regards sur la droite n°11

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NOTE DE VEILLE ET DE RIPOSTE SUR LA SITUATION DE LA DROITE ET DE L’EXTRÊME-DROITE 1 Édito Au cœur de la mêlée Nous n’avons pas besoin, en ce début d’année, de souhaiter que « les difficultés commencent ». Elles sont là… Le gouvernement est présent sur tous les fronts (au sens propre comme au sens figuré). Et, l’on voit se concrétiser le sens d’une action faite d’esprit de responsabilité et de volonté de justice. Et, comme toujours, pour un gouvernement, il doit mettre en œuvre les engagements qu’il a pris devant le peuple et faire face à l’imprévu, sous toutes ses formes. Face à cela, que voit-on à droite ? Qu’une opposition s’oppose est naturel. Ce n’est pas nous qui dirons le contraire pour avoir connu cet état, dix années de suite. Mais de quel type d’opposition s’agit-il ? On a peine à entendre des propositions. Sur le cœur économique et social, il n’y a rien d’autre que la reprise des antiennes libérales (voir les motions du congrès de l’UMP analysées dans une lettre précédente). En revanche, le ton dominant repose sur une idée profondément ancrée dans le conservatisme, que les socialistes ruineraient le pays, par leurs réformes fiscales d’abord, alors qu’il ne s’agit que d’un effort pour faire contribuer les catégories les plus aisées au redressement du pays - ce que souhaiterait faire Obama, traité, il est vrai, de « socialiste » par les républicains ! -, par leur réforme sur le droit du mariage ensuite, qui, selon ses opposants, subvertirait tout l’équilibre de la société, alors qu’il s’agit de prendre acte de la diversification déjà bien réelle des formes de mariage et de vie en couple, et que la conservatrice Espagne et, bientôt, la conservatrice Angleterre, adoptent une législation semblable ! Il est vrai que la droite n’est pas si unie que cela dans cette attitude. Mais, aucune voix ne s’oppose réellement à ce type d’opposition stérile, par crainte, sans doute, d’apparaître trop « molle » à l’électorat le plus conservateur. Le jeu tactique de Jean- François Copé explique partiellement cet état de fait, en privilégiant la surenchère. Mais, il y a aussi ce qu’a avoué récemment Luc Chatel, Secrétaire général adjoint de l’UMP : « La question de la ligne politique n’a pas été tranchée lors de l’élection de novembre » (Le Figaro, 10 janvier). C’est, en effet, une droite, qui ne sait pas où elle voudrait vraiment aller, que nous avons devant nous. Alors que les débats qui sont les nôtres pour conforter notre volonté réformatrice ne nous « complexent » pas ! Portons clairement nos réformes face à une droite qui, comme le disait encore Luc Chatel, n’a pas de projet « en adéquation avec le XXI ème siècle »Alain BERGOUNIOUX 15 janvier 2013 - n° 10 Lettre éditée par la cellule Veille et Riposte du Parti socialiste

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Au cœur de la mêlée Nous n’avons pas besoin, en ce début d’année, de souhaiter que « les difficultés commencent ». Elles sont là… Le gouvernement est présent sur tous les fronts (au sens propre comme au sens figuré). Et, l’on voit se concrétiser le sens d’une action faite d’esprit de responsabilité et de volonté de justice. Et, comme toujours, pour un gouvernement, il doit mettre en œuvre les engagements qu’il a pris devant le peuple et faire face à l’imprévu , sous toutes ses formes.

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NOTE DE VEILLE ET DE RIPOSTE SUR LA SITUATION DE LA DROITE ET DE L’EXTRÊME-DROITE

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Édito Au cœur de la mêlée Nous n’avons pas besoin, en ce début d’année, de souhaiter que « les difficultés commencent ». Elles sont là… Le gouvernement est présent sur tous les fronts (au sens propre comme au sens figuré). Et, l’on voit se concrétiser le sens d’une action faite d’esprit de responsabilité et de volonté de justice. Et, comme toujours, pour un gouvernement, il doit mettre en œuvre les engagements qu’il a pris devant le peuple et faire face à l’imprévu, sous toutes ses formes. Face à cela, que voit-on à droite ? Qu’une opposition s’oppose est naturel. Ce n’est pas nous qui dirons le contraire pour avoir connu cet état, dix années de suite. Mais de quel type d’opposition s’agit-il ? On a peine à entendre des propositions. Sur le cœur économique et social, il n’y a rien d’autre que la reprise des antiennes libérales (voir les motions du congrès de l’UMP analysées dans une lettre précédente). En revanche, le ton dominant repose sur une idée profondément ancrée dans le conservatisme, que les socialistes ruineraient le pays, par leurs réformes fiscales d’abord, alors qu’il ne s’agit que d’un effort pour faire contribuer les catégories les plus aisées au redressement du pays - ce que souhaiterait faire Obama, traité, il est vrai, de « socialiste » par les républicains ! -, par leur réforme sur le droit du mariage ensuite, qui, selon ses opposants, subvertirait tout l’équilibre de la société, alors qu’il s’agit de prendre acte de la diversification déjà bien réelle des formes de mariage et de vie en couple, et que la conservatrice Espagne et, bientôt, la conservatrice Angleterre, adoptent une législation semblable ! Il est vrai que la droite n’est pas si unie que cela dans cette attitude. Mais, aucune voix ne s’oppose réellement à ce type d’opposition stérile, par crainte, sans doute, d’apparaître trop « molle » à l’électorat le plus conservateur. Le jeu tactique de Jean-François Copé explique partiellement cet état de fait, en privilégiant la surenchère. Mais, il y a aussi ce qu’a avoué récemment Luc Chatel, Secrétaire général adjoint de l’UMP : « La question de la ligne politique n’a pas été tranchée lors de l’élection de novembre » (Le Figaro, 10 janvier). C’est, en effet, une droite, qui ne sait pas où elle voudrait vraiment aller, que nous avons devant nous. Alors que les débats qui sont les nôtres pour conforter notre volonté réformatrice ne nous « complexent » pas ! Portons clairement nos réformes face à une droite qui, comme le disait encore Luc Chatel, n’a pas de projet « en adéquation avec le XXIème siècle »…

Alain BERGOUNIOUX

15 janvier 2013 - n° 10 Lettre éditée par la cellule Veille et Riposte du Parti socialiste

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Buisson  vs  Reynié  :  entre  droite  identitaire  et  néo-­conservatisme  sociale  

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Après la guerre avortée, la guerre larvée. Les difficiles équilibres de leadership au sein de l’UMP retiennent l’attention. Mais, ils laissent entiers les problèmes d’orientation. L’opposition virulente et systématique au gouvernement permet de le camoufler. Et, les différents leaders potentiels sont conduits à entrer dans des surenchères permanentes, les yeux rivés sur le prochain scrutin interne. Il vaut donc la peine de revenir sur les deux pôles idéologiques et politiques qui sont apparus dans le débat. Il s’agit, certes, de deux intellectuels. Mais, comme souvent, les positions extrêmes permettent de mieux comprendre les positions moyennes et ce qui sous-tend le débat de la droite.

Patrick Buisson s’érige en patriote contre les ennemis de la patrie. C’est ce transfuge du Front national qui a déterminé la stratégie et la nature même du « sarkozysme ». Divergences. Deux visions transparaissent dans le paysage de l’UMP. La première, portée par Patrick Buisson, met en opposition les différentes strates de la population française. Elle dénonce, sans détour, la mondialisation, qui ne porterait que des contraintes, et réduirait à portion congrue le champ des libertés et de la Nation. Seul le retour aux valeurs dites « nationales » serait à même de créer du lien dans un pays dépeint comme agressé de toutes parts. La seconde, portée par Dominique Reynié, dirigeant de FONDAPOL, think tank proche de l’UMP, est plus ouverte. Plus libérale, aussi. Elle plaide pour une meilleure compréhension du monde et de son environnement. Fait le pari de la créativité individuelle et collective. Assume pleinement son identité. Respecte le pacte

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républicain dans sa doctrine et ses méthodes d’exercice du pouvoir. La ligne Buisson. Ardent défenseur du rassemblement des droites, de la plus centriste à la plus radicale, de la plus respectable à la plus nauséabonde, Patrick Buisson s’érige en patriote contre les ennemis de la patrie. C’est ce transfuge du Front national qui a déterminé la stratégie et la nature même du « sarkozysme ». Lui, qui, au nom d’une vision réactionnaire de la société, stigmatise l’étranger, l’immigré et l’assisté dont Jean-François Copé et les tenants de la Droite populaire et de la Droite forte font leur miel.

Il a été « élevé dans l’utopie, historiquement sans objet, de l’entente implicite et du partage des rôles entre le vieux maréchal reclus à Vichy et l’impétueux général réfugié à Londres » Dans La Droite brune (1), Renaud Dély se livre à une analyse sans complaisance de Buisson, dont le dessein est de changer le cour de la droite française. Au nom d’un supposé mysticisme « unioniste », ce transfuge de l’extrême-droite refuse les déchirements fratricides entre patriotes, d’obédience maurassienne. Il a été « élevé dans l’utopie, historiquement sans objet, de l’entente implicite et du partage des rôles entre le vieux maréchal reclus à Vichy et l’impétueux général réfugié à Londres », confie Dély (2). Ce pourfendeur du Front populaire voit dans l’affrontement des deux droites - vichyste et gaulliste, réactionnaire et humaniste -, un véritable

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traumatisme. « C’est (…) en célébrant « l’identité nationale », en la plaçant sous d’indépassables références chrétiennes, plus précisément, catholiques, en brossant le portrait d’une France éternelle que Patrick Buisson pense parvenir à dépasser ce divorce des deux droites », explique le journaliste (3). Cette stratégie se solde par une opposition frontale entre le peuple et les élites, dont Sarkozy fera son miel, en 2012. Le regretté Olivier Ferrand estimait, à juste titre, que le « sarkozysme » à la sauce Buisson a provoqué un déplacement du centre de gravité de la droite, dite de gouvernement. Située historiquement au centre-droit, elle s’est radicalisée, en particulier sur les questions identitaires, en opposant les patriotes et « ceux qui n’aiment pas la France ». Avec, pour principale conséquence, « une opposition entre un arc progressiste (gauche + centre) face à un bloc « national » néoconservateur (UMP radicalisée + néo-FN). » (4) « C’est une victoire idéologique pour le Front national : que ce soit avec l’original lepéniste ou la copie sarkozyste, la xénophobie et le rejet de l’autre - l’altérophobie - triomphent désormais à droite », estimait ainsi l’ex-président de Terra Nova (5).

Le principal ennemi, celui qui incarne le mieux la figure de l’autre, c’est l’étranger, l’immigré. Et, plus encore, le Français d’origine musulmane, ce voleur de pains au chocolat, caricaturé à souhait par Copé. S’ensuit la recherche permanente de coupables, de bouc-émissaires que Buisson et ses protégés opposent aux bons citoyens. « Il y a les jeunes fainéants, les « monstres délinquants »,

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les Roms qui sont des voleurs, les « assistés » qui abusent du système au détriment de la « France qui se lève tôt », les fonctionnaires privilégiés… » (6). Mais, le principal ennemi, celui qui incarne le mieux la figure de l’autre, c’est l’étranger, l’immigré. Et, plus encore, le Français d’origine musulmane, ce voleur de pains au chocolat, caricaturé à souhait par Copé. « Quick halal, burqa, piscines réservées aux femmes voilées, prières de rue, minarets qui agressent les paysages « français » : tout y passe, jusqu’au marqueur ultime du FN, le « racisme anti-français » des musulmans, une nouvelle fois avancé dans les discours de l’entre-deux tours, à Strasbourg et Toulouse, par Nicolas Sarkozy. » (7)

Avec Buisson, la convergence idéologique est pleinement assumée. L’ex-journaliste de Minute opte ainsi clairement pour la radicalisation et la convergence entre le sarkozysme et le FN. Avec Buisson, la convergence idéologique est pleinement assumée. L’ex-journaliste de Minute (1981-1987) opte ainsi clairement pour la radicalisation et la convergence entre le sarkozysme et le FN. Cette idéologie radicale, sur fond de convergence politique et spirituelle, trouve son apogée dans le discours de Toulouse du candidat Sarkozy, le 29 avril 2012. Centré sur la Nation et la frontière, face à la menace de la mondialisation et des élites, le propos emprunte des accents frontistes. « La frontière est envisagée comme une protection globale de ceux qui sont à l’intérieur contre ceux qui sont à l’extérieur : frontière culturelle pour protéger l’identité nationale, frontière économique pour protéger les emplois, frontière sociale pour sauver la Sécurité sociale. Le même triptyque que le FN de Marine Le Pen. L’imaginaire est désormais commun » (8). La jonction s’opère, pour l’essentiel, sur les

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questions sociales, culturelles et la lutte contre l’assistanat, chère à François Fillon. Manière, pour Buisson, Sarkozy, Copé et leurs affidés d’ériger des barrières à l’intérieur même de nos frontières, au nom d’une vision néo-conservatrice figée sur l’identité fantasmée du passé et des présupposés islamophobes (9). La ligne Reynié. Le directeur général de la Fondation pour l’Innovation politique (FONDAPOL), boîte à idées officieuse de l’UMP, s’est fait remarquer à l’occasion de la parution de son livre, Populismes : la pente fatale, et pour ses chroniques sur le plateau de C dans l’air et sur France Culture. Il est, par ailleurs, professeur des Universités en Science politique, à l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris. Ses travaux portent, pour l’essentiel, sur les transformations du pouvoir politique, l'opinion publique et ses manifestations et les mouvements électoraux, en France et en Europe.

« Buisson part du postulat qu'il y a une homogénéisation des électorats UMP et FN. C'est une pensée folle et toxique, qui flatte les bas instincts. » François Baroin Doctrine libérale. La fondation, pilotée par Dominique Reynié, suggère une lecture libérale de la société et promeut l’initiative individuelle, en matière de création de richesses. Ce qui lui vaut de fustiger la dépense publique, le nombre supposément trop élevé de fonctionnaires et une croissance prétendument injustifiée de la dépense, dans la droite ligne des politiques menées par le droite, entre 2002 et 2012. S’il permet, aujourd’hui, de revisiter la doctrine de la droite républicaine, au prix d’une lecture certes plus consensuelle de

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la société qu’un Patrick Buisson, Dominique Reynié n’en demeure pas moins sur une ligne conservatrice justifiant la diminution du champ d’intervention de la puissance publique : « Il ne faut plus nécessairement associer la production et la distribution des services publics à des fonctionnaires de statut de fonction publique à vie », plaide-t-il ainsi dans le Nouvel économiste du 23 décembre 2010. À l’aune d’une maîtrise budgétaire stricte et purement comptable, il propose un modèle de société peu différent, sur le fond, de celui qui a prévalu entre 2002 et 2012, au risque de renforcer un peu plus encore le creuset des inégalités. Au-delà, le politologue s’efforce de nous convaincre que le libéralisme porte en lui le germe du progressisme et se voudrait ainsi la matrice de l’Europe qu’il appelle de ses vœux. Avec l’ambition, à peine voilée, d’en finir avec les clivages droite-gauche qui fondent le modèle politique français, depuis la Révolution de 1789. Ce qui lui vaut, par ailleurs, de se départir de toute appartenance politique, préférant s’en tenir à des principes libéraux, en opposition à la ligne doctrinale et néo-conservatrice préconisée par Buisson. Reste que son discours et les « propositions » auxquelles se réfère Dominique Reynié se prévalent d’une orientation droitière, d’inspiration barriste et giscardienne, qui en appellent à une vision républicaine de la société française.

« La doctrine Buisson est populiste, elle correspond à un projet politique visant à fusionner l'UMP et le FN Contrefeu. Cette tentative de contrefeu au principe de fusion ou de dissolution dans le FN est relayée par une frange d’élus UMP qui se sentent en danger, au nom d’une vision de la République sans doute plus respectable. Ces édiles tiennent leur légitimité du suffrage

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universel, affirmait ainsi François Baroin dans Le Point du 13 décembre. Ce qui leur vaut de s’opposer à toute fuite en avant idéologique et de se détourner de la ligne dont se revendique Jean-François Copé. Baroin condamne ainsi sans ambages toute tentative de rapprochement avec le parti frontiste. « La doctrine Buisson est populiste, elle correspond à un projet politique visant à fusionner l'UMP et le FN, estime-t-il. Cet homme part du postulat qu'il y a une homogénéisation des électorats UMP et FN. C'est une pensée folle et toxique, qui flatte les bas instincts. Quand on connait son parcours, on comprend qu'il est dans un combat contre le gaullisme. » Et de pester contre les inspirateurs de la motion La Droite forte, issus des bancs frontistes et mégrétistes et soutiens objectifs de Copé… « Ma rupture avec Copé est sur le fond, renchérit-il. Il y eut le racisme anti-Blancs, l'affaire du pain au chocolat, qui était plus qu'une erreur, une faute… J'affirme qu'en récupérant le dictionnaire de notre adversaire FN, on lui donne de l'énergie. » Difficile d’être plus clair, à l’heure où la fronde d’un nombre non négligeable d’élus apparaît également comme le fruit des attaques en règles perpétrées contre la démocratie représentative : « le peuple contre les élites ».

Reynié offre une alternative crédible à la doctrine Buisson, qui est ressortie du vote du 18 novembre. Fracture. Si les négociations semblent aboutir sur la forme, d’importants désaccords subsistent. Quelle sera l’issue de cette bataille sans fin ? Fort de ce constat, l’apprentissage du débat idéologique que vivent les militants, dans les pas de leurs mentors, démontre, s’il en était besoin, que la fracture est bien réelle et qu’elle aura des effets pérennes. Dans ces conditions, le principal mérite de Reynié est d’offrir une alternative crédible à la doctrine Buisson, qui est ressortie du vote du 18 novembre.

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Mais, elle n’occulte pas, pour autant, l’idée selon laquelle cette lutte au sommet verra l’un des deux protagonistes écarté. Et qu’une ligne politique radicale, adoubée par plus de 50 % des voix, ultra-droitière dans son principe et de moins en moins républicaine, sera portée par la nouvelle direction de l’UMP. À moins que la perte de popularité et de crédibilité de Fillon et Copé ne leur coûte leur leadership. Dès lors, une autre voie pourrait animer le grand  parti de droite dans l’opposition. Notes : (1) Renaud Dély, La Droite brune. UMP-FN : les secrets d’une liaison fatale, Flammarion, 270 pages, 2012. (2) Renaud Dély, op. cit., pp. 76-77. (3) Op. cit. p. 78. (4) http://www.tnova.fr/note/buisson-une-d-faite-la-pyrrhus (5) Terra Nova : L’axe UMPFN : Vers le parti patriote ?, 2012. (6) Op. cit. (7) Op. cit. (8) Op. cit. (9) Rien là de bien nouveau. Dans les années 70, le Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne (GRECE), créé en 1968, et le Club de l’Horloge avaient théorisé les éléments d’une « nouvelle droite » décomplexée, visant à lutter contre la domination culturelle de la gauche. Une action relayée par plusieurs personnalités telles que Xavier Raufer, Jean Raspail, Maurice G. Dantec et d’autres. Et, par certains éditorialistes qui sévissent aujourd’hui dans les médias, tels Eric Zemmour, Ivan Rioufol ou Robert Ménard qui s’emploient, chroniques après chroniques, à rompre les digues entre la droite dite républicaine et le FN.

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DÉCRYPTAGE & DÉBATS

« L’évolution architectonique de l’UMP, fondée sur un antagonisme de fait, se traduira inéluctablement par la disparition de ce mouvement »

Laurent Bouvet est Professeur de Science politique à l’Université de Versailles-Saint-Quentin (UVSQ). Il enseigne également à Sciences Po (Paris) où il est appelé à prendre la direction du CEVIPOF (Sciences Po-CNRS). Il est l’auteur d’un ouvrage très remarqué, Le Sens du peuple. La gauche, la démocratie, le populisme, aux éditions Gallimard, en 2012.

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À  droite,  les  lignes  bougent.  La  défaite  de  Nicolas  Sarkozy  n’ouvre-­t-­elle  pas  la  porte  à  une  période  de  troubles,  marquée  par  la  prise  en  compte  des  thématiques  frontistes  ?  Oui.  Pour  limitée  qu’elle  soit,  la  défaite  de  Nicolas  Sarkozy  à  l’élection  présidentielle  n’en  a  pas  moins  provoqué  une  crise  au  sein  de  l’UMP    qui  a  gouverné  le  pays  pendant  dix  ans.  S’ensuit  une  course  ouverte  à  la  succession  entre  Jean-­‐François  Copé    et  François  Fillon,  dans  un  contexte  particulier,  puisque  l’ex-­‐président  ne  s’est  pas  effacé  du  paysage.  Au-­‐delà  de    ce  constat,  la  difficulté,  pour  le  premier  parti  de  l’opposition,  réside  dans  une  analyse  objective  des  causes  de  la  défaite.  Qu’est-­‐ce  qui  n’a  pas  marché  ?  Quid  du  leadership  ?  Le  Parti  socialiste    a  traversé  une  épreuve  similaire  en  1993,  en  2002  et,  à  un  degré  moindre,    en  2007.    Certains  estiment  que  cette  défaite  est  conjoncturelle,  pointant  du  doigt  l’absence  de  communication,  le  manque  

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de  mobilisation  des  électeurs  ou  bien  encore  l’opposition  des  médias  ;  d’autres,  plus  clairvoyants,  l’expliquent  par  des  faits  structurels.  Compte  tenu  du  résultat  obtenu  au  premier  tour  par  Marine  Le  Pen,  du  taux  de  participation  important  et  du  score  élevé  du  président  sortant,  la  ligne  Buisson,  qui  tend  à  radicaliser  le  débat  autour  des  questions  identitaires,  a  progressé.      Ceci  pose  clairement  la  question  de  la  véritable  nature  de  la  défaite.  Au  fond,  Sarkozy  et  l’UMP  n’ont-­ils  pas  poussé  à  l’extrême  cette  radicalisation  ?  La  ligne  Buisson  a  progressé  à  une  vitesse  foudroyante  chez  les  militants  copéistes  et  fillonistes.  En  témoigne  le  résultat  enregistré  par  la  Droite  forte,  incarnée  par  Geoffroy  Didier  et  Guillaume  Peltier,  lors  des  élections  internes.  Ce  mouvement  est  profond.  Au  point  de  provoquer  un  véritable  petit  séisme  à  droite.  Dans  une  vision  plus  classique,  et  au-­‐delà  de  l’analyse  qu’en  a  faite  René  Raymond  en  son  temps,  subsiste  l’idée  que  le  bloc  identitaire  situé  à  la  droite  de  la  droite  est  occupe  une  place  restreinte.  Jusqu’alors,  le  

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débat  se  focalisait  autour  des  libéraux    et  des  gaullistes,  au  sein  de  la  droite  républicaine.  L’espace  de  l’extrême-­‐droite  se  limitait,  pour  l’essentiel,  à  une  faction  marginale,  incarnée  par  la  figure  de  Jean-­‐Marie  Le  Pen.  Cette  période  est  révolue  !    La  problématique  est  aujourd’hui  radicalement  différente.  Je  compte  parmi  les  politologues  à  avoir  alerté  l’opinion  sur  le  sujet,  en  démontrant  que  les  barrières  tombaient  peu  à  peu  entre  une  partie  de  l’UMP  et  le  FN.  Ce  mouvement  est  puissant.  La  ligne  Buisson,  teintée  de  nationalisme  et  de  populisme,  devient  une  composante  majeure  de  la  droite.  Une  autre  proposition,  libérale  classique,  sociale  et  européenne  doit  émerger  et  affirmer  son  opposition.  Dominique  Reynié,  la  Fondapol  et  plusieurs  personnalités  issues  du  centre  ou    de  l’UMP,  en  sont  l’incarnation.      

Le  gaullisme  est  mort  et  enterré  !  Chirac  l’avait  asséné  de  coups  de  couteaux,  avant  que  Sarkozy  ne  finisse  le  travail.      Dans  ce  paysage,  les  Gaullistes  paraissent  désormais  très  minoritaires…  Ce  terme  n’a  plus  de  sens.  Le  gaullisme  est  mort  et  enterré  !  Chirac  l’avait  asséné  de  coups  de  couteaux,  avant  que  Sarkozy  ne  finisse  le  travail.  Nous  sommes  donc  très  clairement  dans  une  dualité  entre  la  droite  forte,  d’un  côté,  et  une  droite  plus  modérée,  de  l’autre.  Ces  deux  blocs  sont  appelés  à  se  faire  face,  dans  un  rapport  de  forces  à  l’issue  incertaine.      Cette  bipartition  pose  clairement  la  question  de  la  subsistance  de  l’UMP.  Absolument.  Le  duel  Copé-­‐Fillon  traduit  une  mise  en  scène  de  l’affrontement  de  deux  pôles  au  sein  de  l’UMP,  même  si  la  réalité  est  plus  complexe.  Cette  évolution  architectonique,  fondée  sur  un  antagonisme  de  fait,  se  traduira  inéluctablement  par  la  disparition  de  l’UMP.  La  droite  forte  et  une  partie  du  FN  sont  appelés  à  se  retrouver  tôt  ou  tard,  

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en  opposition  à  un  regroupement  de  l’UDI  et  de  la  droite  modérée.  Dominique  Reynié  est  sur  cette  ligne.  La  césure  est  profonde.      

L’alliance  d’une  partie  de  l’UMP  et  du  FN  peut  entraîner  l’exclusion  de  certains  élus  ou  l’acceptation  de  cette  situation…  Les  échéances  électorales  de  2014  et  2015  contribueront  sans  doute  à  clarifier,  voire  à  précipiter,    cette  nouvelle  architecture.    Qui  est  prêt  à  assumer  l’éclatement  de  l’UMP  ?  Pour  le  moment,  personne.  Les  évènements  et  les  circonstances  pousseront  inéluctablement  à  une  nouvelle  organisation.  À  moins  que  le  rapport  de  forces  ne  tourne  nettement  à  l’avantage  d’une  des  deux  factions  rivales,  à  la  faveur  d’élections.  L’alliance  d’une  partie  de  l’UMP  et  du  FN  peut  également  entraîner  l’exclusion  de  certains  élus  ou  l’acceptation  de  cette  situation…  Les  échéances  électorales  de  2014  et  2015  contribueront  sans  doute  à  clarifier,  voire  à  précipiter,    cette  nouvelle  architecture.      La  mondialisation,  le  manque  de  crédibilité  de  l’Union  européenne  et  la  montée  des  peurs,  du  racisme  et  de  la  xénophobie  n’offrent-­ils  pas  un  terreau  fertile  au  populisme  ?  Oui.  Deux  éléments  fondent  le  populisme,  historiquement.  La  défiance  dans  les  élites  et  le  rapport  au  peuple,  pour  commencer.  En  clair,  celui-­‐ci  marque  son  opposition  à  tout  rapport  de  soumission.  Ce  qui  lui  vaut  de  rejeter  tout  ce  qui  peut  venir  d’en-­‐haut.  Le  populisme,  c’est  aussi  l’idée  qu’il  existe  quelque  chose  de  différent  d’une  identité  donnée.  Il  n’est  plus  question  ici  de  défiance  des  élites,  mais  d’une  crainte,  d’une  peur  de  ce  qui  n’est  pas  «  nous  ».    Et  de  la  corruption  que  cela  implique.    La  mondialisation  économique  créée  des  mouvements  de  capitaux  et  de  population  

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qui  génèrent  des  tensions  au  sein  même  de  populations  menacées  par  la  précarité  et  le  chômage.  Dans  ce  cas  précis,  la  figure  de  l’étranger  est  assimilée  à  l’Islam  et  au  musulman.  Il  y    a  là  une  grande  différence  avec  le  passé.  L’insécurité  culturelle  ne  tient  pas  tant  au  racisme,  au  rejet  de  l’autre,  au  chômage  ou  à  la  crise  économique,  qu’à  une  remise  en  cause  présumée  des  modes  de  vie.  Cette  menace,  pour  irrationnelle  qu’elle  puisse  paraître,  existe.  Elle  se  fonde  sur  un  sentiment  d’insécurité  qui  alimente  les  peurs.    

La  gauche  est  attendue  au  tournant,  sur  le  terrain  économique  et  social.  Elle  incarne,  dans  l’opinion,  les  principes  de  justice  et  d’égalité  de  traitement,  ce  que  le  gouvernement  s’emploie  à  faire.        Comment  est-­il  possible,  dans  ces  conditions,  de  convaincre  cette  France  réticente,  abimée  et  colérique  que  la  gauche  est  en  capacité  d’inverser  le  cours  déprimant  de  l’évolution  du  pays  ?  Il  n’y  a  pas  de  solution  miracle.  La  gauche  est  attendue  au  tournant,  sur  le  terrain  économique  et  social.  Elle  incarne,  dans  l’opinion,  les  principes  de  justice  et  d’égalité  de  traitement,  ce  que  le  gouvernement  s’emploie  à  faire.  De  ce  point  de  vue,  le  changement  est  palpable  avec  le  précédent  quinquennat,  même  si  le  débat  reste  ouvert  sur  les  réformes  en  cours,  l’économie  sociale,  la  nationalisation  temporaire  d’ArcelorMittal  ou  le  pacte  de  compétitivité.    Rien,  en  revanche,  sur  les  valeurs  et  la  partie  culturelle  et  identitaire.  Ces  questions  ne  sont,  il  est  vrai,  pas  la  marque  de  fabrique  du  Front  national  ou  de  la  droite  identitaire.  Il  nous  faut  en  discuter  devant  le  pays.  En  clair,  qu’est-­‐ce  qu’être  français  ?  Quelle  signification  apporter  au  droit  du  sol,  à  la  

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citoyenneté  ?  Nicolas  Sarkozy  a  coupé  toute  possibilité  de  débat  et  de  dialogue  sur  ces  sujets,  en  manipulant  l’opinion.  Il  faut  en  sortir  !  La  question  du  droit  de  vote  des  étrangers  apparaît,  de  ce  point  de  vue,  essentielle.  Mettons-­‐là  en  débat.  Cette  mesure,  humaniste  et  ouverte,  entraîne  des  modifications  du  lien  à  la  citoyenneté  et  pose  le  problème  du  rapport  entre  droit  du  sang  et  droit  du  sol.  Avec  le  risque,  sous-­‐jacent,  de  voir  durcir  les  conditions  d’accès  à  la  nationalité.  Toute  personne  remplissant  les  conditions  nécessaires  est  en  droit  de  revendiquer  la  nationalité  française.  Nous  sommes  dans  une  transformation  profonde  de  la  société.  Cette  réalité  est  incontournable.  Ne  laissons  pas  nos  adversaires  prospérer  sur  un  terreau  infertile.      Est-­il  possible  de  renouer  avec  le  peuple,  sans  pour  autant  tomber  dans  un  populisme  démagogique  de  mauvais  aloi  ?  C’est  une  question  fondamentale.  Toute  démocratie  contient  une  dose  de  populisme.  La  gauche  a  d’ailleurs  du  mal  à  voir  dans  ce  terme  une  connotation  positive.  Il  renvoie  pourtant  très  clairement  aux  catégories  populaires.  Il  ne  saurait  y  avoir  de  déconnexion  entre  une  partie  dite  «  haute  »  de  la  société  et  une  dite  partie  «  basse  »,  majoritaire  depuis  toujours.  Les  plus  pauvres  sont  aussi  les  plus  nombreux,  disait  Aristote.  Du  point  de  vue  de  la  gauche,  cette  césure  et  cette  distance  qui  ne  cessent    de  s’aggraver  constituent  un  écueil.  Nous  sommes  là  dans  un  raisonnement  de  type  populiste  que  d’aucuns,  au  sein  de  notre  famille  politique,  assimilent  au  nationalisme.    Il  faut  donc  sortir  de  cette  dimension  horizontale  et  européenne,  au  nom  de  laquelle  le  nationalisme,  c’est  la  guerre.  C’est  ignorer,  d’ailleurs,  que  la  Nation  ne  se  résume  pas  au  seul  principe  d’affrontement,  mais  à  un  espace  de  solidarité  et  à  l’État  providence.  Ces  principes  s’inscrivent  dans  l’histoire.  L’Europe  est  certes  nécessaire,  mais  l’État  joue  un  rôle  de  premier  plan  en  termes  de  protection,  de  solidarité  et    de  redistribution.  L’Union  n’est  ni  une  démocratie  ni  un  espace  social.    La  Nation  est  le  cadre  dans  lequel  nous  avons  construit  notre  culture  et  un  

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NOTE DE VEILLE ET DE RIPOSTE SUR LA SITUATION DE LA DROITE ET DE L’EXTRÊME-DROITE

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projet  commun,  dont  il  est  difficile  de  sortir.      À  droite,  nombreux  sont  ceux  qui  s’identifient  à  cette  culture  commune,  assimilant  la  frontière  à  un  mur,  pendant  que  d’autres  y  voient  un  espace  de  libre-­marchandise.  Où  se  situe  le  point  d’équilibre  ?  La  frontière  prend  effectivement  la  forme  d’un  véritable  mur,  du  point  de  vue  des  frontistes  qui  militent  pour  le  repli  sur  soi,  le  protectionnisme  et  l’immigration  zéro.  C’est  ignorer  qu’elle  est  d’abord  un  lieu  de  transit  et  d’échanges  où  se  passent  des  choses  particulières.  Ce  n’est  pas  un  endroit  que  l’on  traverse  impunément,  mais  un  espace  interculturel  où  se  côtoient  des  acteurs  de  nature  et  d’origine  différentes.  Buisson  et  Sarkozy  ont  tenté,  mal  à  propos,  d’exploiter  ce  filon,  en  tournant  le  dos  à  un  principe  pourtant  clair.    

La  relégation  sociale,  la  mise  en  coupe  réglée  des  clans,  maffias  et  autres  trafics  en  tous  genres  sont  la  manifestation  d’une  situation  endémique.  Il  est  difficile  de  faire  pire.    La  gauche  paraît  particulièrement  mal  à  l’aise  sur  la  question  des  frontières.  Absolument.  Pour  avoir  soulevé  ces  questions,  j’ai  suscité  de  vives  réactions.  Y  compris  dans  mon  propre  camp.  Certains  ont  même  été  jusqu’à  assimiler  mes  propos  à  un  lepénisme  de  mauvais  aloi.  Or,  je  n’ai  fait  que  repousser  la  tentation  identitaire.  L’idée  selon  laquelle  Marine  Le  Pen  est  en  capacité  d’atteindre  25  %  des  voix  en  s’alliant  aux  amis  de  Jean-­‐François  Copé  m’insupporte  au  plus  haut  point.    Nos  quartiers  concentrent  de  nombreuses  difficultés.  Trente  années  de  politique  de  la  ville  et  l’engloutissement  de  sommes  colossales  par  les  gouvernements  

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successifs  n’ont  pas  permis  de  régler  les  problèmes  auxquels  ils  se  retrouvent  confrontés.  Comment  expliquez-­vous  cet  échec  ?  Il  faut  sortir  des  logiques  dans  lesquelles  la  droite  et  la  gauche  nous  ont  enfermé,  depuis  trois  décennies.  La  relégation  sociale,  la  mise  en  coupe  réglée  des  clans,  maffias  et  autres  trafics  en  tous  genres  sont  la  manifestation  d’une  situation  endémique.  Il  est  difficile  de  faire  pire.    Nos  gouvernants  n’ont  pas  voulu  -­‐  ou  su  -­‐  intégrer  les  enfants  et  petits-­‐enfants  issus  de  l’immigration.  Ces  générations  successives  ne  se  sont  pas  fondues  dans  le  modèle  assimilationniste.  Loin  s’en  faut.    Leur  intégration  a  commencé  avec  l’arrivée  de  la  gauche  au  pouvoir,  en  1981.  C’est  cette  même  gauche  qui  s’est  démarquée  du  principe  d’intégration,  au  nom  de  la  lutte  contre  le  colonialisme.  Et  qui  a  défendu  le  droit  à  la  différence,  dans  une  France  multiculturelle  et  métissée.  Les  politiques  de  la  ville,  de  la  culture  et  de  l’éducation  s’en  sont  durement  ressenties.  Tant  et  si  bien  que  l’intégration  est  perçue,  depuis,  comme  une  antidote  à  la  diversité.  Un  entonnoir  s’est  donc  formé  peu  à  peu.    Trente  ans  après,  la  société  française  en  paie  les  conséquences,  même  si  une  partie  de  la  communauté  maghrébine  est  parfaitement  intégrée.  Au-­‐delà  des  discours,  l’intégration  est  un  fait  avéré,  au  même  titre  que  la  parité.  À  charge,  pour  la  gauche,  de  réinvestir  ce  champ  thématique.  Une  intégration  réussie  transite  nécessairement  par  l’apprentissage  de  la  langue,  la  connaissance  de  la  société  dans  laquelle  nous  vivons  et  la  maîtrise  de  la  lecture  et  du  calcul.  C’est  une  belle  idée  qui  devrait  être  érigée  en  priorité  nationale  pour  combattre  les  discriminations  de  toutes  sortes.  C’est  aussi  et  peut-­‐être  surtout  apprendre  à  penser  le  «  commun  ».    La  gauche  doit  cesser,  une  bonne  fois  pour  toute,  de  mettre  l’accent  sur  la  différenciation.  Faute  de  quoi,  elle  ira  dans  le  mur  !