quinzaine littéraire 85

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3 F a e e UlnZalne littéraire Nuro 85 Du 15 au 31 décembre 1969 L e s derniers textes d e Merleau-Ponty Klee e t le visible

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8/14/2019 quinzaine littéraire 85

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3F

ae e

UlnZalnelittéraire Numéro 85 Du 15 au 31 décembre 1969

Les derniers textes de Merleau-Ponty

Klee et le visible

8/14/2019 quinzaine littéraire 85

http://slidepdf.com/reader/full/quinzaine-litteraire-85 2/32

SOMMAIRE

3 LB LIVRBDE LA QUINZAINE

5

8 ROMANS rRANçAIS

.,

8

ROMANS ETRANGBRS10

11

14 SELECTION

15

19 BX PO SITION

21 HISTOIRE

22 PHILOSOPHIB

24 R:BVUB

25 CINBMA

28 r:BUILLBTON

28 THÉATRB

La QuinzaineI l" , rai re

2

Jean Rhys

Rafaël Pividal

Louis CalaferteJean-Claude MontelRoger Curel

Carlo CassolaDonald BarthelmeJames Purdy

Lars Gyllensten

Peter Laslett

Maurice Merleau-Ponty

François E rv al , Mau ri ce Nadeau.

Conseüler : Joseph Breitbach.

Comité de rédaction :Georges Balandier, Bernard Cazes,François Châtelet,Françoise Choay,

Dominique Fernandez, Marc Ferro,Gilles Lapouge, Bernard Pingaud,

Gilbert Walusinski.

Secrétariat de la rédac twn :Anne Sarraute.

Courrier lit téraire :Adelaide Blasquez.

Rédaction, administration :43, rue duTemple, Paris-4e•Téléphone: 887-48-58.

Bonjour minuit

Les tigres sont

plus beaux à voirSoljenitsyne, la Russie, l 'exil

Tentative de vis ite à une baseétrangèrePortrait de l'enfant

Le CarnavalBrancula

FiorellaBlanche-NeigeLes œuvres d'EustaceInfantilia

Les meilleurs livres pour enfants

Les meilleurs livres d'art de l'année

Klee et le visible

Le monde que nous avons perdu

La prose du monde

L'Arc nO 39 Butor

Andréï Roublev

w

L'Open Theater

Publicité lit téraire :22, rue de Grenelle, Par is-7e•Téléphone : 222-94-03.

Publicité générale : au journal.

Prix du n° au. Canada : 75 cent'!.

Abonnements :Un an : 58 F, vingt-trois numéros.Six mois : 34 F, douze numéros.Etranger:

Un an : 70 F. Six mois: 40 F.

Pour tout changement d'adresse:

envoyer 3 tinibres à 0,30 F.

Règlement par mandat, chèquebancaire, chèque postalC.C.P. Paris 15.551.53.

Directeur de la publicationFrançois Emanuel.

Imprimerie: Graphiques Gambon

Printed in France

par Diane Fernandez

par Yves Léger

par Jean Wagner

par J. W.

par Joseph Guglielmipar Michel-Claude Jalard

par Antoinette Fouque-Grugnardi

par Serge Fauchereau

par Alain Clervalpar Claude Bonnefoy

par Simone Lamblin

par Jean Selz

par Louis Marin

par Phi lippe Aries

par Anne Fabre-Luce

par Gilbert Lascault

par Rachid Boudjedra

par Georges Perec

par Gilles Sandier

Crédits photographiques

p. 3 Mercure de France

p. 6 Le SeuilDenoël

p. 7 Le Seuil

p. 9 Cartier - BressonMagnum

p. 14 Ecole des loisirsNathan

Denoëlp. 15 Arthaud

p. 16 Flammarion

p. 17 Zodiaquep. 18 Somogyp. 19 Photo Xp. 20 Photo Xp. 21 Bullozp. 23 Gallimard

p. 25 D.R.

8/14/2019 quinzaine littéraire 85

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LE LIVRE DB

LA QUINZAINE

Une vérité implacable

Jean Rhys

Bonjour minuit

t rad. de l 'ang la is

pa r Jacqueline BernardLes Lettres Nouvelles

Denoë l éd. , 224 p.

ILes t igres sontp lus beaux à voir

t rad. de l 'ang la is

par P ierr e Leyris

Mercu re d e France éd., 240 p.

Francis Wyndham (1), à quinous devons de mieux connaÎ-tre Jean Rhys, cette roman-cière anglaise découvertedans les années 30 par Ford

Madox Ford, redécouvertetrente ans plus tard grâce à

ce roman cruel et poétiquequ'est Wide Sargasso Sea(1966) (2), note que cette

œuvre insol ite met en scèneune héroïne, toujours la mê-me, « à différentes étapes dela vie ». De plus, qu'elle soit

danseuse, comme dans Voya·ge in the Dark (1934), ouriche héritière créole devenuefolle comme dans Wide Sar-gasso Sea, qu'elle soit mûreet blessée, lucide et aliénéecomme dans Bonjour Minuit

( 19 39) , cet te héroïne ne res-

semble à aucune autre.

Sa singularité vient de la for-

me très particulière que prend

son d és es po ir : u ne so rte d'a b-

sence. Non q u'e lle soit absente

au monde dont elle continue d'at·

tendre le meilleur, ou plu tôt le

p ir e, mai s que, dressée à se quit.

ter, elle se projette en surface,

dans l'espoir de n'être plus attein·

te.

Encore jeune, cette absente es t

une femme qu i rêve, pou r qui les

visages sont des masques, les vil-

les des chambres, les chambresdes numéros . Ret ra nché e der ri èr e

la tromperie qu' ex er ce l e vête-

men t, e ll e u ti lis e les apparences,

les méprise, les accep te dans un e

cynique humilité, po ur le ur qua·

lité nécessaire de p ro te ct ion e t

de piège: le vê tem ent lui tient

lieu d 'id ent ité . On devine que

très tôt. peur, p ud eu r et p ur eté

furent chez elle saisies à la gorge,

mais non pas ét ranglées, car on

le s retrouve plus tard, chez l 'h é-

roïne vieillie, après un e croissan-

ce souterraine et obstinée, durcies

en méfiance désespérée.

On ver ra comment , dans ce ré·

ci t admirable de véracité et violence qu'est Bonjour Minuit,

c ette méfia nc e conduit Sasha

vers l 'horreur d 'une parod ie qui

affirme la beauté des illusions

perdues. Si le désespoir des fem·

mes dépeintes pa r Jean Rhys trahit

un intense et romantique désir des

choses, s i grand qu'il plonge par·

fois de l'autre côté, cependant ils'agit ici d'une désespérance qui

crève tous les cadres, descend là

où l es per sonnages de Virginia

Woolf et de Katherine Mansfield

ne s 'ave nture nt que pe u, là où

l'amour vénal , l es r avages de l 'a l·

cool, le détraquement de la machi-

ne humaine, le suicide raté et fur·ti f dans les toilettes, le visage ra -

viné d'une femme que la boisson

console et vieillit, nous entraînent

dans une chute vertigineuse au

bout de laquelle i l n'y a, bien sûr .

que la mort.

Morts subites comme celle de

la Grosse Fifi assassinée pa r son

gigolo (les Tigres son t p lus beaI/x

à voir) ou le suicide d'Antoinet-

te Cosway dans les flammes, (Wi-

de Sargasso Sea), morts con tem·

plées pa r ceux qui survivent.

vues la plupart du tem ps à tra-

vers ces monstres que sont les

femmes pour le s autres femmes.

« sales p etit es bê te s sarcasti-ques ». Ou bien, morts à petit

feu, imposées pa r les « gens res -

pectables », don t l a « cruauté ro -

se, figée, innocente » déchire

mie ux que les griffes des félins.

comme cette lente agonie d'une

femme âgée et chauve à qu i sa

fille r efuse une per ruque, ou le

coma de cet te autre qu i s'est en ·

fuie à demi-folle et nu e dans la

nuit, t andi s que sa vois ine se ter·

re douil let tement dans le li t con-

jugal.

Peut-êt re aucun écrivain fem-

me n 'a -t -i l parlé tout à fait com-

me cela des femmes, denonçant

à la fois la cruauté qu i leur estpropre et la cruauté de leur sort.

Quelque chose en elles a ét é as-

sassiné: ce n'est pa s l 'innocence

dont Jean Rhys montre combien

elle se confond avec l'instinct vi-

tal, nouvelle peau t ou jour s p rê te

à se reformer comme le pro uv e

l 'e spoi r, malgré la vieillesse, de

connaître en co re le plaisir pas-

sionné ou l 'obstination à survivre

qu i pousse une femme vers un

chapeau comme vers un miracle,

tendue vers ce t objet risible,

« avide. désespérée, plein!' d 'es-poir, complètement dingue ». Ce

qu i a été tué, c'est la foi en la

Beaut é, l a fo i en l'Attente donton devine qu'elles sont mortes

d 'avo ir é té t rop g randes : main·

tenant, à l a mon st ru os it é du Olé·diocre, ces femmes opposent le

refus du non ·ê tr e , l a fui te en sur-

face, l'absolu de la mort. C'est

ici qu'intervient l'absence dont

on par la it tou t à l'heure, avec ses

aliénations diverses: boisson,

sommei l drogué, masque grotes·

que du vêtement , catas trophes

accueillies. « Après tout », di t

Sasha dans Bonjour Minuit, Il l'a-gitation n'est qu'en surface. Au

fond, je indifférente. Au

fond, il y a toujours l 'e au s ta ·

Jean Rhys

gnante, calme, indifférente

c et te pai x amère très proche de

la mort . d e la haine ».

Cha rl ot te Br on të était, elle

auss i f as ci né e pa r l'inégal COo l '

bat entre v ict imes et bourreaux.

Sa protagoniste, Jane Eyre, pet it e

gouvernante « sans relations.

sans fortune, sans beauté » au ·

rait pu si f ac il emen t d ev en ir l a

proie de la belle fiancée de Ro-

chester, « Blanche la parfaite,

dame de qual it é ». C'est précisé.

ment d'un autre personnage de

Jane que J ea n Rhys va s'é·

prendre: la première femme de

Rochest er , c réol e d ev enue folle,

enf ermée, b ris ée , être humain

dont le destin a fait un e bête à

La Quinzaine littéraire, du 15 au 31 décembre 1969 3

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INFORMATIONS

Rhys

43 rue du "fempb Paria 4.c.c.r. 15.:>H.53 Paris

C'est pour avoir refusé de subune censure qui n'ose pas dire sonom qu'Eric Losfeld r isque aujoud'hui la prison. Nous nous joignonaux éditeurs, écrivains, intellectue

qui se portent garants de l'honorbilité d'Eric Losfeld pour demandl'acquittement de l'éditeur et la rvision d'une loi à la fois odieuse eridicule.

En liaison avec cette affaire MmLise Deharme, auteur de Oh ! Vilèt te , publ ié au Terrain Vague efrappé de trois interdictions : ventaux mineurs , exposit ion, publicits 'étonne que son ouvrage, signé dson nom (et, ajouterons-nous, unom d 'écr ivain honorablemenconnu), illustré par Leonor Fini, sojugé plus subver sif • que, par exemple, les œuvres majeures du marqude Sade dont je me réjouis qu'ellesoi en t di ffusées massivement danla jeunesse de ce pays - (Lise De

harme fait allusion à des publictions d'ouvrages de Sade en forma

de poche). En conclusion de sa protestation elle rappelle que Saint-Jusavait formulé une • loi fondamentalde la République - dont le libellé feraujourd'hui sourire : «à savoir qules gouvernants sont les domestques du peuple et non ses maîtres"

Dans trois jours, le 18 décembre,Eric Losfeld, directeur des Editionsdu Terrain Vague, comparaîtra devantle tribunal correctionnel de la Seinepour infraction à la loi du 4 janvier1967 sur les publications destinéesà la jeunesse. Selon les dispositionsde cette loi, le prévenu risque unepeine d'emprisonnement «de deuxmois à deux ans et une amende de3.000 à 30.000 F... le Tribunal pouvanten outre ordonner la fermeture tota-le ou partielle, à t it re temporaire oudéfinitif, de l'entreprise éditrice-.

Eric Losfeld avait été en effetaverti qu'en vertu de cette loi etpour avoir publié un certain nombred'ouvrages comme ceux d'Emma-nuelle Arsan, il ét ai t tenu de remet-tre au ministère de la Justice «trois

exemplaires de toute publication ana-logue à cell es déjà f rappées d'inter-dit, et d'en différer la mise en ventedurant les t ro is mois suivant le récé-p is sé de leur dépôt -. Cur ieusementcette mesure ne porte pas le nomde censure préalable.

Eric Losfelden correctionnelle

Diane Fernandez

(1 ) Francis Wyndham. Jean Rhys,« Les lettres nouvelles Il. Avril 68.

(2) ...Wide Sargasso sea. PenguinBooks, prochainement traduit.

Le thème de l'œuvre e st c el ui

d'une dégradation fatale, dégra-

dation qu i menace les femmes en

quê te de ce tte perte de soi per-

mise au poète, au saint, à tous

ceux qu i coïncident parfaitement

avec l'objet de leur passion. Mys.

tiques, ces passionnées se vou·

draient consumées, semblables àLouise Labbé, mais doivent au

contraire se prêter à des comé·

dies, l'œil ouvert sur ce qu'on

l eu r p rend . Cet univers es t tissé

de scandales dont les plus cho-

quants sont les plus quotidiens :la vieillesse, la cruauté. C'est

pourquoi i l dérange. Mais Jean

Rhys écrit pour ceux qu i aiment

l a vér ité imp lacab le . Ceux-là re-

connaît ront dans ce monde brutal

et poétique l 'envers d'eux-mêmes

soigneusement dissimulé pa r le

vêtement, l 'habi tude, l a décence

- ce t envers où se cache non

pas l'attrait vol up tu eux d e l a dé-

chéance si s ouvent d éc ri t, mais

une tentation p lus ra re , celle d'un

pur désespoir comme al ternative

de l'amour.

suffisamment averties au sein de

leur détachement pour savoie

combien le s buts des hommes

sont obliques, qu' il s s 'at tachent à

elles pa r vanité, peur d'être seuls,désir charnel ou besoin d'argent.

La QuinzaineIlU'raln

80uscrit un abonnement

o d'un an 58 F 1 Etranger 70 F

o de six mois 34 F 1 Etranger 40 F

règlement j oint par

o mandat postal 0 chèque postal

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Renvoyez cette carte il

M. vm.Da w

CClDlere grisonnante et dont Jean

Rhys fera l'héroïne de Wide Sar-

gasso Sea. Ford Madox Ford

avait noté chez la romancière

cette « formidable peesque sinisetr e passion d 'expos er l e cas du

pauvee bougre ». Mais juste.

ment: l 'épave, cette autee « ab ·

sente », n' a plus rien à opposer

à la cruauté d'autrui: détruite,

elle tient la destruction en échec.

Le th ème d 'u ne force féminine

ent ravée, abîmée, dénaturée , vi·

dée, revient sans cesse dan s cet te

œuvre, notamment dans Bonjour

Minuit où Sas ha a voue p arf ois

« être triste comme une lio nn e

de cirque ». L'intelligence n'of.

fre guère de consolations à ces

femmes pour qu i des compensa-

tions restent des compensations

et les sublimations, des sublima·tions. L 'e nfa nc e n 'o ff re pa s da-

v an ta ge son paradis : même si

Jean Rhys se réfère souvent à la

beaut é b rû lant e de ces Antilles

où elle a grandi, pourtant la na·

ture qu'elle dépeint - avec un

prodigieux talent - es t aussi car·

nivore et destructrice qu e celle

d'un Richard Hughes dans Cyclo-

ne à la Jamaïque. Vue de loin,

l 'enfance reste un mirage; vue de

près, e ll e épouvan te , avec ses ri -

tes magiques, ses filtres, ses appa·

ritions comme cel le des deux rats

aux yeux de feu qui, su r le rebord

d'une fenêtre, contemplent fixe-

ment la créole de W.ide SargassoSea. On le voit: ces héroïnes

n'appartiennent à a uc un li eu n i à

personne; elles sont sans recours.

C'est en spectat ri ces é tonnées

d'elles-mêmes qu' el les f lo tt tent ,

4

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Soljenitsyne, la Russie, l'exil

Soljenitsyne est solidaire d'un oombat que mène

avec lu i t ou te une i nt el li gent si a soviétique qui

veut la libéralisation du sooialisme.

Est-ce le même drame qui serejoue? Il Ya douze ans déjà,au terme d'une longue cam-pagne de dénigrement, BorisPasternak se voyait offrir

l'exil, et, dans une lettre pa-thétique adressée au chef dugouvernement soviétique, quiétait alors N ik it a Serguéïé-vitch Khrouchtchev, il sup-pliait qu 'une mesure si ext rê-me ne fû t point prise à sonégard. Car s'il existe des écr i-vains «transportables. d'unpays à l'autre, voire mêmedes écrivains migrateurs,pour d'autres, l'exil équivautà la mort.

Nul doute qu'Alexandre Solje-nitsyne n'appartienne à ce tteseconde catégorie. Lié à la Rus-sie par tout son être et touteson œuvre, il peut, comme lapoétesse Anna Akhmatova, enprologue à son inoubl iable Re-quiem, s'écrier:

Non, je n'étais pas sous descieux étrangers

Et point niché sous une aile

étrangère!

J'étais alors avec tout mon peu-ple,Là où mon peuple, pour sonmalheur, était.

Or, voici qu 'au jourd'hu i desvoix funestes proposent àAlexandre Soljenitsyne de s'exi-le r, de re jo indre ces pays capi-talistes « qui l 'apprécient tant •.Il n' est pas douteux que Solje-nitsyne, avec plus de fermeté

encore que Pasternak, refuseracet exil hors de la Russie. LaRussie ... elle est vraiment l'ob-je t i ncessant de son enquête,de son amour, de son exigen-

ce mora le. D'un bout à l 'aut re deson œuvre, e lle est là, héroïnemuette. C'est elle qu'incarnentobstinément le rusé et prodigueIvan Denissovitch, l 'humble et

désintéressée Matriona, elle

don t rêvent les malades du Pa-villon des Cancéreux, elle quechantent en mineur les poèmesen prose, elle que poursu it in-lassablement à travers son œu-vre le peint re Kondrachov-Iva-nov dans sa cellule monacale duPremier Cercle.

Ce «Graal» insaisissable

Le portrait qu'en fait Soljenit-syne est infini, toujours inache-vé, toujours lyr ique. Elle est ce« Graal. mystique et insaisis-sable qu'entrevoit le peintreKondrachov, elle est ce paysdoux des hautes eaux printaniè-res dont rêvent les compagnonsde misère de Kostoglotov, maiselle est aussi ce paysage vio-len t, p lus violent que ne l'ont

peint les Lévi tan, et qui a pro-dui t, out re les interminables l i-gnées de Matriona résignées,les suicidés du feu qu'étaien tles premiers Vieux Croyants, lesterroristes purs et indompta-b les qu'étaien t les Jél iabov oules Décembristes... Comment

Soljenitsyne pourrait-il abandon-ner ce pays? Non, cer tes, quel 'amour de Sol jeni tsyne pour laRussie soit exclusif du reste del'humanité ! Mais c'est par laRussie que passe l 'appel de Sol-jeni tsyne aux au tres hommes,ce sens de « l 'human it é uniqueet intégrale. auquel i l fait allu-sion dans sa récente lettre àl 'Union des Ecrivains pour pro-tester contre son exclusion. L'er-mite de Riazan ne quit tera sa ta-ble de travail que contrai nt etforcé. Comment ne pas rappe-le r les termes de sa lettre deMai 1967 au Congrès des Ecri-

vains : «Je suis tranquille; jesais que je remplirai mon devoird 'écr ivain en toutes circonstan-ces et peut-être après ma mort

avec p lus de succès » ?

Un seu l o r it èr e:la vérité

L'œuvre entière de Soljenitsy-ne nous semble ê tre un Juge-ment de no tre Temps par la mé-d ia tion de la Russie. Voi là sansdoute ce qui lui att ire tant dehaine. Voi là ce qui certainementle relie à la grande littérature

classique russe et avant tout à

Tolstoï . Pour ce Jugement, Sol-jenitsyne n'a qu'un seul critère,mais un critère plus dur que lediamant : la véri té. De sa dis-torsion sont nés les tourmentsdantesques de Chouloubine, leb ib liothéca ire déclassé qui en-fournai t sur commande des ar-mées de livres dans le poêle:

de sa falsi fica tion sont nées lesangoisses cauchemardesquesde Roussanov, le dénonciateur;

de sa recherche incessante et

spontanée viennent la pureté et

la fo i des Kostoglotov et desNerjine. Soljenitsyne affirme et

démontre que la vérité est l'ob-

je t même de la l it téra ture.

L'admirat ionpour Tolstoï

De là son admiration pourTolstoï et son mépris pour unecertaine littérature servile quise soumet tou jours au derniermort d 'ord re pol it ique. Dans lePavillon des Cancéreux, Sol je-nitsyne, à plusieu rs reprises,fait le procès de cet te l it téra tu-re asserv ie. Or, c'est cet te l it -térature- là qui, au jourd'hu i, sevenge, l'injurie aussi grossiè-

rement qu'elle avait injurié Pas-ternak, et l'anathématise sansmême avoir lu ses œuvres.C'est à ces écrivains-aboyeurs

que Sol jeni tsyne, avec v irulen-

ce, di t qu'il est temps de remet-tre les montres à l'heure. CarSoljenitsyne ne se croit passeul. Pour lui nul n'est à l'abride la voix de la vér it é. Qu 'e lles'appuie sur la foi simple desMatriona ou sur la foi tourmen-tée des Chouloubine, la voix dujugement moral , la voix de laPersonne finit tou jou rs par sefaire entendre, même du ca-mionneur Poddouïev et mêmedu dip lomate libertin Volodine.

De l 'Union des Ecrivains, Sol-jenitsyne ne recevait plus nidroits d'auteur ni protection, sesœuvres sont retirées des biblio-

thèques publiques, ses archiveslui sont confisquées. Autant di-re que son exclusion de l 'Un ionn 'a joute pas grand chose à sacourageuse solitude. Avant lui,d'autres illustres écrivains so-viétiques se sont vus ainsi f rap-pés d'excommunication. La seu-le vraie quest ion est : en reste-ra-t-on là ? ou b ien est-ce le pré-lude à d'autres persécutions?

Certes sa gloire mondiale pro-tège Sol jeni tsyne comme elle

protégeait Pasternak. Mais Sol-jenitsyne est solidaire d'un com-bat que mène avec lui t ou te uneintelligentsia soviétique qui

veut la l ibéral isat ion du socia-lisme. La dernière lettre de Sol-jenitsyne à l'Union des Ecri-vains en est la preuve, puisqueSoljeni tsyne lui-même l ie soncas à celui de Lidya Tchoukovs-kaïa (auteur d 'un récit très pursur la Russie terrorisée de 1937la Maison désertée) et LéonKopelev (germaniste connu etcompagnon de captivité de Sol-jenitsyne). D'autres encore, nonnommés, sont certainement pré-sents à la pensée de Soljenitsyne. Sol jeni tsyne ne se sent passeul; il affi rme que « les tempsfr i leux. des années 50 où l'on

pourchassait Pasternak, sont dépassés. Il sent à ses côtés qu'u-ne communauté si lenc ieuse lesoutient et l'aide.

Il conviendrait peut-être qu'u

ne autre communauté, cel le deécrivains de l'ouest, lui manifeste aussi son soutien. Les toutes dernières nouvelles sont, eneffet, inquiétantes. Si l 'on peulaisser de côté les menaces habituelles du tristement célèbreCholokhov, il reste que les allusions à on ne sait quelles utili

sations «subversives. de droit

d'auteurs de Soljenitsyne à l'Occident sont d 'assez funeste présage. Pourtant, il nous sembledifficile de cro ire que la Russiepuisse persévérer à persécuteainsi une des grandes vo ix qusont à son honneur , et plus invraisemblable encore qu'e llveuille l 'exi le r. Car si Sol jenitsyne est un juge rigoureux, vore sévère, sa rigueur, nul nl 'ignore, vaut pour nous tous, oque nous soyons, car à noutous il a rendu le sens d'une lit

térature qui contient, a insi qu'est di t dans le Pavil lon des Cancéreux, « la petite question cruciale dont la réponse livr

l'homme tout entier-.

Yves Lége

La Quinzaine littéraire, du 15 au 31 décembre 1969

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ROMANS

FRANÇAIS

Au delà du désespoir

1Rafaël PividalTentative de visiteà une base étrangère

Le Seuil éd. 127 p.

Avec Rafaël Pividal , nous som·mes au·delà de la désespérance.Kafka et Beckett, ces joyeux lu-rons, s on t depui s l ongt emps en ·terrés. L e monde a basculé etl'homme a t rouvé enf in l e m il ie uqu i convient à sa nature : J'iner·tie. Au moins, dans « désespé.rance », y a-t ·i l le mo t espérance.Dans l'univers de Rafaël Pividal ,on n' a p lu s l ie u d'être désespérépuisque la notion d'espoir estmorte.

John, le hér os , e st un peintrequ i parcourt un monde complè.tement décalé, un monde , noussuggère l 'a ut eu r, qui , à grand.

peine, a survécu à une explosionsuicidaire. John vi t d'une vie vé·

gétative et sa fonction de peintrerelève plus du passe·temps quede la passion : i l p ein t d'ailleurstoujours l e même tab leau , tableauqui n 'a p ou r l ui aucune significa.tion.

Les avent ur es de Jo hn pour·raient faire la mat iè re d 'un ro ·man picar esque : en l'occurrence,il s'agit d 'un roman picaresque à

rebours. Les gen s qu'il rencontresont des imbéciles , John lui·mêmen 'a r ie n pour retenir notre atten.tion. La base américaine où ilaboutit es t devenue une bâtissemorte, symbole dérisoire d'unmonde englout i et il n'y a plusguère q u'un prê tre pou r la pren.dr e au sérieux.

Bref, d'un ton allègre, M. Pivi-da l nous entraîne au niveau leplus accessible du néant quoti.

dien. Si l'humour ne manque pasdans cet ouv rage . c 'est tantôt unhumour acide et qui ne fait pasrire, ta ntôt un h umour lui aussi

plein de dérision qu i pousse plusau haussemeut d 'épaules qu'aurire (il va jusqu'au mauvais ca ·lembour : deux de ses héros s 'ap.pellent « John et Tan ») . Et si,

à la dernière ligne, le héros a

t rouvé l a paix , c'est une p ai x quiressemble plus à la mort qu'àl'équilibre : « John aperçut alorsdans le ciel, près d'un nuage pe-t it , sans . forme, éclairé seulement

d'un côté, la liberté, le plaisird 'ê tre calme sans raison et sanshâte ». C'est, en somme, l'inversede la proposition shakespea-rienne : le monde es t toujours

raconté par un idiot mais il n' ya plus ni bruit ni fureur.Rafaël Pividal écrit avec une

p u i s san c e d'envoÎltement qu i

Rajaël Pividal

n'appartient qu'à lui. Aux confin

du fan tast ique et du quotidienil impose sans effets déclamatores un univers obsédant.

Jean Wagne

Recherche d'une pureté

1ouis Calaferte

Portrai t de fen/ant

Denoël éd., 142 p.

Louis Calaferte appartient à

c et te r ac e d 'hommes qu i ne gué.riront j amai s de leur enfance. Ouplus exactement de l'enfancequ'ils n'ont pas eue. L'enfancen'est pas pour eux un paradisperdu mais un paradis qu'ils n'ontpas connu : leur innocence étaitpré.natale. Ses premiers livres qu iavaient un aspect autobiographi.qu e immédiat n'ont pas suffi à lelibérer. Il y revient sans cesse :

le da nger aurait été de réé cri rejusqu'à la fin de sa vie Requiem

des innocents. On peut penser quel'auteur en a été conscient puis·qu'il e st r es té de longues annéesà hésiter su r la voie à suivre. AvecRosa Mystica, l'an dern ier e t Por·tra it de f enfant, au jourd'hu i, i lsemhle bien qu'il a it trouvé sonsecond souffle.

Portrai t de f enfant se présentecomme une su it e de t ab le au ti nssans a utr e lien entr e e ux que lapr ésence de ce t enfa nt jama isnommé, d'une f amill e campa·gnarde aux contours assez flous(il y a un père et une mère qu imeurent, u ne t an te et un oncle,une sœur mais les tableaux étant

6

Louis Calajerte

rassemblés sans aucun souei diro-nologique, ces personnages nejouent l e p lus souvent qu e l e r ôl ede catalyseur) et des thèmes qu irev iennent de manière obsession·nelle : le sexe, la mort, la vieil·

lesse et sur tout l e sang, ce sangqu'on re trouve presque à chaque

tableau : c'est au point qu'unecrit ique psychanalytique s'avére·rait indispensable pour relierentre elles les diverses images quepeut p rendre ce sang (et en mêmetemps, les multiples allusions au

rouge : un seau, des tuiles, deshabits, un sexe et même l'eau qu icoule) dans les différents con·textes.

Derrière ces tableaux, l'auteurs'efface comme s' il n e nous livraitque des pièces d'un dossier incom·plet, qui ne peut ê tre qu 'incom.ple t. S 'i l s'agit d'un puzzle, c 'es tun puzzle infini comme l 'est touteœuvre d'art. Si l'auteur se mani·feste, ce ne peut être que par sonécriture. En l'occurence, une écri·ture précise et pudique , tou te endemi·teintes et d'autant plusempreinte de délicatesse qu e les

tableaux sont plus cruels. Là aussi,c'est une écr iture qu i veut s'effa·cer et pourta nt, l'impression es tcelle d'une fragilité cristalline quela moind re t ra ce expressionnistepourrait érafler.

En ce sens, l'évolution de Cala·ferte méri te qu'on s'y arrête : sesdeux premiers livres é ta ient dansla tradition de Jules Vallès, unJules Vallès qui aurait lu Céline.

Il s formaient un mél ange d 'im·

précations et de tendresse, d'ex·

pressionnisme et de pudeur. Sutrois l ivres (Septentrion, No manland, Satori), il a privilégié aveplus ou moins de bonheur l'apect expressionniste de son talenDans Rosa Mystica, c'est au con

traire la pudeur, la réserve quprennent le pas . Avec Portrai t d

f enfant, Louis Calaferte a tentet réussi une syn thèse des deuaspects de sa personnalité : lpudeur dans l 'expression, la vio

lence dans l 'e xp rimé . C'estaussi où il trouve ses accents lep lu s p er sonnel s e t, p ar adoxalment les plus forts. Por trai t d

f enfant es t une eau·forte où, c etes, domine le rouge du sang maoù la violence res tent voilée paun halo de couleurs indéfinies.En fait, cet itinéraire n'a guè

varié : c'est toujours la mêmrecherche d 'une pureté telleme

absolue qu'elle en devient désepér ée . S i la v ra ie vie est a il le urelle ne pe ut êtr e qu e dans un âgi nconnu de l 'homme. Peut·être cdernier en garde.t.i l quelque mdiocre souveni r. C 'est à la quêde ce souvenir que, sans relâchse consacre Calaferte et c 'est peuêtre de cet te quête toujours vouéà l'échec que c hac un d e ses récitient cette couleur mystique ass

insolite dans son œuvre.

J. W

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La multitude

1. Voir coll . " Ecrire". Seuil

Joseph Guglielm

tain, i nt empore l, hér it é d'un

caste de loups sol it ai res et sacré

mais le fait d'une pratique, d'un

production sociales aliénantes qul'écrivain est appelé dans le patage de la peur, de l'exil et decolère, à transformer...

La QuinzaineIIttt ·r .urp

HActll::L MIZRAHI

LETTRES A

la multitude carnavalesque (cOIn-

me « récriture.. . portée jusqu'à

son paroxysme ») p eu t to ut re-

mettre enquestion, tout démys-

tifier et provoquer la dévaluation

de l'ordre imposé. L'ét range, l 'im-

possible statut de l 'écrivain expul.

sé de lu i-même et dépossédé de

sa parole, « déjà mort avan t de

naître », tout « silence et immo-

bilité » n 'e st pa s le privilège hau-

Harry

Nous avons reçu de M. Brian Crozier , auteur du Franco dont a renducompte M. Herbe rt Sou thworth, une lettre que nous publi erons dansnot re prochain numéro, avec la réponse de M. Southworth.

Cependant, la dure et exacte

conscience « d'une oppression gé-néralisée » ( tant pol ic iè re qu e

médicale) n 'est en rien synonyme

d'une résignation ou d'un décou-

r agemen t qui t rouver ai t un be l

exutoire pa r la pratique de la

seu le mag ie verbale ! Non ! Car

« Tu cherchais.Tu chercheras, mais quel

visage désormais ?Quel

corps ? pris, renversé,

capturé dan s sonsang et une main sur labouche pour que les crisne s 'entendent pas ? »

Hautement politique, la pensée

de Montel vous fascine irrésisti·

blement en se mouvant toujours

à l a l imi te coupante du roman et

de l'essai : roman ( comme dan s

une cer ta ine mesure les Plages)de l 'impossibi li té du souvenir,

essai su r « l 'expulsion de soi et

du monde » ; concept su r quoi

s 'ouv re l a seconde partie du li vr e

- la mieux venue - où la ré-f lexion la plus abstraite ne s'écarte

jamais (compte tenu des difficul-

tés d'accès du livre, qui t iennentà la complexité des rapports entre

l'homme et la cité, entre l 'écri·

vain et l'écrit) d'une écoute con·

crète des pulsions du/des corps.

Autrement d it , l 'exigence théor i-

que ne con tr ar ie en aucune façon

la passion nar ra ti ve qui a tt ei nt ,

pa r endroits, une véri table inten-

sité « poétique » :

Jean-Claude Montel

mime la dispari tion du « person-nage », déjà, lui -même raturé pa r

son t ravest i.

« Elle apparaissait la dernièrema is é ta it immédiatement reflé.

tée par tou te s les glaces du café,répandue en coulées rutilantes,

peinte, décolletée et mise à sangsur les visages, sur les mains.. . »

Car en ce lieu « d'un inachève·

men t permanent », les rapports

entre l'individu et la multitude ne

sont jamais le ref le t d 'une oppo·

sition commode o ù il y aurait d'un

côté l'unique, l'original (le bien)

et de l'autre le pluriel, le banal

(le mal). Au contraire, ici (comme

le précise le pr iè re d 'insérer ),

« le sujet central, c 'est la multi·

tude », le processus excessif qu i

anéantit le signalement du « je

parlant, pa r des sér ie s de multi.

plications et de variations d'iti.

néraires.

D ans le théâtre urbain, innom-

brable, anonyme, le corps (du

récit) peut se permettre de jouer

tous les rôles qu'une fiction verti .

gineuse lu i d icte comme « le lie u

réel (...) saturé de cor ps et de vi-

sages (... ) où tout serait en per-pétuelle mutation... » Où t ou t est,

sans cesse, scandé pa r le combat

perpétuel et sanglant du désir

sexuel avec l 'extrême douleur liée

à l a d is so lu ti on de l'être.

Et l 'é pu is emen t, l a mal ad ie , l a

mor t d ev iennen t les habituels

compagnons de route ; on assiste(on participe), en parodie, à la

destruction d'une ville, d'un ordre,

d'une civilisation, d'une paroledont l' « impossibili té soudaine

Le deuxi ème l iv re de Montel

(1), le Carnaval, consti tue le pre·

m ie r t it re des « volumes indivi·

duels » de la collection Change

qui nous promet pa r l a sui te Jean

Paris, Philippe Boyer, Jean.Pierre

Faye...

Dans « le g ra nd re nfe rme·

ment » de la ville, c'est l'émeute

ou le carnaval qui gouverne de»foules affrontées et malades. Ali

travers de l'oppression et de

l 'ivresse généralisées, un corps

épie son doubl e f émin in ; un

corps en rupture d 'h ôp ital oud'asile, déchiré par une longue

copulation douloureuse et cruelle,

toujours répétée et cependant dif·

férente :

1

ean·Claude Montel

Le carnaval

Série « Change »,

LeSeuil éd., 128 p.

La Quinzaine littéraire, du 15 au 31 décembre 1969

8/14/2019 quinzaine littéraire 85

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Nazis et nymphomanes

ROIIANS.TRANG.RS

1

oger Curel

Brancula

Robert Lallont, éd. 503 p.

On termine les meilleures lec-t ur es comme une p ar ti e de mer

à Etretat p ar ex emple : après

av oir re çu le vent en pleine face,

j usqu 'à ê tre renversé, avoir fran·

chi des enclos de barbelés, s'être

enfonc é da ns la boue et les ga-

lets, avoir contemplé u n os de

seiche, maît ri sé quelques falaises,au bout de quoi, on se sent harasséet heureux. Alors c 'est l'heure de

la récapitulation, où l'on met son

bonh eur en ordre en reprenant

les choses à l'envers.

De même pour ce Brancula

merveil leusement harassant . Et

tant qu'à parler à rebrousse·lec·ture, reportons·nous carrément au

pet it a pe rçu du dos de couver·ture: le livre y est traité de ro -

man-gigogne, considéré successive-ment comme u n rom an d'espion-

nage, un roman picaresque, un ro-lOan parisien, un double roman

d'amour, heureux et malheu·

reux... Comment conjuguer ce

fo isonnement? L 'au teur lui·mê-

me nou s le suggère aux dernières

pages de son ouvrage: « dans

cette énorme partouze métaphv-sique, chacun, dans la limite de

ses possibi lités, s'est retourné

comme un gant et sacrifié. en

somme, à ce que, de près ou de

loin, avec les réserves d'usage. on

peut appeler la vérité. .. Une gros-se f aut e, mes chers amis, il n' y

a pas de héros dans votre histoi-

re! Vous ressemblez à des peti-

tes roues d'engrenage et chacun

entraîne l'autre: serait-ce donc

vrai que t ou t le monde se décide

au hasard et que personne ne

pense ?

Personne, peu t- êt re , sau f l'au-

teur. Ainsi l e démiurge M. Curel

nous fai t- il comprendre qu'i l res-t e maît re n on s eu lement d e l a li ·

berté de ses personnages mais

encore de leurs différents niveaux

d'existence, c'est·à-dire maître de

son récit et de ses différents mo-

des d 'écri tu re . Ce qu'en revanche

i l ne dit pas, c'est que dans cette

partouze, il nou s r és er ve aussi

notre place, car, étant de cemt qu i

racontent plutôt qu'ils ne rappor-

tent, i l prend en charge également

son lecteur: d 'où l e p la is ir de se

sentir conduit sans savoi r exact e·

8

ment où. A l'inverse des Il noueveaux romans », la clef, en effet.

se trouve à la fin, mais ce n'est

pas, comme dans un « policier »,un lapin qu e l'auteur tire de son

chapeau, mais son roman lui·mê·

me dans la vér it é f inal e de son

exercice, à l'issue d'un suspense

formel. C'est alors que, par la

bouche d'un de ses personnages.

il peut présenter son l ivre comme

un générique de film : chacun, du

créateur aux acteurs, est à sa pla.

ce e t r eçoi t son visage; et le lec·

teur, à son siège de spectateur, n 'a

plus qu'à applaudir l 'aventure qu i

s'est jouée pour lui.

Mais de quel type d'aventure

s'agit.il? Rog er Cure l n'entend

pa s plier sa plume à un argument

qui lui préexisterait e t qu'il de-vrait, par le fait, traiter: en œ

sens, cette aventure est fondamen-

talement littéraire. Mais il n'en-

tend pas, non p lus, l ui p réex is te r

et n'affecter de ne voir en lu i

qu'une des virtualités de son écr i-

ture. Ses personnages et leurs

engagements romanesques ne sont

pas aléatoires ; mais ils ne se dé-

finissent qu e dan s cet ent re -d eux

dynamique qu'est, pa r delà les

mots et en deçà des fai ts , l'espace

de la narration. Ca r c'est l'aven-

ture narrative en elle-même qu i

est, d'abord, la visée de M. Curel:

les données romanesques s'y su-bordonnent, en tant qu e condi-

tions du jeu et points d 'appl ica-

tion. Mais comme les fonctions

narratives, d'autre part, enrichis-

sent progressivement ces données,

les transforment et les accréditent,

l 'aventure, initialement éparse et

diversement introduite, s'organise

et se resserre jusqu'au renverse-

ment final, véritable in sta nt d e

vérité où, l a nar ra ti on - et le

l iv re donc - achevés, il ne reste

plus qu'une histoire qu i a été.

Cette histoire, bien sûr, on peut

la raconter: ce n 'e st pa s raconterle roman. Or , c'est l a le ctu re qui

nous importe, ç'est-à-dire l a par ti e

où l 'auteur nous entraîne. On peut

la déchiffrer, comme une parti t ion

musicale, y suivre le déploiement

et le contrepoint subtils des fonc-

tions narratives dans l 'architectu-

re qu'elles édifient patiemment .

On y discernera ainsi deux thèmes

dominants : celui d'Ernst von

Brancula, un anc ien naz i lancé àl a recherche d'un document·code

qu i lu i p erm ettra de rassembler

des fonds éparpil lés après la chute

du Ille Reich, e t celui de Solange,une nymphomane qui s'est suici·

dée et dont deux de ses anciensamant s t en tent de déc rypt er l e

secret. A ces d eu x th èmes qui,

chacun, met tent en je u pratique·

ment tous les personnages mais

selon des séries et avec des va·leurs différentes, correspondent

d eux t emps , p ré sent pour le pre·

mier - c'est le roman d'action -et passé pour le second, quête

rétrospective et analyse introspec·

tive (certains personnages n'étant

que présent - Brancula -, d'au-

tres que passé - Jean, Solange).

d eux tona li té s, la première bril-lante et sarcastique, la seconde.sensible et douloureuse, et, par.

tant, un doubl e éclairage de plu-sieurs des principaux personna·

ges, tantôt marionnettes à deuJjdimensions, tan tôt , au contraire.

lourds d'une dimension nouvelle:d'intériorité, ressourcés à leur

passé. D'où la démarche discon·tinu e d u livre : bonds en avant.

réc it s paral lè le s, p rospec tions ré·gressives dans l'é pa is se ur du

temps ; d'où surtout la variété deses registres d'écriture , qui soIli·tent tour à tour le cocasse langa.

gier, le délire poé ti qu e, l a p ein .

lUre <le mœurs, le journal intime,

l e r éc it d 'aventures , etc.

Et t el le e st finalement la par-

touze : d ans c et espace narratif

en incessante mouvance et au gré

des comhina isons fonct ionnel les

qui l 'animent, les personnages de

Brancula ne sont jamais entière-

ment ce qu'ils sont et, seul, nous

l'avons vu , l 'achèvement du livre

immobilisera leur figure. On voit

l'ampleur de l'entreprise et sesdifficultés. Il fallait un tempéra-

ment exceptionnel pour la conce·

voir et l a s ou tenir . D 'évi dence,

M. Curel a réuss i, avec un e géné-

rosité tranquille qu i donne , p ar -

fois, l 'impression inquiétante qu' il

pourrait réécrire à lu i s eul toute

la littérature française de ces qua-rante dernières années. Il n'en es t

plus à son premier livre mais

semble, avec celui.ci, avoi r épousé

l a to ta li té d e ses dons. On guette

avec impatience, maintenant, les

partis qu'il va lu i falloir prendre

pour dépasser ses richesses et

troubler le trop entier bonheur

de l ir e qu'il vient de nous donner.

Michel-Claude }alard

Carlo Cassola

Fiorella

Récits.

Trad. de l'italienp ar P hi li pp e J accoltetLe Seuil éd., 190 p.

«... un sentier herbeux entr

deux rangs de vigne. D'autrerangs, disposés transversalemen

divisaient le ch amp e n autant d Le sentier montait luaussi, légèrement, mais déjà o

voyait le terrain s'arrondir en un

croupe au·de là de laquell e émegeai t l a mas se obscure d'une coline.

FiorelLa s'arrêta au commence

ment dela

descente, dès que la vus'élargit. Le coteau étai t escapé ; de pet it s champs oblongs

avec un rang de vigne OIL une bande de maïs, étaient sou tenus pa

des murs de pierre sèche. Plu

bas commençait l e maqui s, en taches t ou jours p lus cialrsemées

mesure qu'on se rapprochai t d

li t d'un torrent. Immédiatemen

après s'élevait la haute collin

s ombr e don t le sommet était

contre· jour. »

Sous le r eg ar d de Fio re ll a, l

paysage toscan cher à Cassola,son chasseur, à ses personnage

au cœur aride n 'a rien perdu dsa beaut é t ranqui ll e. Pou rt an t l

« maestra l a j eune i ns ti tu tr

ce, « aur ai t a imé voyager ».

vingt-trois ans , b ientôt viogt-quatre, n'était jamais so rtie d

Toscane, e t pou r son premier poste elle avait « échoué à Métato »un petit village primitif et désolé. C'é tai t l a guerre. Elle ava

beau se dire : « c'est moi qu i a

demandé la campagne; on se dé

brouille mieux pour la nourritur

et par le temps qu i court la nour

riture c'est ressentiel », elle étai

envahie d'amertume à se retrou

ver enceint e, av ec son petit gar

çon de deux ans et demi, dans lchambre misérable qu'un châtelain m éprisan t lu i avait cédée

Elle ava it f ui Vol te rr a, un mar

in souc iant , d es hos ti lit és d ive r

ses, mais l 'entêtement, le courag

se payaient . C 'étai t souvent dur

toujours injus te d 'ê tr e une femme. Sans doute devait-elle « inscrire au passif du mariage d

n'avoir pu terminer ses études :t

sans doute ne pouvait-elle se per

mettre d'entrer seule dans un café ; mais comme Thé rès e Des

8/14/2019 quinzaine littéraire 85

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V • •ctlme et complice

queyroux, elle fumait, commeEmma Bovary elle lisait des ro-

mans. N'é ta it ·e ll e pas une dame,

au village ?

L'année tourne autour du pi .

vot de la constance paysanne.

Pour la citadine, au rythme des

saisons , - les ges tes quotidiens tou-jours les mêmes à accomplir - ne

l ai ss en t à l'esprit qu e le point de

liberté d'où s 'engendre l 'ennui .

Pourtant les choses changeaient.

Fiorella é ta it d oub lement libé-rée : pa r la naissance de sa f il le ;

pa r la rupture avec son mari. El ·

le avait tenu tête au Comte ; il

lu i avait f ai t c onst ru ir e une mai ·

son. Le docteur lu i ava it f ai t despropositions dès son retour. Il

prenait, après bien des détours,leur liaison scandaleuse au sé ·

rieux. Il l'emmenait vivre, ailleurs,avec ses enfants, l'existence de

dépendance argentée dont elle

rêvait. Au mieux de ce qu'elle

estimait être ses intérêts, Fiorella

avait su écart er t el j eune bûche ·

ron trop entreprenant, te l jeune

militant communiste qu i voulait

l'initier à la politique.

Le docteur avait douze ans de

plus qu'elle; il était laid et pré.

maturément vieilli ; jaloux, muf·

fle, possessif, i l savait, bon mâle

italien, jouer les sultans. Mais

avec lui , e ll e voyagerait plus loinqu e la Toscane . Le d ivorce était

imposs ible , mais ai lleurs elle pas-

serait pour l 'épouse respectable

d'un honorable médecin. Tant que

cela durerait elle ne serait plus

p au vr e. E lle ava it d éj à cédé beau-coup ; elle était prête à toutes

les concessions. Moitié victime,

moitié complice.

Dans une s itua tion en impasse,

solitaire, sordide, douloureuse, à

peine éclairée çà et là de l 'ami ti é

fugitive d e qu elq ue s bûcherons;

dans la vraisemblance obligée de

cette fiction, par ei ll e condu it e

es t la seule liberté que Cassolalaissait à sa révolte. La sollicitu-

de de l 'a ut eu r l 'a guidée à bo n

port, à t ravers le récit, la tranche

de vie où il l' a mise au monde

et prise en charge, sous la dOUa

ble hypothèque de qui ils sont, l 'un

et l'au tre ; l'une p our révéler

l'autre. Si ce genre de « collage

es t la seule issue permise à un e

mère sans appui marital, à une

insti tu tr ice que son affranchisse-ment économique n'a conduite

qu'à la pauvreté et l'insatisfac-

ti on , c 'e st que FioreHa n'existe

que par la lettre et l'esprit de

qu i ne peut écrire autrement

son h isto ir e. Par un effet deboomerang, la révolte individuel·

le consciente s'asservit à l'incon.

scient de celui qu i y a travaillé.

Réduite, soumise au pouvoir de

l'homme qui la fait vivre et ou,

de celui qui l 'é cr it , F io re ll a se

r ange dans une cohérence confor-tab le, dan s un conformisme de

survie, moderne et marginal jus.

te ce qu 'i l fau t p our ne pa s choa

quer. Mais dans cet ordre, elledonne à lire, en retour, la néces-

sité conservatrice d'un tex te q ui

su iv an t u ne tradition conserva·

trice bien établie dans l 'écono-

mie romanesque, avec art, dis-

crétion, probité e t mesure, au no mde « la vérité humaine mélan-

col iquement garde ses arrières,

littéraires et autres.

Cassola déclarait, alors qu'on le

considérait comme un des maîtres

du « nouveau réalisme italien :

« Je considère comme désastreu-

se certaine tendance d'aujourd'hui

qu i observe la condition humaine

dans révolution politique et so-ciale. L 'homme à mo n avis est

un e solitude... Je refuse d'asser-

vi r la littérature à la cul ture , au

sciençes de n ot re t em ps ... Je ne

crois pas au x mouvements d'avant-garde ; ce des maladieinfantiles. »

Cassola enferme Fiore]]a dan

le cercle éternel de la destiné

f émin in e, e t, d an s le second ré

ci t de ce recueil, affirme sa po

sition comme véri table doctrine

Fausto avait toujours été un

enfant « différent des autres ;,

I l n 'a imai t pas la mer ; mais i

a im ait lu i le p lus jeune de la fa

m ille, le départ en vacances, en

juillet, s eul avec sa mère. Cet te

année ses aînés étaient retenus

Rome pour des examens. A Ma

rina d i Cecin a. il p référai t l ir

que se baigner. Les Misérablesp lu s p ro ch e de son c œu r q ue LeFiancés, lu i arrachait des lar

mes dél ic ieuses. A quinze ans, c

fils de bourgeois vieilJissants rêvait de de ven ir u n g ran d h om me

comme Napoléon ou Garibald

mais, comme son pèr e, i l détestaitout changement. Une courte vi

site de celui-ci l'investit de sepremiers pantalons longs.

En ces jours mémorables. sou

la protect ion ignorante , t endre

et à peine castratrice, de ses pa

rents, l 'adolescent t rans i découvrait u ne é tran ge é mo tion , au

plein soleil d e to ute s les jeunefilles en bouton qui sur la plage. Puis, Fausto tombai

amoureux d'Anna. Scrupules fiévreux, tentations secrètes, l'érotisme narcissique s 'épanchait en su-

blimation poétique. En Fausto

grandissait « un chef ;,) moins vio

lent que celui de Sartre, moins

élogieux que celui de Saint-JohnPer se , mai s comme tant d'autre

en p ro ie à tous l es mot s, dans l 'i n-

tinlité de ses genoux : « Ces quelques semaines l 'avaient profondément changé. Mais il était resté so

litaire. Ainsi maintenant était-cdans la solitude qu'il savourait l

bonheur d'aimer... » « Si lui-mêmun jour devenait écrivain réussiraitil à exprimer ce qu'il ressentait àprésent? ».

« La figure de l 'artiste est peros on ni fi c at io n d e la différence »

a di t un jour Cassola. La figure de

Fausto masque et dessine le por

trait souvenir d'un art is te en jeu-

ne singe, d on t T on io K ro ger se

rait l a doublure.

Antoinette Fouque.Grugnard

9

La Quinzaine littéraire, du 15 au 31 décembre 1969

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Une féerie saugrenue

1

Donald Barthelme

Blanche.Neige

t rad. de l 'angla is

pa r Cél ine ZinsGallimard éd., 214 p.

Ouvrez le livre à n'importe

quel endroit, vous tomberez sur

un passage de ce type, qu e ni cequi précède ni ce qui sui t n'éclair-

ci t davantage : « La mer ingue

géante monta jusqu 'au plaf ond.

Nous é tions tous dedans. Dan fer-ma la télévision. On ne peut pas

faire la cui sine en suivant les re-cettes de cet te bonne femme. Lesproportions sont toujours fausses,et je ne crois pas qu'il faille. met-tre du houblon dans la meringue

de tou te façon. - Je n'aime pasvotre monde, un point c'est tout,

déclara Blanche-Neige. Un monde

où de telles choses peuvent arri-ver ». Il ne s'agit ic i que de

Blanche-Neige préparant des me-

aidée pa r l'un des «nains»,et , dans le livre de Donald Bar -

t he lme, de telles choses peuvent

arriver !Blanche-Neige ne reprend pas

seu lement le canevas du célèbre

conte de fées, il le travestit. C'estun genre l it té ra ir e b ien connu;

pour s'en tenir à un répondantancien, rappe lons comment Scar·

ron, en travestissant l'Enéide, cha-

hutait l 'épopée de Virgile, en fai-

sant une histoire un peu grosse,bourrée d'anachronismes et de dé-t ai ls f ar fe lu s, transformant les

héros en crocheteurs. Mais le ro ·

man de Barthelme ne chahute pas

notre conte, il le saccage à cœurjoie : Blanche-Neige vi t avec septlaveurs d e ca rr ea ux don t e lle es t

la maîtresse, ce qui ne l 'empêche

pas de languir après Paul, un

« prince charmant » hélas ! bienpeu entreprenant. Rien n'arrive

comme da ns le conte authentique

et le lecteur avait pu le pré-voir : c'est le P ri nc e qui boit leliquide empoisonné préparé pa r

la méchante Jane, et les sept

« nains », de plus en plus las de

Blanche-Neige f in issent pa r la

planter là.

Loin d'évoluer dans une atmos-

phère fé er ique , le roman saute

sans cesse de l'incongru au sau-grenu : discuss ion des problèmes

posés pa r l'augmentation des

ordures dans notre civilisation ou

célébration de la seule vraie

guerre qu i mérite pleinement sonnom, celle de 14-18... En liquidantles conventions du conte, Bar-

thelme compte bien liquider

aussi celles du roman ou de la

poésie : « Les causes profondes

de la poésie on t été amplement

mises à jour; et maintenant que

nous savons qu'il subsiste de spoches de poésie dans notre grand

pays, en particulier dans les groscentres urbains, nous devrions êtreen mesure de les liquider totale-ment en une générat ion s i nous

nous y mettons vraiment ». Guerre

à la poésie, donc ; on la rempla-

cera par un composé pop à base

de procédés typographiques etrégurgitations de citations tiréesde Freud ou Emily Dickinson, le

tout rehaussé de poudre Ajax, de

Coca-Cola et de b iè re K rone n·

bourg. « Les temps sont mûrs pour

cela ». Est-ce vraiment d e l'hu-

mour noir?

En fait, ce récit agressif es t

très travaillé. L'auteur joue avecles mots jusqu'à la préciosité ou

jusqu'à l 'enfan ti ll age, mais cn'est pas toujours un jeu inno

cent; d an s l e roman apparaissen

des personnages dont les nomsonnent plus ou moins familière

ment : à côté d'un bar-restaurannommé La prochaine fois le feuJane Villiers de l 'Isle-Adam télé

phone à Quistgaard ; dans la rueFondue e t Maegh t passent en Volkswagen... Parodies, pastiches

provocations (ce questionnair

adressé au lecteur qui clot la pre

mière par ti e) , néologismes, motspièges, Barthelme possède t ou t uarsenal pour inquiéter , voire du

pe r son lecteur.

C 'e st f inalement un écrivain

connaissant bien les ficelles de l

rhétorique et du romanesque qupeut en deux pages télescoper laJeanne d'Arc de Dreyer et Hellzapoppin, avec apparition d'Artaudbrandissant un crucifIX. Si l'on

voulait placer l 'aut eu r sur quel

que relevé de la topographie littéraire, c'est du côté de René d

Obaldia qu'il faudrait regarder.

Serge Faucherf'n

L'esprit du mal

1James PurdyLes œuvres d'Eustacet ra d. de l 'a ng lai s

pa r Suzanne Mayoux

Gallimard éd. , 256 p.

En s it uant dans l e Chicago desannées 35, pendant l a grande crise,au cœu r d u qua rt ie r no ir, la dé-bâcle d'une minorité de bohèmeset d'homosexuels qui jettent tous

l'ancre, un jour ou l'autre, chez

Eus tace Chisholm, pédéras te et

parasite qui vit aux dépens de safemme Carla, une hystérique, et

pose au poète maudit, James

Purdy a fait un tableau de mœursd 'une noi rc eu r et d'une cruauté

rarement égalées. Pour nourrir

son grand œuvre, un intermina·

bl e poème épiq ue dont il écrit

les brouillons su r de vieux jour-

naux, Eustace Chisholm se vautreavec l'avidité du vautour et serepait de confidences qu' il a rr a-

che à tous les êtres à l a dér ive quiviennent se confier à lui, mendier

un conseil ou un réconfort. Contre

sa disgrâce d'intellectuel raté et

d'homosexuel écondui t, Eus tace

10

savoure une revanche en s'imagi-nant ti re r l es f icel le s d'un vrai

théâtre de la cruauté.

On peut très bien considérer,

qu'au delà de la sat ire d 'une mi.

nor ité mar gin ale, J ames Purdy

veut dénoncer, à travers ses s tig-

mates et ses tares, un e société quisecrète le ma l et expie ses origi.nes. Mai s, à notre sens, l a matière

essentielle du livre es t la peinture

d'amours interdi tes dont l'impas-

se, à l 'image même du cercle vi·cieux formé pa r la chaîne des

sentiments sans issue des person-

nages de l'Andromaque de Racine,

dérive vers l a démence et la fu·

reur sadiqu e. Eustace a ime ensilence l'adolescent Amos Rat·

cliffe, f ru it d 'une union illégiti-

me, à la beauté d'an ge noir , q uela misère oblige à accepter les

avances et les prodigalités d'un

Œdipe milliardaire, Reuben Mas-terson, malgré la passion qui le

consume pour son logeur , Daniel

Haws, somnambule qui vient

toutes les nuits lu i f ai re de brèves

et chastes visites.

La révélation qu'Eustace, qui

se targ ue de sonder les reins et

les cœurs , fai t à Amos et Daniel(les deux seuls êtres purs du livre)

de l eu r amour réciproque, a l'ef-

fet d'une agression sauvage: Amoss ombrer a dans la déchéance vé-nale, et Danie l qui s'engage dans

l 'a rmée f in ira dans d 'a troces souf-

frances, ap rès avoir été affreuse-

ment mutilé pa r un tortionnaire,

le Capit aine S tadger , off ic ie r re·

foulé. Ici l a démence atteint au

délire.

L'homosexualité illustre-t-elle

l a maléd ic tion qu i condamne l e

nouveau monde à tituber au borddu gouffre, ou possède-t-elle pa r

elle-même l e pouvoir d'introduire

ses adeptes au royaume des téné·bres et de la chute? Au-delà de

la dépression, James Purdy ne

jette-t-il pas l'anathème contre

une civilisation manquée ? A cet

éga rd , Eus tace f igure l 'e sp ri t du

mal, apprenti sorcier et miroir

qu i jette un sort à tous c eux quion t le malheur de se fier à son

mauvais génie.

Tout l 'art de l 'é cr ivai n tient

dans l'économie et la densité de

moyens qui, cependant, attei·

gnent à une efficacité halluci·

nante. Son ta len t parvien t à rendr e saisissants de vér ité un uni

vers et des situations à la fron

tière du roman noir.

La perve rs it é ouver te ou laten

te, comme chez Daniel Hawsdont les promenades noc turne

trahissent un déséquilibre nais

san t, est pour Purdy l 'effet ultim

de l a désagr égat ion de la réalit

sociale, une malédict ion hérédi

t ai re vouan t les hommes à s'en

tredéchirer ou à se laisser cor

rompre pa r l'argent. Ici, on re

trouve la marque de ce purita

nisme américa in dont l 'i nd ic ib l

réprobation couvr e de son ombret oblitère les passions. La respectabilité sociale et l'établissemen

de la fortune, qu e la mère du

mill ia rd ai re Rub en Masterson

préserve avec un soin jaloux

of frent le seul r empart qu' un

société inique s oi t s us cept ib l

d'opposer au tor rent des passionet au naufrage collectif. Est-iconclusion d'un plus sombre pes

simisme ?

Alain Clerva

8/14/2019 quinzaine littéraire 85

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Déchéance

Lars Gy llcnstenlnfantilia

Trad. du suédois pa r

C. G. Bjurstrom et J . Queva l

Coll. « Du Monde entier »Gallimard éd. 256 p.

Karl-Axel, le héros d'Infantilia

es t un cousin suédois de Molloy.

Cousin et non neveu, encore

moin s h ér it ie r, c ar s'ils on t des

points et même, en Joyce, un

grand -père commun , l eu rs arb res

g én éa lo gi que s n e con co rd en t p as

branche il b ranche . Au reste, ils

ont à peu de chose près, le même

âge et ne se connaissent pas.

Ecrit cn 1952, mais traduit seu-lement maintenant, alors que Gyl.

l en sten , médec in , poè te , essayiste

et romancie r est cél èb re dans son

pays, Infantilia ne doit, en effet,

rien à Beckett. Si , le l is an t, o n

pense à Molloy, ce n'est point

tant parce qu'on y repérerait une

que lconque inf luence ou une t rou-

blante ressemblance, mais pa rc e

que des a na logi es thématique.

ont condu it Gyllensten à un e re-

mise en cause du récit, à une re·

cherche formel le qui, pour n'être

pas identique à celle de Becke tt ,

es t du moins similaire.

Sans doute l 'h i sto ire conserve-t-

elle chez Gyllensten un e plus

grande p la ce . S i au niveau de la

page, le narrateur ne cesse de

briser le fil de son r éc it , d e mê ·

1er mémoire et conscience pré·

sente, d'opérer des rapproche.

ments entre les difficultés et lesrêves de l 'enfance et les préoccu·

pations du jour, l 'ensemble l'es·pecte une progression relative-

ment chronologique et suppose

même un « suspense». Pourquoi

Karl·Axel qu i refuse, avec une

sorte de terreur panique de la pa-

ternité, de donner un enfant àClem, son épouse aimante (qu'il

n'aime pas), est-il amoureux de

Lucy, laquelle es t enceinte d'un

autre ? Comment va-t-il et même

pourra·t·il organiser sa vie entre

ces deux femmes? Telle s s ont

les quest ions qui , apparemment,

se posent, et qu i relèveraient,

semble-t-il, d'un traitement roma-nesque traditionnel.

En fait, ce qUI mtéresse l'au-

teur, ce qu i es t au centre du ré-

c il , c 'e st la djfficulté de vivre de

Karl-Axel, son incapacité à pour·

suivre une carrière, à fonder

v ra imen t u n foyer, à sortir de

l 'enfance enf in , de ses facilités et

de s es a ngois se s. A moi ti é en tr e ·

tenu pa r les femmes ou semi·clo-

chard, il ne sait rien faire de sa

vie qu e ressasser ses comptines et

ses b lagues de gamin, redire avec

une s o r te d'incompréhension

naïve ses dés ir s vagues et ce re-fus d 'agi r q ui l e condu is en t. fétu

(ou fœtus si l'on cède au goÎlt de

Gyllensten pour l es mots-vali seset les analogies révélat r ices) hal-

lotté su r les eaux de la vie. d'un

travail, d'un semblant d'amour ill 'autre.

Comme chez Becket t, o n re-trouve le thème de l a d is so lu ti on

de l a conscience, de la vie réduite

à des réf lexes physio logiques et

verbaux - e nc ore q ue Gyllens-

ten aille en ce sens beaucoup

moins loin - ct aus si des remu-

gles d'éducation protestante. Karl·

Axel ne c ro it p as à la venue de

Godot, ne c ro it p as que per sonne

puisse quelque chose pour lui,

mai s J és us , qu'il tient à la fois

pour le rédempteur et le respon-sable de tous les crimes commis

contre les « pécheurs » au nom

de l'amour, ne cesse de hanter sapensée, ou plutôt de se mêl er a ux

images brumeuses, graveleusesou désespérées qu i la hantent . Son

r ef us d e la paternité, sa nostalgie

de son enf an ce mor te app ar ai s·

s ent alors c omme liés à une se-crète terreur, à une interrogation

non r ésol ue con ce rn an t les mys-t ère s de la vie et de sa transmis-

sIOn.

Pour décrire secrètement cette

expérience de la déchéance qui

es t en même temps q uê te secrète

et innommée d'autre chose, Lars

Gyllensten a su t ro uv er u n lan-

gage où tournures enfantines, re-

dites, balbutiements, glissements

de sens, interjections et interroga-

tions simulent les mouvements

d'une pensée qu i cherche son cen·

tr e et ne peut que dér iver . Sans

doute les traducteurs n'ont-ils pu

en r endr e toutes les nuances, mais

leur excel lent t ravai l nous révèl e

la déma rch e d 'u n au teu r aussi

or ig inal que parfaitement contem-

porain de la littérature la plus

vivante.

Claude Bonnefoy

GRAND PRIX

DE LA CRITIQUE LITTERAIRE

Maurice Nadeau

Gustave Flaubert écrivain

Dossiers des Lettres Nouvelles

La Quinzaine littéraire, du 15 au 31 décembre 1969 1

8/14/2019 quinzaine littéraire 85

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les mille et une bibles du sexe

!édition courante: 14 illustrations originales, 374 pages sur papier luxe

l'épopée gigantesque, luxuriante et fabuleuse

de tout l 'univers éro tique contempora in

e d'après les ' confessions-poker' de milliers de couples consignés par un

grand aristocrate parisien

e triées, revues, corrigées et éditées par Yambo Ouologuem, prix

Renaudot 1968

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vous êtes tous concernéspour adultes seuleD1ent

ÉDITIONS DU DAUPHIN

43.45 rue de la Tombe-Issoire·75-PARIS-XIVe - •

331.79.00

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Vivez mieux qu'un capitaliste ...

.existez!

Non à la pornographie.Oui à l'érotisme

LE VOLUME 17 x 23 : 39 F

les mille et une bibles du sexeUTTO RODOLPH

8/14/2019 quinzaine littéraire 85

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SELECTION

Les Dteilleurs livres pour enfants

J? "'? "? : "1l , J

<...v

La nature, l 'histoire,le monde

mins de la rue. V ne journée d'aventures et d'amitié.

Troi s façons de pei nd re la Vle dean,maux :

de 12 à 14 a nsPearce

Tom et le jardin de minuitIll. pa r Susan Einzig

Nathan éd., 12,50 F

Tom, en convalescence chez de

parents, passe ses nuits d'lns ujardin qu i n'existe pus, avec unfille de son âge qui le prend pou

un fantôme. Qui rêve l'autre? Impossible d'en dire davantage, celgâcherait tout. Une bien jol ie songerie sur l e rêve, l e Téc/ et la durée

Simone Lambli

Hélène Fatou

Vigie la marmotteImage s de May Angel iFlammarion, Père Castor, 5 F

Jolies images, bon t ex te entre ldocumentaire et l 'anecdote. Les reproductions sont excellentes, commla typographie.

Henriette FilIoux

Animaux en famille: Les :;uuris.Images d'Iliane RoelsEcole des loisirs éd. , 4 ,90 F

Les images son t irrésist ib les, ltexte un peu long. Tro is autres abums dans la même série . Les cators, Les manchots, Les cigognes.

Et pour en savoir davantage, demandez à la Joie par les livres, 59, av, dMaine, tél. 326-50-48, le bulletin d'analyses de livres pour enfants, numérspécial de Noël.

de '1 à 10 ans

a plus à dire qu'il n'y pm'nit d'a-bord : on le lit d'un trait pour ses

trouvailles poétiques et cocasses,pUls on le relit pour mieux le sa-

vourer.

Contes chinoisLa steppe enchantéeGründ éd., 14,50 F chaque vol.

Pour les amateur s de contes, deuxgrands volumes : des heures delecture au pays de la magie, encompagnie de héros qu i savent ac-cueil lir l 'e .'t traordinaire srms per-dre le bon sens ni la malice.

Sempé: Marcellin Caülou

I l se posait des questions. Ou plutôt une question

Le chasseur d'é'oiles

Anne Barrett

Martin et l e vi sage de p ierreI l l . pa r Patrice Harispe

Nathan éd., 12,50 F

Martin emménage avec ses pa-

rents dans un quartier déce'Jant, etle comble, c'est qu'un 'l'oYOI' eÛ·ge sa soumiss ion sous peine des p i.res représai lles . Pas de pleurniche-

ries ni de recours à la famille :Martin prend ses responsabilités, il

défendra lui·même son indépendan-ce en même t emps qu e la paix dela maison. Très agréable à lire etb ien mené.

Harry Kullman

Le voyage secretIll. pa r Claes BackstromNathan éd ., 12,50 F

Autre aspect des rapports entreenfants bourgeois et jeunes « ban-des» : à la faveur d'une escapade

dans le quart ie r pauvr e de la villè,David, f ils d'un avocat, t.a décou-vrir la vie et les bagarn·:; des f!a-

de 9 à 12 a ns

James KrüssLe chasseur d'étoiles

e t aut res con tesImages de Michel SiméonNathan éd., 12,50 F.

Un chef-d'œuvre de la l it té ra tu -

re allemande pour enfants. Le gar-dien de phare et les amis qui lu iviennent de la mer se racontent des

histoires. C'est un petit livre qu i

à par t i r de 10 an s

Malija ValjavecL'anneau de VaniaImages de M. StupicaHatier éd., 4 F

V ne bague magique, un gentilberger et des animaux reCOllna'5-

sants font un album plein de char-me dont les images ressemblent auxpeintures naïves slaves.

de 6 à 10 a ns

grandes personnes se prêt,ent leurs

livres. Le monde est comme ça, necomptons pas sur les fées. Le mi-racle de tous les jours, c:est l 'ami -tié. Remarquable mise en page oùles blancs sont l 'espace ouvert à laliberté du lecteur.

A.-M. CocagnacLes trois arbres du samo!,raïImages d 'Alain Le Foll

Ed . du Cerf, 12 F.

C'est un nô raconté dans un lan-

gage poétique et s impl e. Les ima-ges transposent heureusement lestyle japonais et leur mise en pageest très réussie.

Eva JanikovszkyBasile et BarnabéImages de Laszlo ReberLa Farandole éd., 7 ,70 F

Frais, drôle et bien adapté auxenfants : deux pet it s t ecke ls sontlas d'être pris l'un pour l 'autre .

Comment faire? Vn problème qu itourne au jeu.

IonescoConte nO 1

Images d'Etienne DelessertHarlin Quist éd ., 17,50 F

Texte plein d'humour, images

belles et sophis tiquées. avec desclins d 'œ il aux adultes assez heu-reux pour aimer les livres d'en-

fants.

1Contes et romans

à par t i r de 3 à fi ans

Dick Bruna

Le petit marinNathan éd ., 4 ,50 F

A suspendre dans tous les ar-bres de Noël: un classique hollan-dais enfin édité en France. Les ima-

ges les p lu s simp le s et les p lus mo-dernes pour les tout-peti ts . Dans lamême série : Le petit lapin dansla neige, Le peti t lapin à la mer.

j" f l l I de /0 / 'ulle

Marcelle Vérité

300 contes pour b ien s'endo rm ir.

Images de Gyo FujikawaGauthier-Languereau éd., 19,50 F

Comptines anglaises adaptées el lfrançais. V n grand album où le

texte joue avec les images. Les dou-bles pages en couleurs sont commede grands tablaux : maison en for-me de soul ie r où vivent des per-

sonnages amusants, paysage animéd'enfants et de bêtes, navi re sur lamer , etc.

Tomi Ungerer

Jean de la LuneEcole des loisirs éd., 16,80 F

Le petit bonhomme qui vi t dansla lnne n 'e st pas t rès b ien reçu sur

terre. Devinez un peu comment ils'en tirera '!

de fi à 10 ans

1 Images et comptines

à par t i r de '1 ans

Sempé

Marcellin Caillou

Denoël éd., 19, 80 F

Puur les famil le s où enfan ts et

14

8/14/2019 quinzaine littéraire 85

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Les Dleilleurs livres d'art de l'année

Les civilisations de l'Orient ancien Empreinte d'un cylindre néo-babylonien

Les grands

Jean DeshayesLes Civilisa tions de l 'Orien tancien214 ill. en noir, 8 pl. en couleurs,79 car tes e t p lans .Arthaud, éd., 676 p. 105 F.

Ouvrage de grande érudition, etd'un constant attrait, qui éclaire lanaissance de ces civi li sations, leurmontée progressive, la création descités, la formation des empires , etleur destruction après une ère degrandeur qui ne nous a été révélée,dans beaucoup de cas, que par lestravaux entrepris depuis un siècledans les p lus arides déserts. L'au-teur, professeur d'archéologie orien-tale à la Sorbonne, examine avecune grande lucidité tous les aspectsde cette vaste his toir e d'un passédont la connaissance est fondamen-tale pour la compréhension des ori-gines de l'humanité occidentale. Lelivre est illustré d'excellentes repro-ductions d'œuv res et d'objets desmusées de Téhéran , Nicosie, Bag-dad, Ankara, Jérusalem, Héra-kleion, Karachi, etc. Rappelons lesdern ier s titr es de ce tte collectiondes « Grandes Civil isat ions» pu-bl iée sous la direction de Raymond

Bloch : la Civil isat ion de l'Europe

ancienne, de Guido A. Mansuelli,et la Civil isation de la Renaissance,de Jean Delumeau.

André Chastel

Le Mythe de la Renaissance76 i ll. en noir, 66 pl. en couleurs.Skira, éd. , 236 p. I l8 F.

Historiquement, ce livre, qui traitede la période 1420-1520, se situeavant la Crise de la Renaissance,

du même auteur, précédemmentpublié, et qui concerne tout le XVIe

siècle à partir de 1520. Les deuxouvrages forment un t ou t qu i ap-por te de nouvelles lumières sur lescaractères contradictoires des acti-v ités de l'homme nouveau dont lesidées transformèrent l 'Europe sep-tentrionale. Les belles planches en

couleurs de ce livre, comme de tousceux de la co llection « Art, Idées,Histoire », ajoutent un grand plai-s ir des yeux à celui d'une lectureattachante.

thèBles

D.A. Olderogge

Les Arts de l'Afrique NoireTraduit du russe

par Alexandre Karvovski168 pl. dont 41 en couleurs.Cercle d'Art, éd., 200 p. 51 F.

Si les ouvrages sur l 'e thnographieafricaine se sont multipliés depuÏ$quelques années, il en est peu qui,autant que celui-ci, nous procurentencore une impress ion de surprnepar la publication de documents àpeu près in connus et d'un intérêt

exceptionnel. Toutes les pièces pré-s entées dans le liv re - d'extraor-dinaires effigies rituelles, des mas-ques, des bois sculptés, notamment

du Congo, du Cameroun, de laCôte d'Ivoire - ont été photogra-phiées dans les collections du

Musée e thnographique de Lénin-grad. Cet ouvrage vient, en quel-que sorte, complé ter la Sculpture

africaine, de Ladis lav Holy, publiéchez le même éditeur.

Jules David Prown

et Barbara RoseLa Peinture américaineTraduit de l'américain

pa r Yves Rivière100 pl. en couleurs.Skira, éd., 240 p., 160 F.

Ce livre marque la place que lesEtats-Unis peuvent désormais re-

vendiquer dans l'his toi re de l'art.Le chemin parcouru, depui s lespor trai ti stes , par fois anonymes etsouvent naïfs, de la fin du XV Ilesiècle, jusqu'à « l'Ecole de NewYork », à· l'expressionnisme abs-

trait, à l 'art pop e t à l'art minimal,passe par le class ic isme élégant deJohn Singleton Copley, le roman-tisme de Thomas Cole, et la pre-mière expression du modernismeque représentait Whis tler . Maisc'est seulement en 1913, avec l'Ar-mory Show, que le grand boule-versement pictural allait commen-.cer. L'histoire, admirablement illus-trée, de cette évo lu tion , nous mon·tre que bien des noms e t bien desœuvres nous étaient demeuréstnconnus.

Yvon Taillandier

L'Abstrait80 ill. en noir, 30 pl. en cou!.,19 cartes.éd. Planète, 256 p , 67,25 F.

Dans' le cadre de la col lect ion Il lesMétamorphoses de l'humanité »,

dirigée par Robert Philippe, et dansle contexte d'une histoire des grandsévénements mondiaux de la pre-mière moi tié du XXe siècle, l'au-teur, avec une connaissance très

sûre et très étendue de son s ujet,retrace les étapes de la plus para-doxale aventure que l'art aitconnue : son éloignement du mon-de de l 'objet , son accession à l'es-thétique de l'abstraction.

P.P. Kahane, P. Francastel,G.C. Argan, M. Levey,H.L.C. Jaffé et H. Hetl-KuntzeVingt müle ans de peinture

1.000 i ll . en couleurs.Cercle d'Art, éd., 418 p. 123 F.

Vgste encyclopédie picturale qui n

peut, certes, remplacer une histoirede l'art ni satisfaire le spécialiste àqui ce survol des œuvres «de

cavernes à notre temps» ne saurai t suf fi re , mais ouvrage uti le ajeune amateur désireux d'éclaireses premiers pas à la découverte dela peinture.

Germain Bazin

Histoire de l 'avant-garde en peintureHachette , éd., 304 p. , 125 F.

L'avant-garde n'est pas une in-vention du X IXe ou XXe siècle. Le

conservateur en che f du Musée du

Louvre nous montre son évo lu tiondepuis le XIIIe siècle, de Giotto à

Mondrian . Des ill us trat ions b ienchoisies et un texte d'une remar-quable perspicacité.

La Quinzaine littéraire, du 15 au 31 décembre 1969 15

8/14/2019 quinzaine littéraire 85

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Les Dleilleurs livres d'art de l'année

Les m.aîtres du dessin

sages et ces figures à la plume,

au roseau ou au pinceau, que sa

personnalité et sa sensibüité sesont révélées de la façon la pluslibre et la plus émouvante.

Windsor McCayL it tl e Nemo

108 his toires imagées en couleuret 151 en noir.

Pierre Horay , éd. , 264 p. 83 F

Charles Feld

Picasso. Dessins du 27-3-66 au15-3-68.Préface de René Char

405 reprod. en noir et en coul.Cercle d'Art, éd., 256 p. 123 F.

Un très beau l ivre, non seulementpar le choix des dessins à l'encrede ·Chine, au crayon noir, aucrayon bis tre , aux crayons decouleur , au fusain, à la sanguine,à la craie, à l'huile, à la gouache,au lavis, où s' exprime la merveil-leuse act ivité graphique du pein- mais aussi par la techniquede reproduction de ces œuvressouvent rapides (dix dessins fu-rent parfois exécutés dans la même

journée) où ne fon t pourt an t ja-

mais défaut ni la maîtr ise ni lessubtilités de la main . L'ouvrage,que les sujet s rassemblés s ituentsous le si8ne d'une certaine allé·gresse impudique, fait suite, parsa présentation au Picasso Théâtre

de Douglas Cooper, précédemmentpublié aux mêmes éditions et quenous avons présenté l'année der-n ière dans not re nO 48.

Henry BonnierL'Univers de Rembrandt

80 reproduct ions de dess ins.Henri Scrépel , éd. , 120 p., 34,50 F.

Entre la pein tur e et l'eau-forte,le dessin au lavis de bis tre fut pourle peintre son mode d'expressionpréféré. Ce fu t aussi dans ces pay-

Gabriela Kesnerovaet Petr Spiehnann

Les Dessins français de PragueTradu it du tchèquepar Hana Hellerova.44pl. en noir, 36 pl. en couleurs.Cercle d'Art, éd. 192 p. 61 F.

T r è s intéressante publicationd'œuvres pour la plupart incon-nues ou inédites en France, pro-venant princ ipa lement de la Ga-

lerie Nationale de Prague (qu iavait organisé en 1963 une expo-

s it ion de 345 dessins français descollections tchécoslovaques). Par-mi les 80 reproductions du livre,se signalent particulièrement àl'attention les dessins de Guys,Renoir, Braque, Bonnard, Bour-delle, Pascin, et un admirable por-trait de femme, aux crayons decouleur, de Picasso, des env ironsde 1900.

L'exposition « Bande dessinée e

figuration narrati·ve », au Musédes Arts Décoratifs, nous avairévélé il y a deux ans le nom e

l'œuvre d'un des p lu s originauprécurseurs américains des modernes comics, Windsor McCayL'idée est excel lente de publier enFrance aujourd'hui cette sérid 'images qui , sous le t it re de LittlNemo in Slumberland, parut danl'édition du NewYork Herald entre 1904 et 1910Marqué par l'esprit du modernstyle, le fantastique orinique de

ces charmants dessins amuseraencore les enfants tout en retenant l 'a tt en tion des cur ieux du

pré·surréalisme.

exclusivité weber

Modigliani: Béatrice, 1915

Henri FocillonMaîtres de l'estampe103 il l. en noir.AMG-Flammarion, éd., 192 p. ,

Aujourd'hui où s'affirme un

gtand mouvement d 'intérêt pourla gravure, on. lira avec plaisircet te réédi tion des textes que F0-

cil lon a consacrés à Dürer , Elshei-mer, Rembrandt , Callot, Tiepolo,Goya, Daumier, Meryon, Ma-net, etc. Ce sont des pages decritique très vivantes. Cette même

pet ite collect ion, « Images etidées », a récemment publiél 'His toire de la critique d'art deLionello Venturi.

Si les i llus trateurs de ces feuillesqu i représentent la premièreforme de presse ülust rée ne peu-vent être considérés comme des« maîtres du dessin », ils furentà coup sûr, en dépit de leur naïvetéet de leurs maladresses, des maî-tres de l'imagerie en noir et blancdont la force expressive retrouvela saveur des xylographies primi -tives. (Voir notre nO 76).

Jean.Pierre SeguinCanards du siècle passé80 pl. in-folio en noir.Pierre Horay, éd., 224 p., 58 F.

photographies inédites de Zodiaqueun v olu me r elié de 368 pagesdont 28 planches hélio

el 4 hors-texte couleurs 40 F

31' vol um e de la collection

La nuit des temps

GIYIIIE

1111111PIIRRI

DUIOURC-IOUIS

lllllllili

IYllllll1OUVIIR

IIICIIDIR

5' volume des Introductionsà la nuit des temps

u n v ol um e r el ié de 448 pages2 planches couleurs, 155 photos

et 111 f igures dans le t exte60 F.

16

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Archéologie, Architecture

La Quinzaine littéraire, du 15 au 31 décembre 1969

A. Papageorgiu

Icones de ChypreNagel, éd., 120 p., 147,20 F.

L'art chypriote dans ce domaine s beaucoup des Byzant ins, mais l 'auteur, le mei lleur spcialiste de cette époque, insiste avebonheur sur les dif férences et pat icular ités que la peinture des icnes a réussi à créer dans cette îlointaine, pendant un demi·millénaire, allant du XIe jusqu'aXVIII siècle.

Marcel BrionLes Médicis

Albin Michel, éd. , 216 p., 75 F.

Des images inconnues nous introduisent dans un domaine artistiqu

trop souvent négligé, parce que dificilement

Florence e t Rome, mais surtouFlorence, où s 'épanoui t l 'art de l

Renaissance. Un texte précis et intelligent, des illustrations bien chosies, nous donnent une image vvante de cet te époque.

Giuseppe Tucci :Tibet : pays des neigesAlbin Michel , éd. , 240 .p ., 59,60

P. Feller et F. Tourret

L'outilAlbert de Visscher, éd.

Dans ce dialogue de l'homm

avec la matière, nous suivons l 'évolution de l'homo faber .. Un sujerarement tra ité, des i llust rat ionétonnantes, nous offrent· une image inattendue de nos ancêtres.

1

200 i l l. en noir, 11 i l l. en couEdita, Lausanne, 248 p., 103 F

Une abondante documentatio

inédite sur la vie et le travail dl'architecte catalan : ses proje ts eses rêves de visionnaire, ses réalsat ions délirantes et ses cur ieuseméthodes de sculp tu re ornementale. Par des photos et des dessinde Gaudi lui .même, nous pouvonsuivre l'élaboration et les premières étapes de la construction dson chef-d'œuvre inachevé, lSagrada Familia, que Dali appellavec une admira tion, elle ausdélirante, une « gigantesque dencariée ».

R. Descharnes et C. PrévostLa Vision artistique et religieusede GaudiPréface de Salvador Dali

plus récents : Japon, de TomoyaMasuda, i llus tré de 90 photos dey ukio Futagawa et de 48 planset cartes. Une des meilleures col-lections consacrées à l'architecture.

La grande séduction architecturale

de:. villes espagnoles, portugaiseset d'Amérique la tine, t ient , pourune bonne part, à leurs églisesbaroques. Ce livre, qui contientune étude esthétique et techniquede ce s ty le , accompagnée de pré-c ieux documents, fait partie de lacollection « Architecture univer-selle » où furent déjà publiés Inde,

Monde grec, Mexique ancien, G0-

t hique, e tc . Parmi les titres les

Marcel Durliat et Victor AllègrePyrénées romana

150 photos en noir et 14 en cou!.Zodiaque, éd., 380 p., 45 F.

Avec ce livre (t re nti ème titre dela collection « la Nuit des temps»)

et avec Guyenne romane, de Pierre

Dubourg-Noves, dern ie r paru decette belle collection, se poursu itl 'exploration de la France romane

qui nous apporte une moisson tou-jours nouvelle de documents. L'en·

semble de ces ouvrages constitue la

plus importante étude archélogiqueentreprise sur le monde roman.En complément à ces publicationset pour appro fondir la significa-tion de tou te la symbolique conte·nue dans leur iconographie, un

Lexique des symboles, par OlivierBeigbeder, vient d 'êt re publi é auxmêmes édi tions dans la collection« Introduction à la nuit des

temps ». Rappelons, enfin, l'inté·rêt des deux volumes sur l'Art

scandinave, de Peter Anker etAron Anders son (également auxéditions Zodiaque) que nous avonseu l'occasion d'analyser dans11DJTe nO 72.

En s'unissant à l'architectureslave préchrétienne, le style by-zantin a fait naître en Russie ces

admirables églises en bois ou en

« dur », à clochers-peignes et àtoits en écailles, avec leurs hulbesmult ip les ou leurs « botchkas Ilen pomme de pin, dont la cons-truction offre parfois une extrava·

gante silhouette. De bons docu·ments photographiques nous mon-trent la diversité de leur style à

Pskov, à Novgorod, à Moscou, àMéliétovo, au Vieil 1zborsk etdans l'île Ki;i, sur le lac Onéga.

Yves BottineauBaroque ibérique80 photos hors-texte d'Yvan Butler25 plans et cartes.Office du Livre, éd., Fribourg,

190 p., 45 F.

Eglises russes77 photos en noir et 4 en cou!..12 dessins.Textes de Dostoïevski.Zodiaque, éd., 200 p., 45 F.

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. . Sélection

Monographies Collections

Pierre Courthion

Seurat48 pl. en coul. , 64 ill. en noir.Cercle d'Art. éd., 162 p., 103 F.

Tex te intéressant, écrit avec n·

gueur et s'appuyant sur une sé·rieuse documentation. Il nous faitmieuy connaître la vie assez secrèteet l'œuvre si volontaire de celui quifut le maître du pointillisme, et d ix années de travail suff ir en t à

rendre célèbre. Comme dans tousles ouvrages de cette excellente col·lection des « Grands peintres n,

chaque planche reproduite est ac-compagnée d'un u tile commen·taire. Parmi les p lus récents titresde la même collection : Klee, deWil l Grohmann; Rembrandt. deLudwig Münz; Goya, de José Gu-diol; Modigliani, d'Alfred Werner.

Pierre Dufour

Picasso 1950·196832 pl. en coul. , 23 ill. en noir.Skira, éd., 140 p., 39,50 F.

Ce livre fait suite au Picasso deMaurice Raynal qui , dans la même

collection du « Goût de notre

temps », étudiait l 'œuvre du pein.tre depuis ses débuts jusqu'au mi·

lieu du siècle. L'esthétique dePicasso a, sans doute, subi moinsde transformations dans ces vingtdernières années, mais il es t int é·ressant de voir comment s'estaccusé son « picassisme » dans lesthèmes auxquels il est demeuré fi.dèle e t dans ceux auxquel s il s'estnouvellement attaché. Le livrefait, en outre, Une place aux tra·v aux importants que fu rent et quesont tou,jours pour lui la sculptureet le dessin.

Alber t ChateletTout l 'œuv re pe in t des frèresVan Eyck

91 reprod. en couleurs, 108 ill.en noir

Catalogu,e des œuvres, chronologie,bibliographie.Flammarion, éd., 104 p., 22 F.

Nous avons déjà signalé à nos lec-teurs l 'i nt érêt de cette collectiondes « Classiques de l'Art » où ,

chaque livre, par l'impor tance et

la précision de son apparei l docu·

18

mentaire et, aussi par une dispu-sit ion graphique et typographiqw'qui perme t de t rouver instan tané·ment le renseignement recherché.constitue Un utile instrument deconnaissance et de travail. Pour

les auteurs du célèbre Polyptyquede Saint·Bavon dont l' his toi re est

compl iquée et ferti le en énigmes.les documents d 'enquê te sont par-t icul ièrement intéressants. Parmiles plus récents de la collection:Raphaël, par Henri Zerner:

Dürer, par Pierre Vais se ; Botti·celli, par André Chastel; Velas.

quez, par Yves Bot tineau.

Frank Elgar

Cézanne108 ill. en noir, 55 ill. en coul.Somogy, éd., 268 p. 40 F.

A lire cette ét ude sérieuse, pene-trante, sur la vie et sUr tous le.'aspects de l 'œuvre du peintre, 011

comprend pourquoi son inf luencefut si grande, si déterminante pourl'avenir de la peinture. « San.'Cézanne, d isait Fernand Léger , jeme demande parfois ce que seraitdevenue la peinture actuelle». U"

bon l ivre et très uti lement dom-menté.

Gaston Diehl

Modigliani51 pl. en couleurs, 19 ill. en nUl l '

Flammarion, éd., 96 p., 20 F.

Texte i nt el li gent ' et bon choix d,·

documents qu i font revivre l 'att"chante personnalité de l'artiste."

fortement marquée, malgré la brièveté de son dans ses nll'

célèbres, ses portraits et ses scrdJl-tures moins connues, ainsi qu"dans ses beaux dessins. Dans cett,

même collection des « Maîtres cl"

la peinture moderne'» : un Pi·casso, époques b leu et rose. pU'

Denys' Chevalier.

Nagel Roy Mc Mullen

Le monde de Chagall

Gallimard, éd., 268 p., 130 F.

Les photographies d'Izis nous intro-

duisimt dans l'intimité du peilltn'

et évoquen t l'évolu tion de son " rtpendant un demi-siècle.

L'Univers des FormesGallimard éd.

Deux volumes ont paru cet te an-née dans la collection dirigée parAndré Malraux et André Parrot,

La Grèce classique, par JeanCharbonneaux est le troisième to-me consacré à la civilisation grec-que, alors que Rome, centre du

pouvoir, par Bianchi Bandine ll i,

une série de trois consacrés à l'art romain. Texte sÛret J1résentation somptueuse, com·me d'habitude.

Uart dans le MondeAlbin Michel éd.

Deux volumes en 1969, très dif-férents par l eur sujet : « L'Arch'j.te(:ture contemporaine» par Uelo

La Je",me <i lu cui"'i",,,

Kultermann, retrace l 'évolution de' l'architecture au cours de ces derniers cent ans et c( Terres cuiteprécolombiennes » par Alexande

von Wuthenau, analyse l 'art mexicain.

Giuseppe Tucci

Rati-LilaNagel éd. , 170 p., 202,80 F.

Ce titre apparemment mys té.rieux se t radu it très simplemen

pal' les « Jeux de l 'amour », Aprèsavoir étudié l'art érotique de la

Grèce, de Rome, de la Perse, del 'Inde, du Japon et du Pérou, cettecollectioll IWUS conduit cet te foisau Nepal. Un texte savant, des il ·

lustrations qui rappellent celles destemples hinclous.

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EXPOSITION

Klee et le visible

La Quinzaine littéraire, du 15 au 31 décembre 1969

L'exposit ion Paul Klee qui alieu au Musée d'Art Moderne(1) est sans doute, comme lesoulignent les organisateurs,à la fois l 'occasion de dissi -per un malentendu entre Kleeet la France, mais aussi cel led'une découverte de ce qu'undiscours de la peinture peutêtre; ce que, probablement,n'a jamais cessé d'être, de-puis les origines, ce discours.

La cla rté de la présentat iondes quelques deux cents ta-bleaux et dessins, sa log iquechronologique, formelle et thé-matique est bien faite pour favo-riser cette découverte, d'autantque l'accrochage dessine des ré-currences, provoque des rappels

dans la - production - de l'ar-tiste, comme dans la - récep-tion - du contemplateur, pouremployer le vocabulaire de Klee.Mis en évidence avec un tact

et une discrétion dont on ne

saura it t rop louer M. Leymarie,Mme Françoise Cachin-Nora, etMme Isabelle Fontaine, (ce sontces quali tés qui font- du Muséeune vraie pédagogie), le chemi-nement de Klee apparaît dansson unité, mais à la façon decette «ligne act ive prenant li·brement ses ébats; promenadepour la promenade, sans but par·ticulier D , qu'il pose comme

J'élément dynamique primitifdans ses Esquisses: gratuité dela démarche, variété du cheminqui admet détours, - formesd'accompagnement -, points derebroussement , ces formes dulibre jeu de la - fantaisie - nesont que le phénomène visibled'un nécessaire, d 'un inélucta-ble retour à l' - origine - de lapeinture - en son discours.C'est ici ce qu'il faut dire en

trois propositions nées directe-ment de la visite de ce tte pré-cieuse exposition.

Klee ou la mise en quest ionde la représentation: qu 'on ne

s'y t rompe pas, cet te mise enquestion - parce qu'elle est

rad icale - s'effectue toujoursdans les marges du tableau ou

du dessin, par un biais. Ce n'est

point le représenté du tableauque Klee délie de son apparte-nance imméd iate à la visibilité

- au champ réel des apparen-ces. Il n' au rait pu le faire qu'aunom d'une essence cachée deschoses, d'un arrière-monde, dansla description duquel s'engage,pour s'y perdre, le discours sur

Klee: La légende du Nil

la peinture. D'où le contre-senssur la phrase fameuse, « l'art nereprodu it pas le visible, il rendvisible .. : contre-sens qui attri-bue à l'invisible envers des cho-ses, le visible pictural. Depuis

le premier trait tracé sur uneparoi , la première tache coloréeposée sur un mur, peut-être lapeinture a-t-elle tou jours com-mencé à se dégager de cetteappartenance. C'est la représen-ta tion elle-même que Klee dé-nonce comme le lieu unique etprivilégié de tou te f igure p ictu-.raie. Comment? De plusieursfaçons : par la fonction signi-fiante donnée à ce que l'onappelle le -support- et qui, chezKlee, est le tableau même: letissu de jute accroche la pein-ture de la brosse en fines hachu-res qui sont celles de la trame

ou de la chaîne, mais qui sontaussi ombres et volumes. Toutle procès de production est à

découvert dans les t races la is-sées par le geste p ic tu ra l, le ta-bleau est texte puisqu'il est si-gni fiant dès le materiau même.(Ainsi Colonie de cabanes, 1932ou Chant d 'amour par nouve llelune, 1939, etc ...). Ou bien Kleeinscrira la représentat ion dansun autre espace, lui -même mar-qué par deux lignes horizontaleset par sa f ine écr iture donnant

le nom de la représentation dansce l ieu second, encadré par leslimites de ce qu'on appe lle - untableau - et que not re percep-tion habituée· depuis plusieurss iècles ne reconnaît p lus dans

son étrangeté : redondance dela représentat ion picturale sur

elle -même, par laque lle e lle senomme pour ce qu'elle est, nonune i llusion, mais un simulacre ..La plupart des tableaux de Kleesont ainsi faits d'une premièresurface plastique collée sur unedeuxième qui comporte le plussouve·nt traits, bandes de cou-leur, texte de la main de Klee,etc ... (Vo ir , à ce sujet , les préci-sions du catalogue). Enfin -mais Klee le magicien connaîtbien d 'aut res moyens de méta-morphoser les tableaux en simu-lacres - par des coupures, des

césures qui traversent l 'espacede la représentat ion, i l d is jo int

ce qui était illusoirement conti-nu, l'articule arbitrairement en

l'intégrant dans la surface se-conde qui n'est plus tout à faitcel le du tableau, mais point en-core notre espace : césure quiest marque d'une inscription

plus définitive dont le tableauest frappé et par laquelle il est

porté (ainsi l 'extraordinaire Re-

gard d'Ahriman, 1920).L'analyse· picturale de la re-

présentation : Faisant partie du

même geste d'incision ou de déchirure, mais déployé tout au

long d'une vie créat ri ce par - involution -, est un deuxième mouvement , à la fois effet e t condition du premier: cet te mise enquestion de la représentations'accomplit et se présente au

regard, comme son analysecomme l 'appar it ion de ses éléments archaïques, primitifs

Mais cette analyse ne s'effectueque dans et par la peintureelle ne se - di t - que dans le• geste - p ic tu ra l fondamentalAu moment où l 'esthétique s'interroge sur les possibilités d'application du modèle l inguistiqueà la substance visuelle, Kleepar sa peinture, en écrit la sé

miologie. Le système picturadans son œuvre s 'y transposee t s'y tradu it en peinture. Dèslors, l'analyse ne dissout pasl 'objet , mais le montre dans soarticulation élémentaire, pour lraison profonde que l 'é lémenpictural de Klee n'est jamais isolé, substantie l. mais toujou rssaisi dans sa relat ion avec d'autres éléments : peinture st ructurale - si l'on veut, ou modèled'une analyse struc tu ra le de lapeinture - à la condition decomprendre que, pour Klee, lastructure n'est que la traced'une force, le sil lage laissé pa

une énergie, le jeu d'une activité élémentai re. - Ce serai t uneerreur de penser que l'œuvreveut une structure d'élémentsseuls. Les éléments doivent produire des formes... D la lignen'est que le s il lage du point; lepoint , grain d'énergie qui est ene peut être que ligne; les surfaces, des effets de l'énergielinéaire dont la flèche noire- vers là-bas - est le symbole- déploiement croissant d'énergie à partir du blanc donné comme présent ou état vers le noi

émergeant, comme futur , comme action -. (La flèche noire

dans un jardin, 1929). Tout lesystème des couleurs tel qu'i

apparaî t dans l 'ense ignemendonné au Bauhaus n'est-i l pasune composition d'énergies traversant l'univers et l'homme, edont le tableau est le diagramme d'inscription. (Ainsi l ' impressionnant clair-obscur en rougedu Labyrinthe détruit, 1939) ?

C'est pourquoi l'analyse qu'es

l e tab leau n 'est point morcellante, mortifiante, alors que cependant s'effectue le retour aux

19

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Klee et le visible

éléments : parce que les élé-ments sur la surface du tableaufrayent des chemins les uns versJes

autres, chemins que l'œildu

contemplateur retrouve en lestraçant à nouveau : représenta-tion. cc Action humaine (Genèse)l'œuvre, qu'il s'agisse de produc·tion ou de réception, est mouve-ment (durée) ». Mais il fautbien comprendre que ce mouve-ment n'est pas création pure :le créateur ne coïncide pas avecl 'explosion énergétique de ('élé-mentaire. Le créateur n'est créa-teur qu'après coup. Si l'œuvreest mouvement, cc ceci tient à lalimitation manuelle du créeteur(i l n'a que deux mains) : cecitient à la limitation de l'œi l. ..

L'œil doit brouter la sur face,l'absorber partie par partie et

remettre celles-ci au cerveau...L'œil suit les chemins qui luiont été ménagés dans l'œuvre »,

Genèse, création, l 'œuvre, dansl'ordre producteur ou dans l 'or-dre récepteur, n'est que l'enche-vêtrement des chemins déjà tra-cés, qu'il faut toujours à nou-veau f rayer interminablement.(Par exemple, le fou en transede 1929, Mural 1924 ou Démonau-dessus des bateaux 1916).C'est pourquoi avec une égaleluc idi té , Klee le créateur se si-tue-t-i1 toujours après ou avant

la créat ion, mais jamais dans lepoint inassignable de l 'o rigineoù pourtant il se trouve, maisinsaisissable : cc En ce monde.nul ne peut me saisir car je

réside aussi bien chez les morts

que chez ceux qui ne sont pasnés. Un peu plus près du cœurde la créat ion qu'i l n 'est d'usa-ge. Et pourtant encore bien troploin ».

La peinture-écri ture. Cettetroisième proposi tion pourrai trésulter des deux premières :avec Klee, on découvre par lamise en question de la repré-sentation, que le retour à l'élé-

mentaire est le retour de la pein-ture à l'écriture. Sans doute par-lera-t-on, en ce point, de Kleele dess inateur , le poète, le mu-sicien, l'illustrateur de génie, deKlee réalisant de subtiles et déli-cates alchimies du mot, de lalettre, du trait et de la couleur .Mais ces remarques resteraientde surface et ne définiraient quedes procédés, si elles ne se fon-daient sur ce qui est à la fois leplus essentiel et le plus appa-rent : la progressive mutation de

20

. la peinture en écriture, la lenteinvasion des tableaux par les let-tres qui s'y métamorphosent en

t ra it s e ten

taches de couleurs,en a ttendant que les tableauxeux-mêmes redeviennent dansleur apparence même des tex-tes, ensembles profonds et di-versifiés de signes énigmati-

/ . _ - ....."

/(J

Klee: Groupe de c inq

ques, portant, dans le jeu gra-tuit de leurs rapports r igoureuxet fantaisistes, une polyvalenceinfinie de sens; dont le jeu ou-ve rt est le sens. (On pourraitainsi proposer le parcours sui-vant dans l'exposition: X vert àgauche et en haut 1915, Min ia-ture à la .Iettre E 1916,Miniature

de ce qui est fané 1918, Villa R1919, Composition avec la lettre

B. L'ordre du contre ut 1921,

Regard de sorcière 1923 (où letitre est inscr it dans un œil en

haut et à gauche), Mural 1924,Villas florentines 1926, Détache-ment de l 'âme 1934, ou Rayon-nement et Rotation, le livre

d'images 1937 et le fantasmati-que et scr ip tu ra l Un visage et

aussi celui d 'un corps 1939). Cesont alors les dernières œuvresqui font apparaître ce qu'est lapeinture en toute simplicité :signes écrits sur une surface,c'est-à-dire traces d'un passagequi ne peut êtrè sa is i que dans

sa trace, d'une créat ion du monde qui n'est pas chatoiemend'apparences et de choses, mai

écriture déjà écrite d 'un tex tedont le parcours sans fin constitue la figure, le simulacre en

surface du tableau.

Le signe de cette découvertec'est - et il faut méditer cetitre - le grand échec de 193

qui est comme la théorie epeinture de cette remontée à lsource : damier frangé sur lesbords et qui y perd la régu la ritde son système; où trois pièces renversées attendent d'êtrejouées. Grand échec, l'ambiguïtédu nom que Klee donne à ce tableau indique peut-être que lalangue de la création - le jeu

d'échecs et ses règles - nes' invente pas et que le jeu qus'y joue est un grand échec. En

tendons que le peintre en• jouant - le créateur dans ledouble sens du mot jeu, mimedans sa représentat ion, un jeuprimord ia l dont i l n'écrit sur letableau que les traces qui nesont jamais le vrai jeu: le Granéchec auquel font écho Clé brio

sée 1938 et le Labyrinthe détru

1939. Echec du parcours compledes chemins de la création parceque . le • producteur - et le• récepteur - n'opèrent jamaisqu'avec des morceaux de cléparce que cette écriture a partiel iée avec la mort. (cc Cette étoile

enseignée à s'incliner» (1940).L 'u lt ime tableau inachevé en

porte l' image : la surface blanche, funèbre et passive, inciséepar une dizaine de • signesnoirs qui, dans la trace de leu

énergie, articulent une platitudeen la séparant d'avec elle-mêmeen la t rave rsant des marquesd'un énigmatique savoir; desgestes, un jeu. Et il serait sansdoute essentiel de noter que lesétapes de cette redécouverte dela peinture c'omme écriture -mais dans la représentat ion -furent deux sorties hors del' . Occident -, la Tunisie en1914, l'Egypte en 1929.Dans Platon, l 'homme qui, en

maniant les couleurs et le trait

joue avec l'illusion et crée dessimulacres, s'appelle le • zoo

graphos - , celui qui écrit le Vivant : jamais ce nom génériquen 'aurait m ieux convenu à Kleele peintre. l 'écrivain.

Louis Marin

(1) du 25· novembre 1969 au 1

février 1970.

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BI8TOIRB

Un monde perdu

Il Y a sans doute moins dedifférences entre une commu-nauté médiévale, ou qui sait?néolithique, et un village duXVII" s iècle, qu'entre ce vil-lage et celuj qu'il est devenude nos jours. Extraordinaireconstance, quasi millénaire :elle nous a échappé tant quenous avons écouté les seulsauteurs des documents d 'h is -toire, les Iitterati, qui savaientlire et écrire comme ils par-Iaient, c'est-à-dire commenous. Aussi, comme nouschangeaient-ils, soll ic ités parle mouvement perpétuel dela culture. Mais combienétaient-ils au XVII" siècle ?

1Peter Laslett

Le monde que nous avons perdu

coll. Nouvelle hiblio-

scientifique

Flammarion éd., 296 p.

,Vers 1680, dans une paroisse

normande étudiée pa r Henry et

Gautier, un époux su r cinq signait ,

le registre. Au comté de Sur ry en

1642, les deux t ie rs des hommes

de plus de d ix -hui t ans étaient

incapables de sig ne r sinon pa r

un e marque : « il en était ainsi- cela laisse rêveur, avoue P.

Laslet t - des pères de Shakes-peare et de Newton ». Même dans

le s familles de privi légi és , l es

hommes souvent lisaient en chan-

tonnant et en trébuchant, comme

les qui apprennent .

Ce p et it n ombr e de litterati

consti tuait toute la société poli-

t iq ue e t intellectuelle, et plus gé-néralement, il maintenait et déve-

loppait une civilisation déjà

ancienne, la civilisation de l'écri-

ture, la nôtre. Mais cette civili-

sation, familière à l'Histoire, était

emboîtée dans un autre monde,

où les transmissions demeuraient

toujours o ral es : le Monde quenous avons perdu, titre du livre

de P. Laslett, son historien anglais.

Ce t it re n 'impl iqu e aucune

nostalgie - au moins consciente.

P. Laslett sait t rop b ie n comment

on tombait vite au-dessous du mi-

nimum de subsistance, combien

tôt on mourrait. Mais peu t- êt rel'Anglëterre a-t-elle ét ê au XVII"

8iècle moin8 mi8érab le que la

France, les « mortalité8 y fu-rent moins caractéri sées , moins

cycliques. Effets d'une population

égale à quatre fois moins celle

de la France. Toute l 'Angle te rre

était alors moins peuplée que

Londres ou Paris d'aujourd'hui.

Le monde des litterati était ce-lu i de notre pensée, de no tre art,

d e not re science : nous le connais-sons en long, en large et en tra-

vers : « Le monde que nous avonsperdu était celui de nos ancêtres

et nous venons juste de le décou-

vrir en France, il y a une tren-

taine d'années. Peter Laslett l'ex-plore en Angleterre, avec la cu-

riosité d'un ethnologue et l'esprit

critique d'un historien posi ti f à

qui on n'en conte point.

Le monde que nous avons perdune différait pas de celui des pri-

vilégiés s eu lement pas l 'a bs ence

d'éducation scolaire, pa r l es con-duites requises, mais il ava it une

autre biologie : l'âge de la pu-

berté y était plus tardif, l 'act ivitésexuelle plus courte . « Les privi-légiés (mieux nourris) on t dû être

plus grands, plus lourds, plus dé-

veloppés et plus précoces dansleur formation physiologique que

les autres et muer plus tô t :1>. En

Angle te rr e Chérubin aurait eu

po il au m ento n et voix de basses'il é ta it genti lhomme ; l'ambi-

guïté des travestis baroques serait

alorsun caractère

populaire? Onsait qu'à l 'époque contemporaine,

l'âge de la maturité sexuelle des

fi ll es a pass é en Suède de quinze

ans sept mois en 1905 à quatorze

ans un mois en 1949, et aux Etats-

Unis de quatorze ans un mois en

1904 à d ouze ans neuf mois en

1951. Si on en croit Shakespeare,

mais il ne faut pas le prendre àl a l et tre, l es f il le s de la noblesse

anglaise au temps des Tudor

étaient pubères au même âge que

celles de nos sociétés industriellesavancées.

Dans le monde que nous avons

perdu,on se mar ia it au

contraire

beaucoup plus tard que Roméo

et Juliette: les femmes vers vingt-quatre ans, les hommes vers vingt-

huit' : voi ci des chiffres qu i sur-

prendront et qu i sont cependant

certains et qu i caractérisent

mieux que de longues analyses la

vie de nos ancêtres . Le r et ar d du

mar ia ge s'ex pl iqu e p ar ce qu'il

était le principal (et je crois, le

seul volontaire) moyen de liID.1terles naissances, parce qu'il fallait

attendre pour sé marier une place

d isponib le d an s l'é co nomie du

groupe, et enfin à cause de l'âge

tardif de la m atu rité sexuelle.

D'où cet te constatat ion, qui fait

intervenir des nécessités sociales

plutôt que des interdits religieux :« La chasteté s 'imposait pendant

une plus grande partie de la vie

des individus que de nos jours,

d'une part parce que nombre d'en-

tre eu x é ta ient t rop j eunes pour

se marier... d'autre part parce que

le mariage, s' il l eu r é ta it jamai s

possible (il y ava it beaucoup de

célibataires prolongés, en parti-

c ul ie r dans le g roupe t rè s nom-

breux des serviteurs), durait vrai-

semblablement moins longtemps :1>.

On pouvait, certes, avoir des

relations en dehor s du mar iage !Et le fait es t qu'on s 'e n p ri va it

moins dans l 'Angleterre puritaine

que dans la France janséniste,

quadrillée de missions. Des cou-

tumes médiévales on t persisté jus-qu'au XVIIIe siècle en certaines

d'Angleterre. qu i tolé-

raient des relations sexuelles

entre les accordailles et le ma-

riage : reste d'un temps où, lemariage s 'étendait le long d'une

durée que le concile de Trente a

réduit à l'instant de la cérémonie.

Avouons avec P. Laslett qu'il

« faudrait une é tude intéressanteet minutieùse pour détermine r

comment la règle établie par

rE/llise catholique arriva à être

acceptée comme (impératif mo-ral de tout chrétien protestant,processus sans nu l doute terminé

à répoque victorienne ». L'histoire

vraie fourmil le ainsi de cocasse-

ries pleines de sens !

Elle ne ser t p lus seulement au

divertissement de l 'honnête hom-

me ou à la curiosité gratuite du

savant. Elle est la référence né-cessaire à l 'homme d'aujourd'hui

pou r p rend re conscience de son

présent qu'il ne distingue pas

dans la coulée du vécu. Il doit sor-ti r de son temps pour le sit ue r

dans le champ d'une perception

objective. Réciproquement d'ail-leurs, nous ne connaissons pas le

passé total, comme il a été vécu,mais nous dist inguons ce qu i dan8

ce pa ss é dif fè re de notre présent.

P . Lasl et t a voulu conserver le8deux mouvements: d'abord faire

l'histoire à l'envers, en remontant

du présent vécu et non connu ;ensuite redescendre du pas sé de-venu sensible au présent restruc-

turé. Ainsi l 'un de8 derniers cha-

pitres e8t-il consacré à la sociétéanglaise au début du xx" siècle, etl'étude de la misère du XVIII" siè-

cl e a amené son auteur à poser

à sa façon le fameux problème

de l'affluent worker et de la classemoyenne. Une société découvre

son image dans le « miroir du

temps Philippe Ariès

La Quinzaine littéraire, du 15 au 31 décembre 1969" 21

8/14/2019 quinzaine littéraire 85

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PHILOSOPHIE

Le devenir des

1aurice Merleau-Pontv

La Prose du MondeGallimard. éd .• 211 p.

Que le langage soit comme une

doublure de l 'Etre , e t que l 'homme

rêve d'un âge d'or où se t rouve·rait réalisée l 'adéquation parfaite

du signe et du sens , vo ilà qui

rejoint étrangement le souci ma·

jeur qu i semble préoccuper le mon-de intel lectue l d'aujourd'hui -souci qui va des recherches l inguis .

t iques de Jakobson et de Chomsky

aux interprétations de l'incons-cient comme langage par Lacan,

aux t ravaux sur l'économie et leprocès du texte basés su r les For-mal is te s russes et les doc tr ines

Marxistes, en passant pa r les théo-

ries de Mac Luhan sur le « méta-langage » Joycien. C'est assez dire

ESPRIT guerre du

Biafra

•La crise des

Maisons

de Jeunes

•Dépasser

la société de

consommation

L'éducationde la petite

enfance

•Décembre 1969, 7 F

ElpRIT 19, rue Jacob, Paris 6e

l ' C.C.P. Paris 1154-51

22

à quel point les six essais conte·nus da ns « la Prose du Monde ».

ouvrage inachevé de Maurice Mer·leau-Ponty, anticipent sur l'am·

pleur considérable qu'a pu prendre

le problème du langage et celui de

la communication dans les dix

dernières années.

Dans un temps où tout sembleconsp irer à expulse r le « sujet ))

du texte et à faire de ce dernier

un être en soi q u'o n peu t sou-

mettre à une analyse objective -et ceci à un tel point que la méta-

physique du signe qu'inaugure lagrammaire générative de Chomsky

fait f igure de « régression subjec.tive » - la réf lexion de Merleau-Ponty, toute centrée sur le sujet

vivant e t percevant, sur l'expé-r ience paradoxale, exi sten tiel le e t

mystérieuse qu'est la communicn-tion, pourra paraître dépassée.

Avant d 'aborder le contenu dcces essais, il faut d ir e que lques

mots de l'aventure des œuvres ma·

nuscrites ou déjà publiées qui les

constituent, et dont Claude Leforttente de retracer l 'histoire com-plexe dans sa préface.

Deux ouvrages

Il semble que dès 1952. Mer-leau-Ponty ai t envisagé d'écrire

deux ouvrages dont le propos com-mu n était de « fonder· sur la

découverte du corps... une théorie

concrète de l 'espr it ». Le premierde nature théorique devait être

articulé sur une conception nou-velle de l'expression, et s 'inti tuler

« Origine de la Vérité » ; en on

ret rouve des éléments importants

dans l'essai intitulé la Science et

l'expérience de l'expression et sur-tout dans le Visible et l'Invisible. Lesecond, de nature plus littéraire estresté à l'état de fragment sous letitre de Prose du Monde. L'essai

sur « le langage indirect », publié

dans les Temps Modernes en juin

1952 sous une forme plus accom-plie, sera plus tard intégré au vo.

l ume de Signes en 1959. De toute

évidence la pensée du philosophea subi un changement d'orienta.

tion profond entre 1952 et 1959 :d'où l'abandon de projets litté.

raires (i.e.· des études sur Sten-dhal, Valéry, Breton, Art aud) au

profit d'une remise en question

des phi losoph ies de la conscience

et des fondements ontologiques du

corps qui prendront leur placedans l'œuvre avant la mort de

l'lIUteur.

Dans le premier essai, « le lan-tôme d'un langage pur », c'est

une dynamique du « sujet par·

lant )) que Merleau-Ponty essaie

de constituer, dynamique que l'on

sent se poursuivre avec une remar-quable cohérence théorique dans

les autres textes de la Prose du

Monde. Ce qui domine ici l'en·

semble de la réflexion c'est le

point de vue de l a pe rcepti on du

suj et e t celui des relat ions que ce-lui-ci entretient en tant que corpsavec le monde. Pour Merleau·

Ponty, il ne s aura it y avoir de

point de vue de Sir ius concernant

la nature du langage et la recher·

che d'une « grammaire pUre) l e st

une entreprise vouée à l 'éc hec . Il

f au t r enoncer à l 'a lgor it hme et

« penser la conscience dans les.hasards du langage ll. Ce dernier

est la pulsation des rapports avec

autrui et à ce titre. son ambiWlitédemeure entière, car il y a deux

sortes de langages : celui qu i est

parlé et qu i se fait après-coup dans

le dialogue disparaissant devan t l e

sens dont il est p or teur , e t le lan- parlant qui se fait da ns lemoment de l'expression et permet

au Il parleur II de glisser des signesaux sens.

Quand il dit à propos d e l 'œu-

vre littéraire que le lecteur ·apportele langage parlé et l'auteur le l an-gage parlant, parce que le premier

s'approprie les s ignifications du

livre, il fonde le langage (tout

comme Sar tre auquel il se réfère)

comme intentionalité s ignifiante :c'est-à-dire que le sens du texteréside en dehors de ce qui est écrit.

Comprendre le langage équivaut

a lo rs à discriminer entre les signespour explorer Il l'allure et lescontours d'un un ivers de sens »

qu i pré-existe à toute parole et qu i

s'ordonne dan s l'universalité

concrète et existentielle du lan·

gage.

L'être dans le langalfe

En accord avec Husserl pour qui

l Ion croit toujours trouver l 'ê tredans le langage car c'est ment l 'ê tre que vise le langage ll ,

Merleau-Ponty pense que la viséepropre au langage est de trouver

et de const ituer l 'ê tre par un

I( faire ».

Pour le peintre comme pour

l'écrivain, il y a migration d'un

sens épa rs d an s l'expérience su r

la toile ou sur la page; chacun

d'eux transpose à sa manière la

mouvance du réel pour la faire·

entrer dans un univers dominé,

péremptoire, dans lequel le champ

perceptif se recompose. Quant· à

l'explosion de l a vIsIon c la ss iquedans la pelDture moderne que

Malraux expliquait par un reton

au sujet, Merleau-Ponty y voitl'inauguration d'un monde sans

«a priori II auquel nous convoquela vision du tableau. La peinture

moderne n'est pas un désordre

e ll e es t une « logique allusive du

monde dans laquelle la vérité ne

serait p lus de l'ordre de la confor

mité avec les ob jets ou les modèlesextérieurs ll. (L'auteur rejoint icila distinction que fait Barthes

ent re l 'écr it ure classique et mo-

derne dans le Degré Zéro del'Ecriture).

Le

La signification de l 'œuvre qupermet de reconstituer le schéma

intérieur de l'artiste réside dans

que ce P. Francastel appelle lestyle. Celui-ci ne p ré.ex iste pas àl'œuvre, il n'est pas n on p lu s une

« représentation », il « reprend et

dépasse la mise en forme des éléments du monde Qui est commen

cée dans la percept ion ll. La signification se présente comme une

« fécondité indéfinie » (la Stil-tung husserlienne) qu i accompa- la manifestation des s ignes

t'indissoluble liaison du sensavec le monde du lana:aa:e de la

perception, Merleau-Ponty la sou

lignera encore, quelques moisavaut sa mort, en disant à propos

de l ' inconscient « qu'à ses yeux,l'ouverture à l'être n'est pas lin-guistique, et que c'est dans laperception qu'il voit le lieu natade la parole )l (1).

Le sens véritable de l'œuvre

hante celle-ci, telle « la brume de

chaleur )l d on t p ar la it S ar tre , àt rave rs l 'holocauste des objet s ou

des mots qu'opèrent les créateurs.Ce « style » qu i est à la fois

sur-signification, structure et ou·

verture du sens vers d'autres sens

réalise l'ambïa:uité fondamentale et

l e décen tr emen t sub ti l qui s'atta.

che à la parole et à la représentation picturale. La significationest une « latence » de l'œuvre,

une « matrice d'idées » non for.

mulées mais p résent e entre lesmots.

Pourtant, une distinction de-

meure entre la pein ture et la crea·

t ion li ttéraire : l 'écrivain écrit SU I

l'horizon d'un acquis linguistique

(voir la distinction barthienne de

la Langue et de la Forme) alon

que le pe int re , s 'i l fait, lu i aussi,sortir la cul tu re de son « cercle

8/14/2019 quinzaine littéraire 85

http://slidepdf.com/reader/full/quinzaine-litteraire-85 23/32

•sIgnes

tacite et mortel », va plus loin en

mettant en suspens toute la pein-

ture qui l'a précédé. Et si l'on re-

conna ît d an s l 'é cr iv ai n les trans-

formations qu'il a fait suhir à la

langue, l 'expérience du peintre

cesse d'être identifiable en passant

dans ses successeurs. Dans ce sens

la peinture est « muette » et ren-

voie à un e sp ri t s it ué hor s d'elle-

même. Le langage littéraire au

contraire, manifeste un passé qu i

a été compris et « récupère les

choses » pour le langage en tant

que tel.

Dans le paradoxe qu'est l'ex-

pression, ce que l'artiste a à dire

« c'est en réalité l'excès de ce qu'il

vit sur ce qu i a déjà été di t ». En

face de ce problème, la philosophie

doit se contenter « de montrer du

doigt comment par la déformation

cohérente, l 'homme en v ient à par-

ler une langue anonyme, et par ladéformation cohérente de cettelangue, à exprimer ce qui n'exis-tait que pou r lu i » (2).

Le langage mathématique

C'est vers l a not ion de vér it é du

langage que se tourne maintenant

l a r éf lexion du philosophe. Pour-

quoi, dit-il, ne pas interroger le

langage le pl us d éf in i qu i soit,

celui des mathématiques, pour ten-

ter de retrouver ce sens supplé-

mentaire, ce surcroî t de significa-tion qui han te le langage en géné-

ral et que nous appelons vérité?

Celle-ci n'est-elle pas apparemment

tout ent ière contenue dans les rela-

tions immuables posées pa r les

nombres entiers, par exemple? Et

si l'intelligence pratique fait qu e

les structurations perceptives ré-

pondent à un désir de s igni fi er , ne

peut-on penser q ue la construction

des connaissances visant une vé-

rité d'ordre mathématique est

exempte de ce gauchissement par·

ticulier? Le langage mathéma-

t iq ue se ra it alors un « systèmed'équivalences r igoureuses qu i

ignoren t le temps et qui réalisel'immanence irrécusable du nou-veau dans l 'anci en ». Mais com-

ment les découvertes sont-elles

possibles dans de telles conditions?

Merleau-Ponty en dédui t que l'être

mathématique et ses propriétés

-sont également soumis à « une

structure du devenir de la con-naissance » et à un dynamisme

secret qu i fait que cette dernière

marche vers la totalité d'un sens.

Ainsi, pas pl us que le langage

écrit ou parlé n'épuise ses sens

Maurice Merleau-Ponty

dans son discours. le lanŒaŒe ma-

thématique n 'épuise ses significa -

tions dans les synthèses nouvelles

que peut susciter l'interrogation de

ses structures; il demeure ouver t

su r un horizon de relations à cons -

truire : cette opérat ion vivante,

ce « bougé » dans la res truc tu ra -

tion des contenus de la connais-

sance, . repara ît dans toutes le s for -

mes de langage telle « l 'ombre por-

tée de la perception du monde ",

et les structures se dépassent sans

cesse vers leurs t ransformations

dans le domaine des chiffres com-

me dans celui des mots ". Pour

Merleau-Ponty, l'algorithme n'estqu'un cas poss ibl e de la parole

dans lequel la vérité se retrouve

comme ant ic ip at io n e t pa r glisse-

ment de sens. Cette parole, « elleest l e véhicule de notre mouvement

l'ers la vér ité, comme le corps estle véhicule de notre être dans le

monde ».

Cette ouverture des structures

vers des significations ultérieures,

ce devenir du sens pré-tracé dans

les énoncés du monde et de la cul-

ture, l 'auteur le retrouve égale-

ment dans les horizons de sens qu i

dominent le dialogue avec autrui.

Ce qu i est visé dans ce rapport

avec l'Autre, c'est un au-delà du

l angage . Tel s deux cercles presque

concentriques m a i s présentant

entre eux « un léger et mysté-rieux décalage », les sujets par-

lants s 'atteignent, se reconnaissent

et s 'éprouvent dans leur relation

primordiale e t c ha rn el le avec le

monde.

Prendre conscience d'autrui,

c'est manifester la généralité de

mon corps à travers lu i dans l'uni-

versalité du sentir... « le perçois

des comportements immergés dansle même monde que moi, parce que

le monde que je perçois traîne en-core avec lu i ma corporéité ". La

parole de l 'autre vient s'insérer « àla jointure du monde et de moi-

même l ' ; elle prolonge et trans-

forme le rapport muet de ma per-ception initiale et atteint mes

significations comme j'atteins les

siennes... La langue implique un

rapport primordial des sujets à la

parole, et le fait que cette langue

soit commune dénonce l'existence

d'une autre forme de « corporéité

anonyme et participable, celle de

la parole ". A la fois communauté

d'être et de « faire l', la l an gu e

permet à l' individualité du sentir

« de se sublimer jusqu'à la com-munication l,.

Au-delà des ana logi es perçues

dans le dialogue, des différences

surgissent qu i constituent les sens

nouveaux des structures ouverte!

su r lesquelles il se fonde. Les su-

jets accèdent aux nouvelles signi-

fications pa r le côté de leur expé-

rience qui en f ait d éj à partie. I l

doit donc y avoir des « points

d'amorçage II pour toutes les idéeset il doi t exi st er des configurations

liées à elles, qu i constituent un

monde p re sque invisible « le

monde culturel l', lieu de conver-gence secrète de tous les vecteurs

et masqués situés dans

le discours.

Deux notions importantes émer-

gent de la richesse de ces e ssa is

dans lesquels la densi té de la pen-

sée r iva li se a ve c la pureté rle la

La Quinzaine littéraire, du 15 au 31 décembre 1969 23

8/14/2019 quinzaine littéraire 85

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Merleau-PoDt)'BEVUE

L'Arc n°Butor

39 ••

prose : c'est d'abord celle de la

vér ité comme équilibre en moûve-ment dans le dillcours : le sens

nouveau y émerge pa r décentra-tion et recentration; l 'i dé e nou-velle o rgani se son propre réseaude paroles pour la s ignifier . Cet

équ il ib re ind ique que l a vér ité esttoujours en sursis dans l es s tr uc -tures du langage. Mais plus impor-tant encor e est le fait que pour

Merleau-Ponty le langage est com-?osé de s ignifiants quasi corporels,i l est assimil é à un geste comme

il le dira lui-même (voir Signes),et comme geste, il est indissocia-

blement lié à notre perception du

monde pa r l e corps.

Kn face des con-temporaines , dominées pa r des

« points aveugles » comme l 'im-pensé, l'agonie du « sujet » dansson propre discours, et les maréesimprévisibles de l'inconscient, la

pensée de Merleau-Ponty réveillela nostalgie de la cohérence exis-tentielle de l'homme dans le

monde - encore qu'il a it i nc lu s

dans sa r éf lexion un pari pour

l 'enver s de la perception et pour

l'invisible dans ses derniers écrits(voir le Visible et l 'Invisible). A la

lecture de ces essais, l'algorithmequ'il a lui-même proPosé pour

1'homme conscience + corps= monde se pare soudain d'une

séduction que d'aucuns reconnaî-

tront pour le ur. On y t rouvera eneffet une unité profonde qui tientà un enracinement des sujets en

tant que tels dans le monde;

l 'accent de la réflexion porte tou·jours sur un au-delà, s ur u n. deve-

nir du sens ou de l'homme qui

prend l'apparence d'une ouver-ture indéf in ie mais positive. Cetavenir qu i t ransparaît dans le dis-cours ou dans la création artis-

tique, il est à découvrir et à cons-

truire (dans le sens anglais du

t erme), dans un monde qui le dé-

ploie en une ouverture indéfinie

vers d'autres significations.C'est peut-être dans la mesure

où notre quête de l'irréductibledans l 'homme d'aujourd'hui de-meure ouverte de la même manière

que celle de Merleau-Ponty, que

nos ef fort s se trouveront coïncidernaturellement avec le souci fonda·mental dont ce philosophe fit le

centre de sa ré flex ion.

Anne Fabre-Luce

( l) Intervention au VI" Colloque deBonneval. L'inconscient, Paris, Des-

clée de Brouwer, 1966, p. 143.(2) Voir Critique, n° 270, Nov. 69.

Article de Louis Marin, Il Le discoursde la Figure Il .

24

Comme Raymond Rouss el (qu'il ne

cesse de re li re) , Butor aime et connaît

les machines. Elles le fascinent. I l aconçu l e numéro de l'Arc qu i l ui é ta it

confié comme une machine infinimentcomplexe. Tout y fonctionne avec pré.

cision. Lorsque, dans le numéro, Roger

Kempf décri t l 'Orr ington Botel, il pré.

cise que c rien n 'y e st laissé au hasard,

pas même le p i r e ) : métaphore d'un

numéro où ri en n'est laissé au hasard.

pas même les lieux où le ha sard, les

jeux combinatoires, l es r êver ie s inter·

v ie nn en t d an s le texte.

Un scrupuleux souci de per fe ct ion

stylistique et typographique vient sesubordonner à une volonté de modi·

f icat ion. Cet te volonté porte, de ma·

n ière immédia te , su r l'organisation dunuméro. Plutôt que de réunir une

série de textes critiques consacrés àButor , on a préféré donner carte blan·che à l'écrivain. C ar te b lanche comme

celles que l es géographies anciennes

donnaient des r ég ions encore inexplo-rées. Aidé de ses collaborateurs (enparticulier H. Ronse et R. Borderie).

Butor y a inscr it c inq grandes rég ions ,

cinq continents: Arts et Métiers;

Sites; Musées; Spectacles; Livres.Ainsi se constitue une sorte d'environ·

n emen t de But or . Des objet s, des espa·

ces qu i a tt endaient d 'ê tr e repris pa r

lui, sont décr i ts et le définissent: c Cenuméro est r occasion pour moi de

demande r aux gens de traiter à maplace un certain nombre de sujets queJe n'avais pas eu l'occasion JUSqU'alOT .•

d'aborder. Leur rôle n'est pas d'en

parler comme 1en aurais par lé moi·

même; le recours à leur participationn'est en rien un piso(lller. Au contrairefintroduction de leur voix dans le mor·

ceau doit finalement apparaîlre comme

la meilleure façon que lavais de le

jouer.>

Ce procédé de composi tion a de cu·

rieuses et importantes conséquences.

Tout d'abord, il vient met tr e en ques-tion la li gn e d e pa rt age , trop souvent

encore acceptée, entre critique et écri·ture c créatrice). Le texte critique

cesse d'être un discours sur un dis-cours; il n 'e st p as non plus une ma-nière de par le r d 'u n aut eu r privilégié.

I l vient continuer un discours préala.ble, l ui a pp or te r des variations; il

s'applique à des objets possibles de cetexte premier. Cert ai ns a rt icl es so nt

des pastiches de Butor, et l'on sait

depuis ceux de Proust (pastichant

Sainte·Beuve ou Flaubert) combien le

pastiche est compréhension et . explica.

tion de l'écrivain pastiché. D'autres

textes von t plus loin. Semblables aux

l iv res imagina ir es (d' ai ll eurs recensésdans un article du numéro: le livre

blanc mortel des Mille et une nuits, les

œuvres posthumes d'As pern évoquéespar H. James, etc.), ils const ituent les

fragments d'œuvres imaginaires , possi.bles de Butor.

A ce moment se pose avec acuité le

problème: qui parle? Butor es t à la

fois l 'o rigine e t la fin de chacun des

textes. Généralement, il n'en est pas

l 'auteur; il n'a même pas choisi Je

sujet: une correspondance s'est établieentre le désir de Butor et celui de

René Micha ou de Georges Raillard.Jamais peu t· êt re autant qu'ici le rôle

du discours de fautre (pour employer

librement l 'expression de J. Lacan) n'a

été mieux mis en lumiè re .

Les textes sont plus ou moins courts.

Très nombreux. Cer ta ins constituentdes listes de suggestions. Germes de

textes. Graines de d is cours . c Le som·maire de ce numéro recense une cinoquantaine de rubriques don t chacunepourrait faire fobjet d 'une r evue pa-ra issant tous les s ix mois pendant v ingt

cinq ans.) L'entreprise rappelle celle

de Queneau mettant dans un seul livre

Michel Butor

mince la possibi li té de mult ip les poè-mes; e ll e évoque la machine à penser

de Laputa inven tée pa r Swift.

Le numéro c Butor> de f Arc ins-tau re d 'aut res é tonnements encore. I lmontre l ' imaginaire où l'on

s'y a tt end l e moins . D an s l es machines

pa r exemple. Non p as s eu lement d an s

d 'é tr an ge s a utoma te s o ri en ta ux , ma is

dans une calculatrice électronique.

Pou r Bu to r, les machines sont aussi

des machines à rêver._ L'imaginaire Ile

découvre é.galement à l'intérieur de la

culture la p lus t radi tionne lle. La lec·

ture a tt en tive des l iv res révèle d·admi.

rables délires r at io nn els c he z le s au-teurs les plus détériorés par la péda.

gogie qui p ré te nd le s enseigner: Au·

guste Comte pa r exemple. Une sub ti le

p ra t ique de la citation rend toute leur

richesse à des ext ra it s de Jules Vern

d e F ou ri er (sur la ponctuation), d

Humboldt, de Regna rd , ou du Chino

Se Ma Ts' ien.

Ce s ur gi ss emen t de l'imaginaire s'acompagne d'une mise en lumière d

J 'impor tance de l 'image , trop souve

négligée pa r les philosophies du la

gage. Aut eu r d 'u n livre appelé lllwtrations, travaillant avec l es p ei nt re

Butor remet l'image à l'honneur, com

me le f ai t J.F . L yo ta rd d an s la théor

phi losophique. Chaque sec tion du n

méro de l'Arc, c a é té conçue auto

tfrm foyer qm est (image >.

Ainsi s e déf in it un rapport origin

de Butor avec la culture occidental

La cul tu re est dan s t ou s lsens que p eu t pren dre c e v er be . El

est détenue; confrontée aux· cultur

autres. On peut user et abuser d'ell

La pervertir. La· duper aussi et la sduire: la détourner des habitud

qu'elle s 'est données et qui la sté

lisent. On la révèle aussi à elle-mêm

comme possédée, hantée pa r ce qu'el

nie parfois explicitement: l'image plu

forte que la parole ; l e r at io nnel l iél'imaginaire ; l e nœu d qui nuit le tecn ique e t l 'oni rique.

Gilbert LascaU

8/14/2019 quinzaine littéraire 85

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CINEMA

Andrei Roublev

Espaces gigantesques que la

lenteur du • travelling » rendplus immenses. Un hom me qui

s 'en vo le dansun

ballon etl 'écran devient plus vertigineuxà fo rc e de l en te ur et de mouve-ments en arc de c er cl e s ur la

plaine envahie par les Tartares.Silhouettes minces et voûtéesdans la pluie torrentielle quirend les pélerins plus frileu x,plus vu ln ér ab le s et commeinconsistants... Roublev, unmoine du XV' siècle entreprend,avec deux compagnons, un

voyage qui doit le mener jus-qu'à Moscou où il doit peindreles fresques d'une nouvelleéglise. Le voyage est long etpénible parce que devant la

cruauté des hommes le moinedou te . Il ne c onnaissait pas lepays et le voilà sorti de sonmonastère et livré au mondeet au réel. Il traverse le payscomme un étranger, ne compre-nant pas les autres et n'arri-vant pas à se fa ir e co mpre ndrepar eux.

Pourquoi peindre les fres-ques ? Surtout comme le sug-gère le maître de Roublev, un

peintre surnommé le Grec, ilva falloir dessiner un démonqui crache du feu! • Il ne fautpas faire peur au peuple » dit

le moine, mais l'Eglise aussi

joue un rôlerépressif

:on

tor-ture à deux pas un homme quin'a' peut-être pas la foi; ail-

leurs, on c ru ci fi e un a utre sousles yeux terrifiés de sa mèreet de sa femme. Pourquoi créer- Roublev hésite chaque foisqu'on lui demande de peindre- si c'est pour terroriser cepe uple que ra va gent la m isè re ,les in vas ion s tartares et lep ou vo ir de spo ti qu e des popeset des princes ? Roublev hé-site mais ne se décide jamaisà renoncer. Il est faible. Isoléet coupé de ce ux qu'il voudraitdé fe ndre . Il n' ose pas se révol-te r même si sur le visage deSolimitz ine qui interprète très

sobrement et très efficacementle rô le du moine, ap paraît qu el·que chose e nt re l 'e xaspér at io nmuette et la haine f ro id e. Ré-

volte individuelle! Jamais ra-menée au nive au de l'expres·s io n r ée lle.

Le c'hemin de la renonciat iones t long et pénible et Roublevd oute de sa foi et de sa voie.Mais le doute reste inconsis-tant et irréalisé car l'environne-

Alldreï Roublev

ment incite à l'émerveillement.grâce à la caméra de Yousov,extraordinaire de virtuosité et

de maîtrise née de la tradition

du ciné ma s ovi ét iq ue . L 'imageatténue le fracas des idéespour un moment seulement,puis elle les fait éclater, explo-ser.

La dernière part ie du film est

consacrée à la fabrication d'unecloche - toujours ce thème ob·sé dan t de la c réa ti on chez Tar-kowsky - qui est le prétexte àl'utilisation de plans multiples

qui se cou pen t et se recoupentdans un grouillement de f ou le set de voix, de cordes, d'écha-faudages c om pl iq ués, de boueet de sueur. Hymne à la créa-t ion collective face à l 'é ch ec in-

div iduel de Roublev? Peut-être.Mais si le moine est de plus enplus déchiré et demeure unun être inuti le et négat if , i l n 'e nr este pas m oins qu' il est posit i-

vement négatif car il est laconscience· douloureuse et in-quièt e du peu ple r usse.

Auparavant, Roublev avait ac-cu mu lé les échecs : cette jeunefille tr au ma ti sé e pa r une atta-que des Tartares qu'il sauve et

qui le quitte de son plein grépou r suivr e ses pro pr es o ppre s-

seurs parce qu'el le est fascinéepar l'or de leu rs t unique s. C et tefête païenne à la gloire de l'a-mour physique et dont il pres-

sent la noblesse même s'il lacondamne. La profanation deséglises qu'il décore et à laquel-le il assiste impuissant et dé-goûté. Tout est échec, mais il

re ste quand mê me un hé ros ad-

mirable dans la mesure où ildoute et où il hésite; tout àfait différent de ces héros cou-lés d 'u n blo c, r ig ides et braves.Lui ne cesse de se remettre etde remettre le monde en ques-tion:

Entre temps, tout est prétex-te pou r Tark owsky à c ré at io n. Ilarr iv e ainsi .à remplir l'espacede formes et de structures

agressives au gré de la té du scé na ri o et surtout duplaisir de nous é blou ir . S tr uc tu -res et fo rmes. f antast ique s !Chaque . séquence est un ta-bleau qui bouge, quasiment abs-trait, quasime nt f igur at if . T ou tun ar t que de savoir agencerles visages d'une grande beauté• on pense beaucoup à Dreyer -et les poutres et les échafauda-ges et le l inge qui sèc he . La ca·m éra de Y ou so v fait le r este etcrée l'illusion de ces chevau-

chées tartares inoubliables, en

gro s plans lum ineu x par fo is et

en plans fl ous et bougés, uneaut re f ois. Puis après le bruit et

la gue rr e, e nc or e un chevalsplendide qui emplit l'écran ets'ébat au ralenti: ce n'est quepour le plaisir de transcenderl'image. Exultation! Exultationmalgré la cruauté et la déchéan-ce de l'homme entrevus dès led éb ut du film avec ce fou qufait le clown ou ce clown qujoue au fou et force une assembl-ée i nq ui èt e à rire quasi mécaniquement, jusqu'à ce quel 'armée vienne l'arrêter et luibriser sa cithare - encore unsymbole! -On a parlé d'Eisenstein au su-

je t de ce film, cela n'a rien à

vo ir. Il s'agit d'un film contem-porain qui pose des p ro bl èm esde touj ours : l'artiste dev ant leréel terrible et affligeant, et

surtout la difficulté d 'ê tr e, decroire et de c ré er . Tark owsky aune façon précieuse et très per-so nn ell e de nous p ar le r de pro-blèmes cruellement actuels, à

travers l'histoire d'u n peint remoine du XV, s iè cle. Co mmequ oi les chose s et les hommesne changent pas - ou si peu.

. Rachid Boudjedra

La Quinzaine littéraire, du 15 au 31 décembre 1969

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COLLECTIONS

L'encyclopédie Bordas

Un ne saurait mieux illustrer l'es·prit de cet te encyc lopédie en vingtvolumes dont chacun se présentecomme un ouvrage compl et sur unequestion particulière et où l 'on t rou·vera aussi bien un exposé des thè·ses s itua tion is tes que la r ecet te dela paella, les règles du rugby oul'historique du mouvement dada,qu 'en précisant qu'el le est l'œuvrenen pas d'une équ ipe anonyme maisd'un seul homme, Roger Caratini.Cette option de départ lui confèret ou t nat ure ll emen t une uni té et uneo ri gi na li té de ton qui ne la distingue

pas mo ins des encyc lopédies de typeacadémique que des ouvrages de vul ·garisation que l'on nous propose

généralement sous cet te appel la tion.

Anc ien psychanalyste o ri en té pargoût vers les problèmes psycho-pédagogiques et notamment vers lasociologie de la communication du

savoir, Roger Ca rat ini a adopté dél i-

bérément, pour mener à bien cetteambitieuse entreprise, un certain

nombre de par ti ·p ris qu i réponda ientdu res te à son t empé rament et à saformation. Plus intéressé par lesfaits économiques que par les idéo-logies, par les stru ctu res d'ensem-ble que par les per sonnal ité s, par lesproblèmes d' ordre général que parl 'anecdote, i l s'est efforcé d'offrir àses lecteurs des livres moins faits

pour être consultés que pour êtrelus et d'où se tr ouve sys témat ique-ment élagué tout ce qu 'i ls seraientassurés de trouver dans les manuelsou dans les au tr es publ ica ti ons de cegenre.

Aussi. quel que soit le domaineconcerné, les données tradi tionnelles

sont·el les systématiquement t ra itéessous forme de résumés ou de tableaux

synop tiques, ce qui permet à l 'auteurde s'étendre plus longuement sur des

questions mal connues du public enles analysant sous l 'angle des théor iesles plus actue lles . On ne s'étonnera

donc pas, par exemple, de l'importancedonnée, dans l e volume consacré à

l'histoire unive rsel le , à l 'épopée deGengis Khan alors que la figure deJeanne d'Arc n'est évoquée que dansun court paragraphe, l 'auteur jugeantapparemment que l'unification del'Asie au XIII" si èc le pr ésent e plusd'intérêt pour la compréhens ion desproblèmes qui se posent actuellementdans le monde que le prurit nationa-liste des Français du XV' siècle. Etsi, dans l 'Aventure littéraire de l 'hu -manité (S'et 9' vol umes de la collec·tion), i l ne s 'appesan ti t guè re sur lesclassiques ou les romantiques, c'est

pour mieux appro fond ir , selon les mé-thodes de la critique contemporaine,les grands cou rants qui, à partir deBaudelaire et de Rimbaud, allaient nousmener jusqu'à Proust, Joyce etBeckett.

Inaugurée en avril 1965, • Bordas En·cyclopédie. comp te au jou rd'hu i sixtitres: la Vie animale, Astronomi e(Prix du Meilleur Livre Scient i fique

1965), Phil isophle et rel ig ions, His-

toire universelle 1 : Histoire ancienne,

Histoire universelle Il : Europe, Asie,

Afr ique, Amérique centrale, Amériquedu Sud, Océanie, régions polairesVisages de la terre : géographie génélogie, héraldique. Ce classement thématique, qui correspond dans ses grandes l ig nes à celu i de la C lass if ic at io nDécimale établ i par l ' Inst itu t International de Documentation deLa Have et que l 'a ut eu r cons idèrecomme une solut io n de pi s- al ler présente en tout cas l 'avantage de permettre aux lecteurs d 'acheter les volumes séparément. Chaque l ivre est enoutre pourvu d'un index alphabétiquequi leur permet de retrouver immédiatement un renseignement préciscontenu dans le corps de l'ouvrageet un 21' volume est prévu qui rassemblera l 'ensemble des index ainsi quedes bibliographies et autres renseignements généraux.

La présentat ion des l ivres posai t unproblème non moins délicat car cen'était pas la moindre des gageures po-

sées par une telle ent repr ise que de

faire tenir dans le cadre restreint

qu' impose leur prix de ven te relat ive

FEUILLETON

par Georges Perec

Résumé des chapitres précédents.

Réfugié dans une petite ville d'Allemagne, un soldat déserteur,Gaspard Winckler, apprend d'un certain Otto Apfelstahl qu'il tient

son nom d'un jeune sourd-muet par ti pour faire le tour du mondeet dont le yacht a fait naufrage au large de la Terre de Feu.

26

Et ensuite?

Et ensuite quoi?

Que viens- je fai re d 'aut re dans cette histoire que d'y avoun homonyme noyé?

- Pour l'instant, rien. Ce serait plutôt à mon tou r d'y entrerLe bref résumé de ces événements vous a peut-être fait croire queje connaissais intimement la famil le Winckler ou que j 'appartenaiau Réseau dont l 'a ide vous permit de trouver ici-même, sous lecouvert d 'une nouvelle ident ité, une sécurité que, jusqu'à présentrien n'est venu menacer. Il n'en est rien. Jusqu' il y a qu inze moisplus précisément j usqu'au 9 mai de l'année dernière, date la plus

probable du naufrage, votre histoire, comme celle de votre homonyme, m'était inconnue. Bien que médiocre mélomane, le nomde Caecilia Winckler m'étai t fami lier et je crois bien que je l'avaientendu chanter le rôle de Desdemona au Metropolitan peu detemps avant la guerre. Par contre, sans avoir jamais été en relation directe avec elle ni avec aucun de ses membres, je connaissa is de nom l 'Organisat ion qui vous soutint et j 'appréciais le travail considérable qu'elle faisait sur tous les fronts du globe. C'étaiune sympathie en que lque sor te pro fess ionnel le : je m'occupeen effet, et c'est même à ce titre que j'interviens aujourd'hui dansl'histoire de Gaspard et par contre-coup dans la vôtre, je m'occuped'une Société de Secours aux Nauf ragés. C'est une associationprivée, internationale, qui reçoit des fonds provenant soit d'organisations de bienfaisance, soit de dons pr ivés, soit de quelquesinstitutions gouvernementales ou municipales, le Ministère de laMarine Marchande, par exemple, ou l'Union des chambres decommerce de la mer du Nord, soit, principalement, des compagnies

d'Assurances. C'était , à l 'origine, une sorte d'annexe du BureauVeritas. Vous ne savez pas ce qu'est le Bureau Véritas ?

- Non, avouai-je.

- C'est une organisat ion fondée au début du XIX· siècle et

qui publie chaque année tout un ensemble de statistiques concernant les construct ions navales, les naufrages et les avaries. A lafin du siècle dernier , un des di rigeants du Bureau émit le vœudans son testamen t, qu'une par tie des subventions, alors très

importantes, que les gouvernements versaient chaque a.nnée àl'organisation soit consacrée à secourir les naufragés, au lieu dese contenter de les compter. Cet te suggest ion était parfaitemen

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La QuinzaineI l t t 'ralre

ABONNEZ-vous

abonnez-VOUS

ment modique (- de 30 F avec un ti·rage de dépar t de 75.000 exemplaires)un exposé syn thé tique de tou tes lesconnaissances sur telle ou telle ques-t ion. Aussi , chaque volume, limité àquelque 180 pages, est -i l d iv isé endeux parties, la première réservée autexte, abondamment illustrée et pour-vue d'une cartographie abondante ainsique de nombreux schémas explica-tifs, la seconde exclusivement consa-crée à des rense ignements chronolo·giques et bibliographiques ainsi qu'àdes tableaux synoptiques et des glos-saires, groupant les informations puresqui ne doivent pas encombrer le coursde l'exposé. Par son antl-conformismeet sa qualité, l ' i l lustration mérite tousles é loges : min ia tu res, gravures an·clennes, photographies modernes encouleur (comme c'est le cas dans lechap itr e consacré à la révolut ion demai 68) , œuvres d'artistes contempo-rains, affiches, dessins, voire portraitsinédi ts (comme le portrait du philoso-

phe allemand Max Stirner par Engels),etc, le tout pro longeant le texte et

permettant une fois de plus de resi-t ue r t el événement du passé, t el sys-tème philosophique, apparemment dé-passé, dans le monde d'aujourd'hui.

A paraître

Les lois de la nature (phys ique, chi ·mie).

L'aventure littéraire de l 'humanité( théo ri e de la l it té ra tu re , l it té ra tu reanglaise, allemande, française, italien·ne, espagnole et apparentée. littéra-ture classique grecque et lat ine. Lit ·térature russe. Autres littératures).

La v ie des plantes (botanique) .

Les nombres et l'espace (Mathéma-tiques) .

Sciences sociales (sociologie, la viepol it ique, économie pol i tique, légis la-tion, administration publique, prévoyan.ce, alde-soclale, associations, ensel·gnement et éducation, la vie commer·ciale, les coutumes, philologie et lin-guistique).

Beaux·Arts (urbanisme et aménage·ment du territoire, architecture, sculp-

ture et arts apparentés, dessin et mé-tiers d'art , peinture, photographie, ci·néma, musique et danse).Matière Inerte, matière vivante (géo-

logie, biologie, paléontologie).Jeux, Divertissements, Sports.Médecine.

Ar t de l' ingénieur.Techniques et métiers (agricultur

et agronomie, économie domestiquecommunications, industries chimiqueet apparentées, technologie généraleindustries et métiers divers, construct ion, industr ies du bâtiment).

étrangère aux statuts du Bureau, mais la mode était alors auxSociétés de Sauvetage et le Conseil d 'admin is trat ion décida deconsacrer 0,5 % de son budget annuel à la création d'un orga-n isme phi lanthrop ique qui serai t chargé de rassembler tou tes lesdonnées concernant les navires en dét resse et, dans la mesure ses faibles moyens, de leur porter secours. Un peu plus tard,Je Lloyd's Register of Shipping et l 'American Bureau of Shipping,

, deux organisat ions rivales du Bureau Veritas, s 'associèrent à cet

effort et la Société de Secours aux Naufragés put se développertant bien que mal.- Je ne vois pas très bien comment vous pouvez opérer; lors-

qu'un bateau sombre, vous n 'ê tes évidemment pas sur place!Otto Apfelstahl me considéra en silence pendant quelques se-

condes. Je m'aperçus que le bar était à nouveau déserté; seul, toutau fond, un barman en' veste noire - ni celui qui m'avait servi,ni l'un de ceux qui é ta ien t ar rivés ensuite - allumait des bougiesf ichées dans des vieilles bouteilles et en garnissai t les tables.Je regardai ma montre; il était neuf heures du soir. M'appelais- jeencore Gaspard Winckler?

Ou irais- je le chercher à l 'aut re bout du monde?

- Lorsqu'un bateau sombre, reprit enf in Otto Apfelstahl (e t savoix me paraissait étonnamment proche, et le moindre de ses motsm'atteignait comme s'il m'avait parlé de moi), ou bien il y a, pastrop loin, un autre navire qui vient lui porter "ecours, c'est ce quise passe dans le meilleur des cas, ou bien il n'yen a pas, et lespassagers s'entassent à bord des canots pneumatiques ou sur desradeaux de fortune, ou dérivent accrochés à des espars, à desépaves, désemparés, que les courants entraînent. La plupart sont

engloutis dans les trois ou quatre heures qui suivent, mais certainstrouvent, dans on ne sait quel espoir, la force de survivre, pendantdes jours, pendant des semaines. On en a retrouvé un, il y aquelques années, à plus de 8000 kms du lieu de son naufrage,amarré à un tonneau à moitié rongé par le sel, mais encorev ivant après plus de trois semaines de détresse. Vous savez peut-être qu'un stewart de la marine marchande bri tannique a survécu4 mois et demi, du 23 novembre 1942 au 5 avri l 1943, sur un radeauaprès que son navi re eut été coulé dans l'Atlantique au large desAçores. Ces exemples sont rares, mais ils existent, de même qu'il

arrive encore aujourd'hui que des naufragés soient jetés sur unrécif, ou sur une î le déser te , ou qu'ils trouvent un refuge fragile

La Quinzaine littéraire. du 15 au 31 décembre 1969

sur une plate-forme de glace qui diminue de jour en jour. C 'est àdes naufragés de ce type que no tre aide peut s'app liquer le pluseff icacement. Les grands navi res suivent des i tinéra ires connuset les secours peuvent presque tou jours s'o rgan iser très vitemême en cas d'avarie grave ou de sinistre criminel. Notre actionconcerne surtout les isolés, les yachts, les pet ites embarcations deplaisance, les chalutiers désemparés. Grâce à un réseau de correspondants aujourd'hui mis en place à tous les endroits névralgiquesnous pouvons, en un tem'ps record, recueillir tous les renseignements nécessaires et coordonner les opérations de sauvetageC'est à nos bureaux que parviennent les boute il les à la mer et leu

équ ivalent moderne, les S.O.S. de dét resse émis par les naviresen perdi tion. Et si, le plus souvent hélas, nos recherches n'about issent qu'à la découverte de cadavres à moitié déchiquetés déjàpar les oiseaux de mer, il peut se faire aussi que l'une de nosvedettes, l 'un de nos avions ou de nos hél icoptères, arr ive à tempssur les l ieux du naufrage pour récupérer une ou deux vies humaines- Mais n'avez-vous pas di t tout à l'heure que le naufrage du

Sylvandre remontait à quinze mois?- En effet. Pourquoi cette question?

- Je suppose que vous attendez de moi que je par ticipe à ce tterecherche?- C'est exact, di t Otto Apfelstahl, je voudrais que vous partiez

là-bas et que vous retrouviez Gaspard Winckler.- Mais pourquoi?

- Pourquoi pas?- Non, je veux dire, quel espoir raisonnable pouvez-vous encore

nourrir de ret rouver un naufragé quinze mois après?

- Nous avons repéré le Sylvandre dix-huit heures seulemenaprès qu' il a it envoyé ses s ignaux de dét resse. Il s'était éventrésur les br isants d'un minuscule î lot , au sud de l'Ile Santa Inespar 54° 35' de la ti tude sud et 73° 14' de longi tude ouest. En dépid'un vent ext rêmement v io lent , une équ ipe de secours de la Protection Civi le Chilienne a réussi à atteindre le yacht quelquesheures plus tard, le lendemain matin. A l 'i ntér ieur , i ls ont trouvécinq cadavres; i ls ont pu les identifier: c'étaient Zeppo et FelipeAngus Pilgrim, Hugh Barton et Caecilia Winckler. Mais i l manquaile s ixème passager, un enfant d 'une diza ine d'années, GaspardWinckler.

(à suivre)

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THEATRE

Découverte de l'Open Theater

Spectacle de l'Open Theater,de New YorkThéâtre de la CitéUniversitaire.

Après le • Bread and Puppet

Theater ", voici passant à son

tour par Paris, et accueilli au

Théâtre de la Cité Universitai re

qui s 'af fi rme décidément com-

me le réceptacle ultime du

théâtre de recherche, voici

l ' . Open Theater" : l 'Amérique

nous donne une leçon.

Une double leçon : le • Breadand Puppet ", avec ses manne-quins géants, son matériau chré-

tien, et sa force de contestationpol it ique, nous avait montré ceque peut être une forme dethéâtre capable aujourd'hui dedescendre dans la rue et de par-Ier aux foules (qui, en France,l'a pu faire?). L '. Open Thea-te r " , lui , au moment où l'on voit

balbutier chez nous les groupesde création collect ive, li vrés àde vaines gesticulations approxi-matives, gratuites et sans por-tée (voir encore, tout récem-ment, La douloureuse mutationdes Zupattes, créat ion col lect i-ve animée pour tan t par Philip-pe Adrien), l ' . Open Theater"

nous propose le spectacleèxemplaire d'une méthode dejeu col lect if , véritablement éla-borée et aboutissant à une per-fection sytlistique qui se fondeà la fois sur la dynamique dugeste (tou jours l 'héritage deStanislawski) , sur la précisionfantastique qui la sert, et surl 'usage d'une ironie et d'un hu-mour qui font au geste un con-trepoint constant. Certes, le «li-ving Theater " est passé par là.(J ; Chaikin, le directeur de la

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troupe a travaillé avec le • li -ving ") , mais le style del' • Open Theater ", moins dio-nysiaque, plus crit ique, a unepr.écision plus chirurgicale.

Une leçon d'anatomie

Aussi bien la dernière créa·t ion col lect ive de la troupe, Ter·minai la mor-gue, en somme), est -e lle unesor te d'analyse c linique de l'a-gonie, une exploration profondede ce moment où .Ies mourantssont possédés par les morts ",dans une prodigieuse leçon d'a-

natomie qui pourrai t se souve-ni r de Rembrandt. On explore lescorps, . vêtus d'un oripeau blancd'hôpi tal s 'acheminant vers lesuaire - on explore les corpsdans leur dégradation, leursconvulsions et leurs cris; avecun réalisme stylisé jusqu'au fan·tastique, la t roupe opère sur celieu u lt ime, l'hôpital-morgue,un travail analogue à celuiqu'opérait le • l iv ing" (TheBrig) sur un pénitencier

de • marines ". " v adu génie là-dedans. Jamaisthéâtre ne m'avai t rendu si pro-che l 'humaine carcasse' et la

t ranse qui la saisit dans le ves-'tibule de la mort. On pense auxEcorchés, au Jugement Dernierdu tympan de Bourges, à laDanse macabre de La Chaise-Dieu. • Quiconque meurt, meurtà douleur" jamais' Villonn'avait reçu au théâtre pareil leillustration.

«Le Serpent»

L'autre création collective, Le

Serpent (. rite sur une structurede Van Itallie,,) demeure plusproche de l 'exercice dest iné àillustrer un système de jeu, maisle résul tat est assez remarqua-ble. Sur le plateau, des acteursen tenue de scène miment , surun rythme saccadé, avec uneprécision chronométrique, le« f i lm" de l 'assassinat de Ken-nedy ; puis ie « f i lm" repasse àl 'envers. Là-dessus, on débou-che sur la Genèse. «En quoicette histoire nous concernait-

elle? - s'est demandé Chaikin -quel rapport y avait-il entre lemeurt re d'Abel et celui desKennedy ? La violence était-elleinévitable, ou tout aurait-il pu sepasser différemment? A partir

de là - dit-il - chaque acteur aproposé les images dynamiquesque lui inspira ient l'état d'inno-cence, la du sexe,le premier meurt re ". Et en ef-fet , les images jaillissent, com-me si, soudain, les chapiteauxd'Autun prenaient vie : le Jar-din d'Eden, Eve et le Serpent,et la pomme croquée, Dieu, danssa malédiction promettant à

l'homme un monde où l 'act ionne sera pas la sœur du rêve, etCaïn découvrant que tuer, c'estdonner la mor t, et les hommesinventant avec une gaucherie ir-résis ti ble les pos iti ons de l'a-mour, comme des .grotesques"de GOYÇl - l'humour de ce ta-bleau scrabreux tient du chef-d'œuvre.

D'admirables oomédiens

On conço it que des acteursformés à une telle discipline wl-lective et à une telle dynamiquede jeu soient, individuellement,

d'admirables comédiens. Ilsl 'ont montré dans Fin de par·tie de Beckett, et dans Ubu co·cu. Mo ins parfaite qu'Ubu Roi,plus dél iran te e t ' surréaliste,cette horrifique guignolerie avecpompe à merdre, crocodile,Memnon l'Egyptien, où l'on voitles Paladins empaler une sortede Docteur Faustro ll , torturer

un Monsieur riche avec com-mentaire anatomique, et laConscience d'Ubu, ectoplasmeà cheveux verts, sortir d'unecuvette de chio ttes, cette gui-gnolerie prête à tous les exer-cices. Traité ici dans le style

des bandes dessinées et desfilms' d'épol,lvante, en guignolfantastique èt freudien qui tientde Frankenstein et du Bal desVampires, ce spectacle est unchef-d'œuvre du burlesque si-nistre. Et l 'inattendu, c'est que,là où Artaud pourrait mener ladanse (on voit même scèneune messe noire), on volt sou-dain paraître Brecht : les« songs " qui ponctuent le spec-tacle, le style de jeu ironiqueet critique, I,ln Ubu truand sor-

ti de l 'Opéra de quat'sous et lamanière dont le délire burlesque est réglé comme papier àmusique semblent assez nettement se référer à lui. En toucas, Brecht ou pas Brecht, cespectacle atteint une sorte deperfect ion dans la drôlerie insolite, et dans l'horreur fraîche e

joyeuse.

Un ieu de olowns

Même perfec tion, mais d'unautre ordre, pour Fin de part ieTout le pit toresque funèbre, celui du dernier jour du monde

et le cérémonial shakespearienpar quoi la mise en scène deRoger Blin donnait à la piècemême dans l'humour, une gravité solennelle, est ici retiré. Onest en face d'un jeu de clownsconduit avec la précision desacteurs japonais et des marionnettes chinoises. Du coup l'œuvre perd sans doute cette duréei .nsolite qui , chez Bl in, donnaà la fable son pouvoir d'envoûtement, comme elle perd aussla tendresse toujours sous-jacente à ce texte acéré. Mo insmétaphysique, la clownerie tragique gagne ici en cruauté, e

en humour noir : Beckett l 'irlandais apparaît plus précisémentJouée sur le rythme nerveux e

saccadé qui est le propre de latroupe, la pièce trouve, dans"horreur et la drôlerie, une perfection glacée à la fois mathématique et médicale, qui esbien aussi celle de BeckettChaikin joue Hamm avec uneméchanceté sèche, très remarquable. Quant aux acteurs despoubelles - jouant non plus seulement de la tête, mais de tou

le buste -, ce ne sont plus deuxlarves tendres en t ra in de pourri r, ce sont deux marionnettes

terribles, deux' spectres d'outretombe dont le raffinement dansla grimace et l 'élégance dansl'horreur, ont une dimension difficilement imaginable.

Bref, il est dommage qu'unetelle équipe de théât re ne soipas restée assez longtempspour que tout ce qui prétend, àParis, se mêler d'art dramatique, soit allé prendre leçon.

Gilles Sandie

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Livres publiésdu 20 novelllbre au 5 décelDbre 1969

HISTOIRELITTÉRAIRE

Joseph Delteil

Ouvrage collectif publiésous la direction

de Donato PelayoEdition Subervle, Rodez,216 p.Delt eil vu par

ses contemporains(voir le n° 58de la Quinza ine ).

Olga BernaiLangage et fictiondans le romande BeckettGallimard, 240 p., 18F .L'œuvre de Becke tt,miroir destransformationsradicalesde la littérature,

de la phi losophieet de l 'art du XX' siècle.

Walter S. RossLa traversée del'Atlantique avecCharles Lindbergh,l e d er ni er héros.Nombr. illustrations

France-Empire,310 p , 19,20 F.

Le portrait d'un hommeIntègre quoiquefaillible, l'histoire d'une • Nor th rop Fryevie excepti onnelle aussi Anatomie de la critique

bien par ses triomphes Traduit de l'anglaispublics que par par Guy Durandses tragédies privées. - Bibliothèque des

Lucien RiouxGilles VigneaultColl. - Poésie et

chansons -.Seghers, 192 p., 9,50 F.Un chanteur du Québecqui fu t bûcheron puisp ro fesseu r avant de selancer dans la chanson.

L 'U lt ra de la r évolut ionFayard, 378 p., 20 F.Une biographie de cejacobin de la première

heure qui, après avoiraidé à l'ascensionde Robespierre, fu t l'undes principaux artisansde sa chute.

d 'un des grands témoinsde ce temps, exécutépar les nazis en 1945,l'histoire

de l'Allemagnede l 'Europeet de "Eg li sesous Hitler.

• Victor ChlovsklLéon Tolsto iTome 1 : 1828-1870.Trad. du russepar And ré Robel.Tolstoï tel que levoient ses compatriotes,les Soviétiquesd'aujourd'hui.

Paul ClaudelJournal"1933-1955Introductionde F. VarillonTexte établi et annotépar F. Varillonet J. Petit.- Bibliothèquede la Pléiade-.

Gallimard, 1 388 p., 60 F.Les années de laretraite, de la guerreet de l'occupation.

Jacques GuilaineBillaud-Varenne

BIOGRAPHIES

E. Bethge

Dietrich BonhoefferVie, pensée, témoignageTraductionde E. de Peyer.CoéditionLabor et FidèsGenève et Le Centurion,900 p., 60 F.A t rave rs la biographie

•••••••• • .Poèmes élisabéthainsPOESIE choisis, traduits

et présentés parPhilippe de Rothschild

Pré face d 'A . Pieyre deMandiargues et

S. Spender.Edition bilingueSeghers, 416 p., 9,90 F.

L. S. SenghorElégie des alizésavec une l ithograph ieorigina le de M. Chagal lEditions Maritimeset d'Outremer, dift.Seuil, 32 p., 95 F.(tirage l imité).

Jacques AudibertiL'Empire e t la TrappeGallimard, 192 p., 20 F.

Michelle LoiPoètesdu peuple chinois

128 p., 13,50 F.

Pierre Jean OswaldColl. - La poésie despays sociallstes-.

Les -poètes du peuple-nés du Grand Bond quiprécéda la Révoluti.onCulturelle.

Pablo NerudaRésidence sur la terre

Trad. de l 'espagnolpar Guy SuarèsGallimard, 236 p., 18F .

• Laco NovomeskyVilla Terezaet autres poèmes144 p., 13,50 F.Pierre Jean OswaldCol l. - La poésiedes pays socialistes-.Le plus grand poèteslovaque contemporain.

Salvador ElizondoFarabœuf ou lachron ique d 'un Instant .Trad. de l'espagnolpar René L.F. Durand1 planche hors- texteGallimard, 192 p., 14 F.Autour du thèmeobsessionne l de latorture, une enquêtefiévreuse s ur l 'i de nt it édu supplice et del'extase.

ROMANSETRANGERS

• Josef SkvoreckyL'escadron blindéTrad. du t chèque parFrançois KérelGallimard, 288 p., 20 F.Un livre écrit en 1954,

mais qui, par soncontenu, rejoint

les œuvres les plusrécentes de lalittérature tchèque oùle Pouvoir est visé.dans ce qu'II ad 'essentiel : son moded'expression.

Une nouvelle forme d'équipement culturel

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8/14/2019 quinzaine littéraire 85

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Livres publiés du 20 novembre au 5 décembre 1969

Sciences Humaines"Gallimard, 456 p., 38 F.Le premier ouvragetraduit en françaisde ce professeur

canadien considérécomme le plus I ll us trehérit ier de l 'écoleaméricaine de la• New Crltlcism ".

André MiguelAchille Chavée35 IllustrationsSeghers, 192 p., 9,50 F.Un grand poètesurréaliste belge.

Georges PouletQui était Baudelaire?Notes documentairesde Rober t Kopp24 pl. en couleurs,93 III. en noir.Skira, 190 p., 48 F.Le poète vu à travers

son œuvre,son entourage,ses admirations e t l 'a rtde son temps.

La société française1815-1914, vue parles romanciers.Sous la directionde Pierre GulralA. Colin, 256 p , 10,20 F.L'évolution socialeen France au XIX' siècle,i llustrée par des textesempruntés auxromanciers français,de Sandeau à Proust.

PSYCHOLOGIESOCIOLOGIE

• Alfred AdlerLes névrosesPréface du ProfesseurSivadonAubier-Montaigne,240 p., 12,90 F.L'hommeet ses déviationsnévrotiques :un ouvrage constituéà partir des conférencesd'Adler.

Gérard AlthabeOppression et llbérlltlondans l'Imaginaire(Les communautés

vil lageoises de la côteorientalede Madagascar).Préface de G. BalandlerMaspero, 360 p., 27,80 F.La décolonisation vécuepar les paysansbetsimisaraka qui furentles principaux art isansde la révolut ionmanquée de 1967.

Charles BaudouinL'âme et l'actionPrémissesd'une philosophiede la psychanalyse.

30

Ed. du Mont-Blanc,200 p., 26,75 F

Bruno BettelheimLa forteresse vide

Trad. de l 'anglaispar R. Humery28 pl. hors-texteGallimard, 588 p, 48 F.Le plus importantdes ouvrages dece psychologueautrichien, spécialisédans le t ra itementdes enfantspsychotiques,

Emile DurkheimJournal sociologiqueIntroduction et notesde Jean DuvignaudP.U.F., 728 p., 50 F.

Ernest JonesThéorie et pratiquede la psychanalyse

Avant-propos deClaude GirardPayot, 480 p., 48,45 F.Par l 'un des fondateursde la psychanalyse,célèbrepar sa biographiede Freud.

Oswalt KolleTa femme,cette InconnueTrad. de l'allemandpar F. Miroux16 p . hors-texteCasterman, 240 p., 20 F.Les préjugés masculinssur • l 'é ternel fémlnln-.

C. Wright MillsL'él ite du pouvoir

Trad. de l 'anglaispar A. ChassigneuxMaspero, 380 p., 24,65 F.Un c lassique de lasociologie moderne.

Edgar MorinLa rumeur d'OrléansSeuil, 240 p., 16 F.A propos d'une affai requi a récemmentdéfrayé la chronique,une enquêtesociologique sur lapermanence d'uncertain antisémitismeet sur l 'érotisationde la soc ié té fémin inepar une certainelittérature.

Gisela PankowL'homme et sa psychosePréface de J. LaplancheAubier-Montaigne,304 p., 12,90 F.Le traitementde la schizophréniepar les techniquesde • restructurationdynamique de l' imagedu corps-.

Henry TavoillotUne expérienced'éducation sexuelleAubier-Montalnne,228 p., 12,90 F.

Par un professeuret animateurd ' • Ecoles de parents-,la descriptiond'une expérience menée

avec de peti ts groupesd'adolescents.

PHILOSOPHIB

LINGUISTIQUB

Maurice BlondelJohannès WehrléCorrespondanceEdition, commentaireset notespar H. de LubacAubier-Montaigne,736 p., 60 F.

• Ferdinand BrunotHis to ire de la languefrançaise des originesà nos jours· Tome XI :Le français au dehorssous la révolution.Avant-proposet bibliographiepar J. GodechotA. Colin, 214 p., 40,15 F.Un ouvrage inédit,rédigé peu avantla mort de l 'auteuren 1938.

Michel FichantMichel PécheuxSur l 'h istoi redes sciencesMaspero, 168 p., 8,90 FDeux étudesdans la sér iedes • Coursde phi losophie pour

scientifiques" publiéssous f orme de cinqfascicules.

André JacobPoints de vuesur le langagePublications de laFaculté des Let treset Sciences Humainesde Paris-NanterreKllncksieck, 639 p., 56 F.A t ravers 270 textesqu i vont de Platonà Chomsky,un panorama de laréf lexion sur lelangage de l'Antiquité

à nos jours.

Julia Krlsteva

Recherchas pour unesémanalyseColl. • Tel Ouel -Seuil, 384 p., 39 F.Un recueil où sontrassemblés les travauxde cet auteur qui v iseà fonder une sciencequi serai t à l 'étude dessystèmes de signes ceque la psychanalyseest à cel le desprocessus inconscients.

SénèqueDe vlt a beata(Sur le bonheur)

Introduction etcommentaire parPierre GrimaiP.U.F., 128 p., 14 F.

Louis Vax etAnne LucasTextes philosophiquesallemandsA. Colin, 368 p., 14,30 F.

Une anthologie enallemand de;Jhllosophes classiquesOU contemporains.

ESSAIS

Dominique AubierPlaidoi rie pour unecause gagnéeTome Il : de l 'urgencedu SabbatEd. du Mont-Blanc,304 p., 34 F.

La science cérébraleet le symbolismedu Sabbat.

• Maurice BlanchotL'entretien infiniGallimard, 672 p., 38 F.Une définit ion de l'artd 'écr ire, de sesconséquences et de sesresponsabilités parrapport au livre, .aulangage et à la vérité.

Dictionnaire dessymbolesSous la direction de

Jean Chevalieret

avecla collaborationd'Alain GheerbrantLaffont, 880 p., 140 F.Une anthologiede l 'Imaginaireet de l' inconscientcollectif.

René-Jean DupuyPolitique de NietzscheA. Colin, 352 p., 14 F..Une introduction suivied'une anthologiede textes.

Jean GrenierEntretiens avecLouis FoucherGallimard, 112 p., 10 F.Les entretiens à bâtons

rompus d'un philosopheet d 'un poète surles sujetsles plus variés.

La mode· L'InventionOuvrage collectif

Coll. • Change -Seuil, 224 p., 18 F.Voir la Quinzaine n° 84O. MannoniClefs pour l 'Imaginaireou l'autre scèneColl . • Le champf reudien -Seuil, 320 p., 24 F.Ving t essais sur la

l i ttérature, le théâtre,la l inguistiquesaussurienneet la psychanalyse.

HISTOIRB

Georges BonnetVingt ans de viepolitique : deClemenceau à DaladierFayard, 288 p., 20 F.L'histo ire de l 'entre-deux-guerres évoquéepar un homme qui aoccupé les premierspostes de l'Etat.

Georges DupeuxLa France de1945 à 196530 figuresA. Colin, 384 p., 14,30 F.

Une étude appuyée surde nombreuxdocumentset augmentée d'unebibliographie et detableaux synoptiques.

.N ino FrankLes années 30138 III. en noir45 I II . en couleurs176 p., 68 F.L'histoire i l lustréed'une décennie quisemble déjà lointaineet qui préluda à unetragédie pourtanttoute procne encore.

Louis HarmandL'Occident romain

Préface d'A. GrenierPayot, 496 p., 28,85 F.

Pierre LegendreL'admlnis;,atlonfrançaise duXVIII' siècle à nos joursP.U.F., 352 p., 20 F.Une réflexionapprofondiesOr la bureaucratiequi nous gouverne.

Cesar M. LorenzoLes anarchistesespagnolsColl. • Esprit -Seuil, 432 p., 29 F.L'histoire d'unmouvement de masseauquel l'état présent

de la gaucheeuropéenne donne uneactualité significative.

Jean MerrienLa vie quotidiennedes marins au moyenâge, des vikingsaux galèresNombr. i11. en couleursHachette, 286 p., 20 F.

Marcel ReinhardLa chute de la royauté10 aoOt 179224 pl. hors tex teGallimard, 640 p., 38 F.

POLITIQUB

BCONOMIE

Daniel ArtiguesL'Opus Dei en Editions Ruedo Iberlco.184 p., 21 F.

L'étonnante aventurede ce groupementné en 1928et qui a marqué toutel'évolution idéologiqueet politiquede l 'Espagned'après 1.939.

C. ChenotR. BeaunezVilles et· citoyensEditions Ouvrières,216 p., 16 F.

Inaugurant la collection• Pouvoir local ", uneméthode d'enquête pour

la connaissanceet l 'analyse d'une vil le.

Mic!.el DrancourtCinquante mill ionsd'héritiers

Bilan d'un règneet prOfJrammepour dl'Ç ans .Fayard, 352 poo 2;l F.L'actif et le passifd 'une pol it ique dontseule • une mobil isationde l'esprit

d'entreprise"pourrait' aujourd'hui.réparer les' erreurs.

Pierre GeorgePopulationet peuplementP.U.F., 216 p.,

12F.

Les modalités, lesphases de la mise enplace de la populationdu monde et lesperspectives quis'offrent à nous ence domaine.

Jean HuteauL'Amérique latineen mutationSeghers, 256 p., 18 F.

André IrondeLes mil itants, cesenragés du Editions Ouvrières,112 p., 7,50 F.

Paul Isoart

Le Vietnam40 documents.A. Colin, 104 p., 6 F.Un dossier comprenanune présentationsur la nationvietnamienne, lacolonisation française,les déchirementsactuels.

.Jean Lacouture4 hommes et leurspeuplesSur-pouvolr et sou. .développementSeuil, 288 p ., 19,50 F.

8/14/2019 quinzaine littéraire 85

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A travers le portraitde quatre dirigeantsdu tiers monde, uneanalyse du • culte dela personna li té ".

Les héritiers

du GénéralI llus trat ions de TimDenoël, 256 p., 19,80 FLe portrait de treizehommes pol it iquescélèbres brosséspar t re ize journal is tes.

• Pannekoeket les conseilsouvriersTextes chois is ,traduits et présentéspar Serge BricianerE.D.I., 30li p., 19,20 F,Anthologiedes princ ipaux textesdu marxismehol landais que Léninec it e dans • L'Etatet la Révolution"avant de l'accuserde • Gauchismedans • La Maladieinfantiledu communisme·

Lester B. PearsonVers une act ioncommune pourle développementdu tiers monde(Le rapport Pearson)Trad. de l'anglaispar une équiped ir igée parF.Veillet-LavalléeDenoël, 512 p.. 25 FLe bilan de vingt

.années d'aideau développementdu t iers-monde et un,plan de t rava ilpour les décenniesà venir.

Lucien ScherrerInitiation à la viedes entreprisesEditions Ouvrières,320 p., 22 F.

Les mécanismesde l 'entrepr iseà partirde sa vie quotidienne.

Tami TidafiL'agriculturealgérienne

et ses perspectivesde développement.Maspero, 224 p.,18,80 F.

Une descr ip tionet une analyse globaleappuyéesur une expériencedirecte.

Jean Ul lmoLe profit

Dunod, 264 p., 28 F.Le profit sous tous aspects, structureet conjoncture,production

et répartition,productivitéet just ice sociale.

Louise Weiss

Mémoiresd'une EuropéenneTome Il : 1919-1934

Payot, 360 p., 38-10 F.Voir le nO 66

de la Ouinzaine.

DOCUMENTS

André CoutinLa lune n'estpas mor te60 illustrationsStock, 320 p., 30 F.Mythes et légendeslunaires : leurs sourceset leurs manifestations

dans les d if fé rentescivilisations.

Bernadette DevlinMon âme n'est pasà vendreTrad. de l 'angla ispar Jacqueline SimonColl. • Combats "Seuil, 208 p., 18 F.L'autobiographiepolitiquede la très jeune leaderdu mouvementde contestationdes catholiquesirlandais.

Jean DorstL'Amér ique du Sudet l'Amérique

Centrale100 pl. en couleurs2 car tes cou l.et 24 cartes noires,120 photosHachette, 300 p., 80 F.

Jean Ferrandi600 jours avec Salanet l'O,A.S.Fayard, 352 p., 25 F.le • Journal demarche ",de décembre 1960à avril 1962,d'un officier

de carr iè requi partageal 'aventu re de Salanet fut arrêté avec lui.

Ladislas MichniewiczOpération HaïfaAdapté par J. HelleCasterman, 208 p.,17 F.

Un épisode héroïquede la guerre secrètependant la campagned'Italie.

Henri Thi ll iezLa conquêtede la luneavec le s pionni ersdu cosmos,24 p. de ho rs-texteFrance-Empire,

304 p., 20,20 F.

Les dif fé rentes étapesde la conquêtespatialedepuis l 'exploi t

de Gagarine jusqu'auprogramme Apollo.

RELIGION

Christopher Hol lisHistoire des jésuitesFayard, 352 p., 25 F.Une aventure quicouvrequatre sièclesd'histoire européenne,au cours desquels cet

ordre a joué un rôleaussi bri llantque controversé

Norbert LohfinkSciences bibliquesen marcheTrad. de l 'a llemandpar Hervé SavonCasterman, 200 p.,13,50 F.

La méthode historiqueet son applicationpratique à l'étudedes donnéesbibliques.

Marc OraisonActualitésFayard, 156 p., 12 F.Un chrét ien faceà l'événement.

A. Michael RamseyDieu, l e Chr ist

et le monde,Trad. de l 'ang la ispar Jacques PotinCasterman, 144 p., 10 FUne analysedes courantsles plus influentsde la théolog ieet de l 'exégèsecontemporaines,par le Primatde la Communionanglicane

Jean ToulatLa bombe ou la vieFayard, 208 p., 15 F.

Claude TresmontantLe problème de la

révélationSeuil. 336 p., 24 F.Les manifestationsde la • Révélationà travers l'histoire

humaine.

ARTS

C. AvelineM. BufetBourdelleet l a danse98 reproductions

de dessinset 14 photosArted éd., 132 p., 50 F.Beaux dessins decorps en mouvemen t,

don t les modèless'appellentIsadora Duncanet Nij insky.

Maurice ColinonGuide de la Francereligieuseet mystique400 illustrationsTchou/Centurion,772 p., 45 F.

Des cathédraleset des édificesles plus célèb resaux plus petitscentres d'activitéreligieuse.

• Giacomett iDessins

Textepar A. du Bouchet114 dessinsen fac-simileMaeght éd.,128 p., 100 F.

114 dessins chois is

• Histoire de l 'ArtTome IV :Du réalismeà nos jou rs52 illustrations• Encyclopédiede la Pléiade "Gallimard, 173 p., 82 F.Les arts p last iquesdu mil ieudu XIX' siècleaux p roducti ons deces dernières une placeimportanteétant réservéeau cinémaet à la photographie

. 'z is

Le monde de ChagallPhotographies d'IzisBidermanas e t texte

de Roy McMullenTrad. de "anglaispar Li ll ian LassenAvec une biograph ie,une bibliographie,un index et une tab lede sourceset de références56 ill. en couleurs161 en noirGallimard, 268 p.,130 F.

Une biographiev isue lle de Chagal let une analysede son œuvre.

La Biblede Jérusalemillustrée

par Rembrandt44 reproductionsen quadrichromie,102 dessinset eaux-forêtsde RembrandtCerf-DDB, 120 F.

Gérard Nicol iniLes bronzes f igurésdes sanctuairesibériques343 figures, 40 pl.hors-texteP.U.F., 304 p.. 66 F.

• Erwin PanofskyL'œuvre d'art

et ses significationsTrad. de l'anglai spar M. et B. Teyssèdre80 pl. hors-texteGallimard,332 p., 38 F.

Par l 'auteur des" Essaisd'iconographie " pz.ru S

en 1967, un recue ilde tex tesfondamentauxsu r la sign if icat iondes arts v isuels.

• Laurette SéjournéTeotihuacan,métropolede l 'Amérique81 dessins72 photographies,95 pl. en couleu rsMaspero322 p., 90 F.

Dix annéesde foui l leset de recherchesdans l 'ant iquecité des Nahuat le t des Aztèques.

Karin SzekessyLes fil les dansl'atelier

Préface deMax Banse

Denoël, 96 p.. 60 F,Une sélectiondes meilleuresphotographiesde nus paruesdans le monde.

TBÉATRBCINEMA

Henr i Age lJean Grémil lon60 i l l. in- texteSeghers,192 p., 9.50 FLa vie et l 'œuvre dece cinéaste françaismort il y a

exactement 10 ans.

Pablo NerudaSplendeur e t mor t

de Joaquin MurietaTrad. de ,'espagnolpar Guy SuarèsGallimard/Théâtredu Monde Entier

M.-C. PasquierN. Rougieret B. BrugièreLe nouveau théâtre

anglais9 photos

A. Col in, 368 p., 14,30 FLe mouvement théâtralen Angleterre depuis1956, illustré de textesanglais.

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Dictionnaire

des écr ivainspour la jeunesseSeghers, 224 p.. 15 F.Un répertoirebiographiqueet bibliographiquedes auteurs de languefrançaise dontles ouvragess'adressentà la jeunesse

Raymond DumayDe la gastronomiefrançaise80 illustrationsStock, 300 p., 30 F.

Claude MalbrankeGuide de la Flandreet de l'Artois

mystérieux5 cartes, 300 gravureset photographies.Tchou, 480 p., 42 F.

A la découvertede l'insoliteseptentrional.

Marco PoloLe livre du devlsemendu mondeTexte établipar A. rSerstevensPréface de P. SabbaghNombr. il lustrationsCercle du Bibliophi le,300 p., 32 F.

31

8/14/2019 quinzaine littéraire 85

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