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Tiers secteur et changement social durable : les nouvelles frontières de la recherche ISTR EMES Barcelone 9-12 juillet 2008 Résumé de la communication Axe : Etat-Providence, Libéralisation et Tiers secteur. Gouvernance territoriale des politiques sociales en Europe et place pour les organisations de l'ESS : regards croisés sur les services de care Territorial governance of social policies in Europe : which role of NPO’s in the evolutions of care services ? Francesca Petrella et Nadine Richez-Battesti LEST, Université de la Méditerranée Contacts Francesca Petrella LEST Avenue Jules Ferry, 35 13626 Aix-en-Provence Cedex 01 Tél : 04 42 37 85 35 / Fax : 04 42 26 79 37 E-mail : [email protected] Nadine Richez-Battesti Lest et 11 rue Rodolphe Pollak 13001 Marseille 04 91 54 13 31 Email : [email protected] 1

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Page 1: Petrella.francesca (1)

Tiers secteur et changement social durable : les nouvelles frontières de la recherche

ISTR EMES

Barcelone 9-12 juillet 2008

Résumé de la communication

Axe : Etat-Providence, Libéralisation et Tiers secteur.

Gouvernance territoriale des politiques sociales en Europe et place pour les

organisations de l'ESS : regards croisés sur les services de care

Territorial governance of social policies in Europe : which role of NPO’s in the

evolutions of care services ?

Francesca Petrella et Nadine Richez-Battesti

LEST, Université de la Méditerranée

Contacts

Francesca Petrella LEST Avenue Jules Ferry, 35 13626 Aix-en-Provence Cedex 01 Tél : 04 42 37 85 35 / Fax : 04 42 26 79 37 E-mail : [email protected]

Nadine Richez-Battesti Lest et 11 rue Rodolphe Pollak 13001 Marseille 04 91 54 13 31 Email : [email protected]

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Gouvernance territoriale des politiques sociales en Europe et place pour les

organisations de l'ESS : regards croisés sur les services de care

Francesca Petrella et Nadine Richez-Battesti

LEST, Université de la Méditerranée

Résumé

Avec la crise des différents régimes d’État-Providence, la multiplication des niveaux

d’initiatives, du local à l’Europe, la redéfinition de l’action publique et les impératifs de

modernisation, les questions de gouvernance ont envahi les réflexions sur la gestion des

organisations et la conduite des politiques publiques. S’intéresser à la gouvernance exprime la

volonté de renforcer l’efficacité des politiques mises en œuvre, mais surtout d’introduire un

nouveau balancement dans la production de l’intérêt général. Sans entrer dans les débats, nous

la caractérisons comme l’ensemble des interactions entre une diversité d’acteurs publics et

privés dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques afin d’atteindre des

objectifs communs de réalisation de l’intérêt général (Enjolras, 2005 ; Le Galès, 1998). La

gouvernance reflète ainsi un changement dans les formes de l’action collective. Elle permet

aussi de rendre compte de la complexité des emboîtements entre différents niveaux de

décision (horizontaux et verticaux) que le terme de poly-gouvernance (Eme, 2005) s’efforce

de qualifier.

La gouvernance apparaît enfin comme une voie d’entrée possible sur la question de légitimité

des politiques sociales en permettant d’aborder conjointement les nouveaux arrangements

productifs, territoriaux et partenariaux en réponse aux différents niveaux de contraintes et aux

transformations socio-démographiques. On est ici au cœur des transformations de l’Etat-

Providence et des politiques de rationalisation de l’intervention publique et d’assainissement

des finances publiques qui les caractérisent. Les travaux portant sur le Welfare mix et le

Welfare pluralism (Evers, Svetlik, 1993 ; Esping-Andersen, 1999 ; Ascoli, Ranci, 2002,

Pestoff, 2005) font état des différentes modalités de combinaison des sources de protection

contre le risque ou des formes de solidarité. De telles analyses renforcent donc les réflexions

sur la coordination et sur le pilotage et la prise de décision.

En termes de légitimité, l’intervention de nouvelles parties prenantes dans la production de

services sociaux et notamment de services du care et le développement d’une quasi-

concurrence dans l’offre de services, l’évolution des processus décisionnels avec le

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renforcement potentiel des pratiques participatives plus ou moins instituées ainsi que la

territorialisation des dynamiques de fabrique des services de care sont autant de paramètres

qui viennent ré-interroger la légitimité des politiques sociales et notamment des politiques de

care. Ces transformations, non stabilisées, s’apparentent à des bricolages territorialisés, qui

confèrent à l’échelon local une fonction de laboratoire. Ainsi, sur la scène locale, se

confrontent des politiques de différents niveaux et des acteurs institutionnels hétérogènes qui

sont plus ou moins impliqués dans le débat sur le choix du mode de production et

d’organisation des service de care ainsi sur le mode de coordination des décisions.

Dans ces dynamiques qui se jouent dans l’espace local, la proximité apparaît comme source

de légitimité renouvelée pour les politiques sociales locales et les réformes en cours. A partir

des travaux des économistes de proximité (Pecqueur, Zimmermann, 2004) on distingue trois

formes de proximité.

La proximité géographique s’exprime à travers les opportunités de rencontre et de

confrontation entre les différentes parties prenantes des services de care, et la meilleure

connaissance des besoins que la faiblesse des distances introduit. La légitimité repose ainsi

sur le principe de l’adaptation aux besoins locaux et donc aux transformations socio-

démographiques.

La proximité organisationnelle concerne la capacité des acteurs publics, d’une part à favoriser

les échanges d’information entre les parties prenantes de l’offre ainsi qu’avec les usagers ;

d’autre part à organiser l’offre de services de care en lien avec des arbitrages en termes de

justice sociale (l’accessibilité des services ou encore le libre choix des individus….), de

régulation de la complémentarité ou concurrence entre les services et enfin d’efficacité des

services offerts. La légitimité repose alors sur la capacité des acteurs publics à structurer

l’offre de services de care au regard de leurs différents objectifs, dans le cadre d’arrangements

productifs locaux.

La proximité institutionnelle s’exprime dans la capacité des différents acteurs, et notamment

de l’acteur public à développer une forme particulière de participation dans l’élaboration et la

production de l’offre de services de care. La légitimité est alors issue du compromis

susceptible d’émerger sur les modalités de la participation qui, selon les types de

gouvernance, vont de la démocratie représentative à la délégation, voire à la démocratie

participative, en lien avec l’action militante et citoyenne d’acteurs sur des projets originaux.

Au sein des politiques sociales, les services de care, tels que les services d’aide aux personnes

âgées et les services d’accueil de la petite enfance, sont particulièrement significatifs des

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réformes des Etats-Providence et des nouvelles formes de gouvernance qui y sont introduites.

Ces deux champs de services concernent également des questions au cœur de la Stratégie de

Lisbonne, telles que la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, l’articulation

entre aides formelle et informelle ou l’égalité entre les genres.

Dans cette perspective, l’objet de cet article est d’analyser les effets de la « territorialisation »

des politiques sociales et de la multiplication des partenariats locaux, en mettant en évidence

l’hétérogénéité des processus de structuration des ordres locaux et des dynamiques

participatives. En effet, avec le mouvement de décentralisation des compétences, on repère

des modalités de gouvernance fortement territorialisées.

Nous nous appuyons sur les résultats de recherches sur la petite enfance et sur l’aide aux

personnes âgées dépendantes menées dans plusieurs pays européens : la recherche européenne

TSFEPS (Transformations des structures familiales et des politiques sociales : le cas des

jeunes enfants)1; celle sur les modes de gouvernance locale de la petite enfance dans trois

territoires français (Fraisse, Lhuillier, Petrella, 2007b) et différents travaux de recherche sur

les évolutions dans la régulation de l’Etat-Providence (Richez-Battesti, 2005 ; 2006 ; 2008 ;

Richez-Battesti, Petrella, Priou, 2006). Une mise en perspective est réalisée avec d’autres

recherches menées sur l’aide aux personnes âgées dans différents européens (notamment Le

Bihan, Martin, 2003 ; Laville, Nyssens, 2001). Elles ont en commun de reposer sur des

enquêtes de terrain, principalement centrées sur des études de cas locales et un recueil

d’information qui croise entretiens qualitatifs et approfondissement des contextes et des

transformations institutionnelles.

Notre article est structuré comme suit. Dans une première partie, nous replaçons les

évolutions de la gouvernance de ces services au sein des transformations des régimes d’Etat-

Providence. Nous y ajoutons une analyse en termes de régimes de gouvernance (Enjolras,

2005; Fraisse & al. 2008), en mettant l’accent sur sa dimension territorialisée, nous permettant

de mieux rendre compte des transformations organisationnelles qui caractérisent les services

de care. Puis nous tentons de mettre en évidence comment la proximité est susceptible d’être

à l’origine d’une légitimité renouvelée pour ces services. L’analyse de la diversification

croissante des acteurs et des politiques de développement du care fait l’objet de notre

deuxième partie avec un accent particulier mis le rôle du tiers secteur dans ce processus de

1 Les résultats et rapports de cette recherche menée entre 2001 et 2004 sont disponibles sur le site d’EMES : www.emes.net. Cette recherche a porté sur huit pays : Allemagne, Belgique, Bulgarie, Espagne, France, Italie, Royaume-Uni et Suède.

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diversification et sur les limites des dynamiques participatives. Enfin, nous étudions les

modes de régulation de cette diversification à partir d’une analyse des nouveaux instruments

de politique publique. Nous terminons sur les défis que posent les nouvelles formes de

gouvernance territoriale des services de care, qui articulent, selon des degrés variés, des

éléments de gouvernance partenariale institutionnalisée et de gouvernance quasi-marchande

encourageant la mise en concurrence des prestataires. La participation limitée du tiers secteur

dans ces formes de gouvernance, les disparités territoriales croissantes tant dans l’offre

d’accueil que dans les critères de qualité nous conduisent à questionner la légitimité de ces

nouvelles gouvernances territoriales que ce soit en termes de proximité géographique,

organisationnelle ou institutionnelle.

Bibliographie indicative

Ascoli U., Ranci C. (2002), Dilemna of Welfare Mix, Springer.

Daune-Richard, A-M., Odena, S., Petrella, F., 2007, Entreprises et modes d’accueil de la petite enfance : innovation et diversification, CNAF, Dossier d’étude n°91, avril.

Eme B., 2005, Gouvernance territoriale et mouvements d’économie sociale et solidaire, RECMA, n°296, pp. 40-54.

Eme, B., Fraisse, L., 2005, La gouvernance locale de la diversification des modes d’accueil : un nouvel enjeu de cohésion sociale, Dossier Petite enfance, Recherches & Prévisions, n°80, pp.11-27.

Eme, B., Fraisse, L., 2004, La gouvernance locale de la petite enfance, une lecture transversale, Rapport projet de recherche européen TSFEPS.

Enjolras, B., 2005, Economie sociale et solidaire et régimes de gouvernance, Recma, n°296, pp. 56-69.

Esping-Andersen G. (1999), Les trois mondes de l’État-Providence : Essai sur le capitalisme moderne, PUF.

Evers, A., Lewis, J., Riedel, B., 2005, Developing child-care provision in England and Germany : problems of governance, Journal of European Social Policy, 15, pp. 195-209.

Evers A., Svetlik I. (1993), Balancing Pluralism : New Welfare mixes in Care for the elderly, Ashgate Publishers.

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Fraisse, L., Lhuillier V. et Petrella, F, (2008), L’accueil des jeunes enfants en Europe : vers des formes de gouvernance multilatérale et intégrée ?, à paraître dans Revue Française de Socio-Economie, n°2, septembre 2008.

Fraisse, L., Lhuillier V. et Petrella, F, (2007), Les associations dans la régulation locale de la petite enfance : acteurs de réduction ou de renforcement des inégalités d’accès à l’accueil ? in Approches institutionnalistes des inégalités en économie sociale, Tome 2 : Politiques, sous la direction de Ph. Batifoulier, A. Ghirardello, G. de Larquier et D. Remillon, XXVIIèmes journées de l’Association d’Economie sociale, Université Parsi X-Nanterre, 6 et 7 septembre, L’Harmattan, pp 25-39.

Laville, J-L., Nyssens, M. (dir.), 2001, Les services sociaux entre associations, marché et Etat, l’aide aux personnes âgées, Coll. Recherches, La Découverte.

Le Bihan, B., Martin, C., 2003, Comparer les paniers de services aux personnes âgées dépendantes en Europe, dans Claude Martin (dir.), La dépendance des personnes âgées. Quelles politiques en Europe ?, Rennes, PUR-ENSP, pp. 339-355.

Le Galès, P., 1998, Régulation, gouvernance et territoire, in Commaille, J., Jobert, B., Les métamorphoses de la régulation politique, LGDJ, Paris.

Pecqueur B. et Zimmermann J-B. (2004), Economie de proximités, Hermes-Lavoisier.

Pestoff V., 2006, A new architecture for the welfare state. Promoting civil democracy through citizen.

Petrella, F., 2008, Partenariat public-associatif : quelles réalités et quels enjeux ? Le cas des services de développement local in : Gouvernance et intérêt général, sous la direction de Bernard Enjolras, à paraître chez Peter Lang.

Richez-Battesti, N., 2008, Gouvernance hybride et services d’intérêt général en France,, in : Gouvernance et intérêt général, sous la direction de Bernard Enjolras, à paraître chez Peter Lang.

Richez-Battesti, N., 2006, L’Economie sociale comme révélateur des transformations des modes de gouvernance de l’Etat social depuis 1945, Communication au colloque Etat et Régulation sociale, 11-13 septembre, Paris.

Richez-Battesti, N., 2005, Régimes d’Etat-Providence et Economie sociale et solidaire en Europe : Le régime conservateur français déstabilisé, Communication au colloque EMES-ISTR, avril, Paris.

Richez-Battesti, N., Petrella, F., Priou, J., 2006, Study on social and health services of gereral

Interest in the European Union : the French Case, Rapport pour le consortium dirigé par The

European Center for Social Policy and Research (Vienna-Austria), Recherche financée par la

Commission des communautés européennes, 103 p., novembre.

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Territorial governance of social policies in Europe : which role of NPO’s in the

evolutions of care services ?

Francesca Petrella et Nadine Richez-Battesti

LEST, Université de la Méditerranée

Abstract

The development of care services in most European countries is characterized by a

decentralization of competences, a diversification of stakeholders with an increasing role

played by non public providers, by a diversification of public policy instruments and by the

increasing of tendering and contracting out processes. As a result, new forms of governance

are emerging at the local level, leading to a more complex institutional and competitive

environment.

From this perspective, the objective of this article is to analyze these new forms of

governance of care services and their legitimacy in a European comparative perspective, with

a focus on childcare and care for the elderly.

In the first part of this paper, starting from a welfare state analysis, we discuss the legitimacy

of local governance arrangements in the larger context of redefinition of legitimacy of social

policies. We propose to analyze their legitimacy building upon the analytical framework of

proximity economics. Proximity economics distinguishes three types of proximity : a

geographical one, an organizational one and an institutional one. If some legitimacy can

effectively be found in terms of geographical proximity, since the increasing diversity at the

local level can be considered as a way to provide innovative services that meet emerging

social demands, we question the legitimacy of local governance arrangements in terms of

organizational and institutional proximity. In terms of organizational proximity, we will

question the capacity of public actors to organize and regulate the provision of care services

while meeting general interest objectives. Legitimacy can be found in the ways nonprofit

organizations (NPO’s) are involved in the provision of services : are they contracting with

public actors within a tendering process or are they partners of the public policy ? How is the

innovative capacity of NPO’s encouraged and developed within local governance

arrangements ? In terms of institutional proximity, we will examine the capacity of public

actors to foster participation in the elaboration of a public policy for the development of care

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services. Legitimacy can be found in their capacity to engender a public policy network as

well as in the forms of participation of civil society that are put in place locally.

In the second part of this paper, we discuss empirical results of different researches on

childcare services and care for the elderly. These results show that NPO’s, although they

represent an important part of care services provision, are not yet recognized as partners of

public policy governance in most European countries. By contrast, case studies have revealed

the emergence of civic governance arrangements, yet limited in number and size, that can lead

to the constitution of policy networks and pluralist governance structures.

We conclude that a new governance mix is emerging, characterized by top-down

institutionalized public-private partnership structures in which civil society actors play a

limited role, combined with market governance measures aimed at increasing competition

between a plurality of providers. These new governances mixes lead to large territorial

disparities that question their legitimacy in terms of geographical, organizational and

institutional proximity.