potenciele agronomique

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 Photo 1. Paysag e du terroir de Kinduala vu d’un bas-fond. Photo V. Freycon. Emilien Dubiez 1, 2 Timothée Y amba Y amba 1 Baby Mvolo 1  Vincent Freycon 2 1 Projet Makala 57, avenue des Sénégalais La Gombe, Kinshasa République démocratique du Congo 2 Cirad Upr Bsef 34398 Montpellier Cedex 5 France Perception locale des sols et de leur évolution dans des terroirs en cours de savanisation des populations Batandu en République démocratique du Congo  BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2014, N° 319 (1) 19 ETHNOPÉDOLOGIE / LE POINT SUR…

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Perception locale des sols etde leur évolution dans des terroirsen cours de savanisationdes populations Batanduen République démocratiquedu Congo

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  • Photo 1.Paysage du terroir de Kinduala vu dun bas-fond.Photo V. Freycon.

    Emilien Dubiez1, 2

    Timothe Yamba Yamba1

    Baby Mvolo1

    Vincent Freycon2

    1 Projet Makala57, avenue des SngalaisLa Gombe, KinshasaRpublique dmocratique du Congo

    2 CiradUpr Bsef34398 Montpellier Cedex 5France

    Perception locale des sols et de leur volution dans des terroirs

    en cours de savanisationdes populations Batandu

    en Rpublique dmocratique du Congo

    B O I S E T F O R T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 1 4 , N 3 1 9 ( 1 ) 19ETHNOPDOLOGIE / LE POINT SUR

  • RSUM

    PERCEPTION LOCALE DES SOLS ET DELEUR VOLUTION DANS DES TERROIRSEN COURS DE SAVANISATIONDES POPU-LATIONS BATANDU EN RPUBLIQUEDMOCRATIQUE DU CONGO

    Lagriculture dabattis-brlis, la produc-tion de bois nergie et labsence de ges-tion des cosystmes forestiers sont lorigine de la dgradation et de la sava-nisation progressive de ces espaces. Cesphnomnes ont accentu les processusdrosion dans les terroirs du village deKinduala. Ils ont galement conduit lespopulations modifier leurs pratiquesculturales en raison de la disparition pro-gressive des espaces forestiers au profitdes cultures sur savane. Lobjectif decette tude tait de caractriser la per-ception locale des sols (typologie, volu-tion) par les agriculteurs dun village dela population Batandu. Le temps deltude, il a t ralis deux runions vil-lageoises, 36 prlvements de sols desurface, 25 analyses physico-chimiqueset tudi un profil de sol. En observant lacouche superficielle du sol, les Batandudistinguent quatre types dhorizons(kanga, kibuma, nzielo, kiniengi) en fonc-tion de leur couleur, texture et leur faci-lit tre travaill lors des cultures. Ilsassocient prfrentiellement leurs cul-tures avec le kibuma et le kiniengi. LesBatundu sont conscients de lvolutionde la couche superficielle de leurs solssous linfluence des activits culturaleset des pluies. Cependant, ils ne peroi-vent pas clairement lvolution de leurssols sur une plus grande profondeur etson lien avec les processus drosion dessols en cours. Cette tude nous a permisdidentifier les connaissances des popu-lations, leurs limites, et de proposer unschma de processus drosion des sols.Pour freiner ce processus drosion dessols, des amliorations culturalesdevront tre intgres dans les Planssimples de gestion labors par lespopulations en complment des activitsde reboisement et de plantations agrofo-restires Acacia auriculiformis.

    Mots-cls: connaissance locale, classifi-cation, sols, ethnopdologie, rosion,savanisation, Batandu, Bas-Congo, Rpu-blique dmocratique du Congo.

    ABSTRACT

    LOCAL PERCEPTIONS OF SOILS ANDTHEIR GRADUAL TRANSFORMATIONINTO SAVANNAH IN BATANDU VILLAGELANDS IN THE DEMOCRATIC REPUBLICOF CONGO

    Slash-and-burn cultivation, firewood pro-duction and the lack of forest ecosystemmanagement are the main factors of thedegradation and gradual transformationof these village lands into savannah.Around the village of Kinduala, these fac-tors have accentuated erosion of its soils.They are also causing local communitiesto change their cropping methods as theirwoodlands gradually disappear and arereplaced by savannah crops. The aim ofthis study was to characterise perceptionsof soils (typology and evolution) amongfarmers in a Batandu village community.During the study, two village meetingswere organised, 36 surface soil sampleswere taken, 25 physico-chemical analy-ses were conducted and a soil profile wasinvestigated. When observing the surfacesoil layer, the Batandu distinguishedbetween four soil horizons (kanga,kibuma, nzielo and kiniengi) according tocolour and texture and how easily theycould be worked. The preferred soils forcrops were the kibuma and kiniengitypes. The Batandu are aware of changesin the surface layers of their soils that aredue to cultivation and rain. However, theydo not clearly perceive changes in theirsoils at greater depths, or how thesechanges are linked to ongoing soil ero-sion. Through this study, we were able toidentify local knowledge and its limita-tions and to develop a diagram of soilerosion processes. To slow down erosion,improved cultivation practices will needto be incorporated into simple manage-ment plans developed by the local com-munities to supplement reforestation andagro-forestry plantations of Acacia auri-culiformis.

    Keywords: local knowledge, classifica-tion, soils, ethnopedology, erosion,transformation into savannah, Batandupeople, Lower Congo, Democratic Repub-lic of Congo.

    RESUMEN

    PERCEPCIN LOCAL DE LOS SUELOS Y DE SU EVOLUCIN EN LAS TIERRAS EN PROCESO DE SABANIZACIN DEL PUEBLO BATANDU EN LA REPBLICADEMOCRTICA DEL CONGO

    La agricultura de tala y quema, la produc-cin de lea y la ausencia de gestin delos ecosistemas forestales son la causa dela degradacin y progresiva sabanizacinde estos espacios. Estos fenmenos hanacentuado los procesos erosivos en lastierras de la aldea de Kinduala. Tambinhan hecho que la poblacin modifique susprcticas de cultivo debido a la progresivadesaparicin de espacios forestales quehan ido transformndose en cultivos desabana. El objetivo de este estudio consis-ta en caracterizar la percepcin local delos suelos (tipologa, evolucin) por losagricultores de una aldea del pueblo delos Batandu. Durante este estudio, se rea-lizaron dos reuniones con los habitantes,36 muestreos de suelo de superficie, 25anlisis fsico-qumicos y el estudio de unperfil de suelo. Al observar la capa superfi-cal del suelo, los Batandu distinguen cua-tro tipos de horizontes (kanga, kibuma,nzielo y kiniengi) en funcin de su color,textura y facilidad de laboreo cuando secultivan. Sus cultivos suelen asociarse conel kibuma y el kiniengi. Los Batundu sonconscientes de la evolucin de la capasuperficial de sus suelos bajo la influenciade las actividades de cultivo y las lluvias.Sin embargo, no perciben claramente laevolucin de sus suelos ms all de lacapa superficial ni la relacionan con losprocesos activos de erosin de los suelos.Este estudio nos permiti identificar losconocimientos de la poblacin local y suslmites, as como proponer un esquemadel proceso de erosin de los suelos. Parafrenar dicho proceso, habr que integrarmejoras de cultivo en los Planes Simplesde Gestin elaborados por la poblacincomo complemento de las actividades dereforestacin y de las plantaciones agrofo-restales de Acacia auriculiformis.

    Palabras clave: conocimiento local, clasi-ficacin, suelos, etnoedafologa, ero-sin, sabanizacin, Batandu, Bas-Congo,Repblica Democrtica del Congo.

    E. Dubiez, T. Yamba Yamba, B. Mvolo,V. Freycon

    20 B O I S E T F O R T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 1 4 , N 3 1 9 ( 1 )FOCUS / ETHNOPEDOLOGY

  • B O I S E T F O R T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 1 4 , N 3 1 9 ( 1 ) 21ETHNOPDOLOGIE / LE POINT SUR

    Introduction

    En Rpublique dmocratique du Congo, la province duBas-Congo, situe au Sud de Kinshasa, est depuis longtempsune zone de production et dapprovisionnement de la capi-tale en divers produits vivriers et en bois nergie (BAMBA etal., 2008). Lexploitation rpte des ressources et labsencede gestion des ressources forestires tant par les commu-nauts locales que par les services tatiques ont conduit une dgradation des cosystmes forestiers, caractrisepar la disparition de certains biens et services (complmentsalimentaires, produits de pharmacope traditionnelle, dis-ponibilit en bois), par une savanisation du milieu et unebaisse de la fertilit des sols et des rendements des culturesagricoles. Il est donc ncessaire de mieux grer les espacesvillageois pour stopper cette dynamique de dgradation(DUBIEZ et al., 2012, 2013). Mobiliser les savoirs autoch-tones est alors une dmarche utile afin deproposer des solutions pouvant facilementtre appropries par les groupes cibles.

    Les agriculteurs du monde entier ontdvelopp des connaissances locales de leursol pour optimiser les productions et pourutiliser de manire raisonne le potentiel deleur terre. Lethnopdologie, discipline situe linterface entre les sciences naturelles etsociales, offre un cadre pour tudier cesconnaissances. Elle permet daborder la typo-logie locale des sols et de la comparer laclassification internationale, dapprhenderles concepts locaux de la qualit et de la fer-tilit des sols ainsi que de dterminer la com-prhension paysanne des processus de for-mation et dvolution des diffrents sols(BARRERA-BASSOLS, ZINCK, 2003; NIEMEI-JER, MAZZUCATO, 2003). Mobiliser la typolo-gie locale des sols permet damliorer lacommunication, de renforcer linteractivitentre les diffrents acteurs (paysans, scienti-fiques, agents de dveloppement) et demieux intgrer les connaissances localesdans les prises de dcision (KRASILNIKOV,TABOR, 2003). Plusieurs tudes ethnopdo-logiques ont permis de caractriser la percep-tion des sols des populations locales enAfrique (BARRERA-BASSOLS, ZINCK, 2003);mais aucune na encore t ralise enRpublique dmocratique du Congo.

    Lobjectif de cette tude tait de carac-triser la perception locale des sols par lesagriculteurs dun village de la populationBatandu situe dans la province du Bas-Congo, en Rpublique dmocratique duCongo. Les hypothses suivantes ont tretenues: il existe une bonne correspon-dance entre la typologie locale des horizonsde surface et leurs caractristiques physico-chimiques; les populations locales sontconscientes de lvolution de leurs sols.

    Matriels et mthodes

    Site dtude

    Le village de Kinduala se situe dans la province duBas-Congo, dans le district de la Lukaya, environ 10 km lEst (rive droite) de la rivire Inkisi, et 120 km au Sud deKinshasa (0507 Sud / 1509 Est) (figure1).

    La zone dtude est caractrise par un relief de col-lines et de petits plateaux dune altitude maximale de630m. Ce relief est entaill par des rivires situes vers500m daltitude, des zones de bas-fonds faisant la transi-tion entre les reliefs et les rivires (photo 1). Daprs la sta-tion mtorologique de lInstitut national dtudes et derecherches agronomiques (Inera) de Mvuazi, qui se situe environ 30 km de la zone dtude, les prcipitationsannuelles moyennes (priode de 1999 2008) sont de

    Figure 1.Carte de localisation de la zone dtude.

  • 1610 190 mm (moyenne cart-type), et la tempratureannuelle moyenne est de 25C (WAMUINI LUNKAYILAKIO,2010). Le climat de la province du Bas-Congo est du typeAw4 suivant la classification de Kppen (BULTOT, 1950),cest--dire un climat tropical humide, avec deux saisons :une saison sche (mi-mai mi-septembre) et une saisondes pluies (mi-septembre mi-mai).

    La zone se trouve sur deux principales formations go-logiques (LADMIRANT, 1971) : formation du soubassement, constitue de roches schisto-grseuses du prcambrien de la srie de Inkisi-Mpioka(schistes, grs, quartzites); formation de couverture, constitue de sables de recouvre-ment du plio-plistocne.

    Les sols de la zone dtude correspondent des Haplic Acrisols et des Ferralic Arenosols(JONES et al., 2013).

    La vgtation est constitue de savanes(formations herbeuses et arbustives ex.Hymenocardia acida - guino-congolaise), decultures et despaces relictuels forestiers. Parmices espaces relictuels forestiers, se distinguentdes sites danciens villages prservs (Voka dimfinda), des jachres forestires mises endfens (Nkunku) (NSIMUNDELE NKONDO et al.,2010) et des ripisylves (Tanga). Depuis 17 ans,la rpartition entre ces diffrentes formations abeaucoup volu, avec comme tendance unequasi-disparition des espaces forestiers auprofit du complexe savanes, champs, brlis.Ce complexe occupait 55% du terroir en 1995 et91,3% en 2012. Cette anne, le reste de lasuperficie tait occup par les forts dgrades(5,4%) et les jeunes jachres (3,3%) (LAVIS,2012; BOULOGNE, 2012) (figure 2).

    La population du village de Kinduala faitpartie du groupe ethnolinguistique des Batandu.Lorganisation sociale est structure successive-ment autour des chefs de famille regroups enlignes, et des lignes regroupes en clans quiforment une communaut de rsidence (villageadministratif). La proprit du sol est collectiveet sous gestion du chef de ligne dans le terroirdont il est le garant. Kinduala, il existe troislignes, le finage tant divis en terroirs entreces lignes (VERMEULEN et al., 2011).

    Lagriculture constitue lactivit principale dela population. Les cultures principales sont lemanioc, la patate douce, larachide, les haricots etle mas, pratiques en savane. Quelques champssont installs dans les anciens villages domi-nance de palmier (Voka di maba) pour rechercherde meilleurs rendements. En zone de bas-fond, ontrouve des potagers constitus de tomates,doseille, de piments, daubergines travaillspendant la saison sche. Ces cultures sont prati-ques en billons, sans rotation culturale, sur dessuperficies denviron un hectare par mnage. Ladure des jachres est gnralement de 3 ans.

    Perception locale des sols par des runions villageoises

    Deux runions collectives ont t organises avec cha-cune des deux premires lignes du village de Kinduala. Lapremire runion a eu lieu le premier jour, avec septhommes de la premire ligne et la seconde runion le troi-sime jour, avec six hommes, et trois femmes de ladeuxime ligne. Des questions ouvertes ont t posesaux participants afin de caractriser: la dnomination enKitandu des grands types de sols prsents sur le terroir; larpartition spatiale des sols; les cultures associes auxtypes de sols; la perception par les villageois des processusdvolution des sols au cours du temps.

    0%

    10%

    20%

    30%

    40%

    50%

    60%

    70%

    80%

    90%

    100%

    1995 2001 2005 2012

    savane/cultures/brlis

    jeune jachre

    ancienne jachre

    fort dgrade

    2

    2-BF 2

    2

    2

    2

    2

    2 2

    2

    4-BF

    4 4

    4

    4

    1

    1 1 1

    1

    3

    3-BF 3

    3

    3

    Figure 2.Graphique prsentant lvolution des tats de surface dansle finage du village de Kinduala entre 1995 et 2012(BOULOGNE, 2012).

    Figure 3.Rpartition des types dhorizons sur les transects.1 = kanga ; 2 = kibuma ; 3 = kiniengi ; 4 = nzielo; BF = bas-fonds. Les altitudes proviennent dune image satellite radarSRTM 90 m de rsolution.

    22 B O I S E T F O R T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 1 4 , N 3 1 9 ( 1 )FOCUS / ETHNOPEDOLOGY

  • B O I S E T F O R T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 1 4 , N 3 1 9 ( 1 ) 23ETHNOPDOLOGIE / LE POINT SUR

    tude des sols sur le terrain et au laboratoire

    Avec un ou deux villageois rfrents, cest--direreconnus par les membres des lignes pour bien connatreles sols, il a t parcouru trois transects dans le terroir de lapremire ligne et un transect dans le terroir de la deuximeligne (figure 3). Sur ces transects, 36 arrts ont t rali-ss, le critre darrt tant lobservation dun sol diffrentde celui associ larrt prcdent. chaque arrt, ont trelevs la position gographique, la position topogra-phique, la pente, le type de vgtation et le type de sol. Enpratique, le type de sol a t identifi par le villageois rf-rent et provenait dune observation de la terre sur unecouche denviron 20 cm de profondeur, correspondant lacouche travaille par un paysan avec sa houe. Suivant lho-mognit de cette couche, le villageois a alors identifi,pour 25 arrts, des profils de sol constitus dun seul hori-zon et, pour 11 arrts, des profils de sol constitus de lasuperposition de deux horizons (horizon de surface et hori-zon subsuperficiel). En parallle, chaque arrt, a t pr-lev un chantillon de sol de surface [0-20 cm] laidedune tarire, et sa couleur a t note avec une charteMunsell.

    Finalement, en se focalisant seulement sur les profilsconstitus dun seul horizon, 25 chantillons de sol ont tanalyss en laboratoire (Cirad, Montpellier) pour dterminerleur granulomtrie, pH eau, teneur en carbone organique,en azote et en phosphore disponible (mthode Bray2) etleur complexe dchange pH 7 (mthode Metson): capa-cit dchange cationique, somme des bases changeableset taux de saturation. Les moyennes et carts-types ont tcalculs pour ces paramtres physico-chimiques par typedhorizon. Par des rgressions linaires, ont t aussi tu-

    dies les relations entre la teneur en carbone organique, quijoue un rle central dans la fertilit du sol des agrosystmesdAfrique tropicale, et la teneur en argile + limons fins etla clart (Value du code Munsell) de lhorizon. Enfin, on acreus jusqu 1,40 m une fosse dont lhorizon de surfacetait considr comme le plus frquent sur le terroir. Elle at ouverte dans une jachre sur savane ( 6 ans) qui asuivi danciennes cultures installes sur des billons paral-lles la pente. Sur le profil correspondant, le villageoisrfrent de la premire ligne a rattach les horizons de ceprofil aux horizons identifis lors des transects.

    Rsultats

    Perception locale des sols

    Les grands types dhorizonsLes villageois ont distingu, en langue Kitandu, quatre

    grands types dhorizons: kanga, kibuma, kiniengi et nzielo(photo 2). Ils ont diffrenci ces horizons suivant la texture,la couleur et la facilit tre travaill au cours des activitsculturales. Le kanga, dont la traduction est argile, lieustrile ou dsert, est un horizon dur travailler en sai-son sche et collant en saison des pluies. Il est caractrispar une couleur jaune ou rouge. Le kibuma, signifiant fer-tilit , est un horizon noir constitu de petites boules unpeu dures. Il prsente deux sous-types: le kibuma desVoka (ancien village forestier), une terre lgre et facile travailler la fois en saison sche et en saison des pluies,mais collant un peu en saison des pluies; et le kibuma desbas-fonds, difficile travailler, collant en saison des pluieset se fissurant en saison sche. Le nzielo, terme sans tra-duction connue, est un horizon sableux de couleur beige surles plateaux et blanche en bas-fonds. Le kiniengi est unhorizon de mlange, un peu de nzilo, un peu dekibuma , lger, ressemblant au sable, facile travailler etne collant pas la houe. Il peut tre de couleur blanche oubien noir-chocolat.

    La charte Munsell a permis de prciser la couleur desquatre horizons. Tous les chantillons de sol, quel que soitlhorizon, avaient la mme teinte de base (Hue = 10YR),sauf un kibuma de bas-fonds (Hue = Gley1). Les trois hori-zons de bas-fonds se distinguent nettement de ceux dessols de terre ferme par leurs valeurs de clart (Value)extrmes, noire pour le kiniengi (Value = 2) et le kibuma(Value = 2,5), ou blanche pour le nzilo (Value = 6). Pour lessols de terre ferme, la couleur a permis de bien distinguer lekanga (en majorit 10YR5/6, brun-jaune) des trois autreshorizons. Le kibuma prsente la plus grande gamme de cou-leurs, contrairement au nzielo qui a une couleur constante(10YR3/2, brun-gris trs sombre) (tableau III).

    Les profils de solsEn plus des quatre grands types dhorizons, les villa-

    geois ont identifi sur le terrain 6 profils de sol diffrents surles 20 premiers centimtres constitus de la superpositiondun horizon de surface (suprieur) et dun horizon subsu-perficiel (infrieur). Toutes les superpositions dhorizons

    Photo 2.Quatre grands types de sols identifis par les Batandus.Photo V. Freycon.

  • thoriquement possibles nont pas t trouves (tableau I).Par exemple, le kanga ne se trouve jamais au-dessus dunautre horizon. Il faut noter ici aussi que le kiniengi est tou-jours au-dessus dun autre horizon. Le profil de sol tudijusqu 1,40 m sur a priori le sol le plus rpandu du terroirconfirme ces superpositions dhorizons. Le villageois rf-rent a identifi sur ce profil une superposition de trois hori-zons: kiniengi, kibuma puis kanga (photo3). Il a t notquelques caractristiques de ces horizons. Lhorizon de sur-face kiniengi a une paisseur qui varie entre 3 cm (inter-billon) et 20 cm (billon). Il est brun olive clair (2,5Y5/3), aune texture sableuse et est constitu dun mlange de struc-tures particulaire et agrgative. Lhorizon kibuma (3/20 50 cm) est brun (10YR4/3) brun-jaune sombre (10YR4/4),a une texture sablo-argileuse argilo-sableuse et une struc-ture agrgative. Au niveau de linter-billon, l o lhorizonsus-jacent kiniengi est peu pais (< 5 cm), la partie sup-rieure de lhorizon kibuma est dure et compacte. Lhorizonkanga (50-140 cm) est brun fort (7,5YR5/6 7,5YR5/8), aune texture argilo-sableuse et une structure agrgative.

    Rpartition des horizons de surface par rapport la topographie

    Les observations montrent que la rpartition spatialedes horizons de surface dpend de la topographie (donnesnon montres) et de la pente (figure 4). Dans les bas-fonds,le kanga est absent contrairement aux trois autres horizons.Sur les interfluves, le kanga est prsent principalement mi-versant (entre 20% et 30%). Le kibuma est prsent duhaut de versant jusquau bas de versant, sur les pentes fai-bles et moyennes, comprises entre 2% et 20%. Le kiniengiest aussi prsent sur ces mmes positions topographiquesmais de prfrence sur des pentes faibles infrieures 10%. Le nzilo a une rpartition homogne puisquil estprsent sur plateau sur des pentes faibles infrieures ougales 5%.

    Horizons et culturesLa mise en vidence des relations entre culture et hori-

    zon fait apparatre des sols pouvant accueillir toutes les cul-tures localement cultives ou aux capacits plus rduites(tableau II).

    Tableau I.Superpositions dhorizons trouves le long des quatre transects.

    au-dessous de Horizon suprieur de surfacekanga kibuma kiniengi nzilo

    Horizon infrieursubsuperficiel kanga 3 3

    kibuma 1 2

    kiniengi 1

    nzilo 1

    Tableau II.Relation entres les horizons et les cultures dcrites par deux des trois lignes du village de Kinduala(DUBIEZ et al., 2013).

    Type dhorizon kanga kibuma kiniengi nzieloPrincipales cultures Ligne 1 Ligne 2 Ligne 1 Ligne 2 Ligne 1 Ligne 2 Ligne 1 Ligne 2

    Arachide

    Haricot en grain

    Mas

    Manioc

    Nib

    Patate douce

    Tomate

    24 B O I S E T F O R T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 1 4 , N 3 1 9 ( 1 )FOCUS / ETHNOPEDOLOGY

  • Les horizons prfrs pour lensemble des culturessont le kibuma et le kiniengi. Toutes les cultures peuventtre installes sur le kibuma. Sur le kiniengi, seule la culturedes patates douces nest pas pratique. Les horizons lesmoins valoriss sont le kanga et le nzilo. Les pratiques cul-turales peuvent tre modifies en fonction de la saison. Ensaison des pluies, les agriculteurs prfrent installer leurscultures sur les pentes ou le plateau prsentant un bon drai-nage en raison de la texture plus sableuse des horizonskiniengi et nzilo. En saison sche, les agriculteurs cultiventdans les bas-fonds pour de la production marachre.

    Analyses physico-chimiques des grands types dhorizons

    Les analyses granulomtriques ont permis de classerles horizons en fonction de leur teneur en argile (tableauIII): le kanga est le plus argileux (22%), le kiniengi et lenzilo sont les moins argileux (respectivement 11% et 8%),tandis le kibuma est intermdiaire (16%).

    Les diffrents horizons ne se distinguent pas demanire significative pour la majorit de leurs caractris-tiques chimiques (tableau III). Seul le kibuma a une sommedes bases changeables significativement plus leve queles autres horizons.

    Pour lensemble des horizons, il nexiste pas de rela-tion entre carbone et argile + limons fins (R2 = 0,09;figure 5), contrairement ce que lon observe classique-

    ment pour les horizons de surface (FELLER et al., 1991). Cersultat masque diffrents comportements entre horizons:le kanga a une faible teneur en carbone par rapport sateneur en argile, la relation entre ces deux paramtres tantquasi nulle; le kibuma prsente une grande variabilit; leshorizons de bas-fonds et celui du voka (ancien village fores-tier), quel que soit le type dhorizon, prsentent une relationquasi parfaite. Pour lensemble des horizons, on observeune relation ngative entre le carbone et la clart (R2 =0,24): la teneur en carbone diminue quand lhorizonsclaircit. Finalement, la combinaison de la texture et de laclart permet dexpliquer 27% (R2 ajust) de la variabilitde la teneur en carbone.

    B O I S E T F O R T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 1 4 , N 3 1 9 ( 1 ) 25ETHNOPDOLOGIE / LE POINT SUR

    Kanga (n = 5)

    Kibuma (n = 10) Kiniengi (n = 5)

    Nzilo (n = 5)

    0

    5

    10

    15

    20

    25

    30

    35

    Pent

    e (%

    )

    0

    1

    2

    3

    4

    0 10 20 30 40 50

    Argile + limons fins (%)

    Carb

    one

    orga

    niqu

    e (%

    )

    Kanga Kibuma Kiniengi Nzilo

    BF

    BF

    BF

    Voka

    R 2 = 0,09 Photo 3.Profil de sol kiniengi-kibuma-kanga.Photo V. Freycon.

    Figure 4.Rpartition des horizons de surface en fonction de la pente.

    Figure 5.Relation entre le carbone organique et les lments finsminraux (argile + limons fins) dchantillons de surface [0-20 cm].

  • Perception de lvolution des horizons de surface et de lenvironnement

    Les villageois constatent que lhorizon de surface volueau cours du temps sous linfluence des activits anthropiqueset de la pluie: aprs avoir coup la fort, le kibuma devientplus lger et moins brun; le kibuma cultiv trop longtemps sedgrade en nzilo. Au cours de fortes pluies, le nzilo du pla-teau peut tre emport et se dposer en aval sur un kibuma. Lekanga, suite des travaux agricoles, peut devenir un kiniengi.

    Des modifications ont galement t observes ensavane en labsence dactivit pendant 5 10 ans, la terrejaune devenant noire surtout en labsence de feu parcou-rant la savane.

    Plus gnralement, les villageois constatent que leurenvironnement volue et affecte leur mode de vie: baisse desrendements des cultures, tarissement des sources au fond desvallons, rosion et creusement de la piste, etc. (photos 4 et 5).

    Discussion

    Critres utiliss dans la perception locale des sols

    Lobjectif de la prsente tude tait de caractriser laperception locale des sols par les villageois de Kinduala,qui font partie du groupe ethnolinguistique des Batandu.Ces villageois Batandu peroivent le sol travers la couchesuperficielle de terre denviron 20cm de profondeur travail-le la houe pour raliser leurs cultures sur billons.Dautres populations peroivent aussi le sol travers uni-quement sa couche superficielle (NIEMEIJER, MAZZUCATO,2003; BAUTISTA, ZINCK, 2010; NETHONONDA, ODHIAMBO,2011). Cela rend alors illusoire de vouloir rattacher cetteperception locale une classification internationale qui estbase sur des profils de sols dau moins 120cm de profon-deur (HABARUREMA, STEINER, 1997).

    Les Batandu ont identifi quatre types dhorizons,kibuma, kanga, kiniengi et nzilo, en fonction de trois cri-tres principaux: la couleur de lhorizon, sa texture et safacilit le travailler lors de la mise en culture. Daprs lasynthse bibliographique de BARRERA-BASSOLS et ZINCK(2003) qui portait sur 62 groupes ethniques, la couleur et latexture sont des critres trs utiliss (respectivement 100%et 98% des cas) pour caractriser diffrents sols, aucontraire de la facilit de travail (environ 17% des cas). Lespopulations Batandu ont aussi utilis parfois deux autrescritres cits par BARRERA-BASSOLS et ZINCK (2003): latopographie (par exemple, le nzilo est prsent principale-ment sur les plateaux)et la structure de lhorizon (par exem-ple, le kibuma est form de petites boules un peu dures,qui correspondent des agrgats). Au final, les Batandu uti-lisent au maximum cinq critres pour diffrencier les hori-zons. Cest peu puisque BARRERA-BASSOLS et ZINCK (2003)indiquent que plus de 56% des groupes ethniques utilisententre 8 et 14 critres. Le faible nombre de critres utilisspar les Batandu pour caractriser les horizons pourrait sex-pliquer par la faible variabilit des horizons prsents dansce terroir, dune superficie de 590 hectares, qui est caract-ris par un model assez simple.

    Tableau III.Caractristiques physico-chimiques des diffrents types dhorizons de surface [0-20 cm].

    Type Nombre pH eau Teneur Teneur Teneur Phosphore CECb Sc TS Munselldhorizon dchantillons en argile en carbone en azote disponiblea (cmol+/kg) (cmol+/kg) (%) clart (Value)

    analyss (%) (%) () (ppm)

    Kanga 5 4,8 ( 0,1) a 22 ( 2) c 0,7 ( 0,1) a 0,4 ( 0,1) a 2,3 ( 0,4) a 2,8 ( 0,6) a 0,2 ( 0,1) a 7 ( 3) a 4,8 ( 0,4) b

    Kibuma 10 5,1 ( 0,3) a 16 ( 4) b 1,9 ( 1,2) a 1,1 ( 0,7) a 9,7 ( 8,0) a 6,3 ( 3,8) a 1,3 ( 0,8) b 22 ( 12) a 3,2 ( 1,4) a

    Kiniengi 5 4,9 ( 0,2) a 11 ( 5) a 1,5 ( 0,9) a 0,8 ( 0,7) a 8,7 ( 4,2) a 4,3 ( 2,5) a 0,5 ( 0,5) a 11 ( 5) a 3,0 ( 0,0) a

    Nzilo 5 4,8 ( 0,2) a 8 ( 5) a 1,0 ( 0,5) a 0,5 ( 0,3) a 9,2 ( 5,3) a 3,2 ( 1,8) a 0,4 ( 0,2) a 19 ( 18) a 3,0 ( 0,0) a

    a Mthode Bray2. b Mthode Metson (actate dammonium, pH 7). c Somme des bases changeables (Ca + Mg + K + Na).Les teneurs en matire organique (MO) peuvent tre dduites de la teneur en carbone organique (C) par la relation MO = 1,72 x C.Les trois chantillons de bas-fonds nont pas t inclus dans lanalyse de la teinte de base Hue de la couleur.

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    Photo 4.Le sol est nu et les billons sont parallles la pente, deuxfacteurs qui favorisent lrosion hydrique. Au premier plan, est observable une termitire dans un kiniengi rvlant la prsence du kanga en profondeur.Photo V. Freycon.

  • Correspondance entre la typologie locale des horizons,leurs caractristiques physico-chimiques et les cultures

    En dbut dtude, il avait t suppos quil existait unebonne correspondance entre la typologie locale des hori-zons et leurs caractristiques physico-chimiques. Cettehypothse nest que partiellement vrifie. En effet, les ana-lyses granulomtriques confirment bien les diffrences detexture perues par les villageois entre les diffrents hori-zons, opposant par exemple le kanga argileux aux nzilo etkiniengi sableux (tableau III). Par contre, les analyses chi-miques ne confirment pas que le kibuma et, un degrmoindre, le kiniengi ont de meilleures aptitudes pour lescultures que les autres horizons, comme cela a t perupar les villageois (tableaux II et III). En effet, parmi tous lesparamtres analyss (pH, carbone organique, azote, etc.),seule la somme des bases changeables du kibuma estplus leve que celle des autres horizons. Ce rsultat estcontradictoire avec celui de DAWOE et al. (2012) qui ontmontr, au Ghana, une bonne correspondance entre laconnaissance locale par des fermiers de leurs sols et leurscaractristiques chimiques. En revanche, il est cohrentavec le fait que la fertilit et la productivit des culturesnaient pas t des critres cits par les villageois pour iden-tifier les quatre types dhorizons. Cela suggre que des cri-tres tels que la texture, la couleur, la facilit travailler lesol et/ou la rserve en eau dun sol sont perus comme plusimportants que les caractristiques chimiques pour dfinirla qualit dun horizon et son aptitude aux cultures.

    Ce point est confirm par les associations entre hori-zons et cultures qui ont t cites par les villageois. Leshorizons kibuma et kiniengi, dcrits par les villageoiscomme de couleur sombre, donc ayant tendance tre plusriches en matire organique, sont prfrentiellement asso-cis lensemble des cultures. De plus, les horizons kibuma

    et kanga, dune texture plus argileuse que leskiniengi et nzilo, ont t associs la culture de lapatate douce. Remarquons que ce rsultat estcontradictoire avec celui de NETHONONDA etODHIAMBO (2011) puisque ces auteurs ont trouvque la patate douce tait prfrentiellement cultivesur les sols sableux plutt quargileux.

    Une volution des sols perue partiellement et non relie lrosion

    La seconde hypothse tait que les popula-tions locales sont conscientes de lvolution deleurs sols. Cette hypothse est vrifie partiellementpuisque les villageois constatent que la couchesuperficielle du sol volue avec le temps en fonctiondes activits anthropiques et des pluies. Cette vo-lution peut tre modre (par exemple, un kibumachange de couleur) ou plus importante (par exem-ple, un kanga se transforme en un kiniengi). Les vil-lageois sont conscients de cette volution parceque, en se focalisant sur la couche superficielle dusol, cela favorise une bonne comprhension de ladynamique dun sol (NIEMEIJER, MAZZUCATO,

    2003). Par contre, ils ne peroivent pas clairement, dunepart, que leurs sols voluent aussi avec le temps sur uneplus grande profondeur et, dautre part, que cette volutionest relier avec les processus drosion qui sont en courssur ce terroir : prsence de rigoles drosion, transfert deterre de lamont vers laval. Cet cueil provient certainementde la non-prise de conscience que lon puisse retrouver lasurface du sol un kanga, un horizon que nous considronscomme tant typique dun horizon de profondeur. En effet,les kanga prsentent une trs faible relation entre carboneorganique et argile + limons fins (figure 5), ce qui esttypique des horizons de profondeur (ZINN et al., 2005).Cette remonte la surface du sol dun horizon de pro-fondeur, observe prfrentiellement sur les pentes fortes,les plus sujettes lrosion, nous conduit alors relierlvolution des sols du terroir de Kinduala avec les proces-sus drosion en cours observs par les villageois.

    Proposition dun schma drosion des sols

    La rpartition des horizons de surface en fonction despentes, les superpositions dhorizons, leurs caractris-tiques physico-chimiques et la remonte la surface dukibuma, horizon de profondeur, donnent des pistes quiconvergent sur la nature de ces horizons et leurs relations.Plus prcisment, lhypothse est formule que le kibuma,horizon structure agrgative, est un horizon de surfacetypique. Cest un tmoin de la prsence dune anciennefort. Il est encore prsent sur les pentes moyennes fai-bles, les moins sujettes lrosion hydrique; le kiniengi,horizon sableux trouv sur toutes les positions topogra-phiques, provient de la transformation dhorizons plus argi-leux (kibuma, kanga) due la pratique des billons. En effetYEMEFACK et al. (2004) avaient montr, au Cameroun, uneperte des matires les plus fines (argile) lors des pratiques

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    Photo 5.Creusement de la piste, deux mtres en dessous des champs, qui illustre lrosion hydrique.Photo V. Freycon.

  • culturales; le kanga, horizon le plus argileux, est un horizontypique de profondeur, que lon retrouve la surface du solsur les pentes les plus fortes, suite un processus drosioncomplet de lhorizon kibuma ; le nzilo, horizon sableuxtrouv principalement sur les plateaux, est associ la for-mation gologique de couverture, constitue de sables.

    Finalement, les rsultats de ltude permettent de pro-poser un schma dun processus drosion des sols quirelie les diffrents horizons de surface trouvs sur le terroir(figure 6). Ce schma devra tre valid par une tude ult-rieure plus complte (description de profils de sols dansdautres zones du terroir).

    Conclusion

    Cette tude a mis en vidence que lespopulations Batandu du village de Kindualadistinguent dans leur terroir quatre horizonsde surface suivant cinq critres, dont lesprincipaux sont la couleur, la texture et lafacilit de travailler le sol. Ltude rvle unebonne correspondance entre cette typologielocale des horizons de surface et leur granu-lomtrie mais une mauvaise correspondanceavec leurs caractristiques chimiques. Cespopulations peroivent bien lvolution de lacouche superficielle de leurs sols en fonctiondes pratiques humaines (dforestation,rduction du temps de jachre). Par contre,elles ne peroivent pas clairement lvolu-tion de leurs sols sur une plus grande pro-fondeur et son lien avec les processus dro-sion des sols en cours. Il est recommandque cette typologie locale des sols soitutilise lors de lactualisation des Plans sim-ples de gestion pour intgrer la gestion de lafertilit des sols dans lamnagement desterroirs villageois. Des activits complmen-taires aux activits de boisement/reboise-ment devront tre proposes (photo 6).Lassociation de plantes de couverture auxcultures et linstallation des billons dans lesens perpendiculaire de la pente sont despratiques agricoles pouvant apporter desrponses simples et concrtes aux enjeux degestion de la fertilit des sols. Avant de pro-poser des solutions techniques adquates, ilsera ncessaire de faire prendre conscienceaux groupes cibles du processus drosionen cours dans leurs terroirs et de son impactsur les sols. Scientifiquement, il serait int-ressant dapprofondir ce travail en tudiantle lien entre lrosion des sols et la perte dela fertilit des sols pour renforcer la compr-hension des processus et proposer des solu-tions adquates.

    RemerciementsLtude a t ralise au sein du projet UE Makala Grerdurablement la ressource bois nergie, EuropeAid DCI-ENV/2008-151-384 (http://makala.cirad.fr). Les auteursremercient lensemble des habitants du village de Kindualasans qui ce travail naurait pu aboutir, ainsi que deux relec-teurs anonymes qui, par leurs commentaires pertinents, ontpermis damliorer cet article, et N. Fauvet pour la ralisa-tion de la figure 3.

    Kibuma

    Kanga Mas, manioc

    Kiniengi

    Fort

    (i) (ii) (iii)

    Figure 6.Schma illustrant le processus dvolution des sols.

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    Photo 6.Acacia auriculiformis plants dans un champ de manioc.Photo R. Peltier.

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