regards sur la droite n° 55

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  • 8/9/2019 Regards sur la droite n° 55

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    ÉditoDerrière la violence des motsL’agression verbale de Gérald Darmanin contre Christiane Taubira n’aurait pu appa-raître que pour ce qu’elle est, un trait de bassesse ridicule. Mais, le problème est qu’ellea été soutenue par la direction actuelle de l’UMP et, en tout premier lieu, par Nicolas Sarkozy.Car, elle entre dans une tactique odieuse, il ne s’agit pas vraiment de critiquer une politique– qualifiée de laxiste sans aucune démonstration, car la France à un taux d’occupation desprisons qui compte parmi les plus importants d’Europe ! –, mais de discréditer une personnepour ce qu’elle est, en cultivant ainsi des réflexes de haine. La recherche du bouc émissaireest une vieille ficelle qu’on aurait espéré n’être réservée qu’à l’extrême droite…

    Mais, justement, avec cette tactique, il y a, aussi, une stratégie, celle du « FNPS », qui, d’après

    l’entourage du Président de l’UMP, « marche bien », ce qui n’est pas si évident , si l’on en croitles études d’opinion. Retenir un électorat qui fuit, amène ce parti à choisir de hausser ledegré de violence verbale contre le PS, quel qu’en soit le prix politique. Car – pour un profitde court terme, hypothétique -, mettre un signe égal entre un parti républicain, dont on peutcritiquer la politique - et les socialistes ne s’en privent pas eux-mêmes ! -, et un parti xéno-phobe, qui porte en lui un potentiel de régressions majeures pour notre pays, est irrespon-sable. On peut s’étonner qu’il n’y ait pas eu une condamnation plus ample parmi lesintellectuels et les leaders d’opinion d’une politique qui crée une confusion inacceptable etrappelle la triste période des années trente où la guerre civile verbale avait jeté les prémicesd’une guerre civile tout court…

    Certes, nous ne confondons pas les périodes. Nous vivons dans un monde dont la plupart

    des ressorts sont différents de ceux des années trente. Mais les risques sont là. Nous n’avonspas de dictatures à notre porte, mais une dissociation du pays est possible. Dans une sociétéde crise, nous avons besoin de points de repères clairs. Il y a tout à fait la place pour descontroverses sur les politiques à mener, mais il devrait y avoir un respect commun sur ceque sont les valeurs et les principes de l’humanisme démocratique. Cela ne veut pas dire,évidemment, que la lutte contre le Front national se situe seulement sur ce terrain. Il est trèsimportant, en effet, comme nous le faisons dans cette lettre, de mener une critique de fonddes conséquences, pour notre économie et notre société, de ce que serait l’application despropositions du Front national. Mais, il y a des valeurs, dans notre République, qui doiventêtre défendues et clairement explicitées. La confrontation politique ne doit pas tout autoriser sous peine de conduire à un effondrement moral dont, là, tout peut sortir.

     Alain BERGOUNIOUX 

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    10 mars 2015 -

    n° 55

    Édité par la cellule“Veille et Riposte“du Parti socialiste

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    Une impression « de déjà vu et entendu »… en pire ! 

    L’intervention de Nicolas Sarkozy dans Le Figarodu 2 mars confirme l’incapacité de l’ancien chef de l’État à renouveler ses pratiques et son dis-cours, à l’intention des Français. Il semble n’avoir qu’une idée en tête, la primaire de l’UMP.Il omet, une nouvelle fois, de considérer et d’éva-luer son propre bilan à la tête de l’État. Il convientdonc de le lui rappeler sobrement, ne serait-ceque pour mieux relativiser ses critiques actuellesà l’encontre du gouvernement de la gauche.

    Une contre-performance en guise de bilan.En cinq ans, sous son quinquennat, la France aperdu 350 000 emplois industriels. La part del’industrie dans la production de richesse san-nuelles a régressé à13 % du PIB. Des filièresentières ont été sacri-fiées.Le déficit du commerceextérieur s’est accru toutau long de son mandat,au point d’atteindre plusde 70 milliards d’euros,à la fin de l ‘année 2011,soit 3,5 points de PIB.La croissance écono-mique a globalementstagné, de fin 2007 àmars 2012. La dettepublique cumulée a crûde près de 600 milliardsd’euros, entre mai 2007 et mai 2012.Le chômage a progressé de plus d’1 million

    d’hommes et de femmes, en 5 ans, et la précaritéet la pauvreté ont connu un réel bond en avant,les personnes âgées, les jeunes, les femmes oumême les enfants étant les principales victimes.L’éducation était devenue une contre-priorité,avec la suppression de 80 000 postes.Le déficit public annuel a dépassé les 5 % enmoyenne, durant tout son quinquennat, les« niches fiscales » progressant de 30 % et l’IRPPperdant une bonne part de sa progressivité, enraison des pratiques clientélistes.

    Les propositions et recommandations énoncéespar Nicolas Sarkozy dans la presse du 2 marsméritent donc d’être observées et analysées àl’aune de cette « performance » d’ensemble.

    Celles-ci témoignent, finalement, d’un grandebanalité, puisque directement inspirées desrecettes économiques « néo libérales » et de sesdiscours de campagne présidentielle de 2012,ceux qui lui ont valu la défaite du 6 mai 2012.

    Des recettes économiques sans surprise. Leprésident de l’UMP revendique tout d’abord, lafin de l’Impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF.Cette annonce symbolise un choix, celui de larente, du patrimoine et de l’injustice. Elle feint

    d’ignorer les importantes inégalités de patri-moines mobiliers et immobiliers, dans notrepays. Une telle mesure entrainerait immédiate-ment une baisse de recettes de 4 milliards pour 

    l’État. L’argument del’alignement sur l’Alle-magne , pour justifier une telle disposition, netient pas , sauf à envisa-ger un alignementsur celle-ci, dans tousles domaines écono-miques et sociaux, ycompris pour la codéci-sion, dans la plupart desentreprises, ce qui n’estmanifestement pasdans les intentions deNicolas Sarkozy.Rappelons en outre,pour bien cerner les

    dimensions du sujet, que le seuil d’assujettisse-ment à l’ISF correspond à 1,3 millions d’euros de

    patrimoine, que le premier taux est de 0,5 %pour la tranche 800 00 € à 1,3 million d’euros etque le dernier taux n’est que de 1,5 % pour lesfortunes supérieures à 10 millions. Sachant, par ailleurs, que l’abattement de 30 % sur la rési-dence principale, dans l’évaluation dupatrimoine, aboutit au fait que le vrai seuildéclencheur se situe en général à partir de 1,5million d’€ de patrimoine.L’ancien président de la République préconise,par ailleurs, le report progressif de l’âge légal de

    la retraite à 63 ans, en trois ans pour les généra-tions nées en 1956, 1957, 1958 et suivantes.Cette position signifie l’échec de la réforme impo-sée sans discussion et sans négociation en 2010,

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    Il devrait, d’ailleurs, en êtreconscient, lui qui a laissé filer les

    déficits et fait « exploser » la

    charge de la dette et la dette,à travers tous les exécutifsauxquels il a participé, y compris

    comme ministre du budget de1993 à 1995.

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    et présentée, à l’époque, comme décisive. Comptetenu du taux de chômage atteint par les séniors,notamment ceux âgés de plus de 55 ans, cegenre de solution relève d’une forme de fuite enavant, voire du déni de réalité.La constitutionnalisation de la réduction des défi-cits et, surtout, des niveaux de prélèvements etde dépenses publiques correspond à une mau-vaise mise en scène. Dans ce domaine, l’humilité,le pragmatisme et la souplesse, en fonction de laconjoncture économique, nationale et internatio-nale doivent l’emporter. Il devrait, d’ailleurs, enêtre conscient, lui qui a laissé filer les déficits etfait « exploser » la charge de la dette et la dette, àtravers tous les exécutifs auxquels il a participé,

     y compris comme ministre du budget de 1993 à1995.Cette logique économique,

    si elle était appliquée àla lettre, conduirait à unebaisse des dépensespubliques, d’au moins100 milliards, en 5 ans, etdonc à une réduction dras-tique des investissementspublics, des moyens desservices publics, des com-mandes publiques. Cettedémarche, déjà contestée

    par le sénateur UMP François Baroin, au titre del’Association des maires de France (AMF), pour ce qui concerne les dotations publiques allouéesaux communes, mènerait à la déflation, quiconstitue le risque majeur pour notre économie,en raison du très faible taux actuel d’inflation.La remise en cause de la réduction hebdoma-daire du temps de travail représente, sanssurprise, un volet important du projet du patronde l’UMP. L’improvisation semble encore d’actua-lité. Il réitère sa volonté de recourir à la

    défiscalisation des heures supplémentaires, for-mule qui a déjà échoué tant sur le planbudgétaire que sur celui de l’emploi. Dans lemême mouvement, il suggère l ‘abrogation pos-sible des « 35 heures » pour les entreprises qui lesouhaitent. La combinaison des deux solutionsreste assez floue. Elle témoigne de la persistanced’un débat de près de 15 ans, avec lui-même.Précisons, de surcroit, que la durée hebdoma-daire de travail pour un temps plein s’élève, enmoyenne, à nettement plus de 35 heures, enFrance. Seule la montée en puissance du tempspartiel subi et de solutions intermittentes et sai-sonnières, contribue à faire baisser la moyenne.Enfin, Nicolas Sarkozy prône à l’unisson duMEDEF et de la CGPME, une réduction du Code

    du travail à la portion congrue, c’est-à-dire àquelques normes d’ordre public. Cette visionoublie que le droit du travail, patiente construc-tion et fruit de luttes et de négociations sociales,tout au long du XXe siècle, vise à contrebalancer les conséquences directes du lien de subordina-tion entre le salarié et l’employeur. Elle conduiraità une fragilisation accrue sur le plan socialcomme au plan économique, des salariés,employés, ouvriers, techniciens, ingénieurs,qui représentent, désormais, 92 % de la popula-tion active c’est-à-dire de ceux qui créent larichesse et l’emploi.Ce catalogue « libéral » relève d’une certaineforme de recyclage des anciens programmes del’UMP. Il ne contient rien sur les questions de

    fraude fiscale, de poidsde la rente, de « niches

    fiscales ». Il montre que lenouveau président del’UMP n’a rien appriset rien retenu de seséchecs passés. Iltémoigne même d’unesorte de déni, vis-à-visd’une défaite électorale,celle de 2012, qu’il nesemble toujours pas avoir admise.

    Un opportunisme de moins en moins tenable.Cette interview confirme, par ailleurs, son inca-pacité à trancher réellement la questionstratégique du FN. Le slogan invoquant lepseudo « FNPS » n’est pas digne d’un ancien chef de l’État qui paraît, de surcroit, envisager de leredevenir.Le « ni ni » imposé à la fin du dernier quinquen-nat ne correspond à aucune réalité. La hausse dela participation, lors du deuxième tour de l’élec-

    tion législative, de la quatrième circonscriptiondu Doubs et le relatif repli du nombre de bulle-tins blancs et nuls, montrent que cette faussefenêtre n’est qu’une impasse, une sorte d’illusiond’optique, à coup sûr une manœuvre dilatoire.Le rappel de quelques moments importants denotre histoire contemporaine donne à penser que cette formule ne représente qu’un échappa-toire « rhétorique ». En 1998, lors des électionsrégionales, Jacques Chirac et Philippe Seguinavaient su prendre leurs responsabilités face auFN. En 2002, la gauche s’était pleinement enga-gée pour contenir Jean Marie Le Pen, à moins de18 % des suffrages, lors du deuxième tour del’élection présidentielle. Le respect du désiste-ment républicain ne peut souffrir aucune

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    Ce catalogue « libéral » relèved’une certaine forme derecyclage des anciens

     programmes de l’UMP. Il necontient rien sur les questionsde fraude fiscale, de poids dela rente, de « niches fiscales ».

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    exception, aucune ambiguïté. C’est ce qui fondele pacte issu de la Résistance et de la Libération.Le Parti socialiste est un parti républicain, laïque,prônant l’égalité des droits, démocrate et euro-péen, héritier de Jean Jaurès et de Léon Blum,partisan résolu du progrès social et humain. Il nepeut susciter la moindre réserve, quand il s’agitde choisir la République, face à un parti, xéno-phobe, « identitaire », partisan de ladiscrimination et de la stigmatisation, caution-nant des candidats aux propos délibérémentracistes, lors des scrutins locaux. La démarchedu FN reste dans la tradition de la RévolutionNationale, quoi qu’il en dise… Elle emprunte lesmêmes ressorts idéologiques et incarne toujoursle choix du déclin et du repli nationaliste, face àcelui de la liberté et du progrès.L’UMP doit l’admettre, au lieu de se réfugier dans

    des arguties qui contribuent, d’ailleurs, à sa perted’influence. La montée du FN, la banalisation deses thèmes, résultent aussi de la nature des slo-gans et des confusions véhiculés, en toute

    irresponsabilité, par l’esprit du discours de Gre-noble, tenu par Nicolas Sarkozy, le 30 juillet2010, assimilant immigration et insécurité, et encherchant finalement à relativiser à travers lethème de l’identité nationale, celui de préférencenationale, pour des calculs électoralistes et, dés-ormais, de préparation de « primaires ».Nicolas Sarkozy – comme son ex-Premier minis-tre, François Fillon, ne parvient toujours pas à seremémorer cette idée simple : être français, c’estd’abord être citoyen de la République française.Cette incapacité chronique suscite des réactionstrès négatives, au sein de l’UMP, de la part d’Alain

     Juppé, de Jean-Pierre Raffarin ou de Gérard Lar-cher. Ces derniers, bien que conservateurs dansl’âme, et viscéralement de droite, optent pour lapréférence républicaine contre la mauvaisecopie de la préférence nationale. Il serait temps

    que ce choix rassemble l’ensemble de l’UMP… dela base, jusqu’à son chef. Nous sommes pour l’heure, à l’évidence, loin du compte. M.B.

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    DÉCRYPTAGE & DÉBATS

     À quelques jours du premier tour des élec-tions départementales, le Front national ap-paraît en position de force dans lessondages. À tort ou à raison ?

    D’un point de vue méthodologique, il fautprendre avec beaucoup de précautionsces sondages nationaux. Ne serait-ce queparce qu’ils varient très sensiblement,d’un canton à l’autre. Et ce, même si lesétudes qui ciblent le Front national (FN)comptent parmi les plus fiables, dans lamesure où ce parti est présent sur laquasi-totalité du territoire, sous ses proprescouleurs, contrairement à la gauche, quiest soumise à de nombreuses variations,d’un canton à l’autre. C’est donc bien pour 

    le FN que ces sondages prêtent le moinsà confusion.

     J’ajoute que ces élections ont un caractèrelocal, et non national. Et que les sondeurs

    ne prennent pas nécessairement encompte le poids des notables, à l’échelledépartementale. Il n’en demeure pas moinsvrai qu’il existe une dynamique favorable

    au parti frontiste, depuis plusieurs années,qui devrait peser sur les résultats des 22et 29 mars prochains. Mais, je le répète,les chiffres qui circulent sont sujets à cau-tion. Prudence, donc.

    Le niveau de participation électorale sera-t-il un élément déterminant du vote frontiste,à l’occasion de ces élections ?

    Oui. Il est d’ailleurs toujours un élémentdéterminant de l’équation politique. Mais,il n’y a pas vraiment de suspens sur le ni-

    veau de participation électorale à ces élec-tions. Je serais même très surpris qu’il ex-cède 50 %. Nous serons donc bien dansune configuration d’abstention importante,

     Joël Gombinest politologue à l’Universitéde Picardie-Jules Verne-CNRS).Ses travaux portent, notamment,sur le vote en faveur du Frontnational, la sociologie électoraleet les comportements politiques

    des mondes agricoles. Il est, par ailleurs, membre de l’Observatoiredes radicalités politiques de laFondation Jean-Jaurès.

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    ce qui signifie, en clair, aux vues des ré-cents scrutins, que la mobilisation seratrès faible à gauche, faible à l’UMP etforte au sein de l’électorat frontiste. Peud’éléments nous conduisent à penser que le scénario qui a prévalu, lors desderniers scrutins, ne se reproduira pasune fois encore.On peut donc aisément imaginer que leFN enregistrera des résultats probantsdès le premier tour, que les duels se mul-tiplieront et que les triangulaires serontlimitées. C’était déjà le scénario, à peud’éléments près, des cantonales de 2011.Cela signifie qu’une grosse incertituderègne sur le second tour. Et que mêmes’il parvient, dansun nombre élevé de

    cantons à se main-tenir, le parti de Ma-rine Le Pen éprou-vera les pires diffi-cultés à l’emporter au soir du 29 mars.Il n’en possèderapas moins un nom-bre élevé de can-tons, même si sa ca-pacité de progres-

    sion entre les deuxtours reste une in-connue.

    Pour lancer sa campagne électorale, NicolasSarkozy a fustigé le « FNPS ». Selon lui, voter pour le FN au premier tour, c’est fairegagner la gauche au second. Quel créditpeut-on accorder à ces arguties ?

    Ce procédé relève d’une polémique poli-ticienne de bas niveau. Il n’a fait que re-

    prendre un mot d’ordre auquel Jean-François Copé avait lui-même eu recours,il n’y a pas si longtemps. Cette stratégiepoursuit un objectif clair : ne pas imputer à l’UMP la progression du FN, au termede ces départementales. Ce petit jeuconsiste à faire porter, au camp d’en-face, la responsabilité de l’échec. L’argu-ment me semble d’autant plus faiblequ’en cas de duel UMP-FN, au secondtour, la probabilité de voir le parti de Ni-colas Sarkozy l’emporter est forte. Le faitde se retrouver confronté à un scrutinmajoritaire qui, dans la plupart des cas,n’admettra, au second tour, que deuxcandidats, rend le sort de ces élections

    imprévisibles. La question de savoir àqui le système profitera, in fine, est doncdes plus incertaine.

    La stratégie du « ni ni » que l’ex-présidentappelle de ses vœux ne favorise-t-elle pas,au fond, les desseins de Marine Le Pen ?

    Oui et non. Oui, dans le sens où l’on peutpenser, à court terme, que cette électionpeut donner du champ au FN, au secondtour. Non, dans la mesure où un électorat« flottant » entre la droite et l’extrême droiteet un appel au « front républicain », de lapart de l’UMP, pourrait être perçu commeune validation de la thèse « UMPS », dé-fendue par Marine Le Pen. Ce qui pourrait

    pousser les amis de Ni-colas Sarkozy dans les

    bras du FN.Il faut donc faire l’effortde comprendre la si-tuation dans laquellese trouvent les diri-geants de l’UMP pour lesquels il n’y a pas debonne solution, d’unpoint de vue tactique.

     Je ne parle naturelle-ment pas ici de morale

    politique. Pour les prin-cipaux intéressés, il n’ya pas de manière sa-

    tisfaisante de sortir du dilemme.

    Existe-t-il une porosité entre les électeursde l’UMP et du FN ?

    Oui. Elle se manifeste entre une partie desdeux électorats. Elle a d’ailleurs été observéeet démontrée à plusieurs reprises. N’imagi-nons pas, à ce sujet, qu’il n’ait jamais existé

    de passerelles entre ces deux familles poli-tiques. Un rapprochement s’est opéré, ainsi,depuis 2007, à la faveur d’un mouvementde balancier, du FN vers l’UMP, qui s’est in-versé par la suite. Il est le signe d’une réelleporosité entre ces deux partis qui a toujoursexisté.Toute la question, aujourd’hui, est de savoir où sont les limites. Et quelles dynamiquesde second tour ces rapprochements en-gendreront. Le problème est de savoir si,dans les cas où le FN et la gauche se retrou-veraient confrontés au second tour, les can-didats frontistes seraient ou non en positionde l’emporter. Force est de constater quel’incertitude règne sur ce point.

     « On peut aisément imaginer que le FN enregistrera desrésultats probants dès le

     premier tour, que les duels se multiplieront et que les

    triangulaires seront limitées.C’était déjà le scénario, à peu

    d’éléments près, des cantonales

    de 2011. »

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    Est-il plausible, dans le cas que vous décrivez,que l’électorat UMP soit enclin à voter pour lecandidat FN ?

    On ne peut être sûr ce rien, mais l’observationdu scrutin précédent et les sondages d’opinionlaissent présager qu’une petite moitié del’électorat UMP est favorable à des accordset des rapprochements avec le FN. Tant et sibien que la gauche se retrouve confrontée àun « bloc des droites », certes hétérogène,mais dont les composantes refusent de sefaire voler la victoire, dès lors qu’elles sesentent en mesure de l’emporter ou que lagauche est susceptible de gagner, dans lecadre de triangulaires ou d’un « front répu-blicain ».

    Dans quels départements le FN est-il, selon

     vous, en capacité de l’emporter ?Il est difficile de répondre à cette question,mais il est clair que, sur le papier, il a uneréelle chance de prendre le conseil généralde l’Aisne. D’autres départements sont sur la sellette, à com-mencer par l’Oise,le Vaucluse et leVar. Ce ne sont là,bien entendu, quedes hypothèses,

    qui supposent queles phénomènesconstatés lors desélections euro-péennes se repro-duisent locale-ment, à l’identique,alors que la struc-turation de l’offreest totalement dif-férente. Dans le

    premier cas de fi-gure, l’expériencea démontré qu’elleétait quasi natio-nalisée, alors que pour les départementales,le poids des notabilités locales est prédo-minant, particulièrement en milieu rural.Ce qui est le cas de l’Aisne.

     Je ne suis donc pas certain que les 40 %de suffrages recueillis par le FN, dans cedépartement, lors des élections euro-péennes, se matérialiseront de la mêmemanière, le 22 mars prochain. Les nota-bilités peuvent y conduire la résistance,face à la montée du FN.

     Vous connaissez particulièrement bien lacartographie du vote en PACA où le partifrontiste est très présent. Y a-t-il lieu des’alarmer, en prévision des élections dépar-tementales et régionales ?

    La configuration est différente, au gré desdeux scrutins. Dans le cas des régionales,la règle de maintien au second tour estplus basse : 10 % des suffrages exprimés.Ce qui signifie que l’on se retrouveraconfronté, dans la majeure partie des cas,à des triangulaires, voire des quadrangu-laires. Ce qui change, naturellement, ladonne, dans la mesure où il n’est pas in-dispensable d’atteindre le seuil de 50 %des voix pour figurer au second tour.Et qu’il suffit d’occuper la pole position, àl’issue du scrutin.

    Compte tenu des rapports de force existantsen PACA et en Nord-Pas-de-Calais-Picardie,on ne peut exclure totalement que le FNl’emporte dans ces deux régions. Le tout,sans avoir de majorité absolue, mais au

    terme de triangulairesoù le retournement dela règle majoritaire, crééeinitialement pour pro-téger les candidats ré-publicains contre le FN,

     jouera en faveur du partide Marine Le Pen, en luipermettant ainsi de di-riger seul l’exécutif.La situation diffère dansle cas des élections dé-partementales. Le Vau-cluse et le Var méritent, àce sujet, une attentionparticulière. Dans le pre-mier cas de figure, les di-

    visions entre le FN et laLigue du Sud peuventfaire le jeu d’une gauchemajoritairement unie. Une

    victoire du FN n’est cependant pas impossible,dans la mesure où il est difficile de connaîtrel’état des reports de voix entre ce mouvementet la Ligne du Sud, dans l’entre-deux tours.Sans compter que les appartenances parti-sanes des candidats en lice sont parfoisaléatoires… Il est donc tout à fait plausibleque, dans le cas où le FN ne bénéficieraitpas d’une majorité absolue, au sein du conseildépartemental, des pressions puissent s’exer-cer, dans un sens ou un autre. La situationest, de ce point de vue, très confuse.

     « L’observation du scrutin précédent et les sondagesd’opinion laissent présager 

    qu’une petite moitié del’électorat UMP est favorableà des accords et des

    rapprochements avec le FN.Tant et si bien que la gauche seretrouve confrontée à un « bloc des droites », certes hétérogène,

    mais dont les composantes

    refusent de se faire volerla victoire. »

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    La situation du Var est différente. Sur lepapier, les chances du FN de l’emporter sont élevées. Mais, il se retrouve confrontéà une UMP hégémonique, ce qui réduitclairement ses ambitions. Il est d’ailleursfort probable que le second tour opposera,dans la plupart des cantons, les repré-sentants des deux partis. Et qu’il seradonc difficile pour le FN de satisfaire sasoif de victoire.

    Et, dans les Bouches-du-Rhône ?La situation y est tellement confuse, po-litiquement, du fait de la présence et del’influence de Jean-Noël Guérini, que touteprévision est aléatoire. Les mauvaiseslangues indiquent que, quoi qu’il arrive,c’est le président sortant qui sortira vain-

    queur du scrutin. C’est, effectivement,

    une possibilité à ne pas éliminer, d’autantque le guérinisme s’impose, aujourd’hui,comme une force transversale. Bien malinqui peut dire, dans ces conditions, ce quesera le troisième tour, celui visant à élirele président de l’exécutif.Il ne fait guère de doute, compte tenu ducontexte local, que le FN peut être créditéde très bons résultats dans les Bouches-du-Rhône, mais pas au point d’y obtenir la majorité des suffrages. Ce, d’autantplus qu’il manque de forces d’appointen pays d’Aix et dans le nord-est du dé-partement. Il n’en demeure pas moinsvrai qu’il est en capacité de jouer un rôled’arbitre, à l’occasion du troisième tour de l’élection.

    Propos recueillis par Bruno Tranchant

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    Dette et euro : les mauvaises recettes du FN !

     Ils disent…Le 3 mai 2013, Marine Le Pen estimait quel’objectif de réduction du déficit à 3 % duPIB, constituait un  « véritable chantage ».D’après la présidente du FN, celui-ci estassorti de « conditions qui annoncent un saccage économique et social sans pré-

    cédent (...) : nouveaux sacrifices pour lesretraites, désintégration du marché dutravail, privatisations de nouveaux services publics et déréglementations ». Le Figaro,3 mai 2013.

     Notre réponse…François Hollande a répété à plusieursreprises que s’il n’entendait pas se laisser dicter sa conduite, il était, néanmoins, né-cessaire de rétablir les comptes publics.Histoire de réduire la charge de la dette,de baisser les taux de refinancement decelle-ci et donc se redonner des margesdémocratiques. Cette politique s’accom-pagne d’une détermination sans faillepour une réorientation, en profondeur,des conditions de la construction euro-péenne, afin de rompre avec l’austérité.Cette stratégie porte ses fruits, puisque laBCE vient de changer de stratégie moné-taire et qu’un pacte de croissance vient

    d’être abondé, à concurrence de 300 mil-liards d’euros.

    Fiscalité des ménages : un moins-disantfiscal non financé !

     Ils disent…

    Fidèle à sa clientèle électorale, MarineLe Pen et le FN n’ont de cesse de dénoncer la  « pression fiscale sur les ménages et les entreprises ». Ils s’inscrivent là dans le

    discours constant du FN, depuis sa création,en 1972. La fiscalité, affirment-ils, doit de-venir un outil au service du projet écono-mique du parti frontiste.

     Notre réponse…Protectionniste, avec l’annonce de la miseen place de droits de douane, le pro-

    gramme du FN préconise le moins-disantfiscal non financé. Pour les classesmoyennes et modestes, l’application dece projet - fondé, notamment, sur la sortiede l’euro - serait synonyme de hausse desprix importés et de la dette privée, avecen sus une augmentation substantielledes impôts et taxes. En coupant la Francede ses débouchés commerciaux, qu’ils’agisse de nos partenaires européens -deux-tiers de nos échanges - ou des paysémergents, l’application du projet de MarineLe Pen grèverait durablement la croissanceéconomique, et donc l’emploi. Comptetenu de l’ampleur du déficit extérieur, sessolutions aggraveraient immédiatementla contrainte extérieure pesant sur le pays.N’oublions jamais que le commerce exté-rieur représente nettement plus de 20 %de notre PIB annuel. Les importations in-dispensables de matières premières et deproduits énergétiques doivent être impé-rativement compensées par des exporta-

    tions de produits finis et semi-finis à hautevaleur ajoutée.

    L’impasse protectionniste

     Ils disent…Pour sortir de l’ultralibéralisme qui conduit

    à une impasse économique, Marine LePen propose de  « renforcer le protection-nisme aux frontières ». Son leitmotiv : enfinir avec l’euro et mettre en place un

     La vraie nature du Front national  À quelques jours des élections départementales (22-29 mars), il est important de mener un travail de caractérisation et de déconstruction des principaux axes programmatiques

    du Front national. Explications.

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     « protectionnisme raisonné pour sauver les PME et les emplois en France. »

     Notre réponse…Sous couvert de protectionnisme, la finde l’euro et le retour au franc auraient uncoût économique et social majeur, parti-culièrement pour les classes populaireset moyennes. Or, la monnaie unique évitel’instabilité monétaire et mutualise lesrisques, en particulier, pour des pays quiconnaissent un déficit extérieur important,ce qui est le cas de la France, depuis dixans. En dépit d’une réelle absence de pilo-tage économique, l’euro a permis de sursoir à l’écueil d’un affrontement entre devisesnationales par des dévaluations « com-

    pétitives » dangereuses pour les entrepriseset les salariés, comme ce fut le cas par lepassé (20 dévaluations du franc, entre1950 et 1983).Grâce à l’euro, l’inflation se stabilise àmoins de 1 % l’an, depuis 2010, contre10 % environ dans les années 1980. Sanscompter que l’existence de la monnaieunique permet aux particuliers et aux en-treprises de bénéficier de taux d’intérêtstrès bas, tout en facilitant le recours au

    crédit pour les PME-TPE et en réduisant lecoût de la charge de la dette. La sortie del’euro signifierait le « détricotage » de l’Eu-rope, et donc le retour à des nationalismespolitiques et économiques destructeurspour les peuples, et dangereux pour lapaix.

     Aide sociale : priorité aux « bons français » !

     Ils disent…Sur ce thème, comme sur beaucoup d’au-tres, la « préférence nationale », figure aucœur des priorités du FN. Dans le viseur,l’immigré. Les Français seraient ainsi prio-ritaires pour l’attribution d'emplois, de lo-gements et d’aides sociales. Les allocationsfamiliales seraient, pour leur part « réser-vées aux familles dont un parent au moinsest français ou européen ». Site du Frontnational, 19 novembre 2011.

     Notre réponse…Ce type de référence rappelle de très mau-vais souvenirs, en particulier, ceux de l’Oc-cupation. Marine Le Pen recycle ainsi lesfondamentaux politiques de son père :au bout du compte, ce sont les Français,et eux seuls, qui devraient avoir accès aulogement, aux retraites, à l’emploi et auxaides sociales. Evincer les immigrés de laprotection sociale, ce serait aussi les exclurede son financement, ce qui appauvriraitle système dans sa globalité. Car, contrai-rement à ce qu’elle affirme, la contributionnette des étrangers, présents en France,en situation régulière, au budget publicest nettement positive : 12 milliards d’euros,selon une étude réalisée, en 2010, par unlaboratoire indépendant de l’Université

    de Lille.

    Femmes : retour au foyer !

     Ils disent… « Création d’un revenu parental, destinéà offrir aux mères ou aux pères de famille

    la possibilité de choisir librement entrel’exercice d’une activité professionnelle et l’éducation de leurs enfants : versement d’un revenu équivalent à 80 % du SMIC  pendant trois ans à partir du deuxièmeenfant, renouvellement d’une durée de4 ans pour le troisième enfant. » Projetde Marine Le Pen, site Internet du Frontnational.

     Notre réponse…

    Les propositions de Marine Le Pen can-tonnent clairement les femmes dans unrôle de mère, sans considération pour lesacquis féministes des dernières décennieset pour le combat pour l’égalité entrefemmes et hommes, dans la vie sociale etprofessionnelle.L’application des mesures proposées par le FN ne ferait que renforcer les inégalitésentre les sexes, à inciter au maintien desfemmes dans la sphère privée et à encou-rager leur éloignement de l’emploi. Toutemesure génératrice d’émancipation et delibertés individuelles est écartée. La nécessitéde rompre avec les inégalités salariales,de mener un dialogue social pour limiter 

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    le recours aux contrats précaires, de mettreun terme aux obstacles qui freinent l’accèsdes femmes à l’emploi et aux responsabi-lités, ou encore de construire l’égalitéfemmes-hommes, en impliquant les deuxparents dans l’éducation des enfants, esttotalement exclue. Ainsi, la présidente duFN reprend à son compte tous les clichésde l’extrême droite, mais également dupatronat de combat, contre l’égalité pro-fessionnelle homme-femme.

    Retraites : la faute aux étrangers !

     Ils disent…

    Dans leurs préconisations, le Front nationalet le Rassemblement « Bleu Marine » sug-gèrent de faire la « chasse à la mauvaisedépense publique », en pointant le coûtgigantesque de l’immigration. Site internetdu Front national.

     Notre réponse…Pour Marine Le Pen, seuls les « bons fran-çais » devraient avoir accès aux retraites.Cette approche est un non sens social.

    Elle renvoie à une logique d’exclusion etde mépris de l’autre, au prétexte qu’il estétranger ou d’origine étrangère. La Frances’est construite par vague d’immigrationssuccessives et d’intégrations réussies. Enrefusant cette évidence historique, le FNreste dans le déni de ce qui a façonnénotre pays.Les difficultés actuelles de financementde la protection-vieillesse ne s’expliquentpas par l’immigration, mais plutôt par la

    faible croissance de la masse salarialeglobale et de la production. D’où la nécessitéde conjuguer volonté de rétablissementdes comptes et redressement productif.Ajoutons que Marine Le Pen n’a toujourspas rompu avec les thèses de son père,privilégiant le recours à la capitalisation.

    Un parti antirépublicain, vraiment nationaliste

     Ils disent…Marine Le Pen utilise abondamment le

    référentiel républicain. « Je crois à la liberté,à la démocratie, aux valeurs de notre Ré- publique, et je n’abandonnerai pas le peu- ple français à la folie de dirigeants incon- séquents ». Marine Le Pen, 11 août 2011.

     Notre réponse…Marine Le Pen met en avant les notionsde République, d’État fort, de « patriotismeéconomique » et de « patriotisme social »pour leur donner un tout autre sens, en-tièrement sous-tendu par des logiquesd’exclusion, de rejet et de discrimination.Loin de représenter une version plus« modérée » du Front national, commeon le dit trop souvent, elle exacerbe, aucontraire, les antagonismes dans la société,

    et récuse l’égalité des droits. Son logicielest celui de la division et du bouc-émis-saire.Le nationalisme d’exclusion, à la fois, in-terne et externe, qui ne peut fonctionner autrement que par la recherche de boucs-émissaires, constitue toujours l’axe majeur du positionnement du mouvement. Il nefaut donc pas s’y tromper : le FN porte enlui la ségrégation et la violence. Il ciblel’étranger, l’immigré, le chômeur, le plus

    faible. S’inscrit dans un mouvement d’en-semble qui touche désormais nombre depays européens. C’est une idéologie decrise qui apporterait, si elle se renforçait,une régression formidable pour les caté-gories sociales, qu’elle prétend défendre,et un recul des libertés individuelles etcollectives, syndicales et politiques.Il convient sans cesse de rappeler qu’êtrefrançais, c’est être citoyen de la Républiquefrançaise. Il n’y a pas d’autre définition,

    sauf à envisager des références aussi dan-gereuses que discriminatoires qui tiennentà l’origine ou à l’ethnie.Les propos de Jean-Marie Le Pen, présidentd’Honneur du FN, concernant la « fournéedes artistes », en juin dernier, ou la « sub-mersion de la France », en janvier 2015,après les attentats, confirment l’antisémi-tisme et l’islamophobie de cette formationpolitique. Les propos délibérément racistesde certains candidats FN aux électionsdépartementales en attestent. Tous cespropos n’ont jamais été condamnés sur le fond par la direction actuelle du FN, quis’est contentée de se démarquer pour desraisons d’opportunité.

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    Entre xénophobie et démagogie

     Ils disent… « L’immigration est (…) une source decoûts très importants ; elle est utilisée par le grand patronat pour peser à la baisse sur les salaires et déstabilise en profondeur notre société et ses équilibres. L’assimilationn’est plus possible dans un tel contexted’immigration de masse. Des mesuresd’ordre constitutionnel, législatif et régle-mentaire doivent être prises au plus vite pour stopper aussi bien l’immigration lé- gale que clandestine. » Site officiel du Frontnational.

     Notre réponse…Entre xénophobie et démagogie, MarineLe Pen dresse un tableau erroné et réso-lument dogmatique de l’immigration,s’appuyant sur des chiffres souvent faux.Dans ce domaine, le crédo du FN ne variepas d’un pouce. La détestation des étran-gers et des Français issus de la diversitéest le seul point de doctrine identifiable

    dans tous les discours. La  « préférencenationale » tient lieu de programme enmatière d’emploi, de logement, de santé,de politique sociale et familiale. Or, la pré-férence nationale renvoie immanquable-ment à une logique de repli xénophobeet d’inégalité des droits. Elle est la matriced’une politique nationaliste.Pourtant, la proportion d’étrangers, dansnotre pays, reste stable depuis plusieursdécennies. La Norvège, l’Italie ou l’Espagne

    ont une proportion d’immigrés plus dedeux fois supérieure à la nôtre. Entre 1995et aujourd’hui, la part des étrangers aaugmenté six fois plus vite en Espagnequ’en France, 3,5 fois au Royaume Uni et1,8 fois en Allemagne.La réduction du nombre d’entrées à10 000 unités par an - objectif affiché duFN -, aurait des conséquences néfastessur notre économie : des secteurs entiersseraient confrontés à des pénuries demain-d’œuvre, les ressources fiscales del’État diminueraient, la consommationbaisserait… De même, refuser aux étran-gers de venir étudier dans nos universitésaffaiblirait l’enseignement supérieur et la

    recherche, en France, et le rayonnementculturel et scientifique du pays. Enfin, envoulant supprimer le regroupement fa-milial, c’est essentiellement à nos com-patriotes que le FN va refuser le droit devivre en famille, car l’essentiel des titresdélivrés aujourd’hui pour des raisons pri-vées et familiales concerne des conjointsde citoyens français. Cela entrainerait éga-lement un risque de « représailles » de lapart des autres pays qui pourrait pénaliser de nombreuses familles françaises. Notons,par ailleurs, qu’en matière d’immigrationclandestine, le FN s’attaque toujours auxvictimes des filières, jamais aux donneursd’ordre, qui les exploitent dans des condi-tions inhumaines.

    Laïcité : la chasse à « l’immigré musulman » !

     Ils disent… « Depuis des années la République fran-çaise ne fait plus respecter les principes (de la laïcité). Dans les écoles, les piscines,

    les hôpitaux, les entreprises, les services publics, des groupes politico-religieux ba- fouent quotidiennement la laïcité dansune impunité généralisée. » MarineLe Pen, 6 juin 2013.

     Notre réponse…Sous couvert de laïcité, Marine Le Penpostule l’altérité irréductible de l’immigré,à jamais étranger. À ses yeux, l’islam ne

    peut être une religion comme les autres,puisqu’elle est la religion de l’Autre, au pre-mier chef le maghrébin, « inassimilable ».Les termes du procès fait à l’islam dansson rapport à la laïcité sont connus. Ilsconsistent à attribuer à cette religion, et àelle seule, une double incompatibilité d’or-dre théologique avec, d’une part, le principede séparation, et, d’autre part, le principed’égalité, qui sont au cœur du pacte répu-blicain. Comme si l’extrême-droite n’avaitpas, à toutes les périodes de son histoire,combattu la République et le principed’égalité.Il y a une forme de préjugé malsain à in-terpeller le seul islam sur le contenu de

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    son dogme. Dans notre République laïque,seuls comptent les actes, à commencer par le comportement concret des autoritésreligieuses vis-à-vis des lois de la Répu-blique. Qui peut sérieusement nier queles Français de confession ou de traditionmusulmane s’inscrivent tout autant queles autres dans le mouvement général ded’intégration qui caractérise de longuedate la société française ? Doit-on rappeler le rôle des Africains du Nord dans la libé-ration de la France, notamment à traversle 2éme DB et l’armée De Lattre ? Les amalgames pratiqués par le FN sontà la fois impertinents et dangereux. Ilssuscitent la division, provoquent la dis-crimination. La laïcité est pour nous uneméthode rationnelle, au service de la to-

    lérance, de la liberté de conscience et durassemblement. Pour le FN, ce n’est qu’unehabileté conjoncturelle dirigée contre unereligion et sa pratique.

    L’obsession sécuritaire

     Ils disent…La flambée de l’insécurité nécessite le « rétablissement de la peine de mort oul’instauration de la réclusion criminelle à perpétuité réelle ». Site internet du Frontnational.

     Notre réponse…La sécurité des Français appelle une poli-tique d’ensemble intégrant la prévention,

    la répression et la sanction. Dans une lo-gique similaire à celle de l’UMP, qui a faitse succéder les lois sans efficacité, le FN

    ne connaît que la répression. En matièrede sanction, le rétablissement de la peinede mort, contraire à tous les traités euro-péens et internationaux, constituerait unrecul en matière de droits de l’homme etn’aurait aucune efficacité, comme le mon-trent les taux de criminalité dans les paysqui pratiquent encore la peine capitale, etl’évolution des taux dans les pays qui l’ontabolie.La prévention est totalement absente desdiscours et textes du FN, comme la critiquede la politique du chiffre, dont les policierssont unanimes à se plaindre et qui a en-traîné une multiplication des gardes àvue abusives et des refus de plaintes entre2007 et 2012. Rien non plus sur les peinesalternatives à la prison, pourtant efficaces

    pour prévenir la récidive, ni sur la réin-sertion des condamnés ayant purgé leur peine... sinon l’interdiction, pour les per-sonnes libérées, de retourner chez elleset la privation de toute aide sociale aprèsla sortie, garantissant ainsi, pour la plupart,leur retour à la délinquance. Rien sur l’étatcalamiteux de nos prisons, régulièrementpointé du doigt par les instances interna-tionales et les ONG.Ce que propose Marine Le Pen, c’est d’ag-

    graver une politique qui a échoué sousNicolas Sarkozy… Les violences contre lespersonnes se sont accrues de plus de 22% en France métropolitaine entre 2002et 2012 et les violences non crapuleuses,de plus de 50 %, selon les chiffres de l'Ob-servatoire de la délinquance (ONDRP).Face à cette réalité, resservir les vieillesrecettes n’apporterait rien. La sécurité estune exigence pour la liberté et l’Etat dedroit, mais elle ne peut se développer que

    dans le respect de l’Etat de droit.

    MB et BT