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Petite histoire des ateliers phtaliques La Soudière sous le choc des fermetures L’horizon se dégage Produits, marchés et clients Un management à la hauteur des enjeux actuels 1974 - 2009 35 ans Ecouter le Monde, préserver la Terre Source : Arkem a - Ph otographe : D. S ouse L’usin e d e Cha u n y So urce : Arkem a - Photographe : D. Souse Source : C. Dutoit

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Petite histoire des ateliers phtaliques

La Soudière sous le choc des fermetures

L’horizon se dégage

Produits, marchés et clients

Un management à la hauteur des enjeux actuels

1974 - 2009

35 ans

Ecouter le Monde, préserver la Terre

Source : Arkema - Photographe : D. Souse

L’usin

e de

Cha

uny

Source : A

rkema - P

hotographe : D. Souse

Source : C. Dutoit

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Ecouter le Monde, préserver la Terre

1975 Adoption de la nouvelle organisation du groupe Rhône-Poulenc. L’usine de Chauny intègre la division Rhône-Poulenc Pétrochimie.1976 Création d’Elf Aquitaine. Accident mortel à l’usine de Chauny (2 morts).1978 Adoption du pacte de stabilité monétaire européen à Copenhague. Premiers départs en retraite anticipée par le Fond National pour l’Emploi.1979 Création de l’ECU, unité monétaire européenne. L’OPEP augmente le prix du pétrole de 20% ; début de la seconde crise pétrolière. Arrêt définitif des engrais à l’usine de Chauny.1980 Création de Chloé Chimie, nouvelle raison sociale de l’usine de Chauny.1981 François Mitterrand est élu Président de la République devant V. Giscard d’Estaing.1981 Abolition de la peine de mort. Nationalisation d’Elf Aquitaine.1982 Instauration de la semaine de 39 heures et de la cinquième semaine de congés payés. Promulgation de la loi de nationalisation (grandes industries et banques françaises).1983 Création d’Atochem, nouvelle raison sociale de l’usine de Chauny.1985 Arrêt de l’acide sulfurique, du sulfate de soude et de l’acide chlorhydrique à l’usine de Chauny.1986 Entrée de l’Espagne et du Portugal dans la CEE. Catastrophe nucléaire de Tchernobyl en Ukraine. Relance de l’activité industrielle de l’usine de Chauny autour du phtalique et du DOP.1987 Privatisation de Paribas, du CCF, de la Société Générale, de TF1 et de Suez. Arrêt définitif des polyesters à l’usine de Chauny.1988 François Mitterrand est réélu Président de la République devant J. Chirac. Loi instituant le Revenu Minimum d’Insertion.1989 Inauguration de la pyramide du Louvre pour laquelle Saint-Gobain a fourni le verre. Valéry Giscard d’Estaing remporte les élections européennes. Chute du mur de Berlin.

1990 Signature des accords de Schengen sur la libre circulation en Europe. Guerre du Golfe contre l’Irak.1991 Explosion du réacteur Phtalique à l’usine de Chauny.1992 Référendum sur le traité de Maastricht (51 % de oui). Lancement du nouvel atelier phtalique (PAAG) à l’usine de Chauny. Création d’Elf Atochem, nouvelle raison sociale de l’usine de Chauny.1993 Arrêt définitif de la production de verre à Saint-Gobain.1994 Inauguration du tunnel sous la Manche.1995 Entrée en vigueur du marché unique européen. Entrée en vigueur des accords de Schengen sur la libre circulation en Europe. Jacques Chirac est élu Président de la République devant L. Jospin.1997 Ratification par le Parlement du traité d’Amsterdam (Union Européenne).1998 Loi Aubry sur les 35 heures.1999 Loi instituant la Couverture Maladie Universelle (CMU). Adoption de la loi sur le Pacte Civil de Solidarité (PACS).2000 Signature du traité de Nice sur la réforme des Institutions Européennes. Fusion de Total Fina avec Elf Aquitaine, création de Total Fina Elf. Création d’Ato Fina, nouvelle raison sociale de l’usine de Chauny.2001 Attentats suicides de plusieurs avions de ligne contre New York et Washington.2002 Entrée en vigueur de l’Euro, monnaie unique dans toute l’Europe. Jacques Chirac est réélu Président de la République.2004 Signature du traité de constitution européenne à Rome (Italie). Création d’Arkema, nouvelle raison sociale de l’usine de Chauny2005 Adoption de la loi de réforme des 35 h autorisant jusqu’à 48 h/semaine. Mort du pape Jean-Paul II.2006 Manifestations contre l’adoption du CPE (Contrat Premier Embauche). Introduction en bourse d’Arkema par scission (marché Eurolist d’Euronext).2007 Nicolas Sarkozy est élu Président de la République contre S. Royale. François Fillon est nommé Premier ministre. Record de production à l’usine de Chauny.2008 Crise financière mondiale.2009 Ralentissement mondial de la croissance économique.

1974 - 2009

L’usine de Chauny Source : Arkema - Photographe : D. Souse

1974-2009Ecouter le Monde, préserver la Terre.

Rhône-Poulenc Pétrochimie (1975-1980)

Chloé Chimie & Rhône-Poulenc Industrie (1980-1983)

Atochem & Rhône-Poulenc SC et CB (1983-1989)

Atochem (1989-1992)

Elf Atochem (1992-2000)

Atofina (2000-2004)

Arkema (depuis 2004)

Après mon DUT Génie mécanique, j’ai été embauchée à la Soudière,

qui appartenait alors à la division “Pétrochimie” du groupe Rhône-

Poulenc Industrie. C’était le 18 septembre 1975. Une date qui ne

s’oublie pas. Malgré ma formation, j’ai été affectée au service Génie

chimique. Mes connaissances m’ont néanmoins été utiles puisque j’ai

commencé par faire du dessin industriel. L’équipe travaillait sur les

plans d’un nouvel atelier phtalique, le premier PAG, qui devait démarrer

l’année suivante et qui devait compléter les ateliers PAA D, E et F

existants. La structure du réacteur, le réseau d’alimentation en air et en

orthoxylène, le circuit de refroidissement, les passerelles d’accès aux

différents organes… il fallait penser à tout. Entre l’élaboration des

cahiers des charges, l’étude des devis et le suivi du chantier, la tâche

était lourde et les délais réduits au minimum. Les travaux devaient être

bouclés en un an. Avec une capacité de 40 000 tonnes/an, l’outil

de production était le plus important au Monde. Coût le l’opération :

1,5 milliard d’anciens francs, soit plus de 2 millions d’euros !

Parmi toutes les entreprises que nous avions faites intervenir, Creusot-

Loire Industrie (Schneider autrefois) fut choisie pour la conception

du cœur de l’atelier : l’enceinte du réacteur. Cette entreprise a eu l’idée

de nous proposer une enceinte à section carrée plutôt que de garder

les traditionnelles formes cylindriques car il fallait loger 32 000 tubes

dans le réacteur, impossibles à réaliser dans une enceinte cylindrique.

L’innovation s’est avérée malheureuse : il y eut des fuites intempestives

de liquide de refroidissement qui n’ont jamais pu être totalement

Petite histoire des ateliers phtaliques

Construction du PAG Source : Arkema

résolues ! Cela était d’autant plus dommageable que le liquide circulant

dans le réacteur pour extraire les calories issues de la réaction (mélange

“eutectique” de trois sels fondus) pouvait s’enflammer spontanément

au contact de l’orthoxylène qui circulait dans les tubes. Le réacteur fut

remplacé fin 1978 par deux nouvelles enceintes cylindriques montées

en parallèle.

Point de vuesur le remplacement du réacteur d’oxydation du phtalique G en 1978

“Depuis sa mise en service, ce réacteur a posé de sérieux problèmes de maintenance aux services Travaux et

Exploitation de l’usine de Chauny, à tel point que son remplacement s’est révélé nécessaire. Mais le

remplacement du “cœur” de cet atelier doit s’effectuer dans un minimum de temps avec le maximum de

sécurité, malgré la présence en pointe de près de 50 personnes sur le chantier. Les moyens importants de

manutention sont mis en œuvre, avec entre autre l’utilisation de grues de 100 et 300 tonnes. Sur le plan

sécurité, l’application stricte du décret du 29 novembre 1977, relatif à la sécurité des travailleurs sur les

chantiers de ce type, est respectée. Plusieurs réunions d’information réciproque se sont tenues entre les

différentes entreprises intervenantes. Le C.H.S. du secteur A de l’usine a été associé à la dernière réunion et

aux visites des lieux de travail, où il était représenté par MM. Chevalier et Palm. Le service Sécurité a désigné

un animateur de sécurité (M. Muselli), qui s’occupe à temps plein de la sécurité sur le chantier. Nous espérons

que cette intervention, nécessitant la présence de nombreuses personnes dans un espace limité, pourra se

faire sans incident et surtout sans accident, et que, début janvier 1979, l’atelier PAG trouvera une exploitation

normale grâce à son nouveau réacteur, celui-ci est d’ailleurs d’une conception un peu différente puisqu’il se

compose en fait de deux réacteurs cylindriques verticaux identiques, installés en parallèle, au lieu d’un

réacteur unique en forme de parallélépipède”

Rhône Poulenc Pétrochimie Chauny, Usine Information, octobre 1978

Construction de la distillation Source : Arkema

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Scaphandre Source : Arkema

1974-2009Ecouter le Monde, préserver la Terre.

Rhône-Poulenc Pétrochimie (1975-1980)

Chloé Chimie & Rhône-Poulenc Industrie (1980-1983)

Atochem & Rhône-Poulenc SC et CB (1983-1989)

Atochem (1989-1992)

Elf Atochem (1992-2000)

Atofina (2000-2004)

Arkema (depuis 2004)

dans une série de tubes dans lesquels sont disposés des grains recouverts

d’un enduit à base d’oxyde de vanadium, ce dernier jouant le rôle de

catalyseur. Un catalyseur est une substance qui accélère la réaction

chimique mais n’apporte pas d’éléments de matière aux composés

réagissant. Les “masses” catalytiques se changent néanmoins tous les

trois ou quatre ans. Elles ont longtemps été fabriquées sur le site à

l’atelier “masse PO” (qui a aussi fermé ses portes à la fin des années 80)

avant de nous être livrées par le Japonais Nippon Shokubai. Aujourd’hui,

ils nous sont fournis par les allemands BASF et Süd Chemie. Il faut

rappeler que le catalyseur initial a été mis au point à Chauny.

L’innovation sur ce produit a toujours été d’importance car elle

permettait d’accroître toujours plus le rendement de la réaction.

Revenons au sujet. Au contact du catalyseur, une réaction entre

l’oxygène de l’air et l’orthoxylène se produit : on obtient de l’anhydride

phtalique gazeux. La réaction est très exothermique : une grande

quantité de chaleur est libérée. Elle se doit d’être évacuée au risque de faire

exploser les installations. Pour ce faire, les tubes baignent dans un bain

de liquide circulant qui assure l’évacuation des calories. L’énergie récoltée

sert à produire de la vapeur d’eau chaude sous pression qui est utilisée

pour entraîner la turbine et le réchauffement de l’air d’admission.

L’ensemble des tubes est maintenu dans une enceinte métallique.

La dernière grande transformation du PAG date de 92, suite à l’explosion

du réacteur le 26 février 1991. Nous avons eu beaucoup de chance cette

fois là, il aurait pu y avoir des morts, comme ce fut malheureusement le

cas en 1976. Ce jour de 91 donc, je ne passais pas très loin du secteur.

Tout à coup j’entends une espèce de vibration sourde, puis un cri :

“barrez-vous !”. Les ouvriers ont vite déguerpi et ce fut l’explosion dans

les secondes qui ont suivi. Les deux tiers de la production du phtalique

étaient anéantis. Personne ne pouvait dire si la Soudière allait pouvoir

survivre à cela… Avec toutes les fermetures qu’il y avait eu auparavant,

des rumeurs les plus pessimistes circulaient sur le sort du site.

Finalement, la Direction Générale d’ATOCHEM décida, quatre mois

après, de relancer l’activité. La violence de la déflagration a quand

même marqué les esprits ici et a

bouleversé nos méthodes de

travail. La sécurité est encore

montée d’un cran et les points

de contrôles sur le PAG ont été

multipliés. Après de longues

recherches, la cause de l’accident

a pu être identifiée par l’un des

nôtres : il s’agissait d’une simple

inversion de branchement du

circulateur de sel ! Pour te situer

le problème, il faut savoir que

dans le réacteur (ou plutôt les

réacteurs car il y en avait deux

en ce temps-là), un mélange d’air

et d’orthoxylène est pulvérisé

Point de vuesur l’accident mortel de 1976

“Rappelez-vous, c’était le 26 mars [1976]… Alors que l’usine

tournait dans le calme, une explosion, suivie d’un incendie,

détruisait une cuve de stockage de phtalique liquide. Deux de

nos bons amis y perdirent leur vie : Louis Billiaux et Guy

Quatacker. En cette journée d’un triste anniversaire, nombreux

ont été les membres de notre personnel à avoir une pensée

émue au souvenir de nos deux compagnons.”

Rhône Poulenc Pétrochimie Chauny, Usine Information, mars 1977.

Ateliers PAA Source : Arkema

Le réacteur actuel du PAG comporte plus de 20 000 tubes, alors que les premiers réacteurs

implantés pendant la Seconde guerre en contenaient à peu près 1 000. Autrefois, on utilisait

aussi du mercure pour extraire les calories ce qui présentait un risque important de toxicité

pour les utilisateurs. Aujourd’hui, on emploie ce fameux sel eutectique, qui est sous forme

liquide au-dessus de 143°C et qui est mis en mouvement grâce au circulateur. C’est ce dernier

appareil qui a été mal branché, entraînant l’inversion du sens de circulation du sel : le sel a

surchauffé et le réacteur a explosé. Une simple erreur humaine qui n’a heureusement causé

que des dégâts matériels… Lors de la reconstruction de 1992, il a été décidé de remplacer les

deux réacteurs en parallèle par un seul réacteur cylindrique dont la longueur plus importante

des tubes était adaptée aux nouveaux catalyseurs qui n’étaient plus fabriqués sur site

à Chauny, mais achetés à un fournisseur spécialisé, Nippon Shokubaï. Comme les ateliers E et

F avaient en effet fermé en 1988, il fallait assurer la continuité de la production qui s’élevait

au total à environ 15 000 tonnes. Ce fut donc un “60 000 tonnes” qui fut construit ! Les PAA E

et F utilisaient encore du naphtalène dérivé de la carbochimie comme matière première,

ce qui n’était pas sans souci. Le naphtalène brut était en effet chargé d’impuretés qui étaient

à l’origine d’inflammations dans le carburateur. Pour sécuriser l’atelier et éviter les arrêts

intempestifs causés par les opérations d’entretien, une distillation continue en amont fut

mise en service en 1983. Le produit injecté était certes plus pur, mais devant l’augmentation

du prix du naphtalène et la raréfaction des produits issus de la carbochimie au profit de

la pétrochimie, cela n’a pas suffi à conserver ces ateliers par ailleurs dépassés et vétustes.

Ils furent donc abandonnés sans autre forme de procès. Il reste donc aujourd’hui le PAD

et le PAG en production.

Pour revenir sur le procédé du PAG, l’anhydride phtalique gazeux obtenu après réaction, à la sortie des tubes, est d’abord “désublimé”

en cristaux solides (paillettes), puis “fusionné” à l’état liquide. L’opération de désublimation-fusion se déroule dans un condenseur

qui réalise les deux étapes successivement, d’abord en refroidissant le produit, puis en le chauffant. La distillation qui s’en suit

permet de purifier l’anhydride phtalique qui est alors stocké dans des cuves en inox maintenues à 175°C. Cette température est

nécessaire pour conserver l’anhydride phtalique à l’état liquide (son point de fusion se situe vers 130°C). Le phtalique liquide est

soit consommé sur le site, soit convoyé par camion citerne aux clients extérieurs. L’usine de Chauny, quant à elle, produit le dioctyl

phtalate à partir d’anhydride phtalique. J’y reviendrai plus loin. En 1975, on l’utilisait également dans la synthèse des Stratyls

(polyester), mais cette production a été arrêtée… Une petite partie du phtalique est encore vendue sous forme d’écailles.

Pour cela, le phtalique liquide est refroidi sur un tambour tournant. Il se fige alors et peut donc être écaillé mécaniquement.

Les écailles sont acheminées vers l’ensachage pour y être conditionnées en sacs de 25 kg. Toute la chaîne de production

phtalique est entièrement automatisée et suivie en temps réel de la salle de contrôle.

PAA - Écaillage au quai de chargement Source : Arkema

Salle de contrôle Source : Arkema146 147