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Si Beyrouth est aujourd’hui une ville bruyante, elle l’a toujours été. Mais le spectacle qui se jouait alors était celui des commerces ambulants, vendeurs de galettes, de volailles ou de fruits saisonniers, distributeurs de café parfumé à la cardamome, portefaix, colporteurs d’almanachs, arroseurs, cireurs de chaussures, montreurs d’ours et autres baladins. Cris, chants, marchandages, son des castagnettes s’entrechoquant, la ville en était habitée. À leurs côtés, les artisans installaient leurs échop- pes : potiers, étameurs, vanneurs, cardeurs de laine et de coton. Ces métiers ont été largement photographiés à la fin du XIX e siècle et au tournant du XX e siècle. Est-ce par attrait des photographes occidentaux, témoignant de l’industrialisation naissante et de la disparition, chez eux, de la plupart de ces métiers de rue ? À Beyrouth, l’élargissement et le pavage des voies anciennes ainsi que les interdictions successives de la municipalité souhaitant abolir les commerces ambulants voient le recul peu à peu de ces activités qui participent de cette vision de l’Orient reproduite en cartes postales : un Orient bruyant où la vie se déroule en extérieur. Sujet photographié, ces métiers ont aussi été dé- peints, dessinés et aquarellés par les artistes libanais, comme le peintre humaniste Georges Daoud Corm (1896-1971). 9 novembre 2018 – 11 février 2019 petits métiers de rue Une sélection d’images de la Collection Fouad Debbas

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Si Beyrouth est aujourd’hui une ville bruyante, elle l’a toujours été. Mais le spectacle qui se jouait alors était celui des commerces ambulants, vendeurs de galettes, de volailles ou de fruits saisonniers, distributeurs de café parfumé à la cardamome, portefaix, colporteurs d’almanachs, arroseurs, cireurs de chaussures, montreurs d’ours et autres baladins. Cris, chants, marchandages, son des castagnettes s’entrechoquant, la ville en était habitée. À leurs côtés, les artisans installaient leurs échop-pes : potiers, étameurs, vanneurs, cardeurs de laine et de coton. Ces métiers ont été largement photographiés à la fin du XIXe siècle et au tournant du XXe siècle. Est-ce par attrait des photographes occidentaux, témoignant de l’industrialisation naissante et de la disparition, chez eux, de la plupart de ces métiers de rue ? À Beyrouth, l’élargissement et le pavage des voies anciennes ainsi que les interdictions successives de la municipalité souhaitant abolir les commerces ambulants voient le recul peu à peu de ces activités qui participent de cette vision de l’Orient reproduite en cartes postales : un Orient bruyant où la vie se déroule en extérieur. Sujet photographié, ces métiers ont aussi été dé-peints, dessinés et aquarellés par les artistes libanais, comme le peintre humaniste Georges Daoud Corm (1896-1971).

9 novembre 2018 – 11 février 2019

petits métiers de rueUne sélection d’images de la Collection Fouad Debbas

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Auteur : Yasmine Chemali, Responsable des collections, Musée SursockGraphisme de la brochure : Mind the gap Impression : Byblos Printing

Légendes

Jean-Baptiste Charlier22 épreuves albuminées, Vers 18777 × 7 cmCollection Fouad Debbas / Musée Sursock

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Les cris de la ville Expression devenue courante, les « cris de Paris » renvoient aux métiers d’autrefois, ceux des marchands ambulants de Paris, vendant à la criée :

« Oranges, oranges ! Qui veut mes belles oranges ? ». « Étains, étains, les beaux étains ! Pour boire, pour voir, les beaux étains ! ». « Rémouleur, rémouleur ! Repasse couteaux ! Repasse ciseaux ! ». « Almanach, almanach ! Qui n’a pas son bel almanach ? ».

Les cris des marchés parisiens du début du XVIe siècle furent immortalisés par le chantre Clément Janequin dans sa chanson Voulez ouÿr les cris de Paris ? (1528)1

mais c’est avec la célèbre série de gravures, Cris de Paris, éditée par Jacques Chiquet au début du XVIIIe siècle ainsi que les Études Prises Dans le Bas Peuple, Ou Les Cris de Paris (1737) rassemblant une soixantaine de portraits de petits métiers parisiens gravés à l’eau forte d’après les dessins de Bouchardon que s’est développé un réper-toire iconographique presque inépuisable2. Le XIXe siècle publiera aussi Les Cris de Paris. Marchands ambulants ainsi que L’Alphabet grotesque des cris de Paris, estampes conservées toutes deux à la Bibliothèque nationale de France, au département Estampes et photographies. À ces nombreux exemples illustrant l’engouement des Français pour cette imagerie populaire, il faut ajouter les récits littéraires, descriptifs ou romancés de Marcel Proust, La prisonnière, ou d’Emile Zola, avec Le ventre de

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Paris, pour n’en citer que quelques-uns3. Cris de Paris, de Strasbourg ou de Londres, chaque ville répertorie ces cris. Selon une étude de Vincent Milliot4, les amateurs d’images de Cris forment une nouvelle catégorie de collectionneurs. En France, ils appartiennent aux couches favorisées de l’Ancien Régime, en majorité nobles ou officiers, puis ce sont les artistes, peintres, graveurs, sculpteurs, et enfin l’honnête bourgeoisie qui rassemblent plusieurs centaines voire des milliers d’images.

À travers ces Cris, comme à travers les milliers de cartes postales de la Collection Fouad Debbas, le peuple est érigé en conservatoire de traditions ancestrales, en répétiteur de rites immobiles. Il vient offrir une image rassurante de la permanence, une image d’un peuple travailleur aussi, docile. Paris – Beyrouth, Occident – Orient, les métiers sont semblables et les gens interchangeables. Porteur d’eau ou barbier, illustration d’Edmé Bouchardon ou de Jean-Baptiste Charlier, les postures sont les mêmes. Politesse, maîtrise de soi, maintien, voici ce qui est donné à voir. Le petit peuple des rues est valorisé en tant que figure de la culture populaire, qui s’intègre dans le patrimoine de Paris, ou de l’Orient. Voici un des ressorts de l’entreprise folkloriste de la fin du XIXe siècle appliqué à l’univers citadin. Mais semblable typologie repose aussi sur une tendance à la caricature, comme l’illustre la série de cartes postales « Vie comique en Syrie » éditée par Sarrafian à Beyrouth et commercialisée à la fin des années 1920, au même moment où surgissent les transformations modernes de la ville. Cette fabrique de stéréotypes collera à l’Orient jusque tard puisque l’on retrouve ces images véhiculées à travers l’Europe.

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L’âge d’or des cartes postales, un vent de modernitéL’empire ottoman de la seconde moitié du XIXe siècle (1860-1910) est traversé par une modernité, caractérisée par une série de transformations sociales, l’émergence de nouvelles classes et d’un programme de modernisation à grande échelle. Les réformes des Tanzimat et l’âge de la renaissance arabe ou nahda voient les espaces ruraux et urbains être réorganisés, et modifiés. Nouveaux marchands, nouvelles classes intellectuelles : une élite urbaine voit le jour.

L’invention de la carte postale illustrée date de cette période, le dernier tiers du XIXe siècle où innovations techniques et scientifiques convergent pour permettre à l’Europe d’étendre son hégémonie sur le reste du monde. Photographie, imprimerie et poste ne sont qu’un ; la carte postale devient cet instrument de communication, de connaissance, mais aussi de divertissement visant à montrer ces contrées lointaines. Éditeurs et distributeurs allemands, autrichiens, britanniques, français et italiens se répartissent le monde et installent leurs entreprises locales à Beyrouth, Damas et Jérusalem : Sarrafian Bros, Dimitri Tarazi, André Terzis et fils, Aux Cèdres du Liban, Michel I. Corm et Cie, Farid Haddad, L. Férid et tant d’autres reprenant les fonds photographiques des studios professionnels comme Bonfils5. Éclipsés les noms des photographes, remplacés par ceux des éditeurs ; les cartes postales banalisent le cliché tout en donnant une impression de refléter la réalité.

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Pour autant, les images produites de la fin du XIXe siècle ne mettent pas tant l’accent sur cette modernisation en cours, cette révolution en devenir. Au contraire, elles célèbrent un temps figé. La Collection Fouad Debbas, riche de clichés dépeignant les petits métiers de rue, dresse le portrait d’un monde perdu, ou en perte, et non d’un monde en transition. L’Orient de ces images est un Orient éternel, presque silencieux et le peuple des rues offre une image rassurante de la permanence. Ces marchands, barbiers, colporteurs d’almanachs sont investis d’une mission de symboliser un pittoresque urbain agressé par la modernité, modernité venue d’une Europe qui s’est donnée une mission civilisatrice fondée sur la démonstration de la supériorité de son modèle.

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Le genre de la scène de rue en photographieLe genre de la scène de rue en photographie est certainement un héritier ou un contemporain des peintures, dessins et gravures en vogue au XIXe siècle. Les cata-logues des studios de photographes professionnels listent sous la rubrique (catégorie) « Costumes divers »6 ou « Types, Scènes et Costumes »7 toute activité, occupation ou les portraits des habitants en Orient, dans une nécessité d’enregistrement ethno-graphique. La carte postale, friande de cette imagerie, reprendra à son compte ce répertoire, aussi source de revenu majeure des studios photographiques.

Les photographies et cartes postales se vendent en qualité de souvenirs de voyage ramenés par les touristes. Très vite, elles deviennent le véhicule du portrait d’un Orient tiré par les photographes et éditeurs. Voyageurs, touristes, ou résidents ont recours à la carte postale comme support de communication rapide, succinct et économe. Les objets se font suite, se collectent et s’échangent. Ces scènes de rue dépeignent des activités quotidiennes, essentiellement masculines, bien que quelques femmes sont photographiées, porteuses d’eau, vendeuses de légumes ou encore moulant le blé et faisant le pain.

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Feints, les métiers de ces photographies sont des métiers joués, actés, bien souvent devant un faux-décor. Métiers dits « de rue » qui ne font que rarement voir la « rue », ils sont le fruit d’une mise en scène du photographe à l’intérieur du cadre contrôlé du studio, ce qui explique le conflit entre celui qui pose et son environnement. Parfois, la scène est chorégraphiée dans un studio devant un faux-décor, mais il existe plusieurs images dans lesquelles le photographe a installé son studio dans la rue, mais là encore, coupant le sujet de l’environnement social et urbain. Il semble évident que les sujets photographiés ne savent pas trop ce qu’ils doivent faire. N’étant pas familiers avec le fait d’être photographiés, étaient-ils au moins l’individu que l’on cherchait à représenter ? Ce barbier était-il effectivement barbier ou le client-figurant risquait-il l’égorgement au studio du photographe ? Aucun de ces « sujets » ne sourit. La seule confiance qu’ils ont semble provenir de l’unique instrument ou outil, attribut définissant le métier représenté, qu’ils tiennent bien souvent à la main. Bien que ces seuls objets prouvent leur identité, là encore, on surprend un mal-être : les cordonniers ou le rémouleur de Jean-Baptiste Charlier attendent les instructions du photographe et prennent la pose.

Souvent, les portraits de ces types, d’un dragoman, d’un barbier ou d’une marchande de volaille réalisés en studio s’ensuivent d’une série de photographies de rues et de marchés où grouillent les vrais acteurs de la vie publique. La lecture d’un album ou d’une série se comprend alors, en découvrant le contexte, qui n’est, disons-le, pas photogénique, et donc pas vraiment commercialisable.

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Les petits métiers ne constituent pas le répertoire de la photographie orientale en soit ; ils sont aussi une tradition iconographique en Europe. Pour exemple, les photographies d’Eugène Atget et son reportage, à partir des années 1890, de tout ce qui fait le décor et l’animation de Paris et notamment de ses petits métiers. Y réside dans ces images un certain désir de documentation d’un monde en voie de disparition ; l’objectif étant d’opérer une typologie des métiers à partir de critères fonctionnels et formels.

À leur tour, les artistes libanais ont puisé dans le spectacle du quotidien pour donner à voir l’Orient qui est le leur. Loin de toute considération impériale, mais quelque part nourri de nostalgie d’un temps révolu, ces artistes offrent une documentation unique. Si les genres du portrait, celui du paysage ou encore des bédouins ont été très largement repris par la deuxième génération d’artistes au Liban qui utilisent une touche emprunte d’un certain orientalisme, telles les illustrations de Georges Cyr (1880-1964), les esquisses de Georges Daoud Corm (1896-1971) font preuve d’un humanisme profond.

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Les petits métiersSujet largement photographié, les tirages et les cartes postales qui dépeignent les activités et commerces de rue à Beyrouth et en Orient sont nombreux au sein de la Collection de Fouad Debbas. Toutefois, toutes ces occupations photographiées ne nécessitent pas une description. L’auteur a donc fait le choix de lister la plupart des métiers photographiés ci-dessous et de n’en décrire que quelques-uns, apportant ainsi un complément d’information.

Les sakas ou porteurs d’eau parcourent la ville et distribuent de l’eau aux pélerins, aux mendiants en chantant « Sebyl Allah, ya atshan Sebyl ! »8. En Égypte, ils sont appelés hamalis.

Autres vendeurs de boissons rafraîchissantes, ceux qui proposent du souss, du jellab, du khchaf et du tamr hindi, macérations de réglisse, de raisins secs, d’abricots secs et de tamarin. On agrémentait ces élixirs de pignons, d’amandes ou de pistaches. Verres, timbales, aiguière et récipient du précieux liquide porté sur le ventre ou sur le dos, l’attirail de ces vendeurs faisait sans moindre doute un vacarme dans la ville.

Les vendeurs de café arabe sont aujourd’hui quasiment les mêmes : ils déambulent en entrechoquant les minuscules tasses comme des castagnettes et servent un café très concentré, parfumé à la cardamome9

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Les cardeurs de coton renvoient à une activité essentiellement réservée aux Juifs dans de nombreuses villes d’Orient. Il s’agit de travailler le coton pour rembourrer les coussins, oreillers et les matelas. L’outil qu’ils utilisent fait un bruit nasillard, souvent appelé rubata, du nom de l’instrument de musique produisant le même son. Conscients de la musicalité de cet outil à carder, il en existe certains qui furent perforés décorativement pour en accroître le son10.

Le portefaix est celui qui porte les fardeaux. Reconnu pour sa force, le portefaix est originaire des montagnes, souvent pieds-nus ou mal chaussé, vêtu d’habits rapiécés et d’un bonnet de montagne le protégeant du soleil ou du froid. Son accessoire reconnaissable est un grand panier en osier qu’il porte dans le dos, maintenu au front à l’aide de sangles et de cordages. Les portefaix travaillent essentiellement au port et dans les souks. Plusieurs photographies montrent que certains exercent ce métier depuis l’enfance.

Le dragoman est un interprète. Indispensables pour toute transaction quel commerce qu’il soit entre les Turcs et les étrangers, les drogmans sont des hommes de confiance, attachés au service des ambassadeurs et pouvant s’exprimer en plusieurs langues : le turc, le grec, l’arabe, l’anglais, le français, l’italien et parfois l’allemand11. Certains dragomans sont restés célèbres comme Selim G. Tabet, Nicolas Bassoul ou Nicolas Sursock qui est en 1865 le troisième dragoman du Consulat de Russie à Beyrouth12.

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« Un drogman de la légation française, M. D., jeune homme versé dans toutes les langues et dans tous les usages de l’Orient, nous guidait et nous interprétait les mots, les lieux, les choses et les hommes. Ces diplomates inamovibles de l’Orient, les drog-mans d’ambassade, sont l’Orient lui-même personnifié dans des Européens qui font deux pays pour mieux servir leur nation. Sans eux, toute diplomatie serait impossible ou livrée à l’infidélité des interprètes ordinaires. Les drogmans sont nos ambassades permanentes. L’ambassadeur inspire et négocie, drogman exécute. Ils sont aussi indispensables à la diplomatie que la parole est indispensable à la pensée. Notre ambassade à Constantinople a la bonne fortune de posséder dans M. Cor le modèle de ces hommes, qui voilent sous un titre modeste les immenses services rendus à leur pays, et dans MM. D. et N. deux jeunes diplomates dignes de son exemple et de ses leçons. Les drogmans de ce mérite sont maintenant connus en France, ils sont à nos ambassades ce que nos pilotes sont à nos flottes. »13

Le fonds de la Collection Fouad Debbas rassemble par ailleurs des images de vendeurs de fruits, de légumes, de gâteaux, de dattes, de pain, de canne à sucre, de poissons, de marchands de tapis, d’écrivains publics, de gardiens de bazar, de barbiers ou coiffeurs ambulants, de colporteurs, de savetiers, de fileurs de laine, de ferblantiers, de rémouleurs, de selliers, de potiers, de tanneurs, et de baladins.

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Références 1. Écouter JAnequin, Clément, Voulez ouÿr les cris de Paris ?, Dominique Visse,

ensemble Clément Janequin GC1362, Harmonia Mundi, 2009. enregistrement 2008. https://www.youtube.com/watch?time_continue=69&v=FiPhbS_ZlRk. Lien consulté le 08 octobre 2018.

2. Consulter l’album Bouchardon, edmé, Études prises dans le bas peuple, ou les Cris de Paris, dessins de Bouchardon gravés à l’eau forte par le comte de Caylus, A Paris chés Joullain quay de la Megisserie A la Ville de Rome, 1737-1746. Album conservé à la Bibliothèque nationale de France, département estampes et pho-tographie, 4-OA-132. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b105087672. Lien consulté le 08 octobre 2018.

3. PROuST, Marcel, À la recherche du temps perdu, tome VI, La prisonnière (Sodome et Gomorrhe III), Paris, Éditions de la nouvelle Revue Française, 1923. Émile Zola, Le ventre de Paris, sixième edition, Les Rougon-Macquart, Paris, Charpentier et Cie, Libraires-éditeurs, 1876.

4. MiLLiOT, Vincent, Les Cris de Paris ou le peuple apprivoisé XVIe - XIXe siècles in : Paris le peuple : XVIIIe - XXe siècle [en ligne]. Paris : Éditions de la Sorbonne, 1999 (généré le 06 octobre 2018). http://books.openedition.org/psorbonne/1281. Lien consulté le 08 octobre 2018.

5. DeBBAS, Fouad César, Beyrouth, notre mémoire, promenade guidée à travers une collection de cartes postales anciennes, 3e édition, Presses de Talleres Graficos J. R., 1994. Tarrab, Joseph, Stèles obliques i, in Collective, From Istanbul to Marrakech. A World in Transition. 500 post-cards from the Mohsen E. Yammine Collection, Bey-routh, 2003, pp.21-26. Tarazi, Camille, Vitrine de l’Orient : Maison Tarazi, fondée à Beyrouth en 1862, Éditions de la revue phénicienne, 2015.

6. Voir catalogue TFDC_701_1876 : Catalogue des vues photographiques de l’Ori-ent : Égypte, Palestine, Syrie, Grèce & Constantinople, photographiées et éditées par Bonfils, Félix, Alais, Gard, 1876.

7. Voir catalogue TFDC_703_1907 : Catalogue général des vues photographiques de l’Orient : Basse et Haute Égypte, Nubie, Palestine, Phénicie, Moab, Syrie, Côte d’Asie, Les Sept Églises d’Asie, Carmanie, Anatolie, Iles de Chypre, de Rhodes, de Pathmos, de Syra, Athènes, Macédoine, Constantinople, Veuve L. Bonfils, Beyrouth, Syrie, 1907.

8. « Hasten, thirsty, to the ways of god ! », in BuRCkHARDT, John Lewis, Travels in Syria and the Holy Land, 1822. en ligne : http://www.gutenberg.org/cache/epub/8884/pg8884-images.html. Lien consulté le 08 octobre 2018.

9. Voir la description des petits métiers de Beyrouth dans DeBBAS, Fouad César, Bey-routh, notre mémoire, promenade guidée à travers une collection de cartes postales anciennes, 3e édition, Presses de Talleres Graficos J. R., 1994, p.250. Voir aussi Castellan, Antoine Laurent, et Langlès, Louis Mathieu, Illustrations de Histoire des Othomans. Moeurs, usages, costumes des Othomans, et abrégé de leur histoire, 1812, Paris : nepveu. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b2300082f. Lien consulté le 08 octobre 2018.

10. GAVin, Carney e. S., The Image of the East: Nineteenth-Century Near Eastern Pho-tographs by Bonfils from the Collections of the Harvard Semitic Museum, compiled and edited by ingeborg endter O’Reilly. Chicago and London: university of Chicago Press, 1982, p.14.

11. DALViMART, Octavien, Costume de la Turquie; représenté en soixante gravures, avec des explications en anglais et en français. Londres : T. Bensley pour W. Miller, 1802

12. FAWAS, Leila Tarazi, Merchants and Migrants in Nineteenth-century Beirut, Harvard university Press, Cambridge, Massachussetts, London, england, 1983, p.91.

13. LAMARTine, Alphonse de, Le nouveau voyage en Orient (1850), 1850, Paris : 1863, p.54. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k210111n/f55.item.r=drog-man.texteimage. Lien consulté le 08 octobre 2018.

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La Collection Fouad DebbasLa Collection Fouad Debbas est une collection de photographies com-prenant plus de 30 000 images du Moyen-Orient – essentiellement le Liban, la Syrie, la Palestine, l’Egypte et la Turquie – datant de 1830 jusqu’aux années 1960. Cette collection a été rassemblée pendant plus de deux décennies par Fouad César Debbas (1930-2001) qui était un passionné convaincu de l’importance de collecter et de conserver les photographies et autres documents visuels comme un moyen préserver le patrimoine culturel.

Déposée au Musée Sursock, la Collection se compose de photographies contenues dans des albums ou bien indépendantes, de cartes postales, de vues stéréoscopiques, en addition des gravures et livres, tous ayant pour focus la région du Moyen-Orient. La Collection, teintée d’une connotation orientaliste, du fait de la période traitée, et rassemblant un certain nombre de clichés commerciaux, représente un atout considérable de la collection du Musée Sursock, mettant en évidence le rôle majeur de la photographie dans le développement de l’art moderne au Liban.

Musée SursockRue de l’Archevêché Grec OrthodoxeAshrafieh, Beyrouth, Libanwww.sursock.museum