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RÉALISATION ET MISE EN FONCTIONNEMENT D'UNE PLATEFORME MULTIMODALE ET DE STOCKAGE DANS LE DOMAINE DE L'URGENCE OPÉRATION "LIGNE DE VIE SOUDAN" (OPERATION LIFELINE SUDAN / O.L.S.) Hubert COPPIN 1993-1995 - 1 -

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RÉALISATION ET MISE EN FONCTIONNEMENT

D'UNE PLATEFORME MULTIMODALE ET DE STOCKAGE

DANS LE DOMAINE DE L'URGENCE

OPÉRATION "LIGNE DE VIE SOUDAN"(OPERATION LIFELINE SUDAN / O.L.S.)

Hubert COPPIN1993-1995

- 1 -

INTRODUCTION

1) Le cadre :- Localisation géographique du Soudan.- Zone d'action comparable à la superficie de la France.- Guerre au Sud-Soudan depuis les années 1950, intensification fin des années 1980. - Déplacements de population.- Besoin d'aide alimentaire (le Programme Alimentaire Mondial / P.A.M. de l'O.N.U.). (cf. carte "les Deux Soudan" et contexte historique en annexe)

2) Le plan :- Mise en place des moyens initiaux (base d'opération et moyens de transport).- Gestion des stocks.- Livraisons par voie aérienne et routière.

SOUDAN (1993)Superficie : 2 376 000 km2.Population : 27 millions d'habitants.Densité : 11 habitants par km2,Capitale : Khartoum.Composition ethnique (572 ethnies) : Arabes 40 %, Fours et Bedjas 20 %, population

nilotique 36 %, Nubiens 4 %.Langue officielle : arabe. Autres : anglais, dinka et environ 200 dialectes.Religions : musulmans sunnites 70 %, animistes 20 %, chrétiens 10%.PNB : 10 milliards de dollars US.PNB par habitant : 400 dollars US.Répartition du PNB comparée à la répartition de la population active (par secteur et

en %) : Agriculture 36/65, Industrie 14/4, Services 50/31.

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- 3 -

LA MISE EN PLACE DES MOYENS INITIAUX

A) CIBLAGE DE LA POPULATION1) Estimation des besoins :

- UN "assessments" ("estimations" de l'ONU) au Sud-Soudan.- évaluation de la population

touchée : 1,2 million de personnes.

- dispersion de la population et évaluation des distances.

- habitudes alimentaires et agricoles.

2) Données :- Céréales : 100 à 500 g / j. /

personne.- Féculents : 20 à 60 g / j. /

personne.- Huile : 10 g / j. / personne.

B) APPEL DE FONDSeffectué simultanément avec le choix des moyens et d'un site (base d'opérations).

1) Choix des moyens : Toujours maritime entre les pays donateurs et l'Afrique pour une raison de compétitivité, si

l'urgence est telle que l'on ne peut attendre, le Programme Alimentaire Mondial (P.A.M.) des Nations Unies stationné au Kenya empruntera à celui d'un pays voisin (ex: l'emprunt à l'Opération Ligne de vie Soudan / O.L.S. de vivres pour l'opération sur le Ruanda).2) Le port d'accueil :

Doit être trouvé au plus près de la base d'opérations.Est fonction du paramètre sécurité et du tirant d'eau.

3) Base d'opérations :Elle est fonction des paramètres :

- distance à l'objectif,- climat,- accessibilité transport / axes routiers.

2 sites retenus : Khartoum / Port-Soudan (distance et choix politique)Lokichokkio (= "Loki") / Mombasa

- Khartoum : 1 IL 761, barges, rail... possibilités restreintes.- Loki. : Pont aérien pour raison de sécurité, convois. (choix d'une base de repli : Gulu / Ouganda)

C) LOKICHOKKIO : LA MONTÉE EN PUISSANCE Mise en place de l'opération en 1990 avec peu d'outils.Besoins alors encore limités :

- guerre n'ayant pas encore tout détruit. - peu de mouvements de population. - opinion publique occidentale peu sensibilisée.

Juin 1993 :A mon arrivée, existence d'un camp de base : une quinzaine de tentes, un bureau, une salle radio,

quelques avions, une piste en terre, 7 entrepôts, un seul expatrié du P.A.M.Ma responsabilité : prise en compte de l'aérodrome.Intensification des opérations (passage à 3000 T / mois).

1 Iliouchine 76 (avion gros porteur).

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Les hommes :Recrutement du personnel et instruction (jusqu'à 350 hommes).Equipes de nettoyage, chargement, déchargement, responsables d'entrepôts (méthodes de

stockage, inventaires...), équipes de spécialistes (largages, électriciens, charpentiers, maintenance...), sécurité...

Affectation de tee-shirts de couleur différenciant les équipes de travail portant logo et nom du P.A.M. (opération de pub. / journalistes B.B.C., Reuter, FR3...).

Contrôle des présences et organisation des paiements.

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Opération Ligne de vie Soudan

terrain d'aviation

trafic aérien

opérateurs nourriture

L'infra de "l'aéroport" (classification, arbitraire mais réaliste, du terrain en aéroport, au vu du gabarit des avions et de l'infrastructure mise en place jusqu'à mon départ) :1) Carburant

- 3 camions citernes sur l'aéroport.1 seule compagnie, CaItex.

Inconvénients : le prix, car pas de concurrence, CaItex seule à avoir des cuves de stockage.Avantages : le Jet A-12 reste notre propriété, pas de piratage, contrôle des mouvements

aériens par rapport au gouvernement soudanais qui considère les Nations Unies comme seule responsable de tout décollage du Nord Kenya.

- Problème de transport du Jet A-1 :Beaucoup de camions n'arrivent pas ou fuient.

Origine : MBA (Mombassa) NBO (Nairobi) : 485 km (rail / route)NBO (Nairobi) WL (Loki) : 900 km (route)

On goudronne Kakuma / Loki : 100 derniers km du trajet vers Loki.Gestion du stock de Jet A-1 trop complexe, donc gourmande en temps, laissée à un

responsable du camp (variation du volume en fonction de la température, tests de 100 litres / camion...)

Consommation : 85 000 litres / jour 3 camions citernes 70 tonnesCapacité de stockage portée à 800 000 litres.

2) Appoints à la navigation aérienneAfin d'améliorer la disponibilité des matériels :

goudronnement de la piste (1 mois et demi / 2 mois) alors que les opérations continuent (pendant les vols, 75 mouvements par jour environ).

mise à niveau et goudronnement du tarmac et de toute la rampe (100 x 300m) afin d'éviter la détérioration des matériels lors des mouvements et points fixes.

réalisation d'une route d'accès de 400 m remplaçant la piste de terre. mise à niveau et goudronnement de la zone fret (300 x 150 m) en déplaçant les entrepôts

par transfert des vivres. érection d'une tour de contrôle.(coût de cette opération : 500 000 dollars US)

En hiver 1994 : mise en place d'une section feux avec abri. aides visuelles à la navigation :

- marquage de la piste (lignes discontinues, numérotation en bout de piste, seuil d'accès à la piste).

- appareils de mesure climatique (baromètre, thermomètre, girouette avec indicateur de vitesse du vent...)

- étude d'un projet de système d'éclairage de la piste abandonné car peu intéressant au vu du nombre restreint d'heures de vol nocturnes et des risques de vol de matériels (ampoules volées sur la quasi totalité des aéroports africains).

3) Divers mise en place d'un périmètre

de sécurité de 5000 m. démultiplication des entrepôts

(de 7 à 16 ; 10 000 dollars US par entrepôt ; capacité 500 t par entrepôt).

marquage des entrepôts aux couleurs des Nations Unies.

construction d'une route à destination du Soudan (Narus, Natinga, voir carte). Coût : 450 000 dollars US.

mise en place d'une zone vie. radio portatives : je suis ainsi

en contact 24 h / 24 avec le camp de base.

2 Type de carburant à base de kérosène, le plus répandu dans l'aviation civile.

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(compagnies aériennes)

GESTION DES STOCKS ET LOGISTIQUE D'APPROVISIONNEMENT

Ma première mission était de réaliser la coordination de "la rampe d'approvisionnement". L'organisation mise en chantier, j'ai voulu, afin de disposer d'une base de travail fiable, me pencher sur les conditions de stockage. La gestion étant inexistante et les sacs amoncelés sans rigueur aucune, je me suis renseigné sur les techniques de stockage avant de procéder à un vaste inventaire et à un début d'organisation.

A) OUVERTURE DU PREMIER BUREAUCartes de stocks dans les premiers entrepôts vides.Nettoyage de ces entrepôts.Elévation du sol des entrepôts (le sol était encore en terre à cette époque)Bâches sur les stocks à l'air libre.Commandes de palettes de stockage pour surélever les cartons et sacs dans les entrepôts.Tranchées creusées le long des entrepôts afin d'éviter les infiltrations d'eau.Gestion par familles de produits.

B) INFORMATISATIONCommandes d'ordinateurs, d'une photocopieuse et d'une imprimante ainsi que de fournitures de

bureaux.Mise en place sur dBase IV d'une gestion de stocks par création d'une base de données et édition

de rapports de stocks quotidiens sur tableur Lotus à destination du P.A.M. Nairobi.Développement du système par la création de fichiers :

- avions, afin de comptabiliser les heures de vol, consommations de carburant et différents types de tonnages transportés et pouvoir ainsi optimiser les prévisions et comparer les compagnies aériennes en présence.

- ONG, afin de comptabiliser les coûts imputables à chacune des 52 organisations qui composent l'opération.

- localités, dans le but de mieux gérer les consommations.Edition de rapport-bilans hebdomadaires et mensuels expédiés à Echo, organisme donateur de

l'Union Européenne à Bruxelles, et à Rome, siège du P.A.M.

C) PRÉPARATION DES DOCUMENTS DE TRANSPORTExistent de façon standard au sein des Nations Unies des documents (feuilles de route /

"Waybills") utilisés pour tout transport quel que soit le pays, le mode de transport ou la quantité.Après un an et demi de fonctionnement sur ce principe et au vu des problèmes liés à cette

standardisation, je décide d'adapter aux différentes opérations réalisées des documents de formes diverses. En effet il s'avère que pour expédier par route le fret jusqu'à Lokichokkio nous utilisons les "feuilles de route", les documents usités pour les mouvements internes sont eux aussi des "feuilles de route" tout comme ceux qui accompagnent les convois, le fret aérien livré par atterrissage ou largage

Seuls conserveront cette appellation les documents accompagnant le fret routier (convois et arrivages). Le fret aérien se verra nanti d'un "Manifeste de transport" ("Cargo Manifest") et tout déplacement de fret en interne se fera sous couvert d'un bordereau de livraison ("Delivery note").

Cette opération, incongrue en apparence, permet d'éviter d'enregistrer deux fois une même sortie.

D) ARRIVÉE DES CAMIONSArrivée moyenne de 100 à 150 tonnes de fret par jour "en accordéon" (de 0 à 600 tonnes) la

première année de mes fonctions en raison de mauvaises conditions de transport, mais surtout d'un manque de coordination, dû au contrôle du pipeline (quantités, délais) par l'amont. Le contrôle par l'amont décidé à Nairobi est dû aux importants coûts de stockage sur le port de Mombasa qui poussent les décideurs du P.A.M. à expédier le fret aussitôt que possible dans nos entrepôts de Lokichokkio. Ce problème sera réglé début 1995 par une gestion et un pilotage par l'aval (l'aéroport). Les stocks non livrés sont alors envoyés au Ruanda3 sous forme de prêts remboursables car l'opération qui débute alors là-bas n'a encore ni budget ni stocks en propre.

Certains trains routiers rejoignent Lokichokkio avec 70 tonnes de fret détruisant régulièrement 3 Événements du Ruanda… 1990 : début de conflit et de massacres au Ruanda ; intervention française de soutien au gouvernement en place. Avril 1994 : "génocide". Juillet 1994 : renversement du gouvernement Kambanda en place durant le "génocide".

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l'infrastructure routière mise en place et particulièrement le bitume de la zone de stockage.Dédouanement effectué par nos services au camp.

E) LA GESTION DES PRODUITS D'EMBALLAGEParallèlement à la gestion de stocks, je mets en place une véritable gestion de produits

d'emballage qui servent au reconditionnement des sacs amenés à être largués en altitude. Il s'agit tant des sacs vides (8 à 11 000 par jour), que des bobines de fil de couture, d'huile pour machines à coudre, des machines elles-mêmes et de leur pièces détachées, que des palettes de contre-plaqué.

Si des produits d'emballage venaient à manquer nous perdrions des dizaines de milliers de dollars, il m'est ainsi arrivé d'avoir à ordonner la récupération de palettes déjà larguées au Sud-Soudan afin de maintenir le rythme des expéditions, ou de mélanger du Jet-A-1 à de l'huile boite de vitesse pour remplacer l'huile de machines à coudre en rupture de stock.

F) LES SORTIESD'une manière générale le système FIFO ("First ln First Out" : "premier entré, premier sorti") est

utilisé et permet de limiter les pertes (de l'ordre de 2 % en 1995).Lorsque régulièrement se profile une infestation de charançons, le service de nettoyage organise

une fumigation chimique des entrepôts. Les sorties représentent un minimum de 700 tonnes par semaine.

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LOGISTIQUES DE PRODUCTION ET DE DISTRIBUTION

A) LARGAGES (desserte de 99 zones de largage / "Drop Zones")Le principe des largages ("airdrops") est de ravitailler des populations inaccessibles par route et

ne disposant pas d'un terrain propice à l'atterrissage de nos avions ou vivant à proximité de zones de combat. Ce principe permet, en outre, d'éviter de risquer d'embourber un "gros porteur", d'endommager son train (nous avons perdu deux C-1304 dont un ayant sauté sur une mine) ou d'affronter des hordes de candidats à l'émigration. La technique utilisée et détaillée ci-après a demandé une mise au point perfectionnée, à l'origine d'un travail journalier et nocturne particulièrement éprouvant. Elle est devenue rapidement opérationnelle, dans le. courant du mois de juin 1993.

Après de multiples essais effectués par nos C-130 Hercules, il s'est avéré que les largages devaient être réalisés à 700 pieds (200 m) à vitesse réduite, et permettaient de livrer jusqu'à 16,2 tonnes avec un taux de récupération avoisinant les 100 %.1) Préparation de commandes:

La grande majorité des sacs de grains nous arrivant empaquetée dans des sacs de contenance de 50 kilos (à l'exception du fret en provenance d'Ouganda, 90 kilos), c'est cette unité de mesure que nous avons adoptée pour le reconditionnement.

La technique de fabrication laborieusement élaborée demande l'utilisation pour une quantité de grains de 50 kilos, de 4 sacs de 90 kilos de contenance, c'est à dire environ 8 à 10 000 par jour sachant qu'un seul largage en demande 1300. Les sacs originels de 50 kilos doivent alors être éventrés et placés dans les sacs de plus vaste volume. Ainsi reconditionné, le contenu se répandra à l'impact dans le volume resté disponible et les sacs n'exploseront donc pas. Chaque sac ainsi réempaqueté doit être pesé, sachant qu'à l'origine certains arrivages nous arrivent conditionnés en 90 kilos. Chacun des 4 sacs qui composent l'emballage d'un "50 kilos" est alors cousu séparément afin de renforcer l'imperméabilité de l'ensemble, le sac extérieur bénéficiant d'une double couture. Les sacs rendus flasques sont ensuite, au nombre de 18 (soit 900 kg), disposés en quinconce sur une palette de largage d'environ 1,2 m de côté sur 2,5 cm d'épaisseur et attachés par 4 sangles tendues passant chacune par deux trous percés dans la palette. Les commandes préparées sont enfin entreposées sur le tarmac sur des palettes de stockage retournées, en attente de chargement et une marque de peinture apposée permet son identification (type de produit, date de production).

A titre d'information, il faut 100 personnes pour préparer 8 commandes de 16,2 tonnes, chacune travaillant 8 heures par jour par 45° à l'ombre.

Les palettes sont placées sur le tarmac pour des raisons évidentes d'optimisation des temps de chargement et couvertes afin de garantir les sacs des risques de pluie.2) Chargement et largage:

18 palettes de 900 kilos sont chargées par 2 élévateurs sur les deux rampes de roulage ("rollers"), elles-mêmes sanglées à des anneaux rivés au plancher.

Un temps de chargement optimal effectué lors du plein de l'avion peut atteindre 7 minutes. Le temps maximum passé au sol par un C-130 est alors de 15 minutes. Les temps de vol ("blocktime") quotidiens s'élèvent parfois jusqu'à 11 heures par avion.

Le largage a lieu en deux temps après un passage de repérage ("dry pass") au-dessus de la zone de largage. Le guidage des avions est dirigé par la cellule "Urgence" représentée par deux "opérateurs nourriture" ("food monitors") au sol. A noter un accident survenu en 1994, où une journaliste américaine d'une équipe de télévision a été amputée d'une jambe après avoir reçu un sac sur elle.

L'équipe de guidage amène l'avion dans la trajectoire de la zone d'environ 300 mètres de long, qu'elle a au préalable dégagée et marquée à l'aide de grandes croix et de grands « L », faits à partir de sacs vides cousus par une de mes équipes. Elle autorise ensuite le largage, réceptionne, rend compte, comptabilise et distribue ou entrepose. Elle est ensuite "ramassée" par un "Caravan"5 et redéposée ailleurs pour évaluer les besoins en étroite collaboration avec les chefs tribaux ou responsables gouvernementaux, et préparer la réception.

A noter que cette technique de largage a été utilisée jusqu'à la mi-1994, époque à laquelle nous avons utilisé des C-130 de la Force Aérienne Belge et 8 palettes portant 2 tonnes chacune (au lieu de 18 de 900 kg) pour les largages. Cela est dû à la configuration différente de ces C-130 belges.

4 Cf. annexe sur les types d'avions utilisés.5 id.

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B) LES ATTERRISSAGESOutre les largages, une bonne part

des livraisons est réalisée grâce aux atterrissages des "Buffalo", DC3, DC6, DC7, C46, Twin-Otter, Caravan, Andover6...

En effet, à coté des sacs de grains largués, les commandes d'huile et de matériels divers (environ 650 à 700 tonnes de matériel médical, de construction, véhicules, outillage, semences...) ne peuvent être honorées que par des avions suffisamment robustes pour atterrir sur des pistes de fortune dans le sable ou dans la boue. Il faut, de plus, des appareils légers pour évacuer les personnels en cas de danger, et tout au moins permettre aux 52 ONG et aux personnels de l'ONU de se rendre sur les différents sites de travail.

Nous avons malgré tout perdu plus de 10 avions en l'espace de 2 ans.En termes de nourriture : 3 à 4000 tonnes sont expédiées mensuellement pour ravitailler

1,2 million de personnes dont 200 000 sont complètement à charge.

C) LA GESTION DES MOYENS AÉRIENS 1) Les temps de vol ("blocktime")

Le décompte mensuel demande une bonne collaboration entre mes différents services (contrôleurs aériens, équipages, contremaîtres...) car les compagnies aériennes sont bien évidemment rétribuées en fonction du nombre d'heures de vol effectuées et le minutage doit, à cet effet, être particulièrement précis ; les litiges dans ce domaine ne sont pas rares.

Les totaux vérifiés et résumés par mes soins sont ensuite faxés : à Rome pour règlement, à Nairobi pour information, et copie remise aux compagnies aériennes concernées.

Les contrats avec les compagnies ou agents sont de 1 à 6 mois, renouvelables.2) Les consommations

Comme expliqué plus avant, la gestion du stock de carburant au Kenya ne rentre pas dans le cadre de mes attributions et les stocks sont situés prés du camp (à environ 2 km de l'aéroport).

Cependant, les consommations, elles, sont gérées par l'aéroport et donc à ma charge. J'expédie chaque soir le bilan des consommations au camp après vérification, et avec approbation manuscrite lorsque les avions n'opèrent pas pour l'O.L.S. mais que j'ai dans la journée autorisé leur ravitaillement (dans ce cas une procédure de remboursement est engagée par Nairobi car, je le répète, la totalité du stock de Jet A-1 du Nord-Kenya nous appartient et coûte 34 cents de dollar US le litre, du fait de l'acheminement, contre 20 à 25 pour la petite équipe de Khartoum).

En ce qui concerne l'huile, une clause de certains contrats stipule que c'est aux Nations Unies de la fournir.3) Les coûts

A titre d'indication, voici quelques coûts directs :- coût mensuel d'un C-130 à la location, avec une garantie de 150 heures de vol, mais nous

permettant d'effectuer généralement 300 heures (le coût à l'heure étant dégressif à partir des 150 heures) : 900 000 à 1 million de dollars US.

- coût mensuel pour un Buffalo, avec un maximum ne dépassant pas 220 heures : environ 300 à 400 000 dollars US.

- consommation de carburant d'un C-130 : 2650 litres / h.- vitesse du C-130 : 450 km / h.- facture de Jet A-1 mensuelle : environ 850 000 dollars US pour la totalité de la flotte.

D) LES CONVOISEn dépit de leurs fréquences, les convois sont demeurés marginaux tant en termes de tonnage

6 Cf. annexe sur les types d'avions utilisés.

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qu'en nombre de localités ravitaillées ou en jours d'activité.Les véhicules appartenant à une compagnie privée contractée sont tous des porteurs 6x6

généralement Mercedes chargés de 8 tonnes de fret chacun ; et ces convois de 8 à 10 véhicules ne touchent que l'extrême sud du pays. En raison du faible rayon d'action qui leur est imparti, ils parviennent parfois à boucler plusieurs rotations dans la même journée, toujours à partir de l'aéroport où se trouvent mes stocks.

Cependant ils sont demeurés relativement rares en raison principalement des problèmes de sécurité qu'ils rencontrent et des pertes humaines qu'ils nous ont occasionnés dues aux nombreuses mines ainsi qu'aux embuscades tendues par les différentes factions. Ils ont toutefois, dans la mesure du possible, été privilégiés en raison de leur faible coût.

A noter que des trains en provenance de Khartoum et des barges remontant le Nil, portant chacune 1000 tonnes, ont aussi été utilisés mais à partir de Khartoum et donc hors de mes responsabilités. La fiabilité de ces moyens de transport n'a pas permis une généralisation de leur utilisation, en raison des nombreux pillages dont barges et trains faisaient l'objet.

A noter également de nombreuses prises d'otages de personnels d'ONG et des Nations Unies, par des éléments incontrôlés par les principales factions du pays.

On peut estimer à 780 dollars US en moyenne le coût d'acheminement d'une tonne de nourriture (quelle que soit sa provenance) jusqu'aux destinataires.

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CONCLUSION

Cette opération qui a commencé au début de la décennie est à l'heure actuelle7 toujours en fonctionnement mais presque en sommeil depuis l'été 1995, date de mon départ, les autorités de Khartoum n'ayant pas renouvelé leur autorisation de survol du Soudan par les avions des Nations Unies.

Cette opération menée conjointement par le P.A.M. et l'Unicef reçoit en outre l'appui des services du Haut Commissariat aux Réfugiés (H.C.R.) pour tout ce qui concerne les problèmes de réfugiés. Un camp de réfugiés existe à Kakuma (environ 100 km au sud de Loki). Il est aussi naturel de souligner le concours de 52 ONG, dont les activités s'avèrent particulièrement utiles dans le cadre de programmes "nourriture contre travail" ("food for work") contribuant à réactiver l'économie locale malmenée. Celles-ci participent à la distribution des vivres qui sont, lorsque l'état des populations le permet, ensuite donnés contre des temps de travail consacrés à la reconstruction d'infrastructures, ou contre tout type de production locale.

Si le travail effectué par l'ONU est souvent décrié, il faut rappeler que ses personnels travaillent généralement dans de très mauvaises conditions et ce tous les jours, voire 24 heures sur 24, et que, sur cette opération, 3 expatriés et plusieurs Kenyans ont laissé leur vie.

Au chapitre des organismes donateurs, il convient de préciser que les fonds peuvent provenir de contributions spéciales du type "un C-130 et son carburant financé par l'aide américaine pendant un à trois mois pour l'opération sur le Soudan", ou de contribution allouées par New-York au P.A.M., d'un financement de l'Union Européenne de 60 000 tonnes de grains et du coût d'acheminement qui les accompagne… Il nous est ainsi arrivé d'être informés que, faute de moyens suffisants, l'opération (et nos contrats) s'arrêteraient 15 jours plus tard.

Enfin si l'on dit souvent que l'ONU a la tête malade, ce dont je ne puis parler, je peux en revanche affirmer que le corps est sain et vigoureux, et que sur le terrain, nombreux sont ceux qui se démènent corps et âme pour leur travail, et possèdent un degré de technicité pointu. Nous étions, par exemple, capables en cas de danger, de démanteler l'opération en 24 heures pour la rendre 24 heures plus tard opérationnelle à Gulu en Ouganda.

Cette opération fut pour moi exaltante et passionnante, voire fascinante sous certains aspects, car j'étais seul responsable de cet aéroport. Pour qui aime bâtir et créer, il y a là un terrain de prédilection inestimable.

Le budget de l'opération était de 80 millions de dollars par an, soit plus d'un million de francs par jour, le dixième du budget du P.A.M. Nous avons transporté quelque 35 000 tonnes par an.

7 C'est-à-dire à la mi-1996.

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les DEUX SOUDAN

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Le "Soudan anglo-égyptien" acquiert son indépendance le 1er janvier 1956. En 1955 déjà, le contrôle du sud du pays (25 % de la population) par des fonctionnaires venus du nord avait provoqué des mutineries suivies de répression. Rapidement les querelles de personnes déconsidèrent le nouveau pouvoir. En 1958, l'armée s'en empare. Elle engage dans le Sud une politique d'arabisation et d'islamisation, y entraînant une insurrection à partir de 1964. Le retour à des gouvernements civils cette même année, ne change rien à cette question. Le discrédit des partis qui s'en suit, favorise la mise en place de gouvernements autoritaires sous contrôle des militaires. En 1971, des négociations avec les rebelles sudistes Anya Nya (du nom d'un poisson local) débouchent sur un cessez le feu l'année suivante, et à la création d'une région autonome du Sud.

Cependant, en 1983, le gouvernement revient à une politique centraliste islamiste et de répression. Se met alors en place le Mouvement Populaire de Libération du Soudan (MPLS) avec son organe militaire : l'Armée Populaire de Libération du Soudan (APLS) sous la direction de John Garang. Son objectif est l'obtention d'une large autonomie de la région qu'il finit par contrôler en grande partie. Mais en 1991, le renversement du gouvernement éthiopien prive les Sudistes de leurs bases arrières. Cela entraîne de multiples divisions dans leurs rangs, et favorise l'avancée des forces gouvernementales…

Dans les années suivantes, en dépit (ou en raison) de la famine sévissant épisodiquement et d'une répression faisant un million de morts et déplaçant 4,5 millions de personnes en 20 ans (particulièrement dans les zones pétrolifères), la rébellion, toujours dirigée par John Garang ne désarmera pas. Cependant, après un cessez le feu en 2002, des accords de paix seront signés avec le président el-Béchir, le 9 janvier 2005, prévoyant un vote d'autodétermination pour 2010. Mais en juillet 2005, John Garang sera victime d'un accident d'hélicoptère…

Indépendamment, et après un premier conflit en 1987, une guerre civile se développera dans la région du Darfour à partir de 2003. Et le 14 juillet 2008, le procureur de la Cour Pénale Internationale demandera un mandat d'arrêt à charge d'Omar el-Béchir pour crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre au Darfour.

AÉRODROME de LOKICHOKKIO- 24 février 2003 -

4° 12' Nord - 34° 21' Est(le Nord est à droite de l'image)

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150 m

LARGAGE de NOURRITUREà partir d'un Hercules C-130

- Sud Soudan / 1996 -

TYPES d'AVIONS UTILISÉS

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Hawker Siddeley Andover (poids max. au décollage : 22,6 t)

De Haviland CC115 Buffalo (poids max. au décollage : 22,3 t)

Curtiss C46 (poids max. au décollage : 20,4 t)

Lockheed C-130 Hercules (poids maximum au décollage : 79,4 t)

Cessna Caravan (poids max. au décollage : 3,3 t)

Douglas DC3 (poids max. au décollage : 11,8 t)

Douglas DC6(poids max. au décollage : 44,8 t)

Douglas DC7 (poids max. au décollage : 65 t)

Antonov 12(poids max. au décollage : 61 t)

De Haviland Twin Otter (poids max. au décollage : 5,7 t)

Témoignages - Autre exemple de carrière( http://3annee.islt.info/articles.php?lng=fr&pg=329 )

Récit passionnant avec Hubert Coppin

Sorti en 1996 de l'ISLT et depuis 2000 au siège du Groupe Geodis, à la direction Freight Forwarding (traitement du fret). Je suis chargé de la coordination du carve-out (développement) Europe de Geodis ("split" (dégroupement) des activités de Geodis en 4 branches : Messagerie, Freight Forwarding, Logistics & Route) et de l'intégration de TNT Freight Management (société néerlandaise), que nous venons de racheter, au sein de nos filiales Freight Forwarding.

Il s'agit d'une part de planifier et coordonner les aspects juridiques (création des nouvelles entités Geodis-Wilson), financiers, IT (Technologie de l'Information), communication, opérationnels, commerciaux & sociaux liés à l'éclatement des filiales par métier et dans le mouvement de planifier & coordonner la séquence des taches nécessaires à l'intégration des 2 structures Freight Forwarding (Geodis & TNT Freight Management) sous ces mêmes aspects pour faire naître les synergies attendues par nos actionnaires.

Cette fonction me permet de couvrir tout le spectre des activités logistiques sous des angles aussi divers que les domaines juridiques, IT, financier etc. le laissent supposer dans autant de pays européens avec des consultants de tous horizons.

Rassurez-vous, je ne suis pas tout seul... nous sommes deux ! plus trois consultants...

Et comme tout ceci, vous le devinez, me laisse beaucoup de temps libre pour m'occuper de mon embryon de famille.

Brgds (Best regards = Meilleurs souvenirs).Hubert COPPIN

Geodis7 - 9, allées de l'Europe92615 Clichy / Franceph : +33 (0)1 56 76 22 24

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