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Le Soir mai 2013 2 REPORTAGE « Etre famille d’accueil pour chien-guide, c’est comme élever ses enfants » Lorsqu’ils sont encore chiots, les futurs chiens-guides sont élevés par une famille d’accueil bénévole. Leur mission : faire de leur pensionnaire un chien sociable et bien éduqué. Rencontre avec Pascale Plumier et Nancy Simon qui accueillent des chiens pour l’ABSL EntreVues depuis plusieurs années. REPORTAGE C’ est à Liège, lors d’une séance d’éducation à l’ASBL EntreVues que nous avons rencontré Pascale Plumier et Nancy Simon. Depuis le mois de juin 2012, ces deux femmes élèvent Lewis et Lemon, deux golden retrievers issus de la même portée. Pascale, une institutrice maternelle, tout juste promue directrice, exerce ce rôle depuis près de six ans et demi. C’est par hasard qu’elle s’est lancée dans cette expé- rience : « Un jour, j’ai vu une aff iche sur une voiture de rallye. On recherchait des familles d’accueil mais c’était pour des chiens d’as- sistance pour les personnes handicapées phy- siques. Je me suis dit que je me lancerai là dedans quand mon vieux chien sera mort. Mais je n’avais pas retenu les coordonnées ! Quand s’est arrivé, j’ai donc appelé les ren- seignements et j’ai demandé pour une éco- le de chien-guide. Je suis alors tombée chez EntreVues. » Nancy aussi s’est d’abord intéressée aux chiens d’aide aux handicapés avant de se consacrer aux chiens d’aveugles. Depuis 2002, elle a accueilli cinq chiens pour Dyadis (NDLR : l’association belge pour l’attribution de chien d’aide aux handicapés) et élève maintenant son septième chien pour EntreVues. Être famille d’accueil lui permet de combiner sa passion pour la gent canine et sa formation de kinési- thérapeute : « je peux aider et améliorer le quotidien de personnes handicapées – physi- ques ou visuels – tout en passant beaucoup de temps avec des chiens ». Une bonne famille d’accueil doit, en effet, consacrer la plupart de son temps libre à son chien. Elle doit l’emmener par- tout avec elle afin de le familiariser avec toutes les facettes de la vie : ville, cam- pagne, transports en commun, foule, feu d’artifice… Travaillant en milieu scolai- re, Pascale réserve les mercredis après- midis et les weekends à la formation de son chien. « Mais j’essaie aussi de le pren- dre avec moi quand je vais au magasin ou lors de petits déplacements comme aller à la pharmacie qui est à 500 mètres de chez moi. Finalement, c’est dans ce genre de situa- tion qu’ils devront accompagner les person- nes malvoyantes, c’est donc un bon exercice ». Quant à Nancy, ses horaires de travail très décalés et dispersés lui permettent d'oc- troyer pas mal de temps à ses élèves à quatre pattes et d'éviter de les laisser seuls durant de longues périodes. Un engagement d’un an Etre famille d’accueil, ce n’est pas pro- fiter d’une adorable boule de poils durant un an et cela gratuitement (NDLR : tous les frais de vétérinaires et de nourriture sont pris en charge par l’association). Cela demande du travail et un véritable enga- gement. Pascale trouve même que c’est une importante responsabilité : « Ce n’est pas notre chien, donc on ne peut pas faire n’importe quoi. Au début, quand mes enfants rentraient de chez leur papa, ils faisaient le fou avec le chien. De coup, je me fâchais. Je ne voulais pas saboter tout le travail qu’on avait fait ». Pour acter cet engagement, EntreVues fait signer un contrat à ses familles d’ac- cueil. «On doit, par exemple respecter le fait d’aller au séance d’éducation tous les 15 jours, respecter le matériel qui est en prêt et puis aussi s’engager à travailler avec le chien. Il faut être sur de soi car c’est un engage- ment pour un an, on ne peut pas dire après 6 mois c’est fini, sinon ça serait trop facile ». Malheureusement, il arrive qu’il y ait des désistements : « Et là, ce n’est pas évident. Le chien doit alors changer de propriétaire et il est perturbé. En plus, si les bases ne sont pas bonnes, ce sera très difficile par la suite qu’il devienne chien d’aveugle ». Car tous les chiens en formation ne finissent pas chiens-guides. Parfois, ils sont écartés à cause de leur comportement, pas adapté à leur métier (trop anxieux ou trop agité par exemple). D’autres ont une incapacité de travail à cause de problèmes de santé. Ce fut le cas de Jazzy, un des chiens que Pascale a accueilli. On ressent sa déception lorsqu’elle nous explique ce qui lui est arrivée : « Elle était dysplasique (NDLR : malformation au niveau des hanches, courante chez les chiens de moyennes et de grandes tailles). C’est dommage parce que c’était un chien qui travaillait bien mais qui ne pourra pas aider». C’est ce qu’on appelle des chiens réformés. Ils restent alors dans leur famille d’accueil ou sont adoptés par d’autres personnes : « Les gens qui récupère des chiens comme ça sont super content car ils sont déjà éduqués. C’est donc très facile ». De la fierté mais sans prétention Pascale fait un rapprochement entre son rôle de famille d’accueil et son rôle de mère : « En faite, c’est comme élever ses enfants. Je l’élève pour qu’il puisse vivre sa propre vie. Quand il devient chien-gui- de, c’est une réelle fierté. C’est qu’on a réussi notre objectif de "parent" f inalement. Je suis toujours aussi émue lorsque je vois Ilmo avec Aurélie, son utilisatrice ». Il y a de la fierté dans leurs voix mais c’est sans aucune prétention que Pascale et Nancy poursuivent la conversation en nous expliquant ce que leur apporte cette expérience : « J’y gagne la satisfaction d’être utile et me permet de sensibiliser les person- nes qui m’entourent ou que je rencontre », nous raconte Nancy. « Cela m'apporte éga- lement un plus dans ma vie sociale via les cours d'éducation à EntreVues où je rencon- tre d’autres familles d’accueil, les différentes manifestations auxquelles je participe, ... ». Pour Pascale, c’est une contribution natu- relle, un don de soi : « Je le fais pour moi, pas pour recueillir les honneurs. C’est chouette et intéressant car on se rend mieux compte de ce que vit la personne aveugle. C’est une ouver- ture sur les autres.» D’ici la fin du mois, Lemon et Lewis partiront en formation à la "grande éco- le" (voir ci-contre). Ils reviendront chez Pascale et Nancy le weekend « comme des enfants à l’Université! ». Lorsque nous évo- quons la question de la séparation avec leur petit compagnon, elles nous confient ne pas être inquiètes : « Quand je prends un chien, je vois uniquement l'objectif et pas mon bien-être personnel. Si le chien s'en va, c'est que j'ai réussi ma mission, donc j'en suis très satisfaite. D'un autre côté, j'ai mes pro- pres chiens, donc le départ du chien d’Entre- Vues ne créé pas de vide » nous dit Nancy. Pascale a, elle, trouvé cela difficile la pre- mière fois : « Pour Gucci, je pleurai tout le long du trajet pour la conduire car j’avais l’impression que je l’abandonnais. Mais après quand on voit ce que ça donne, ce n’est que du bonheur. On sait qu’on reverra le chien par la suite donc ce n’est pas oublié. » Il est temps de clôturer la conversation. Le temps devient long pour Lemon qui est sagement assis au pied de sa maitresse « par intérim » depuis le début de l’entre- tien. Il jappe et a envie de se dégourdir les pattes. Actuellement, une quinzaine de familles accueillent un chien bénévole- ment pour EntreVues. Environ la moitié a déjà plus d’une expérience à son actif. n Candice Denis Nancy, Lewis, Pascale et Lemon se retrouvent tous les 15 jours à Entrevues lors d'une séance d'éducation © Candice Denis Pascale et Lemon sont fiers de venir en aide aux personnes malvoyantes © Candice Denis REPÈRES Entrevues EntreVues est une ASBL crée en 1989 par Benoit Carton. Appelée à l’ori- gine Centre de chiens pour aveugles, elle a débuté ses activités dans la région namuroise avant de s’établir à Liège il y a une dizaine d’années. L’association a pour but d’améliorer la mobilité des personnes malvoyan- tes en leur donnant un maximum d’autonomie. En plus du dressage de chiens-guides, elle forme les bénéfi- ciaires à l’utilisation de ces chiens et leur apprend des techniques d’orien- tation et de déplacements à l’aide d’une canne blanche n C.D

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Le Soir mai 2013

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« Etre famille d’accueil pour chien-guide, c’est comme élever ses enfants »�Lorsqu’ils sont encore chiots, les futurs chiens-guides sont élevés par une famille d’accueil bénévole. �Leur mission : faire de leur pensionnaire un chien sociable et bien éduqué. �Rencontre avec Pascale Plumier et Nancy Simon qui accueillent des chiens pour l’ABSL EntreVues depuis plusieurs années.

RePoRtAge

C’est à Liège, lors d’une séance d’éducation à l’ASBL EntreVues que nous avons rencontré Pascale

Plumier et Nancy Simon. Depuis le mois de juin 2012, ces deux femmes élèvent Lewis et Lemon, deux golden retrievers issus de la même portée.

Pascale, une institutrice maternelle, tout juste promue directrice, exerce ce rôle depuis près de six ans et demi. C’est par hasard qu’elle s’est lancée dans cette expé-rience : « Un jour, j’ai vu une aff iche sur une voiture de rallye. On recherchait des familles d ’accueil mais c’était pour des chiens d’as-sistance pour les personnes handicapées phy-siques. Je me suis dit que je me lancerai là dedans quand mon vieux chien sera mort. Mais je n’avais pas retenu les coordonnées ! Quand s’est arrivé, j’ai donc appelé les ren-seignements et j’ai demandé pour une éco-le de chien-guide. Je suis alors tombée chez EntreVues. »

Nancy aussi s’est d’abord intéressée aux chiens d’aide aux handicapés avant de se consacrer aux chiens d’aveugles. Depuis 2002, elle a accueilli cinq chiens pour Dyadis (NDLR : l ’association belge pour l ’attribution de chien d’aide aux handicapés) et élève maintenant son septième chien pour EntreVues. Être famille d’accueil lui permet de combiner sa passion pour la gent canine et sa formation de kinési-thérapeute : « je peux aider et améliorer le quotidien de personnes handicapées – physi-ques ou visuels – tout en passant beaucoup de temps avec des chiens ».

Une bonne famille d’accueil doit, en effet, consacrer la plupart de son temps libre à son chien. Elle doit l’emmener par-tout avec elle afin de le familiariser avec toutes les facettes de la vie : ville, cam-pagne, transports en commun, foule, feu d’artifice… Travaillant en milieu scolai-re, Pascale réserve les mercredis après-midis et les weekends à la formation de son chien. « Mais j’essaie aussi de le pren-dre avec moi quand je vais au magasin ou lors de petits déplacements comme aller à la pharmacie qui est à 500 mètres de chez moi. Finalement, c’est dans ce genre de situa-tion qu’ils devront accompagner les person-nes malvoyantes, c’est donc un bon exercice ».

Quant à Nancy, ses horaires de travail très décalés et dispersés lui permettent d'oc-troyer pas mal de temps à ses élèves à quatre pattes et d'éviter de les laisser seuls durant de longues périodes.

Un engagement d’un anEtre famille d’accueil, ce n’est pas pro-

fiter d’une adorable boule de poils durant un an et cela gratuitement (NDLR : tous les frais de vétérinaires et de nourriture sont pris en charge par l ’association). Cela demande du travail et un véritable enga-gement. Pascale trouve même que c’est une importante responsabilité : « Ce n’est pas notre chien, donc on ne peut pas faire n’importe quoi. Au début, quand mes enfants rentraient de chez leur papa, ils faisaient le fou avec le chien. De coup, je me fâchais. Je ne voulais pas saboter tout le travail qu’on avait fait ».

Pour acter cet engagement, EntreVues fait signer un contrat à ses familles d’ac-cueil. «On doit, par exemple respecter le fait d ’aller au séance d’éducation tous les 15 jours, respecter le matériel qui est en prêt et puis aussi s’engager à travailler avec le chien. Il faut être sur de soi car c’est un engage-ment pour un an, on ne peut pas dire après 6 mois c’est f ini, sinon ça serait trop facile ». Malheureusement, il arrive qu’il y ait des désistements : « Et là, ce n’est pas évident. Le chien doit alors changer de propriétaire et il est perturbé. En plus, si les bases ne sont pas bonnes, ce sera très diff icile par la suite qu’il devienne chien d’aveugle ».

Car tous les chiens en formation ne finissent pas chiens-guides. Parfois, ils sont écartés à cause de leur comportement, pas adapté à leur métier (trop anxieux ou trop agité par exemple). D’autres ont une incapacité de travail à cause de problèmes de santé. Ce fut le cas de Jazzy, un des chiens que Pascale a accueilli. On ressent sa déception lorsqu’elle nous explique ce qui lui est arrivée : « Elle était dysplasique (NDLR : malformation au niveau des hanches, courante chez les chiens de moyennes et de grandes tailles). C’est dommage parce que c’était un chien qui travaillait bien mais qui ne pourra pas aider». C’est ce qu’on appelle des chiens réformés. Ils restent alors dans leur famille

d’accueil ou sont adoptés par d’autres personnes : « Les gens qui récupère des chiens comme ça sont super content car ils sont déjà éduqués. C’est donc très facile ».

De la fierté mais sans prétentionPascale fait un rapprochement entre

son rôle de famille d’accueil et son rôle de mère : « En faite, c’est comme élever ses enfants. Je l ’élève pour qu’il puisse vivre sa propre vie. Quand il devient chien-gui-de, c’est une réelle f ierté. C’est qu’on a réussi notre objectif de "parent" f inalement. Je suis toujours aussi émue lorsque je vois Ilmo avec Aurélie, son utilisatrice ».

Il y a de la fierté dans leurs voix mais c’est sans aucune prétention que Pascale et Nancy poursuivent la conversation en nous expliquant ce que leur apporte cette expérience : « J’y gagne la satisfaction d’être utile et me permet de sensibiliser les person-nes qui m’entourent ou que je rencontre », nous raconte Nancy. « Cela m'apporte éga-lement un plus dans ma vie sociale via les cours d'éducation à EntreVues où je rencon-tre d’autres familles d ’accueil, les différentes manifestations auxquelles je participe, ... ». Pour Pascale, c’est une contribution natu-relle, un don de soi : « Je le fais pour moi, pas pour recueillir les honneurs. C’est chouette et intéressant car on se rend mieux compte de ce que vit la personne aveugle. C’est une ouver-ture sur les autres.»

D’ici la fin du mois, Lemon et Lewis partiront en formation à la "grande éco-le" (voir ci-contre). Ils reviendront chez Pascale et Nancy le weekend « comme des enfants à l ’Université! ». Lorsque nous évo-quons la question de la séparation avec leur petit compagnon, elles nous confient ne pas être inquiètes : « Quand je prends un chien, je vois uniquement l'objectif et pas mon bien-être personnel. Si le chien s'en va, c'est que j'ai réussi ma mission, donc j'en suis très satisfaite. D'un autre côté, j'ai mes pro-pres chiens, donc le départ du chien d’Entre-Vues ne créé pas de vide » nous dit Nancy.

Pascale a, elle, trouvé cela difficile la pre-mière fois : « Pour Gucci, je pleurai tout le long du trajet pour la conduire car j’avais l ’impression que je l ’abandonnais. Mais après quand on voit ce que ça donne, ce n’est que du bonheur. On sait qu’on reverra le chien par la suite donc ce n’est pas oublié. »

Il est temps de clôturer la conversation. Le temps devient long pour Lemon qui est sagement assis au pied de sa maitresse « par intérim » depuis le début de l’entre-tien. Il jappe et a envie de se dégourdir les pattes. Actuellement, une quinzaine de familles accueillent un chien bénévole-ment pour EntreVues. Environ la moitié a déjà plus d’une expérience à son actif. n

Candice Denis

Nancy, Lewis, Pascale et Lemon se retrouvent tous les 15 jours à Entrevues lors d'une séance d'éducation © Candice Denis

Pascale et Lemon sont fiers de venir en aide aux personnes malvoyantes © Candice Denis

RePèReS

Entrevues

entreVues est une ASBL crée en 1989 par Benoit Carton. Appelée à l’ori-gine Centre de chiens pour aveugles, elle a débuté ses activités dans la région namuroise avant de s’établir à Liège il y a une dizaine d’années. L’association a pour but d’améliorer la mobilité des personnes malvoyan-tes en leur donnant un maximum d’autonomie. en plus du dressage de chiens-guides, elle forme les bénéfi-ciaires à l’utilisation de ces chiens et leur apprend des techniques d’orien-tation et de déplacements à l’aide d’une canne blanche n C.D

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Le Soir mai 2013

reportage 2Les grandes étapes du parcours d’un chien-guideANIMAUX Devenir guide pour personne aveugle, ce n’est pas donner à n’importe quel chien. Il faut réussir une formation de près de deux ans qui passe par de nombreuses étapes1Le chiot est sélectionné dans

des portées propres au centre de chiens-guides ou dans des éle-vages familiaux externes. Il doit être en bonne santé, à l’aise avec les humains, curieux et courageux.

2A huit semaines, il est placé dans une famille d’accueil.

Leur mission est d’en faire un chien sociable, qui n’a peur de rien et qui connait toutes sortes d’envi-ronnements. La famille d’accueil se charge également de l’éducation de base du chien (propreté, obéis-sance à des ordres de base comme « assis », « viens ici »,…). En plus de l’éducation à domicile, le chien et son maitre se rendent tous les quinze jours au centre de chien-guide pour une séance de forma-tion spécifique en compagnie d’un maitre-chien. Le but de ce cours est de veiller à recadrer le travail effectué à la maison.

3Lorsque le chien à environ un an, il entre à la « grande école »,

c’est-à-dire en formation intensive au centre. Il sera pris en charge par un moniteur professionnel qui lui apprendra son métier de chien-guide. En rue, il devra être capable d’éviter les obstacles, d’obéir aux ordres de direction de son maitre (droite, gauche,…) mais aussi de rechercher et indiquer des points de repère tels qu’un passage pour piéton ou un arrêt de bus. Les

chiens d’assistance doivent aussi oser désobéir à une commande de leur maitre si celle-ci le place dans une situation de danger (« avance » alors qu’il y a un trou dans la route par exemple). Au total, le chien-

guide peut répondre à une qua-rantaine de demandes propres au travail de guidance mais aussi des ordres communs tels que « cou-cher » et « silence ».

4Au terme de ce stage de six à huit mois, il passe alors un test

de confirmation en compagnie de son formateur sous bandeau ou d’une personne aveugle habituée à travailler avec un chiens-guide.

L’épreuve réussie, le chien pourra rencontrer son futur utilisateur. Le couple sera formé en fonction des besoins de la personne malvoyante et du caractère du chien. Avec l’aide du formateur, ils appren-

dront à travailler ensemble pen-dant deux à trois semaines mais aussi à se connaitre et se faire confiance. Lorsque le duo est prêt, le maitre-chien s’efface et les laisse faire leurs propres expériences.

5Après ces trois mois d’essai, une épreuve certificative est

organisée en présence du maitre-chien. Cela permet de vérifier que le tandem est autonome et se déplace en toute sécurité. Si c’est le cas, le chien est officiellement remis à son propriétaire. Il es alors âgé d’environ deux ans et accompagnera son maitre durant six à huit ans.

Lorsque le chien approche des dix années de vie, il arrive au bout de ses capacités physiques et son attention décroit. Il peut alors prendre une retraite bien méritée. Souvent, il reste dans les environs de la personne aveugle ou retour-ne dans sa famille d’accueil. Si ce n’est pas le cas, il est alors adopté par une autre famille. n

C.D.

Lemon et Lewis à huit semaines, près a rencontrer leur famille d'accueil © Entrevues

5 questions à… EntrevueseNtRetIeN

Dominique Fraussen est chargé de communication

à Entrevues. Elle a accepté de répondre à nos questions sur le monde des chiens-guides lors d’une discussion à bâtons rompus.

Quelles sont les qualités d’une bonne famille d’accueil ?La disponibilité est le critère le plus important, voir le seul critère nécessaire pour accueillir un futur chien-guide. La famille doit pouvoir emmener le chien avec elle dans toutes

ses activités pour qu’il puisse faire un maximum d’expériences. On a des familles d ’accueil qui emmène leur chien une fois par semaine au travail par exemple. D’autres font du bénévolat et ont la possibilité de prendre le chien avec eux. On

a aussi beaucoup de personnes qui sont pensionnées ou pré-pensionnées et qui ont donc plein de temps. Et c’est pour eux aussi une occasion, une motivation à sortir Sinon, il n’y a pas énormément d’autres critères si ce n’est la motivation. Il faut rester motivé sur le long terme car c’est quand même un projet d’une année.

Quelles sont les démarches à faire lorsqu’on veut devenir famille d’accueil ?Il faut nous contacter et on f ixe un rendez-vous d’environ une heure avec nos éducateurs. On fait le tour du projet et on vérif ie la motivation de la famille. On regarde aussi si leur rythme de vie peut s’accommoder des demandes d’Entrevues : venir aux séances d’éducation tous les 15 jours, avoir du temps à consacrer aux chiens….

Combien y a-t-il de chiens-guides en activité en Belgique ?On estime qu’il y a environ 350 chiens en service. Mais la production de l ’ensemble des écoles suff it à peine au remplacement des chiens pensionnés. Les demandes de nouveaux utilisateurs sont pourtant nombreuses. Actuellement, il y à 5-6 personnes qui attendent un chien de notre ASBL. Si la personne aveugle a déjà eu un chien, elle doit attendre entre 6 mois et un an avant qu’il ne soit remplacé. Pour les autres, ça

prend plus longtemps car ils ne sont pas prioritaires.

Pourquoi les chiens-guides sont presque toujours des golden retrievers ou des labradors ?C’est d ’abord une question de taille : il faut que le chien soit à la hauteur du genou d ’un adulte pour pouvoir le guider correctement. Et puis, les goldens et les labradors ont le caractère et l ’intelligence pour pouvoir apprendre : ils ont une bonne mémoire et donc retiennent facilement. Ils sont aussi agréable en maison et ont un coté sociable. Avant, on travaillait beaucoup les bergers – bergers allemands ou malinois- mais ce sont des chiens de défense, d ’attaque. Ils ont donc moins ce côté sociable. Donc, on a tendance à prendre chien avec un abord un peu plus sympathique car c’est souvent un vecteur de rapport sociaux entre la personne handicapé qui, il faut le dire, fait toujours un peu peur au commun des mortels, et le chien qu’on va plus facilement aborder. Mais il n’y a pas que ces races-là. On travaille aussi avec des bergers

blancs suisses par exemple. En faite, ce sont principalement ceux là avec des croisements entre les races.

Comment devient-on formateur de chiens-guides ?En Belgique, il n’y a pas de formation ni d’école de moniteur pour chiens-guides. On n’est qu’une dizaine dans tous le pays. Une formation existe en France, c’est un BAC+3 avec des cours théorique à Paris et du travail pratique dans des écoles de chiens-guides avec des moniteurs séniors. En Belgique, ça s’apprend sur le tas avec les personnes qui exercent déjà ce métier. Chez nous à EntreVues, on demande d’avoir une formation dans le social ou dans la relation d’aide. Il faut quelqu’un qui a l ’habitude de travailler avec des personnes car en plus du travail avec le chien, il y a aussi le travail avec la personne handicapée. Amandine, notre monitrice a un diplôme d’assistante sociale par exemple. n

Propos recueillis parCANDICE DENIS

Joelle Huart (à gauche), directrice d'Entrevues, en plein exercice avec un des ses èlèves © C.D.

350 C’est le nombre de chiens-guides en service en Belgique. A ce jour, la production des différentes écoles suffit à peine auremplacement des chiens trop âgés.