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Page 1: Note de jurisprudence : L’élément matériel du viol par pénétration d’objet : vers la fin de l’utilisation du critère finaliste ?

Droit Déontologie & Soin 8 (2008) 82–87

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

Jurisprudence

Note de jurisprudence : L’élément matériel du viol parpénétration d’objet : vers la fin de l’utilisation

du critère finaliste ?Commentaire de Cass. crim., 21 févr. 2007,

n◦ 06-89.543

Guillaume Rousset (Docteur en droit)Université Jean-Moulin Lyon 3, 18, rue Chevreul 69007, Lyon, France

Disponible sur Internet le 16 avril 2008

L’élément matériel du viol est une question délicate qui agite la jurisprudence et la doctrinedepuis de nombreuses années. Le présent arrêt de la chambre criminelle du 21 février 2007 enconstitue une nouvelle illustration à travers la question de la pénétration par objet d’un organe nonsexuel par nature. Dans cette affaire, un médecin a contraint trois patientes mineures d’introduiredans leur bouche un objet de forme phallique recouvert d’un préservatif pour lui faire accomplirdes mouvements de va-et-vient. La chambre de l’instruction a décidé de le renvoyer devant la courd’assises sous l’accusation de viols aggravés en affirmant que « l’introduction sous la contrainted’un objet dans un organe qui n’est pas sexuel par nature est constitutif d’un viol, lorsque lesfaits ont été commis dans un contexte sexuel et que l’auteur a exprimé la volonté d’accomplirun acte sexuel ». Sous le visa de l’art. 222-23 relatif au viol, mais surtout de l’art. 111-4 relatifau principe d’interprétation stricte de la loi pénale, la Cour de cassation casse cette décision etaffirme que, « pour être constitutive d’un viol, la fellation implique une pénétration par l’organesexuel masculin de l’auteur et non par un objet le représentant ».

Ce n’est pas la première fois que se pose la question de savoir dans quelle mesure la pénétra-tion par un objet est constitutive d’un viol. De nombreux arrêts ont pu, par le passé, intervenirsur ce point. C’était le cas d’hypothèses spécifiques portant sur l’introduction d’un bâton dansle fondement de la victime, cet acte étant qualifié de viol selon qu’une connotation sexuelle

Adresse e-mail : [email protected].

1629-6583/$ – see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.ddes.2008.02.001

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était constatée1 ou non2. La question de l’élément matériel du viol par pénétration d’objet estparticulière puisque l’art. 222-23 exige non pas une simple pénétration mais une « pénétrationsexuelle ». Or les juges se trouvent confrontés à la difficulté de déterminer si la pénétration estsexuelle alors qu’elle ne se réalise ni dans le sexe de la victime ni par le sexe de l’auteur. Ilfaut réussir à dégager un élément d’ordre sexuel, qui réside en réalité dans le contexte de l’acte,c’est-à-dire dans l’esprit de réalisation de la pénétration. C’est ce que certains auteurs commeMonsieur le Professeur Mayaud ont appelé le critère finaliste3, c’est-à-dire la prise en compteessentielle de la volonté qui a accompagné l’acte. Aussi intéressant que soit ce critère, il dispose,par définition, d’un champ d’application limité puisque le contexte sexuel est exigé seulementlorsque la pénétration ne se fait pas avec ou dans le sexe.

Or, la décision commentée précise que si le viol « doit consister en un acte de pénétrationsexuelle », la nature sexuelle de celle-ci réside non pas dans le contexte de l’acte, en tout caspas de manière principale, mais dans la nature de l’élément qui pénètre la victime puisque lafellation « implique une pénétration par l’organe sexuel masculin de l’auteur et non par un objetle représentant ». Le premier réflexe à la lecture de cette décision serait de penser que la prise encompte du critère finaliste a cessé dans le cadre des viols par pénétration d’objet, si tant est que cecritère ait réellement fait l’objet d’une application généralisée. Pour autant, si cette observationest intéressante, elle doit être fortement nuancée au vu des spécificités de l’espèce. C’est en cesens qu’il semble intéressant de déterminer dans quelle mesure cette décision est une sourcede restriction de l’élément matériel du viol par pénétration d’objet même si un certain nombred’incertitudes peuvent apparaître quant à l’impact de cette décision sur la jurisprudence en lamatière.

1. Une décision restrictive

En réalité, ce n’est pas le principe d’une pénétration d’objet qui pose problème mais davantageses modalités. Il est, en effet, certain que la pénétration d’un objet par l’auteur de l’acte dans lesexe de la victime est un viol4. Il a en revanche été davantage discuté de savoir si c’était égalementle cas avec une pénétration dans un organe non sexuel par nature. C’est ainsi que, comme nousl’avons précédemment précisé, la pénétration d’un bâton dans le fondement de la victime estconsidérée comme constitutive d’un viol si elle est réalisée dans un contexte sexuel5. C’est doncsur la base d’un critère finaliste que la pénétration d’objet dans un organe non sexuel par natureest intégrée dans le champ d’application du viol.

Or se pose en l’espèce la question de l’opportunité d’un élargissement de la jurisprudence enla matière. Si la pénétration d’un objet dans l’orifice anal dans un contexte sexuel est considéréecomme un viol, la logique apparente voudrait que la solution soit identique lorsque c’est la bouche

1 Crim. 6 déc. 1995, Bull. crim. no 372, Dr. pénal 1996, somm. 83 ; RS. crim. 1996, chron., p. 374, obs. Mayaud, danslequel le caractère sexuel de l’introduction du bâton dans l’orifice anal de la victime a été déduit de la présence d’unpréservatif sur celui-ci.

2 Crim. 9 déc. 1993, Bull. crim. no 383, Dr. pénal 1994, somm. 83 et chron. 26, affaire dans laquelle l’introduction n’apas été qualifiée de viol du fait de l’absence de connotation sexuelle mais de la présence d’une volonté d’extorsion.

3 Mayaud (Y.), « Du caractère sexuel du viol : vers un critère finaliste ? », RS crim. 1996, chron., p. 374.4 C’est, par exemple, le cas de l’introduction par une mère d’une carotte dans l’organe sexuel de sa fille, acte plus

précisément caractérisé ici par une volonté « d’initiation sexuelle », crim. 27 avril 1994, Dr. pénal 1994, comm., no 180,obs. Véron.

5 C’est le cas si le bâton est revêtu d’un préservatif, crim. 6 déc. 1995, op. cit., mais cela ne l’est pas lorsque le bâtonest introduit dans le cadre d’une extorsion de fonds, crim. 9 déc. 1993, op. cit.

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qui recoit cette pénétration tant que le contexte sexuel est avéré. C’est cette logique qu’a reprisla chambre d’accusation en insistant sur deux éléments essentiels : le contexte sexuel qui était enl’espèce indiscutable (forme phallique de l’objet, présence d’un préservatif et mouvement de va-et-vient), mais aussi la volonté exprimée par l’auteur d’accomplir un acte sexuel. Si la distinction queréalisent les juges entre ces deux éléments semble des plus fines (puisque le second élément semblepouvoir être rattaché au premier alors qu’ils sont ici opposés), il est certain qu’une importanceprimordiale est accordée au critère finaliste. C’est le but qu’a voulu atteindre l’auteur des actesqui est déterminant puisque aucun organe sexuel n’a été sollicité, que ce soit chez le médecin ouchez les patientes.

Face à cette utilisation indiscutable du critère finaliste par la chambre d’accusation, il estimportant de constater la cassation prononcée par la chambre criminelle. Trois éléments sontintéressants à noter.

D’abord, la Cour de cassation recentre parfaitement le débat en visant l’article 111-4 du codepénal relatif à l’interprétation stricte de la loi pénale puisque c’est une question de méthoded’interprétation que le juge peut utiliser qui est posée. Plus précisément, c’est la question classiquemais essentielle de l’admission ou du refus de l’interprétation par analogie.

Ensuite, les juges de cassation prennent soin de rappeler ce qu’il faut entendre par viol. Ilsprécisent ainsi que « pour constituer un viol, l’acte commis sur la personne d’autrui par violence,contrainte, menace ou surprise doit consister en un acte de pénétration sexuelle ». Cet élément estcertes intéressant mais semble, pour autant, non déterminant, voire inutile. En effet, le principe del’acte de pénétration sexuelle n’a jamais posé problème en soi, c’est au contraire ce qu’il convientd’intégrer dans cette notion qui n’a pas toujours été évident. Or, la Cour de cassation ne précise pasici son contenu mais ne fait finalement que rappeler la formulation de l’art. 222-23. De surcroît, ilest largement admis que ce qui compose un « acte de pénétration sexuelle » consiste en plusieurséléments : pénétration dans le sexe ou par le sexe – ce qui n’a jamais posé réellement problème– mais aussi contexte sexuel accompagnant une pénétration sans aucune intervention d’organegénital6. Or aucune précision nouvelle n’est donnée sur le caractère cumulatif ou alternatif deces éléments et le fait qu’il n’y ait pas de pénétration dans le sexe de la victime ou par le sexe del’auteur n’est pas en soi problématique pour retenir l’existence d’un viol tant que la pénétrationd’un autre type est réalisée dans un contexte sexuel. Le rappel de la nécessité d’un acte depénétration sexuelle n’était donc pas nécessaire ou en tout cas pas réalisé ainsi, c’est-à-dire d’unemanière aussi générale, cela d’autant plus que la solution de la chambre criminelle ne s’en trouvepas renforcée puisque le contexte sexuel était en l’espèce avéré. Cela permet, quoiqu’il en soit, derelever une certaine ambiguïté puisque la Cour de cassation prend soin de justifier une décisionqui va porter atteinte au critère finaliste en se basant sur un argument qui n’est pas adapté.

Enfin, et c’est là l’élément essentiel, la Cour affirme que, « pour être constitutive d’un viol, lafellation implique une pénétration par l’organe sexuel masculin de l’auteur et non par un objetle représentant » sous peine de violer la disposition relative au viol, mais aussi, et surtout, leprincipe d’interprétation stricte de la loi pénale. Cela est cette fois-ci indiscutablement intéressantet utile puisque la Cour de cassation affirme de manière claire qu’elle revient à une approcheplus matérielle de l’infraction de viol au dépend d’une analyse psychologique et contextuelle.Précisons ces éléments.

En premier lieu, il est nécessaire de bien rappeler que si le viol n’est pas constaté ici, ce n’estpas faute de contexte sexuel avéré mais au contraire en présence d’une connotation très forte dont

6 V. les jurisprudences précédemment citées sur l’introduction de bâton dans le fondement.

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la présence n’est pas jugée comme le seul élément suffisant par les juges. Ce contexte sexuelressort, en effet, de quatre éléments complémentaires : l’utilisation de la bouche des patientesqui, sans être un organe sexuel par nature, est ici utilisée dans un esprit fortement sexuel ; laforme de l’objet introduit puisqu’elle correspond à une apparence phallique ; l’apposition d’unpréservatif dont on connaît le caractère déterminant pour la jurisprudence7 ; et la manière dontest utilisé l’objet, ainsi modifié, dans l’orifice indiqué puisque le mouvement de va-et-vient ôtetoute ambiguïté, s’il en était besoin, sur la dimension sexuelle qu’à voulu instaurer l’auteur desfaits. La chambre d’accusation voit ainsi son arrêt cassé non pas pour avoir constaté la volontéde l’agent de donner un caractère sexuel puisque la Cour ne la conteste pas, mais pour lui avoirdonné trop d’importance.

En second lieu, il faut remarquer la signification de cette décision, puisqu’elle est la sourced’une attention accrue nouvellement accordée à l’approche matérielle des éléments constitutifsdu viol. Il ne suffit pas, en effet, d’être en présence d’une pénétration d’objet accompagnée d’uncaractère sexuel pour que l’acte en cause soit constitutif d’un viol mais est exigée au contraire unecertaine matérialité qui se trouve traduite par l’utilisation de l’organe sexuel de l’homme auteurintroduit dans l’orifice buccal de la victime. Si l’on reprend l’analyse du critère finaliste queproposait Monsieur le Professeur Mayaud8, il est intéressant de voir que la fin de son utilisationest dans une certaine mesure prononcée – au moins pour le cas d’espèce – puisque si le critèrefinaliste consiste à dire que la pénétration ne suffit pas pour constituer un viol lorsqu’il n’y pas enoutre un contexte sexuel, la fin de ce même critère revient alors à affirmer, comme c’est semble-t-ille cas ici, qu’un contexte sexuel qui accompagne une pénétration ne suffit pas pour la qualifierde viol si elle n’est pas constituée par l’intervention d’un organe sexuel dans le cadre spécifiqued’une fellation.

Cette décision semble justifiée au regard de plusieurs exigences. D’abord, au regard du droit,puisque l’esprit comme la lettre de l’infraction de viol semblent tout à fait respectés. Au regarddes faits et des différentes exigences sociales ensuite, puisque, malgré l’indéniable réprobationque l’on doit accorder à cet acte, l’on sent bien que le viol n’est pas constitué en l’espèce, au profitd’un autre type d’agression sexuelle. La combinaison de ces éléments permet de penser que laposition de la Cour de cassation constitue un certain retour à la raison après différents égarementsjurisprudentiels qui, malgré une intention louable, ont pu utiliser des moyens inadaptés pourprotéger les victimes. C’est, à vrai dire, une correction utile (comme en 1980 lorsque certainsparlementaires voulaient imposer que soit constitutif d’un viol « tout acte sexuel ») puisqu’unevolonté de répression des auteurs et de défense des victimes d’actes sexuels ne doit pas être réaliséesans un respect scrupuleux des différents principes juridiques applicables dont l’existence doitpermettre de veiller à l’absence de mise en place ou d’application d’incriminations trop vastes outrop floues.

Pour autant, si cette restriction de l’élément matériel du viol par pénétration d’objet est certaine,elle s’applique dans le cadre spécifique d’une fellation, la rendant de ce fait relative. La rédactionchoisie par les juges de cassation est, à ce titre, essentielle puisque aucune formulation généralen’a été retenue au profit d’une prise en compte particulière de ce cas précis. Cet élément est

7 V. l’arrêt de la chambre criminelle du 6 déc. 1995 déjà cité dans lequel l’introduction d’un bâton revêtu d’un préservatifdans le fondement de la victime a été déclaré constitutif d’un viol du fait de la présence de ce contraceptif.

8 « C’était en définitive prétendre qu’un acte de pénétration sexuelle matériellement prouvé ne suffit pas à caractériserle viol, dès lors que le comportement ou l’état d’esprit de son auteur ne procède pas d’un objectif sexuel ou d’unedétermination toute vouée à l’acte sexuel. », Mayaud (Y.), « Du caractère sexuel du viol : vers un critère finaliste ? », op.cit., p. 375.

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important puisqu’il permet de nourrir certaines interrogations sur le champ d’application de cettedécision, sur sa coordination avec les autres solutions en la matière et finalement sur la réellevolonté des juges dans le cadre de ce contentieux.

2. Une décision à l’avenir incertain

Toute la question est de savoir quel va être l’impact de cette décision sur la conception généralede l’élément matériel en matière de viol par pénétration d’objet. Il faut ainsi déterminer plusprécisément si se trouvent remises en cause les solutions précédemment citées sur la qualificationde viol retenue pour l’introduction d’objet dans l’orifice anal réalisée dans un contexte sexuel.Pour cela, il est nécessaire d’analyser quels sont les points de convergence et de divergence entreles hypothèses en cause.

Pour ce qui est d’abord des points de convergence, il semble intéressant de dresser un parallèleentre les faits de la décision commentée et ceux de l’arrêt qui semble être le plus emblématiqueen matière de viol par pénétration d’objet et qui a déjà été abordé à plusieurs reprises dans lesprésents développements, c’est-à-dire celui de la chambre criminelle du 6 déc. 19959. Dans l’arrêtcommenté, nous avons la pénétration d’un orifice non sexuel par nature (la bouche), un objet,l’apposition d’un préservatif sur celui-ci et une utilisation révélant une intention sexuelle, le toutpermettant aux juges de constater un contexte sexuel certain. Dans l’arrêt de 1995, nous avonségalement : la pénétration d’un organe non sexuel par nature (le fondement), un objet vêtu d’unpréservatif et un mouvement connoté sexuellement aboutissant au constat d’un contexte sexuelavéré. Il ressort d’une observation neutre et objective que l’ensemble des éléments en cause est,en apparence, exactement identique ou relève de catégories similaires. De la confrontation de cesconvergences matérielles fortes, il pourrait être logique de déduire que la différence de solutionrendue selon les cas (absence de viol dans le premier cas et présence de cette infraction dansle second) permettrait d’affirmer l’existence d’un revirement de jurisprudence sur le viol parpénétration d’objet, donnant un poids crucial à l’arrêt commenté. Aussi séduisante que puisseêtre cette conclusion, elle doit être nuancée par la prise en compte des différences qui opposentles deux arrêts qui, sans être nombreuses, sont essentielles.

Pour ce qui est ensuite des points de divergence, il semble en réalité n’y en avoir qu’un seul.Certes, les organes qui subissent la pénétration sont dans les deux cas des orifices non sexuelspar nature, mais un élément essentiel les oppose puisque leur nature et leurs caractéristiquessont profondément différentes. Le fait que l’orifice buccal soit mis en cause dans le présent cascontrairement à l’orifice anal dans l’arrêt de 1995 n’est pas neutre et induit à notre sens desconséquences essentielles. La connotation qui accompagne chacun de ces deux organes n’estpas identique du fait de la valeur symbolique d’intimité qui caractérise de manière largementsupérieure le fondement. La répression du viol n’est plus celle d’une atteinte à l’honneur desfamilles, mais au contraire celle d’une atteinte à l’intimité et à l’intégrité corporelle, le degréd’intimité attaché à l’organe atteint étant un élément crucial.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, que faut-il déduire de la confrontation de ces conver-gences et de ces divergences ? Il est certain que l’arrêt commenté de la chambre criminelle du21 févr. 2007 porte sur la même catégorie d’actes de pénétration sexuelle que ce qui est prisen compte par l’arrêt majeur de 1995, mais cela ne signifie pas que les cas sont identiques etque la solution de 2007 tend à remettre en cause de manière certaine celle de 1995. Même si

9 Op. cit.

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ce ne sont par nature que des suppositions, il est fort probable que la solution commentée auraitété différente si, dans un même contexte sexuel et avec les mêmes éléments, cela avait été nonpas la bouche des patientes qui avait été sollicitée mais le fondement de celles-ci. L’atteinte àl’intimité et à l’intégrité des victimes n’aurait pas présenté un même degré de gravité, révélantune dangerosité différente à l’égard des individus et du corps social. Il semble donc important dene pas constater trop vite la fin de la jurisprudence de 1995 puisque les cas sont malgré tout biendifférents. Cela n’empêche cependant pas d’affirmer que cette nouvelle décision de la chambrecriminelle a créé un contexte favorable à un retour vers une certaine conception stricte du violpar pénétration d’objet. Il est, en effet, tout à fait concevable d’imaginer un contentieux à venirdans lequel les juges de cassation décideraient d’étendre cette solution restrictive mise en placepour une pénétration buccale au cas plus problématique et plus extensif de la pénétration anale.C’est au vu de ces éléments qu’il est possible d’affirmer que cette nouvelle solution de la Cour decassation peut constituer une restriction en matière de viol par pénétration d’objet, mais seulementde manière potentielle. Les prochaines décisions de la Cour de cassation sur ce thème seront doncà observer avec attention afin de déterminer si l’arrêt commenté dépasse le cas spécifique de lafellation et s’il présente ainsi une vocation à être appliqué de manière générale ou non.