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44 EN PRATIQUE Par Amélie Moynot MANAGEMENT: EJSIVOUS PASSIEZ AL 'HOLACRATIE ? Loin de l'ancien modèle hiérarchique, l'holacratie est un mode d'organisation et de gouvernance basé sur la responsabilisation des salariés, s'appuyant sur une charte précise. Décryptage. Une impossibilité à déléguer, des salariés désengagés, un fonctionnement en mode à Quel dirigeant ou manager n'a pas, une fois dans sa vie professionnelle, ren- contré cetype de problèmes?Loin de prétendre tout résoudre d'un seul coup, l'holacratie offre un moyen de remédier à cesdifficultés tout en renforçant la productivité etla performance de l'entreprise. Inventée aux eWDWV8QLV par la société HolocracyOne, arrivée récemment -moins dedix ans- enFrance,elle estdéployée aujourd'hui dans quelques dizaines de PME et start-up. L'holacratie est un mode d'organi- ; sation et de management qui s'éloigne de l'ancien modèle hiérarchique basé sur la ver- ticalité en favorisant la responsabilité et l'autonomie des collaborateurs. «La pratique s'inscrit danslemouvementdel'entreprise libérée, concède Bernard Marie Chiquet, dirigeant fondateur de IGI Partners, cabinet de conseil qui promeut l'holacratie en France. Plus précisément, l'entreprise libérée, c'est unephiloso- phie. Chaque organisation s'en empare à sa manière, tandis que l'holacratie estun outil concret pour lefaire. » Définir les rôles. Concrètement, cette méthode repose sur plusieurs grands prin- cipes, définis dans ce que ses inventeurs appellent une \constitution\. Accessible en ligne, ce texte est la véritable clé de YRWH du système,et toutes les entreprises qui décident de sauter le pas sont invitées à l'adopter. «La valeur sous-jacentedans la constitution : l'entre- priseestun êtrevivantqui n 'appartient àpersonne», précise Bernard Marie Chiquet. Même si cela peut apparaître comme un peu abstrait, l'idée principale est la suivante : cen'estpasune per- sonne en particulier qui peut fixer le cap stratégique, mais cesont les élémentsconstitu- tifs de l'entreprise qui vont faire émaner d'elle saraison d'êtreetindiquer la direction à suivre. Baséesur ce concept, la constitution, divisée en cinq articles, commence par définir la notion de rôle (article 1),puis celle de cercle (article 2),sortes de \super-rôles\. Ne pouvant pas tout à fait être assimilés aux missions détaillées sur les fiches de poste, les rôles Aucune ?ANSMofO A Cto£ï>! T / I \ (S^e A CorOfb/^ Avec vicrAtu&e r /CH£FCOr*lè

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44 EN PRATIQUEPar Amélie Moynot

MANAGEMENT:

EJSIVOUSPASSIEZAL'HOLACRATIE?

Loin de l'ancien modèle hiérarchique, l'holacratieest un mode d'organisation et de gouvernancebasé sur la responsabilisation des salariés,s'appuyant sur une charte précise. Décryptage.

Une impossibilité à déléguer, des salariésdésengagés, un fonctionnement en mode

à Quel dirigeant ou manager n'apas,une fois dans sa vie professionnelle, ren-contrécetype deproblèmes?Loin deprétendretout résoudre d'un seul coup, l'holacratie offreun moyen deremédier àcesdifficultés tout enrenforçant la productivité etla performance del'entreprise. Inventée aux etDtV-UQLV par lasociété HolocracyOne, arrivée récemment-moins dedix ans- enFrance,elle estdéployéeaujourd'hui dans quelques dizaines de PMEet start-up. L'holacratie estun mode d'organi- ;sation et de management qui s'éloigne del'ancien modèle hiérarchique basé sur la ver-ticalité en favorisant la responsabilité etl'autonomie des collaborateurs. «La pratiques'inscrit danslemouvementdel'entreprise libérée,concède Bernard Marie Chiquet, dirigeantfondateur de IGI Partners, cabinet de conseilqui promeut l'holacratie en France. Plusprécisément, l'entreprise libérée, c'est unephiloso-phie. Chaque organisation s'en empare à samanière, tandisquel'holacratie estunoutil concretpour lefaire. »

Définir les rôles. Concrètement, cetteméthode repose sur plusieurs grands prin-cipes, définis dans ce que ses inventeursappellent une \constitution\. Accessible enligne, ce texte est la véritable clé de vRûtH du

système,et toutes les entreprises qui décidentde sauter le pas sont invitées à l'adopter. «Lavaleur sous-jacentedans la constitution : l'entre-priseestunêtrevivantqui n 'appartient àpersonne»,précise Bernard Marie Chiquet. Même si celapeut apparaître comme un peu abstrait, l'idéeprincipale est la suivante : cen'estpasune per-sonne en particulier qui peut fixer le capstratégique,mais cesont les élémentsconstitu-tifs de l'entreprise qui vont faire émaner d'ellesaraison d'êtreetindiquer ladirection àsuivre.Baséesur ce concept, la constitution, diviséeen cinq articles, commence par définir lanotion de rôle (article 1),puis celle de cercle(article 2),sortes de\super-rôles\. Ne pouvantpas tout à fait être assimilés aux missionsdétaillées sur les fiches de poste, les rôles

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DIFFUSION : (70500)JOURNALISTE : Amélie Moynot

1 février 2017 - N°112

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peuvent sedéfinir commedestâchesà accom-plir, par exemple: représentation extérieure,signature des chèques, définition des prix,référencementdesprestataires,création d'unenewsletter, etc.Chacun dans l'entreprise ena,selon Bernard Marie Chiquet, «entre 4 et 7enmoyenne».Mais certains dirigeants interrogésen ont bien davantage. Pour accomplir sesrôles, lesalarié peut, entoute autonomie, sansavoir àenréférer àun supérieur hiérarchique,agir et prendre lesdécisions qui s'imposent.

Déléguer progressivement. Deson côté,le dirigeant est soumis au même traitementque sescollaborateurs. Au départ, il a davan-tagederôles,entre 50 et 75.Danslecadrede lamise en place del'holacratie, il est invité à lesdéléguerprogressivement.«Avant, toutpassaitpar moi,commedansunegare detriage, illustreBruno Joachin, dirigeant dePFMR, unesocié-té de pompes funèbres basée en régionparisienne. Aujourd'hui, je travaille l'équivalentdedeuxjours par semaine.» C'était son objectiflorsqu'il a décidé de se faire coacher endécembre 2014. Pour déléguer certains deleurs rôles, leschefsd'entreprise doivent déter-miner ceux qui constituent leur véritablevaleur ajoutée.«Il s'agit d'identifier ceuxqui fontleur talent et ceuxqu'ils peuventdéléguer. Parmicesderniers, ilsdoiventchoisir ceuxqu'ilspeuventdéléguertoutdesuiteet ceuxqu'il n 'estpaspos- £

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«J'aiplus de tempspour l'opérationnel»

Sébastien Ropert, directeur général de Winpharma

©vant d'adopter l'holacratie, Winpharma était basé sur unsystème hiérarchique traditionnel. «Dans notre métier, il fautêtre réactif, dynamique, explique Sébastien Ropert, directeur

général de l'éditeur de logiciels pour le secteur pharmaceutique. Or,notre niveau de réactivité baissait à cause d'une structure hiérarchique deplus en plus lourde, ralentissant voire empêchant l'intégration des bonnesidées issues du terrain.» C'est pourquoi les fondateurs décident, début2016, de tenter l'holacratie. Au démarrage, une trentaine de personnessont formées au concept et à l'idée. Si la mise en place est progressive,certaines situations sont désormais gérées différemment. Par exemple,les responsables de secteur ont vu leur périmètre se modifier.Auparavant, ils devaient demander des autorisations lorsque le niveau deremise exigée par le client dépassait une certaine somme. «Désormais, levendeur est intégralement responsable de sa vente», indique SébastienRopert. Un système qui a ses limites (aucun cadrage, confiance à laresponsabilité individuelle...) mais aussi beaucoup d'avantages. Au-delàdu gain de temps et de la responsabilisation du collaborateur, celaproduit un réel changement dans les rapports humains: «Sil'acheteurdécide, le vendeur doit aussi faire un choix. Il ne se cache plus derrière unresponsable, observe Sébastien Ropert. C'est une gestion d'égal à égal.Cela enrichit la relation humaine et c'est aussi une forme dereconnaissance pour le vendeur.» Le cadre dirigeant n'est lui-même pasépargné par les changements. «Cela m'a libéré du tempspour assurer des missions opérationnelles. Avec l'holacratie, le managerréoriente son énergie pour apporter une vraie valeur ajoutée.» Au final, lebilan est positif: «Nous sommes plus efficaces en termes d'action etd'adaptation à l'environnement.» Revers de la médaille, des réticences nemanquent pas de s'exprimer

en interne. «Deux à troisdéparts ont été enregistrés.Le passage en holacratiedemande d'accompagnerles collaborateurs pourdevenir des acteurs», insistele manager.

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WINPHARMAedLWHuUdelogicielspourlespharmaciesArzon(Morbihan)* AlexandreKarpov,président,61ansetSébastienRopert,directeurgénéral,42ans• SARLEverys>Créationen1994>100personnesCA201514millionsd'eurosllliniItlIIIIIIIItltlIIIIIIIIIIIIMIIIIHIIIIIIIIIIIIIIItlIIIIHIIItlIlllllllllllllllllllllItlIIIIIIIIIIIIIIIIII I

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® sible de céder dans l'immédiat, auquel cas ilfaudra engager un plan de recrutement et/ou d'ap-prentissage endeuxans», développe le directeurd'IGI Partners.

Une gouvernance partagée. Le fait quele dirigeant ait aussi, dans un système holacra-tique, àremettre enquestion son rôle, impliqueun changement au niveau de la gouvernance(c'estl'article 3 de la constitution). «Chaque col-laborateur doit pouvoir apporter des limites auxdécisions», poursuit Bernard Marie Chiquet.Autrement dit, cene sont plus uniquement lesmanagers qui ont cerôle ; des paliers devalida-tion disparaissent. C'estle caschezPFMR quia totalement revu son système degestion des dépensesen mettant enplace une plateforme digitale Rù lessalariéspeuvent communiquer entreeux. Les personnes sont invitées à ypublier leurs intentions d'achat. Siaucune objection n'estformulée dansles cinq jours, elles peuvent finaliserl'achat. «On metdeux gardefous : latransparence et le délai d'objection »,assure Bruno Joachin. Plus large-ment, la façon demener une réunion,par exemple, estlargement modifiée.«Il y a unfacilitateur, dessystèmesde tour deprisedeparole etderéactions. C'estassezpuissant», s'en-thousiasme le dirigeant. Enfin, l'article 4 fixelesrègles dujeu sur cequechacun peut attendredesautreset l'article5 donne desindications surla façon dedémarrer en holacratie.

La principale difficulté: changer leshabitudes. Autant de changements quiimpactent en profondeur le fonctionnement del'entreprise. La première des difficultés résidedans le fait deparvenir à faire évoluer les habi-tudes. «J'ai un peu minimisé la résistance auchangement de mescollaborateurs», confesseBruno Joachin. Au-delà, le dirigeant doit égale-ment faire un travail sur lui. «Levrai changementréside dansla relation aupouvoir. Leschefs d'entre-

Accepter quele change-

ment prennedu temps.

prise confondentleur existenceavecleur statut. Celaimplique un travail sur soi», analyse BernardMarie Chiquet. «Il faut être méga PûU», abondeBruno Joachin. Une fois quece travail est fait, ilest plus facile de déléguer certaines tâchescomme le recrutement et même la rétribution.«Je neveuxplus décider tout seulqui je recrute, quije licencie, combienjepaye les gens. Je suisen trainderéfléchira la miseenplace d'un nouveausystèmed'évaluation par sespairs», témoigne BrunoJoachin. Dernière difficulté : accepter que lechangement prenne du temps. Abandonner seshabitudes et en adopter de nouvelles ne va pasdesoi : celaprendra du temps pour que lessala-riés adhèrent et s'approprient de nouvelles

façons d'agir et de penser. Plusieursannées sont nécessairesà l'adoptionet à la mise en placede l'holacratie.

Un gain de productivité.Moyennant l'acceptation decesdiffi-cultés, l'holacratie promet des retourspositifs, àcommencer par un gain enmotivation et en productivité. «Celapermet aussi de se réaligner sur sonADN et d'éviter des gâchis d'énergiequand onne saitpas qui fait quoi dansl'entreprise», précise Bernard Marie

Chiquet. «Lesgensont plus d'autorité dans leurespace. Cela mepermet de mieuxgérer mesres-sources. Certains ont plus detravail», constateBruno Joachin. Au-delà, le dirigeant a égale-ment enregistré une hausse de 10 % de sonchiffre d'affaires depuis sonpassageenholacra-tie. Si les deux ne sont pas directement liés, oudu moins s'il est très difficile de mesurer l'im-pact du changement d'organisation sur lacroissance de l'activité, reste que cela n'a pasempêché l'entreprise de se développer. «Sic'était à refaire, je le referais différemment. J'auraisGû commencerpar gommer desproblèmes. Parexempleenmettant en place la plateforme numé-rique etune nouvelle organisation du travail. Labarre était trop haute... », conclut-il. I

#@AmelieMoynot

L'holacratie est un moyen de rendre plusautonomes et responsables les collaborateurs.

Elle permet aussi de gagner en productivité etcontribue ainsi à la croissance de l'entreprise.

Le dirigeant doit accepter de remettreen question sa vision du pouvoir.

L'adoption de nouvelles habitudes peutsusciter des résistances et prendre du temps.

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