pauvreté : tolérance zéro€¦ · serait vécu de père en fils. bien que ces réalités soient...

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g Dossier pédagogique des Equipes Populaires Bimestriel n°140 • Septembre-Octobre 2010 Belgique - België P.P. - P.B. 5000 - Namur 1 BC 4854 Bureau de dépôt : 5000 Namur mail. N° d’agréation : P 204078. INTERVIEW : Christine Mahy, présidente du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté Pauvreté : Tolérance zéro !

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Page 1: Pauvreté : Tolérance zéro€¦ · serait vécu de père en fils. Bien que ces réalités soient encore présentes dans nos sociétés, plusieurs nou-velles formes de pauvreté

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Dossier pédagogique des Equipes PopulairesBimestriel n°140 • Septembre-Octobre 2010

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INTERVIEW : Christine Mahy, présidentedu Réseau wallon de luttecontre la pauvreté

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Accepter la pauvreté, ce n’est pas civilisé !Notre civilisation régresse. La pauvreté augmente et surtout, l’écart entre les plus riches et lesplus pauvres a explosé. Au niveau mondial, les Etats se montrent incapables de garantir unfinancement pour atteindre les objectifs du Millénaire et réduire la pauvreté. L’Union européenne a décrété 2010 année de lutte contre la pauvreté mais, dans le mêmetemps, elle presse les Etats membres de dresser leur plan d’austérité.Chez nous aussi, la pauvreté gagne du terrain. La crise économique issue du crash financier de2008 a fragilisé davantage de ménages et assombri les perspectives d’avenir. Et là, il ne suffitpas d’utiliser la technologie pour, par exemple, faire de la téléréalité qui “montre des pauvres”(et conforte les autres qu’ils “n’en sont pas là”). Il faut des réponses. Pourquoi n’appliquerions-nous pas une politique de “tolérance zéro” pour la pauvreté ?

Dans ce numéro de Contrastes, l’on découvrira quelles sont les nouvelles formes de cette pau-vreté, quels sont aussi les groupes particulièrement vulnérables. Cela dit, le risque de pauvretén’épargne pas grand-monde, car il est en partie lié aux aléas de la vie, aux ruptures et aux acci-dents que l’on ne peut prévoir. Passer d’une situation où l’on gère deux ou trois crédits à celleoù l’on se trouve surendetté dépend souvent d’une perte de revenus, d’une séparation, d’unegrosse dépense imprévue…Mais l’analyse des chiffres du surendettement, présentée dans l’article suivant, témoignentaussi d’une aggravation et d’un déplacement des problèmes de paiement vers des biens de pre-mière nécessité : ce sont les factures d’énergie de soins de santé, voire les crédits hypothé-caires qu’une partie de la population ne parvient plus à honorer, le plus souvent faute de reve-nus suffisants.

Aussi, les mesures urgentes que nous évoquerons également, consistent-elles à tirer vers lehaut les minima sociaux et épauler les groupes les plus fragiles. Cela demande des finance-ments, bien sûr. Et, oui, la dette publique grève lourdement le budget et les espérances. Maisnous savons aussi qu’une réforme est à conduire, dans le sens d’une fiscalité plus juste, quitienne compte de tous les revenus et favorise une meilleure répartition des richesses.

Et qu’il est plus que temps aussi, à l’heure où la finance mondiale a montré les limites “du toutau marché”, de sortir un certain nombre de biens indispensables à la vie de la pure logique mar-chande et de réinventer la notion de “bien commun”.

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Aujourd’hui, la notion de nouvelles pauvretésémerge de plus en plus dans le débat public.Elle n’est pourtant pas toute jeune : en 1989,le CRISP (1) consacrait un de ses cahiers à « l’oc-cultation culturelle de la nouvelle pauvreté », ennous livrant cette phrase emblématique : « Lapauvreté, qui semblait un phénomène résidueldes sociétés ouest-européennes en voie d’éra-dication a recommencé à s’étendre »… Depuisla parution de ce cahier, la pauvreté a explosé !Selon la Croix-Rouge, rien que durant l’année2009, les demandes d’aide alimentaire ontaugmenté de 6% en Belgique. En 20 ans, ellesont augmenté de 135% (2) !

Parallèlement à cette augmentation, la Croix-Rouge fait aussi état d’une diversification despublics qui font appel à ses services.Aujourd’hui, les demandes d’aide proviennentde plus en plus des retraités, des jeunes diplô-més qui n’ont pas trouvé d’emploi, des famillesmonoparentales et des travailleurs dont lesalaire ne suffit pas. A la lecture des différentsrapports, baromètres ou ouvrages traitant de la

lutte contre la pauvreté, ce sont bien cesmêmes catégories qui ressortent.

Adieu retraite au soleil ?

Dans le Cahier de l’éducation permanenteconsacré aux nouvelles formes de pauvreté (3),on apprend que la classe d’âge qui encourt leplus grand risque de pauvreté par rapport aureste de la population est celle des personnes« âgées » (de 65 ans et plus). Ainsi, 23% de nosseniors vivraient sous le seuil de pauvreté,contre 15% pour les autres tranches d’âge.

Alors, adieu retraite dorée ou retraite méritée ?En effet, il semble que pour un pourcentagegrandissant de la population, la retraite ne soitplus perçue comme la libération qu’elle symbo-lisait encore il y a 20 ans. Entre carrièresincomplètes, allocations insuffisamment ajus-tées et l’augmentation du coût de la vie, la pré-carité s’installe de plus en plus souvent cheznos parents et grands-parents, sans parler dessoins médicaux rendus nécessaires par l’allon-

Précarité, qu’est-ce que ça veut dire ?

“Est précaire celle oucelui qui éprouve l’incer-titude de son avenir avecsuffisamment de vio-lence pour que celadevienne souffrance etmette en cause la réali-sation de projets de viefondamentaux.”(François Schreuer dans“Les nouvelles formes depauvreté”, Les cahiers del’éducation permanente,PAC éditions 2008, p.69).

Lorsque nous pensons à lapauvreté dans nos pays,c’est l’image du clochardfaisant la manche à lasortie du métro qui s’im-pose le plus souvent à nosesprits. Plus largement, lapauvreté est encore trèssouvent imaginée commehéréditaire, véhiculantl’idée d’un quart monde quiserait vécu de père en fils.Bien que ces réalités soientencore présentes dans nossociétés, plusieurs nou-velles formes de pauvretésont apparues durant les 20dernières années. De nosjours, il semble que pluspersonne ne soit à l’abri durisque de tomber dans lapauvreté.

Les nouveaux visagesde la pauvreté

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gement de la durée de vie. Et, lorsque l’undes membres du couple décède, l’autre seretrouve souvent démuni pour assurer le coûtdu logement ou se payer une place en mai-son de repos (la grande majorité étant pri-vées et hors de prix), lorsque les premierssignes de l’âge se font sentir.

De plus, les plans qu’on nous annonce nesont guère brillants : Entre relèvement del’âge de la pension, diminution, voire dispari-tion, des pensions légales en faveur de lacotisation individuelle dans des fonds de pen-sions privés pour ceux qui en ont les moyens,la fin de carrière ne s’annonce pas rose pourla majorité des travailleurs d’aujourd’hui.

Quel décollage dans la vie active ?

De l’autre côté de la pyramide des âges, lasituation n’est pas mirobolante non plus. Amoins qu’on soit muni du bon diplôme, oud’un réseau de relations bien fourni, il est deplus en plus difficile de trouver un emploiconvenable au sortir des études. Là où undiplôme supérieur était vu auparavantcomme la garantie de l’accès au travail, lapénurie d’emplois et les exigences de plus enplus élevées des employeurs ont, depuis plu-sieurs années, largement contribué à fairementir ce mythe. Le temps d’attente entre lesétudes et l’entrée dans la vie active s’estconsidérablement allongé, ce qui amène lesjeunes à être confrontés au règne de l’ultraflexibilité, enchaînant petits boulots précaireset intérims pour survivre. Quand ils ne sesont pas tout simplement « coincés » dans laspirale infernale du chômage.

Les jeunes adultes sont particulièrement vul-nérables face à la précarité. Et, alors que leprécédent Baromètre social (2008) indiquaitdes signaux positifs en termes d’insertiondes jeunes sur le marché du travail, ceux-ciont été réduits à néant par l’évolution du chô-mage en conséquence de la crise.Aujourd’hui, à Bruxelles, un tiers des jeunesadultes est au chômage (4)…

Célibataire avec enfant, la liberté ou la survie ?

Autre phénomène des temps modernes, lesfamilles monoparentales (un parent qui élèveseul un ou plusieurs enfants) sont de plus enplus nombreuses. En 2010, plus d’unefamille sur six en Belgique est dans ce cas, etplus de 10% des enfants de moins de 16 anssont dans cette situation. Une situation danslaquelle le parent isolé est le plus souvent

une femme. Et, si la monoparentalité n’estpas un problème en soi si elle est bien vécue,elle entraîne une série de difficultés maté-rielles et sociales qui engendrent un risqueaccru de connaître des difficultés écono-miques (5).

Par ailleurs, en dehors du fait qu’il soit bienplus difficile de faire face aux coûts de la vie,et de l’éducation des enfants, lorsqu’on estseul, les aides et dispositions légales neprennent pas encore assez cette réalité encompte. D’un côté, il n’est pas aisé de trou-ver un emploi adapté à la présence d’enfantsen bas âge ; de l’autre, l’offre de places d’ac-cueil subventionnées à prix abordable est lar-gement insuffisante. Et, prendre un crédit-temps est synonyme de perte de salaire, unluxe que ne peuvent s’autoriser la plupartdes parents isolés. Pire encore, des pro-blèmes tels que la recherche de gardes d’en-fants à un coût abordable ne sont pas accep-tés comme motifs valables de refus oud’abandon d’un emploi par le code du chô-mage, mettant parfois les parents qui sontseuls dans des situations inextricables.

Tous ces facteurs rendent les familles mono-parentales très vulnérables. Alors que lerisque de pauvreté pour une famille tradition-nelle est d’environ 15% en Belgique, celui-cimonte à près de 40% dans les cas d’unparent éduquant seul ses enfants (6). Ces der-niers sont également plus atteints par le chô-mage de longue durée que les premières...

Les « working poors », quand le travail ne suffit plus…

Bien que l’emploi rémunéré contribue, sur-tout en Belgique, à réduire le pourcentage durisque de pauvreté en offrant généralementune bonne protection de revenus, il convientde constater que 13% des adultes pauvressont des travailleurs. Le travail n’immunisedonc plus contre la pauvreté... Un fait qui« s’explique par une faiblesse des rémunéra-tions, souvent couplée à une piètre qualitédu contrat de travail, souvent à temps partiel,ainsi qu’au nombre de personnes àcharge. (7) »

Hélas, cet émiettement du travail, (la multipli-cation des contrats temporaires, temps par-tiels subis, intérim…), comme l’appellePhilippe Defeyt, ne semble pas prêt de s’arrê-ter. Dans ce monde actuel où les chercheursd’emploi sont mis en concurrence les unsavec les autres, le risque de devenir un tra-vailleur-kleenex soumis à l’hyper flexibilité necesse d’augmenter, pour, tôt ou tard, venir

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Emploi convenable

Un emploi convenable estun emploi qui correspondsoit à la profession àlaquelle préparent lesétudes ou l’apprentissage,soit à la profession habi-tuelle ou à une professionapparentée. Bien qu’ils’agisse au départ d’unenotion destinée à protégerle chômeur, ces critèressont revus à la baisse après6 mois de chômage. Envertu de la législation sur lechômage, après cettepériode, le demandeurd’emploi ne pourra doncplus refuser un emploi sousprétexte que celui-ci necorrespond pas à sondiplôme ou son expérience.En d’autres termes, il serasouvent obligé de se bra-der, et donc être pris dansune spirale de dévaluation,sous peine de perdre sesallocations de chômage.

grossir les rangs des working poors (travailleurspauvres).

Une érosion qui continue, la spirale infernale et ses facteurs aggravants…

Depuis 20 ans, nous avons assisté à une véri-table érosion de la classe dite « moyenne ». Unphénomène encore amplifié par la crise, qui afortement augmenté l’apparition des « nou-veaux pauvres », victimes de licenciements etfaillites innombrables. Parmi les nouveaux arri-vés sous le seuil de pauvreté, on trouve aussibeaucoup d’indépendants qui ont tout perdu oupresque. Ceux-ci, comme tant d’autres, seretrouvent au chômage. Quand ils y ont droit…

Dès lors que davantage d’emplois sont détruitsque créés, le chômage devient de plus en plusune spirale infernale. De fait, « pour beaucoupde personnes, le chômage n’est pas tempo-raire, mais est une situation qui va perdurer. Lechômage de très longue durée (5 ans et plus)continue d’augmenter » (8). Et, plus un chômeurreste longtemps dans cette situation, moins il ale droit d’exiger un emploi qui lui serait conve-nable, sous prétexte qu’il sera devenu de moinsen moins compétent (9) ! “De plus, pour les chô-meurs qui exerçaient auparavant une activitéen tant qu’indépendants, l’ONEM ne laisse passouvent la possibilité de s’engager à nouveaudans une telle activité (10)”.

Parallèlement à la problématique du chômage,les personnes vivant des difficultés écono-miques sont souvent confrontées à d’autresfacteurs qui peuvent aggraver leur situation.

Le risque d’exclusion bancaire est un autredanger de bannissement social bien réel.Aujourd’hui, alors que l’accès aux services ban-caires constitue un des éléments clefs de l’inté-gration sociale, 6 à 8% des adultes n’auraientpas de comptes bancaires, avec toutes les diffi-cultés que cela engendre forcément (11).

Concernant les mesures de lutte contre la pau-vreté, les personnes socio-économiquement vul-nérables éprouvent souvent les plus grandes dif-ficultés à avoir accès aux aides disponibles. Enplus de l’impossibilité pour les travailleurssociaux de maîtriser des réglementations sanscesse plus complexes, l’obtention des aides estrarement automatique. Et les revenus qui sontpris en compte pour l’obtention de celles-ci sonten général ceux de l’année précédente, laissantbien souvent sur le carreau ceux qui se retrou-vent brusquement confrontés à des difficultésfinancières (faillites, licenciements…).

La pauvreté n’est pas une fatalité

Les différentes formes nouvelles de précarité etde pauvreté sont, aujourd’hui, bien identifiées.Les organismes et institutions qui luttent contrecelles-ci, réfléchissent continuellement auxsolutions qui peuvent y être apportées. Desmesures d’aide sont adoptées, d’autres sontadaptées, pour correspondre mieux aux situa-tions vécues.

Aussi, depuis la crise, toute une série de reven-dications solidaires ont gagné en légitimitédans le débat public. Dans cet ordre d’esprit, laréduction du temps de travail, afin de mieuxpartager le travail au sein de la populationactive, pourrait apporter des éléments de solu-tions au manque d’emplois. Par ailleurs, l’exi-gence de maintien et de refinancement desservices publics, dont la multiplication desplaces d’accueil subventionnées et financière-ment accessibles (crèches, maisons derepos…), allégerait considérablement lescharges et les angoisses des parents isolés etdes aînés...

La pauvreté et la précarité ne sont pas desfatalités, à condition de revoir la façon dontsont répartis le travail et les richesses entretous. Et, si l’éradication de la pauvreté n’estsans doute pas pour demain, en tous cas pasavant une révision profonde du système actuel,il apparaît néanmoins qu’une prise deconscience des injustices qu’il engendre s’estinstallée et fait son chemin.

Stuart Wrathall

(1) Centre de recherche et d’information socio-politiques.(2) Dossier de presse de l’Opération « Tirons un trait surla faim » du 29 avril au 13 mai 2010.(3) “Les nouvelles formes de pauvreté”, Les Cahiers del’éducation permanente, PAC 2008, p. 23.(4) Baromètre social. Rapport bruxellois sur l’état de lapauvreté 2009.(5) “Les nouvelles formes de pauvreté “, PAC 2008, p. 83.(6) Baromètre interfédéral de la pauvreté 2010. (7) “Les nouvelles formes de pauvreté”, PAC 2008, p. 110.(8) Baromètre social. Rapport bruxellois sur l’état de lapauvreté 2009.(9) “Au cours des deux dernières décennies, les paysd’Europe de l’Ouest n’ont eu de cesse de privilégier l’éva-luation des capacités actuelles du chômeur et d’en faireune grandeur évolutive dans le temps : plus la durée duchômage s’allonge, plus les capacités s’affaiblissent. Lesexigences du chômeur doivent donc diminuer proportion-nellement.”… Lutte contre la pauvreté. Rapport 2008-2009, p. 105.(10) Lutte contre la pauvreté. Rapport 2008-2009, p.105.(11) “Les nouvelles formes de pauvreté”, PAC 2008, p.73.

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Selon les statistiques récentes de la Centrale descrédits aux particuliers (1), 7,3% des Belges ayant unou plusieurs crédits sont considérés comme des mau-vais payeurs sur un total de 4,942 millions decontrats. Contre 7,1% (sur base de 4,772 millions decontrats) à l’été 2008.

362.951 Belges sont en défaut de remboursementde leurs crédits pour le mois de septembre 2010 soitune augmentation de 2,9% par rapport au 30 sep-tembre 2009. La dette totale des crédits impayéss’élève à 2,4 milliards d’euros. Par ailleurs, lesdéfauts de paiement seraient proportionnellementplus fréquents chez les emprunteurs plus jeunes,âgés de 25 à 34 ans. Les raisons de ces défaillancesde paiement sont multiples. On peut citer les acci-dents de la vie (chômage, séparation, maladie…), laprécarité chronique des revenus, l’instabilité person-nelle (dépression, assuétude…) ou encore un train devie disproportionné.

Crédit pour tout, crédit pour tous ?

Ce sont les prêts à tempérament qui sont les plustouchés par les crédits défaillants (16% d’augmenta-tion). Ces prêts concernent les achats tels que les voi-tures, les travaux de rénovation, un grand voyage...Les ouvertures de crédit suivent la tendance. Ces cré-dits concernent ceux contractés par exemple dans les

grands magasins et permettent de différer le rem-boursement des dépenses. Bien souvent, le consom-mateur n’est pas au courant des conditions contrai-gnantes que lui impose la signature d’un tel crédit.Les taux d’intérêt sont élevés. En outre, cette formulede crédit est assez banalisée car elle est facile àobtenir. De plus, la tentation est grande lorsque l’onsait qu’elle est octroyée dans la majorité des cas, defaçon indéterminée. Le consommateur peut très vitetomber dans la spirale de l’endettement car il a l’im-pression d’avoir un pouvoir d’achat infini !

Autre phénomène inquiétant : Les crédits hypothé-caires ne sont pas épargnés par l’augmentation desdéfauts de paiement : 27.404 contrats sur un total de2.456.914 crédits hypothécaires en cours. Depuis2008, on observe une hausse régulière de ceux-ci. Cequi traduit un fossé existant entre d’une part, le prixde l’immobilier et des biens mis en vente et d’autrepart, le revenu des personnes.

Etre pauvre... Etre surendetté ?

En principe, dans le cadre d’un règlement collectif dedettes, la loi prévoit que la somme d’argent prêtée àla personne surendettée ne peut être inférieure aurevenu d’intégration, c’est-à-dire à l’aide sociale finan-cière garantie accordée par les CPAS (474,37 €/moispour les cohabitants, 711,56 €/mois pour les isolés,

Le surendettementgagne du terrainLe surendettementgagne du terrainA l’heure de l’année européenne de lutte contrela pauvreté, au moment où de nouveaux chiffressur le surendettement sont publiés par la Cen-trale des crédits aux particuliers, il nous sem-blait important de dresser un bilan des dernierschiffres sur la pauvreté.

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948,74 €/mois pour les personnes ayant une familleà charge). (2) La personne surendettée peut égalementavoir recours à un médiateur de dettes « qui négociepour elle un plan d’apurement avec ses créanciers,qui détermine le montant qui lui est destiné sur basedu critère de la dignité ». Mais que signifie le terme« vivre dans la dignité » ? Il est évident que l’interpré-tation de cette notion dépendra de la sensibilité dumédiateur de dettes en charge du dossier.Indépendamment de ces considérations, les montantssociaux qui sont actuellement en vigueur en Belgiquene sont pas assez élevés pour éviter de tomber dansla pauvreté, selon l’Observatoire du Crédit et del’Endettement.

Il existe des mécanismes de contrôles préalables àl’octroi d’un crédit. Pour le crédit à la consommation,le prêteur doit consulter la Centrale des crédits auxparticuliers avant d’octroyer un prêt et doit vérifier lasolvabilité de l’emprunteur au moment de sademande de crédit.

Ceci devrait être rassurant, mais pourquoi alors6,5% (3) des bénéficiaires du revenu d’intégration ontdéjà fait une demande de crédit et ont reçu uneréponse positive ? Ne sont-ils pas des personnes àrisque ? D’autres questions se posent alors : Se trou-vaient-elles déjà en situation précaire avant l’octroid’un crédit ou se trouvent-elles dans cette situation enraison d’un changement dans leur vie privée (perted’emploi…) ? L’octroi du crédit a-t-il accentué leurs dif-ficultés économiques et favorisé leur surendette-ment ?De plus, rien ne garantit que l’emprunteur continueraà avoir la même solvabilité une fois le crédit octroyé !

Par ailleurs, environ 7% des dossiers traités par lesservices de médiation de dettes en Région wallonneconcernent des personnes qui bénéficient du revenud’intégration ! Depuis 2007, le coût de la vie et les iné-galités de revenus augmentent, fragilisant ainsi lescatégories sociales plus sensibles telles queles personnes vivant seules, les famillesmonoparentales, les personnes au chô-mage, les travailleurs qui ont un salaire fai-ble et les personnes bénéficiant du revenud’intégration. La plupart des dossiers traitéspar les services de médiation de dettes enRégion wallonne concernent des personnesisolées ou des familles monoparentales,66% des demandeurs d’intervention des ser-vices de médiation de dettes sont sansemploi ! En Belgique, 73% des personnesqui sont en médiation de dettes vivent avecun revenu de remplacement (chômage, pen-sion, handicap…). Enfin, 4,3% des travail-leurs belges sont pauvres. En 2010, unWallon sur cinq est pauvre contre un Belgesur sept ! (4)

Les causes du surendettement

Selon Didier Noël, coordinateur scientifique del’Observatoire du Crédit et de l’Endettement : « Tantau niveau européen qu’en Wallonie, le surendette-ment semble être lié à divers phénomènes : l’état despersonnes surendettées et la composition de leurfamille (le fait d’être jeune et d’avoir des enfants ou lefait de vivre seul sans ou avec des enfants), leur situa-tion socio-économique (le fait d’être chômeur, le faitde ne disposer que de revenus peu élevés car lesurendettement touche également des travailleurs,notamment ceux dont les revenus se situent en des-sous du seuil de pauvreté, le fait d’être locataire),mais également le contexte micro et macro-écono-mique dans lequel elles évoluent ainsi que leurshabitudes sociales. (5) »

D’une part, 1/5 des ménages sont surendettés car ilsont mal évalué leur capacité de remboursement.D’autre part, dans 1/3 des cas, les accidents de viesont à l’origine du surendettement : la perte de reve-nus ou « une augmentation des charges qui en résulten’a pu être compensée par un ajustement rapide dubudget (par exemple, parce que les mensualités descrédits en cours n’ont pu être rééchelonnées) ou parune épargne et n’a pas pu être résorbée assez rapide-ment (6)». Parmi les raisons de l’endettement, on cite lecrédit (66%), les charges du ménage (34%), les soinsde santé (61%), l’énergie (46%), les taxes (44%), latéléphonie (43%) et les impôts (32%) (7).

Besoins vitaux menacés

Aujourd’hui, on observe une nouvelle tendance : denombreuses personnes n’ont plus les moyens de sechauffer, de se nourrir ou de se loger et doivent doncavoir recours à des crédits pour pouvoir payer leursfactures ! Ce sont les besoins vitaux qui sont donctouchés ! Dans son rapport 2008-2009, le Service delutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion g

www.lesantennes.org

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sociale révèle qu’il y a une augmentation du nombrede difficultés de paiement notamment dans le secteurde l’énergie. « Tant les gestionnaires du réseau de dis-tribution (GRD) que les régulateurs soulignent quecette hausse s’est surtout produite à la fin de l’année2008. (…) Pour la Région flamande, les deux plusgrands gestionnaires de réseau notaient déjà enautomne 2009 une augmentation de 13%, par rap-port à l’année 2008, du nombre de ménages fournispar les GRD. A côté de cela, une forte augmentation aété notée concernant les dossiers auprès de la ‘lokaleadviescommissie’ (LAC ; commission locale pourl’énergie) et des compteurs « à budget actifs pourl’électricité ». En ce qui concerne la Région wallonne,le nombre de clients déclarés en défaut de paiementpour l’année 2008 était en augmentation par rapportà l’année 2007 : augmentation de 4,8% de la clien-tèle résidentielle en électricité et de 7,1% de laclientèle résidentielle en gaz » (8).

En matière de santé également, on observe quel’amélioration de l’espérance de vie des belges et l’ac-cès aux soins de santé ne profite pas à tous. Il y a uneinégalité sociale évidente dans ce domaine. La situa-tion des groupes qui se retrouvent en bas de l’échellesociale n’évolue pas et régresse même. Un ménagebelge sur huit a des problèmes financiers en raisonde ses frais de santé. (9) Résultat : les personnes s’en-dettent ou reportent leurs consultations chez le géné-raliste et le spécialiste, l’achat de lunettes, l’achat demédicaments. Or, il s’avère que 4 ménages sur 10 ontun problème de santé chronique et que 12% de cesménages ont des difficultés financières. En moyenne,les malades chroniques dépensent de 155 à 226 €par mois pour leurs soins tandis que les autresdépensent 77 € par mois. Au total, la moitié desménages qui ont des maladies chroniques et qui ontdes difficultés financières reportent leurs soins de

santé et 12% s’endettent pour ceux-ci. Ce sont desisolés, des familles monoparentales, des invalides,des locataires ou des personnes qui vivent sous leseuil de pauvreté (10).

Enfin, 10% de la population utilise 68% des soins desanté, et ceux qui en ont le plus besoin sont ceux quigénéralement y ont le moins recours.

Bruxelles : le parent pauvre ?

A Bruxelles, plus de 25% de la population vit sous leseuil de risque de pauvreté. Contre 10,1% en Flandreset 19,5% en Wallonie. La capitale enregistre le tauxd’emploi le plus faible du pays avec 55,1% contre65,8% en Flandre et 56,2% en Wallonie. Il y a unevéritable aggravation du chômage (environ 9.000 chô-meurs en plus de septembre 2009 à septembre2010) : le taux de chômage dans la région est deuxfois supérieur à celui du pays. On observe égalementun accroissement des inégalités de revenus et l’aug-mentation du nombre de personnes dépendant d’unrevenu de remplacement et d’aide sociale. (11) « La partdes bénéficiaires d’une allocation du CPAS avoisine letriple du taux national et ne cesse d’augmenter. » (12)

Qu’en est-il pour le surendettement ? En 2009, 5,2%des Bruxellois ont des contrats défaillants contre 4,1%pour l’ensemble de la population belge. Au total, 10%des Bruxellois ont du mal à rembourser leurs crédits.C’est similaire à la Wallonie mais cela représente ledouble par rapport à la Flandre (5,2%). Notons cepen-dant que ces chiffres ne concernent que les crédits àla consommation et non les dettes de loyer, de soinsde santé, de pensions alimentaires non payées, d’im-pôts, d’énergie et d’eau car elles ne sont pas enregis-trées dans la Centrale de crédits aux particuliers. (13)

De plus, on sait que plus de 50% des ménages bruxel-lois ont du mal à tenir leur budget en équilibre. Lamajorité de leurs revenus sont absorbés dans le loyer,l’énergie, les frais médicaux et pharmaceutiques etenfin les impôts et les taxes. (14)

Claudia Benedetto

1 “Dernières données relatives aux enregistrements de la Centrale des crédits aux particuliers (2010)”, téléchargeable sur le site de la Banque nationale de Belgique : www.nbb.be.

2 https://www.socialsecurity.be/CMS/fr/citizen/displayThema/private_life/PRITH_5/PRITH_5_1.xml, chiffres du 1er septembre 2008.3 Martens Denis, Noël Didier, “Etre surendetté. Etre pauvre ?”, “Les nouvelles formes de pauvreté” in Les cahiers de l’éducation permanente, PAC, 2008.4 Thierry Denoël, “Pauvres wallons” in Le Vif L’Express en ligne, 2 avril 2010.5 Martens Denis, Noël Didier, “Etre surendetté. Etre pauvre ?”, “Les nouvelles formes de pauvreté” in Les cahiers de l’éducation permanente, PAC, 2008.6 Idem7 Plate-forme “Journée Sans Crédit”.8 “Rapport 2008-2009. Partie 1 : une contribution au débat et à l’action politique”, service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale.9 Etude de la Mutualité Chrétienne effectuée sur environ 6000 de ses membres, 2008.

“Accès aux soins, accès aux droits”, Alter Echos n°283, 23 octobre 2009.10 “L’inégalité sociale en matière de santé reste tenace en Belgique”, Fédération Roi Baudouin et le TAHIB (Tackling Health Inequalities in Belgium), 12 oct. 2010.11 “Rapport sur l’état de la pauvreté, baromètre social 2010”, Observatoire de la santé et du social Bruxelles-Capitale.12 http://evelyne.huytebroeck.be/spip.php?article80413 “Baromètre social, rapport bruxellois sur l’état de la pauvreté 2010”, Observatoire de la santé et du social Bruxelles-Capitale.14 “9ème rapport sur l’état de la pauvreté à Bruxelles-Capitale, Observatoire de la Santé et du Social Bruxelles-Capitale, avril 2004.

Le seuil de pauvreté en 2008•Isolé : 899 € net /mois

•Couple avec deux enfants : 1888 € net/mois

•Famille monoparentale de deux enfants : 1438 €net/mois

Source : SPF Economie, Direction Générale Statistique et Information Economique,EU-SILC 2008.

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W Christine Mahy :

Le pauvre est un supercitoyen !

n Pouvez-vous nous présenter en quelquesmots le Réseau wallon de lutte contre lapauvreté ? Comment s’organise-t-il etautour de quels objectifs ?

p Les associations qui adhèrent à un réseaude lutte contre la pauvreté doivent être d’ac-cord avec le principe qu’elles intègrent unedémarche politique. C’est très important carbien souvent les associations mènent des

« actions sparadrap » nécessaires mais qui nesont pas véritablement émancipatrices. Il fautdonc tenter d’agir sur les véritables causes dela pauvreté. Les Réseaux de lutte contre la pauvreté intè-grent également l’idée d’une démarche partici-pative. Tout individu a les capacités d’être uncitoyen actif. De plus, les personnes qui ontconnu ou qui vivent dans la précarité ont unregard différent sur la société. Elles acquièrentun savoir, une expertise particulière. Leur expé-rience de la vie est une richesse et n’est pas ànégliger ! Bien souvent, elles apportent unregard neuf et des idées différentes de cellesdu politicien. Faire participer ces personnespour discuter des solutions qui les concernentet des mécanismes politiques de l’organisationadministrative, par exemple, peut faire gagnerdu temps et de l’argent à la société !Actuellement, la participation n’est envisagéequ’au travers du témoignage des gens pré-caires mais cela n’est pas suffisant ! Il faut lesfaire participer à toutes les étapes d’un proces-sus y compris aux critiques et aux remarques...Le fait d’être entendus constitue une réellereconnaissance mais il faut aller plus loin souspeine d’instrumentalisation.

(1) “Une politique économique structurelle est une politique économique de moyen et long terme”.

Christine Mahy est présidente duRéseau wallon de lutte contre la pau-vreté. La lutte en faveur des personnesprécarisées, elle la connait bien,puisque dès son plus jeune âge, elledécide d’aller à contre-courant et desuivre son intuition en accompagnantune communauté turque de sa région. Dans le cadre de l’année européenne delutte contre la pauvreté, il nous sem-blait incontournable de la rencontrer .

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Il faut travailler sur les politiques structu-relles (1) pour qu’elles soient accessibles àtous et compréhensibles pour tous, améliorerla sécurité sociale et l’améliorer, défendredes services publics gratuits ou augmenterles revenus des ménages pour qu’ils puissentles utiliser !

n Quel est votre sentiment par rapportaux politiques belges en matière de luttecontre la pauvreté ?

p Depuis plusieurs années, on n’arrête pasd’augmenter les « camions-balais » du social.Comme dans les courses cyclistes, lorsqu’ uncamion suit le peloton pour aller rechercherles fatigués ! Dans une société, même deplein-emploi, il est évident qu’il y aura tou-jours ces « camions- balais » maisaujourd’hui, ils sont trop nombreux ! Le pro-blème, c’est que l’on crée généralement despolitiques structurelles sans tenir compte de

toute la population, on crée alors les règlesde rattrapage et les personnes qui ne seretrouvent pas dans ces politiques sont alorsconsidérées comme responsables de lacondition dans laquelle elles se trouvent ! Ilfaudrait envisager les choses différemment :lorsque l’on conçoit une politique, il faut dèsle départ prendre en compte les besoins dela population dans son ensemble. On observe également une culpabilisation despauvres. On laisse croire que c’est l’individuqui est responsable de sa situation et de lasituation du pays. Prenez l’exemple des chô-meurs : on dit qu’ils tirent le pays vers le bas !Les gens sont sanctionnés par rapport à unsystème qui a des règles établies. Comme sion savait encore offrir de l’emploi ou du loge-ment à tout le monde ! Nos politiciens ont uneimmense responsabilité car plus on rend res-ponsable une personne de choses contre les-quelles elle ne peut rien faire, plus elle rejet-tera la collectivité !

Il y a aussi un manque de coordination entreles différentes politiques structurelles. Onétablit le seuil de pauvreté à 899 € net parmois mais on oublie tous ceux qui aujourd’huivivent un peu au-dessus de ce seuil et n’arri-vent pas à joindre les deux bouts ! La poli-tique menée actuellement est celle des« vases communicants » c’est- à-dire que l’onvous octroie un avantage d’un côté et quel’on en retire un de l’autre. Il arrive qu’enobtenant un travail mi-temps, on passe justeau-dessus d’un seuil de revenus et on perdles allocations familiales majorées pour lesenfants. Les gens désespèrent d’en sortir. Ilfaudrait au minimum que les avancées posi-tives dans les politiques structurelles soientcoordonnées de façon complémentaire. Laréalité, c’est qu’il faut pouvoir avoir un revenudécent qui permette de vivre confortablementet plus paisiblement.

Je me pose souvent cette question : « A quiservent les pauvres ? ». On pense rarementau fait qu’ils sont des grands pourvoyeursd’emploi. On ne cesse de créer des servicespour s’occuper des gens. La pauvreté devientalors un produit que l’on gère dans une col-lectivité !

n Quelle image des pauvres est véhiculéedans notre pays ?

p Je me dis souvent que les pauvres sontdes « super citoyens » car les attentes de lacollectivité à leur égard sont plus importantes

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CARTE D’IDENTITEMA VILLE D’ORIGINE : Marloie, dans la province du Luxembourg.

J’ai grandi dans une famille aux origines modestes. Mes parents ont travaillé dur pourque l’on puisse vivre décemment. J’ai pu observer la spirale de la dureté du travail.Durant cette période, j’ai pu également observer les dualismes existants dans notresociété : dualisme de classe mais aussi dualisme de qualification.

MA FORMATION : Assistante sociale (1978)

Ces études m’ont dégoûté du travail social. J’avais l’impression de découvrir que lesgens étaient en défaut et que j’apprenais un métier où on allait les remette sur lesbons rails. J’ai toujours été assez rebelle. En troisième année, j’ai décidé de faire dudéveloppement communautaire dans ma région. C’est ainsi que naît la maison dequartier « La chenille ». J’ai donc fait mon stage d’assistante sociale à Marche-en-Famenne où la communauté turque est prépondérante. C’était un quartier réputé « àproblèmes ». Je n’en ai cependant jamais eu avec cette communauté. J’ai commencéà développer un cours de français, une école de devoir et à organiser des activités...Je ne savais pas ce qu’était une collectivité ni ce que le développement communau-taire représentait. Je me suis vite rendu compte qu’il fallait avant toute chose rencon-trer les gens pour voir quels sont leurs besoins réels. J’ai alors fréquenté beaucoupplus les familles. J’ai appris que leur désarroi était dû à un manque de reconnais-sance culturelle plutôt qu’à des raisons matérielles. C’est là que j’ai voulu mêler laculture au social. A la fin de mon stage, j’étais décidée à trouver un job qui me per-mettrait de continuer à travailler dans ce quartier.

MA VIE PROFESSIONNELLE

A partir de 1984, je milite au sein de la maison de quartier « La chenille » et suisengagée à la Maison de la culture de Marche- en- Famenne pendant 14 ans (dont 7ans en tant que directrice) au service de l’éducation permanente. Depuis 2000, je travaille pour l’asbl. Le Miroir Vagabond qui a pour but de développerdes projets communautaires en milieu rural. Je suis également présidente du Centre de médiation des gens du voyage en Wallonie,et présidente du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté depuis janvier 2001.

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que pour les autres catégories sociales. Laresponsabilisation individuelle est effrayante.Et puis, qui peut croire que des gens puissents’épanouir uniquement par l’assouvissementde leurs besoins primaires sans aucuneautre perspective possible ! C’est ce que j’ap-pelle « la gestion matérielle du quotidien ».Bien souvent, on dit qu’ils sont tout le tempsfatigués, stressés... Mais, on oublie qu’ilsn’ont aucun moyen de dissiper le stress duquotidien. Leur stress est beaucoup plusintense car ils n’ont pas les mêmes certi-tudes quant à leur avenir et ne possèdentpas les mêmes outils pour faire face aux pro-blèmes du quotidien ! Par exemple, si unepersonne pauvre n’a pas le moral, elle nepourra pas acheter de nouveaux vêtements,des pâtisseries ou aller au cinéma ! Elle nepeut jamais se le permettre ! De plus, notresociété véhicule une valeur d’uniformisation.Il faut ressembler aux autres pour êtrequelqu’un, il faut posséder pour êtrequelqu’un ! Pourquoi le pauvre ne serait-ilpas touché par cela ? Ce n’est pas parcequ’on est pauvre qu’on n’a pas de désirs ! Ilest évident que je n’encourage pas les gensà acheter à tout prix mais il faut tenir compted’autres besoins à notre époque. Il est indé-cent de croire que les pauvres ne peuventpas prétendre aux mêmes envies que lesnôtres.

n Comment le Réseau agit-il pour lutterplus justement contre la pauvreté ?

p Notre moyen d’action, c’est d’organiserdes rencontres directes entre les personnesqui la vivent la pauvreté au quotidien et lesdécideurs politiques. Ces rencontres ont pourobjectif de remettre du réalisme dans la dis-cussion avec le décideur. Essayer de lui fairerencontrer du collectif qui lui fait prendreconscience que les personnes n’ont pasenvie d’être fainéantes et qu’elles ne cher-chent pas à être en dehors de la société. Lesgens ont envie de participer activement à lasociété. Ces rencontres directes concernentaussi les intermédiaires sociaux qui viventdes contradictions dans leur travail entre lefait de satisfaire l’institution publique et desatisfaire les usagers. Ils sont obligés d’appli-quer des règles qu’ils savent incohérentes etle vivent mal. Même chose du côté du Foremoù les accompagnateurs des chômeurssavent pertinemment que les possibilités detrouver un emploi sont très minces mais ilsencouragent quand même les chômeurs et

leur mettent la pression parce que c’est lapolitique du moment. Ils se retrouvent frus-trés face à ce constat.

n Qu’est-ce qui vous motive dans l’actiondu Réseau ?

p Ce qui m’a intéressé dès le départ, c’estde mener des actions de type sociopolitique.Il faut travailler dans le milieu de vie des per-sonnes pour les renforcer, faire émerger leursidentités propres et les mettre en relationavec la collectivité. C’est un travail à la foisinterne et externe au groupe. Toute personnedoit pouvoir s’épanouir dans le milieu qu’elleconnait bien, où elle va développer desconnaissances (interne) qui lui permettrontd’être prête à rencontrer la collectivité(externe). Par exemple, au lieu d’organiserdes cours d’alphabétisation à part, faisons-les dans une bibliothèque car c’est un lieud’échange, de contact avec la collectivité. Lesadultes n’ont pas besoin d’être scolarisés, ilsont déjà des connaissances. Ce dont ils ontbesoin, c’est d’être dans des conditions favo-rables pour pouvoir se nourrir davantage. Ilest préférable d’utiliser les outils et institu-tions existantes au lieu d’en créer d’autreslorsque ces institutions fonctionnent bien.

n Sur quels aspects l’Union européennea-t-elle mis l’accent dans le cadre de l’an-née européenne de lutte contre la pau-vreté ? p L’ Union européenne a organisé une annéesur le thème de la pauvreté car elle voulaitcommuniquer sur le message suivant : « ellenous concerne tous et nous devons tousœuvrer pour l’éradiquer ! » Je pense que sonambition, c’est de sortir la pauvreté de sesclichés habituels car elle concerne beaucoupde monde et pourrait toucher encore plus demonde. Trois thématiques ont été mises enavant : la pauvreté infantile, les sans-abris et

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LES RESEAUX DE LUTTE CONTRELA PAUVRETE

Il existe un Réseau wallonmais aussi un Réseau fla-mand de lutte contre la pau-vreté. A Bruxelles (afin de res-pecter la parité linguistique)et en Communauté germano-phone, deux réseaux coexis-tent. Le Réseau belge de luttecontre la pauvreté défend nosidées au niveau fédéral eteuropéen. Les missions desréseaux de lutte contre lapauvreté varient en fonctiondes réalités politiques, socio-logiques des populations. Ilsont tout de même un élémentcommun : ils rassemblent desassociations de terrain quitravaillent directement avecdes personnes qui connais-sent la précarité. Ils tententd’identifier les causes decette précarité et agissent surles politiques structurellesmises en place. Le pluralismeest important.

Le Réseau wallon de luttecontre la pauvreté existedepuis plus de 25 ans etregroupe 26 associations. Il apour objectif de créer desespaces-temps de dialogueavec tous les acteurs de lasociété tels que les associa-tions, les politiciens, les tra-vailleurs sociaux mais aussiles personnes qui vivent auquotidien avec cette pauvreté.

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l’instauration d’un revenu minimum.Il n’est pas évident de sensibiliser la société civile àla pauvreté. L’opinion publique pense que les per-sonnes en situation précaire sont responsables etque c’est à elles de régler leurs problèmes ! C’estpourquoi l’Union européenne a privilégié le thèmeplus empathique de la pauvreté infantile. Dans cecas, les gens sont beaucoup plus compréhensifs. LeRWLP préfère parler de pauvreté familiale car leconcept de pauvreté infantile peut être interprété demanière négative : les familles précarisées pour-raient penser que leur responsabilité est pointée dudoigt et qu’on sous- entend par là qu’elles seraientnégligentes envers leurs enfants. Ce concept peutlaisser penser que l’on manquerait de services. Jecrains surtout que l’on en crée de nouveaux au lieud’augmenter les revenus des gens.

En ce qui concerne les sans-abris, on observe uneforte sensibilité du secrétaire d’Etat belge pour cettequestion. Il y a une augmentation des sans-abris etune modification de leur profil : il y a plus de jeunes,plus de femmes, plus de travailleurs... On est loin del’image habituelle du SDF qui s’est coupé de lasociété suite à des déceptions personnelles.

Enfin, la troisième priorité, elle, est très peu entendueen Europe. On applique toujours le même schémadans les politiques : favoriser la croissance par la miseà l’emploi, même si ce sont des emplois précaires.Alors que l’on devrait privilégier un emploi durable etde qualité. La Belgique n’est pas un modèle mais on yimplique plus les différentes personnes concernées.

L’enjeu, c’est d’aboutir à des recommandations ou àdes directives européennes. Le problème, c’est leurapplication réelle et de s’entendre sur des mesurescontraignantes efficaces.

Interview réalisée par Claudia Benedetto et

Chistine Steinbach

Questions subsidiaires

Parlez- nous d’un sujet qui vous touche etqui n’a pas été médiatisé ces dernierstemps.Les médias devraient mettre plus en avantl’inventivité des gens à remplacer les poli-tiques structurelles qui ne leur donnent pasaccès aux besoins de base. Dire plus souventque le citoyen est inventif, qu’il sait gérer savie et qu’il est donc responsable. Les médiasdevraient favoriser la diversité par le biais deleurs reportages et non pas contribuer à l’uni-formisation culturelle et esthétique.

En dehors de votre job, avez-vous unepassion ou un projet que vous souhaitezréaliser ?Je souhaiterais faire une recherche historiquesur la provenance de la communauté turquede Marche-en-Famenne. Etudier l’évolution decette communauté du point de vue de lafamille mais aussi du point de vue de la loca-lité. Je suis très liée à cette communauté etde manière plus générale, la Turquie m’inté-resse dans toutes ses contradictions et sesparticularités. Il y a bien évidemment deschoses à dénoncer dans ce pays mais c’estun pays qui évolue, un pays où la diversité esttrès présente. On est interpellé lorsqu’on com-pare notre mode de fonctionnement au leur !Par exemple, les populations « Rom » viventaussi bien dans des quartiers pauvres quedans des quartiers riches !

Une autre question qui me tient à cœur,c’est comment rendre les populations étran-gères plus présentes dans notre société ?Par exemple, pourquoi ne pas reconnaitrecomme langue nationale la langue de toutesles communautés qui vivent dans ce pays ?

Manifestation organisée par le Réseau belge de lutte contre la pauvreté, le 17 octobre dernier.

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C’est l’Université d’Anvers qui a publié en2005 des chiffres éloquents sur la pauvreté enBelgique (1). Les médias ont relayé ces donnéesavec des titres marquants du genre « Un Belgesur sept est pauvre ». La pauvreté recouvre demultiples aspects. Cependant, lorsqu’il s’agitd’en prendre la mesure ou de comparer desréalités nationales, on se limite souvent à sonaspect financier : « est pauvre celui/celle quidispose d’un revenu insuffisant pour lui per-mettre de vivre décemment ». Aussi le seuil depauvreté correspond-il à une mesure chiffrée,équivalant à 60% du revenu médian d’unepopulation. Le revenu médian est le revenu dela personne qui se trouve au milieu du classe-ment des revenus, depuis le plus pauvrejusqu’au plus riche (2). En 2005, ce seuil étaitfixé, pour une personne seule, à 772 €. En2008, il était de 899 € (3).

Les revenus de remplacementstagnent

Que nous suggère cet indicateur ? Qu’en-des-sous de ce seuil, le revenu n’est pas suffisantpour vivre décemment. Un coup d’œil surquelques années fait constater que le pourcen-tage de la population qui ne vit pas décemmentn’évolue pas, malgré la croissance : il stagneautour des 15%.

Depuis l’an passé, la Belgique dispose d’unnouvel instrument de mesure : il s’agit dubaromètre de la pauvreté (4). Cet outil montrenotamment à quoi correspondent les revenusde remplacement si on les exprime en pour-centage du seuil de pauvreté. Nous en livronsle tableau ci-dessous.Il est important de souligner que les donnéesutilisées pour dresser ces statistiques corres-

pondent aux revenus de 2008.

Si l’on s’intéresse à l’évolutiondes revenus par rapport auseuil de pauvreté, on s’aper-çoit que la plupart d’entre euxn’ont cessé de chuter depuis2004. A titre d’exemple, lapension pour une personne encouple correspond à 93% duseuil de pauvreté en 2004,chute à 90% l’année suivante,puis à 88% où elle stagne. Le

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pour sortir la tête de l’eauIl y a cinq ans, l’opinion publique décou-vrait qu’une personne sur sept vit en-dessous du seuil de pauvreté ! Deux ansplus tard, en 2007, on découvrait toutaussi brusquement que le monde finan-cier est capable de détruire 40.000 mil-liards $ en une seule crise! Mais si legouvernement belge a sauvé les banques,il n’a pas déboursé le milliard nécessairepour relever les minima sociaux. Ceserait pourtant la première mesure d’ur-gence à prendre pour permettre aux gensde garder la tête hors de l’eau.

En % du seuil de pauvreté Type de revenu (situation de 2008) Personne isolée Couple, 2 enfants Revenu social d’intégration 76% 66% Invalidité 102% 84% Chômage 89% 67% Pension 107% 88% Revenu de remplacement pour personnes handicapées

76,1%

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Salaire minimum 132% 90% Baromètre interfédéral de la pauvreté, édition 2010 g

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chômage pour les couples avec deux enfantspasse de 69% du seuil de pauvreté en 2004 à67% en 2008. Seuls le revenu d’intégration,l’allocation pour invalidité ainsi que celle pourhandicap pour les couples avec deux enfantsconnaissent un redressement qui les ramènentau taux de 2004. Bref, au mieux, il s’agit d’unestagnation. Or la période 2004-2007 a connuune croissance du PIB (produit intérieur brut)de 2,7%On peut étudier aussi l’évolution des revenusautrement que par la référence au calcul duseuil de pauvreté et sur des périodes pluslongues. Le résultat est significatif. Prenonssimplement l’exemple de l’allocation de chô-mage : en 1980, l’allocation de chômagemoyenne représentait 41% du revenu moyen.Aujourd’hui elle n’en représente plus que27%. (5)

C’est donc sans surprise que se confirment lesgroupes de la population qui sont les plusmenacés par le risque de pauvreté : il s’agitdes chômeurs, des personnes en maladie/inva-lidité ; de celles qui n’ont pas eu de travailcomme activité principale l’an dernier ; des tra-vailleurs « avec une faible intensité de travail »et des enfants à charge ; ainsi que des famillesmonoparentales (voir aussi article en page 6). Notons encore que le nombre de personnes quitravaillent mais dont le revenu ne dépasse pasle seuil de pauvreté est en augmentation, etpasse de 4,2% à 4,4%. En cause : le travail àtemps partiel ou intermittent, notamment dufait des contrats à durée déterminée. En mars2009, le salaire minimum garanti brut équiva-lait à 1.399 €. Cela veut dire qu’une mère defamille seule avec deux enfants à charge et unsalaire minimum, doit se débrouiller avec unsalaire net entre 1188 et 1228 € environ (6).

Mesurer et rendre publiques de telles donnéesest indéniablement utile. Mais il ne suffit pasde prendre acte de la pauvreté. Des mesuressont à prendre pour la combattre. Certainesnécessitent de l’argent. Mais pas toutes. Nousprésentons ici quelques-unes d’entre elles, quinous paraissent indispensables.

Relever les minima sociaux et le salaire minimum

En avril 2009, le Collectif Solidarité contre l’ex-clusion a lancé une plate-forme pour le relève-ment des allocations sociales au-dessus duseuil de pauvreté et pour la suppression de ladiscrimination vis-à-vis des cohabitants.L’objectif était de construire un front démocrate

et progressiste pour soutenir l’adoption de dis-positions légales allant dans le sens indiqué.

La plate-forme a suivi avec vigilance le débatqui a eu lieu au Parlement sur cette questionpendant plus d’un an. Un projet de texte ad’abord été ébauché par la Commission de laSanté publique avant de passer à celle desAffaires sociales. Celle-ci a tout bonnement ren-voyé le texte à l’expéditeur, son président, M.Mayeur, se plaignant que ledit texte ressemblait« à un tract électoral plutôt qu’à un texte deloi…. ». Et surtout, la Commission estimait que« les conséquences financières seraient impor-tantes au niveau de la sécurité sociale et pourle salaire minimum ». Quelles seraient en faitces conséquences ? Selon une estimation four-nie par la Cour des Comptes, le relèvement del’ensemble des allocations sociales coûterait1,25 milliard €. Trop cher, vraiment ?

Dans son Plan fédéral de lutte contre la pau-vreté, le gouvernement rappelle les engage-ments pris en mai 2008 pour soutenir le pou-voir d’achat des ménages et qui rencontrentpartiellement certaines attentes : majorer lesallocations sociales les plus basses ; augmen-ter la pension minimale et la GRAPA ; alignerpartiellement le régime des travailleurs indé-pendants à celui des travailleurs salariés ; inté-grer un 13e mois pour les allocations familialeset augmenter celles de groupes cibles. Il est également prévu de négocier avec les par-tenaires sociaux des augmentations pour lessalaires minima, dans le cadre de l’accordinterprofessionnel. Mais ces négociations, faut-il le rappeler, sont compromises tant que nousn’aurons pas un gouvernement issu des der-nières élections !Un gouvernement que l’Union européenneattend au tournant sur le plan de l’équilibrebudgétaire, fortement grevé, comme on sait,par la crise financière et économique. L’ombrede l’austérité plane.

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Supprimer le taux cohabitant

C’est dans les années ’80 qu’est né le taux« cohabitant », pour des raisons d’austérité jus-tement. La crise de 1974 avait fait exploser le nombrede chômeurs et le gouvernement cherchait desmoyens de réduire les dépenses sociales.Désormais toute personne vivant avec un com-pagnon ou une compagne et percevant uneallocation de chômage ou le minimex (ancienrevenu d’intégration sociale) se voit réduiredrastiquement le montant de son revenu.Notons au passage que l’on n’a pas réduit pourautant le montant de la cotisation d’un travail-leur « cohabitant ». Ce système discriminatoire touche principale-ment les femmes. Il crée une dépendance vis-à-vis du conjoint, fait passer la personne du sta-tut d’assuré social à celui d’assisté et contribueà briser des solidarités interpersonnelles. Eneffet, pour échapper au statut cohabitant, descouples se séparent administrativement pourconserver leur (maigre) revenu ; des jeunesquittent anticipativement le foyer familial dansle même but ; dans d’autres cas, on hésitera àgarder un parent âgé, à héberger un proche endifficulté… Toutes ces situations de vie fragilisées, lesassociations qui dénoncent (depuis le début) letaux cohabitant les rencontrent tous les jours etplaident pour l’individualisation des droits despersonnes. A la veille des dernières électionsfédérales, presque tous les partis démocratesse positionnaient en faveur de la suppressionde ce statut, mais rien n’a encore bougé.

Cesser de transférer les chômeurs vers les CPAS

Cinq ans de chasse aux chômeurs ! C’est letitre d’un numéro du bimestriel du CollectifSolidarité contre l’exclusion, paru en juin 2009.Mais le Collectif n’est pas le seul à dénoncer

ainsi les effets pervers du Plan d’accompagne-ment des chômeurs (PAC) qui organise uneconfusion dramatique entre l’accompagnementet la sanction. La Febisp (Fédération bruxelloisedes organismes d’insertion socio profession-nelle) appelle à une réforme en profondeur dece Plan. Les CPAS, pour leur part, dénoncent lacharge financière transférée aux communes(18 millions € nets en 2009) par les sanctionsque prend l’ONEM. Claude Emonts, présidentde la fédération des CPAS wallons, parle d’une« localisation rampante de la pauvreté » etpointe que « la moitié des sanctionnés sont desfamilles monoparentales » (7). C’est que ce transfert, outre le coût et la sur-charge de travail pour les communes, fragiliseévidemment les personnes qui sont ainsi reje-tées de la sécurité sociale vers le dernier filetde protection, celui de l’aide sociale. Or, il sem-ble que ce soit le résultat le plus significatif duPAC. Car en termes de remise à l’emploi, uneétude réalisée par le Forem montre que ce dis-positif ne permet que 8,2% de plus de réussite.Et en termes de formation, seulement 3,3%.

Réaliser l’automaticité du statut OMNIO

Dans notre système de soins de santé, unpatient ne paie qu’une partie des frais réels,via le ticket modérateur. Mais celui-ci reste diffi-cile à supporter pour une partie de la popula-tion. L’Etat a choisi de prendre des mesuressegmentées pour élargir la couverture. Ainsi, ilexiste le statut BIM (ex-VIPO) qui permet à desgroupes de la population de bénéficier d’uneintervention plus importante dans leurs frais :ce sont les veufs, invalides, pensionnés, orphe-lins, handicapés sans allocations, chômeurs delongue durée de plus de 50 ans, résidents enmaison de repos de plus de 65 ans. Comme onle voit, le BIM correspond à des statuts et nonà des situations de revenus. La couverture aencore été élargie avec la création du statutOmnio, qui ouvre le droit à une interventionmajorée pour des personnes à faibles revenus,après contrôle de ceux-ci. Depuis le 1er juillet2010, l’Omnio a encore été élargie et concerneaussi les chômeurs de longue durée de moinsde 50 ans ainsi que les familles monoparen-tales (150.000 familles, selon MmeOnkelinckx). Cette intervention majorée offreégalement des avantages dans d’autresdomaines que la santé : réduction pour destarifs de certains transports en commun, pourdes taxes provinciales ou communales, notam-ment.

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Mais pour avoir droit au statut Omnio, il faut enfaire la demande. Or, beaucoup de personnesignorent qu’elles sont dans les conditions pourle faire et n’en bénéficient pas. Aussi le milieuassociatif plaide-t-il pour une automaticité del’octroi de ce statut. Dans son Plan de luttecontre la pauvreté, le gouvernement belge enreconnaît d’ailleurs l’utilité et a ordonné la misesur pied d’une banque de données en vue deconcrétiser cette automaticité. Affaire à suivredonc.

Un fonds plus efficace pour les pensions alimentaires

Un mesure plus ciblée mais tout aussi indispen-sable concerne plus spécifiquement les pen-sions alimentaires. Et donc, généralement, lesfemmes en situation précaire. On sait que lesfamilles monoparentales sont une réalité gran-dissante dans nos sociétés. Un couple sur troisse sépare. S’il y a des enfants, c’est, dans uncas sur trois, la mère qui devient le soutienfinancier principal du ménage monoparental (8).Ce sont donc logiquement les femmes qui sontle plus souvent demandeuses d’une pensionalimentaire. Le non paiement de celle-ci rend lavie de nombreuses femmes intenable.Le gouvernement l’a reconnu en créant, en2003 un service des Créances alimentaires.Actuellement ce service a deux missions. Ilrécupère les pensions dues auprès des débi-teurs. Et il octroie des avances, mais seulementpour les pensions alimentaires des enfantsdont les parents ont des revenus ne dépassant

pas un plafond de 1197 € mensuels nets (+ 57par enfants à charge). Or il apparaît à l’évaluation que le Secal estinsuffisamment financé pour pouvoir réaliserses missions, déjà relativement limitées.D’autre part, ce service est très peu connu. En2008, 30.000 dossiers ont été rentrés, alorsque 150 à 170.000 familles sont susceptiblesd’être concernées. Enfin, le plafond d’accès aux avances est trèsbas, ce qui laisse une partie des familles sur lecarreau.La pension alimentaire est loin de constituer unrevenu d’appoint. Beaucoup de femmes ontmis leur carrière entre parenthèses pour éleverles enfants et en paieront les effets. Beaucoupaussi n’ont que des emplois à temps partiel.Enfin, l’égalité des salaires à poste équivalentn’est toujours pas réalisée. Toutes ces réalitésfragilisent l’autonomie financière des femmes.

A vrai dire, les quelques mesures présentées icine sont pas fondamentalement matière à cau-tion pour nos responsables politiques. Ellesn’ont rien de révolutionnaire et se basent surdes constats maintes fois énoncés. Qui plusest, elles touchent à l’essentiel. C’est devantles dépenses à consentir que l’on rechigne.Rappelons alors, encore une fois, que pour sau-ver les banques, il y a deux ans, on a trouvébien plus ! Et que favoriser l’autonomie des per-sonnes est aussi un excellent investissement.

Christine Steinbach

(1) Sur commande du gouvernement belge, lui-mêmepoussé par l’Union européenne. Celle-ci a en effet encou-ragé les Etats membres à développer d’une part des indi-cateurs pour mesurer la pauvreté, d’autre part des plansnationaux de lutte pour l’inclusion sociale. (2) A ne pas confondre avec le revenu moyen, obtenu en calculant la moyenne de l’ensembledes revenus (déclarés) d’une population donnée. (3) Baromètre interfédéral de la pauvreté, édition 2010.(4) Le baromètre de la pauvreté est disponible en lignesur www.mi-is.be ou peut être obtenu gratuitement enversion papier sur demande au 02/508.85.86 ;(5) Texte de la plate-forme pour le relèvement des alloca-tions sociales, Ensemble ! n°65, juin-août 2009, trimestrielédité par le Collectif Solidarité contre l’exclusion, p.9(6) En fonction de son âge, de son statut (célibataire,divorcée…) et de son ancienneté ;(7) Dans une interview réalisée par Gérard Hanotiauxpour Ensemble !, op. cit. p. 39(8) Voir la Plate-forme associative pour les créances ali-mentaires sur le site : www.creances-alimentaires.be

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Le prix du pain n’est qu’un exemple. Mais il est telle-ment symbolique…Revenons-en au pourquoi des choses. Si la Belgiqueavait fixé, de très longue date, un plafond au prix dupain, c’est qu’elle avait voulu protéger le consomma-teur le plus faible. Le pain, considéré comme le biende première nécessité par excellence, et par ailleursle plus vendu dans le pays, faisait exception dans la« mise à prix ». Il était plafonné, régulé par les pou-voirs publics. Fameuse entorse au modèle dominantet aux libéralisations de tout poil particulièrementencouragées par les politiques européennes.

Un déplaisant grain de sable

On imaginait bien qu’au vu des forces en présence,notre petit modèle à la belge, n’allait guère résisterlongtemps. Le lobby des boulangers allait lui assénerle coup de grâce, à coup d’arguments pragmatico-éco-nomiques. « Nous avons subi 3 augmentations suc-cessives du prix du blé », « la main-d’œuvre a aug-menté de 5% »... Des arguments réels, mais qui nenécessitaient sans doute pas l’abolition du système.

Le vrai problème était évidemment idéologique. Ilenfreignait la liberté du marché. Il introduisait ungrain de sable dans les principes de concurrence. Ils’ingérait finalement par le côté le plus quotidien denotre alimentation, en adversaire du modèle capita-liste tout puissant…

Avec la suppression de ce mécanisme de protectiondu prix, la voix de « Sainte-Concurrence » engrangeaitdonc une victoire de plus. Peu significative certes,mais hautement symbolique. Elle sonnait le glas d’un

important principe : celui du contrôle du prix desbiens de première nécessité.

Oui, mais tout cela est désormais de la vieille histoire,me direz-vous. C’était il y a plus de 6 ans. Au diableles nostalgiques, l’avenir est devant !

Sans nul doute, mais à l’heure d’une crise socialesans précédent, privilégier ainsi la « valeur d’usage » àla « valeur d’échange » ne serait-il pas une idée lumi-neuse pour lutter contre la pauvreté mondiale ?

Rétablir le bien public

Oh bien sûr, ce n’est pas le seul prix du pain qui pour-rait y changer quelque chose. C’est à travers l’exempledu prix du pain, par contre, qu’un contre-courant pour-rait naître. Définir le bien commun. Garantir à tout êtrehumain l’accès et l’usage de cet ensemble de biens.L’eau, l’éducation, la santé, l’électricité, la poste, letéléphone ou l’internet. Autant d’exemples concretsdont il s’agirait de « rétablir le statut de bien public »,comme l’explique le sociologue François Houtard. (1).Pour préciser cette idée de biens publics, on peutreprendre une expression de Victor Hugo qui les carac-térisait en disant : « Chacun en a sa part et tous l’onten entier ». Historiquement toutes les sociétés, toutesles civilisations ont développé des biens et servicespublics : du puits communal aux voies romaines dansl’antiquité, à la police et la justice puis aux formidablesdéveloppements qu’ils ont connus au 20ème siècle sur-tout avec l’accès à l’éducation, à la santé, aux droitssociaux.

La thèse de François Houtard, dans un contexte de

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En (re)venir au bien commun !

En juillet 2004, le gouvernement libéralisait le prix du pain.Auparavant, la Belgiqueétait le seul pays où les pouvoirs publics fixaientencore un prix plafond pour ce produit de premièrenécessité. Une mauvaise idée ? Elle évoque en tout cascelle, plus large, du « biencommun ». Une notion-clédans la lutte contre la pauvreté.C

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crises multiples, et en tout cas sociale, c’est de tra-vailler à un autre modèle de développement. « Face àla crise (…), certains proposent de punir et de chan-ger les acteurs pour continuer comme avant. D’autressoulignent la nécessité de réguler le système, maissans changer les paramètres. Enfin, il y a ceux quiestiment que c’est la logique du système économiquecontemporain qui est en jeu et qu’il s’agit de trouverdes alternatives. » François Houtard est évidemmentde ceux-là.

Une Déclaration universelle du bien commun de l’humanité ?

Mais quelles alternatives ? Un acte concret pourraitinstituer une démarche fondatrice, déclencheuse d’unnouveau courant : faire adopter par les Nations-Uniesune Déclaration universelle du bien commun de l’hu-manité. Avec la même force et la même valeur qu’aprises au fil du temps la Déclaration universelle desdroits de l’homme.

Grandes déclarations et débats de technocrates ? Pasdu tout ! Une telle initiative constituerait en fait unebase de référence universelle. Et elle viendrait trèsavantageusement compléter l’actuelle Déclarationuniverselle des droits de l’homme.

Une nouvelle base de référence

Très concrètement, cette contribution nouvelle servi-rait à lutter contre la pauvreté mondiale croissante etpour la survie de l’humanité et de la planète.

Quatre axes précis devraient y trouver place. L’utilisationdurable et responsable des ressources naturelles ; privi-légier la valeur d’usage sur la valeur d’échange ; généra-liser la démocratie à tous les rapports sociaux et àtoutes les institutions ; la multiculturalité.

Vaste programme. Mais ce qu’il contient paraît telle-ment évident et pertinent !

En ce qui concerne, par exemple, l’utilisation durabledes ressources naturelles, on pourrait tout simple-ment ériger en « patrimoine de l’humanité » les res-sources les plus essentielles à la vie humaine commel’eau ou les semences… Leur disponibilité devraitdonc échapper aux logiques de profit. Le dire soulèvedéjà de nombreuses questions sur le fonctionnementactuel du marché. Pensons aux tristement célèbresmultinationales du secteur agroalimentaire du genreMonsanto et à son emprise sur le marché dessemences !

Il y a inévitablement des biens fondamentaux aux-quels l’accès de tous doit être garanti. Un pacte inter-national sur l’eau, qui prévoirait une gestion collectiveinternationale, provoquerait immanquablement uneprise de conscience généralisée du problème de l’ac-cès à l’eau. Mais, comme le propose FrançoisHoutard, d’autres orientations devraient aussi êtremises en avant : la souveraineté des nations sur leursressources énergétiques ; l’interdiction de spéculersur les produits alimentaires ; réguler la productiondes agrocarburants en fonction du respect de la biodi-versité et du principe de l’agriculture paysanne ; exer-cer un contrôle public des activités pétrolières etminières ; etc.

Les bienfaits de la valeur d’usage

Le second principe fondateur de cette Déclaration uni-verselle du bien commun de l’humanité, consisterait àprivilégier la valeur d’usage sur la valeur d’échange.On a déjà parlé plus haut de rétablir et protéger le sta-tut de bien public de l’eau, de l’électricité, de la santé,de l’éducation, de la poste ou des transports collec-tifs ; parce qu’il s’agit de biens et services institués auservice de la collectivité voire de biens fondamentaux.Et qu’il est donc indispensable de les extraire à la mar-chandisation.

Mais il est clair que la priorité à accorder à la valeurd’usage exige encore davantage. Il s’agirait de favori-ser la durée de vie des produits et non plus leurconsommation à outrance. S’il était par exemple exigéune garantie de 5 ans sur tous les produits manufac-turés, par exemple, nul doute que l’effet sur l’utilisa-tion des matières premières, sur la consommationd’énergie et… sur le portefeuille des consommateursserait immédiat !

On peut multiplier les mesures allant dans la bonnedirection : « Mettre une taxe sur les produitsmanufacturés voyageant plus de 1000 km entre leurproduction et le consommateur et qui serait attribuéeau développement local des pays les plus fragiles,poursuit F. Houtard. »Le troisième principe de la Déclaration universelle dubien commun porte sur la généralisation de la démocra-tie à toutes les institutions. Appliquée à l’organisation del’économie, cela signifie immanquablement la fin dumonopole de la décision liée à la propriété du capital…

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Quant au principe de multiculturalité, il implique de pren-dre en compte l’ensemble des références culturellesdans la manière de concevoir le bien commun ou le fonc-tionnement de l’économie. Concrètement cela pourraitvouloir dire mettre fin aux brevets qui empêchent dessavoirs ou des compétences locales de s’exprimer. Parexemple des initiatives indiennes en matière informatiquesont aujourd’hui impossibles parce qu’une partie destechnologies à utiliser sont sous brevet Microsoft…

Chacun l’aura constaté, ces quatre principes permet-tent d’amorcer un tournant dans nos processus dedéveloppement actuels. Adopter une telle déclaration etlui donner le statut de référence universelle engageraitclairement un processus alternatif face au fonctionne-ment de l’économie capitaliste.

Le minuscule exemple du prix du pain ne constituait sansdoute qu’un grain de sable dans le moteur. Ce projet de« DUBCH » y jette des poignées entières. Mais n’est-cepas le passage obligé si l’on veut remédier aux dégâtshumains, sociaux et écologiques qu’il provoque ?

Jean-Michel Charlier

(1) François Houtard, Cetri (centre tricontinental), Pour une déclaration universelle du bien commun de l’Humanité, 4 mai 2009. www.cetri.be

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Monique Van Dieren,Stuart WrathallRédactrice en chef :Monique Van DierenMise en page : HassanGovahianEditeur responsable :Michele Di Nanno, 48

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3 LES NOUVEAUX VISAGES DE LA PAUVRETÉ. Familles monoparentales, personnes âgées,travailleurs pauvres, de nouvelles formes de pauvreté sont apparues. Il semble que plus personnene soit à l’abri du risque de tomber dans la pauvreté.

6 LE SURENDETTEMENT GAGNE DU TERRAIN. A l’heure de l’année européenne de luttecontre la pauvreté, au moment où de nouveaux chiffres sur le surendettement sont publiés par laCentrale des crédits aux particuliers, il nous semblait important de dresser un bilan des dernierschiffres.

9 INTERVIEW : Christine Mahy, présidente du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté :Le pauvre est un super citoyen !

13 DES MESURES POUR SORTIR LA TÊTE DE L’EAU. Le gouvernement belge a sauvé lesbanques, il n’a pas déboursé le milliard nécessaire pour relever les minima sociaux. Ce seraitpourtant la première mesure d’urgence à prendre pour permettre aux gens de garder la tête horsde l’eau.

16 EN (RE)VENIR AU BIEN COMMUN ! Auparavant, la Belgique était le seul pays où les pouvoirspublics fixaient encore un prix plafond pour le pain, produit de première nécessité. Une mauvaiseidée ? Le « bien commun » est pourtant une notion-clé dans la lutte contre la pauvreté.S

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Est-ce mon œil ?...Selon les dires même de la photographe qui a pris ce cliché à StPetersbourg, voici “un autre contraste : celui de la luxueuse limousine demariage, qui sert de dossier au mendiant.”

Cette voyageuse nous dit, en juillet 2007 sur son blog, n’avoir pas été aussichoquée par la pauvreté l’année précédente. Un an après, elle l’a trouvéeplus fréquente dans les grandes villes.

Elle conclut en se posant une question qui est restée dans nos esprits toutau long de la rédaction de ce numéro : “Est-ce mon œil ou la société qui achangé ?”

http://geopopo.visoterra.com