november 2015 - sur ordonnance

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GRANDE DISTRIBUTION Regard d’expert par Bertrand GUÉLY ©FFANG-DREAMSTIME.COM  La grande distribution prend aujourd’hui les devants sur un certain nombre de thématiques à problème, quitte à générer quelques difficultés chez ses fournisseurs. 26 vegetable.fr • n o 327 / novembre 2015 L ongtemps, pour cette filière comme pour d’autres, la grande distribution a fait office de seul bouc émissaire des problèmes de rentabilité rencontrés par la production. Matrice des 10 nouvelles plaies d’Égypte, on lui prêtait à l’envie les rôles d’étrangleur, de pollueur, de gaspilleur... Et nos politiques de se frotter les mains, trop heureux de voir la rancœur s’éloigner de leurs confor- tables fauteuils. Par ailleurs, la grande distri- bution, lasse de porter sa couronne d’épines, prend aujourd’hui les devants sur un certain nombre de thématiques à problème plutôt que de se voir imposer de nouvelles « enarquonne- ries » par des trentenaires barbus en semelles cousues goodyear qui ne connaissent rien au monde du travail. Il est cependant évident que la grande distri- bution n’a pas attendu que l’amont s’organise pour réfléchir à un certain nombre de sujets et à prescrire de ce fait ses « normes ». Si certains fournisseurs en tirent parti, il faut reconnaître que pour d’autres la tâche est parfois ardue... Quelques exemples 1 La caisse plastique Si je ne nie aucunement les très nombreux avantages du bac plastique pour la filière F&L, il ne faut pas oublier les aspects négatifs : plu- sieurs intervenants/systèmes, prix franco élevé, fréquence des livraisons/ramasses espacée, qualité de service très discutable pour le net- toyage et le grattage des étiquettes, disparition de tout attribut différenciant par la marque... Force est de constater que beaucoup de produc- teurs les mettent en service un peu contraints et forcés, pour pouvoir continuer à livrer. D’ail- leurs, et c’est un signe, les commerciaux de chez « Chepco » passent beaucoup plus de temps en centrale d’achats à chanter « Le plastique, c’est fantastique! », qu’à tenter de convaincre les fournisseurs... 2 La palette consignée Oh la belle bleue ! Vive la rouge ! On a même vu des centrales peu scrupuleuses qui avaient monté des filiales de production de palettes d’une autre couleur dans le fond de l’Espagne et les imposaient comme pré-requis à toute livraison... Et tant pis si le comptage en Sur ordonnance ! LA CRISE RÉCENTE FRAPPANT LES ÉLEVEURS DE PORCS BRETONS A MIS EN LUMIÈRE DE FAÇON CRIANTE LES VÉRITABLES CAUSES DE LA LENTE AGONIE DE NOS PRODUCTEURS. UN NIVEAU DE CHARGES INSUPPORTABLE ET UNE RÉGLEMENTATION SANITAIRE UBUESQUE COMMENCENT À ÊTRE ENFIN CLAIREMENT MONTRÉS DU DOIGT. VG327_Assemblage-def_Interieur.indd 26 26/10/2015 17:54

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Page 1: November 2015 - Sur Ordonnance

GRANDE DISTRIBUTION Regard d’expert

par Bertrand GUÉLY

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La grande distribution prescriptrice !

 La grande distribution prend

aujourd’hui les devants sur

un certain nombre de thématiques

à problème, quitte à générer quelques

difficultés chez ses fournisseurs.”

26 • vegetable.fr • no 327 / novembre 2015

Longtemps, pour cette filière comme pour d’autres, la grande distribution a fait office de seul bouc émissaire des problèmes de rentabilité rencontrés par la production. Matrice des 10 nouvelles

plaies d’Égypte, on lui prêtait à l’envie les rôles d’étrangleur, de pollueur, de gaspilleur... Et nos politiques de se frotter les mains, trop heureux de voir la rancœur s’éloigner de leurs confor-tables fauteuils. Par ailleurs, la grande distri-bution, lasse de porter sa couronne d’épines, prend aujourd’hui les devants sur un certain nombre de thématiques à problème plutôt que de se voir imposer de nouvelles « enarquonne-ries » par des trentenaires barbus en semelles cousues goodyear qui ne connaissent rien au monde du travail.

Il est cependant évident que la grande distri-bution n’a pas attendu que l’amont s’organise pour réfléchir à un certain nombre de sujets et à prescrire de ce fait ses « normes ». Si certains fournisseurs en tirent parti, il faut reconnaître que pour d’autres la tâche est parfois ardue...

Quelques exemples

1 La caisse plastiqueSi je ne nie aucunement les très nombreux

avantages du bac plastique pour la filière F&L, il ne faut pas oublier les aspects négatifs : plu-sieurs intervenants/systèmes, prix franco élevé, fréquence des livraisons/ramasses espacée, qualité de service très discutable pour le net-toyage et le grattage des étiquettes, disparition de tout attribut différenciant par la marque... Force est de constater que beaucoup de produc-teurs les mettent en service un peu contraints et forcés, pour pouvoir continuer à livrer. D’ail-leurs, et c’est un signe, les commerciaux de chez « Chepco » passent beaucoup plus de temps en centrale d’achats à chanter « Le plastique, c’est fantastique! », qu’à tenter de convaincre les fournisseurs...

2 La palette consignéeOh la belle bleue ! Vive la rouge ! On a

même vu des centrales peu scrupuleuses qui avaient monté des filiales de production de palettes d’une autre couleur dans le fond de l’Espagne et les imposaient comme pré-requis à toute livraison... Et tant pis si le comptage en

Sur ordonnance !LA CRISE RÉCENTE FRAPPANT LES ÉLEVEURS DE PORCS BRETONS A MIS EN LUMIÈRE DE FAÇON CRIANTE LES VÉRITABLES CAUSES DE LA LENTE AGONIE DE NOS PRODUCTEURS. UN NIVEAU DE CHARGES INSUPPORTABLE ET UNE RÉGLEMENTATION SANITAIRE UBUESQUE COMMENCENT À ÊTRE ENFIN CLAIREMENT MONTRÉS DU DOIGT.

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GRANDE DISTRIBUTION Regard d’expert

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IME.

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CHACUN SON BOULOT

« Si tu sais pas faire, tu fais pas ! »Même en Angleterre, le modèle du distributeur qui s’écarte des fondamentaux de son métier (vendre de plus en plus d’articles à de plus en plus de clients, de moins en moins cher) semble atteindre ses limites et certains leaders laissent à nouveau faire les spécialistes de la production, de la logistique, du conditionnement, plutôt que de vouloir continuer à se prétendre omniscient. Il serait bon je pense de nous en inspirer car, si le rôle de prescripteur de la GMS est logique et vertueux, il devient source de non-sens dès lors qu’il n’est pas précédé et régulièrement garanti par des séances d’échange avec les autres acteurs de la filière. Nous éviterons ainsi le plateau réversible en banane que les ELS n’ont jamais su utiliser, les kilomètres de film P+ plus à la mode, les présentoirs en tous genre, les PLV « qu’on doit voir mais pas trop » et autres choses mal pensées...

en bref

La grande distribution prescriptrice !

Le mois prochain : Fournisseurs, comment dire ce que vous avez à dire ?

sortie d’entrepôt est un cauchemar avec la folie des palettes intermédiaires ou s’il existe des tra-fics un peu partout et qu’il faut sans arrêt sortir le « carnet de chep » pour compléter les stocks.

3 Les caprices de conditionnementAu niveau conditionnement, les habitudes

font que les vendeurs prennent même des rendez-vous avec les acheteurs pour présenter le collier Serflex pour ananas soi-disant aussi inviolable que le jupon de Mireille Mathieu, le carton aussi imperméable à l’humidité qu’on aurait pu faire des canots avec pour le Titanic... Pour peu que l’acheteur, intéressé par ces gains potentiels de démarque inconnue ou de casse le fasse inclure dans ses cahiers des charges, c’est jackpot pour le fabricant. Bien sûr, il convient de faire le tri entre le caprice de femme enceinte et la vraie avancée (barquette clipsée, complexe indéchirable...) qu’il est logique d’exiger.

4 Les petits colisDans sa chasse à la casse, la GD s’est

penchée sur la taille/le poids des conditionne-ments pour livrer ses magasins de proximité. Sous couvert de rotations insuffisantes pour passer tout un colis d’une référence (et aussi pour lutter contre la tendance des gérants à renvoyer pour faire rembourser leur casse !), les managers de catégorie ont poussé pour des coli-sages plus petits ou, pire, pour des colis pana-chés. Banane en 8 kg, pomme en 50 x 30, colis « légumes ratatouille »… Inutile de préciser que cette multiplication des pickings fait la joie des approvisionneurs et des entrepôts ! Mais, les fournisseurs souffrent aussi et doivent se plier à cette nouvelle demande sous peine de voir leur échapper les volumes d’un des rares formats qui a le vent en poupe. On pourrait tout sim-plement considérer que le petit magasin livré tous les 2-3 jours et qui n’a pas le passage pour un colis d’une référence doit l’arrêter, d’autant que les clients ne s’attendent pas à y trouver une gamme aussi riche qu’en hypermarché. En attendant, même si le petit colis vaut presque aussi cher qu’un grand, les vendeurs de dinette et de croisillons en profitent...

5 Swing low, sweet chariotQuand un logisticien se réveille trempé de

sueur au milieu de la nuit, c’est souvent à cause du même cauchemar : son entrepôt est assiégé par des hordes de rolls « proximité » (charriots en métal démontables sur roulettes), de petits pallox de kiwi, de chariots de fleurs à moitié démontés qui approchent inexorablement en claquant leurs montants rouillés, couverts de

•  Si la GD impose ses règles c’est qu’il n’y en a pas d’autres ! Et c’est pour anticiper sur des règles administratives qui pourraient être encore moins pragmatiques.

•  Il est aussi possible de dire « non » quand une demande est vraiment infondée.

•  N’y a-t-il pas moyen de travailler en amont pour enfin désigner le colis idéal ou la palette universelle ?

•  Je propose que les nombreuses organisations professionnelles de notre filière collaborent sur un projet et un seul : un choc de simplification !

bouts de bandelettes de plastique et scarifiés d’étiquettes périmées... J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer ces outils, leurs avantages mais aussi les problèmes qu’ils causent : obligation de les refermer avec la douceur d’un voltigeur dans une manif d’étudiants, récupération et trafic en tous genres... Et pourtant, on continue parfois à les imposer aux fournisseurs.

6 Longue vie à la variété !Il fut un temps où les acheteurs s’arrachaient

tous l’abricot Orangered, vrai ou faux d’ailleurs, boudaient la Golden Suprême... Aujourd’hui, les mêmes ne tarissent pas d’éloge, à juste titre d’ailleurs, sur la gustativité et la solidité de telle ou telle variété de tomate cerise. Et bien oui, les semenciers travaillent aussi en fonction des cri-tères demandés par la GD.

Force est de constater une fois de plus que, beaucoup plus que la production et ses ten-dances individualistes, la GD avance sur tous ces sujets quand les fournisseurs se contentent de suivre ses prescriptions en maugréant. Bien sûr, des intérêts colossaux sont en jeu pour de nombreuses entreprises mais n’y a-t-il pas moyen de travailler en amont pour enfin dési-gner le colis idéal ou la palette universelle ?

Partenaire du 9e Forum végétable

www.cartononduledefrance.org

PLATEAU EN CARTON ONDULÉ : S’ASSURER LA PERFORMANCEPLATEAU EN CARTON ONDULÉ : S’ASSURER LA PERFORMANCE

NOUVEAU !

www.vegetable.fr/blogs/guely

Retrouvez l’humeur de Bertrand Guely sur son végéblog :

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