regards sur la droite n° 47

8/10/2019 Regards sur la droite n 47

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ditoDe quoi Zemmour est-il le nom ?

On sen veut davoir parler du livre dEric Zemmour. Mais, le tintamarre mdiatique quily a autour de celui-ci et le succs de vente quil rencontre cre un fait politique. juste titre,les commentateurs ont relev nombre derreurs, de fait, et dinexactitudes historiques. Mais,l nest videmment pas lessentiel. LeSuicide franais est un objet idologique qui entenddonner une interprtation globale aux inquitudes et aux peurs qui traversent une part delopinion franaise. Au lieu de tenter dexpliquer le monde et de voir ce que peut faire laFrance pour y jouer son rle, Eric Zemmour, sinscrivant dans une tradition complotiste particulirement bien reprsente dans lhistoire voit tous les problmes de la France r-sultant de laction conjointe et ple-mle, des europistes, des sociaux-dmocrates de toutpoil - puisque, par l, lauteur entend aussi bien Valry Giscard dEstaing, Franois Mitter-rand, Jacques Chirac et Franois Hollande ! -, des lobbys homosexuels, des mouvements f-ministes, tous reprsentants des lites contre le peuple

Nous aurions tort, cependant, de nous en arrter l. Car les procs de la libert des murs,et donc de lindividu moderne, des droits de lhomme et de la socit mtisse , de lim-migration, et tout particulirement de lIslam, de lgalit et, finalement, de la dmocratieont une longue tradition dans notre histoire politique. Toutes ces figures quelquesnuances prs, lanti-islamisme remplaant aujourdhui lantismitisme ont t inaugurespar lextrme droite nationaliste, la fin du XIXme sicle. Les historiens de lextrme droiteont souvent remarqu que le fonds de lidologie des diffrents mouvements qui lont in-carne a t fortement structur par la pense de Charles Maurras. Certes, il ne sagit plus,aujourdhui, de promouvoir la monarchie. Mais, Maurras a donn une logique la penseractionnaire. Son opposition du pays rel face au pays lgal se retrouve dans tousles mouvements de contestation de la dmocratie rpublicaine. Surtout, la notion danti-France - Maurras en distinguait quatre : les juifs, les francs-maons, les protestants, les m-teques - forge un nationalisme dexclusion qui saffirme aujourdhui. Les extrmes droitespopulistes ajouteront ce noyau un discours social pour largir leur influence dans les ca-tgories populaires. Mais, le legs est bien l et nourrit dans toutes les rsurgences de lex-trme droite dans notre pays laspiration un pouvoir personnalis et hirarchis, fondsur une lgitimit de nature plbiscitaire. Il nest donc pas surprenant quEric Zemmourporte aux nues Bonaparte ! Le travail idologique du Club de lHorloge et du GRECE, dansles annes 1970 et 1980, ont transmis cet hritage lactuelle gnration dintellectuels delextrme droite.

Il est ainsi utile de savoir ce que lon a face soi. La crise sociale, qui sest approfondie depuis2008, et linterrogation identitaire, qui entretient les rejets et les peurs, rendent la matriceidologique des pamphltaires de lextrme droite dangereuse. Car, la diffrence des mo-ments historique passs, lextrme droite, sous la figure du Front national, nest plus un mou-vement intermittent. Elle sest installe dans la dure. Elle est, par elle-mme, un facteur decrise politique. Accuser les divisions, accrotre les peurs, proposer une France replie sur elle-mme, ce sont les effets du livre dEric Zemmour. Cest le programme du Front national.

Alain BERGOUNIOUX

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28 octobre 2014 -

n 47

dit par la celluleVeille et Ripostedu Parti socialiste


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Zemmour : le recyclagedes vieilles thoriesDe qui, au juste, Zemmour est-il le nom ? Dans

quel vivier idologique puise-t-il ses rfrences,ds lors quil plaide pour une alliance entre ladroite et le Front national ? Quil thorise ledclinisme. Se fait le dfenseur de la Rvolutionnationale, dun no-conservatisme la fran-aise ? Proche de Pasqua et de son conseiller,William Abitbol, ex-militant du groupe Occi-dent, au mme titre quun Grard Longuet,Herv Novelli ou Patrick Devedjian, lessayistebaigne, de longue date, dans les eaux troublesde la droite la plus radi-cale. Celle qui brandit

la xnophobie et lahaine du musulmancomme un tendard.Et qui justifie un dis-cours discriminant surdes populations nonassimilables , dont lap-partenance ethnique lespropulse au rang de cri-minels et de parias.

Mtapolitique. Ces tho-

r i e s , t e i n t e s d er v i s i o n n i s m e e t d engationnisme, ne fontque recycler les vieillesrecettes mgrettistes,dans la droite ligne duClub de lHorloge et de laNouvelle Droite, dont lesarguties ont aliment lefonds de commerce de la droite, dans les annes1980. Ce travail de sape et dactualisation de lapense men, au dpart, en lien troit avec leFront national, dans des clubs, au premier rangdesquels le Groupement de recherche et dtudespour la civilisation europenne, le GRECE, a tmen pour critiquer le fondement galitaire des socits occidentales, le libralisme commele socialisme, et faire du combat culturel, aveclide de diffrence une arme idologique chi-rurgicale pour ressourcer le vieux nationalismediscrdit par les guerres du XXe sicle . Dolapptence dun Eric Zemmour pour la Rvolu-tion nationale qui lui a valu une srieuse mise au

point de lhistorien britannique, Robert O. Paxton.Fidle la tradition mtapolitique du GRECE

et de son principal inspirateur, Alain de Benoist,

qui a volu, depuis, le journaliste se fait le dfen-seur didaux et de principes culturels, dontlobjectif est une transformation radicale de lacivilisation occidentale, sur le long terme. Aveclespoir de btir un nouveau modle, fond sur la contre-culture , dont un Louis Pauwels fut lundes principaux chantres, la tte de la rdactiondu Figaro Magazine, il y a une trentaine dannes.De ce point de vue, Zemmour est lincarnationdune droite ractionnaire et ouverte une

alliance avec le FN.Ce conservatisme, dont

on retrouve les fonde-m e n t s c h e z l e sfondateurs du Club delHorloge, dont YvonBlot, ex-militant RPR,et Jean-Yves Le Gallou(UDF) furent deux desminences grises. Les-quels se rclamaient,au passage, du natio-nal-libralisme, aveclambition de rconcilier

l i b r a l i s m e c o n o -m i q u e , i d e n t i t nat io nal e e t v a l e u r srpublicaines, dans ununivers politique en complte dcomposi-tion intellectuelle etmorale . contre-cou-rant de la pense

dominante.

Dcadence. Sous couvert de se rfrer des valeurs communes , lauteur duSuicide fran-ais se plait stigmatiser la dcadence moralede la France qui commence dans le prolonge-ment de Mai 68 et de ces dizaines de productionscinmatographiques paillardes qui nont faitquheurter, au fil du temps, le pouvoir delhomme blanc htrosexuel, dans un monde dvrilisant o les femmes ont pris le pouvoir.Avec des revendications - droit lIVG, divorce -juges inacceptables et proprement destructricespour notre civilisation. LIVG, prcisment, quil

juge contre-nature, alors que le rle assign lafemme franaise est la reproduction de lespce,

2 NOTE DE VEILLE ET RIPOSTE SUR LA SITUATION DE LA DROITE ET DE LEXTRME-DROITE

Ce travail de sape et

dactualisation de la pensemen, au dpart, en lien troitavec le FN, dans des clubs, au

premier rang desquels le GRECE,a t men pour critiquer le

fondement galitaire dessocits occidentales, le

libralisme comme le socialisme,

et faire du combat culturel, aveclide de diffrence une armeidologique chirurgicale pour

ressourcer le vieux nationalismediscrdit par les guerres du

XXme sicle


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en assurant la grandeur prsume de la Nation.Cette posture et les attaques rptes contre lacommunaut homosexuelle, quil accuse tortdavoir favoris lmergence dun redoutablepouvoir gay , font pice aux thories sur les in-galits naturelles interindividuelles. Ellestrouvent leur paroxysme dans la haine de lim-

migr et, plus particulirement, de lArabe, quiltaxe de tous les maux. Ce qui le rapproche, trsclairement, sur ce point, du principe de prf-rence nationale que le FN a fait sien, dans lespas du Club de lHorloge, qui lavait thoris dansun ouvrage collectif, publi en 1985, lorsque sesprincipaux dirigeants - Mgret, Blot, Bardet, deLesquen, Le Gallou, Briant - taient encore mem-bres du RPR, de lUDF ou du CNI.Lislam, voil lennemi ! Au nom de la Rpu-blique, on a dconstruit la France, martle-t-il.Aunom des droits de lhomme, on a rig un tat

dans ltat, ce qui avaitpouss Richelieu com-battre les protestants lorsdu terrible sige de LaRochelle. Pour intgrer lislam, il faudrait que laFrance renonce 1 000ans dhistoire .

Rvisionnisme. Pas sr,par ailleurs, que cethomme de confession

juive, qui puise une partiede son inspiration dansla littrature mauras-sienne, ait fait le choix dela bonne filiation, enexprimant son admira-tion du rgime de Vichyet du Marchal Ptain, qui se serait livr, lencroire, une diplomatie secrte avec les Allispour protger la population franaise de confes-sion juive contre la dportation.Oublie la politique de collaboration active duRgime de Vichy et les lois promulgues entre1940 et 1942 qui ordonnent leur exclusion.Oubli ce statut part qui les bannit des servicespublics, ou bien encore laryanisation des biensjuifs qui touche aussi bien les trangers que lesFranais. Il y a dans toutes les socits, mmeles plus dmocratiques comme la ntre, des cou-rants d'opinion souterrains qui chappent aupolitiquement correct impos par les lites intel-lectuelles , rsume le politologue Philippe Braud(1). commencer par ceux qui tendent exon-rer le rgime de Vichy ou qui proposent dessolutions radicales sur l'immigration. Si, entre

1945 et les annes 80, le ptainisme a t de plusen plus stigmatis, un courant li aux enfants etpetits-enfants de contemporains de Ptain tenteaujourd'hui de rhabiliter le rgime de Vichy etric Zemmour arrive donc point nomm pourqu'on reparle de ptainisme . Ds lors que lonappartient au camp des victimes, il est plus facile,

il est vrai, de relativiser les crimes des bour-reaux . Ironie de lhistoire, lauteur du pamphletse revendique lui-mme comme un juif d'origineberbre.La filiation avec le Club de lHorloge, cofond en1974 par Henry de Lesquen, devenu, depuis, pr-sident de Radio Courtoisie, nest jamais loin.Surtout quand celui-ci explique, sans sourciller,sur les ondes, le 29 octobre 2012, que lejudasme est une religion raciste, excrable, pourqui les non-juifs sont des animaux . En susde lislamophobie viscrale quil tmoigne

lgard de la commu-naut maghrbine, ilse fait le chantre dunantismitisme notoire,dont Zemmour se faitlui-mme lcho. Aveccette ide rcurrentequil est possible din-flchir le court delhistoire, par desactions rvisionnistes,ngationnistes, voire

mme crationnistes.Manire de fairecontrepoids cette dcadence morale quasi obsessionnelle,au sein de cette famillede pense. Et de cra-

cher son venin, en dnonant la veulerie de nosgouvernants. Seul, un homme - ou une femme -providentiel portant les valeurs morales dont ilse revendique, est capable de sortir le pays delornire, en brisant le fil de lhistoire et du longcombat du peuple franais pour son mancipa-tion.

Accents maurassiens. Cette personnalit excep-tionnelle porte un nom : Marine Le Pen. LaFrance se meurt, la France est morte , clamelauteur du Suicide franais, dont les accentsmaurassiens professent une morale politiquefonde sur le rejet des lites et un discours gobetout , o chaque tendance de lextrme droite sereconnatra. En droite ligne avec le travail de sapemen par la prsidente du parti frontiste qui estparvenue fdrer, autour de son nom, des int-

NOTE DE VEILLE ET RIPOSTE SUR LA SITUATION DE LA DROITE ET DE LEX TRME-DROITE 3

La filiation avec le Club delHorloge, cofond en 1974 par

Henry de Lesquen, devenu,depuis, prsident de Radio

Courtoisie, nest jamais loin.Surtout quand celui-ci explique,sans sourciller, sur les ondes, le

29 octobre 2012, que lejudasme est une religion raciste,

excrable, pour qui les non-juifssont des animaux .


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gristes de tout bords : des thoriciens du GRECE,en passant par les royalistes lgitimistes et lesmonarchistes dAction Franaise. Jusquaux pro-tectionnistes et autres ultralibraux, issus desrangs du Club de lHorloge.Au fond, Zemmour nest quun avatar de cepatchwork, exploitant, au long de son pamphlet

catastrophiste et de ses sorties mdiatiques, desthses recuites, qui trouvent un terrain fertiledans les inquitudes d'une partie de la socit.De ce point de vue, il ne fait quexprimer, cynique-ment, ce qu'une partie de la population ressentconfusment. Il a beau jeu de se muer en porte-parole de ces sans grade , au prix dundiscours dmagogique et passiste qui puisedans la critique de leuro, le protectionnisme et ledanger de limmigration lessentiel de son argu-mentation. Aujourd'hui, le roi de la transgression c'est lui,

et le transgressif, c'est ce qui se vend le mieux ,dplore Alain Jakubowicz, prsident de la Liguecontre le racisme et l'antismitisme (Licra) (1).L'argument du seul contre tous est mettreen parallle avec celui de Marine Le Pen, prsi-dente du Front national, qui se dit porte-parole

des invisibles , prcise, pour sa part, JrmeFourquet, directeur du dpartement Opinionpublique de l'Ifop (2). Fondamentalement, Zem-mour est le symptme d'une droitisation denotre socit , mouvement qui apparat tra-vers toute une srie de signaux : demanded'autorit accrue l'cole, de rpression en

matire de justice... Plus globalement, onconstate un mouvement de raction d'une partiede la socit face aux volutions engendres parla mondialisation, qu'il s'agisse de mutationsconomiques, avec les dlocalisations, ou del'ouverture des frontires , poursuit Fourquet.Avec lambition, sans cesse raffirme, de rallierune partie des protestataires de droite comme degauche. Un terreau inpuisable pour les tenantsde lordre moral et ractionnaire, dont Eric Zem-mour est la nouvelle grie. B.T.

Notes :

(1) https://fr.news.yahoo.com/zemmour-controvers%C3%A9-d%C3%A9test%C3%A9-%C3%A9cout%C3%A9-suicide-fran%C3%A7ais-133727300.html(2) Ibid.



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Le prsuppos du discours dEric Zemmourrepose avant tout, sur lide du dclin de lasocit franaise. Eric Zemmour est, en effet,persuad, dans le droit fil de toute la penseractionnaire franaise, depuis la deuximemoiti du 19me sicle, que le dclin du pays estinluctable. Il sagit de la prmonition detous ceux qui font profession de dcrier laRpublique et lide de progrs qui laccom-pagne, depuis Charles Maurras, en passant parla Rvolution nationale de Vichy, lextrmedroite actuelle. La marche vers le dclin consti-tue, en effet, une donne rcurrente desdclarations des dirigeants du FN.

Une constante de la pense ractionnaire.Cette invocation du dclinpossde une double fonc-tion : susciter le rejet, larpulsion vis--vis delpoque, de la marche dutemps, et simultanmentse nourrir de cette ide

pour alimenter un fond decommerce politique sur lethme de la dcadence, etdonc, de la ncessit dusursaut autoritaire contrela Rpublique, contre lesystme , derrire un lea-der providentiel. Peuimporte, dailleurs, que lesfaits les plus incontesta-bles viennent dmentircette prmonition ; les

succs dAriane, du TGV,dAirbus, les premires chirurgicales ou mdi-cales, en France, ne comptent pas dans ce rcit prtention sculaire. Les prix Nobel Franais ,le fait que la France reste de loin la premire des-tination touristique mondiale, son dynamismedmographique qui tranche avec la situationdes principales puissances europennes nesauraient, aux yeux des dclinologues profes-sionnels, contredire cette tendance, prsente la fois comme invitable et historique. Seloncette idologie, le changement du cours de lhis-

toire ne peut intervenir quavec lavnementdun ordre autoritaire, restaurant les valeurs

millnaires enjambant la parenthse rpu-blicaine pour mieux la fltrir. Cest, en effet, lercit implicite qui rythme le discours dEricZemmour et de la raction franaise. Lauteurdu Suicide franais - titre rvlateur par lui-mme - date lamorce de ce dclin auxvnements de Mai 68. Cette rfrence nest pasgratuite. Elle a t introduite par Nicolas Sar-kozy dans la phrasologie politique, en 2007,lors de sa premire campagne prsidentielle. Ilfallait rompre avec la rupture, cest dire restau-rer. Elle correspond aussi une tentative dediscrdit du plus grand mouvement social quela France ait connu, dans son histoire, avecplus de 12 millions de salaris en grve,pendant prs de deux semaines, et la contesta-

tion assume delorganisation mmede lentreprise. Lacharge nest pas seu-lement politique, elleest aussi sociale.

Le rgime de Vichy,quant lui, expli-quait le dclindu pays et leffondre-ment du printemps1940, par le Frontp o p u l a i r e , l e sconventions collec-tives et les congspays. Cest ce dis-cours daccusationqui a t explicit,

lors du procs deRiom, intent, en accord avec lOccupant, contreLon Blum et les principaux dirigeants du Frontpopulaire, avant de tourner la confusion deleurs auteurs, cest--dire des procureurs deVichy. Ce schma a t repris, la tribune delAssemble nationale, plusieurs fois, par Fran-ois Fillon, Premier ministre, pour stigmatiserles conqutes sociales de 1936. Comme quoi,il ne suffit pas davoir grandi lombre du der-nier grand gaulliste, pour viter les mauvaisrflexes.

Charles Maurras, lui, faisait remonter, les pr-


La rfrence au dclin est tou-jours un renoncement.

Cette invocation du dclinpossde une double fonction :

susciter le rejet, la rpulsion vis--vis de lpoque, de la marchedu temps, et simultanment se

nourrir de cette ide pouralimenter un fond de commerce

politique sur le thme de ladcadence, et donc, de la

ncessit du sursaut autoritairecontre la Rpublique, contre le systme , derrire un

leader providentiel.


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mices du dclin du pays la Rvolution fran-aise, et lesprit des Lumires. Mais, en fait, laresponsable dsigne par la philosophie rac-tionnaire est toujours la mme : liderpublicaine, avec ses valeurs dgalit, delibert et de fraternit, pour le droit un avenirmeilleur, dans le progrs et la lacit.

Lidentit contre lgalit. Les thmes gnrspar ce dogme du dclin inluctable sauf rtablir, restaurer, lordre autoritaire deschoses par la force et le dogme se perptuentainsi, travers les dcennies, mme si le voca-bulaire peut parfois voluer en fonction despoques. Dabord, la haine de lautre, de celle oude celui qui est diffrent, de ltranger, du faible,toujours culpabilis, et presque responsable desa situation. Do les cli-chs sur lassistanat ,

exploits par lextrmedroite, et une partie de ladroite classique, encoreaujourdhui.

Ensuite, le rejet de touteaspiration lmancipa-t i o n i n d i v i d u e l l e e tc o l l e c t i v e , p r s e n t ecomme une atteinte lor-dre habituel des choses, etcause du dclin en cours,

nest jamais loin de cettepense rtrograde.

La dtestation des lites ,intellectuelles, culturelles,politiques, parlementaires, au nom dun anticon-formisme de faade, et dun populisme rig enrempart contre lexpression de la souverainetnationale, est frquemment convoque pourparvenir lopposition entre pays lgal et paysrel . Dans la mme logique, le culte de larepentance collective transparait, puisque, dans

une certaine mesure, avec cette idologie l,nous sommes considrs comme tous cou-pables de ce qui nous arrive , lexceptionnaturellement et quelques esprits forts, fai-sant don de leur personne la collectivit, linstar de la formule terrible du 17 juin 1940,pour tenter de nous sauver, malgr nous.

Enfin, le primat de lidentit sur lgalit, de lor-dre sur la justice, de lautorit sur le jugementcritique. Cette constante de la pense radicalede droite se perptue de dcennie en dcennie,depuis laffaire Dreyfus.

Avec, videmment, en toile de fond la haine detoute diffrence, ce sentiment qui permet dejustifier selon les poques, la mise en cause vio-lente et inqualifiable du juif, de lhomosexuel, dela femme qui cherche smanciper, de lou-vrier qui revendique, de ltranger qui nousmenace . Ce mlange insupportable de

racisme ordinaire, de bonne conscience satis-faite, de dnonciation, de stigmatisation, derecherche de bouc missaire, rend trs vitetoute vie collective invivable , parce quuni-quement fonde sur la suspicion etlenfermement, le repli et la dfiance.

De ce point de vue, le rcent drapage dEricZemmour exprimant une tentative implicite derhabilitation de la Rvolution nationale et

du rgime de Vichy,qui aurait cherch

protger les juifsde nationalit fran- a i s e p e n d a n tlOccupation, nestpas seulement unec o n t r e - v r i t , a uregard des lois di-t e s d s o c t o b r e1940 par Vichy, oude la rafle de lt 42 Paris, notamment.Il sagit aussi du

produit dun dis-cours et de rflexesde plus en plusbanaliss. Comme sila France ntait pas

le fruit dimmigrations successives russies, dediversits capables de se rassembler et de secomprendre. Le dni utilis cette occasion vis--vis dun rgime, celui de Vichy, qui a livr lesrsistants et dmocrates allemands Hitler,dport les Rpublicains espagnols installs enFrance, souhait la victoire du nazisme, utilis

la police franaise pour devancer les demandesde lOccupant, nest pas anecdotique. Il est rv-lateur dune double impasse, responsable dedramatiques tragdies en France et en Europe.

Le nationalisme contre la Rpublique. Cetteidologie se rclame dabord du nationalisme,celui de Maurras, de Barrs, de la Rvolutionnationale. Le nationalisme conduit toutes lesdfiances, toutes les discriminations, tous lesabus de pouvoir, au totalitarisme lintrieur, etau repli vis--vis de lextrieur, parfois laguerre. Il privilgie lidentit au sens le plus tri-


La dtestation des lites ,intellectuelles, culturelles,

politiques, parlementaires, aunom dun anticonformisme de

faade, et dun populisme rigen rempart contre lexpression

de la souverainet nationale, estfrquemment convoque pour

parvenir lopposition entrepays lgal et pays rel .


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qu et le plus sectaire du concept. Son ennemi,cest lEurope, la ngation de lHistoire nousdit Eric Zemmour, oubliant la bance des deuxguerres mondiales, mais dabord, la Rpu-blique.Et, par consquent, la Nation, conue commecadre dmancipation collective et dmocra-

tique, ouverte sur luniversel, comme leproclamaient Condorcet, mais aussi le Conseilnational de la rsistance (CNR). Au nom dunationalisme le plusabject, Vichy a optpour la collaborationavec le nazisme, contrelintrt national etlhonneur du pays. Il atermin sa frntiquefuite en avant Sigma-ringen, dans les

fourgons de la Wehr-macht. De mme, lesVersaillais ont prfr laPrusse, la Rpubliqueet la Commune deParis.

Cette idologie, celle deBarrs contre Jaursavant 1914, de Maurrascontre Blum dans les annes 30, de TixierVignancourt contre Pierre Mends France, sous

la IVme Rpublique, quand il sest agi deconclure les accords de Genve, en 1954, porteaussi une aversion profonde la Rpublique,sa force, ses valeurs, son rayonnement. Lidede Rpublique lui est insupportable, parcequelle signifie galit des droits, reconnais-sance de chacun, liberts individuelles etcollectives, lacit et tolrance, refus de toute dis-crimination selon lorigine, lethnie, ou le niveaude revenu.

Le combat men par lauteur du Suicide fran-ais ne vise pas simplement lvolution dunesocit quil dteste et sur laquelle i l se trompe,les conqutes sociales, la construction euro-penne, le droit des minorits ; ce seraitdailleurs dj beaucoup. Il percute directementla Rpublique comme motrice et organisatrice

de la socit, dpassant les approches commu-nautaristes, religieuses, pour fournir un cadre,un projet de progrs, travers une qute dga-

lit et duniversel.Lgalit des chances etdes droits, la recon-naissance de lAutresur un pied dgalit, lavolont de progresserensemble, le sens de lasolidarit, voil ce quecette pense raction-

naire au sensphilosophique duterme ne supporte pas.Cest prcisment cequi reprsente le senset la noblesse de notreengagement au servicedes institutions et desides rpublicaines. Leclivage qui nous

oppose ce discours ractionnaire, discrimina-toire, autoritaire, dpasse mme le clivage

droite/gauche, mme sil le recoupe souvent. Ilporte sur lessentiel : le sens de la vie en socit,dans un pays qui ne croit ni son dclin, ni son suicide, quand il choisit lgalit des droitset les valeurs de la Rpublique jusquau bout,comme le proclamait Jaurs.

M.B.


Cette idologie, celle de Barrscontre Jaurs avant 1914, de

Maurras contre Blum dans lesannes 30, de Tixier Vignancourt

contre Pierre Mends France,

sous la IVme

Rpublique, quandil sest agi de conclure lesaccords de Genve, en 1954,

porte aussi une aversionprofonde la Rpublique, sa

force, ses valeurs, sonrayonnement.


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DCRYPTAGE & DBATS

Faut-il sinquiter du retour de la Manif pourtous ?

Ce retour est loin dtre triomphal. titrecomparatif, les mobilisations syndicalessont bien plus consquentes, alors queles manifestants nhsitent pas sacrifierleur emploi du temps et leurs activitsprofessionnelles, pour prendre part auxdfils. Ce qui nest pas le cas des amis deLudovine de La Rochre qui sappuientsur des moyens logistiques et une orga-nisation parfaitement huils. Le site internetde la Manif pour tous prvoit dailleursun systme de covoiturage, de garde den-fants et dhbergement spcifique. Il estdonc constitu sur la base dun rseau,dot de ses propres ressources. Ceci suffit

expliquer le niveau de mobilisation quisensuit.

Jobserve, par ailleurs, que lanne coulene lui a pas t vraiment favorable. Lesdirigeants de la Manif pour tous ont tainsi dans lincapacit de prsenter deslistes aux municipales, limitant ainsi clai-rement leur champ dinfluence. Sans comp-ter que Christine Boutin na recueilli que1,2 % des voix aux europennes. Enfin,leur mobilisation contre la candidaturede Nathalie Kosciusko-Morizet Paris sestsolde par un chec. Ce qui prouve quelinfluence de la Manif pour tous, au seinde lUMP, nest pas si importante quonveut bien le dire.Cest dailleurs avec des mthodes similairesque les groupes de pression chrtiensamricains sont parvenus capitaliser

des points, au sein du Parti Rpublicain.Et ce, en pesant de tout leur poids dans


Vincent Tiberjest charg de recherche SciencesPo. Diplm et docteur en sciencepolitique de l'Institut d'tudespolitiques de Paris, il est spcialisdans les comportements lectorauxet politiques en France, en Europeet aux Etats-Unis, ainsi que lapsychologie politique. Ses travauxportent sur les modes deraisonnement des citoyens ordinaires , la sociologie politique

des ingalits sociales et ethniqueset la sociologie de limmigrationet de lintgration, lexplication devote et les mthodes quantitatives.


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ces moments de mobilisation, assez mar-ginaux, que sont les primaires. Ceci avalu, en particulier, au sujet de lavortementsur lequel les Rpublicains ont affichleurs divisions. la fin des annes 1970,les lments les plus radicaux, qui staientmontrs favorables lavortement, ont

perdu la bataille.

Qui sont les meneurs de la Manif pourtous?

Ces manifestations sont constelles dor-ganisations satellitaires, comme Veil-leur ou le Printemps franais .Frigide Barjot prsentait lavantage dene pas apparatre comme une catholiqueractionnaire. Ce qui nest naturellementpas le cas de Ludovine de La Rochre,dont le parcours

voque trs claire-ment un catholi-cisme de droite.

C e t t e m o b i l i s a t i o ncontre une loi qui a tvote lAssemblenest-elle pas le signedun rveil conserva-teur, men par le peuplede droite, majoritaire-ment catholique, et

cran sur les sujets de so-cit ?

La Manif pour tousest le dernier avatarqui montre que ladroite sest emparedes moyens de par-ticipation, autrefois dvolus la gauche.Ce que lon nomme, dans le jargon dessciences politiques, les moyens de parti-cipation non conventionnels. Ils se rsu-ment par un recours aux manifestations,aux ptitions et au boycott. Au dbut desannes 1980, la droite rejetait pourtantmassivement le recourt ces mthodes,jugeant quelles ne faisaient pas partiede leur rpertoire daction lgitime.Les temps ont chang. Aujourdhui, lesnotaires manifestent, au mme titre queles participants de la Manif pour tous.Cette partie de lchiquier politique quipendant longtemps se refusait dinvestirla rue, a fini par adopter la plupart descodes des mouvements de gauche. Avec,notamment, cet appel au pays rel et

au peuple quon oppresse, mme si toutcela est faux.

Historiquement, les mouvements de rue nesont pas lapanage de la droite, si lon exclutles vnements survenus dans le cadre delAffaire Dreyfus, la fin du dix-neuvime

sicle, ou la journe du 6 fvrier 1934.Absolument. Sans oublier les mouve-ments qui ont suivi les vnements deMai 68 ou les dfils de 1984 qui restentdes moments exceptionnels, droite.Avec la Manif pour tous, on entre dansune vritable routinnisation de la mo-bilisation. Laquelle est devenue une formelgitime de contestation pour les notaires,les pharmaciens ou bien encore, les pro-fessions librales. Avec des slogans et

des banderoles qui d-

montrent une volontclairement tablie dese fdrer et de sor-ganiser.Lautre lment impor-tant, cest lutilisationextensive des outils nu-mriques et des r-seaux sociaux pourmobiliser ses troupes.Il sagit l dun vritablechangement culturel

qui touche la scne po-litique, en gnral.Mais, la France catho-lique et conservatricetait dj bien pr-sente, par ailleurs. Ellene sest pas reconsti-

tue la faveur du mariage pour tous.Souvenons-nous, en particulier, des ma-nifestations anti-PACS, en 1999.Il nempche que laccs la propagandede ces mouvements est facilit, au-jourdhui, par laccs aux contenus parun simple clic. Tant et si bien que tousces groupuscules, pourtant numrique-ment minoritaires, sont dsormais visiblessur la toile. Cest une vraie nouveaut,dautant quelle facilite laccs aux mdias.En tant prsents sur tweeter, les partisansde la Manif pour tous se rendent natu-rellement disponibles pour la presse.

Lattirance singulire des jeunes pour ces

outils ne les rend-ils pas plus disponiblesque les autres classes dge ?

La Manif pour tous est ledernier avatar qui montre que

la droite sest empare desmoyens de participation,

autrefois dvolus la gauche.Ce que lon nomme, dans le

jargon des sciences politiques,les moyens de participation nonconventionnels. Ils se rsument

par un recours auxmanifestations, aux ptitions

et au boycott..


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Lusage des tweets ne reprsente quunfaible pourcentage de la population fran-aise. 30 % de nos concitoyens participentainsi aux rseau sociaux, au sens large.Et, il ny est pas question, dans la plupartdes cas, de discussions politiques. Le jeunechercheur, Julien Boyadjian, qui a travaill

sur les nouvelles mthodologies danalysedes opinions sur internet, a constat qu1,3 % des ouvriers recouraient lusagedes tweets, contre 6 % demploys. Or, cesdeux groupes reprsentent 28 % environde la population franaise. La proportionde retraits slve, pour sa part, 3,6, %soit 26 % de la population.Il faut bien avoir ces chiffres en tte pourse convaincre que le rseau tweeter nousmaintient dans uneillusion doptique. La

socit franaise nese rsume pas auxrseaux sociaux. Lamajeure partie de nosconcitoyens ny figurepas. Pas plus quellene prend part auxmanifestations de rue.La force des son-dages, cest quils sontcapables de dcrypterce que des millions

de rponses ne peuvent prdire, parcequelles ne sont pas reprsentatives dunensemble donn. Tweeter produit le mmeeffet doptique.

Au fond, la manifestation du 5 octobre der-nier ne marque-elle pas la naissance dunTea party la franaise ?

Cette possibilit existe, en effet. Le conser-vatisme et les rseaux catholiques sontprsents, de longue date, au sein de la so-cit franaise. La nouveaut, cest quilscommencent se penser dans une logiquede contre-pouvoir. Noublions pas que lemouvement conservateur du dbut duvingtime sicle tait catholique et que,jusque dans les annes 1960, les vquesne se privaient pas de donner desconsignes de vote aux croyants. Labsencede lglise et des catholiques dans le dbatpublic est un phnomne rcent. Le paysa connu un moment daccalmie entre1984 et ladoption du PACS. Tant et si bienque, dans lesprit de nos contemporains,les catholiques conservateurs sont en voie

de disparition. Do les moqueries rptes lendroit des mouvements anti-avorte-ment qui restent ultra-minoritaires danslopinion publique.La nouveaut, cest quils tentent de re-prendre pied dans le dbat politique, en-dehors de toute organisation piscopale.

Officiellement, ils ne bnficient donc dau-cun soutien officiel de la communautdes vques. Leur objectif nen demeurepas moins de former un Tea party lafranaise. Plusieurs scnarii sont doncpossibles : ils sont ainsi susceptibles desessouffler rapidement, comme dautrescomposantes de la droite franaise avanteux. force de peser dans la slectiondes candidats de lUMP, ils peuvent gale-

ment prtendrechanger ce parti de

lintrieur, en sinspi-rant du modle r-publicain amricain.Et ce, mme si unJohn McCaine ntaitpas reprsentatif ducourant chrtien-d-mocrate. Ce scnarioest certes possible,mais difficilementralisable. Jusquici,les tentatives ont

avort. Nous verrons bien ce que donnerala candidature, la primaire de lUMP,dun Herv Mariton qui est sur cette ligne.Pour peu quil natteigne pas ses objectifs,nous aurons la preuve que les lecteursont sanctionn la stratgie amricaine.Troisime alternative : la constitution dunparti conservateur, part entire. ChristineBoutin sy est essaye, ne recueillant gurequ1,2 % des suffrages, dans le cadre dellection europenne o ses soutiensavaient pourtant le plus de chances depeser. Or, elle a perdu son pari, au mmetitre quun Philippe de Villiers, qui, en sontemps, se voulait lincarnation du souve-rainisme.

l'Assemble, la Manif pour tous compte denombreux relais. Prs de 200 parlemen-taires UMP et UDI sont membres de l'En-tente parlementaire pour la Famille, djactive sous Sarkozy. Leur ambition nest-elle pas de crer des passerelles avec ce

mouvement ?Oui. Cest le jeu normal de la dmocratie


Le conservatisme et lesrseaux catholiques sont

prsents, de longue date, au seinde la socit franaise.

La nouveaut, cest quilscommencent se penser dans

une logique de contre-pouvoir.


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NOTE DE VEILLE ET RIPOSTE S UR LA SITUATION DE LA DROITE ET DE LEXTRME-DROITE 11

et la copie conforme des relations quepeuvent nourrir les parlementaires avecdes groupes organiss, des associationsou des lobbies dentreprises. Cest unemanire pour eux de peser dans le jeupolitique. De la mme manire que leschercheurs tentent de se mobiliser pour

inciter les dputs socialistes voter desamendements. Il ny a donc l rien denouveau, si ce nest que notre regardsest braqu sur cette Entente parlemen-taire pour la Famille qui jouit dun crditplus important, aujourdhui, que dans lepass. 200 dputs y ont adhr, de lamme manire quils peuvent tre affilisau club des fumeurs de Havane.Pour un parlementaire UMP, ce type daffi-liation est un passage oblig pour satis-faire toutes les composantes de son lec-

torat. Lenjeu est de-venu suffisammentimportant, en toutcas, pour que les d-puts donnent lim-pression de sy int-resser.

Fondamentalement, laquestion de la famille nedivise-t-elle pas davan-tage la droite quelle ne

la rassemble ?Gardons bien en tteque les militants dela Manif pour toussont dans une logique dintransigeance.On ne discute pas un acte de foi ! Pasplus quon nchange sur la notion debien et de mal. Il sagit l dun militantismede tripes . Cest bien la conception g-nrale de lhomme et de la nature quiest en jeu. Do leur opposition la thoriedu genre qui dconstruit les prsupposset les prjugs. Ce qui revient remettreen cause lide mme de croyance en unordre immuable de la nature, de la relation Dieu. Ces militants sont donc dans lin-capacit de saisir le relativisme propreau champ social. Il ny a quune seule foi,une loi unique, un seul ordre naturel. Cesont des militants tripaux .Il est donc trs difficile de dialoguer avecdes manifestants qui rejettent lide mmedunion civile. Autant dire que la stratgiedaccommodation raisonnable de Frigide

Barjot est battue en brche, au profitdune action intransigeante btie sur lafoi.Le problme qui se pose la droite, engnral, mais aussi la gauche, duncertain point de vue, cest la nature et lalgitimit des enjeux culturels. Cette ide

que les questions qui tournent autourde lgalit des sexes, de la tolrance lgard des conduites sexuelles, de la re-connaissance des minorits, de limmi-gration et du multiculturalisme ne sontpas des enjeux aussi importants quelconomie. Or, ces questions culturellessparent clairement, aujourdhui, les deuxfamilles politiques, lheure o la tolrancevis--vis des minorits sexuelles progressede plus en plus vite. Loin des crispationspasses.

Le cas amricain est, cet gard, particu-lirement intressant: aucune progressiondu soutien lavorte-ment nest perceptible,dans ce pays, depuisles annes 1970. Tantet si bien que le cli-vage sest glac .Cette question est tel-lement inscrite dans

lADN du parti Rpu-blicain que la situa-tion reste fige, alorsmme que la probl-

matique des mariages gay et interracialea volu trs rapidement. Cest ce ques-prent les organisateurs de la Manif pourtous. Or, nous sommes plutt dans unervolution tranquille, dacceptation desdiffrentes familles. Le pige, pour ladroite, cest dtre ringardise sur cesquestions.

Sous couvert de crispation, peut-on parlerdun changement de rapport de force, ausein de la droite ?

Il est encore un peu tt pour le dire. Leconservatisme culturel sur la questiondes minorits sexuelles est un dbat quianime la droite traditionnelle, mais unvrai dbat doit sengager avec le Frontnational. En clair, comment la droite etlextrme droite vont-elles jouer seconcurrencer sur le thme de limmigra-

Gardons bien en tte queles militants de la Manif pourtous sont dans une logique

dintransigeance. On ne discutepas un acte de foi ! Pas plus

quon nchange sur la notionde bien et de mal. Il sagit l

dun militantisme de tripes .


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tion ? Sur ce point, tout dpendra, natu-rellement, de la personnalit du futur can-didat de lUMP. Un Nicolas Sarkozy nh-sitera pas exploiter ce crdo, tandis quunAlain Jupp a dmontr sa capacit concilier les extrmes, Bordeaux. Sa listese compose ainsi danciens responsables

dorganisations homosexuelles et de laManif pour tous. Il prsente lavantage dene pas tre prisonnier de ce thme.

Une partie de la droite sest rsigne. Lestrois quarts des Franais, et mme 56 % dessympathisants UMP, ne souhaitent pas reve-nir sur la loi en cas d'alternance, selon unsondage Odoxa pouri>Tl. Comment faut-ilinterprter ces chiffres ?

Ceci dmontre quel

point il faut distinguerla spcificit dun mou-vement social, au re-gard de lopinion pu-blique, au sens large.Y compris droite. Tra-ditionnellement, lesmanifestants, quellesque soient leurs opi-nions, prtendent sex-primer au nom dupays. Pendant long-

temps, il tait impos-sible de le vrifier, fautede sondages. Au grdes vnements, ilspeuvent ou non coller la ralit. Parfois, cesmanifestations dclen-chent une prise deconscience citoyenne.Dans le cas qui nousproccupe, il y a bieneu un dbut de crispation sur lhomopa-rentalit et lhomosexualit qui sest apais,dans des proportions comparables cellesqui ont prcd le dbat. Cest le signe delincapacit du mouvement peser dura-blement sur lopinion.

Ces nouveaux croiss de l'ordre moral, necherchent-t-ils pas, au fond, sopposer auchangement de paradigme prn par lesprogressistes ?

Oui. Ce mouvement ne peut accepter, pourde multiples raisons, toute espce de re-lativisme. Son attitude vis--vis de la thorie

du genre est, cet gard, symptomatique.De nombreux travaux sociologiques d-montrent quil sagit dun construit social,quon ne nait pas enfant, mais quon ledevient. De mme que lidentit sexuellese construit progressivement. On voit bienque la foi prouve de relles difficults

accepter la science et un discours qui re-lativise, minore et dconstruit les processus luvre, en les dnaturalisant.Sans compter que nous ne sommes plusdans le champ dune seule et unique reli-gion. Le catholicisme a accept le fait r-publicain, au terme daccommodementsraisonnables qui permettaient lglise

de jouer pleinementson rle. Dans unesocit qui sestconsidrablement

d c hr is t ianis e ,moins de 50 % denos concitoyens serevendiquent, au-jourdhui, dune re-ligion. Ce qui signifieque 14 % seulementde la populationfranaise continuentde se rendre lamesse. Tant et sibien que les athes

sont dsormais ma-j o r i t a i r e s , d a n sun pays multicultu-rel. Les comitsdthique se compo-sent, dailleurs, pourlessentiel de repr-sentants des troisr e l ig io ns mo no -thistes. Sans parlerdes bouddhistes et

des libre penseurs.Les manifestants se battent donc contrecette relativisation de leur doctrine, auprix dune mise en cause du dialogue in-terreligieux. Ces gens-l sont attachs des valeurs qui ne sont plus celles de lan-thropologie moderne, laquelle rige lesdroits de lindividu au rang de valeur car-dinale. La socit nest pas en droit dim-poser des normes sexuelles aux individusqui peuvent lever leurs enfants librement,quelles que soient leurs prfrence.

Propos recueillis par Bruno Tranchant


Ce mouvement ne peutaccepter, pour de multiples

raisons, toute espce derelativisme. Son attitude vis--vis

de la thorie du genre est, cetgard, symptomatique. De

nombreux travaux sociologiquesdmontrent quil sagit dun

construit social, quon ne nait pasenfant, mais quon le devient. De

mme que lidentit sexuelle seconstruit progressivement. Onvoit bien que la foi prouve derelles difficults accepter la

science et un discours quirelativise, minore et dconstruitles processus luvre, en les

dnaturalisant.

regards sur la droite n° 47

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