orizons et débats 11 année

8
Horizons et débats ISSN 1662 – 4599 Horizons et débats Case postale 729, CH-8044 Zurich Tél.: +41 44 350 65 50 Fax: +41 44 350 65 51 [email protected] www.horizons-et-debats.ch CCP 87-748485-6 AZA 8044 Zürich 8 août 2011 11 e année N o 31 Hebdomadaire favorisant la pensée indépendante, l’éthique et la responsabilité Pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Edition française du journal Zeit-Fragen Certains aspects des crises de l’euro et de la finance mondiale qui nous paraissent absurdes pourraient obéir à une stratégie: Pourquoi les citoyens américains ont-ils dû endosser la responsabilité étatique des spéculations ratées des banques de la haute finance? Pourquoi les Etats de l’UE ont-ils dû assumer la responsabilité des pertes des banques spéculatrices? Pourquoi la Réserve fédérale (FED), qui appartient à la haute finance, a-t-elle réduit à zéro le taux d’intérêt pour les banques qu’elle possède? Pourquoi les banques spéculatrices inter- nationales ont-elles imposé aux pays des crédits dont ils ne peuvent payer les inté- rêts à des taux normaux et surtout qu’ils ne peuvent pas rembourser? Pourquoi Sarkozy, Trichet, Strauss-Kahn et Obama, qui étaient liés au milieu des «banksters» avant d’entrer en politique, ont- ils forcé les pays sérieux de la zone euro à endosser les dettes des Etats surendettés et transformé l’UE en une union de transfert au mépris de tous les statuts et traités? Pourquoi la Banque centrale européenne (BCE) a-t-elle, contrairement à ses sta- tuts, racheté plus de crédits pourris pour les Etats endettés (Grèce, Portugal) qu’elle n’a de fonds propres? Pourquoi les banques internationales qui ont accordé des crédits pourris aux Etats en faillite ne peuvent-elles pas participer à la garantie de ces crédits? Pourquoi, après les superprofits réalisés sur ces produits financiers pourris, on ne peut discuter que de responsabilité et de rem- boursements socialisés? Pourquoi l’industrie financière mondiale et les gouvernements serviles refusent-ils avec une telle obstination de reconnaître l’insolvabilité des Etats débiteurs (Grèce, Portugal, Irlande, etc.) qui existe depuis longtemps? Pourquoi les Etats débiteurs surendettés comme la Grèce et le Portugal n’ont pas le droit de se déclarer en faillite et d’assainir leurs finances? A toutes ces questions, il existe des milliers d’explications politiques et économiques ou des propositions de solutions dont l’incon- vénient réside dans le fait qu’elles sont par- tielles et ne laissent supposer aucune vision d’ensemble et encore moins une stratégie glo- bale. La presse officielle fait en sorte que l’on ne puisse pas évoquer des «théories du com- plot» contre la haute finance. Or toutes ces questions ont effectivement un sens quand on voit dans les phénomènes qu’elles révèlent des excès d’un plan straté- gique caché. Cela vaut particulièrement pour le fait que la crise de l’endettement de cer- tains pays européens et des Etats-Unis n’est pas résolue à court terme et donc de manière moins douloureuse, mais qu’on la traîne en longueur. John Perkins est un homme courageux. Il vit toujours, quoique sous une autre identité. Pendant des années, il fut un des plus impor- tants agents de la haute finance américaine et il a décrit les magouilles criminelles organi- sées par lui-même et ses collègues. Son livre passionnant intitulé «Les confessions d’un assassin financier» révèle les magouilles de la haute finance américaine et du gouverne- ment des Etats-Unis qui en dépend. Il apporte des réponses valables également pour la crise financière actuelle: «Les assassins financiers sont des professionnels grassement payés qui escroquent des milliards de dollars à divers pays du globe. Ils dirigent d’argent de la Banque mondiale, de l’Agence américaine du développement international (US Agency for International Development – USAID) et d’autres organisations ‹humanitaires› vers les coffres de grandes compagnies et vers les poches de quelques familles richissimes qui contrôlent les ressources naturelles de la planète. Leurs armes principales: les rap- ports financiers frauduleux, les élections tru- quées, les pots-de-vin, l’extorsion, le sexe et le meurtre. Ils jouent un jeu vieux comme le monde, mais qui a atteint des proportions ter- rifiantes en cette époque de mondialisation.» (p. XIII) «C’est ce que les assassins financiers font le mieux: construire un empire global. Ils constituent un groupe d’élite d’hommes et de femmes qui utilisent les organisations finan- cières internationales pour créer les condi- tions permettant d’assujettir d’autres nations à la corporatocratie formée par nos plus grandes compagnies, notre gouvernement et nos banques. Comme leurs homologues de la Mafia, les assassins financiers accordent des faveurs. Lesquelles? Des prêts pour dévelop- per les infrastructures: centrales électriques, autoroutes, ports, aéroports ou zones indus- trielles. Ces prêts sont octroyés à la condition suivante: ce sont des compagnies d’ingénie- rie et de construction américaines qui doivent réaliser tous ces projets. On peut donc dire qu’en réalité l’argent ne quitte jamais les Etats-Unis, mais qu’il est simplement trans- féré des banques de Washington aux compa- gnies d’ingénierie de New York, de Houston ou San Francisco. Bien que l’argent retourne presque immé- diatement aux compagnies membres de la corporatocratie (le créancier), le pays réci- piendaire doit tout rembourser, capital et inté- rêts. Si l’assassin financier a bien travaillé, les prêts sont si élevés que le débiteur faillit à ses engagements au bout de quelques années. Alors, tout comme la Mafia, nous réclamons notre dû, sous l’une ou l’autre des formes suivantes: le contrôle des votes aux Nations unies, l’installation de bases militaires ou l’accès à de précieuses ressources comme le pétrole ou le canal de Panama. Evidemment, le débiteur nous doit encore l’argent … et voilà dont un autre pays qui s’ajoute à notre empire global.» (p. XX) Les sommes illimitées nécessaires à ces magouilles, la haute finance américaine les obtient de la FED qui lui appartient. Il suffit de faire fonctionner la planche à billets. Au cours des 35 dernières années, la masse de dollars a été multipliée par 40 (alors que la produc- La haute finance américaine asservit systématiquement ses débiteurs aux intérêts de leurs dettes Une nouvelle forme d’impérialisme par Eberhard Hamer Suite page 2 Germe de nouvelles crises Malheureusement, il existe toute une série de facteurs qui nous incitent à être plus prudents dans nos appréciations. Certes, on a pu éviter une seconde Grande Dépres- sion, mais le coût des mesures prises pour lutter contre la crise a été énormément élevé et il contient en germe de nouvelles crises. C’est tout d’abord le coût pour les budgets des Etats. La combinaison des pertes de recettes entraînées par la crise et de l’augmentation massive des dépenses nécessitées par les mesures anticrise ont conduit de nombreux pays au bord de la faillite. La crise de l’endettement euro- péenne n’est que la conséquence la plus manifeste du phénomène. Le fait qu’en mai 2011 les inquiétudes à propos d’une restructuration apparemment inévitable de la dette de la Grèce aient fait la une des journaux montre que cette crise n’est pas encore maîtrisée. Mais la situation financière des Etats-Unis, aussi bien au plan fédé- ral qu’à celui des Etats, est si inquiétante que c’est là que pourrait apparaître le pro- chain foyer de crise important. De toute façon, il faudra des années pour que les budgets des Etats se rééquilibrent et que la situation se normalise. Aymo Brunetti, Wirtschaftskrise ohne Ende?, p. 150 sqq. thk. L’ouvrage d’Aymo Brunetti intitulé «Wirtschaftskrise ohne Ende?», paru en 2011, vaut la peine d’être lu. Il évoque les tenants et aboutissants de la crise économique et financière actuelle. Pour l’auteur, qui est à la tête de la Direction de la politique économique au Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) du Département fédéral de l’économie, professeur titulaire à l’Université de Bâle et professeur honoraire à l’Université de Berne, les conséquences de la crise économique ne sont pas encore surmontées et il est urgent de prendre des mesures. Il montre, dans une langue aisément compréhensible et de manière objective, comment la crise globale est née, com- ment les gouvernements et les banques centrales ont réagi et comment l’Union monétaire européenne a été ébranlée. Son ouvrage permet de se faire rapidement une idée des tenants et aboutissants complexes de la crise actuelle. ISBN 978-3-03905-688-0 Sommaire L’Euro s’effondrera page 2 Après Fukushima … page 3 Allocution du 1 er -Août du conseiller national Jakob Büchler page 4 L’ordre fédéraliste de la Suisse page 5 La contribution de la Société suisse d’utilité publique lors de la création de la Fondation Pro Mente Sana page 6 L’Afrique répond à Sarkozy – Contre le discours de Dakar page 6-8 «Le livre passionnant de Perkins, inti- tulé ‹Les confessions d’un assassin finan- cier› révèle les magouilles de la haute finance américaine et du gouvernement des Etats-Unis qui en dépend. Il apporte des réponses valables également pour la crise financière actuelle: ‹Les assassins financiers sont des professionnels gras- sement payés qui escroquent des mil- liards de dollars à divers pays du globe. Ils dirigent d’argent de la Banque mon- diale, de l’Agence américaine du déve- loppement international (US Agency for International Development – USAID) et d’autres organisations ‹humanitaires› vers les coffres de grandes compagnies et vers les poches de quelques familles richissimes qui contrôlent les ressources naturelles de la planète. Leurs armes principales: les rapports financiers frau- duleux, les élections truquées, les pots- de-vin, l’extorsion, le sexe et le meurtre. Ils jouent un jeu vieux comme le monde, mais qui a atteint des proportions terri- fiantes en cette époque de mondialisa- tion.›» (p. XIII) ISBN 2-89626-001-3

Upload: others

Post on 16-Jun-2022

5 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: orizons et débats 11 année

Horizons et débatsISSN 1662 – 4599

Horizons et débatsCase postale 729, CH-8044 ZurichTél.: +41 44 350 65 50Fax: +41 44 350 65 [email protected] 87-748485-6 AZA

8044 Zürich

8 août 2011 11e année

No 31

Hebdomadaire favorisant la pensée indépendante, l’éthique et la responsabilité Pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains

Edition française du journal Zeit-Fragen

Certains aspects des crises de l’euro et de la finance mondiale qui nous paraissent absurdes pourraient obéir à une stratégie: • Pourquoi les citoyens américainsont-ils

dû endosser la responsabilité étatique des spéculations ratées des banques de la haute finance?

• Pourquoi les Etats de l’UE ont-ils dûassumer la responsabilité des pertes des banques spéculatrices?

• PourquoilaRéservefédérale(FED),quiappartientàlahautefinance,a-t-elleréduità zéro le taux d’intérêt pour les banques qu’elle possède?

• Pourquoilesbanquesspéculatricesinter-nationalesont-ellesimposéauxpaysdescréditsdontilsnepeuventpayerlesinté-rêts à des taux normaux et surtout qu’ils ne peuventpasrembourser?

• PourquoiSarkozy, Trichet, Strauss-Kahn et Obama,quiétaient liésaumilieudes«banksters»avantd’entrerenpolitique,ont-ilsforcélespayssérieuxdelazoneeuroàendosserlesdettesdesEtatssurendettésettransformél’UEenuneuniondetransfertau mépris de tous les statuts et traités?

• PourquoilaBanque centrale européenne (BCE) a-t-elle, contrairement à ses sta-tuts,rachetéplusdecréditspourrispourlesEtatsendettés(Grèce,Portugal)qu’ellen’a de fonds propres?

• PourquoilesbanquesinternationalesquiontaccordédescréditspourrisauxEtatsenfaillitenepeuvent-ellespasparticiperàla garantie de ces crédits?

• Pourquoi,aprèslessuperprofitsréaliséssurcesproduitsfinancierspourris,onnepeutdiscuter que de responsabilité et de rem-boursements socialisés?

• Pourquoi l’industriefinancièremondialeetlesgouvernementsservilesrefusent-ilsavecunetelleobstinationdereconnaîtrel’insolvabilitédesEtatsdébiteurs(Grèce,Portugal, Irlande,etc.)quiexistedepuislongtemps?

• Pourquoi lesEtatsdébiteurs surendettéscommelaGrèceetlePortugaln’ontpasledroit de se déclarer en faillite et d’assainir leurs finances?

Atoutescesquestions,ilexistedesmilliersd’explications politiques et économiques ou des propositions de solutions dont l’incon-vénientrésidedanslefaitqu’ellessontpar-tiellesetnelaissentsupposeraucunevisiond’ensemble et encore moins une stratégie glo-bale.Lapresseofficiellefaitensortequel’onnepuissepasévoquerdes«théoriesducom-plot»contrelahautefinance.Ortoutescesquestionsonteffectivement

unsensquandonvoitdanslesphénomènesqu’ellesrévèlentdesexcèsd’unplanstraté-giquecaché.Celavautparticulièrementpourle fait que la crise de l’endettement de cer-tainspayseuropéensetdesEtats-Unisn’estpas résolue à court terme et donc de manière moinsdouloureuse,maisqu’onlatraîneenlongueur.

John Perkinsestunhommecourageux.Ilvittoujours,quoiquesousuneautreidentité.Pendantdesannées,ilfutundesplusimpor-tants agents de la haute finance américaine et il a décrit les magouilles criminelles organi-séesparlui-mêmeetsescollègues.Sonlivrepassionnant intitulé«Lesconfessionsd’unassassinfinancier»révèlelesmagouillesdelahautefinanceaméricaineetdugouverne-mentdesEtats-Unisquiendépend.Ilapportedesréponsesvalableségalementpourlacrisefinancièreactuelle:«Lesassassinsfinancierssontdesprofessionnelsgrassementpayésquiescroquentdesmilliardsdedollarsàdiverspays du globe. Ils dirigent d’argent de laBanque mondiale,de l’Agence américaine du développement international(USAgencyforInternationalDevelopment–USAID)etd’autres organisations ‹humanitaires› versles coffres degrandes compagnies et versles poches de quelques familles richissimes qui contrôlent les ressources naturelles de laplanète.Leursarmesprincipales:lesrap-portsfinanciersfrauduleux,lesélectionstru-quées,lespots-de-vin,l’extorsion,le sexe et lemeurtre.Ilsjouentunjeuvieuxcommele

monde,maisquiaatteintdesproportionster-rifiantesencetteépoquedemondialisation.»(p.XIII)

«C’est ce que les assassins financiers font lemieux: construire un empire global. Ilsconstituent un groupe d’élite d’hommes et de femmes qui utilisent les organisations finan-cières internationales pour créer les condi-tionspermettantd’assujettird’autresnationsà la corporatocratie formée par nos plus

grandescompagnies,notregouvernementetnosbanques.CommeleurshomologuesdelaMafia,lesassassinsfinanciersaccordentdesfaveurs.Lesquelles?Desprêtspourdévelop-perlesinfrastructures:centralesélectriques,autoroutes,ports,aéroportsouzonesindus-trielles.Cesprêtssontoctroyésàlaconditionsuivante:cesontdescompagniesd’ingénie-rieetdeconstructionaméricainesquidoiventréalisertouscesprojets.Onpeutdoncdirequ’en réalité l’argent ne quitte jamais lesEtats-Unis,maisqu’ilestsimplementtrans-féré des banques de Washington aux compa-gniesd’ingénieriedeNewYork,deHoustonouSanFrancisco.Bienquel’argentretournepresqueimmé-

diatement aux compagnies membres de la corporatocratie(lecréancier), lepaysréci-piendairedoittoutrembourser,capitaletinté-rêts.Sil’assassinfinancierabientravaillé,lesprêtssontsiélevésqueledébiteurfaillitàsesengagementsauboutdequelquesannées.Alors,toutcommelaMafia,nousréclamonsnotredû, sous l’uneou l’autredes formessuivantes:lecontrôledesvotesauxNationsunies, l’installation de basesmilitaires oul’accès à de précieuses ressources comme le pétroleoulecanaldePanama.Evidemment,le débiteur nous doit encore l’argent … et voilàdontunautrepaysquis’ajouteànotreempireglobal.»(p.XX)Les sommes illimitées nécessaires à ces

magouilles, lahautefinanceaméricaine lesobtientdelaFEDquiluiappartient.Ilsuffitdefairefonctionnerlaplancheàbillets.Aucoursdes35dernièresannées,lamassededollarsaétémultipliéepar40(alorsquelaproduc-

La haute finance américaine asservit systématiquement ses débiteurs aux intérêts de leurs dettes

Une nouvelle forme d’impérialismepar Eberhard Hamer

Suite page 2

Germe de nouvelles crises

Malheureusement, il existe toute une série de facteurs qui nous incitent à être plus prudents dans nos appréciations. Certes, on a pu éviter une seconde Grande Dépres-sion, mais le coût des mesures prises pour lutter contre la crise a été énormément élevé et il contient en germe de nouvelles crises. C’est tout d’abord le coût pour les budgets des Etats. La combinaison des pertes de recettes entraînées par la crise et de l’augmentation massive des dépenses nécessitées par les mesures anticrise ont conduit de nombreux pays au bord de la faillite. La crise de l’endettement euro-péenne n’est que la conséquence la plus manifeste du phénomène. Le fait qu’en mai 2011 les inquiétudes à propos d’une restructuration apparemment inévitable de la dette de la Grèce aient fait la une des journaux montre que cette crise n’est pas encore maîtrisée. Mais la situation financière des Etats-Unis, aussi bien au plan fédé-ral qu’à celui des Etats, est si inquiétante que c’est là que pourrait apparaître le pro-chain foyer de crise important. De toute façon, il faudra des années pour que les budgets des Etats se rééquilibrent et que la situation se normalise.

Aymo Brunetti, Wirtschaftskrise ohne Ende?, p. 150 sqq.

thk. L’ouvrage d’Aymo Brunetti intitulé «Wirtschaftskrise ohne Ende?», paru en 2011, vaut la peine d’être lu. Il évoque les tenants et aboutissants de la crise économique et financière actuelle. Pour l’auteur, qui est à la tête de la Direction de la politique économique au Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) du Département fédéral de l’économie, professeur titulaire à l’Université de Bâle et professeur honoraire à l’Université de Berne, les conséquences de la crise économique ne sont pas encore surmontées et il est urgent de prendre des mesures. Il montre, dans une langue aisément compréhensible et de manière objective, comment la crise globale est née, com-ment les gouvernements et les banques centrales ont réagi et comment l’Union monétaire européenne a été ébranlée. Son ouvrage permet de se faire rapidement une idée des tenants et aboutissants complexes de la crise actuelle.

ISBN 978-3-03905-688-0

Sommaire

L’Euro s’effondrerapage 2

Après Fukushima …page 3

Allocution du 1er-Août du conseiller national Jakob Büchler

page 4

L’ordre fédéraliste de la Suissepage 5

La contribution de la Société suisse d’utilité publique lors de la création de la Fondation Pro Mente Sana

page 6

L’Afrique répond à Sarkozy – Contre le discours de Dakar

page 6-8

«Le livre passionnant de Perkins, inti-tulé ‹Les confessions d’un assassin finan-cier› révèle les magouilles de la haute finance américaine et du gouvernement des Etats-Unis qui en dépend. Il apporte des réponses valables également pour la crise financière actuelle: ‹Les assassins financiers sont des professionnels gras-sement payés qui escroquent des mil-liards de dollars à divers pays du globe. Ils dirigent d’argent de la Banque mon-diale, de l’Agence américaine du déve-loppement international (US Agency for International Development – USAID) et d’autres organisations ‹humanitaires› vers les coffres de grandes compagnies et vers les poches de quelques familles richissimes qui contrôlent les ressources naturelles de la planète. Leurs armes principales: les rapports financiers frau-duleux, les élections truquées, les pots-de-vin, l’extorsion, le sexe et le meurtre. Ils jouent un jeu vieux comme le monde, mais qui a atteint des proportions terri-fiantes en cette époque de mondialisa-tion.›» (p. XIII)ISBN 2-89626-001-3

Page 2: orizons et débats 11 année

page 2 No 31, 8 août 2011Horizons et débats

L’Euro s’effondreraCar c’est toujours ainsi que cela se passe quand les Etats s’endettent démesurément et que les banques

centrales leur accordent des crédits, telle est la mise en garde des experts face à la crise de la Grècepar Stefan Homburg

L’Euron’apasd’avenir.Ceconstatpeutsem-blerprovocateur.Ils’imposecependantsionserappellel’histoire.En1914, l’Allemagneétaitfièrede son

markàcouvertureor.Cettemonnaieavaitexistédepuis1876etétaitrestéestablepen-dant des décennies. Par les lois de guerrede1914,leReicheutaccèsaucréditdelabanque d’émission et ce fut le début de l’ef-fondrement du mark finalement imprimé en billetsde100billionschacun.En1924,avec l’introductionduReichs-

mark,l’Allemagneafaitunnouveleffortpourarriveràunemonnaiestable.Surlabasedesexpériencesfaitesavecl’hyperinflation,laloisur les banques a garanti l’indépendance de laReichsbank.Apartirde1933cependant,cette indépendance a été peu à peu minée et après1939laReichsbankétaitsoumiseauxordresdu«FühreretduchancelierduReich»,lequels’estservidesesattributionspourlefinancementditsilencieuxdelaguerre.Alafindecejeuastucieux,aucoursduquelentreautrelefameux«Mefowechsel»ajouéunrôle(lesbonsMEFO,pourMetallurgischeFor-schungsgesellschaftmbH,utiliséspourfinan-cer lesdépensesde réarmement), estvenu

la réformemonétaire de 1948.Avec cetteréforme,lesépargnesprivéesontétédimi-nuéesd’undixième.Lesdettesprivéesparcontreontétépleinementmaintenues.Lorsqu’on compare le présent avec les

années1914et1933,c’est-à-direlesannéesde mise en danger de la stabilité monétaire parlechoixd’unemauvaisevoie,lerésul-tat est foudroyant: La Banque centraleeuropéenne a racheté à grande échelle des emprunts d’Etats insolvables, donc elle adonnédescréditsdeBanqued’émission,enplus elle a accepté des emprunts défectueux commesécuritéetavec«Target2»elleaérigéunsystèmegigantesquedecrédits-fantômes.Alorsque lesnational-socialistesontau

moins encore changé la loi lorsqu’ils ont sup-primé l’indépendance de la banque d’émis-sion,nousobservonsactuellement,jouraprèsjour,desinfractionsaudroitincroyables:laBanqued’émissioneuropéenneachètedesempruntsd’Etat,bienqueleTraitédeLis-bonne le lui interdise; les Etats-membresignorent les limites d’endettement fixés dansletraitéetparensembleaveclesEtatsmembres,laCommissionenfreintl’interdic-tionformelled’assisterdesEtatsinsolvables.

Dans un livre actuel, les scientifiques Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff décriventdes centaines de faillites d’Etats et deréformesmonétaires,dontledéroulementsefaittoujoursdefaçoninsidieuseparcequelesgouvernementsréussissenttoujoursàmainte-nir l’illusion de la stabilité monétaire auprès descitoyens.D’oùletitreironiquedulivre«DiesesMalistallesanders»(Cettefois-citoutestdifférent).Aufait,cettefois-ciceseraexactementla

mêmechose,commechaquefoisqu’onmetdecôtélesrèglesdelastabilité,quelesEtatss’endettentoutremesure,etquelesBanquesd’émission accordent docilement des crédits d’Etat:àlafin,c’estdenouveaulafaillitedel’Etatetlaréformemonétaire.L’Allemagne,quiarrosetout lemonded’aidefinancière,n’est pas du tout en dehors mais au contraire enpleindedans.Probablement, déjà la prochaine réces-

sion ou la prochaine phase de taux d’in-térêts élevés amèneront l’effondrement de tout cechâteaudecartesde l’Euro, etl’onexigeracommedernier«actedesoli-darité» une réforme monétaire dans toute l’Europe.

Dupointdevuedel’économienationale,une sortiede l’Allemagnede la zoneEuroseraitsansdoutelameilleuresolution.Tech-niquementetéconomiquement, lasortiedel’Euron’estpasplusdifficilequel’entréequis’estdérouléesansproblèmesilyaquelquesannées.Maisquesignifielebiencommunencomparaisondubien-êtredesbanquesqui,parl’achatd’empruntsd’Etatproblématiques,encaissent sans risque des primes de risque élevées?Ilyaledangerd’unchangementinsi-dieuxdenotresystèmepolitique,oùl’onverraaupremierplanquelquesacteursélusjouerlapièce«démocratie»,pendantquel’industriedesfinancesàl’arrière-plantirelesficelles.Onpeut penser réellement que la politique s’ac-crocheraàl’Eurotantquecelaserapossible.L’effondrement de l’Euro entrera dans

l’histoire seulement comme une parmi de nombreuses réformes monétaires, et nosdescendants se demanderont comment nous avonspuêtreaussibêtes.Celuiquis’intéresseàlapolitiquedevrait

demanderàsesdéputéscequ’ilspensentvoterlorsdelaprochaineinfractionaudroit. •Source:Hamburger Abendblattdu22/6/11(TraductionHorizons et débats)

tiondebiensn’aquequadruplé).CetargentestlepouvoirpermettantàlahautefinancedesEtats-Unisdedominerlemonde,des’assurersesservicesetd’asservirsesdébiteurs.Perkinsdécritcomment,à l’aidede rap-

portsd’expertisefalsifiés,onimposedescré-dits démesurés aux pays, comment, par lacorruptionetlamenace,onpousselesgou-vernements à les solliciter. Ceux qui semontrenttroprécalcitrantssontalorsvictimesd’«accidents»,commelesprésidentsTorrijos (Panama)etRoldos(Equateur),ouréduitsau«suicide»,commeAllende(Chili),etc.Demêmeque,selonS.Rothschild,«qui

al’argentdominelemonde»,quipossèdelaFEDdisposed’unemachineproduisantdesquantités illimitées d’argent permettant de dominerlemonde.Cettenouvelleformededominationmon-

diale consiste non pas à soumettre les peuples militairement mais à mettre à leur disposi-tiondescréditsdémesuréspourlesasservirensuitefinancièrementaumoyendesintérêts(«asservissementauxintérêts»).Onretrouvelemêmeprincipedanslacrise

de l’euro:LaGrèceétaitdéjàenfaillitelorsqu’ellea

étéattiréedansl’UEgrâceàdesnotessuré-valuéesetàdesbilansfalsifiésdeGoldmann-Sachs. Dans cette nouvelle structure, lesbanques internationales ont accordé sans rete-nuedescréditsjusqu’aumomentoùlepaysfutnonseulementsurendettémaisinsolvable.Au lieu de permettre à la Grèce de se

déclarer en faillite et ensuite d’assainir sesfinances, lesbanques internationales–comme si c’était la seule solution possible –ontexigéetobtenudesautrespaysdelazoneeuroun«plandesauvetage»prétendu-mentenfaveurdelaGrècemaisenréalitéenfaveurdesdettesdesbanques,desortequecelles-cin’ontpluseucommedébitricelaGrèceuniquementmaisquesesdettessontdevenuescellesdetouslespaysdel’UEetquecettedernièreestdevenue,parleMéca-nisme européen de stabilité, uneuniondetransfert.Nonseulementpourlespaysdel’UEmais

égalementpourlesbanquesinternationales,leplande sauvetageétaitunmoyende sedébarrasser de la totalité de leurs produits financierspourrisenlesrefilantauxdiverspaysetdoncàlacollectivité.Ilsreprésententunetellesomme–6000milliardsd’euros–quenonseulementlespaysdébiteursmaislespayssérieuxayantacceptédeparticiperàlaresponsabilitésolidairenepourrontjamaiss’ensortirettomberontdéfinitivementdanslaservitudedelahautefinanceaméricaine.EnEurope,aucoursdes50prochainesannées,ontravailleradoncmoinspourlaprospérité

intérieurequepourpayerlesintérêtsdescré-ditsaccordésparlahautefinance.QuandonaluJohnPerkins,oncomprend

aussi pourquoi il fallait présenter l’endette-mentdel’Allemagnevis-à-visdebanquesetdepaysétrangerscommelaseulesolutionpos-sible.Ilnes’agissaitpasdel’euro,pasmêmedel’Europe,maisdesauvegarderlescréditsdelahautefinanceetd’éviterqu’encasd’effon-drementd’unpayscescrédits,etdoncl’asser-vissementauxintérêts,nedisparaissent.C’estpourquoiilnedoitpasyavoirde

«participationprivée»àcesdettes,c’estpourquoilesbanquescoupablesnedoiventpas être mises à contribution pour désen-detterlesEtats–parexempleenrééche-lonnantleurdette.Lesdettesnedoiventplus être le problème des créanciers mais uniquementdel’EtatcréancieretdesEtatsde la zone euro qui lui sont liés en res-ponsabilitésolidaire,enparticulierl’Alle-magne.La domination mondiale de la haute

financeaumoyendedollarsémissansrete-nue,decréditsetd’intérêtsestunenouvelleforme d’impérialisme fondé non plus sur les baïonnettesmaissurlesdettes.L’endettementdumondeenverslahaute

financeaenoutre l’avantagequ’ilsurvi-vra à la probable dévaluation prochainedudollarparrapportauxautresmonnaies,qu’ilresteramêmerelativementidentique.Lesystèmeestconstruitdemanièresisub-tilequelescitoyensetlespayscroientquecela est dans leur intérêt ou dans l’intérêt de la «solidarité européenne» alors qu’en

réalité, seul l’impérialisme financier enprofite.Cependant si lespays endettés, comme

l’Argentine il y a quelques années, déva-luaient leurmonnaieetcessaientdepayerles intérêts, lahautefinanceauraitde trèsgrosproblèmesparcequ’à l’époque, leurstroupesmondialesd’interventiontellesqueleFMI,laBanquemondiale,leFondsmoné-taireeuropéen,etc.n’ontrienpufaire.L’Ar-gentine s’est imposée et a même assaini ses finances. La haute finance doit donc toutmettre enœuvre pour que de tels phéno-mènesnesereproduisentpas,parexempleenGrèce,afinqueleurédificenecommencepasàs’écrouler.Maiselleadesauxiliairescomplaisants au «Bureau politique» de

Bruxelles,àlaBanquecentraleeuropéenne,auFMI,etc.quis’efforcent,aumoyenduMSE,de fairedurer l’endettement lepluslongtempspossible.Orilapparaîtquepourlapolitiqued’asser-

vissementmenéeparlahautefinance,ilestjudicieuxdeprolongerindéfinimentlepro-blème plutôt que de le résoudre douloureu-sement mais rapidement parce que l’union de transfert et notamment la question de la reprisedesdettespar l’Allemagnedoiventencore être réglées définitivement avantqu’ontrouveuneautresolution. •(TraductionHorizons et débats)

«La haute finance américaine …» suite de la page 1

Horizons et débatsHebdomadaire favorisant la pensée indépendante,

l’éthique et la responsabilité Pour le respect et la promotion du droit international,

du droit humanitaire et des droits humains

Editeur CoopérativeZeit-FragenRédacteur en chef Jean-PaulVuilleumierRédaction et administration Casepostale729,CH-8044Zurich Tél.+41443506550 Fax+41443506551

E-Mail:[email protected] Internet:www.horizons-et-debats.ch

CCP 87-748485-6 IBAN: CH64 0900 0000 8774 8485 6 BIC: POFICHBEXXXImprimerie Nüssli,Mellingen

Abonnementannuel198.–frs/108.–€

ISSN1662–4599

© 2011 Editions Zeit-Fragen pour tous les textes et les illustra-tions. Reproduction d’illustrations, de textes entiers et d’extraits importants uniquement avec la permission de la rédaction; repro-duction d’extraits courts et de citations avec indication de la source «Horizons et débats, Zurich».

hd. Dans une interview avec la Fran-kfurter Allgemeine Sonntagszeitung du 31 juillet, l’ancien ministre-pré-sident du Bade-Wurtemberg, Erwin Teufel, a pris position d’une manière très critique concernant les projets des chefs d’Etat et de gouvernement concernant l’euro. Teufel, selon le journal, «voit ébranlée la confiance dans les chefs d’Etat et de gouver-nement européens, parce qu’ils ne se tiennent plus, eux-mêmes, au droit et

à la loi». Teufel: «La confiance dans les chefs d’Etat agissants en Europe est perdue. Si les chefs d’Etat et les chefs de gouvernement balaient en une seule nuit des critères de stabi-lité essentiels, fixés dans des contrats, et donc droit applicable, la confiance se perd. On attend du citoyen qu’il se tienne aux normes, au droit et à la loi […] – et les chefs d’Etat et de gou-vernement ne le font pas.»

L’ancien ministre-président Erwin Teufel concernant l’UE:«Les chefs d’Etat brisent le droit»

Pour faire baisser la force de notre francSuisse,ilseraitpossiblededéplacerouaffec-ter25%à35%del’ordelaBNSdanslefondsAVS,cequiéquivaudraitàfairebaisserd’au-tantlaréserveordelaSuisse.Le résultat en seraitunebaissecertaine

delavaleurdufrancsuissesurlesmarchésmondiaux,d’oùunrenforcementdel’indus-tried’exportationetdutourisme,ainsique(etsurtout!)lamiseensécuritédusystèmeAVS,donctoutlepeupleSuissedépend.Eneffet, si laSuissene fait rien, (ousi

elle utilise les mesures inefficaces que sont laventedesonorsurlemarchéinternatio-naloul’achatdemonnaiesétrangères)elle«perdra»àmoyentermeces25%à30%devaleurmonétaire.Deplus,commecetteperteimmanquable n’aura pas profité à l’économie suisse,lemanqued’activitéetdeproduction

danscettemêmeéconomieviendraplustardajouterunenouvelleperte.Un transfert d’or BNS–AVS permet-

trait également de donner un signe fort de volontédel’Etatdes’occuperdesonpeuple:unevéritableactiond’équitéenverstouslessuisses,quipourraitmêmeservird’exemplepour d’autres économies à la recherche d’une stabilisationdelacrise.Il faut également savoir que la classe

âgée de notre population est aussi celle qui dépense leplusdansnotrepays,doncquisoutientfortementnotreéconomie.Déplacerde la richesse intérieure pour la retirer de spi-rale de la crise financière dans le but de s’en protégern’estqu’unequestiondebonsens.

Robert Guénat et Claude Dalla Palma, Vevey

Franc Suisse trop fort: une solution opportune?

Page 3: orizons et débats 11 année

No 31, 8 août 2011 page 3 Horizons et débats

Danslescentralesnucléairesd’Harrisburg,deTchernobyl et dans quatre réacteurs deFukushima, différentes causes d’accidentont,contrairementàcequ’onsupposait,mistotalement en échec les dispositifs destinés à empêcherlaradioactivitédes’échapper.Degrandesquantitésde radioactivitéproduitedans le cœur des réacteurs ont été libérées dansl’environnementhabité.Les organismes officiels de promotion

de l’énergienucléaire fournissent toujoursdes chiffres différents de ceux des institu-tions indépendantes de l’économie en ce qui concernelaquantitéderadioactivitélibérée,lenombredemortsetlesdégâtsmatériels.• PourTchernobyl, les nombres demortsvariententre90000et980000.

• Quant à la radioactivité, une chose aumoinsestclaire:AHarrisburgetàTcher-nobyl,uncœurderéacteuraétédétruitetàFukushimatroiscœursainsiqu’unbas-sin de stockage ont été détruits presque enmêmetemps.AHarrisburg,l’enceintede confinement est restée partiellement intacte,cequin’estpaslecasdesautresinstallations.

• LesdégâtsmatérielsautourdeTcherno-bylsontévaluésà800milliardsd’euros.AFukushima,onpeuts’attendreàunmul-tipledecettesomme.(Lesconséquencesd’ungraveaccidentderéacteurenAlle-magne ont déjà été décrites à plusieursreprisesilyadesannéesdéjà,notammentparle«Spiegel»).

Souslapressiond’unemajoritédecitoyens,les politiques allemands ont réagi à la situa-tion actuelle en décidant de sortir du nucléaire d’ici10ansetdemettrehorsserviceimmé-diatement 8 des 17 centrales. Quelquessemainesavant,ils’agissaitdeprolongerl’ac-tivitédesinstallationsde8à14ans(commel’aprévuleJapon).Lamanière irrationnelle et incondition-

nelledontlespolitiques,lesadministrations,

la justiceet lescommissionsqui leursontsoumises envisagent la sécurité nucléaireestunecauseessentielledelamauvaiseéva-luation de technologies dépassées et dange-reuses.Ils’agitd’examinerdeprèslesconditions

d’une exploitation des centrales nucléaires prolongéededixans.Uneprolongationde10 ans dans le troisième tiers de la duréedeviehabituellede30ansest importanteaupointdevuedelafiabilitédumatérieletdoncdelasécurité.Enoutre,celareprésentedeux législatures au cours de laquelle les par-lementairesactuelsetlesdécideurspeuventfacilement se soustraire à leurs responsabi-lités.

Condition no 1

La structure de la surveillance nucléaire doit être légale et efficace.Laloi allemande sur l’énergie nucléaire et lesordonnancesquis’yrapportentnesontpasconformes aux principes d’essentialité et de définition.Lesmesuresdestinéesàprotégerlavieonttoutesétéreléguéesauniveaudesdirectivesadministrativesetdesrèglementsquin’ontpasforcecontraignante.Aussi les questions suivantes sont-elles

négociéesendehorsduParlement:– Qu’appelle-t-on«accidentmaximalprévi-

sible»?– Contrequellesintensitéssismiquesdoit-on

prendre des mesures? – Peut-onrenonceràlaprotectioncontrelescrashsd’avions,lesattaquesmilitaires,etàfixerdestempsd’évacuation?

Cesontlesautoritésdesurveillancenucléairequi décident des risques vitaux que lescitoyens doivent supporter et du coût desmesuresdeprotection.

Il faut organiser au cours des dix pro-chaines années un contrôle parlemen-taire efficace sur l’autorité de surveillance nucléaire!

Condition no 2Il faut adopter une nouvelle réglementation de la couverture des dommages causés par les accidents nucléaires.Les effets d’un accident nucléaire sur lasanté, la vie, l’environnement et l’écono-mieontuneampleurtellequ’ilsnepeuventêtre couverts par aucune assurance res-ponsabilité civile privée. Lors de catas-trophesprécédentes,onaimposélesfraisauxcontribuablessanslesconsulter.Cepen-dantlesprofitsdescentralesreviennentauxsociétésquilesexploitent(surtoutdesSarletdesSA)dontlecapitalnesuffitdeloinpasàcouvrirlesdommages.

Comme dans la situation financière actuelle, l’Etat n’a pas les moyens de dédom-mager les victimes, il faut tirer au clair la question de savoir dans quelles réserves on va puiser en cas de besoin. En outre, quand les profits des sociétés exploitant les cen-trales doivent-ils revenir aux contribuables?Va-t-onpendantdixansencoremettreen

dangerettromperlescitoyens?Sur les440centralesenactivitédans le

monde,onaapprisladestructionde7cœursderéacteur.Laprobabilitédecegenred’accidentse

situedoncautourde0,015durant laduréed’exploitation.On peut évaluer la prime d’assurance

annuellenécessaireà400millionsd’euros.

Condition no 3

Réduction de la radioactivité et de la toxicité du cœur de réacteurLatoxicitéd’unsystèmedéterminepourunepartimportantel’ampleurdesdommages.Enréduisantlapuissance,onréduitd’au-

tantlaradioactivitéproduite.On obtient le même effet en renouvelant

plus souvent le combustible et en renonçant à utiliser le combustible Mox fabriqué à par-tir de plutonium, qui est très toxique.

Onpeutainsiréduirelaradioactivitéetlatoxicitéd’unfacteur3environ.

Condition no 4

Il faut augmenter les facteurs de sécurité des-tinés à empêcher la défaillance des barrières dressées contre la libération de radioactivité. Voici quelques exemples:Enréduisantladensitédepuissanceducom-bustible,onaugmentelasécuritéenmatièrede défaillance du tube de gainage ou de fusionducœur.Letempsquis’écoulejusqu’àlalibérationdelaradioactivitéaugmente,cequifacilitelesmesuresinternesetl’évacua-tionexterne.Laparoidurécipientàpressionestfragi-

liséeparlesneutronsrapides.Ilfautdéter-miner pour chaque centrale les limites temporellesdelarupturefragile.Il faut étudier les chocs thermiques du

récipient à pression dus à la pénétration d’eau froide.Del’eaufroidedesréservoirssituésau-dessus peut-elle atteindre le récipientàpressiondontlatempératureestde270–300°C(défaillancedel’éclusedubassin)?Equiper l’enceintede confinementd’un

systèmed’aérationàtraversunfiltreàsablepeut réduire la pression («vented contain-ment»).Lerinçagepermetderéduirelafor-mation de gaz détonant et donc la probabilité dedéfaillancedel’enceinte.Les institutions scientifiques indépen-

dantesdevraientétudiercesmesuresdesécu-rité,parmid’autres,afind’assumerleurpartde responsabilité à l’égard des générations futures.Lesparlementairesferaientbiendenepas

secontenterdejustifierl’utilisationdel’éner-gie nucléaire (de technologie actuelle) aucoursdes10prochainesannéespardebellesparoles. Ilsdevraientprendredesmesuresconcrètes de sécurité et assumer leurs respon-sabilités. •(TraductionHorizons et débats)

Après Fukushima …Faut-il continuer temporairement l’exploitation des centrales nucléaires sans poser de conditions?

par H. W. Gabriel, ingénieur, Allemagne

Sur le marché mondial du solaire, deux Suisses font fureur: L’un c’est Markus Gisler. Lorsqu’il avait 12 ans, il a fondé «Megasol». C’était en 1993. Aujourd’hui, cette entreprise est l’une de celles qui croissent le plus vite dans cette filière. L’autre c’est Thomas Hin-delring. Il était déjà un peu plus âgé quand il a eu l’idée des «îles solaires» (Solar Islands). Lui, aussi, est un pionnier.

Lemurmurequi s’est répanduà travers labrancheénergétique,étaitsifortquemêmelegrandpublics’enestaperçu.Megasol,uneentrepriseavecsiègeàAarwangen(BE),aoffert à la BKW FMB Energie SA un deal très rusé: Megasoléquiperait,surcommandede l’entreprise bernoise en fourniture d’éner-gie,16000toitsdemaisonsavecdespanelssolaires.Decettemanière,celle-cipourraitrenoncer à la construction planifiée de la cen-trale nucléaire deMühleberg II.Le projetcoûterait13milliardsdefrancssuisses–c’estenvironlemontantqu’exigeraitlaconstruc-tion,l’opérationetlerecyclagedesdéchetsd’unecentralenucléaire.Suite à Fukushima et à la décision de

principe du Conseil fédéral de renoncer à la constructiondenouvellescentralesnucléaires,le plan rusé de Megasoln’estplusdemise.Maislecoups’estquandmêmerévéléhabile.Caractuellement,Megasol est connu en tant que fournisseur de produits énergie solaire àdesmilieuxpopulairespluslargesencore.C’estcertainementfavorableauxaffaires.

Fondée à l’âge de 12 ans

Cependant Megasol est une entreprise bien connuesurlemarchédusolaire.Lefournis-seurdesystèmessolairesenîlots,decentralessolairesenréseau,d’applicationsindustriellesetOEM,ainsiquedenombreuxautrespro-duits solaires allant des électrificateurs pour clôtures de pâturages aux lanternes solaires portables en passant par les lampadaires,fait à présent partie des entreprises solaires suissesquigrandissentleplusvite.Unedesraisons pour ce succès pourrait être que cette

entreprise compte parmi les pionniers de la filière.Megasolaétéfondéen1993déjà.Leclou:LefondateurMarkus Gislern’avaitàl’époquequ’àpeine12ans.«J’étaissimple-menttrèsconvaincuquel’énergiesolaireétaitlasourced’énergiedel’avenir»,déclareGislerquiacommencéàfairedesexpériencesaveclesdispositifsphotovoltaïquesàl’âgedehuitansetquienaétéfascinéetenthousiasmé.Sesparentsapprouvaientcequeleurfis-

tonfaisait,maisilsnevoulaientquandmêmepasqu’ilexagère.Lesprofesseursdelycéeétaienteuxaussibienindulgents.«C’étaitàcausedemesaffairesquejen’aipastoujourspusuivrelescours,etlorsquej’yétais,mesréflexionsn’avaientpastoujoursaffaireàlamatièrescolaire traitée», raconteGislerensouriant.Plustard,ilaétudiélamicrotech-niqueàl’EPUL(Ecolepolytechniquefédé-raledeLausanne).Maisiln’ajamaistravaillépour une autre entreprise que Megasol.

Plein d’entrain

Aujourd’hui,ilyaenviron40personnesquitravaillentpourMegasol.Parmi lesclientsles plus connus comptent l’ancien conseil-ler fédéral Moritz Leuenberger qui a acheté unelanternesolairepoursonjardin,auprèsdelaPMEd’Aarwangen,ouSarah Obama, lagrand-mèreduprésidentdesEtats-Unis.Actuellement,Megasol livre ses produitsdansunevingtainedepays.Laplupartdecesproduitssontdesdéveloppementsqu’ilsontréaliséseux-mêmes.«Nousanalysonsavecsoinlesdésirsdenosclientsetclientes,puisnousdévelopponsdesproduits innovateursquicorrespondentàcesdésirs»,déclareGis-ler pour illustrer une des raisons du succès desonentreprise.L’assortimentestcomplétépardesgadgetsachetésàl’extérieur.«Maisdanstouslesdomainesnousnevendonsquelesobjetslesplusefficacesetlesplusfiables».Outre lesiègeprincipald’Aarwangen, il

yadessuccursalesenItalie,enAllemagne,enFrance,àHongKong,enEuropedel’EstetenAmériqueduSud.Lecheflui-mêmeaactuellement30ansetesttoujourspleind’en-

train.«Lescinqàdixprochainesannées,nousvoulonsavanttoutnousépandremassivementdans le domaine de l’intégration du solaire danslesbâtiments».«Pournous,ilvadesoique les toits ne sont pas là que pour retenir la pluieetpourfairebonnefaçon,ilfautqu’ilsproduisent en même temps le courant pour le ménageetpourrechargerlavoiture.»

Prêt à partir pour les îles

DanscepointGisleraquelquechoseencom-munavecThomas Hinderling.Celui-ciest,certes,déjààl’âgedelaretraite,maistoutaussiactifetpleind’espritpionnier.Hinder-ling a d’abord fait des études de physiquenucléaire,puisilatravaillépourl’agencespa-tialeaméricaineNASAdansledomainedelascanographie.De1997à2009,ilétaitdirec-teur du Centre suisse d’électronique et de microtechniquedeNeuchâtel.Ilyquelquesmois,ilafondéNolaris.Uneentreprisequiareçu,entreautre,leprixdeladurabilité,le«PrixEvenir»pourses«îlessolaires»(«SolarIslands»)quidevrontluipermettrederéussirsurlemarché.C’estunprojetquiouvredesperspectives

entièrementnouvellespourl’énergiesolaire.Desîlesartificiellesflottantdanslamersontéquipées sur de grandes surfaces de capteurs solaires.Cesplates-formespeuventmesu-rer jusqu’àcinqkilomètresdediamètre etproduire la même quantité d’énergie qu’une centralenucléairedemoindreampleur.Leprincipesemblesensationnel:Unemembranerobuste en plastique est tendue sur un anneau enacierdeplusieurskilomètresdediamètre.Ellereposesuruncoussind’airquiestpro-duit par une légère surpression. Sur cettemembrane on fixe des miroirs d’une très forte réflexion. L’île entière bouge grâce à desmoteurshydrodynamiquesets’orientetou-joursd’aprèslesoleil–toutcommelestour-nesols.Ainsi,lesréflexionsdesmiroirssontfocaliséessuruntubequisetrouveau-dessusd’eux.Lesrayonsfocalisésdemanièreopti-maleréchauffentlestubescontenantdel’eau.Lachaleurdesrayonsdusoleilfaitévapo-

rercetteeau.Lavapeurestconduiteversdesturbinesquifonttravailler,surlaterreferme,desgénérateursquiproduisentdecettefaçondel’énergieélectrique.

«Puis je m’attends à une explosion!»

Lepremierprototyped’unetelleîlesolairesetrouvedansledésertdeRasalKhaimahauxEmiratsarabesunisetaétémisenser-viceenété2009.«Toutafonctionnéàmer-veille.Nousyapporteronsquelquespetitesmodifications,c’esttout»,seréjouitThomasHinderlingqui est enpleinesnégociationspourréaliserdenouvellesîlessolaires.Lesnégotiations se déroulent très souvent demanière confidentielle. Hinderling cepen-dant confirme des planifications concrètes pourdes installationsdestinéesà laSuisseetàl’Arabiesaoudite.«J’espèrequecesîlessolaires serontmisesen serviceavant toutdans des grandes installations solaires entre lestropiques.»Quefaut-ilencorepourquelesîlessolaires

puissentfaireleurgrandepercée?Hindelringrépond:«Deuxàtroisîlespleinementfonc-tionnelles–puisjem’attendsàl’explosion!»Là,ilparlebienentendudesaffaires… •Source:Eco-Life,SchweizerMagazinfürNach-haltigkeit,no3/11 www.eco-life.ch/Fokus/Energie.aspx?aid=576

(TraductionHorizons et débats)

L’énergie solaire et ses pionniers suissespar Reto Wüthrich

«C’est un projet qui ouvre des perspectives entiè-rement nouvelles pour l’énergie solaire. Des îles artificielles flottant dans la mer sont équipées sur de grandes surfaces de capteurs solaires.»

(photo mad)

Page 4: orizons et débats 11 année

page 4 No 31, 8 août 2011Horizons et débats

«Le jour de la Fête nationale, on se souvient des valeurs essentielles que la Suisse connaît depuis des siècles.» (photo thk)

Jakob Büchler (photo thk)

De nos jours, alors que nos autorités sont prêtes à lâcher morceau par morceau notre souveraineté,

nous désirons commémorer ceux qui ont combattu pour notre liberté et notre indépendance

et qui nous ont confié ces valeurs irremplaçables pour les transmettre aux générations futures.

Que Dieu nous en donne le courage et la force.

Le défiQue le «Guillaume Tell» de Schiller soit une vérité historique

où un mythe est secondaire, tout au long des siècles, «Tell» reste le défi

de se confronter à la malice des temps.

«Tell» est l’épine dans la chair des opportunistes, qui «cherchent la bienveillance des princes

et veulent se joindre aux puissants».

Des opportunistes qui «cherchent la bienveillance des princes» il y en a eu de tout temps.

De nos jours précisément, ils réapparaissent de plus en plus souvent sous des déguisements multiples. «Tell», lui, vit au sein du peuple,

tandis qu’à la Berne fédérale, les «Rudenz»*, les opportunistes, s’activent à brader la liberté et l’indépendance.

Rudolf BurgerSource: Mediawatch no 178/juin 2011, feuille d’information de la

«Vereinigung Medienpanoptikum» (Traduction Horizons et débats)

*La figure d’Ulrich von Rudenz est illustrée dans le «Guillaume Tell» de Schiller, en tant que seigneurie fortunée d’Unterwald et d’Uri au XIIIe siècle, ndlr.

Le jourde laFêtena t iona le , onse souvient desva leurs essen-tiellesquelaSuisseconnaît depuisdes siècles. Nousdevonspréserverlaliberté, l’indépen-dance,laneutralité,le respect mutuel et la responsabilité individuelle. Dansunesociétéouverte,différentes idées et

conceptionsdumondes’opposent.Lavoiequenousavonschoisie,ladémocratiedirecte,afaitsespreuves.ElleestinscritedansnotreConsti-tutionfédéraleetrestevalablepourl’avenir.Ilya720ansquelestroispremiersConfé-

dérés se réunissaient sur leGrütli:Walter Fürst,d’Uri,Werner StauffacherdeSchwyzet Arnold de Melchtald’Unterwald.Lesavez-vousdéjà rencontrés,ces trois

vaillants héros nationaux?Non?Moi oui,dans le hall de la coupole duPalais fédé-ral,àBerne.Ilspèsentchacun8tonnes.Cesontdoncdespoidslourdsdelapolitique.Ilssontgardésparquatrelansquenetsquisym-bolisentles4régionslinguistiques.IlexisteenSuisse 63,7%d’Alémaniques. 20,4%parlentfrançais,6,5%italienet0,9%rhéto-roman.Restent9%quiparlentd’autreslan-gues.Ilssontdeplusenplusnombreux.Pourquoiest-cequejevousdiscela?

Parcequelarecettederéussitedenotrepaysestladiversitédansl’unité.Notrelibertéestinestimable,bienquel’on

prétende souventquedansnotrepaysellen’estpluscequ’elleétait.C’estpeut-êtrejustedanscertainscasmais

quandnousnouscomparonsàd’autrespays,nous constatons que notre liberté est encore intacte.Acesujet,jevoudraisdiredeuxchoses:Iln’yapasdelibertésanssécurité.

Iln’yapasnonplusdesécuritésansliberté.

Sans sécurité, l’homme ne peut ni déve-lopper ses forces ni jouir de leurs fruits, car sans sécurité, il n’y a pas de liberté.

Wilhelm von Humboldt (1767–1835)

Selonunsondage,lepeuplesuissesesentensécurité.C’estréjouissant.Iln’yapluseudeguerreenSuissedepuis160ans.Dieumerci!

Mais ce n’est pas une raison pour se croi-serlesbrasetcroirequelapaixseraéternelle.Leschosespeuventchangersubitement.

Qu’est-ce que la sécurité?Lasécuritéaplusieursaspects:Cepeutêtrelasécuritédel’emploi.Elle

estencorebienassurée.Il y a aussi la sécurité de la protection

sociale.L’AVSestparticulièrementimpor-tantepourlespersonnesâgées.Ilyaégalementlasécuritédesruespen-

dant lanuit.Elleestavant tout importantepourlesfemmes.Lesnouveauxdangerssontlessuivants:• L’endettement des Etats européens: Legouvernement et le Parlement grecsveulentfairedeséconomiesmaislepeuplen’estpasd’accord.

• Les plans de sauvetage ne s’attaquentqu’auxsymptômesmaisnemodifientpaslastratégie.D’autresEtats-l’Italie,lePor-tugal,l’Espagne-ontétéprisdansletour-billondelacrisedel’endettement.

• «L’euro est un échec» pouvait-on lirerécemmentdansunjournalsuisse.

Vous allezme demander ce que cela aà voir avec nous autres Suisses. Beau-coupdechoses.Lefrancsuissedevientde plus en plus fort parce qu’il est consi-dérécommeunemonnaiesûre.Sinoussommes dans cette situation, ce n’estpasparcequ’ilseraitbienmeilleur,maisparcequelesautresmonnaiessontdeve-nues faibles. Pour beaucoup d’investis-seurs,lefrancsuissereprésenteunrefugesûr.

Lefrancfortreprésenteunrisquepournotreconjoncture.Certes,lescarnetsdecommande de nos entreprises sont encore pleinsmaisleursmargesseréduisent,sur-toutdansl’économied’exportation.Cer-taines grandes entreprises se demandent si ellesnevontpasdélocaliserleursiègeàl’étranger,quandellesn’ysontpasdéjà.

Qui aurait pensé que la plus grande nation dumonde, lesEtats-Unis,pourraitun jourêtreinsolvable?EtcelaàunmomentoùlaChineetl’Indesontenpleinessor.LesfiersEtats-Unis qui pendant des décennies ontjouélesgendarmesdumonde![…]

La globalisation

Lanotiondeglobalisationestlefilconduc-teurdenotreépoquemaissamiseenœuvren’estpassifacile.Aujourd’hui, la coopération écono-

miqueentrelesdifférentsEtatsestindis-pensable, et c’est bien ainsi. Il faut lapoursuivre.Lacollaboration politiqueestautrechose.

Onnepeutpaslacompareraveclacoopéra-tionéconomique.Cela vaut également pour la politique

financière et pour lapolitiquede sécurité.L’eurorencontredesproblèmesetledollarneseportepasmieux.Les Etatsmembres de l’OTAN ne sont

pasd’accordentreeux.C’estcequ’amontrél’engagementenLibye.

Chaquepaysasesprioritésetsapopula-tion,sesparticularitéstopographiquesetcli-matiques,etc.Iln’estpaspossibledefairedesEuropéens

de tous lespeuplesd’Europe.UnFrançaisresteratoujoursunFrançais,unItalienunIta-lien,unGrecunGrec.Examinonscequisepassedanslesport.La

CoupeduMondedefootball:chacunvoudraitoccuperlapremièreplace.Toutelapopulationdupayschampionparticipeàlafête.Encasdedéfaite,lepeupletoutentiercherchelescauses.En ce qui concerne les sports d’hiver,

personnenedit:«UnEuropéenagagné lacourseduLauberhorn.»C’estunSuisse,ouunAutrichien.Danssadiversité,laSuisseestorganisée

delamêmemanière.Pour nous tous, l’ap-partenance à un canton est importante. […]L’appartenanceàunecommuneestégale-

mentimportante.Chacunauneorigineetilytient.Ilena

toujoursétéainsi,c’estdansnosgènes.Danslespetitescommedanslesgrandes

choses,l’hommeestfinalementattachéàcequi lui est proche et on ne peut pas facilement lefaireentrerdansdesschémas.C’estvalabledanslafamille,danslecouple,danslaprofes-sion,danslasociété,danstouslespays.C’estaussiunpeudelibertéquiappartientàchacun,àquoionnerenoncepasfacilement.

Conclusions

1.Nousdevonstousêtrereconnaissantsdevivredansunpaysoùl’onjouitde lapaixetdel’ordregrâceauxprincipesdel’Etatdedroit.

2.Il nous faut veiller à l’endettement denotrepays.LesexemplesdesEtatsvoisinsmontrentcequipeutarriver.

3.Nousdevonsnouspréoccuperdenotrepro-tectionsociale.Ilfautsauvegarderl’AVSetl’AIafinqu’ellesexistentencoredans10,20,30,50ans.

4.Notreéconomiedoitconserversaplace.Lacompétitivitéinternationaledoitêtremain-tenue,lapaixsocialeégalement.

5.Encequiconcernelapolitiqueénergétique,un approvisionnement énergétique sansfailledoitpouvoirêtrepossible.Lesnou-vellestechnologiessontabsolumentnéces-sairesetilconvientdelespromouvoir.

6.L’agriculturesuissedoitcontinuerd’assurerl’approvisionnementalimentairedupaysaucoursdesprochainesdécennies.

Nous devons maîtriser l’avenir sur la voie efficace de la démocratie directe. Je suis per-suadé que nous y parviendrons. •(TraductionHorizons et débats)

«Nous devons préserver la liberté, l’indépendance, la neutralité, le respect mutuel et la responsabilité individuelle»

Allocution du 1er-Août du conseiller national Jakob Büchler, prononcée à Schänis (SG)

Horizons et débatsHebdomadaire favorisant la pensée indépendante, l’éthique et la responsabilité

pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains

Abonnez-vous à Horizons et débats – journal publié par une coopérative indépendante

L’hebdomadaire Horizons et débats est édité par la coopérative Zeit-Fragen qui tient à son indépendance politique et financière. Tous les collaborateurs de la rédaction et de l’administration s’engagent bénévolement pendant leur temps libre. L’impression et la distribution sont financées uniquement par les abonnements et des dons. La coopérative publie aussi l’hebdomadaire Zeit-Fragen en allemand et le mensuel Current Concerns en anglais.

Je commande un abonnement annuel au prix de 198.– frs / 108.– €

Je commande un abonnement annuel au prix d’étudiants de 99.– frs / 54.– €

Je commande un abonnement de 6 mois au prix de 105.– frs / 58.– €

Je commande un abonnement de 2 ans au prix de 295.– frs / 185.– €

Je commande à l’essai les six prochains numéros gratuitement.

Veuillez nous envoyer _____ exemplaires gratuits d’Horizons et débats no _____ pour les

remettre à des personnes intéressées.

Nom / Prénom:

Rue / No:

NPA / Localité:

Téléphone:

Date / Signature:

A retourner à: Horizons et débats, case postale 729, CH-8044 Zurich, Fax +41-44-350 65 51CCP 87-748485-6, Horizons et débats, 8044 Zurich

Appel pour le 720e anniversaire de notre Suisse

Page 5: orizons et débats 11 année

No 31, 8 août 2011 page 5 Horizons et débats

Dans le dos des cantons et de la Confé-rence des directeurs cantonaux de l’instruc-tion publique (CDIP), l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) s’est arrogé le droit de commander une étude visant à imposer à l’école obligatoire, et même à l’école enfan-tine dans tout le pays des cours d’éduca-tion sexuelle aux contenus ahurissants. Et cela également contre la volonté des parents! Heureusement, il existe en Suisse un nombre important de politiques qui attachent une très grande importance à une éducation familiale et scolaire axée sur des valeurs. Ils ont réagi par le biais d’une pétition «contre la sexualisation de l’école obligatoire» et une motion au Conseil national. Et rendez-vous compte: il s’est avéré que l’OFSP a contourné de son propre chef la compétence des cantons. La CDIP a fait savoir que «ce document [le matériel pédagogique pour le degré secondaire que la Haute école péda-gogique de Suisse centrale a élaboré à la demande de l’OFSP, mw] n’a été créé ni à la demande ni en collaboration avec la Confé-rence des directeurs cantonaux de l’instruc-tion publique et ses contenus ne sont donc pas déterminants pour le programme.» (cf. «Horizons et débats» no 29 du 25/7/11)

L’OFSP donne aux citoyens effrayés par cette procédure un avant-goût de la manière dont il soumettrait tous les domaines de la vie à sa conception de la prévention et de la promotion de la santé si le peuple et le Par-lement étaient assez bêtes pour lui donner le feu vert en acceptant la Loi sur la prévention et la promotion de la santé. Nous demandons à tous les candidats aux Chambres fédérales quelle est leur position sur cette question importante pour l’avenir de notre pays et de ses habitants.

«Dans sa sessiondeprintemps, leConseilnationalaacceptéenpremièrelecture,par97ouicontre71non,leprojetdeLoi sur la prévention et la promotion de la santé qui permettraitàl’OFSP,c’est-à-direàl’adminis-trationfédérale,d’imposerd’unepoignedefer à la population suisse des mesures contrai-gnantesdanstouslesdomainesdelavie.Desjeuxsexuelsetdesimagespornographiquesau jardin d’enfants et à l’école primaire àl’impositiond’unpoidsidéal(IMC)sousla

menace d’une réduction des prestations des caisses-maladieenpassantpar l’obligationd’enfermer toutes les volailles quandon atrouvéquelquepartuncanardmort, iln’yaplusdelimites.(cf.l’article«Le‹préven-tionnisme›enmatièredesanté,nouvelins-trumentdel’arroganceétatiste»,analysedelivre«CorpusDelicti»deJuli Zeh dans Hori-zons et débats no 27du11/7/11)Cette loi, mise au point après un assez

longséjouràl’étrangerparThomas Zeltner,

quivoudraitdomineruneSuissedubien-êtreaseptisé,doitêtrerefuséecatégoriquementparlesChambresfédérales.Nousautrescitoyensexigeons des nombreux candidats aux élec-tionslégislativesdecetautomneuneréponsesansambiguïtésurleurposition.Veulent-ilsune dictature sanitaire imposée par un simple officefédéralouvont-ilsrespecterladignitédescitoyensresponsablesdupays?Sont-ilsdisposés à respecter la répartition des com-pétences entre la Confédération et les cantons ouvont-ils,surordredel’ex-chefdel’OFSP,balayerlacompétencedescantons?Eneffet,selonlaConstitutionfédérale,la

préventionetlapromotiondelasantérelèventclairement de la compétence des cantons.Comme l’a constaté la Commission mise sur piedparleConseilfédéral,lesarticles117et118nesuffisentpascommebased’uneloifédérale; ils ne font que donner à la Confédé-ration la compétence de «légiférer sur l’assu-rance-maladieetsurl’assurance-accidents»(art.117)etde lutter«contre lesmaladiestransmissibles, lesmaladies trèsrépandueset les maladies particulièrement dangereuses del’êtrehumainetdesanimaux»(art.118),cequiestdéjàréglementédanslaLoi sur les épidémies.Il est généralement admis que le sys-

tèmedesantéfédéralistedelaSuisse,quiestgéré,enplusdescantons,parlescommunes et de nombreuses organisations de béné-volescommelesassociationsdesamaritains, estundesmeilleursdumonde.Allons-nousle détériorer par une organisation centraliste?Nousattendonsdechaquecitoyendési-

reux de siéger au Conseil national ou au ConseildesEtatsqu’ilrépondeàlaquestion:«Quelleestvotrepositionenmatièredepré-vention?» •

«Mesdames et Messieurs les représentants du peuple, quelle est votre position à l’égard des valeurs fondamentales de notre pays?»

Les candidats aux Chambres doivent s’engager vis-à-vis des électeurspar Marianne Wüthrich

mw. Lasanté publique tombe,commel’ar-ticleci-dessuslemontre,souslaresponsabi-litédescantons.Danslesystèmefédéralistesuisse, denombreux autres domaines sontrégléspar lescantons.Suiteà leurhistoirelescantons,quiétaientautrefoisautonomeset qui ont formé la Confédération suisse en 1848,ontuneposition forte. Ilspossèdenttoutes les compétences qui ne sont pas expres-sément attribuées à la Confédération dans la Constitution fédérale:

Art. 3 CantonsLescantonssontsouverainesen tantqueleur souverainetén’estpas limitéepar laConstitution fédérale et exercent tous les droits qui ne sont pas délégués à la Confé-dération.

Art. 42 Tâches de la ConfédérationLaConfédérationaccomplitlestâchesqueluiattribuelaConstitution.

Art. 43a Principes applicables lors de l’attribution et l’accomplissement des tâches étatiques1LaConfédérationn’assumequelestâchesqui excèdent les possibilités des cantons ou qui nécessitent une réglementation uni-formeparlaConfédération.

Art. 47 Autonomie des cantons1LaConfédérationrespectel’autonomiedescantons2Ellelaisseauxcantonssuffisammentdetâches propres et respecte leur autonomie d’organisation.Elleleurlaissedessourcesde financement suffisantes et contribue à cequ’ilsdisposentdesmoyensfinanciersnécessairespouraccomplirleurstâches.

Pourpouvoiraccomplirleurscompétencesétendues, les cantons reçoivent – outreles impôtsde l’Etatqu’ilsperçoiventeux-mêmes–,conformémentà laConstitutiondes pourcentages de la plupart des impôts fédéraux:de l’impôt fédéraldirect (impôtsurlerevenu),delataxesurlavaleurajou-tée(pourdesréductionsdeprimesdecaisse

maladie),del’impôtsurl’alcooletdel’im-pôtanticipé.Lescantonsdélèguentunepartiedeleur

compétences et devoirs aux communes,chaquecantontrouveindividuellementdessolutionsadéquatesavecsescommunes.

Les compétences les plus importantes des cantons

Unedescompétences lesplus importantesdes cantons est la santé publique: les hôpi-taux,lapromotiondelasantéetlaprévention,parexemplelapréventiondesdépendances,les contrôles de santé par le médecin et le vétérinairecantonal,parexempleencequiconcerne l’hygiène dans le commerce desdenrées alimentaires et dans la restaura-tion.Lacompétencedescantonsencequiconcernelasantés’ensuitdefaçonnégativedel’article118:CommelaConfédérationestuniquement responsable de lutter contre les maladies transmissibles et particulièrement dangereuses, tous lesautresdomainessontdanslaresponsabilitédescantons.Un autre aspect est la formation: Dès

l’école enfantine en passant par l’école obli-gatoire et les écoles spécialisées, le gym-naseetlesécolesprofessionnellesjusqu’auxhautesécoles(art.62)touteslesécolessontdu ressort des cantons. Les deux écolespolytechniques fédérales sont les seulesinstitutions de formation gérées par la Confé-dération(art.63-2).LaConfédérationlégi-fère aussi sur la formation professionnelle (art. 63-1), mais l’organisation de celles-ciincombeauxcantons(art.63).Encequiconcerne la recherche et la formation conti-nue,laConfédération«encourage»maiscesont les cantons qui en sont responsables (art.64).Toutlesystème social(l’assistancesociale,

le système de tutelle, les bureaux d’aidesociale,leshomespourpersonnesâgées,lescentreséducatifspour jeunesetc.) sontduressortdescantonsquidélèguentcesdevoirsenpartieauxcommunes.Cedomainen’estpas même mentionné dans la Constitution

fédérale,cen’estdoncpasuneaffairefédé-rale.Celarésulteaussiduprincipedesubsi-diarité:cesontdesdevoirspourlespetitesentités,lescommunesetlescantons.

Travail: Les bureaux pour l’emploi,bureaux de recrutement et inspection du tra-vail.

Police et justice: Al’exceptionduTribu-nal fédéral (la plus haute instance) policeet justicesontentièrementaffairedescan-tons:Delapolicedelacirculationjusqu’àlapoliceducommerce,destribunauxrégulierspassantparlestribunauxdebailetdutravailjusqu’auxprisonsetauxjugesdesmineurs.Lorsque la Confédération reçoit de hautsreprésentantsd’EtatsétrangersoulorsqueleWEFalieuàDavosouuneconférenceinter-nationaleàl’ONUàGenèveavecdehautsreprésentantsd’Etats,laConfédérationdoitfaireappelaugouvernementscantonauxdeBerne,desGrisonsoudeGenèvepourleurdemanders’ilpeuventengagerlesforcesdepolicenécessairespourlaprotection.L’Ar-mée n’est engagée uniquement si un canton estdépassédupointdevuedupersonnel,etseulement avec l’accorddugouvernementcantonalconcerné.Lalégislationsurlapro-tectioncivilerelèvedelacompétencedelaConfédération, l’exécution par contre faitpartiedestâchesdescantons(art.61-1).

L’économie: La promotion de l’écono-mie,leregistreducommerce,lenotariat,leregistrefoncier,l’officepourl’agricultureetle tourisme sont en mains des cantons et des communes.

Energie, environnement et construc-tion: L’approvisionnementeneauetenélec-tricité, la protection de la nature, la pêcheet les forêts, l’aménagement du territoire,mais aussi la promotion de la construction de logements et la protection du patrimoine font partie de la compétence des cantons et des communes. La Confédération n’a quele droit d’émettre certains principes dans cesdomaines(art.74–79CF),avanttoutence qui concerne la protection des animaux (art. 80CF).La construction des routes, à

l’exceptiondesroutesnationales(art.83)estaffairedescantons.Lesrèglesdecirculationpar contre sont émises par la Confédération parcequ’ilsdoiventêtrevalablepourtoutlepays(art.82CF).Selonarticle84,laConfé-dérationdevraitaussiassurerlaprotectiondesrégionsalpinescontreletraficdetransit,c’est-à-direcontrelesavalanchesdepoids-lourds.Depuisl’entréeenfonctiondeMoritz Leuen-berger,ilestconnuqueleConseilfédérals’enestmoqué,parcequ’ilfallaitàtoutprixfairepasserlesAccordsbilatéraux.

Culture: La promotion de l’art, de lamusique et du film ainsi que la réglementa-tiondurapportentre l’Etatet l’églisesontdu ressortdescantons.«LaConfédérationpeut promouvoir les activités culturellesprésentant un intérêt national et encourager l’expressionartistiqueetmusicale,enpar-ticulierparlapromotiondelaformation.–Dansl’accomplissementdesestâches,elletientcomptedeladiversitéculturelleetlin-guistiquedupays»(art.69).Oui,mêmeleslangues officielles sont déterminées par les cantons, selon l’article 70-2: «Les cantondéterminentleurlanguesofficielles.Afindepréserverl’harmonieentrelescommunautéslinguistiques,ilsveillentàlarépartitionterri-toriale traditionnelle des langues et prennent en considération les minorités linguistiques autochtones».Ainsi, lescantonsdeBerne,duValaisetdeFribourgontl’allemandetlefrançaiscommelanguesofficielles,lesGri-sons ont même trois langues officielles: l’al-lemand,l’italienetleromanche.Lesbureauxadministratifs et les panneaux d’entrée en agglomérationsontaffichésendeux,voiretroislangues,toutepublicationofficielle,toutprotocoleparlementaire,toutelettredesauto-rités est rédigée dans toutes les langues offi-cielles.

Ordre dans les communes:Lespompiers,lescanalisationsetl’épurationdeseaux,lesdéchets,lescimetières,lenettoyagedesrueset d’autres tâches d’infrastructure impor-tantes sont généralement du ressort des com-munes. •

L’ordre fédéraliste de la Suisse

«Nous autres citoyens exigeons des nombreux candidats aux élections législatives de cet automne une réponse sans ambiguïté sur leur position. Veulent-ils une dictature sanitaire imposée par un simple office fédéral ou vont-ils respecter la dignité des citoyens responsables du pays? Sont-ils disposés à respecter la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons ou vont-ils, sur ordre

de l’ex-chef de l’OFSP, balayer la compétence des cantons?» (photo thk)

Page 6: orizons et débats 11 année

page 6 No 31, 8 août 2011Horizons et débats

«Ces cinquante ans de discours présidentiels mettent en évidence le malen-tendu tenace qui est la conséquence d’une colonisation jamais objectivement évaluée, jamais assumée. Ce sont des discours qui, tous, tombent de haut, dis-cours sans réplique. Les quelques grandes voix africaines qui se sont élevées n’ont jamais été entendues. Aujourd’hui, les Africains s’autorisent à faire leur histoire et celle de leurs conquérants, de leur propre point de vue, qui n’a jamais été requis, et pour l’instruction de leurs peuples, qui ont besoin de se fonder en dignité. L’histoire n’est qu’un point de vue sur les choses, plus ou moins large, plus ou moins riche, mais jamais total. L’équilibre du monde exige qu’on entende toutes les voix et qu’on mette fin au monologue de la parole et au monopole du pouvoir qui conduisent au délire et à l’horreur.»

Odile Tobner

ks. Pro Mente Sana est une fondation qui s’engagedepuis32anspourlesbesoinsdepersonnespsychiquementmalades,pour lasauvegardedeleurdignitéetdeleursdroitsfondamentaux. Très active en relationspubliques,ellefournitdesinformationspouréveillerl’intérêtpourlesmaladesmentauxetleurfamille,représenteleursintérêtsenverslesautoritésetlaclassepolitique,soutientdesprojetspourlesmaladespsychiques,délivredes conseils aux personnes concernées et soignelesrelationsaveclesinstitutionslesplusdiversesdudomainesocialetdelasanté.LesracinesdePro Mente Sana remontent

au XIXe siècle. En 1846 déjà, l’assem-blée générale de la Société suisse d’utilité publique(SSUP)avaitdemandéqu’onéveillel’intérêtdupublicpourlapsychiatrie.Onyaffirmait que l’état des soins publics des fous est un critère du degré de la culture intellec-tuelled’unpays.Danslesannées1860,dessociétésd’utilitépubliqueavaientfournidel’aide lors de la fondation de sociétés «d’aide auxfous»,lesquellessoutenaientfinancière-ment lespatients, lesaccompagnaient lorsdeleurretourdanslaviedetouslesjours,aprèsleursortiedeclinique,etinformaientlepublicsurlesmaladiesmentales.L’histoiredePro Mente Sana est marquée

–commecelledelasociétéd’utilitépublicengénéral–parcertainespersonnalitésquise laissaient guider par leur empathie et leur sens des responsabilités et qui s’engageaient fortement pour un groupe de personnes dont ellesavaientreconnulesbesoinsd’aideetcefaisant également pour la société en géné-ral. La discussion étaitmarquée alors pardespsychiatresqui connaissaient l’impor-tance des facteurs humains pour la guérison deleurspatientsetquiplaçaientcelle-ciaucentredeleuraction.Le médecin et psychiatreHans Oscar

Pfister (1905–1995)étaitunedecesperson-nalités.Danslesannées1944à1970,Pfis-tertravaillaitcommemédecindelaVilledeZurichetilmitsurpieddurantcesannéesleservicepsychiatriquedelaville.Dès1948,ilétaitmembredelacommissiond’hygiènede la Société suisse d’utilité publique et pré-sident du Groupe de travail suisse pour la protection de la santé mentale fondée en 1953.Pfister reconnutdans l’améliorationdes relations humaines la tâche principale de

l’hygiènepsychique.«Dupointdevuepra-tique, l’hygiènementaleactuelleveutagircontre le phénomène de l’isolement des êtres humains,qu’ilsaientpeur,qu’ilsdésespèrentdel’aveniretquefinalementilsdésespèrentde tout dans toute cette misère.»* Pfisterregrettait le «trop psychologique qui étaitactuellementenvogue»etlapertedel’amourdeshommesetduprochain.«Denosjours,oncomprendl’hommeavanttoutrationnelle-ment,intellectuellement,etonenoubliel’hu-main.»Surlabasedesfacteursprovoquantlamaladie,iljugeaitle«[…]remaniementdelaviecommunautairemoderneprogressantdefaçontumultueuse».«Nousdevonscom-battrepremièrement,unmanqued’amourouune absence d’amour de la part de son entou-rage,deuxièmementlenon-sensdelavieoulamiseendangerdesbutsdanslavieparlessemblables,ettroisièmementlesentimentdesécurité défectueux ou la mise en danger per-manentedelasécuritéindividuelleetdelacommunautéhumaine.»Asonavis,lapro-phylaxiedelasantéallaitdepairavecl’em-pathiedespersonnesactivesdansl’éducation.Ildemandaitdonc«[…]quelacapacitéderessentir les angoisses de son semblable,devait être systématiquement enseignée,appriseetexercée.»Lorsqu’unhommecom-préhensif identifiaitun isolement, ildevaitse sentir obligé d’intégrer la personne isolée danslasociété.TellesfurentlesdéclarationsdePfisteràl’assembléegénéraledelaSSUPde1969àlaquellelesujet«Lesproblèmesdelasolitudeànotreépoque»futdiscuté.A part Pfister et d’autres personnalités,

c’est le psychiatre Paul Plattner (1907–1980),quifournitunélémentconstitutifdelavoievers la créationde la fondation. Ilavait travaillédurant32anscommeméde-cin chef du sanatorium neurologique de Münchenbuchsee, en s’engageant pour une médecine plus humaine et pour un traite-ment plus digne desmaladesmentaux.Al’époque,PlattnerévoluaitdanslecercledumédecinetécrivaingenevoisPaul Tournier quidéveloppauneamorcedemédecine,psy-chothérapieetdecured’âme(la«médecinede lapersonne»). Il considérait la relationthérapeutique entre le médecin et le patient comme un élément de guérison essentiel pour letraitement.Plattneraussidemandaitqu’onintègre mieux les facteurs humains en méde-

cine, en estimant possible d’améliorer laqualité de traitement entre autres par un grou-pementdemédecins(lesdénommésgroupesBalint),lesquelstravaillaientàunemeilleurerelation entre le médecin et le patient sous laconduited’unpsychothérapeute.Ilinvitaitses confrères à considérer le patient comme untoutetàluiparlerd’hommeàhomme.Ils’engageaitvigoureusementpouruneamélio-rationdelaréintégrationdespatientsdepsy-chiatrieaprèsleursortiedeclinique.Plattneravait contribué à prendre pour thème parl’assemblée annuelle de laSSUPde1971à Zoug, l’intégration dans la société desmaladesmentauxet ilyappelaà lacores-ponsabilité de tous pour ces semblables qui ne seraient pas en mesure de s’aider et s’esti-mereux-mêmes.Danssarésolution,laSSUPaffirmaque«[…]lemaladementalesttou-joursaussiunsymptômepour lesgroupesrelationnelsetlasociétédanslesquelsilvit».Alasuitedeladiscussion,laSSUPformulades exigences concrètes pour l’intégration de maladespsychiques,lesquelless’adressaientauxinstitutionssocialesetdesantépublique.Plattneraspiraità lafondationd’uneinsti-tution qui fournirait de l’aide à la réintégra-tionetquiseraitenmesured’offriruntravailderelationspubliquesenfaveurdesmaladesmentaux,etils’efforçad’obtenirlesoutiendelaSSUPdanscedomaine.Al’assembléeannuellede1974ondécida

de collaborer à la fondation d’une organisa-tionfaîtièrepourlesmaladespsychiques.Lesorganisationsd’aideexistantes, Pro Juven-tute, Pro Senectute et Pro Infirmis, devaientêtre complétées par une fondation Pro Mente Sana.En1976, laSSUPparticipaparunecontribution généreuse au capital de fonda-tion.Lafondationinitialeeutfinalementlieuen1977/78,àlaquelleparticipèrentdesdélé-guésde75organisations.Lesbutsdelafon-dation étaient «la réponse aux problèmes des maladespsychiquesengénéral»etlacolla-borationdetouslesacteursdanscedomaine.Grâceentreautresàuneséried’émissionsradio,quiavaiteuungrandretentissement,onréussitàfaireconnaîtredanslepublicPro Mente Sana,desortequel’offredeconseilspour les personnes concernées fut bientôt grandement utilisée.De concert avecPro Mente Sana, laSSUPs’engageadansbiendesdomaines.Onpublia par exempledes

brochuresd’informationsurdessujets telsque la schizophrénie ou la dépression, desortequelesavoirpsychiatriqueetpsychohy-giénique puisse être mis à la portée de larges couchesdelapopulation.Aprèslacréationdelafondation,quiagis-

sait désormais en grande partie de sa propre initiative,l’aideauxpersonnesendétressepsychiquedemeuraunepréoccupationpourlaSSUP,cequi fut stimuléavant toutparAlbert Mossdorf,présidentdelaSSUPdansles années 1979–1989 et ancien directeurdesFinancesducantondeZurich.Mossdorffitunthèmedediscussiondelasantépsy-chiquemenacéeparl’évolutiondelasociétéetilplaçal’encouragementdequalitésémo-tionnellestellesquel’empathie,l’intérêtetl’aide d’homme à homme au centre de son engagementdanslasociété.«Auneépoqueoul’isolement,larésignationetlesnévrosesprennentledessus,ils’agitpurementetsim-plementdepromouvoirl’aidemutuelledansdes situations de vie particulières, d’ap-profondir les contacts personnels et d’être plustolérant.»Lavoiedu«renouveaudelacommunauté nationale» devrait être apla-niepar le renforcementdes relationsaveclesautres.Mossdorfvoyaitlacommunautéfédérale menacée par l’isolement progressif etla«collaborationrésolue»,perdueparleshommes.En1987etgrâceàsoninitiative,futcréée

unecommissionde laSSUPqui s’occupade la«rénovationde lacommunauté fédé-rale».Unexempledesontravailfutlabro-chure publiée en 1989 sur décision de lacommission, intitulée «lutte contre l’iso-lement» qui en appelle à la solidarité entre prochains.Flavio Cotti,leconseillerfédérald’alors,soutientl’initiativedanslapréfacedela brochure: «Nous tous sommes sollicités de repensernosrelationsaveclesautresetdedonneràchacunlachanced’unevierichedesens,quinetiennepasseulementcomptedesesbesoinsmatériels.»Celan’est-ilpasplusurgentàprésentquejamais? •Informations:www.promentesana.ch

(TraductionHorizons et débats)

* Touteslescitationssonttiréesdel’œuvrede BeatriceSchumacher,«Freiwilligverpflichtet.GemeinnützigesDenkenundHandelninderSchweizseit1800».EditionsNeueZürcherZeitung,Zurich2010.

«Aujourd’hui, on comprend l’homme rationnellement, intellectuellement, et on en oublie l’humain»

La contribution de la Société suisse d’utilité publique lors de la création de la Fondation Pro Mente Sana

Suite page 7

En 2007, le président de la République fran-çaise, Nicolas Sarkozy, prononça une allo-cution à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, dans la capitale sénégalaise de Dakar.1

Il y dessina une caricature de l’Afrique à la manière de l’époque colonialiste. Le dis-cours fut adressé «aux jeunes d’Afrique» qu’il voulait embarquer, à l’aide de ses paroles sur le développement futur de l’Afrique sous domination française. Si l’au-dience du pays d’accueil conserva la poli-tesse exigée, l’indignation contre les avances et paroles de violence néocoloniales n’en fut pas moins grande, pas seulement en Afrique. En plus d’articles importants dans la presse,

l’éditeur parisien Philippe Rey publia en 2008 un recueil de 23 essais sous le titre «L’Afrique répond à Sarkozy – Contre le dis-cours de Dakar»*. Une sélection de ces essais a paru en allemand en 2010. Des intellec-tuels africains des domaines universitaires, littéraires et culturels analysèrent le dis-cours, dévoilèrent son arrière-fond raciste et révélèrent les intentions néocoloniales de Nicolas Sarkozy. A la caricature prési-dentielle de l’histoire africaine furent oppo-sés les résultats de recherches scientifiques indépendantes de plusieurs dizaines d’an-nées. Le recueil est dédié aux pionniers de ces recherches, Cheikh Anta Diop, Frantz Fanon, Mongo Beti, Amadou Hampâté Bâ

et Joseph Ki-Zerbo. Il dépasserait le cadre d’une analyse de livre de vouloir présen-ter ce recueil dans sa richesse et complexité entières. C’est la raison pour laquelle nous nous contentons de présenter les idées cen-trales de plusieurs auteurs.

L’Afrique de Nicolas Sarkozy?2

M. Sarkozy, dans son discours, décritl’Afrique comme continent entièrement arriéré:3«Ledramede l’Afrique,c’estquel’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. Le paysan africain, qui depuisdesmillénaires,vitaveclessaisons[…],neconnaît que l’éternel recommencement dutempsrythmé.[…]Danscetimaginaireoùtoutrecommencetoujours,iln’yadeplacenipourl’aventurehumaine,nipourl’idéedeprogrès.[…]Jamaisl’hommenes’élanceversl’avenir.»4

Dans son essai, l’historien Achille Mbembe, fait ressortirque l’idéequeM.Sarkozy se fait de l’Afrique, ne corres-pond en rien à la réalité. Elle reprendpresque mot à mot ce qu’a écrit Georg Wil-helm Friedrich Hegel dans«LaRaisondel’histoire»surl’AfriqueaudébutduXIXe siècle.5Dans le discoursdeSarkozy, les

préjugésdeHegel sont enrichisde lieuxcommuns de l’ethnologie coloniale de la fin duXIXesiècle.DepuisCharles de Gaulle déjàlapolitiqueafricainedelaFranceestbaséesurdespréjugésàcaractèrecolonialetraciste.

Duplicité et trafic de l’histoire6

Fascinant et facile à comprendre pour lesnon-professionnels, est l’essai de Zohra Bouchentouf-Siaghqui,enemployantl’outildel’analysedetexte,expliquelediscoursdeSarkozy.7Voilàunexempledesafaçond’ana-lyserlediscours:«Jesuisvenuvousparleravecfranchise[…].Jenesuispasvenuniernilesfautesnilescrimescarilyaeudesfautesetilyaeudescrimes.Ilyaeulatraitenégrière,ilyaeul’esclavage,leshommes,lesfemmes,lesenfantsachetésetvenduscommedesmarchandises.[…]Ilsontvouluconver-tir l’hommeafricain,[…]ilsontcruqu’ilsavaienttouslesdroits.»Bouchentouf-Siagh démontre par cet

extraitladoubleinstancedudiscours:Tan-tôtSarkozyutiliseun«je»quis’adresseàlajeunesse,tantôtilparleavecdes«ilya/ilyaeu/ils/ce/cela»commes’il rapportaitdeshistoiresanciennes.Desformulesimperson-nellesainsiquelesverbes«vouloiretcroire»transforment «le factuel […] les dévasta-tions culturelles et matérielles exécutées au

L’Afrique refuse l’impérialisme français L’Afrique répond à Sarkozy – Contre le discours de Dakar

par Henriette Hanke Güttinger

Au sujet des discours présidentiels des cinquante dernières années

* SousladirectiondeMakhilyGassama.L’Afrique répond à Sarkozy.EditionsPhilippeRey2008.ISBN978-2-84876-136-7

Page 7: orizons et débats 11 année

No 31, 8 août 2011 page 7 Horizons et débats

Place de l’Indépendance à Dakar. «Je me méfie de l’étranger qui vient décider, à ma place, des solu-tions aux problèmes de mes propres greniers.» (Proverbe sénégalais) (photo Rignese/wikimedia)

Suite page 8

«L’Afrique refuse l’impérialisme …» suite de la page 6

nomdela‹missioncivilisatrice›entimidesamorcespsychiques;toutestdiluédansunbrouet mêlant euphémisme et imprécision et l’onnesaitplustrèsbienquiafaitquoi,oùetquand,etsurtoutoùsesituentexactementlesresponsabilitéshistoriques,carresponsabili-téshistoriquesilya,n’endéplaiseàM.Nico-lasSarkozy.»–ainsiBouchentouf-Siagh.Dans cette double instance du discours

apparaît une duplicité qui traverse le dis-coursentierdeSarkozyaveclafonctionidéo-logiquesuivante: ilévoquechezl’auditeurl’image d’une Afrique arriérée et assombrie quidoitêtreguidéeparl’Europedesvaleursuniversellesdansunavenirrayonnantsousdominationfrançaise.SarkozyrenoueavecJules Ferry,qui,en1885àlaChambredesdéputés justifia lescriminellesexpéditionscoloniales:«Jerépètequ’ilyapourlesracessupérieuresundroit,parcequ’ilyaundevoirpourelles.Ellesontledevoirdeciviliserlesracesinférieures.»Comme suit, Bouchentouf-Siagh met

en lumière les tentatives néocolonialesd›embobinementdeSarkozy:«M.NicolasSarkozy,présidentdelaFrance,jouelui,suruneautrescène,celledesgrandespuissanceséconomiques et militaires du monde d’au-jourd’hui!»

«Je suis venu vous dire...» – Anatomie d’un discours néocolonial

en langue de caoutchouc8

LediscoursdeDakarétaitannoncécommeporteur d’une rupture radicale avec «aveclesdiscoursdesesprédécesseurs,critiquéspour la politique ‹françafricaine› menéedepuiscinquanteans,pour lescomplicitésdeParisavecdesrégimesafricainscorrom-pus.»–ainsilevoitNgalasso.«Onattendaitunpétard.Cefutunpet-en-potbruyantmaissansconsistance.» «NicolasSarkozyaras-surélespouvoirsenplace.Maisils’estaliénélesjeunes,lesdirigeantsdedemain.»Par une analyse de la forme Ngalasso

caractérise le discours ainsi: «Lediscours[…]surlerôlepositifdelacolonisation,surl’hommeafricainetsonessence,apris,touràtour,lesalluresd’unserment,d’uncourset d’une conférence adressés à des auditeurs prispourdegrands enfants.C’est en celaqu’il est apparu paternaliste et néocolonia-liste,doncinacceptable.»Sarkozynetravaillepasavecdesphrases

creuses. Il se sert de la soi-disant langueen caoutchouc qui suggère franchise et des intentionspaisibles:«L’orateurcaressesonpublicdanslesensdupoil,tientdesproposlénifiants,usedeladiversion,delaflatterieetdeladuplicité.L’exercicepermetdeconcen-trer la tension du public sur la performance del’orateurdavantagequesurlecontenudumessage[…].L’orateurn’apaspeurdemen-tir,desepayerdemots,desepayerlatêtedesesinterlocuteurs.»

Nous allons citer en exemple quelques extraitsdudiscoursdeSarkozy:«Je suis venu vous parler avec la franchise et la sincérité que l’on doit à des amis que l’on aime et que l’on respecte. J’aime l’Afrique, je respecte et j’aime les Africains.»Enmêmetemps,danssondiscours,Sarkozy refuse de se repen-tir des dommages et des atrocités de la poli-tique coloniale française ou de les réparer: «Nul ne peut demander aux générations d’au-jourd’huid’expiercecrimeperpétréparlesgénérationspassées.Nul ne peut demander aux fils de se repentir des fautes de leurs pères.»C’estàjustetitrequeNgalassofaitlaremarque que la repentance «est la moindre desréparations»quelavictimeestendroitd’attendredubourreauoudel’agresseur.

La vision de l’Afrique chez les présidents de la Cinquième République française9

DepuisCharlesdeGaulle,lesprésidentsdelaRépublique française se disent amis del’Afrique. Le professeur agrégé de lettres,Odile Tobner, explique que la politique étran-gèredelaFrancen’apeuouplutôtrienàvoiravecdel’amitié.Lebutétaitdepuistoujoursderendrelespaysafricainsdanslaplustotaledépendance possible et de les rendre prêts à servirlesintérêtsdelaFrance.L’attitudedesprésidentsfrançaisenverscespaysallaitdudédainjusqu’aumépris.10

Depuislescolonies,pendantlaSecondeGuerremondiale, le général deGaulle fit

venir des soldats, desmatières premièresetdel’argentpourlaRésistance.Ilrépon-ditauxmouvementsde libérationdans lescolonies–sans succès d’ailleurs – par deux guerres cruelles et des réformes que Tobner décrit comme «l’avènement d’une politique de vassalisation» car l’armée et la monnaie restaient en main française. «Lecomitéd’ac-tionpourl’Afrique»installéàl’ElyséedevaitrendrelesEtatsafricainsEtatssatellitesdelaFrance.

Chez Georges Pompidou,Tobner décrit«uneparfaite contradictionentre lavisionhumaniste d’une Afrique qu’il faut aider à se développer,présentedanslesdiscours,etlaférocepolitiquederépression».Valéry Gis-card d’EstaingréussitàinstalleraupouvoirdesmarionnettesdominéesparlaFranceetlessoutint.CefutlecasauTchad,auZaïre,en Centrafrique, en Mauritanie et à Dji-bouti.AvecFrançois Mitterrand et Jacques Chirac11 la persécution de dissidents et les pactolesaveclesrégimescorrompusdanslasphèred’influencefrançaisecontinuaient.LapolitiqueétrangèredeSarkozypoursuitcettetradition.

Les causes du sous-développement africain

Entantquespécialisteenéconomie,Demba Moussa Dembélé12 nous explique les raisons du sous-développement de l’Afrique. Sonessai commence par les paroles de Frantz Fanon13 «Lecolonialismeetl’impérialismenesontpasquittesavecnousquandilsontretiré de nos territoires leurs drapeaux et leursforcesdepolice.Pendantdessiècles,lescapitalistes se sont comportés dans le monde sous-développécommedevéritablescrimi-nels deguerre.Les déportations, lesmas-sacres,letravailforcé,l’esclavagismeontétélesprincipauxmoyensutiliséspar lecapi-talismepouraugmentersesréservesd’oretdediamants,sesrichessesetpourétablirsapuissance.»ADakar,Sarkozydisaitcequisuit:«La

colonisation n’est pas responsable de toutes lesdifficultésactuellesdel’Afrique.»Dem-béléopposeàSarkozycequisuit:«Iln’endemeurepasmoinsvraiquec’estl’héritagecolonial–aggravéparlefardeaud’unedetteextérieureillégitimeetlesconditions-cadretoutaussiillégitimesimposéesparlaBanquemondialeetleFMI–quiconstituentlacauseprincipaledelacrisequetraverseleconti-nentafricain.»«SiM.Sarkozyavaitunpeuétudiél’histoireducapitalisme,ilauraitsuquelanaissanceetledéveloppementdeceprocessussesontfaitsaveclesang,lasueuretlesressourcesdespeuplesafricains.»DéjàKarl Marxavaitattirél’attentionsurlefaitque l’esclavagisme14 avait rendu possiblel’«accumulationprimitiveducapital».Aveclacolonisationdel’Afriquecommençalepil-lagedesesressources.Dans sonanalyse scientifique,Dembélé

nousexpliquecommentl’Occident,encoreaprèslafindel’époquecoloniale,exploitelesEtatsafricainsetessaiedelestenirendépen-dance.Ainsifutattribuéàl’Afrique,dansunesortededivisioninternationaledutravail,lerôled’unfournisseurdematièrespremières.

Avecl’orientationdeleuragricultureetéco-nomie pour l’exportation de produits pri-mairesousemi-transforméspourlemarchéinternational,lesEtatsafricainssouffraientetsouffrenttoujoursdelabaissedesprixquiaétécauséeparlessubventionsagrairesdespaysindustrialisés.15Ceux-ciontinondélespaysafricainsavecdesproduitsmassivementsubventionnésetdétruisirentainsiunepartiedelaproductionlocale.Pourcompenserlespertesdanslesexpor-

tations et les prix augmentés des importa-tions, lesEtats africains ont dû s’endetterauprès des créanciers étrangers qui assortis-saientleurscréditsdecertainesconditions.16

Ainsiilspouvaientélargirleurinfluencesurles Etats africains et piller impudemmentleursressourcesjusqu’aujourd’hui.Quand,verslafindesannées70,lacrise

deladettecommença,lesEtatsafricainsontfait appel à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international avec pour consé-quence l’explosion de la dette17.Lesajuste-mentsstructurelsetleservicecumulédeladette18ontrenduexsangueslespayssubsaha-riensavecdesconséquencescatastrophiquespourlespopulations.DanslesLDCafricains(LeastDevelopedCountries)«65%deshabi-tantsviventavecmoinsd’undollarparjouretprèsdeneufpersonnessurdixviventavecl’équivalentdedeuxdollarsparjour.»Dem-béle décrit les effets de la politique imposée par laBanquemondiale et leFondmoné-taireinternationalcommesuit:«Lalibérali-sationducommerceetdesinvestissements,les privatisations des entreprises d’Etat etdesservicespublicsainsiquelespolitiquesd’austéritéimposéesauxgouvernementsafri-cains se sont traduites par l’effondrement de plusieurssecteursdel’économie,l’affaiblis-sementdel’Etat,l’accroissementdesinégali-tésetl’explosiondelapauvretéàuneéchellesansprécédent.»Ilfautsurtoutmentionnerqu’on trouvedans l’essaideDembéléunelarge bibliographie de publications scienti-fiquessurdessujetsdifférents.

Intermédiaires comme nœuds dans le système impérial

Danssondiscours,Sarkozyessaiederendreaux Noirs leur part de responsabilité pour l’es-clavageetlesautrescrimesdel’époquecolo-niale et postcoloniale dans la même mesure qu’auxBlancs.E. H. Ibrahima Sall19 explique danssonessai lavraievaleurdescollabo-rateursafricainsdans lesystème impérial:«Touslescrimesorganisésontbesoind’in-termédiaires.LecrimemultiséculairecontredesAfricainsquefutl’esclavagenesauraitfairefigured’exception.Là,commedanslacolonisation,desAfricainsontparticipéacti-vementàundispositif,conçu,programmépardesmaîtresd’Europepourservirunsystèmedestiné,essentiellementetd’abord,àfortifierdesintérêtséconomiquesoccidentaux.»

Maintenir l’Afrique comme pré carré

Mahamadou Siribié20 parle dans son essai dudiscoursqueSarkozyaprononcélorsdesonélectionàlaprésidencedelaRépublique.LemessagedeSarkozyauxmédiasinterna-

tionauxétantprésentsfut,deprimeabord,qu’ilvoulaitaiderl’Afriquedanssoncombatcontrela«pauvreté,lamaladieetlamisère».Souscebrouillarddecharité,Siribiédégageles intérêts géostratégiques et économiques de laFrance:«Maisaujourd’hui, l’Afriquese trouve au cœur d’un nouvel enjeu géo-politiqueinternational.Le‹précarré›fran-çaisenAfriquesetrouveainsimenacédanscettenouvelledonnemondiale.»«Dansuncontexteglobalcaractérisépardenouvellesconfigurations géostratégiques et face aux jeunes‹intrus›commelaChine,laRussieetlesEtats-Unis»,laFranceveutmaintenirsonpouvoirenAfrique.Desmotifssemblablessetrouventaussiderrièrel’affirmationfran-çaisequ’onbombardelaLibyepourprotégerlapopulationcivile.

Stop avec les interprétations eurocentriques de l’Afrique

Théophile Obenga21 démontre dans son essai quelediscoursdeSarkozydégoulinedupara-digmed’untrèsvieuxafricanismeeurocen-trique.22Ainsi,Sarkozycroit,danslachimèredelasupérioritédel’Occident,devoirprêcherdesvaleursetinstructionspourlefuturdéve-loppementdel’Afrique.Evidemment,sousleleadershipfrançaisavecdesphrasescreusesséduisantes comme «codéveloppement»,«dialogueNord-Sud»,«nouveaupartenariat»,«Françafrique».Aujourd’hui,lesintellectuelsafricains n’acceptent plus cette facon primi-tivedeleurparler.«Mêmelessingesdenosforêtsn’ycroientpas.»–commenteObengad’untonsec.LesrecherchesafricainesduXXe siècle ont

libéré l’histoire et la culture des scories euro-centriques et rendu au continent africain sa dignitéetlaconsciencedesaproprevaleur.Surcettebase,aujourd’hui,lesfondementsdelacivilisationpourraientêtrerenouvelés:Endéfendantleursdevoirsetleurresponsabi-litédanslesensdubiencommun,lespeuplesetnationspourraientserenouveler.

Souveraineté monétaire comme base de souveraineté politique

MahamadouSiribiéattirel’attentionsurunimportant «instrument économique et poli-tiqued’assujettissement des pays africainsfrancophones»,leFranc CFA.C’esten1946quelaFrancel’introduisitcommenouvellemonnaieetleliad’abordauFrancfrançais,puisaprèsà l’Euro.Ainsi lecontrôlede lamonnaie dans les anciennes colonies resta enmain française.Unevéritable indépen-dancepolitiquedesEtatsafricains–selonSiribié–seferaitpar«une totale indépen-danceéconomique,impossibleàréalisersansunemaîtriseintégraledesinstrumentsdelasouverainetéétatique,dontlamonnaieestlenoyau.Lepouvoiréconomiqueneconfère-t-ilpaslepouvoirpolitique?»

Pas de tenue en laisse française pour la jeunesse africaine

LamanièreimportunedontSarkozys’adresseencoreetencoreàlajeunesseafricaineestinsupportable.Illuidemandederompreaveclagénérationdespères,leursvaleursetleurstraditionsendisant:«Maissivouschoisissez

Les causes du sous-développement africain

«L’esclavage et la colonisation ont été les deux modes de contact, deux facteurs qui ont marqué à jamais le développement économique et social de l’Afrique. Ils ont non seu-lement détruit les économies et structures sociales de la société pré-coloniale, mais ils ont également pro-cédé à la destruction systématique de la culture et de la mentalité afri-caines. Donc, les problèmes actuels de l’Afrique ne s’expliquent ni par le manque d’‹intégration› au monde, ni par le retard de cette intégration. L’ex-plication réside plutôt dans la manière dont l’Afrique a été intégrée à l’éco-nomie mondiale capitaliste, qui a prospéré sur le sang et la sueur de ses enfants et le pillage éhonté de ses res-sources.»

Demba Moussa Dembélé

Page 8: orizons et débats 11 année

page 8 No 31, 8 août 2011Horizons et débats

«L’Afrique refuse l’impérialisme …» suite de la page 7

ladémocratie,laliberté,lajusticeetledroit,alors laFrances’associeraàvouspour lesconstruire.»Djibril Tamsir Niane23 répond à unetellearrogancedefaçonsuivante:«Maislajeunesseafricainen’estpascellequepenseM. Sarkozy: de grands enfants attendantqu’onlesprenneparlamainpourmarcher.Ilfautsavoirquelajeunesseducontinentcom-prendparfaitementlesenjeuxdenotretemps.[…]Ilsdénoncentavecdesaccentsacerbeslagabegie,lacorruption.Maisilssaventaussique les grandes puissances sont pour beau-coupdanslemalheurducontinent.»Lajeu-nesse africaine cherche ses modèles dans le richetrésordel’histoireducontinentnoir,etnonpasdansl’Occident–selonNiane.Entre-tempslapluiedesbombesdel’OTANauraencorerenforcécetteleçond’histoire. •1 LediscoursaétérédigéparHenri Guaino,con-seillerspécialdel’Elysée.

2 C’est le titre de l’essai d’Achille Mbembe, Came-roun,p.57–72ed.allemande.Ilobtientsondocto-ratenhistoireàl’UniversitédelaSorbonneàParis.De1988et2003,ilestintervenudansdenom-breusesuniversitésaméricaines.Actuellement,ilenseigne l’histoire de l’Afrique et la politique afri-caineàl’UniversitédeWitwatersrandàJohannes-burg.

3 DepuislaSecondeGuerremondiale,legou-vernementfrançaisainvestidesmilliardsdanslesrecherchessurl’Afrique,entreautredanslecadredel’Institutpourlarecherchedudéve-loppement et du Centre national de la recherche scientifique.D’aprèsMbembe,ilestinexpli-cablecomment–«quelqu’unpeut,aujourd’huiencore,tenirdesdiscoursaussidéconcertantssurlecontinentafricainsurl’arrière-pland’untelinvestissement».

4 LetexteintégraldudiscoursduprésidentdelaRépubliquefrançaiseàl’UniversitédeDakaren2007setrouveenfrançaisetenallemanddans:PeterCichon,ReinhartHosch,FritzPeterKirsch(Ed.),Der undankbare Kontinent? Afrikanische Antworten auf europäische Bevormundung, p.19–56.

5 Uneanalysedétailléesetrouvedans:Mbembe,Achille.De la postcolonie. Essai sur l’imagina-tion politique dans l’Afrique contemporaine.2000Paris,Karthala.

6 Titredel’essaideZohra Bouchentouf-Siagh, p.59–86.ElleafaitdesétudesdelinguistiqueàAlgeretàlaSorbonneetprésentasathèsededoctorat en dialectologie et en sociolinguistique maghrebines.

7 Elleafaitdesrecherchessurlaquestion:«Quelsystèmedepensée,quelleidéologienourritsonatti-tude à l’égard de territoires anciennement exploités parsonpays,laFrance?»

8 L’auteurdecetessai(p.297–340),Mwatha Musanji Ngalasso est professeur de sociolinguistique et lin-guistiqueafricaineàl’UniversitéMichelMon-taignedeBordeaux3.

9 L’auteuredecetessai(p.509–524)estprofesseureagrégéedelettres.Elleétaitmariéeavecl’écrivainMongo Beti, décédéen2001.AvecluielleacrééetdirigélarevuePeuples noirs – Peuples africains.

10 Jacques Foccart,quidirigealeGroupedetravailAfriqueàl’Elysée,décritcommentdeGaullesepro-nonçaensaprésencesurlesprésidentsafricainsvenantàl’Elysée.«Voussavez,celasuffitcommecelaavecvosnègres.Vousmegagnezàlamain,alorsonnevoitplusqu’eux:ilyadesnègresàl’Elyséetouslesjours,vousmelesfaitesrecevoir,vousmelesfaitesinviteràdéjeuner.Jesuisentourédenègres,ici.[…]Foutez-moilapaixavecvosnègres;jeneveuxplusenvoird’icideuxmois,vousentendez?[…]Cen’est pas tellement en raison du temps que cela me prend,bienquecesoitdéjàfortennuyeux,maiscelafaittrèsmauvaiseffetàl’extérieur:onnevoitquedesnègres,touslesjours,àl’Elysée.»

11 TobnerconstatequeChiraca,«pendantsesdouzeannéesdeprésidence,chaudementfélicitétouslesvainqueursd’électionstruquéesenAfrique».

12 Demba Moussa Dembéléafaitsesétudesuniver-sitairesenFranceetauxEtats-Unis.Ilestéco-nomistedeformation,spécialiséenéconomieetfinanceinternationales.Ilatravaillénotammentauministèredel’EconomieetdesFinancesduSénégaletcommechercheurassociéàl’InstitutdefinanceinternationaleàWashington.IlacollaboréavecdesONGsénégalaisesetafricainessurl’im-pactdesprogrammesd’ajustementstructureldelaBanquemondialeetduFondsmonétaireinterna-tionaletdelamondialisationsurledéveloppementdel’Afrique.Letitredesonessaiest«Méconnais-sanceouprovocationdélibérée?»(p.87–122)

13FrantzFanon,Die Verdammten dieser Erde. FrankfurtamMain,1967.(Les Damnés de la Terre)

14Dembéléattirel’attentionsurlefaitque«leconser-vateurdelaMaisondesesclavesdeGorée(Séné-gal)qualifie(cettetragédie)àjustetitrede‹plusgrandgénocidedel’Histoire›».L’historienCheikh

Anta Dioppartdel’hypothèsequel’Afriqueaperdu plusieurs dizaines de millions d’hommes par l’esclavagisme.CheikhAntaDiop(1987),L’Afrique noire précoloniale,Paris,Présenceafricaine.Lesconséquenceséconomiquesetsocialespourl’Afriquesefontsentirencoreaujourd’hui.Diop-Maes,Marie-Louise(2007),Mémoiredelatraitenégrière.Conséquencessurl’Afrique.SupplémentduMondediplomatique,novembre2007.

15Lespaysdel’OCED«dépensentplusd’unmilliarddedollarssousformedesubventionsagricolesparjour.Lesdépensesannuellesautitredecessub-ventionssontplusdesixfoissupérieuresàl’‹aide›accordéeauxpaysduSud.»–selonDembélé.

16 C’est ainsi «que la plupart des dettes contractées parlespaysafricainsétaientliéesàdesachatsdesproduitsetservicesdespaysprêteursàdesprixsupérieursauxprixdumarché.[…]Enoutre,unebonne partie des prêts étaient assortis de taux d’in-térêtexorbitants.»–d’aprèsDembélé.

17 En2004,lerapportdelaCnucedconstate:«Ladette extérieure de l’Afrique a sensiblement aug-mentéentre1970et1999[…].L’endettementexté-rieur total a ensuite considérablement augmenté pendantlesajustementsstructurelsdesannées1980etaudébutdesannées1990,atteignantunsommetdeprèsde340milliardsdedollarsen1995[…].»

18 «Entre1980et2002,l’Afriquesubsaharienneavaitpayéplusde250milliardsdedollarssousformedeservicecumulédeladette,soitenvironquatrefoislemontantdeladettede1980.»–ainsiDembélé.

19 E. H. Ibrahima SallafaitdesétudesàParisetauxEtats-Unis.IlatravaillédanslaSociétéFinancièreInternationaledugroupedelaBanquemondiale,ProgrammedesNationsUniespourledéveloppement,consultantauprèsdel’OCDEàParis.IlaétéministreduPlanetdelaCoo-pérationdelaRépubliqueduSénégal.Iloccupeactuellementlesfonctionsdeprésidentdel’Uni-versitéPolytechniquedeL’OuestAfricain.Sonessaiestintitulé:«Lesarchipelsdesfaux-sem-blants(p.455–469).

20 Mahamadou Siribié a fait des études de sciences politiquesàl’UniversitédeNice.Depuis2008ilestconseillermunicipaldeGrasse,DépartementdesAlpes-Maritimes.Sonessaiporteletitre:«Vio-lencesymboliqued’undiscourscrépusculaire».(p.471–497)

21 Théophile Obenga est professeur de langue ancienneégyptienne,delinguistiquecomparéeetd’histoireculturelleancienne.IlaenseignédansplusieursuniversitésenAfriqueetauxUSA.Sonessai est intitulé: «Africanismes eurocentristes: sourcemajeuredesmauxenAfrique». (p.383–409)

22CepointdevuedonneauxEuropéenssoi-disantsupérieurs,soitlesBlancs,ledroitetledevoirdeciviliser,detenirsoustutelleetd’exploiterlessoi-disantNoirsinférieurs.Surcetarrière-fondontétéfabriquées,danslepremieretdeuxièmemonde,des idées sur la culture et l’histoire africaines qui n’ontrienàvoiraveclaréalité.«Ellesservaientlebutdemaintenirlatutelle,dedomineretd’exploi-ter»ditObenga.

23 Djibril Tamsir Nianeesthistorienetécrivain,membre du Comité scientifique international pour la rédaction de l’histoire générale de l’Afrique (Unesco)etmembreduComitéscientifiqueinter-nationalde«Routedel’Esclave»(projetUnesco).Sonessaiestintitulé:«L’hommenoirculpabilisé».(p.357–382)

24LaprésentepublicationfutsoutenueparleDépar-tementcultureldelavilledeVienne,parledoyendelafacultédeslettresdel’UniversitédeVienneetparl’institutderomanistiquedel’UniversitédeVienne.M. Gerald Hödldel’Institutdessciencesafricainesdel’UniversitédeVienneaapportésonaiderédactionnelle.

25CésaireAimé,Über den Kolonialismus(Discours sur le colonialisme),Berlin1955.(www.archive.org/details/DiscoursSurLeColonialisme)

26Citéd’après:L’AfriquerépondàSarkozy,p.485

Ci-dessous, nous vous indiquons tous les auteurs et les titres de l’ouvrage «L’Afrique répond à Sarkozy – Contre le discours de Dakar».

MakhilyGassama,Le piège infernalZohraBouchentouf-Siagh,

Duplicité et trafic de l’histoireDemaMoussaDembélé,

Méconnaissance ou provocation délibérée?MamousséDiagne,

L’ignorance n’excuse pas toutSouleymaneBachirDiagne,

La faute à HegelBoubacarBorisDiop,

Françafrique: Le roi est nulBabacarDiopBuuba,

Eclairage sur un patchworkDialoDiop,

Un nouvel impair de Thabo MbekiKoulsyLamko,

Valse à temps variable de Sarkozy à DakarGourmoAbdoulLô,

L’insoutenable légèreté d’un «ami franc et sincère»Louise-MarieMaesDiop,

Des propos sidérants sur l’AfriqueKettlyMars, Résonances outre-atlantiques

MwathaMusanjiNgalasso, Je suis venu vous dire ... Anatomie d’un dis-cours néocolonial en langue de caoutchouc

PatriceNganang, Lettre au benjaminDjibrilTamsirNiane,

L’homme noir culpabiliséThéophileObenga, Africanismes eurocen-

tristes: source majeure des maux en AfriqueRaharimanana, Le silence français

BambaSakho, Entre ruse et archaïsmeE.H.IbrahimaSall,

Les archipels des faux-semblantsMahamadouSiribié, Violence symbolique

d’un discours crépusculaireAdamaSowDiéye, Consternation

OdileTobner, La vision de l’Afrique chez les présidents

de la Cinquième République françaiseLyeM.Yoka,

Francophonie: L’alibi et le doute

Des intellectuels européens font preuve de responsabilité

hhg. Des chercheurs en linguis-tiques et en lettres, participant à la recherche et l’enseignement de l’Ins-titut de romanistique de l’Université de Vienne, ont partagé l’indigna-tion des intellectuels africains et ont décidé de rendre accessibles aux lec-teurs de langue allemande plusieurs de ces essais. Ils ont choisi des textes «qui avaient réagi par une critique particulièrement fondée et réfléchie à l’ethnocentrisme grandiloquent du discours de Sarkozy». En 2010, Peter Cichon, Reinhart Hosch et Fritz Peter Kirsch ont publié le recueil24 «Der undankbare Kontinent? Afrikanische Antworten auf europäische Bevor-mundung, [Le continent ingrat? Réponses africaines au paternalisme européen].

Des intellectuels européens font ainsi preuve d’une responsabilité que tout intellectuel devrait avoir envers ses semblables dans son propre pays et dans le monde entier: exposer les résultats scientifiques de façon compréhensible pour tout le monde et agir ainsi dans l’inté-rêt du bien commun. Les éditeurs parlent dans ce contexte du «devoir de la sincérité intellectuelle». Cette éthique est la base indispensable de toute formation. En rendant acces-sibles ces recherches africaines, les éditeurs participent au réseau inter-national de l’opposition à la mon-dialisation sous toutes ses formes et nuances dans les pays du Sud et du Nord. Nous leur en sommes très reconnaissants.

Les pays du Sud observent ce que les puissants du Nord font, et ne se contentent pas de ce qu’ils disent

hhg. A Dakar, Sarkozy faisait la leçon à son audience: «Il a pris (le colonisa-teur) mais je veux dire avec respect qu’il a aussi donné. Il a construit des ponts, des routes, des hôpitaux, des dispensaires, des écoles. Il a rendu fécondes des terres vierges, il a donné sa peine, son travail, son savoir.»

De telles paroles peuvent fasciner et convaincre des auditeurs européens ou américains. Pour les auditeurs en Afrique, en Amérique latine et en Asie est réveillé le souvenir de plus de 500 ans d’histoire coloniale. Nous citons à leur place Aimé Césaire (1955): «On me parle de progrès, de ‹réalisations›, de mala-dies guéries, de niveaux de vie élevés au-dessus d’eux-mêmes. Moi, je parle de sociétés vidées d’elles-mêmes, de cultures piétinées, d’institutions minées, de terres confisquées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties, d’extraordinaires possibilités supprimées. On me lance à la tête des faits, des statistiques, des kilométrages de routes, de canaux, de chemins de fer. Moi, je parle de milliers d’hommes sacrifiés au Congo-Océan. Je parle de ceux qui, à l’heure où j’écris, sont en train de creuser à la main le port d’Abi-djan. Je parle de millions d’hommes arrachés à leurs dieux, à leur terre, à leurs habitudes, à leur vie, à la danse, à la sagesse. Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremble-ment, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme.»25

C’est avec grand soin que les scientifiques des pays du Sud ont rassemblé source après source leur histoire, l’ont passée en revue pour la faire surgir de la nuit de l’oubli et la présenter au monde. Les hommes en Europe et en Amé-rique doivent prendre connaissance de ces témoignages, en tirer des leçons pour l’avenir et agir. Les pillages néocoloniaux de la Yougoslavie, de l’Afgha-nistan, de l’Irak et de l’Afrique au nord et au sud du Sahara seront également gardés dans la mémoire de ces peuples. Si l’on ne commence pas à repenser cette situation, on demandera des comptes au premier et au deuxième monde au sujet de ces crimes contre l’humanité, car la Cour internationale ne pourra pas donner raison aux puissants jusqu’au jugement dernier.

Le chemin de l’Afrique vers l’avenir

«L’Afrique n’a pas besoin de ‹charité›. Ce dont elle a besoin, c’est qu’on la laisse définir sa propre vision de ce que doit être son développement ainsi que la voie et les moyens d’y arriver. […] L’Afrique ne doit plus accepter qu’on lui dicte des politiques contraires à ses intérêts. C’est un avertissement à M. Sarkozy et à l’Europe, que l’Afrique a cessé d’être ‹naïve›, qu’elle ne se lais-sera plus dicter ses choix par qui que ce soit, et qu’elle ne sera plus jamais la ‹proie des prédateurs› actuels et à venir! Il faut continuer dans cette voie. Les peuples et dirigeants africains doivent émanciper leurs mentalités, décoloniser leur esprit afin de retrouver leur dignité et leur fierté pour prendre en main avec détermination leur propre destinée. Il faut que les Africains se réappro-prient le débat sur le développement de leur continent. Ils doivent refuser que d’autres parle nt en leur nom et dictent à l’Afrique ce qu’elle doit faire. Il faut abolir les structures héritées de la colonisation et mettre fin à l’ingérence des institutions financières internationales. Il faut détruire la mentalité de la dépendance étrangère et discréditer l’idée que c’est l’‹aide› extérieure qui va développer l’Afrique.»

Dembélé, p. 118 sq.

Thomas Sankara26 dans son discours de 1987 lors du sommet de l’an-cienne Organisation pour l’unité africaine (OUA):

«La dette sous sa forme actuelle est une reconquête savamment organisée de l’Afrique, pour que sa croissance et son développement obéissent à des paliers, à des normes qui nous sont totalement étrangers, faisant en sorte que chacun de nous devienne esclave financier, c’est-à-dire esclave tout court, de ceux qui ont eu l’opportunité, la ruse, la four-berie de placer les fonds chez nous avec l’obligation de les rembourser.»