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1 RECUEIL DE TEXTES EN COUNSELING DE CARRIÈRE LOUIS COURNOYER, c.o. Professeur SEPTEMBRE 2012 © Louis Cournoyer

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RECUEIL DE TEXTES EN COUNSELING DE CARRIÈRE

LOUIS COURNOYER, c.o.

Professeur

SEPTEMBRE 2012

© Louis Cournoyer

Page 2: Recueil de texte en  counseling

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Sommaire

Grands courants de psychothérapie et de counseling … .................................. 3

Humanisme et relation d’aide ............................................................................. 10

Cognitivisme et émotions selon Beck ................................................................. 14

Quelques modèles d’intervention en orientation ................................................ 25

Évolution des pratiques de l’orientation au Québec ........................................... 36

Enjeux et problématiques en développement de l’employabilité … ................ 52

Schémas et solutions : opposées ou complémentaires ?................................... 67

Pratiques d’orientation au collégial … ................................................................ 75

Pratique d’orientation et TDA/H … .................................................................. 101

Pratiques d’orientation et évaluation de potentiel … ........................................ 136

Conception sociorelationnelle du counseling de carrière ................................. 149

Approche du counseling centrée sur les schémas ........................................... 155

Tant de croyances, tant d’énergies diffuses … ................................................ 160

Counseling et intégration de l’analyse de projets ............................................. 164

Counseling stratégique, éclectif et narratif ....................................................... 168

L’approche Masterson en counseling de carrière … ........................................ 172

Comprendre l’indécision vocationnelle … ........................................................ 190

Comprendre l’épuisement professionnel .......................................................... 202

Acquis de counseling en maitrîse en carriérologie ........................................... 243

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Grands courants de psychothérapie et de counseling … Jean-François Maltais, c.o.1

Claire Simard, c.o.2

Cette sous-section propose un survol des quatre principaux courants d’intervention en psychologie, psychothérapie et counseling. Il

s’agit dans l’ordre des approches humanistes, systémiques, cognitives comportementales et psychodynamiques.

Approches humanistes

Les approches humanistes se regroupent généralement en trois écoles de pensées ayant des bases communes, mais qui diffèrent sur

certains points. Les approches centrées sur la personne (Carl Rogers), l’approche gestaltiste (Fritz Perls) et les approches

existentialistes (Frank Yalom). Au niveau des bases communes, chacune d’elles misent avant tout sur la valorisation de l’expérience

du sujet, tant consciente, qu’inconsciente. Elles accordent donc une grande place à l’expérience subjective de la personne, en

prétendant que chaque personne est unique et que chaque client est l’expert de sa propre expérience. Au niveau du processus, le

conseiller mise davantage sur sa croyance dans les capacités d’autodétermination et de liberté de choix du client plutôt que sur la

modification de comportements ou de cognitions qu’il pourrait interpréter comme inadéquate. Aussi, la plupart des approches du

courant humaniste accordent une place de choix à l’instauration d’une relation de confiance empreinte de compréhension et

d’acceptation pouvant faciliter la reconsidération des problèmes et des inquiétudes, ainsi qu’une mise en action subséquente plus

1 Locas, Valérie (2012). L’impact d’une formation axée sur la compréhension du fonctionnement psychologique (Approche Masterson) sur les pratiques de conseillères en

développement de l’employabilité au sein d’organismes du Montréal métropolitain. Rapport d’activité dirigée présenté à la faculté d’éducation en vue de l’obtention de la maîtrise

en orientation profil : carriérologie. Document disponible en ligne : http://orientationpourtous.blogspot.ca/2012/04/bonjour-vous-voici-une-premiere-mise-en.html

2 Simard, Claire (en cours). Les étapes guidant la conduite d’un processus d’orientation scolaire et professionnelle chez les conseillers d’orientation du réseau d’enseignement

collégial. Rapport d’activité dirigée présenté à la faculté d’éducation en vue de l’obtention de la maîtrise en orientation profil : carriérologie.

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rationnelle (Lecomte et Drouin, 2007). Les approches humanistes sont actuellement très utilisées en contexte du développement de

l’employabilité. Elles sont toutefois très générales et ne conviennent pas pour tous les types de problématiques.

Centrés sur les ressources de la personne, les fondements de l’orientation humaniste font appel aux capacités de l’être humain à gérer

son existence ainsi qu’à la réalisation de soi. Les thérapeutes humanistes se concentrent sur le moment présent, ils croient que la

personne à tout le potentiel pour prendre conscience et comprendre ses difficultés puis d’apporter des modifications nécessaires en

conséquence. Il s’agit pour le thérapeute d’agir en tant que facilitateur pour améliorer la connaissance de soi et l’expérimentation de

nouvelles nouvelles façons d’être ou d’agir. La personne qui consulte n’est pas un patient, mais plutôt un client qui est sur le même

pied d’égalité que le thérapeute (Parent et Cloutier, 2009, p. 423). Pour mieux illustrer l’orientation humaniste, dans leur ouvrage les

auteurs nous présentent deux thérapies qui se retrouvent dans cette orientation, il s’agit de la thérapie rogérienne et de la thérapie

gestaltiste.

La thérapie rogérienne

L’actualisation de soi qui est au cœur de l’approche rogérienne, se réalise par l’approfondissement de la connaissance de soi et la

valorisation de l’expression personnelle. Pour sa part, le thérapeute doit faire tout ce qui est en son possible pour que la personne se

sente bien et en confiance afin qu’elle puisse puiser le meilleur en elle-même. Dans le savoir-être du thérapeute, trois points ont été

soulignés comme important, premièrement il doit accepter la personne qui le consulte tel qu’elle est sans condition. Deuxièmement, il

doit faire preuve d’empathie et troisièmement, il doit faire preuve d’authenticité. Dans ce contexte, la technique du reflet est

appropriée, car elle consiste à reformuler objectivement les paroles du client sans porter aucun jugement. Les auteurs Parent et

Cloutier mentionnent que Rogers insiste sur l’importance d’avoir une ambiance chaleureuse durant la thérapie.

La thérapie gestaltiste

Dans la thérapie gestaltiste, le tout est plus que la somme de ses parties, ce qui signifie que la personne doit être considérée comme un

tout et non comme l’ensemble de ses parties (Parent et Cloutier, 2009, p.10). Les gestaltistes préconisent de développement de

l’autonomie et pour atteindre cette autonomie, selon eux, la personne doit considérer les différentes perceptions qu’elle a d’elle-même

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(celle qu’elle a, celle que les autres ont d’elle et finalement celle qu’elle pense que les autres ont d’elle) afin d’en faire un ensemble.

La notion de conflit non résolu fait appel ici à des relations inappropriées entre certaines perceptions, ce qui retarde ou limite

l’autonomie de la personne et lui engendre des difficultés d’ordre psychologique. Le thérapeute qui a cette approche va, par le biais de

différentes techniques, amener la personne à prendre conscience de ses perceptions discordantes qui sont le siège des conflits

intérieurs qu’elle vit. Pour qui doit établir un lien de confiance avec une personne, cette approche est tout à fait appropriée. Le lien de

confiance est un incontournable dans le processus d’orientation, ce qui fait de cette orientation, un choix tout à fait judicieux. Les

fondements humanistes basés sur la capacité de l’individu à gérer sa vie et à s’actualiser sont des visées qui s’apparentent très bien

avec les défis de l’intervention en orientation dans un contexte où l’intervenant est sur le même pied d’égalité que le client.

Approches systémiques

Ces approchent ont pour objet de comprendre l’individu en partant du fait que celui-ci est en interaction constante et circulaire avec

son ou ses systèmes de vie. Dans cette approche, le thérapeute participe à la coconstruction de la réalité du système, mais sans essayer

de comprendre la place du symptôme dans ce système et n’encouragera pas non plus l’expression des émotions. Il va plutôt s’attarder

à ce qui contribue à maintenir le problème ou le modifier (Bellemarre, 2000). L’approche systémique est principalement utilisée dans

la thérapie familiale. Elle met de l’avant l’importance de l’influence des contextes sociaux dans lequel évolue l’individu, le groupe ou

la famille. Il peut aussi être utile en contexte de thérapie individuelle. Cette approche utilise entre autres comme instruments : le récit

de vie, le génogramme ou la carte familiale et des techniques d’intervention comme : la prescription de tâches, l’utilisation du

recadrage et du paradoxe, le questionnement circulaire et les injonctions comportementales. Cette approche est toutefois plus difficile

à appliquer en contexte de relation d’aide individuelle. On la retrouve le plus souvent en contexte de groupe ou en thérapie familiale.

Les thérapeutes d’orientation interactionniste prônent que les problématiques personnelles sont issues de l’interaction de la personne

avec son environnement humain (famille, amis, collègues, etc.). Les auteurs Parent et Cloutier mentionnent que le but ultime de

l’intervention serait, selon cette approche, de prendre conscience de la problématique et d’apporter des changements sur les

interactions de la personne avec son environnement humain. Il peut parfois être nécessaire que le thérapeute rencontre les individus

appartenant au social de la personne qui consulte. L’importance est accordée aux liens que l’individu fait avec son entourage, il fait

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partie d’un système avec des interactions qui peuvent faire défaut. Pour illustrer cette orientation, on nous propose, entre autres,

l’approche thérapeutique de la thérapie familiale.

La thérapie familiale

La thérapie familiale est utilisée lorsque la personne éprouve des difficultés avec les membres de son environnement familial. Ici la

notion de « patient » fait plutôt référence à la famille qu’à l’individu et en ce sens, cette thérapie rejoint l’approche gestaltiste par ce

que sont « tout », au cœur de l’intervention gestaltiste, c’est la famille et non l’individu dans la thérapie familiale. L’intervenant va

tenter de modifier les interactions familiales, c’est-à-dire établir de nouvelles règles de communication, afin que les membres de la

famille, dont l’individu consultant, puissent avoir des relations plus harmonieuses et un meilleur fonctionnement. En intervention

d’orientation, on reconnaît toute l’importance à l’environnement humain du client (famille, amis, collègues, etc.) parce que ces

derniers peuvent avoir une influence ou un impact considérable chez le client. Apprendre à mieux connaître la relation que notre

client entretient avec son réseau social peut aider le conseiller d’orientation, entre autres, à mieux connaître et comprendre notre

client. En travaillant à améliorer les interactions qu’il entretient avec son entourage, cela ne peut qu’avoir un impact positif sur le

bien-être du client et sa capacité à faire un choix éclairé.

Approches cognitives comportementales

Parmi l’ensemble des écoles de pensées inscrites au sein de ces courants, trois d’entre elles se sont distinguées lors du vingtième

siècle, soit l’école comportementale de Skinner, l’école cognitive d’Ellis et l’école émotionnelle de Linehan et les thérapies cognitives

comportementales (TCC) inspirés des travaux de Beck. Toutes convergent vers un travail centré sur la modification des

comportements et des cognitions, sur le développement d’habiletés et sur la résolution des problèmes de la vie des personnes. Cette

approche utilise des techniques d’intervention telles que l’analyse empirique, l’analyse logique et l’expérimentation, afin de modifier

des comportements ou des cognitions (Young, Klosko et Weishaar, 2005). Ce type d’approche est de plus en plus présent au Québec

au sein des cursus de formation universitaire en développement de carrière. Par contre, elle est souvent moins adaptée pour les

troubles de la personnalité, due à son cadre rigide, à la difficulté des personnes à avoir accès à leurs cognitions et leurs émotions et du

besoin de l’implication des clients pour la thérapie. De plus, elle s’intéresse peu aux difficultés rencontrées dans la relation, elle

présuppose que le client sera capable d’établir une relation avec le thérapeute ou le conseiller et finalement, elle exige des buts précis

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des clients qui peuvent s’avérer difficiles dans le cas de clients ayant un trouble de la personnalité ou de santé mentale autre.

L’orientation cognitive-comportemental comprend deux approches soient l’approche cognitive et l’approche béhavioriste. Cette

combinaison d’approches amène le thérapeute à percevoir que les difficultés psychologiques proviennent de pensées ou de

comportements inadéquats qui ont été appris dans son milieu de vie et qui peuvent être remplacés par de nouvelles pensées ou de

nouveaux comportements plus appropriés. Les auteurs Parent et Cloutier, nous présentent les deux approches qui ont tendance à se

rapprocher de plus en plus avec les années.

L’approche béhavioriste ou comportementale

Basée sur les comportements appris, les béhavioristes ont une conception de la personnalité décrite comme étant la façon complexe

dont se suivent les comportements appris en réponse aux différents stimuli de l’environnement. Dans ce contexte, le problème

psychologique a pour origine un comportement inadéquat, donc le but de la thérapie est faire de disparaître ou de remplacer le

comportement inadéquat par un comportement acceptable. Parmi les techniques utilisées, on retrouve la désensibilisation

systématique, l’immersion, la rétroaction biologique, le conditionnement aversif et l’apprentissage par présentation de modèle.

L’approche cognitive

L’approche cognitive démontre une conception du cerveau comparable à celle d’un ordinateur qui traite de l’information. La

personnalité représentant la façon qu’a notre organisme de traiter les stimuli, le problème psychologique peut provenir d’un traitement

inadéquat des stimuli, alors le but de la thérapie cognitive est d’amener la personne qui consulte à modifier le traitement des stimuli

afin que les réactions soient mieux adaptées. Dans les méthodes utilisées pour l’intervention, les auteurs citent la thérapie émotivo-

rationnelle d’Ellis et la thérapie cognitive de Beck. Cette approche centrée sur la modification des comportements et des cognitions

afin de développer de nouvelles habiletés et d’aider la personne à surmonter ses difficultés personnelles représente un intérêt certain

pour l’intervention en orientation. Elle facilite, entre autres, le travail d’intervention pour modifier le discours intérieur de l’individu

qui ne croit pas en ses capacités et qui a une faible estime de lui-même. C’est une situation que l’on retrouve souvent en orientation.

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Approches psychodynamiques

Les approches psychodynamiques peuvent se regrouper sous plusieurs points communs tant au niveau de la théorie, que de la pratique.

Au niveau théorique, les approches psychodynamiques mettent toutes de l’avant l’importance des premières expériences de vie dans le

développement de la personnalité, l’importance de l’instinct et des pulsions (plus ou moins inconscient) sur le comportement, les

affects et la pensée. Finalement, l’importance des mécanismes de défense pour maîtriser l’influence des motivations inconscientes

(Bujold et Gingras, 2000). Comme elle s’intéresse à comprendre les mécanismes de défense comme modalités d’autorégulation et

d’autoprotection des individus, elle peut donc aider à l’analyse du fonctionnement psychologique des individus. Elle fournit aussi un

cadre d’analyse permettant d’identifier certains troubles de la personnalité et accorde beaucoup d’importance au jugement du

conseiller. Et finalement, l’intervenant, par la prise en compte de ses contre-transferts, peut arriver à s’améliorer comme intervenant,

et ainsi diminuer l’impact de ses propres réactions émotionnelles dans la relation avec l’autre.

L’approche psychodynamique est grandement influencée par la psychanalyse, théorie fondée par Freud qui a pour concept central

l’inconscient. Le but principal est d’établir des liens entre les difficultés personnelles et les expériences, les conflits refoulés et non

résolus de l’histoire personnelle. Le psychothérapeute, ayant une conception dynamique de l’appareil psychique, amène la personne

qui le consulte à prendre conscience et à comprendre ses conflits intérieurs pour qu’elle puisse s’en libérer. Pour ne nommer que

quelques fondements théoriques, en psychanalyse on reconnaît trois instances à la personnalité qui sont le ça, le moi et le surmoi. Le

ça étant l’instance motivée par le plaisir qui veut satisfaire ses pulsions fondamentales. Le moi, de son côté est motivé par le principe

de réalité, il se veut l’intermédiaire entre les pulsions du ça et les contraintes de l’extérieur. Finalement le surmoi, est une instance de

la personnalité motivée par la moralité. Ces trois instances évoluent au travers de cinq stades de développement psychosexuel qu’on

nomme le stade oral, le stade anal, le stade phallique, la période latence et le stade génital. Selon Parent et Cloutier, le travail d’une

intervention d’orientation psychodynamique consiste principalement à faire prendre conscience des conflits non-résolus qui ont été

refoulés puis à provoquer la libération de la charge affective qui leur est associée afin qu’ils deviennent résolus. Pour provoquer cette

libération, un transfert des sentiments intenses qui avaient été refoulés doit être effectué sur le thérapeute. Alors, le thérapeute

représentant la personne vers qui seraient dirigés ces refoulements de sentiments doit s’assurer que cette fois-ci les sentiments sont

vécus de façon adéquate. Pour le bon déroulement de cette intervention et aussi pour contourner la résistance inconsciente de la

personne consultante à aborder les sujets conflictuels, plusieurs techniques peuvent être utilisées, les auteurs nous en citent quelques-

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uns; la cure de la parole, l’hypnose, l’association libre, l’interprétation de phénomènes tels que les rêves, les oublis ou les actes

manqués, les lapsus et certains symptômes physiques. Bien que l’approche psychodynamique ne soit pas directement associée aux

théories du développement de carrière (Bujold et Gingras, 2000), cette approche peut s’avérer intéressante de par les conceptions

psychanalytiques qui y sont rattachées. En effet, la personne apprend à mieux se connaître et ainsi elle peut prendre conscience de ses

difficultés d’ordre psychologique qui peuvent limiter ses capacités à effectuer un choix de carrière éclairé. La clientèle en orientation

est variée et en ce sens, elle peut éprouver des problèmes de santé mentale ou d’autres pathologies qui ont une incidence directe sur sa

capacité à faire un choix. Pour l’intérêt du client, le conseiller d’orientation doit procéder à l’analyse de son fonctionnement

psychologique et à ce niveau, cette approche peut nous fournir un cadre d’analyse nécessaire.

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Humanisme et relation d’aide Louis Cournoyer, c.o., professeur (UQÀM)

La formation des conseillers d’orientation québécois au cours des 40 ou 50 dernières années est grandement teintée de l’apport de la

psychologie humaniste. La quasi-totalité de nos compétences relationnelles tirent leurs origines des travaux pionniers de Carl Rogers

et de quelques autres chercheurs praticiens soucieux d’approfondir les liens entre le changement individuel et la qualité de la relation

d’aide. Cet article vise à mieux faire connaître ou encore à rappeler quelques principes fondamentaux en psychologie humaniste

(Rogers, 1971; Lebourgeois, 1999; Collectif « Savoirs et rapport au savoir », 2003; Lecomte et Drouin, 2007), ainsi que de permettre

des liens historiques et pratiques avec les réalités des conseillers d’orientation au Québec (Mellouki et Beauchemin, 1994a, 1994b;

Cournoyer, à paraître).

ÉMERGENCE D’UNE TROISIÈME FORCE

« Troisième Force » en psychologie, l'humanisme est présent aux seins de courants et d'approches psychologiques, sociologiques et

philosophiques. En psychologie, le courant émerge tranquillement au cours des années 1940, bien qu'il connaisse son véritable essor à

l'échelle internationale qu'à l'entrée des années 1960 (Lebourgeois, 1999). Tel que le souligne ce dernier, l'humanisme est une réponse

à la vision mécaniste et déterministe du comportement de la personne qui avait cours jusque-là au sein des courants béhavioristes et

psychanalytiques. Si l'humaniste prend son véritable essor au cours des années 1960, ce n'est pas pour rien. Dans les sociétés

occidentales, cette décennie et la suivante s'associe à l'arrivée dans la vingtaine de ceux qui seront appelés les "babyboomers".

Comptant pour une proportion significative de la population de la plupart des sociétés occidentales, ce "pouvoir hormonal" veut à

l'image des jeunes changer le monde en se défaisant de l'Establisment (Lacoursière, Provencher et Vaugeois, 2001). Au Québec, la

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montée de l'humanisme se déroulera durant les années où se vivra le message du "Maître chez nous" de l'arrivée au pouvoir de Jean

Lesage, de la Révolution tranquille et le Rapport Parent qui allait suivre, des mouvements indépendantistes prônant l'émancipation de

l'identité nationale québécoise, puis jusqu'à à en arriver au fameux "OUI, c'est possible" du Référendum de 1980 (Lacoursière et coll.

2001). Au-travers de ces événements se trame ainsi une volonté collective à l'actualisation d'un soi individuel, à la recherche de

liberté, d'essence, etc. (Cournoyer, à paraître). Ce qu'il faut aussi noter, c'est que la montée de l'humanisme pouvait plus aisément se

faire dans des sociétés prospères portant les avantages économiques des Trente Glorieuses (1945-1975). Autrement dit, il est fort à

douter que cette libéralisation, cette actualisation du soi pouvait se dérouler au même moment en URSS, dans les pays sous-

développés, ou encore en Asie (Cournoyer, à paraître). D’ailleurs, le courant humaniste et ses sous-courants (approche centrée sur la

personne, Gestalt thérapie, psychologie existentialiste) vivront un déclin important au Québec à partir des récessions et des

restructurations des modèles de gestion organisationnelle des années 1980 (Lebourgeois, 1999). Les thérapies cognitivo-

comportementales brèves, plus rapides, moins coûteuses, plus mesurables et observables au plan des interventions et des résultats

prendront le relais. Comme quoi, rien ne peut être saisie hors son contexte !

LE CHANGEMENT AU SEIN DE LA RELATION

La psychologie humaniste pose l'expérience humaine au cœur du processus de développement de la personne. Elle se veut en quelque

sorte une libération de l'humain face à ses chaînes déterministes. Tel que le soulignent Lecomte et Drouin (2007), la psychologie

humaniste repose entre autre sur une perspective phénoménologique de la personne libre de ses choix (et de ses non choix). C’est

l’expérience de la personne elle-même qui prime. Tel que le soulignent ces auteurs, la relation d’aide misant mise davantage sur

l’exploration et la découverte de soi par l’individu que sur l’interprétation et l’éducation de son aidant. Les conseillers d’orientation

empruntant une posture humanisme vont plus souvent s’intéresser aux conceptions d’actualisation et de croissance de soi au-travers

d’un travail auprès du client centré à lui permettre d’approfondir ses intentionnalités, sa quête de sens, l’élargissement de sa

conscience, la symbolisation de l’expérience. Donc, si l’on conçoit l’individu comme étant autodéterminé, le conseiller aura pour

tâche de faciliter la rencontre par l’individu de ses blocages, de ses conflits, de l’ancrage de son passé au-travers de son expérience

présente (Lecomte et Drouin, 2007). Bien que Rogers sera celui qui initiera et maintiendra le plus une posture centrée sur la personne,

la plupart des approches du courant humaniste accorde une importance primordiale à la relation conseiller-client (relation de

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confiance) empreinte de compréhension et d’acceptation pouvant faciliter la reconsidération des problèmes et des inquiétudes, ainsi

qu’une mise en action subséquente plus rationnelle (Lecomte et Drouin, 2007).

QUELQUES MOTS SUR CARL ROGERS

La figure la plus souvent associée au courant humaniste est celle de Carl Rogers. Psychologue, thérapeute, chercheur, pédagogue,

formateur, mais longtemps reconnu comme un quasi-imposteur par ses pairs au sein de toutes ces disciplines (Collectif « Savoirs et

rapport au savoir », 2003; Cournoyer, 2011a) constitue l’un des grands penseurs de notre temps. Ses travaux ont entre autre permis de

développer des conceptions et des outils thérapeutiques s’appuyant sur l’idée d’un individu apte à apprendre de manière autonome et

d’évoluer par lui-même (Rogers, 1971). C’est sans aucun doute à Rogers que la plupart des conseillers d’orientation québécois doivent

leur capacité de créer une relation d’aide par l’appui de compétences relationnelles variées (Cournoyer, 2011b). C’est également à

Rogers que l’on doit plusieurs travaux sur l’étude des conditions requises pour l’établissement d’une véritablement relation de

confiance. Lecompte et Drouin (2007) rappelle entre autre à ce sujet les notions de congruence (conscience de la façon de vivre sa

relation avec le client); d’authenticité (vivre ses propres sentiments, sans fuite, ni déni, aptitude à les intégrer et, au besoin, de les

communiquer); de respect inconditionnel (accepter les facettes de l’expérience de son client comme partie prenante de son

individualité); de valorisation, d’acceptation et de confiance en autrui (valoriser les apprentissages, témoigner une attention

bienveillante non possessive; conviction intime de la dignité de la personne); de compréhension empathique.

LES APPROCHES HUMANISTES LES PLUS RECONNUES

Le courant de la psychologie humaniste s’associe comme les autres à une quantité innombrable d’approches. Toutefois, l’approche

centrée sur la personne de Carl Rogers, la Gestalt thérapie de Fritz Perls, ainsi que la psychologie existentialiste que l’on peut

notamment associée à Frank Yalom figurent parmi les plus reconnus mondialement. Les descriptions qui suivent ne sont bien sûr pas

exhaustives. L’approche centrée sur la personne pose comme principe que la compréhension passe non pas par l’interprétation (fait

forcer les choix), mais par l’écoute empathique, le mouvement pas à pas de la conscience du client à percevoir sa réalité interne. Tel

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que le soulignent Lecomte et Drouin (2007), l’intervention humaniste teindra compte de l’écoute empathique, de l’accompagnement

du client au-travers principalement de la relation d’échange, de la différenciation des critères internes de la personne (constructif, non

constructif) et de l’intégration de nouvelles significations. Pour les tenants d’une approche centrée sur la personne, l’expérience

« émotionnelle » au sein de la relation traduit un ressenti interne en mots cohérents et contribue grandement à faciliter la conduite

d’une démarche authentique et honnête avec soi-même. En ce qui concerne la Gestalt thérapie, Lecomte et Drouin (2007) souligne

la plus forte orientation de cette approche pour la découverte d’expérience plus approfondies, plus enfouies, inavouées, parfois

insoupçonnées. Souhaitant dépasser les références habituels du client, l’intervenant est plus actif que pour l’approche centrée sur la

personne au plan du partage de ses impressions ici et maintenant et d’interventions visant à permettre le maintien du contact par le

client de ses sensations, ses expressions non verbales, ses processus d’évitement, d’interruption ou d’évolution de la conscience

(Cournoyer, 2011b). Les notions de conflits, de blocages, de résistances, d’anxiété et d’angoisse y sont très présentes (Lecomte et

Drouin, 2007). Enfin, la psychologie existentialiste se démarque par son focal sur les choix et les buts de vie (existentiels) de la

personne. Selon cette approche, la compréhension de soi passe par l’expérience et la compréhension de l’anxiété et de l’angoisse

existentielle (Lecomte et Drouin, 2007). L’absurdité de la vie humaine, la fatalité de la finitude de la vie humaine, de la solitude

fondamentale de chacun de nous peut permettre à un conseiller d’orientation de pouvoir ainsi mobiliser son client quant à ce qu’il

souhaite faire du reste de sa vie personnelle et professionnelle (Cournoyer, 2011b). En relevant et en tentant de mieux comprendre ses

propres mécanismes de refoulements, déformations de sens et modes d’évitement, la personne peut ainsi s’affirmer davantage en tant

qu’être libre et responsable de sa vie, de ses choix et de ses potentialités.

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Cognitivisme et émotions selon Beck Louis Cournoyer, c.o., professeur (UQÀM)

Si l’orientation et le développement de carrière ne tenaient qu’à l’établissement d’une mise en adéquation de caractéristiques

personnelles et de possibilités professionnelles, alors notre travail serait d’une telle simplicité qu’il faudrait alors se reconnaître

davantage technicien que professionnel. Mais voilà, bien que les demandes de certains clients puissent ne pas déborder le cadre de la

transmission d’informations scolaires et professionnelles, plusieurs autres proviennent de personnes aux prises avec l’incapacité de

traiter adéquatement l’information. Parfois, il peut s’agir d’une question d’apprentissage, soit de disposer d’une grille, d’une procédure

ou d’une manière quelconque pour examiner les possibilités s’offrant à eux, parfois il s’agit plutôt d’une question d’organisation

cognitive. Dans ce dernier cas, les personnes manifestent des pensées automatiques, des croyances irrationnelles ou encore des

schémas d’adaptation qui les amènent à vivre des émotions et à adopter des attitudes et des comportements dysfonctionnels au plan de

la capacité à s’orienter.

Pour Aaron Beck, les problèmes individuels « découlent en grande partie de certaines distorsions de la réalité fondées sur des

hypothèses et des prémisses erronées. » (2010, p.9) Autrement dit, des problèmes tels que nous pouvons observer quotidiennement

chez nos clients témoignent de la manière dont ils évaluent différentes situations et qu’ils y réagissent lorsqu’il s’agit, par exemple, de

porter un jugement sur soi-même, de fonctionner avec les autres (notamment au sein de la relation d’accompagnement vécue avec

nous), de donner sens au monde qui les entoure et aux possibilités qui s’offrent à eux. À de mêmes situations, chacun procède par une

interprétation propre selon la réalité de vie construite au travers de son parcours de vie. Néanmoins, chacun « possède la clé pour

comprendre et résoudre la perturbation psychologique située dans le champ de sa propre conscience. » (Beck, 2000, p.8) Ce texte

traite du livre La thérapie cognitive et les troubles émotionnels d’Aaron Beck, une traduction française de 2010 d’un ouvrage de 1976

ayant marqué la discipline de la psychologie.

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Qui est Aaron T. Beck ?

Aaron T. Beck est un psychiatre américain aujourd’hui professeur émérite de l’Université de la Pennsylvanie. Au début des années

1960, il développe les fondements de la thérapie cognitive. Intervenant alors à titre de psychiatre auprès de personnes dépressives, il

constate rapidement chez ces derniers une propension particulière à l’entretien de pensées négatives récurrentes à propos d’eux-

mêmes, des autres, du monde ou à l’égard de leur avenir. C’est alors qu’il développe des principes et des techniques

d’accompagnement visant à faciliter l’identification et l’évaluation de pensées automatiques qui minent la qualité de vie des individus,

afin de les amener vers l’adoption d’attitudes plus réalistes et constructives. Il approfondit également les enjeux d’une relation

thérapeutique proactive où intervenant et client travaillent ensemble sur des objectifs communs. Les principes et les techniques de la

thérapie cognitive sont aujourd’hui reconnus et répandus à travers le monde, à travers plusieurs modèles de psychothérapie et de

counseling, ainsi qu’à travers plusieurs types de clientèles et de problématiques. Au travers de plus de 500 articles et de 22 ouvrages,

Beck a contribué à l’avancement de connaissances scientifiques en psychothérapie, en psychopathologie et en psychométrie qui

servent aujourd’hui de bases conceptuelles aux interventions quotidiennes d’un nombre important de professionnels des relations

humaines, de l’éducation et de la santé mentale.

Compte-rendu commenté de l’ouvrage de Beck (2010)

Beck, A. T. (2010). La thérapie cognitive et les troubles émotionnels. Traduction de B. Pascal de Cognitive therapy and

the emotional disorders (1976). Bruxelles : de Boeck.

Le chapitre 1 s’intitule Du « bon sens » et au-delà. Pour Beck, de grandes distorsions cognitives, tant chez le client que chez

l’intervenant, peuvent s’opérer au nom d’un gros bon sens populaire. Selon notre histoire personnelle, notre environnement de

développement, ainsi que les événements façonnant notre vie, l’être humain construit son propre système de pensées, d’émotions et de

comportements de manière à donner un (bon ?) sens à sa vie. Plusieurs problèmes d’orientation et de développement de carrière sont

intiment liées à cette manière d’entrevoir et de réagir à des situations réelles ou anticipées. Les choix et les décisions de nos clients

peuvent ainsi s’opérer par l’influence plus ou moins ajustée de croyances, d’interprétations, de généralisations de soi, des autres et du

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monde. Beck rappelle d’ailleurs que les intentions de suicide, le cheminement vers la dépression, les comportements obsessifs et

compulsifs ou encore les troubles anxieux de différentes natures relèvent tous de conséquences faisant plein de « bon sens » pour les

personnes qui les vivent – ce qui est tout le contraire pour celles vivant autour d’eux. À cet égard, il importe aux professionnels de

l’éducation, des relations humaines et de la santé mentale à aider les personnes à mieux discriminer leurs erreurs d’interprétation

(pensées, émotions, comportements) en facilitant l’adoption de capacités discriminantes plus affinées et d’attitudes plus adaptées.

Le chapitre 2 s’intitule Vers l’exploitation du langage intérieur. Il y est question du phénomène d’idéation. La construction des idées

s’appuie sur une organisation cognitive intimement liée à des émotions et des comportements opérant sous certaines conditions et

certains contextes. De la même manière, l’anticipation de l’avenir repose sur des idées à l’égard de soi, des autres et du monde fondées

par notre histoire d’apprentissage de la vie où nous a été communiqué des normes, des règles et des valeurs : si je fais ceci/si je ressens

ceci …, alors je vais cela … Automatiquement, mais consciemment (distinction importante de la thérapie cognitive par rapport aux

approches psychanalytiques), un langage intérieur se développe et s’opère par l’adoption interactive de pensées, d’émotions et de

comportements lorsque nous devons agir ou réagir à des situations internes ou externes (ex. : il faut …, donc « je ressens … et je fais

… »).

Le chapitre 3 s’intitule significations et émotions. Lorsqu’un événement se produit, quelle en est la signification qui lui est accordée ?

L’une des distinctions importantes à cet égard selon Beck porte sur la prise en compte de significations publiques et privées. La

signification publique est celle partagée par un groupe d’une même culture, organisation ou société et qui se conventionne par une

définition formelle. La signification privée est propre aux individus. Elle donne un sens, une connotation et une image unique à des

événements partagés ou non avec les autres. Selon Beck, le récit de vie constitue la porte d’accès aux significations privées des

personnes. En explorant les pensées, les sentiments, les envies conférées à des événements et les généralisations pouvant s’en dégager

à l’égard de soi-même, des autres ou du monde accède alors à des informations lui permettant tranquillement d’établir des liens afin

de mieux comprendre l’organisation cognitive de la personne. Par exemple, quelle est la signification privée d’une perte d’emploi ?

Quelle est la signification privée conférée à l’idée d’une carrière en informatique ou en travail social ? Quelle est la signification

conférée par le client au travail même de counseling de carrière que vous réalisez avec lui ? Également, ce troisième chapitre aborde la

question des transgressions que certains événements, certaines rencontres ou certaines situations engendrent (automatiquement) sur les

pensées, les émotions et les comportements. Beck y distingue le rôle et la forme des transgressions intentionnelles (volontaires,

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délibérées, dirigé contre ou vers quelqu’un ou quelque chose), non intentionnelles (indirectes, construites subjectivement, dont

l’impact procède par une série d’associations qui n’ont rien avoir avec l’action initiale) ou encore hypothétiques (qui se fondent sur

des règles, des mœurs ou normes implicites de droits et de bonne conduite). Plusieurs pensées automatiques peuvent se manifester par

l’expérience de telles transgressions et les intervenants peuvent, là aussi, y voir une occasion d’exploration et de compréhension

intéressante de la manière dont l’individu construit sa réalité et y mènent des actions concrètement dirigées sur la construction de

projets professionnels.

Le chapitre 4, intitulé Le contenu cognitif des troubles émotionnels traite du rôle perturbateur des émotions sur les contrôles portés

sur soi, sur les autres et sur le monde. Il aborde également le développement ou le maintien d’idées répétitives et de pensées

automatiques à partir de la manifestation de certaines émotions. Ces émotions ressenties face à des événements ou des situations

personnelle, interpersonnelle ou extra personnelles sont, selon une approche cognitive, simultanément la source et la résultante de

pensées, de perceptions, de représentations, d’évaluation quant aux risques, aux anomalies, aux auto-injonctions de l’individu. Tel que

le souligne Beck, il s’agit là de biais cognitifs pouvant influencer la direction de l’attention, la réduction de la conscience le traitement

sélectif d’informations. Les phénomènes de distorsion par personnalisation de la réalité, de pensée polarisée ou rigide, de

comportements évitant ou compensatoires en sont des exemples éloquents. Beck expose d’ailleurs des rapprochements entre ces biais

cognitifs et le développement de tendances dépressives, d’hypomanie, d’angoisse, de phobie, de paranoïa, d’obsession, de compulsion,

d’hystérie et de psychose.

Le chapitre 5 est le premier de quatre chapitres portant sur des applications possibles d’une approche cognitive de certains troubles de

santé mentale. Celui porte spécifiquement sur Les paradoxes de la dépression. Beck considère la dépression sous l’angle d’un trouble

émotionnel lié à un « sentiment de perte ». Tel semble, selon lui, le fil conducteur pouvant guider les intervenants œuvrant auprès de

personnes dépressives : qu’est-ce qui rend la personne triste, quelles idées répétitives l’habitent, quels éléments marquants lui

apparaissent les plus centraux et essentiels à son bonheur ? Comment cette personne s’évalue-t-elle? Comment évalue-t-elle le

monde autour d’elle ? Comment évalue-t-elle son avenir ? La dépression s’opère à la fois dans le temps (passé, présent, futur anticipé)

et dans l’espace (vie familiale, relationnelle, amoureuse, parentale, conjugale, scolaire, professionnelle, etc.). L’intervenant est invité à

s’intéresser aux impacts, aux répercussions et aux dommages associés au sentiment de perte de la personne au sein de différentes

dimensions de l’existence. Beck propose de procéder tout d’abord à un examen minutieux de l’autocritique, de l’auto condamnation,

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de la sévérité du rejet portée sur soi, de la comparaison faite à l’égard des autres et du monde, et ce, tout en gardant le cap sur l’objet

associé au sentiment de perte, souvent quelque chose qui comptait beaucoup jadis pour la personne. Au fil des échanges et des

rencontres, l’intervenant et le client pourront ainsi élaborer une conception circulaire des événements et des impacts vécus, ce que

Beck qualifie de « réaction en chaîne ». Entre autres, il sera souvent question d’anticipation pessimiste chez la personne, ainsi que du

rôle d’entraînement de certaines émotions, même lorsqu’il s’agit d’expériences de joie ou de réussite. Dans le cas de comportements

suicidaires, Beck le qualifie d’ultime désir d’évitement de la souffrance pour soi, ainsi que pour les autres personnes autour, à qui l’on

croit faire subir celle-ci. Le travail auprès de personnes dépressives ne peut s’opérer qu’à partir d’un minimum de motivation exprimée

par la personne à l’égard d’une tâche ou d’une activité donnée, par une évaluation préalable de ses capacités afin de bien jauger le

niveau d’efforts, ainsi qu’un sens clair au plan de la valeur du but et des attentes de réussite. En somme, toute programmation

extérieure de l’aide offerte à la personne dépressive est vouée à l’échec et à la perpétuation du sentiment de perte chez la personne. Le

changement motivationnel trouve sa source dans l’intention et le sens.

Le chapitre 6 a pour titre Quand l’alarme est pire que le feu : la névrose d’angoisse. Il y est plus particulièrement question d’anxiété,

aussi bien flottante que chronique. Tel que le souligne le titre, l’anxiété consiste en la perception d’un événement effrayant appelé à se

produire dans le futur. Les personnes anxieuses sont enclines à attribuer des risques de conséquences surévalués aux événements et

aux personnes, de manière à ressentir des émotions et d’adopter des comportements tout aussi erronés. Bien qu’il y ait présence ou

non d’un agent stresseur dans l’environnement immédiat de la personne, la personne anxieuse tend à en surévaluer les risques et les

conséquences. Cela peut ainsi non seulement entraîner des émotions accrues de peur, mais aussi altérer ou paralyser son jugement, sa

capacité d’évaluation, sa mémoire, son raisonnement, puis ultimement sa capacité à faire face aux événements (ex. : préparation aux

examens; performance en entretien d’embauche; entrevoir une rencontre de négociation de salaire ou d’affirmation de ses besoins).

Le chapitre 7 porte sur La peur incompréhensible : les phobies et les obsessions. Souvent identifiées à titre de troubles anxieux

ciblés, les phobies s’associent à une idéation altérée des objets. Les types de phobies sont incalculables : peur des espaces vides

(agoraphobie); peur des endroits élevés (acrophobie); peur des ascenseurs; peur des tunnels; peur des voyages en avion, etc. En

matière d’orientation et de développement de carrière, celles les plus fréquentes sont les phobies sociales. Il n’y a ici qu’à penser à la

peur de l’échec qui peut engendrer des émotions intenses qui peuvent prendre contrôle de facultés intellectuelles (compréhension,

mémoire, pensée) ou motrices. La prise de parole en public constitue une autre manifestation des phobies sociales. Face à un groupe

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d’individus, parfois même des collègues de travail que l’on fréquente tous les jours, la situation constitue un agent stresseur tel qu’il

engendre un état de détresse et de tension chez la personne qui bloque ses capacités de concentration. Pour Beck, l’impact des phobies

sociales chez la personne relève de l’importance des réactions émotives relativement à la perte de contrôle et au jugement des autres

envers soi. Une des raisons pour lesquelles il peut s’avérer difficile de traiter les phobies est que dans une certaine mesure (réaliste), le

danger objectif n’est jamais dénué de risque réel (Beck, 2010).

Le chapitre 8 conclut quatre chapitres abordant des troubles spécifiques au plan cognitif et émotionnel. Celui-ci s’intitule L’esprit

plutôt que le corps : les troubles psychosomatiques et l’hystérie. Depuis toujours, les problèmes du corps et de l’esprit se croisent sur

la frontière de la médecine organique et de la psychologie. Prenant implicitement position, Beck constate que la notion de réel chez la

personne relève non seulement de constructions psychologiques, mais également de certaines prédispositions physiques. Beck définit

les troubles psychosomatiques en termes d’« anomalies démontrables dans le fonctionnement ou la structure d’un organe ou d’un

système physiologique du corps : la peau, le système gastro-intestinal, le système cardiovasculaire ou le système respiratoire » (p.154)

Au cœur des troubles psychosomatiques se trouve les émotions. Celles-ci témoignent de la pression exercée par un stresseur interne

(ex. : concevoir le bonheur comme résultante d’une réalisation de soi dans toutes les dimensions de sa vie, entretenir des exigences

élevées, envisager toutes les situations comme une question d’évaluation de sa valeur à l’égard des autres et socialement) entraînant un

état de tension continuelle, auto-imposé et exagéré. Il est ici possible de penser à un employé qui ressent un mal de tête à chaque fois

qu’il doit assumer des fonctions d’autorité ou d’un étudiant présentant des ulcères lorsqu’il doit rencontrer un client dans le cadre d’un

cours de counseling de carrière, alors que ces deux personnes n’ont jamais véritablement échoué ou vécu de difficultés notables par

rapport à ces activités. Tel que le mentionne Beck, le cycle psychophysiologique comprend un événement externe, qui entraîne une

expérience de stress important, l’adoption de croyances quant aux dangers associés à celle-ci, puis à des manifestations

physiologiques. Ce débordement psychologique se manifeste généralement par une souffrance disproportionnée et une anticipation

exagérée des conséquences. Toutefois, il arrive aussi que la souffrance psychologique soit tellement importante qu’elle entraîne

l’apparition de réels problèmes de santé physique. C’est pourquoi les approches cognitives préconisent l’accès conscient à cette double

souffrance par les personnes en difficulté. Beck fait entre autres référence aux techniques d’imagerie somatique telles que des

exercices de représentation du soi somatique et de son influence sur les émotions, puis sur les pensées qui orientent les

comportements; les procédures de stimulation visuelle où une expérience sur mode vidéo présente une gamme de situations

potentiellement porteuses de sensations physiques plus ou moins intenses chez la personne; les analyses de rêves centrées sur les

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sensations corporelles associées à certaines images, souvent répétitives lors des périodes de sommeil. En terminant, Beck distingue

les troubles psychosomatiques des troubles hystériques. Ces derniers présentent également une distorsion cognitive qui entraîne

l’expérience d’une sensation de dysfonctionnement physique, mais sans qu’il n’y ait pour autant de maladie ou d’anomalie apparente.

Les quatre derniers chapitres du livre (9, 10, 11 et 12) constituent une forme de retour synthétisée sur les approches cognitives. Le

chapitre 9 présente Les principes de la thérapie cognitive. Tout d’abord, Beck porte la souffrance psychologique au cœur des

approches cognitives. À cet égard, le travail d’intervention auprès des personnes en souffrance doit miser sur l’utilisation de

techniques efficaces afin d’identifier, d’évaluer et de corriger les conceptions et les autosignaux erronés qui maintiennent les

personnes en état de fragilité, de confusion, de déception à l’égard d’eux-mêmes, des autres, du monde et de la perspective d’un avenir

heureux. Toujours selon Beck, les réactions émotionnelles constituent la clé donnant accès aux souffrances de la personne. De son

coté, les cognitions révèlent la manière dont cette souffrance est construite et les zones d’intervention spécifiques afin d’en atténuer ou

d’en modifier les effets, que ce soit en termes d’attitudes ou de comportements. Trois types d’approches peuvent guider l’intervenant

de la thérapie cognitive. Tout d’abord, Beck nomme l’approche dite intellectuelle. Celle-ci porte sur l’identification d’erreurs de

conception chez la personne, puis d’une discussion visant à tester leur validité, afin de favoriser une compréhension de l’interaction

entre ses émotions, ses pensées et ses comportements lors de l’expérience de certains contextes, puis l’adoption d’attitudes plus

appropriées. Une autre approche est dite expérientielle. Celle-ci mise sur l’exposition de la personne à des situations d’expériences

suffisamment puissantes émotionnellement de manière à confronter les cognitions erronées de la personne et de soustraire les erreurs

de conceptions associées. Enfin, l’approche comportementale, de nature plutôt pédagogique, mise sur l’apprentissage de nouvelles

conceptions de soi et de la réalité environnante en parallèle à des essais comportementaux en conséquence. Pour être efficaces, les

personnes cibles visées par les approches cognitives doivent être minimalement aptes à l’introspection et à la réflexion sur ses pensées.

Conséquemment, l’intervenant faisant appel à une telle approche tiendra compte du niveau de développement intellectuel et de

formation du langage de la personne (dénomination d’objets et de situations; élaboration et vérification d’hypothèses). Sur le plan de

la relation de travail avec son client, l’intervenant s’assure d’une collaboration authentique, ce que Beck qualifie d’entente claire et

formelle entre l’aidant et l’aidé à propos d’un problème à régler, le but de la démarche, les moyens à utiliser, la nature et la durée de

l’intervention, la participation active essentielle du client pour alimenter le travail commun. L’intervenant devra également se montrer

souple face à l’émergence de nouvelles préoccupations soulevées par le client au fil des rencontres. L’alliance collaborative nécessaire

à l’efficacité de la démarche devra permettre au client d’exprimer ses pensées et ses sentiments, sans risque de honte, d’infériorité ou

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d’imperfection, notamment lors des rétroactions fréquentes et nécessaires de la part de l’aidant. En fait, l’intervention ne porte pas

tant sur la personne en problème que sur le problème de la personne. Une méthode de résolution de problème permet une distanciation

suffisante entre la personne et son problème, ce qui permet une meilleure conscience des impacts d’actions portées sur le

développement de nouvelles façons de pensées, de ressentir et de vivre … et transférables à d’autres dimensions de vie. La crédibilité

constitue également un enjeu important pour Beck. Pour ce dernier, l’intervenant doit afficher une position neutre, ni trop optimiste, ni

défiante, qui encourage l’expression de pensées automatiques et de croyances irrationnelles, qui porte une écoute attentive à la

capacité de s’ouvrir du client selon les méthodes employées. Celui-ci doit faire attention de tomber dans une dynamique d’intervenant-

surhomme (client attribuant au conseiller l’autorité et la responsabilité de la démarche, abandonnant du coup sa capacité

d’autocritique), ni celle d’intervenant-menace (qui affronte, plus que ne confronte les résistances du système de croyances du client).

De même, il doit éviter de devenir un intervenant trop optimiste tellement centré sur la dynamisation positive que la cliente peut y

percevoir un manque de considération à la gravité de ses difficultés. En terminant, Beck décrit les phases d’un travail de résolution de

problème par reconstruction d’une séquence causale. Ainsi, l’intervenant cherchera tout d’abord à identifier le dénominateur commun

aux multiples difficultés et symptômes du client. Ensuite, il tente d’élaborer une chaîne de symptômes relatifs aux problèmes vécus

par le passé et actuellement. Enfin, il articule un modèle conceptuel de l’expérience subjective de la personne en le partageant et le

corrigeant au travers d’un travail ensemble.

Le chapitre 10 aborde Les techniques de la thérapie cognitive. Plusieurs de ces techniques sont proposées par Beck et la plupart

peuvent être utilisées au sein de mêmes stratégies d’intervention. D’abord, il propose la méthode expérimentale où des hypothèses

sont identifiées, puis vérifiées par une expérience plus ou moins contrôlée. La technique de reconnaissance d’idéations inadaptées ou

de pensées automatiques vise de son côté à entraîner la personne à relever progressivement les manifestations de certaines cognitions

dysfonctionnelles à partir de l’émergence d’émotions récurrentes. Dans le cas de pensées automatiques moins facilement accessibles,

Beck propose la technique de remplissage des « blancs », laquelle implique un travail d’approfondissement et d’observation de la

succession de pensées, d’émotions et comportements par rapport à différents événements externes. La technique de distanciation et de

décentration relève davantage d’une attitude. La distanciation facilite la soustraction de la personne par rapport à une dynamique

situationnelle par l’essai d’une nouvelle perspective. La décentration porte plus particulièrement à éviter le piège de la

personnalisation des composantes d’un événement par rapport à d’autres possibilités dépassant sa seule expérience subjective. Parmi

les autres techniques nommées par Beck, il y a aussi celle d’authentification des conclusions où les conclusions automatiques et

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potentiellement erronées des personnes sont soumises à des épreuves d’argumentation logique. La technique du changement de règle

consiste quant à elle à explorer et identifier des situations de risque, d’insécurité, de souffrance où sont autosuggérées des obligations

(il faut que …! je n’ai pas le choix …; c’est la vie …) et des règles de fonctionnement (ex. : si (mon conjoint, mon père ou ma mère,

mon enfant) ne m’aime pas, je ne vaux rien; si un collègue n’est pas d’accord avec moi, c’est qu’il veut me rabaisser ; si je refuse une

demande de mon patron, je vais perdre de l’importance dans l’entreprise). De façon générale, les stratégies d’interventions proposées

par ce type d’approche cognitive ont pour objet d’aider la personne à corriger un problème par une démarche systématisée afin

d’éviter les essais-erreurs, l’errance parmi des méthodes disparates, la perte de direction.

Le chapitre 11 aborde La thérapie cognitive de la dépression. Ce type de problématique rejoint plus particulièrement les intérêts de

recherche d’Aaron Beck. Dans son ouvrage, il propose d’ailleurs un tableau (p.216-217) - très pertinent pour les praticiens - traitant

d’interventions spécifiques à certains types de problème ciblés avec la personne : inertie, évitement, fatigabilité, intentions suicidaires,

désespoir, manque de gratification, autocritique et haine de soi, douleurs émotionnelles, surévaluation des exigences, des problèmes et

des pressions externes. Bien que le symptôme d’un problème puisse apparaître sous la forme d’émotions ou de comportements,

l’efficacité de toutes interventions porte sur la modification de l’organisation cognitive de la personne. Pour ce faire, les stratégies

d’intervention sont multiples : activités de structuration des pensées du client; prescription de tâches avec niveau progressif de

difficulté ; relativisation consciente de situations de vie tout aussi plaisantes que déplaisantes; réévaluation cognitive séquentielle

(symptômes, cognitions, motivations, généralisations, inférences arbitraires, pensées dichotomiques, théories personnelles implicites,

tests de validation d’hypothèses et de prémisses). D’autres stratégies d’intervention porteront davantage sur l’essai de nouvelles

attitudes et de nouveaux comportements suivis d’un travail d’analyse rétrospective et de la mise en place de solutions d’alternative aux

problèmes psychologiques. De plus, les stratégies pourront également porter sur la visualisation et l’entraînement à l’imagination de

situations problématiques et de formulation d’alternatives éclairées (but, étapes de réalisation, obstacles et conflits potentiels,

ajustements possibles). De plus, ces tâches peuvent aussi bien se réaliser en contexte d’entretien avec l’intervenant que par

assignation de tâches à domicile décidé, puis revisité (retour sur l’expérience) lors de ces rencontres.

En guise de douzième et dernier chapitre, Beck aborde Le statut de la thérapie cognitive. Il énonce une posture personnelle à l’égard

de l’importance de l’exhaustivité, de la fiabilité et de la validité de modèles théoriques d’intervention auprès des personnes. Parmi les

critères permettant une juste évaluation de la qualité des approches et modèles théoriques d’intervention, Beck nomme d’abord

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l’importance de pouvoir s’appuyer sur une théorie ou un modèle théorique exhaustif sur le plan de la cohérence interne

(opérationnalisation des concepts), des principes logiques qui lient la théorie à la pratique, à l’explicitation de ses particularités, de ses

avantages et de ses limites par rapport à d’autres théories ou modèles, à la souplesse lui permettant le favoriser le développement de la

recherche et de nouvelles techniques, ainsi qu’à la vérification par la preuve empirique de ses hypothèses, de ses axiomes et de ses

postulats. Une autre dimension importante de la qualité d’une théorie ou d’un modèle théorique d’intervention est de décrire de

manière détaillée les différentes techniques permettant son utilisation en contexte pratique : définitions et descriptions claires,

exhaustives et applicables; argumentation empirique favorable, fiable; à leur efficacité en situation d’intervention similaire par des

essais conduits avec des mesures , des groupes témoins, des évaluations par juges indépendants et par un suivi à long terme. Par la

suite, Beck se livre à un examen comparatif des approches cognitives avec celles d’allégeances psychanalytiques ou

comportementales au plan de certaines variables telles le statut de la conscience, le rôle d’accompagnement, la nature du changement,

les mécanismes sur lesquels se réalisent l’intervention, le transfert de connaissances à des fins de formation et de recherche.

Pertinence pratique

L’ouvrage de Beck expose les fondements de la thérapie cognitive. Les professionnels de l’orientation et du développement de

carrière qui souhaiterait faire l’usage d’une telle approche devraient 1) prendre en compte la dimension du fonctionnement

psychologique de la personne lors de leurs interventions; 2) accorder une place prépondérante à l’organisation et l’opérationnalisation

des mécanismes cognitifs de la personne ; 3) considérer les émotions et les comportements de la personne à titre de symptômes

significatifs de l’expérience de certains événements, de certaines rencontres ou de certains contextes. En contexte d’intervention

individuelle ou de groupe, de formation ou d’enseignement, d’encadrement ou de gestion de personnel, une approche cognitive de

l’orientation et du développement de carrière peut enrichir la pratique de professionnels sensibles aux pensées automatiques, aux

croyances irrationnelles, aux idéations, aux généralisations ou encore aux interprétations des personnes par rapport à elles-mêmes, aux

autres, au monde, ainsi qu’à l’égard de leur vision de l’avenir.

Une intervention réalisée sous une approche cognitive peut ainsi bénéficier d’une entrée en relation de travail par l’analyse de récits de

vie. En se racontant, la personne est ainsi invitée par son conseiller à un travail d’approfondissement et d’exploration certains enjeux

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problématiques. Progressivement, une telle approche pourra faciliter l’identification de liens possibles entre différents événements

présentant des similitudes quant aux cognitions, émotions et comportements s’y associant. Après quelques rencontres, ces différents

liens établis pourront permettre une meilleure articulation d’ensemble du fonctionnement psychologique de la personne. Au travers de

toutes ces actions précédentes et à partir de ce moment, les interventions peuvent alors permettre l’identification de mécanismes

cognitifs spécifiques sur lesquels mettre en place des méthodes menant vers des attitudes et des comportements plus éclairés à l’égard

de leur orientation et de leur carrière.

Parmi les avantages d’une telle approche, notons 1) la considération de la dynamique d’interdépendance entre cognitions, émotions et

comportements; 2) la possibilité de mesurer et d’observer les effets de l’intervention; 3) l’accent sur le problème de la personne plutôt

que de la personne en tant que problème, ce qui évacue de possibles conséquences culpabilisantes pour le client; 4) sur une plus

grande responsabilisation du client en raison d’interventions centrées sur les mécanismes psychologiques accessibles à la conscience;

5) sur la possibilité du conseiller à jouer plus aisément un rôle actif au sein de la démarche et de faire valoir aisément au client la

participation active essentielle dont il doit faire preuve pour être aidé à s’aider.

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Quelques modèles d’intervention en orientation Stéphanie Gervais, c.o.3

Il existe diverses façons de concevoir et de pratiquer l’orientation professionnelle et il serait impossible de couvrir l’ensemble des

approches existantes en orientation dans le cadre de cette activité dirigée. Toutefois, il est possible de les regrouper selon trois types

d’approches en orientation. Ainsi, l’orientation éducative, l’orientation positive et l’orientation dite plus clinique seront présentées

dans cette section ainsi que leur modèle-type d’intervention.

Orientation éducative

Il est possible de situer le début du développement des méthodes d’éducation à l’orientation dans les années 1970 (Guichard et

Huteau, 2006). Les méthodes d’éducation à l’orientation visent entre autres, à enrichir le bagage des connaissances des jeunes sur le

monde professionnel en leur fournissant de l’information sur les études et les professions, bien qu’elles ne limitent pas à cela

(Pelletier, Bujold et coll., 1984). Elles ont également comme visée de permettre à l’individu de mieux se connaitre, de faciliter son

implication dans le processus d’orientation et de développer des habiletés et des attitudes le rendant apte à prendre des décisions

concernant son avenir (Pelletier, Bujold et coll., 1984; Guichard et Huteau, 2006).

Le plus souvent, les méthodes d’éducation à l’orientation se présentent sous forme d’activités et d’exercices papier-crayon. Le

processus est généralement bien structuré et programmé. Dès le début, des objectifs généraux sont clairement définis et des objectifs

3 Gervais, Stéphanie (2012). Les stratégies d’intervention mises en œuvre par des conseillers d’orientation du réseau d’enseignement collégial auprès de collégiens inscrits au

secteur régulier. Rapport d’activités dirigées présenté comme exigence partielle de la maîtrise en carriérologie. Sous la direction de Louis Cournoyer, professeur. Montréal :

Université du Québec à Montréal. Document disponible en ligne : http://orientationpourtous.blogspot.ca/2012/09/essai-en-ligne-les-strategies.html

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spécifiques en lien avec les activités et les exercices sont également établis (Guichard et Huteau, 2006). Durant le processus

d’intervention, le conseiller s’attarde à l’exploration du passé de l’individu, l’évaluation des possibilités dans le présent et la projection

vers l’avenir. Comme le précisent Guichard et Huteau (2006), le rôle du conseiller selon cette approche est de transmettre des

connaissances à son client en vue qu’il développe des capacités mentales à réfléchir sur soi, ses expériences et sur le monde qui

l’entoure.

La méthode de l’ADVP sera présentée dans cette partie puisqu’il s’agit du modèle-type en orientation éducative. L’ADVP est inspiré

de la psychologie développementale de Super et notamment, de la psychologie cognitive de Guilford (Guichard et Huteau, 2006). En

effet, les auteurs (Pelletier, Noiseux et Bujold, 1974), ont déterminé des tâches développementales à réaliser dans le cadre d’un

processus de prise de décision vocationnelle, qu’ils ont associées aux habiletés cognitives de Guilford. Ainsi, cette méthode vise à

mettre en action les habiletés intellectuelles nécessaires à la réalisation de chacune des tâches développementales en vue d’atteindre la

maturité vocationnelle.

La méthode de l’ADVP est constituée de quatre étapes, correspondant à des tâches développementales ou évolutives en vue d’acquérir

une identité professionnelle qui se réalise tout au long de la carrière. La première tâche concerne l'Exploration, qui met l'accent sur la

connaissance de soi et sur le monde. Tel que le stipulent Super et Holland, la connaissance de soi est à la base d’une démarche de

choix de carrière, car elle permet d’effectuer un choix professionnel éclairé (Bujold et Gingras, 2000). Pour établir ce choix, les

conseillers qui travaillent selon une approche éducative amènent l’individu à explorer les diverses composantes de son identité

personnelle telles ses intérêts, ses aptitudes et ses valeurs, ses forces et ses limites, ses traits de personnalité, etc. Également, c’est

l’étape de l’exploration du monde du travail et des professions. À ce moment, l’individu considère une grande variété de possibilités

en lien avec lui-même et le monde du travail (Guichard et Huteau, 2006). Lors de l’exploration, l’individu fait des choix provisoires, il

découvre et s’informe. À la deuxième étape, la Cristallisation, il s’agit pour l’individu de comprendre et d'ordonner les informations

recueillies au cours de l’exploration pour qu’il s'y situe et se positionne. À partir de ce moment, «une image de soi centrale, cohérente

et stable commence à s’organiser» (Pelletier et coll., 2001). Effectivement, à cette étape les individus commencent à exprimer l’image

qu’ils ont d’eux-mêmes et de certaines professions afin de faire des choix, mais ces préférences peuvent tout de même demeurer assez

vagues (Bujold et Gingras, 2000). D’ailleurs, on dit de ces préférences qu’elles sont exploratoires puisqu’elles peuvent être très

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diversifiées et être abandonnées en cours de route par la personne. Ce n’est que graduellement que le lien s’effectue entre les

informations recueillies au cours de l’exploration (intérêts personnels) et le choix professionnel (Pelletier et coll., 2001).

Les deux dernières étapes du processus font partie d’un continuum. La troisième étape concerne la Spécification d’une préférence

vocationnelle. Au cours de cette phase, l’individu intègre dans sa réflexion les facteurs à considérer, ses motivations et les valeurs qui

lui serviront de critères d’évaluation (Pelletier et coll., 2001). Cela est fait en vue de la hiérarchisation des possibilités envisagées

précédemment afin d’en arriver à la formulation d’un projet professionnel relativement précis. Enfin, la dernière étape est la

Réalisation, c’est-à-dire l’actualisation d’une préférence vocationnelle. Elle vise la concrétisation et la mise en place d'un plan

d'action. Il s’agit pour l’individu d’identifier de quelle manière il actualisera sa préférence en faisant par exemple, une liste des

démarches à faire, des obstacles, des moyens à sa disposition, de ses ressources et du soutien disponible, etc. Cependant, certaines

personnes peuvent entamer l’étape de la réalisation sans avoir préalablement cristallisé et spécifié leur préférence, ce qui peut avoir

des conséquences sur la persévérance par rapport au choix établi (Bujold et Gingras, 2000).

Orientation positive

La psychologie positive se différencie des approches thérapeutiques traditionnelles ayant pour but d’étudier et résoudre les

«pathologies» du client en proposant pour sa part, une perspective positive de l’intervention. De la même manière, l’orientation

positive ainsi que le développement de carrière en général, vise à soutenir l’épanouissement de la personne en proposant des

interventions strictement préventives, et non curatives. (Desjardins, 2006). Les tenants de l’orientation positive soutiennent qu’il est

important de ne pas rester focalisé sur le problème, qu’il n’est donc pas nécessaire d’en savoir beaucoup sur le problème, ni d’en

connaître la nature pour aider le client à le résoudre (O’Hanlon et Weiner-Davis, 1995). En effet, on adopte la perspective inverse,

c’est-à-dire que plutôt que de tenter de résoudre les problèmes du client, on cherche à élaborer des solutions avec celui-ci (Lamarre,

2005). Ces solutions se trouvent dans le présent et le passé du client, et non dans l’avenir. Entre autres, c’est par l’identification des

moments où son problème est absent, la question des exceptions, que le client peut distinguer des solutions qu’ils avaient sous les

yeux, c’est-à-dire des solutions ayant déjà fonctionnées dans le passé et qu’il avait oublié ou encore, des solutions qu’il n’avait tout

simplement pas remarquées (O’Hanlon et Weiner-Davis, 1995).

Page 28: Recueil de texte en  counseling

28

Desjardins (2006) mentionne que les objectifs poursuivis en orientation positive sont de : 1) reconnaître les ressources des individus;

2) travailler avec eux au développement de leur potentiel; 3) créer l’espoir de vivre heureux. Chaque individu possède des ressources

et des forces qui peuvent être exploitées pour effectuer les changements qu’il souhaite apporter dans sa vie. Toutefois, puisque les

individus utilisent naturellement leurs forces, ils ont souvent «tendance à les sous-estimer et à les considérer comme normales et sans

grand impact» (Desjardins, 2006, p.6). C’est précisément le rôle du conseiller de tenter d’accéder aux forces et aux ressources

disponibles de son client afin qu’il puisse les reconnaître et les utiliser en pleine conscience. En reconnaissant ses forces, cela

augmente la confiance du client et favorise l’utilisation de celles-ci vers l’atteinte de son projet de carrière ou de vie.

Avec ce type d’intervention dite positive, il est possible d’observer des changements rapides chez le client et même de résoudre

rapidement les problèmes. Les démarches en orientation positive sont brèves, elles se situent généralement entre quatre ou cinq

séances, et ne dépassent pas dix rencontres (O’Hanlon et Weiner-Davis, 1995). La situation du client change continuellement, même

s’il ne s’en aperçoit pas ou qu’il n’en prend pas conscience. Le conseiller doit donc s’attarder à repérer ces éléments de changement

positif dans la vie du client et voir à les amplifier. Notamment, c’est grâce à des tâches intersessions, prescrites par le conseiller, que

les changements s’opèrent et se consolident.

Le modèle-type d’intervention en orientation positive est l’approche orientée vers les solutions (AOVS), qui sera présentée dans cette

section. Cette approche a été développée vers la fin des années 1970 par Steve de Shazer, Insoo Kim Berg et leurs collègues du Brief

Family Therapy Center (Lamarre, 2005). L’orientation vers les solutions s’effectue selon trois moyens d’intervention, soit par

l’établissement d’une relation de co-création de solutions entre le conseiller et le client, par la visualisation de l’avenir et l’utilisation

des forces et des ressources du client.

Dans un premier temps, il s’agit d’offrir un accueil inconditionnel au client, c’est-à-dire l’accepter tel qu’il est et là où il est rendu au

moment où il vient nous rencontrer, en reconnaissant ses propos, ses sentiments, ses points de vue et en validant son expérience

(O’Hanlon et Beadle, 1997). Ensuite, il s’agit de s’attarder à la façon qu’a le client de voir sa difficulté, la manière dont il interprète sa

réalité. L’objectif du conseiller est de changer la façon de voir du client par rapport à sa difficulté, en relativisant et en normalisant son

expérience, sans toutefois banaliser ou minimiser celle-ci. Cela permet au client d’en arriver à de nouvelles conclusions sur son passé

Page 29: Recueil de texte en  counseling

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et d’entrevoir qu’un changement positif est possible pour le futur, ce qui ouvre la voie vers la création de nouvelles perspectives et de

nouvelles possibilités. En AOVS, une relation de co-création de solutions s’installe entre le client et son conseiller, où le client est

l’expert de sa situation problématique et où le conseiller agit à titre de partenaire et de mobilisateur.

Les intervenants de l’approche orientée vers les solutions, proposent à la personne de s’imaginer dans un avenir convenable, où la

problématique présente dans sa vie actuelle serait absente. Ils utilisent la «question miracle» pour aborder l’avenir, ses possibilités et

des hypothèses de solutions. La question miracle de base est : Imaginez qu’une nuit, alors que vous êtes endormi, il se produise un

miracle et que ce problème se trouve résolu. Comment le sauriez-vous? Qu’est-ce qui serait différent? (O’Hanlon et Weiner-Davis,

1995, p.26). Le client se projette ainsi dans un futur où sa difficulté liée à son orientation professionnelle n’existe plus et doit réfléchir

à ce qu’il doit faire pour atteindre cette situation de bien-être. Cette question permet d’identifier quels sont les résultats que le client

souhaite atteindre dans le cadre de la démarche et déterminer de quelles façons il pourra y parvenir en explorant des pistes de

solutions. À partir de ce moment, des objectifs de processus peuvent être établis avec le client, où celui-ci décide des résultats à

atteindre par la visualisation positive de son avenir. Le conseiller en AOVS tient à avoir une idée claire vers où diriger les efforts de

changement et savoir comment lui et son client sauront que la démarche est complétée. Ainsi, une question telle que «Comment

saurez-vous que vous pourrez continuer sans mon aide?» permet de prévoir la fin de l’intervention dès le début du processus

d’orientation.

Durant le processus, il s’agit toujours de mettre l’emphase sur les forces et les ressources du client et non sur ses difficultés et ses

faiblesses. Le rôle du conseiller est d’accéder aux forces et aux ressources du client qui lui seront utiles pour effectués les

changements souhaités, alors que le rôle du client est de mettre celles-ci en œuvre pour atteindre sa vision positive de l’avenir

(O’Hanlon et Weiner-Davis, 1995). La détermination des forces et des ressources du client permet de constater les moyens dont il

dispose actuellement pour entraîner le changement souhaité. Selon cette approche, il y a deux façons d’identifier les forces et

ressources du client, soit en s’intéressant aux moments d’exception de son problème et en identifiant des talents et des ressources

extérieures au problème.

Les moments d’exception correspondent aux moments durant lesquels la difficulté du client est vécue moins intensément. Le rôle de

l’intervenant ici est de mettre l’accent sur ces moments de répit, où le client maîtrise ce qui l’entoure, et dégager ce qu’il fait de

Page 30: Recueil de texte en  counseling

30

différent. En parlant des moments d’exception dans les détails, le client développe une vision plus claire des circonstances ayant rendu

possible ces moments. De cette façon, il peut identifier des solutions à partir d’actions qu’il a déjà mises en branle, ce qui favorise un

sentiment de compétence (Desjardins, 2006). L’objectif étant de reproduire au quotidien ces solutions faisant déjà parties de

l’inventaire du client.

Également, certains talents et ressources du client qui sont extérieurs au problème peuvent lui être utiles pour atteindre sa vision

positive de l’avenir. Le client étant plus souvent centré sur son problème que sur les aspects de sa vie qui vont bien, le rôle de

l’intervenant consiste à se préoccuper des réussites vécues dans le passé par son client, dans l’objectif de co-construire des solutions

efficaces. Pour ce faire, l’intervenant doit aider le client à identifier ses ressources et ses talents à travers ses succès, ses intérêts et ses

capacités afin qu’il apprenne à les utiliser dans les zones conflictuelles de sa vie et que puisse s’opérer le changement. D’une part, le

client obtient une image plus positive de lui-même en énumérant ses ressources et d’autre part, en faisant cet exercice, cela lui permet

d’envisager des solutions constructives à son problème grâce au transfert possible des ressources qu’il possède déjà.

Enfin, pour que le processus de changement s’opère, il faut que le client agisse différemment en vue de réaliser son projet, soit en

modifiant ses actions. Pour cela, le conseiller doit intervenir pour l’aider à se réapproprier le pouvoir qu’il a de modifier ses conditions

de vie et régler sa difficulté. La réappropriation du pouvoir, aussi appelé l’empowerment, est rendue possible grâce aux rétroactions

positives du conseiller par rapport aux ressources et aux forces que le client possèdent et en semant le doute quant à ses faiblesses

(Lamarre, 2005). Cela amène ainsi le client à entrevoir qu’il a la possibilité de se réapproprier son pouvoir d’améliorer sa situation de

vie et à retrouver la confiance nécessaire en ses capacités pour régler sa difficulté. Une série de petits objectifs, des actions concrètes à

réaliser, peuvent ainsi être établis et permettent à l’individu de vivre plusieurs petites réussites durant la démarche. Cela lui donne

confiance et le motive à poursuivre vers l’atteinte de son but professionnel ou de vie. En résumé, il s’agit d’un processus de prise en

charge de l’individu par lui-même par la construction d’une nouvelle vision par rapport à ses forces et par la co-construction de

solutions originales avec son conseiller en vue de produire le changement et ultimement, de vivre heureux.

Page 31: Recueil de texte en  counseling

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Orientation plus clinique

Il est possible de situer les débuts de l’orientation plus clinique vers le début des années 2000. Elle se fait plus présente notamment,

depuis l’adoption de la Loi 21 qui octroie aux conseillers d’orientation le droit d’évaluer les personnes atteintes d’un trouble mental ou

neuropsychologique, d’évaluer les troubles mentaux et le retard mental ainsi qu’évaluer les élèves handicapés ou en difficulté

d’adaptation (OCCOQ, 2012). Étant donné l’arrivée de cette loi et la révision du champ d’exercice de la profession que cela a

entraîné, un Guide d’évaluation en orientation a été produit par l’Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec

(OCCOQ, 2010). Ce Guide d’évaluation est un cadre de référence général pour les pratiques des conseillers d’orientation. En

conséquence, tous les conseillers et conseillères d’orientation peuvent se l’approprier, peu importe qu’ils préfèrent une conception ou

une approche théorique en particulier. Toutefois, ce guide intègre la dimension clinique de l’évaluation, prescrite particulièrement par

l’adoption de la loi 21. Ainsi, ce guide servira de référence afin de présenter ce qu’est l’intervention en orientation dite plus clinique.

L’orientation et l’évaluation sont deux indissociables. En effet, l’évaluation en orientation est au cœur des pratiques des conseillers et

des conseillères d’orientation, peu importe leur secteur de pratique et celle-ci est vue comme étant continue en cours de processus

d’intervention (OCCOQ, 2010). L’Ordre y définit l’évaluation en orientation comme étant :

[…] un processus qui consiste à recueillir des informations à l’aide de différents moyens et outils, tous justifiés au regard

des objectifs de l’intervention. Également, l’évaluation implique de porter un jugement clinique permettant d’estimer et

d’apprécier la situation de la personne selon un cadre de travail rigoureux, exhaustif et systématique, de manière à pouvoir

en partager les résultats et à mettre en évidence ses enjeux (OCCOQ, 2010, p.6).

L’évaluation clinique est une activité rigoureuse, exhaustive et systématique, ainsi elle doit permettre ultimement au conseiller

d’orientation de justifier son évaluation et ses conclusions. Pour ce faire, l’évaluation des ressources personnelles, du fonctionnement

psychologique et des conditions du milieu se réalise à travers une investigation systématique de la singularité de l’identité et de la

situation de la personne. Ces trois dimensions sont intimement interreliées, puisqu’à l’intérieur d’un milieu donné, le fonctionnement

psychologique de la personne lui permet de mobiliser, plus ou moins efficacement, ses ressources personnelles (OCCOQ, 2010). Afin

Page 32: Recueil de texte en  counseling

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de mieux saisir ce qu’impliquent ces dimensions de l’évaluation, une brève présentation en sera faite et des indicateurs pour chacune

des trois dimensions seront présentés dans le tableau 3.

Lorsque le conseiller d’orientation évalue les ressources personnelles d’une personne, il s’intéresse notamment, aux connaissances et

au niveau d’information de la personne relatif à la connaissance de soi, au marché du travail et de la formation, à la connaissance des

services et des opportunités disponibles dans un contexte donné. Il s’agit également d’explorer les acquis formels et informels

développés à travers les différentes expériences de vie, professionnelles, scolaires, de loisirs et de toute autre activité personnelle. À

cela peut s’ajouter l’investigation de variables sociodémographiques telles que l’âge, le sexe, l’ethnie, l’état civil, le statut judiciaire,

les capacités financières et le transport. En fait, les ressources personnelles de la personne seront mobilisées en contexte d’adaptation à

de nouvelles situations et conditions du milieu, où elles se manifesteront plus ou moins efficacement selon le fonctionnement

psychologique de la personne (Cournoyer, 2010; OCCOQ, 2010).

Quant à lui, le fonctionnement psychologique est continuellement influencé par l’interaction de facteurs d’ordre biologique,

psychologique et social. L’évaluation du fonctionnement psychologique de la personne implique pour le conseiller d’orientation de

tenir compte de ses caractéristiques (p.ex. : intérêts, valeurs, aptitudes, traits de personnalité), de l’organisation dynamique de celles-ci

(p.ex. : croyances, pensées, émotions, comportements) et de leurs impacts sur sa vie quotidienne (p.ex. : modalités d’autorégulation et

d’autoprotection, qualité de l’estime et confiance en soi, stratégies adaptatives) (Cournoyer, 2010; OCCOQ, 2010). Le fonctionnement

psychologique implique aussi d’évaluer la présence de troubles mentaux, d’un retard mental, de situations de handicap, de difficultés

d’adaptation scolaire ou professionnel et d’autres troubles reconnus en santé mentale.

En ce qui concerne les conditions du milieu, il s’agit pour le conseiller d’orientation d’identifier les possibilités et les contraintes

propres à la situation de la personne, ainsi que tenir compte des interactions entre la personne et son environnement. Les conditions du

milieu concernent les lieux immédiats où la personne entretient des relations avec des proches (p.ex. : amis, famille), des groupes de

pairs, des collègues de travail et d’études, des supérieurs, ce qui peut exercer des influences mutuelles entre la personne et les

conditions de son milieu. Les conditions du milieu concernent également des déterminants structurels tels que le statut

socioéconomique de la personne, l’emploi exercé et le niveau de scolarité des parents, les représentations sociales des rôles sexuels et

autres stéréotypes sociaux, les attributs conférés à certaines professions. À plus grande échelle, les conditions du milieu peuvent aussi

Page 33: Recueil de texte en  counseling

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se rattacher à la situation économique, aux lois et règlements, aux politiques sociales et d’emploi, à la culture et aux mœurs, à la

transformation du marché du travail, au développement technologique, à la mondialisation, au sens accordé par la société

d’appartenance (OCCOQ, 2010).

En résumé, l’évaluation du fonctionnement psychologique, des ressources personnelles et des conditions du milieu est une activité

clinique où le conseiller doit considérer la singularité de la personne devant lui. Cette évaluation peut se réaliser à différents moments

de l’intervention, soit avant, au début, au milieu, à la fin et même après le processus d’orientation. Comme il l’a été mentionné

auparavant, l’évaluation est une activité continue et non linéaire. Ainsi, il est important de tenir compte des nouvelles informations

fournies par la personne durant tout le processus d’intervention. Bien que le conseiller ne puisse comprendre l’intégralité de

l’expérience subjective et intersubjective de la personne, celui-ci s’assure de mener une évaluation la plus exhaustive possible en

considérant une pluralité de facteurs (p.ex. : urgence de la demande de service, besoins exprimés, historique des évènements

significatifs, ressources et limites personnelles et environnementales, fonctionnement psychologique, etc.) (OCCOQ, 2010). À cet

égard, les outils psychométriques peuvent jouer un rôle significatif dans la démarche en fournissant des informations qui ne seraient

pas accessibles autrement. Entre autres, ils peuvent permettre d’approfondir la compréhension de la situation de la personne. Enfin,

advenant une difficulté à bien mener à terme ses interventions, et plus spécifiquement celles liées à l’évaluation de la personne, le

conseiller ou la conseillère d’orientation doit s’assurer de diriger celle-ci vers les ressources en mesure de l’aider.

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Tableau 3

Indicateurs des trois dimensions de l’évaluation

Fonctionnement psychologique

Tempérament

Intérêts et valeurs

Croyances

Personnalité

Besoins fondamentaux

Estime et confiance en soi

Stratégie d’adaptation

Motivation

Lieu de contrôle

Initiative, autonomie et responsabilités, etc.

Ressources personnelles

Connaissance de soi

Expériences de vie, professionnelles et scolaires

Connaissances

Aptitudes, habiletés, capacités

Acquis formels et informels

Contacts, réseaux sociaux et soutien social

Santé physique et mentale

Sexe, âge, apparence, situation de handicap

Langues parlées

Connaissance du marché du travail, etc.

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Conditions

du milieu

Famille, groupes de pairs, collègues de travail et d’études, supérieurs,

enseignants : valeurs, normes, dynamique relationnelle, influences

diverses

Possibilités d’emploi et de formation

Conditions économiques

Contexte socioculturel, institutionnel et organisationnel

Politiques sociales, éducatives et du travail

Autres lois et réglementations du travail, etc.

Source : Guide d’évaluation en orientation, (OCCOQ, 2010)

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Évolution des pratiques de l’orientation au Québec Louis Cournoyer, professeur (UQÀM)

La profession de conseiller d’orientation existe au Québec depuis plus de 70 ans. Les professionnels de l’orientation accompagnent

quotidiennement des individus jeunes et adultes dans leurs démarches de (ré) insertion, de (ré) adaptation et de (ré) orientation scolaire

et professionnelle dans le secteur scolaire, de l’employabilité, du communautaire, de la santé et des services sociaux, de la pratique

privée et organisationnelle. À ce jour, peu d’études (Mellouki et Beauchemin, 1994a, 1994b, Duval, 1995) ont retracé une partie de

l’histoire de cette profession. Ce texte vise à mieux comprendre l’évolution sociale et historique de la profession de conseiller

d’orientation au Québec.

Ici et maintenant …

Le Québec est la seule province canadienne et l’un des rares territoires dans le monde à réglementer le titre et certaines activités

professionnelles du conseiller d’orientation (Turcotte, 2004). L’Ordre des conseillers et des conseillères d’orientation du Québec

(OCCOQ) travaille avec les universités offrant des formations de premier, de deuxième ou de troisième cycle spécialisées en

orientation (Sherbrooke, Laval, McGill, Université du Québec à Montréal) et elle encadre l’admission à la profession et la compétence

de ses membres. Selon Cuerrier et Locas (2004), il y a environ 2500 conseillers d’orientation (c.o.) au Québec réparti dans plusieurs

secteurs de pratique : éducation (45%), emploi (20%), cabinet-conseil (12%), fonction publique et organismes parapublics (4%),

entreprises (2%), centres de réadaptation (2%), milieux hospitaliers (1%), ailleurs ou dans plusieurs milieux (18%). Nonobstant leur

secteur de pratique, leur rôle consiste à :

Évaluer le fonctionnement psychologique, les ressources personnelles et les conditions du milieu, intervenir sur l’identité ainsi que

développer et maintenir des stratégies actives d’adaptation dans le but de permettre des choix personnels et professionnels tout au long

Page 37: Recueil de texte en  counseling

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de la vie, de rétablir l’autonomie socioprofessionnelle et de réaliser des projets de carrière chez l’être humain en interaction avec son

environnement (Site Internet de l’OCCOQ).

À cet exercice s’ajoute également celui d’information, de promotion de la santé, de prévention du suicide, de la maladie et des

accidents ainsi que des problèmes sociaux tant auprès des personnes, des familles que des collectivités. Depuis l’adoption de la Loi 21

modifiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines

(Gouvernement du Québec, 2009), les c.o. possèdent maintenant certaines activités réglementées concernant des types d’évaluation

menée auprès de clientèles jugées plus vulnérables en contexte d’intégration scolaire et professionnelle. À cet effet, les c.o. figurent

maintenant parmi les quelques professions reconnus pour leur capacité à gérer les risques de préjudices, l’autonomie nécessaire, ainsi

que la complexité de leurs pratiques auprès du public. La responsabilité accompagnant cette reconnaissance entraîne une certaine

remise en question des façons de faire et de voir l’orientation (Landry, 2004). Legault (2008) rappelle à ce propos que l’adhésion à une

posture nouvelle au sein d’une profession où les activités professionnelles sont très diversifiées, de valeurs différentes, ainsi que de

compétences différentes s’engagent dans une phase de construction identitaire commune.

Mémoires orientantes …

Au-travers de périodes de 10 ou de 20 ans, l’évolution des conseillers d’orientation est ici examinée sous l’angle sociohistorique,

disciplinaire et professionnel.

1900-1920 – Éloge de la concordance …

Frank Parsons est considéré comme le père de l’orientation. Tel que le souligne Zunker (2002), c’est après avoir aidé des dizaines

d’hommes et de femmes que Parsons en vient à proposer ce qui allait devenir la première conception d’une démarche d’orientation :

1) faciliter une connaissance de soi sur le plan de ses aptitudes, de ses capacités, de ses intérêts, de ses ressources, de ses limitations,

etc.; 2) connaître les exigences et les conditions de succès, les avantages et les désavantages, les conditions de travail, ainsi que les

perspectives d’emploi de certains métiers; 3) de développer un raisonnement permettant la mise en relation de sa connaissance de soi

et de sa connaissance du marché du travail. Au cours des années suivant la parution de Choosing a Vocation de Parsons, l’orientation

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se développe en Europe et aux États-Unis sous l’influence des récentes découvertes de la psychologie différentielle. L’intelligence et

les aptitudes sont les deux principaux facteurs de mesures des capacités individuelles. Pendant ce temps, en 1912, c’est au Manitoba

que l’on assiste aux premières démarches d’information sur les carrières (libérales) dans des collèges de Winnipeg (Mellouki et

Beauchemin, 1994a).

Au Québec de 1900 à 1920, la notion de choix de carrière est quasi absente chez des Canadiens-français destinés essentiellement à des

fonctions ouvrières ou de fermes aux finalités alimentaires. L’État délaisse aux représentants de l’Église les services sociaux, de santé,

ainsi que d’éducation de la population (Lacoursière, Provencher et Vaugeois, 2001). Il en est tout autrement pour la minorité

anglophone britannique qui contrôle l’économie du Québec.

1920-1940 – L’appel et la vocation …

Au lendemain victorieux de la guerre, les méthodes de gestions de productivité associées au Fordisme et au Taylorisme amènent

certains industriels à s’intéresser à la mesure psychométrique de caractéristiques et de capacités individuelles (fonctions mentales

verbales et non verbales, intelligence, aptitudes, rendement scolaire, performance et rendement, personnalité, projectifs) en vue

d’accroître le rendement et l’attribution de certains postes de travail (Anastasi, 1994; Guichard et Huteau, 2006). Au Québec,

l’orientation demeure embryonnaire. Seuls quelques marginaux de la section « médico-pédagogique » de l’Université de Montréal

s’intéressent à l’évaluation des aptitudes et de l’intelligence aux fins d’évaluation de potentiel scolaire ou professionnel (Mellouki et

Beauchemin, 1994a).

Lors de la Grande Dépression de 1929, le constat violent d’absence de véritables protections sociales et de mesures d’aide à l’emploi

ou à la scolarisation pour la classe ouvrière suscite la mobilisation de membres influents de la bourgeoisie, de professions libérales et

du Clergé canadien-français (Lacoursière et coll. 2001). C’est à cette époque que l’Abbé Wilfrid Éthier et le Père Paul-Émile Farley

poseront tranquillement les premières fondations de l’orientation scolaire et professionnelle au Québec dans le but avoué d’améliorer

les perspectives d’avenir économiques de la majorité francophone (Mellouki et Beauchemin, 1994a).

Page 39: Recueil de texte en  counseling

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1940-1960 – Bâtir les fondations …

La Deuxième Guerre mondiale amènera plusieurs pays impliqués, dont le Canada, à investir massivement dans le secteur de la

production d’instruments psychométriques pour des fins de répartition de certains postes selon l’intelligence et les aptitudes mesurées.

Pendant ce temps, Wilfrid Éthier poursuit sa mission « orientante » en créant successivement les trois premiers instituts de formation

et de pratique en orientation scolaire et professionnelle. C’est le cas d’abord en 1941 de l’Institut canadien d’orientation scolaire et

professionnelle (ICOP) de Montréal en 1941 (Mellouki et Beauchemin, 1994a) où la première cohorte d’orienteurs sera formée aux

connaissances récentes de la psychologie différentielle, à l’utilisation d’outils psychométriques et aux caractéristiques du marché du

travail. Un an plus tard, Éthier fonde en collaboration avec des dirigeants de l’Action catholique et d’une compagnie d’assurance un

institut similaire à Québec (Mellouki et Beauchemin, 1994a). Cependant, l’institut de Québec misera davantage sur les connaissances

de différentes branches de la psychologie : expérimentale, de l’enfance et de l’adolescence, pédagogique, commerciale et industrielle,

pathologique, de rendement. Puis, en 1943, c’est l’Université d’Ottawa qui ouvrira son Centre d’orientation scolaire et

professionnelle. Tel que le souligne des extraits d’un discours du directeur de l’ICOP de Montréal à l’époque, l’orientation constitue

clairement un outil d’affirmation nationaliste des Canadiens-français : « voulons-nous ne laisser perdre aucun talent, mais travailler à

la mise à profit de toutes nos énergies? Organisons l'orientation professionnelle. C'est elle qui, dans une bonne mesure, nous permettra

la conquête économique » (Mellouki et Beauchemin, 1994a, p.221). Enfin, la première Association des conseillers d’orientation de la

province de Québec verra le jour en 1944 et proposera immédiatement une définition du champ de pratique de ses membres: guider les

individus dans le choix d’une profession et des études qui y préparent, de manière à ce que ce choix se fasse à la lumière d’une analyse

systématique et d’une évaluation objective de leurs aptitudes et de leurs goûts (Landry, 2004).

Au lendemain victorieux de la guerre, le secteur des entreprises, de la santé et de l’éducation héritent des connaissances en

psychométrie développées par les forces armées (Savickas, 2000). Si le milieu des entreprises pourra profiter des servies d’instituts de

formation et de pratiques en orientation de Montréal et de Québec pour les aider dans la sélection, l’évaluation de rendement et la

classification de ses employées (Mellouki et Beauchemin, 1994a), l’entrée de l’orientation dans le secteur de la santé sera plus

laborieuse. Dans les hôpitaux pour vétérans, les orienteurs sont confrontés au modèle médical, ainsi qu’aux difficultés d’aider

véritablement les patients sur le plan professionnel, sans pouvoir intervenir au plan des autres sphères de vie de la personne (Lecomte

Page 40: Recueil de texte en  counseling

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et Guillon, 2000). En éducation, le dynamisme des orienteurs se fait sentir au travers de plusieurs activités réparties à l’ensemble du

Québec : semaine annuelle de l’orientation, formations des enseignants aux principes et méthodes d’orientation, services spécialisés

d’orientation dans les écoles et dans les communautés (Mellouki et Beauchemin, 1994a). Au cours des années 1950, les conceptions

psychologiques évoluent rapidement. Un certain Carl Rogers se fait connaître pour son approche novatrice centrée sur la personne

(Lecomte et Guillon, 2002). La psychologie humaniste, la psychologie cognitive et psychologie développementale viennent confronter

les modèles du behaviorisme et de la psychanalytique. Malgré toute cette effervescence, le Québec investit toujours très peu en

éducation, ce qui entraîne des retards importants pour ses citoyens : en dessous de la moyenne canadienne pour les investissements en

éducation, dernière au plan des taux de diplomation et de la fréquentation scolaire pour tous les niveaux de scolarité, sous-

scolarisation des enseignants, mauvaise gestion par rapport à l’arrivée prochaine de milliers de jeunes Baby-boomers dans les

collèges, manque de relève au niveau des enseignants (Mellouki et Beauchemin, 1994a). Sous la pression de membres influents de la

communauté francophone et du Clergé, un sous-comité sera formé en 1952 dans le but de revoir le système éducatif. Les objectifs

visés sont d’accroître le taux de formation de main-d’œuvre qualifiée au niveau des études supérieures et au sein des carrières

scientifiques, économiques et sociales, ainsi qu’aider les décideurs de l’éducation dans la sélection meilleurs candidats susceptibles de

terminer avec succès leur cours classique (Mellouki et Beauchemin, 1994a). La pertinence des orienteurs est plus que jamais

reconnue.

1960-1970 – S’ouvrir à de nouvelles expériences …

Au cours des années 1960, le monde est en ébullition de conflits, de révolutions et de rêves. Au Québec, l’élection de Jean Lesage

sous le slogan Maître chez nous ! déchaîne les passions nationalistes d’une population canadienne-française en attente de réformes

majeures (Lacoursière et coll., 2001). Dans les sociétés occidentales, la psychologie développementale se fait connaître. Ses

inspirations au plan du développement intellectuel (Piaget), du développement psychosocial (Erickson) et de la théorie sociale et

historique de Vygotski viennent modifier les paradigmes alors dominants de la psychologie différentielle. L’orientation s’ouvre à

mieux comprendre les processus d’apprentissage et d’influence du milieu social, culturel et éducatif sur le développement de la

personne (Patton et McMahon, 1999). Les caractéristiques des stades ou des étapes sont vues comme universels (PaVie, 2003 ;

Cournoyer, 2008) et le potentiel humain est revue en fonction des conditions sociales, économiques, culturelles et historiques qui

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déterminant les trajectoires individuelles (Evans et Furlong, 2000 ; Savickas, 2000). Deux théoriciens majeurs de l’orientation

viennent alors tout juste de commencer leurs recherches respectives, soit Donald E. Super et John L. Holland (Bujold et Gingras,

2000).

Les années 1960 sont marquées par la publication du Rapport Parent (Commission royale d’enquête sur l’éducation au Québec, 1964)

dont les propositions de refonte majeures du système éducatif québécois ouvrent la voie royale pour les conseillers d’orientation.

L’éducation primaire, secondaire et collégiale au Québec devra entre autre dorénavant tenir compte de l’évolution de l’élève, du

développement de ses aptitudes, de ses intérêts, de même que différentes expériences de vie ; l’accompagner dans une démarche

éclairée sur ses forces et ses limites de manière à pouvoir réaliser soi-même un choix éclairé. Il devient également du ressort du c.o. de

procéder aux évaluations et au dépistage d’élèves doués et en difficultés d’apprentissage, de consulter les enseignants afin de proposer

ou d’expérimenter de nouvelles méthodes pédagogiques, de mettre en place de travaux d’ateliers pour les élèves appelés à une sortie

rapide des études, de participer à des comités et à des interventions perfectionnement de la main-d’œuvre, de recyclages, de formation

accélérée de spécialistes pour des emplois nouveaux, de retour au travail de femmes mariées, d'embauche de personnes âgées, de

catégories d’élèves présentant des besoins particuliers. À cet égard, les conseillers d’orientation devront dorénavant posséder une

licence de quatre années d’études de premier cycle universitaire. L’arrivée de ces nouveaux experts aux pouvoirs octroyés supérieurs

aux leurs constitue une menace pour les membres du personnel enseignant et professionnel qui se retrouvent à devoir composer avec

un décroisement des pratiques (Mellouki et Beauchemin, 1994b). Quant au public, il aura tendance à maintenir la conception

divinatoire du conseiller d’orientation, soit « celui qui va dire quel chemin prendre pour son avenir » et, immanquablement, les

critiques négatives quant à l’absence de tels pouvoirs …

1970-1980 – Prendre conscience des possibilités …

Les années 1970 sont celles où les femmes font une entrée massive sur le marché du travail, où des commissions scolaires et des

centres d’enseignement général et professionnel (CÉGEP) embauchent de nouveaux conseillers d’orientation à l’ensemble de la

province, où l’économie permet aux individus d’entrevoir un « plan » de carrière.

Page 42: Recueil de texte en  counseling

42

Le phénomène international d’une jeunesse à contre-culture influence les conceptions du développement humain et de la carrière.

Actualisation de soi, potentiel créateur, autodétermination, centration sur la personne et sur la relation, expérimentation et croissance

personnelle deviennent des finalités importantes pour plusieurs approches de la psychologie (Lebourgeois, 1999) et conséquemment

de l’orientation. Tel que le souligne Lebourgeois (1999), les approches humanistes, existentielles et gestaltistes sont très fortement

représentées dans les universités et les centres de formation psychothérapeutiques du Québec. De leur côté, les connaissances en

neurosciences émergent, mais elles attendront encore quelques années pour leur application au sein des pratiques.

Au Québec est alors développé un modèle théorique du nom d’« Activation du développement vocationnel et personnel »,

communément appelé ADVP (Pelletier, Noiseux et Bujold, 1974). Ce modèle cognitiviste et développemental marquera plus d’une

génération par son implantation au sein des programmes d’éducation au choix de carrière aux études secondaires. Malheureusement,

bien qu’il puisse très bien cadrer avec les souhaits du Rapport Parent, son application sera trop souvent attribuée à des enseignants non

spécialisés cherchant à accomplir leur tâche de travail. Rapidement, les étudiants s’en désintéresseront, puis ce sera autour des parents

et du public en général (Mellouki et Beauchemin, 1994b). Au cours de cette même période, des approches psychosociales et des

perspectives sociologiques du développement de carrière viennent enrichir les connaissances en orientation. Ces nouvelles

conceptions de l’orientation trouveront leur place au sein du premier champ de pratique « légal » des c.o. :

L’orientation se préoccupe de façon globale du développement personnel et professionnel de l’individu, le rôle du conseiller

d’orientation étant alors d’aider l’individu à prendre conscience de ses ressources personnelles et des ressources de son milieu afin

qu’il puisse poser des choix éclairés et progressivement autonomes au plan de ses études et de sa carrière, et ainsi parvenir à

s’épanouir tout en contribuant au développement de son milieu. (Corporation des conseillers d’orientation de la province du Québec,

1973, In Landry (2004).

En effet, un Code des professions est adopté en 1973 par le gouvernement afin d’assurer une cohérence législative et réglementaire de

l’exercice de professions lorsqu’elles comportent des risques de préjudice à l'intégrité physique, psychologique et patrimoniale (Office

des professions du Québec, site Internet). Cela marque également la fin d’un lien d’appartenance associative visant la protection des

intérêts des c.o. et le début d’une adhésion au sein d’une corporation (aujourd’hui un Ordre) mandatée par des pouvoirs législatifs

(Mellouki et Beauchemin, 1994b). Tel que le souligne Legault (2008), le professionnalisme d’une profession doit se caractériser par

Page 43: Recueil de texte en  counseling

43

la capacité de dépassement du raisonnement technique (mécanique, généralisateur, conformiste) de ses membres et pouvoir mettre en

œuvre un raisonnement professionnel pouvant appuyer son jugement à l’aide d’outils, de formules ou encore de techniques reconnus.

1980-1990 – S’adapter au changement …

La crise économique de 1982 entraîne des licenciements massifs de travailleurs peu scolarisés et qualifiés. Il devient alors difficile de

trouver un emploi après 45 ans, tout comme il devient difficile de s’insérer lorsque l’on a moins de 25 ans et pas d’expérience. Un

secteur devient alors porteur de plusieurs emplois chez les conseillers d’orientation, soit celui du développement de l’employabilité.

Les conseillers d’orientation travaillent alors non plus essentiellement avec des jeunes, mais également avec des adultes en recherche

d’emploi, des accidentés du travail et de la route, des travailleurs bénéficiant de programmes d’aide aux employés, de même que des

chômeurs et des bénéficiaires d’aide sociale toujours plus nombreux. Cela amène le conseiller d’orientation à devoir mieux se

positionner dans une relation entre lui, le client et le tiers payeur. En contrepartie, les organismes du secteur communautaire

s’attachent davantage aux approches féministes et de justice sociale. Les compagnies d’assurance et certains organismes

subventionnant des services de réadaptation professionnelle font leur apparition. Les cabinets de pratique privée se font également de

plus en plus nombreux, même s’ils se développent davantage à partir du milieu des années 1990. Quant au secteur de l’enseignement

secondaire, Mellouki et Beauchemin (1994b) mentionnent qu’à la suite de l’insuccès du cours d’Éducation au choix de carrière et

d’une suite de réformes de l’éducation accordant toujours plus de pouvoir au corps enseignant, les conseillers d’orientation verront

leur rôle diminué au sein des décisions institutionnelles.

L’ère du Health Care Management s’installe aux États-Unis et inspire les gouvernements et les institutions publiques canadiennes.

Dès, lors la question déterminant les politiques sociales tant dans la santé que dans l’éducation et l’emploi s’avère la suivante :

Comment faire plus avec moins ? Les conceptions humanistes et gestaltistes perdent beaucoup de terrain dans ce nouveau paradigme

d’efficacité socioéconomique (Lebourgeois, 1999) au profit des modèles cognitif et comportemental de courte durée. Cet esprit

d’efficacité semblera marqué le nouveau champ de pratique adopté en 1982 par la corporation des c.o. : un professionnel ou une

professionnelle qui, au moyen de méthodes et de techniques appropriées, guide l’individu dans son développement vocationnel, c’est-

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à-dire personnel et professionnel et établir et maintenir un lien harmonieux entre l’individu et le monde du travail (Corporation des

conseillers d’orientation de la province de Québec, Assemblée générale, 1982, In Landry, 2004).

Les années 1980 voient également l’émergence de nouveaux modèles conceptuels, plus centrées sur les transitions de vie de la vie

adulte dont le développement de carrière chez l’adulte de Levinson (1980) et celui des transitions de vie de Schlossberg (1981). Au

Québec, Riverin-Simard (1984) publie un ouvrage fondé sur des données empiriques concernant les étapes de vie au travail. De leur

côté, Spain et Bédard (1986) apportent de nouvelles connaissances sur les motivations et le processus décision chez les Québécoises.

Finalement, Limoges (1987) propose son modèle du Trèfle chanceux qui aborde différentes dimensions interdépendantes au

développement de l’employabilité du chercheur d’emploi. La même année, un premier Code d’éthique professionnelle est adopté, le

diplôme de maîtrise de deuxième cycle universitaire devient la norme minimale d’admission à la profession et le nom de la

corporation se féminise pour inclure les vocables de conseillers … et de conseillères d’orientation (Matte, 2008).

1990-2000 - Suivre le rythme du changement …

Au début des années 1990, le chômage au Québec se situe entre 10% et 15%. Les coûts sociaux augmentent, la population

vieillissante, puis l’immigration et la qualification des personnes sans emploi sont vues comme les solutions à la remontée

économique du Québec. Deux événements majeurs, les États généraux de l’Éducation en 1995 et le Sommet du Québec et de la

jeunesse en 1998 permettent d’entendre les besoins criants nommés par les jeunes de services accrus en matière d’information et

d’orientation scolaire et professionnelle. De cet appel aux politiciens, le Réseau des Carrefours jeunesse-emploi (CJE) naît et plus

d’une centaine d’organismes pour les jeunes de 16 à 35 ans sont installées dans toutes les régions du Québec. Cette période est

également celle où le transfert du fédéral au provincial des services de main-d’œuvre. Cela s’associe à une diminution des services

d’orientation par des organismes de l’État, dont les professionnels sont encadrés par une convention collective, pour une augmentation

de la sous-traitance de ceux-ci auprès des organismes communautaires, des CJE et d’entreprises privées. Les nouveaux c.o. entrant sur

le marché du travail découvrent ainsi des salaires et des conditions de travail plus précaires, mais aussi des clientèles passablement

démunies, fragilisées et vulnérables à la fois sur le plan économique, scolaire que psychologique. Enfin, les conseillers d’orientation

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peuvent à partir de 1993 être accrédités à la médiation familiale. Puis, en 1994, le terme de corporation est remplacé par celui d’Ordre

professionnel (Matte, 2008).

Les années 1990 marquent également l’éclatement des conceptions de l’orientation scolaire et professionnelle. Sans céder sa place, les

courants et approches positivistes et objectivistes laissent place à des perspectives plus interprétatives et postmodernes (Savickas,

2000). De leur côté, Lecomte et Guillon notent l’émergence de modèles non linéaires et dynamiques. L’ouverture au « social » prend

place au travers des approches interactionnistes proposées par Young, Valach et Collin (1996), Vondracek et Reitzle (1998), ainsi que

Patton et MacMahon (1999). Plusieurs recherches sont menées sur les facteurs communs d’efficacité en relation d’aide (Drapeau et

Koerner, 2003), ce qui influencera l’émergence d’une intégration de concepts et d’outils de différentes approches au sein d’une seule.

Au Québec, la perspective psychogénétique de Bégin (1997) vient confronter les nombreux modèles d’orientation éducative enseignés

et pratiqués par les c.o. Cognitiviste et centrée sur le développement de l’identité, la conception proposée par Bégin (1997) propose

une intervention centrée sur les modalités structurelles des cognitions par lesquelles les individus organisent leurs représentations lors

d’interrelations avec différentes informations.

2000-2010 – Prendre part aux changements …

Entre 1984 et 2003, le nombre de conseillers d’orientation membres de leur ordre professionnel passe de 1255 à 2235 membres

(Cuerrier et Locas, 2004). Le portrait des membres s’est complètement transformé : le 2/3 des membres est maintenant des femmes; le

milieu scolaire ne contient plus la majorité des membres; les clientèles sont de plus en plus adultes aux prises avec des problèmes

sociaux, de sous-scolarisation et de santé mentale. Au cours des années 2000, les institutions québécoises liées à l’éducation et à

l’emploi développent une panoplie de nouveaux programmes et de nouvelles mesures d’aide publiques et éducatives : approche

orientante, projet personnel d’orientation (PPO), bilans de compétences, mesures gouvernementales d’aide au retour en emploi ou

dispositifs d’accueil à l’éducation des adultes (Cournoyer, 2008). Ainsi, « l’orientation n’est plus nécessairement qu’une question de

choix scolaire, mais elle constitue davantage un accompagnement dans le développement de carrière d’une personne tout au long de sa

vie » (Locas et Cuerrier, 2004, p. 11).

Page 46: Recueil de texte en  counseling

46

Successivement, les travaux de deux comités (Groupe de travail ministériel sur les professions de la santé et des relations humaines,

2002; Comité d’experts - Modernisation de la pratique professionnelle en santé mentale et en relations humaines, 2005)travaillent à l’étude

de la modernisation des professions des relations humaines et de la santé mentale dans le but de mieux répondre aux préoccupations

croissantes du public à l’égard de la qualité des services offerts dans ces domaines. Cela pavera la voie à l’adoption en 2009 de la Loi

21 qui octroiera de nouvelles activités réservées aux c.o., ainsi qu’un accès privilégié à la qualification pour l’exercice de la

psychothérapie et le titre de psychothérapeute. Cela modifiera à nouveau leur champ de pratique :

Évaluer le fonctionnement psychologique, les ressources personnelles et les conditions du milieu, intervenir sur l’identité ainsi que

développer et maintenir des stratégies actives d’adaptation dans le but de permettre des choix personnels et professionnels tout au long

de la vie, de rétablir l’autonomie socioprofessionnelle et de réaliser des projets de carrière chez l’être humain en interaction avec son

environnement.

L’information, la promotion de la santé, la prévention de la maladie et des problèmes sociaux, notamment le suicide, font également

partie de l’exercice de la profession auprès des individus, des familles et des collectivités.(Gouvernement du Québec, 2009, p.4)

Ces changements rejoignent les propos de Dubar et Tripier (2003) à l’effet que « se professionnaliser c’est bien plus que d’entrer dans

un cursus de formation académique, c’est être initié à un rôle, se convertir à la vision du monde et de soi permettant la pratique de ce

rôle, s’imprégner culturellement, qui implique une séparation et une transformation de l’identité » (p.101).

Qu’est-ce que l’histoire nous apprend pour demain ?

La profession de conseiller d’orientation est âgée de plus de 70 ans. Sa mise au monde s’associe aux découvertes du début du 20e

siècle en psychologie différentielle et plus particulièrement en mesure psychométrique. À l’âge de raison, un petit groupe de Jésuites

appuyés de notables canadiens-français jugèrent important de développer des institutions de formation et des pratiques

professionnelles en orientation dans le but de participer à l’accroissement des perspectives d’avenir de la majorité francophone. À

l’approche de l’entrée dans l’âge adulte, l’orientation – à l’image de la société québécoise – se fait plus contestataire et revendicateur

Page 47: Recueil de texte en  counseling

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d’une révolution sociale et politiques des institutions québécoises : c’est la Révolution tranquille. Institutionnellement, puis

légalement quelques années plus tard, l’orientation scolaire et professionnelle possède alors les outils pour prendre sa place et assurer

sa pertinence sociale. Installée dans sa vie professionnelle, l’orientation rencontre soudainement une crise qui la dépassera sur le plan

économique (récession économique et licenciement massif) et sociopolitique (lendemains du référendum de 1981, conflits syndicaux

entre l’État et sa fonction publique). Cela transforme la structure et le fonctionnement de l’environnement des secteurs de l’emploi et

de l’éducation où œuvre principalement l’orientation. Cette dernière doit donc s’adapter rapidement à une montée du néolibéralisme

qui s’attaque à ses acquis, et qui l’oblige à trouver des lieux pour faire sa niche et les conceptions mêmes de ses modalités

d’intervention. Les années suivantes passe, le temps social s’accélère, de nouvelles technologies et de nouvelles réalités économiques,

des professions s’entremêlent et se font concurrences pour de mêmes types de services. Plus que jamais, la compétence doit autant être

publiquement démontrée qu’elle doit aussi pouvoir être diffusée … aux décideurs, aux employeurs, aux médias. Puis, face à ce

brouhaha de transformations, voilà qu’une Loi 21 émerge et vient réserver des activités professionnelles qu’le conseiller d’orientation

partage avec un groupe restreint de profession. Néanmoins, les conseillers d’orientation se cherchent dans tous ces changements.

Même entre eux, ils partagent des univers de pratique de plus en plus variés. Et voilà que l’on s’intéresse à définir la pertinence sociale

commune de la profession ! L’avenir de l’orientation en une question : quels sont les défis de la profession pour assurer sa pertinence

sociale pour les prochaines décennies du 21e siècle ?

Le défi de se positionner

Considérant que les conseillers d’orientation œuvrent plus que jamais dans différents secteurs d’emploi, là où ils exercent des

pratiques différentes et doivent prendre en compte des normes et des missions organisationnelles tout aussi variées, qu’est-ce qui les

rassemble entre eux ? L’énoncé de pertinence sociale des conseillers d’orientation rendus public par l’Ordre en 2010 énonce que « les

c.o., par leur expertise de la relation individu-travail-formation, visent le mieux-être personnel et professionnel en mobilisant le

potentiel des personnes et en les aidant à prendre leur place dans la société tout au long de leur vie. » À quel point les différentes

pratiques actuelles des conseillers d’orientation se rapprochent (ou s’éloignent) de cet énoncé ? De même, au-delà des obligations

déontologiques et légales, où va l’allégeance véritable du conseiller d’orientation : à sa profession et à son ordre professionnel ou alors

à sa fonction au sein d’une organisation ? En somme, l’identité du conseiller d’orientation est-elle toujours aujourd’hui professionnelle

ou fonctionnelle, engagée dans l’éthique ou les mœurs du milieu ?

Page 48: Recueil de texte en  counseling

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Le défi de se définir

Qu’est-ce qui rassemble les conseillers d’orientation entre eux par rapport à leurs objets et à leurs sujets de travail ? Premièrement,

quel est l’objet des pratiques du c.o.? Aider un individu à s’orienter revient-il à l’accompagner dans l’identification d’un choix

ponctuel, d’une destination scolaire ou professionnelle ? Sinon, cela revient-il à l’accompagner dans un processus de développement

lui permettant d’acquérir et de pouvoir transférer des compétences tout au long de la vie ? L’entrée en vigueur de la Loi 21 entraînera

vient solliciter la rigueur, la spécificité et l’exhaustivité dans le travail du c.o. De plus, elle inscrit les activités professionnelles

réservées au sein d’un cadre de travail souvent interdisciplinaire, souvent rattaché à des expertises médicales, souvent centrées sur une

perspective déficitaire du client. En ce sens, l’orientation éducative est-elle appelée à disparaître ou être mise à l’ombre d’une

orientation curative ?

Diverses questions se posent également en regard du sujet de l’orientation, à savoir quels sont les acteurs associés aux pratiques des

conseillers et en quoi peuvent-ils contribuer ou non à définir son rôle ? En ce qui concerne les personnes qui reçoivent les services

d’un conseiller d’orientation, toutes ne s’affichent pas au même titre. Quelles sont les incidences théoriques et pratiques que

d’interagir avec un client, un élève, un patient, un prestataire, un bénéficiaire ou encore un consultant ? En quoi le cadre social et

institutionnel qui encadre l’emploi de ces identifications vient-ils moduler le rôle, la relation et le travail du conseiller d’orientation ?

Un autre questionnement concerne la spécificité de la personne qui consulte. En raison de modalités économiques, institutionnelles,

idéologiques ou pratiques, certaines interventions sont menées auprès d’individus classés, catégorisés ou regroupés sur la base de

l’âge, du statut professionnel, de l’appartenance à une communauté ou à un groupe, d’une cohorte, etc. Qu’est-ce qui permet ainsi de

définir le sujet-client au sein du processus ? À un autre niveau se pose également la question de la rationalité de la personne qui

consulte. Selon la posture du conseiller au regard des capacités et des caractéristiques de la personne qu’il rencontre, ce dernier est-il

considéré libre et rationnel ou est-il considéré comme déterminé et influencé par sa condition (ex. : santé mentale) ? Quant au

conseiller, comment conçoit-il la dimension du « social » dans la relation individu-environnement ? Laflamme (1993) a présenté

quatre perspectives sociologiques possible de l’insertion socioprofessionnelle qui toutes peuvent moduler les représentations du

conseiller : structuralisme, fonctionnalisme, phénoménologique, humaniste. Dans le même élan, Cournoyer (2010) regrouper en trois

Page 49: Recueil de texte en  counseling

49

perspectives les « lunettes » possibles du conseiller à l’égard du social : déterminisme (centration sur les facteurs, les causes et les

effets rattachés à l’expérience subjective et intersubjective du client); phénoménologique (centration sur la réalité construite par le

client de lui-même, de l’environnement et de son interaction); interactionnisme (centration sur l’interinfluence des échanges entre

l’individu et son environnement). Par « lunette », Cournoyer (2010) suggère que la perspective adoptée par le conseiller peut apporter

une teinte différente à sa conception du rôle du client et de lui-même au sein de la démarche d’orientation.

Le défi de s’affirmer : un « marketing socio relationnel »

Jusqu’en 1973, le mouvement associatif des conseillers d’orientation avait pour but de placer la profession parmi les rouages

importants du développement de l’éducation et du potentiel humain des Québécois. En 1973, profitant de son statut conféré par les

lendemains du Rapport Parent, la profession passe du soutien d’un « modèle associatif » à celui de « modèle institutionnalisé ». Ainsi,

les conseillers ne sont plus associés à vouloir intégrer un système, mais au contraire ils en sont maintenant les acteurs. Intégré, leur

développement en tant que profession passe alors par leur capacité à gérer le changement au travers de réformes éducatives et sociales,

de croissance et de décroissance économiques, d’opportunités et de coupures budgétaires, etc. Statutairement, les conseillers

d’orientation dépendent majoritairement d’un employeur public ou parapublic dont les orientations politiques de l’État définissent leur

condition. En cette deuxième décennie du 21e siècle où l’État n’arrive plus à maintenir les acquis des années passées et où, entre

autres, les besoins sociaux selon la priorité des différents services de santé, de services sociaux et d’éducation, les conseillers

d’orientation sont de plus en plus à œuvrer hors du modèle de développement institutionnalisé. Toutefois, hors de la logique du

système public se retrouve celle du système privé. Cette dernière constitue avant tout un marché d’offre de produits et de services en

concurrence les uns avec les autres selon les besoins du public et la capacité des offrants à y répondre. Est-ce alors l’annonce d’un

troisième modèle de développement pour les conseillers d’orientation, celui d’une sorte de marketing sociorelationnel ?

Le marché des services professionnels de l’éducation, de l’emploi et de la santé psychologique est aujourd’hui un espace où

transigent des partenaires, des compétences et des enjeux éthiques et financiers. La qualité et l’efficacité de sa mise en marché

(marketing), de même que celles des relations entretenues avec les différents acteurs concernés (sociorelationnel) s’avèrent tout aussi

importantes que la production même de ces services. L’évolution sociohistorique de la profession des conseillers d’orientation

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démontre que ce groupe professionnel a su tout au long de son existence, s’adapter et progresser au regard des transformations

sociales et sociétales. Comment peut-elle relever le défi du marketing sociorelationnel ?

Tout d’abord, les progrès majeurs enregistrés par la profession au fil de l’histoire s’est principalement faite lorsque ces derniers

travaillaient de façon concertée et qu’ils avaient chacun confiance en la pertinence sociale de leurs compétences. Dans un monde en

accélération constante au plan des besoins et des possibilités, les c.o. sont appelés à se doter d’une culture de formation continue tout

au long de la vie professionnelle : formation spécialisée, mentorat, entraide par les pairs, groupes de partage d’expertise, supervision

clinique, etc. L’histoire des c.o. démontre aussi que les avancées majeures ont pu se faire lorsqu’ils adoptaient une culture du

changement Bottom-Up, c’est-à-dire où ce sont les membres (Bottom) qui soulèvent, portent et luttent pour leurs intérêts, au risque de

bouleverser les institutions (Up) dont l’État, les organisations, voir même leur ordre professionnel. Dans leurs milieux et leurs

communautés, l’affirmation de la pertinence sociale passe immanquablement par le rôle-conseil. Tel que le souligne Villeneuve

(2005), c’est également saisir les occasions d’assurer un rôle-conseil dans son milieu et dans sa communauté immédiate : intégrer un

comité de travail ou des instances décisionnelles ; exprimer son intérêt à prendre part aux dossiers de l’heure ; demander tribune

auprès de personnes influentes sur des dossiers touchant l’orientation des individus; prendre part à des tables de concertation;

mobiliser d’autres acteurs autour d’enjeux partagés ; émettre des avis ; demander audience auprès de différentes instances et exprimer

des points de vue, tout en démystifiant notre rôle. Plus largement, les conseillers d’orientation doivent non seulement s’affirmer là où

ils œuvrent actuellement, mais également s’investir là où leurs services auraient toute la pertinence sociale de se retrouver :

l’évaluation spécialisée en santé mentale; l’intégration (et non seulement l’insertion) socioprofessionnelle des immigrants; la

reconnaissance des acquis ; la santé psychologique au travail; la deuxième carrière (post retraités); le coaching et la formation en

entreprise; le cyber counseling de carrière; le counseling interculturel; la justice sociale; les médias écrits, radiophoniques, télévisuels,

électroniques. Enfin, notons que 70 ans après sa naissance et près de 40 ans après sa confirmation comme profession réglementée, il

serait grand temps que la formation initiale des futurs conseillers d’orientation soit davantage assurée par des c.o. possédant plusieurs

années de pratique afin d’optimiser la transmission du patrimoine de connaissance et d’expérience.

L’histoire de la profession des conseillers d’orientation au Québec est fortement imbriquée à celle de la société québécoise, mais aussi

à celles des Canadiens-français, puis des Québécois. Pendant près d’un demi-siècle, il a fallu des individus porteurs de changements,

des pionniers tels que l’Abbé Wilfrid-Éthier qui voyaient dans l’orientation un outil pouvant servir tout un peuple. Pendant les années

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de grandes transformations sociales, voire de Révolution tranquille, les c.o. se sont dispersés et installés là où se trouvaient les besoins

individuels, organisationnels et sociaux, de même qu’où se trouvaient les leviers d’influence de la société. Par la suite, de la même

manière que la société québécoise, l’orientation s’est institutionnalisée. Pendant longtemps, cela lui a procuré un espace protégé pour

agir, créer et maintenir ses acquis. Aujourd’hui, les conseillers d’orientation sont appelés à retourner s’inspirer de leur histoire pour en

tirer des leçons pour mieux définir leur projet d’avenir.

Page 52: Recueil de texte en  counseling

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Enjeux et problématiques en développement de l’employabilité … Jean-François Maltais, c.o.4

Au Québec, la majorité des services d’aide en développement de l’employabilité offerts à la population sont rendus par des

professionnelles et professionnels formés au premier cycle universitaire en développement de carrière ou dans un domaine connexe lié

aux sciences sociales, sciences humaines et sciences de l’éducation. Au gré des transformations sociales, économiques, politiques,

technologiques et autres ayant marqués les sociétés occidentales au cours des dernières décennies, les types de clientèles sollicitant, à

un moment ou l’autre de leur vie, des services d’aide en développement de carrière ont non seulement augmenté, mais se sont aussi

diversifié (Organisation de coopération et de développement économiques, 2004). Ainsi, les conseillers œuvrant en développement de

carrière aujourd’hui au Québec doivent mener des interventions tenant compte aussi bien des enjeux psychosociaux, culturels et

économiques de populations immigrantes, d’ex-contrevenants, de femmes monoparentales, de personnes sans emploi et bénéficiant de

la sécurité du revenu de l’État, de personnes présentant un handicap sur le plan physique ou psychologique, que de travailleurs aux

prises avec des pressions et des tensions liées à leur environnement de travail.

Problématiques émergentes en développement de l’employabilité

La section qui suit, présente, à travers différentes clientèles, les problématiques en émergences avec lesquels les intervenants

travaillant dans les services d’aide au développement de l’employabilité du Québec doivent composer.

4 Locas, Valérie (2012). L’impact d’une formation axée sur la compréhension du fonctionnement psychologique (Approche Masterson) sur les pratiques de conseillères en

développement de l’employabilité au sein d’organismes du Montréal métropolitain. Rapport d’activité dirigée présenté à la faculté d’éducation en vue de l’obtention de la maîtrise

en orientation profil : carriérologie. Document disponible en ligne : http://orientationpourtous.blogspot.ca/2012/04/bonjour-vous-voici-une-premiere-mise-en.html

Page 53: Recueil de texte en  counseling

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La population des personnes immigrantes est l’une de ces clientèles émergentes depuis quelques années. Ces personnes nées à

l’extérieur du Canada, mais également celles de citoyens associés à un statut de minorités visibles, présentent de plus faibles revenus,

un taux de chômage plus élevé, malgré une scolarité souvent supérieure à la moyenne de la population québécoise (Emploi-Québec,

2007). Les enjeux de surqualification, d’absence de scolarisation québécoise, d’adaptation sociale, sans compter celles plus

particulièrement liées aux craintes de préjugés et de stigmatisation ne sont que quelques-uns des enjeux qui pèsent sur l’expérience

d’insertion socioprofessionnelle des immigrants (Bégin, 2009).

Un autre type de clientèle en émergence est celle des personnes ayant un dossier criminel. Celle-ci rencontre autant des difficultés

d’insertion que de réinsertion sociale et professionnelle. Elle représente actuellement près de 10% de la population québécoise et ce

chiffre ne cesse d’augmenter depuis 1996 (Bernheim, 2010). Cette personnes, comme plusieurs autres, voient leur situation

s’accompagner d’enjeux psychosociaux importants dont une faible estime de soi, un manque de motivation, des difficultés liées à la

consommation de drogues, d’alcool et de médicaments, des difficultés financières, ainsi que des problèmes de santé physique et

mentale. Tous ces enjeux, concomitants les uns avec les autres, ne sont pas sans avoir d’incidences négatives sur le développement et

le maintien de leur employabilité.

De leur côté, les femmes monoparentales représentent elles aussi un type de bénéficiaire présentant des problématiques complexes.

Celles-ci font entre autres face à des contraintes d’organisation du temps en raison de leurs responsabilités familiales, elles se

retrouvent souvent dans des emplois atypiques, caractérisés par la précarité, le travail moins bien rémunéré et sans sécurité d’emploi

(Cournoyer, 2009). Une recension de recherches menées par Bujold et Gingras (2000) sur le développement de carrière des femmes

démontre la panoplie d’enjeux auxquelles les femmes de manière générale, ainsi que les femmes en situation de monoparentalité en

particulier, doivent faire face : développement d’une identité personnelle, sociale, professionnelle et maternelle en simultanée ; gestion

de carrière et des barrières à l’emploi ; choix de vie et conciliation travail-famille, etc.

Les clientèles mentionnées jusqu’à présent, ainsi que plusieurs autres s’entremêlent également au sein de celles des prestataires de

l’aide sociale. Pour les conseillers en emploi qui accompagnent ces personnes en vue d’un développement de leur employabilité,

celle-ci représente un défi passablement important. Ainsi, malgré que la clientèle adulte sans contrainte d’emploi, selon les normes du

Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MESS), ait diminué de 44,2 % entre 1998 et 2008, les dernières années ont vu

Page 54: Recueil de texte en  counseling

54

apparaître une modification du profil de cette clientèle. En fait, le nombre d’adultes sans contrainte d’emploi faisant toujours appel au

service d’aide sociale et bénéficiant de ce service depuis plus de 120 mois semblent avoir augmenté (Emploi-Québec, 2008). De sorte

que cette clientèle apparaît désormais comme étant de plus en plus éloignées du marché du travail. Les prestataires d’aide sociale

présentent entre autres des problématiques de faible niveau de scolarité, des difficultés à intégrer un emploi stable et à s’y maintenir,

ainsi que des difficultés comportementales et relationnelles lorsqu’en emploi (Cournoyer, 2009).

Pour les personnes en marge du marché du travail, tout comme pour celles qui sont intégrées depuis plusieurs années, certains

phénomènes prennent de plus en plus d’ampleur. C’est le cas du phénomène de vieillissement de la population. Au cours des dernières

années, il est possible d’en voir les premières répercussions sociales, dont sur le plan de problématiques avec lesquelles les conseillers

en développement de l’employabilité doivent, et devront de plus en plus, composer. Bussière et coll. (2009) mentionnent, dans une

étude de l’Institut national de recherche scientifique (INRS) — Urbanisation, Culture et Société, qu’à moins de changements

démographiques majeurs, le Québec sera l’une des sociétés les plus vieilles en occident d’ici 2041. Face à cette problématique du

vieillissement de la population, une étude de Ressources humaines et développement des compétences du Canada (RHDCC, 2008),

mentionne les obstacles à l’emploi auxquels cette clientèle en émergence au Québec et au Canada doit faire face. Ils mentionnent entre

autres que certains employeurs risquent de nourrir des stéréotypes négatifs au sujet des travailleurs âgés et de s’accrocher aux mythes

au sujet de leur capacité ou de leur rendement. D’autres risquent de sous-évaluer la productivité des travailleurs âgés, d’appliquer des

pratiques surannées en matière de ressources humaines ou simplement de ne pas être conscients des compétences, des capacités et de

la valeur que les travailleurs âgés apportent à leur organisation. Il est aussi question d’un manque de connaissance en matière de

stratégies de recherche d’emploi, d’aspirations salariales élevées, de préjugés de la part des employeurs, d’une scolarité insuffisante,

de compétences en micro-informatiques insuffisantes et d’une faible mobilité de la main-d’œuvre.

Les personnes présentant un handicap figurent aussi parmi les clientèles à la fois plus nombreuses et plus à risque sur le plan de la

précarité de l’emploi. Les difficultés d’intégration au travail des personnes handicapées vont bien au-delà de leur qualification, car ces

personnes font face à des limitations aussi bien intellectuelles, psychiques, que physiques (Emploi-Québec, 2009). Les défis

d’intégration à l’emploi de ces personnes toucheraient par exemple, des problématiques telles que le manque de confiance en soi, le

manque d’estime de soi, l’isolement, des difficultés à s’adapter aux changements ou des attentes irréalistes face au marché du travail

Page 55: Recueil de texte en  counseling

55

(Emploi-Québec, 2004). Ce qui engendre des difficultés supplémentaires à prendre en compte dans le développement de

l’employabilité de ces clientèles.

Au fur et à mesure que se confrontent les lourdeurs des problématiques propres à chacune des clientèles mentionnées ci-dessus à un

environnement de travail de plus en plus exigeant, où la sécurité d’emploi est moindre, la qualité des conditions d’accès et de

développement au travail réservé à une élite, la marginalisation, la mise à l’écart du besoin fondamental de travailler ou de produire

quelque chose de sa vie peut entraîner des conséquences importantes sur la santé psychologique. Cournoyer (2010) indique que la

clientèle présentant des troubles de santé mentale est en augmentation dans les organismes en employabilité. Il mentionne par exemple

des problématiques de dépression, de troubles bipolaires et de troubles de personnalité limite, comme faisant partie des

problématiques auxquelles les spécialistes du domaine de l’employabilité doivent de plus en plus faire face. Il peut être ajouté à cela,

des problèmes de consommation de drogue, de lourde médication ou de la dépendance au jeu. Norcross et coll. (2002), mentionnaient

déjà il y près de dix ans les grands besoins en soins pour la santé mentale et l'augmentation de la mise à contribution des

professionnels en counseling de niveau maîtrise dans le traitement de ces problèmes. Toujours il y a dix ans, l'Organisation mondiale

de la santé (OMS, 2001) mentionnait que les besoins pour des soins de santé en lien avec la santé mentale étaient en augmentation et

représentait 12% de toutes les maladies répertoriées. Il est à noter qu’au Québec, 59 % des diagnostics médicaux des prestataires du

programme de solidarité sociale répertoriés en 2008 touchent la santé mentale, ainsi que les difficultés intellectuelles et

d’apprentissage (Emploi Québec, 2009). Plus récemment, une recherche menée par la Fédération étudiante collégiale du Québec

(FECQ, 2011), mentionne la fulgurante augmentation des cas de troubles d'apprentissage, de déficits de l'attention ou de problèmes de

santé mentale et mentionne que ces problématiques ont bondi de 1150 % de 2005 à 2009.

Au niveau de la prévalence des troubles de la personnalité dans la population générale, peu de données canadiennes semblent

disponibles. Toutefois, plusieurs études américaines récentes démontrent qu’environ 10 % de la population générale souffrirait d’un

trouble de la personnalité (Torgersen, 2001; Reich, Yates et Nduaguba, 2005; Lenzenweger, 2009). Une étude de Landry et coll.

(1996) mentionne aussi une prévalence élevée de troubles de la personnalité chez les personnes aux prises avec un problème de

toxicomanie. Les troubles de la personnalité seraient même une des plus importantes causes d’inadaptation psychosociale des

individus à long terme (Bessette, 2010). En se basant sur ces statistiques, on peut facilement croire que parmi les individus se

Page 56: Recueil de texte en  counseling

56

présentant dans les services d’aide à l’emploi du Québec, un certain pourcentage d’entre eux a un trouble de la personnalité ou de

santé mentale autre.

Parallèlement, des études récentes rapportent l’impact de la dégradation des conditions de travail, de la qualité de vie et de la santé

mentale chez les travailleurs et les personnes sans emploi. Tel que le souligne Soarès (2002), la prévalence élevée de la détresse

psychologique, de symptômes dépressifs et de troubles de stress post-traumatique est plus élevée chez de nombreuses personnes en

emploi ou qui perdent leur emploi. Une étude moins récente menée par Karasek, Gardell et Lindell (1987) mentionnait déjà dans les

années 80 des liens entre la surcharge de travail et la détresse psychologique des travailleurs. L’association internationale de la

sécurité sociale (2010), mentionne dans une étude concernant l’impact des crises économiques sur la santé mentale des travailleurs

que dans l’optique où les difficultés existant sur le marché de l’emploi et le niveau élevé du chômage se prolongent, l’on peut

s’attendre à ce que l’anxiété générée par la précarité des revenus et des emplois persiste. L’étude souligne entre autres que les

problèmes de santé mentale risquent par conséquent de devenir de plus en plus préoccupants pour les gouvernements et les travailleurs

et que la dernière crise économique a probablement eu des répercussions sur la santé mentale des travailleurs dans tous les pays. De

plus, on y mentionne que les bénéficiaires d’indemnités en lien avec des limitations dû à la santé mentale sont les personnes qui

rencontrent le plus de difficultés à retrouver un emploi à plein temps. Bemak et Hanna (1998), dans un article paru dans

l’International Journal for the Advancement of Counselling, mentionne que le 21e siècle amènera de nouveaux problèmes de société

qui auront un impact majeur sur la santé mentale des populations. Les auteurs disent entre autres que les conseillers en relation d’aide

prendront de plus en plus de place dans toutes les sphères la société quant à la prévention et l’intervention sur les problématiques de

santé mentale. Ils suggèrent donc que les formations des conseillers prennent en compte ces faits et ajustent leurs formations afin de

répondre plus efficacement à cette réalité. Au sujet de la place occupée par les conseillères et les conseillers en emploi sur le marché

du travail, Services Canada (2010) mentionne que vu les besoins grandissants des adultes en chômage ou en processus de réorientation

en matière de counseling d'emploi et d'orientation professionnelle, le nombre de conseillers en emploi devrait augmenter de façon

notable au cours des prochaines années.

Partout au Canada les associations professionnelles de conseillers en relations humaines se regroupent pour développer un cadre plus

rigoureux au plan de la déontologie et des normes de pratique (Association canadienne de counseling et de psychothérapie, 2009). Tel

Page 57: Recueil de texte en  counseling

57

qu’on le mentionne dans le comité responsable des travaux menés dans le cadre du mandat de modernisation de la pratique

professionnelle en santé mentale et en relations humaines (Comité d’experts, 2005):

Jamais sans doute n’aura-t-on accordé, autant qu’à notre époque, une telle attention à la santé, que ce soit sous

l’angle de la santé des individus, des politiques de santé publique, des services à la population, du financement qui

s’y rattache, des avancées technologiques et scientifiques, des perspectives d’avenir… Derrière cela, se profilent très

nettement l’évolution des sociétés, le vieillissement des populations, de nouvelles conceptions au plan des droits,

l’essor des découvertes, la mondialisation, et bien d’autres phénomènes, tant en contexte québécois, que canadien ou

étranger. (p.3)

Cet état des faits sur la complexification du marché du travail et des types de problématiques vécu par les clientèles, combinées à un

intérêt de plus en plus évident à travers le Canada pour développer un cadre plus rigoureux au plan de la déontologie et des normes de

pratique, envoie un message clair sur l’importance de la compréhension du fonctionnement psychologique des individus par les

conseillères et conseillers en relation d’aide, et ce, peu importe leur secteur d’activité. De tels constats peuvent soulever des

questionnements au niveau de l’employabilité quant à la compétence des conseillères et des conseillers en emploi à intervenir avec des

clientèles de plus en plus complexes et par le fait même, sur leur compétence à intervenir sur les multiples dimensions qui composent

les individus. Entre autres, les ressources personnelles (connaissance de soi, aptitudes, capacités, acquis formels et informels, sexe,

âge, etc.), les conditions du milieu (famille, groupe de pairs, contexte socioculturel, conditions économiques, etc.) et sur la dimension

du fonctionnement psychologique (intérêts, valeurs, croyances, personnalité, stratégies d’adaptation, motivation, lieu de contrôle,

affirmation de soi, autonomie, etc.) (Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec (OCCOQ), 2010). Rivière (2008) a

abordé la question du sentiment de compétence des intervenants en décrivant le sentiment d’impuissance qui peut être ressentie en

relation d’aide. L’auteur mentionne que les clients, par leurs attentes irréalistes quant aux résultats de la thérapie, par leurs demandes

contradictoires, par leurs comportements mésadaptés face au cadre et aux règles du processus, fait en sorte que les intervenants en

arrivent à ressentir un sentiment d’impuissance dans leur capacité à aider leurs clients. Cela vient en quelque sorte renforcer l’idée

pour les conseillers et conseillères en emploi d’avoir des compétences au niveau de la compréhension des dimensions composants les

individus, dont celle du fonctionnement psychologique.

Page 58: Recueil de texte en  counseling

58

Bien qu'il soit difficile de convenir d'une définition générale du fonctionnement psychologique sans faire référence à une théorie, une

approche ou un modèle conceptuel spécifique, l'OCCOQ (2010) dans son guide d'évaluation en orientation donne la définition

suivante :

En référence au champ d'exercices, le fonctionnement psychologique implique la prise en compte des

caractéristiques de la personne (ex. : intérêts, valeurs, aptitudes, traits de personnalité), de l'organisation dynamique

de son expérience (ex. : croyances, pensées, émotions, comportements), ainsi que de leurs effets sur sa vie

quotidienne (ex. : modalités d'autorégulation et d'autoprotection, qualité de l'estime et de la confiance en soi,

stratégies adaptatives). Le fonctionnement psychologique est influencé par des facteurs d'ordre biologique,

psychologique et social. L'évaluation du fonctionnement psychologique implique également de prendre en compte la

présence de troubles mentaux ou neuropsychologiques, d'un retard mental, de situation de handicap, de difficultés

d'adaptation en contexte scolaire ou professionnel, ou d'autres troubles décelés par des référentiels reconnus en santé

mentale.5(p.6-7)

Il y a alors lieu de se demander si les conseillères et conseillers en emploi sont suffisamment formés pour intervenir efficacement à

l’intérieur de cette dimension de l’individu qu’est le fonctionnement psychologique. C’est ce que nous tenterons de répondre un peu

plus loin.

Rôle et tâches de conseillères et de conseillers en emploi

Dans le domaine de l’employabilité au Québec, ce sont les conseillères et les conseillers en emploi qui principalement s’occupent du

développement de l’employabilité. Le Ministère des Ressources Humaines et Développement des Compétences du Canada (RHDCC)

5 Dans le cadre de cette recherche, lorsqu’il sera question du fonctionnement psychologique, c’est à cette définition que le lecteur est invité à se référer.

Page 59: Recueil de texte en  counseling

59

via le site Internet6 de la classification nationale des professions (CNP, 2010), définit le métier de conseiller en emploi de la façon

suivante :

Les conseillers en emploi prodiguent des conseils et du counseling, et donnent des renseignements aux clients qui

travaillent sur tous les aspects de la recherche d'emploi et du choix de carrière. Ils conseillent également les

employeurs sur les problèmes liés aux ressources humaines et à l'emploi. Les conseillers en emploi travaillent

principalement pour les gouvernements fédéraux et provinciaux, mais travaillent également dans de grands

établissements et des services de placement privés. Les superviseurs des conseillers en emploi sont compris dans ce

groupe de base.

Pour ce qui est des tâches des conseillères et conseillers en emploi, ceux-ci font principalement les tâches suivantes :

6 http://www5.rhdcc.gc.ca/CNP/Francais/CNP/2006/Bienvenue.aspx

Page 60: Recueil de texte en  counseling

60

Tableau 1.1

Tâches relatives au travail de conseillères et de conseillers en emploi

faire une entrevue d’accueil et rencontrer les clients pour obtenir des

renseignements sur leurs antécédents professionnels et scolaires, ainsi

que leurs objectifs professionnels, en utilisant le counseling individuel.

identifier les obstacles à l'emploi et aider les clients dans des domaines

comme les aptitudes à l'emploi, les stratégies de recherche d'emploi, la

rédaction du curriculum vitae et la préparation avant une entrevue;

conception, planification et animation d'ateliers de groupe ayant pour

but la recherche d'emploi (bilan de carrière, méthodes et techniques de

recherche d'emploi: curriculum vitae, lettre de présentation, entrevue

d'emploi, contacts téléphoniques, etc.).

élaborer des plans d'action, faire l’encadrement et le suivi des

participants lors des stages d'exploration au marché du travail

donner des conseils aux employeurs sur les ressources humaines et

autres sujets liés à l'emploi;

administrer et interpréter des tests afin de cerner les intérêts, les

aptitudes et les habiletés d'un client;

déterminer les besoins tels que la réadaptation, l'aide financière ou la

formation professionnelle complémentaire et diriger les clients vers les

services appropriés;

fournir aux travailleurs en emploi de l'information sur le maintien en

emploi ou les mutations au sein d'un organisme, la façon de faire face à

Page 61: Recueil de texte en  counseling

61

l'insatisfaction professionnelle ou les changements d'orientation en

cours de carrière;

recueillir des renseignements sur le marché du travail et informer le

client des possibilités d'emploi, des conditions d'accès à la profession,

des compétences requises et autres renseignements sur les professions;

fournir des services de consultation aux groupes et organismes

communautaires, aux entreprises et à l'industrie ainsi qu'à d'autres

organisations qui s'occupent de fournir des ressources dans la

collectivité au niveau de la planification de carrières.

Possibilité de travailler auprès d'une clientèle présentant divers

handicaps physiques ou intellectuels

Référer vers diverses ressources selon les besoins.

Sources : Site internet de la CNP (2006) ; Relance des diplômées et des diplômées de l’université de Sherbrooke (2010)

Le développement de l’employabilité consiste à évaluer la situation de la personne selon différentes dimensions, dont les ressources et

les lacunes, à mobiliser son potentiel humain, ainsi qu’à intervenir sur certaines caractéristiques du fonctionnement personnel et social.

Si la répartition géographique des problématiques sociales, psychologiques, culturelles, économiques et autres propres aux clientèles

de conseillers en développement de carrière s’étend sans aucun doute à l’ensemble des régions du Québec, force est de constater que

c’est dans la région de Montréal qu’il est possible d’y retrouver la plus forte concentration et le plus grand nombre de personnes aux

prises avec une ou plusieurs de celles-ci.

Spécificité montréalaise en développement de l’employabilité

Dans la région de Montréal, la population présente certaines particularités faisant en sorte que cette région du Québec présente des

défis pour les intervenants en employabilité qui sont différents du reste de la province. Tout d’abord, la part des personnes titulaires

Page 62: Recueil de texte en  counseling

62

d’un diplôme universitaire (certificat, baccalauréat et diplômes d’études supérieures) correspond à près du tiers (31,8 %) de la

population montréalaise, ce qui est bien au-dessus de la moyenne québécoise (21,4 %) (Emploi-Québec, 2010). Il apparaît toutefois

que ce pourcentage de personnes possédant un diplôme universitaire sur l’île de Montréal varie beaucoup d’un secteur à l’autre de

l’île. En effet, ce pourcentage passe de 14 % pour le territoire du centre local d’emploi (CLE) de Pointe-aux-Trembles, à 48,3 % pour

le territoire du Plateau-Mont-Royal. Aussi, près du tiers des personnes de 15 ans et plus ne possèderaient aucun diplôme dans les

secteurs de Montréal-Nord et de Saint-Michel (Emploi-Québec, 2009). Des disparités apparaissent donc avec le reste du Québec, mais

aussi à travers les différents secteurs de l’île de Montréal. Selon cette même étude, la présence des personnes nées hors Canada et des

personnes issues des minorités visibles serait très marquée sur l’île de Montréal puisque ces deux groupes rassemblent respectivement

602 060 et 455 700 des personnes de l’île. À l’échelle du Québec, 66,1 % des personnes nées hors Canada et 69,7 % des personnes

issues des minorités visibles résideraient sur le territoire de l’île de Montréal. Aussi, en comparaison avec le reste de la province de

Québec, l’île de Montréal comporterait une plus grande part de jeunes adultes de 20 à 39 ans, tant chez les hommes que les femmes.

Sur l’aspect salarial, les personnes vivant sur l’île de Montréal auraient un salaire annuel inférieur au reste du Québec. Pour la

population des 25 à 44 ans cela représenterait un salaire d’environ 12 % de moins. La situation serait davantage préoccupante pour les

personnes nées à l’extérieur du Canada et vivant sur l’île de Montréal, puisque leur revenu médian serait inférieur à ceux des

personnes nées au Québec et vivant eux aussi sur l’île de Montréal (respectivement 18 183 $ et 25 561 $).

Portée des interventions des conseillères et des conseillers en emploi

Le répertoire en ligne « Itinéraire pour l’emploi » fournit une liste de sites Internet d’organismes du grand Montréal offrant des

services en développement de l’employabilité. L’analyse exhaustive des informations contenues sur les sites Internet d’une

quarantaine de ces organismes indique une prépondérance de services offerts plus particulièrement aux jeunes adultes et aux adultes

visant à insérer ou réinsérer, à s’adapter, sinon à se maintenir sur le marché du travail. L’analyse a également permis de mettre en

lumière la variété des problématiques – parfois imbriquées les unes aux autres - qui accompagnent ces services, que ce soit les enjeux

d’immigration, de toxicomanie, de judiciarisation, de santé mentale et d’adaptation psychosociale (Appendice A).

Page 63: Recueil de texte en  counseling

63

Les conseillères et les conseillers en emploi possèdent généralement une formation de 1er cycle universitaire en développement de

carrière ou dans une discipline connexe. Au Québec, trois universités offrent le programme de formation spécialisée en orientation et

en développement de carrière : Laval, Université du Québec à Montréal et Sherbrooke. Toutefois, la Classification nationale des

professions (CNP, 2010) apporte les précisions suivantes concernant la formation des conseillers et conseillères en

emploi actuellement sur le marché de travail :

Un baccalauréat ou un diplôme d'études collégiales dans un domaine connexe tel que la psychologie, les services

sociaux ou l'éducation est habituellement exigé. Un diplôme d'études secondaires, ainsi que plusieurs années

d'expérience dans les services liés au counseling ou dans une profession d'aide peuvent suppléer aux études

officielles.

Ainsi, la formation des conseillères et conseillers en emploi s’avère plus ou moins définie et rien ne semble garantir que toutes et tous

présentent les qualifications initiales couramment associées aux tenants d’un baccalauréat en orientation ou en développement de

carrière. Cette réalité est d’autant plus préoccupante que 40 % des conseillères et conseillers en emploi ne possèderaient pas de

formation universitaire et que près de 10% auraient un diplôme d’études secondaires 5 ou moins (Site internet de Services Canada,

2010). Le tableau qui suit présente la répartition de l’emploi selon le plus haut niveau de scolarité atteint par les conseillers et

conseillères en emploi au Québec :

Page 64: Recueil de texte en  counseling

64

Tableau 1.2

Scolarité des conseillères et des conseillers en emploi au Québec

Moins d’un diplôme d’études secondaire 1,4 %

Diplôme d’études secondaires complété (DES) 9,0 %

Diplôme postsecondaire non universitaire 29,6 %

Diplôme universitaire de baccalauréat et plus 60,0 %

Source : Service Canada (2010)

Les cursus de formation de premier cycle universitaire spécialisés en orientation et en développement de carrière permettent aux

étudiantes et aux étudiants d’acquérir les compétences théoriques et pratiques sur le plan du counseling de carrière, de la

psychométrie, du traitement de l’information, de la psychologie de la personnalité et de l’information scolaire et professionnelle.

Néanmoins, comme il est possible de le constater en analysant les cursus de formation de chacune des universités (Appendice B), les

compétences acquises suite à la formation demeurent lacunaires au plan de l’intervention clinique auprès de personnes présentant des

troubles de santé mentale et d’adaptation psychosociale. La formation de baccalauréat leur fournit beaucoup de notions théoriques et

pratiques comme des stages, mais la dimension du fonctionnement psychologique y semble très peu approfondie.

Les conseillères et conseillers en emploi ne sont pas seuls à intervenir dans le domaine de l’employabilité. Les conseillères et

conseillers d’orientation œuvrent aussi dans ce domaine. Le comité responsable des travaux menés dans le cadre du mandat de

modernisation de la pratique professionnelle en santé mentale et en relations humaines (Comité d'experts sur la modernisation de la

pratique professionnelle en santé mentale et en relations humaines, 2005) propose la définition suivante quant au rôle des conseillères

et des conseillers d’orientation :

Page 65: Recueil de texte en  counseling

65

L’exercice de l’orientation consiste à évaluer le fonctionnement psychologique, les ressources personnelles et les

conditions du milieu, à intervenir sur l’identité, à développer et à maintenir des stratégies actives d’adaptation dans

le but de faire des choix personnels et professionnels tout au long de la vie, de rétablir l’autonomie

socioprofessionnelle et de réaliser des projets de carrière chez l’être humain en interaction avec son environnement.

L’information, la promotion de la santé, la prévention du suicide, de la maladie, des accidents et des problèmes

sociaux font également partie de l’exercice de la profession auprès des individus, des familles et des collectivités.

Ce même comité d’experts (2005) mentionne aussi que lorsqu’on prend en considération le rôle du travail dans la préservation de la

santé mentale et l’impact des problèmes liés au travail dans l’équilibre de la personne, le conseiller d’orientation pourra être mis à

contribution dans le cadre de la réalisation du Plan d’action en santé mentale du ministère de la Santé et des Services sociaux du

Québec. Cournoyer (2009), mentionne quant à lui :

Par leur travail d’évaluation, d’interventions et de suivi du développement de l’employabilité de leur clientèle, les

conseillers d’orientation sont en mesure, entre autres, de participer à la reconnaissance de compétences génériques et

techniques, de préparer les personnes aux réalités qui les attendent sur le marché du travail, à porter des actions

préventives en matière de décrochage scolaire et enfin, à donner un sens à la vie personnelle et professionnelle de

personnes plus ou moins éloignées du marché du travail. (p.29)

L’analyse des formations de niveau maîtrise (deuxième cycle universitaire) des conseillères et conseillers d’orientation permet de

remarquer que les notions enseignées sont plus approfondies quant au fonctionnement psychologique de la personne (Appendice C).

La formation semble mieux outiller ces dernières et ces dernières à intervenir auprès de clientèles présentant des problématiques plus

complexes. D’ailleurs, la profession de conseillères et conseillers d’orientation (Comité d’experts, 2005) est aujourd’hui appelée

légalement à voir ses interventions dirigées sur la prise en compte des multiples dimensions de l’individu et entre autres sur celle du

fonctionnement psychologique. Par exemple, les caractéristiques de la personne, l’organisation dynamique de son expérience et les

effets sur sa vie quotidienne. Ces professionnels doivent aussi prendre en compte la présence de troubles mentaux ou

neuropsychologiques, d'un retard mental, de situation de handicap, de difficultés d'adaptation en contexte scolaire ou professionnel, ou

d'autres troubles décelés par des référentiels reconnus en santé mentale (OCCOQ, 2010). Cela est d’autant plus vrai depuis l’apparition

Page 66: Recueil de texte en  counseling

66

du projet de loi 21, qui avait pour objectif de modifier le Code des professions afin de prévoir une redéfinition des champs d’exercices

professionnels dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines pour plusieurs métiers en relation d’aide, dont le métier

de conseiller d’orientation. Entre autres, ce projet de loi inclut des activités d’information, de promotion et de prévention communes à

l’exercice de certaines professions de la santé, tel que la prévention du suicide. Il établit pour les conseillers d’orientation une réserve

d’exercice pour des activités à risque de préjudice dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines et prévoit

l’encadrement de la pratique de la psychothérapie (gouvernement du Québec, 2009).

Ces différents aspects du métier de conseillère et de conseiller d’orientation témoignent d’une meilleure préparation à l’exercice

d’interventions portées sur des problématiques psychosociales toujours plus présentes sur le marché du travail. Néanmoins, il

demeure que les conseillères et conseillers en emploi, qu’elles et qu’ils le veuillent ou non, sont aussi confrontés quotidiennement à

ces problématiques difficiles et complexes. Ils n’auront toutefois pas nécessairement le bagage pour intervenir et se sentiront peut-être

dépassés au niveau de l’intervention.

À ce propos, il existe au niveau de l’intervention en général, une multitude de courants de pratique différents pouvant être utilisées par

les conseillers et conseillères en emploi dans le cadre de leur pratique. Parfois utilisées seules ou en combinaison, les choix ne

manquent pas. Suite à une étude sur l’identité professionnelle des conseillers canadiens, Gazzola et coll. (2010) ont démontré que

l'orientation théorique la plus utilisée par les conseillers canadiens ayant participé à l'étude, est l'approche humaniste centrée sur le

client, tandis que les approches psychodynamiques seraient le moins utilisées. 40% des répondants affirmeraient utiliser au moins trois

approches différentes dans leur pratique et 30 % en utiliseraient même six et plus.

Page 67: Recueil de texte en  counseling

67

Schémas et solutions : opposées ou complémentaires ?

Geneviève Plante

Étudiante à la maîtrise en carriérologie

Université du Québec à Montréal

Louis Cournoyer, c.o.

Professeur en counseling de carrière

Université du Québec à Montréal

La formation en counseling de carrière individuel de la maîtrise en carriérologie à l’Université du Québec à Montréal (UQÀM)

propose l’intégration de deux approches qui, a priori, s’avèrent passablement différentes, voire même inconciliables. Cet article

propose une présentation distincte des deux approches, puis soulève pistes d’intégrations possibles.

L’approche centrée sur les schémas d’adaptation dysfonctionnels

Les travaux de Jeffrey Young sur les schémas dysfonctionnels ont d’abord porté sur le traitement de personnes présentant des troubles

de personnalité. Rapidement toutefois, plusieurs champs disciplinaires de l’intervention psychosociale se sont intéressés à ses

applications pratiques (Young, Klosko et Weishaar, 2005). Ces derniers définissent le concept de schéma en tant que

Modèle ou thème important et envahissant, constitué de souvenirs, d’émotions, de pensées et de sensations corporelles,

concernant soi-même et ses relations aux autres, constitué au cours de l’enfance ou de l’adolescence, enrichi tout au long

de la vie par l’individu et dysfonctionnel de façon significative (Young et coll., 2005, p. 34).

Fondamentalement, les individus de toutes cultures cherchent dès leur naissance à répondre à des besoins affectifs tels que la sécurité,

l’autonomie, la liberté, l’autocontrôle et les relations personnelles. Les schémas se développent généralement tôt dans la vie de

l’individu. Ils sont en fait des façons de répondre à des expériences sociales et relationnelles nocives : frustration des besoins,

traumatismes ou victimisation, excès de satisfaction des besoins, internalisation ou identification sélective à une personne importante.

Si les schémas d’adaptation s’avèrent initialement sain et fonctionnels pour la personne, ils deviennent dysfonctionnels lorsqu’ils sont

maintenus à l’âge adulte dans des contextes qui pourtant ne nécessitent pas leur mise en place, voir peut même leur nuire.

Page 68: Recueil de texte en  counseling

68

Le choix de stratégies d’adaptation employés pour faire face aux situations nocives à l’origine des schémas variera selon les

caractéristiques du tempérament de la personne. Young et ses collègues (2005) considèrent que le tempérament de la personne va

déterminer la manière dont se fera l’adaptation situationnelle face aux types de besoins non répondus. À partir de multiples études

scientifiques cliniques, Young et ses collègues (2005) ont identifié 18 schémas reflétant autant de réactions cognitives, affectives et

comportementales de la personne à des stimulations d’apparence similaires à celles ayant menés plus jeunes à la mise en place de

stratégies d’adaptation. Young et coll. (2005) identifient ces stratégies en tant que styles d’adaptation. Ainsi, face à des situations

suscitant l’activation de mêmes schémas, le style d’adaptation de la personne pourra consister à en faire l’évitement, à s’y soumettre

ou encore à compenser celui-ci. Pour mieux démêler les concepts théoriques précédemment présentés, voici un tableau résumé :

Page 69: Recueil de texte en  counseling

69

Les schémas d’adaptation

Cinq types de besoins affectifs fondamentaux

Sécurité liée à

l’attachement aux

autres

L’autonomie, la

compétence et le

sens de l’identité

La liberté d’exprimer ses

besoins et ses émotions

La spontanéité et le jeu

Les limites et

l’autocontrôle

Schémas d’adaptation

Séparation et rejet

Manque

d’autonomie

et de

performance

Sur-vigilance et inhibition Orientation vers les autres Manque de limites

Abandon et

instabilité

Méfiance et abus

Manque affectif

Imperfection et

honte

Isolement social

Dépendance et

incompétence

Peur du danger

ou de la

maladie

Fusionnement

et personnalité

atrophiée

Échec

Négativité et

pessimisme

Sur contrôle émotionnel

Idéaux exigeants et

critique excessive

Punition

Assujettissement

Abnégation

Recherche

d’approbation et de

reconnaissance

Droits personnels

exagérés

Contrôle de soi et

autodiscipline

insuffisants

Motifs de développement des schémas

Frustration des

besoins

Traumatisme

s ou

victimisation

Excès de satisfaction

des besoins

Internalisation ou

identification

sélective avec des

personnes

importantes

Frustration des besoins

Page 70: Recueil de texte en  counseling

70

Fonctions d’influence au plan du tempérament

Émotif vs Aréactif

Dysthymique

vs Optimiste

Anxieux vs Calme Obsessionnel

vs Distractif

Passif

vs Agressif

Styles d’adaptation

Compensation

Évitement Capitulation

En counseling de carrière, l’approche centrée sur les schémas d’adaptation dysfonctionnels propose au professionnel d’être attentif

aux schémas du client. En effet, dans cette approche, les conseillers d’orientation sont invités à essayer d’identifier, au travers des

comportements, pensées et sentiments du client, les schémas présents chez ce dernier. Naturellement, cette identification se fait

uniquement si des schémas apparaissent au cours du processus et si cela est pertinent à l’accompagnement du client dans sa demande.

Si c’est le cas, le travail avec les schémas peut amener le client à mieux se comprendre et ainsi, à mieux contourner les conséquences

négatives de ses schémas sur sa démarche d’orientation (difficulté à prendre une décision, conflit de valeurs, etc.) (Cournoyer, 2010).

Cette prise de conscience permet aussi aux clients d’effectuer des choix plus adaptés en prenant en compte la présence des schémas.

L’approche centrée sur les schémas d’adaptation dysfonctionnels présente plusieurs avantages pour les conseillers d’orientation qui

l’utilisent. Tout d’abord, elle offre un cadre conceptuel permettant de former des hypothèses de travail. Ces hypothèses sont aidantes

lorsqu’il s’agit d’intervenir auprès d’un client présentant, par exemple, certaines distorsions cognitives ou une dynamique interne

unique. L’approche centrée sur les schémas permet justement de détecter et de travailler les distorsions présentes chez les clients,

offrant ainsi un cadre structurant l’exploration des cognitions des clients. C’est donc ce que l’approche sur les schémas apporte : un

cadre pour comprendre les dynamiques des clients, surtout si elles sont dysfonctionnelles. L’accès à ce cadre a un impact direct sur les

hypothèses de travail qui peuvent être formées entre les rencontres et donc, sur les interventions faites durant le processus. Il arrivera

que cela vous éclaire sur certains éléments qui accrochent dans la démarche d’orientation du client. Naturellement, ce cadre n’est pas

une panacée et il faudra toujours vérifier comment les interprétations faites à partir des schémas seront reçues par les clients.

Toutefois, ce cadre de référence s’avère précieux pour prendre du recul sur ce qui se passe dans la relation avec le client.

Page 71: Recueil de texte en  counseling

71

Ensuite, cette approche est intéressante parce qu’elle a été créée en s’inspirant de différents courants en psychologie (Young et coll.,

2005). De ce fait, le modèle présenté inclut des concepts psychologiques tels que l’attachement et l’importance des relations en début

de vie. Cela lui donne une teinte psychologique qui peut être complémentaire à d’autres approches, dont l’approche centrée sur les

solutions. Cette approche a aussi l’avantage d’offrir une flexibilité. En effet, elle ne suggère pas que tous les clients sont toujours en

situation d’activation de schémas dysfonctionnels. C’est plutôt le contraire. Les schémas sont parfois fonctionnels, parfois

dysfonctionnels. Ils sont activés dans certaines situations. Ils peuvent se manifester différemment selon le style d’adaptation dans

lequel ils se présentent (Young et coll., 2005). Ces exemples servent à illustrer toutes les nuances que comporte cette approche. Ces

nuances sont importantes parce qu’elles permettent de rendre compte de l’unicité des clients et d’éviter les généralisations qui peuvent

parfois être destructrices. Ces nuances permettent également au professionnel adhérant à l’approche centrée sur les schémas d’être

flexible dans ses interventions. Ces dernières peuvent donc être adaptées selon les clients, les problématiques, les schémas, etc.

L’approche orientée vers les solutions

L’approche orientée vers les solutions est une approche qui mise sur les ressources et les forces du client (O’Hanlon et Weiner-Davis,

1995). Dans le cadre d’un processus, ces dernières sont soulignées et renforcées par le professionnel. Elles sont également utilisées

lors de l’élaboration de solutions avec les clients. Cette élaboration se fait dans une optique de cocréation, c’est-à-dire que le

professionnel et le client collaborent à l’identification de ces solutions (O’Hanlon et Weiner-Davis, 1995). Pour ce faire, plusieurs

techniques sont utilisées dans l’approche orientée vers les solutions. Parmi celles-ci, notons l’utilisation de la question miracle, qui sert

à projeter le client dans un avenir où le problème pour lequel il consulte a disparu et la recherche des moments d’exception, qui

correspondent à des contextes passés où le problème vécu est absent et où le client se sent mieux (Lamarre, 2005). Ces techniques

permettent de trouver des pistes de solutions à partir desquelles il est possible de construire.

De par ces méthodes, il est facile de constater que l’approche orientée vers les solutions accorde moins d’importance à la définition et

à la compréhension de l’origine du problème vécu par le client que d’autres approches (O’Hanlon et Weiner-Davis, 1995).

Naturellement, un temps est accordé pour accueillir la description de la problématique vécue par le client, mais un processus bref est

privilégié, sans être expéditif (O’Hanlon et Weiner-Davis, 1995). Pour les tenants de cette approche, il n’est pas nécessaire d’en savoir

Page 72: Recueil de texte en  counseling

72

beaucoup sur un problème pour être capable de le résoudre. Ils vont plutôt favoriser la détermination des objectifs à atteindre par le

client et une recherche collaborative de solutions (Lamarre, 2005). En effet, selon l’approche orientée vers les solutions, comme il

existe plusieurs façons justes de voir une problématique, c’est au client à déterminer ce qu’il veut travailler et non au professionnel de

juger. C’est donc la vision subjective du client qui compte. Le professionnel a plutôt comme rôle de détecter les possibilités de

changements, d’utiliser un langage pour l’induire et d’accompagner le client dans sa mise en place (O’Hanlon et Weiner-Davis, 1995).

Il est aussi important de souligner que pour les tenants de cette approche, de petits changements peuvent être suffisants pour répondre

à la demande du client. En concentrant la mise en action du client sur de petits objectifs réalisables, les changements faits peuvent

avoir un impact significatif sur d’autres aspects de la vie du client et ainsi, induire un changement permanent. Cette approche vise

donc l’élaboration de solutions avec les clients plutôt que la résolution de leur problème (Lamarre, 2005).

L’approche orientée vers les solutions a plusieurs avantages. En premier lieu, elle permet d’aborder le counseling de carrière selon un

angle très positif. En effet, en mettant l’accent sur les forces et les ressources du client, cela fait en sorte que le processus change de

teinte. Au lieu d’essayer d’aider le client à travailler ses difficultés et à pallier ses défauts, il est possible de miser sur ce qui fonctionne

pour le client, sur ce qui le fait avancer au travers des aléas de la vie. Cette philosophie d’intervention peut rejoindre les conseillers

d’orientation étant de nature optimiste et qui croient au potentiel de l’être humain.

De par sa nature, cette approche véhicule aussi une notion de productivité dans le processus de counseling de carrière. En étant

tournée vers l’atteinte des objectifs et la recherche de solutions, elle permet la mise en place de conditions gagnantes pour répondre à

la demande d’un client. En effet, garder en tête l’objectif final du processus donne une direction aux rencontres et permet au client de

ne pas perdre de vue ce qu’il veut changer. Il arrive que certains clients tentent de faire leur choix tout en étant ayant des problèmes

dans d’autres sphères de leur vie. En ce sens, l’approche orientée vers les solutions est pertinente puisqu’elle permet au client de se

concentrer sur les réponses à leur problème et sans ressasser toutes les émotions négatives autour. Aussi, travailler en collaboration

pour trouver des solutions qui s’appuient sur les ressources du client permet d’identifier des moyens de changement qui sont plus

susceptibles de fonctionner que s’ils étaient uniquement proposés par le professionnel. L’aspect positif de cette approche est aussi

pertinent dans cette optique puisqu’il va peut-être permettre au client d’effectuer un changement qui aura des conséquences favorables

sur les autres sphères de sa vie.

Page 73: Recueil de texte en  counseling

73

L’approche orientée vers les solutions accorde également de l’importance à l’impact des mots, des termes et des temps de verbe

employés lors d’échanges (O’Hanlon et Weiner-Davis, 1995). Par exemple, les conseillers sont invités à utiliser dans certains

contextes le verbe « avoir » au lieu du verbe « être » puisque cela permet au client de se détacher de son état. Ainsi, il est possible de

refléter à un client se disant qu’il est un imbécile que ces derniers temps, il a l’impression d’avoir des comportements d’imbécile. Cela

diminue l’impact du terme utilisé par le client lui-même et le situe dans un contexte où il y a espoir que la situation change. De ce fait,

dans cette approche, il est possible pour les conseillers d’orientation d’utiliser leur connaissance de la langue française afin d’adhérer

par exemple, à certains principes de structuration de phrases orientant le dialogue avec le client.

CONCLUSION

Finalement, compte tenu des arguments précédents, l’approche orientée vers les solutions peut bien compléter l’approche

centrée sur les schémas d’adaptation dysfonctionnels. En effet, la première permet d’identifier des objectifs et des solutions tandis que

la seconde permet de comprendre des dynamiques personnelles plus complexes. Ayant des visées différentes, ces deux approches

peuvent donc s’intégrer dans un processus et permettre un travail plus global en fonction de la problématique vécue par la personne.

En fait, il semblerait que chacune de ses approches comble un espace laissé vacant par l’autre. L’approche centrée sur les solutions

vient guider les professionnels de l’orientation sur la façon de travailler les moyens, les solutions et les objectifs en regard de la

problématique vécue par le client. Quant à l’approche centrée sur les schémas, elle vient orienter une pratique auprès d’une clientèle

présentant des enjeux personnels divers.

Ainsi, il peut être intéressant de combiner les deux lors d’un processus. Par exemple, poser la question miracle de l’approche

centrée sur les solutions amènera le client à se projeter à la fin du processus et à verbaliser ses attentes. Cela aidera à ce que l’objectif

global du processus soit fixé. Ensuite, par les questions qui seront posées lors de l’exploration de la problématique, des intérêts,

aptitudes ou valeurs pourront être identifiés. Au travers de ces éléments, des pistes de solutions pourraient également ressortir. En

effet, si le client raconte une histoire de réussite du passé, les moyens utilisés à ce moment peuvent être soulignés afin de les appliquer

à la situation présente. Ce type d’intervention se base sur l’approche orientée vers les solutions.

Page 74: Recueil de texte en  counseling

74

L’approche centrée sur les schémas a aussi une application concrète dans un processus d’orientation. Il faut d’abord rappeler

que cette approche nous dit que les schémas ne sont pas tout le temps dysfonctionnels (Young et coll. 2005). Alors, il faudra faire

attention à ne pas attribuer un schéma au client sans le vérifier. Ce sont des hypothèses qui seront formulées et qui serviront de point

de départ pour aider le client à mieux se comprendre. Pour ce faire, Young et ses collaborateurs (2005) suggèrent d’utiliser la relation

avec le client. Par exemple, si le conseiller remarque qu’il se passe quelque chose dans cette dernière qui est de l’ordre de l’activation

d’un schéma d’adaptation dysfonctionnel, il doit en faire part au client. Cela pourrait lui faire prendre conscience de sa façon d’entrer

en contact avec les autres. Conséquemment, cela l’aidera à faire des choix plus en accord avec ce qu’il est. Il peut donc être utile de

détecter et valider des schémas auprès du client. Si le client est en accord avec la présence d’un schéma, il peut également s’avérer

intéressant de voir comment cela l’affecte positivement ou négativement. Ainsi, ces impacts pourront être pris en considération dans la

mise en place d’un plan d’action.

D’ailleurs, à ce stade, les interventions peuvent s’inspirer de la philosophie à laquelle se rattache l’approche orientée vers les

solutions. Cette dernière stipule qu’il est important de faire de petits pas, de choisir des cibles réalisables et de croire au changement.

Des moyens pourront être suggérés, mais c’est surtout en se basant sur les forces et les ressources du client ainsi que les moyens ayant

fonctionné par le passé que le plan d’action sera formé. Le professionnel adhérant à cette approche tentera également d’inspirer au

client le changement voulu en utilisant des tournures de phrases lui laissant espérer qu’il va se produire. Et c’est ainsi que les deux

approches pourront nous aider à aider le client.

Page 75: Recueil de texte en  counseling

75

Pratiques d’orientation au collégial …

Stéphanie Gervais, c.o.7

Les conseillers d’orientation interviewés ont identifié différentes stratégies d’intervention qu’ils utilisent dans le cadre de leur pratique

professionnelle afin de réaliser un processus d’orientation avec le client. Pour faciliter la présentation des différentes stratégies

d’intervention utilisées, cette section sera subdivisée en six sous-sections, soit les stratégies visant à instaurer une alliance de travail

favorable au changement; encourager l’autodétermination et la responsabilisation; favoriser une meilleure connaissance et

compréhension de soi; stimuler la découverte du monde des activités humaines; considérer l’environnement social et; accompagner

dans la prise de décision.

Instaurer une alliance de travail favorable au changement

L’analyse des propos des conseillers d’orientation a permis de faire ressortir particulièrement les trois thèmes présentés dans le tableau

suivant comme étant liés à la stratégie consistant à instaurer une alliance de travail favorable au changement :

7 Gervais, Stéphanie (2012). Les stratégies d’intervention mises en œuvre par des conseillers d’orientation du réseau d’enseignement collégial auprès de collégiens inscrits au

secteur régulier. Rapport d’activités dirigées présenté comme exigence partielle de la maîtrise en carriérologie. Sous la direction de Louis Cournoyer, professeur. Montréal :

Université du Québec à Montréal. Document disponible en ligne : http://orientationpourtous.blogspot.ca/2012/09/essai-en-ligne-les-strategies.html

Page 76: Recueil de texte en  counseling

76

Tableau 4

Thèmes émergeants et définitions opératoires de la stratégie d’intervention consistant à

Instaurer une alliance de travail favorable au changement

Thèmes émergeants Définitions opératoires

Rendre explicite l’objectif de consultation Clarifier les besoins et les attentes vis-à-vis la démarche afin

d’établir un objectif commun d’intervention

Afficher sa couleur Exprimer son offre de service, c’est-à-dire ses intentions quant

à la manière de réaliser la démarche d’orientation

Favoriser l’établissement d’un lien de confiance

mutuel S’assurer de créer, maintenir et rétablir au besoin un lien émotif

soutenant

Rendre explicite l’objectif de consultation

Rendre explicite l’objectif de consultation fait référence, dans le cadre de cette analyse, à clarifier les besoins et les attentes vis-à-vis la

démarche afin d’établir un objectif commun d’intervention. Pour le c.o.14, rendre explicite l’objectif de consultation s’avère le

premier élément à considérer à l’intérieur d’une démarche d’orientation :

Dans la première rencontre, une des premières choses que je veux travailler, c’est le besoin réel, le besoin réel de

consultation de l’étudiant […] mes interventions vont tourner toujours au tour de : je veux que l’étudiant, à la fin de sa

première rencontre, ça soit plus clair pour lui les raisons, parce qu’il y a toujours des raisons qui sont explicites ou qui sont

superficielles…Je suis pas sûr de pouvoir rentrer en enseignement, ça fait que c’est pour ça que dans le fond je viens

consulter parce que j’ai plein de choix qui m’intéressent aussi… Au fond, ce qu’il faut nommer, c’est est-ce que je me

connais réellement. Est-ce que dans le fond ça m’angoisse d’être devant un paquet de choix possibles… Je ne me fais pas

confiance et je n’assume pas encore mes décisions. Moi, ce que je veux faire, c’est nommer ça. (c.o.14)

Page 77: Recueil de texte en  counseling

77

En d’autres termes, la stratégie du conseiller d’orientation est de s’assurer de bien déterminer la demande en clarifiant le besoin et en

cernant les obstacles d’orientation évoqués par le client. Le c.o.4 ajoute la notion de confort et d’inconfort lié à la problématique de

s’orienter :

Après ça, c’est sûr que je vais essayer de regarder, ben, c’est quoi le degré de confort, puis pourquoi il y a un degré

d’inconfort pour que ça t’amène à consulter? Ok, et là, je vais essayer d’aller vraiment en profondeur pour aller voir,

beaucoup plus concrètement à nommer, à mettre des mots, à établir dans le fond un profil de c’est quoi vraiment la zone

d’inconfort et à partir de quoi on doit travailler (c.o.4)

L’importance d’identifier le besoin réel de consultation est également partagée par le c.o.6 qui ajoute la notion de clarification d’état

personnel espéré suite à la démarche afin d’établir un objectif commun d’intervention :

Ben, moi, quand l’étudiant arrive, c’est sûr qu’on explore dans un premier temps les besoins… pourquoi elle vient… les

besoins, en fait, les besoins dits et non-dits. Donc, on explore un peu sa réalité, pourquoi il en arrive à se poser là,

précisément, des questions par rapport à son orientation. Donc, il y a vraiment une entrevue complète qui est accordée à

ça. Par la suite, on va explorer un peu où il en est, faire le point, qu’est-ce qui a été fait jusqu’à maintenant [...] qu’est-ce

qu’il désire trouver suite à la démarche».

Le c.o.1 nomme également l’importance de toujours avoir un objectif clair pour arriver au changement souhaité en précisant qu’il est

essentiel de réévaluer l’objectif tout au long du processus puisqu’il peut s’avérer nécessaire d’en déterminer un nouveau en fonction

des changements qui surviennent au cours de la démarche. Il indique :

[...] dans le counseling individuel, essentiellement, c’est de répondre aux besoins de la clientèle étudiante par,

essentiellement, l’écoute, d’abord, mais, ensuite, d’essayer de par nos interventions de définir le besoin, le plus clairement

possible [...] donc, généralement, la première rencontre, dans le processus, c’est vraiment définir le besoin, essayer d’aller

Page 78: Recueil de texte en  counseling

78

voir qu’est-ce qu’il en est [...] Pis j’essaye plus souvent, le plus souvent possible, de préciser si c’est vraiment dans cette

direction-là qu’ils veulent aller.

Ainsi, selon ces quatre conseillers d’orientation, il est central de cerner dès le début du processus le besoin réel et l’état espéré suite à la démarche

afin de s’entendre explicitement sur un objectif commun d’intervention, et que cet objectif se doit d’être évalué de façon continue afin de parvenir

au changement souhaité.

Afficher sa couleur

Afficher sa couleur fait référence, dans le cadre de cette analyse, à exprimer son offre de service, c’est-à-dire ses intentions quant à la

manière de réaliser la démarche d’orientation. Pour le c.o.9, il s’agit de vérifier les attentes liées à l’orientation et d’expliquer les

modalités de déroulement de la démarche proposée afin de convenir d’un contrat d’engagement éclairé. Il mentionne :

[…] la façon que je procède, ben, c’est d’expliquer, un peu moi comment je procède et de vérifier avec lui si ça lui

convient. Moi, ma façon, c’est que je lui présente le processus dynamique d’une démarche d’orientation qui est comme un

entonnoir avec les différentes étapes […] je lui demande aussi : c’est quoi pour toi une démarche d’orientation? As-tu déjà

consulté? J’essaie vraiment d’aller chercher eux autres, leurs perceptions, leurs croyances, puis on travaille ensemble,

comme ça. (c.o.9)

Les propos du c.o.5 vont dans le même sens lorsqu’il affirme : «moi, souvent, je commence avec le consentement libre et éclairé parce

que je trouve que ça situe un petit peu ma vision de l’orientation. Puis je vérifie un petit peu avec eux s’ils ont des expériences, s’ils

ont déjà rencontré des conseillers. En ce sens-là, c’est quoi leurs attentes? ». Dans le même ordre d’idée, le c.o.4 indique « […] je vais

présenter mon modèle, c’est-à-dire, moi, qu’est-ce que je pense que je peux faire comme type d’accompagnement, la façon dont je

voudrais travailler. Puis, je vais aller chercher le consentement là-dessus […] et je vais essayer d’aller recadrer donc dans la façon

dont on pourrait travailler». L’importance d’afficher sa couleur est également partagée par le c.o.1 qui ajoute « […] le premier temps,

Page 79: Recueil de texte en  counseling

79

il est important, où j’explique un peu ce à quoi le client peut s’attendre…je dirais mes forces, mes limites, mais aussi comment on peut

procéder dans le cadre». Il affirme ainsi l’importance de mentionner ses limites en tant qu’intervenant afin de repousser des attentes

irréalistes par rapport à la démarche d’orientation. L’importance de repousser des attentes irréalistes est également mentionnée par le

c.o.4 qui affirme :

Sauf quand on est à minuit moins cinq, là, c’est sûr, bien entendu, on va expliquer, on va recadrer beaucoup sur comment

il aurait fallu travailler. Comment d’habitude on essaie de faire un processus pour que la personne puisse repartir avec une

décision qui est confortable. Puis c’est quoi les conditions pour avoir une décision qu’on considère confortable […] et

comment on pourrait travailler à la limite, à rebours, c’est-à-dire essayer de prendre une décision au meilleur de notre

connaissance avec quelques variables et essayer d’établir un processus qui va essayer de valider ou d’infirmer la décision

qui a été prise. Parce que ça, il ne faut pas se le cacher, la personne qui arrive le 27 février et qui a un formulaire à cocher

au 1er mars, il faut se trouver une autre façon de travailler (c.o.4)

Ainsi, selon ces quatre conseillers d’orientation, afficher sa couleur d’intervenant favorise l’implantation d’une alliance de travail

favorable au changement étant donné que cette stratégie contribue à la mise en place d’un contrat d’engagement éclairé.

Favoriser l’établissement d’un lien de confiance mutuel

Favoriser l’établissement d’un lien de confiance mutuel fait référence, dans le cadre de cette analyse, à s’assurer de créer, maintenir et

rétablir au besoin un lien émotif soutenant afin d’obtenir un engagement durable. Pour le c.o.3, la création du lien de confiance doit se

faire dès la première rencontre : « […] quand ils viennent me voir c’est beaucoup de cibler le besoin, puis travailler également la

relation de confiance au départ». De plus, le c.o.1 souligne l’importance de l’immédiateté en counseling de carrière, notamment pour

nommer, au moment présent, ce qui se passe dans la relation et pour revisiter le lien émotif :

Je vais avoir tendance à aller dans l’ici et maintenant et de voir qu’est-ce qui se passe au moment de notre relation.

Ensuite, peut-être, c’est d’élargir : est-ce que ça, ce qu’on vit là, ben, ça un impact ailleurs, est-ce que ça ressemble à toi

Page 80: Recueil de texte en  counseling

80

ailleurs aussi? Ou bien, c’est notre relation qui est comme ça. Évidemment, aller valider d’une certaine façon le lien de

confiance et ainsi de suite […] (c.o.1)

Le c.o.1 précise qu’il s’avère nécessaire pour créer, maintenir et rétablir au besoin le lien émotif, d’être en mesure de nommer son

intentionnalité pour justifier chacune de ses interventions et son plan d’intervention :

[…] constamment, je lui reflète ou je la rassure d’une certaine façon dans pourquoi je fais telle chose. Parce que des fois, il

y a des questionnements qui peuvent ne pas paraître orientant dans ce sens-là, puis les étudiants vont se questionner, vont

se demander : « ouin, mais, c’est quoi le rapport » Moi, je leur dis souvent, en posant cette question-là, ce que je cherche à

savoir, c’est ça pour que… pour qu’ils sentent que vraiment, que je fais de l’accompagnement avec eux-autres et qu’ils

s’imaginent pas que je vais faire une équation et que je vais arriver à un résultats XY ou… à la fin. (c.o.1)

Ainsi, selon ces deux conseillers d’orientation, le lien de confiance se construit au fur et à mesure de la relation et de la démarche

d’orientation et permet de maintenir une alliance de travail favorable au changement.

Encourager l’autodétermination et la responsabilisation

L’importance d’accroître chez le client le sens des responsabilités liée à sa démarche d’orientation et d’encourager la détermination de

son avenir professionnel par lui-même a été soulignée par plusieurs des conseillers d’orientation interviewés. L’analyse des entretiens

a permis de faire ressortir particulièrement les deux thèmes présentés dans le tableau suivant comme étant liés à la stratégie qui

consiste à encourager l’autodétermination et la responsabilisation :

Page 81: Recueil de texte en  counseling

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Tableau 5

Thèmes émergeants et définitions opératoires de la stratégie d’intervention consistant à Encourager l’autodétermination et la

responsabilisation

Thèmes émergeants Définitions opératoires

Utiliser des stratégies d’autonomisation

Offrir une certaine autonomie d’action en vue d’accroître la prise en charge de

l'individu par lui-même, de sa destinée professionnelle et sociale

Inciter une implication sur le long terme

Favoriser un étalement dans le temps du processus pour permettre des actions

d’orientation et soutenir l’intégration de ces expériences en vue de faciliter le

choix de carrière

Utiliser des stratégies d’autonomisation

Utiliser des stratégies d’autonomisation fait référence, dans le cadre de cette analyse, à offrir une certaine autonomie d’action en vue

d’accroître la prise en charge de l'individu par lui-même, de sa destinée professionnelle et sociale. D’abord, le c.o.4 spécifie qu’il est

utile d’entrevoir avec le client qu’il a le pouvoir de changer sa situation et de rétablir son autonomie socioprofessionnelle : « […] on

va essayer d’aider la personne à voir «elle-même» les avantages de changer, qu’elle puisse par elle-même être capable de voir ce que

ça va lui donner de pouvoir changer». L’importance d’amener le client à tenter ses propres actions dans le but de lui permettre

d’arriver à faire des choix personnels et professionnels est mentionnée par le c.o.5 :

Souvent, j’essaie que les étudiants font eux-mêmes leurs propres démarches, mais quand je me rends compte qu’ils ont

besoin d’un coup de main, j’essaie de faire du mieux que je peux aussi là. Pour vraiment, qu’ils aient le plus d’outils, puis

d’éléments possibles, pour qu’ils en viennent à faire leur propre choix. Puis, c’est beaucoup ça que je mentionne dans mon

Page 82: Recueil de texte en  counseling

82

consentement libre et éclairé. J’aime ça parce que c’est mentionné que je suis là pour les accompagner, les guider, les

outiller, mais en aucun cas, faire leur choix à leur place. (c.o.5)

Le c.o.9 souligne également la nécessité d’encourager une implication active du client dans sa démarche et de le responsabiliser par

rapport à ses choix : «L’entonnoir se ferme un petit peu plus et là, je mets davantage l’étudiant dans l’action, dans les devoirs. Pas que

dans mon bureau il n’est pas en action, au contraire! Je le ramène à lui parce que moi, ce que je leur dis c’est que j’ai pas de boule de

cristal! Et jamais je dis à l’étudiant dans quoi il va s’en aller, je l’oriente, je le guide, je l’accompagne». Le c.o. 7 partage le même

point de vue lorsqu’il affirme : «J’implique les étudiants dans le sens que je les fais travailler aussi. On le fait pas juste durant la

rencontre, je leur réfère des exercices de réflexion […] je les fais travailler de leur côté, puis ça pour moi, c’est important. Parce que ça

les implique plus, je pense, puis ça les amène aussi plus loin dans leur démarche». Quant à lui, le c.o.11 parle de faire sortir le client de

sa zone de confort en expérimentant la nouveauté pour permettre l’acquisition d’une plus grande indépendance :

J’essaie aussi de voir qu’il va essayer aussi avec moi des choses qu’il n’arrive pas… qu’il ne fait pas avec d’autres, ou

qu’il a essayé et qui n’ont pas marché. Alors, j’essaie de voir comment qu’il développe une nouvelle habileté […] je

compte sur le temps, sur le fait qu’il n’a rien débuté, et je compte sur l’expérimentation de quelque chose de nouveau, puis

qu’il va le faire […] il va l’essayer en dehors du bureau, dans sa situation à lui. (c.o.11)

Ainsi, selon ces cinq conseillers d’orientation, l’utilisation de stratégies d’autonomisation stimule l’indépendance, permet d’accroître

le sens des responsabilités liés au choix d’orientation, favorise une implication active dans le processus et permet d’acquérir

ultimement le pouvoir de décider de son destin professionnel.

Inciter une implication sur le long terme

Inciter une implication sur le long terme fait référence, dans le cadre de cette analyse, à favoriser un étalement dans le temps du

processus pour permettre des actions d’orientation et soutenir l’intégration de ces expériences en vue de faciliter le choix de carrière.

Pour plusieurs des conseillers d’orientation rencontrés, leurs expériences auprès de la clientèle cégépienne les amènent à observer

qu’il est préférable d’espacer les temps de rencontres. Notamment, puisque l’identité professionnelle est à construire et en ce sens,

favoriser l’engagement dans des activités à caractère orientant afin d’arriver à la prise de décision professionnelle. Pour le c.o.8,

Page 83: Recueil de texte en  counseling

83

l’application d’une approche orientante dans son organisation contribue à forger l’identité professionnelle des étudiants en raison de la

diversité des moyens qui lui sont offerts pour se découvrir :

Quand il arrive en activité d’intégration, en dernière session, quand j’arrive pour l’admission universitaire, ben le

professeur a questionné ça, le professeur de français a questionné son orientation et le prof de sciences humaines. On a

installé ça avec les années, ça fait 8 ans que je travaille à développer une approche orientante avec les profs! Ça fait que

c’est pour ça que le processus, il y en a beaucoup d’élèves qui vivent là-dedans. Ils vont devoir participer aux ateliers, faire

les portes ouvertes, aller à la conférence du prof. Avec tout ça, on est en train de monter un peu leur bilan. (c.o.8)

Le c.o.5 croit également que de clarifier son identité permettra à l’étudiant de spécifier un choix professionnel. Pour sa part, il

encourage une exploration «terrain» des préférences vocationnelles afin de permettre la validation ou l’invalidation d’une option:

[…] comme là, il y en a un, je le voyais, il est en deuxième session. Il voudrait déjà spécifier pour l’université, mais il nous

manque des outils. Ça fait que là, on a dit : à court terme, qu’est-ce qu’on peut faire? Finalement, il a dit qu’en septembre

il allait s’impliquer parce qu’il avait un intérêt, mais qu’il n’était pas sûr. Donc, il allait s’impliquer dans une activité qui se

rapportait à cet intérêt-là. Puis, cet été, il allait essayer de se trouver un emploi, alors qu’il n’a jamais travaillé. À partir de

septembre prochain, on s’est entendu qu’on poursuivrait en fonction de ce qu’il aurait cumulé de plus sur lui-même. (c.o.5)

Enfin, le c.o.12 suggère aussi de réaliser les processus d’orientation sur le long terme avec les collégiens, puisque cela est possible

avec cette clientèle et favorise le développement identitaire :

Ce que j’aime d’être dans un Cégep, c’est que des fois le temps peut compter. Donc, il y a des étudiants qui viennent me

voir puis là, je leur dis veux-tu tout suite continuer ou ben non, prends le temps un peu de t’intégrer, tout ça. Puis, on

pourra se voir à la prochaine session ou à l’autre d’après, mais d’ici là, fais ça, sois attentif à ça. Des fois, comme là, ces

temps-ci, j’utilise la période de l’été pour dire là c’est l’été, soit actif, soit là dans ce que tu fais, observe, pose des

questions. J’essaie de le solliciter à être en constante réflexion. (c.o.12)

Page 84: Recueil de texte en  counseling

84

Ainsi, selon ces trois conseillers d’orientation, l’implication dans une démarche à long terme permet à l’étudiant de participer à

diverses activités d’orientation durant son passage au collégial, ce qui favorise la construction de son identité professionnelle et lui

permet ultimement de se définir professionnellement.

Favoriser une meilleure connaissance et compréhension de soi

L’analyse des propos des conseillers d’orientation a permis de faire ressortir particulièrement les trois thèmes présentés dans le tableau

suivant comme étant liés à la stratégie qui consiste à favoriser une meilleure connaissance et compréhension de soi :

Tableau 6

Thèmes émergeants et définitions opératoires de la stratégie d’intervention consistant à favoriser une meilleure connaissance et

compréhension de soi

Thèmes émergeants Définitions opératoires

Recourir à l’évaluation psychométrique

Utiliser des tests psychométriques afin de mesurer les attributs psychiques (différentes

facettes de la personnalité) des personnes

Stimuler la conscience réflexive sur soi

Il s’agit pour la personne de s’observer individuellement, afin d’augmenter sa

connaissance de soi, en ayant recours à l’introspection

Utiliser le récit autobiographique

Explorer et intégrer son expérience pluridimensionnelle afin de clarifier sa

problématique

Page 85: Recueil de texte en  counseling

85

Recourir à l’évaluation psychométrique

Recourir à l’évaluation psychométrique fait référence, dans le cadre de cette analyse, à utiliser des tests psychométriques afin de

mesurer les attributs psychiques des personnes. Cette stratégie est utilisée par la majorité des conseillers d’orientation interviewés.

Plusieurs d’entre eux ont mentionné privilégier le recours à l’évaluation psychométrique avec des personnes qui se dévoilent moins

facilement et qui possèdent une faible connaissance de soi. Le c.o.15 souligne l’apport des tests psychométriques dans une démarche

d’orientation auprès d’une clientèle ayant une faible connaissance de soi : «Pour les étudiants pour qui c’est difficile de s’exprimer,

qui ne se connaissent pas, ben là, on travaille beaucoup avec le GROP […] Donc, pour un étudiant qui est pas, qui a beaucoup

beaucoup de difficultés à identifier des caractéristiques qu’il a, qui ne se connaît pas beaucoup, ben souvent, ça va être mon outil pour

m’aider à l’aider». Le c.o.9 partage le même point de vue en précisant que les tests psychométriques permettent un échange qui

stimule la réflexion sur soi : «Ce que j’aime des outils psychométriques, c’est que souvent quand l’étudiant a de la difficulté à

s’exprimer ou qu’il n’y a pas beaucoup de chair autour de qu’est-ce qu’il me dit, ben je trouve que les résultats d’analyse d’un outil

psychométrique permettent un échange, d’avoir plus de rétro de la part de l’étudiant, de mettre un miroir aussi». Le c.o.14 ajoute que

l’utilisation de tests psychométriques peut également contrer des résistances chez le client :

Il y a beaucoup d’étudiants qui, tout ce qu’on voit c’est des points d’interrogation. Qui suis-je? Je vois un gros point

d’interrogation. Quand on va dans l’introspection pour aller voir, c’est comme si ça existait pas ou ce réflexe-là n’est pas

encore créé. Alors, de peser dessus encore, c’est encore plus angoissant. Donc, on sort ça, on enlève la pression. Et c’est là

que je peux utiliser différents outils : tests psychométriques, banques de mots…Des fois, juste des mots ou des inventaires

d’intérêts ou de traits de personnalité […]. (c.o.14)

Certains conseillers d’orientation ont également soulevé l’importance de faire bon usage des tests psychométriques. L’évaluation

psychométrique permet d’obtenir des informations qui, souvent, ne seraient pas accessibles autrement, d’où l’importance de ne pas se

limiter à interpréter des données psychométriques et s’assurer de valider son interprétation auprès du client. À cet égard le c.o.2

souligne : «Puis après, je fais l’explication, puis on discute pour savoir si ça lui ressemble, il ou elle, puis qu’est-ce qui changerait par

Page 86: Recueil de texte en  counseling

86

rapport à ça». Le c.o.6 croit également qu’il est important d’obtenir des rétroactions de la part des clients, grâce au counseling

vocationnel, ce qui permet de clarifier sa compréhension de soi :

[…] Moi, avec l’étudiant, jamais je ne fais de l’appariement, c’est-à-dire ton résultat donne ça, on explore ça, ça, ça. Très

peu. Qu’est-ce qu’on va faire c’est qu’avec les résultats du test, on va se poser des questions ensemble. On va essayer de

voir qu’est-ce qui pourrait être intéressant, pourquoi si un choix qui ressort pas intéressant, ben, pourquoi qu’il n’apparaît

pas intéressant. On peut aller chercher certaines informations comme ça. (c.o.6)

Ainsi, selon ces cinq conseillers d’orientation, recourir à l’évaluation psychométrique permet dans un premier temps d’approfondir la

connaissance de soi et dans un deuxième temps, elle rend les personnes capables de définir leurs besoins et structurer leur vie grâce à

une meilleure compréhension de soi.

Stimuler la conscience réflexive sur soi

Stimuler la conscience réflexive sur soi fait référence, dans le cadre de cette analyse, à s’observer individuellement, afin d’augmenter

sa connaissance de soi, en ayant recours à l’introspection. Pour le c.o.14, il est central d’observer la représentation de soi du client : «

[…] c’est plutôt d’essayer de regarder avec l’étudiant comment il se décrirait, quelles sont ses ressources à lui, ses intérêts, ses

besoins, ses valeurs, je regarde globalement sa vision qu’il a de lui-même». Le c.o.8 mentionne également utiliser cette forme

d’intervention avec les collégiens : «Je vais voir, oui, je construis tranquillement pas vite sa représentation qu’il a de lui. Moi, ça me

permet d’apprendre à le connaître».

Le c.o.9 mentionne l’importance d’accorder du temps dans la démarche à l’exploration et la compréhension de soi : «Moi, je ne crois

pas que juste des activités pour faire des activités, ça peut amener l’étudiant à s’arrêter sur un choix. Il a besoin de verbaliser, il a

besoin de rattacher cette expérience-là à lui-même, à qui il est. Et voir, est-ce que ça correspond à qui je suis?».

Il termine en ajoutant qu’il peut être soutenant pour le client de lui demander de représenter par l’image et l’écriture sa représentation

de soi :

Page 87: Recueil de texte en  counseling

87

Des fois, j’utilise même un squelette. La vraie image de squelette sur papier et ils doivent l’habiller concrètement, même

aller découper, dessiner, puis mettre leurs intérêts, leurs aptitudes, leurs valeurs, suite aux résultats de tests. Vraiment, pour

qu’ils présentent ce squelette-là, et que finalement, il ne soit plus un squelette, mais que ça soit eux pas juste

physiquement, mais au niveau de leur personnalité, qu’ils soient capables de me décrire qui ils sont. (c.o.9)

Ainsi, selon ces trois conseillers d’orientation, stimuler la conscience réflexive sur soi est un moyen efficace de favoriser une

meilleure connaissance et compréhension de soi, ce qui augmente la capacité à choisir les meilleures options possibles pour soi.

Utiliser le récit autobiographique

Utiliser le récit autobiographique fait référence, dans le cadre de cette analyse, à explorer et intégrer son expérience

pluridimensionnelle afin de clarifier sa problématique. Le c.o.1 mentionne : «Je vais chercher à connaître comment elle vit sa vie de

tous les jours, un peu, qui l’entoure, comment elle vit les choses». Pour le c.o.10, la rétrospective du parcours de vie est importante :

Au début, je dirais que mes deux premières rencontres, c’est beaucoup au niveau de la connaissance. Apprendre à mieux

connaître la personne, connaître son histoire, lui faire revivre, d’une certaine façon, son histoire aussi. Finalement, faire

ressortir tous les indices sur son vécu personnel, son vécu scolaire antérieur, puis faire les liens. Commencer à faire des

liens au niveau du monde du travail. Ensuite, voir avec la personne quelle formation…comment elle a fait son choix

collégial. Puis, qu’est-ce qu’elle a rejeté, pourquoi elle l’a rejeté ? Voir les acquis aussi que les personnes ont. (c.o.10)

Le c.o.8 utilise la même stratégie d’intervention : «On fait un peu le bilan de son secondaire. Comment que ça va? Qui il est? Qu’est-

ce qui fait? Donc, on est beaucoup dans le récit de vie. Il va me parler de lui, des choix qu’il a faits, comment il les a faits, des impacts

que ça l’a. Puis en même temps, il me parle aussi de ce qu’il vit dans ses cours, les disciplines qu’il voit».

Page 88: Recueil de texte en  counseling

88

Ainsi, selon ces trois conseillers d’orientation, pour faciliter la clarification de la problématique du client, il est pertinent d’explorer le

vécu pluridimensionnel pour mieux comprendre l’évolution de sa situation, cerner la façon de prendre des décisions et obtenir une

meilleure compréhension de soi.

Stimuler la découverte du monde des activités humaines

L’analyse des propos des conseillers d’orientation a permis de faire ressortir particulièrement les deux thèmes présentés dans le

tableau suivant comme étant liés à la stratégie qui consiste à stimuler la découverte du monde des activités humaines:

Tableau 7

Thèmes émergeants et définitions opératoires de la stratégie d’intervention consistant à stimuler la découverte du monde des activités

humaines

Thèmes émergeants

Définitions opératoires

Guider l’exploration de l’information

scolaire et professionnelle

Éduquer et accompagner dans la recherche d’informations concernant le marché du

travail et de la formation

Inciter les expériences de contacts

Encourager la découverte du monde des activités humaines par l’interaction directe

avec des professionnels du marché du travail et de la formation

Page 89: Recueil de texte en  counseling

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Guider l’exploration de l’information scolaire et professionnelle

Guider l’exploration de l’information scolaire et professionnelle fait référence, dans le cadre de cette analyse, à éduquer et

accompagner dans la recherche d’informations concernant le marché du travail et de la formation. Le c.o.4 mentionne utiliser cette

stratégie d’intervention :

[…] je vais essayer de leur donner une méthodologie de travail : donc, comment on s’y prend quand on veut comparer des

formations ou des professions, sur quelles variables... Donc, je vais essayer de les outiller dans ce sens-là. Après ça, ils

vont revenir avec leurs constatations, puis là, après ça, je vais essayer de passer ça dans le filtre un petit peu de la réalité.

C’est-à-dire que : est-ce que c’est vrai que telle profession, c’est ça que ça fait? Sur quelle base tu arrives à cette

constatation-là? (c.o.4)

Pour sa part, le c.o.11 mentionne avoir conçu un outil servant précisément à accompagner le client dans l’exploration de l’information

liée au monde du travail et de la formation :

Alors, j’ai pris un questionnaire comme ça qui … et je l’ai adapté avec le côté information scolaire pour que justement, au

fil de nos rencontres, s’il avait à explorer, à aller voir des gens, faire un stage, aller sur internet, qu’il aille pas n’importe

où, qu’il aille à un endroit qu’on sait que s’il va explorer, même s’il n’aime pas lire, ça risque à quelque part, de l’amener à

en lire plus, en savoir plus. (c.o.11)

De plus, comme le mentionne le c.o.2, il peut s’avérer utile que le conseiller guide plus spécifiquement la recherche d’informations :

[…] je lui montre le système Repères pour cibler un petit peu sa recherche. Puis, on se revoit. Des fois, ça arrive que je

vais sortir des listes de professions ou que je vais lui montrer un livre comme le guide des études collégiales ou

universitaires fait par le SRAM. Puis, de sélectionner des professions qui pourraient être susceptibles de l’intéresser ou

celles qu’il ne sait pas c’est quoi et qu’il voudrait en savoir plus, puis après ça, on regarde ça ensemble. (c.o.2)

Page 90: Recueil de texte en  counseling

90

Enfin, le c.o.9 souligne également l’importance d’accompagner le client dans sa recherche d’informations et de suggérer des outils

attrayants à consulter: «Et une fois qu’on est plus avancé dans le processus, là, il doit aller travailler pour chercher sur les sites :

Repères, les volumes, les volumes pas de description de programmes, mais il y a des volumes intéressants que les gens parlent de leur

travail. Souvent, je les oriente vers ce genre de volume-là».

Ainsi, selon ces quatre conseillers d’orientation, il revêt d’une grande importance de guider les clients dans l’exploration de

l’information scolaire et professionnelle afin qu’ils découvrent le monde des activités humaines de façon intéressante et qu’ils

cumulent des informations actuelles, véridiques et pertinentes pour les aider à résoudre leur problématique d’orientation.

Inciter les expériences de contacts

Inciter les expériences de contacts fait référence, dans le cadre de cette analyse, à encourager la découverte du monde des activités

humaines par l’interaction directe avec des professionnels du marché du travail et de la formation. Le c.o.10 mentionne : «souvent, je

vais demander l’action, je vais demander d’aller faire des Portes ouvertes, aller rencontrer des professionnels qui exercent les

professions». Le c.o.14 recommande également l’utilisation de cette stratégie car, selon lui, les professionnels du milieu sont les

mieux qualifiés pour faire découvrir leur profession :

Puis dans les recherches d’information, moi, je les invite beaucoup à faire ça, aller rencontrer, aller faire des rencontres

d’information, aller valider. Je leur dis souvent : moi, je peux t’en parler pendant à peu près 5 minutes de la

psychoéducatrice, mais je pense qu’une psychoéducatrice ferait beaucoup plus honneur à son travail pour te rendre l’âme

de sa profession et je t’inviterais à en rencontrer une […] on établit ensemble un plan d’action pour en rencontrer une, on

cible ensemble des milieux, et même on fait des appels ensemble. (c.o.14)

Plusieurs conseillers d’orientation interviewés partagent l’avis que l’interaction avec différents professionnels du monde scolaire et

professionnel encourage la confirmation de choix de carrière. À cet égard, le c.o.8 mentionne :

Page 91: Recueil de texte en  counseling

91

Puis, en allant visiter l’université, il va aussi se confronter à son choix, il va rencontrer des gens, ça fait que c’est comme

un peu une phase de consultation. C’est sûr que ça va se cristalliser. Des fois, pour spécifier son choix, je lui demande de

s’engager un peu plus : aller voir, aller fouiller, aller rencontrer des gens (qui exercent la profession). (c.o.8)

Le c.o.3 partage la même opinion : «Et après ça, on va plus arriver à la partie Spécificité. Mettons qu’ils ont identifié trois professions.

Moi, souvent, je les envoie voir les coordonnateurs, si c’est pas ici, c’est ailleurs. Souvent, j’aime bien qu’ils rencontrent un

professionnel du domaine […] Puis, des fois, ça peut être des gens qui évoluent, bien, qui donnent le programme». Enfin, le c.o.9

ajoute que la validation du choix de carrière peut se faire grâce à un stage en milieu de travail: «Je les invite à échanger avec des gens

aussi. Des gens qui connaissent, puis qui pratiquent aussi le travail ou la profession dans le domaine qui les intéresse […] puis après

ça, on échange puis des fois à la fin, ils vont aller valider avec un stage d’observation, puis ils reviennent me voir par la suite pour le

plan d’action».

Donc, selon ces cinq conseillers d’orientation, les expériences de contacts peuvent permettre la cristallisation de préférences

vocationnelles et même, la spécification d’un programme de formation ou d’une profession précise, ce qui les amène à privilégier ce

type d’intervention auprès de la clientèle collégienne.

Considérer l’environnement social

L’importance de considérer l’environnement social de la personne a été soulignée par plusieurs des conseillers d’orientation

interviewés. L’analyse des entrevues a permis de faire ressortir particulièrement le thème suivant :

Page 92: Recueil de texte en  counseling

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Tableau 8

Thème émergeant et définition opératoire de la stratégie d’intervention consistant à Considérer l’environnement social

Thème émergeant Définition opératoire

Évaluer le soutien fourni par l’environnement social Importance de déterminer les sources et les formes de soutien dont bénéficie

la personne

Évaluer le soutien fourni par l’environnement social

Évaluer le soutien fourni par l’environnement social fait référence, dans le cadre de cette analyse, à l’importance de déterminer les

sources et les formes de soutien dont bénéficie la personne. Le c.o.6 mentionne qu’il s’assure d’identifier les sources de soutien

disponibles dans l’environnement social de l’étudiant : «C’est sûr que nous, dans notre démarche d’orientation, les réseaux sociaux

sont, comme moi, personnellement, c’est quelque chose qu’on discute beaucoup par rapport à si l’étudiant : est-ce qu’il a du soutien,

c’est qui ses amis, c’est quoi son environnement, sa famille, dans quoi qu’il évolue?». Il précise aussi l’importance d’évaluer de quelle

façon le réseau peut soutenir la personne lorsqu’elle fait face à une difficulté : «Réseau de soutien : qui peut l’aider? Comment tu

penses t’y prendre pour travailler sur tel, tel [problématique], travailler pour rester motivé». Le c.o.7 souligne également qu’il est

important de déterminer les formes de soutien, notamment d’évaluer la présence et la nature des conseils fournis par l’environnement

social : «Des fois, je vais regarder […] un peu la place des parents dans tout ça. Des fois, ils sont très très présents, mais des fois, ils

vont laisser quand même l’élève plus aller. Des fois, on le sent qu’il y a une direction qui est proposée. Ça fait que je tiens compte de

ça aussi».

Quant à lui, le c.o.8 encourage les étudiants à obtenir des rétroactions de la part de leurs amis: «Puis en même temps, comment il vit

les programmes quand il va les visiter. Donc, son expérience : qu’est-ce qu’il a ressenti, qu’est-ce qu’il a trouvé. Puis, quand qu’il en

parle aussi, je lui demande de confronter, de parler de son choix avec ses amis. C’est quoi les rétroactions qu’il reçoit». En effet, les

Page 93: Recueil de texte en  counseling

93

rétroactions peuvent être déterminantes dans la confirmation des choix professionnels tout dépendamment de la crédibilité accordée à

la source du soutien. Le c.o.12 abonde dans le même sens, c’est-à-dire qu’il encourage l’individu à recourir à son environnement

social pour obtenir des rétroactions. Notamment, pour lui, la rétroaction d’une personne de l’environnement de l’individu pourrait

avoir un impact sur l’image de soi : «Quand je sens que […] qu’il a de la misère à parler de lui, ou qu’il aurait avantage à…qu’il se

dévalorise beaucoup. Je vais lui dire : va chercher auprès des personnes. Je lui donne un espèce de questionnaire pour qu’il aille

chercher auprès des personnes, auprès d’autres personnes, un feed back sur qui il est, ses qualités, puis tout ça».

En résumé, selon ces quatre conseillers d’orientation, il est important de considérer l’environnement social de l’individu en prenant

soin d’identifier le soutien social disponible, déterminer la nature du soutien offert par ce réseau et encourager l’implication des

personnes de l’environnement pour favoriser l’atteinte de l’objectif de la personne.

Accompagner dans la prise de décision

L’analyse des propos des conseillers d’orientation a permis de faire ressortir particulièrement les trois thèmes présentés dans le tableau

suivant comme étant liés à la stratégie qui consiste à accompagner dans la prise de décision:

Page 94: Recueil de texte en  counseling

94

Tableau 9

Thèmes émergeants et définitions opératoires de la stratégie d’intervention qui consiste à Accompagner dans la prise de décision

Thèmes émergeants Définitions opératoires

Encourager l’expression de différents

scénarios de vie

Examiner les possibilités qui sont offertes à l’individu

Cerner la façon de prendre des décisions

Identifier la manière qu’a l’individu d’organiser et de traiter l’information dont il

dispose pour prendre des décisions

Établir des choix motivants et réalisables

Clarifier les critères du choix afin de parvenir à une prise de décision réaliste et stimuler

le passage à l’action

Encourager l’expression de différents scénarios de vie

Encourager l’expression de différents scénarios de vie fait référence, dans le cadre de cette analyse, à examiner les possibilités qui sont

offertes à l’individu. Le c.o.15 affirme qu’afin d’identifier ses possibilités de choix de carrière, l’individu doit préalablement

approfondir sa connaissance de soi :

C’est sûr que moi, dès le début, j’explique un peu la démarche et je leur dis : il va falloir qu’on établisse des scénarios.

Donc, déjà, à partir du début, on parle de scénarios. On tasse ça un petit peu parce qu’on a un exercice quand même de

connaissance de soi à faire, mais après ça, par contre, c’est de rattacher ça à des scénarios possibles. Puis c’est de jamais

les perdre de vue. (c.o.15)

Le c.o.13 partage un avis similaire lorsqu’il mentionne qu’il cherche à établir avec son client toutes les avenues possibles pour lui

compte tenu de ce qui a été amassé le concernant durant le processus : « […] j’ai des feuilles déjà toutes bien classées, par rapport à

s’il est en sciences de la nature, ses intérêts, s’il est social. Les programmes d’études, les professions, on fait plus la liste des

possibilités. Ce que je dis, j’appelle ça l’éventail de scénarios possibles». Le c.o.14 affirme même qu’il peut s’avérer préférable

Page 95: Recueil de texte en  counseling

95

d’encourager l’expression d’une préférence générale et non spécifique pour un domaine d’étude ou un secteur d’activités

professionnelles compte tenu d’où est rendu l’individu dans son exploration vocationnelle, ce qui laisse place à différents scénarios de

vie :

Puis, une fois que ça, c’est pris en conscience, en considération (connaissance de soi), on nomme les corridors. Moi, je

travaille beaucoup avec eux… le choix en fait est plus travaillé en corridor. Quand ils sortent de mon bureau

habituellement, le corridor est plus clair. Maintenant, quelles options dans ce corridor-là, ça ce n’est pas toujours nommé

puis, ce n’est pas toujours obligé en soi. Puis, je pense que ce n’est pas toujours aidant de spécifier tout de suite. (c.o.14)

Pour le c.o.7, il est favorable d’établir différents scénarios de vie car il peut s’avérer que le choix envisagé au cours de la démarche

soit irréalisable lorsque l’individu tente de le mettre en action : «On va explorer, on va analyser des possibilités pour qu’ils en arrivent

à un ou des choix parce que des fois, il y a des choix qu’on n’est pas certain que ça va marcher. On essaie toujours d’avoir des options

de rechange au cours de la démarche». Ainsi, le client possède des alternatives intéressantes à son premier choix, dans le cas où sa

première option ne peut se réaliser ou qu’elle ne lui convient pas, ce qui, par le fait même, lui évitera d’entreprendre à nouveau une

démarche d’orientation. Le c.o.13 partage ce même point de vue et précise qu’il cherche à conscientiser l’individu concernant le fait

que plusieurs possibilités sont offertes à lui et ainsi, qu’il n’est pas limité à une seule option de carrière pour le reste de sa vie.

Effectivement, un scénario de vie différent de celui choisi au cours de la présente démarche d’orientation pourrait être envisagé

ultérieurement :

Moi, je force toujours plusieurs plusieurs (possibilités), tout le temps! Je leur dis : Non, non, on ne va pas choisir une, on

va en choisir dix […] il faut ouvrir l’éventail, il ne faut pas en échapper. Je force vraiment d’ouvrir toutes les possibilités.

Puis je dis : après, on va les éliminer […] C’est leur montrer toutes les possibilités qu’ils ont devant eux, puis que ce n’est

pas un choix qui les enferme, qui les emprisonne dans une petite case pour le restant de leur vie. (c.o.13)

Ainsi, selon ces quatre conseillers d’orientation, une meilleure connaissance de soi favorise l’émergence de différents scénarios de vie

et encourage l’expression de préférences vocationnelles, permettant ainsi à l’individu de constater qu’il a un champ de possibilités lié

à sa carrière plutôt qu’une seule avenue possible.

Page 96: Recueil de texte en  counseling

96

Cerner la façon de prendre des décisions

Cerner la façon de prendre des décisions fait référence, dans le cadre de cette analyse, à identifier la manière qu’a l’individu

d’organiser et de traiter l’information dont il dispose pour prendre des décisions. Le c.o.14 affirme qu’il cherche à identifier le style

décisionnel qu’utilise l’individu en fonction des différentes situations: «À chaque fois qu’il y a eu des prises de décision dans sa vie,

qu’elle soit minime ou grande, je donne des exemples concrets : tu es au restaurant, tu es au bal des finissants, peu importe, des

expériences marquantes pour lui. Comment est-ce que tu t’y es pris? Quelle est, dans le fond, ta manière de prendre une décision?». Il

précise qu’afin de déterminer le style décisionnel de la personne quant à sa manière de s’orienter professionnellement, il questionne

l’individu sur ses choix lors de l’évaluation psychométrique :

Mais je le fais dans la mesure où je l’accompagne (passation de l’outil Cursus) et je veux qu’il me dise explicitement

quand il choisit tel item pour telle raison, je veux qu’il me dise pourquoi, à quoi il pense, qu’est-ce qui fait référence. Je ne

l’interromps pas, je prends beaucoup de notes. Donc, j’ai accès à son traitement d’information, j’ai accès à sa manière de

raisonner, à s’orienter. (c.o.14)

Le c.o.4 mentionne également s’attarder au style décisionnel de la personne et affirme qu’il analyse particulièrement les éléments qui

ont semblé importants et pertinents à considérer dans le choix d’une carrière :

Comment elle a tenté jusqu’à maintenant de faire un bout de chemin là-dedans [pour résoudre sa problématique

d’orientation]. Parce qu’à travers ça, moi, je vais avoir accès à quelles sont les variables qu’elle a considéré jusqu’à

maintenant. Comment elle a tendance donc à prendre des décisions. Je veux essayer de me faire une grille d’analyse de qui

est la personne en face de moi, comment qu’elle a fonctionné, puis ç’a l’air à être quoi les types de stratégies qu’elle a l’air

à utiliser en règle générale quand elle fait face à des difficultés comme celles qu’elle me décrit. (c.o.4)

Pour sa part, le c.o.6 mentionne qu’il peut également s’avérer nécessaire d’intervenir pour amener la personne à acquérir des habiletés

pour qu’elle soit en mesure de prendre la meilleure décision possible pour elle :

Page 97: Recueil de texte en  counseling

97

Puis à identifier en fait, en cours de route […] toute une clarification par rapport à ses choix antérieurs, que ça dépasse le

« prendre en note », que ses choix antérieurs qui n’ont pas fonctionné, qu’est-ce qui sont… Puis là, on essaie de les mettre

en lien pour dénouer des choses. C’est sûr que si la personne a toujours le même pattern de fonctionnement et que ça ne

semble pas fonctionner justement, on va essayer de briser ça et d’aller plus loin […] mais sans faire de la thérapie, on va

essayer de dénouer ça. Aller voir, mais pourquoi la personne fait toujours des choix qui ne correspondent pas à elle ou qui

ne correspondent pas à… ou qui font toujours en sorte qu’en cours de route, elle abandonne après la session, ou quoi que

ce soit. (c.o.6)

Ainsi, selon ces trois conseillers d’orientation, il revêt d’une grande importance de cerner le style décisionnel de l’individu dans le

choix d’une carrière en l’aidant à identifier les éléments pertinents et importants dans son processus d’élimination et en l’amenant, au

besoin, à développer des habiletés nécessaires à une prise de décision confortable et satisfaisante.

Établir des choix motivants et réalisables

Établir des choix motivants et réalisables fait référence, dans le cadre de cette analyse, à clarifier les critères du choix afin de parvenir

à une prise de décision réaliste et qui stimule le passage à l’action. Le c.o.1 affirme qu’à cette étape, il faut revenir sur la démarche

réalisée et clarifier les exigences qui se dégagent par rapport à un programme de formation ou à un emploi : «On continue à avancer en

mettant en relief les priorités des étudiants en fonction des critères qu’ils ont eux-mêmes établi dans leur recherche, dans leur

exploration. Ça fait que, c’est vraiment de rendre, d’éclairer le choix le plus possible». Le c.o.9 mentionne également qu’il cherche à

formuler clairement les critères du choix : « […] Qu’est-ce qui est important pour lui dans un travail? Pour lui, est-ce que c’est

important d’avoir un horaire du lundi au vendredi avec un horaire fixe? Est-ce qu’il gère bien les imprévus? Est-ce qu’il a besoin de

travailler dans un bureau? Est-ce qu’il a besoin de travailler avec les gens?». Le c.o.4 partage le même avis et précise l’importance de

mettre en relation les exigences du client avec ses facteurs de réalité :

[…] mais là on va essayer de discriminer nos différentes choses (exigences) avec nos variables, nos facteurs de réalité. On

va rentrer la réussite, c’est-à-dire le dossier académique là-dedans, les différents facteurs, le contingentement, es-tu prêt à

Page 98: Recueil de texte en  counseling

98

déménager pour ça, qu’est-ce que ça implique. Puis, on va essayer d’établir notre plan d’action. Premier choix, choix de

cœur, choix alternatif, choix… Bon, court terme, moyen terme s’il le faut, qu’est-ce que ça implique? Pour finaliser notre

décision. (c.o.4)

Enfin, le c.o.1 mentionne l’importance de vérifier la cohérence de la décision du client par rapport à ses caractéristiques personnelles :

[…] j’aime les faire travailler dans les structures, puis leur donner : Donc, ce plan A, mais ce plan est basé sur quoi? Définir des

critères, ce que j’appelle les «forts». C’est quoi tes forts, c’est quoi qui te permet d’allumer, c’est quoi l’intérêt que tu portes à ça,

quelles aptitudes que tu penses que tu as qui te permet de faire ça, quels traits de personnalité?».

Ainsi, selon ces trois conseillers d’orientation, il est important de clarifier les exigences relatives à un emploi afin qu’elles soient

réalistes et qu’elles soient cohérentes avec les facteurs de réalité de la personne dans un but ultime d’effectuer un choix professionnel

mobilisateur et réalisable.

En guise de conclusion pour cette section, voici un résumé, présenté sous forme de tableau synthèse, des stratégies d’intervention

mises en œuvre par les conseillers d’orientation œuvrant au sein du réseau d’enseignement collégial et intervenant auprès de la

clientèle du secteur régulier.

Page 99: Recueil de texte en  counseling

99

Tableau 10

Résumé des stratégies d’intervention mises de l’avant par les conseillers d’orientation œuvrant en milieu collégial

Stratégies d’interventions

utilisées par les c.o. du

collégial

Sous-stratégies rattachées

1. Instaurer une alliance de travail

favorable au changement

1.1 Rendre explicite l’objectif de consultation

1.2 Afficher sa couleur

1.3 Favoriser l’établissement d’un lien de confiance mutuel

2. Encourager

l’autodétermination et la

responsabilisation

2.1 Utiliser des stratégies d’autonomisation

2.2 Inciter une implication sur le long terme

3. Favoriser une meilleure

connaissance et compréhension

de soi

3.1 Recourir à l’évaluation psychométrique

3.2 Stimuler la conscience réflexive sur soi

Page 100: Recueil de texte en  counseling

100

3.3 Utiliser le récit autobiographique

4. Stimuler la découverte du

monde des activités humaines

4.1 Guider l’exploration de l’information scolaire et professionnelle

4.2 Inciter les expériences de contacts

5. Considérer l’environnement

social

5.1 Évaluer le soutien fourni par l’environnement social

6. Accompagner dans la prise de

décision

6.1 Encourager l’expression de différents scénarios de vie

6.2 Cerner la façon de prendre des décisions

6.3 Établir des choix motivants et réalisables

Page 101: Recueil de texte en  counseling

101

Pratique d’orientation et TDA/H … Myriam Fauvel, c.o.8

Dans cette section, les résultats de l’analyse des propos recueillis auprès des 8 conseillers d’orientation qui ont participé aux entretiens

de la recherche qualitative ci-haut mentionnés seront présentés. Les propos de chaque conseiller seront présentés de façon à garder le

caractère confidentiel et anonyme. La forme suivante a été retenue pour identifier les propos des participants suivants : m.01, m.02,

m.03, m.04, m.05, v.01, v.02, v.03.

L’analyse des résultats sera présentée en cinq points rapportant le point de vue des conseillers d’orientation sur :

1. Une clientèle avec ses particularités

2. Impact du TDAH sur la réussite scolaire

3. Impact du TDAH sur le projet de carrière

4. Le processus d’orientation auprès des jeunes TDAH

5. Les suggestions et recommandations des c.o.

Chacun des points ci-haut mentionnés a pour objectif de répondre à la question posée par la recherche soit : Quelles sont les pratiques

professionnelles des c.o. œuvrant à l’ordre d’enseignement secondaire régulier auprès d’élèves présentant un TDAH? Afin de pouvoir

répondre à cette question, les quatre sous-objectifs ayant pour but d’explorer les représentations de conseillers d’orientation sur la

8 Fauvel, Myriam (2012). Les pratiques professionnelles de conseillers d’orientation œuvrant à l’ordre d’enseignement secondaire régulier auprès d’élèves présentant un trouble

du déficit de l’attention, avec ou sans hyperactivité (TDA/H). Rapport d’activité dirigée présenté à la faculté d’éducation en vue de l’obtention de la maîtrise en orientation profil :

carriérologie. Document disponible en ligne : http://orientationpourtous.blogspot.ca/2012/09/essai-en-ligne-lorientation-aupres-des.html

Page 102: Recueil de texte en  counseling

102

nature du syndrome TDAH, d’établir un portrait type de la clientèle TDAH qui consulte des conseillers d’orientation pour des

questions d’orientation scolaire et professionnelle, d’analyser les stratégies d’intervention privilégiées par des conseillers d’orientation

et de mieux comprendre les perceptions des conseillers d’orientation quant à leur rôle dans l’accompagnement des élèves souffrant du

TDAH ont été formulés.

Une clientèle avec ses particularités

En général, les conseillers d’orientation interviewés semblent reconnaître les symptômes les plus évidents tels qu’un déficit

d’attention, de l’hyperactivité et de l’impulsivité comme faisant partie des manifestations les plus souvent mentionnées.

Les manifestations du TDAH

Thèmes émergeants Définitions opératoires

Déficit d’attention Avoir de la difficulté à maintenir son attention pour un sujet ou une tâche, de

sélectionner et retenir ce qui est important, de pouvoir faire plus d’une chose à la fois

Hyperactivité Avoir de la difficulté à contrôler son agitation, le besoin d’être toujours en mouvement

Impulsivité Avoir de la difficulté à contrôler ses impulsions tant au niveau de la pensée, des paroles

ou des gestes; rechercher une gratification immédiate

Déficit d’attention

Le déficit d’attention est le symptôme qui semble à la source des autres symptômes vécus par les jeunes TDA/H. La difficulté à

maintenir son attention sur une période de temps en dessous de la moyenne du groupe classe semble avoir un impact sur les résultats

scolaires. Le c.o. (m.01) mentionne :

Page 103: Recueil de texte en  counseling

103

Ils sont plus dans la lune, qui ont plus de difficultés à se concentrer, ils sont souvent dans une classe qui vont être

plusieurs minutes à ne pas écouter, à ne pas suivre[...]difficulté de se concentrer, fait qu’au niveau des études, c’est plus

difficile, donc, moi je remarque que les résultats scolaires sont moins élevés que d’autres, surtout dans les matières où

ils ont plus de difficultés.(m.02)

Parfois, ces jeunes qui éprouvent de la difficulté à se concentrer, ils seront qualifiés de rêveurs, d’être dans la lune, d’être ailleurs dans

leurs pensées. Comme le mentionne aussi le c.o. (v.02) «il y arrive quelque chose, son attention est portée ailleurs.» Il semble que

quelle que soit la situation d’apprentissage ou toute forme d’intervention, la difficulté de maintenir son attention sur une période de

temps qui dépasse une dizaine de minutes, l’élève risque de démontrer de la lassitude et du désintéressement. Le c.o. (m.03) dira que

c’est une «personne qui va peut-être avoir de la difficulté à suivre sur une longue période, soit un cours ou n’importe quelle

intervention[…]d’avoir à «focusser» sur un objectif quand y’a plein d’autre chose qui gravitent autour de lui.» . Le c.o. (v.01)

mentionne que les élèves qui souffriraient d’un déficit d’attention sembleraient «comme plus passif, comme dans leur bulle. Ce qui

fait qu’au niveau des apprentissages scolaires, c’est beaucoup plus long pis, concernant leur démarche d’orientation, par le fait même,

leur maturité vocationnelle est beaucoup plus lente.»

Le déficit d’attention est le symptôme qui passe le plus inaperçu. Le c.o. (m.05) mentionne que «des fois, c’est l’enfant qui est plus

invisible aussi. C’est celui qui tombe entre les craques, pis là, on les voit en sec. 3 et ils deviennent décrocheurs.» En conclusion, selon

ces cinq conseillers d’orientation, le déficit d’attention semble affecter les jeunes dans leur capacité à écouter, à maintenir leur

attention et leur concentration, à démontrer de l’intérêt passé un laps de temps qui tourne autour de 10 minutes. Ce déficit entraîne des

manques importants dans la formation de base puisque les jeunes n’ont pas la capacité de maintenir longtemps leur attention ce qui

aurait pour conséquence des faibles rendements scolaires. Ce déficit se manifeste aussi lors d’interventions hors de la classe telle

qu’en rencontre de counseling d’orientation en individuel par exemple.

Page 104: Recueil de texte en  counseling

104

L’Hyperactivité

En ce qui concerne l’hyperactivité, elle fait référence au fait d’éprouver de la difficulté à contrôler son agitation, de ressentir le besoin

d’être toujours en mouvement. C’est le symptôme qui est le plus remarqué en milieu scolaire et qui permet parfois d’entamer les

démarches auprès du corps médical pour trouver la source du problème. Le c.o. (m.01) mentionne que :

C’est souvent des élèves qui ont besoin de bouger, on le remarque souvent dans une classe, ceux avec hyperactivité

[…] ils vont se lever tout le temps.(m.01)

L’hyperactivité semble avoir des conséquences sur les relations avec les enseignants et la perception de la direction de l’école envers

les hyperactifs puisque dans plusieurs des cas, ces jeunes semblent avoir des difficultés au niveau comportemental. Selon le c.o.

(v.01) :

Ils vont souvent décrocher de l’école, donc, il vont faire les clowns en classe, ils vont déranger, attirer l’attention, c’est

celui que le prof doit ramener le plus souvent[…]d’autres jeunes, au contraire, qui vont être rejetés parce qu’ils ont plus

une attitude un peu désagréable, donc, ils peuvent être isolés ou au contraire être leader négatif[…]C’est des jeunes qui

demandent de la part du milieu, du prof, beaucoup d’énergie.(v.01)

Comme le mentionne le c.o. (m.04), « Y’a des difficultés comportementales également, bien entendu, il va bouger, il va parler, son

attention est pas toujours là. Il a tendance à se disperser.» Selon la vision du c.o. (m.04), « c’est peut-être les personnes qui ont de la

misère à les intégrer parce qu’ils sont plus tannants, sont plus grouillants et ils sont plus actifs. Y rentrent pas dans le moule. Y’a

certains enseignants qui vont les prendre à rebrousse-poil dès le départ.» Le c.o. (m.05) dira : «ils savent que c’est pas aussi facile pour

eux. C’est plus difficile, sont plus souvent en conflit avec les enseignantes. Sont plus souvent à l’oasis, retirés de la classe parce qu’ils

sont dérangeants.» En résumé, la plupart des c.o. ont constaté que l’hyperactivité entraîne des conséquences sur le plan du

comportement acceptable en classe. En effet, ce besoin d’être tout le temps en mouvement rend les longues heures en position assise

Page 105: Recueil de texte en  counseling

105

insupportables. Cette situation affecte leur rendement scolaire puisqu’ils sont souvent sortis de classe et que les relations

interpersonnelles deviennent tendues entre eux et les enseignants. Il devient facile de mal interpréter un geste, une parole ou une

intervention inadéquate de la part du jeune et celui-ci risque de se retrouver souvent au bureau de la direction.

L’impulsivité

En ce qui concerne l’impulsivité, elle fait référence au fait d’éprouver de la difficulté à contrôler ses impulsions tant au niveau de la

pensée, des paroles ou des gestes. Elle se traduit aussi dans la recherche d’une gratification immédiate. Pour le c.o. (v.02),

l’impulsivité se manifeste de la façon suivante :

Parfois, ils peuvent se faire rejeter parce que c’est des jeunes impulsifs, qui peuvent être portés vers la violence, qui ont

de la difficulté à se contrôler[…]si le geste est facilement parti…difficultés relationnelles, difficultés sur le marché du

travail et académique, c’est tout relié[…]c’est un jeune qui réfléchira pas avant de passer à l’acte et qui va être tout de

suite dans l’action; le délai dans sa tête, y est pas long.(v.02)

En d’autres mots, le manque de délai entre la réflexion et l’action occasionne des prises de décisions qui semblent placer le jeune dans

des situations négatives tant au niveau relationnel qu’au niveau académique. Comme le mentionne le c.o. (m.02) :

Les jeunes TDAH ont beaucoup de difficultés à se cerner et à respecter leurs objectifs. Comme on a beaucoup

d’élèves qui travaillent après l’école, ils sont plus intéressés par ce genre de travail que par leur stage. Alors, si on

trouve un stage comme aide-coiffeuse, par exemple, ils se disent : «J’veux plus faire ça, la madame est pas

gentille!»(m.02)

Ce sont des élèves qui n’aiment pas la routine, mais néanmoins, ils sont dans des métiers non spécialisés, même pas semi-spécialisés,

alors ils ont beaucoup d’étapes à surmonter.» Il semble que l’impulsivité ait aussi un impact sur sa capacité à maintenir de bonnes

relations de travail et à démontrer de la stabilité dans son travail lorsque l’intérêt n’est plus présent ou lorsqu’il vit un conflit ou bute

devant ses propres limites. Selon le c.o. (m.03), les décisions du jeune TDA/H risquent d’être facilement remises en question : «[…]il

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106

arrive dans mon bureau; y’a un projet en tête, y était parti avec l’idée de s’en aller du côté «A», y revient à mon bureau, y ressort de

mon bureau, pis-là, c’est le bord «B». Il me le dit clairement : «j’arrivais avec une idée, pis je repars encore plus mêlé que quand je

suis rentré!» Cela semble confirmer la difficulté accrue des jeunes TDAH à se projeter dans l’avenir et à ne pas réagir

immédiatement, deux manifestations en lien avec l’impulsivité. L’impulsivité affecterait aussi la gestion des émotions. Selon le c.o.

(m.05), «Souvent quand il prend pas leur médication, c’est-là qu’il a des difficultés à l’école. Y’est expulsé de la classe, a pris une

bataille avec telle personne, y’a pas pu gérer ses émotions, c’est juste trop fort, c’est plus fort que lui. C’est le commentaire qu’ils

disent aussi, c’est comme une impulsion.» En résumé, selon les commentaires des c.o. mentionnés, l’impulsivité semble avoir un

impact considérable sur la réussite scolaire et le maintien en classe dans des conditions harmonieuses. L’impulsivité semble perturber

la stabilité et l’intégration en milieu de stage ou en emploi. Elle provoque une difficulté à prendre des décisions et porter un jugement

éclairé et réfléchi lorsqu’il est question de faire un choix.

Impact du TDAH sur la réussite scolaire

Les conseillers d’orientation interviewés ont identifié plusieurs impacts sur la réussite scolaire des jeunes TDAH. Ils ont observé que

ces jeunes ont plus de retard académique que la moyenne des jeunes. Ils ont mentionné aussi que les jeunes qui souffrent d’un TDAH

sont plus susceptibles de décrocher du secondaire. De plus, il semble que le TDAH soit à la source d’une baisse du rendement

scolaire, c’est-à dire que les notes ne sont pas représentatives de leur capacité et que cette situation à un impact sur leur désire de

poursuivre leur formation académique après leurs études au secondaire.

Page 107: Recueil de texte en  counseling

107

Impact du TDAH sur la réussite scolaire

Thèmes émergeants Définitions opératoires

Retard scolaire Jeune qui devrait être au niveau scolaire correspondant à son âge, mais qui est

incapable de réussir le passage au prochain cycle du secondaire.

Rendement scolaire en dessous des

capacités

Rendement académique (résultats scolaires) inférieur à la capacité réelle du jeune;

situation ayant un impact sur la poursuite des études après le secondaire

Décrochage scolaire Avoir le désir d’abandonner ou avoir abandonné en cours d’année son année scolaire

ou tout simplement ses études avant d’avoir atteint une diplomation

Retard scolaire

D’après les conseillers d’orientation qui ont participé à la recherche, le retard scolaire semble particulièrement constaté chez les jeunes

qui souffrent d’un TDA/H. La réussite scolaire est compromise pour ces jeunes puisque ces jeunes semblent stagner au premier cycle

du secondaire (secondaire 1 et 2) et lorsqu’ils réussissent de peine et de misère à débuter un secondaire 3, ils ont énormément de

difficultés à le réussir. Ces jeunes sont souvent redirigés vers des programmes comme le FMS ou FPT où des stages en entreprises

leur sont offerts, mais il semble que ces programmes auprès des jeunes soient peu appréciés. Pour le c.o. (v.01) le TDAH :

Il influence la réussite scolaire dans la mesure qu’ils ont de retards pédagogiques. Moi, ceux que j’ai ici sont tous en

retard académique […] oui, s’ils veulent réussir, il faut qu’ils étudient plus : plus d’ouvrage, plus d’énergie, plus

d’études. C’est leurs lots, ça fait partie de leur réalité et puis, à un moment donné, ils décrochent.(v.01)

On peut constater ici que la réussite scolaire est étroitement liée au retard scolaire. Lorsque le retard scolaire touche la motivation de

l’élève, celui-ci tend à décrocher. Comme le mentionne le c.o. (m.02), les jeunes qui n’arrivent pas à réussir leur année scolaire auront

tendance à se dévaluer et à se démotiver. Ils diront «Je vaux rien», «Je plane depuis 3-4 ans dans les mêmes matières» Le c.o.

constate que «y en a qui plafonnent aussi dans la lecture, les mathématiques, ils n’avancent pas plus que le secondaire 1 ou secondaire

Page 108: Recueil de texte en  counseling

108

2; quoi faire avec? Y’en a qui persévère pour obtenir leur 3ième

secondaire de FPT et leur certification et d’autres décrochent. (m.02)»

Le c.o. (m.05) constate des conséquences similaires en ce qui concerne les difficultés académiques : «ils peuvent voir que l’école est

difficile, y aiment pas trop l’école, y ne réussissent pas bien, alors y ont hâte de sortir de l’école le plus vite possible.» Malgré un vif

désir de réussir un DES, les jeunes qui souffrent d’un TDAH sont souvent confrontés à une dure réalité, celle de ne pas avoir réussi le

premier cycle du secondaire. Comme le mentionne le c.o. (v.01) : «En fait, ils veulent tous avoir un DES, pis certains veulent aller à

l’université, mais les jeunes ont beaucoup de sentiments mêlés; ils ont honte et vont dire : Mes amis sont en quatrième ou cinquième

secondaire, moi, j’suis en deux.» Le retard scolaire semble présent dans la vie des jeunes TDAH depuis le primaire. Cette réalité a des

conséquences sur la réussite scolaire au niveau du secondaire. En effet, ces jeunes arrivent au secondaire avec un historique

académique où ils ont vécu beaucoup de difficultés. Le c.o. (v.02) mentionne :

La persévérance pis le sens de l’effort qui sont affectés par le découragement […]ils (les jeunes TDAH) ont essayé

longtemps. Quand ils arrivent au secondaire, tout le primaire a été difficile, pis là, c’est le découragement. Le

secondaire 1, ça va bien parce que, de toute façon ils passent directement au secondaire 2[…] C’est en secondaire 2 que

la réalité frappe. Après, ils font une année de transition, reprennent leur secondaire 2, ouf, là, ils sont plus vieux que les

autres, ils voient que les amis continuent, mais eux autres ils restent-là. Ils semblent qu’ils y arrivent plus. (V.02)

En résumé, selon les commentaires des conseillers d’orientation mentionnés, les jeunes qui souffrent d’un TDAH seraient plus sujets

à vivre des retards scolaires. Ces retards peuvent être présents au primaire et se poursuivre au niveau du secondaire. La motivation est

durement éprouvée et ils peuvent ressentir du découragement face à leurs échecs répétés. Dans l’éventualité d’un retard irrécupérable,

il est question de décrochage dans plusieurs cas.

Rendement scolaire en dessous des capacités

D’après les conseillers d’orientation interviewés, les jeunes TDAH sont pénalisés par leur trouble en ce qui concerne la poursuite des

études suite à un abandon. Ce n’est pas une question d’un manque d’intelligence, d’où la frustration de voir ces jeunes arrêter leurs

études si tôt et à des niveaux si faibles. Comme le mentionne le c.o. (m.04) : «si on laisse aller, si on n’intervient pas, si y a pas de

Page 109: Recueil de texte en  counseling

109

moyens de pris auprès de cet élève-là, il va avoir beaucoup de difficulté à réussir, il va se ramasser dans des cheminements

particuliers. C’est un peu décourageant parce que c’est pas un manque d’intelligence.»

Le c.o. (v.02) met l’accent sur la difficulté pour un jeune TDAH d’atteindre un diplôme quelconque.

Un jeune qui va avoir des problèmes académiques, donc, c’est clair, difficultés scolaires, d’apprentissage, retard

scolaire, ça implique en même temps une difficulté à aller chercher un premier diplôme, ne serait-ce qu’un DEP

d’un niveau secondaire 3, ça peut être difficile. (v.02)

Le c.o. (m.01)mentionne aussi que les élèves TDAH, «c’est des élèves qui souvent ont 1 ou 2 ans de retard[…]ce sont des élèves qui

peuvent arrêter l’école en secondaire 3,pis au niveau de métiers, des professions, d’aller chercher un diplôme, c’est plus compliqué.»

Le faible rendement scolaire empêcherait certains jeunes TDAH qui n’arrivent pas à faire des études au niveau secondaire. Le c.o.

(m.02) mentionne que : «le gouvernement du ministère de l’Éducation a mis en place des solutions, des métiers semi-spécialisés par

exemple, mais ça c’est quand ils réussissent à aller au secondaire. Sinon, c’est une formation préparatoire au marché du travail.» Le

désir de décrocher un DES est toutefois présent chez la plupart des jeunes TDAH. La réalité est souvent confrontante, comme le

mentionne le c.o. (v.02) :

C’est des jeunes qui ont de la difficulté à aller chercher un DES, un secondaire 4 ou 3 pour faire un DEP[…]ça dépend

où ils sont rendus et quel âge ils ont, parce que l’adolescence est caractérisée par des idées un peu irréalistes parce

qu’ils n’ont pas encore été confrontés au marché du travail. (v.02)

La manifestation de l’hyperactivité semble avoir aussi des conséquences sur le faible rendement scolaire. En effet, selon le c.o.

(m.05) :

Les élèves avec hyperactivité, c’est plus la gestion des émotions. Le travail est plus à ce niveau-là. C’est plus d’essayer

de les garder en classe, ils manquent beaucoup, ils se trouvent toujours à l’Oasis, ils manquent une grande partie de

Page 110: Recueil de texte en  counseling

110

l’année et ils sont souvent en échec. Ils vont souvent aller par la suite soit dans les classes FMS ou dans les classes

FPT.(m.05)

Le c.o. (v.03) mentionne, quant à lui, que «des fois, à cause aussi de l’estime qu’ils ont envers leurs résultats scolaires, ça fait en sorte

que eux-mêmes, pensent pas à des études supérieures.» En résumé, selon les commentaires des c.o. ci-haut mentionné, le TDAH

semble avoir un impact sur la réussite scolaire en ayant des répercussions sur le rendement à la baisse des capacités académiques de

ces jeunes. Ils se retrouvent souvent dans les classes adaptées conduisant à des métiers non spécialisés ou semi-spécialisés dans le

meilleur des cas. Ils sont souvent dans des niveaux scolaires qui ne correspondent pas à leurs capacités intellectuelles et les

conséquences peuvent aller jusqu’au décrochage scolaire.

Décrochage scolaire

Le décrochage scolaire fait référence au fait que le jeune TDAH puisse avoir le désir d’abandonner ou qu’il ait abandonné en cours

d’année son année scolaire ou tout simplement ses études avant d’avoir atteint une diplomation. En ce qui concerne la diplomation, il

n’est pas question ici d’obtenir uniquement un diplôme de secondaire, mais tout autre diplomation possible d’atteindre en FMS ou en

FPT aussi. Le TDAH semble être à la source du décrochage pour les jeunes qui en souffrent. Leurs échecs et retards scolaires auraient

comme impact d’affaiblir leur estime d’eux-mêmes. Comme le mentionne le c.o. (m.02) :

Si l’élève vit une difficulté d’apprentissage, un retard académique, des échecs scolaires, un échec social, c’est sûr que

l’estime de soi est très affaiblie. Ils sont pas à leur place à l’école. Ils nous disent d’ailleurs que : «je vais quitter à mes

18 ans, ça c’est clair», «je sais que je perds mon temps». Alors, nous comme c.o., on doit vraiment lutter contre

beaucoup de perceptions et de croyances.(m.02)

Le TDAH aurait aussi comme conséquence d’augmenter le taux d’échecs scolaires de façon significative. Ces échecs qui se répètent

parfois pendant deux à trois ans de suite jouent sur le désir de poursuivre les études. Selon le c.o. (m.03) : «d’avoir à reprendre un

Page 111: Recueil de texte en  counseling

111

cours une fois, deux fois, ça peut aller. Quand c’est rendu à la troisième fois, je pense que ça fait un élève qui peut être démotivé, ça

peut être un élève qui abandonne aussi; qu’on traîne le plus qu’on peut à l’école, mais qui, à un moment donné, risque de décrocher.»

En ce qui concerne de désir d’abandonner l’école, le c.o. (m.05) mentionne que les jeunes TDAH qui ne réussissent pas bien au

secteur des jeunes : «y ont hâte de sortir de l’école le plus vite possible[…]l’élève, faut qu’il vive des réussites parce que s’il vit pas

des réussites, ils ont envie d’abandonner.» Pour ces jeunes TDAH qui éprouvent beaucoup de difficultés à l’école, le secteur des

adultes semble leur porte de sortie; ils ont tendance à penser que cela va régler toutes leurs difficultés d’apprentissage. Le c.o. (m.01)

mentionne que le décrochage au niveau secondaire se prolonge dans la poursuite des études lorsque le jeune a plusieurs années

scolaires à rattraper et qu’il s’inscrit au secteur des adultes dans l’espoir de terminer ses études.

c’est sûr aux adultes, quand on se retrouve en secondaire 3 à 17 ans, qui va pas encore bien, qui a encore des échecs,

même pour les pré-DEP, c’est possible, mais ils veulent pas beaucoup. Souvent, ce qui reste, c’est l’éducation des

adultes et ils ont hâte d’y aller, sauf, on essaie pas trop de les pousser parce qu’ils sont laissés à eux-mêmes […]

travaillent plus par eux-mêmes, plus d’autonomie, ce qu’ils n’ont pas encore [..] souvent, ils finissent par lâcher, et

donc, c’est le marché du travail avec des emplois précaires.(m.01)

Donc, en résumé, les conséquences du décrochage scolaire que peuvent vivre les jeunes TDAH semblent avoir un impact à long

terme autant sur l’atteinte des préalables de base pour pouvoir s’inscrire dans des formations professionnelles que sur les choix de

milieux de travail qui offrent un peu plus de stabilité. La difficulté pour ces jeunes TDAH de pouvoir vivre des réussites scolaires

semble à la base de la démotivation qui va éventuellement conduire à une aversion profonde de l’école. Ces jeunes semblent cultiver

des espoirs non fondés sur un éventuel succès au secteur des adultes sans réaliser que celui-ci demande de l’organisation, de

l’autonomie et de la maturité, aptitudes qui tardent à venir particulièrement chez les jeunes qui souffrent d’un TDAH. Les échecs et

l’abandon scolaire semblent présents tant au secondaire qu’au secteur des adultes.

Page 112: Recueil de texte en  counseling

112

Impact du TDAH sur le projet de carrière

Thèmes émergeants

Définitions opératoires

Estime de soi Difficulté à croire en ses capacités de pouvoir réussir. Se sentir incompétent et ne pas

faire confiance à ses propres idées. Croire qu’il n’a pas ce qu’il faut pour atteindre les

objectifs qu’il s’est fixés.

Encadrement adapté

Besoins particuliers de méthodes de travail, d’apprentissage, d’organisation. Besoin de

soutien, développer des trucs pour réussir.

Retard de l’entrée dans un programme de

formation menant au marché du travail

L’entrée dans une formation professionnelle, technique ou de niveau universitaire est

retardée de plusieurs années à cause des retards académiques

Perception déformée de la réalité

Les jeunes TDAH ont tendance à déformer la réalité. Cette réalité touche leurs

symptômes du TDAH, leurs limitations académiques, le marché du travail, la notion

des préalables nécessaires pour rentrer dans certaines formations,

Limitation du choix de carrière Avoir tendance à choisir des formations ou métiers en dessous de leurs aptitudes.

Les échecs à répétition et qui perdurent depuis plusieurs années durant leur passage au secondaire ont des conséquences négatives sur

leur estime de soi. Étant donné un retard scolaire, qui souvent tourne autour de deux à trois ans de retard, les jeunes TDAH semblent

abandonner l’école secondaire au tour de l’âge de 15-16 ans. Ces jeunes ayant abandonné l’école se retrouvent sur le marché du travail

dans des professions souvent non spécialisées et à statut précaires. Il semble que ces jeunes prennent conscience de la dure réalité du

marché du travail qui exige souvent un minimum de formation et idéalement un DES avec une formation professionnelle. Après

quelques années en emploi, il est constaté que ces jeunes essaient de faire un retour au secteur des adultes. Étant donné que le secteur

des adultes n’offre pas beaucoup d’encadrement, ces élèves sont confrontés à la réalité de ce secteur d’enseignement et que les études

ne sont pas plus faciles à réussir.

Concernant le besoin d’encadrement, il est constaté à maintes reprises par les c.o. que les jeunes qui souffrent du TDAH ont un besoin

plus grand d’encadrement causé par une difficulté de s’organiser. Les c.o. ont tendance à ne pas recommander le secteur des adultes

Page 113: Recueil de texte en  counseling

113

aux jeunes TDAH connaissant leurs difficultés à s’organiser. Il est constaté chez la clientèle TDAH qu’ils vont choisir des formations

à court terme parce que, bien souvent, leurs souvenirs de leur passage en milieu scolaire ont été très négatifs, donc ils cherchent à en

sortir le plus vite possible. Cela n’empêche pas ces jeunes de rêver à des carrières professionnelles. Par contre, il semble que ces

jeunes aient tendance à être irréalistes par rapport à leurs limites et leurs difficultés. Par conséquent, leur projet de carrière sera

grandement affecté et risque d’être limité à cause des expériences scolaires négatives qui laissent inévitablement des traces sur

l’estime de soi.

Estime de soi

D’après les conseillers d’orientation interviewés, l’estime de soi serait grandement ébranlée par le TDAH. Pour pouvoir faire un

choix de carrière qui correspond à l’individu, celui-ci aura besoin d’avoir un minimum de confiance en soi et de croire qu’il a les

ressources nécessaires pour faire face aux exigences de l’emploi. Comme le c.o. (m.02) le mentionne, «Si l’élève vit une difficulté,

d’apprentissage, un retard académique, l’échec scolaire, l’échec social, c’est sûr que l’estime de soi est très affaiblie […]» Il semble

que les échecs à répétitions, les conséquences des comportements négatifs vécus avec les enseignants et les retards académiques qui

s’accumulent au fil des ans, les jeunes TDAH développent un sentiment d’incompétence. Il va jusqu’à développer le sentiment d’être

dans l’incapacité d’atteindre les objectifs qu’il s’est lui-même fixés. Le c.o. décrit la situation de la façon suivante :

Absolument, ça, c’est clair que faible estime de soi égale difficulté à rêver[…] avec un jeune TDAH, avec une faible

estime de soi peut rêver, peut s’imaginer toutes sortes d’histoires, mais dans le fin fond de lui, il voit bien qu’il n’y

arrive pas à l’école, pis qu’il n’arrive même pas à passer son premier cycle de secondaire. Ça affecte leurs projets, ils se

posent la question : «qu’est-ce que je vais faire?» (v.02)

Le c.o. (m.03) mentionne que parfois les jeunes qui souffrent d’un TDAH ont tendance à se dévaloriser parce qu’il a un diagnostic ou

qu’il doit prendre une médication, que : «L’Élève va parler un petit peu plus au niveau du fait qu’il trouve pas ça facile ou qu’il est

démotivé; ça le démotive d’avoir ce problème-là, d’avoir l’impression que toute sa vie, il va avoir à se battre contre ça finalement. J’ai

des élèves des fois qui se dénigrent personnellement.» Un autre c.o. (v.01) dira : «c’est clair que ça les affecte négativement, c’est

lourd, tout est lourd. Ils vivent beaucoup d’isolement et plus ils vieillissent, plus le décalage est apparent. (v.01)» Il semble que pour le

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c.o. suivant, la possibilité de poursuivre des études à un niveau supérieur soit influencée par l’estime de soi lorsque celle-ci est affectée

par les échecs académiques. Il dira : «Des fois, à cause aussi de l’estime qui ont d’eux envers leurs résultats scolaires fait en sorte

qu’eux-mêmes pensent pas à des études supérieures. (v.03)» En conclusion, il semble que l’estime de soi du jeune qui souffre d’un

TDAH joue un rôle important en ce qui concerne la perception que les jeunes ont d’eux-mêmes; en fin de compte le projet de carrière

sera influencé par un manque d’estime de soi.

Encadrement adapté

En général, les conseillers d’orientation interviewés ont souligné les besoins particuliers des jeunes qui souffrent du TDAH d’un

encadrement adapté à leurs symptômes. En effet, il mentionne le besoin de développer des méthodes de travail, des stratégies

d’apprentissage et d’organisation. Ils mentionnent le besoin de soutien et de développer des trucs pour réussir. Comme le mentionne

le c.o. (m.05), le fait de ne pas cibler les jeunes rapidement lors de leur entrée au niveau secondaire augmente le risque de voir ces

jeunes quitter l’école et d’avoir un impact sur leur projet de carrière en décrochant. Il dira :

Pour nous, au niveau scolaire, c’est important de les cibler, de les identifier pour être en mesure de leur donner le

soutien; ils viennent pas nécessairement chercher de l’aide. Des fois, ils sont en problématique, pis c’est là que ça

amène tout le monde dans le dossier […]souvent, ils peuvent être des potentiels décrocheurs […]donc, ils peuvent avoir

des notes plus faibles que les autres, ce qui peut être décourageant. Quand l’estime de soi est pas forte, des fois, ils

s’accrochent avec d’autres genres d’élèves et ça peut entrainer toutes sortes de choses et dans des situations encore

pires, on peut aller dans la drogue, on peut se trouver dans une sphère qu’on n’aurait pas souhaité commencer.(m.05)

Éviter que les jeunes TDAH tombent dans la délinquance ou dans la drogue à cause de leur faible estime de soi et des échecs scolaires

qui s’accumulent est une des préoccupations des c.o. En ce qui concerne les projets de vie, incluant le domaine du travail, les jeunes

qui restent à l’école secondaire dans les programmes qui forment aussi à l’emploi et au milieu de travail permettent de fournir un

encadrement bien nécessaire à ces jeunes en particulier. Selon le c.o.(v.02) :

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Sinon, c’est une formation préparatoire au marché du travail, donc quand ça se limite à ça, c’est sûr qu’ils sont

encadrés académiquement. C’est pas facile de les maintenir sur le marché du travail avec les exigences des employeurs,

avec des jeunes en pleine adolescence[…]c’est extrêmement difficile, donc oui, ça affecte ses projets de vie, c’est

clair.(v.02)

Un autre aspect à l’encadrement adapté se situe lors du passage du primaire au niveau secondaire des jeunes qui souffrent du TDAH.

Le secondaire exige beaucoup plus d’autonomie que le primaire, les jeunes ont de la difficulté à s’y adapter. Le c.o. (v.02) mentionne

que : «le jeune oublie tout, oublie de faire ses devoirs, de s’organiser […]il faut vraiment qu’il est développé des stratégies

d’organisation parce qu’il se perd dans tout ça.» Le c.o.(m.01) a observé la même difficulté à s’organiser chez les jeunes TDAH qui ne

sont pas diagnostiqués ou qui ne prennent pas de médication. Il dira: «au niveau de l’organisation, souvent c’est à recommencer dans

le passage primaire/secondaire, il faut qu’ils se réadaptent à plein de choses, le casier, l’horaire; c’est s’organiser avec huit matières,

c’est plus difficile, on le voit plus.(m.01)» Ce besoin d’encadrement est étroitement relié à leur déficit organisationnel et lorsque le

jeune n’a pas développé des stratégies pour compenser ce déficit, il risque d’éprouver de grandes difficultés à s’organiser à l’âge

adulte et dans sa vie de tous les jours, comme le mentionne le c.o. (v.02) : «il faut payer l’appartement, c’est d’autres genres de

problématiques qui arrivent, aussi les relations de couple, le désir de quitter le nid familial, de faire sa propre vie; ça demande aussi de

l’organisation tout cela.»

En conclusion, l’encadrement adapté aura des répercussions sur le projet de carrière et sur les croyances profondément ancrées des

jeunes concernant leur capacité de pouvoir développer des stratégies adaptatives qui leur permettra d’avoir un métier satisfaisant et

d’avoir les ressources personnelles pour acquérir une formation qui leur donnera la possibilité d’atteindre leur objectif professionnel.

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Retard de l’entrée dans un programme de formation menant au marché du travail

D’après les conseillers d’orientation interviewés, les jeunes qui souffrent d’un TDAH seraient plus susceptibles de retarder leur entrée

dans un programme de formation professionnelle, technique ou de niveau universitaire, et ce, de plusieurs années à cause des retards

académiques qu’ils ont accumulés au fil de leur passage au niveau secondaire. Ces jeunes auront tendance à aller travailler très jeune,

vers l’âge de quinze ou seize ans pour sortir le plus rapidement de l’école. Ils se retrouvent souvent dans des emplois précaires avec

peu d’avantages et avec un salaire minimum. Il semble qu’ils répondent ainsi à leur impulsivité et leur besoin de gratification

immédiate. La réalité les rejoint lorsqu’ils désirent avoir leur autonomie et quitter le nid familial. C’est à cette étape de leur vie qu’il

semble qu’un retour aux études est observable. Là, ils sont confrontés encore une fois aux échecs du passé et devant l’ampleur de la

tâche, beaucoup abandonnent de nouveau. Dans le meilleur des cas, ils réussissent à acquérir les préalables de base pour débuter un

DEP. Le cégep reste un rêve difficile à atteindre à cause des préalables spécifiques et le niveau qu’ils devront compléter pour y avoir

accès. Le C.o (v.02) mentionne qu’«on leur a tellement dit d’aller chercher un premier diplôme, c’est ça qui est important, il faut qu’il

ait au moins un DEP sur le marché du travail. Là, il réalise des choses, pis à l’âge adulte, ils retournent et puis les problèmes ne sont

pas partis pour autant.» Le manque de maturation chez les jeunes à un impact sur leur poursuite de leurs études après le niveau

secondaire. Comme en fait état le c.o. (m.02) :

Oui. Si tu as 18 ans et tu tournes encore autour du secondaire 1, c’est difficile. Alors, il y en a beaucoup qui vont aller

soit décrocher un travail suite à leur stage ou avoir monté un peu leur CV en se basant sur leurs expériences à l’école et

tout ce qui est travail et d’autres vont aller vers les adultes. Mais, ça change pas du jour au lendemain l’attitude de

l’élève évidement et la persévérance. Et d’autres vont peut-être faire un arrêt complètement pour ensuite avoir cet effet

de maturation pour ensuite réaliser «oups, je ferais mieux de me prendre en main!»(m.02)

Pour les jeunes TDAH, le secteur des adultes ne semble pas la meilleure option bien que l’enseignement y soit dispensé de façon

individuelle et qu’au moins le rythme d’apprentissage respecte un peu plus le besoin de ces jeunes en particulier, le c.o. (m.01)

mentionne que le besoin d’encadrement, qui est si important pour cette clientèle, n’est pas présent au secteur des adultes, il y des

risques d’échouer à nouveau. En effet, il dira :

Page 117: Recueil de texte en  counseling

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C’est des élèves qu’il faut diriger vers d’autres cheminements scolaires […]c’est de vérifier au niveau des adultes. Mais

au niveau des adultes, c’est pas plus simple non plus parce qu’ils ont pas le soutien dont ils ont besoin […] Souvent ce

qui reste, c’est l’éducation des adultes et ils ont hâtent d’y aller. Sauf qu’on n’essaie pas trop de les pousser parce qu’ils

sont laissés à eux-mêmes, donc plus d’autonomie, ce qu’ils n’ont pas encore. Des fois, ils vont l’acquérir plus tard,

mais pas à 15/16 ans. Souvent, ils finissent par lâcher parce que quand il y a trop d’absences, les adultes sont pas

obligés de les garder; donc, c’est le marché du travail avec des emplois précaires.(m.01)

Le TDAH semble avoir des conséquences sur la poursuite au niveau cégep. Bien qu’il y ait des jeunes qui s’y rendent, plusieurs jeunes

abandonnent le milieu scolaire et se retrouvent sur le marché du travail. Le c.o. (m.03) a observé que :

Après ça, tu te retrouves sur le marché du travail avec n’importe quel petit métier[…]pis il travaille parce qu’il n’a pas

le choix de gagner sa vie parce qu’il est rendu un peu plus vieux. Je trouve que cela a beaucoup d’impact

malheureusement dans la vie[…]Je trouve ça toujours le fun de voir un élève qui a un trouble d’apprentissage qui finit

par avoir son diplôme pis qui réussit à poursuivre au cégep. On entend parler des fois de ces succès-là, mais y’en a

d’autres que tu sais que t’as perdus dans le système pis malheureusement, t’as beau avoir fait des efforts, les

enseignants ou n’importe qui, les problèmes étaient plus grands que les bénéfices qu’il réussissait à avoir quand il

faisait tous les efforts.(m.03)

Les jeunes semblent aussi préoccupés concernant la difficulté d’accéder à la formation en vue d’avoir un métier à cause de leur

TDAH. Le c.o. (v.03) rapporte les propos suivants :

Au niveau professionnel, ceux qui m’ont mentionné qu’ils avaient un TDAH avaient une certaine crainte au niveau

professionnel que ça vienne jouer au niveau de la profession, mais surtout de la façon de s’y rendre et non au niveau du

travail[…]ils ont toujours peur que quand ils vont accéder à des études supérieures, qu’ils aient pas les mêmes

adaptations qu’ils ont ici.(v.03)

Page 118: Recueil de texte en  counseling

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En résumé, selon les propos des c.o mentionnés, le TDAH semble avoir un impact sur le projet de carrière en ce sens qu’un nombre

important de jeunes atteint par un TDAH éprouvent des retards scolaires de plusieurs années. Cette situation implique qu’ils vont

souvent travailler pendant un certain nombre d’années pour éventuellement faire un retour aux études aux secteurs des adultes. Reste

que les difficultés et symptômes causés par le TDAH sont encore présents puisqu’ils sont persistants à l’âge adulte. L’espoir subsiste

chez les c.o. rencontrés que ces jeunes auront atteint un niveau de maturation qui leur permettront d’atteindre un premier niveau de

diplomation, mais la partie n’est pas gagnée.

Perception déformée de la réalité

La perception déformée de la réalité fait référence au fait que les jeunes TDAH ont tendance à altérer la réalité. Cette réalité touche

leurs symptômes du TDAH, leurs limitations académiques, les exigences du marché du travail et la notion des préalables nécessaires

pour rentrer dans certaines formations. Selon le c.o. (m.01), les jeunes TDAH ont tendance à adopter une idée et d’avoir de la

difficulté à voir les autres possibilités et d’être réaliste concernant leurs limites. Il mentionne que :

Moi, en les questionnant, on sort des choses, mais des fois c’est difficile d’eux-mêmes; les sports, on essaie de trouver

autre chose ou qu’est-ce qu’il y a dans les sports qu’ils aiment; le sport d’équipe? […]ça peut être quand ils ont des

rêves pas assez réalistes; de revenir à quelque chose de plus réaliste. Des fois, ils restent juste sur une chose; ça devient

plus difficile de trouver autre chose.(m.01)

La réalité est parfois difficile à admettre pour ces jeunes et le c.o. (m.03) mentionne qu’il est parfois en situation où c’est à lui que

revient la douloureuse tâche de remettre les pendules à l’heure. Il dira :

On fait souvent du pétage de balloune ici malheureusement […] T’essaies d’aller voir les intérêts, justement les rêves,

c’est triste, c’est le néant. Sinon, il y en a qui ont quand même malgré tous des rêves qui sont irréalistes, que cela

viennent d’eux ou de leurs parents, de la famille ou autres, donc faut essayer de voir c’est quoi un plan B.(m.03)

Page 119: Recueil de texte en  counseling

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Bien que cela soit une clientèle qui éprouve plusieurs difficultés, ces jeunes ont tendance à faire de l’évitement et de faire comme s’il

n’y avait pas de problèmes. Le c.o. (m.04) mentionne que :

Y’ont des rêves, pis c’est médecin, pis là, on sait que c’est des grosses études et que ça va demander de

l’attention[…]souvent les résultats scolaires seront pas assez pour médecine, mais y’a pleins d’autres métiers qui

demandent une attention particulière[…]les stages d’un jour, ça peut leur permettre de se rendre compte, mais y’a un

déni qui se fait à l’adolescence pis, c’est pas quelque chose de l’fun à annoncer aux gens que : moi, j’suis TDAH, en

passant» C’est jamais arrivé qu’un élève me dise ça d’emblée, jamais; je l’ai su par la bande.(m.041)

Le c.o. (m.05) mentionne lui aussi que ces jeunes semblent irréalistes et que le TDAH à un impact sur leurs projets professionnels. Il

dira :

Ça a un impact quand on les amène à réfléchir sur le portrait global de leur dossier académique et où on peut aller avec

ces notes-là, mais les élèves sont très irréalistes. Tout le monde veut être médecin ou, avocat, peu importe les résultats

[…]il faut les ramener un peu, regarder les choses connexes. Quand on regarde les aptitudes, les forces qu’ils ont puis

ensuite, les matières scolaires, ça commence à mettre les choses plus terre-à-terre.(m.05)

Selon le c.o. (v.01), il est préférable de conseiller au jeune d’aller chercher un premier diplôme qui est le plus accessible selon les

limites des jeunes. Il dira : «quand t’as 17/18 ans, pis que tu as encore de la misère à finir un secondaire 3, je vais miser beaucoup sur

les DEP. Vas te chercher un DEP, on reparlera du cégep après[…]il faut démystifier le fait d’aller à l’université.» Le déni des

symptômes et des limitations semble présent lorsque les jeunes débutent dans un cégep, plusieurs ne vont pas le dire qu’ils sont TDAH

et préfèrent prendre le risque de ne pas recevoir des services adaptés que d’être étiquetés TDAH. Le c.o. (v.03) mentionne : «encore

là, quand je parlais tantôt d’être identifié, d’être jugé par les autres, ça rentrait en ligne de compte aussi. Lui, y veut pas avoir ces

services-là parce qu’il veut pas que les enseignants soient au courant de sa problématique.» En contexte d’orientation, le c.o.

mentionne qu’il est important de ramener les jeunes TDAH dans la réalité. Il mentionne que:

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Oui, ils sont plus irréalistes. Je pense qu’il y en a qui estime qu’ils ont toutes les capacités de rentrer dans un hôtel,

travailler à la réception, être journaliste, être homme d’affaires de passer tous les tests, tout est plausible. Je pense qu’ils

se donnent plus de pouvoir qu’ils en ont pour de vrai.(v.03)

En conclusion, la difficulté de s’approprier la réalité pour les jeunes qui souffrent du TDAH risque d’avoir un impact sur leur projet

professionnel puisque leur jugement est altéré devant leurs limitations académiques et personnelles.

Limitation du choix de carrière

Les conseillers d’orientation interviewés ont observé que les jeunes TDAH auront tendance à choisir des formations ou métiers en

dessous de leurs aptitudes et capacités intellectuelles. Ces jeunes vont souvent se limiter à des métiers manuels, concrets et qui ne

requièrent pas beaucoup d’années d’études. Le c.o. (v.02) mentionne qu’ils éprouvent de l’attirance pour le marché du travail sans

savoir ce que cela prend comme formation pour y arriver. Il dira :

Souvent, ils veulent un travail où c’est plus physique, un travail extérieur, policier, gendarmerie royale, groupe tactique

d’interventions. C’est des métiers très physiques, très masculins […]ils ne visent pas l’université. Quand ils parlent de

métiers, ils parlent davantage de quelque chose de très concret, soit une technique ou soit un DEP pour quitter le milieu

scolaire le plus tôt possible parce que le milieu scolaire est difficile pour eux, donc c’est des formations de courte

durée.(v.02)

En d’autres termes, les jeunes TDAH ont tendance à se limiter à des métiers qui requièrent des études de courte durée et ils envisagent

à peine les études universitaires et s’ils le font, c’est sans prendre en considération les années d’études et les conditions d’admission

auxquelles ils devront faire face le moment venu. Comme le mentionne le c.o. (m.03) :

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C’est des élèves qui se voient au cégep et qui ont le potentiel, mais à l’université, c’est trois ans de plus, c’est plus de

travaux, plus de lecture dans les livres, fait que ça, eux, ils vont dire, Ah… Des fois, je leur en parle quand même, parce

que je m’empêcherai pas de leur en parler de ce qu’ils veulent, même si je vois que cela peut être difficile.(m.03)

Dans l’éventualité que les jeunes qui souffrent du TDAH ont été bien encadrés, ont été diagnostiqué et prennent la médication

appropriée, les c.o. semblent dire qu’ils peuvent réussir comme tous les jeunes. La médication aidant, le c.o. (m.04) mentionne

«[…]qu’une fois qu’on peut palier à ça, y’a pas de raison pourquoi cet enfant-là réussirait pas dans la vie.» L’impact sur la réussite et

sur l’estime est majeur lorsque les moyens pour aider les jeunes ne sont mis en place. Le c.o. (m.04) poursuit en disant que :

C’est des élèves souvent qui sont en échec parce que mal accompagné dans le sens où on leur a pas donné les outils

assez tôt ou y sont pas médicamentés pour x raisons […]tu te retrouves dans un groupe qui est particulier ou qui a des

retards. Toi, tu sais que t’as pas de retards d’apprentissage donc, l’estime de soi vient de tomber de beaucoup. C’est

malheureux pour certains élèves, probablement plusieurs d’entre eux.(m.04)

En termes d’accompagnement, il est question du cursus scolaire qui n’offre plus le cours sur l’éducation au choix de carrière (ECC) et

les conséquences se ressentent sur l’information manquante concernant les programmes scolaires et cela n’aide pas les jeunes à se

fixer un objectif de formation ni de carrière. Le c.o. (m.04) dira : « Souvent, à l’adolescence, ils vivent dans le rêve. Y sont encore en

exploration, pis des fois, sont encore en exploration en secondaire 5. Malheureusement, actuellement y’a plus d’ECC. Y nous arrivent

en secondaire 4 et 5 et y savent même pas c’est quoi une technique, un DEP, c’est terrible.» Un autre c.o. (m.03) mentionne que le

système d’éducation au secteur secondaire offre peu ou pas d’alternative de type d’enseignement et le type d’enseignement magistral

est peu indiqué pour les jeunes TDAH. Il dira :«C’est pas qu’ils plafonnent, mais avec notre système d’éducation du secondaire

régulier, d’écouter le prof pis, d’écrire et tout ça, eux ça correspond pas nécessairement à leurs capacités[…]aller faire une formation

professionnelle ou une technique où est-ce que là ils peuvent plus manipuler, plus bouger ou apprendre d’une autre façon, peut-être

que c’est plus adéquat pour eux.» L’espoir étant qu’à travers les succès vécus en formation professionnelle, ces jeunes décident de

faire l’effort d’aller chercher une formation au cégep. En conclusion, ces jeunes semblent faire un grand détour pour atteindre leur

objectif de carrière. Ils passent souvent par le marché du travail, puis ils font un retour aux études au secteur des adultes, ensuite, ils

Page 122: Recueil de texte en  counseling

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poursuivent dans une formation professionnelle et éventuellement ils vont aller au cégep. Il n’est même pas question d’études

universitaires.

Processus d’orientation auprès des jeunes TDAH

Thèmes émergeants Définitions opératoires

Évaluation du parcours scolaire Porter une attention particulière sur l’historique scolaire depuis le primaire, être au

courant du dossier académique du jeune concernant ses échecs, ses retards scolaires,

ses difficultés d’apprentissage et connaître le potentiel réel de ses capacités

d’apprentissage ainsi que les stratégies mises en place par l’école.

Processus d’orientation

Évaluation des intérêts, aptitudes, valeurs et besoins

Adaptation de la pratique d’orientation Adapter sa pratique d’orientation durant un processus d’orientation auprès des jeunes

TDAH en fonction de leurs limitations personnelles

Évaluation du parcours scolaire

Les conseillers d’orientation interviewés ont mentionné qu’une attention particulière devait être portée sur l’historique scolaire depuis

le primaire afin d’identifier le plus rapidement possible les élèves qui souffrent d’un TDAH pour leur donner le soutien et

l’encadrement dont ils ont particulièrement besoin. Selon ces c.o., pouvoir intervenir dans le dossier de l’élève en tant que

professionnel et de pouvoir mettre en place un plan d’intervention incluant l’orientation serait porteur de motivation pour ces jeunes

qui ont souvent accumulé plusieurs expériences négatives durant leur parcours scolaire. Le c.o. (m.03) dira à ce sujet : «on travaille

beaucoup entre nous à nous référer des élèves. Un élève qui est démotivé ou qui est sur le bord de décrocher, moi, je dis souvent aux

autres professionnels : appelez-moi avant que l’élève ait déjà un pied et demi sorti de l’école.» Comme le c.o. (m.05) mentionne aussi

concernant ce sujet que :

Page 123: Recueil de texte en  counseling

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Si on peut les cibler plus tôt, quand dès qu’ils arrivent au secondaire[…]Des fois, ils sont déjà identifiés au primaire,

mais pas toujours. Des fois, c’est l’enfant qui est plus invisible aussi[…]pis là, on les voit en sec. 3, pis ils deviennent

décrocheurs […]Ils ont besoin d’être entendus, ils ont besoin d’un suivi au niveau scolaire.(m.05)

Le c.o. (v.01) a souvent travaillé avec des élèves qui n’ont jamais été identifiés comme ayant un trouble depuis le primaire. Il dit à ce

sujet :

Je comprends pas que les enseignants, les directions d’école…qu’un enfant puisse passer tout son primaire sans que

personne n’ait rien vu[…]quand t’as 14 ans et que tu es en sixième année, c’est que tu as un trouble[…]Moi, je trouve

ça extraordinaire que le c.o. puisse faire des évaluations parce que, comme ce matin, mon directeur adjoint me montrait

une pile de dossiers d’ados maintenant qui ont passé à travers le système scolaire et qui n’ont jamais eu de

diagnostic.(v.01)

Pour le c.o. (v.02), travaillant en milieu scolaire : «prendre connaissance de leur dossier scolaire, passer à travers et en prendre

connaissance. Aussi le dossier d’aide à l’élève, qu’est-ce qui a été mis en place pour ce jeune-là. Donc, décortiquer son dossier

scolaire, pis voir avec lui qu’est-ce qui avait été mis en place, qu’est-ce qui n’a pas marché.» Être au courant du dossier académique

du jeune concernant ses échecs, ses retards scolaires, ses difficultés d’apprentissage et connaître le potentiel réel de ses capacités

d’apprentissage ainsi que les stratégies mises en place par l’école permettent de mieux cibler les formations qui respectent le mieux

ses limitations en vue d’atteindre son objectif de carrière. En effet, comme le mentionne le c.o. (m.04) : «Donc, si c’est un élève FPT,

mon problème associé c’est qu’il n’a pas les acquis de primaire, donc ça sera pas les mêmes types d’emplois que je vais regarder du

tout. Si je vais dans la classe FMS, y’a les acquis seulement du premier cycle d secondaire donc on va aller voir aussi un type

d’emploi particulier.»

Page 124: Recueil de texte en  counseling

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Processus d’orientation

Le processus d’orientation comme on l’entend ne semble pas différent dans l’ensemble. Les c.o. vont passer par les phases

d’exploration, qui vise l’évaluation des intérêts, aptitudes, valeurs et besoins, la cristallisation, la clarification et la réalisation. Par

contre, en contexte scolaire, il semble très difficile d’avoir le temps nécessaire pour pouvoir faire des processus complets. Auprès de

la clientèle adolescente, c’est plutôt l’étape de l’exploration qui est abordée. Le c.o. (m.04) l’exprime de façon suivante : «y va passer

par les mêmes phases que les autres. Il va faire du rêve comme les autres, y va falloir qu’on l’amène à la cristallisation comme les

autres. C’est les mêmes phases, c’est la façon dont on s’adresse à lui qui est différente.» Le c.o. (m.04) mentionne aussi que :

«l’introspection, c’est plus difficile, donc, c’est à moi de poser plus de questions, donner des exemples. Ils ne donnent pas une grosse

liste de points forts et points faibles, je travaille avec ce qu’ils me donnent.» Le c.o.(m.03) exprime sensiblement les mêmes

préoccupations : «mais ces élèves-là ont des besoins qui faudrait peut-être travailler un peu plus c’est quoi les choses dans lesquelles y

sont bons, y sont moins bons; apprendre à se connaître, développer leurs intérêts, mieux les connaître, pis après ça, faire des liens avec

qu’est-ce qui existe comme métiers sur le marché du travail.» Le c.o.( m.02), mentionne qu’il est question de partir des besoins du

jeune. Il dira :

C’est plus une approche de développement de carrière qui est adaptée selon leurs besoins, à partir de la connaissance de

soi, du marché du travail, mes forces, mes aptitudes. Je travaille beaucoup sur les qualités pour ensuite les aider à

trouver un stage ou bien différents choix de carrières. (m.02)

Pour les c.o. interviewés, l’estime de soi semble l’aspect primordial à travailler en processus d’orientation. Comme le mentionne le

c.o. (v.01) :

C’est toujours la perception de soi, l’estime de soi. Ils prennent pas les bons moyens, ils sentent au fond d’eux qu’ils

ont une valeur, ce qui est tout à fait vrai, mais ils ne la mettent pas à la bonne place. Donc, il y a des affaires qu’il faut

débâtir pour leur permettre d’être dans un chemin qui leur est accessible, qui va leur donner une valeur réelle.(v.01)

Page 125: Recueil de texte en  counseling

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Le c.o. (v.02) a observé des conséquences similaires dans sa pratique, il mentionne que : «c’est difficile d’avoir une bonne perception

de soi positive. Quand on a une faible estime de soi, c’est difficile de rester motivé et quand on ne réussit pas parce qu’on a de la

misère à rester concentré, c’est difficile de réussir.» En résumé, il semble que les jeunes TDAH ont besoin de passer par l’étape de

l’exploration lors du processus d’orientation tout comme les autres jeunes par contre, il semble impératif de travailler l’estime de soi

en identifiant non seulement les faiblesses, mais leurs forces et capacités à leur juste valeur. De plus, le manque d’introspection

semble avoir un impact significatif sur la connaissance de soi. Il est donc nécessaire d’identifier les intérêts, aptitudes, valeurs

personnelles ainsi que leurs besoins particuliers en fonction de leur trouble pour éventuellement atteindre une certaine satisfaction

dans leur milieu de travail.

Adaptation de la pratique d’orientation

L’adaptation de la pratique d’orientation durant un processus d’orientation auprès des jeunes TDAH renvoie au besoin d’adapter son

approche et d’utiliser des moyens de communication différents en fonction des difficultés des jeunes. Par conséquent, les c.o. doivent

prendre connaissance de leurs propres limites et de leur fonctionnement personnel étant donné que cette clientèle est plus exigeante.

Comme le mentionne le c.o. (v.01) :

Ça prend beaucoup de gratuité, de don de soi de la part des adultes, une patience multipliée par cinq pour ces jeunes-là

au niveau des apprentissages et de la démarche d’orientation[…]le jeune peut venir te voir 10 fois; il va venir ben plus

souvent qu’un jeune dit «régulier»[…] Je ne sais pas si on finit par aboutir à une décision.(v.01)

Il semble parfois qu’il soit nécessaire de rencontrer les parents, démarche qui permet de cerner le problème et de travailler de concert

avec les gens les plus significatifs pour le jeune. Le c.o. (m.05) : «c’est souvent une clientèle avec qui je vais rencontrer les parents

d’habitude. On fait un plan d’avenir ensemble pour l’enfant parce que souvent le dossier y’est pas fort, y’est faible et voir qu’est-ce

qui est réaliste aussi pour ce jeune-là.» Pour ces jeunes qui souffrent du TDAH, il serait préférable d’être ouvert à toutes les options

possibles qui s’offrent aux jeunes et de rester à coller à la réalité du dossier scolaire. En ce sens, le c.o. (v.01) mentionne que : «mes

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jeunes en difficultés d’apprentissage et en retards pédagogiques, j’insiste beaucoup sur les formations d’ordre professionnelles au

secondaire[…]De toute façon, je peux très bien avoir un DES en passant par un DEP, pis ça, je le valorise beaucoup auprès de la

clientèle en difficulté.» Cette réalité demande au c.o. (m.02) d’amener les jeunes TDAH à faire des compromis dans leur choix de

carrière, et mentionne à ce sujet : «de cerner leur choix de façon réaliste, de persévérer dans cette lignée, d’avoir un plan B, de

vraiment se connaître pour valider des choix qui sont très réalistes et je dirais d’accepter un changement pour s’adapter à ses

capacités.»

En ce qui concerne la façon de communiquer l’information, le c.o. (v.02) mentionne qu’il serait préférable de travailler la relation

interpersonnelle et d’utiliser des moyens visuels pour aborder l’information scolaire et professionnelle. Il dira : «plus relationnel, leur

montrer des vidéos, plutôt que de la lecture. Étrangement, ces jeunes-là vont être très fort au niveau des jeux électroniques; fait que

tout ce qui est visuel, vidéos, ça marche.» Plus spécifiquement, concernant la relation de confiance entre le c.o. et le jeune TDAH, le

c.o. (m.02) ajoute qu’il : «faut vraiment miser beaucoup sur leurs forces, le positif et les encourager tout le temps, tout le temps. Et

l’affectif, avoir une bonne relation de confiance parce que c’est des élèves qui ne se dévoilent pas à tout le monde, y sont craintifs, ils

ont beaucoup de problèmes personnels.» Le c.o. (v.02) apporte le point concernant la difficulté pour ces jeunes de s’organiser et de ne

pas oublier leur rendez-vous : «c’est des jeunes qui vont oublier leurs rendez-vous, donc, les appeler et les rappeler qu’ils ont un

rendez-vous parce qu’on pourrait croire qu’ils sont pas intéressés […] mais ne pas s’imaginer que c’est de la mauvaise volonté.»

Il arrive parfois que le jeune TDAH ait besoin d’accompagnement plus individualisé et de manière spécifique. Le c.o.(v.03) spécifie

ceci :«je me souviens d’avoir accompagné un élève jusqu’à l’école de la formation professionnelle. On a été rencontré les enseignants

là-bas, on a passé une journée. Y’avait besoin d’un accompagnement jusque-là, pis je l’ai fait.» Dans le contexte de la pratique

adaptée à la clientèle TDAH, le c.o. (v.02) mentionne que cette clientèle éprouve une charge émotive assez importante du fait qu’ils

éprouvent beaucoup de difficultés à l’école. À cet effet :

Le processus d’accompagnement, je dirais, les émotions, passer là-dessus parce qu’ils en ont des charges émotives

importantes […]je l’écoute surtout parce qu’y en a du stock à dire; y en a des difficultés, émotivement, il y a une

charge et il faut qu’elle soit libérée avant le retour à l’école, après ça, on est prêt à parler et à mettre des choses en place

pour l’aider. Oui, l’approche est différente.(v.02)

Page 127: Recueil de texte en  counseling

127

Enfin, concernant l’utilisation d’outils psychométrique, selon le c.o. (v.03), ce n’est tous les tests qui sont utilisables et appropriés; les

résultats risquent d’être biaisés par leurs symptômes reliés au TDAH. Il mentionne que parfois les outils psychométriques ne sont pas

toujours adaptés à cette clientèle. Il dira que : «c’est vraiment de capter, de garder son attention pendant tout le test. Quand j’arrive

avec un trop gros test, c’est là que je les perds complètement. Je ne sais pas la validité finalement du test rendu à la fin.»

En conclusion, selon les commentaires des conseillers d’orientation interviewés, il semble que la clientèle demande aux c.o. d’adapter

leur pratique professionnelle. Que les besoins d’encadrement spécifiques demandent aux c.o. de poser des gestes qui sortent des

pratiques usuelles et enfin, il est possible que cette clientèle demande plus d’efforts et d’énergie personnelle parce qu’il semble que

les processus d’orientation seront plus longs et que les jeunes TDAH soient très tergiversant face à leur choix professionnel.

Les suggestions et recommandations des c.o.

Thèmes émergeants Définitions opératoires

L’importance d’actualiser la formation Sentiment de ne pas avoir reçu la formation pour travailler auprès de la clientèle

TDAH. La Loi 21 apporte son lot de besoin de formation pour poser les gestes

appropriés en terme d’évaluation des capacités

Manque d’intégration des c.o. au sein des

équipes de professionnels

Il y a un manque d’intégration des c.o au sein de l’équipe multidisciplinaire avec les

professionnels et les directions d’école

Le manque de temps Les c.o. manque de temps afin de s’investir auprès des jeunes avec des besoins

particuliers.

Aborder l’orientation autrement Les c.o. suggèrent des idées pouvant aider à rendre le processus d’orientation encore

plus efficace pour les jeunes TDAH.

Page 128: Recueil de texte en  counseling

128

L’importance d’actualiser la formation

Bien que certaines commissions scolaires ont décidé d’offrir de la formation à ces conseillers d’orientation, toutes les commissions

scolaires n’ont pas le même souci d’offrir de la formation à ces employés. Pour ceux qui ont bénéficié de ces mises à niveau, les

bénéfices sont identifiables et reconnus. Comme le mentionne le c.o. (m.04) : «nous les conseillers d’orientation, on se forme sur la

clientèle EHDAA depuis deux ans. Donc, oui on a reçu plusieurs formations là-dessus […]donc, on a des connaissances.» Par contre

plusieurs conseillers d’orientation interviewés ont exprimé leurs sentiments de ne pas avoir reçu la formation pour travailler auprès de

la clientèle TDAH. Il semble que les clientèles ayant des difficultés telles que souffrant d’un trouble envahissant du développement,

TDAH, troubles de santé mentale soient en plus grand nombre à l’école publique au Québec. Pour travailler auprès des jeunes TDAH,

le c.o. (v.02) mentionne: «une formation d’appoint, ça pourrait être pertinent […]parler des médicaments, des effets secondaires, on

comprendrait mieux nos clients. On les accompagnerait mieux, c’est sûr.» Certains c.o. se sentent démunis face à la diversité de la

clientèle ayant des troubles. Comme le mentionne le c.o.(v.03) :

Quand je vais être formé pour ça, là je pourrais me prononcer. Mais, je trouve ça difficile […]moi, c’est sûr que j’ai

besoin d’être formé[..]Je trouve qu’au secondaire, c’est vaste maintenant la clientèle qu’on voit, on couvre beaucoup

ici. On a de la dysphasie, du TC, on a de la dyslexie, on a de la dyscalculie, vraiment de tout, et je trouve ça vraiment

difficile d’adapter un processus d’orientation envers une clientèle quand t’as pas la formation sur la clientèle[…] Quand

y a des formations qui s’ouvrent, je trouve que ça reste de base. On va pas en profondeur.(v.03)

Avec le temps, les c.o. en milieu scolaire ont développé des compétences pour exercer leur travail auprès des clientèles particulières

par contre, avoir une formation universitaire qui ciblerait les difficultés de ces jeunes en milieu scolaire serait d’une grande utilité et

les c.o. se sentiraient mieux préparés. Le c.o. (v.01) l’exprime de la façon suivante : «l’université nous forme pour une clientèle

régulière[…]mais on est pas beaucoup équipé pour faire face à cette clientèle-là.» Le c.o.(m.03) mentionne qu’il serait préférable

d’aller chercher des notions pour se sentir mieux équiper pour travailler avec les jeunes TDAH. Il dira : «soit aller suivre une

formation justement sur cette clientèle-là ou aller chercher des livres, pis vraiment être autodidacte. Pis, aller découvrir un petit plus

les côtés cachés de cette clientèle-là.» Il semble que le peu de formation sur le sujet lors de la formation initiale pousse les c.o. à aller

chercher des informations de façon autodidacte.

Page 129: Recueil de texte en  counseling

129

Concernant la Loi 21, elle apporte son lot de besoin de formation afin que les c.o. se sentent prêts pour l’évaluation des capacités. Bien

que les c.o. interviewés soient conscients de l’utilité de ces nouvelles fonctions, ils expriment aussi leurs craintes de se sentir

incompétents et sans ressource devant l’ampleur de la tâche. Le c.o. (v.02) dira : «Ben, il faudrait être formé pour faire ça. Moi là,

présentement, je ne me verrais pas faire cela.» Il semble y avoir une certaine confusion entre l’acte d’évaluer et l’acte de

diagnostiquer. Le c.o.(m.04) apporte cette clarification : «On n’évaluera pas nécessairement le retard mental, soit dit en passant, ça va

prendre un cours.» Pour plusieurs c.o., il existe une crainte de ne pas être performant et d’avoir perdu une certaine expertise pour

pouvoir analyser adéquatement les résultats. Le c.o.(m.01) propose : «de se garder au courant et à jour, parce qu’on oublie. Avoir de

la formation par des psychologues ou par des psychoéducateurs qui travaillent beaucoup avec cette clientèle-là.» Le c.o. (m.02) dira :

«je pense qu’on a besoin de formation, je pense qu’on a besoin de mieux cerner notre rôle dans le diagnostic et l’évaluation.» Les c.o.

mentionnent que de pouvoir échanger et partager des connaissances entre professionnels de l’orientation favoriserait le sentiment

d’être compétent lorsqu’ils doivent travailler auprès des jeunes TDAH. Le c.o. (v.01) mentionne : «de permettre que les c.o. qui ont

une expertise là-dedans, de mettre en commun leur expérience[…]favoriser l’échange.»

En résumé, les c.o. interviewés s’entendent pour dire que la formation est essentielle. Ceux qui ont reçu une formation concernant les

clientèles éprouvant des difficultés sont très contents de se sentir mieux équipés afin de travailler auprès de ces jeunes. En ce qui

concerne l’application de la Loi 21, plusieurs sont retissants devant l’ampleur de la tâche et ce qui risque d’être exigé comme travail

supplémentaire de la part des directions d’écoles dans leurs journées déjà bien remplies.

Manque d’intégration des c.o. au sein des équipes de professionnels

Les conseillers d’orientation interviewés ont exprimé leurs désirs de faire partie de l’équipe multidisciplinaire de leur milieu de travail.

Il semble que pour eux, il serait primordial d’agir dès que les jeunes arrivent du primaire. En ce sens, ils voient l’urgence d’agir le plus

rapidement possible. Ce n’est pas toujours le cas en ce moment. Dans l’équipe-école, le c.o est parfois laissé pour compte. Étant donné

que l’objectif de carrière du jeune est un concept plutôt abstrait, les questions touchant le comportement sont souvent celles qui sont

abordées en premier. Le c.o. (m.04) dira : «Si on est sur le plan d’intervention, automatiquement, on va le savoir. Mais c’est nous ou le

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130

psychoéducateur. Il y a le choix entre les deux.» Cette situation aura des conséquences sur la rapidité de réaction devant un problème

de comportement. Le c.o. (m.04) mentionne que :

Souvent, je sais pas pourquoi, l’enseignant va aller le dire au psychologue, va aller le dire à d’autres professionnels,

mais en orientation, il ne vient pas nous le dire. C’est comme si c’était oublié que c’était pas important, que ça aurait

pas un impact dans sa vie. Je sais pas pourquoi ils vont aller voir le psychoéducateur, y vont y dire : « y’est

TDAH»[…]nous, on est supposé le deviner[…] Les parents n’ont pas le réflexe de penser aller voir le c.o. C’est pas un

réflexe de venir voir les c.o. malheureusement. Ils vont aller avoir le psy, le T.S., le psychoéducateur parce qu’il a des

troubles associés. Pour eux, nous, c’est pas quelque chose qui est visible «ici et maintenant» ce qu’on fait[…]faut tout

le temps qu’on s’annonce, qu’on le dise.(m.04)

Il semble exister un manque de consultation et de communication entre la direction, les autres professionnels qui sont impliqués dans

l’environnement du jeune TDAH et les c.o. Il serait plus satisfaisant pour les c.o. de pouvoir être au courant quand un jeune est en

situation d’échec et est démotivé pour même déjà décroché des études. Le c.o. (m.03) exprime pour sa part que :

Moi, je dis souvent aux autres professionnels «appelez-moi avant que l’élève ait déjà un pied et demi sorti de

l’école[…]De quelle façon les PAI sont faits[…]on n’est même pas invité. C’est toujours aller dire à la direction : On

existe si y a des besoins, oui on peut vous aider. Et même si on veut pas avoir à tous les faire tout seul.(m.03)

Par contre, le c.o.(m.05) mentionne que lorsque la direction implique les c.o., l’impact est positif et c’est les jeunes qui en bénéficient

particulièrement. Il dira : «ça l’aide beaucoup. Dans notre école, on a aussi des équipes multi, on se rencontre une fois par mois pour

discuter des cas d’élèves, pis les suivis qu’on faits, ça aide beaucoup aussi.»

En conclusion, plusieurs c.o. aspirent à une plus grande intégration de leur rôle-conseil au sein des équipes multidisciplinaires dans le

milieu scolaire. Ils aspirent à pouvoir agir en amont des difficultés qui peuvent avoir des conséquences sur le rendement et la

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motivation des jeunes éprouvant un TDAH. Il semble y avoir un besoin de reconnaissance de leurs capacités à aider les jeunes dans

des sphères différentes, mais, qui pourraient avoir un impact sur le choix de carrière.

Le manque de temps

Selon les conseillers d’orientation interviewés, une des grandes frustrations dans leur travail est le manque de temps afin de s’investir

davantage auprès des jeunes avec des besoins particuliers. Il semble qu’ils sont déchirés entre les demandes des directions d’école qui

exigent que les c.o. se concentrent sur les élèves du régulier qui fréquentent les quatrième et cinquième secondaires versus le désir de

pouvoir accorder plus de temps aux jeunes dans les programmes du genre FMS et FPT dans lesquels se retrouvent une grande

proportion de jeunes ayant des troubles d’adaptation et d’apprentissage. Le c.o. (m.04) voudrait pouvoir accorder plus de temps et

dira :

On devrait aller voir toujours les plans d’intervention de tous les élèves, on n’a pas le temps de faire ça[…]Mais, si tu

donnes beaucoup de temps à une clientèle particulière, ça va crier ailleurs, parce que les écoles secondaires vont

beaucoup insister pour que tu voies leur secondaire 5, pis les parents également.(m.04)

Un autre c.o.(m.03) exprime sa réalité dans son milieu de travail et mentionne que les directions peuvent mettre une certaine pression

sur les c.o. Il (m.03)dira : «je veux pas avoir à dire non à la direction trop souvent[…]ça paraît mal[…]peut-être que je serais pas

contente avec les priorisations que la direction ferait.» Il semble y avoir un sentiment d’impuissance face aux besoins dans le milieu.

Les c.o. ont très peu de temps pour rencontrer un élève à plusieurs reprises et faire un processus d’orientation. Les processus se

limitent souvent à l’étape de l’exploration.

Il semble y avoir une résistance concernant la mise en œuvre des gestes se rapportant à la Loi 21. Cela ne semble pas un

désintéressement, mais la crainte de ne pas avoir le temps pour pouvoir faire l’évaluation, la correction et la communication des

résultats aux jeunes et aux parents et intervenants. Le c.o.(v.02) mentionne : «il faudrait qu’on considère cela dans nos fonctions de

travail, qu’on nous l’inclue dans notre fonction parce que le temps, on nous donne beaucoup de fonctions dans les écoles.» De

Page 132: Recueil de texte en  counseling

132

nouveau, il est possible de ressentir les mêmes préoccupations de la part du c.o.(m.05) qui dira : «moi, je n’aurais pas le temps de faire

ça et je voudrais pas le faire non plus parce que j’ai pas nécessairement l’endroit et ça prend une demie journée pour faire ça.» Encore

une fois, la valorisation de la profession au même titre que les autres professionnels au sein de l’école se fait sentir puisque le c.o.

(m.01) fait remarquer que : «le problème, ça va être le manque de temps et de ressources[…]Faudrait faire comme les psychologues

qui se bloquent des journées pour faire les évaluations et corrections.»

En conclusion, il semble que les c.o. qui travaillent en milieu scolaire au niveau secondaire sont déchirés entre le désir de pouvoir

accorder plus de temps aux élèves éprouvant des difficultés et le manque de temps. La crainte de voir sa charge de travail augmenter

avec l’application de la Loi 21 vient ajouter à la frustration déjà présente de ne pas avoir le temps de faire des processus d’orientation

qui exigent plus de temps sachant que cette clientèle profiterait de pouvoir faire des processus étendus sur une plus longue période de

temps.

Aborder l’orientation autrement

Selon les c.o. interviewés, il ressort que les c.o. usent de leur créativité et mettent à profit les ressources qui sont disponibles en

périphérie du milieu scolaire. Il existe un souci tangible de trouver des moyens pour encadrer et offrir du soutien aux jeunes TDAH.

Afin de mieux saisir les lacunes et difficultés qu’éprouvent les jeunes TDAH, le c.o. (m.03) suggère les moyens suivants :

Donc, j’ai l’impression qui va falloir aller faire de l’observation peut-être même des sondages, jaser avec les profs,

jaser avec les élèves; vraiment être patient, mais aller faire beaucoup de terrain avant de remettre nos activités et notre

façon de faire[…]Je pense que quelqu’un qui veut travailler avec cette clientèle, faut retourner à la source finalement.

Soit quelqu’un qui est très créatif, capable d’imaginer des nouvelles activités, développer soit des nouveaux tests ou des

nouvelles façons de travailler avec ces jeunes-là du côté orientation.(m.03)

Il semble que le besoin d’adapter les pratiques professionnelles soit aussi une nécessité pour mieux interagir avec cette clientèle

comme le mentionne le c.o. (m.03) :« Jjimagine que les tests qu’on nous présente depuis quelque temps pourraient être utilisés pour

Page 133: Recueil de texte en  counseling

133

ces élèves-là aussi, mais je présume qui va falloir adapter aussi notre matériel, revoir nos pratiques. Ça, c’est clair, encore plus.»

Plusieurs c.o. suggèrent des idées pouvant aider à rendre le processus d’orientation encore plus efficace pour les jeunes TDAH. Le c.o.

(m.01) suggère que : «peut-être qu’on pourrait même faire des choses qu’on fait pas, que je fais pas, mais peut-être que des fois il y

aurait lieu de faire des groupes de soutien au niveau des TDAH, de pouvoir en voir plusieurs en même temps qui ont la même

problématique, qui se comportent à peu près de la même façon.» Une autre suggestion serait de pouvoir mieux préparer ces jeunes au

marché du travail. Le c.o. (m.02) propose de :

Avoir plus de plateaux de travail, avoir plus de liens avec les partenaires du marché du travail, Emploi-Québec, de créer

des passerelles qui sont pliables […]les secondaires 2,peut-être commencer en secondaire 1, mais avoir le secondaire

très, très ancrer vers la formation professionnelle et[…]ouvrir le répertoire des métiers semi-spécialisés vers d’autres

domaines.(m.02)

Le c.o. (m.02) mentionne que de travailler en équipe avec les autres professionnels permet d’agir sur plusieurs problématiques telles

que la toxicomanie, les troubles de comportement et autres difficultés. Il dira :

On travaille ensemble. Je travaille avec la psychoéducatrice et l’intervenante en toxicomanie […]le Carrefour jeunesse

et la persévérance scolaire[…]On s’implique avec le TEVA qui est le plan de transition école-vie active du

CAMO[…]Peut-être travailler en concert avec les organismes emploi-été, les CAMO, les SEMO[…]il y a un grand

trou entre où ils en sont, leurs portes de sortie et leurs cartes de compétence.(m.02)

Une autre suggestion faite par le c.o.(v.03) serait d’avoir une formation pour mieux comprendre les clientèles qui éprouvent des

difficultés comme les TDAH ou les dysphasiques et ceux qui souffrent du syndrome de Gilles de Latourette. Il mentionne :

J’ai l’impression qui faudrait que j’aie une formation sur tous les types de clientèles ou qu’il y ait un conseiller

d’orientation spécialisé pour ça, comme on en retrouve à l’extérieur des systèmes scolaires. Avant, je travaillais au

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134

SEMO pour les personnes handicapées, donc on avait une spécialisation juste pour eux. Donc, probablement que les

processus d’orientation seraient peut-être plus adaptés.(v.03)

Le c.o.(v.01) aurais aimé pouvoir compter sur la communauté élargie des c.o. qui auraient une expérience professionnelle acquise au

fil des ans ayant déjà travaillé auprès des clientèles différentes. Il dira : «t’as beau lire, aller à des colloques, mais si y aurait un comité

à l’Ordre des c.o. du TDAH ou jeunes en difficultés, comme une ressource style AQETA, mais des c.o., ça serait génial parce que

c’est tellement vaste les difficultés d’apprentissage […]Je te dirais que c’est ce qui m’aura manqué.»

Concernant l’application de la Loi 21, il semble que la plupart des c.o. interviewés sont contents de la reconnaissance des capacités

professionnelles des c.o. en lien avec l’évaluation du retard mental et l’évaluation des difficultés d’apprentissage. Toutefois, la crainte

de ne pas avoir plus de temps ou de ressources humaines pour pouvoir appliquer ces nouvelles fonctions reste une préoccupation. Le

c.o. (m.05) fait la suggestion suivante : «moi, je pense que la commission scolaire pourrait engager 2 personnes qui pourraient flotter

autour de la commission scolaire pour faire les évaluations; là, t’aurais une expertise.» Le c.o. (v.02) pense pour sa part que :

Il faudrait être formé pour pouvoir faire ça. Moi, là, présentement, je ne me verrais pas aller faire ça. Quoique, à mon

école cela serait super pertinent. Ensuite, il faudrait qu’on considère cela dans nos fonctions de travail, qu’on nous

l’inclue dans notre fonction […]Il y a toute une vision sur le rôle des c.o. faire de la place pour ça aussi dans nos rôles

et fonctions.(v.02)

En résumé, il semble que l’actualisation de la formation initiale qui inclurait un cours optionnel ayant pour sujet les troubles qui sont

les plus sujets à se retrouver en milieu scolaire serait un moyen de s’assurer que les c.o. qui visent le secteur de l’éducation comme

milieu de travail auraient l’information de base concernant ces clientèles à risque de décrochage. De plus, les c.o. ont exprimé leur

désir d’être impliqués au sein des équipes multidisciplinaires le plus rapidement possible et d’être mis au courant des dossiers des

élèves qui présentent dès leur arrivée au secteur secondaire des difficultés d’adaptation. Il reste que le manque de temps est

probablement le facteur qui dérange le plus les c.o. en milieu scolaire. En effet, ils semblent déchirés entre les besoins des jeunes

Page 135: Recueil de texte en  counseling

135

TDAH, la direction d’école qui désire les voir s’impliquer davantage auprès des élèves de quatrième et cinquième secondaire et leurs

tâches en tant que professionnels de l’orientation. Il est présentement difficile à cause du manque de temps d’offrir aux élèves TDAH

un processus d’orientation complet (exploration, cristallisation, clarification et réalisation).

Donc, les c.o. aspirent ardemment à pouvoir rencontrer tous les jeunes qui le désirent ainsi que leurs parents, de pouvoir faire des

évaluations de potentiel qui inclut la passation des tests, l’interprétation et la transmission des résultats. Enfin, les c.o. ont mentionné

leur désir de voir la profession évoluée afin de pouvoir mieux répondre aux besoins particuliers de cette clientèle qui peut être

exigeante par moment. Leur désir d’être encore plus efficace est évident.

Page 136: Recueil de texte en  counseling

136

Pratiques d’orientation et évaluation de potentiel … Valérie Locas, c.o.9

L’objectif de cet essai était de faire un portrait, le plus précis possible, de ces praticiens qui œuvrent en évaluation de potentiel afin de

faire la lumière sur leur pratique, mais aussi sur les enjeux auxquels ils font face. Les conseillers rencontrés ont permis de mettre en

évidence des éléments importants sur cette pratique. L’unanimité des réponses à l’égard du manque de formation concernant le volet

entrepreneurial est un facteur à considérer. Cependant, ce type de constat permettra peut-être de mettre en place un programme

d’étude pour les conseillers d’orientation organisationnel. Cette recherche n’aurait pu être effectuée sans l’apport important des

conseillers et conseillères qui ont été rencontrés. Cependant, l’évaluation de potentiel étant effectuée principalement dans des firmes

concurrentes, une des limites de cette recherche s’avère être la confidentialité des informations reçues. Au fil du temps, les ressources

humaines se développent et la psychologie du travail prend tout son sens. Ceci afin de maximiser le développement professionnel des

ressources dans les entreprises québécoises. Cette recherche aura permis de faire un constat sur l’un des six champs de pratiques de la

psychologie du travail dans lequel les conseillers d’orientation sont des acteurs. En regard du peu de littérature liant la pratique des

conseillers et conseillères d’orientation et la psychologie du travail, il s’avère pertinent de penser que le présent essai permettra de

mieux informer les futurs conseillers ou conseillères désireux de faire carrière dans ce domaine. Aussi, les résultats de cette recherche

9 Locas, Valérie (2012). La pratique des conseillers et conseillères en orientation œuvrant dans des mandats d’évaluation de potentiel. Rapport d’activité dirigée présenté à la

faculté d’éducation en vue de l’obtention de la maîtrise en orientation profil : carriérologie. Document disponible en ligne : http://orientationpourtous.blogspot.ca/2012/07/essai-en-

ligne-les-pratiques.html

Page 137: Recueil de texte en  counseling

137

offriront une documentation sur le processus d’évaluation de potentiel dans lequel le conseiller doit intervenir. En conclusion, les

éléments nommés permettront une meilleure visibilité et compréhension de ce domaine et de cette pratique.

Faits saillants de leurs conceptions en regard du contexte actuel

Transformation de la dotation dans certains secteurs

Le départ massif de la génération des baby-boomers a été confirmé par les conseillers interviewés quant aux conséquences qu’il

engendre sur le marché du travail ce qui corrobore le constat de l’auteur Karpicek (2008). Selon lui, nous assistons depuis quelques

années à un vieillissement de la population : « le fait le plus inquiétant est le dépassement, prévu en 2019, du nombre important de

personnes de plus de 65 ans par rapport à celui des moins de 19 ans » (p.12).

Ajouté à cette dimension, un autre aspect important a été nommé comme un enjeu pour la sélection du personnel suite au contexte

actuel de pénurie de main-d’œuvre. En effet, selon les conseillers rencontrés, l’embauche des candidats prend une autre forme en

regard des enjeux actuels. Il s’avère que pour certains secteurs, les entreprises n’ont plus autant le choix qu’avant et se montre plus

ouvert à développer les candidats au sein même de leur organisation plutôt que d’attendre que ceux-ci possèdent tous les critères

nécessaires. Ainsi, la rencontre avec les conseillers a pu démontrer la restriction de critères à laquelle sont confrontées les

organisations face à l’embauche de leurs ressources dû au manque de main-d’œuvre. L’initiative de recherche sur les compétences

(2008) allait dans ce sens en expliquant que; Le vieillissement de la main-d’œuvre aura pour effet d’en accroître la rareté de la main-

d’œuvre dans certains domaines et ainsi modifier les critères de sélection.

Page 138: Recueil de texte en  counseling

138

Contexte nécessitant de favoriser l’engagement

Dans cette même lignée, les conseillers ont apporté un point important en lien avec les transformations actuelles du marché du travail.

Outre la pénurie de main-d’œuvre, les organisations sont maintenant confrontées à un concept important; l’engagement. La génération

précédente était plutôt sédentaire en regard de leur emploi tandis que les nouvelles générations sont plus flexibles quant à leur plate-

forme professionnelle. Ainsi, les dirigeants ont un enjeu important avec lequel ils doivent composer, celui de pouvoir maintenir ou

favoriser l’engagement de leur personnel dans l’optique qu’ils perdurent dans l’organisation.

Cet aspect actuel dans la sélection a été mentionné au préalable dans la problématique comme étant un enjeu important par l’auteur

Verquerre. Cet auteur illustrait la transformation actuelle des ressources humaines en comparaison avec le XXe siècle. Avec le

taylorisme au début du XXe siècle, les travailleurs étaient considérés davantage comme un « sujet » qui effectue le travail de manière

répétitive. Aujourd’hui, le travailleur est davantage pris en cause dans son processus intellectuel ou sa réaction affective souligne

Verquerre (2008). Les départements des ressources humaines sont confrontés à de nouvelles pratiques dans l’optique de favoriser une

rétention ou plutôt une fidélisation du personnel. Ainsi, certains conseillers ont relevé un des paramètres cruciaux avec lequel les

entreprises doivent composer.

De plus, soulignons qu’un des conseillers en orientation interrogé a mentionné que le concept de rétention n’était plus « à la mode »

faisant plutôt référence à une « cage dorée » alors qu’il s’avère selon lui, plus actuel de parler d’engagement.

Page 139: Recueil de texte en  counseling

139

Intentions multiples pour l’utilisation de l’évaluation de potentiel

En dehors des objectifs des organisations tels qu’une aide en sélection ou une objectivité, certains des conseillers rencontrés ont

mentionné des besoins à fins internes importants. Les visées externes ont été élaborées en première partie de cet essai tel que

mentionne Petterson (2000) lorsqu’il indique que « la mesure des différences individuelles permet d’avoir une approche beaucoup

plus rigoureuse en gestion des ressources humaines, particulièrement en ce qui concerne l’évaluation des compétences et la prédiction

du rendement au travail » (p.298). Au début du XXe siècle, il était beaucoup plus rare d’entendre parler d’évaluation de candidats

alors qu’aujourd’hui il est suggéré aux entreprises de procéder à une évaluation plus approfondie de leur personnel.

Ce qui apparaît intéressant ce sont les autres demandes des organisations, relevées par les experts du milieu, qui font référence à

d’autres utilisations de l’évaluation du potentiel. En effet, en dehors de la sélection, cette pratique s’avère utile pour une connaissance

plus arrondie du candidat de ses forces et de ses pistes de développement. Ceci contribue à aider le gestionnaire à l’intégration de son

nouvel employé. En plus de favoriser sa mobilisation à l’interne, le gestionnaire peut mieux cerner les points de vigilances de ses

ressources et s’assurer de leurs développements.

Toujours dans une optique de mieux connaître leurs candidats, les gestionnaires font aussi appel à l’évaluation de potentiel dans le but

de faire une gestion des talents à l’interne. Selon certains conseillers d’orientation interrogés, il est pertinent pour un gestionnaire de

favoriser la promotion ou l’attribution de poste de plus haut niveau à certains employés à l’interne ce qui contribue à leur

émancipation professionnelle au sein de l’entreprise. De cette façon, ils conservent l’affiliation avec leur personnel et mettent l’accent

sur leurs employés clés. Ces différentes raisons sont en lien avec ce qui a été nommé sur les raisons de l’utilisation d’évaluations de

potentiel soulevées par les organisations de la SQPTO (2011, p.4).

Page 140: Recueil de texte en  counseling

140

Faits saillants de leur pratique en évaluation de potentiel

Ce qu’est l’évaluation de potentiel

Il a été déterminé que l’évaluation de potentiel devait aider ou alimenter le professionnel sur son analyse de manière à approfondir la

dynamique de l’individu le plus près possible de la réalité. Ce qui a été présenté comme étant une définition de l’évaluation de

potentiel se rapproche de l’explication donnée par les professionnels interrogés. Les conseillers ont renchéri les définitions présentées

ci-haut, mais somme toute ils ont su parfaire les définitions déjà connues. Il est intéressant de regrouper les différentes définitions pour

faire un portrait global sur ce que les conseillers interrogés ont pu ressortir comme étant une définition plus holistique de l’évaluation

de potentiel. Ils ont identifié l'évaluation de potentiel comme un instrument pour mettre la bonne personne à la bonne place ou encore

une adéquation entre un candidat et un poste. De plus, ils ont suggéré une analogie de l’évaluation de potentiel comme étant une photo

temporelle d’un candidat ainsi qu’une confirmation sur l’embauche de celui-ci. Somme toute, les conseillers ont expliqué une façon

plus « terrain » d’expliquer les rouages de l’évaluation de potentiel ce qui donne une explication complète de cette pratique.

Difficultés relatives au milieu et à la profession

Dans la section de la problématique, il n’a pas été question d’une recherche effectuée sur les difficultés relevées par des conseillers

d’orientation qui œuvrent en évaluation de potentiel. Ainsi, il fut intéressant de porter un regard sur les éléments énoncés par ceux-ci

lors cette partie. En effet, des réponses, dans l’ensemble, plutôt différentes ont été soulevées. En premier lieu, certains s’entendaient

pour mentionner que le milieu en soi était stressant et qu’il y avait une pression de résultat. En outre, ils étaient plusieurs à être

d’accord pour dire que la méconnaissance des systèmes organisationnels était une difficulté en soi ainsi que le caractère politique de la

profession.

Page 141: Recueil de texte en  counseling

141

Cependant, plusieurs autres difficultés relevées ont été nommées tels que certaines des lacunes en psychométrie qui consistaient un

obstacle à la pratique. De plus, un des conseillers a soulevé la difficulté du retour sur les tests à l’organisation qui implique une partie

de la profession qui s’avère "challengeante". Puis d’autres ont nommé la limite de l’information que procurent les outils, les impacts

importants sur la carrière d’un individu ainsi que l’entreprise ou l’approfondissement des propos de la personne entrevue.

Finalement, il a été relevé par un conseiller que la crédibilité est encore à parfaire. Ainsi, il semble pertinent de croire que plusieurs

difficultés relatives à ce milieu sont à considérer dépendamment du professionnel. Ces, rejoignent un autre point amené par les

conseillers, le métier n’est pas fait pour tous les types de personnes.

Un profil « type » de conseiller d’orientation

Il a été soulevé que le métier de conseiller d’orientation n’était pas pour tout le monde. En effet, les conseillers interrogés ont

mentionné le côté organisationnel que comportait la profession qui engendre un type de relation différente à la relation d'aide dans ces

types de mandat. Selon eux, un profil plus « entrepreneur » est susceptible de se plaire davantage dans ce métier de même que des

personnes privilégiant une relation de type « rôle-conseil ».

Augmentation du nombre de conseillers dans ce milieu

Aspect intéressant à noter, il a été démontré lors de la section théorique qu’« il est bien connu que la majorité des conseillers

d’orientation œuvre dans le milieu scolaire, employabilité, etc. (Site internet de l’OCCOQ). Selon Froment (2010), de nombreuses

sociétés emploient maintenant des conseillers d’orientation dans le secteur organisationnel tel que chez; « Bell Canada, Desjardins,

Loto-Québec, Raymond Chabot Grant Thornton, Telus, CGI, Premier tech, Sun Life du Canada, etc. » (Froment, 2010, p.1). (…)Une

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142

recherche effectuée en 2007 par le comité de pratique des conseillers d’orientation dans les organisations a démontré que 41 % des

conseillers d’orientation en milieu organisationnel œuvrent dans ce milieu depuis moins de 5 ans et la moitié des conseillers exerçant

en milieu organisationnel sont à titre de consultant externes. »

Ce qui a été appuyé par les conseillers rencontrés. En effet, ceux-ci ont noté avoir de plus en plus de conseillers dans la pratique et que

le métier est en expansion par rapport aux dernières années. En revanche, le peu de conseillers dans ce milieu actuellement

s’expliquerait par le profil spécifique du conseiller d’orientation organisationnel, les perceptions des conseillers d'orientations de la

pratique ainsi que la promotion ou la connaissance de la profession ou du milieu.

Psychologie, psychométrie et counseling, triangle de connaissances les plus utilisées dans cette pratique

Les conseillers d’orientation rencontrés ont noté les trois dimensions de leurs formations les plus utiles qui sont; les cours de

psychologie pour comprendre la dynamique humaine, les cours de counseling ce qui renchérit leur rôle-conseil ainsi que leur

connaissance de la psychométrie. Somme toute, il s’avère que le conseiller place l’humain au cœur de ses préoccupations ce qui fait

ajoute un paramètre au travail du conseiller. Celui-ci étant un acteur pertinent pour s’assurer qu’une personne fait un choix de carrière

bien réfléchi en regard de son environnement, de ses intérêts et de sa personnalité. C’est avec tout ce bagage que le conseiller

d’orientation organisationnel procède à l’évaluation d’un candidat ce qui bonifie son travail. Son analyse est teintée de sa formation à

percevoir l’individu en regard d’un choix de carrière et lui amène une autre dimension. Les conseillers d’orientation sont des

spécialistes dans l’évaluation du fonctionnement psychologique de la dynamique individu-travail ceci s’avère bénéfique pour une

organisation. « La ressource humaine s’humanise (...) Nous sommes les spécialistes pour attirer, fidéliser, mobiliser et développer les

individus en entreprises » (Proulx et Bussières, 2009, p.15).

Page 143: Recueil de texte en  counseling

143

Le processus et ses étapes

Cette partie était particulièrement importante. Les conseillers ont précisé les différentes tâches ou interventions auxquelles ils

prenaient part lors du processus de l’évaluation de potentiel. Les informations obtenues ont été comparées au cadre théorique proposé

dans la section deux; les étapes du modèle de Laberon (2011);

En premier lieu, les conseillers ont entamé l’explication de leur processus en faisant référence à l’étape de l’analyse de besoin qui

suggère de prendre la réalité du poste, de l’entreprise et des compétences recherchées afin de bien faire le portrait de ce qu’ils

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recherchent et ce qui est à considérer lors de l’évaluation. En comparant au modèle de Laberon (2011), il est perceptible de constater

un lien pertinent avec la première étape du modèle; l’analyse et la phase de l’analyse de la demande du besoin qui consiste à; Selon les

auteurs Laberon et Bernaud (2011), l’analyse du besoin est en fait le questionnement du recruteur en lien avec l’objectif de recruter.

C’est le recruteur ou le consultant qui fait le pont entre le besoin et la demande (Laberon et Bernaud, 2011). Cette étape nommée par

les conseillers d’orientation fait aussi référence à la phase du choix des prédicateurs (profil du candidat idéal) qui vise à créer un profil

du candidat désiré. Il s’agit donc de « traduire » ce que l’emploi exige en terme de qualifications, caractéristiques personnelles et

sociales (Peretti, 2009). Ainsi, cette étape nommée par les conseillers fait référence à cette première étape ainsi que les deux phases

élaborées au préalable.

Par la suite, les conseillers ont fait référence au choix des outils qui comprend l’élaboration de la batterie de test qui sera utilisé pour

l’évaluation, et ce, en fonction du poste et de la demande de l’entreprise. Cette partie, qui vise à définir le protocole, s’arrime à la

phase de la stratégie d’une manière implicite puisque pour certains cas cette étape n’est pas complétée par l’évaluateur externe ou le

professionnel concerne davantage l’entreprise dans le cadre du recrutement avec son département des ressources humaines.

Cependant, alors que l’entreprise élabore sa stratégie pour trouver des candidats, le professionnel élabore la sienne de son côté pour

effectuer son travail. De cette façon, d’un point de vue plus macro du modèle, il est possible d’établir un lien entre la stratégie utilisée

par les conseillers d’orientation pour leur protocole d'évaluation et celle que l’entreprise fait de son côté. Pour adapter le modèle à la

pratique des conseillers le plus réaliste possible, l’étape du choix des outils serait donc l’étape de la stratégie dans le cas de pratique

par des conseillers d’orientation.

Puis, il est question, selon les conseillers d’orientation interrogés, de la passation des tests ainsi que la réalisation d’une entrevue, qui

rappelons-le, se fait d’une manière chronologique différente selon les consultants. Cette partie du processus fait référence à l’étape de

l’évaluation du modèle de Laberon (2011) et plus précisément à la phase de l’examen approfondi. Cette étape nommée par les auteurs

Page 145: Recueil de texte en  counseling

145

du modèle conceptuel était plutôt épurée puisque les personnes effectuant un processus de sélection ont rarement les qualifications

pour effectuer cette étape eux-mêmes. Ce qui s’avère intéressant pour cette partie de la sélection, c’est que les conseillers d’orientation

sont habiletés à effectuer cette étape sans problème puisqu’ils possèdent une formation en psychométrie.

Ensuite, les données sont mises ensemble et il y a un agencement des données de fait. Cet agencement se produit par une analyse, mais

aussi par une mise par écrit du constat établi par le professionnel dans son analyse. C’est à cette étape du processus que le

professionnel doit se prononcer ou avoir un jugement professionnel à apporter sur la candidature du candidat. Il fait l’état des forces et

faiblesses du candidat en lien avec le poste à combler. Un des conseillers interrogés expliquait « on fait une recommandation par

rapport au poste » C.O.5. Ils doivent donc se prononcer sur l’évaluation du candidat. Dans le cas de plusieurs candidatures, il y a un

choix des meilleures candidatures qui est effectué par le professionnel. Cette sélection n’est pas finale puisqu’il revient à l’entreprise

de faire le choix de l’embauche ou non du candidat. Cette étape constitue l’étape de la sélection puisqu’elle implique un regard

critique et un positionnement face à l’adéquation du poste et du candidat. Cette prise de position n’implique pas toujours un choix

arrêté dépendant des conseillers, mais elle réfère tout de même à une compétence soulevée de l’Ordre des conseillers en orientation

qui explique que « le jugement professionnel implique une prise de décision fondée sur la collecte d’informations à l’aide de différents

moyens, une justification du choix des moyens utilisés en lien avec les visées ou intentions » (OCCOQ, 2010, p.5). Une explication

des résultats est divulguée au client lors de l’étape du retour sur les tests à l’entreprise expliqués par les conseillers. C’est à ce moment

que le professionnel doit donner les résultats verbalement sur les forces et les zones de vigilances du candidat.

Finalement, il parait important de mentionner la dernière étape du processus qui a été relevée par certains conseillers et qui fait

référence au retour au candidat sur les résultats de son évaluation. Cette étape qui n’est pas faite par tous les conseillers rencontrés,

s’avère tout de même une partie intégrante des interventions produites lors d’évaluation de potentiel. Cette étape peut faire référence à

Page 146: Recueil de texte en  counseling

146

la concrétisation puisqu’elle implique une façon de boucler la boucle avec le candidat évalué. Les phases élaborées du modèle de

Laberon (2011) font davantage référence à des pratiques faites par l’organisation. Toutefois, cette intervention du conseiller fait

référence au fait de parfaire l’évaluation avec le candidat, et ce, peu importe la décision d’embauche de l’entreprise. Ainsi, les

conseillers d’orientation exerçant cette étape dans leur pratique agissent dans l’optique de pouvoir accompagner le candidat lors d'une

entrevue de restitution.

Finalement, pour faire une synthèse d’un modèle ajusté basé sur le modèle de Laberon (2011) pour la pratique des conseillers

d’orientation, ce processus pourrait être adapté comme ceci;

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147

Tableau 14

Modèle de la procédure de recrutement adapté à la pratique des conseillers d’orientation

Faits saillants des pistes de développement professionnel

Contexte favorisant la profession

Il va sans dire que le contexte de pénurie de main-d’œuvre est un facteur favorisant l’essor qu’ont mentionné les conseillers au cours

des entretiens. Pour reprendre ce qui a été mis de l’avant dans la problématique; « Les conseillers d’orientation sont des acteurs

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pertinents pour travailler avec l’individu dans son milieu de travail et favoriser une adéquation pertinente entre l’individu et un emploi

ou un poste. Celui-ci intervient sur l’identité personnelle, mais aussi professionnelle afin de favoriser des stratégies d’adaptation

actives. Selon le Guide d’évaluation en orientation (OCCOQ, 2010 les conseillers d’orientation sont des agents très bien placés pour

faire des évaluations d’un individu face à un perfectionnement, une situation problématique ou autre. »

Ainsi, lorsque les conseillers d’orientation rencontrés ont soulevés le fait que le métier est en demande. Il s’avère tout à fait pertinent

de faire des liens avec le contexte actuel qui dénote une situation favorable à la mise en évidence des compétences des conseillers

d’orientation dans les organisations. De plus, les conseillers d’orientation assurent une visibilité de plus en plus pertinente

quoiqu’encore trop faible, mais qui prend de l’ampleur au fil du temps.

Aspect de la formation manquante

Presque tous les conseillers rencontrés se sont entendus pour dire que le volet entrepreneurial est un aspect qui manque à la formation

des C.O. dans les organisations. La compréhension active de la dynamique d’une entreprise est un aspect qui bonifierait les

compétences pour le conseiller désireux de travailler dans ce milieu.

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Conception sociorelationnelle du counseling de carrière Marie-Soleil Poiré

Étudiante à la maîtrise en carriérologie, Université du Québec à Montréal

Louis Cournoyer

Professeur en counseling de carrière, Université du Québec à Montréal

Cet article comporte deux parties. De façon non exhaustive, la première expose des sources d’inspirations pour moi à l’égard de

différentes approches en counseling de carrière. Chacune admet l’importance du rôle de l’environnement social de la personne comme

un facteur d’influence significatif sur les démarches de prise de décision relative à la carrière. La deuxième expose la conception

séquentielle et générale que j’ai d’une démarche de counseling de carrière au regard de ces approches.

L’INTERINFLUENCE EN COUNSELING DE CARRIÈRE

Les approches constructivistes permettent de bien saisir les constructions de sens de la personne au travers d’interactions avec son

environnement. À cet égard, les travaux de Piaget (1970) sur l’action du jeu chez les enfants circonscrivent la construction de la

pensée logique au travers d’interactions avec autrui. Tout au long de son parcours de vie, la personne est façonnée par sa manière

d’assimiler et d’organiser les informations du monde qui l’entoure et l’habite. Ces informations sont mises en relation de manière à

alimenter des opérations visant à construire du sens, par rapport à soi, aux autres, au monde. Tel que le soulignent Young et Collin

(2003), les émotions sont également construites par interaction individu-environnement au sein de temporalités du passé, du présent et

du futur.

Page 150: Recueil de texte en  counseling

150

L’environnement social joue un rôle d’influence tout aussi important au sein des travaux sur l’apprentissage social et le sentiment

d’efficacité personnelle (SEP) de Bandura (1977). Les réussites passées, les expériences d’apprentissage vicariantes, les états internes

et les capacités de persuasion verbale participent à la construction des croyances d’efficacité de la personne. Cela influence le choix, la

performance et la persévérance de cette dernière. De la même manière, les travaux de Krumboltz (1996) relativement à l’apprentissage

social en contexte de prise de décision et de counseling de carrière reconnaissent l’importance des contextes sociaux au sein desquels

la personne évolue tout au long de sa vie. Ainsi, le counseling de carrière vise à augmenter la satisfaction de vie au travail des

personnes au travers d’une aide facilitant l’apprentissage d’habiletés, d’intérêts, de croyances, de valeurs, d’habitudes de travail et de

qualités personnelles (Mitchell et Krumboltz, 1996).

Les travaux de Krumboltz et ses collègues (1999) sur la planification de l’imprévu (planned happenstance) permettent de relativiser la

notion d’indécision et d’incertitude à l’égard de l’avenir professionnel comme passage obligatoire pour l’acquisition de capacités à

gérer les transitions de carrière avec sagesse et ouverture d’esprit. Par conséquent, le conseiller d’orientation doit favoriser le

développement de capacités d’adaptation aux changements au sein d’un environnement et d’un marché du travail perçus comme

espaces d’opportunités et d’imprévus inévitables, voire souhaitables.

Enfin, la thérapie des schémas de Young et Klosko (2005) considère que les stratégies d’adaptation dysfonctionnelles des personnes

s’expliqueraient par la qualité des réponses relatives à la satisfaction de besoins affectifs fondamentaux durant l’enfance et

l’adolescence. Notamment, la mise en place de mécanismes d’adaptation lors des expériences précoces d’interaction avec la mère et le

père ou encore d’autres personnes proches et significatives est à la base des stratégies cognitives, affectives et comportementales

adoptée dans la vie en général. À des fins d’orientation, l’identification des schémas et des styles d’adaptation du client peut permettre

de conceptualiser la situation de la personne, ainsi que de mieux comprendre les causes, les manifestations et les effets possibles du

fonctionnement psychologique de la personne. Également, cela procure l’occasion au professionnel d’observer l’interaction

dynamique de ses propres schémas lorsque mis en relation avec ceux de son client.

Les trois approches présentées considèrent la personne en tant que produit de l’interaction dynamique individu-environnement. Elles

permettent de retrouver les causes d’expériences subjectives et intersubjectives dysfonctionnelles, ainsi que de comprendre les

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processus cognitifs et comportementaux participant à la formation de généralisations, de croyances ou d’anticipation de la personne à

l’égard de sa carrière.

Figure 1. Articulation d’une démarche de counseling de carrière

Fonctionnement psychologique – Ressources personnelles – Contexte Via

Émotions – Cognitions – Comportements (Bandura et Young)

FUTUR (Krumboltz)

PRÉSENT

Système de constructions personnelles propre à l’individu

PASSÉ

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152

La figure 1 est une synthèse non exhaustive de ma conception interactionniste et dynamique d’un processus de prise de décision

carriérologique. Ainsi, l’interaction entre le soi (le client et moi-même) et l’environnement (le contexte auquel nous sommes liés)

exerce une influence continue et réciproque sur les apprentissages de la personne, ce qui produit un système unique de constructions

personnelles à la fois multidimensionnelle (fonctionnement psychologique, ressources personnelles, conditions du milieu) que

pluritemporel (passé-présent-futur).

L’INTER-INFLUENCE AU SEIN D’UNE DÉMARCHE DE COUNSELING DE CARRIÈRE

Avant même de rencontrer un client, il est nécessaire de s’assurer d’être dans un état d’esprit de tolérance et d’écoute active. Si des

tâches me préoccupent, je les note et de les rangent au tiroir, tout comme les dossiers suivants. Également, je prépare l’espace

d’interaction; mouchoirs à disposition, téléphone éteint et feuilles et crayons dans l’éventualité où j’amènerais le client à dessiner ou

écrire. Ensuite, je rejoins le client en salle pour l’accueillir et amorcer la relation. Il s’agit de m’approcher de la personne avec un ton

doux et jovial, personnalisé et souriant. Cette authenticité contribue selon moi à une première impression respectueuse auprès du

client. Puis, je lui serre la main (me donnant une première idée de son confort) et me présente, l’invitant à me suivre.

Une fois installés, je m’informe de comment il va. En cherchant à déterminer ses motifs de consultation, je lui demande ce qui

explique sa présence. En fonction du contexte professionnel, cela me donne une première évaluation de la nature du besoin du client.

Je l’amène subséquemment à me faire part des causes, des conséquences ou des manifestations problématiques pour lui. Cela donne

un aperçu de son expérience subjective et intersubjective face à son problème sur le plan du fonctionnement psychologique, des

ressources personnelles et des conditions du milieu.

Une fois que j’ai bien cerné ce qui, à ce moment du processus, pourrait être l’énoncé subjectif de cette personne, je lui en fais part tout

en cherchant à m'adapter à son mode de fonctionnement. Je m’assure de spécifier au client de me préciser s’il s’agit bien là de sa

difficulté. Lorsqu’établie, l’alliance de travail avec ce dernier se bonifie. Cela me permet de lui demander ce qu’il souhaite retirer de

nos rencontres. En tenant compte de sa réponse, je lui précise la nature de mon rôle, la manière dont notre interaction se déroulera et

lui explique qu’il y aura possiblement des exercices à faire entre les rencontres. Nos rôles respectifs étant établis d’un commun accord,

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153

je reviens à son énoncé subjectif. Nous déterminons ensemble un objectif et la manière dont nous allons travailler. Avant de signer le

consentement éclairé, je m’assure qu’il ait bien saisi la nature de la démarche, soit globalement de l’amener à faire une exploration à

propos de son présent, lié à son passé et à son futur.

Suite à cela, nous amorçons l’exploration plus approfondie ses conditions du milieu, ses ressources personnelles et son

fonctionnement psychologique. Des questions exploratoires, des reflets empathiques et des résumés faciliteront l’établissement d’une

relation de confiance. Mon cadre de référence tient compte de Young et de Bandura. Tout au long du processus, je suis attentive aux

comportements, aux cognitions et aux émotions qu’il démontre et à celles qu’il me provoque, ainsi qu’à l’interaction qui en découle.

Nous examinons les différentes expériences de vie qui apparaissent significatives pour le client. Ces explorations bonifient ainsi la

compréhension du client de sa situation et ultimement, sa mobilisation dans l’action. Je m’ajuste au rythme et je veille à guider le

processus de changement. Chaque rencontre implique une réévaluation de la situation de la personne.

Au fil de l’exploration, mon évaluation m’amène à comprendre ce qui freine la mobilisation du client. Saisir le fonctionnement

psychologique du client au regard d’un cadre de référence conceptuel rigoureux me permet de fournir une rétroaction constructive de

la compréhension de la situation. Il est primordial de laisser au client suffisamment d’espace de réflexion pour établir de nouveaux

liens. La confrontation empathique, l’interprétation, l’immédiateté et/ou l’autodévoilement contribuent à aider le client à y parvenir.

Finalement, le client en arrive à une compréhension nouvelle de sa situation. Il est alors possible d’opérer un changement et en

conséquence, le mettre en action. Je l’accompagne dans sa prise de décision et fournis des informations utiles d’un point de vue

professionnel. Cette décision prise, l’élaboration du plan d’action débute. J’accompagne le client dans une démarche éclairée tenant

compte aussi bien de ses forces que de ses limites personnelles et environnementales. Tout au long du processus, Krumboltz m’est

utile pour développer la capacité du client à s’ajuster aux imprévus. Ainsi, au-delà de ce processus, le client peut développe une

capacité transférable à d’autres contextes. Je fais alors appel à plusieurs stratégies d’interventions. Su le client démontre un sentiment

d’efficacité personnelle faible, je fais appel à ses réussites passées et à ses ressources personnelles pour lui permettre de les actualiser

au présent et d’ainsi pouvoir se projeter positivement dans l’avenir (Bandura, 1977). Qu’il se perçoive de manière ajustée ou non à

l’égard de ses capacités, qu’il soit en surévaluation ou en sous-évaluation de ces dernières (Poulin, 2010), cela permet de m’assurer

que la décision se base une évaluation juste de ce qu’il peut entreprendre. Une autre stratégie incontournable d’intervention de type

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154

développemental et préventif est celle de l’apprentissage expérientiel selon Krumboltz. Ainsi, des exercices dans le milieu pour lequel

le client se projette m’apparaissent essentiels. Cela la perception du client et peut augmenter sa motivation. Lors d’interventions

ciblées de nature curative, celles qui me rejoignent davantage sont d’approches cognitivo comportementales. La restructuration et la

répétition cognitive, puis les jeux de rôles sont utiles pour modifier les cognitions du client (Bujold et Gingras, 2000). Cela permet de

revoir ses croyances à l’égard de sa problématique et d’accompagner vers un changement porteur.

Concernant la thérapie des schémas, je l’utilise pour mieux saisir le fonctionnement psychologique de la personne, pour toucher les

émotions et mettre en place une prise de conscience mobilisatrice. Également, des interventions comportementales permettent de

confronter les perceptions du client à l’environnement réel (Cournoyer, 2010) et d’évaluer l’apprentissage expérientiel selon

Krumboltz.

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Approche du counseling centrée sur les schémas Geneviève Plante, étudiante à la maîtrise en carriérologie, UQÀM

Louis Cournoyer, professeur en counseling de carrière, UQÀM

L’approche centrée sur les schémas d’adaptation dysfonctionnels est issue de la thérapie des schémas développée par Young et

ses collègues (Young, Klosko et Weishaar, 2005). Le concept de schéma est défini comme suit :

« Modèle ou thème important et envahissant, constitué de souvenirs, d’émotions, de pensées et de sensations corporelles,

concernant soi-même et ses relations aux autres, constitué au cours de l’enfance ou de l’adolescence, enrichi tout au long

de la vie par l’individu et dysfonctionnel de façon significative » (Young et coll., 2005, p. 34).

Un schéma trouve son origine au sein d’expériences nocives répétées dans l’enfance ou l’adolescence où certains besoins

affectifs fondamentaux (sécurité, autonomie, liberté, autocontrôle et relations interpersonnelles) n’ont pu être répondus de manière

satisfaisante pour la personne. En fin d’adolescence ou à l’âge adulte, soit lorsque nous rencontrons nos clients, ces derniers peuvent

vivre des situations qui activent la manifestation de certains schémas d’adaptation au travers de modalités cognitives, affectives ou

comportementales. Il est à noter que certaines conditions biologiques de la personne peuvent agir comme facteur d’influence (ex.

tempérament) sur la manière dont la personne réagit aux situations de vie (Young et ses collègues, 2005). Il y a lieu de considérer la

présence manifeste de schémas d’adaptation dysfonctionnels lorsque des stratégies ayant servi initialement pour assurer une certaine

survie émotive chez la personne en jeune âge sont gardées et répétées plus tard dans la vie alors que le contexte n’est quant à lui plus

du tout le même. Par exemple, il peut avoir été nécessaire plus jeune de s’isoler des autres, notamment de ses parents, afin d’éviter des

punitions sévères aux plans psychologiques et physiques. Toutefois, si la personne maintient des comportements issus de la peur

d’entrer et de maintenir des contacts avec autrui une fois rendue adulte, cela peut avoir des conséquences importantes sur la santé

psychologique de la personne.

Page 156: Recueil de texte en  counseling

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Chaque personne étant unique, Young et coll. (2005) identifient trois styles d’adaptation adoptés par les clients en contexte

d’activation de certains de leurs schémas : reproduire, éviter, compenser. Cela rend certes le travail sur les schémas encore plus

difficile puisqu’il peut être complexe de les détecter au travers de l’expérience subjective du client (Cournoyer, 2010). Pour mieux

démêler les concepts théoriques nécessaires à une meilleure compréhension de cette approche, les figures 1 et 2 sont à examiner.

gure 1. Les schémas d’adaptation selon le type de besoin et le style d’adaptation.

Cinq types de besoins affectifs fondamentaux

Sécurité liée à

l’attachement aux autres

L’autonomie, la compétence et

le sens de l’identité

La liberté d’exprimer ses

besoins et ses émotions

La spontanéité et le jeu

Les limites et l’autocontrôle

Schémas d’adaptation

Séparation et rejet

Manque d’autonomie et de

performance

Sur-vigilance et inhibition Orientation vers les autres Manque de limites

Abandon et instabilité

Méfiance et abus

Manque affectif

Imperfection et honte

Isolement social

Dépendance et incompétence

Peur du danger ou de la maladie

Fusionnement et personnalité

atrophiée

Échec

Négativité et pessimisme

Sur contrôle émotionnel

Idéaux exigeants et critique

excessive

Punition

Assujettissement

Abnégation

Recherche d’approbation et de

reconnaissance

Droits personnels exagérés

Contrôle de soi et

autodiscipline insuffisants

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Figure 2. Les schémas d’adaptation selon les motifs de développement, les fonctions d’influence au plan du tempérament,

ainsi que les styles d’adaptation.

Motifs de développement des schémas

Frustration des besoins

Traumatismes ou victimisation

Excès de satisfaction des besoins Internalisation ou identification sélective

avec des personnes importantes

Fonctions d’influence au plan du tempérament

Émotif vs Aréactif

Dysthymique

vs Optimiste

Anxieux vs Calme Obsessionnel

vs Distractif

Passif

vs Agressif

Irritable

vs Jovial

Timide

vs Social

Styles d’adaptation

Compensation Évitement Capitulation

Page 158: Recueil de texte en  counseling

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En counseling de carrière, l’approche centrée sur les schémas d’adaptation dysfonctionnels propose au professionnel d’être attentif aux schémas

du client. En effet, dans cette approche, les conseillers d’orientation sont invités à essayer d’identifier, au travers des comportements, pensées et

sentiments du client, les schémas présents chez ce dernier. Naturellement, cette identification se fait uniquement si des schémas apparaissent au

cours du processus et si cela est pertinent à l’accompagnement du client dans sa demande. Si c’est le cas, le travail avec les schémas peut amener

le client à mieux se comprendre et ainsi, à mieux contourner les conséquences négatives de ses schémas sur sa démarche d’orientation (difficulté

à prendre une décision, conflit de valeurs, etc.) (Cournoyer, 2010). Cette prise de conscience permet aussi aux clients d’effectuer des choix plus

adaptés en prenant en compte la présence des schémas.

L’approche centrée sur les schémas d’adaptation dysfonctionnels présente plusieurs avantages pour les conseillers d’orientation qui l’utilisent.

Tout d’abord, elle offre un cadre conceptuel permettant de former des hypothèses de travail. Ces hypothèses sont aidantes lorsqu’il s’agit

d’intervenir auprès d’un client présentant, par exemple, certaines distorsions cognitives ou une dynamique interne unique. L’approche centrée sur

les schémas permet justement de détecter et de travailler les distorsions présentes chez les clients, offrant ainsi un cadre structurant l’exploration

de leurs cognitions. C’est donc ce que l’approche sur les schémas apporte : un cadre pour comprendre les dynamiques des clients, surtout si elles

sont dysfonctionnelles. L’accès à ce cadre a un impact direct sur les hypothèses de travail qui peuvent être formées entre les rencontres et donc,

sur les interventions faites durant le processus. Il arrivera que cela vous éclaire sur certains éléments qui accrochent dans la démarche

d’orientation du client. Naturellement, ce cadre n’est pas une panacée et il faudra toujours vérifier comment les interprétations faites à partir des

schémas seront reçues par les clients. Toutefois, ce cadre de référence s’avère précieux pour prendre du recul sur ce qui se passe dans la relation

avec le client.

Ensuite, cette approche est intéressante parce qu’elle a été créée en s’inspirant de différents courants en psychologie (Young et coll.,

2005). De ce fait, le modèle présenté inclut des concepts psychologiques tels que l’attachement et l’importance des relations en début de vie. Cela

lui donne une teinte psychologique qui peut être complémentaire à d’autres approches, dont l’approche centrée sur les solutions. L’approche

centrée sur les schémas a aussi l’avantage d’offrir une flexibilité. En effet, elle ne suggère pas que tous les clients sont toujours en situation

d’activation de schémas dysfonctionnels. C’est plutôt le contraire. Les schémas sont parfois fonctionnels, parfois dysfonctionnels. Ils sont activés

dans certaines situations. Ils peuvent se manifester différemment selon le style d’adaptation dans lequel ils se présentent (Young et coll., 2005).

Ces exemples servent à illustrer toutes les nuances que comporte cette approche. Ces nuances sont importantes parce qu’elles permettent de

rendre compte de l’unicité des clients et d’éviter les généralisations qui peuvent parfois être destructrices. Ces nuances permettent également au

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159

professionnel adhérant à l’approche centrée sur les schémas d’être flexible dans ses interventions. Ces dernières peuvent donc être adaptées selon

les clients, les problématiques, les schémas, etc.

Il est possible de compléter un cadre de référence de l’intervention basé sur les schémas d’adaptation par l’appel de stratégies

d’intervention cognitives, affectives et comportementales de l’approche centrée sur les solutions de O’Hanlon et Weiner-Davis (1995). D’une

part, cette approche permet d’identifier des objectifs et des solutions. D’autre part, l’approche centrée sur les schémas permet d’approfondir la

compréhension du fonctionnement psychologique de la personne et donc, d’orienter une pratique auprès d’une clientèle présentant des enjeux

personnels divers.

La combinaison de ces deux approches au sein d’un processus de counseling de carrière peut, par exemple, s’amorcer par une question

miracle amenant le client à se projeter à la fin du processus et à verbaliser ses attentes. Cela aidera à ce que l’objectif global du processus soit

fixé. Ensuite, par les questions qui seront posées lors de l’exploration de la problématique, des intérêts, aptitudes ou valeurs pourront être

identifiés. Au travers de ces éléments, des pistes de solutions pourraient également ressortir. En effet, si le client raconte une histoire de réussite

du passé, les moyens utilisés à ce moment peuvent être soulignés afin de les appliquer à la situation présente. Ce type d’intervention se base sur

l’approche orientée vers les solutions. Dans un second temps, l’approche centrée sur les schémas tiendra davantage compte de la relation

conseiller-client. Par exemple, si le conseiller remarque qu’il se passe quelque chose dans cette dernière qui est de l’ordre de l’activation d’un

schéma d’adaptation dysfonctionnel, il doit en faire part au client. Cela pourrait lui faire prendre conscience de sa façon d’entrer en contact avec

les autres. Conséquemment, cela l’aidera à faire des choix plus en accord avec ce qu’il est. Il peut donc être utile de détecter et valider des

schémas auprès du client. Si le client est en accord avec la présence d’un schéma, il peut également s’avérer intéressant de voir comment cela

l’affecte positivement ou négativement. Ainsi, ces impacts pourront être pris en considération dans la mise en place d’un plan d’action. Des

moyens pourront ensuite être suggérés, mais c’est surtout en se basant sur les forces et les ressources du client ainsi que les moyens ayant

fonctionné par le passé que le plan d’action sera formé. Le professionnel adhérant à l’approche centrée sur les solutions tentera également

d’inspirer au client le changement voulu en utilisant des tournures de phrases lui laissant espérer qu’il va se produire. Et c’est ainsi que les deux

approches pourront nous aider à aider le client.

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Tant de croyances, tant d’énergies diffuses … Féedra Maheux, étudiante à la maîtrise en carriérologie, UQÀM

Louis Cournoyer, professeur en counseling de carrière, UQÀM

Ce texte prend appuie sur l’article de Nevo (1987) intitulé Irrational Expectations in Career Counseling and their confronting arguments. Il

rappelle les croyances relevées par l’auteure au niveau des clients de processus de counseling de carrière. À cela, nous avons bonifié le contenu

de nos propres analyses.

Il n’y a qu’un seul métier au monde qui est bon pour moi

Plusieurs clients aimeraient n’avoir qu’à passer un test psychométrique pour apprendre ensuite le bon métier ou la bonne profession leur

convenant. C’est là l’idée romantique à l’effet que quelque chose de parfait pour nous est là quelque part à attendre qu’on en fasse la trouvaille.

Pour Nevo (1987), les professionnels de l’orientation doivent faire tout pour éviter d’être complice avec cette croyance irrationnelle, notamment

lorsqu’ils interviennent par l’administration d’une série de tests visant à dresser un profil de la personnalité du client ou encore lorsqu’ils

maintiennent des approches de type "traits-facteurs" visant un quelconque match parfait d’attributs individu-environnement (Patton et McMahon,

1999). À chaque instant, selon les circonstances, puis tout au long des expériences de la vie, peut être pourrions-nous être heureux dans plusieurs

types de carrières ?

Je ne serai satisfait jusqu’à ce que je trouve le métier parfait

Un métier pouvant apporter le bonheur de la personne. Pour Ellis (1962), le désir de perfection et de solutions parfaites, soit la quête d’une vérité

et d’une sécurité affective absolue peut non seulement engendrer des croyances irrationnelles à l’égard du rôle salvateur d’objets de

l’environnement (ici une profession, un métier), mais également entretenir un état chronique d’indécision et d’anxiété. Les conseillers doivent

remarquer ces attentes de perfectionnisme au sein des différentes dimensions de vie de la personne dans le but de les aider à les atténuer par des

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pensées plus réalistes. Plus rationnelle, la personne pourra alors faire le choix de ce qui est le plus approprié et pratique en fonction des gains et

des pertes possibles lors de telles impasses décisionnelles.

Quelqu’un d’autre peut découvrir le métier qui me convient

Une grande reconnaissance du client à l’égard des compétences du conseiller, jumelé à de grandes attentes sur l’issue du processus peut s’avérer

un piège important. Le client remet alors tout le pouvoir du résultat de la démarche à son conseiller, au point même de ne pas vouloir trop parler

de ses propres réflexions de craintes de pouvoir influencer le travail du professionnel. De plus, le client accorde beaucoup d’importance à la

portée des outils psychométriques du conseiller, comme s’ils pouvaient – à l’image de rayons X – pouvoir traverser la psyché de la personne pour

en dégager le véritable moi (caché). Si le conseiller n’arrive pas à se défaire de cette entente implicite, à faire valoir rapidement la portée et les

limites de son interventions, les conditions requises pour assurer un accompagnement efficace, alors il ne pourra que décevoir les attentes de

surprises, de découvertes originales, voire de transcendance de soi de son client. Puis, face à cette déception pour lui-même, il n’en pensera pas

moins que son conseiller était inapte à pouvoir l’aider, le sauver, plutôt que de réellement saisir la valeur de son propre pouvoir.

Les tests d’intelligence me diront ce que je vaux

Réaliser une démarche de counseling peut consister en une quête de validation externe de sa valeur, de son estime de soi. Plusieurs clients

surestiment les résultats de tests d’intelligence ou d’habiletés cognitives. Entre autre parce qu’ils ont de la difficulté à comprendre ce que ces tests

mesurent et comment les interpréter, ils leur accordent un pouvoir dépassant celui de leur propre personne. Ainsi, de faibles résultats laissent

croire qu’une personne n’est bonne à rien alors qu’elle présente plutôt des similitudes différenciées avec différents métiers. Le conseiller n’a

donc pas seulement la responsabilité de choisir les bons outils pour les bonnes mesures, mais également de pouvoir communiquer le

fonctionnement et la portée réelle – et limitée – de ces derniers.

Je dois être un expert ou être très prospère dans mon champ professionnel

La quête de l’excellence, de la réussite, ainsi que l’actualisation de son potentiel est en soi une démarche constructive pour la personne.

Toutefois, il arrive que celle-ci soit dirigée vers des standards sociaux introjectés. En se comparant constamment aux autres et à ces standards, la

personne échappe qui elle est vraiment. Le fait de se sentir constamment à côté de ce qui doit être, de vivre du stress et des tensions importantes à

l’idée d’échouer (de rater les standards) s’accompagne de l’édification de croyances irrationnelles bien ancrées. Par son travail, le conseiller aider

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le client à maintenir ou sinon activer cette quête de réalisation de soi, tout en confrontant emphatiquement les croyances du client de manière à le

guider vers des évaluations de soi et des professions davantage centrées sur le développement d’aptitudes, d’expertises et de prospérité pour soi.

Je peux tout faire si j’essaie fort ou je ne peux rien faire qui ne correspond pas à mes talents

Il subsiste dans la pensée populaire l’idée que lorsque l’on veut, on peut ! D’autres, à l’inverse, renoncent à leurs objectifs dès la rencontre des

premiers obstacles. Dans les deux cas, il revient au conseiller de pouvoir insuffler une dose de réalisme par rapport à soi chez le client. Ce

réalisme ne nie pas la motivation ou encore les résistances de personnes, mais il permet de confronter l’irrationalité contenue derrière certaines

croyances. Si l’effort participe grandement à la réalisation de certains objectifs, il importe toutefois que celles-ci soient bien dirigées. De la même

manière, les doutes et les craintes quant à ses capacités à surmonter les obstacles se fondent souvent sur des anticipations et non des faits. En

questionnant les rationalités des clients, le conseiller peut les amener à distinguer ce qui est et ce qui n’est qu’apparence pour ainsi permettre une

réévaluation plus réaliste du plan de développement et d’action de la personne.

Mon choix professionnel devrait satisfaire les personnes significatives dans ma vie

L’étude doctorale de Cournoyer (2008) souligne que certains phénomènes relationnels entretenus par les individus et les personnes avec qui ils

entretiennent des relations sociales significatives peuvent influencer la construction du projet professionnel de ces derniers. Qu’il s’agisse des

injonctions de certains projets parentaux, de la quête d’autonomie par l’affiliation aux pairs, sinon de la transmission de valeurs ou de modelage

d’expériences par des enseignants ou autres adultes significatifs, l’influence des autres peut s’avérer directe ou indirecte selon les relations et les

contextes (Cournoyer, 2008). De la même manière, un individu peut ressentir de la pression à satisfaire les attentes de son entourage. Tout en

reconnaissant la valeur du soutien des proches, il importe pour le conseiller d’amener le client à prioriser ses propres besoins sur ceux de d’autres

personnes à qui il cherche plaire ou à ne pas décevoir.

Débuter dans une profession résoudra tous mes problèmes

Une profession peut-elle résoudre des problèmes personnels ? En tant qu’environnement social, une profession peut certes atténuer la

manifestation de certaines difficultés, mais en raison de sa nature externe, elle ne peut résoudre un problème d’être (manque de confiance en soi,

difficulté à établir des relations sociales, etc.). Conséquemment, le travail d’un conseiller portant sur la stricte dimension du choix scolaire ou

professionnel à réaliser ne pourra permettre à la personne de traiter des enjeux pouvant contaminer son fonctionnement personnel et

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interpersonnel en matière de choix ou d’adaptation aux études ou en emploi. Le conseiller doit pouvoir clairement dissocier les enjeux pouvant

contaminer la capacité de choix du client.

Je dois sentir que je suis à la bonne place

Le « feeling » d’être à la bonne place … en explorant les possibilités sur l’attente d’un contact magique, que ça clique, que lorsque sera identifié

la bonne profession, tout se mettra alors en place. Entretemps, elles se disent inquiètes, déçues, insatisfaites de ne pas pouvoir ressentir ce

« feeling » existentiel. Cependant, plusieurs facteurs – autres qu’affectifs - influencent la relation entretenue lors du contact entre l’individu qui

cherche et la profession (décrite, racontée, présentée, observée, etc.). C’est pourquoi cette sensation recherchée doit faire suite à une démarche

cognitive et comportementale pouvant procurer l’expérience-même.

Choisir une profession ne se fait qu’une fois

Jadis, les humains croyaient que la Terre était plate et qu’au bout de l’océan, il n’y avait que vide. En développement de carrière, plusieurs

anticipent de la même manière la remise en question d’un choix, la remise à plus tard d’une décision, l’entrée sur le marché du travail un ou deux

ans plus tard que prévu constitue : le risque de tomber dans le vide, de manquer sa vie … pour toujours ! Très anxiogène, cette conception nie

l’évolution de sa propre personne et de ses environnements de vie en fonction de temps et d’espaces perpétuellement changeants (Patton et

McMahon, 1999). Le conseiller doit permettre à son client d’être sa perspective temporelle de manière à lui faire voir l’inévitable suite de

changements et des avantages de pouvoir réviser et progresser par de nouveaux choix tout au long de la vie.

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Counseling et intégration de l’analyse de projets Emmanuelle Desrosiers, étudiante à la maîtrise en carriérologie, UQÀM

Louis Cournoyer, professeur en counseling de carrière, UQÀM

Ce texte propose une approche du counseling de carrière prenant appui sur les travaux de Little et Chambers (2000) sur l’analyse de projets

personnels. Dans un premier temps, une recension de leur article Analyse des projets personnels : un cadre intégratif pour la psychologie

clinique et le counselling est proposé. Dans un deuxième temps, une application pratique est proposée aux conseillers en développement de

carrière et en orientation professionnelle.

1. L’analyse des projets personnels (APP)

Cette approche vise à favoriser l’actualisation du client et son bien-être par le biais de projets de vie personnels. Ces projets incluent bien

certainement les projets idiosyncrasiques, être une bonne mère de famille par exemple, mais ils peuvent aussi inclurent les actions normatives,

comme finir ses études secondaires. Chacun de nos projets est une partie intégrante de notre vie. Lorsque les choses se passent bien et que ces

projets sont une réussite, ils sont source d’estime de soi et d’épanouissement. À l’inverse, lorsque les choses sont difficiles, ces projets peuvent

être source de stress, voir même mener à la pathologie. De ce fait, Little et Chambers indiquent que « l’actualisation de l’homme est directement

reliée à la poursuite soutenue de projets importants. » (Chambers et Little, 2000, p. 155) Cette hypothèse est au cœur de l’approche d’analyse des

projets personnels. Les projets professionnels sont liés au bien-être de la personne et aussi à ces difficultés. À titre d’exemple, une étude réalisée

auprès de 30 sujets souffrant d’épuisement professionnel et âgés entre 33 et 59 ans porte d’ailleurs sur l’évaluation des projets personnels en

cours de psychothérapie. Cette étude suggère que « l’évaluation positive de la progression des projets liés au travail semble diminuer les

symptômes d’épuisement professionnel des sujets. » (Salmela-Aro, Näätänen, et Nurmi, 2000, p. 214)

Les projets personnels sont le miroir de l’individu qui reflète ce qui compte pour cette personne et ses préoccupations quotidiennes. En effet, les

projets reflètent les efforts d’une personne pour atteindre des objectifs importants qui mènent à une vie épanouie. De plus, les contraintes et les

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possibilités de l’environnement influencent les projets professionnels que ce soit au niveau social, temporel, économique, politique et historique.

Aussi, l’APP a une forme d’unités conatives d’analyse. Il est à noter que chaque structure d’évaluation systémique correspond à une matrice

fournie en annexe de l’article. L’APP permet à l’intervenant d’utiliser les explorations cliniques spontanées et cela se fait à l’intérieur d’une

structure d’évaluation systématique.

Les méthodes d’évaluation psychologique de l’APP permettent de distinguer trois types d’intégration. Premièrement, selon la méthode

d’évaluation, les données peuvent être analysées au niveau individuel ainsi qu’au niveau normatif ou collectif. De plus, la méthodologie permet

d’incorporer plusieurs aspects de la conduite humaine comme les données affectives, cognitives et comportementales, dans un seul instrument.

Finalement, la convergence entre les applications cliniques et les méthodes de recherche est permise par l’APP (Chambers et Little, 2000). Les

clients s’investissent souvent dans plusieurs projets en même temps, ce qui forme un système d’influences mutuelles. Les intervenants de l’APP

prennent en considération dans leur analyse, le niveau de facilitation ou de conflit entre les projets. De plus, les intervenants s’attardent aux

activités quotidiennes puisque ces activités sont le reflet des valeurs existentielles et des comportements significatifs au cœur de la vie

quotidienne du client. Il faut également savoir que l’APP permet à l’intervenant une flexibilité dans sa méthodologie d’intervention. Bien que

chaque projet soit évalué selon des critères préétablis, l’intervenant peut en ajouter ou en retirer afin de s’ajuster aux besoins du client.

La première étape de cette approche est bien certainement de connaître les différents projets du client. Cela dit, il faut savoir que tous les projets

n’ont pas la même portée. Certains projets prennent plus de temps que d’autres, demandent davantage d’énergie et ont des répercussions plus

grandes. Ces projets se regroupent fréquemment sous 6 catégories c'est-à-dire scolaire/occupationnel, santé/corps, intrapersonnel, interpersonnel,

loisir et administration de la vie courante. La manière que les clients formulent leurs projets est aussi importante. L’intervenant doit donc être

attentif à la manière dont est exprimé le projet c’est-à-dire comme une activité, un état ou encore un accomplissement instantané ou prolongé.

L’intervenant doit également amener le client à reformuler ce qu’il voudrait faire dans une forme positive plutôt que négative. À titre d’exemple,

« tenter de ne plus perdre de dossier au bureau » deviendrait « conserver mes dossiers de bureau en ordre ». Afin de mieux évaluer les projets

personnels, l’intervenant peut aussi demander au client de choisir entre 7 et 10 projets et de les noter sur une échelle de 0 à 10 selon des

dimensions qui ont été définies comme significatives pour le client. Traditionnellement, il existe 17 dimensions pouvant être regroupées sous 5

facteurs; stress, structure, efficacité, communauté et signification. Plus tard, de nouvelles dimensions affectives s’ajoutèrent au lot et firent

apparaître deux nouveaux facteurs soit l’affect positif et l’affect négatif. De plus, les dimensions structure et efficacité ont tendance à se croiser.

Maintenant, il reste cinq facteurs, dont trois cognitifs; signification, structure/efficacité et communauté ainsi que deux facteurs affectifs c'est-à-

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dire l’affect positif et négatif. L’affect négatif étant relié à la dimension du stress. Cela dit, comme mentionné plus haut, l’intervenant peut faire

preuve de flexibilité dans l’utilisation des dimensions, selon les besoins spécifiques du client.

2. Application pratique de l’APP pour les conseillers

Dans le cadre d’un travail en orientation scolaire et professionnelle, cette approche peut s’avérer très utile.

Étude de cas 1 : étudiante en quête d’un programme d’études universitaire

Cette étudiante cherche à faire un choix de programme universitaire et qui a de la difficulté à identifier ce qui l’intéresse vraiment. Dans cette

optique, il est possible de lui demander de dresser une liste de ses projets en les décrivant dans ses propres mots. Cela prend environ 10 minutes

dans le cadre de la rencontre ou 30 minutes lorsque c’est fait à la maison. Les projets personnels des individus se placent dans un contexte

temporel. Par cette énumération, l’intervenant est capable de voir si l’étudiante a une ligne directrice dans ses projets, si elle a une surcharge de

projets, ou si la cliente est incapable de prioriser une action. Par la suite, il est possible de discuter avec la cliente afin de savoir quels sont ses

projets importants, ses préoccupations. Ainsi, cela permet d’avoir une bonne idée du système de projets de la personne et de ce qui l’intéresse

davantage. Dans l’optique d’amener la cliente à mieux se connaître, une autre méthode de l’APP est l’enchevêtrement des projets. Cela fournit

une vue systématique de l’interrelation entre les projets de haut niveau (important) et les projets de bas niveau (secondaire ou superficiel). Ainsi,

les projets importants sont sélectionnés par la cliente afin qu’elle puisse les explorer en profondeur avec l’intervenant, puis c’est le tour des

projets moins importants et ainsi de suite. Dans le cadre d’un processus d’orientation, l’APP peut servir de base d’exploration et de connaissance

de soi pour une personne qui cherche à faire un choix de programme ou de profession.

Étude de cas 2 : homme en quête de satisfaction au travail

Dans cette optique, il est possible de vérifier l’équilibre qu’il y a entre les dimensions signification et efficacité. Si le système est en déséquilibre,

l’intervenant peut encourager le client à faire davantage d’activité dans la dimension moins développée. Les dimensions de structure/efficacité

sont souvent des déterminants centraux du bien-être. Plus le client se trouve compétent dans ce qu’il fait, plus il a l’impression de vivre du succès

et donc d’être bien dans sa peau. Ainsi, l’intervenant peut évaluer avec le client s’il se sent efficace et l’aider à identifier les obstacles qui

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empêchent son sentiment de contrôle personnel. De plus, dans cet exemple monsieur parle en terme affectif en indiquant ne pas se sentir heureux.

Il est aussi intéressant de s’attarder aux dimensions affectives de l’APP qui peuvent faire ressortir plusieurs émotions des projets. D’ailleurs, tous

les mots liés aux émotions peuvent être utilisés comme dimension. L’intervenant peut fournir une liste normative des émotions au client pour que

celui-ci puisse noter chaque projet à partir de cette liste. L’intervenant peut aussi demander au client de faire sa propre liste d’émotions reliées à

la poursuite de ses projets et ainsi en dégager des pistes à explorer.

Étude de cas 3 : adulte en quête de conciliation travail-famille

Dans cette optique, il est possible de s’attarder aux dimensions communautaires, qui font référence au réseau de soutien entourant les projets

personnels. L’intervenant peut d’ailleurs demander au client, pour chaque projet, de faire une liste de personnes impliquées. Cela donne une

bonne idée de la grandeur du réseau social du client et également de son réseau de soutien dans les différentes tâches qu’il doit accomplir. Si

l’intervenant se rend compte qu’il y a des notations basses à cette dimension, cela devrait inciter l’intervenant à en chercher la cause et ainsi aider

le client dans ses relations interpersonnelles. Ce qui, dans cet exemple, pourrait permettre de mieux comprendre le réseau social du client dans sa

vie familiale et professionnelle.

Page 168: Recueil de texte en  counseling

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Counseling stratégique, éclectif et narratif Mirela Mocka, étudiante à la maîtrise en carriérologie, UQÀM

Louis Cournoyer, professeur en counseling de carrière, UQÀM

Au cours des dernières années, les modèles de counseling appliqués en santé mentale se prolifèrent tout autant que les problématiques se

diversifient. Déjà au cours des années 1980 et début de 1990, Held (1984, 1991) formulait l’importance de tirer profit de l’utilisation pratique de

différentes théories et leurs techniques correspondantes efficaces et reconnues au plan du processus de changement lié à divers modèles, c’est-à-

dire d’une forme d’éclectisme stratégique. Cet article propose un résumé de l’article Narrative approach to Strategic eclecticism de Jeffrey T.

Guterman et James Rudes (2005), puis une intégration pratique des notions proposées au contexte de counseling de carrière.

Éclectisme stratégique et approche narrative

L’éclectisme stratégique consiste en la sélection systématique de théories et de techniques les plus pertinentes et les plus adaptées pour alimenter

un processus efficace de changement chez la personne (Guterman et Ruds, 2005). De son côté, l’approche narrative s’inscrit dans une perspective

postmoderniste de l’évolution humaine qui questionne la capacité de connaître une vérité ultime et suggère le recours de plusieurs modes

d’appréhension de cette dernière. C’est pourquoi elle est souvent associée à la perspective du constructionniste social où l’expérience humaine

est décrite comme une construction de connaissances et de notions de réalités subjectives à partir du langage partagée en interaction avec les

autres. C’est par le récit que l’approche narrative va extirper cette réalité subjective d’une personne construite et déterminée par sa culture et ses

propres patterns de résolutions de problème. Selon Guterman et Ruds (2005), l’intégration de l’approche narrative à l’éclectisme stratégique

nécessite la convergence de perspectives modernistes et post modernismes de l’intervention. Le terme stratégique est utilisé en référence « …

d’un effort de la part du conseiller d’adapter sur mesure les conceptualisations et les interventions, pour qu’ils tiennent en compte l’unicité de

chaque client et problème, et de là, de faciliter le processus du changement en une manière effective » (Guterman et Ruds 2005). Cette approche

se base entre le processus et du contenu de l’intervention.

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Pour cette approche c’est très important de distinguer le processus (apports de changements par des interventions, des méthodes et des techniques

diversifiées) du contenu (l’objet du changement selon diverses théories). Les auteurs distinguent également les notions de contenu formel,

composé par les hypothèses du clinicien concernant les causes du problème et le contenu informel, ’composé par les hypothèses subjectives du

client concernant les causes de son problème. Le contenu informel du client est utilisé comme métaphore principale du processus mené par le

client et son conseiller. Le contenu dit de niveau informel est appelé à se transformer en niveau formel suite au recadrement réalisé durant le

processus de changement de l’approche narrative. En résumé, le contenu formel dans l’approche narrative se compose d’histoires dominantes ou

de patterns de construction de situations ou de problèmes, soit des narrations influencées par la culture des personnes. Puisque le contenu formel

demeure passablement général, il requiert la conceptualisation des autres théories comme contenu informel, ’c’est à dire, plutôt comme

métaphores que comme des représentations objectives de la formation du problème ou du changement désiré.

Application pratique

L’approche narrative est composée de ces quatre phases. Premièrement, la phase de mapping consiste à cartographier les influences du problème

à travers une série de questions aidant le client à extérioriser son problème et en comprendre les influences possibles sur sa vie. Ces questions

permettent de dégager des résultats uniques qui constituent la prochaine phase. Les résultats uniques sont les exceptions. Selon l’approche

narrative, les résultats sont en fait des comportements, pensées et sentiments qui contredisent l’histoire dominante, soit le problème. Cette phase

vise donc à reconnaitre des exceptions pouvant être considérée au sein d’un processus de création de sens et de pouvoir propre. Troisièmement,

le restorying, ou la réécriture de son histoire amènent le conseiller à proposer différentes séries de questions visant à aider le client à multiplier

les exceptions (résultats uniques) afin d’en attribuer du sens ici et maintenant, notamment par une activation de l’empowerment du client et

conséquemment, de son sentiment d’efficacité personnelle. Quatrièmement, le conseiller choisit des interventions et des tâches d’exercices

narratifs ou d’écriture de lettres dans le but d’identifier les résultats uniques et de bonifier le processus de restorying. Ce type d’activités peut

aider le travail des clients vers les objectifs du traitement.

En guise d’étude de cas fictive, prenons Ginette, une femme de 42 ans, maintenant divorcé depuis 5 mois. Celle-ci se dit vivre un état dépressif

depuis la lecture du divorce. Au-delà de toutes capacités rationnelles à l’égard de la situation, Ginette ne peut concevoir être heureuse à son âge

sans être mariée et avoir un mari à ses côtés. L’ensemble de sa vie est alors perçu comme un échec. À partir d’une évaluation initiale de la

situation de Ginette, la conseillère va alors déterminer quels types d’approches pourraient le mieux l’outiller afin d’accompagner la cliente sur la

voie d’un changement constructif.

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Elle retient tout d’abord l’approche émotivo-rationnelle d’Ellis (1995), car cette dernière mise sur l’examen d’influences réciproques entre les

pensées et les émotions de la personne, de même que le sens conféré aux événements qui les activent. À cela, elle intègre également la stratégie

de récit de vie de l’approche narrative afin de faciliter l’expression des pensées automatiques, de croyances erronées ou encore d’émotions

envahissantes de Ginette à l’égard d’elle-même, des autres, des événements et du monde en général. À partir du matériel discursif présent dans le

récit de Ginette, le processus de changement proposé par l’approche rationnelle-émotive consiste en l’emploi de stratégies diverses dont la

contestation cognitive des croyances irrationnelles, des exercices d’imagerie ou bien des prescriptions comportementales. La conseillère choisit

quant à elle d’inviter Ginette à la lecture d’une livre d’auto-développement d’ici leur prochaine rencontre afin de pouvoir échanger à ce moment

des perceptions, des émotions ou des réactions l’ayant habité.

Dès la deuxième rencontre, la conseillère entreprend la phase de mapping où elles chercheront ensemble à faciliter l’expression des pensées et

des émotions de Ginette à la suite de sa lecture, afin d’établir des liens possibles avec sa situation problématiques et enfin, dégager les influences

les plus manifestes. Ensuite, elles vont tenter de dégager des résultats uniques, c’est-à-dire des moments d’exception où Ginette n’est pas sous

l’emprise de ces influences, mais plutôt apte à faire appel à des ressources, à son pouvoir de création de sens, pour contredire son histoire

dominante. À partir de ce moment, un travail de reconceptualisation est entrepris par la conseillère. À cet effet, le restorying, ou la réécriture

permettra à Ginette d’entrevoir comment elle pourrait réécrire son histoire en prenant appui sur son pouvoir créateur de (nouveau) sens à partir

d’une multiplication de résultats uniques, d’exceptions, le tout dans un but de mobilisation des ressources. Par la suite, la conseillère va chercher

à amener d’autres stratégies émotivo-rationnelles et narratives permettant à Ginette de poursuivre la réécriture d’une histoire composée de

résultats uniques favorables au changement, puis de plus en plus distants des conditions initiales d’envahissement qui sont de nature émotive et

rationnelle. À certains moments où Ginette retombera dans son histoire dominante initiale, la conseillère veillera alors à l’amener à pouvoir

identifier et contester par elle-même ses croyances irrationnelles.

Conclusion

Le but de la thérapie émotive relationnelle est de remplacer les croyances erronées du client et en arriver à de nouvelles croyances fondamentales

ce qui est un très grand changement. C’est évident que cela n’est pas possible d’être réalisé par l’application ponctuelle de telles techniques dans

l’approche narrative, mais selon les auteurs cela n’est pas toujours nécessaire, et ce, du point de vue du client ainsi que du conseiller. Cela

signifie que l’approche narrative utilise la thérapie émotivo-relationnelle mais pour atteindre des buts différents. Ce qui distingue donc l’approche

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narrative des autres modèles, c’est le fait que les autres tendent de maintenir une certaine exclusivité théorique et se présentent comme

mutuellement exclusives. Mais les approches postmodernistes ne prétendent pas de posséder la vérité concernant les causes du problème et le

changement donc elles sont capables d’intégrer des théories compétitives de counseling à l’intérieur de leur processus de changement. C’est à

souligner qu’on se concentre sur le processus de changement et non pas sur le changement du contenu formel (ce qui est initialement amené

comme matériel). L’approche présentée dans cet article offre au conseiller la possibilité d’utiliser beaucoup de théories et techniques qui

autrement n'auraient pas été considérés dans un modèle narratif. En plus, l’approche narrative guide le processus de changement.

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L’approche Masterson en counseling de carrière … Jean-François Maltais, c.o.10

Au sein du courant psychodynamique, une approche se révèle de plus en plus présente en matière de formation initiale et continue chez les

professionnelles et les professionnels de la relation d’aide, soit l’Approche Masterson. L’auteur de cette approche, le docteur James F. Masterson,

a créé une approche qui, à l’intérieur d’une psychologie du soi, intègre plusieurs théories différentes : la théorie de l’attachement, la théorie

développementale, la théorie des relations d’objets précoces et les nouvelles avancées sur la neurobiologie du cerveau. Inspiré des concepts

fondamentaux de la théorie freudienne des pulsions : transfert, compulsion de répétition, résistance, conflit psychique, existence de l'inconscient

et perlaboration, l'Approche Masterson est une approche psychothérapeutique des troubles de personnalité qui oriente son accent thérapeutique

sur la période préoedipienne (avant l’âge de trois ans), plutôt que sur le conflit oedipien lui-même (Orcutt, 1997). L’approche s’inscrit dans les

courants de la psychologie du Soi (Kohut 1971; 1977) et de l’école américaine de la théorie des relations objectales (Mahler, 1968; Kernberg,

1967). Elle intègre les recherches touchant la théorie de l’attachement (Bowlby, 1969; Ainsworth et coll., 1978) et le développement

psychologique de l’enfant (Mahler, 1968). L’approche utilise aussi les nouvelles avancées dans le domaine de la neurobiologie du

développement affectif et social (Schore, 1994).

Origine et développement

L’AM découle tout d’abord d’études empiriques menées auprès d'adolescents état limite internés dans un hôpital de New York (Masterson, 1967,

1972, 1980), ainsi que d’intervention auprès de centaines d'adolescents et d'adultes en consultation et en traitement en pratique privée

(Masterson, 1976; 1981). Ces recherches cliniques, combinées aux travaux de Margaret Mahler (1968) sur le développement de l’enfant dans la

période préoedipienne emmenèrent Masterson à penser que le trouble de la personnalité état limite était avant tout un problème développemental.

10 Locas, Valérie (2012). L’impact d’une formation axée sur la compréhension du fonctionnement psychologique (Approche Masterson) sur les pratiques de conseillères en développement de

l’employabilité au sein d’organismes du Montréal métropolitain. Rapport d’activité dirigée présenté à la faculté d’éducation en vue de l’obtention de la maîtrise en orientation profil :

carriérologie. Document disponible en ligne : http://orientationpourtous.blogspot.ca/2012/04/bonjour-vous-voici-une-premiere-mise-en.html

Page 173: Recueil de texte en  counseling

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S’ajouta ensuite les théories des relations d’objet, afin d’expliquer l’existence d’un lien possible entre l’indisponibilité de la mère et l’arrêt du

développement du soi et de la structure intrapsychique. Durant les années 80, le docteur Masterson décida d’élargir la portée de son approche en

appliquant celle-ci à la compréhension des troubles de la personnalité narcissique. Il s’intéressa aussi davantage à la théorie du Soi en intégrant

celle-ci à son approche et en ajoutant des concepts qu’il utilisait lui-même dans ses thérapies : le vrai Soi ou Soi-Réel et le Soi défensif. De 1988

à aujourd'hui, l’AM s’est enrichie de nouvelles notions importantes, entre autres grâce au travail de Ralph Klein et Candace Orcutt qui ont intégré

les travaux de Guntrip et Fairbairn sur les troubles schizoïdes à la théorie de Masterson. Ensuite, les récentes études sur la théorie de

l’attachement qui sont venues confirmer l’influence de la mère dans le développement du soi et les nouvelles avancées en recherches

neurobiologiques sur le cerveau, qui elles, sont venues ouvrir la porte à la compréhension des connexions neurobiologiques qui sous-tendent le

développement du soi.

Influences théoriques et articulation conceptuelle de l’AM

Masterson (2004), distingue quatre structures de personnalités pathologiques (état limite, narcissique, schizoïde et antisocial) et propose pour

chacune de ces structures des stratégies de communication adaptées. Parmi les concepts clés utilisés par Masterson, notons le développement de

l’alliance thérapeutique, l’analyse des résistances, des mécanismes de défense et des passages à l’acte qui font obstacle à l’alliance thérapeutique,

ainsi que le cycle de l’individu appelé « Triade dynamique du trouble du soi ». Le tableau ci-dessous présente les différentes inspirations

théoriques de l’Approche Masterson :

Tableau 2.1

Influences théoriques de l’AM

Théorie de

l’attachement de

Bowlby (1969)

De l’enfance, puis de façon répétitive tout au long de leur vie, les individus tendent à adapter leurs comportements

personnels et interpersonnels en fonction de la satisfaction de besoins instinctifs d’attachement. Entre autres, l’histoire

développementale de la personne au plan de la satisfaction ou de la non-satisfaction de ces besoins affectifs pourra

témoigner de l’adoption de comportements fondée sur une dynamique de sécurité ou d’insécurité personnelle ressentie

selon les individus dans leur vie adulte (Ainsworth et coll., 1978), de même que leur capacité à autoréguler leurs actions

personnelles, et ce, dès le l’enfance (Siegel, 1999; Fonagy, 2001). Sroufe et coll. (1999) sont venus corroborer ces faits

en démontrant la persistance du style d’attachement de l’enfant dans l’âge adulte et l’implication du style d’attachement

Page 174: Recueil de texte en  counseling

174

du parent dans la détermination de celui de l’enfant. Tout cela amenant le développement d’un faux soi défensif chez

l’enfant, résultant de l’accommodation de celui-ci aux besoins émotionnels de son parent et brimant du même coup

l’expression de son « soi réel », tel qu’utilisé par Masterson (Orcutt, 1997, p. 74).

Théorie

développementale

(Mahler, 1968)

À travers le développement d’un enfant normal, il vient un moment où celui-ci doit développer une identité (sens de

soi), qui soit séparé de celle de sa mère. Cela se produit à travers le stade de séparation/individuation selon Mahler.

Entre autres, la disponibilité ou l’indisponibilité de la mère à répondre au besoin affectif de l’enfant entre 5 et 30 mois

aurait une incidence majeure sur le développement d’un soi sain chez celui-ci. L’arrêt du développement normal à la

phase de séparation-individuation, provoqué par une réponse parentale insuffisante à soutenir le soi émergent de

l’enfant serait à l’origine des troubles de la personnalité. Cet arrêt du développement viendrait limiter les capacités

d’autorégulation de l’enfant (Masterson utilise les expressions activation autonomes ou activation du soi réel).

Conséquemment, les personnes présentant une faible capacité d’autorégulation se verraient donc porter à l’adolescence

et à l’âge adulte à utiliser des mécanismes de défense primitifs tels que le clivage, le déni, la projection et l’évitement,

ainsi qu’à utiliser des objets externes pour se réguler (Masterson, 1972).

Théorie des relations

d’objet

S’insérant dans le courant américain des relations objectales (Mahler, Kernberg) et le courant britannique (Fairbairn,

Guntrip), Masterson (2004, p.24) définit la notion de relation d’objet comme étant les représentations internes qu’ont

les individus d’eux-mêmes et des autres. Ces représentations internes sont reliées à des affects parfois négatif, parfois

positif et influence la relation que les individus entretiennent avec eux-mêmes et avec les autres. Dans le cas des

personnes présentant un trouble de la personnalité, celles-ci auraient seulement des relations d’objet partielles.

Conséquemment, elles ont une vision extrême et irréaliste d’elles-mêmes et des autres qu’on pourrait concevoir comme

étant tout bon ou tout mauvais et qui fait en sorte que leurs relations d’objet ne sont pas entières.

Page 175: Recueil de texte en  counseling

175

Théorie du Soi Stern (1985) dans sa théorie développementale du soi, stipule que l’enfant développe des « sens du soi » qui évoluent à

travers ses interactions sociales. Ces interactions sociales sont elles-mêmes régulées et organisées par le filtre subjectif

du soi de l’enfant. La transformation psychique des individus se fait donc à travers les interactions sociales qu’ils ont et

par leur capacité à s’actualiser par celles-ci (Orkutt, 1997).

Neurobiologie de

l’attachement

(Schore, 1994;

2003)

Le développement du soi serait grandement influencé par le style d’attachement du parent nourricier, selon qu’il soit

sécure ou insécure. Conséquemment, un style d’attachement insécure chez le parent peut entraîner une incapacité de se

synchroniser avec les besoins affectifs de l’enfant. L’incapacité à répondre aux besoins affectifs de l’enfant qui ferait en

sorte que les connections neuronales nécessaires au développement d’un soi sain ne se ferait pas, ce qui entrainerait le

développement d’un trouble de la personnalité ou trouble du soi, tel que décrit par Masterson. De plus, ces

traumatismes d’attachement seraient incorporés dans la mémoire autobiographique à long terme, ce qui appuierait

l’hypothèse des relations d’objet pathologiques. Notons aussi l’hyperexcitation de la branche sympathique du système

nerveux autonome décrite par Schore comme caractéristique des pathologies préoedipiennes du Soi et qui

correspondrait à la dépression d’abandon décrite par Masterson (Bessette, 2010).

Ce qu’il faut retenir, c’est que James Masterson s’est inspiré de plusieurs théories provenant de divers horizons, afin de mettre des bases

théoriques et cliniques à son approche psychothérapeutique. Tout d’abord influencé par la théorie de l’attachement, d’une théorie

développementale et de la théorie des relations objectales, l’AM a évolué et s’est ensuite enrichie des concepts d’une théorie du soi pour expliqué

la transformation psychique des individus à travers leurs relations, mais aussi de notions plus modernes en neurobiologie, afin de solidifier ce

qu’elle avançait sur l’influence des relations d’attachement sur le développement des enfants. Il apparaît donc que l’AM s’est construite au fur et

à mesure d’expériences cliniques, de recherches personnelles par Masterson, mais aussi de collaboration avec d’autres chercheurs. Cette

construction de l’AM a aussi donné naissance à plusieurs concepts centraux dont il faut prendre connaissance si on veut bien comprendre

l’application pratique de cette approche.

Page 176: Recueil de texte en  counseling

176

Enjeux et concepts clés de l’AM

Masterson utilise plusieurs termes, propres à son approche et qui méritent d’être expliqués plus en détail. Dans le but de faciliter la

compréhension du lecteur et de faire l’inventaire des concepts importants devant se retrouver dans une formation portant sur cette approche, le

tableau ci-dessous rassemble et explique les concepts clés de l’Approche Masterson.

Tableau 2.2

Articulation conceptuelle de l’AM

Triade dynamique du

trouble du soi (de la

personnalité)

Réfère au cycle où l’individu tente d’activer son « Soi réel » ou activation autonome, ce qui entraine chez lui

l’apparition d’affects négatifs appelés « Dépression d’abandon ». Pour s’en protéger, l’individu doit alors mobiliser des

mécanismes de défense primitive. Ce cycle permet entre autres à la conseillère ou au conseiller qui l’utilise de former

des hypothèses cliniques sur les clients et sur eux-mêmes, dont la validité pourra ensuite être vérifiée à travers les

rencontres.

Activation autonome

Tel de décrit par Bessette (2007), l’activation autonome ou activation du Soi réel correspond à « toute situation qui

requiert la mobilisation et l’utilisation des capacités d’adaptation et d’autorégulation de l’individu ». L’activation des

capacités de l’individu déclenche donc l’émergence des d’affects négatifs que Masterson appelle la «dépression

d’abandon ».

Dépression d’abandon Le terme dépression d’abandon est en fait le terme que Masterson utilise pour décrire les réactions émotionnelles

intolérables de l'enfant face à un désajustement d'avec sa mère. Il fait référence au sentiment subjectif qu’éprouve

l’individu d’être abandonné ou à une menace ressentie par l’individu concernant sa survie, ainsi que ce qui compose cet

état. Lorsque les besoins affectifs de l’enfant ne trouvent pas de réponse appropriée, ou se butent à une réponse hostile

de la part des figures d’attachement, l’enfant se trouve laissé à lui-même pour gérer des situations qui le dépassent, et il

est envahi à répétition par les affects de dépression, de colère, de peur, de culpabilité de passivité, d’impuissance, de

solitude, de vide et de nullité (Masterson, 1976 : 38; 2004; Bessette, 2007).

Page 177: Recueil de texte en  counseling

177

Mécanismes de

défense

Corresponds aux moyens utilisés par n’importe quel individu pour éviter d’avoir à vivre la dépression d’abandon et ses

affects ressentis comme intolérables. La réactivation de la dépression d’abandon entraînerait la mobilisation de défenses

primitives, efficaces pour ne pas avoir à vivre les affects intolérables, mais destructeurs pour l’adaptation et le

fonctionnement psychosocial. Les principaux mécanismes de défense utilisés chez les personnes ayant un trouble de la

personnalité sont : le clivage, le déni, la projection, l’identification projective, l’évitement, la fuite dans les fantaisies et

le passage à l’acte. Dans la vie de la personne, ces passages à l’acte se traduiraient par des gestes suicidaires et

parasuicidaires, de l’abus de substance, des explosions colériques et de la violence verbale ou physique. Tandis que

dans le processus thérapeutique, en plus des passages à l’acte, on pourrait les constater par des retards et des absences

fréquents, un non-respect du cadre d’intervention, parler de sujet secondaire ou changer continuellement de sujet

(Bessette, 2007).

Vrai Soi ou Soi réel Tel que décrit par Klein (Masterson et Klein, 1989), le « vrai soi » de Masterson représente une personnalité qui s’est

développée de façon saine, mais aussi une structure de personnalité saine. Cela se traduit par la capacité à vivre la

séparation, la capacité à pouvoir s’attacher, la capacité d’individuation et à faire preuve d’autonomie. On peut aussi

penser au fait d’être capable de vivre avec et sans les autres, ainsi qu’être capable d’intégrer ces différentes capacités à

travers les structures de sa personnalité. Ce «Vrai Soi», serait ressenti par les individus comme un sentiment de

continuité, de stabilité et de réciprocité dans l’expérience à soi, avec et sans les autres. Tandis qu’un individu ayant de

la difficulté à exprimer son «Vrai Soi» se plaindra généralement de problèmes reliés à sa capacité à vivre l’intimité, à

avoir de l’empathie et à partager. Des difficultés dans l’expression du « Vrai Soi » emmèneraient aussi l’individu à

avoir de la difficulté à admettre ou à partager ses pensées, ses sentiments et ses désirs.

Structure

intrapsychique

Masterson (2004) définit la structure intrapsychique comme étant le résultat de la somme des expériences en bas âge

avec le donneur de soins principal et de nos représentations objectales, ainsi que des affects qui y sont reliés. La

structure intrapsychique organise donc la façon dont nous nous percevons en relation avec les autres, ce qui se répercute

par la suite dans la vie adulte. Tel qu’expliqué par Bessette (2007), cette structure intrapsychique est pathologique chez

les personnes ayant un trouble de la personnalité, faisant en sorte qu’ils vont être clivés dans leurs perceptions. Le côté

positif du clivage, correspondant au système d’attachement pathologique de la personne qui focalise sur les besoins de

l’objet et le côté négatif du clivage, correspondant à un état d’abandon où les personnes perdent le sentiment d’être

connectées à l’objet et aux relations.

Page 178: Recueil de texte en  counseling

178

Acting-out

transférentiel

Par l'acting-out transférentiel, l’enfant tente par ses comportements d'éviter d'avoir à évoquer la désapprobation

parentale ou la négligence durant les premières années de son développement. Ce qui devient par la suite chez la

personne atteint d’un trouble du soi, une partie intégrante de sa réponse fondamentale aux relations. Le concept

d’acting-out transférentiel prend une importance particulière dans la relation thérapeutique, où l’individu, au lieu de

présenter une attitude nuancée des relations humaines (distorsion de la réalité, combinée à une vision réaliste et

raisonnable), présente plutôt une vision clivée, constituée essentiellement de sentiments et d’émotions distorsionné3s

envers le ou la thérapeute. Par exemple, le client pourrait se sentir choqué, désappointé ou à l’écart lorsque le thérapeute

n’agit pas comme il le désire (Orkutt, 1997 : 74 ; Masterson, 2004). Lorsqu’une personne fait de l’acting-out

transférentiel dans sa vie adulte, elle tente par ce comportement ou compromis psychique d’éviter d’avoir à vivre la

dépression d’abandon (Orkutt, 1997 : 74).

Neutralité analytique Ce concept clé dans l’Approche Masterson est directement lié à l’acting-out transférentiel, car il implique la création

par la conseillère ou le conseiller, d’un climat thérapeutique qui donne toute la place au client. L’approche accorde une

grande attention à ce que la conseillère ou le conseiller, face aux problèmes du client, n’introduisent pas de matériel

personnel, tel que leurs réactions émotionnelles dans la relation. Comme il est inévitable pour un intervenant d’avoir

des réactions émotionnelles dans une rencontre, il doit donc éviter de faire lui-même des acting-out

contretransférentiels, soit de réagir aux acting-out des clients par un autre « acting-out », ce qui laisserait le patient et

l’intervenant pris dans une dynamique malsaine (Masterson, 2004).

Distance

thérapeutique

Masterson (2004) considère que le thérapeute doit garder une neutralité avec son client. Cette neutralité n’a toutefois

rien à voir avec une attitude froide, détachée ou indifférente de la part du thérapeute, mais elle permet plutôt d’éviter

d’être en collusion avec les transferts du client. Et ce, afin qu’il puisse se permettre de relever les comportements

défensif, régressif ou autodestructeur de celui-ci (Roberts, tirés de Masterson, 2005).

Cadre thérapeutique Consiste à l’établissement de règles claires et constantes, sans toutefois être rigides, afin de définir dès le départ la façon

de travailler et ce qui est attendu du client. Par exemple, justification des absences, retards fréquents et moment du

paiement (Masterson, 2004).

Technique de la

confrontation

La technique de la confrontation sert à confronter de façon empathique les défenses mises en place par le client et lui

servant à préserver son faux soi. Comme les personnes ayant un trouble de la personnalité ont la plupart du temps des

perceptions de la réalité qui sont clivées ou partielles, la technique de la confrontation est utilisée ici pour fournir au

client une perception de la réalité qui soit plus juste et plus complète (Masterson, 1998 : 131).

Page 179: Recueil de texte en  counseling

179

Capacités du Soi réel

Masterson (2004) ;

Bessette (2007)

Les capacités du soi réel (capacités d’adaptation) sont :

La régulation de l’humeur et de l’estime de soi ;

La capacité de vivre les émotions profondément, avec vivacité, joie, vigueur, excitation et spontanéité ;

La capacité d’identifier ses intérêts et ses objectifs personnels, de s’activer et de faire preuve d’initiative, de s’affirmer

et de se défendre ;

La capacité d’apaiser les affects douloureux (émotions douloureuses), de contrôler ses impulsions et de tolérer la

frustration;

La capacité d’engagement face à un objectif ou à une relation, et de persévérance pour atteindre ses buts malgré les

obstacles;

La créativité;

Capacité d’intimité : la capacité d’exprimer qui on est réellement dans une relation intime, sans craindre de façon

démesurée d’être abandonné ou d’être englouti;

L’autonomie.

Ces concepts mettent tout d’abord l’emphase sur la compréhension de l’individu au niveau de son ressenti et des comportements et attitudes qui

l’accompagnent. Ainsi, l’utilisation de la triade dynamique, les notions de vrai soi ou soi défensif, la notion d’acting-out transférentiel, celle des

capacités du soi réel et le concept de structure intrapsychique servent ici d’outils pour la conceptualisation des clients que les conseillères ou les

conseillers rencontrent. Les autres concepts tels que la neutralité analytique, la distance thérapeutique, le cadre thérapeutique et la technique de la

confrontation représentent davantage des aspects techniques liés à l’utilisation de l’AM. Il est important de retenir que les concepts au cœur de

l’AM ont été construits au regard de clientèles présentant des troubles de la personnalité. Il est donc important de bien comprendre l’étiologie de

ces troubles selon Masterson, afin de saisir l’origine et l’utilité des concepts proposés pour des clientèles présentant un trouble de personnalité ou

présentant des traits de personnalité marqués, nuisant à leur fonctionnement.

Notion de trouble de personnalité, au cœur de l’AM

Selon Masterson (Masterson et Lieberman, 2004), les troubles de la personnalité résulteraient d’un arrêt dans le développement du Soi et d’un

syndrome angiodépressif particulier, appelé la « dépression d’abandon » (Bessette, 2007 : 11.04). Ils seraient principalement causés par un

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180

problème lors de la phase de séparation-individuation dans l’enfance, où l’enfant introjecte la gratification et le retrait de la mère comme étant les

deux seules réponses possibles à ses besoins (clivage) (Poirier, 1997). Les troubles de personnalité pourraient aussi être causés par des facteurs

qui n’ont rien à voir avec le développement en bas âge. Par exemple, des facteurs tels que le tempérament, les caractéristiques de l’enfant et les

évènements stresseurs du hasard de la vie, peuvent être reliés au développement d’un trouble de la personnalité et sont généralement pris en

considération dans l’étiologie du trouble. (Masterson et Klein, 1989, p.11). L’individu présentant un trouble de la personnalité, tout comme les

personnes ne présentant pas de tels troubles, tente de satisfaire ses besoins psychologiques (« activation du Soi réel ») par la mobilisation et

l’utilisation de ses capacités d’adaptation et d’autorégulation. Toutefois, au lieu de ressentir des émotions tempérées pouvant être positives et

négatives comme la plupart des gens, il ressent plutôt des affects négatifs que Masterson appelle la « dépression d’abandon ». La personne peut

alors ressentir des émotions telles que la dépression, la rage, de l’anxiété, de la honte, du désespoir ou un sentiment de vide. Afin de contrer ces

sentiments négatifs et ainsi ne pas avoir à les supporter, l’individu développera un faux soi défensif, en mettant en place des mécanismes de

défense primitifs tels que le déni, le clivage, la projection, l’identification, la fuite ou l’évitement. La dynamique qui s’exerce entre l’activation

des capacités du soi réel de la personne, les affects négatifs qui en résultent et les mécanismes de défense mis en place, est appelé pas Masterson

la triade dynamique du trouble du soi et constitue la pierre angulaire de son approche. (Masterson et Klein, 1989; 1995).

Structures de personnalité selon l’AM

Les troubles de la personnalité peuvent être regroupés dans l’Approche Masterson selon quatre grandes catégories : état limite, narcissique,

schizoïde et antisocial. Cette dernière serait semble-t-il non-traitable et correspondrait au type psychopathe du DSM-IV (Diagnostic and

Statistical Manual of Mental Disorders). Masterson a aussi ajouté des sous-catégories à celles d’état limite, de narcissique et de schizoïde.

L’auteur différencie son approche de celle du DSM-IV (1994), par le fait que ce dernier fournit plus un portrait des comportements et attitudes

dysfonctionnelles observables associés aux psychopathologies, tandis que sont approche irait plus en profondeur en analysant la structure

intrapsychique des personnes c’est-à-dire des représentations internalisées du soi et de l’objet. Pour Masterson, les critères diagnostiques du

DSM-IV constitueraient en quelque sorte des défenses qui sont partagées par tous les troubles de la personnalité et qui se traduiraient

différemment selon la structure interne des personnes.

Page 181: Recueil de texte en  counseling

181

Personnalité limite

Au niveau de la correspondance avec le DSM-IV (2004), on retrouve à l’intérieur de ce type de personnalité de l’Approche Masterson, les types

de personnalité histrionique, dépendante, passive agressive et compulsive. Dans la formulation de James Masterson du trouble limite du soi,

l’individu tente, par des comportements mésadaptés, d’éviter à tout prix de ressentir la dépression d’abandon. Concrètement, cela se traduit de

deux façons dans le processus thérapeutique. Du côté positif du clivage, le client va s’en remettre au thérapeute, de façon à ce que celui-ci lui

donne des solutions, le prenne en charge, le réconforte et le rassure dans ce qu’il croit ou ce qu’il fait. Il va donc se soumettre à l’objet

(thérapeute). Lorsque le thérapeute ne répond pas positivement à ces demandes de prises en charge, le client se retrouvera du côté négatif du

clivage. Le client verra alors le thérapeute comme rejetant et abandonnant et se sentira alors comme étant indigne de recevoir de l’amour ou sans

valeur. Le thérapeute devra alors faire attention à ne pas être contaminé par les projections du client et ainsi, éviter de se sentir responsable du

client et de le prendre en charge (Bessette, 2007).

Personnalité narcissique

Au niveau de la correspondance avec le DSM-IV, le type narcissique tiré de ce même manuel ne correspond qu’au sous-type exhibitionniste de

Masterson. L’auteur a ajouté les types à grandiosité inhibée « closet narcissistic » et dévaluant dans son approche. Dans la personnalité

narcissique décrite par Masterson, les représentations du soi et de l’objet sont fusionnées. Lorsque ça se passe bien, la personne voit l’objet

comme étant parfait et tout puissant, donc parfaitement capable de répondre au besoin narcissique du Soi : fournir le regard admirateur qui

confirme la grandiosité du Soi. Donc lorsque le narcissique obtient ce sentiment d’être supérieur, merveilleux ou spécial, il s’en sert pour réguler

son humeur et s’accorder la valeur qu’il mérite. Lorsqu’il ne l’obtient pas, le narcissique aura tendance à voir le thérapeute comme étant

dévaluant ou attaquant et à se sentir fragmenté, pas à la hauteur, minable ou dévaluée. Le type exhibitionniste est celui qui correspond en grande

partie au type narcissique du DSM-IV, car sa grandiosité est exprimée au maximum afin qu’il puisse se réguler. Toutefois, les clients ayant une

grandiosité plus discrète ne semblent pas ressortir si on se fit au critère du DSM-IV. C’est pourquoi Masterson a ajouté deux autres types de

narcissiques. Le type narcissique à grandiosité inhibée se distingue, car il utilise davantage l’idéalisation de l’objet pour se réguler, en

maintenant ses projections de la fusion grandiose. Il voit alors les autres comme supérieurs, performants, spéciaux ou puissants. Ce maintien de la

personne dans le côté positif de son clivage fait en sorte qu’il arrive à ressentir qu’il peut répondre aux besoins et aux attentes des autres et à se

Page 182: Recueil de texte en  counseling

182

sentir adoré. Il évite ainsi d’avoir à vivre la dépression d’abandon et de passer du côté négatif du clivage, où il se sentira inadéquat et fragmenté

par rapport à l’objet. Le type dévaluant se distingue quant à lui dans le fait qu’il se situe uniquement du côté négatif du clivage. Il y a deux

scénarios possibles du côté négatif du clivage : sois je suis le dévaluant et tu es le minable; sois je suis le minable et tu es le dévaluant. Le type

dévaluant peut donc adopter deux attitudes ou jouer deux rôles dans la relation. D’un côté, s’il prend le rôle du dévaluant, il fera sentir au

conseiller qu’il est minable, inférieur et inadéquat. La dévaluation est ici une défense pour le client et lui permet de projeter sur l’autre le rôle du

minable. De l’autre côté, quand la dévaluation ne fonctionne plus (la défense de la dévaluation n’est plus assez forte), le client est alors coincé à

reprendre le rôle du minable, de l’inadéquat. Il n’arrive plus à « se remonter en écrasant l’autre». Le contre-transfert se répercutera alors chez les

intervenants de façon différente que chez le client état limite. Comme le client projette ses idéalisations sur le conseiller, celui-ci peut alors sentir

qu’il doit performer de façon exceptionnelle, certains parlent d’un sentiment de marcher sur des œufs dans la relation avec le client.

Personnalité schizoïde

Contrairement aux deux autres structures de personnalité, la structure schizoïde ne croit pas qu’il est possible pour lui de créer de véritables

relations avec les autres et ainsi obtenir un apport affectif. Par conséquent, on ne retrouve pas dans cette structure un côté positif dans le clivage,

comme dans les deux autres structures de personnalité. La personne schizoïde voit d’un côté du clivage l’objet comme étant le maître qui

manipule, qui exploite, qui impose ses volontés et qui ne veut pas entrer en relation. Elle se voit donc comme étant l’esclave qui exécute les

désirs du maître, un robot, une victime. Celui-ci trouve alors une forme de sécurité dans la relation maître-esclave, jusqu’à ce que les sentiments

associés à cette dynamique soit trop insupportables et que la personne passe de l’autre côté du clivage, appeler pôle exil. La personne schizoïde

voit alors l’objet comme sadique, dangereux et abandonnant. La personne se sent alors isolée, étrangère aux humains, aliénée. Le fait de ne

pouvoir être ni trop près, ni trop loin de l’objet est appelé le dilemme schizoïde. Tandis que le compromis schizoïde correspond au fait de trouver

une distance sécuritaire entre l’objet et le schizoïde. La réponse contre-transférentielle à laquelle il faut faire attention dans l’intervention avec les

schizoïdes est de ne pas répondre à la projection de maître faite par le client sur le thérapeute (objet) et de se mettre à diriger le client comme un

robot ou un esclave. Ou de l’autre côté du clivage, de se détacher du client et de s’isoler comme lui-même le fait.

Page 183: Recueil de texte en  counseling

183

Personnalité antisociale

Selon Masterson (2004), les symptômes de la personnalité antisociale dans l’AM demeurent les mêmes que ceux décrient dans le DSM-IV.

Toutefois, la façon de faire le diagnostic diffère, car elle est plutôt basée sur la nature détachée des émotions en lien avec les relations d’objet

internalisées du client, plutôt qu’être uniquement basé sur les symptômes de celui-ci, comme c’est le cas avec le DSM-IV. La structure de

personnalité antisociale ne répondrait toutefois pas aux traitements psychodynamiques en général. En se basant sur une vision intrapsychique des

relations d’objet, il n’y aurait, chez les personnes atteintes de ce trouble, aucune connexion affective entre le soi et l’objet. Ces connexions

affectives seraient essentielles pour intervenir avec une psychothérapie de type psychodynamique, ce qui explique pourquoi il ne serait pas

traitable selon Masterson.

Recension des écrits sur l’AM

L’approche Masterson (Masterson et Klein, 1989; Masterson et Lieberman, 2004) a fait l’objet de plusieurs études tant au niveau théorique,

qu’empirique. Suite à une recension des écrits en lien avec cette approche, il appert que l’approche a été utilisée avec diverses problématiques de

santé mentale et aussi qu’elle a été utilisée pour aider une multitude de clientèles différentes.

Les premières recherches de Masterson (1967, 1972, 1976; 1980; 1981) furent menées auprès d'adolescents ayant un trouble de personnalité

limite d’une clinique psychiatrique de New York et auprès de centaines d’adolescentes et d’adolescents rencontrés en contexte de pratique privée

par Masterson lui-même. Ces recherches ont en fait permis de soutenir et de critiquer les principes de base de l’Approche Masterson. D’autres

auteurs (Poirier, 1997; Orkutt, 1997) se sont aussi attardés à décrire les modalités de traitement de personnes présentant un diagnostic de troubles

état limite à partir des principes de l’approche Masterson en décortiquant les concepts clés reliés à celle-ci. Le docteur Masterson décida ensuite,

dans les années 80, d’élargir la portée de son approche en appliquant celle-ci à la compréhension des troubles de la personnalité narcissique.

Klein (1993) et Orcutt (1995) ont par la suite intégré les travaux de Guntrip (1969) et Fairbairn (1984) sur les troubles schizoïdes à la théorie de

Masterson. Morrison (2008) a quant à lui mené une recherche afin de mieux comprendre les particularités des personnes présentant un trouble de

la personnalité limite, combiné à un historique de traumatismes dans l’enfance. L’auteure questionne le fait que pour ce type de trouble de la

personnalité particulier, les traitements actuels ne seraient pas adaptés. Elle suggère donc un traitement qui est spécifique à cette problématique,

en intégrant des éléments de deux perspectives sur le sujet. Celle de Masterson sur les troubles de la personnalité et celle de Van der Kolk sur le

Page 184: Recueil de texte en  counseling

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syndrome de stress post-traumatique. L’auteur conclut en suggérant que d’autres études soient menées afin de valider empiriquement ce qu’elles

avancent. Roberts (2000), propose quant à lui, une adaptation de l’Approche Masterson pour les traitements de psychothérapie courte durée sur

les personnes état limite. L’auteur propose des buts limités au traitement, dus à la contrainte de temps engendré par le processus court-terme. Les

buts évoqués étant, l’augmentation du contrôle des défenses nuisibles, l’apprentissage par le client de sa dynamique comportementale et

l’augmentation de l’adaptation du patient. Les conclusions de l’étude démontrent que la thérapie court-terme à opéré un changement chez la

personne en ce qui à trait à la gestion des défenses nuisibles par une compréhension de sa dynamique et démontrent aussi une augmentation de

l’adaptation du patient. En ce sens, l’étude aura aidé à maximiser les bénéfices des traitements pour les clients état limite suivis en thérapie de

courte durée. De son coté, Katz (2010) s’est intéressée à mieux comprendre la pertinence d’une telle approche fondée à partir de principes de

psychanalyse relationnelle sur le traitement de personnes présentant un trouble état limite où leur thérapeute partage avec eux ce qu’ils pensent de

leur situation, ainsi que l’utilisation explicite de l’intersubjectivité est la meilleure façon de travailler en psychanalyse. Pour Katz (2010), la

neutralité thérapeutique entre le thérapeute et son client telle que défendue par l’Approche Masterson s’avère une dimension des plus importantes

en raison de l’emphase mise sur les capacités du soi réel du client (souvent niées) et la démonstration de sa réticence à accepter ou à agir selon les

projections du faux soi défensif de celui-ci.

D’autres recherches sur l’Approche Masterson et traitant des applications possibles de l’approche ont aussi été menées. Mulherin (2001) présente

une analyse de cas traitant de l’utilisation de l’Approche Masterson à l’intérieur d’une thérapie par le jeu, pour le traitement d’un enfant

possédant un trouble de la personnalité en émergence. L’approche est ici utilisée essentiellement pour son cadre théorique et ses outils servant à

diagnostiquer et à traiter l’enfant pendant le jeu. Sachs (2003), dans un article traitant de l’alcoolisme en tant que trouble du soi, a émis

l’hypothèse que la propension pour l’alcoolisme pourrait être due à un problème dans la relation d’attachement de l’enfant avec ses parents.

L’auteur a donc combiné l’Approche Masterson avec des rencontres d’alcooliques anonymes (AA), afin de comparer cette combinaison avec les

rencontres aux AA seules. Sachs mentionne que la combinaison des AA et de l’Approche Masterson apparaît comme étant un traitement de

choix. Selon lui les rencontres AA n’étant pas suffisantes à elles seules pour créer un changement dans la structure de la personnalité. Avec ce

type de traitement, la personne serait plus en mesure d’identifier ce qui le rend vulnérable et les modes de défenses qu’il utilise pour s’en

préserver. Une autre étude est ressortie en lien avec le développement de l’employabilité (Affsprung 1998) et suggère le fait que beaucoup

d’étudiants recherchant de l’aide dans les centres de counseling des collèges américains souffriraient du trouble de la personnalité narcissique à

grandiosité inhibée de Masterson (closet narcissistic), ce qui nuirait à leur performance à l’école et dans leurs relations interpersonnelles.

Affsprung souligne que les pressions induites pour se développer sont très fortes au collège et que cela peut favoriser l’apparition de troubles du

soi. Si ces troubles ne sont pas relevés par le conseiller, alors le développement vocationnel et personnel de la personne pourrait être entravé.

Page 185: Recueil de texte en  counseling

185

Bien que cette étude ne concerne pas directement les conseillers en emploi, l’auteur souligne clairement un lien avec l’employabilité et renforce

l’idée de cette recherche quant au fait que l’utilisation d’une approche qui s’intéresse davantage au fonctionnement psychologique trouverait son

utilité dans un contexte d’employabilité.

Interventions de l’AM adaptées pour chacun des types de personnalité

Une des particularités de l’Approche Masterson est qu’elle fournit aux intervenants des interventions différentes dépendamment du type de

personnalité dominant chez les clients. Le type de personnalité dominant chez une personne apparaît généralement plus évident à la suite de

l’application de la triade dynamique des troubles du soi sur l’expérience des clients. Ces interventions adaptées aident ainsi la conseillère ou le

conseiller à augmenter l’efficacité de ses interventions et lui permet surtout d’éviter de tomber dans des contre-transferts avec son client. Ces

interventions sont décrites dans le tableau qui suit. Notons que le trouble de personnalité antisocial ne fait pas partie de ce tableau, car il serait

jugé comme étant non traitable (Masterson, 2004).

Tableau 2.3

Interventions adaptées à chacun des types de personnalité

Types de

personnalité

Interventions

État limite de

Masterson

Le conseiller, de par ses interventions, doit confronter de façon empathique les défenses clivées du client état limite. L’objectif

étant de favoriser la création d’une alliance thérapeutique avec le Soi réel du client.

Angles de confrontation possibles :

projections partielles vs réalité;

comportement défensif vs conséquences destructrices;

l’ampleur d’une réaction émotionnelle négative vs le caractère bénin ou positif d’une situation;

la perception subjective du client vs la réalité.

Positionnement contre-transférentiel :

Page 186: Recueil de texte en  counseling

186

Le conseiller doit s’efforcer de voir et de s’adresser au Soi réel compétent du client état limite, plutôt qu’au faux Soi défensif de

celui-ci.

Narcissique

de Masterson

Le conseiller, de par ses interventions, doit mettre l’emphase sur l’interprétation empathique de la vulnérabilité du client

narcissique. Il devra donc porter une attention particulière au vécu subjectif interne du client. L’objectif général étant de

diminuer les défenses et l’intensité des projections clivées du client.

Exemples de buts visés :

clarifier l’hypersensibilité à la réponse de l’environnement et faire le lien avec l’état affectif du client;

clarifie le passage de l’état grandiose à l’état de fragmentation du client;

clarifie les projections de l’objet, du Soi et des affects;

Positionnement contre-transférentiel :

Le conseiller doit s’efforcer de voir au-delà de la façade égocentrique, agressive et arrogante du client, pour s’adresser au Soi

réel du client narcissique.

Schizoïde de

Masterson

Le conseiller, de par ses interventions, doit mettre l’emphase sur : l’interprétation du dilemme schizoïde

les anxiétés d’une intrusion du conseiller ou des autres;

les mouvements de retrait du client;

les anxiétés de l’exil et d’un retour au mode possible au mode maître-esclave.

Ainsi que sur : l’interprétation du compromis schizoïde

distance sécuritaire aménagée par le schizoïde comme solution à son dilemme;

partage d’opinion sur la valeur du compromis en lien avec les objectifs du client.

Positionnement contre-transférentiel :

Le conseiller doit s’assurer que le client sache qu’il a droit à sa propre subjectivité et sa propre liberté. Donc de clarifier les

projections maître-esclave et la position du thérapeute dans le processus.

Malgré la grande quantité de recherches menées à ce jour sur l’AM, ainsi que malgré les pistes d’intervention psychothérapiques validées au sein

de celles-ci, peu d’études semblent s’être attardées à examiner le rôle possible de l’Approche Masterson en contexte de développement de

Page 187: Recueil de texte en  counseling

187

l’employabilité. Suite aux constatations faites jusqu’à présent concernant le rôle des conseillers et conseillères en emploi, de la complexification

des problématiques auxquelles ils font face, de la faiblesse de leur formation de baccalauréat quant à la compréhension du fonctionnement

psychologique et des approches d’influence psychodynamique, le questionnement suivant s’impose : quels pourraient être les apports possibles

pour les conseillères et les conseillers en emploi de se former à l’utilisation de l’Approche Masterson afin d’accroître leurs compétences cliniques

au niveau du fonctionnement psychologique?

Intégration possible de l’AM en développement de carrière

À la lumière des informations présentées, l’utilité de l’approche semble de plus en plus claire quant à l’aide qu’elle peut fournir aux conseillères

et aux conseillers pour les aider à mieux comprendre le fonctionnement psychologique de leurs clients. Entre autres, l’utilisation de la triade

dynamique du trouble du soi comme outil de travail fournit aux intervenants une sorte de grille d’analyse leur permettant en quelque sorte de

cartographier le fonctionnement de leurs clients. Et ce, qu’ils aient ou non un trouble de santé mentale diagnostiqué. Plus spécifiquement, cette

façon d’analyser les individus permet aux intervenants, à partir des évènements qui activent les clients, de faire ressortir les affects négatifs reliés

à ces événements et par la suite d’identifier les mécanismes de protection nuisibles mis en place par la personne pour se protéger de ces affects.

Les événements activateurs dont il est question, représentent ici toutes situations qui requièrent la mobilisation et l’utilisation des capacités

d’adaptation et d’autorégulation des clients. Ces capacités faisant partie de la dimension du fonctionnement psychologique. Au niveau du

développement de l’employabilité, les événements activateurs de l’autonomie pourrait entre autres se traduire par une transition de vie comme le

passage à l’adolescence, un départ du foyer familial, le début d’un nouvel emploi, un événement stressant dans la vie des clients, tels qu’une

séparation ou la naissance d’un enfant ou par des problèmes dans la vie de couple.

L’AM offre un cadre théorique décrivant les principes, les concepts et les modalités d’intervention clinique auprès de personnes manifestant

entre autres des difficultés d’adaptation au plan du stress et de l’anxiété, sur le plan de l'autonomie, sur le plan de la connaissance de soi

(identité), sur le plan des relations interpersonnelles et sur le plan de la régulation émotionnelle. Pour le champ disciplinaire du développement de

carrière et de l’employabilité, celle-ci permet un travail approfondi au niveau des résistances, des passages à l’acte, de la mise en place de

mécanismes de défense pouvant faire entrave au processus de relation d’aide et de stratégies personnelles d’insertion professionnelle. En suivant

la logique de l’Approche Masterson, les clients aux prises avec des difficultés d’adaptation auraient des capacités du Soi réel réduites par rapport

Page 188: Recueil de texte en  counseling

188

aux clients ne présentant pas de telles difficultés. Lorsque ça se passe bien, l’individu est capable d’activer son Soi réel11, c’est-à-dire d’identifier

ses intérêts et ses besoins, de les exprimer dans la réalité et de les défendre lorsqu’ils sont attaqués sans être envahi pas des émotions négatives.

L’individu réagit donc de façon adaptée aux situations de la vie qui se présentent à lui. Le Soi réel a deux fonctions, il est le véhicule émotionnel

pour l’expression de soi et il maintient l’estime de soi à travers l’apprentissage et la maîtrise des tâches de la vie. Par contre, lorsque ça se passe

moins bien, on dit que les capacités du Soi réel sont réduites. Cela fait surgir des réactions émotionnelles excessives, vécues comme difficilement

gérables, engendrant chez l’individu la mise en place d’un Soi défensif12 et de mécanismes de défense (mécanismes de protection nuisible). Ces

mécanismes de défense sont efficaces pour bloquer les affects douloureux, mais nuisent souvent à l’adaptation de la personne. Au niveau du

questionnaire de recherche, l’emphase a davantage été mise sur les capacités réduites du soi réel, qui se traduisent dans la vie des individus par

des difficultés d’adaptation. Les questions ont donc été posées en termes de difficultés d’adaptation plutôt qu’en termes de capacités

d’adaptation. Les capacités d’autorégulation et d’adaptation sont à la base de l’identité et de l’autonomie (Bessette, 2010) et s’insèrent à

l’intérieur de la dimension du fonctionnement psychologique décrit précédemment et qui compose les individus avec les dimensions des

ressources personnelles et des conditions du milieu.

Même si le secteur du développement de l’employabilité fournit des services quotidiens auprès des différentes clientèles présentées plus haut, tels

que la clientèle étudiante, les clients aux prises avec des problèmes d’alcoolisme, d’autres souffrant de stress post-traumatique ainsi qu’auprès

d’une population pouvant présenter des symptômes de santé mentale divers, peu d’études semblent s’être intéressées directement à l’utilisation

de l’Approche Masterson dans le contexte du développement de l’employabilité. Néanmoins, Bessette (2007) mentionne des utilisations de

l’approche avec lesquelles il est aisé de faire des parallèles avec le domaine de l’employabilité. Elle mentionne que bien que l’Approche

Masterson a été développé principalement pour les traitements de psychothérapie à moyen et long terme, celle-ci éclaire et enrichit les types

d’interventions à l’intérieur de processus court-terme dans des contextes non psychothérapeutiques, en emmenant aux intervenants une

compréhension du monde intérieur et de la dynamique relationnelle propre à chacune des structures de personnalité. L’auteure nous informe

entre autres que l’Approche Masterson pourrait être utile dans certains contextes, tels que l’éducation en diététique pour les personnes

diabétiques, le maintien à domicile et les groupes d’entrainement aux habiletés parentales. Elle pourrait aussi être utile pour contourner les

11

Le terme « soi réel » fait référence à un Soi sain et en santé, composé principalement d’aspects conscients de la réalité et, dans une moindre mesure, d’aspects inconscients

et de l’ordre de l’imaginaire. (Masterson et Lieberman, 2004) 12

Contrairement au Soi réel, le Soi défensif maintien l’estime de soi non pas par des efforts pour maîtriser la réalité, mais en se défendant contre des affects douloureux. Le

Soi défensif fait référence à une façon d’être, de se percevoir et de percevoir les autres qui est étrangère au Soi réel, qui est principalement « en réaction » aux autres et qui

manque de spontanéité. (Masterson et Lieberman, 2004)

Page 189: Recueil de texte en  counseling

189

difficultés relationnelles et contrer les comportements faisant obstacles aux interventions ne visant pas spécifiquement le trouble de la

personnalité. Malgré que le domaine de l’employabilité n’y soit pas mentionné, on comprend aisément que l’Approche Masterson pourrait

sûrement être utilisée dans le domaine non psychothérapeutique du développement de l’employabilité et y être d’une grande utilité. En particulier

concernant tout ce qui concerne les difficultés relationnelles et les comportements faisant obstacles aux interventions, qui sont souvent présents

dans le contexte des interventions en employabilité. Bessette précise de plus pour appuyer ces dires, que lorsqu’un individu présentant un trouble

de la personnalité utilise un mécanisme de défense tel que le passage à l’acte à l’intérieur d’une relation d’aide, il est facile de s’en apercevoir

dans la relation. Par exemple, cela pourrait se manifester sous forme de retards et d’absences fréquentes du client aux rencontres, par une attitude

passive et impuissante face au processus, par le non-respect du cadre d’intervention, par des demandes irréalistes dépassant le cadre de

l’intervention, par la dévaluation ou l’idéalisation de la conseillère ou du conseiller ou encore lorsqu’un client ne cesse de parler de sujets

secondaires pendant les rencontres. L’auteur mentionne que c’est par ces types de comportements que le client exprime ses affects. Or, ce genre

de comportements est assez fréquent et peut s’observer aisément dans un contexte de relation d’aide en développement de l’employabilité. Il

n’est pas exclusif au seul monde de la psychothérapie. Cela pourrait donc s’avérer fort utile en contexte de développement de l’employabilité.

À la lumière de ces informations, plusieurs interrogations apparaissent : est-ce que les conseillers en emploi sont suffisamment outillés pour

travailler avec des gens présentant ces problématiques? Sont-ils suffisamment outillés pour arriver à modifier leurs interventions de façon à

rejoindre ces clients dans leur dynamique personnelle? S’ils ne sont pas suffisamment outillés pour déceler ces problématiques, comment

pourront-ils référer ces clients vers des ressources mieux adaptées à leur situation?

Page 190: Recueil de texte en  counseling

190

Comprendre l’indécision vocationnelle … Katherine Coté, c.o.13

L’analyse qualitative du verbatim de quinze entrevues enregistrées sur audio avec quinze conseillères et conseillers d’orientation de différents

cégeps de la province de Québec a permis de mettre en lumière leurs perceptions entretenues à l’égard de l’indécision vocationnelle vécue par les

collégiennes et collégiens dans le cadre de leur pratique professionnelle. Cette discussion vise principalement à allier les éléments théoriques

énoncés précédemment à propos de l’indécision vocationnelle avec les perceptions entretenues à cet égard par les conseillères et conseillers

d’orientation interviewés pour cette recherche.

Doutes quant au niveau de maturité vocationnelle

À ce sujet, les conseillères et conseillers en orientation interviewés ont effectivement illustré que le manque de maturité vocationnelle est

dû au jeune âge des collégiennes et collégiens en se basant sur les causes sous-jacentes suivantes : leur développement identitaire inachevé, et

leur connaissance de soi et expériences de vie étant limitées. Cela corrobore tout à fait avec ce que mentionnent le CSÉ (2002), Super (cité dans

Bujold et Gingras, 2000 et dans Poirier et Gagné, 1984), Holland et Holland (1977), Harren (1979), Guay, Ratelle, Senécal, Larose et Deschênes

(2006), Falardeau (2007), Donson (1996, 2003), et Forner (2001, 2007).

13

Coté, Katherine (2012). Les perceptions entretenues par des conseillères et des conseillers d’orientation du réseau d’enseignement collégial public, à l’égard de l’indécision vocationnelle

des collégiennes et des collégiens, dans le cadre de leur pratique professionnelle. Sixième chapitre – Discussion. Rapport d’activités dirigées présenté comme exigence partielle de la maîtrise en

carriérologie. Sous la direction de Louis Cournoyer, professeur. Montréal : Université du Québec à Montréal. Document disponible en ligne :

http://orientationpourtous.blogspot.ca/2012/06/essai-en-ligne-les-perceptions-de-co-du.html

Page 191: Recueil de texte en  counseling

191

En effet, les perceptions des conseillères et conseillers d’orientation concernant leurs doutes quant au niveau de maturité vocationnelle des

jeunes collégiens sont fort probablement influencées par leur cadre d’analyse théorique initial issu de leur formation universitaire où les

approches développementales en orientation leur étaient enseignées. Par exemple, par ses nombreuses publications, Donald E. Super, théoricien,

praticien et chercheur d’une renommée internationale en psychologie développementale au niveau de l’orientation professionnelle, a su

influencer grandement la profession des conseillères et conseillers d’orientation à travers le monde. Ce théoricien a notamment expliqué les

notions de maturité vocationnelle, de concept de soi (image de soi), de rôles de vie, d’influences familiales et socioéconomiques, de stades

développementaux incluant des tâches développementales à réaliser selon des regroupements d’âges approximatifs en lien avec son

développement de carrière.

D’une part, la psychologie développementale comporte l’avantage principal de comprendre son client en orientation à travers ses stades

développementaux franchis au cours des étapes développementales importantes de sa vie personnelle et professionnelle. D’un autre côté, il est de

mise d’éviter de se limiter uniquement à l’approche développementale car les individus ne traversent pas toujours les mêmes stades en même

temps. À vrai dire, il y a sans doute des variations entre les personnes car la psychologie humaine est complexe. Dans ces conditions, l’éclectisme

au niveau des approches utilisées constitue en une alternative à privilégier pour ainsi bien compléter et enrichir ses interventions auprès d’une

clientèle en processus d’orientation.

Perceptions des réactions émotives et comportementales des jeunes indécis

Plusieurs conseillères et conseillers d’orientation ont discouru à propos de différentes réactions émotives et comportementales qu’ils

perçoivent chez les jeunes indécis en processus d’orientation. Entre autres, ils mentionnent différents types d’anxiété dont l’anxiété décisionnelle

qui est passagère et l’anxiété problématique qui empêche la décision de carrière parce qu’elle doit idéalement être traitée en thérapie avec un

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192

psychologue. Ainsi, le facteur de l’anxiété comme réaction émotive face à l’indécision est documenté par Falardeau et Roy (1999), Falardeau

(2007), Forner (2001, 2007), Krumboltz (1992), Harren (1979), Gati, Krauss et Osipow (1996), Savikas (1995), Peterson, Sampson, Reardon et

Lenz (1996), le Guide d’évaluation en orientation, OCCOQ (2010) et Matte (2010). Enfin, avec l’appui des propos des spécialistes de

l’orientation interviewés pour cette présente recherche ainsi que des nombreux chercheurs corroborant le fait que l’anxiété constitue en un facteur

très souvent prédominant en matière d’indécision, il appert de constater que l’anxiété paralyse la décision relative à la carrière ou bien repousse le

délai décisionnel chez les clients indécis. Le rôle du conseiller d’orientation est alors d’évaluer le niveau d’anxiété du client pour voir s’il s’agit

d’une anxiété décisionnelle passagère qui requiert un soutien en counseling d’orientation (ex. : exercices d’introspection, psychométrie,

information scolaire et professionnelle, etc.) pour ainsi soulager graduellement l’ambiguïté reliée au choix professionnel ou bien s’il est question

d’une anxiété chronique et pathologique dans plusieurs sphères de vie qui nécessiterait une référence chez un psychologue.

De surcroît, quelques spécialistes de l’orientation interviewés ont perçu le manque de confiance en soi comme une source plausible

d’indécision qui amène diverses réactions émotives et comportementales telles que l’accumulation d’information de manière compulsive, le

sentiment de confusion face à l’avenir et le maintien de distorsions cognitives (croyances irréalistes) à propos de soi et de son environnement.

Conséquemment, plusieurs auteurs corroborent le fait qu’une lacune au niveau de la confiance en soi (estime personnelle), l’entretien de fausses

croyances et de généralisations à propos de soi et/ou de son environnement nuisent au processus décisionnel (Holland et Holland (1977); Harren

(1979); Peterson, Sampson, Reardon et Lenz (1996); Mitchell et Krumboltz (1996); Guide d’évaluation en orientation, OCCOQ (2010), Gati,

Krauss et Osipow (1996), Falardeau et Roy (1999), Falardeau (2007) et Matte (2010).

Encore au sujet de leurs perceptions, des conseillères et des conseillers d’orientation parlent de certains jeunes qui se décident à la

dernière minute à cause de la situation d’urgence, contrairement à d’autres qui prennent le temps de bien réfléchir sans attendre au dernier

moment. Pour ces personnes indécises, il s’agit donc de réactions diamétralement opposées qui les amènent à consulter en orientation. Tel que

l’ont documenté Falardeau et Roy (1999), certains jeunes veulent complètement éviter le sujet pour remettre à plus tard le moment de choisir par

Page 193: Recueil de texte en  counseling

193

peur de se commettre dans un choix. D’autres n’arrivent jamais à se décider car ils ne cessent d’accumuler de l’information sur plusieurs

professions sans toutefois aller en profondeur (Falardeau et Roy, 1999). Celles-ci constituent alors en des réactions émotives et

comportementales possibles dans une situation d’indécision qui sont très souvent reliées à un sentiment d’anxiété.

En effet, les conseillères et conseillers d’orientation ont reçu une solide formation en counseling pour pouvoir bien dépister les réactions

émotives et comportementales de leurs clients en orientation. Ces derniers sont alors compétents pour reconnaître les réactions comportementales

et émotives qui peuvent bloquer le processus du choix de carrière comme l’anxiété, la procrastination qui amène une décision dans une situation

d’urgence et d’inconfort, le manque de confiance en soi et en l’avenir, etc. En démarche d’orientation, ces spécialistes de l’orientation doivent

alors faire prendre conscience aux clients que certaines de leurs réactions comportementales et émotives peuvent nuire au dénouement du choix

vocationnel.

Pistes d’intervention pour contrer l’indécision vocationnelle

Quelques conseillères et conseillers d’orientation ont discuté à propos de mesures d’aide à l’orientation. Ils ont alors énuméré les mesures

d’aide suivantes pour contrer l’indécision vocationnelle, entre autres, le counseling individuel, les interventions groupales, l’introspection pour

approfondir la connaissance de soi, le testing psychométrique, la réflexion sur les méthodes de prise de décision à privilégier, les activités

d’approche orientante, les rencontres avec des professionnels du milieu, et la documentation sur le marché du travail et les formations reliées.

Effectivement, il appert de bien comprendre que les professionnels de l’orientation doivent varier leurs méthodes d’intervention pour ainsi bien

répondre à différents besoins chez des clientèles variées. Par exemple, une évaluation psychométrique mesurant les intérêts et la personnalité ne

serait pas appropriée pour une personne en dépression, car pendant cette maladie, les intérêts d’un individu sont atténués par l’humeur

dépressive. Dans un autre cas, un test psychométrique et des exercices d’introspection s’avèreraient bénéfiques pour un jeune collégien qui

manque de maturité vocationnelle et qui se connaît peu. Aussi, des ateliers d’approche orientante sont plus dédiés aux étudiants qu’aux adultes

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194

ayant plus de dix années d’expérience sur le marché du travail. En terminant, il existe moult exemples pour démontrer que les conseillères et

conseillers d’orientation doivent se servir de leur jugement professionnel pour ainsi choisir la méthode d’intervention appropriée à la

problématique du client (ex. : santé physique et mentale, situation d’indécision passagère ou chronique, besoins, âge, imminence d’une décision à

prendre, etc.).

Ces spécialistes de l’orientation interviewés mentionnent également que les émotions doivent être prises en compte dans un processus

décisionnel pour que la personne se sente confortable avec son choix. Comme l’ont précisé Peterson, Sampson, Reardon et Lenz (1996) : « le fait

d’exposer une résolution de problème relative à la carrière en tenant compte d’une perspective du traitement cognitif de l’information implique

de reconnaître l’éventail des émotions humaines qui interagissent dans la prise de décision. » (p. 429-430, traduction libre)

De surcroît, les perceptions des conseillères et conseillers d’orientation vont dans le même sens que les auteurs Peterson, Sampson,

Reardon et Lenz (1996) lorsqu’ils stipulent que le client doit communiquer son besoin, analyser sa situation, synthétiser ses options plausibles,

évaluer ses différentes avenues et mettre à exécution son plan d’action tout en ayant considéré ses facteurs de réalité (cycle des habiletés

décisionnelles CASVE). Par la suite, très souvent avec l’aide du conseiller d’orientation, l’individu doit réfléchir sur l’ensemble de son processus

décisionnel. A-t-il mis en œuvre des stratégies gagnantes pour y arriver ? A-t-il vérifié s’il avait le potentiel (cote R, motivation, santé, etc.) pour

s’inscrire dans une telle formation ? (Sampson, Reardon et Lenz, 1996) En fait, les conseillères et conseillers d’orientation interviewés trouvent

important d’amener le jeune à effectuer de la métacognition sur l’ensemble de son processus décisionnel pour que sa démarche d’orientation

fasse du sens et le rende donc plus apte à prendre une décision de façon autonome et que celle-ci soit reliée avec ses propres aspirations.

Krumboltz (1992) mentionne que la société devrait mieux habiliter les gens aux méthodes de prise de décision. Selon Forner (2001), une

absence de méthode de prise de décision peut causer de l’indécision. En effet, Peterson, Sampson, Reardon et Lenz (1996) parlent beaucoup de la

connaissance de soi et de la recherche d’information scolaire et professionnelle comme étant deux étapes primordiales pour en arriver à la prise

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de décision. De surcroît, Gati, Krauss et Osipow (1996) renchérissent que des manques d’informations à propos de soi-même (ses compétences,

valeurs, et intérêts), des professions, des domaines de formation, des méthodes de prise de décision ainsi que des façons d’obtenir des

renseignements pertinents à son plan de carrière constituent en d’autres causes d’indécision professionnelle. Par leur approche basée sur

l’apprentissage social, Mitchell et Krumboltz (1996) stipulent que les jeunes doivent aller découvrir sur le terrain les professions envisagées pour

qu’ils puissent enfin confronter leurs perceptions et possibles préjugés avec la réalité. Ces collégiennes et collégiens sont alors encouragés à aller

rencontrer des professionnels directement dans leur environnement de travail par l’entremise de rencontres d’informations ou bien de stages

d’observation. Puis, les styles décisionnels rationnels, intuitifs et dépendants sont représentés dans le modèle de Harren (1979). En effet, le

conseiller d’orientation doit alors être conscient du style décisionnel de son client pour l’outiller à travailler sa prise de décision en appuyant sur

ses forces et en corrigeant certaines limites associées à son style décisionnel. Par exemple, le style dépendant devra se détacher graduellement de

son attitude passive dans le but d’acquérir une attitude active tout en acceptant la responsabilité de ses choix sans s’en remettre aux autres. De ce

fait, les conseillères et conseillers d’orientation travaillent l’ensemble de ces méthodes d’intervention reliées au travail sur l’identité et aux outils

de prise de décision. De même, le Guide d’évaluation en orientation (2010) définit la pratique de l'orientation des conseillères et conseillers

d’orientation en mentionnant qu’il faut :

« Évaluer le fonctionnement psychologique, les ressources personnelles et les conditions du milieu, intervenir sur l’identité ainsi que

de développer et maintenir des stratégies actives d’adaptation dans le but de permettre des choix personnels et professionnels tout au

long de la vie, de rétablir l’autonomie socioprofessionnelle et de réaliser des projets de carrière chez l’être humain en interaction avec

son environnement. » (p. 3)

Quant qu’à la vulgarisation des informations du monde du travail, Savard, Michaud, Bilodeau et Arseneau (2007) démontrent que

l’intervention d’un conseiller contribue de façon significative dans la prise de décision de carrière du client. « Le conseiller est en mesure de

considérer le profil psychologique particulier de l’individu, sa situation unique et son interaction avec l’environnement. » (Savard, Michaud,

Bilodeau et Arseneau, 2007, p. 161) De plus, suite à une étude sur des adolescents canadiens, Julien (1999) stipule que 59,7 % des jeunes ont du

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196

mal à obtenir les renseignements nécessaires à leur planification de carrière. Julien (1999) ajoute que ces adolescents se sentent dépassés par la

surcharge d’informations sur le monde du travail. En effet, l’intervention d’un conseiller d’orientation s’avère très bénéfique pour contrer

l’indécision et l’anxiété reliées à un choix de carrière dans cette mer d’informations sur le marché du travail. Effectivement, les discours des

conseillères et conseillers d’orientation interviewés vont tout à fait dans le sens des recherches de Savard, Michaud, Bilodeau et Arseneau (2007)

et de Julien (1999). En fait, ces spécialistes de l’orientation interviewés voient l’importance de bien accompagner leurs clients tout au long de

leur processus décisionnel car ces derniers découvrent leur identité personnelle et professionnelle par l’entreprise du counseling d’orientation, de

la vulgarisation des informations sur le marché du travail et des programmes de formation, des animations groupales et de la passation d’outils

psychométriques.

Comme pistes d’intervention, les spécialistes de l’orientation ont entretenu des propos semblables à ceux qu’utilisaient le théoricien Super

(cité dans Bujold et Gingras, 2000 et dans Poirier et Gagné, 1984), soit les étapes développementales de l’exploration, de la cristallisation, de la

spécification ainsi que de la réalisation (actualisation) du choix vocationnel. En fait, ils en ont fait la mention de façon sous-entendue lorsqu’ils

discutaient de l’étape où l’individu explore les diverses facettes de son identité personnelle en lien avec des milieux professionnels différents

(exploration en sous-entendu). Ensuite, le jeune classifie et regroupe les différentes professions en fonction de ses champs d’intérêts qui

commencent à s’éclaircir davantage (cristallisation en sous-entendu). Après, la collégienne ou le collégien prévoit divers scénarios possibles en

fonction de ses préférences professionnelles dans le but de se diriger vers un secteur d’activités plus précis (spécification en sous-entendu). La

dernière étape de consiste alors à planifier les démarches pour ainsi mettre en action son plan de carrière en regardant les facteurs de réalité avec

son conseiller d’orientation tels que la cote R demandée, le soutien familial et financier, les choix de rechange, la distance géographique du choix

d’université, etc. (réalisation en sous-entendu)

Influence de l’environnement social sur la décision en orientation

Page 197: Recueil de texte en  counseling

197

Plusieurs conseillères et conseillers d’orientation interviewés ont expliqué que le choix de carrière se trouvait grandement influencé par le

réseau social du jeune dont la famille, les proches, les amis et ainsi que les environnements scolaires, professionnels, sportifs et communautaires.

Cependant, certaines influences peuvent être bénéfiques, mais d’autres peuvent nuire au processus décisionnel des collégiennes et collégiens.

Cela dépend des types d’interaction sociale que les jeunes entretiennent et de la façon dont ils gèrent les commentaires reçus. Par exemple,

certains étudiantes ont des parents de type contrôlant et se laissent envahir par leurs rétroactions tandis que d’autres s’affirment et agissent

conformément à leurs aspirations intrinsèques. Effectivement, beaucoup d’auteurs cités dans cet essai appuient les perceptions entretenues par les

spécialistes de l’orientation interviewés.

Tout d’abord, Harren (1979) explique l’influence de l’environnement familial et social (amis, enseignants, collègues, patrons, etc.) dans le

choix de carrière par l’entremise de leur encouragement, respect, reconnaissance, soutien psychologique et financier, de la mutualité du choix qui

est assumé par un couple ou une famille, etc. Bien que l’entourage immédiat soit important, Harren (1979) précise que le choix de carrière doit

être vécu par la collégienne ou le collégien avec un niveau ajusté d’autonomie, de maturité interpersonnelle et de conscience de ses buts. Ensuite,

Gati, Krauss et Osipow (1996) et Peterson, Sampson, Reardon et Lenz (1996) ont illustré parmi les sources reliées à l’indécision vocationnelle

que la pression du milieu ajoute un stress au sein du processus décisionnel. Quant à eux, Mitchell et Krumboltz (1996) discourent à propos des

facteurs environnementaux qui reposent sur des influences d’ordre social, économique, politique, culturel, etc. Ainsi, les conditions familiales,

socioéconomiques et communautaires auront un effet majeur sur l’accessibilité à différents contacts professionnels. Or, dans le Guide

d’évaluation en orientation (2010), la famille, les camarades, les collègues de travail et d’études, les patrons et les enseignants font partie

intégrante des conditions du milieu du client à évaluer en processus d’orientation pour ainsi mettre en lumière, entre autres, les possibilités

d’emploi, les valeurs, les échanges relationnels importants ainsi que les différentes influences possibles reliées au choix vocationnel. Aussi, les

conditions du milieu regroupent, entre autres, le contexte socioculturel, institutionnel, organisationnel et économique de la personne. Selon le

Guide d’évaluation en orientation (2010), il est également important de considérer que les contacts et réseaux sociaux font partis des ressources

personnelles de l’individu pouvant l’aider dans son choix. À tous ces égards, les propos des conseillères et conseillers d’orientation interviewés

Page 198: Recueil de texte en  counseling

198

vont sensiblement dans la même direction que ces écrits, sauf que les c.o. n’ont pas précisément spécifié les impacts des milieux

socioéconomiques des jeunes. Ils se sont davantage penchés sur les causes individuelles reliées à l’indécision plutôt qu’aux causes

socioéconomiques.

De surcroît, tel que l’explique Super (cité dans Bujold & Gingras, 2000; Poirier et Gagné, 1984), depuis l’enfance, les influences

familiales, économiques ainsi que les différents rôles de vie joués (étudiant, employé, membre d’une équipe, parent, etc.) façonnent le concept de

soi de la manière dont la personne se perçoit au plan de ses intérêts, compétences et valeurs. En fait, les propos des conseillères et conseillers

d’orientation corroborent tout à fait avec cette vision de Super lorsqu’ils mentionnent que la famille et les proches démontrent des modèles

personnels et professionnels tout en ayant pour fonction d’être des reflets identitaires importants.

D’ailleurs, les chercheurs Guay, Senécal, Gauthier et Fernet (2003) ont stipulé que les perceptions entretenues par une collégienne ou un

collégien sur sa propre autonomie et efficacité personnelle sont influencées par ses relations parentales et amicales. De ce fait, ces personnes

significatives ne doivent pas contrôler le jeune ni le surprotéger dans ses choix, mais bien l’encourager à prendre des actions qui l’inciteront à

développer son autonomie et son sentiment efficacité personnelle en regard à son développement de carrière. En somme, les propos entretenus

par les conseillères et conseillers d’orientation sont donc semblables car ils ont été sensibles au fait que l’entourage de la cégépienne ou du

cégépien puisse influencer la façon dont est perçue l’indécision ainsi que la prise de décision vocationnelle. Cependant, ils n’ont pas été jusqu’à

préciser que l’influence de l’environnement social pourrait jouer sur le sentiment d’efficacité personnelle et d’autonomie du jeune.

Constatations des mesures « actives » entreprises pour l’orientation

En outre, les conseillères et conseillers d’orientation interviewés ont clairement rapporté comme mesures actives entreprises pour

l’orientation : les stages d’observation, les rencontres d’information avec des professionnels, les conférences sur les métiers et les professions

Page 199: Recueil de texte en  counseling

199

ainsi que la sensibilisation des enseignants et des jeunes à l’approche orientante. Effectivement, cela aide énormément les jeunes à clarifier leur

identité personnelle et professionnelle en effectuant des liens entre la matière scolaire et le monde des professions. Ainsi, Pelletier (2004) croient

ardemment aux bénéfices de l’approche orientante et Mitchell et Krumboltz (1996), théoriciens de l’apprentissage social, appuient les visites

d’entreprises, les stages et rencontres d’informations avec les travailleurs du milieu pour aider les collégiennes et collégiens à s’orienter.

L’entrée au collégial : période charnière et transitionnelle

Quelques conseillères et conseillers d’orientation ont mentionné que l’entrée au cégep constituait une période de transition très importante

dans la vie des collégiennes et collégiens. Ces professionnels de l’orientation ont mis en lumière les mêmes propos qu’a avancés le CSÉ (2002),

c’est-à-dire que ces jeunes collégiennes et collégiens commencent leur entrée dans la vie d’adulte et doivent effectuer des choix importants pour

leur avenir personnel et professionnel. Ainsi, le choix vocationnel et le départ du domicile familial sont des tournants majeurs dans la vie de ces

cégépiennes et cégépiens car ils doivent apprendre à devenir autonomes et à vivre avec les conséquences de leurs choix de vie. Alors, s’ils se

trompent de choix de programme d’études, cela aura plusieurs répercussions sur leur vie telles que l’allongement de la durée des études, des

coûts financiers en surplus, et de la persévérance qu’ils devront maintenir plus longtemps pour enfin diplômer, etc. Falardeau et Roy (1999)

stipulent également que l’entrée au collégial est une étape de vie sérieuse qui génère très fréquemment de l’anxiété. De plus, ces auteurs avancent

qu’un jeune sur trois change de programme d’études postsecondaires et que cette indécision atteint parfois leur sentiment de compétence

décisionnelle.

Quelques pistes de réflexion

Bien que les conseillères et conseillers d’orientation interviewés aient mentionné que les jeunes devaient choisir leur carrière assez tôt dans

leur développement identitaire et qu’ils ne sont pas toujours matures au niveau vocationnel, ils n’ont pas amené l’aspect de la pression sociétaire

pour diplômer le plus rapidement possible comme l’ont stipulé Krumboltz (1992), le MELS (2010) et le CSÉ (2002). Cependant, la seule

Page 200: Recueil de texte en  counseling

200

pression sociale qui fut discutée par les conseillères et conseillers d’orientation interviewés a été celle imposée par certains parents. Si

l’échantillon des c.o. interviewés avait été plus grand et par le fait même plus représentatif, peut-être que la notion de pression de la société aurait

été mentionnée.

En outre, Krumboltz (1992) stipule qu’une situation d’indécision professionnelle génère souvent de l’anxiété ou du doute chez les

personnes étant incapables de prendre une décision dans les délais prescrits par les institutions scolaires. En effet, Krumboltz (1992) affirme que,

pour une période momentanée, l’indécision peut être bénéfique et constructive pour explorer des avenues avant de prendre une décision plus

définitive. Ainsi, les spécialistes de l’orientation interviewés pour cet essai ont exprimé de façon partielle que l’indécision vocationnelle pouvait

être un moment d’arrêt bénéfique pour se positionner sur son choix de carrière. En fait, ces professionnels de l’orientation ont expliqué que

certains jeunes avaient besoin d’aller travailler ou d’aller expérimenter d’autres choses car certains collégiens ne se sentent pas prêts à prendre

une décision. Aussi, à la lecture flottante du verbatim des c.o., l’indécision vocationnelle était davantage expliquée sous un angle problématique

tout en amenant des pistes de solutions, entre autres, l’introspection avec ou sans l’aide des tests psychométriques, l’acquisition d’expériences

nouvelles, l’influence positive de l’environnement, les stages d’observation, les activités orientantes, etc. Une intéressante piste de réflexion

serait : est-ce que l’indécision vocationnelle est une situation peu souhaitable ou bien nécessaire à l’étape de la découverte identitaire dès l’entrée

au collégial des jeunes collégiennes et collégiens ? La société n’influencerait-elle pas notre perception de l’indécision ?

De même, plusieurs auteurs mentionnent que les personnes doivent développer une bonne capacité d’adaptation pour faire face à ce

monde complexe et incertain du marché de l’emploi qui subit des changements multiples et constants (Donson, 2003; Forner 2001, 2007;

Krumboltz, 1992). Sur ce point, Forner (2007) précise que « chacun doit réajuster constamment son information et donc ses projets et, pour

s’adapter, ne prendre de décision que le plus tard possible. » (p. 227) À première vue, les conseillères et conseillers d’orientation ne semblent pas

avoir élaboré ces éléments, mais en fait, ils les sous-entendent partiellement lorsqu’ils expliquent qu’il faut tenir compte des conditions du

marché du travail pour effectuer une adéquation viable avec le profil personnel et professionnel du client. Toutefois, les spécialistes en

Page 201: Recueil de texte en  counseling

201

orientation ne mentionnent pas explicitement qu’il faille prendre une décision le plus tard possible comme le stipule Forner (2007). Or, le délai

décisionnel dépend de nombreux facteurs psychosociaux selon les conseillères et conseillers d’orientation interviewés tels que le soutien familial,

le niveau d’estime personnelle, les conditions de santé, les obligations personnelles et familiales, etc. Par ailleurs, il serait intéressant

d’interviewer des conseillères et conseillers d’orientation dans le cadre d’une autre recherche à propos de leurs représentations sociales de

l’indécision. En fait, dans ce présent essai, ces derniers nous ont davantage fait état des causes individuelles et psychologiques reliées à

l’indécision vocationnelle dont l’anxiété passagère ou chronique, le manque de confiance en soi, les lacunes au niveau de la maturité

vocationnelle, le manque d’expériences de vie et de connaissance de soi des jeunes adultes, etc.

Page 202: Recueil de texte en  counseling

202

Comprendre l’épuisement professionnel Éric Péloquin, c.o.14

L’épuisement professionnel est un concept faisant l’objet d’une quantité très importante de recherches scientifiques. Donc, les descriptions

proposées n’ont pas la prétention d’être exhaustives. Toutefois, elles représentent tout de même un grand survol des approches conceptuelles et

des stratégies d’intervention développées par des chercheurs et des professionnels très reconnus dans leur domaine respectif.

Une notion souvent confondue

De récentes recherches démontrent que l’épuisement professionnel peut être différencié des autres troubles mentaux. Plus spécifiquement,

Schaufeli (2003) mentionne : « L’épuisement professionnel peut être considéré comme un trouble mental qui peut être différencié cliniquement

et empiriquement des autres troubles mentaux, plus particulièrement la dépression15

» (p. 5). Selon Freudenberger (1987), l’épuisement

professionnel est « […] généralement temporaire et orienté vers une situation précise dans la vie d’une personne […]. Une personne dépressive

risque de se sentir coupable de tout ce qui ne va pas, celle qui est en train de se brûler aura plutôt tendance à éprouver de la colère » (p. 73). De

plus, le fait que l’épuisement professionnel est relié au milieu du travail est un autre élément qui le distingue de la dépression, dont « l’état

dépressif est prolongé et s’étend à tous les aspects de la vie d’une personne » (Ibid.).

Versus la dépression

14 Péloquin, Éric (2012). Les pratiques des conseillers et des conseillères d’orientation auprès de personnes en situation d’épuisement professionnel Rapport d’activité dirigée présenté à la faculté

d’éducation en vue de l’obtention de la maîtrise en orientation profil : carriérologie. Document disponible en ligne : http://orientationpourtous.blogspot.ca/2012/06/essai-en-ligne-eric-peloquin-

sur-les.html

Page 203: Recueil de texte en  counseling

203

Selon Schaufeli et Enzmann (1998), la forte corrélation entre l’épuisement professionnel et la dépression vient du fait que les deux partagent des

symptômes similaires, notamment la perte d’énergie, le manque de motivation au travail et une attitude négative envers la vie. Malgré quelques

similitudes, la distinction fut officiellement confirmée par les travaux de Bakker et associés (2000), et plus récemment par les travaux d’Ahola et

Hakanen (2007). Pour Schaufeli (2003), cette différence a des implications pratiques et politiques importantes puisque cela sous-entend que

l’épuisement professionnel devrait avoir un statut officiel et reconnu comme étant une raison légitime d’absence, de congés de maladie et

d’incapacités à travailler.

Versus la détresse psychologique

Pour ce qui est de la détresse psychologique, le point de vue de Marchand (2004) nous renseigne un peu plus. Selon lui, la « notion de détresse

psychologique se présente comme la plus générale dans sa définition et sa mesure, car elle chevauche à la fois les divers signes d’un déséquilibre

psychique décrits et mesurés par les notions de dépression et d’épuisement professionnel » (p. 12). Elle est plus particulièrement associée à la

phase prépathologique. Lorsqu’elle n’est pas traitée, la détresse psychologique peut entraîner des conséquences plus graves comme l’épuisement

professionnel ou même la dépression sévère et l’alcoolisme par exemple (Ibid.).

Versus le surmenage

Le surmenage, à la différence de l’épuisement professionnel, n’est pas nécessairement une conséquence directe du stress. Il est principalement

relié à la quantité de travail effectuée. En fait, le surmenage est défini comme étant un « ensemble de troubles résultant d’un exercice excessif,

d’un excès de travail » (Le Petit Robert, 2011). Travailler de façon excessive entraîne donc une très grande fatigue qui mène ainsi au surmenage.

Plus précisément, Ahola et al. (2007) soulignent que le surmenage prédispose à l’épuisement professionnel.

Page 204: Recueil de texte en  counseling

204

Une notion à circonscrire

Il existe plusieurs définitions, concepts et théories sur l’épuisement professionnel. Une des définitions les plus générales qu’il est possible de

trouver sur l’épuisement professionnel est la suivante : « L’épuisement professionnel est un syndrome psychologique en réponse à une exposition

chronique et prolongée au stress en milieu de travail16

» (Maslach et al., 2001, p. 399). Dans cette définition, la notion de stress est importante.

Selye, dont les concepts théoriques sont présentés par l’ouvrage de Sauvé (1997), précise que le stress « […] est un ensemble de perturbations

organiques, psychiques, provoquées par des agents stresseurs qui entraînent des perturbations dans l’organisme » (p. 13). Il existe plusieurs

formes de stress; Selye en identifie quatre catégories, soit les bons stress (eustress), les mauvais stress (détresse), les stress extrêmement plaisants

(hyperstress) et les stress extrêmement déplaisants (hypostress). Ainsi l’important sera donc de « […] trouver un équilibre entre les forces

destructrices qui sont les extrémités (hyperstress et hypostress) et de découvrir plus de bons stress que de mauvais stress » (Ibid., p. 18). Selye

précise qu’une personne soumise à plusieurs mauvais stress pendant une période prolongée va vivre un processus en trois phases, c’est-à-dire une

phase de réaction d’alarme, une phase de résistance et une dernière phase d’épuisement qui « […] par suite d’une exposition longue et continue

au même agent stressant auquel le corps s’[est] adapté, l’énergie d’adaptation est finalement épuisée » (Ibid., p. 10-11). Ce processus en trois

phases est ce qu’il nomme le syndrome général d’adaptation. Une personne sera donc stressée « […] quand l’intensité du stress accumulé

dépasse son seuil optimal d’adaptation » (Ibid., p. 11). Lazarus et Folkman (1984) abondent en ce sens en mentionnant que le stress

psychologique résulte d’un déséquilibre entre les demandes imposées par l’environnement et la capacité de l’individu à s’y adapter en fonction

de ses ressources personnelles. Toutefois, dans leur définition du stress, ils apportent une nuance importante. Le stress peut aussi apparaître

lorsqu’une personne perçoit que les ressources dont elle dispose sont insuffisantes pour faire face aux demandes. Ainsi, selon cette conception, la

perception du manque de ressources autant que le manque de ressources lui-même peuvent tous les deux provoquer une réaction de stress chez

un individu (Ibid.).

Quelques années plus tard, une nouvelle théorie sur le stress fut également proposée par Hobfoll (1989). Selon sa conception, le stress provient

d’une réaction à l’environnement particulièrement en lien avec les ressources. Sa théorie comporte deux aspects importants. D’une part, le stress

apparaît chez un individu lorsqu’il y a une menace de perdre des ressources ou une perte réelle. D’autre part, lorsqu’une personne perçoit que son

investissement en ressources (temps, énergie, etc.) ne lui rapportera pas beaucoup de gains également en ressources (reconnaissance, statut,

argent, etc.), cela provoque du stress (Ibid.). Par exemple, une personne pourrait faire preuve de dévouement pendant plusieurs années pour

16 Traduction libre

Page 205: Recueil de texte en  counseling

205

obtenir une promotion et apprendre un jour que le poste a été offert à un nouvel employé. L’iniquité que cela provoque et la frustration d’avoir

investi autant de ressources pour peu de récompenses pourraient engendrer une escalade de stress chez cette personne. Enfin, selon ce même

Hobfoll (1989), les individus recherchent activement le plaisir et le succès dans la vie et selon lui, ce courant psychologique fut ignoré dans les

théories du stress.

Le concept de stress et d’épuisement professionnel peut également être abordé sous l’angle de l’inhibition de l’action, théorie élaborée par

Laborit.

Celle-ci (l’inhibition de l’action) peut être considérée comme adaptative puisque résultant de l’impossibilité de la fuite et de

l’insuffisance de la lutte. Si cette dernière était poursuivie, elle aboutirait à la mort de l’individu soit par destruction par l’agresseur,

soit par épuisement. Mieux vaut alors l’inhibition et celle-ci, répétons-le, ne peut être que secondaire à l’apprentissage de

l’inefficacité de l’action (Laborit, 1986, p. 195).

L’inhibition de l’action est donc un moyen d’adaptation pour un individu qui fait face à des situations stressantes, et tout comme le syndrome

général d’adaptation de Selye, il peut, à la suite d’une longue exposition, entraîner des individus vers l’épuisement. Dans une situation où un

employé vit énormément de stress au travail et que ce stress dépasse un certain seuil critique, il peut arriver qu’il se sente coincé entre son

insécurité de quitter son travail (obligations financières, peu d’emplois dans le domaine, etc.) et son incapacité à modifier ses conditions de

travail (peu de pouvoir, peur de congédiement, etc.). Ainsi, comme le mentionne Laborit, quand la fuite et la lutte sont impossibles ou semblent

impossibles, l’employé acceptera de s’adapter à des niveaux de stress élevé souvent au péril de sa santé et parfois même jusqu’à l’épuisement.

Dans une optique plus biologique, une méta-analyse de 147 études sur le sujet démontrait récemment que le stress relié au travail et le stress de la

vie en général produisent une augmentation de cortisol dans l’organisme (Chida et Steptoe, 2008, p. 275). Le cortisol est une hormone qui,

produite sous l’effet du stress, modifie certains aspects biologiques (taux de sucre, pression sanguine, etc.) et qui permet à l’organisme de réagir

pour combattre le stress. Cette même recherche démontrait que les facteurs psychosociaux comme la fatigue et l’épuisement professionnel par

exemple, empêchent la production de cortisol. Ne produisant plus suffisamment de cortisol pour combattre le stress, les personnes deviennent

ainsi vulnérables aux effets du stress (Ibid.). Une autre étude, celle-ci effectuée par Mommersteeg et al. (2006), en arrive aux mêmes conclusions,

mais en spécifiant que les taux de cortisol sont particulièrement bas après le réveil matinal.

Page 206: Recueil de texte en  counseling

206

À ce jour, l’épuisement professionnel n’est pas cliniquement et officiellement reconnu comme une maladie parce qu’il ne figure toujours pas

dans le Diagnostic and Statistical Manual (DSM IV), le manuel médical des troubles mentaux conçu par l’American Psychiatric Association

(APA) aux États-Unis, ni dans la Classification internationale des maladies (CIM-10) de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). C’est

pourquoi il est encore considéré comme étant un syndrome qui est défini comme suit : « Un ensemble de plusieurs symptômes ou signes en

rapport avec un état pathologique donné et permettant, par leur groupement, d’orienter le diagnostic » (Dictionnaire Larousse, 2011). Selon

Schaufeli (2003), les expériences cliniques en Europe démontrent que les employés souffrant d’épuisement professionnel qui ont reçu un

traitement psychothérapeutique, mentionnent avoir des symptômes qui se rapprochent particulièrement du diagnostic de neurasthénie du CIM-10

(p. 3). La neurasthénie est définie comme étant une « névrose caractérisée par une grande fatigabilité, des troubles psychiques et physiques » (Le

Petit Robert, 2011). Ce diagnostic se retrouve dans le cinquième chapitre du CIM-10 concernant les troubles mentaux et comportementaux et

précisément dans la catégorie des troubles neurologiques, somatiques et reliés au stress. L’Organisation mondiale de la Santé (2007) présente la

neurasthénie sous deux formes possibles. La première forme est associée à une augmentation de la fatigue après un effort mental et souvent

accompagnée d’une diminution de la performance au travail et de la capacité d’adaptation. L’autre forme met l’accent sur les sentiments de

faiblesses physiques, et ce, après un effort minimal seulement, en plus d’être accompagnée de douleurs musculaires et d’une incapacité à se

détendre.

Au Québec, comme le précise Lafleur (1999), les médecins vont opter pour « […] un congé pour trouble de l’adaptation avec humeur dépressive,

parce qu’on ne trouve pas encore le diagnostic d’épuisement professionnel dans les gros livres de psychiatrie; cette forme de souffrance n’a donc

pas encore de numéro de code dans les formulaires des compagnies d’assurances » (p. 15). Ce diagnostic se retrouve dans l’axe 1 du DSM IV

concernant les troubles psychiatriques. Selon le DSM IV, le trouble de l’adaptation s’associe au développement de symptômes dans les registres

émotionnels et comportementaux, en réaction à un ou plusieurs facteur(s) de stress identifiable(s), au cours des trois mois suivant la survenue de

celui-ci (ceux-ci). De plus, ces symptômes ou comportements sont cliniquement significatifs s’ils s’avèrent : 1) une souffrance marquée, plus

importante qu’il n’était attendu en réaction à ce facteur de stress; 2) une altération significative du fonctionnement social ou professionnel

(scolaire); une perturbation liée au stress ne répond pas aux critères d’un autre trouble spécifique de l’axe 1 et n’est pas simplement

l’exacerbation d’un trouble préexistant de l’axe 1 ou de l’axe 2; et 3) les symptômes doivent également s’associer à autre chose que l’expression

d’un deuil et ne pas persister plus de six mois. Concernant l’humeur dépressive, il est mentionné que « ce sous-type doit être utilisé lorsque les

manifestations prédominantes sont des symptômes tels qu’une humeur dépressive, des pleurs ou des sentiments de désespoir » (Mini DSM-IV-

TR, 2004, p. 282).

Page 207: Recueil de texte en  counseling

207

Une variété d’approches conceptuelles

L’émergence de l’épuisement professionnel et l’intérêt suscité pour la recherche ont incité plusieurs professionnels à élaborer des approches

conceptuelles pour mieux comprendre et illustrer le phénomène. Il semble toutefois qu’aucune approche ne puisse rendre compte à elle seule de

l’immense complexité de l’épuisement professionnel (Schaufeli et Enzmann, 1998). Malgré cette affirmation, les conceptualisations proposées

dans la littérature scientifique peuvent tout de même être regroupées en deux grandes catégories d’approches distinctes, soit les approches

individuelles et les approches interactionnelles et organisationnelles.

Tableau 3

Catégorisation des différentes approches conceptuelles du syndrome d’épuisement professionnel

Catégories d’approches Approches conceptuelles

Individuelles

Approche psychologique (idéalisme)

Approche existentialiste

Approche des traits de personnalité

Interactionnelles et

organisationnelles

Approche transactionnelle de Cherniss

Approche relationnelle de Maslach

Approche relationnelle de Leiter

Modèle organisationnel de Maslach et Leiter

Modèle de Karasek

Modèle de Siegrist

Modèle de Bakker et Demerouti

La première catégorie regroupe les approches individuelles aussi appelées approches cliniques, dont l’attention est portée principalement sur les

observations cliniques, l’analyse des traits de personnalité, des fonctionnements psychologiques, des comportements, des valeurs de l’individu et

autres qui entravent l’adaptation en milieu de travail. La deuxième catégorie regroupe les approches interactionnelles et organisationnelles, c’est-

Page 208: Recueil de texte en  counseling

208

à-dire qu’elles priorisent l’analyse de l’interaction entre les facteurs individuels d’une personne et le contexte de travail en particulier. Ces

approches sont considérées comme étant scientifiques parce qu’étant mieux supportées par les recherches empiriques (Schaufeli, 2003). Les

approches individuelles sont surtout basées sur des observations qualitatives et expérientielles qui manquent parfois de support empirique parce

que plus difficilement quantifiables (Ibid.). Le choix d’une approche ou d’une autre dépend majoritairement des croyances du chercheur et des

besoins d’utilisation. Un psychothérapeute priorisera sûrement le plan individuel tandis qu’un consultant en entreprise sera plus intéressé à

comprendre l’épuisement professionnel en contexte organisationnel (Ibid.).

Les approches individuelles

Freudenberger, par ses observations cliniques, est le premier à avoir inspiré cette catégorie d’approche. L’emphase est orientée vers le diagnostic,

la relation d’aide, l’accompagnement individuel et la réhabilitation (Schaufeli, 2003). L’analyse des symptômes et des facteurs individuels reliés

à l’épuisement professionnel est priorisée.

L’approche psychologique (idéalisme)

Freudenberger (1987) dit : « Tous ces gens avaient au départ de grandes espérances et des visions de réussite éclatante, […] pendant la plus

grande partie de leur vie, ils avaient été pleins d’enthousiasme, d’énergie et d’optimisme » (p. 14). Dans la même optique que Freudenberger,

pour Edelwich et Brodsky (1980), l’épuisement professionnel représente une perte progressive d’idéalisme, d’énergie et de sens au travail. Le

modèle en quatre phases qu’ils ont proposé (l’enthousiasme, la stagnation, la frustration et la démoralisation) a contribué à l’avancement des

recherches de l’épuisement professionnel, notamment en tant que processus graduel.

La phase d’enthousiasme représente l’idéalisme et l’ambition de la personne. Elle est caractérisée par un très haut degré d’investissement en

temps et en énergie pour l’organisation dont elle fait partie. La phase de stagnation apparaît lorsque la personne se rend compte que malgré ses

efforts constants, les résultats ne sont pas à la hauteur de ses attentes personnelles ou tout simplement non reconnus. La personne tentera d’y

remédier en redoublant d’efforts, le niveau de stress augmentant. La phase de frustration est caractérisée par des signes sérieux comme la fatigue

et la déception et beaucoup de difficultés à gérer les tensions (irritabilité, cynisme, colère, etc.). Enfin, la phase de démoralisation représente le

Page 209: Recueil de texte en  counseling

209

sentiment de vide intérieur, la personne perdant tout intérêt pour son travail. À cette étape, l’absentéisme et l’évitement des clients, des collègues

et des patrons sont plus présents. La personne n’offre plus aucune résistance (Edelwich et Brodsky, 1980).

L’objectif de cette approche vise donc une modification sur le plan des valeurs et des besoins des individus. Comme le mentionne

Freudenberger (1987), « la perception, l’image que l’on a de nous, nous empêche de percevoir que nos problèmes sont peut-être reliés à des

facteurs internes » (p. 25). L’idée principale sera donc de remplacer l’idéalisme problématique par un réalisme mieux adapté et ainsi éviter de

revivre chacune des phases qui mènent à l’épuisement professionnel.

Page 210: Recueil de texte en  counseling

210

L’approche existentialiste

Pour Pines, l’échec d’une personne dans sa quête pour donner un sens à son existence constitue l’essence de sa conception de l’épuisement

professionnel. Selon elle, « les gens idéalistes travaillent dur parce qu’ils s’attendent à ce que leur travail fasse partie d’un tout plus grand et que

cela donne un sens à leur existence17

» (Pines, 1996, p. 83). Sa conception est illustrée par la figure suivante :

Figure 1

Modèle de l’approche existentialiste de Pines

Source : Schaufeli et Enzmann (1998, p. 112)

Son modèle, inspiré de la psychologie existentialiste, distingue trois types de motivations au travail. Les motivations universelles (ex. : recherche

de succès et d’appréciation), les motivations spécifiques à la profession (ex. : impact sur les clients) et les motivations personnelles quant au type

17 Traduction libre

Buts et attentes Motivations universelles

Motivations spécifiques à la profession Motivations personnelles

Environnement de travail supportant

Environnement de travail stressant

Buts et attentes comblés

Succès

Buts et attentes non comblés

Échec

Sens existentiel Épuisement professionnel

Page 211: Recueil de texte en  counseling

211

de travail (ex. : le fait d’aimer le métier). Advenant qu’une personne ne réussisse pas à satisfaire ces motivations, elle vivra des sentiments

d’échec qui mèneront progressivement à l’épuisement professionnel.

L’approche des traits de personnalité

Au-delà de l’idéalisme et de la quête de sens, certaines approches conceptuelles ont mis l’accent sur certains traits de personnalité ou

fonctionnements psychologiques pouvant avoir une incidence sur les cognitions, les émotions et les comportements en milieu de travail. Selon

Alacorn et al. (2009), les traits de personnalité suivants, incluant les cinq traits du Big Five (névrosisme, extraversion, ouverture à l’expérience,

caractère consciencieux et agréabilité), doivent être considérés :

Tableau 4

Traits de personnalité et leur influence sur le développement de l’épuisement professionnel

Traits de personnalité favorisant l’épuisement professionnel Traits de personnalité ne favorisant pas l’épuisement professionnel

Faible estime de soi Bonne estime de soi

Sentiment d’efficacité personnelle faible Sentiment d’efficacité personnelle élevé

Instabilité émotionnelle Stabilité émotionnelle

Locus de contrôle externe Locus de contrôle interne

Introversion Extraversion

Caractère insouciant Caractère consciencieux

Désagréabilité Agréabilité

Affectivité négative Affectivité positive

Négativisme Optimisme

Personnalité inactive Personnalité proactive

Abdication Résistance

Source : Alacorn et al. (2009)

Page 212: Recueil de texte en  counseling

212

L’analyse de la personnalité permettra, selon cette approche conceptuelle, d’identifier des façons de penser (cognitions), des sentiments ou des

comportements qui favorisent l’apparition de l’épuisement professionnel. Par exemple, une personne dont le locus de contrôle est externe doublé

d’une personnalité inactive risque d’entretenir l’idée que l’employeur est responsable du problème et qu’il lui revient de procéder à des

changements dans sa façon de faire. Au contraire, une personne dont le locus de contrôle est interne et dotée d’une personnalité proactive prendra

probablement l’initiative de provoquer lui-même des changements pour retrouver une situation plus convenable. En terminant, comme le

mentionnent Alacorn et al. (2009), même si des interventions organisationnelles sont effectuées pour modifier l’environnement de travail, il

restera toujours quelques individus qui vivront de l’épuisement professionnel en raison de leurs traits de personnalité.

Les approches interactionnelles et organisationnelles

L’analyse de l’interaction entre l’individu et l’environnement constitue l’objectif de recherche et de conception de ces approches. Elles furent

grandement inspirées par de Maslach. Tel que mentionné plus tôt, elles sont influencées par un mélange des facteurs relationnels, sociaux et

organisationnels (Schaufeli, 2003).

L’approche relationnelle de Maslach

Maslach considère l’épuisement professionnel comme étant « une expérience individuelle négative incorporée dans un contexte de relations

interpersonnelles au travail qui implique la conception professionnelle de soi-même et des autres18

» (Schaufeli et Enzmann, 1998, p. 115). Cette

expérience individuelle négative, en réaction aux différents stresseurs en milieu de travail, comporte trois composantes, soit l’épuisement

émotionnel, la dépersonnalisation et la réduction du sentiment d’efficacité personnelle. Cette dernière composante n’était pas incluse dans la

conception de Cherniss (1980). Sa conception de l’épuisement professionnel représente un continuum qui peut être illustrée de la façon suivante :

18 Traduction libre

Page 213: Recueil de texte en  counseling

213

VS

VS

VS

Figure 3

Conception de l’approche relationnelle de Maslach

Source : Maslach, 2008, p. 498

L’épuisement émotionnel et physique est la composante reliée aux effets du stress sur l’énergie de la personne. Elle réfère à la réduction des

ressources personnelles physiques et émotionnelles (Maslach, 2008). La dépersonnalisation, quant à elle, fait référence à l’attitude et aux

relations interpersonnelles en milieu de travail. C’est une forme de réponse détachée et négative envers plusieurs aspects du travail (Ibid.). Enfin,

la réduction du sentiment d’efficacité personnelle représente la dimension évaluative de la personne; elle réfère aux sentiments d’incompétence,

au faible degré d’accomplissement et de productivité au travail (Ibid.).

Ainsi, selon Maslach, une personne soumise à de mauvais stress pendant une longue période de temps commencera par vivre un épuisement

physique et émotionnel. Dans le cas contraire, la personne sera pleine d’énergie. En conséquence à l’épuisement émotionnel et physique, des

comportements de dépersonnalisation commenceront à apparaître envers la clientèle, les collègues et la direction de l’entreprise. Dans le cas

contraire, la personne démontrera un bon niveau d’engagement pour l’entreprise. Finalement, après un certain temps, l’épuisement émotionnel et

la dépersonnalisation entraîneront une réduction du sentiment d’efficacité personnelle. En général, les recherches sur l’épuisement professionnel

ont établi la séquence entre l’épuisement émotionnel et physique et la dépersonnalisation. Toutefois, le lien avec la réduction du sentiment

d’efficacité personnelle est moins clair; les données actuelles soutiennent le développement simultané de la troisième dimension plutôt que sous

Épuisement émotionnel et physique

Énergie

Dépersonnalisation Engagement

Réduction du sentiment d’efficacité personnelle

Sentiment d’efficacité personnelle

Stresseurs

Page 214: Recueil de texte en  counseling

214

forme de séquence (Maslach et al., 2001). Les conclusions des travaux de Lee et Ashforth (1996) vont aussi en ce sens. Leurs résultats

démontrent que la réduction du sentiment d’efficacité personnelle se développe très indépendamment de l’épuisement émotionnel et de la

dépersonnalisation.

Cette conceptualisation de l’épuisement professionnel fut tout de même l’inspiration majeure dans la construction du Maslach Burnout

Inventory : Human Services Survey (MBI-HSS) et du Maslach Burnout Inventory : Educators Survey (MBI-ES). Étant donné la croyance de

départ voulant que l’épuisement professionnel soit relié aux professions aidantes, les outils étaient orientés en ce sens (Maslach, 2001). Toutefois,

depuis que certaines recherches ont démontré que l’épuisement professionnel n’était pas uniquement relié aux professions aidantes, le Maslach

Burnout Inventory : General Survey (MBI-GS) fut également créé. Il est adapté pour être utilisé dans l’ensemble des professions. La structure des

trois composantes est similaire à la version originale (Schaufeli, 2003). Il existe également une version française du premier inventaire qui fut

traduit et validé au Québec (Dion et Tessier, 1994).

Page 215: Recueil de texte en  counseling

215

Conception de Leiter

Toujours selon l’approche relationnelle et basée principalement sur les travaux de Maslach, la conception de l’épuisement professionnel de Leiter

rassemble différents concepts. Sa conception intègre de nouveaux éléments découverts par la recherche notamment la distinction entre les

demandes qualitatives et quantitatives et leur influence sur les composantes de l’épuisement professionnel. Voici une représentation graphique de

sa conception :

Figure 4

Conception de l’épuisement professionnel selon Leiter

Source : Schaufeli et Enzmann, 1998 p. 118

Selon cette conception, les demandes interpersonnelles (ex. : conflits avec un collègue) et les demandes sur la charge de travail (ex. : temps

supplémentaire) ont un impact sur l’épuisement émotionnel et physique. Le fait de manquer de ressources pour faire face aux demandes aurait

plutôt un impact sur la dépersonnalisation et sur la réduction du sentiment d’efficacité personnelle. Les conclusions de Lee et Ashforth (1996)

sont venues confirmer cette conceptualisation. Leur méta-analyse confirme deux choses en particulier. La première est que les individus sont plus

sensibles aux demandes imposées qu’aux ressources obtenues pour faire face à ces demandes (Ibid.). La deuxième est que les associations entre

les demandes et les ressources et les trois dimensions sont concordantes avec les explications de l’épuisement professionnel (Ibid.)

Demandes interpersonnelles (qualitatives)

Demandes sur charge de travail (quantitatives)

Épuisement émotionnel et physique

Dépersonnalisation

Réduction du sentiment d’efficacité personnelle

Manque de ressources

Page 216: Recueil de texte en  counseling

216

Modèle organisationnel de Maslach et Leiter

Toujours suivant l’idée que l’épuisement professionnel résulte de l’interaction entre les individus et leur environnement de travail, les recherches

ont conduit Maslach et Leiter à vouloir identifier, plus en profondeur, les facteurs organisationnels qui en seraient responsables. Les conclusions

des recherches ont permis l’identification de ces six facteurs organisationnels :

Tableau 5

Facteurs organisationnels en cause dans le développement de l’épuisement professionnel

Facteurs organisationnels Explications

Charge de travail Fait référence à la quantité élevée de travail exigée par l’entreprise.

Peu de contrôle sur son travail Fait référence à l’incapacité de modifier les conditions de travail.

Manque de reconnaissance Fait référence au manque d’appréciation pour le travail effectué.

Sentiment d’iniquité Fait référence aux injustices vécues en milieu de travail.

Faible soutien social Fait référence aux conflits relationnels non résolus en milieu de travail.

Conflits de valeurs Fait référence à l’incompatibilité des valeurs de l’entreprise et de l’individu.

Source : Maslach (2008)

La charge de travail, lorsqu’elle excède les limites personnelles d’un individu, contribue à l’épuisement physique et émotionnel. Une

augmentation de la charge de travail quantitative autant que qualitative diminue la capacité d’une personne pour y faire face. Lorsque la charge

de travail est trop élevée, qu’elle devient une condition chronique en entreprise et que les occasions de repos et de récupération se font plus rares,

les ressources d’un individu finiront par se consumer tranquillement pour entraîner éventuellement une fatigue extrême.

Le peu de contrôle sur son travail, aussi appelé le manque d’autonomie, contribue également à l’épuisement professionnel. Avoir l’occasion et un

certain pouvoir d’organiser son travail permet à un individu, en entreprise, de trouver un meilleur équilibre personnel, et ce, spécifiquement

lorsque des situations stressantes surgissent. Dans le cas contraire, l’incapacité de modifier certaines conditions de travail, d’avoir accès à des

Page 217: Recueil de texte en  counseling

217

ressources ou tout simplement de ne pas avoir l’autorité suffisante pour prendre des décisions rendent la personne impuissante et vulnérable aux

événements. C’est le cas notamment lorsque les pouvoirs décisionnels sont confus dans l’entreprise, ce qui donne lieu à des conflits de rôle.

Le manque de reconnaissance en milieu de travail est aussi lié à l’épuisement professionnel. Le fait de ne pas se sentir reconnu (financièrement,

socialement et institutionnellement) contribue particulièrement à la réduction du sentiment d’efficacité personnelle. Au contraire, une personne

qui reçoit suffisamment de reconnaissance pour le travail qu’elle accomplit ressentira une satisfaction intrinsèque plus grande, ce qui lui fournit

des ressources supplémentaires pour faire face à des périodes de stress importantes.

Le sentiment d’iniquité peut aussi être source d’épuisement professionnel. Lorsqu’une personne perçoit des injustices sur le plan des conditions

salariales, des charges de travail, des privilèges et promotions accordés ou même des évaluations, elle aura le sentiment de ne pas être respectée

et estimée à sa juste valeur. L’équité est essentielle pour favoriser un sentiment de collégialité entre les individus travaillant pour une même

entreprise. Dans le cas contraire, le sentiment d’iniquité provoque une colère et une frustration qui mènent à l’épuisement émotionnel et au

cynisme envers les collègues avantagés, la direction et en bout de ligne, envers les clients dans certains milieux.

Le faible soutien social est aussi un facteur à considérer en lien avec l’épuisement professionnel. Parfois, c’est l’organisation du travail comme

telle qui ne favorise pas les relations. Mais généralement, ce sont des conflits non résolus entre des personnes qui entraînent de l’épuisement

émotionnel. Le soutien social est une ressource importante pour faire face à des situations stressantes. En l’absence de soutien social, une

personne se sentira isolée et beaucoup plus vulnérable aux effets psychologiques du stress.

Enfin, le dernier facteur organisationnel qui contribue à l’épuisement professionnel est le conflit de valeurs. Dans certains milieux, des gens

peuvent se sentir contraints d’effectuer des tâches qui ne sont pas en accord avec leurs valeurs ou leur niveau d’éthique personnel. Devoir mentir

pourrait être un exemple. Le conflit de valeur peut également émerger d’une différence entre les aspirations professionnelles d’une personne et la

mission de l’entreprise. Une personne qui demeure dans un environnement dont les valeurs sont différentes des siennes, ressentira de la

frustration, ce qui la rendra plus vulnérable aux effets du stress.

Page 218: Recueil de texte en  counseling

218

Le modèle de Karasek

Il est important de noter que certains facteurs furent en partie influencés par les modèles de Karasek et de Siegrist principalement utilisés en

gestion des ressources humaines. Le modèle de Karasek propose une relation directe entre la charge de travail et le degré de contrôle (autonomie)

comme prédicateur de satisfaction au travail. Une personne dont la charge de travail est élevée et qui possède peu de contrôle sur son travail est

plus à risque de souffrir de pression psychologique et de problèmes de santé. Contrairement à une personne qui jouit d’une bonne latitude au

travail, une charge de travail élevée engendrera plutôt chez elle une motivation d’apprentissage et de développement (Theorell et Karasek, 1996).

Demandes psychologiques

Faibles Élevées

Con

trôle

Fai

ble

É

levé

Peu de pression

Actif

Passif

Beaucoup de pression

Figure 5

Modèle de Karasek : demandes psychologiques versus contrôle

Source : Theorell et Karasek, 1996, p. 11.

Page 219: Recueil de texte en  counseling

219

Le modèle de Siegrist

Ce modèle met en relation les efforts fournis au travail et le niveau de reconnaissance obtenu. Selon sa conception, un débalancement entre les

coûts (temps, énergie, efforts, etc.) et les gains (argent, estime et statut) engendre une détresse émotionnelle chez les individus (Siegrist, 1996).

Les efforts fournis sont une combinaison des demandes extrinsèques (obligations de faire son travail) et des implications intrinsèques (besoins

d’accomplissement, d’adaptation, etc.). Son modèle se présente sous la forme suivante :

Figure 6

Modèle de Siegrist : efforts fournis versus la reconnaissance

Source : Siegrist, 1996, p. 30.

Les modèles de Karasek et de Siegrist font toutefois l’objet de certaines critiques. Premièrement, malgré leur simplicité, ils ne tiennent compte

que de quelques facteurs. Les plus récentes recherches, notamment celles de Maslach, ont démontré qu’il y avait d’autres facteurs pouvant

provoquer du stress en milieu de travail. Deuxièmement, comme le mentionne Bakker et Demerouti (2006), ils ne sont pas adaptés pour tous les

types d’emploi et d’entreprise. Dans certains milieux, des facteurs comme l’iniquité ou le manque de soutien social seront plus importants à

considérer. Ainsi, dans le but de développer une approche conceptuelle plus intégrative, ces derniers ont également développé leur propre

modèle.

Le modèle de Bakker et Demerouti

Ce modèle intègre différentes approches conceptuelles. Il inclut notamment le concept de demandes et de ressources en milieu de travail. Il fait

également un lien entre les six facteurs organisationnels de Maslach et Leiter présentés précédemment et leur catégorisation en tant que

demandes ou ressources. Il inclut aussi le modèle de l’approche relationnelle de Maslach. Ainsi, en combinant tous ces éléments, cela donne le

modèle suivant :

Beaucoup d’efforts Peu de reconnaissance Argent Estime Statut Extrinsèques Intrinsèques

Page 220: Recueil de texte en  counseling

220

BURNOUT

Figure 7

Conception de l’épuisement professionnel selon Bakker et Demerouti

Source : Bakker et al., 2003, p. 19

Plus précisément, la charge de travail élevée, les sentiments d’iniquité et les conflits de valeurs sont notamment des demandes en emploi qui ont

un impact sur les plans mental, émotionnel et physique. Le soutien social, l’autonomie et la reconnaissance sont quant à eux présentés davantage

comme des ressources pour faire face aux stress en milieu de travail. Ces facteurs viennent ensuite influencer la dynamique entre les demandes et

les ressources disponibles. Si les demandes sont trop élevées mais que les ressources sont suffisantes, c’est l’épuisement physique et émotionnel

qui sera influencé. Si les ressources sont insuffisantes pour faire face aux demandes, des attitudes cyniques et une réduction du sentiment

d’efficacité personnel apparaîtront.

Mental

Émotionnel

Physique

Etc.

Soutien

Autonomie

Reconnaissance

Etc.

Demandes

Ressources

Épuisement

Dépersonnalisation

Réduction du sentiment d’efficacité personnel

Page 221: Recueil de texte en  counseling

221

En conclusion, chacune des approches interactionnelles et organisationnelles présentées procurent un éclairage sur les différents facteurs et

processus qui contribuent à l’épuisement professionnel. Essentiellement, l’objectif est d’examiner attentivement le contexte de travail d’une

personne pour mieux comprendre les raisons qui ont contribué au développement de l’épuisement professionnel (Maslach, 2001).

Une variété d’interventions

Les interventions en matière d’épuisement professionnel peuvent aussi être regroupées selon les trois grandes catégories d’approches

conceptuelles : individuelles, interactionnelles et organisationnelles. Intervenir au plan individuel signifie que l’attention sera portée sur les

stratégies individuelles qu’un conseiller d’orientation et son client conviennent d’utiliser, et ce, indépendamment du contexte (Schaufeli et

Enzmann, 1998). Par exemple, un client pourrait choisir de démarrer un programme d’exercices physiques pour réduire les effets du stress ou se

renseigner davantage en achetant quelques livres pertinents. Ainsi, en modifiant certaines cognitions et quelques comportements personnels qui

augmentent ses résistances, la personne se donne des moyens pour être moins vulnérable aux effets psychologiques négatifs qu’occasionne le

stress en milieu de travail (Ibid.). De plus, ces stratégies peuvent être initiées en dehors du contexte du travail et dans un cadre de counseling

individuel entre le conseiller d’orientation et son client. Contrairement aux stratégies individuelles, les stratégies d’intervention au plan

interactionnel vont tenir compte du contexte, car elles sont orientées vers l’interaction entre les individus et leur environnement de travail. Ce

sont des stratégies qu’une personne peut entreprendre pour favoriser une meilleure interaction au plan des relations et de l’organisation du travail

en général. Par exemple, la gestion du temps en milieu de travail est une stratégie possible pour réduire la charge de travail psychologique, un des

facteurs qui mènent à l’épuisement professionnel. Encore une fois, ce sont des stratégies qui peuvent être développées en contexte de counseling

individuel entre le conseiller d’orientation et son client, mais adaptées pour la réalisation en milieu de travail. Enfin, les stratégies d’intervention

au plan organisationnel sont celles que les entreprises seules ont le pouvoir d’entreprendre. Parfois ces stratégies émanent de leur propre

initiative, parfois elles engageront des consultants organisationnels pour s’en occuper plus particulièrement. Le conseiller d’orientation pourrait

agir à titre de consultant pour aider à mettre en place des stratégies d’intervention adaptées afin de réduire les effets psychologiques négatifs et

l’épuisement professionnel. Contrairement aux deux autres, ce sont des stratégies qui ne peuvent pas être développées en contexte de counseling

individuel. Le client dans ce cas-ci, c’est l’entreprise.

En plus des approches d’intervention (individuelles, interactionnelles et organisationnelles), il est possible de distinguer deux grandes stratégies

d’intervention, soit les stratégies de prévention et les stratégies de traitement. Et comme le mentionnent Schaufeli et Enzmann (1998), « […] il

Page 222: Recueil de texte en  counseling

222

existe une distinction relativement claire entre prévenir parmi ceux qui sont à risque et traiter ceux qui sont déjà en épuisement professionnel.

Typiquement, les premiers sont au travail tandis que les autres sont en congé de maladie et souffrent d’un épuisement professionnel sévère19

»

(p. 144).

Le tableau suivant fait d’ailleurs le lien entre les catégories d’approches et les stratégies d’intervention en matière d’épuisement professionnel :

Tableau 6

Stratégies d’intervention en matière d’épuisement professionnel en fonction des différentes catégories d’approches

Stratégies d’intervention

Catégories

d’approches

Prévention

Traitement

Individuelles Auto-évaluation

Utilisation de matériels didactiques

Promotion d’une vie saine

Relaxation

Équilibre entre le travail et la vie privée

Planification de carrière

Pharmacothérapie

Traitements complémentaires

Réorientation de carrière

Interactionnelles Auto-observation en situation de travail

Gestion du temps

Entraînement des habiletés sociales

Intervention cognitive et comportementale

Psychothérapies cognitives et comportementales

Autres psychothérapies et processus de traitement

Approches

organisationnelles

Soutien individuel et de groupe

Mentorat

Utilisation de sondages et tests

Programme d’aide aux employés (PAE)

Procédures de retour au travail et réhabilitation

Transferts/réaffectations

19 Traduction libre

Page 223: Recueil de texte en  counseling

223

Planification de carrière des employés

Vérification psychosociale

Amélioration de la nature du travail

Amélioration de l’environnement physique

Gestion du temps/ressources

Embauche et formation de gestionnaires

efficaces

Socialisation anticipatoire

Programmes de bien-être

Les stratégies préventives seront abordées en premier pour ensuite terminer avec les stratégies de traitement qui, il est important de le préciser,

seront tous abordées en fonction de chacune des approches individuelles, interactionnelles et organisationnelles.

Les interventions de prévention

Ce sont des stratégies qui sont adaptées pour des personnes qui concrètement, sont encore présentes dans leur milieu de travail. Opter pour ces

stratégies se veut une façon de réduire ou d’éviter les effets négatifs du stress ainsi que l’épuisement professionnel dans son ensemble. Au plan

individuel, on retrouve l’auto-évaluation, l’utilisation de matériels didactiques, la promotion d’une vie saine, la relaxation, l’équilibre entre la vie

privée et le travail ainsi que la planification de carrière. Au plan interactionnel, on retrouve l’auto-observation, la gestion du temps,

l’entraînement des habiletés interpersonnelles et l’intervention cognitive-comportementale. Enfin, au plan organisationnel, on retrouve le soutien

individuel et de groupe, le mentorat, l’utilisation de sondages et de tests, la planification de carrière en entreprise, la vérification psychosociale,

l’amélioration de la nature du travail et de l’environnement physique, la gestion du temps, l’embauche et la formation de gestionnaires efficaces,

la socialisation anticipatoire et finalement, les programmes de bien-être.

Page 224: Recueil de texte en  counseling

224

Les stratégies de prévention individuelles

L’auto-évaluation est un des moyens pour prévenir l’épuisement professionnel. L’utilisation d’un test comme le Maslach Burnout Inventory

(MBI) par exemple, peut permettre à des individus de vérifier dans quelle mesure ils peuvent souffrir d’épuisement professionnel. Ces outils

peuvent également permettre à une personne de se comparer avec d’autres groupes d’individus comparables. L’idée derrière cette méthode

repose sur la prise de conscience et la croyance que la connaissance de soi favorise la prévention.

La gestion du stress par l’utilisation de matériels didactiques est aussi une méthode de prévention de l’épuisement professionnel. Les livres, les

journaux, les articles de magazines, les dépliants, les émissions de télévision, les films, les lectures, et plus récemment, les sites Internet peuvent

tous servir (Schaufeli et Enzmann, 1998). Le fait pour une personne d’être plus informée sur le stress, sur ses causes et ses conséquences

augmente sa vigilance et sa capacité de prendre soin d’elle-même.

La promotion d’une vie saine est aussi reconnue comme un bon moyen de réduire les effets du stress (Schaufeli et Enzmann, 1998). L’expression

« un esprit sain dans un corps sain » reflète bien l’idée de base de cette méthode. Un style de vie sain inclut des exercices physiques réguliers,

une nutrition convenable, un contrôle de poids santé, ne pas fumer, avoir suffisamment de sommeil et prévoir des périodes de repos pour se

détendre et recharger les énergies pendant les journées de travail et après ces dernières (Ibid.). Plus particulièrement au plan de l’alimentation,

Chicoine (2008) mentionne que « la littérature cible de nombreux minéraux ainsi que des vitamines pouvant avoir un effet sur les symptômes

dépressifs, mais [que] les preuves scientifiques manquent » (p. 68). Pour ce qui est de l’exercice physique, une étude récente effectuée au

Danemark conclut que les employés qui sont actifs physiquement perçoivent moins de stress et plus d’énergie que les employés qui ne le sont pas

(Hansen et al., 2010). Les conclusions de l’étude effectuée par Rook et Zijlstra vont aussi en ce sens. Ainsi, plus le temps investi à faire une

activité physique est grand, plus la récupération sera efficace (Rook et Zijlstra, 2006). Également, cette même étude démontrait que

contrairement aux prédictions et aux récentes découvertes, les activités qui demandent peu d’efforts et les activités sociales n’étaient pas

nécessairement favorables à la récupération après le travail. En fait, les activités qui demandent peu d’efforts étaient même associées à une

augmentation de la fatigue émotionnelle. Ainsi, les activités qui demandent peu d’efforts peuvent être bénéfiques au recouvrement de la fatigue

physique, mais les activités physiques sont beaucoup plus bénéfiques pour surmonter la fatigue émotionnelle (Ibid.). De plus, les résultats d’une

recherche effectuée sur les effets de l’activité physique démontrent que les exercices physiques produisent une amélioration générale immédiate

dans l’humeur des gens, soit une amélioration de l’humeur positive ou dans l’autre sens, une réduction immédiate de l’humeur négative

(Steinberg et al., 1998).

Page 225: Recueil de texte en  counseling

225

La relaxation peut également être utile comme technique de prévention. Selon les résultats obtenus par Higgins (1986), son programme de

relaxation comprenant sept sessions s’avère d’une bonne efficacité dans la réduction des effets du stress. Fondamentalement, la relaxation

comprend quatre techniques spécifiques, soit la relaxation des muscles, la respiration profonde, la méditation (yoga, imagerie, autohypnose, etc.)

et la rétroaction biologique, qui consiste à visualiser les réactions biologiques internes (Schaufeli et Enzmann, 1998).

Également, comme le mentionnent Vallerand et al. (2010), un trop grand déséquilibre entre l’énergie investie au travail et dans la vie privée

s’avère néfaste pour la santé d’une personne. Ainsi, trouver l’équilibre entre le travail et la vie privée est un autre moyen préventif pour réduire

les effets de l’épuisement et du stress. Les gens qui travaillent dans des environnements stressants ont besoin de décompresser pour être ensuite

capables de s’adapter aux stress normaux de la vie privée. La décompression peut se faire par plusieurs moyens, par exemple : lire un livre, faire

du jardinage, rêvasser, prendre une marche ou se reposer tout simplement. De plus, la décompression est souvent une activité qui fait contraste à

la routine au travail (Maslach, 1982). Par exemple, une personne qui travaille majoritairement au plan intellectuel bénéficiera davantage des

effets positifs d’un exercice physique pour décompresser. En bout de ligne, l’idée derrière ces différents moyens de déconnexion psychologique

du milieu de travail est la conservation des énergies pour la vie privée (Schaufeli et Enzmann, 1998).

La planification de carrière constitue également un moyen préventif individuel pour éviter le sentiment d’être emprisonné dans une carrière et

d’accepter des conditions impossibles qui entraînent l’épuisement professionnel. Elle vise principalement deux objectifs : la connaissance de soi

(forces, faiblesses, intérêts, habiletés, bilan de compétences, etc.) et l’analyse des occasions sur le marché du travail (Schaufeli et Enzmann,

1998). Elle se veut une stratégie pour préparer des plans de rechange advenant des changements majeurs (réduction des effectifs, changement

d’orientation, etc.) qui entraîneraient des augmentations importantes du stress vécu en milieu de travail. Elle se veut aussi une stratégie pour

quitter un milieu de travail dont les conditions sont nocives pour la personne.

Page 226: Recueil de texte en  counseling

226

Les stratégies de prévention interactionnelles

L’auto-observation est un des moyens utilisés pour mieux comprendre les situations stressantes en milieu de travail qui provoquent des réactions

chez la personne. Elle consiste à noter, pendant la journée, les événements provoquant du stress et à identifier les symptômes ressentis, les

pensées, les émotions et les comportements que cela a provoqués. L’idée derrière cette méthode est que la compréhension de soi débute par

l’observation de soi. L’auto-observation peut servir de point de départ à des démarches subséquentes (Schaufeli et Enzmann, 1998).

Les employés à risque d’épuisement professionnel ressentent souvent une forte pression associée au manque de temps pour effectuer le travail

demandé, ce qui peut parfois dépasser la capacité de l’individu d’y répondre. Les techniques de gestion du temps peuvent aussi être un moyen de

prévention permettant à un individu de travailler plus efficacement pour se donner du temps de relaxation au travail. Selon Schaufeli et Enzmann

(1998), un entraînement en gestion du temps devrait considérer la clarification des tâches et des responsabilités associées à l’emploi, la

priorisation de celles-ci en fonction des demandes de l’entreprise et des aspirations professionnelles de la personne et enfin, l’identification des

capteurs de temps comme les réunions, les relations interpersonnelles, les appels téléphoniques, etc. La personne est encouragée à réduire

l’impact des capteurs de temps.

L’entraînement des habiletés sociales peut également être un moyen de prévention de l’épuisement professionnel. Lorsque les individus ont de

mauvaises relations en milieu de travail, cela augmente la charge de travail qualitative et réduit considérablement la possibilité d’obtenir du

soutien social pour mieux s’adapter (Schaufeli et Enzmann, 1998). En aidant les gens à développer leurs habiletés interpersonnelles, ils seront

mieux outillés pour faire face à des situations potentiellement stressantes, comme devoir briser la glace, devoir s’affirmer face à un collègue ou

un supérieur ou même s’adapter aux gens selon leur personnalité, leur culture, leurs valeurs ou leurs attitudes. Parmi les habiletés sociales,

Maslach (1982) mentionne que l’humour est une technique d’adaptation qui s’avère intéressante lorsque bien utilisée.

Finalement, les techniques cognitives-comportementales peuvent également être un moyen de prévention de l’épuisement professionnel. Selon

cette philosophie d’intervention, les réponses émotives ne sont pas provoquées par les situations, mais plutôt par la conception cognitive des

situations selon chaque personne (Schaufeli et Enzmann, 1998). L’évaluation cognitive est une technique utilisée pour enseigner aux individus à

mieux analyser la gravité des stresseurs et à remettre les choses en perspective selon le contexte (Ibid.). Cette technique aide à prévenir un

débordement des cognitions, des émotions et des comportements qui pourraient aggraver encore plus la situation. L’anticipation de scénarios est

Page 227: Recueil de texte en  counseling

227

une autre technique cognitive-comportementale pouvant être appliquée. Elle consiste à aider les individus à anticiper les stress avant même leur

apparition. Cette technique est souvent accompagnée d’un exercice de visualisation (Ibid.). En conclusion, ces deux techniques sont des

exemples d’exercices possibles pouvant être effectués avec les clients pour améliorer leur façon d’interagir avec leur environnement de travail

dans une optique de prévention.

Les stratégies de prévention organisationnelle

Le soutien individuel et les groupes de soutien en milieu de travail peuvent être de bons moyens pour prévenir l’épuisement professionnel. Selon

Schaufeli et Enzmann (1998), les réunions d’équipe, lorsque bien organisées, peuvent être un moment pour donner et recevoir du soutien des

autres collègues. Les groupes de soutien devraient engendrer cinq fonctions, soit la reconnaissance des autres, le confort, l’aide, les prises de

conscience et la camaraderie (Ibid.). Une étude récente effectuée par Peterson (2008) auprès de travailleurs dans le milieu de la santé, démontre

que les groupes du soutien utilisant une méthode basée sur la résolution de problèmes s’avèrent efficaces dans la réduction du stress et des

symptômes d’épuisement professionnel. Pour être plus précis, les groupes de soutien ont procuré aux participants la possibilité d’échanger avec

les autres sur des situations similaires, de nouvelles connaissances, un plus grand sentiment d’appartenance, une augmentation de la confiance en

soi, une meilleure structure de travail, un soulagement des symptômes et des changements comportementaux (Ibid.)

Le mentorat peut aussi être un moyen de prévention utilisé pour tenter de réduire les effets du stress chez les employés. À la différence du soutien

individuel, le mentorat implique la participation d’un employé plus expérimenté qui possède une expertise dans un domaine précis et qui offre du

soutien à une personne moins expérimentée (Schaufeli et Enzmann, 1998). Les rencontres de mentorat sont orientées davantage vers la résolution

de problèmes reliés aux tâches plutôt que vers les problèmes interpersonnels (Ibid.). La force du mentorat est qu’il permet de réduire le stress

relié aux charges de travail et de prévenir les conflits de rôles (Ibid.). Une étude de Biswas-Diener (2009), basée sur des expériences personnelles

de mentorat auprès de psychothérapeutes, conclut que le mentorat peut aider à protéger les cliniciens de l’épuisement professionnel. Il observe

que les séances de mentorat ont notamment contribué à remettre l’accent sur les forces des clients et sur la motivation à progresser en tant que

professionnels. Toutefois, comme le mentionne Biswas-Diener (2009), les recherches dans ce domaine sont relativement récentes; des preuves

empiriques restent encore à confirmer.

Page 228: Recueil de texte en  counseling

228

L’utilisation de sondages et de tests est aussi un moyen préventif pour évaluer les effets du stress en milieu de travail. C’est une façon pour les

entreprises d’obtenir des informations sur le climat de travail, le niveau de stress, les attitudes, les réactions et les opinions des employés. Ces

informations influenceront à leur tour le développement de stratégies pour améliorer le bien-être des employés et l’efficacité organisationnelle en

général (Schaufeli et Enzmann, 1998). Les travaux de recherche d’Amherdt (2005), au Québec, ont contribué au développement d’un outil (Bilan

InterQualia) qui répond à l’objectif de mesurer la santé émotionnelle des employés dans l’entreprise. Il existe toutefois plusieurs autres outils

développés par différentes équipes de travail œuvrant dans ce domaine.

La planification de carrière en entreprise est un moyen de prévention pour lequel certaines organisations optent afin de s’assurer que les

employés demeurent en bonne santé émotionnelle et physique. Cette initiative de prévention des entreprises a pour but de stimuler la

planification stratégique des employés pour qu’ils réalisent leurs projets de carrière au sein même de l’entreprise et par-dessus tout, qu’ils

maintiennent un équilibre de vie et une satisfaction au travail pour éviter les conséquences de l’épuisement professionnel. En d’autres mots, c’est

une façon de soutenir les employés dans leur projet de carrière en leur permettant de découvrir et d’analyser les différentes occasions de

développement ou rôles disponibles au sein de l’entreprise (Schaufeli et Enzmann, 1998). Certaines entreprises offriront des possibilités de

formation à leurs employés pour leur permettre d’accéder à de nouveaux postes, tandis que d’autres instaureront un système de promotion

interne.

La vérification psychosociale est un moyen de prévention qui fut également proposé. Tout comme les gens font une vérification de leur santé

physique chez le médecin, Maslach (1982) propose que les entreprises fournissent l’occasion aux employés de rencontrer un professionnel pour

vérifier leur santé psychologique suivant un intervalle d’environ six mois. Parmi les employés qui présentent des symptômes d’épuisement

professionnel, certains pourront être référés pour des traitements et d’autres pourront participer à des ateliers de prévention dans le but d’éviter

que les conséquences prennent une trop grande ampleur.

L’amélioration de la nature du travail est également un moyen pour réduire le stress en milieu de travail. Elle consiste à réagencer le travail lui-

même pour le rendre plus agréable et moins stressant. Ces changements peuvent notamment se faire en ajoutant ou en divisant les tâches, en

ajoutant des ressources (employés, formations, etc.), en réduisant les responsabilités, en effectuant des rotations ou même en modifiant la façon

de faire les tâches (Schaufeli et Enzmann, 1998).

Page 229: Recueil de texte en  counseling

229

L’amélioration de l’environnement physique vise aussi à empêcher l’aggravation des symptômes de l’épuisement professionnel (Schaufeli et

Enzmann, 1998). Un bureau sans fenêtre, un manque de luminosité, une mauvaise aération des lieux, des équipements désuets, peuvent tous être

des éléments contribuant à l’aggravation des maux de tête, de l’irritabilité ou de la mauvaise humeur par exemple.

La gestion du temps peut aussi être un moyen utilisé par les entreprises pour prévenir l’épuisement professionnel chez ses employés (Maslach,

1982). Les entreprises possèdent le pouvoir de réorganiser la planification du temps de travail des employés. Des moyens comme les congés

sabbatiques, les journées de repos libres, la réduction du nombre d’heures de travail, l’augmentation des pauses et le travail à temps partiel

peuvent tous faire partie d’une stratégie organisationnelle de réduction du stress et de prévention de l’épuisement professionnel. Son objectif est

la réduction de la charge de travail physique et émotionnelle.

L’embauche et le perfectionnement de gestionnaires efficaces s’avèrent avoir une influence considérable dans le développement d’un

environnement de travail sain et moins stressant. Selon Quick (2007), les gestionnaires efficaces ont une influence positive sur la santé des

employés. Tous ces gens sont en interrelations en milieu de travail. Plusieurs recherches ont été effectuées pour mieux comprendre les styles de

gestion, les types de leadership, les caractéristiques des gestionnaires efficaces dans le but d’améliorer la santé des employés et la santé

organisationnelle de l’entreprise dans sa globalité. Selon Schaufeli et Enzmann (1998), un gestionnaire qui démontre une grande ouverture

d’esprit, une pensée systémique, de la créativité, une efficacité personnelle et une empathie envers ses employés peut lui-même prévenir

l’épuisement professionnel de ceux-ci. Le développement de programmes pour l’amélioration des compétences des gestionnaires est de plus en

plus fréquent sur le marché du travail.

La socialisation anticipatoire, selon Schaufeli et Enzmann (1998), serait un autre moyen de prévention possible pour les entreprises. Ce moyen

préventif consiste à présenter aux futurs employés potentiels une image réaliste de l’environnement de travail pendant les procédures de

recrutement (Ibid.). Cette façon de fonctionner a pour but d’éviter d’engager des employés qui seront malheureux et qui seront plus susceptibles

de souffrir d’épuisement professionnel une fois à l’intérieur de l’entreprise.

L’instauration de programmes de bien-être pour les employés est aussi utilisée par certaines entreprises dans un but de renforcement contre les

effets du stress et de l’épuisement professionnel. Certaines entreprises optent pour des abonnements à des centres de conditionnement physique

offerts aux employés. D’autres vont tout simplement aménager, directement sur les lieux du travail, un endroit qui contient l’équipement

nécessaire pour le conditionnement physique, la relaxation et autres. Les programmes de bien-être ciblent habituellement un contrôle de la

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230

pression sanguine, l’arrêt de fumer, la perte de poids, l’augmentation de la forme physique, la réduction des maux de dos, l’éducation à la santé,

la réduction de la consommation d’alcool et la gestion du stress (Schaufeli et Enzmann, 1998).

En conclusion, toutes ces stratégies de prévention organisationnelle peuvent être utilisées. Elles peuvent également faire partie d’une stratégie

d’ensemble intégrée dans un programme organisationnel qui inclurait plusieurs de ces moyens de prévention.

Les interventions de traitement

Lorsque qu’un professionnel rencontre une personne souffrant d’épuisement professionnel sévère qui nécessite un arrêt de travail pour une

longue période de temps, les stratégies préventives ne seront plus suffisantes. Pour Van Schaik et al. (2004), il existe essentiellement deux

options de traitement de premiers soins en matière de dépression majeure et d’épuisement professionnel, qui ont prouvé chacune une efficacité

comparable, soit les psychothérapies et la pharmacothérapie. Toutefois, des études récentes en matière d’efficacité de traitement démontraient

que la combinaison de la psychothérapie et de la pharmacothérapie s’avère plus efficace (Cuijpers et al., 2009; Scott, 2001). Dans la pratique, les

personnes atteintes de dépression et d’épuisement professionnel préfèrent généralement la psychothérapie, alors que les médecins favorisent

plutôt les antidépresseurs (Van Schaik et al., 2004). Le traitement par les antidépresseurs est celui le plus offert parce que la psychothérapie est

souvent moins accessible (Ibid.). Comme le mentionnent Houle et al. (2009), « les psychothérapies n’étant pas couvertes par l’assurance maladie,

il est important de vérifier avec le patient sa capacité à en payer les coûts. Bien que les hôpitaux et les CLSC offrent gratuitement les services de

psychologues, les listes d’attente en entravent souvent l’accessibilité » (p. 29). Toutefois, les employés qui détiennent une assurance privée

peuvent bénéficier d’un remboursement partiel ou en totalité dans certains cas, dépendamment du régime d’assurance.

Les sections suivantes seront encore une fois divisées en trois catégories, soit les stratégies de traitement individuel, interactionnel et

organisationnel. La première catégorie (individuelle) concerne toutes les stratégies qui ne nécessitent pas de se pencher spécifiquement sur les

conditions du milieu de travail, notamment la pharmacothérapie et les traitements complémentaires comme les produits naturels, l’alimentation,

l’exercice physique, etc. La deuxième catégorie, quant à elle, tient compte de l’individu dans son contexte de travail et regroupe les différents

types de psychothérapies. Le positionnement des psychothérapies dans les stratégies de traitement interactionnel vient du fait que selon Lowman

(1993), pour traiter l’épuisement professionnel, les psychothérapies doivent être ajustées en fonction des problèmes du contexte du travail. Enfin,

la dernière catégorie (organisationnelle) fait référence aux stratégies employées par les entreprises elles-mêmes pour traiter les employés en

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231

épuisement professionnel. Seules les stratégies provenant de la direction même, et dont elle seule a le pouvoir de les entreprendre, seront incluses

dans cette catégorie.

Les stratégies de traitement individuel

La pharmacothérapie, plus particulièrement la prescription d’antidépresseurs, est un moyen de traitement qui a prouvé son efficacité dans le

traitement de la dépression légère, modérée ou grave (Houle et al., 2009). L’avantage lié à cette forme de traitement est que les coûts sont

remboursés totalement ou partiellement par des assurances privées ou gouvernementales, contrairement aux psychothérapies qui nécessitent

majoritairement des assurances privées (Ibid.). Le traitement pharmacothérapeutique peut durer entre 6 et 9 mois et nécessite un suivi médical

régulier pour s’assurer que le traitement entraîne des résultats satisfaisants et peu d’effets secondaires comme les vertiges, les maux de tête,

l’insomnie, les nausées et le gain de poids (Ibid.). Il existe deux générations d’antidépresseurs, mais comme le précisent Qaseem et al. (2008), la

deuxième génération d’antidépresseurs est plus souvent utilisée parce qu’ayant une efficacité similaire et contenant moins de toxicité.

Également, le choix d’un antidépresseur en particulier dépend seulement des effets secondaires parce que les études démontrent que leur

efficacité dans le cas de dépressions sévères est comparable (Ibid.). Ainsi les médicaments comme le Zyban (bupropion), le Seropram

(citalopram), le Cymbalta (duloxetine), le Seroplex (escitalopram), le Prozac (fluoxétine), le Floxyfral (fluvoxamine), le Norset (mirtazapine), le

Nefazodone (serzone), Deroxat/Seroxat/Paxil (paroxetine), Zoloft (sertraline), Desyrel (trazadone) et Effexor (venlafaxine) peuvent tous être

prescrits par le médecin dans le traitement d’une dépression ou d’un épuisement professionnel sévère. Chicoine (2008) apporte toutefois une

précision quant à l’utilisation des antidépresseurs : « Évidemment les psychotropes demeurent utiles dans le traitement de l’anxiété et de la

dépression. Cependant, en ne faisant reposer notre intervention que sur ces agents, nous risquons de nuire au patient, de ne pas venir à bout de ses

symptômes et de lui laisser le message que la réponse à sa souffrance se trouve uniquement dans sa pilule » (p. 72).

Il existe donc plusieurs autres stratégies de traitements individuels complémentaires pouvant être utilisées pour le traitement de l’épuisement

professionnel. Chicoine (2008) précise : « […] pour éviter une augmentation du nombre de médicaments ou pour venir à bout de certains effets

indésirables, plusieurs approches complémentaires se révèlent être des options efficaces et dont les bienfaits sont durables » (p. 67). Les

stratégies complémentaires sont : l’alimentation, l’exercice physique, les habitudes de sommeil, l’utilisation de matériels didactiques, la

relaxation, la luminothérapie et l’utilisation de produits naturels (Ibid.). Comme mentionné précédemment, plusieurs de ces stratégies peuvent

aussi être utilisées de façon préventive. Dans l’optique d’un traitement, elles sont utilisées en complément lorsqu’une personne est déjà en

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232

épuisement professionnel et qu’elle tente de reprendre des forces tranquillement. Concernant plus particulièrement la luminothérapie, Golden et

al. (2005) ont effectué une méta-analyse de 173 études sur le sujet, dont 20 seulement rencontraient les bons critères d’inclusion. Ils en arrivent

tout de même à la conclusion que la luminothérapie contribue à la réduction de la sévérité des symptômes de la dépression (Ibid.). Pour ce qui est

de l’utilisation des produits naturels, « […] ils sont plus « doux », donc en général mieux tolérés, mais moins puissants, bien qu’on puisse en

augmenter l’efficacité en recherchant les produits contenant des extraits normalisés (extrait actif du produit) » (Chicoine, 2008, p. 69). Selon

Houle et al. (2009), le millepertuis est un produit naturel qui peut s’avérer une option intéressante : « En effet, il est d’une efficacité comparable

aux antidépresseurs, tout en ayant moins d’effets indésirables » (p. 30). Par contre, malgré le fait que les produits naturels entraînent moins

d’effets indésirables, le manque de contrôle de la qualité de ces produits demeure un de ses principaux désavantages (Chicoine, 2008).

Enfin, la réorientation de carrière peut également s’avérer une stratégie de traitement individuel de l’épuisement professionnel. Toutefois, comme

le mentionne Maslach (1982), changer d’emploi peut être coûteux financièrement et psychologiquement; la décision doit donc être prise

consciencieusement en évaluant bien les raisons qui motivent le changement. Si le changement est superficiel, le risque de retrouver le même

genre de situation de travail et de reproduire les mêmes comportements est toujours présent, ce qui ne réduit pas les chances de revivre de

l’épuisement professionnel (Ibid.).

Les stratégies de traitement interactionnel

Il existe plusieurs types d’interventions psychologiques pouvant être utilisées autant dans le traitement de l’épuisement professionnel que de la

dépression. Évidemment, le regard présenté ici demeure encore une fois non exhaustif si l’on prend en compte toutes les formes de traitement qui

pourraient exister. Au départ, il est reconnu que les thérapies cognitives-comportementales s’avèrent des traitements efficaces pour les personnes

en dépression ou souffrant d’un trouble de l’anxiété (Scott, 2001). Il est également considéré que l’efficacité de ces traitements est applicable au

traitement de l’épuisement professionnel et du stress lié au travail (Blonk et al., 2006). De plus, une méta-analyse effectuée par Van der Klink

(2001) démontre que les approches cognitives et comportementales sont plus efficaces sur le plan de l’intervention sur le stress comparativement

aux techniques de relaxation, aux approches multimodales et aux interventions organisationnelles. Parmi les thérapies cognitives et

comportementales qui seront détaillées, il y a la thérapie cognitive de Beck, la thérapie rationnelle-émotive d’Ellis et le programme néerlandais

de traitement de l’épuisement professionnel.

Page 233: Recueil de texte en  counseling

233

La thérapie cognitive de Beck est une approche utilisée en matière de traitement de la dépression et de l’épuisement professionnel. Selon

Chambless et al. (1998), la thérapie cognitive est un traitement validé empiriquement qui répond aux critères d’efficacité particulièrement dans le

traitement de la dépression. Cette thérapie, développée dans les années 1960 par Aaron T. Beck, repose sur dix principes (Beck, 1995) : est basée

sur une formulation du problème en termes cognitifs; nécessite une bonne alliance thérapeutique; mise sur la collaboration et la participation

active; est orientée vers l’atteinte d’objectifs et la résolution de problèmes; porte surtout sur le présent de la personne; privilégie un cadre

d’intervention éducatif comportant des enseignements pour que les clients soient leur propre thérapeute (prévention); est limitée dans le temps;

fonctionne avec des sessions qui sont structurées; aide les clients à identifier, à évaluer et à réagir à leurs croyances irrationnelles, tout en

nécessitant l’utilisation d’une variété de techniques pour changer les pensées et les comportements. Plus spécifiquement, elle consiste à effectuer

des modifications de raisonnement chez le client afin de produire une amélioration des pensées, des émotions et des comportements (Beck,

1995). En lien avec l’épuisement professionnel, la thérapie cognitive postule que les individus en sont vulnérables à cause des croyances

irrationnelles et dysfonctionnelles qui résultent des expériences d’apprentissage (Scott, 2001).

L’approfondissement des croyances principales et intermédiaires et des pensées automatiques permettra au thérapeute et à son client de mieux

comprendre les liens avec les réactions émotives, comportementales et physiologiques. Toujours selon Beck (1995), une fois que les croyances

principales et intermédiaires sont identifiées, les pensées automatiques deviennent relativement assez prévisibles. Ainsi, l’évaluation de la

validité et de l’utilité des pensées automatiques et l’apprentissage de nouvelles techniques d’adaptation produisent donc un changement chez

l’individu en général. En terminant, il est important de mentionner que plusieurs techniques sont employées en lien avec la thérapie cognitive, par

exemple les devoirs entre les sessions, des techniques de questionnement, l’enseignement, la gradation des émotions ou même des

expérimentations pour tester les croyances, etc.

La thérapie rationnelle-émotive d’Ellis est une autre forme de thérapie cognitive et comportementale qui peut également servir en matière de

traitement de l’épuisement professionnel. L’étude de Malkinson (1997) auprès de femmes cols bleus en démontre notamment l’efficacité.

Comparativement au groupe témoin, les femmes qui avaient eu droit aux séances affichaient des niveaux d’épuisement professionnel plus bas

immédiatement après les séances, mais également un an plus tard (Ibid.). La thérapie rationnelle-émotive, tout comme la thérapie cognitive de

Beck, partage la vision que les pensées et les croyances irrationnelles mènent au stress. La restructuration des cognitions permettra donc de

réduire le stress (Schaufeli et Enzmann, 1998). Toutefois, pour Ellis (1987), le développement des difficultés psychologiques n’est pas tant lié à

l’impact des événements de la vie sur la personne, mais plutôt à des tendances biologiques à penser de façon irrationnelle. Pour prouver son point

de vue, il apporte quelques arguments, par exemple : même les gens les plus brillants et compétents démontrent des irrationalités; plusieurs des

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comportements irrationnels vont à l’encontre des apprentissages de nos parents, de la société, etc.; les psychothérapeutes eux-mêmes,

supposément des modèles de rationalité, agissent de façon irrationnelle dans leur vie privée. Ainsi, selon sa conception, aucune personne n’est à

l’abri de pensées irrationnelles et dysfonctionnelles. Toutefois, chaque être humain possède une capacité à faire des choix et à changer ses

pensées nocives (Ibid.). La thérapie rationnelle-émotive est décrite selon une structure A-B-C-D-E (Beck, 2005; Schaufeli et Enzmann, 1998):

A – Activating : ce sont des événements qui aident ou entravent l’atteinte d’objectifs personnels. Les individus chercheront à répondre à ces

événements activateurs.

B – Beliefs : les événements activateurs provoqueront donc un effet sur les croyances de l’individu.

C – Consequences : ces croyances entraîneront à leur tour des conséquences émotionnelles et comportementales chez l’individu. Les

croyances sont donc les médiateurs entre les événements activateurs et les conséquences émotionnelles et comportementales.

D – Disputing, Debating, Discriminating, Defining : l’utilisation de techniques permettra de remettre en question les croyances irrationnelles

qui ont mené aux conséquences.

E – Effect : les techniques utilisées auront des effets, à leur tour, sur la philosophie de la personne, dans le but de favoriser des réflexions plus

rationnelles et constructives.

Pour intervenir sur l’épuisement professionnel, le conseiller mettra l’accent sur les événements qui ont activé les croyances dysfonctionnelles. Il

tentera par la suite, grâce à certaines techniques cognitives, émotionnelles et comportementales, de modifier les croyances qui viennent entraver

l’atteinte des objectifs de la personne. Parmi les techniques utilisées, il y a notamment l’utilisation de l’humour, l’imagerie, les jeux de rôles, la

socialisation en groupe, le discours avec soi-même, l’acceptation inconditionnelle, l’entraînement des habiletés, etc. (Beck, 2005).

Selon l’étude de Jenkins et Palmer (2003), l’approche multimodale de Lazarus, combinée avec la thérapie rationnelle-émotive d’Ellis, peut

également être une approche psychothérapeutique qui s’avère efficace dans le traitement des difficultés liées au stress. L’approche multimodale

est basée sur la croyance que peu de ces problèmes sont causés par un seul facteur à la fois (Ibid.). Ainsi, selon cette conception, la détresse

psychologique doit être abordée de façon multidimensionnelle.

Page 235: Recueil de texte en  counseling

235

L’approche multimodale fournit principalement un cadre d’exploration et de compréhension de la problématique liée au stress en fonction de

plusieurs dimensions (comportementale, affective, interpersonnelle, biologique, sensorielle, cognitive et imaginale). Cette approche est

considérée comme étant systémique par sa nature. L’ajout de la thérapie rationnelle et émotive d’Ellis dans le processus thérapeutique est

principalement lié à l’intervention avec les clients. Les différentes techniques cognitives, émotionnelles et comportementales viennent s’ajouter

en fonction des difficultés identifiées par l’approche multimodale.

Le programme néerlandais de traitement de l’épuisement professionnel est également basé sur les principes de la thérapie cognitive et

comportementale et repose fortement sur des procédures d’auto-observation et d’auto-évaluation. Le programme est composé de quatre étapes

distinctes : réduction des symptômes; compréhension de la personnalité; identification des problèmes liés au travail; anticipation du futur.

La première étape consiste à réduire immédiatement les symptômes ciblés par le client, notamment l’épuisement émotionnel et physique,

l’incapacité de relaxer, les problèmes de sommeil, l’irritabilité et autres symptômes physiques. Ces symptômes sont traités grâce à des techniques

cognitives et comportementales connues comme la relaxation ou l’activation graduelle par exemple. La deuxième étape consiste à bien

comprendre la personnalité distincte de la personne en consultation. En utilisant des techniques comme l’évaluation cognitive ou la thérapie

rationnelle-émotive de Ellis, les clients apprennent à mieux se connaître et à identifier les traits de personnalité qui peuvent causer des problèmes.

La troisième étape consiste à élaborer un plan détaillé de retour au travail avec les personnes responsables dans l’entreprise. Une fois dans

l’entreprise, le client est encouragé à effectuer des auto-observations en utilisant un carnet dans lequel il doit noter les problématiques

rencontrées, notamment les charges de travail, les conflits interpersonnels, les conflits de rôles ou même le manque de soutien social. Il est aussi

encouragé à discuter des difficultés directement avec son superviseur. La dernière étape, quant à elle, consiste à discuter de techniques de

prévention avec le client. L’anticipation des situations qui pourraient réactiver l’épuisement professionnel chez le client et l’élaboration d’un plan

pour une vie plus saine et équilibrée sont des sujets abordés. Les questions sur le rôle du travail et son importance sont soulevées selon une

perspective existentielle (Schaufeli et Enzmann, 1998).

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Autres types d’intervention de traitement interactionnel

La thérapie interpersonnelle a aussi prouvé son efficacité en matière de traitement de la dépression (Weissman et al., 2000). Selon Blatt (2000),

les thérapies interpersonnelles sont aussi efficaces que les thérapies cognitives et comportementales après un suivi sur 18 mois. De plus, les

individus interrogés, après avoir expérimenté la thérapie interpersonnelle, mentionnent avoir ressenti davantage de satisfaction générale par

rapport au traitement que ceux ayant suivi une thérapie cognitive et comportementale (Ibid.). L’emphase de cette thérapie est axée sur le lien

entre les réactions et les relations interpersonnelles du client, tout en tenant compte du rôle des facteurs génétiques, biochimiques,

développementales et de la personnalité comme causes ou vulnérabilités à la dépression (Weissman et al., 2000). La thérapie interpersonnelle

comporte essentiellement trois phases (Ibid.).

La première phase (de 1 à 3 sessions) consiste à effectuer une évaluation diagnostique qui servira d’assise pour le traitement et les formalités

importantes, comme le droit de s’absenter du milieu de travail par exemple. Elle consiste également à examiner en détail les relations

interpersonnelles du client et son fonctionnement social en général. Elle inclut aussi un temps pour expliquer au client ce qu’est une dépression

ou un épuisement professionnel. Enfin, l’intervenant conclut avec une formulation du problème qui lie la dépression du client à une des quatre

situations de relations interpersonnelles problématiques suivantes : le deuil à la suite de la mort d’un proche; les disputes de rôles tels que les

conflits avec la conjointe, les collègues, les amis proches ou les autres connaissances; les rôles transitoires tels que le début d’une nouvelle

carrière, une promotion, la retraite ou même à la suite d’un diagnostic médical; enfin, les déficits interpersonnels tels que le manque d’habiletés

sociales occasionnant des difficultés à démarrer et à conserver des relations.

La deuxième phase consiste à développer des stratégies adaptées en fonction de la problématique selon les quatre situations de relations

interpersonnelles nommées ci-haut. Parmi les stratégies utilisées dans la thérapie interpersonnelle, il y a notamment l’exploration des sentiments

sans jugement, la reconstruction des relations, le développement de la vigilance, la facilitation de l’expression des affects, les stratégies de

communication, l’évaluation des anciens rôles et l’établissement de soutiens sociaux. La dernière phase, quant à elle, consiste à encourager le

client à reconnaître et à consolider les gains thérapeutiques obtenus lors des sessions préalables. Elle vise également le développement des

habiletés à prévoir, à identifier et à contrer les symptômes dépressifs qui pourraient survenir dans le futur.

Selon Pines (1993), l’épuisement professionnel réside dans la perte de sens d’une personne face à son existence. L’approche psychoanalytique-

existentielle qu’elle propose implique entre 12 et 24 sessions de 50 minutes qui incluent l’exploration de l’enfance, des expériences de jeunesse

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traumatisantes, des métiers des parents, de la relation avec les parents et la famille, des rêves de métiers, de la relation entre le métier choisi et les

origines enfantines, de l’historique d’emploi, des buts professionnels et des liens entre l’enfance, l’emploi actuel et l’épuisement professionnel

vécu (Pines, 2002). Plus précisément, elle précise que les choix de carrière qui mènent certains individus à une perte de sens existentiel sont

influencés par des forces inconscientes qui sont liées à des difficultés remontant à l’enfance et qui ont un effet sur le présent. Son approche vise

donc principalement un retour dans les expériences traumatisantes de l’enfance pour mieux comprendre leurs influences au présent (Ibid.). Des

besoins d’admiration, de reconnaissance et de contrôle, par exemple, influencent grandement le développement de l’épuisement professionnel.

Elle cite notamment l’exemple de l’enseignante qui devant l’indiscipline et l’insouciance de ses élèves, souffre profondément du manque de

reconnaissance à son travail (Ibid.). Les trois étapes du traitement sont les suivantes (Pines, 2002) : 1) identifier les raisons conscientes et

inconscientes qui ont influencé le choix de carrière des individus et préciser ce que le choix de carrière était supposé leur procurer en termes de

signification existentielle; 2) identifier les raisons de l’échec des individus à donner un sens à leur existence et spécifier la relation avec

l’épuisement professionnel; finalement 3) identifier les changements possibles qui permettraient de retrouver un sens existentiel dans le travail.

En terminant, elle précise que son approche, qui est un croisement entre les théories psychanalytiques et existentialistes, devrait faire l’objet de

nouvelles études d’efficacité comparatives avec les autres approches.

À la suite d’une recherche qualitative auprès de 36 travailleurs québécois rencontrant les critères adéquats du trouble de l’adaptation du DSM IV,

Bernier (1998) propose un processus de traitement pour les gens souffrant d’épuisement professionnel sévère comportant six phases. Le

processus de recouvrement est long et peut durer de 1 à 3 ans. Il peut être illustré de la façon suivante :

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Tableau 7

Processus de traitement de l’épuisement professionnel sévère de Bernier

Phases Stratégies d’adaptation

1 Admettre le problème

2 Se distancier du travail

3 Rétablir la santé

4 Questionner les valeurs

5 Explorer les possibilités d’emploi

6 Provoquer un changement

Source : Bernier (1998), p. 56, 57, 58 et 59.

La première phase consiste à aider le client à admettre le problème. Les personnes interviewées ont admis avoir eu de la difficulté à simplement

reconnaître qu’il y avait bel et bien un problème qui nécessitait un arrêt de travail. La reconnaissance du problème est graduelle et le déni peut

durer quelques semaines, voire quelques mois. La deuxième phase consiste à convaincre la personne de quitter la source de stress pendant un

moment pour reprendre des forces. La difficulté de prendre cette décision est souvent liée à la diminution du revenu pendant la période de

convalescence. Elle dépend de beaucoup de facteurs, comme les niveaux d’endettement, les programmes d’assurance, etc. Une fois que la

distanciation de la source de stress est effectuée, une troisième phase de recouvrement de la santé sera entreprise. Elle vise deux objectifs

distincts, soit la réduction des tensions (relaxation physique, émotionnelle et intellectuelle) et un regain de joie de vivre grâce à des activités

graduelles et surtout stimulantes pour la personne. La quatrième phase sera plutôt axée sur le questionnement des valeurs. C’est un temps pour

réfléchir et revoir en profondeur l’interaction entre le fonctionnement psychologique de la personne (cognitions, émotions, comportements) et

son environnement. Le conseiller tentera de comprendre les anciennes valeurs qui, pour certaines d’entre elles, seront remplacées par de

nouvelles valeurs. Selon Bernier (1998), le temps accordé à cette phase est le plus difficile à prévoir. Elle est souvent difficile et provoque des

incertitudes et des doutes chez la personne. La cinquième phase, quant à elle, visera l’exploration des nouvelles possibilités d’emploi en fonction

des nouvelles valeurs de la phase précédente. Dans certains cas, ce sera l’exploration des possibilités au sein de la même entreprise (modification

de tâches, de rôles, etc.), et pour d’autres, ce sera l’exploration de nouvelles possibilités de carrière dans une nouvelle entreprise. Finalement, la

sixième et dernière phase consiste à prendre une décision et à provoquer un changement. Pour les personnes qui décident de retourner à leur

ancien emploi, elles devront s’assurer de créer un changement à leur retour afin d’éviter de revivre les stress déjà vécus. Les personnes pourront

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239

par exemple demander à travailler à temps partiel, à se faire enlever certaines tâches, demander de la formation supplémentaire, etc. Pour celles

qui décident de changer d’emploi, l’important sera de s’assurer d’éviter des conditions similaires à l’ancien emploi. Ceci étant dit, Bernier (1998)

observe que ceux dont les obligations financières sont plus importantes auront tendance à retourner pour leur employeur actuel et ceux qui ont

plus de flexibilité changeront majoritairement d’emploi.

Dans le même ordre d’idées, Lafleur (1999) propose également un processus de traitement pour les gens souffrant d’épuisement professionnel.

Toutefois, contrairement à Bernier (1998), Lafleur distingue deux formes de traitement, soit les convertis et les invertis. La première forme

(convertis) est axée sur la résolution objective des problèmes. Comme le mentionne Lafleur (1999), « les épuisés qui recherchent cette voie de

traitement sont habituellement des êtres très rationnels » (p. 184). Ce sont des gens qui accepteront beaucoup plus difficilement de creuser à

l’intérieur d’eux-mêmes et de prendre contact avec leurs émotions. Ils vont plutôt opter pour des changements logiques, de nouvelles règles de

conduite et se centreront essentiellement sur l’action (Ibid.). Comme le précise Lafleur, cette stratégie est efficace à court terme, mais elle

comporte le risque de ne pas être suffisante : « Le danger, c’est que les convertis continuent souvent d’être rigides. Même s’ils endossent un autre

mode, une autre culture, ils se basent encore sur des principes et adoptent de nouveaux stéréotypes. Jusqu’à un certain point, cela les limite

encore » (p. 185). C’est pourquoi il y a une deuxième forme de traitement (invertis) qui vise la recherche intérieure. Lafleur (1999) mentionne :

C’est une démarche plus personnelle et plus profonde que la précédente, mais elle est plus longue et, souvent aussi, plus

douloureuse, car elle est faite de remises en question et de contacts avec de vieilles blessures. Les gens qui acceptent de s’y engager

feront leurs nouveaux choix de vie non pas à partir de nouvelles normes extérieures, mais plutôt en se basant sur leur désir de

développement personnel, parfois aussi sur leur désir de développement spirituel; mais dans tous les cas, ils s’appuieront sur des

conclusions intérieures (p. 187).

Cette deuxième forme de traitement n’est toutefois pas convenable pour tout le monde, car certaines personnes se sentent « […] souvent

angoissées quand elles explorent leurs émotions et elles ne voient pas trop où ça pourrait les mener. Elles s’opposent donc assez rapidement à ce

traitement. » Ceci fait dire à Lafleur (1999) que les deux formes de traitement peuvent être efficaces. Toutefois, la combinaison des deux formes

de traitement s’avère plus optimale.

Page 240: Recueil de texte en  counseling

240

À la suite de la logique des deux formes de traitement (convertis et invertis), Lafleur propose une démarche de traitement des gens souffrant

d’épuisement professionnel qui comporte neuf étapes, dont un tronc commun au départ. Voici un tableau qui présente le processus de traitement

des gens souffrant d’épuisement professionnel :

Tableau 8

Processus de traitement de l’épuisement professionnel de Lafleur

Accepter la convalescence (1)

Accepter l’échec (2)

Accepter l’affront (3)

Convertis Invertis

Réprimer sa douleur (4) Exprimer sa douleur (4)

Comprendre (5) Comprendre (5)

Travailler ses dépendances (6) Travailler ses dépendances (6)

Se préparer à un retour au travail (7) Intégrer les différents morceaux

de sa vie (7)

Reprendre le travail (8) Reprendre le travail (8)

Maintenir ses résolutions (9) Poursuivre le développement

personnel (9)

Source : Lafleur (1999), p. 191 à 199.

La première étape consiste à lâcher prise par rapport au travail et à accepter de prendre du temps de repos. La deuxième étape vise l’acceptation

pour la personne de son incapacité à faire face aux tâches qui étaient demandées. La troisième étape fait plutôt référence aux sentiments de colère

envers la direction et les collègues qui émaneront dans le processus et à leur apaisement. Ensuite, c’est à ce moment que la direction du

traitement (convertis ou invertis) sera influencée en fonction des caractéristiques du client.

Si la forme de traitement converti est privilégiée, l’étape suivante sera de se servir de la douleur pour entrevoir de nouvelles résolutions afin

d’éviter que cela ne se reproduise. La compréhension logique des événements et des causes initiera ensuite le développement de nouvelles

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stratégies d’adaptation en milieu de travail. Finalement, les dernières étapes seront axées sur la préparation, la mise à l’essai de ces nouvelles

stratégies d’adaptation en milieu de travail et leur maintien au quotidien pour éviter à nouveau les conséquences possibles. Par contre, si la forme

de traitement inverti est privilégiée, les étapes suivantes seront différentes. L’expression de la douleur sera encouragée à ce moment du

processus. La compréhension des souffrances du passé sera aussi explorée pour faciliter les liens avec les difficultés actuelles du client. Cette

compréhension va provoquer un changement immédiat dans la vie de la personne qui cherchera à modifier son contact avec la vie, avec les autres

et développera de nouvelles perspectives, notamment dans l’optique d’un éventuel retour au travail. Les dernières étapes concernent surtout le

retour au travail, le cas échéant, mais surtout le maintien des nouvelles valeurs dans le temps.

En conclusion, ce processus de traitement proposé par Lafleur pourrait également être un outil employé dans le traitement des gens souffrant

d’épuisement professionnel. Il a la particularité de faire la différence entre servir des gens qui acceptent l’introspection et des gens qui souhaitent

un processus plus rationnel et moins émotionnel.

Les stratégies d’intervention de traitement organisationnel

Au-delà des stratégies préventives, les entreprises ont également des moyens à leur disposition pour intervenir en matière de traitement d’une

personne qui souffre d’épuisement professionnel sévère et qui nécessite malencontreusement un arrêt de travail.

L’instauration d’un programme d’aide aux employés (PAE) est un de ces moyens. Il est défini comme étant :

[…] un programme systématique et planifié en vue d’assurer une assistance professionnelle aux employés qui éprouvent des

problèmes reliés à l’abus d’alcool ou de drogues, qui sont affectés par des troubles d’ordre émotif ou qui traversent une période de

crise (matrimoniale, familiale, financière ou légale) dont l’effet est de perturber leur rendement au travail (Savoie, 1989, p. 113).

À l’origine, les programmes d’aide aux employés avaient été conçus pour venir en aide aux gens avec des problèmes de consommation d’alcool

(Rhéaume, 1996). Toutefois, l’augmentation des problèmes liés à la santé mentale a provoqué des ajustements sur le plan des services offerts afin

d’inclure les difficultés psychologiques liées au travail et à la vie privée (Ibid.). Il existe essentiellement trois formes de programme d’aide aux

employés (Ibid.) :

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a) Les P.A.E. internes/externes : reçoivent les demandes d’aide à l’interne au départ pour ensuite référer à des ressources contractuelles. C’est

la forme la plus répandue au Québec.

b) Les P.A.E. externes/externes : toutes les demandes sont traitées à l’externe par des ressources contractuelles.

c) Les P.A.E. internes/internes : toutes les demandes sont traitées à l’interne seulement. C’est la forme la moins utilisée présentement dans les

entreprises québécoises.

Ces programmes d’aide aux employés peuvent donc être des moyens pour les entreprises pour venir en aide à leurs employés et s’assurer de leur

rétablissement. Toutefois, ce ne sont pas toutes les entreprises qui se prémunissent d’un tel programme; ce sont majoritairement les grandes

entreprises (Ibid.).

Idéalement, une procédure de retour au travail d’un employé ayant souffert d’épuisement professionnel devrait faire partie intégrante de chaque

programme de traitement (Schaufeli et Enzmann, 1998). La réhabilitation est cruciale puisque, selon les résultats de certaines recherches, la

plupart des employés qui ont souffert d’épuisement professionnel ne retournent pas à leur ancien emploi ou ne restent que quelque temps pour

quitter par la suite (Ibid.). Tous les professionnels impliqués devraient s’entendre sur un plan de réhabilitation qui inclut une exposition graduelle

aux charges de travail, une réduction du nombre d’heures (temps partiel) et une adaptation de certaines tâches (Ibid.). Pour Blonk et al. (2006), le

retour à temps partiel devrait se faire assez rapidement puisque selon les résultats de son étude, il contribue davantage à un éventuel retour à

temps complet. Toutefois, ce retour doit être effectué en combinant des interventions individuelles et organisationnelles en même temps que le

retour à temps partiel (Ibid.).

Dans certains contextes de travail, les entreprises peuvent offrir aux employés qui reviennent au travail à la suite d’un épuisement professionnel,

de changer complètement de poste ou même d’organisation, ce qu’on appelle aussi des transferts et des réaffectations (Schaufeli et Enzmann,

1998). Un changement d’organisation signifie plus particulièrement un transfert vers une autre succursale affiliée à l’entreprise qui peut se

trouver dans une autre ville par exemple. Ces stratégies de transfert et de réaffectation sont habituellement offertes lorsque la réhabilitation

s’avère très difficile, voire impossible dans l’ancien poste de l’employé (Ibid.). Elles ont une visée curative puisque qu’elles visent l’éloignement

de la source du stress et le nouveau départ dans une autre organisation qui peut présenter des conditions parfois différentes (meilleures relations

de travail, avec le supérieur immédiat, etc.).

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Acquis de counseling en maitrîse en carriérologie

Virginie Brodeur, étudiante à la maîtrise en carriérologie, UQÀM

Louis Cournoyer, professeur en counseling de carrière, UQÀM

Au cours des études au baccalauréat en développement de carrière et de maîtrise en carriérologie, plusieurs approches du counseling sont

enseignées. Parmi celles-ci trois ont plus particulièrement retenues mon intérêt, soit l’approche orientée vers les solutions (O’Hanlon et Weiner-

Davis, 1995), l’approche d’analyse des projets personnels (Little et Chambers, 2000) et celle de la psychologie positive (Seligman, 1993;

Mandeville, 2005). Cet article expose ces trois approches, sans prétention d’exhaustivité, puis présente la manière dont j’ai intégrée celles-ci au

sein d’une démarche-type de counseling de carrière.

L’approche orientée vers les solutions

Pour O’Hanlon et Weiner-Davis (1995), il vaut mieux s’attarder à rechercher des solutions aux problèmes que des problèmes aux solutions. C’est

ainsi que l’approche orientée vers les solutions propose des interventions axées sur la mobilisation d’objectifs, de solutions et de ressources

personnelles. Les conflits du passé sont rapidement explorés pour donner place aux perspectives présent-futur. Parmi ses stratégies

d’intervention, il est à noter la question miracle, les moments d’exception et la prescription de comportements tolérables. La question miracle

consiste à déplacer la situation problématique perçue par le client dans un lieu et un temps fictifs où serait résolue celle-ci. Lors d’une rencontre

où j’ai fait usage de la question miracle, j’ai pu constater que le fait que ma cliente s’imagine ne plus être aux prises avec ses difficultés et avoir

atteint son objectif permettait de mobiliser chez elle l’espoir du changement et le désir d’agir dans cette direction. Quant à la technique de

recherche de moments d’exception, il s’agit de trouver des expériences de vie où le problème relaté parle client n’est pas vécu de façon

problématique. Ensuite, le conseiller examine avec le client les ressources déployées et les conditions présentes à ces moments pour voir

comment les transférer au contexte actuel faisant problème. Les solutions peuvent être présentes sans que la personne s’en rende compte. Suite à

cette prise de conscience, une personne peut essayer de les reproduire lorsque la situation réapparaîtra. La prescription de comportements

tolérables s’appuie sur la notion de changements à petits pas où la personne est invité à faire l’essai de comportements minimalement à risque,

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plus garant d’une hausse de l’estime et de la confiance en soi. Au cœur de l’approche centrée sur les solutions se retrouve une relation de

collaboration (O’Hanlon et Weiner-Davis, 1995) où le client y est considéré comme l’expert de sa situation puisque c’est lui qui définit ses

propres objectifs de changement et qui mène les actions de recherche de solutions à sa problématique.

L’approche d’analyse de projets personnels

Pour Little et Chambers (2000), tous nos projets témoignent de préoccupations à l’égard du présent et du futur, de même qu’intentions d’actions

et de sens propres à la personne. La réalisation de projets témoigne de la volonté d’actualisation de soi de l’individu. Ainsi, en examinant les

caractéristiques, les aspects positifs et négatifs, la faisabilité, les significations, ainsi que les dimensions des projets personnels entretenus par la

personne, le conseiller peut alors adapter ses interventions au fonctionnement psychologique et ressources de la personne. Là encore, la relation

conseiller-client porte sur l’engagement du client dans sa démarche et la mobilisation active de ses ressources personnelles. Elles laissent plutôt

la place aux possibilités, ce qui est davantage encourageant et positif pour la personne. Les projets personnels dévoilent beaucoup d’informations

sur le client puisqu’ils sont entre autre le reflet de ses constructions personnelles et de l’environnement dans lequel le client évolue. Un avantage

important de l’approche est de faciliter l’implication de personnes plus réservées ou plus limitées au plan du vocabulaire. Je crois qu’un client

ayant de la difficulté à s’ouvrir au plan affectif sera plus à l’aise de discuter d’abord des projets personnels qu’il entretient et, de ce fait, sera plus

enclins par la suite à préciser ses pensées ou ses émotions à leurs égards.

La psychologie positive

Chacun possède en lui des forces souvent cachées par les difficultés vécues par l’individu. Lorsque nous vivons des moments de faiblesses, nous

avons tendances à oublier nos forces. La psychologie positive souhaite faire prendre conscience aux personnes de ces moments plus difficiles où

des ressources personnelles furent mises en action pour passer au travers. Il s’agit là d’une vision positive de nous-mêmes soulignant notre

capacité d’affronter et de surmonter nos difficultés. La psychologie positive se pose en opposition de certains courants plus traditionnels de la

psychologie qui focalisent leurs actions sur les maux, les difficultés et réparations requises chez la personne. À l’inverse, la psychologie positive

mise sur les forces humaines, sur l’attention portée aux émotions, ainsi que les expériences positives vécues pouvant être source d’espoir et

d’optimise pour l’avenir (Mandeville, 2005). Elle pose un regard sur les comportements et les traits de caractères associés au bonheur d’un

individu tels que le courage, la persévérance et la sagesse par exemple.

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Concevoir le processus par ces trois approches

Ma conception du counseling de carrière porte sur une démarche-type de quatre à cinq rencontres où l’accent des interventions porte

essentiellement sur les ressources positives et l’individualité de la personne et sur la recherche constante d’un fil conducteur à l’expérience

subjective de la personne. Dès l’accueil du client et de sa demande, il est primordial de veiller à l’établissement d’une alliance de travail et d’un

climat de confiance sain entre le conseiller et son client. À cela s’ajoute l’importance de recenser les démarches réalisées, les obstacles

rencontrés, les impacts recherchés par rapport à un objectif de changement clairement identifié. À partir de là, une exploration du parcours de vie

de la personne sur les plans personnels, professionnels et scolaires est réalisée au regard des trois dimensions de la personne que sont les

ressources personnelles, le fonctionnement psychologique et les conditions du milieu (Cournoyer, 2010; OCCOQ, 2010).

À ce moment, le conseiller mise sur des compétences relationnelles telles que les reflets de vécu cognitif, affectif, comportemental et somatique,

des questions exploratoires visant à spécifier, de résumés, d’apports d’information ajustées au bon moment psychologique, sinon à étendre la

perspective d’un enjeu donné, de même que l’emploi de questionnaires, d’exercices de connaissance de soi et de l’environnement, ainsi que de

projets personnels (Cournoyer, 2010). De plus, il est préférable de focaliser sur le moment présent et sur l’avenir en termes de possibilités. À

mesure que progresse la collaboration conseiller-client, il devient possible de saisir ensemble la dynamique subjective et intersubjective de ce

dernier. Il est essentiel que le client se sente interpellé par le processus. Également, l’exploration de la dynamique globale du client pourra

permettre un passage vers des enjeux plus centraux chez ce dernier au-travers de prises de conscience à l’égard de ses ressources intérieures. Au

moment où une forte mobilisation de ces dernières est présente, il devient alors possible de mieux donner sens aux différentes options de choix,

de projets ou de changements d’études, de professions ou de secteurs d’emploi par le client. Également, le client alors plus conscient de ce qu’il

vit, ce qu’il traverse et surtout des moyens pour s’en affranchir pourra alors préciser un plan d’action éclairé et engagé. Enfin, plusieurs

compétences relationnelles peuvent être utilisées de façon à être en résonance avec le client dans une démarche d’orientation. En début de

processus, afin de créer une alliance thérapeutique et une relation de confiance avec le client, les compétences relationnelles de base sont

essentielles à employer. Il s’agit de la présence et de l’écoute, de l’empathie, de la spécificité, de l’authenticité et du respect (Egan, 2005)

Lorsque nous sentons, en tant qu’intervenant, que la relation est bien établie, la confrontation peut alors être utile pour travailler les

généralisations, les dissonances ou encore les ambiguïtés au sein des propos du client. À tout moment au cours du processus de counseling, mais

en particulier lors de la phase de l’exploration, il est nécessaire en tant que conseiller, de mobiliser des compétences relationnelles dites

spécifiques telles que les reflets empathiques, les questions ouvertes et les résumés (Egan, 2005). Le reflet empathique renvoie au client ce que

l’on a compris de son monde et ainsi valider notre compréhension. Il permet également de témoigner soulever le positif chez le client. Pour sa

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part, la question ouverte permet de favoriser un discours libre et sans fermeture tout en permettant l’exploration. Les moments d’exception et la

question miracle sont de bons exemples de questions ouvertes. Enfin, le résumé permet une synthèse de notre compréhension du monde de notre

client. Il s’agit d’amasser l’information recueillie afin de dégager les éléments à retenir dans le discours de notre client, puisqu’en phase

d’exploration, une quantité importante d’information est habituellement dégagée. Enfin, les compétences relationnelles peuvent être additives ou

non additives. Au cœur de cette démarche d’aide au regard de la carrière, la relation de confiance demeure la fondation sur laquelle le conseiller

pourra employer des compétences relationnelles plus additives au plan du contenu avancé.