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Université Senghor – Opérateur direct de la Francophonie 1 Place Ahmed Orabi, BP 21111, 415 El Mancheya, Alexandrie, Egypte www.usenghor-francophonie.org NOTES DE RECHERCHE SUR LE SECTEUR MUSICAL DU B URKINA F ASO : SYNTHÈSE DES ENTRETIENS Travaux réalisés dans le cadre du Mémoire de fin d’études présenté par Kokou Edem Z. AGBODJAVOU pour l’obtention du Master en Développement de l’Université Senghor Département du Patrimoine culturel Spécialité Management de la Culture et des Médias

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Recherche menée par Jérémie Agbodjavou dans le cadre du master professionnel en management de la culture et des médias à l’Université Senghor d’Alexandrie

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Université Senghor – Opérateur direct de la Francophonie 1 Place Ahmed Orabi, BP 21111, 415 El Mancheya, Alexandrie, Egypte

www.usenghor-francophonie.org

NOTES DE RECHERCHE SUR LE SECTEUR MUSICAL

DU BURKINA FASO : SYNTHÈSE DES ENTRETIENS

Travaux réalisés dans le cadre du Mémoire de fin d’études présenté par

Kokou Edem Z. AGBODJAVOU

pour l’obtention du Master en Développement de l’Université Senghor

Département du Patrimoine culturel

Spécialité Management de la Culture et des Médias

Page 2: Notes-recherche-secteur-musical-burkina faso

Avertissement

Les propos qui figurent dans le présent document sont entièrement

rapportés. Les discussions n’ayant pas fait l’objet d’un enregistrement

pour une transcription littérale plus fidèle des opinions exprimées.

Cependant, les notes sur la base desquelles a été réalisé ce travail de

synthèse ont été prises en temps réel durant les entrevues.

Les discussions se sont déroulées sur la base de questions spontanées

non-communiquées à l’avance aux personnes interviewées.

Toutefois, elles ont été menées en respectant un même fil

conducteur : le rôle et l’action de l’État burkinabè dans la culture,

l’organisation de la filière musicale, son fonctionnement et ses défis.

Page 3: Notes-recherche-secteur-musical-burkina faso

3

SOMMAIRE

Sommaire ...................................................................................................................................... 3

Entretien avec le Directeur du Centre National des Arts du Spectacle et de l’Audiovisuel

(CENASA) : Armel S. Hien ............................................................................................................. 4

Entretien avec Bamon Steo, Trésorier du Syndicat National des Artistes Musiciens (SYNAM) .. 7

Entretien avec le groupe de rap Duny Yam à l’occasion de la sortie de leur premier album. ... 10

Entretien avec Serge, manager et producteur du groupe Duny yam ........................................ 12

Entretien avec Smockey, chanteur de rap et directeur du studio Abazon ................................ 13

Entretien avec le Directeur de l’Institut National de formation Artistique et Culturelle : Jules

Yaméogo ..................................................................................................................................... 16

Entretien avec Georges Zapsonré, Directeur de l’école de musique la Dernière Trompette ... 17

Entretien avec Basic Soul : artiste de rap ................................................................................... 21

Entretien avec Saré, chargé de promotion et de l’évènementiel à Seydoni Production ........... 22

Entretien avec Celestine Sou, Directrice de la répartition au Bureau Burkinabè du Droit

d’Auteur ...................................................................................................................................... 24

Débat à Ouaga FM à l’occasion de la fête de la musique : Richard Tienné (Radio Pulsar), Keré

(Journal Sidwaya), Saré (Seydoni ProduCtion), Sire Payim (L’Observateur Paalga) ................... 25

Entretien avec Moussa Kabore, Directeur Général de Bazar Music .......................................... 27

Entretien avec Oumar Sanon, Directeur de l’action sociale et de la promotion culturelle au

Bureau Burkinabè du Droit d’Auteur (BBDA) ............................................................................. 29

Entretien avec Mariam Kakouan, Directrice de la documentation générale au Bureau

Burkinabè du Droit d’Auteur ...................................................................................................... 30

Entretien avec Bouraima Digga, journaliste culturel, chargé de communication des Nuits

Atypiques de Koudougou ............................................................................................................ 31

Entretien avec Delphine Somé, département de l’exploitation au Bureau Burkinabè du Droit

d’Auteur. ..................................................................................................................................... 34

Entretien avec Désiré Conombo, Conseiller technique au ministère de la culture et de la

communication ........................................................................................................................... 36

Page 4: Notes-recherche-secteur-musical-burkina faso

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ENTRETIEN AVEC LE DIRECTEUR DU CENTRE NATIONAL DES ARTS DU SPECTACLE ET

DE L’AUDIOVISUEL (CENASA) : ARMEL S. HIEN

QU’EST-CE QUI EXPLIQUE CE DYNAMISME ET CETTE FLORAISON D’ACTIVITÉS CULTURELLES AU

BURKINA FASO ?

La liberté d’expression joue un rôle très important dans la créativité que vous avez

remarquée ici au Burkina Faso. Les artistes se sentent libres de s’exprimer, donc de

créer.

D’un autre côté, il faut dire que l’État n’entrave pas la liberté d’expression. Il n’y a pas

de censure au Burkina Faso.

La mise en place d’infrastructures culturelles de diffusion et de production (étatiques

ou non) contribue également à l’animation de la vie culturelle dans le pays.

Des structures privées comme Seydoni Production ont largement contribué à l’essor

de la musique burkinabè en permettant aux artistes de créer et d’enregistrer leurs

œuvres sur place. Avant, les artistes étaient obligés d’aller dans les pays frontaliers

pour enregistrer et dupliquer leurs albums.

Il faut aussi souligner que l’État a une politique très active de soutien aux artistes par

l’octroi de subventions. Certains artistes reçoivent des financements pour la création

et la duplication de leurs œuvres.

L’État burkinabè a mis en place une politique d’aide à la création et à la diffusion mise

en œuvre par des infrastructures comme le CENASA qui dispose d’un studio

d’enregistrement et d’une salle de spectacle.

Dans un autre registre, le nombre important des festivals et autres manifestations

culturelles donnent l’occasion aux artistes de se produire sur scène, ce qui crée une

certaine émulation qui a des effets positifs sur la qualité des produits.

La coopération internationale a aussi joué un grand rôle dans le développement qu’a

connu le secteur culturel burkinabè ces dernières années. Le Programme de Soutien

aux Initiatives Culturelles (PSIC) a permis la création de festivals dont certains

continuent d’exister aujourd’hui.

EST-CE QUE VOUS POUVEZ ME DIRE D’AVANTAGE SUR L’ACTION DE L’ÉTAT BURKINABÈ DANS LE

DOMAINE DE LA CULTURE AVEC DES EXEMPLES D’ INITIATIVES, DES CHIFFRES, DES RÉALISATIONS

CLÉS ?

Page 5: Notes-recherche-secteur-musical-burkina faso

5

C’est la volonté politique qui a été à l’origine de la création des grandes manifestations

à envergure internationale telles que le Festival Panafricain du Cinéma de

Ouagadougou (FESPACO), le Salon International de l’Artisanat de Ouagadougou (SIAO)

et la Semaine Nationale de la Culture (SNC).

Si nous remontons un peu dans l’histoire, la révolution s’est aussi fortement appuyée

sur la culture. En 1969, les salles de spectacle ont été nationalisées.

Au Burkina Faso, vous avez par exemple des infrastructures culturelles publiques

comme les Maisons des Jeunes et de la Culture qui sont gérées par le ministère de la

jeunesse et des sports.

Les Engagements Nationaux (engagements pris par l’État et qui orientent sa politique

et son action dans tous les secteurs d’activité), reconnaissent l’importance de la

culture et son rôle dans la cohésion sociale et le développement économique. Ils sont

à la base du soutien financier que l’État apporte aux ensembles artistiques nationaux :

le Ballet et l’Orchestre National.

Ces ensembles disposent de leur propre salle de répétition, en plus de moyens

logistiques comme 1 bus pour le transport des membres, 1 camion pour le transport

du matériel et 1 véhicule 4X4.

L’État a financé à hauteur de 300 millions de Francs CFA la restauration de la salle de

spectacle du CENASA dont la toiture était en mauvais état.

EST-CE QUE VOUS POUVEZ NOUS CITER DES EXEMPLES D’ INTERVENTION SPÉCIFIQUES DE L’ÉTAT

DANS LE DOMAINE MUSICAL ?

Dans le domaine musical, l’État encourage les artistes à utiliser les instruments

traditionnels. Par exemple l’un des critères de sélection des artistes pour participer à la

Semaine National de la Culture est l’utilisation d’un ou de deux instruments

traditionnels.

Il faut dire que l’État a une vision très patrimoniale de la culture. Le Ballet et

l’Orchestre National ont pour objectif la promotion du patrimoine culturel burkinabè

en ce qui concerne la musique et la danse. Ces ensembles maîtrisent bien et peuvent

représenter sur scène tout le répertoire des musiques et des danses du Burkina Faso.

D’ailleurs, leurs membres jouissent d’un traitement particulier ; ils sont salariés de

l’État.

Ils ont des répétitions quotidiennes et accompagnent parfois le Chef de l’État dans

certains de ses déplacements internationaux. Le Ballet National s’est déjà produit par

exemple en France et à Taiwan.

Page 6: Notes-recherche-secteur-musical-burkina faso

6

Les ensembles nationaux constituent également un cadre de perfectionnement pour

les artistes et autres musiciens en devenir. La plupart des grands noms de la musique

burkinabè d’aujourd’hui y sont passé : entre autres Yoni et le feu Tidjani Coullibally.

COMMENT SE FAIT LE RECRUTEMENT DES MEMBRES DES ENSEMBLES NATIONAUX ?

Ils sont recrutés par audition d’un jury et signent avec l’État un contrat de deux ans

renouvelables. Le Ballet et l’Orchestre National sont sous la responsabilité du CENASA.

QUELS SONT SELON VOUS LES DÉFIS ACTUELS DE LA MUSIQUE BURKINABÈ ?

La musique traditionnelle rencontre plus de difficultés que la musique moderne qui

jouit d’une meilleure exposition grâce aux médias audiovisuels. Elle est également de

manière générale moins rémunérée que la musique moderne. Cela peut s’expliquer

par le fait que les artistes de musique traditionnelle sont moins « professionnels » ;

c’est à dire qu’ils ne vivent pas exclusivement de la musique ; la musique n’est pas leur

emploi à plein temps. Beaucoup sont des cultivateurs qui ne viennent à Ouaga qu’en

de rares occasions, où durant la Semaine Nationale de la Culture. La majeure partie

d’entre eux réside dans les milieux ruraux où ils ne bénéficient pas de formation ni de

cadres d’expression. Les seuls qui reçoivent un peu de formation sont ceux qui sont à

Ouaga. Beaucoup n’enregistrent pas leurs œuvres ; ce qui constitue en soi un frein à la

diffusion et à la promotion. De plus, ils ne sont pas souvent encadrés par des

professionnels comme les managers, les directeurs artistiques, pour les orienter et les

conseiller dans leur travail.

De manière plus générale, la filière musicale dans son ensemble souffre d’un manque

de structuration. Beaucoup d’artistes n’ont pas de manager. L’organisation d’un

spectacle coûte cher ; de même que la promotion des œuvres.

EST-CE QUE LES BURKINABÈ AIMENT LEUR MUSIQUE ?

Oui, certainement. Mais vous savez, nous avons une forte diaspora, ce qui peut parfois

être à l’origine d’une extraversion des goûts et des préférences musicales.

La crise ivoirienne a obligé beaucoup de nos compatriotes à revenir au pays. Cela peut

expliquer le phénomène auquel vous semblez faire allusion.

Page 7: Notes-recherche-secteur-musical-burkina faso

7

ENTRETIEN AVEC BAMON STEO, TRÉSORIER DU SYNDICAT NATIONAL DES ARTISTES

MUSICIENS (SYNAM)

QU’EST-CE QUI EXPLIQUE CETTE EFFERVESCENCE CULTURELLE ET MUSICALE AU BURKINA FASO ?

Elle est en grande partie due à l’action de l’État. Quand vous pensez au Burkina Faso,

pays sahélien enclavé, pas très riche en ressources naturelles, vous remarquerez qu’il

n’y a pas beaucoup d’éléments sur lesquels bâtir une reconnaissance internationale.

Les autorités politiques ont compris depuis longtemps que la culture pouvait être un

moyen de faire connaître le pays à l’extérieur. De ces motivations sont nés par

exemple le FESPACO et le SIAO.

Aujourd’hui, le Burkina Faso est connu dans le monde entier à cause du FESPACO. On

n’imagine pas le Burkina sans le FESPACO.

QUELLES SONT LES ACTIONS DES L’ÉTAT DANS LE DOMAINE DE LA MUSIQUE ?

Sans le ministère de la culture, beaucoup d’artistes n’auraient jamais sorti d’album.

C’est également grâce à son aide que certains arrivent à tourner des clips. Le ministère

de la culture rend possible la réalisation de 40 à 45 clips par an et permet au moins à

25 jeunes artistes de rentrer en studio.

Certains artistes malheureusement pensent que c’est un devoir ou une obligation de la

part du ministère de les aider. Pour ma part, je crois que les initiatives de l’État en

faveur des artistes, sont à saluer et à accueillir avec modestie ; pas comme quelque

chose qui est due et sans laquelle les gens se mettraient à accuser l’État de tous les

maux possibles.

Le ministère de la culture ne devrait pas être considéré comme une structure de

production comme le font certains. Tout comme le ministère du commerce ne finance

pas les commerçants, le ministère de la culture ne devrait pas financer

systématiquement les artistes. Son rôle pourrait consister en la création d’un cadre

institutionnel, réglementaire et structurel favorable à la création et à la diffusion des

œuvres artistiques, ou encore à la formation et à la professionnalisation des artistes.

Pour moi, le financement du ministère est un bonus, tant mieux si on l’a ; autrement

tant pis. Il ne faut pas que les artistes en deviennent dépendants au point de se

plaindre chaque fois qu’ils n’arrivent pas obtenir un financement.

VOUS PENSEZ DONC QUE LES ARTISTES BURKINABÈ ONT TOUT CE DONT ILS ONT BESOIN ET

QU’ ILS N’ONT PAS BESOIN DE L’ÉTAT ?

Page 8: Notes-recherche-secteur-musical-burkina faso

8

Ce n’est pas ce que je veux dire. L’aide de l’État n’est pas un dû. On peut se féliciter de

son action. L’État fait bien d’aider ceux qui n’ont pas de moyens de sortir un album ou

de produire un clip.

Cependant, cette aide de l’État peut entraver la liberté d’expression et la créativité

dans la mesure où vous ne vous sentirez pas libre de vous exprimer comme vous le

souhaiteriez. Ceci étant dit, je crois qu’on perd un peu de sa liberté et de sa créativité

lorsqu’on dépend exclusivement des financements de l’État.

L’environnement est suffisamment doté pour aider les artistes à créer et à diffuser

leurs œuvres. Il y a beaucoup de studios d’enregistrement et de salles de spectacle.

Mais on peut aspirer à plus.

EST-CE QUE LES BURKINABÈ AIMENT LEUR MUSIQUE ?

Oui, je crois. Ils achètent les albums ; s’ils sont d’une certaine qualité. Et puis, ils vont

aussi aux spectacles.

Le public burkinabè est un public très difficile. La personnalité et le contact qu’il a avec

l’artiste en question compte beaucoup. Les Burkinabè sont très sensibles au respect et

à l’accessibilité des artistes. Dès qu’un artiste commence par jouer la star et se

montrer distant avec les gens, cela peut avoir une répercussion très négative sur la

façon dont ses œuvres sont reçues par le public. Les gens aiment bien voir les artistes

s’asseoir avec eux pour discuter un peu. En fait, c’est un peu la culture ici. On n’aime

pas ceux qui sont hautains.

Aujourd’hui la musique Burkinabè fait face à un problème. Nos compatriotes qui sont

revenus de la Côte d’Ivoire ont des goûts musicaux extravertis. La plupart des

animateurs, arrangeurs et programmateurs ont des préférences musicales tournées

vers la Côte d’Ivoire, ce qui crée parfois l’impression d’un certain envahissement par la

musique ivoirienne.

EST-CE QUE L’ INDUSTRIE MUSICALE EST STRUCTURÉE SELON VOUS AU BURKINA ?

Non, pas encore. Beaucoup d’artistes ne sont pas encadrés. Pour le moment c’est un

peu du bricolage.

S I VOUS NOUS PARLIEZ UN PEU DE VOTRE SYNDICAT

C’est maintenant que le syndicat commence à être visible. Mais vous savez, tout est

politisé et même la musique. Le politique a ses antennes partout, même dans la sphère

culturelle pour savoir ce qui se dit, se fait, etc. Nous avons plus de 200 membres actifs.

Pour le moment, nous entretenons des rapports très diplomatiques avec les autorités

Page 9: Notes-recherche-secteur-musical-burkina faso

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en attendant d’avoir une meilleure assise. Les artistes mêmes sont conscients de leur

dépendance vis-à-vis des autorités en charge de la culture. Les rapports sont donc très

polis et très coopératifs.

SOUS QUELLE FORME LA MUSIQUE EST PLUS RENTABLE AU BURKINA ?

Les cassettes se vendaient très bien jusqu’à une époque récente. Mais les Cds font face

au problème de la piraterie.

Les spectacles aussi sont très rentables. L’État est bien entendu le plus gros client : les

soirées de gala, les réceptions à la présidence, etc.

EST-CE QUE LE SECTEUR MUSICAL EST PROFESSIONNALISÉ AU BURKINA ?

Non. La professionnalisation est en cours. On n’en est pas loin. C’est un secteur où la

réussite est très aléatoire. Pour le moment c’est du bricolage, mais on s’en sort. Vous

savez, les Burkinabès sont des commerçants, des débrouillards.

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ENTRETIEN AVEC LE GROUPE DE RAP DUNY YAM À L’OCCASION DE LA SORTIE DE

LEUR PREMIER ALBUM.

EST-CE QUE VOUS POUVEZ ME PARLER UN PEU DE VOTRE PARCOURS ARTISTIQUE JUSQU ’AU

PRÉSENT ALBUM ?

Au départ, nous avons été membres de plusieurs groupes musicaux dont le groupe

Sound Systems (en 2001). En fait, nous faisions de la musique depuis la Côte d’Ivoire,

le reggae. Mais une fois de retour au pays, nous avons changé de genre musical, nous

avons opté pour le rap.

POURQUOI CE CHANGEMENT ?

Il y avait à notre arrivée ici un réel engouement pour le rap dont l’émergence avait été

entamée quelques années plus tôt grâce aux artistes comme Smockey, etc. On peut

dire que ce sont eux qui ont qui rendu le mouvement rap populaire. Avant, ce n’était

pas vraiment ça. De plus, le rap a beaucoup de liens avec le reggae ou le ragga qui sont

très proches. Donc, le changement n’a pas été vraiment difficile.

COMMENT EST NÉ LE PROJET DE L’ALBUM ?

Duny Yam veut dire l’éveil de la conscience, et il y a longtemps que nous voulions

prendre la parole. Nous faisions déjà de la musique underground ; mais c’est en 2006

que nous avions décidé de nous jeter à l’eau. Avant nous ne nous sentions pas

suffisamment prêts.

QUAND AVEZ-VOUS ENREGISTRÉ L’ALBUM ?

En février 2007

DANS QUEL STUDIO L’AVEZ-VOUS ENREGISTRÉ ?

Le studio SM58 ; c’est le studio d’un ami

IL Y A BEAUCOUP DE STUDIO ICI À OUAGA ?

Oui : le CENASA, Abazon, Golden Biz, Green Stone Records, 13 Records, SM58,

Seydoni…

QUAND EST-CE QUE L’ALBUM SERA MIS SUR LE MARCHÉ ?

Le 03 mai (2008)

Page 11: Notes-recherche-secteur-musical-burkina faso

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QU’EST-CE QUI EXPLIQUE TOUS CES DÉLAIS ?

Le manque de moyens financiers. Vous savez, ce n’est pas facile de rentrer en studio et

de faire face aux frais de l’enregistrement, du mixage, etc.

QU’EST-CE QUI FAIT SELON VOUS LE SUCCÈS D’UNE ŒUVRE MUSICALE À OUAGA?

La mélodie compte pour 50%. Les gens sont aussi intéressés par les thématiques

sociales et les chansons qui parlent de la vie en générale : l’amour, les difficultés, etc.

Et puis, il faut que l’artiste chante bien en langue nationale, c’est indispensable.

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ENTRETIEN AVEC SERGE , MANAGER ET PRODUCTEUR DU GROUPE DUNY YAM

QUELLES SONT LES QUALITÉS D’UN BON MANAGER-PRODUCTEUR SELON VOUS ?

L’amour pour la musique, la foi en ce qu’il fait. Le bon producteur, c’est celui qui sait

déceler le tube de l’année.

COMMENT ÊTES-VOUS PERSONNELLEMENT ARRIVÉ À CE MÉTIER ?

Je suis moi-même artiste. J’ai déjà sorti un album « Attentat » qui comprend la bande

originale de la série « A nous la vie ». Mais à l’époque ça n’avait pas pris ; le rap n’était

pas encore un produit commercial.

Je suis aussi animateur de radio. Je travaille à radio Nostalgie.

IL ARRIVE SOUVENT QUE LES MANAGERS AIENT DES RAPPORTS CONFLICTUELS AVEC LEURS

ARTISTES. QUELLES SONT SELON VOUS LES CLÉS D ’UNE RELATION ARTISTE-MANAGER BIEN

RÉUSSIE ?

Pour moi, la manière de faire fonctionner les choses est très importante. Le manager

doit être proche de ses artistes, être à leur écoute pour dialoguer. En fait, la

communication est très importante.

QUELLES SONT LES DIFFICULTÉS QUE VOUS RENCONTREZ SOUVENT DANS VOTRE MÉTIER.

Elles sont nombreuses : l’entrée en studio pour l’enregistrement, le lancement de

l’album, l’organisation des spectacles. En réalité, la plupart de ses problèmes se

résument au manque de ressources financières pour mener à bien toutes les

opérations ; surtout la promotion. Un spot publicitaire par exemple coûte 56.000

Francs CFA par passage et pas aux heures de grande écoute.

Page 13: Notes-recherche-secteur-musical-burkina faso

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ENTRETIEN AVEC SMOCKEY, CHANTEUR DE RAP ET DIRECTEUR DU STUDIO

ABAZON

QU’EST-CE QUI EXPLIQUE CETTE EFFERVESCENCE CULTURELLE À OUAGA, PLUS PRÉCISÉMENT

DANS LE DOMAINE DE LA MUSIQUE : JAZZ À OUAGA, ROCK À OUAGA, KUNDÉS, DÉDICACE PAR

CI, FESTIVAL PAR LÀ ? PENSEZ-VOUS QUE CELA SOIT LIÉ À LA POLITIQUE VOLONTARISTE DE

L’ÉTAT EN MATIÈRE DE CULTURE ?

Cette effervescence est plus due aux initiatives privées qu’à la volonté politique. Cette

soi disante volonté n’est pas très visible selon moi. Cependant, les artistes Burkinabè

ont la chance de disposer de plateformes internationales comme le FESPACO et le

SIAO. Il faut aussi souligner que le Burkina reçoit beaucoup d’aide de l’étranger. Il y a

plus de 15.000 associations et ONGs au Burkina qui vivent pour la plupart de

financements extérieurs.

BEAUCOUP ONT PARLÉ DE LA PÉRIODE DE SANKARA COMME UNE PÉRIODE QUI A À LA FOIS

FAVORISÉ ET DÉFAVORISÉ LA CULTURE BURKINABÈ. QU’EN PENSEZ-VOUS ?

Le feu président Sankara a beaucoup contribué à l’animation de la vie culturelle au

Burkina. Il a été à ‘origine de la création de plusieurs orchestres dont les Colombes de

la révolution (orchestre de femmes), les Petits enfants au poing levé (orchestre

d’enfants). Il s’est également beaucoup battu pour que les Burkinabè consomment

Burkinabè. Il a par exemple encouragé le port de vêtements autochtones ; les

ministres devaient obligatoirement porter le Faso Danfani.

EST-CE QU’ IL EXISTE UNE MUSIQUE BURKINABÈ ?

Non. Et cela se voit bien. C’est pareil dans tout le secteur culturel. Je n’ai pas

l’impression que le Burkina s’impose dans un domaine. On exploite un peu de tout : le

cinéma, les arts plastiques, etc.

Je préfère qu’il n’y ait pas de musique typique Burkinabè car cela limite la créativité

artistique. Il faut que la musique soit plurielle et diversifiée. Il y a une soixantaine de

dialectes au Burkina. Ce qui donne lieu à un répertoire musical assez riche. Au Sénégal,

c’est le M’balar ; en Côte d’Ivoire c’est le Zouglou. Dans ces deux cas, c’est les

meilleurs qui raflent tout. Je pense que c’est une bonne chose qu’aucun style ne

s’impose ; de cette façon, tout le monde aura accès au marché.

EST-CE QUE LES BURKINABÈ AIMENT LEUR MUSIQUE ?

Oui. Plus les genres populaires que les selectes. A vrai dire, la musique traditionnelle

est la seule musique populaire. Sur 10 chansons que je fais au studio, 2 ou 3 sont de

style traditionnel. Au pays c’est ce qui marche.

Page 14: Notes-recherche-secteur-musical-burkina faso

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QUE PENSEZ-VOUS DE L’ACTION DU BUREAU DU DROIT D’AUTEUR BURKINABÈ ?

Au BBDA, lorsque vous êtes rappeur, vous êtes quotté 1 ; c’est une mesure censée

protéger le patrimoine culturel. Et puis, il y a beaucoup de flou au sujet des clés de

répartition des droits et de la gestion des fonds de promotion culturelle. On ne connaît

pas les critères selon lesquels les artistes bénéficiaires de ces aides sont sélectionnés.

QU’EST-CE QUI A ÉTÉ SELON VOUS, À LA BASE DU DÉVELOPPEMENT RÉCENT DE LA MUSIQUE AU

BURKINA ?

La multiplication des studios d’enregistrement et des structures de production. Il y a

maintenant beaucoup de home studios à Ouaga. L’apparition de nouveaux espaces de

diffusion y sont également pour quelque chose, les salles de spectacles, les salles de

réception, etc. La libéralisation des médias avec l’émergence des radios privées a aussi

beaucoup contribué à une meilleure diffusion des œuvres.

Cependant, en ce qui concerne les radios, il y a malheureusement un phénomène à

déplorer : celui des animateurs radio qui nous matraquent à longueur de journée avec

du coupé décalé. Vous savez, la culture ivoirienne et la culture burkinabè ont été

toujours très liées. Les jeunes Burkinabè ont l’habitude de passer les vacances en Côte

d’Ivoire. Jusqu’à la poussée xénophobe en Côte d’Ivoire, la musique ivoirienne était

plutôt bien appréciée ici. C’est toujours le cas ; mais elle est un peu censurée par

certains programmateurs. Ce changement d’attitude vis-à-vis de la musique ivoirienne

a largement profité à l’essor de la musique burkinabè qui fait désormais l’objet d’une

meilleure diffusion. C’est comme ci à un moment, il y a eu un sursaut d’orgueil qui a

amené les gens à se dire que nous pouvons aussi faire de la bonne musique qui sera

appréciée par le public.

EST-CE QUE LA FILIÈRE MUSICALE EST BIEN ORGANISÉE AU BURKINA ?

Pas encore, il y encore pas mal de boulot à faire dans ce sens. Vous avez par exemple

des acteurs qui sont tout à la fois : manager, producteur, éditeur, j’en passe.

JUSTEMENT, QUE POUVEZ-NOUS DIRE SUR LA PROFESSIONNALISATION DES ACTEURS

CULTURELS ?

Elle est en cours. Je crois qu’il y a de temps en temps des formations par ci par là.

Aujourd’hui, les artistes ont compris qu’il est important d’avoir un manager, un

directeur artistique, etc.

Avant par exemple, il n’y avait pas de conférence de presse au lancement des

nouveaux albums. En 2001, j’ai été le premier à annoncer la sortie de mon album par

une conférence de presse. Depuis, la pratique s’est généralisée.

Page 15: Notes-recherche-secteur-musical-burkina faso

15

Je crois que les choses évoluent petit à petit dans le bon sens.

QUELS SONT LES DÉFIS ACTUELS DE LA MUSIQUE AU BURKINA FASO ?

Ils sont nombreux. Les promotions sont très difficiles à organiser à cause des coûts très

élevés. De plus, il existe une véritable mafia organisée par les animateurs qui se font

payés par les artistes pour être diffusé.

De manière générale l’industrie est en régression, mais le spectacle par contre se

développe. Avec ce nouveau model économique, seuls les chanteurs y trouvent leur

compte. Les musiciens, les éditeurs et les producteurs ne s’en sortent plus. D’ailleurs,

beaucoup de structures de production ferment leurs portes. C’est le cas par exemple

de Tam Tam Production et de Baobab Production.

Page 16: Notes-recherche-secteur-musical-burkina faso

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ENTRETIEN AVEC LE DIRECTEUR DE L’INSTITUT NATIONAL DE FORMATION

ARTISTIQUE ET CULTURELLE : JULES YAMÉOGO

POUVEZ-VOUS NOUS DIRE COMMENT EST NÉ L’INAFAC ?

L’INAFAC a vu le jour en 1985 dans la ferveur révolutionnaire sous l’appellation

Académie Populaire des Arts. Il comprenait deux orchestres dont le célèbre orchestre

de femmes : les Colombes de la Révolution et les Petits Chanteurs au Poing Levé. Dès

sa création, l’État fit appel à des musiciens aguerris formés pour la plupart à

l’extérieur. Maurice Simporé, le premier directeur fut formé au Ghana. Le deuxième

directeur de l’institut fut Abdoulaye Cissé.

Petit à petit, le dessin et les arts plastiques furent ajoutés à la musique entre 1985 et

1989. A partir de 1986, une école de musique a vu le jour grâce à la coopération

cubaine. Une première promotion de 10 bacheliers fut recrutée et formée pendant 5

ans. Des 10 étudiants inscrits dans la filière musicale, 7 furent diplômés. Il faut quand

même reconnaître qu’une grande partie des musiciens étaient rentrés à l’institut

seulement pour valider leur expérience.

Il faut dire que la personnalité et l’implication personnelle du feu président Thomas

Sankara a été pour beaucoup dans la création de l’institut et dans l’évolution de la vie

culturelle au Burkina. C’était un grand passionné de la culture et de la musique en

particulier. Il jouait lui même de la guitare et avait crée un orchestre à l’académie

militaire de Pô. L’orchestre s’appelait les Missiles Band de Pô.

En 1989, un concours fut organisé et d’autres musiciens furent sélectionnés pour une

formation de 5 ans qui les destinait à l’enseignement de la musique dans les lycées et

collèges.

QUELLES SONT LES FORMATIONS QUE VOUS OFFREZ AUJOURD’HUI À L’INAFAC ?

Les formations sont tous azimuts. Nous avons des cours de musique : solfège et

instruments de musique. Des cours d’arts plastiques, de dessin, de danse, de

chorégraphie, etc.

Nous avons des formations diplomantes de jour et des cours modulaires du soir pour

étudiants et autres passionnés de la culture ou de la musique.

Nous avons surtout des formations de recyclage et de perfectionnement pour des

artistes qui ont déjà des œuvres sur le marché mais qui ont besoin de s’améliorer par

exemple en techniques vocales, tenue sur scène ,etc.

Page 17: Notes-recherche-secteur-musical-burkina faso

17

ENTRETIEN AVEC GEORGES ZAPSONRÉ, DIRECTEUR DE L’ÉCOLE DE MUSIQUE LA

DERNIÈRE TROMPETTE

COMMENT SE PORTE LE SECTEUR DE LA FORMATION MUSICALE À OUAGA ?

Pas trop mal. D’abord, parce qu’il y a des écoles de musique un peu partout en ville ;

mais ensuite il se pose un problème de validation des connaissances car toutes les

structures ne jouissent pas de la même crédibilité. De plus, c’est un secteur qui doit à

termes être réglementé pour une meilleure structuration. Jusqu’à maintenant, les

formations manquent de formalisme.

QU’EST-CE QUI VOUS A POUSSÉ À CRÉER CETTE ÉCOLE DE MUSIQUE ?

Nous voulions lutter contre l’analphabétisme musical et réunir les jeunes autour de la

musique. Créer un cadre adéquat pour l’apprentissage et le perfectionnement musical.

Nous voulions aussi contribuer à mettre sur pied des groupes bien formés qui pourront

offrir des prestations de qualité au cours des grandes manifestations.

COMMENT LE PROJET A-T- IL PRIS FORME ?

En 1995 déjà, nous avons crée une chorale. Nous avons par après conçu un projet

musical à l’endroit des jeunes désœuvrés du quartier des 1200 logements. Nous avons

soumis le projet à la Mairie. En 1997, un terrain nous a été octroyé sous la condition

que nous payions les taxes foncières.

Le maire Simon Compaoré a personnellement donné 500.000 francs CFA pour l’achat

des premiers amplificateurs de la chorale.

C’est de cette façon qu’est née l’Association Burkinabè pour la Promotion Musicale : La

Dernière Trompette.

Après, nos diverses prestations à des manifestations publiques nous ont permis de

payer les 3.000.000 de francs CFA pour de taxes foncières.

Le projet de l’école a ensuite été corrigé par le ministère de la culture et finalement

financé par le PSIC à hauteur de 10.500.000 francs CFA.

Ce financement nous a permis de construire 3 classes et d’acheter des instruments de

musique.

QU’ENSEIGNEZ-VOUS À LA DERNIÈRE TROMPETTE ?

Un peu de tout : le solfège, les instruments de musique traditionnelle (flute, bendré) et

moderne, le chant, etc. Nous avons aussi des formations spéciales pour les chorales, et

les orchestres.

Page 18: Notes-recherche-secteur-musical-burkina faso

18

EST-CE QUE LA FORMATION EST GRATUITE ? VU QUE VOUS AVEZ REÇU BEAUCOUP D’AIDES ET DE

SUBVENTIONS.

La formation est payante parce que les subventions ne suffisent pas pour couvrir les

charges de l’école. Pendant la première année, le PSIC nous a aidé pour les salaires des

professeurs vacataires. Mais après, il a fallu que nous prenions en charge nous mêmes

certaines dépenses.

Jusqu’en 2000, la formation a été offerte au prix dérisoire de 2000 francs par mois.

COMMENT S’ORGANISE LA FORMATION ?

Nous avons une formation principale de 3 ans, en plus des formations modulaires

personnalisables sur demande. Nous disposons d’un corps enseignant composé de 7

professeurs.

Nous avons à la fois des formations individuelles et collectives.

QUEL EST L’EFFECTIF DE VOTRE ÉCOLE ?

Nous recevons une cinquantaine d’élèves chaque année.

QUE DEVIENNENT VOS ÉLÈVES À LA FIN DE LA FORMATION ?

Certains deviennent des musiciens confirmés. Le groupe Kalianga qui vient de

bénéficier d’un programme d’échange avec entre la ville de Ouaga et Grenoble, est

issu de l’orchestre de la Dernière Trompette.

Il n’y a pas un seul orchestre dans la ville de Ouaga où il n’y a pas un élément de la

Dernière Trompette.

COMMENT ÊTES-VOUS-DEVENU PROFESSEUR DE MUSIQUE ? Y A-T- IL UNE ÉCOLE QUI FORME DES

PROFESSEURS DE MUSIQUE À OUAGA ?

J’ai travaillé avec un missionnaire au Collège Protestant de Tanguin qui m’a donné des

cours de musique : solfège et théorie musicale.

Ensuite, j’ai fait plusieurs stages : en Belgique, en France et au Cuba grâce à la

coopération culturelle.

PARLEZ-NOUS UN PEU DE L’ INDUSTRIE MUSICALE ICI AU BURKINA. NOUS AVONS DÉJÀ

BEAUCOUP ENTENDU PARLER DU NOMBRE CROISSANT DES STUDIOS, DES DIFFICULTÉS QUE

RENCONTRE LA PRODUCTION ET DU SUCCÈS QUE CONNAÎT LE SPECTACLE VIVANT. QUE POUVEZ-

VOUS NOUS DIRE SUR LA DISTRIBUTION DES ŒUVRES MUSICALES ? COMMENT S’ORGANISE T-

ELLE ?

Page 19: Notes-recherche-secteur-musical-burkina faso

19

Il n’y a pas de distribution au Burkina Faso. Elle n’existe pas. Ou du moins comme elle

existe dans d’autres pays. Seul Seydoni fait des éfforts pour la distribution de son

catalogue via des kiosques installés sur toute l’étendue du teritoire, mais avec quelle

difficulté ! De plus, ils sont en train de fermer.

C’est vrai qu’on peut facilement retrouver les œuvres des artistes vedettes du moment

dans les magasins et certains points de vente. Cependant, ce n’est pas une distribution

très organisée. La distribution et la promotion à l’international sont quasi inexistantes.

Seydoni en son temps a révolutionné l’industrie musicale au Burkina Faso en

permettant aux artistes d’enregistrer et de dupliquer leurs œuvres sur place. Mais

aujourd’hui leurs activités se limitent en grande partie à la duplication. Là encore il y a

des difficultés ; puisque certains préfèrent aller dupliquer leurs casettes au Ghana à

200 Francs CFA l’unité contre 600 Francs ici.

Toutes ces difficultés sont en partie liées à des questions de gestion mais surtout aussi

à la piraterie. Les chanteurs les plus connus sont également les plus piratés ; alors que

ce sont eux qui devraient permettre aux structures de production de récupérer leurs

investissements.

LA FILIÈRE MUSICALE RENCONTRE DONC BEAUCOUP DE DIFFICULTÉS

Oui. Même lorsqu’on parle des studios d’enregistrement, il faut nuancer les choses.

Certains artistes ne font que la prise de son ici. Ils vont ensuite terminer le travail

ailleurs. Musicalement, les artistes Burkinabè ont une bonne base, mais les sons ne

sont pas toujours d’excellente qualité. En tout cas, pour ceux qui recherchent la

qualité.

De plus, le coût des enregistrements en studio est hors de portée pour certains ;

75.000 Francs CFA par titre. Il faut au moins 8 titres pour un album.

Les arrangeurs et les techniciens se débrouillent. Rares sont ceux qui ont vraiment été

formés pour ces métiers là.

Vous parliez tout à l’heure du spectacle vivant. N’oublions pas qu’il y a aussi pas mal de

Play back dans le lot. La Semaine Nationale de la Culture, c’est 90% de Play back. C’est

vrai, le cachet est juteux pour les artistes confirmés 500.000 Francs CFA. Mais cela ne

sert pas à grand-chose si les gens montent sur scène pour faire des mimes plutôt que

chanter et de jouer réellement de la musique.

Et puis, ce n’est pas aussi facile de monter un spectacle sans sponsoring. La salle de

répétition revient en moyenne à 3000 Francs CFA la séance, sans oublier qu’il faut

payer aux musiciens un minimum de 1000 Francs par répétition. Or pour un concert, il

Page 20: Notes-recherche-secteur-musical-burkina faso

20

faut au moins 7 musiciens. Vous faîtes les 5 à 6 répétitions nécessaires. Ce qui vous fait

7.000 + 3.000 Francs CFA par séance de répétition multiplié par 5 ou 6.

QUE PENSEZ-VOUS DE L’ACTION DU BUREAU BURKINABÈ DU DROIT D’AUTEUR ?

Sans eux, on peut imaginer que les choses soient encore plus compliquées pour lutter

contre la piraterie et bien gérer les droits des artistes. Cependant, un certain flou

entoure la répartition des droits collectés. Le reggae par exemple a un coefficient 1

parce que ce n’est pas un rythme national. Ce qui est très pénalisant pour ceux qui

font ce genre de musique.

QUE FAUT- IL FAIRE SELON VOUS POUR REDRESSER LA SITUATION DE LA FILIÈRE ?

Lutter plus farouchement contre la piraterie. Former les artistes mais aussi le public

qui est un peu abruti car il ne sait pas apprécier la bonne musique. Accroître le budget

de l’État alloué à la culture. Permettre aux artistes de se produire plus souvent sur

scène en live.

Page 21: Notes-recherche-secteur-musical-burkina faso

21

ENTRETIEN AVEC BASIC SOUL : ARTISTE DE RAP

LE TITRE DE VOTRE DERNIER ALBUM EST 2015. POURQUOI 2015 ?

C’est une façon de se projeter dans l’avenir. De se demander comment seront les

choses en 2015.

QUAND ON VOIT LE CADRE DE LA PHOTO ; ON SE CROIRAIT AU VILLAGE NON ? AVEC LES CASES,

L’ÂNE ?

Oui certainement. C’est un parti pris. Peut – être que la réalité ne sera pas si différente

en 2015.

En attirant l’attention sur ce qui ne va pas, nous voulons en même temps faire partie

de la solution.

LE RAP BURKINABÈ EST- IL ENGAGÉ ?

Engagé certes mais pas enragé. En tout cas il ne devrait pas l’être, nous voulons faire

changer les choses positivement en communiquant l’espoir ; pas dans l’agressivité. Je

crois qu’il faut un peu de pondération dans ce qu’on fait. Les paroles sont très

importantes.

QUEL A ÉTÉ VOTRE PARCOURS JUSQU’ ICI

En 1997, j’ai sorti mon premier album « Arrêt sur l’image » enregistré à Abidjan.

Je suis sur le deuxième maintenant.

QUE PENSEZ-VOUS DES STUDIOS D’ENREGISTREMENT D’ ICI ? EST-CE QU’ ILS FONT DU BON

TRAVAIL ?

Cela dépend. La plupart sont bien équipés mais les techniciens et les arrangeurs ne

sont pas toujours à la hauteur des attentes.

Page 22: Notes-recherche-secteur-musical-burkina faso

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ENTRETIEN AVEC SARÉ, CHARGÉ DE PROMOTION ET DE L’ÉVÈNEMENTIEL À

SEYDONI PRODUCTION

EST-CE QU’ IL Y A UNE MUSIQUE TYPIQUE BURKINABÈ SELON VOUS ?

Non. Au Burkina, nous avons plusieurs ethnies et chaque ethnie a sa spécificité

culturelle. Il serait peut être plus aisé de parler de musiques burkinabè au pluriel. Vous

avez au Burkina les Mossi, les Bissa, les Gourounsi ; avec des genres musicaux

différents qui sont issus de ces divers terroirs. Ce qui donne lieu à plusieurs rythmes et

à des danses correspondantes.

EST-CE QU’ IL Y A UNE PRÉSENCE SYSTÉMATIQUE DU TERROIR DANS LA MUSIQUE BURKINABÈ

ACTUELLE ?

Présence systématique ; non. Parce qu’il y a des artistes qui font du pur reggae et du

rap pur. Il y en a qui font aussi de la musique du terroir pure. D’autres également font

de la fusion ; mélange du terroir et du moderne.

QU’EST-CE QUI MARCHE LE PLUS ?

Cela dépend du public. Le rap a assez de succès auprès des jeunes. La variété

également avec des artistes comme Sami Rama.

Mais si nous nous plaçons du point de vue des artistes du moment qui font de la

fusion, ce qui marche le plus, c’est les thèmes qui touchent à la sensibilité du public.

Chez Bil Aka Kora, la qualité se trouve au niveau du rythme. Chez Floby, c’est le talent

vocal et la mélodie qui sont très saisissants.

QUELLES SONT LES DIFFICULTÉS ACTUELLES DU SECTEUR ?

La mauvaise vente des disques, conséquence directe de la piraterie facilitée par le

format MP3. Ce qui reste pour l’industrie, c’est la scène.

QUE FAIT ALORS LE BBDA ?

Ils font de leur mieux. En tout cas les déclarations politiques reconnaissent les méfaits

de la piraterie sur l’économie du secteur. Un plan triennal de lutte contre la piraterie

vient d’être lancé : l’Appel de Loango. Et il y a aussi des actions sporadiques de saisie

d’œuvres piratées. Pourtant, fait surprenant, les pirates ne se cachent plus en ville.

Une étude a montré qu’au moins 100.000 personnes vivent de la piraterie au Burkina.

95% des œuvres qui sont sur le marché sont piratées. La conséquence est que pour

pouvoir survivre, les acteurs cumulent les fonctions : manager, producteur,

organisateur de spectacle. Autrement, il est très difficile de s’en sortir financièrement.

Page 23: Notes-recherche-secteur-musical-burkina faso

23

QUEL IMPACT DIRECT CELA A-T- IL SUR LA CRÉATION ET LA PRODUCTION ?

Les artistes continuent de créer. La production en temps que métier ou activité est en

crise. TamTam, Merveille et Seydoni production ont fermé. Mais les artistes continuent

d’enregistrer leurs albums.

SOUS QUELLE FORME LA MUSIQUE SE RENTABILISE T -ELLE ?

Le spectacle vivant. Le live nécessite beaucoup de moyens ; donc les gens ont plutôt

recours au Play back.

EST-CE QUE LA FILIÈRE MUSICALE EST PROFESSIONNALISÉE ?

La professionnalisation est en cours. Il faut dire qu’il y a plus d’informel dans la culture

que du formel. A partir du moment où l’informel prime, la nécessité de la formation ne

s’impose pas ; puisque les gens sont de fait des travailleurs de la culture.

Cependant, les choses évoluent avec la création de certaines structures de formation.

Par exemple à l’université de Ouagadougou, le département des arts et de la

communication a crée une filière en administration et gestion des activités culturelles.

QUELLES SONT LES MESURES QUI PEUVENT AIDER À REDRESSER LA BARRE ?

De la part des acteurs eux-mêmes, il faut un peu plus de sérieux et du travail. Parce

que, quoiqu’on dise, il y a en qui s’en sortent malgré les difficultés.

Ensuite, il faudra structurer le secteur. Actuellement, tout le monde fait un peu de

tout. Cela n’aide pas beaucoup.

Il faudra aussi combattre l’illégalité et la piraterie.

Il est aussi nécessaire de former aussi bien les artistes que ceux qui les encadrent pour

plus de professionnalisme.

Il faut que les œuvres produites soient des œuvres de qualité exportable.

L’État pourrait aussi détaxer certains intrants comme les instruments de musique, et

accorder des aides ciblées aux artistes porteurs de bons projets.

Page 24: Notes-recherche-secteur-musical-burkina faso

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ENTRETIEN AVEC CELESTINE SOU, DIRECTRICE DE LA RÉPARTITION AU BUREAU

BURKINABÈ DU DROIT D’AUTEUR

COMMENT SE FAIT LA RÉPARTITION DES DROITS AUX AYANTS DROITS ?

La répartition commence plus tôt avec le service de la documentation où s’élabore le

contrat d’adhésion des ayants droits.

Ce n’est qu’après signature du contrat d’adhésion au BBDA, que l’ayant droit peut

prétendre à la perception de ses droits ; qui sont d’ailleurs protégés dès la création de

l’œuvre.

L’exploitation ou l’existence d’une œuvre sur le marché n’implique pas

automatiquement la jouissance des droits d’auteur par les ayants droit. Il faut

accomplir la démarche d’adhésion au BBDA. C’est au cours de cette démarche que

toutes les informations concernant l’œuvre sont collectées afin d’en assurer une

meilleure protection. Il s’agit de connaître les interprètes figurant sur l’album, le

producteur, le compositeur, le parolier, etc. afin de déterminer la part réelle de chacun

et d’effectuer plus tard une distribution équitable des droits collectés.

Ensuite, les dites informations sont introduites dans notre base de données. Vous

comprenez vu la quantité des informations à traiter que ce travail ne peut pas être

réalisé manuellement.

Nous avons donc recours à un logiciel nommé Africos. Il a été développé par un

ingénieur informaticien Burkinabè. L’Organisation Mondiale de la Propriété

Intellectuelle l’a ensuite racheté. Il est d’ailleurs actuellement exploité également en

Europe de l’Est.

QUELS SONT LES CRITÈRES DE RÉPARTITION DES DROITS ?

De manière générale, chaque ayant droit a un pourcentage fixe selon qu’il soit éditeur,

interprète, compositeur, etc.

En fait, ce sont les titres qui sont pris en compte.

Au BBDA, nous déterminons périodiquement à partir des informations fournies par les

exploitants, la somme globale à affecter à un titre. Cette somme est calculée en

fonction de la durée de diffusion de l’œuvre, le type d’exploitation (radio, télé, etc.), et

le coefficient attribué à l’œuvre.

Ces informations servent ensuite à élaborer le bulletin de paie des ayants droits par

titre et par exploitation.

Page 25: Notes-recherche-secteur-musical-burkina faso

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DÉBAT À OUAGA FM À L’OCCASION DE LA FÊTE DE LA MUSIQUE : RICHARD TIENNÉ

(RADIO PULSAR), KERÉ (JOURNAL SIDWAYA), SARÉ (SEYDONI PRODUCTION), SIRE

PAYIM (L’OBSERVATEUR PAALGA)

EST-CE QUE NOUS AVONS DE BONS STUDIOS À OUAGA ?

Oui. Il y a la Ruche, Abazon, Green Stone, Seydoni où Tiken Jah Fakoli a enrégistré son

avant dernier album. (Sare)

ET LES MAISONS DE PRODUCTION ?

Elles tournent presque toutes au ralenti. Avec la crise, les cassettes et les Cds sont

devenues des supports de promotion. Il n’est plus possible de vivre de leur

commercialisation. (Sare)

IL Y A DE PLUS EN PLUS D’ARTISTES QUI S’AUTOPRODUISENT. QUE PENSEZ-VOUS DU

PHÉNOMÈNE DE L’AUTO PRODUCTION ?

Aujourd’hui, avec la multiplication des studios d’enregistrement, certains artistes

entrent facilement en studio et on peut avoir l’impression qu’on n’a pas besoin d’un

producteur. Mais c’est une fois l’œuvre en main qu’ils sont bloqués en se rendant

compte que pour faire la promotion, on a besoin de lourds moyens.

C’est vrai qu’il y a eu pas mal de problèmes entre des artistes et leurs maisons de

production, mais celui qui veut faire cavalier seul et se lancer dans l’auto production

doit se préparer en conséquence et être sûr de pouvoir rassembler les moyens

nécessaires au bon moment. (Sire).

QUE DIRE DE LA DISTRIBUTION À L’ INTERNATIONAL, DE LA PROMOTION, DES TOURNÉES À

L’ÉTRANGER ?

La promotion est la plaie béante de la musique burkinabè. La plupart du temps, on fait

chanter les artistes dans des cabarets, et on revient ici dire dans que les artistes

reviennent de tournée. (Richard)

LA PIRATERIE

C’est d’abord un problème moral. De plus, elle crée une concurrence déloyale entre les

produits étrangers et les produits locaux.

Cependant, elle profite à certains artistes qui vivent uniquement du spectacle et qui

n’ont que des singles dont ils font la promotion par des circuits de contrefaçon. C’est

facile. Ils font un seul titre, réalisent un clip et inondent le marché de copies piratées.

Page 26: Notes-recherche-secteur-musical-burkina faso

26

Une fois que les gens auront aimé, ils seront invités sur une scène et toucheront leur

cachet. Le tour est joué.

Ne vous êtes vous jamais posé de question sur la facilité et la rapidité avec laquelle ces

compilations de clips arrivent sur nos marchés ?

PROMOTEURS CULTURELS OU COMMERÇANTS CULTURELS ?

Plutôt que de se fier au goût du public et de l’empiffrer d’une certaine musique, il vaut

mieux que les promoteurs Burkinabès se battent pour que les musiciens Burkinabès

puissent aussi s’exprimer à l’extérieur comme les autres le font chez nous.

Page 27: Notes-recherche-secteur-musical-burkina faso

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ENTRETIEN AVEC MOUSSA KABORE, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE BAZAR MUSIC

COMMENT ÊTES VOUS DEVENU LE 1E R PRODUCTEUR ET DISTRIBUTEUR DE MUSIQUE BURKINABÈ ?

Dans les années 1985 – 1986, j’étais importateur de cassettes d’artistes étrangers. A

force de le faire, je me suis dit qu’on pouvait essayer de produire les artistes locaux.

A l’époque, sur 1000 cassettes vendues, 800 au moins étaient d’artistes étrangers.

C’est vrai que l’offre de musique burkinabè n’était pas très abondante.

EST-CE QUE LA PRODUCTION MUSICALE EST UNE ACTIVITÉ RENTABLE ?

Oui, dans le temps avec les cassettes, ça marchait assez bien. Mais maintenant avec la

piraterie des Cds, les choses sont plus difficiles.

LES BURKINABÈ AIMENT DONC LEUR MUSIQUE

On peut dire un peu. Mais cela n’a pas toujours été le cas. Aujourd’hui encore

beaucoup préfèrent la musique étrangère.

A QUOI CELA EST- IL DÛ ?

On aime ce à quoi on est habitué. On ne peut pas aimer ou apprécier ce qu’on n’a

jamais vu ou entendu. Quand vous allez à l’étranger vous vous rendrez compte que les

gens font beaucoup passer leurs musiques sur leurs antennes.

S I JE COMPRENDS BIEN, VOUS ÊTES FAVORABLE AUX QUOTAS DE DIFFUSION

Oui certainement, les quotas sont une bonne chose. Autrement, les auditeurs ont

tendance à penser que seuls les autres savent faire de la bonne musique.

QUE PEUT-ON FAIRE POUR LUTTER CONTRE LA PIRATERIE ?

D’abord la sensibilisation de la population. C’est parce qu’il y a des acheteurs que la

piraterie continue de prospérer.

Ce qui est grave dans la piraterie, c’est qu’on ne pirate que les meilleurs artistes du

catalogue. Ce qui réduit énormément la marge bénéficiaire du producteur dont le

retour sur investissements dépend des artistes à succès.

ET LE SPECTACLE VIVANT ?

Un artiste Burkinabè ne peut pas remplir à lui seul la maison du peuple (3000 places).

Peut être Alif Naaba. En tous cas, ils ne sont pas très nombreux à pouvoir organiser

seul un concert et espérer faire déplacer un grand public.

Page 28: Notes-recherche-secteur-musical-burkina faso

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COMMENT SE FAIT LA PROMOTION ET LA DISTRIBUTION INTERNATIONALE DE VOS ARTISTES ?

Dans le temps lorsque les choses allaient bien, nous avions essayé à plusieurs reprises

d’organiser des tournées sous régionales. Mais ce fut des expériences frustrantes

parce qu’on s’est rendu compte que les gens n’aiment pas nécessairement ce qui vient

d’ailleurs.

VOUS CONSIDÉREZ VOUS COMME UN COMMERÇANT OU UN PROMOTEUR ?

Je ne me considère pas comme un commerçant parce que nous prenons des risques

que les commerçants ne prendront jamais. Pour être producteur de musique, il faut

d’abord aimer la chose.

Page 29: Notes-recherche-secteur-musical-burkina faso

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ENTRETIEN AVEC OUMAR SANON, DIRECTEUR DE L’ACTION SOCIALE ET DE LA

PROMOTION CULTURELLE AU BUREAU BURKINABÈ DU DROIT D’AUTEUR (BBDA)

COMMENT S’ORGANISE LA GESTION ET LA DISTRIBUTION DES DROITS AUX ARTISTES ?

Sur chaque titre déclaré au BBDA, il a y plusieurs ayants droit : compositeur, arrangeur,

éditeur, auteur, etc.

Nous enregistrons toutes ces informations au moment de l’adhésion de l’artiste et au

moment de la déclaration de l’œuvre.

En ce qui concerne les droits d’auteur, le compositeur a 25%, l’auteur 16,6% et

l’éditeur 33,4%.

Pour les droits voisins attribués par exemple à l’interprète (ou lead vocal), aux

instrumentistes ou aux membres du cœur, nous nous servons des feuilles de présence

fournies par les studios d’enregistrement. Ces feuilles nous permettent d’identifier

toutes les personnes qui sont intervenu sur un morceau durant son enregistrement au

studio.

Les contrats signés entre les producteurs et les artistes sont aussi des documents

importants sur la base desquels sont administrés des droits de tous les ayants droit.

Mais ces divers droits ne sont pas les seules rémunérations des artistes. Il y a aussi la

rémunération pour copie privée alimentée par des taxes perçues sur les supports

vierges, appareils de lecture ou d’enregistrement, appareils de copie, etc.

Il y a un principe important qu’il faut noter dans la répartition des droits : c’est celui de

la rémunération équitable. Sur la base de ce principe, les droits voisins entre les

artistes interprètes et les producteurs sont de 50% pour chaque partie.

En ce qui concerne les droits d’auteur, les relevés des programmes des radios et des

télés permettent d’évaluer la durée d’exploitation des œuvres protégées.

Pour des espaces de diffusion comme les bars et les restaurants, en l’absence de fiches

de programmation, les droits sont imposés sous forme de forfaits.

Page 30: Notes-recherche-secteur-musical-burkina faso

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ENTRETIEN AVEC MARIAM KAKOUAN, DIRECTRICE DE LA DOCUMENTATION

GÉNÉRALE AU BUREAU BURKINABÈ DU DROIT D’AUTEUR

POUVEZ-VOUS NOUS EXPLIQUER LE RÔLE DE LA DOCUMENTATION DANS LA GESTION DES DROITS

DES ARTISTES ?

Il y a deux aspects à considérer dans la documentation : l’adhésion et la déclaration.

L’adhésion est libre et n’agit pas sur la protection des droits. Mais elle peut être dans

certains cas forcée ; par exemple pour la radio et la télé où certains États confient la

gestion exclusive des droits à la société de gestion.

La déclaration permet l’identification des œuvres protégées et des ayants droit.

La documentation recherche les ayants droit non sociétaires au moment du payement

des droits pour qu’ils touchent leur part et/ ou qu’ils adhèrent au BBDA.

QUI EST HABILITÉ À DÉCLARER L’ŒUVRE ?

L’auteur ou le producteur fait la déclaration avec la fiche technique du studio.

Pour éviter des déclarations multiples, les informations sont recoupées au niveau de

l’adhésion.

QUE SE PASSE T- IL ENSUITE ?

Le reste du travail se fait au niveau de la base de données à l’aide du logiciel Africos.

C’est un travail technique qui consiste à appliquer les coefficients et les parts à

attribuer à chaque ayant droit en fonction des contrats et des lois en vigueur sur le

droit d’auteur et les droits voisins.

EST-CE QUE VOTRE TRAVAIL EST COMPRIS PAR LES ARTISTES ET LES AUTRES AYANTS DROIT ?

Oui, aujourd’hui, certains artistes comprennent le rôle du BBDA et le système des

droits d’auteur. Surtout les artistes urbains.

A PART LES ERREURS DE SAISIE QUI PEUVENT ENGENDRER DES PROBLÈMES AU NIVEAU DE LA

GESTION DES DONNÉES, QUELLES SONT LES AUTRES DIFFICULTÉS QUE VOUS RENCONTREZ DANS

VOTRE TRAVAIL ?

L’un des problèmes qui subsistent est le manque de compréhension réelle du rôle du

BBDA. La complexité du système ne permet pas souvent aux artistes de faire des

déclarations justes par rapport aux fonctions de chaque intervenant de l’œuvre.

Page 31: Notes-recherche-secteur-musical-burkina faso

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ENTRETIEN AVEC BOURAIMA DIGGA, JOURNALISTE CULTUREL, CHARGÉ DE

COMMUNICATION DES NUITS ATYPIQUES DE KOUDOUGOU

COMMENT LA FILIÈRE MUSICALE S’EST-ELLE INDUSTRIALISÉE AU BURKINA ?

L’industrialisation a été entamée timidement au milieu des années 80 avec

l’installation d’une unité de duplication à la radio en mono. Il y avait déjà à la radio un

studio où les artistes venaient enregistrer leurs œuvres.

Vers la fin des années 80, le studio CFQ a été crée. Mais c’est la Major Seydoni qui a

révolutionné la filière musicale au Burkina Faso. Aujourd’hui, vous pouvez trouver des

home studios un peu partout.

JUSTEMENT ; QU’EST-CE QUI EXPLIQUE LE NOMBRE ET LE SUCCÈS CROISSANT DES HOME

STUDIOS ?

Le coût de l’enregistrement dans les home studios est plus abordable. Ils n’ont pas fait

de lourds investissements financiers en équipements ; ils peuvent donc proposer des

prix très compétitifs aux jeunes artistes. De plus, avec l’aide des ordinateurs, la

création est facilitée pour beaucoup d’artistes en herbe qui ne connaissent pas grand-

chose au solfège, ou aux accords musicaux, etc. C’est l’ordinateur qui fait dans ce cas le

plus gros du travail musical.

AUJOURD’HUI, CERTAINS ACTEURS CULTURELS METTENT EN GARDE CONTRE LE CARACTÈRE

ENVAHISSANT D’UNE CERTAINE MUSIQUE ÉTRANGÈRE ET APPELLENT AU RENFORCEMENT OU AU

RESPECT DES QUOTAS DE DIFFUSION. QU’EN PENSEZ-VOUS ?

A force de tirer sur la corde de l’identité culturelle, on risque de créer un sentiment

anti diaspora.

L’universalité viendra de toute façon ; on ne peut pas empêcher les populations de se

côtoyer et de se frotter. C’est à l’excellence que la différence se fera. Quel que soit ce

qu’on fait, il faut bien le faire.

Les quotas ne seront pas suffisants, les supports sont devenus très accessibles

aujourd’hui.

Plutôt que de s’accrocher à la défense de l’identité culturelle, je pense qu’il vaut mieux

s’inscrire dans une démarche universelle pour produire des œuvres de qualité. C’est la

que se trouve la réponse à mon avis.

QUELLE A ÉTÉ LA PART DE L’AUTORITÉ PUBLIQUE DANS LE DÉVELOPPEMENT DES ACTIVITÉS

CULTURELLES AU BURKINA ?

Page 32: Notes-recherche-secteur-musical-burkina faso

32

Le rôle de l’État a été central dans tout ce que vous voyez aujourd’hui. L’État a mis en

œuvre depuis longtemps une politique d’embauche d’artistes dans la fonction

publique.

Pendant la révolution, des orchestres ont été crées dans les douanes, la police et la

gendarmerie. Les Amazones de la Guinée ont inspiré la création de l’orchestre des

Colombes de la Révolution.

Le texte fixant le quota de diffusion des œuvres audiovisuelles à 60% date de la

révolution.

L’État a élaboré et adopté la Politique Nationale de la Culture et du Tourisme et le

budget du ministère de la culture s’accroit chaque année : 1,6 milliard en 2003 ; 2,2

milliards en 2004 ; 2,5 milliards en 2005, 2,8 milliards en 2006. 1 à 2,5 millions sont

alloués chaque année pour soutenir les festivals bien implantés comme Jazz à Ouaga et

les NAK.

Les grandes manifestations come le SIAO, le FESPACO et la SNC sont de grands espaces

de diffusion pour les artistes Burkinabès.

EST-CE QUE LES SYNDICATS D’ARTISTES SONT SELON VOUS EFFICACES DANS LA DÉFENSE DES

DROITS DES ARTISTES AU BURKINA ?

Ils devraient d’abord se former et former leurs membres au syndicalisme. Beaucoup

d’entre eux ne connaissent pas les textes qui régissent les activités culturelles. Ils

devraient aussi sensibiliser les artistes sur l’importance de la professionnalisation pour

devenir des interlocuteurs crédibles.

Cependant, d’un autre côté, la situation politique n’est pas très favorable et les

autorités ne veulent pas trop entendre parler d’eux à cause de leur pouvoir

contestataire. La plupart du temps, ils sont isolés et ne sont écoutés que d’une oreille.

VOUS ÊTES ÉGALEMENT LE CHARGÉ DE COMMUNICATION DU FESTIVAL LES NUITS ATYPIQUES DE

KOUDOUGOU (NAK). POUVEZ-VOUS NOUS EN PARLEZ UN PEU ?

Le festival a été crée en 1996 par Koudibi Kouala, directeur de la troupe Saaba. C’est

un ancien curé qui a abandonné la soutane. Il est détenteur d’un DEA en anglais et a

travaillé un certain temps pour la fondation Emmaüs.

Il a crée une grande association qui comprend une télé, une radio.

COMMENT SE DÉROULE LE FESTIVAL ?

Il dure 5 jours. Les artistes viennent d’un peu partout, d’Afrique, du monde entier.

Page 33: Notes-recherche-secteur-musical-burkina faso

33

QUELLES SONT LES RETOMBÉES DU FESTIVAL SUR LA RÉGION DE KOUDOUGOU ?

Grâce aux NAK, un partenariat a été conclu avec 15 communes de France. Le réseau

mondial des festivals de l’eau a fait construire deux barrages. Une ONG hollandaise a

fait construire un complexe doté d’un cybercafé, d’une salle de travail.

Beaucoup de jumelages culturels et artistiques ont lieu entre Koudougou et des villes

européennes.

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ENTRETIEN AVEC DELPHINE SOMÉ, DÉPARTEMENT DE L’EXPLOITATION AU

BUREAU BURKINABÈ DU DROIT D’AUTEUR.

QUEL EST LE RÔLE DU SERVICE D’EXPLOITATION DANS LE SYSTÈME DE GESTION DES DROITS

D’AUTEUR ?

Le travail du service d’exploitation consiste essentiellement à gérer l’exploitation des

œuvres protégées par les usagers. Ce travail s’effectue par la signature d’un contrat

d’exploitation entre le BBDA et les tous les utilisateurs d’œuvres protégées par le droit

d’auteur.

Le service de l’exploitation s’occupe également du recouvrement des droits dûs auprès

des utilisateurs.

COMMENT SE FAIT CONCRÈTEMENT CE TRAVAIL ?

Les agents de prospection du service d’exploitation font des enquêtes de terrain pour

identifier les usagers : bars, restaurants, buvettes, radios, banques, sociétés de

transport, salles de cinéma, cyber centres, vidéothèques, etc.

Après le recensement, les agents mènent des activités de sensibilisation auprès des

usagers identifiés pour les informer de l’existence du droit d’auteur et de sa protection

par la loi. Ce après quoi, un contrat est signé entre le BBDA et les divers usagers. En

fait, c’est une autorisation d’exploitation qui leur est accordée.

QUELS SONT LES DROITS QUE VOUS PERCEVEZ AUPRÈS DE CES USAGERS ?

Pour ne citer que quelques uns : le droit de représentation perçu auprès des petits

usagers (bars, hôtels), le droit de communication au public (entrepreneurs de

spectacle, banques, sociétés de commerce), le droit de radiodiffusion, le droit de

duplication, le droit de distribution.

COMMENT SONT FIXÉS LES MONTANTS DES DROITS ?

Par arrêté ministériel (portant tarification des droits)

DE QUELLE MANIÈRE S’EFFECTUE LE PAYEMENT DES DROITS ?

Il existe plusieurs modalités. La première est le payement préalable avant exploitation.

La seconde est le payement trimestriel.

Ces deux formes de payement s’appuient sur deux types de tarification : la tarification

proportionnelle et la tarification forfaitaire.

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QUELLES SONT LES ACTIONS QUE VOUS ENTREPRENEZ EN CAS DE REFUS DE PAYEMENT ?

Nous faisons des descentes de saisie de matériels de sonorisation. Des fois les

sanctions peuvent même conduire à la fermeture des structures. C’est rare mais cela

arrive. Surtout lorsque le préjudice est important.

QUELLES SONT LES DIFFICULTÉS QUE VOUS RENCONTREZ DANS LA GESTION DE L’EXPLOITATION

DES DROITS D’AUTEUR ?

La plupart du temps, nous n’avons pas beaucoup de problème avec les grandes

structures. Elles comprennent assez facilement le bien fondé du droit d’auteur. Les

professionnels de la culture aussi sont assez bien informés sur le sujet. Cependant,

certains médias manifestent parfois de la réticence.

Ce sont les petits exploitants qui sont les plus difficiles à gérer. Des fois, c’est après les

saisies de leurs équipements de sonorisation qu’ils effectuent le payement de leurs

droits.

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ENTRETIEN AVEC DÉSIRÉ CONOMBO, CONSEILLER TECHNIQUE AU MINISTÈRE DE

LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION

COMMENT EST NÉE LA SEMAINE NATIONALE DE LA CULTURE ?

La SNC a été crée en 1983 sous la révolution.

Depuis les indépendances, la vie culturelle a été animée par les associations et l’État ;

notamment via les manifestions comme les Semaines Nationales de la Culture et la

création des infrastructures culturelles que sont les Maisons des Jeunes et de la

Culture. Tout cela a constitué le terreau constructeur de la SNC.

QU’EST-CE QUI A MOTIVÉ LA CRÉATION DE LA SNC ?

Le Burkina Faso compte une soixantaine d’ethnies. L’absence de sentiment national, le

sens de l’appartenance à un même peuple et à une même nation, a conduit les

dirigeants à créer cette manifestation. En permettant la rencontre et la découverte de

l’autre, la SNC avait pour objectif de faciliter la construction de l’identité nationale par

la tolérance. Les dirigeants se sont rendus compte que l’élément culturel pouvait servir

à cimenter l’unité nationale et maintenir la cohésion sociale.

COMMENT SE DÉROULE-T-ELLE ?

La SNC comprend trois grandes phases. Les Journées Provinciales de la Culture, les

Régionales et puis la Semaine proprement dite qui se déroule à Bobo. C’est au cours

des deux premières phases que les participants à la Semaine sont sélectionnés.

La manifestation a plusieurs volets : la compétition (les grands prix), les arts du

spectacle et la littérature, le Festival de la Semaine avec des expositions sur l’art

culinaire, vestimentaire, etc.

QUELS SONT LES IMPACTS DE LA SNC ?

La SNC a contribué à la vulgarisation des instruments traditionnels comme le Djembé,

le balafon et le tambour d’aisselle.

Elle est la vitrine par excellence de la culture nationale et un tremplin pour beaucoup

de jeunes talents.

Elle participe à la sauvegarde et à la promotion du patrimoine culturel burkinabè.

En permettant le brassage des populations, la SNC a un impact sur la paix sociale car

elle mobilise toutes les composantes de la société.

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Elle est organisée de manière tournante ; ce qui permet le développement des

infrastructures dans les régions. En 1988 par exemple, elle a permis la création du

Théâtre Populaire, d’une salle de cinéma et la construction de routes.

La dernière édition a coûté 800 millions de francs CFA.

Plusieurs projets de jumelage et de partenariats sont nés de la SNC.