ont permis sa réalisation.
Sonny Assu a fait de REMA une œuvre d’art, et Pat Alec a transformé mes mots en un message accessible à tous sur Internet.
Mes amis et collègues ont été nombreux à donner de leur temps et de leur expertise alors que je les bombardais de versions préliminaires : merci à Shannon Avison, Don Bain, Jeff Bear, David Beers, Kelly Chrichton, Kathryn Gretsinger, Rick Harp, Jennifer Leask, Minelle Mahtani, Brenda Nadjiwan, Tracy Seeley, Connie Walker, David Wiwchar et Mary Lynn Young.
Je suis rempli d’une profonde gratitude envers mes parents Harvey et Sharon, si généreux de leurs sages conseils, ainsi que mes enfants Samantha et Cas, qui me rappellent que la vie ne se résume pas au travail.
https://riic.internationalreporting.org/the-guide/the-last-word/references/
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https://riic.ca/reporters-checklist/
L’ aide-mémoire du reporter Quelques pages seulement! Glissez-le dans votre poche arrière ou votre sac à main! Ne quittez pas la salle de rédaction sans lui!
AU BUREAU
➔ Avez-vous consulté un site web d’information autochtone ou des collègues autochtones dans votre salle des nouvelles pour des idées de reportage?
➔ Cherchez-vous des idées de reportage qui vont au-delà des pow-wow, des rassemblements culturels et de la Journée nationale des peuples autochtones?
➔ Avez-vous une base de données où compiler vos contacts autochtones et une banque d’information dans laquelle cataloguer vos recherches et vos idées pour de futurs reportages?
➔ Y a-t-il moyen d’intégrer des personnes autochtones à vos reportages « non autochtones »?
➔ Que disent les Autochtones à ce sujet sur Facebook et Twitter?
➔ Avez-vous trouvé un nouvel angle d’approche ou une façon inédite de traiter cet enjeu?
➔ Vous êtes-vous demandé si votre reportage tombait dans les stéréotypes que l’on voit trop souvent dans les nouvelles sur les Autochtones?
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➔ Votre salle des nouvelles produit-elle une diversité de reportages sur les communautés autochtones, en visant un juste milieu entre les « bonnes » et les « mauvaises nouvelles »?
➔ Pouvez-vous faire vos recherches en personne plutôt que par téléphone?
➔ Vous êtes-vous entraîné à la poignée de main sacrée des Indiens?
SUR LE TERRAIN
➔ Avez-vous intégré « la notion du temps autochtone » à votre horaire?
➔ Avez-vous demandé l’autorisation de filmer ou de photographier une cérémonie?
➔ Avez-vous demandé à votre hôte autochtone s’il fallait apporter un cadeau aux personnes interviewées, et si oui, quel genre de cadeau?
➔ Votre salle de rédaction a-t-elle une règle déontologique concernant le fait d’accepter un petit cadeau ou un souvenir, une invitation à manger chez quelqu’un ou à participer à un repas de fête?
➔ Quels sont les protocoles culturels de cette communauté autochtone pour ce qui est de nommer une personne décédée ou d’en diffuser l’image?
➔ Avez-vous conscience de vos idées préconçues quand il s’agit d’interpréter les expressions du visage (y compris le contact visuel)?
➔ Si vous interviewez une personne aînée, prévoyez-vous de lui accorder plus de temps? De lui apporter un « cadeau » en signe de respect?
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➔ Avez-vous pris soin de clarifier vos attentes auprès de la personne que vous allez interviewer?
➔ Faites-vous appel à une diversité de sources dans la communauté autochtone?
➔ Devant une situation de conflit, posez-vous des questions qui pourraient faire émerger un terrain d’entente?
➔ Comment comptez-vous montrer, dans votre reportage, que les Autochtones font partie de la solution?
➔ Cherchez-vous à illustrer par l’humour une certaine facette de la communauté autochtone?
➔ Comment comptez-vous donner aux Autochtones la place qui leur revient dans votre reportage? Avez-vous interviewé des Autochtones ou seulement des non-Autochtones?
➔ Cherchez-vous un moyen d’inclure une mise en contexte et un rappel historique sur les peuples autochtones à votre reportage, à l’aide de graphiques, d’encadrés ou de compléments sur le web?
À L’ANTENNE
➔ Avez-vous traité la question de l’appellation « Autochtone, membre des Premières Nations ou autre », en demandant leur préférence aux personnes autochtones présentées dans votre reportage?
➔ Avez-vous confirmé l’orthographe ou la prononciation de tous les mots mentionnés en langue autochtone?
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➔ Avez-vous veillé à ce que les personnes autochtones interviewées puissent voir, lire ou entendre votre reportage?
➔ Avez-vous offert à vos sujets une transcription des entrevues ou une copie des images de tournage?
➔ Avez-vous agi avec respect?
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https://riic.ca/resources/
Ressources
LIENS UTILES : DES RESSOURCES POUR LES JOURNALISTES À noter que certaines sources ont été ajoutées ou modifiées et diffèrent parfois de celles qui se trouvent sur le site web.
Voici une brève liste de références générales à l’intention des reporters non autochtones et autochtones.
SURVOL HISTORIQUE
https://www.cdpdj.qc.ca/storage/app/media/publications/Mythes-Realites.pdf
Ouvrage sur les mythes et réalités concernant les peuples autochtones
https://www2.metisnation.ca/about/
Une brève histoire de la Nation métisse et les dates clés de son expansion.
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https://www.canada.ca/fr/relations-couronne-autochtones-affaires-nord.html
Le site officiel de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada (RCAANC). Présente un survol culturel du rapport des Premières Nations, des Inuit et des Métis avec le gouvernement du Canada, des traités historiques à l’actualité des droits autochtones.
https://www.canada.ca/fr/services-autochtones-canada.html
Le site officiel de Services aux Autochtones Canada (SAC).
Sections : Santé des Autochtones; Éducation; L’eau dans les communautés des Premières Nations; Programmes sociaux; Logement des Premières Nations; Gouvernance; etc.
https://www.bac-lac.gc.ca/fra/decouvrez/patrimoine-autochtone/commission-roy ale-peuples-autochtones/Pages/introduction.aspx
Ce rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones a été publié en 1996. Fruit d’une enquête sur les conditions de vie des peuples autochtones au Canada, il renfermait 444 recommandations pour l’avenir.
TERMINOLOGIE
https://www.oise.utoronto.ca/deepeningknowledge/UserFiles/File/SABAR-Glossar y-English-Final.pdf
Fournit un glossaire exhaustif avec des explications terminologiques et des définitions, indiquant les contextes d’usage appropriés pour chaque entrée. Énumère en outre les événements marquants du dernier demi-siècle pour l’ensemble des peuples autochtones au Canada, et décrit les dispositifs législatifs pertinents. En annexe, indique les liens vers différentes organisations nationales politiques et non politiques.
Sections : Identité et citoyenneté; Culture et traditions; Gouvernance; Droits, orientation et politiques.
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https://www.rcaanc-cirnac.gc.ca/fra/1100100013785/1529102490303
Quelques définitions générales de termes relatifs aux peuples autochtones au Canada, établies par Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada.
CARTES
http://firstnation.ca/
Cette carte localise toutes les communautés des Premières Nations en Ontario. Le site présente une liste complète des communautés avec en lien leur adresse et site web, et pour chacune le nom du chef en fonction, la terre cédée en vertu d’un traité sur laquelle elle se trouve, le numéro de bande et le conseil tribal.
https://fnp-ppn.aadnc-aandc.gc.ca/fnp/Main/index.aspx?lang=fra
Présente le profil de chacune des communautés des Premières Nations au Canada, avec une carte interactive en lien et des statistiques issues du recensement et de la communauté.
https://www.aadnc-aandc.gc.ca/fra/1290453474688/1290453673970
Des produits cartographiques détaillés par thématique sur les peuples et communautés autochtones et les initiatives entreprises par Affaires autochtones et du Nord Canada (AANC).
Sections : Peuples autochtones; Développement économique; Éducation; Environnement et ressources naturelles; Convention de règlement relative aux pensionnats indiens; Programmes sociaux; Le Nord; Les traités, les revendications et les ententes.
http://maps.fphlcc.ca
Une carte détaillée des langues parlées par les Premières Nations en Colombie-Britannique.
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LÉGISLATION ET REVENDICATIONS TERRITORIALES
https://www.rcaanc-cirnac.gc.ca/fra/1100100028568/1529354090684
Couvre les différentes lois, ententes et revendications territoriales qui ont jalonné les relations entre le gouvernement et les peuples autochtones au Canada.
Sections : Traités et ententes; Autonomie gouvernementale; Reconstruction des nations; Négociations en cours; Histoires de réussite; etc.
https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/revendications-territoriales-des -autochtones
Un bref historique des revendications territoriales au Canada, avec un survol par région.
https://www.ontario.ca/fr/page/revendications-territoriales-en-cours
Liste et aperçu général des revendications territoriales en cours en Ontario. En lien, des renseignements sur les processus de négociation.
REPORTAGE EN MILIEU AUTOCHTONE
https://www.riic.ca/the-guide/
L’essentiel de ce qu’il faut savoir pour couvrir l’actualité des communautés autochtones. Comprend un « aide-mémoire du reporter » et un guide de reportage, des recherches préliminaires au bureau au produit final en passant par la sortie sur le terrain.
https://icwrn.uvic.ca/wp-content/uploads/2013/10/InterviewingElders-FINAL.pdf
Un aperçu général des règles de bienséance à observer quand on interviewe les aînés d’une communauté.
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PENSIONNATS
http://www.cbc.ca/news/canada/story/2008/05/16/f-faqs-residential-schools.ht ml
Un bref rappel historique sur les pensionnats et les mesures d’indemnisation prises au Canada.
http://www.residentialschoolsettlement.ca/English.html
Site autorisé par le Tribunal sur le règlement relatif aux pensionnats. Présente la Convention de règlement elle-même ainsi qu’une liste des pensionnats recensés par province.
https://nctr.ca/fr/map.php
Rapports établis ou diffusés par la Commission de vérité et réconciliation. Le site abrite aussi des rapports et documents historiques de la Fondation autochtone de guérison.
FFADA
Rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.
https://www.rcaanc-cirnac.gc.ca/fra/1448633299414/1534526479029
Ressources et présentation de l’enquête nationale par le gouvernement du Canada.
DROITS
http://charterofrights.ca/fr/02_00_01
Une version interactive en ligne de la Charte des droits et libertés du Canada. Aussi accessible en cri des Marais et en oji-cri.
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https://www.aadnc-aandc.gc.ca/fra/1100100032329/1100100032333
Présente les droits et avantages accordés aux peuples autochtones au Canada.
Sections : Argent des Indiens; Successions et patrimoine; Loi canadienne sur les droits de la personne; Statut d’Indien; Biens immobiliers patrimoniaux dans les réserves; Programmes sociaux, etc.
https://www.un.org/development/desa/indigenouspeoples/wp-content/uploads/ sites/19/2018/11/UNDRIP_F_web.pdf
Une version abrégée et accessible de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
https://www.un.org/esa/socdev/unpfii/documents/DRIPS_fr.pdf
La version intégrale de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
MÉDIAS ET BLOGUES AUTOCHTONES
https://ici.radio-canada.ca/espaces-autochtones
Espaces autochtones de Radio-Canada
http://www.cbc.ca/news/indigenous
CBC Indigenous
http://aptn.ca/news/
Nouvelles nationales du Réseau de télévision des peuples autochtones (APTN)
windspeaker.com
Windspeaker
https://indiancountrytoday.com/
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Indian Country Today
http://walkingeaglenews.com/
Walking Eagle News
https://www.nationalobserver.com/special-reports/first-nations-forward
First Nations Forward
http://nativeappropriations.com
Le blogue Native Appropriations parle de la façon dont sont représentés les peuples autochtones. Il aborde les stéréotypes, la représentation dans les médias, le militantisme, l’actualité et l’appropriation culturelle. Un forum qui fait réfléchir.
http://apihtawikosisan.com
Le blogue d’une Métisse de Lac Ste. Anne en Alberta, dans l’aire linguistique du cri des Plaines. Au programme : stéréotypes sur les Autochtones, enjeux controversés et représentation des Autochtones dans les médias.
http://www.mediaindigena.com
Media Indigena est un magazine interactif qui allie perspectives, nouvelles et expressions créatives autochtones.
https://imaginenative.org
Le festival de films et d’arts médiatiques imagineNATIVE met à l’honneur les œuvres autochtones d’avant-garde dans les sphères de la création radio et vidéo, du cinéma et des nouveaux médias.
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RESSOURCES À CONTACTER
http://www.idlenomore.ca/
Idle No More
https://www.afn.ca/fr/nous-contacter/
Assemblée des Premières Nations
https://www.itk.ca/contact
Inuit Tapiriit Kanatami
http://www.metisnation.ca/index.php/contact-us
Ralliement national des Métis
http://www.chiefs-of-ontario.org/about-us/contact/
Chiefs of Ontario
https://www.ontario.ca/fr/page/ministere-des-affaires-autochtones
Ministère des Affaires autochtones de l’Ontario
https://www.anishinabek.ca/directory/
Nation anichinabée
http://www.aiai.on.ca/
Association of Iroquois and Allied Indians
http://www.nan.on.ca/article/nan-offices-161.asp
Nation Nishnawbe Aski https://nctr.ca/fr/about-new.php
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Centre national pour la vérité et la réconciliation
nwac.ca/contact/
L’Association des femmes autochtones du Canada
https://www.pauktuutit.ca/
Pauktuutit – Inuit Women of Canada
http://www.ictinc.ca/
Indigenous Corporate Training Inc.
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https://riic.ca/contact/
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Duncan a présenté des conférences et des allocutions sur le journalisme en milieu autochtone au Canada, aux États-Unis, en Europe et en Australie. Il anime aussi des ateliers, offrant de précieux conseils pratiques aux Premières Nations qui collaborent avec les médias, ainsi qu’aux salles de rédaction qui cherchent à mieux rendre compte de l’actualité en terre autochtone.