regards sur la droite n°11
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Au cœur de la mêlée Nous n’avons pas besoin, en ce début d’année, de souhaiter que « les difficultés commencent ». Elles sont là… Le gouvernement est présent sur tous les fronts (au sens propre comme au sens figuré). Et, l’on voit se concrétiser le sens d’une action faite d’esprit de responsabilité et de volonté de justice. Et, comme toujours, pour un gouvernement, il doit mettre en œuvre les engagements qu’il a pris devant le peuple et faire face à l’imprévu , sous toutes ses formes.TRANSCRIPT
NOTE DE VEILLE ET DE RIPOSTE SUR LA SITUATION DE LA DROITE ET DE L’EXTRÊME-DROITE
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Édito Au cœur de la mêlée Nous n’avons pas besoin, en ce début d’année, de souhaiter que « les difficultés commencent ». Elles sont là… Le gouvernement est présent sur tous les fronts (au sens propre comme au sens figuré). Et, l’on voit se concrétiser le sens d’une action faite d’esprit de responsabilité et de volonté de justice. Et, comme toujours, pour un gouvernement, il doit mettre en œuvre les engagements qu’il a pris devant le peuple et faire face à l’imprévu, sous toutes ses formes. Face à cela, que voit-on à droite ? Qu’une opposition s’oppose est naturel. Ce n’est pas nous qui dirons le contraire pour avoir connu cet état, dix années de suite. Mais de quel type d’opposition s’agit-il ? On a peine à entendre des propositions. Sur le cœur économique et social, il n’y a rien d’autre que la reprise des antiennes libérales (voir les motions du congrès de l’UMP analysées dans une lettre précédente). En revanche, le ton dominant repose sur une idée profondément ancrée dans le conservatisme, que les socialistes ruineraient le pays, par leurs réformes fiscales d’abord, alors qu’il ne s’agit que d’un effort pour faire contribuer les catégories les plus aisées au redressement du pays - ce que souhaiterait faire Obama, traité, il est vrai, de « socialiste » par les républicains ! -, par leur réforme sur le droit du mariage ensuite, qui, selon ses opposants, subvertirait tout l’équilibre de la société, alors qu’il s’agit de prendre acte de la diversification déjà bien réelle des formes de mariage et de vie en couple, et que la conservatrice Espagne et, bientôt, la conservatrice Angleterre, adoptent une législation semblable ! Il est vrai que la droite n’est pas si unie que cela dans cette attitude. Mais, aucune voix ne s’oppose réellement à ce type d’opposition stérile, par crainte, sans doute, d’apparaître trop « molle » à l’électorat le plus conservateur. Le jeu tactique de Jean-François Copé explique partiellement cet état de fait, en privilégiant la surenchère. Mais, il y a aussi ce qu’a avoué récemment Luc Chatel, Secrétaire général adjoint de l’UMP : « La question de la ligne politique n’a pas été tranchée lors de l’élection de novembre » (Le Figaro, 10 janvier). C’est, en effet, une droite, qui ne sait pas où elle voudrait vraiment aller, que nous avons devant nous. Alors que les débats qui sont les nôtres pour conforter notre volonté réformatrice ne nous « complexent » pas ! Portons clairement nos réformes face à une droite qui, comme le disait encore Luc Chatel, n’a pas de projet « en adéquation avec le XXIème siècle »…
Alain BERGOUNIOUX
15 janvier 2013 - n° 10 Lettre éditée par la cellule Veille et Riposte du Parti socialiste
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Buisson vs Reynié : entre droite identitaire et néo-conservatisme sociale
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Après la guerre avortée, la guerre larvée. Les difficiles équilibres de leadership au sein de l’UMP retiennent l’attention. Mais, ils laissent entiers les problèmes d’orientation. L’opposition virulente et systématique au gouvernement permet de le camoufler. Et, les différents leaders potentiels sont conduits à entrer dans des surenchères permanentes, les yeux rivés sur le prochain scrutin interne. Il vaut donc la peine de revenir sur les deux pôles idéologiques et politiques qui sont apparus dans le débat. Il s’agit, certes, de deux intellectuels. Mais, comme souvent, les positions extrêmes permettent de mieux comprendre les positions moyennes et ce qui sous-tend le débat de la droite.
Patrick Buisson s’érige en patriote contre les ennemis de la patrie. C’est ce transfuge du Front national qui a déterminé la stratégie et la nature même du « sarkozysme ». Divergences. Deux visions transparaissent dans le paysage de l’UMP. La première, portée par Patrick Buisson, met en opposition les différentes strates de la population française. Elle dénonce, sans détour, la mondialisation, qui ne porterait que des contraintes, et réduirait à portion congrue le champ des libertés et de la Nation. Seul le retour aux valeurs dites « nationales » serait à même de créer du lien dans un pays dépeint comme agressé de toutes parts. La seconde, portée par Dominique Reynié, dirigeant de FONDAPOL, think tank proche de l’UMP, est plus ouverte. Plus libérale, aussi. Elle plaide pour une meilleure compréhension du monde et de son environnement. Fait le pari de la créativité individuelle et collective. Assume pleinement son identité. Respecte le pacte
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républicain dans sa doctrine et ses méthodes d’exercice du pouvoir. La ligne Buisson. Ardent défenseur du rassemblement des droites, de la plus centriste à la plus radicale, de la plus respectable à la plus nauséabonde, Patrick Buisson s’érige en patriote contre les ennemis de la patrie. C’est ce transfuge du Front national qui a déterminé la stratégie et la nature même du « sarkozysme ». Lui, qui, au nom d’une vision réactionnaire de la société, stigmatise l’étranger, l’immigré et l’assisté dont Jean-François Copé et les tenants de la Droite populaire et de la Droite forte font leur miel.
Il a été « élevé dans l’utopie, historiquement sans objet, de l’entente implicite et du partage des rôles entre le vieux maréchal reclus à Vichy et l’impétueux général réfugié à Londres » Dans La Droite brune (1), Renaud Dély se livre à une analyse sans complaisance de Buisson, dont le dessein est de changer le cour de la droite française. Au nom d’un supposé mysticisme « unioniste », ce transfuge de l’extrême-droite refuse les déchirements fratricides entre patriotes, d’obédience maurassienne. Il a été « élevé dans l’utopie, historiquement sans objet, de l’entente implicite et du partage des rôles entre le vieux maréchal reclus à Vichy et l’impétueux général réfugié à Londres », confie Dély (2). Ce pourfendeur du Front populaire voit dans l’affrontement des deux droites - vichyste et gaulliste, réactionnaire et humaniste -, un véritable
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traumatisme. « C’est (…) en célébrant « l’identité nationale », en la plaçant sous d’indépassables références chrétiennes, plus précisément, catholiques, en brossant le portrait d’une France éternelle que Patrick Buisson pense parvenir à dépasser ce divorce des deux droites », explique le journaliste (3). Cette stratégie se solde par une opposition frontale entre le peuple et les élites, dont Sarkozy fera son miel, en 2012. Le regretté Olivier Ferrand estimait, à juste titre, que le « sarkozysme » à la sauce Buisson a provoqué un déplacement du centre de gravité de la droite, dite de gouvernement. Située historiquement au centre-droit, elle s’est radicalisée, en particulier sur les questions identitaires, en opposant les patriotes et « ceux qui n’aiment pas la France ». Avec, pour principale conséquence, « une opposition entre un arc progressiste (gauche + centre) face à un bloc « national » néoconservateur (UMP radicalisée + néo-FN). » (4) « C’est une victoire idéologique pour le Front national : que ce soit avec l’original lepéniste ou la copie sarkozyste, la xénophobie et le rejet de l’autre - l’altérophobie - triomphent désormais à droite », estimait ainsi l’ex-président de Terra Nova (5).
Le principal ennemi, celui qui incarne le mieux la figure de l’autre, c’est l’étranger, l’immigré. Et, plus encore, le Français d’origine musulmane, ce voleur de pains au chocolat, caricaturé à souhait par Copé. S’ensuit la recherche permanente de coupables, de bouc-émissaires que Buisson et ses protégés opposent aux bons citoyens. « Il y a les jeunes fainéants, les « monstres délinquants »,
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les Roms qui sont des voleurs, les « assistés » qui abusent du système au détriment de la « France qui se lève tôt », les fonctionnaires privilégiés… » (6). Mais, le principal ennemi, celui qui incarne le mieux la figure de l’autre, c’est l’étranger, l’immigré. Et, plus encore, le Français d’origine musulmane, ce voleur de pains au chocolat, caricaturé à souhait par Copé. « Quick halal, burqa, piscines réservées aux femmes voilées, prières de rue, minarets qui agressent les paysages « français » : tout y passe, jusqu’au marqueur ultime du FN, le « racisme anti-français » des musulmans, une nouvelle fois avancé dans les discours de l’entre-deux tours, à Strasbourg et Toulouse, par Nicolas Sarkozy. » (7)
Avec Buisson, la convergence idéologique est pleinement assumée. L’ex-journaliste de Minute opte ainsi clairement pour la radicalisation et la convergence entre le sarkozysme et le FN. Avec Buisson, la convergence idéologique est pleinement assumée. L’ex-journaliste de Minute (1981-1987) opte ainsi clairement pour la radicalisation et la convergence entre le sarkozysme et le FN. Cette idéologie radicale, sur fond de convergence politique et spirituelle, trouve son apogée dans le discours de Toulouse du candidat Sarkozy, le 29 avril 2012. Centré sur la Nation et la frontière, face à la menace de la mondialisation et des élites, le propos emprunte des accents frontistes. « La frontière est envisagée comme une protection globale de ceux qui sont à l’intérieur contre ceux qui sont à l’extérieur : frontière culturelle pour protéger l’identité nationale, frontière économique pour protéger les emplois, frontière sociale pour sauver la Sécurité sociale. Le même triptyque que le FN de Marine Le Pen. L’imaginaire est désormais commun » (8). La jonction s’opère, pour l’essentiel, sur les
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questions sociales, culturelles et la lutte contre l’assistanat, chère à François Fillon. Manière, pour Buisson, Sarkozy, Copé et leurs affidés d’ériger des barrières à l’intérieur même de nos frontières, au nom d’une vision néo-conservatrice figée sur l’identité fantasmée du passé et des présupposés islamophobes (9). La ligne Reynié. Le directeur général de la Fondation pour l’Innovation politique (FONDAPOL), boîte à idées officieuse de l’UMP, s’est fait remarquer à l’occasion de la parution de son livre, Populismes : la pente fatale, et pour ses chroniques sur le plateau de C dans l’air et sur France Culture. Il est, par ailleurs, professeur des Universités en Science politique, à l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris. Ses travaux portent, pour l’essentiel, sur les transformations du pouvoir politique, l'opinion publique et ses manifestations et les mouvements électoraux, en France et en Europe.
« Buisson part du postulat qu'il y a une homogénéisation des électorats UMP et FN. C'est une pensée folle et toxique, qui flatte les bas instincts. » François Baroin Doctrine libérale. La fondation, pilotée par Dominique Reynié, suggère une lecture libérale de la société et promeut l’initiative individuelle, en matière de création de richesses. Ce qui lui vaut de fustiger la dépense publique, le nombre supposément trop élevé de fonctionnaires et une croissance prétendument injustifiée de la dépense, dans la droite ligne des politiques menées par le droite, entre 2002 et 2012. S’il permet, aujourd’hui, de revisiter la doctrine de la droite républicaine, au prix d’une lecture certes plus consensuelle de
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la société qu’un Patrick Buisson, Dominique Reynié n’en demeure pas moins sur une ligne conservatrice justifiant la diminution du champ d’intervention de la puissance publique : « Il ne faut plus nécessairement associer la production et la distribution des services publics à des fonctionnaires de statut de fonction publique à vie », plaide-t-il ainsi dans le Nouvel économiste du 23 décembre 2010. À l’aune d’une maîtrise budgétaire stricte et purement comptable, il propose un modèle de société peu différent, sur le fond, de celui qui a prévalu entre 2002 et 2012, au risque de renforcer un peu plus encore le creuset des inégalités. Au-delà, le politologue s’efforce de nous convaincre que le libéralisme porte en lui le germe du progressisme et se voudrait ainsi la matrice de l’Europe qu’il appelle de ses vœux. Avec l’ambition, à peine voilée, d’en finir avec les clivages droite-gauche qui fondent le modèle politique français, depuis la Révolution de 1789. Ce qui lui vaut, par ailleurs, de se départir de toute appartenance politique, préférant s’en tenir à des principes libéraux, en opposition à la ligne doctrinale et néo-conservatrice préconisée par Buisson. Reste que son discours et les « propositions » auxquelles se réfère Dominique Reynié se prévalent d’une orientation droitière, d’inspiration barriste et giscardienne, qui en appellent à une vision républicaine de la société française.
« La doctrine Buisson est populiste, elle correspond à un projet politique visant à fusionner l'UMP et le FN Contrefeu. Cette tentative de contrefeu au principe de fusion ou de dissolution dans le FN est relayée par une frange d’élus UMP qui se sentent en danger, au nom d’une vision de la République sans doute plus respectable. Ces édiles tiennent leur légitimité du suffrage
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universel, affirmait ainsi François Baroin dans Le Point du 13 décembre. Ce qui leur vaut de s’opposer à toute fuite en avant idéologique et de se détourner de la ligne dont se revendique Jean-François Copé. Baroin condamne ainsi sans ambages toute tentative de rapprochement avec le parti frontiste. « La doctrine Buisson est populiste, elle correspond à un projet politique visant à fusionner l'UMP et le FN, estime-t-il. Cet homme part du postulat qu'il y a une homogénéisation des électorats UMP et FN. C'est une pensée folle et toxique, qui flatte les bas instincts. Quand on connait son parcours, on comprend qu'il est dans un combat contre le gaullisme. » Et de pester contre les inspirateurs de la motion La Droite forte, issus des bancs frontistes et mégrétistes et soutiens objectifs de Copé… « Ma rupture avec Copé est sur le fond, renchérit-il. Il y eut le racisme anti-Blancs, l'affaire du pain au chocolat, qui était plus qu'une erreur, une faute… J'affirme qu'en récupérant le dictionnaire de notre adversaire FN, on lui donne de l'énergie. » Difficile d’être plus clair, à l’heure où la fronde d’un nombre non négligeable d’élus apparaît également comme le fruit des attaques en règles perpétrées contre la démocratie représentative : « le peuple contre les élites ».
Reynié offre une alternative crédible à la doctrine Buisson, qui est ressortie du vote du 18 novembre. Fracture. Si les négociations semblent aboutir sur la forme, d’importants désaccords subsistent. Quelle sera l’issue de cette bataille sans fin ? Fort de ce constat, l’apprentissage du débat idéologique que vivent les militants, dans les pas de leurs mentors, démontre, s’il en était besoin, que la fracture est bien réelle et qu’elle aura des effets pérennes. Dans ces conditions, le principal mérite de Reynié est d’offrir une alternative crédible à la doctrine Buisson, qui est ressortie du vote du 18 novembre.
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Mais, elle n’occulte pas, pour autant, l’idée selon laquelle cette lutte au sommet verra l’un des deux protagonistes écarté. Et qu’une ligne politique radicale, adoubée par plus de 50 % des voix, ultra-droitière dans son principe et de moins en moins républicaine, sera portée par la nouvelle direction de l’UMP. À moins que la perte de popularité et de crédibilité de Fillon et Copé ne leur coûte leur leadership. Dès lors, une autre voie pourrait animer le grand parti de droite dans l’opposition. Notes : (1) Renaud Dély, La Droite brune. UMP-FN : les secrets d’une liaison fatale, Flammarion, 270 pages, 2012. (2) Renaud Dély, op. cit., pp. 76-77. (3) Op. cit. p. 78. (4) http://www.tnova.fr/note/buisson-une-d-faite-la-pyrrhus (5) Terra Nova : L’axe UMPFN : Vers le parti patriote ?, 2012. (6) Op. cit. (7) Op. cit. (8) Op. cit. (9) Rien là de bien nouveau. Dans les années 70, le Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne (GRECE), créé en 1968, et le Club de l’Horloge avaient théorisé les éléments d’une « nouvelle droite » décomplexée, visant à lutter contre la domination culturelle de la gauche. Une action relayée par plusieurs personnalités telles que Xavier Raufer, Jean Raspail, Maurice G. Dantec et d’autres. Et, par certains éditorialistes qui sévissent aujourd’hui dans les médias, tels Eric Zemmour, Ivan Rioufol ou Robert Ménard qui s’emploient, chroniques après chroniques, à rompre les digues entre la droite dite républicaine et le FN.
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DÉCRYPTAGE & DÉBATS
« L’évolution architectonique de l’UMP, fondée sur un antagonisme de fait, se traduira inéluctablement par la disparition de ce mouvement »
Laurent Bouvet est Professeur de Science politique à l’Université de Versailles-Saint-Quentin (UVSQ). Il enseigne également à Sciences Po (Paris) où il est appelé à prendre la direction du CEVIPOF (Sciences Po-CNRS). Il est l’auteur d’un ouvrage très remarqué, Le Sens du peuple. La gauche, la démocratie, le populisme, aux éditions Gallimard, en 2012.
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À droite, les lignes bougent. La défaite de Nicolas Sarkozy n’ouvre-t-elle pas la porte à une période de troubles, marquée par la prise en compte des thématiques frontistes ? Oui. Pour limitée qu’elle soit, la défaite de Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle n’en a pas moins provoqué une crise au sein de l’UMP qui a gouverné le pays pendant dix ans. S’ensuit une course ouverte à la succession entre Jean-‐François Copé et François Fillon, dans un contexte particulier, puisque l’ex-‐président ne s’est pas effacé du paysage. Au-‐delà de ce constat, la difficulté, pour le premier parti de l’opposition, réside dans une analyse objective des causes de la défaite. Qu’est-‐ce qui n’a pas marché ? Quid du leadership ? Le Parti socialiste a traversé une épreuve similaire en 1993, en 2002 et, à un degré moindre, en 2007. Certains estiment que cette défaite est conjoncturelle, pointant du doigt l’absence de communication, le manque
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de mobilisation des électeurs ou bien encore l’opposition des médias ; d’autres, plus clairvoyants, l’expliquent par des faits structurels. Compte tenu du résultat obtenu au premier tour par Marine Le Pen, du taux de participation important et du score élevé du président sortant, la ligne Buisson, qui tend à radicaliser le débat autour des questions identitaires, a progressé. Ceci pose clairement la question de la véritable nature de la défaite. Au fond, Sarkozy et l’UMP n’ont-ils pas poussé à l’extrême cette radicalisation ? La ligne Buisson a progressé à une vitesse foudroyante chez les militants copéistes et fillonistes. En témoigne le résultat enregistré par la Droite forte, incarnée par Geoffroy Didier et Guillaume Peltier, lors des élections internes. Ce mouvement est profond. Au point de provoquer un véritable petit séisme à droite. Dans une vision plus classique, et au-‐delà de l’analyse qu’en a faite René Raymond en son temps, subsiste l’idée que le bloc identitaire situé à la droite de la droite est occupe une place restreinte. Jusqu’alors, le
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débat se focalisait autour des libéraux et des gaullistes, au sein de la droite républicaine. L’espace de l’extrême-‐droite se limitait, pour l’essentiel, à une faction marginale, incarnée par la figure de Jean-‐Marie Le Pen. Cette période est révolue ! La problématique est aujourd’hui radicalement différente. Je compte parmi les politologues à avoir alerté l’opinion sur le sujet, en démontrant que les barrières tombaient peu à peu entre une partie de l’UMP et le FN. Ce mouvement est puissant. La ligne Buisson, teintée de nationalisme et de populisme, devient une composante majeure de la droite. Une autre proposition, libérale classique, sociale et européenne doit émerger et affirmer son opposition. Dominique Reynié, la Fondapol et plusieurs personnalités issues du centre ou de l’UMP, en sont l’incarnation.
Le gaullisme est mort et enterré ! Chirac l’avait asséné de coups de couteaux, avant que Sarkozy ne finisse le travail. Dans ce paysage, les Gaullistes paraissent désormais très minoritaires… Ce terme n’a plus de sens. Le gaullisme est mort et enterré ! Chirac l’avait asséné de coups de couteaux, avant que Sarkozy ne finisse le travail. Nous sommes donc très clairement dans une dualité entre la droite forte, d’un côté, et une droite plus modérée, de l’autre. Ces deux blocs sont appelés à se faire face, dans un rapport de forces à l’issue incertaine. Cette bipartition pose clairement la question de la subsistance de l’UMP. Absolument. Le duel Copé-‐Fillon traduit une mise en scène de l’affrontement de deux pôles au sein de l’UMP, même si la réalité est plus complexe. Cette évolution architectonique, fondée sur un antagonisme de fait, se traduira inéluctablement par la disparition de l’UMP. La droite forte et une partie du FN sont appelés à se retrouver tôt ou tard,
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en opposition à un regroupement de l’UDI et de la droite modérée. Dominique Reynié est sur cette ligne. La césure est profonde.
L’alliance d’une partie de l’UMP et du FN peut entraîner l’exclusion de certains élus ou l’acceptation de cette situation… Les échéances électorales de 2014 et 2015 contribueront sans doute à clarifier, voire à précipiter, cette nouvelle architecture. Qui est prêt à assumer l’éclatement de l’UMP ? Pour le moment, personne. Les évènements et les circonstances pousseront inéluctablement à une nouvelle organisation. À moins que le rapport de forces ne tourne nettement à l’avantage d’une des deux factions rivales, à la faveur d’élections. L’alliance d’une partie de l’UMP et du FN peut également entraîner l’exclusion de certains élus ou l’acceptation de cette situation… Les échéances électorales de 2014 et 2015 contribueront sans doute à clarifier, voire à précipiter, cette nouvelle architecture. La mondialisation, le manque de crédibilité de l’Union européenne et la montée des peurs, du racisme et de la xénophobie n’offrent-ils pas un terreau fertile au populisme ? Oui. Deux éléments fondent le populisme, historiquement. La défiance dans les élites et le rapport au peuple, pour commencer. En clair, celui-‐ci marque son opposition à tout rapport de soumission. Ce qui lui vaut de rejeter tout ce qui peut venir d’en-‐haut. Le populisme, c’est aussi l’idée qu’il existe quelque chose de différent d’une identité donnée. Il n’est plus question ici de défiance des élites, mais d’une crainte, d’une peur de ce qui n’est pas « nous ». Et de la corruption que cela implique. La mondialisation économique créée des mouvements de capitaux et de population
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qui génèrent des tensions au sein même de populations menacées par la précarité et le chômage. Dans ce cas précis, la figure de l’étranger est assimilée à l’Islam et au musulman. Il y a là une grande différence avec le passé. L’insécurité culturelle ne tient pas tant au racisme, au rejet de l’autre, au chômage ou à la crise économique, qu’à une remise en cause présumée des modes de vie. Cette menace, pour irrationnelle qu’elle puisse paraître, existe. Elle se fonde sur un sentiment d’insécurité qui alimente les peurs.
La gauche est attendue au tournant, sur le terrain économique et social. Elle incarne, dans l’opinion, les principes de justice et d’égalité de traitement, ce que le gouvernement s’emploie à faire. Comment est-il possible, dans ces conditions, de convaincre cette France réticente, abimée et colérique que la gauche est en capacité d’inverser le cours déprimant de l’évolution du pays ? Il n’y a pas de solution miracle. La gauche est attendue au tournant, sur le terrain économique et social. Elle incarne, dans l’opinion, les principes de justice et d’égalité de traitement, ce que le gouvernement s’emploie à faire. De ce point de vue, le changement est palpable avec le précédent quinquennat, même si le débat reste ouvert sur les réformes en cours, l’économie sociale, la nationalisation temporaire d’ArcelorMittal ou le pacte de compétitivité. Rien, en revanche, sur les valeurs et la partie culturelle et identitaire. Ces questions ne sont, il est vrai, pas la marque de fabrique du Front national ou de la droite identitaire. Il nous faut en discuter devant le pays. En clair, qu’est-‐ce qu’être français ? Quelle signification apporter au droit du sol, à la
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citoyenneté ? Nicolas Sarkozy a coupé toute possibilité de débat et de dialogue sur ces sujets, en manipulant l’opinion. Il faut en sortir ! La question du droit de vote des étrangers apparaît, de ce point de vue, essentielle. Mettons-‐là en débat. Cette mesure, humaniste et ouverte, entraîne des modifications du lien à la citoyenneté et pose le problème du rapport entre droit du sang et droit du sol. Avec le risque, sous-‐jacent, de voir durcir les conditions d’accès à la nationalité. Toute personne remplissant les conditions nécessaires est en droit de revendiquer la nationalité française. Nous sommes dans une transformation profonde de la société. Cette réalité est incontournable. Ne laissons pas nos adversaires prospérer sur un terreau infertile. Est-il possible de renouer avec le peuple, sans pour autant tomber dans un populisme démagogique de mauvais aloi ? C’est une question fondamentale. Toute démocratie contient une dose de populisme. La gauche a d’ailleurs du mal à voir dans ce terme une connotation positive. Il renvoie pourtant très clairement aux catégories populaires. Il ne saurait y avoir de déconnexion entre une partie dite « haute » de la société et une dite partie « basse », majoritaire depuis toujours. Les plus pauvres sont aussi les plus nombreux, disait Aristote. Du point de vue de la gauche, cette césure et cette distance qui ne cessent de s’aggraver constituent un écueil. Nous sommes là dans un raisonnement de type populiste que d’aucuns, au sein de notre famille politique, assimilent au nationalisme. Il faut donc sortir de cette dimension horizontale et européenne, au nom de laquelle le nationalisme, c’est la guerre. C’est ignorer, d’ailleurs, que la Nation ne se résume pas au seul principe d’affrontement, mais à un espace de solidarité et à l’État providence. Ces principes s’inscrivent dans l’histoire. L’Europe est certes nécessaire, mais l’État joue un rôle de premier plan en termes de protection, de solidarité et de redistribution. L’Union n’est ni une démocratie ni un espace social. La Nation est le cadre dans lequel nous avons construit notre culture et un
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projet commun, dont il est difficile de sortir. À droite, nombreux sont ceux qui s’identifient à cette culture commune, assimilant la frontière à un mur, pendant que d’autres y voient un espace de libre-marchandise. Où se situe le point d’équilibre ? La frontière prend effectivement la forme d’un véritable mur, du point de vue des frontistes qui militent pour le repli sur soi, le protectionnisme et l’immigration zéro. C’est ignorer qu’elle est d’abord un lieu de transit et d’échanges où se passent des choses particulières. Ce n’est pas un endroit que l’on traverse impunément, mais un espace interculturel où se côtoient des acteurs de nature et d’origine différentes. Buisson et Sarkozy ont tenté, mal à propos, d’exploiter ce filon, en tournant le dos à un principe pourtant clair.
La relégation sociale, la mise en coupe réglée des clans, maffias et autres trafics en tous genres sont la manifestation d’une situation endémique. Il est difficile de faire pire. La gauche paraît particulièrement mal à l’aise sur la question des frontières. Absolument. Pour avoir soulevé ces questions, j’ai suscité de vives réactions. Y compris dans mon propre camp. Certains ont même été jusqu’à assimiler mes propos à un lepénisme de mauvais aloi. Or, je n’ai fait que repousser la tentation identitaire. L’idée selon laquelle Marine Le Pen est en capacité d’atteindre 25 % des voix en s’alliant aux amis de Jean-‐François Copé m’insupporte au plus haut point. Nos quartiers concentrent de nombreuses difficultés. Trente années de politique de la ville et l’engloutissement de sommes colossales par les gouvernements
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successifs n’ont pas permis de régler les problèmes auxquels ils se retrouvent confrontés. Comment expliquez-vous cet échec ? Il faut sortir des logiques dans lesquelles la droite et la gauche nous ont enfermé, depuis trois décennies. La relégation sociale, la mise en coupe réglée des clans, maffias et autres trafics en tous genres sont la manifestation d’une situation endémique. Il est difficile de faire pire. Nos gouvernants n’ont pas voulu -‐ ou su -‐ intégrer les enfants et petits-‐enfants issus de l’immigration. Ces générations successives ne se sont pas fondues dans le modèle assimilationniste. Loin s’en faut. Leur intégration a commencé avec l’arrivée de la gauche au pouvoir, en 1981. C’est cette même gauche qui s’est démarquée du principe d’intégration, au nom de la lutte contre le colonialisme. Et qui a défendu le droit à la différence, dans une France multiculturelle et métissée. Les politiques de la ville, de la culture et de l’éducation s’en sont durement ressenties. Tant et si bien que l’intégration est perçue, depuis, comme une antidote à la diversité. Un entonnoir s’est donc formé peu à peu. Trente ans après, la société française en paie les conséquences, même si une partie de la communauté maghrébine est parfaitement intégrée. Au-‐delà des discours, l’intégration est un fait avéré, au même titre que la parité. À charge, pour la gauche, de réinvestir ce champ thématique. Une intégration réussie transite nécessairement par l’apprentissage de la langue, la connaissance de la société dans laquelle nous vivons et la maîtrise de la lecture et du calcul. C’est une belle idée qui devrait être érigée en priorité nationale pour combattre les discriminations de toutes sortes. C’est aussi et peut-‐être surtout apprendre à penser le « commun ». La gauche doit cesser, une bonne fois pour toute, de mettre l’accent sur la différenciation. Faute de quoi, elle ira dans le mur !