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Article original Premières découvertes sur les techniques de fabrication de cordages à partir de rouets (Bâtons-percés). Évidences sur le mobilier et l’art pariétal du Paléolithique supérieur (Magdalénien) First discoveries of cordage manufacture using perforated batons. Evidence from Upper Palaeolithic mobiliary and parietal art Christopher Kilgore a , Erik Gonthier b, * a Rice University, 6100 Main St, Houston TX 77005, Texas, États-Unis b UMR-CNRS 7194, département de Préhistoire du Muséum national d’histoire naturelle, musée de l’Homme, 17, place du Trocadéro, 75116 Paris, France Disponible sur Internet le 18 octobre 2014 Résumé Certains types de « bâtons-percés » paléolithiques présentent les caractéristiques d’outils composites, des rouets, destinés à fabriquer des cordes de différents diamètres. Ils se composeraient d’un volant d’inertie bâton percé ») en bois de cervidés, et d’un vilebrequin en bois d’arbre dont aucun exemplaire, à ce jour, n’est connu. Leurs aspérités quadrangulaires utilitaires (toupins) ont montré comment s’effectuait le commettage des fils de caret, puis le toronnage des cordes en crin de cheval. Ces observations et ces analyses réalisées en partie à partir des témoignages du texan Bill Brett et en partie d’Édouard Piette à propos du moulage de corde de la grotte de Lascaux, ont démontré de manière plus certaine ce que pouvaient être les techniques de production et d’utilisation des cordes au Paléolithique supérieur. En reprenant les travaux d’E. Piette sur les bridons et les licols les chevêtres »), l’analyse de gravures et de peintures ont montré des fonctions possibles de cordes comme lassos montés sur perches, filets de chasse à maillages carrés ou à bandes verticales, puis d’avancer des hypothèses sur l’usage de certaines parties de ces rouets comme épissoirs. La distinction des perforations de « type A » et de « type B » a démontré la www.em-consulte.com Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com ScienceDirect L’anthropologie 118 (2014) 347381 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (E. Gonthier). http://dx.doi.org/10.1016/j.anthro.2014.09.003 0003-5521/# 2014 Publié par Elsevier Masson SAS.

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Page 1: Premières découvertes sur les techniques de fabrication de cordages à partir de rouets (Bâtons-percés). Évidences sur le mobilier et l’art pariétal du Paléolithique supérieur

Article original

Premières découvertes sur les techniques de fabricationde cordages à partir de rouets (Bâtons-percés).Évidences sur le mobilier et l’art pariétal du

Paléolithique supérieur (Magdalénien)

First discoveries of cordage manufacture using perforated batons.Evidence from Upper Palaeolithic mobiliary and parietal art

Christopher Kilgore a, Erik Gonthier b,*a Rice University, 6100 Main St, Houston TX 77005, Texas, États-Unis

b UMR-CNRS 7194, département de Préhistoire du Muséum national d’histoire naturelle, musée de l’Homme,17, place du Trocadéro, 75116 Paris, France

Disponible sur Internet le 18 octobre 2014

Résumé

Certains types de « bâtons-percés » paléolithiques présentent les caractéristiques d’outils composites,des rouets, destinés à fabriquer des cordes de différents diamètres. Ils se composeraient d’un volantd’inertie (« bâton percé ») en bois de cervidés, et d’un vilebrequin en bois d’arbre dont aucun exemplaire, àce jour, n’est connu. Leurs aspérités quadrangulaires utilitaires (toupins) ont montré comment s’effectuaitle commettage des fils de caret, puis le toronnage des cordes en crin de cheval. Ces observations et cesanalyses réalisées en partie à partir des témoignages du texan Bill Brett et en partie d’Édouard Piette àpropos du moulage de corde de la grotte de Lascaux, ont démontré de manière plus certaine ce quepouvaient être les techniques de production et d’utilisation des cordes au Paléolithique supérieur. Enreprenant les travaux d’E. Piette sur les bridons et les licols (« les chevêtres »), l’analyse de gravures et depeintures ont montré des fonctions possibles de cordes comme lassos montés sur perches, filets de chasse àmaillages carrés ou à bandes verticales, puis d’avancer des hypothèses sur l’usage de certaines parties deces rouets comme épissoirs. La distinction des perforations de « type A » et de « type B » a démontré la

www.em-consulte.com

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

ScienceDirect

L’anthropologie 118 (2014) 347–381

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (E. Gonthier).

http://dx.doi.org/10.1016/j.anthro.2014.09.0030003-5521/# 2014 Publié par Elsevier Masson SAS.

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présence de possibles poignées de freins pour obtenir plus d’efficacité, notamment en termes de saisie desgros gibiers.# 2014 Publié par Elsevier Masson SAS.

Mots clés : Bâton percé ; Corde ; Crin de cheval ; Filet ; Licol ; Outil composite ; Paléolithique ; Poignée de frein ;Rouet ; Vilebrequin ; Volant d’inertie

Abstract

Certain types of Paleolithic perforated batons possess the characteristics of a type of composite tool, aspinning device, used to fabricate cords of different diameters. These devices are composed of a rotor (theperforated baton) made of antler and a stator or crank-shaft made of wood, examples of which have not yetbeen found. The batons’ knoblike projections can be seen as the point of attachment by which horse hair istwisted into strings and then laid up into larger-diameter cordage. These observations and analyses, partlybased on the expertise of Texas cowhand B. Brett and partly on H. Glory’s writings about the Lascaux rope,indicate other possibilities of cordage production and the use of ropes during the Upper Palaeolithic.Resuming work begun by E. Piette on possible Palaeolithic bridles and halters (‘‘les chevêtres’’), a newanalysis of engravings and paintings shows the possible use of ropes extended on poles in the manner oflassos, hunting nets with square mesh or vertical strands, and prompts a hypothesis about the possible use ofcertain parts of these batons as fids. Distinctions between perforation types seen in perforated batons (type Aand type B) demonstrate their possible employment as belaying devices. These objects could have usedfriction to safely and efficiently control ropes used in the hunting of large game animals.# 2014 Published by Elsevier Masson SAS.

Keywords: Perforated batons; Cordage; Rope; Horsehair; Net; Halter; Bridle; Composite tool; Palaeolithic; Belaying;Rotor; Crank-shaft; Spinning wheel; Tarabee

1. Avant-propos

Vu le caractère toujours limité des vestiges archéologiques et surtout préhistoriques, les conceptsinterprétatifs n’auront jamais la finesse des concepts de l’« ethnologie ». On comprend mieuxl’inadéquation des notions proposées par l’anthropologie sociale, dont l’application à la réalitéarchéologique ne va nullement de soi. De même, on ne peut pas valider certaines interprétations sielles ne donnent pas lieu à des observations factuelles directes dans un nouveau contexte.

Il est vrai qu’il est difficile d’aborder une question aussi complexe dans une étude danslaquelle il serait vain de rappeler toutes les bases théoriques impliquées, et ceci d’autant plus queces bases ne sont pas obligatoirement partagées par la communauté scientifique.

2. Présentation

Les bâtons-percés en bois de cerf de la culture magdalénienne sont d’énigmatiques objets dela culture matérielle du Paléolithique en Europe. Le travail présenté ci-dessous fut initié enpriorité par Christopher Kilgore (Kilgore, 2005) qui, sous l’impulsion du Dr Thomas McEvilley(y) et du Dr Alexander Marshack (y), a regroupé les principaux éléments de cette recherche àpartir d’informations ethnographiques de terrain.

Un bref rappel nous remémore qu’à l’origine, le bâton percé était dénommé bâton decommandement (Lartet et Christy, 1865; Pigorini, 1877; Breuil, 1955; Girod, 1906) pour désignerun objet préhistorique à la fonction incertaine (Jameson et Shaw, 1999). Cette expression n’était

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qu’un terme générique incluant plusieurs types d’objets plus ou moins homothétiques, avec unefonction particulière présupposée (Manos et Boutié, 1996). Plus récemment, fut proposéel’expression « bâton percé » (Noiret, 1990), introduite dans un souci de neutralité (Fig. 1).Purement descriptif, ce terme ne fait référence à aucune fonction précise.

Dans le dictionnaire « La Préhistoire » (Vialou et al., 2004, p. 294–295), il est précisé qu’il s’agitd’un « outil en bois de cervidés » en particulier du bois de renne, « fragment pris principalementdans la partie proximale et mésiale de la perche et conservant la partie proximale et mésiale del’andouiller de glace ». Il fut ajouté que le bâton percé « comporte une partie allongée etsubcylindrique et une partie distale plus large, de forme variable et de longueur moyenne de 10 à29 cm selon les types, et qui est toujours percé d’au moins un trou » (Peltier, 1992) (Fig. 2). Unehypothèse fonctionnelle fut aussi formulée (Wescott, 1999), faisant des bâtons-percés, des« Redresseurs de sagaie » (Leroi-Gourhan, 1971; Peltier, 1992), des « poulies » (Rigaud, 2001) ; ouencore des « propulseurs » de sagaie (Wescott, 1999), des « manches de fronde » (Glory, 1964,1965), des outils pour tirer des « courroies » (Torteiras portugaises) (Breuil, 1954), des objetsdestinés à l’allumage du feu (Manos et Boutié, 1996) ; des « taquets bloqueurs » ou des« suspendeurs de charge » (Rigaud, 2001) ; des « piquets de tente » (Girod, 1906; Peyrony, 1934),etc.

Les propositions et les présupposés n’ont pas manqué. Pour n’en citer que quelques-unscomme les « agrafes de vêtement », ou des objets de luxe, d’apparat ou de culte. Ils furent aussiconsidérés comme des « trophées de chasse », « cornes d’urus » ornementées, que César signala

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Fig. 1. C. Kilgore observant un bâton percé de Laugerie-Basse, Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne, France. Coll. deVibraye, 38.189.1264. MH/MNHN. Cliché : E. Gonthier, 2012.C. Kilgore examining a perforated baton from Laugerie-Basse, Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne, France. Coll. de Vibraye,38.189.1264. MH/MNHN. Photo: E. Gonthier, 2012.

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chez les Germains, insistant sur le caractère magique de ces bâtons qui auraient pu servir àcertaines pratiques superstitieuses, etc. Pas moins d’une quarantaine d’hypothèses fonctionnellesont été avancées (Lompre, 2003). En fait, tous ces travaux ont eu pour vocation d’offrir des pistesde réflexions qui, nous le verrons plus loin, n’étaient pas aussi insensées.

Sur les bâtons-percés, l’orifice de la perforation rond à ovale est placé le plus souvent auniveau de l’enfourchure des bois de cervidés (Fig. 2a, b et c).

D’un point de vue tracéologique, l’observation des macro-traces d’usures et des fracturesautour des orifices a permis à Aliette Lompre d’aborder la question de leur utilisation à partir d’unéchantillonnage de 130 bâtons-percés, provenant de 7 sites du grand Ouest de la France (Lompre,2003). Ses analyses ont caractérisé 5 types de stigmates, au niveau de la perforation, liés au poli, àl’écrasement, au broutage, au feuilletage et aux micro-stries. Ces travaux ont laissé présager uneplurifonctionnalité des bâtons-percés. En revanche, les déductions ont démontré que du point devue des modalités techno-économiques, il existait une exploitation raisonnée régie par lanécessité de réaliser des objets de haute résistance mécanique, et que la transformation matérielles’opérait sur les parties proximales et distales des bois – andouillers et perches.

Dans le cadre de la Commission de nomenclature de l’industrie de l’os préhistorique, uneclassification distingua 4 types de bâtons-percés (Peltier, 1992). C’est sur la morphologie de lapartie distale appelée « tête », que cette classification des bâtons mono- ou multiperforés adénombré : des bâtons à l’enfourchure à 2 branches divergentes horizontales en forme de « T »,des bâtons à une ou deux branches divergentes obliques en forme d’« Y », des bâtons à branchescourtes, des bâtons sans branche.

Sur les 82 pièces étudiées par A. Lompre, l’étude de la morphologie de la partie mésiale, oufût, a révélé 54 bâtons à fût droit et 28 à fût courbe. Cette morphologie dépendrait essentiellementde la localisation de la découpe sur le support anatomique original. Le fût est généralement desection ovalaire ou subcirculaire. Cette étude montre la variabilité des dimensions. Les bâtons-percés les plus petits mesurent à peine 86 mm, les plus grands atteignent 365 mm. Cette diversitédes gabarits pose la question de l’unicité ou de la pluralité de l’usage des bâtons-percés. Il estdifficile de concevoir que des objets de petites proportions puissent avoir le même usage que des

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Fig. 2. a et b : perforation simple dans des bâtons-percés. Abri de La Madeleine, Dordogne. Réf. : 309 et 311. Coll. dudépartement de Préhistoire, MNHN ; c : double perforation sur un bois de cervidé. Abri de La Madeleine. Coll. dudépartement de Préhistoire, MNHN.a and b: perforations in typical perforated batons made from reindeer antler. La Madeleine shelter, Dordogne. Réf.: 309 et311. Coll. Department of Prehistory, MNHN. c: double perforation in a red deer antler, La Madeleine shelter, Dordogne.Coll. Department of Prehistory, MNHN.

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exemplaires de la plus grande taille (Lompre, 2003). Les différents indices calculés surl’ensemble des pièces donnent des résultats très proches laissant penser que les valeursmécaniques, notamment la solidité, sont équivalentes. Certains bâtons, très petits, semblentdavantage être assimilables à de la parure qu’à de l’outillage. On connaît des exemplescomparables de pendeloques figurant des bâtons-percés (Rigaud, 2001).

3. Approches morphométriques

Notre approche technique débute avec le choix de la matière première. Si quelques bâtons-percés en os et en ivoire sont connus dans le monde paléolithique, deux origines spécifiques ont étéclassiquement identifiées : le renne (Rangifer Tarandus) (Fig. 3a) et le cerf (Cervus elaphus)(Fig. 3b). Ce choix revient à la morphologie et aux proportions des bois de ces animaux, sans savoirs’il s’agit de bois de massacre ou de mue, les uns et les autres étant indifféremment des bois gaucheset des bois droits. Pour la fabrication de cordes, notre choix s’est porté sur les bois de cervidés dontles caractéristiques morphologiques sont robustes. Cette sélection tient en la présence de meules oucouronnes bien signalées, tout à fait caractéristiques, et une section du merrain plus robuste.

Le merrain, tige principale de la ramure du cerf, croît à partir de la meule. Le diamètre dumerrain augmente avec l’âge de l’animal, et ce, à mesure que la hauteur des pivots situés sous lameule diminue. Il prépare la formation de plusieurs cors ( pointes ou andouillers). Le nombre decors bien que n’ayant aucun rapport avec l’âge de l’animal est important dans les choix opéréspar les Préhistoriques pour fabriquer leurs outils.

En revanche, pour l’animal, le nombre de cors reflèterait plutôt la qualité de son habitat etdépendrait de sa qualité génétique. Le nombre total de cors varie par paires, de 10 à 16 rameaux,et parfois plus. Vu la longueur des bois utilisés par les Préhistoriques et leurs hauteurs par rapportà la meule, leur grande majorité pourrait appartenir à des individus jeunes. Ce ne sont que des boisdits de la première tête du fait qu’ils ne possèdent pas, ou pas encore, de cors visibles. Les cerfsplus âgés ont des bois moins ramifiés perdant les andouillers inférieurs mais conservantnéanmoins des bois imposants.

Sur les bâtons-percés, aucune amorce de cor n’apparaît. Le large trou de perforation circulaireà ovale est généralement foré dans la surface la plus large du bois située à l’enfourchure, aucroisement de la meule et du maître-andouiller ou andouiller de massacre (Fig. 4).

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Fig. 3. a : bois de renne actuel ; b : bois de cervidé actuel. Coll. O. Romain. Cliché : E. Gonthier.a: typical reindeer antler; b: typical red deer antler. Coll. O. Romain. Photo: E. Gonthier.

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La distance entre la meule et le maître-andouiller est un bon indicateur pour la déterminationde l’origine des bois utilisés, de même que le diamètre très fort du merrain chez le cerf parce qu’ildépasse largement celui des rennes. Néanmoins, la droiture ou le léger fléchissement du merrain,de même que la distance entre de la perforation à la pointe limite de la fourche ou de la chevillure,sont assez caractéristiques pour comprendre comment certains bâtons-percés ont pu êtrefaçonnés (Fig. 5).

Le bâton percé est généralement poli pour effacer les pelures et les gouttières. Il est souventgravé de motifs abstraits ou animaliers. Les décorations aurignaciennes deviennent plus fouilléesau Magdalénien moyen et final avec des animaux comme des cerfs, biches, rennes, bouquetins,chevaux, bisons, mammouths, lapins, renards, phoques, poissons, saumons, oiseaux, phallus et

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Fig. 4. Hypothèse d’extraction d’un bâton percé à partir d’un bois de cervidé. Schéma : E. Gonthier.Hypothetical extraction of a typical perforated baton from a reindeer antler. Drawing: E. Gonthier.

Fig. 5. Bâton percé en bois de cervidé présentant des gravures de chevaux en file indienne. Abri de La Madeleine,Dordogne. Musée d’Archéologie Nationale.A palaeolithic perforated baton made from reindeer antler, engrave with horses in single file. La Madeleine shelter,Dordogne. Musée d’Archéologie Nationale.

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rarement vulves, humains. Si les décors restent homogènes, les associations thématiques sontplus ou moins rares en fonction des époques (Vialou et al., 2004).

4. Approches techno-fonctionnelles des « bâtons-percés »

À l’Aurignacien, au Gravettien, et au Magdalénien, les bâtons-percés furent notammentdécouverts en Europe : France (Charente, Dordogne), Allemagne, Russie (Sibérie), Ukraine,Suisse, etc. Plusieurs modèles furent définis en partant d’un type I à un type IV (Peltier, 1992). Sitous les bâtons-percés restent morphologiquement sujets à controverses, leurs fonctions n’enétaient pas moins restées énigmatiques.

Depuis la fin du XIXe siècle, les nombreuses hypothèses sur leur fonctionnalité ont été souventinspirées de comparaisons ethnographiques qui n’aboutirent pas toutes aux succès escomptés.C’est néanmoins fort de certains éléments majeurs de l’Anthropologie, que Kilgore débuta sesinvestigations sur les bâtons-percés. Ne réfutant pas qu’une quête des invariants possibles del’Homme pouvait aboutir à des résultats, il a mis en comparaison des objets actuels avec ceux dela Préhistoire en instrumentalisant la confrontation des univers pour mieux relever leursdifférences. Les conditions et les avantages d’une telle pratique l’entraînèrent à pratiquer avecprudence des modalités de comparaisons interculturelles qui débouchèrent sur une nouvelleapproche de l’utilisation et de la fonctionnalité des bâtons-percés.

Comme il n’y a pas de loi de l’histoire, nous rejetterons ici toute conception évolutionnistesimple du développement des techniques, car il reste légitime de renoncer à des transferts et descomparaisons « historiques ». Notre étude tentera seulement de mettre en évidence un certainnombre de relations stables et limitées entre certaines composantes de sociétés et de cultures. Cesrelations sont des rapports entre des faits matériels et des interprétations, pouvant égalementenglober d’autres corrélations n’impliquant pas nécessairement des faits matériels. Ces relationstouchent donc des domaines limités de la réalité.

Il faut introduire ici le fait qu’aux États-Unis, Kilgore s’était initié dès 1997 à la fabricationdes cordes en crins de chevaux américains en observant Bill Brett qui était le détenteur debeaucoup de pratiques traditionnelles des cow-boys ou cow-hands, les gardiens et palefreniers dechevaux texans (Fig. 6).

Focalisé un premier temps sur les séquences de travail relatives aux cordes, Kilgore étenditson abord culturaliste pour s’ouvrir à une étude descriptive et analytique des fonctionnements del’outillage traditionnel des gardiens de chevaux américains, qu’il étendit aussi à d’autres pays. Ense rapprochant des techniques équines texanes, ses réflexions réussirent à proposer une visioncomparative renouvelée qui l’entraîna vers l’étude des bâtons-percés préhistoriques.

5. Cordes au Paléolithique supérieur

Il ne faut pas négliger le fait que des fibres végétales enroulées sur des outils de pierre ont étédéterrées dans l’Abri du Maras, en Ardèche (France). Cet endroit avait abrité des néandertaliensil y a 90 000 ans minimum (Hardy et al., 2013). Cela démontre que la recherche et l’emploi deliens était largement nécessaire à ces époques. On sait que l’Homme moderne n’avait pas encoreoccupé l’Europe avant environ �40 000 ans, en Roumanie.

Aujourd’hui perdue, l’empreinte d’un morceau de corde retrouvée dans la grotte de Lascaux(environ �18 000 et �17 000 ans) fut décisive. Il s’agissait d’un fragment d’une trentaine decentimètres moulé en creux dans l’argile, et découvert par l’abbé André Glory le 25 septembre1953, lors de recherches de gravures dans le réseau de la grotte (Breuil, 1955, p. 194).

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Ce morceau de corde pourrait expliquer comment il aurait été possible de descendre et deremonter du puits terminal à 5 m de profondeur (Fig. 7).

Cette empreinte fut la toute première à témoigner d’une présence de corde au Paléolithiquesupérieur. La corde est décrite comme ayant « un diamètre de 7 à 8 mm et formée de 3 brinstorsadés vers la droite. La ficelle des brins est grossièrement tournée avec des fibres végétales,dont la décomposition en acides humiques et fulviques à la suite d’un long séjour dans le sol, nepermet plus de reconnaître la nature de la plante employée ». Cette corde a toujours étéconsidérée comme ayant été réalisée à partir de fibres végétales. Or ce type de fibres hydrophilesest assez délicat et fragile, fragilité augmentée par le diamètre relativement faible des torons. Lacorde de Lascaux, à l’enroulement de type « Z » (Fig. 8), si elle avait dû être employée pourmaintenir le poids d’une personne, devait plutôt être réalisée à partir de crins de chevaux.

En effet, les poils de chevaux sont hydrofuges et possèdent des capacités mécaniques biensupérieures aux fibres végétales. La présence de différentes races de chevaux, à cette époque,laisse supposer très fortement à un emploi de ce genre.

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Fig. 7. Moulage du tortis de la corde de Lascaux. Diamètre de la section estimée à 7–8 mm. Relevé A. Glory à partir dumoulage, 1959.Reconstruction of the Lascaux rope based on the clay mold recovered from the cave. The diameter is estimated at 7–8 mm.After A. Glory, 1959.

Fig. 6. Fabrication de corde à la texane. Filage du crin pour former l’élément de base d’un cordage : le fil de caret. Cliché :B. Huberman.Making rope in Texas. Horsehair is twisted into string, the basic element used to make rope. Photo: B. Huberman.

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6. Les cordes dans le monde du Paléolithique supérieur

Qui dit cordes, dit mise au point d’un outillage approprié spécialisé. Sur certaines figurationsmagdaléniennes, on découvre la représentation de cordes faites de torons simples ou multiples, etrelativement serrés suivant une angulation propre et régulière (Fig. 9). Cela tend à démontrer lamaîtrise autour de certains procédés de filage.

Au Paléolithique supérieur, la technique de filage de fibres par la torsion et l’étirage a permisde tirer et d’enrouler des fibres de manière synchrone, ce qui n’est pas réalisable à l’aide d’unfuseau. La plupart des fils obtenus par filage nécessitent un retors, c’est-à-dire une torsade àplusieurs fils capable de fournir une solidité optimale.

Ainsi, les Paléolithiques ont été capables d’assembler plusieurs fils de caret et former descordes plus résistantes. Ce travail est relativement facile à exécuter si l’on dispose des bons outilset des bonnes techniques. Bien que très simples, ces fabrications ont demandé une certaineexpérience qui a débuté avec la capture des chevaux, puis avec l’escaumage, et ce, jusqu’à laréalisation complète des assemblages de cordes pour la capture des bêtes. Ce concept est encoreen usage aujourd’hui comme en Camargue ou plus loin au Texas.

7. Techniques actuelles de filage des poils de chevaux à l’aide d’un rouet a volantd’inertie au Texas (États-Unis) (spinning wheel)

Le volant d’inertie est une masse tournante décentrée par rapport à l’axe d’un manche devilebrequin statique. Le volant d’inertie est la partie animée d’un mouvement de rotation produit

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Fig. 8. Sens d’enroulement des cordes : type « Z », dextre ; type « S », sénestre. C’est l’angle de la lettre qui indique ladirection. Schéma : E. Gonthier.Classification of cardage based on the direction of twist: type ‘‘Z’’, or right-hand twist; type ‘‘S’’, or left-hand twist. Theangle of the letter indicates the direction. Drawing: E. Gonthier.

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à la demande. Il tourne autour de l’axe du vilebrequin de telle sorte qu’il confère à l’ensemble del’outil une plus grande efficacité. L’utilisation du volant d’inertie n’a pas ici pour unique but deréguler le régime de la fonctionnement. Pincé entre les genoux de l’utilisateur, sa formedécentrée permet à l’artisan de fixer un temps le travail de filage, laissant le champ libre aux deuxmains de son utilisateur.

La technique de filage à l’aide du rouet à volant d’inertie décentré texan est simple : dans latignasse animale coupée, tous les poils droits et relativement courts de crinières (15 à 30 cm) sontéparpillés sur le sol, superposés et croisés, en de régulières épaisseurs. Ce tapis de poilsentremêlés est relevé sur un côté, puis roulé sans être trop serré. Légèrement compacté et mis enboule, il devient une pelote aérée : la filasse. Il suffit alors de passer le bout de l’index au milieu decette pelote, pour soulever un anneau de poils en créant un petit passage étirant une mince touffe,dont l’épaisseur détermine le diamètre du brin à filer. La filasse peut être posée à côté du fileur, ouportée « à la ceinture ».

Le rouet est saisit et le toupin ou crochet à tordre (Fig. 10) enfoncé dans l’anneau de poils. Letoupin (sud de la France) est également appelé, selon les régions, couchoir, cochoir, cabre,masson, sabot, ou gabien (cf. Encyclopédie du XIXe siècle, 1836).

Lancé manuellement en rotation, le toupin entraîne l’anneau de poils et produit un petit brin de filtorsadé : le fil de caret. En desservant une quantité régulière de poils, on obtient un diamètre de brinplus ou moins fin et surtout régulier, qui s’allonge en fonction de la quantité de pelote disponible.

Le geste technique du poignet procure la vitesse de la rotation du volant en commençant parun va-et-vient droit, puis rapidement ovale, et enfin circulaire. Le vilebrequin engendre la forcenécessaire pour obtenir un effet utile plus ou moins efficace en fonction de l’accélération dumouvement de rotation et du rythme de balancement. C’est cette force inertielle qui communiquel’énergie suffisante pour permettre de tourner sur eux-mêmes les poils de crinière et former le filde caret sous la tension permanente de la main gauche.

Le principe du filage repose sur le stockage et la restitution de l’énergie cinétique. Les forcesd’inertie et d’entraînement, issues des interactions entre le corps statique du vilebrequin, et lecorps actif du volant d’inertie, sont parfaitement coordonnées. C’est à la force et au ballant dupoignet de l’utilisateur que l’ensemble du rouet est mis en mouvement. L’accélération centrifugemultiplie la masse cinétique du volant d’inertie, et cette sollicitation extérieure par torsions faitadopter une forme hélicoïdale aux fibres de crin. Chaque arrêt de l’outil délivre les deux mains dufileur pour recharger en poils la suite du fil de caret (Fig. 11).

Quelques tours à quelques dizaines de tours du volant d’inertie suffisent à enroulerproprement une dizaine de centimètre du fil de caret. La réalisation ne dure que quelquessecondes. L’arrêt du volant d’inertie pincé entre les genoux permet au fileur de contrôler ladistribution en poils disponibles. La sensation de fermeté du cintrage contrôle empiriquement lacompacité du fil de caret.

Lorsque le fil de caret a atteint suffisamment de longueur, le fileur conserve la boucle qui étaitautour du toupin sans libérer la tension du fil. Après avoir déposé son rouet et sans relâcher ses

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Fig. 9. Gravure de cordes à torons suivant une ligne de torsion de type « Z ». Grotte de Gourdan, Haute-Garonne (France).Palaeolithic engraving of twisted cordage, type ‘‘Z’’, Gourdan cave, Haute-Garonne (France).

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doigts de la partie terminale effilochée du fil de caret, le fileur fait contracter le fil par une autrepersonne, le tendeur. Le tendeur double les « deux » fils de caret en rapprochant l’extrémitéeffilochée de celle prise dans le toupin, s’éloigne du tendeur, puis les deux fils de caret parallèlessont lâchés subitement par le tendeur. L’enroulement hélicoïdal des fils de la corde à double brinss’effectue en quelques dixièmes de secondes.

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Fig. 10. « Tarabee », rouet texan à volant d’inertie décentré (le mot « tarabee » est une corruption du mot espagnol« tarabilla »). Schéma : E. Gonthier.A ‘‘tarabee’’, the eccentric rotary spinning tool used in Texas (the term ‘‘tarabee’’ is an American corruption of theSpanish word ‘‘tarabilla’’). Drawing: E. Gonthier.

Fig. 11. C. Kilgore utilisant un rouet en bois, modèle employé par les gardiens de chevaux texan. Il réalise un brin torsadéen crins. Cliché : E. Gonthier, 2013.Kilgore using a ‘‘tarabee’’ like those used by Texas cow-boys to twist horsehair into cordage. Photo: E. Gonthier, 2013.

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La jonction entre les enroulements de sens opposés se déplace de sorte que la différence desnombres de tours d’enroulement dans un sens et dans l’autre soit égale à la moitié des tours detorsion imposés au fil de caret. Un tour de torsion donne une augmentation d’un demi-enroulement dans un sens et une diminution d’un demi-enroulement dans l’autre sens. Si avantcette opération on relâche un temps soit peu la tension du fil de caret, les parties intermédiairesentre ces deux extrémités s’entortillent en créant des enroulements hélicoïdaux, des vrilles, desboucles, de sens opposés. Cette perversion du fil détruit généralement le travail qui est àrefaire. Et le crin de cheval supporte cette réfection alors que les fibres végétales seraient àdétruire.

Le fil de caret peut être triplé, ou plus encore (Fig. 12a et b), et dans ce cas, le toronnage desfils de caret, pour rester sous contrôle, nécessite l’introduction de deux nouveaux outils et l’aideobligatoire d’au moins un ouvrier tendeur. Les outils sont une petite tige et un guide-fil. Le guide-fil peut être soit indépendant (Fig. 12a et b), soit être intégré dans le volant d’inertie (Fig. 13). Lebâtonnet maintient sous-tension les pliures du fil de caret.

La préparation du fil de caret, telle que montrée ici, n’est réalisable qu’avec des crins dechevaux. Dans le cas de l’utilisation de fibres végétales, il faut nécessairement couper le fil decaret en son milieu pour créer des fils indépendants qui seront ensuite toronnés ensemble.

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Fig. 12. a : mise en place d’un fil de caret de couleur pour mieux identifier les 3 segments solidaires ; b : toronnage(commettage) des 3 fils de carets à partir du volant d’inertie, avec un guidage à l’aide d’une fourche de bois (toupin).Clichés : E. Gonthier.a: folding the tri-colored cord to more easily observe the 3 plies of the rope; b: using the tarabee to twist the 3 pliestogether with the aid of a forked wooden stick. Photos: E. Gonthier.

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Le fil de caret en crin est doublé en son milieu en formant une boucle et les deux fils de caretmis en contact conservent leur torsion de départ en « Z » ou en « S ». Leurs tensions égales etopposées s’opposent d’un côté comme de l’autre. C’est ce phénomène physique qui crée lacohérence des deux brins de la future corde.

Il reste ensuite l’opération du commettage, c’est-à-dire la réunion des fils de caret par latorsion pour la fabrication des cordes, cordelettes, proprement dites (Fig. 13). Il s’en suit unraccourcissement de la corde en cours de fabrication et qui est environ un tiers.

Si le fil de caret ne peut résister qu’à quelques centaines de grammes de tension, la cordelettemaintenant toronnée est capable de résister à plusieurs dizaines de kilogrammes. Pour unecordelette toronnée d’environ 10 mm de diamètre, soit 2 fils de caret de 5 mm, il faut compterenviron 220 à 230 crins par fil.

En observant les zones de friction de son rouet à volant d’inertie, Kilgore remarqua que dessimilarités de traces d’usure rappelaient les polis, écrasements, broutages, feuilletages et micro-stries, présents au niveau de la perforation des bâtons-percés, d’où le rapprochement d’un usagepossible avec certains objets en bois de cervidé de l’Aurignacien et du Magdalénien européen. Laprésence certaine d’un vilebrequin, qui n’a jamais été retrouvé en milieu archéologique et quiauraient pu être en bois d’arbre, semble tout à fait plausible du fait des perforations circulaires àovalaires des bâtons-percés. Ces dernières généralement situées au niveau de la premièreenfourchure du bois de cervidé entre la meule et le maître-andouiller laisse déduire qu’uneutilisation mécanique identique à celle des rouets à volant d’inertie était possible auPaléolithique.

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Fig. 13. Commettage (ou toronnage) simultané des 3 fils de carets. Un des points de fixation reste statique, alors que lesecond, dynamique, toronne. Le rouet paléolithique muni de son toupin guide les 3 fils de caret pour les commettre en uneseule corde à 3 torons de type haussière. Schéma : E. Gonthier.Laying up or twisting together of the 3 plies into a single rope. One end remains stationary, while the other end turns. ThePaleolithic baton with its forked knob guides the 3 plies as they twist together into a single rope of the hawser type.Drawing: E. Gonthier.

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8. Techniques de filage des poils de chevaux à l’aide d’un rouet a volant d’inertie auPaléolithique

Les premières observations réalisées par E. Gonthier, portées sur les différents types deperforations rencontrées sur les rouets paléolithiques, se firent notamment avec des outils et desméthodes de la systématique intégrative CNRS-MNHN, Paris (UMS 2700). Les clichés ont étéréalisés sur la plate-forme d’accès scientifique à la tomographie à Rayons X du MNHN– AST-RX – Paris, ainsi que sur des observations micro- et macroscopiques sur binoculaires.

Deux types majeurs de la perforation ont retenu l’attention en considérant que la formegénérale des trous était d’une part déterminée par le façonnage, et d’autre part soumis auxfrictions successives, liées aux rotations répétées d’un vilebrequin, et aux règles de leurutilisation.

Une perforation de « type A » correspondant à un creusement d’allure cylindrique dontl’orientation de l’axe de perçage est perpendiculaire à la surface de l’enfourchure du bois(Fig. 14) a été détectée. La perforation réalisée au perçoir et au racloir de silex laisse apparaîtredeux cônes d’usure de part et d’autre du volant d’inertie.

Dans tous les cas, l’observation du profil du bâton percé est délicate du fait de la variation de lapartie corticale qui a été particulièrement et postérieurement sollicitée mécaniquement (Fig. 15aet b). Le « type A » montre le résultat de deux perforations opposées et coniques avec une partiecentrale présentant des bords tubulaires quasi parallèles et dont le diamètre pourrait correspondreà un espace ménagé pour enchevêtrer les deux pièces emboîtées. Le diamètre du trou dans lapartie centrale du cylindre est censé contenir et limiter les contraintes mécaniques d’un autreobjet pouvant correspondre à un vilebrequin, en laissant suffisamment de jeu pour que le volantd’inertie supposé puisse se mouvoir sans peine dans un mouvement de rotation lancé.

Le jeu entre la matrice et le vilebrequin s’explique par les degrés d’usures progressifs. Cesderniers sont issus de compressions et surtout de frottements successifs importants étalés sur des

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Fig. 14. Vue de face d’une perforation de « type A » d’un bâton-percé perpendiculairement à son enfourchure. Laugerie-Basse, Les Eyzies, Dordogne (France). Moulage Coll. de Vibraye. MH/MNHN. Cliché : E. Gonthier, 2013. Image :ASTRX, MNHN.View of a ‘‘Type A’’ perforation, one which is perpendicular to the longitudinal axis of the baton. Laugerie-Basse shelter,Les Eyzies, Dordogne (France). Molding Coll. de Vibraye. MH/MNHN. Photo: E. Gonthier, 2013. Image: ASTRX, MNHN.

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longues périodes d’utilisation. Si la périphérie de la perforation est conique, cela est dû en grandepartie au mode de perforation initial, puis aux mouvements du vilebrequin. Avec le temps etl’usage, les usures des bois de cervidé semblent bien plus marquées dans les zones corticales(PC), parties les plus homogènes avec une densité et une élasticité plus fortes, que dans la partiespongieuse (PS) (Fig. 16).

Les effets de l’action mécanique rotative dégradent les couches corticales des parois de laperforation en produisant une perte de masse, de cote et de forme. D’un côté, l’angle d’usure ducylindre de perforation est d’environ 10,58, de l’autre il est du double, soit environ 218. Ce quisignifie qu’à l’usage, l’orifice percé du volant d’inertie subit une altération dimensionnellecorrespondant à une augmentation de son jeu de fonctionnement et à une dégradation de sescaractéristiques superficielles. Ces différents effets varient suivant l’utilisateur et les temps desollicitation du matériel (Fig. 17).

Pour résumer, au Paléolithique, un vilebrequin, pièce positive du montage du rouet, devaitpour des raisons pratiques (facilité de réalisation) être sculpté dans une pièce de bois. Cet élémentagissait comme un vilebrequin fixe. Mais à ce jour, l’archéologie n’a malheureusement pasencore révélé la présence de cet élément essentiel aux rouets. Il devait se présenter comme unetige rectiligne au bout de laquelle se situait un butoir monoxyle probablement légèrementhémisphérique. Une fois introduit dans la partie femelle, la pièce de bois axiale assurait latransmission de l’effort physique généré par le poignet de l’utilisateur. L’efficacité de l’outil étaitassurée par des séries de révolutions lancées à 3608.

Ce qui, à ce jour, était dénommé bâton percé, n’est ici que l’élément d’un appareil compositedémontable que l’on peut qualifier aujourd’hui de rouet. Le bâton percé, quant à lui, n’est quel’élément libre et femelle en bois de cervidé d’un système composite : le volant d’inertie.

Les rouets paléolithiques, comme les rouets des gardians américains, sont munis d’un volantd’inertie décentré. Ce dernier après une longue utilisation prend de plus en plus de jeu en laissant

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Fig. 15. a : profil de section d’une perforation horizontale de « type A » ; b : profil de section d’un volant d’inertiedécentré. Abri de Laugerie-Basse, Les Eyzies, Dordogne, France. Coll. de Vibraye, 38.189.1264. MH/MNHN. EG/CK.Image : ASTRX, MNHN.a: cross section of a hypothetical ‘‘Type A’’ perforation; b: cross sectional scan of a pierced baton from Laugerie-Basseshelter, Les Eyzies. Coll. de Vibraye, 38.189.1264. MH/MNHN. EG/CK. Image: AST-RX, MNHN.

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des stigmates caractéristiques dans la mortaise comme une section arrondie sur la parte haute dela perforation et une partie plus angulaire sur la partie basse (Fig. 18).

Les volants d’inertie sont rectilignes droits (Coll. MAN, no 47 180, 47 182) à cintrés (Coll.MAN, no 47 179) et ne devraient plus être considérés comme des manches d’outils, sauf si cesobjets possèdent d’autres fonctions techniques.

Autour de l’enfourchure découpée des bois de cervidés, on peut trouver une ou plusieursproéminences particulières, généralement de forme parallélépipédique, avec une à plusieurséchancrures (deux latérales, une sommitale) que nous nommerons des toupins. Celui des vacherstexans est conique, ceux des magdaléniens sont rectangulaires à parallélépipédiques avec une ouplusieurs échancrures. Les échancrures demi-rondes correspondent à des encoches guides fils etne sont pas de simples décorations.

Sans ces accessoires sculptés dans le volant d’inertie, il ne serait pas possible de démultiplierles fils de caret et les fils toronnés pour fabriquer des cordes aux diamètres plus importants(Fig. 19).

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Fig. 16. Intérieur d’une perforation de « type A » orientée. Les deux parties corticales (PC) enserrant la partie spongieuse(PS) du bois de cervidé sont visibles. Fragment. Coll. S.P.F., D.54.10.26. Dépôt au MNHN. Cliché : E. Gonthier.Cross section of a ‘‘Type A’’ perforation in an antler. Coll. S.P.F., D.54.10.26. Dépôt au MNHN Photo : E. Gonthier.

Fig. 17. Perforation de « type A » emmanchée perpendiculairement par un vilebrequin (en plastique) à l’enfourchure d’unbois de cervidé. Interprétation. Moulage. Abri de Laugerie-Basse, Les Eyzies (France). Coll. de Vibraye, 38.189.1264,MH/MNHN. Cliché : E. Gonthier, 2013.Plastic cast of a Palaeolithic antler baton with a shaft inserted in the perpendicular ‘‘type A’’ perforation. Laugerie-Basseshelter, Les Eyzies (France). Coll. de Vibraye, 38.189.1264, MH/MNHN. Photo: E. Gonthier, 2013.

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Fig. 18. Position du vilebrequin dans la « mortaise » au repos. Noter sur la partie haute du profil une forme plus arrondieque dans la partie basse plus angulaire. Schéma : CK/EG., Image : AST-RX, MNHN.Position of the stator or shaft (handle) at rest in the rotor’s perforation. Note that the upper part of the perforation has amore rounded profile than the angular lower part.

Fig. 19. a : placements possibles des fils de caret sur les toupins d’un volant d’inertie d’un rouet paléolithique.Interprétation. Moulage. Laugerie-Basse, Les Eyzies (France). Coll. de Vibraye 38.189.1264. MH/MNHN. Schéma : E.Gonthier ; b : sommet d’un volant d’inertie de perforation de « type A » et à un seul toupin. N847 528. MAN ; c : volantd’inertie à deux toupins similaires en conception à celui de l’abri de Laugerie-Basse. Abri de La Madeleine, Dordogne(France).a: the threads of caret on the toupins of a steering wheel of a palaeolithic spinning wheel. Interprétation. Mould.Laugerie-Basse shelter, Les Eyzies (France). Coll. de Vibraye 38.189.1264. MH/MNHN. Drawing: E. Gonthier. b: summitof a steering wheel of perforing of ‘‘type A’’ and to a only one toupin. N847528. MAN; c: steering wheel with two toupinssimilar in conception to that of Laugerie-Basse shelter. La Madeleine shelter, Dordogne (France).

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Le toupin est la pièce rectangulaire sculptée directement dans le bois de cervidé au niveau dela première enfourchure, à la périphérie des volants d’inertie. Le(s) toupins portent des encochessimples à quadruples qui séparent et garantissent aux fils de ne pas s’entremêler au moment desenroulements. La forme rectangulaire de ces toupins assure une très bonne séparation des fils decaret, ils ne gênent en rien la progression des opérations et restent suffisamment résistants pour nepas céder sous les efforts de traction.

L’excentricité de la masse du volant d’inertie ne crée aucune compensation de poids, ni decorrection d’équilibrage, puisqu’elle représente une masse destinée à assurer la fréquence et lapuissance de l’inertie.

L’usure et la déformation du cylindre de perforation sont liées à des phénomènes tribologiquesdus à la rotation lancée manuellement. Comme le volant d’inertie est mis sous-tension suite àl’extension mécanique du fil de caret, le volant d’inertie se retrouve légèrement désaxé (Fig. 20).Le toupin infléchit alors naturellement la course du vilebrequin dans le volant d’inertie, usantpréférentiellement le cylindre de la perforation à partir de deux points de contact.

La surface des matériaux glissant l’un sur l’autre montre le résultat du transfert des matièresqui altère les états des surfaces.

En position de repos et tenu à la main, le vilebrequin soutient le volant d’inertie en équilibredans une zone correspondant au centre de la masse de l’outil (Fig. 21b).

À la mise en mouvement du rouet, le frottement devient la cause principale de l’usure quientraîne l’altération dimensionnelle des pièces. Il s’en suit l’augmentation des jeux defonctionnement et une dégradation des caractéristiques superficielles traduites par une aireapparente de contact avec des irrégularités. Les plus hauts points de ces irrégularités sont desaspérités qui, empruntent souvent une très faible proportion de la surface totale. Cette aire decontact réelle est la cause du frottement, et non pas l’aire de contact apparente (Fig. 21a et b).L’intensité des forces qui s’exercent entre les deux solides fait passer alternativement lefrottement d’une phase d’adhérence à une phase de glissement (frottement cinétique), et cefrottement tend à ralentir le volant d’inertie. Il se traduit par l’apparition d’une courbure quicouvre la moitié gauche (Fig. 21a) ou droite (Fig. 21c) supérieure de la perforation tubulaire etqui dépend du côté du volant d’inertie employé. À la longue, les frottements arrondissent latotalité de cette partie de la perforation tubulaire (Fig. 21b).

C. Kilgore, E. Gonthier / L’anthropologie 118 (2014) 347–381364

Fig. 20. Position désaxée du volant d’inertie au cours de son emploi (expérimentation). Cliché : E. Gonthier.Tilted position of the rotor during use (experiment). Photo : E. Gonthier.

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La partie inférieure de la perforation tubulaire subit aussi un type de frottements quiinfléchissent mais de manière partielle cette zone, couvrant le tiers gauche (Fig. 21a) ou droit(Fig. 21c) inférieur de la perforation tubulaire. Mais ici, cela n’affecte que très peu la partiecentrale de la perforation basse (Fig. 21b).

Mais tous les « bâtons-percés » n’ont pas la même utilité. Le concept de perforation semblantapparemment identique, des variables apparaissent tout de même très vite et sous-tendent laprésence d’outils spécialisés destinés à des domaines d’investigations très différents.

9. Techniques de saisie de corde à l’aide d’une poignee de frein manuelle auPaléolithique

Parmi les différences typologiques des « bâtons-percés », on trouve des perforationsamygdaloïdes de « type B ». Ces creusements ont des orientations obliques par rapport àl’enfourchure du bois. Une forte extension de la perforation se trouve d’un côté plus accentuéevers le haut, alors qu’à l’opposé, elle se situe tournée vers le bas. Cette gorge est un dégagementde matière plutôt étroit et arrondi au niveau du fond. Sa forme demi-ronde laisse à penser aurésultat d’un coulissage forcé pour des cordes actives (Fig. 22).

La perforation de « type B » de la Fig. 22b montre le résultat de contraintes mécaniques : une,est liée à un creusement intentionnel en vue d’une spécialisation de l’orifice utilitaire ; uneseconde, mécanique, est liée à l’accentuation des cônes d’évidement par des frictionsfonctionnelles répétées. Les diamètres du trou ovoïde sont censés contenir et limiter lescontraintes mécaniques auquel doit être soumis l’outil en laissant suffisamment de jeu pour qu’unobjet glissé à l’intérieur puisse se mouvoir sans peine et en translation (Fig. 23).

Ces modifications morphologiques montrent le résultat de compressions et de frictions,conséquences mécaniques orientées non pas seulement par la rotation lancée, mais aussi par lesfrottements glissés et puissants.

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Fig. 21. a, b, c : section d’une perforation de « type A » dans un bois de cervidé paléolithique. Usures liées aux jeuxopposés du vilebrequin fixe. La partie haute montre des taux d’usure moins prononcés que la partie basse. Abri deLaugerie-Basse, Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne (France). Coll. de Vibraye, MH/MNHN. 38.189.1264. EG/CK, ImageAST-RX, MNHN. Schéma : E. Gonthier.a, b, c: section of a perforing of ‘‘type A’’ in a reindeer antler of palaeolithic cervid. Wears connected to the opposite setsof the fixed brace. The high part watch of the rates of the wear less pronounced than the low part. Laugerie-Basse shelter,Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne (France). Coll. de Vibraye, MH/MNHN. 38.189.1264. EG/CK, Image AST-RX, MNHN.Drawing: E. Gonthier.

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L’action répétée de contraintes de surface a dégrossi le matériau. Ces usures ne sontlogiquement plus uniquement du domaine des rouets à volant d’inertie, mais sont dues à unsecond emploi, en rapport avec la mise sous-tension de cordes.

Ces orifices de « type B » pratiqués dans des bâtons-percés avec ou sans toupin, à mancheassez long à section ronde, restent en apparence identiques aux rouets manuels. L’hypothèse estqu’il s’agirait de poignées de frein dont la fonction serait de contrôler le passage d’une corde afind’en assurer le déroulement ou l’arrêt pour la capture d’animaux vivants. Ces poignées de freinsont censées soulager, retenir et limiter les tensions mécaniques supportées manuellement etdonc de conserver sous contrôle une corde toronnée (lasso ou aussière) au cours de captures

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Fig. 22. a : orientation d’une perforation de « type B » dans un « bâton percé » ; b : le bord des perforations opposées estdécentré du haut et du bas. La perforation est oblique. Avers et revers d’un type de volant d’inertie muni d’un toupin etcomportant une seconde fonction. Grotte des Trois-Frères. Coll. Begouën, 55 33 49, département de la Préhistoire.MNHN. Cliché E. Gonthier.a: orientation of a ‘‘Type B’’ perforation in a perforated baton; b: the opposite sides of the perforation are elogated at topand bottom, respectively. The perforation is oblique, indicating use as a belaying device or brake. The presence of theforked projection suggests a second function: it could be used in making 3-ply rope from horsehair cordage. Grotte desTrois-Frères. Coll. Begouën, 55 33 49, Department of Prehistory. MNHN. Photo: E. Gonthier.

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animales sans que cela ne soit traumatique pour la main (risque de lésions graves à l’intérieur despaumes, voire arrachage d’un ou plusieurs doigts), le chasseur pouvait ainsi réduire ou libérer ledéfilement de sa corde. Il faut se rappeler que la traction maximale que l’on peut exercer enstatique avec une main est d’environ 25 kg. Le rôle de la poignée de frein était donc primordialpour contrôler à moindre risque les soubresauts d’animaux capturés et affolés pouvant atteindreplus d’une centaine de kilogrammes.

Pour compenser une partie de la tension sur le manche de l’outil et occasionner une perted’énergie de la corde dans le défilement, les chasseurs pouvaient effectuer une légère torsion dupoignet, de près de 1508, pour que la poignée de frein enroulée en partie par la corde sur lemanche (partie décentrée du volant d’inertie) entraîne l’arrêt total du coulissage (Fig. 24).

Il reste que dans de telles opérations, la main avancée du chasseur ne devait pas entrer encontact avec la corde active, au risque de se couper certains doigts. L’idée de la représentation demains positives et de mains négatives dans certains sites paléolithiques pourrait, dans certainscas, peut-être relever des résultats de ces accidents de chasse.

Le frottement de la corde sur le manche de la poignée de frein, provoque une déformation de lacorde et absorbe au passage une grande partie de son énergie. En suivant les courbures del’appareil, et en augmentant le diamètre de la saisie du manche en bois de cervidé, la prise enmain devient plus aisée, moins traumatisante et surtout très efficace.

10. Usages possibles des cordes au Paléolithique supérieur

L’hypothèse d’une utilisation de cordes en crins de chevaux est corroborée par les figurationstrouvées dans l’art pariétal et la gravure paléolithique sur ivoire et sur os. Chacune de cesfigurations suggère très fortement un emploi de filins, de filets, de haubans, de lassos simples oususpendus au bout de hampes pour la traque, ainsi que l’utilisation de longes, de harnais, etc.

C. Kilgore, E. Gonthier / L’anthropologie 118 (2014) 347–381 367

Fig. 23. Perforation de « type B ». Bord de la perforation décentré et oblique. Grotte des Trois-Frères (Ariège). Coll.Begouën, 55 33 49 département de la Préhistoire. MNHN. Cliché : E. Gonthier.Type B perforation. The edges of the perforation are eccentric and oblique. Grotte des Trois-Frères (Ariège). Coll.Begouën, 55 33 49, Department of Prehistory. MNHN. Photo: E. Gonthier.

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La présence de licols placés sur des têtes de chevaux est tout aussi remarquable. L’exemple dela tête d’équidé gravé de la Grotte d’Espalungue à Saint-Michel-d’Arudy (Fig. 25a) et de lacaverne des Espélugues à Lourdes (Fig. 25b) publiées par Piette en 1907 expose toute la qualitéd’un travail technique pensé et respectant parfaitement la physionomie de la tête des chevaux.Les têtes gravées de chevaux arborent un harnais complexe probablement fabriqué à partir decordelettes et de cuir.

Les nœuds et les assemblages de cordes sur le bridon-licol relèvent d’une élaborationsophistiquée (Fig. 25a). À chaque nœud et à chaque épissure correspond une fonction technique :tenir sans se défaire sous la tension, et être dénoué lorsqu’il le faut, même si le cordage estmouillé. Piette rapportait que « le chevêtre était un licol formé de courroies ou de cordelettesenveloppant la tête de l’animal et se rattachant à l’oreille. Une lanière ou une ficelle passant surle nez servait à le diriger. . . Pendant plus de dix mille ans, pendant probablement plus de vingtmille, le chevêtre a été exclusivement en usage ». Piette ajoute une description sur l’architecturede ces licols (ou chevêtre) s’appuyant sur l’usage des cordes et des cordelettes (Piette, 1907),notamment à partir des gravures d’Arudy et de Brassempouy. Dans certains cas des licolsauraient été réalisés à partir de lanières de cuir, comme pour les licols du Mas-d’Azil (Piette,1907, p. 32 à 34).

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Fig. 24. Poignée de frein pour stopper ou laisser dévider une corde. Le chasseur gère la position de son corps, la force depression de la main arrière, et la position de son poignet et de sa main avant, pour éviter le contact direct et dangereux de lacorde. Reconstitution. Clichés : E. Gonthier/C. Kilgore.Belaying device with a horsehair rope inserted. The rotational or axial angle of the device can be changed as the ropemoves through the perforation, thereby increasing or decreasing the amount of friction exerted on the rope. This allows theuser greater control of the rope’s movement. Photos: E. Gonthier/C. Kilgore.

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Piette, sur le descriptif des licols, explique que des ajouts ou des bandes obliques partent de lacourroie appliquée sur la joue des chevaux d’Espélugues et suppose que ce sont des fils quicontournent les yeux de l’équidé (Fig. 25b et Fig. 26a), sans plus d’indication sur les matériauxpossibles.

De même, Piette explique l’attache possible de plusieurs chevaux à l’aide d’une double longereliée aux licols par le côté gauche (Fig. 26b).

11. Représentations de cordes paléolithiques

Certaines représentations paléolithiques découvrent des amas de cordes, simples ou multiples,tendues, croisées, molles ou avachies. Dans certains cas, les torons sont même représentés par destraits parallèles obliques ou transverses (Fig. 27b et d). Certaines figurations ne sont que des traitssans épaisseur, peut-être du fait de l’éloignement ou par symbolisation (Fig. 27a) ; d’autres, plusréalistes, laissent apparaître des torons parfaitement identifiables (Fig. 27b). Dans d’autres cas, destrames apparaissent avec des séries de traits parallèles nombreux et croisés, formant des carrés oudes losanges, comme des grisures (Fig. 27c) ou des effilochures en bout de corde (Fig. 27d).

Les références en termes de cordes au Paléolithique reviennent aux descriptions de l’abbéGlory. Il semblerait que la corde de Lascaux, étudiée à partir du moulage original, n’aurait pumaintenir sous-tension qu’une masse de quelques dizaines de kilogrammes. Si les hypothèsestendaient vers un cordage en crin de cheval, cette corde aurait pu largement soulever un homme.

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Fig. 25. a : tête de cheval harnachée d’un bridon-licol. Épissures, ajouts et nœuds sur un cordage de type « Z » à plusieurstorons, permettent de maintenir parfaitement l’assemblage. Grotte d’Espalungue, Saint Michel-d’Arudy (Basses-Pyrénées, France). Relevé E. Piette. Coll. MAN ; b : tête d’équidé harnachée d’un licol. Caverne des Espélugues(Lourdes, Hautes-Pyrénées, France). Relevé E. Piette.a: head of a horse in a bridle or harness. Splices or knots are implied at the intersections of the various elements andwould have been required to maintain the proper arrangement of the assemblage. Grotte d’Espalungue, St Michel-d’Arudy (Basses-Pyrénées, France). After E. Piette. Coll. MAN; b: head of a horse in a bridle or harness. Caverne desEspélugues (Lourdes, Hautes-Pyrénées, France). After E. Piette.

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Certaines cordes du Paléolithique pourraient aussi être associées à des cordes réalisées enlanières de peau animale, tout comme les Inuits le faisaient, notamment pour des cordes statiquescourtes. Mais la présence remarquée des torons limite ces hypothèses et nous ramène toujoursvers des cordes en fibres animales ou végétales.

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Fig. 26. a : tête d’équidé harnachée d’un licol. Caverne des Espélugues (Lourdes, Hautes-Pyrénées, France). RelevéE. Piette ; b : trois têtes de chevaux alignées et attachées. Mas-d’Azil. (Ariège, France). Relevé E. Piette.a: head of a horse halter. Caverne des Espélugues (Lourdes, Hautes-Pyrénées, France). After E. Piette; b: heads of 3horses halters. Mas-d’Azil cave. (Ariège, France). After E. Piette.

Fig. 27. Panoplie de techniques cordelières gravées. a : ensemble de cordelettes ; b : amas de cordes ; c : croisements decordes d’un filet ; d : boucle. Origine inconnue (Graziosi, 1956).a, b, c, d: various representations of cordage, including possible nets and loops. Unknown origin (Graziosi, 1956).

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12. Usages accessoires des « batons-perces » paléolithiques

Autre hypothèse concernant l’utilisation du manche des « bâtons-percés ». Certaines poignéesde frein et certains rouets à volant d’inertie ont été taillés dans un cor de bois de cervidé et nonpas dans un merrain. Il se pourrait que l’extrémité de l’andouiller épointé donne la possibilitéd’être utilisé comme épissoir pour écarter les torons de cordages toronnés (Fig. 28).

Cette pointe fine ou épissoir suggère la réalisation d’épissures et de nouages tressésnécessaires aux bridon-licol et aux filets à mailles. Il était utilisé pour introduire un toron libreentre les autres. Cette technique pouvait provoquer le décommettage de certains brins de cordesdestinés à être reliés à d’autres.

Une autre hypothèse serait qu’ils pourraient servir d’autobloqueur de lassos. Après avoirattrapé un animal, l’extrémité de la corde tenue par le chasseur pouvait être enroulée autour d’unpoteau ou d’un arbre. Plutôt que de la nouer, le chasseur introduisait la pointe de l’outil entre lacorde et l’arbre pour stopper toute action de délivrance de l’animal.

Enfin, employés comme des dévidoirs (rope reel), des manches coniques effilés permettaientde dérouler avec rapidité de longs anneaux de corde en limitant les zones de frottement et gagneren efficacité pour le jet de sagaies ou de harpons. Cette technique est largement connue etutilisées chez les Inuits. Il faut souligner que des cordelettes en crins pouvaient aussi êtresubstituées à des tendons, comme les ivalu inuits.

13. Cordes et filets de chasse paléolithiques

Les gravures d’ours, de gazelles, d’aurochs, etc. attestent la présence d’une grande faune. Cesanimaux à la lourde masse sont représentés piégés, enchevêtrés dans ce que l’on pourraitconsidérer comme des filets de type filet à mailles (Fig. 29a et b).

Il existe un autre type de filets, les filets à bandelettes verticales (Fig. 30). Les filets à bandesverticales rappellent les barrières d’arrêt des porte-avions dont les lanières viennent envelopperles voilures et stabiliser les appareils en fin de piste lors de l’appontage. Avec les filets àbandelettes verticales, l’effort de freinage est transmis aux deux sangles horizontales qui lerépercutent ensuite sur un gros frein dont la tension a été calculée pour stopper l’avion sur lalongueur de piste restante (Racca, 2010).

Le décor figurant sur le bâton percé de la collection Christy rappelle ce type de piège (Fig. 31).Lorsqu’un animal s’engage dans un filet à bandelettes verticales, celui-ci entraîne avec force

tous les torons les uns après les autres jusqu’à une éventuelle rupture. C’est la résistance de

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Fig. 28. Volant d’inertie d’un rouet décoré de « type A ». L’extrémité du manche se termine en cône allongé pouvantservir d’épissoir. Laugerie-Basse, Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne (France). Coll. de Vibraye, 35.189.MH/MNHN, Dépt.de Préhistoire. Cliché : E. Gonthier.Decorated rotor baton featuring a ‘‘Type A’’ perforation. At the distal end is a point which could be used as a spike.Laugerie-Basse shelter, Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne (France). Coll. de Vibraye, 35.189.MH/MNHN, Dépt. dePréhistoire. Photo: E. Gonthier.

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chacun de ces torons qui permet d’assurer l’immobilisation de l’animal. Il ne reste plus alors auxchasseurs qu’à dégager vivant l’animal ou de l’achever.

L’utilisation de filets à bandelettes verticales semble avérée au travers de l’image duMégacéros de la grotte du Pech-Merle (Lot, France). L’animal semble se débattre dans les

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Fig. 29. a : gravure d’un bovidé figuré avec un quadrillage. L’ensemble évoque un filet à mailles quadrillées tendu pour lacapture du bovidé. Les assemblages de cordes quadrillés permettent d’absorber les énergies très importantes libérées parl’animal lorsqu’il est emprisonné. Le Fourneau-du-Diable, Bourdeilles (Dordogne). Pierre gravée (Graziosi, 1956) ; b :filet à mailles quadrillées actuel.a: net with square mesh pulled taut during the capture of a bovid. The ability of nets to absorb energy is extremelyimportant to affect the capture of trapped animals as they attempt to escape. Le Fourneau-du-Diable cave, Bourdeilles(Dordogne). Rock engraving (Graziosi, 1956); b: image of a modern mesh net.

Fig. 30. Avion lancé contre une barrière d’arrêt d’urgence (filet à bandelettes verticales) au cours d’un appontage. D’aprèsE. Racca, 2010.A damaged aircraft approaching the emergency landing barricade (a large kevlar net) on an aircraft carrier. After E.Racca, 2010.

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mailles parallèles qui l’étranglent (Fig. 32). Des bandelettes sont intactes, alors que d’autres ontcédé.

Certains traits parallèles gravés recouvrant une partie, voire la totalité d’animaux trouvés dansl’art pariétal paléolithique, seraient des assemblages de cordes formant des filets au sein desquelsles animaux se sont fait piéger, d’où l’attitude éthologique inhabituelle de certaines bêtes figurées(Fig. 33). « L’ours des Combarelles ne repose pas sur la plante de ses pieds et sur les phalanges desmains, mais sur des pointes tendues . . . On peut donc envisager une représentation d’ours reposant,ou, pourquoi pas, d’un ours mort (Ucko et Rosenfeld, 1966) » (Man-Estier, 2011, p. 47).

L’usage des cordes au Paléolithique souligne la relation qu’entretient un groupe d’Hommesmotivés autour d’un intérêt commun. Il dénonce la dynamique de ces groupes, laquelle passeforcément par la capacité d’établir des liens sociaux étroits et structurés pour des raisonsd’efficacité et de sécurité sur le terrain. Cette cohésion entre des composantes sociales etopératoires rappelle que de la réussite collective dépend la survie et de la satisfaction de l’intérêtcommun des membres du groupe et de leurs familles. L’utilisation des cordes induit aussi desrègles de vie à tenir et des stratégies préétablies de pensée très efficaces.

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Fig. 31. Bâton percé présentant un décor évoquant un filet à bandelettes verticales. Coll. Christy. British Museum.Perforated baton with an engraved image suggesting a long horizontal net with vertical strands. Coll. Christy. BritishMuseum.

Fig. 32. Mégacéros paraissant entravé dans un large filet d’arrêt. La chasse au filet est une technique moins agressive etmoins risquée pour les Hommes. Certaines lanières verticales semblent avoir cédé sous le poids de l’animal. Grotte dePech-Merle (environ 20.000 ans), Lot, France.Megaceros trapped in a large hunting net. The use of nets for hunting large animals would have been both less energyintensive and less dangerous than other techniques employed by palaeolithic people. Pech-Merle cave (20,000 years),Lot, France.

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14. La corderie au service de la chasse au Paléolithique

La présence et la nécessité de l’usage de cordes de différents diamètres pour les entreprises dechasse (captures, attaches. . .) sur des animaux comme les chevaux, les petits et les grandscervidés, les ours, etc. tout comme l’emploi du lasso est attesté entre-autres par certainesreprésentations de chevaux, comme dans la grotte des Trois-Frères (Ariège, Midi-Pyrénées). Ils’agit de chevaux combinés avec des signes en forme de « P » définis typologiquement commedes motifs claviformes verticaux, obliques ou verticaux (Fig. 34).

Ces motifs peuvent être aussi positionnés autour d’autres espèces animales comme le renne(Fig. 35).

L’utilisation de la corderie pour la chasse au Paléolithique supérieur laisse désormais attribuerces représentations claviformes à des lassos pouvant être non coulissants et montés sur hampesrigides. Cette technique de chasse non traumatisante pour le gibier est similaire à cellesqu’emploient encore aujourd’hui les cavaliers mongols Kazakhs ou Nenets pour attraper leurschevaux (Ferret et Toqtabaev, 2010, pp. 428–438) (Fig. 36).

La technique des gardiens de troupeaux Kazakhs est de saisir à la course les chevaux avec le quryq,perche munie d’une boucle de corde non coulissante. Pour la capture des chevaux déjà dressés, ilsutilisent un tuzaq, lasso classique, ou encore un buValyq, perche munie d’une corde à nœud coulant,pour colleter des chevaux non encore dressés. Cette technique équestre, où l’homme se maintient àcheval, n’est pas tout à fait celle des Paléolithiques qui eux devaient se déplacer à pieds.

15. Origines des équidés européens et américains

Nous avons étendu nos recherches ethnographiques au sud de la France, dans les manades,pour y trouver des troupeaux de chevaux de race Camargue vivant en semi-liberté. Là-bas, latradition équine y est très ancienne. Les gardians, ouvriers agricoles, y réalisent des seden,

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Fig. 33. Gravure d’ours, peut-être mort, superposé de traits parallèles. L’ensemble pourrait figurer un ours entravé par unfilet, couché sur le côté, puis abattu par une « flèche » tirée sous le flanc gauche de l’animal qui était déjà à terre. Sesantérieurs seraient bloqués par les filins et la courbure du dos pourraient montrer des attitudes de soumission dues auxcontraintes mécaniques liées au piégeage. Des éléments de filet déchirés semblent être figurés. Grotte des Combarelles,Dordogne (France).A dead (?) bear taken by hunters using ropes and lying on its side. Ropes hanging from the head and neck area have doubleends which could indicate the use of nooses or lassos. One line which terminates in the bear’s side could be interpreted asa harpoon strike. Les Combarelles cave, Dordogne (France).

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Fig. 34. a : cheval (L : 54 cm) et claviformes. Grotte des Trois-Frères. Relevé Begouën (2009) ; b : claviformes en tracésdigitaux. Grotte des Trois-Frères. Relevé Begouën (2009).a: horse (L.: 54 cm) and claviformes. Grotte des Trois-Frères. After Begouën (2009); b: claviformes in digital plans.Grotte des Trois-Frères. After Begouën (2009).

Fig. 35. Bestiaire, lassos, et bison piégé vu de profil. Panneau du Renne. Grotte des Trois-Frères. Relevé Begouën (2009).Bestiary, lassoes, and booby bison seen in profile. Panel of the Reindeer. Grotte des Trois-Frères. After Begouën(2009).

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c’est-à-dire des « lassos camarguais ». Ce terme provençal « seden », dérive du latin sæta, seta,signifiant « soie de porc, ou poil de sanglier, de bouc ; ou encore crinière de cheval ». En nousimmergeant dans la continuité de ces traditions de la corderie camarguaise, nous avons puconfirmer l’emploi de cordes en poils de cheval très solides et imputrescibles. Le crin estessentiellement celui de jument et n’est donc pas choisi au hasard (Fig. 37).

Dans la tradition camarguaise, ces poils, exclusivement de crinière, sont prélevés au cours del’opération nommée en provençal escaumage. La taille s’arrête au-delà de deux doigts de hauteurau-dessus du niveau de l’encolure. Autrefois, cette opération avait lieu au printemps. Mais leschevaux n’ayant plus de moyens de défense contre les insectes agressifs pendant la périodeestivale, l’escaumage fut reporté définitivement à la période automnale. C’est dans la cour destaureaux (en provençal : bouvau) ou dans une bergerie (en provençal : jasso) que les juments sontenfermées et saisies à l’encolure par un lasso en poils de crinière. L’on peut aussi ajouter que leschevaux identifiant l’odeur de ces cordes comme similaire à la leur, restent plus dociles.

Hormis l’aspect ethnographique, notre intérêt pour les Camargues résulte dans l’ancienneté decette race équine et son rapport avec des représentations préhistoriques.

C’est l’isolement naturel du delta du Rhône qui aurait permis la conservation des souchesCamargue primitives (Tambute, 2001). Les croisements avec d’autres races chevalines n’ont euqu’une influence des plus restreintes, ce qui fait considérer les Camargue comme les descendantspréhistoriques européens d’un cheval de type Equus gallicus ou cheval de Solutré, ou de typeEquus ferus. Equus ferus aurait conservé certaines caractéristiques génétiques imposées par sonmilieu de vie. Actuellement, il continue de jouir d’un état de semi-liberté, et ce, malgré sadomestication survenue à une époque ancienne et encore indéterminée.

Défini par l’administration des Haras Nationaux en 1978, le standard Camargue est de raceconcave, eumétrique, médioligne à tendance sublongiligne, d’une taille variant d’1,35 m à1,45 m, et d’une masse de 350 kg à 500 kg.

Le Camargue nous entraîne aux origines des représentants du genre Plesippus bien connus enAmérique du Nord, il y a plus de 3 Ma. Ceux du genre Allohippus semblent apparaître un peuplus tard et dérivent peut-être des premiers. Ils se distinguent des Plesippus par une échancrure

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Fig. 36. Perche (bugalyq) munie d’un lasso de corde pour le colletage des chevaux. Mongolie. Cliché : M. Alaux (2007).A Mongolian rider using a rope extended on a pole (bugalyq) to capture a horse. Mongolia. Photo: M. Alaux (2007).

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naso-incisive très longue qui n’atteint pas la profondeur qu’on trouve chez Hippidion. À cetteépoque les deux genres migrèrent en Eurasie, ce qui est démontré par la présence des fossiles dePlesippus et d’Allohippus en Chine aux alentours de 2,5 Ma, ainsi que des Allohippus en Europeet un peu plus tard en Afrique. Le modèle moderne, dont le premier crâne relativement longconnu d’Equus a été trouvé dans le désert d’Anza Borrego en Californie, serait daté d’environ 2Ma (Eisenmann, 2010).

Les chevaux les plus anciens d’Amérique du Nord (Texas), probablement âgés de 0,7 Ma, sansdépasser les 0,9 Ma (Eisenmann, 2010), avaient des caractères typiquement caballins, inconnusjusqu’alors. Les chevaux d’Europe, Allemagne notamment, n’auraient que 0,5 Ma. Cette périodecorrespondant à l’émergence de la lignée néanderthalienne, vers 450 000 et 350 000 ans enEurope centrale et occidentale, démontre que les chevaux migrèrent dans l’Ancien Monde, toutcomme les Anchithérium, les Hipparions et les premiers Plesippus-Allohippus, qui auraienttraversé le passage du détroit de Béring reliant l’Amérique du Nord à l’Asie. Vers 100 000 ans, audébut du Paléolithique moyen, lors de la dernière glaciation globale de Würm, le refroidissement

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Fig. 37. Cheval Camargue. Le poulain Camargue naît brun, parfois même noir et ce n’est qu’au passage à l’âge adulte,vers 4–5 ans que sa robe devient grise à presque blanche et utilisable en filature. Clichés : Folco Jullien, 2013.Horse Camargue. Camargue foals are brown or even black when born but become gray or white by adulthood. Photos:Folco Jullien, 2013.

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et l’assèchement climatique qui favorisa le développement d’une végétation steppique à la faveurdes chevaux.

Le niveau de la mer devenu très bas, assécha partiellement le détroit de Béring qui constituaitune plaine d’environ 1000 km de largeur et le passage entre les deux continents s’ouvrit. Après lerecul des glaciers (8000 ans av. J.-C.) vers le pôle Nord, les groupes humains seraient retournésdans le Nord pour envahir une partie du territoire nord-américain et peupler tout le continent enlongeant la côte du Pacifique jusqu’à la pointe méridionale de l’Amérique du Sud. D’autresgroupes de chasseurs seraient remontés vers le nord jusqu’aux Grands Lacs, puis au-delà, sedéployèrent jusqu’à l’océan Atlantique. Ces populations mongoloïdes de la culture de Clovissont considérées comme les ancêtres de tous les amérindiens actuels. Toute la Préhistoireamérindienne repose sur le constat que le continent américain n’était habité que depuis12 000 ans et que tous les amérindiens actuels descendent nécessairement de ces peuplesmongoloïdes venus d’Asie. Il serait judicieux de connaître le rôle du cheval dans cesdéplacements ?

La fin du Pléistocène, vers 10 000 ans, annonça plusieurs événements majeurs dont : deschangements climatiques et une régression marine. La concurrence avec d’autres ongulés et denouveaux prédateurs entraîna une diminution drastique des races chevalines, de même que cellesdes mammouths, des rhinocéros laineux, des bisons, des mégacéros, etc. Il est probable qu’unesur-chasse très efficace de l’Homme accentua la perte numéraire en chevaux. La plupart dessouches d’Equus africains comme les zèbres et les ânes sauvages, ainsi qu’une partie des Equusasiatiques et européens (Eisenmann, 2010).

Au moins deux races dominantes de chevaux sauvages existèrent aux temps historiques :

� le cheval de Prjevalski (Equus przewalskii), en Dzoungarie, dont les squelettes proviennent leplus souvent d’animaux nés et élevés en parcs zoologiques, et qui n’ont pas toujours été à l’abride mélanges avec des chevaux domestiques. Impossible à discipliner par nature, il ne peut êtreni dressé, ni monté ;� le Tarpan (Equus ferus), en Europe centrale, et dont le crâne est assez similaire à celui du cheval

de Prjevalski. Les deux formes ont en commun la brièveté des premières phalanges. Mais les osdes autres membres ont des proportions différentes : le Tarpan a des métapodes courts,indiquant une moins bonne adaptation à la course en terrain découvert ; ses sabots sont pluslarges, signe d’une adaptation à un sol moins dur ; ses dents semblent aussi moins adaptées àune alimentation abrasive. Il atteignait environ 1,30 m au garrot.

Deux types de tarpans ont existé : le tarpan des steppes (Equus ferus ferus) vivant au nord de lamer Noire et qui fut exterminé par la colonisation russe ; et le tarpan forestier (Equus ferussilvaticus), plus petit, évoluant dans les forêts des actuelles de Pologne, d’Ukraine occidentale, deMoldavie et de Roumanie. Ce cheval sauvage, disparu en 1887, pourrait avoir été à l’origine denombreuses races d’équidés domestiques en Europe (http://fr.wikipedia.org/wiki/Tarpan-cite_note-1).

On peut ajouter à ces équidés, le cheval de Riwoché découvert par Michel Peissel en 1995(Crumley et Gibson, 1995). Dans une vallée du Kham, au Tibet. Le peuple de traditions Bön-pol’utilisait pour la monte et le trait. Sa silhouette anguleuse, sa tête massive triangulaire, sa crinièrehérissée sur une robe louvet sont porteuses de marques primitives qui en feraient un des chaînonsmanquant dans l’évolution du cheval moderne.

Les chevaux fossiles d’Europe occidentale Equus gallicus, célèbres par ses représentationsrupestres comme aux Combarelles sont connus autour de de 30 000 ans. Ils diffèrent à la fois du

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Tarpan, du cheval de Prjevalski et du cheval de Riwoché par leur crâne à museau court et desmembres aux proportions indiquant une médiocre adaptation à la course rapide.

Connu depuis environ 100 000 ans dans le Sud de l’Europe (Italie, Portugal), Equus antunesi aun museau long et des membres sveltes. C’est peut-être ce cheval qui figure parmi lesreprésentations magdaléniennes d’Isturitz (Pyrénées-Atlantiques) et de La Pasiega (SantanderEspagne). Une plaquette gravée du Luristan indique que d’autres chevaux, à membres très courts,habitaient les montagnes de cette région il y a 4000 ans.

V. Eisenman certifie qu’à l’heure actuelle, le cheval de Prjevalski n’a pas grand chose àvoir avec les formes fossiles européennes Equus gallicus ou Equus latipes, et qu’il seraitpeu probable qu’il orne les parois des grottes françaises. La biologie moléculaire suggèreque le cheval de Prjevalski est génétiquement séparé d’autres Chevaux depuis plus de300 000 ans.

Cette synthèse rapide des chevaux possibles connus dans l’environnent des Paléolithiquesmontre des chevaux de basse taille au garrot qui étaient au Paléolithique plus facile à colleter ou àpiéger dans des filets. De même, leur manque de rapidité devait laisser plus de marge d’actionpour les chasseurs en quête de domestication animale ou pour la boucherie.

16. Domestication des chevaux au Paléolithique

Cette approche hippologique montre que les chevaux préhistoriques avaient des capacitésphysiques différentes des races d’aujourd’hui. Devenues bêtes de capture, les chevaux offraientla possibilité de fournir beaucoup de matières premières, comme la viande, et pour nous, le crinde queue ou surtout de crinière. S’il n’est pas encore démontré sur les représentations figurativesque les chevaux aient été montés par des cavaliers, en revanche, il est certain qu’au Paléolithiqueces bêtes ont été capturées, ensuite attachées, muselées (Fig. 38) et aussi parquées.

Rien ne prouve une industrie chevaline. En revanche, les représentations ne manquent pas, cequi démontre tout de même l’intérêt suscité pour ces animaux. Des figurations sont visibles dansl’art pariétal magdalénien en milieux endokarstiques et dans l’art mobilier sur bois de cervidé, surivoire et sur os.

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Fig. 38. Gravure de cheval au galop probablement capturé vivant dans un filet en cordes. Limeuil, Dordogne.Engraving of galloping horse probably captured alive in a net made of ropes. Limeuil, Dordogne.

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Il semble que ces processus de domestication aient conduit l’Homme à maîtriser, puis àutiliser, certaines espèces chevalines en contrôlant les naissances et en établissant des élevagespour la consommation, le travail et le transport. Il va de soi que les poils de crinière et de queue decheval entraient dans les substances appréciées par les Préhistoriques, notamment dans laréalisation des cordages et que les « bâtons-percés » font partie de ces créations artisanalesdécoulant de ces nécessités vitales au Paléolithique.

17. Conclusions

L’étude techno-fonctionnelle de tous ces objets magdaléniens, montre les diversitésd’utilisation des « bâtons-percés ». Les angulations des perforations sont significatives du sensdes mouvements techniques appliqués. De même, l’analyse des modes de pressions, des usures,auxquels sont soumis ces outils composites et multitâches permet d’émettre de nouvelleshypothèses au sujet de certaines pratiques sociales coordonnées liées à la fabrication de cordesdont certaines laissent présager une progressive domestication des chevaux.

De toute évidence, le discernement des poignées de freins et des rouets à volant d’inertie dansles nomenclatures typologiques de la Préhistoire apporte une part décisive de compréhensiondans les technologies du Paléolithique. Ces deux nouveaux types d’outils sont à la base de la miseen évidence de révolutions techniques touchant les domaines de la chasse et d’une déclinaisonmonumentale des types de liens, des attaches, et des tressages qui ont permis d’envisager denouvelles perspectives dans la domestication animale.

Il n’est pas exclu que les formes d’épissoirs de certains bâtons-percés aient pu permettre deboucler des nœuds autour des arbres pour attacher provisoirement ces équidés. Ces types depoignées de frein se retrouvent dans la grotte du Placard (Charente), et dans les grottes d’ElCastillo et d’El Pendo (Espagne).

Christopher Kilgore confirma ses hypothèses dans un cours doctoral au département de Préhistoiredu MNHN (Kilgore, 2013). Plusieurs chercheurs préhistoriens comme Paul Bahn et Francescod’Errico, encouragèrent la démarche de sa pensée. Erik Gonthier (MNHN-UMR 7194) lui apportades compléments d’analyses au travers des descriptions techniques et certains modes opératoires. Leshypothèses suggèrent, à l’évidence, que ces bâtons-percés sont destinés à de nombreuses applicationsrelatives à la fabrication et à l’utilisation de cordages à partir de poils de crinières de chevaux.

Remerciements

Tous nos remerciements au Pr Brian Huberman, au Dr Albert Van Helden et au Dr SusanMcIntosh de la Rice University (Houston, Texas). Nos remerciements à William Steen (y),Conservateur, et à la Menil Collection (Houston, Texas) grâce à qui de nombreuses portes ont pus’ouvrir. Merci également au Dr Odile Romain pour son aide lors de la rédaction de cet article.Enfin, nous remercions Jean-Olivier Gransard-Desmond d’« Arkéotopia », Hélène Collet etJean-Marc Valère pour leur relecture avisée.

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