newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

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Isaac Newton Mathématicien, Physicien, Philosophe anglais (1643-1727) Principes mathématiques de la Philosophie naturelle (Philosophiae Naturalis Principia Mathematica) Par feue Madame la Marquise du Chastellet Paris, 1759 Définitions. Axiomes ou Lois du Mouvement. Un document produit en version numérique par Jean-Marc Simonet, bénévole, Courriel : [email protected] Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales" Site web : http://classiques.uqac.ca/ Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi Site web : http://bibliotheque.uqac.ca/

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Page 1: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton

Mathématicien, Physicien, Philosophe anglais (1643-1727)

Principes mathématiques de la Philosophie naturelle

(Philosophiae Naturalis Principia Mathematica)

Par feue Madame la Marquise du Chastellet

Paris, 1759

Définitions. Axiomes ou Lois du Mouvement.

Un document produit en version numérique par Jean-Marc Simonet, bénévole, Courriel : [email protected]

Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales"

Site web : http://classiques.uqac.ca/

Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi

Site web : http://bibliotheque.uqac.ca/

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 2 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

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Fondateur et Président-directeur général,

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 3 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

Cette édition électronique a été réalisée par Jean-Marc Simonet, ancien pro-fesseur des Universités, bénévole. Courriel : [email protected]

À partir de :

Isaac Newton

Physicien, Mathématicien, Philosophe

anglais

(1643-1727)

Principes mathématiques de la Philosophie naturelle

Par feue Madame la marquise du Chastellet

chez Desaint & Saillant et Lambert, im-primeurs, Paris, 1759,

deux tomes de 437 p. et 379 p.

Polices de caractères utilisées : Pour le texte: Times New Roman, 14 et 12 points. Pour les notes de bas de page : Times New Roman, 10 points. Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2008 pour Macintosh. Mise en page sur papier format : LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’) Édition numérique réalisée le 3 juin 2010 à Chicoutimi, Ville de Saguenay, pro-vince de Québec, Canada

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 4 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

Table des matières

Avertissement de l’éditeur (édition 1756) Préface historique (de Monsieur de Voltaire) Préface de Monsieur Newton à la première édition (1686) Préface de Monsieur Newton à la tête de la seconde édition Préface de Monsieur Newton à la troisième édition Préface de M. Cotes (à la présente édition, de 1759) Sur la physique de Newton, à Madame la Marquise du Chastelet (M.

de Voltaire)

Principes mathématiques de la Philosophie Naturelle.

Définitions. Axiomes ou Lois du Mouvement. Du mouvement des corps. — Livre Premier.

Section I. — De la méthode des premières et dernières raisons employée dans tout cet ouvrage.

Section II. — De la recherche des forces centripètes. Section III. — Du mouvement des corps dans les sections coniques excen-

triques. Section IV. — De la détermination des orbes elliptiques, paraboliques et

hyperboliques, lorsque l’un des foyers est donné. Section V. — De la détermination des orbites lorsqu’aucun des foyers n’est

donné. Section VI. — De la détermination des mouvements dans des orbes donnés. Section VII. — De l’ascension et de la descente rectiligne des corps.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 5 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

Section VIII. — De la détermination des orbes que décrivent des corps sol-licités par des forces centripètes quelconques.

Section IX. — Du mouvement des corps dans des orbes mobiles, et du mou-vement des apsides.

Section X. — Du mouvement des corps dans des superficies données, et des oscillations des corps suspendus par des fils.

Section XI. — Du mouvement des corps qui s’attirent mutuellement par des forces centripètes.

Section XII. — Des forces attractives des corps sphériques. Section XIII. — Des forces attractives des corps qui ne sont pas sphériques. Section XIV. — Du Mouvement des corpuscules attirés par toutes les parties

d’un corps quelconque.

Du mouvement des corps. — Livre Second.

Section I. — Du mouvement des corps qui éprouvent une résistance en rai-son de leur vitesse.

Section II. — Du mouvement des corps qui éprouvent une résistance en rai-son doublée des vitesses.

Section III. — Du mouvement des corps qui éprouvent des résistances qui sont en partie en raison de la vitesse, et en partie en raison doublée de cette même vitesse.

Section IV. Du mouvement circulaire des corps dans les milieux résistants... Section V. — De la densité et de la compression des fluides et de

l’hydrostatique. Section VI. — Du mouvement et de la résistance des corps oscillants. Section VII. — Des mouvements des fluides et de la résistance des projecti-

les. Section VIII. — De la propagation du mouvement dans les fluides. Section IX. — Du mouvement circulaire des fluides.

Du Système du Monde — Livre Troisième.

Règles qu’il faut suivre dans l’étude de la physique. Phénomènes. Propositions. Du mouvement des nœuds de la Lune.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 6 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

Suivi du

Commentaire des Principes Mathématiques de la Philosophie Naturelle

Par Madame la Marquise du Chastellet

Exposition abrégée du Système du Monde.

Introduction contenant une histoire abrégée du développement du vrai Sys-tème de l’Univers.

Chapitre I. Principaux phénomènes du Système du Monde Chapitre II. Comment la théorie de M. Newton explique les phénomènes des

planètes principales Chapitre III. De la détermination de la figure de la Terre, selon les princi-

pes de M. Newton Chapitre IV. Comment M. Newton a expliqué la précession des équinoxes. Chapitre V. Du flux et reflux de la mer Chapitre VI. Comment M. Newton explique les phénomènes des planètes se-

condaires, et principalement ceux de la Lune Chapitre VII. Des comètes

Solution analytique des principaux problèmes qui concernent le Sys-

tème du Monde Section I. — Des trajectoires dans toutes sortes d’hypothèses de pesanteur Section II. — De l’attraction des Corps en ayant égard à leurs figures Section III. — Explication de la réfraction de la lumière, en employant le

principe de l’attraction Section IV. — De la figure de la Terre Section V. — Des marées

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 7 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

Table des matières

Avertissement de l’éditeur

Cet ouvrage est composé de deux Parties. La première est une tra-duction du texte littéral des Principes Mathématiques de la Philoso-phie Naturelle. Il est presque superflu d’avertir qu’elle a été faite sur la dernière édition de 1726, édition qui l’emporte sur toutes les précé-dentes par rapport aux corrections suggérées par des idées postérieu-res, et par les remarques de quelques célèbres mathématiciens. L’illustre interprète, plus jalouse de saisir l’esprit de l’auteur, que ses paroles, n’a pas craint en quelques endroits d’ajouter ou de transposer quelques idées pour donner au sens plus de clarté. En conséquence ou trouvera souvent Newton plus intelligible dans cette traduction que dans l’original ; et même que dans la traduction anglaise. En effet on s’est tellement attaché dans cette dernière au texte littéral de l’Auteur, que s’il y a quelque ambiguïté dans le Latin, on la retrouve dans l’Anglais. Tant de timidité donnerait lieu de soupçonner l’Auteur d’avoir faiblement entendu son original, et d’avoir usé de la ressource ordinaire en pareil cas : c’est de rendre les mots quand on ne peut ren-dre les choses. Nous aimons pourtant mieux penser que cette scrupu-leuse fidélité vient d’un autre motif, et l’attribuer à un certain respect si justement acquis à cet immortel Ouvrage, respect qui a engagé son traducteur à le rendre trait pour trait.

À l’égard de la confiance que le Public doit avoir dans cette traduc-tion, il suffit de dire qu’elle a été faite par feue Madame la Marquise du Châtelet, et qu’elle a été revue par M. Clairaut.

La seconde partie de l’Ouvrage est un Commentaire des endroits des principes, relatifs au système du monde. Ce Commentaire est lui-même divisé en deux parties, dans la première desquelles on expose de la manière la plus sensible, les principaux phénomènes dépendants de l’attraction : ces découvertes jusqu’à présent hérissées de tant d’épines, seront désormais accessibles à tous les Lecteurs capables de quelque attention, et qui auront de légères notions des Mathématiques.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 8 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

À cette partie du Commentaire en succède une plus savante. On y donne par analyse la solution des plus beaux problèmes du système du monde : on y examine la forme qu’ont réellement ou qu’auraient les orbites des planètes dans les différentes hypothèses de pesanteur, l’attraction qu’exerceraient des corps de différentes figures, la réfrac-tion de la lumière, effet de l’attraction des parties insensibles des corps, la théorie de la figure de la Terre et celle des marées. Toutes ces recherches sont tirées pour la plupart ou des Ouvrages de M. Clairaut ou des cahiers qu’il donnait en forme de leçons à M. le Comte du Châtelet Lomont, fils de l’illustre Marquise. L’avant-dernière section est un excellent précis de son Traité sur la figure de la Terre. La dissertation du savant M. Daniel Bernoulli, qui a remporté le prix proposé pour la question des marées forme le fond de la der-nière : elle est de plus augmentée de diverses notes et éclaircissements que l’auteur a communiqués.

On s’étonnera sans doute que ce Commentaire ne s’étende pas plus loin ; mais je l’ai déjà dit, son Auteur a cru devoir se borner à ce qui concerne plus particulièrement le système du monde. Dans cette vue, il n’y a pas jugé nécessaire de commenter la partie des Principes qui contient la théorie des fluides. D’ailleurs cette théorie a été traitée par tant de mains, et en particulier avec tant du succès par MM. Daniel Bernoulli et d’Alembert, dont les écrits sont entre les mains de tout le monde, qu’il devenait superflu d’y toucher. À l’égard de la théorie des Comètes, on trouve dans la première partie du Commentaire un article entier qui les concerne et qui doit suffire. La détermination géométri-que de la forme de leurs orbites est contenue dans le problème général des trajectoires, et c’est dans les traités d’Astronomie qu’on doit cher-cher la manière d’en déterminer la forme et la position d’après les ob-servations. M. le Monnier a suffisamment rempli cet objet dans ses éléments d’astronomie, et ceux qui ne trouveraient pas une clarté suf-fisante dans le texte même du troisième livre des Principes de M. Newton, peuvent recourir à ces éléments comme à un excellent Commentaire.

Il n’y a que la théorie des planètes secondaires dont le manque dans cet Ouvrage semblerait plus difficile à justifier ; mais au temps où M. Clairaut travaillait avec Madame du Châtelet, il était encore trop peu content, et de ce que Newton avait fait sur ce sujet, et de ses idées propres, pour lui en rien communiquer. Cette partie intéressante

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 9 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

du système du monde n’a reçu que depuis peu cette perfection qui lui manquait. Pour suppléer à ce défaut, on doit consulter la pièce de M. Clairaut qui a remporté le prix de l’Académie de Petersbourg sur la théorie de la Lune, et la première partie de l’Ouvrage que M. d’Alembert vient de publier sous le titre de Recherches sur quel-ques points importants du système du Monde.

C’est là tout ce qu’en qualité d’éditeurs nous avons à dire de cet ouvrage. M. de Voltaire a pris la peine de tracer le caractère de la sa-vante Dame qui en est l’auteur. La préface historique qu’on lit à la suite de cet Avertissement est de cet homme célèbre.

Table des matières

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 10 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

Table des matières

Préface historique

Cette traduction que les plus savants Hommes de France devaient faire, et que les autres doivent étudier, une femme l’a entreprise et achevée à l’étonnement et à la gloire de son pays. Gabrielle-Émilie de Breteuil, Marquise du Châtelet, est l’Auteur de cette traduction, deve-nue nécessaire à tous ceux qui voudront acquérir ces profondes connaissances, dont le monde est redevable au grand Newton.

C’eût été beaucoup pour une femme de savoir la géométrie ordi-naire, qui n’est pas même une introduction aux vérités sublimes contenues dans cet Ouvrage immortel. On sent assez qu’il fallait que Madame la Marquise du Châtelet fût entrée bien avant dans la carrière que Newton avait ouverte, et qu’elle possédât ce que ce grand homme avait enseigné. On a vu deux prodiges : l’un, que Newton ait fait cet Ouvrage ; l’autre, qu’une Dame l’ait traduit et l’ait éclairci.

Ce n’était pas son coup d’essai, elle avait auparavant donné au pu-blic une explication de la philosophie de Leibnitz sous le titre d’Institutions de Physique, adressées à son fils, auquel elle avait en-seigné elle-même la Géométrie.

Le Discours préliminaire qui est à la tête de ses institutions est un chef-d’œuvre de raison et d’éloquence : elle a répandu dans le reste du livre une méthode et une clarté que Leibnitz n’eut jamais ; et dont ses idées ont besoin, soit qu’on veuille seulement les entendre, soit qu’on veuille les réfuter.

Après avoir rendu les imaginations de Leibnitz intelligibles, son esprit qui avait acquis encore de la force et de la maturité par ce tra-vail même, comprit que cette Métaphysique si hardie, mais si peu fondée, ne méritait pas ses recherches. Son âme était faite pour le su-blime, mais pour le vrai. Elle sentit que les monades et l’harmonie préétablie devaient être mises avec les trois éléments de Descartes, et que des systèmes qui n’étaient qu’ingénieux, n’étaient pas dignes de l’occuper. Ainsi, après avoir eu le courage d’embellir Leibnitz, elle

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 11 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

eut celui de l’abandonner : courage bien rare dans quiconque a em-brassé une opinion, mais qui ne coûta guères d’efforts à une âme qui était passionnée pour la vérité.

Défaite de tout esprit de système, elle prit pour sa règle celle de la Société Royale de Londres, Nullius in verba ; et c’est parce que la bonté de son esprit l’avait rendue ennemie des partis et des systèmes, qu’elle se donna toute entière à Newton. En effet Newton ne fît jamais de système, ne supposa jamais rien, n’enseigna aucune vérité qui ne fût fondée sur la plus sublime Géométrie ou sur des expériences in-contestables. Les conjectures qu’il a hasardées à la fin de son Livre sous le nom de Recherches, ne sont que des doutes, il ne les donne que pour tels ; et il serait presque impossible que celui qui n’avait ja-mais affirmé que des vérités évidentes, n’eût pas douté de tout le reste.

Tout ce qui est donné ici pour principe, est en effet digne de ce nom, ce sont les premiers ressorts de la nature, inconnus avant lui : et il n’est plus permis de prétendre à être Physicien sans les connaître.

Il faut donc bien se garder d’envisager ce Livre comme un systè-me, c’est-à-dire comme un amas de probabilités qui peuvent servir à expliquer bien ou mal quelques effets de la Nature.

S’il y avait encore quelqu’un d’assez absurde pour soutenir la ma-tière subtile et la matière cannelée, pour dire que la Terre est un Soleil encroûté, que la Lune a été entraînée dans le tourbillon de la Terre, que la matière subtile fait la pesanteur, et toutes ces autres opinions romanesques substituées à l’ignorance des Anciens, on dirait : Cet homme est Cartésien. S’il croyait aux monades, on dirait : Il est Léib-nitien ; mais on ne dira pas de celui qui fait les éléments d’Euclide, qu’il est Euclidien : ni de celui qui sait d’après Galilée en quelle pro-portion les corps tombent, qu’il est Galiléiste. Aussi en Angleterre ceux qui ont appris le calcul infinitésimal, qui ont fait les expériences de la lumière, qui ont appris les lois de la gravitation, ne sont point appelés Newtoniens : c’est le privilège de l’erreur de donner son nom à une Secte.

Si Platon avait trouvé des vérités, il n’y eût point eu de Platoni-ciens, et tous les hommes auraient appris peu à peu ce que Platon avait enseigné ; mais parce que dans l’ignorance qui couvre la Terre, les uns s’attachaient à une erreur, les autres à une autre, on combattait

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 12 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

sous différents étendards : il y avait des Péripatéticiens, des Platoni-ciens, des Épicuriens, des Zénonistes, en attendant qu’il y eût des Sa-ges.

Si on appelle encore en France newtoniens les philosophes qui ont joint leurs connaissances à celles dont Newton a gratifié le genre hu-main, ce n’est que par un reste d’ignorance et de préjugé. Ceux qui savent peu et ceux qui savent mal, ce qui compose une multitude pro-digieuse, s’imaginèrent que Newton n’avait fait autre chose que com-battre Descartes, à peu près comme avait fait Gassendi : ils entendi-rent parler de ses découvertes, et ils les prirent pour un système nou-veau. C’est ainsi que quand Harvée eu rendu palpable la circulation du sang, on s’éleva en France contre lui : on appela Harvéistes et Circula-teurs ceux qui osaient embrasser la vérité nouvelle que le public ne prenait que pour une opinion. Il le faut avouer, toutes les découvertes nous sont venues d’ailleurs, et toutes ont été combattues. Il n’y a pas jusqu’aux expériences que Newton avait faites sur la lumière, qui n’aient essuyé parmi nous de violentes contradictions. Il n’est pas sur-prenant après cela que la gravitation universelle de la matière ayant été démontrée, ait été aussi combattue.

Il a fallu, pour établir en France toutes les sublimes vérités que nous devons à Newton, laisser passer la génération de ceux qui ayant vieilli dans les erreurs de Descartes, turpè putaverunt parere minori-bus, et quae imberbes didicere, fenes perdenda fateri.

Madame du Châtelet a rendu un double service à la postérité en traduisant le Livre des Principes, et en l’enrichissant d’un Commentai-re. Il est vrai que la Langue Latine dans laquelle il est écrit, est enten-due de tous les savants ; mais il en coûte toujours quelques fatigues à lire des choses abstraites dans une langue étrangère : d’ailleurs le La-tin n’a pas de termes pour exprimer les vérités mathématiques et Phy-siques qui manquaient aux anciens.

Il a fallu que les modernes créassent des mots nouveaux pour ren-dre ces nouvelles idées. C’est un grand inconvénient dans les Livres de sciences, et il faut avouer que ce n’est plus guères la peine d’écrire ces Livres dans une langue morte, à laquelle il faut toujours ajouter des expressions inconnues à l’antiquité, et qui peuvent causer de l’embarras. Le Français qui est la Langue courante de l’Europe, et qui

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 13 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

s’est enrichi de toutes ces expressions nouvelles et nécessaires, est beaucoup plus propre que le Latin à répandre dans le monde toutes ces connaissances nouvelles.

À l’égard du Commentaire Algébrique, c’est un ouvrage au-dessus de la traduction. Madame du Châtelet y travailla sur les idées de M. Clairaut : elle fit tous les calculs elle-même, et quand elle avait achevé un Chapitre, M. Clairaut l’examinait et le corrigeait. Ce n’est pas tout, il peut dans un travail si pénible échapper quelque méprise ; il est très aisé de substituer en écrivant un signe à un autre ; M. Clairaut faisait encore revoir par un tiers les calculs, quand ils étaient mis au net, de sorte qu’il est moralement impossible qu’il se soit glissé dans cet Ouvrage une erreur d’inattention ; et ce qui le se-rait du moins autant, c’est qu’un Ouvrage où M. Clairaut a mis la main, ne fût pas excellent en son genre.

Autant qu’on doit s’étonner qu’une femme ait été capable d’une entreprise qui demandait de si grandes lumières et un travail si obsti-né, autant doit-on déplorer sa perte prématurée. Elle n’avait pas enco-re entièrement terminé le Commentaire, lorsqu’elle prévit que la mort pouvait l’enlever ; elle était jalouse de sa gloire et n’avait point cet orgueil de la fausse modestie, qui consiste à paraître mépriser ce qu’on souhaite, et à vouloir paraître supérieure à cette gloire véritable, la seule récompense de ceux qui servent le Public, la seule digne des grandes âmes, qu’il est beau de rechercher, et qu’on n’affecte de dé-daigner que quand on est incapable d’y atteindre.

Elle joignit à ce goût pour la gloire, une simplicité qui ne l’accompagne pas toujours, mais qui est souvent le fruit des études sérieuses. Jamais femme ne fut si savante qu’elle, et jamais personne ne mérita moins qu’on dise d’elle, c’est une femme savante : elle ne parlait jamais de science qu’à ceux avec qui elle croyait pouvoir s’instruire, et jamais n’en parla pour se faire remarquer. On ne la vit point rassembler de ces cercles où il se fait une guerre d’esprit, où l’on établit une espèce de tribunal, où l’on juge son siècle, par lequel, en récompense, on est jugé très sévèrement. Elle a vécu longtemps dans des sociétés où l’on ignorait ce qu’elle était, et elle ne prenait pas gar-de à cette ignorance.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 14 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

Née avec une éloquence singulière, cette éloquence ne se déployait que quand elle avait des objets dignes d’elle. Ces Lettres où il ne s’agit que de montrer de l’esprit, les petites finesses, ces tours délicats que l’on donne à des choses ordinaires, n’entraient point dans l’immensité de ses talents ; le mot propre, la précision, la justesse et la force étaient le caractère de son éloquence ; elle eut plutôt écrit com-me Pascal et Nicole, que comme Madame de Sévigné. Mais cette fer-meté sévère et cette trempe vigoureuse de son esprit ne le rendaient pas inaccessible aux beautés des sentiments : les charmes de la Poésie et de l’Éloquence la pénétraient, et jamais oreille ne fut plus sensible à l’harmonie. Elle savait par cœur les meilleurs vers, et ne pouvait souf-frir les médiocres. C’était un avantage qu’elle eût sur Newton, d’unir à la profondeur de la Philosophie, le goût le plus vif et le plus délicat pour les Belles Lettres.

On ne peut que plaindre un Philosophe réduit à la sécheresse des vérités, et pour qui les beautés de l’imagination et du sentiment sont perdues.

Dès sa tendre jeunesse elle avait nourri son esprit de la lecture des bons Auteurs, en plus d’une Langue ; elle avait commencé une traduc-tion de l’Énéide dont j’ai vu plusieurs morceaux remplis de l’âme de son Auteur : elle apprit depuis l’Italien et l’Anglais. Le Tasse et Mil-ton lui étaient aussi familiers que Virgile : elle fit moins de progrès dans l’Espagnol, parce qu’on lui dit qu’il n’y a guères, dans cette Langue, qu’un livre célèbre, et que ce Livre est frivole.

L’étude de sa Langue fut une de ses principales occupations : il y a d’elle des remarques manuscrites, dans lesquelles on découvre, au mi-lieu de l’incertitude de la grammaire, cet esprit philosophique qui doit dominer partout, et qui est le fil de tous les labyrinthes.

Parmi tant de travaux que le savant le plus laborieux eût à peine entrepris, qui croirait qu’elle trouvât du temps, non seulement pour remplir tous les devoirs de la société, mais pour en rechercher avec avidité tous les amusements ? Elle se livrait au plus grand monde comme à l’étude : tout ce qui occupe la société était de son ressort, hors la médisance. Jamais on ne l’entendit relever un ridicule, elle n’avait ni le temps, ni la volonté de s’en apercevoir ; et quand on lui disait que quelques personnes ne lui avaient pas rendu justice, elle ré-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 15 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

pondait qu’elle voulait l’ignorer. On lui montra un jour je ne sais quel-le misérable brochure dans laquelle un auteur, qui n’était pas à portée de la connaître, avait osé mal parler d’elle. Elle dit que si l’auteur avait perdu son temps à écrire ces inutilités, elle ne voulait pas perdre le sien à les lire, et le lendemain ayant su qu’on avait renfermé l’auteur de ce libelle, elle écrivit en sa faveur, sans qu’il l’ait jamais su.

Elle fut regrettée à la Cour de France, autant qu’on peut l’être dans un pays où les intérêts personnels font si aisément oublier tout le reste. Sa mémoire a été précieuse à tous ceux qui l’ont connue particulière-ment, et qui ont été à portée de voir l’étendue de son esprit et la gran-deur de son âme.

Il eût été heureux pour ses amis qu’elle n’eût pas entrepris cet ou-vrage dont les savants vont jouir. On peut dire d’elle, en déplorant sa destinée, periit arte sua.

Elle se crut frappée à mort longtemps avant le coup qui nous l’a enlevée : dès lors elle ne songea plus qu’à employer le peu de temps qu’elle prévoyait lui rester à finir ce qu’elle avait entrepris, et à déro-ber à la mort ce qu’elle regardait comme la plus belle partie d’elle-même. L’ardeur et l’opiniâtreté du travail, des veilles continuelles, dans un temps où le repos l’aurait sauvée, amenèrent enfin cette mort qu’elle avait prévue. Elle sentit sa fin approcher, et par un mélange singulier de sentiments qui semblaient se combattre, on la vit regretter la vie, et regarder la mort avec intrépidité : la douleur d’une séparation éternelle affligeait sensiblement son âme, et la Philosophie dont cette âme était remplie lui laissait tout son courage. Un homme qui s’arrachant tristement à sa famille qui le pleure, et qui fait tranquille-ment les préparatifs d’un long voyage, n’est que le faible portrait de sa douleur et de sa fermeté : de sorte que ceux qui furent les témoins de ses derniers moments sentaient doublement sa perte par leur propre affliction et par ses regrets, et admiraient en même temps la force de son esprit, qui mêlait à des regrets si touchants une confiance si iné-branlable.

Table des matières

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 16 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

Table des matières

PRÉFACE DE MONSIEUR NEWTON

à la première édition des Principes en 1686

Les anciens, comme nous l’apprennent Pappus 1, firent beaucoup de cas de la mécanique dans l’interprétation de la nature, et les mo-dernes ont enfin, depuis quelque temps, rejeté les formes substantiel-les et les qualités occultes, pour rappeler les Phénomènes naturels à des lois mathématiques. On s’est proposé dans ce Traité de contribuer à cet objet, en cultivant les Mathématiques en ce qu’elles ont de rap-port avec la Philosophie naturelle.

Les anciens partagèrent la Mécanique en deux classes ; l’une théo-rique, qui procède par des démonstrations exactes ; l’autre pratique. De cette dernière ressortent tous les arts qu’on nomme Mécaniques, dont cette science a tiré sa dénomination : mais comme les Artisans ont coutume d’opérer peu exactement, de là est venu qu’on a telle-ment distingué la Mécanique de la Géométrie, que tout ce qui est exact, s’est rapportée à celle-ci, et ce qui l’était moins, à la première. Cependant les erreurs que commet celui qui exerce un art, sont de l’artiste et non de l’art. Celui qui opère moins exactement est un Mé-canicien moins parfait, et conséquemment celui qui opérera parfaite-ment, sera le meilleur.

La Géométrie appartient en quelque chose à la Mécanique ; car c’est de cette dernière que dépend la description des lignes droites et des cercles sur lesquels elle est fondée. Il est effectivement nécessaire que celui qui veut s’instruire dans la Géométrie sache décrire ces li-gnes avant de prendre les premières leçons de cette science : après quoi on lui apprend comment les problèmes se résolvent par le moyen de ces opérations. On emprunte de la Mécanique leur solution : la Géométrie enseigne leur usage, et se glorifie du magnifique édifice qu’elle élève en empruntant si peu d’ailleurs. La Géométrie est donc

1 Coll. Math. Liv. 8. procem

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 17 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

fondée sur une pratique mécanique, et elle n’est autre chose qu’une branche de la Mécanique universelle qui traite et qui démontre l’art de mesurer. Mais comme les Arts usuels s’occupent principalement à remuer les corps, de là il est arrivé que l’on a assigné à la Géométrie, la grandeur pour objet, et à la Mécanique, le mouvement : ainsi la Mécanique théorique sera la science démonstrative des mouvements qui résultent des forces quelconques, des forces nécessaires pour en-gendrer des mouvements quelconques.

Les anciens qui ne considérèrent guères autrement la pesanteur que dans le poids à remuer, cultivèrent cette partie de la Mécanique dans leurs cinq puissances qui regardent les arts manuels ; mais nous qui avons pour objet, non les Arts, mais l’avancement de la Philosophie, ne nous bornant pas à considérer seulement les puissances manuelles, mais celles que la nature emploie dans ses opérations, nous traitons principalement de la pesanteur, la légèreté, la force électrique, la résis-tance des fluides et les autres forces de cette espèce, soit attractives, soit répulsives : c’est pourquoi nous proposons ce que nous donnons ici comme les principes Mathématiques de la Philosophie naturelle. En effet toute la difficulté de la Philosophie paraît consister à trouver les forces qu’emploie la nature, par les Phénomènes du mouvement que nous connaissons, et à démontrer ensuite, par là, les autres Phé-nomènes. C’est l’objet qu’on a eu en vue dans les propositions généra-les du Ier et IIe livre, et on en donne un exemple dans le IIIe en expli-quant le système de l’Univers : car on y détermine par les propositions Mathématiques démontrées dans les deux premiers livres, les forces avec lesquelles les corps tendent vers le Soleil et les Planètes ; après quoi, à l’aide des mêmes propositions Mathématiques, on déduit de ces forces, les mouvements des Planètes, des Comètes, de la Lune et de la Mer. Il serait à désirer que les autres Phénomènes que nous pré-sente la nature, pussent se dériver aussi heureusement des principes mécaniques : car plusieurs raisons me portent à soupçonner qu’ils dé-pendent tous de quelques forces dont les causes sont inconnues, et par lesquelles les particules des corps sont poussées les unes vers les au-tres, et s’unissent en figures régulières ou sont repoussées et se fuient mutuellement ; et c’est l’ignorance où l’on a été jusqu’ici de ces for-ces, qui a empêché les Philosophes de tenter l’explication de la nature avec succès. J’espère que les principes que j’ai posés dans cet Ouvra-

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ge pourront être de quelque utilité à cette manière de philosopher, ou à quelque autre plus véritable, si je n’ai pas touché au but.

L’ingénieux M. Halley, dont le savoir s’étend à tous les genres de littérature, a non seulement donné ses soins à cette Édition, en corri-geant les fautes de l’impression, et en faisant graver les figures : mais il est celui qui m’a engagé à la donner. Car après avoir obtenu de moi ce que j’avais démontré sur la forme des orbites planétaires, il ne ces-sa de me prier d’en faire part à la Société Royale, dont les instances et les exhortations gracieuses me déterminèrent à songer à publier quel-que chose sur ce sujet. J’y travaillai ; mais après avoir entamé la ques-tion des irrégularités de la Lune, et diverses autres concernant les lois et la mesure de la pesanteur et des autres forces, les figures que décri-raient les corps attirés par des forces quelconques, les mouvements de plusieurs corps entre eux, ceux qui se font dans des milieux résistants, les forces, les densités et les mouvements de ces milieux, les orbes enfin des Comètes ; je pensai qu’il était à propos d’en différer l’édition jusqu’à un autre temps, afin d’avoir le loisir de méditer sur ce qu’il restait à trouver, et de donner un ouvrage complet au public : ce que je fais à présent. À l’égard des mouvements lunaires, ce que j’en dis étant encore imparfait, je l’ai renfermé dans les corollaires de la proposition LXVI du Ier Livre, de crainte d’être obligé d’exposer et de démontrer chaque point en particulier : ce qui m’aurait engagé dans une prolixité superflue, et aurait troublé la suite des propositions.

J’ai mieux aimé placer dans quelques endroits, quoique peu conve-nables, des choses que j’ai trouvées trop tard, plutôt que de changer le numéro des propositions et des citations qui s’y rapportaient.

Je prie les savants de lire cet Ouvrage avec indulgence, et de regar-der les défauts qu’ils y trouveront, moins comme dignes de blâme, que comme des objets qui méritent une recherche plus approfondie et de nouveaux efforts. À Cambridge, du Collège de la Trinité, le 8 Mai 1686 ISAAC NEWTON

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 19 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

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Préface de l’auteur

à la tête de la seconde Édition

Cette seconde Édition paraît corrigée dans plusieurs Articles et avec quelques additions. Dans la seconde Section du premier Livre on a rendu plus facile la manière de trouver les forces nécessaires pour faire mouvoir un corps dans des orbites données ; et dans la Section VIIe du second Livre, on a recherché avec plus de soin la théorie de la résistance des fluides, qu’on confirme par de nouvelles expériences. Dans le IIIe Livre, on déduit d’une façon plus complète la théorie de la Lune et la précession des Équinoxes, et l’on a ajouté à la théorie des Comètes un plus grand nombre d’exemples d’orbites calculées, et avec plus de soin : ce qui lui donne une nouvelle confirmation.

À Londres, le 28 Mars 1713 ISAAC NEWTON

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 20 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

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Préface de l’auteur à la troisième édition

Dans cette troisième Édition, dont a eu soin M. Camberton, Doc-teur en médecine, très habile dans ces matières ; on explique plus au long quelques points concernant la résistance des milieux, et on a ajouté quelques nouvelles expériences sur la chute des graves dans l’air. On explique aussi avec plus de détail dans le Livre troisième la démonstration qui prouve que la Lune est retenue dans son orbite par la force de gravité. Le même Livre est augmenté des observations nouvelles faites par M. Pound sur la proportion des axes de Jupiter entre eux, de même que de quelques autres concernant la Comète de 1680, faites en Allemagne par M. Kirch, et qui ne nous sont parvenues que depuis peu. Elles montrent de nouveau combien les orbites para-boliques approchent de celles des Comètes. On détermine avec plus d’exactitude l’orbite de cette comète fameuse, suivant les calculs de M. Halley, et cela dans l’ellipse ; d’où l’on fait voir que cette comète se mouvant dans une orbite de cette forme, eut pendant neuf signes, un cours qui ne fut pas moins régulier que celui des planètes dans leurs orbites propres. On y a enfin ajouté la détermination de l’orbite de la Comète de 1723, calculée par M. Bradley, Professeur d’Astronomie à Oxford.

À Londres, le 12 janvier 1725-6 ISAAC NEWTON

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 21 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

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PRÉFACE DE M. COTES

Sur la présente Édition des Principes mathématiques

de la Philosophie Naturelle de M. NEWTON.

Nous donnons enfin au Public une nouvelle Édition de la Philoso-phie de M. de Newton, désirée depuis longtemps, et supérieure aux précédentes, par les corrections et les augmentations que l’Auteur y a faites. La Table des Matières est suffisante pour faire connaître au Lecteur tout ce que renferme cet excellent Ouvrage ; et la Préface de M. Newton l’instruira pareillement des additions et des changements qu’il a jugé nécessaires et convenables. Nous n’avons donc ici qu’à exposer en peu de mots quelle est la méthode dont il fait usage dans cette nouvelle Philosophie.

On peut rapporter à trois différentes classes tous les Auteurs qui ont entrepris de traiter la Physique. On a vu d’abord, des Philosophes qui ont donné à chaque espèce particulière de corps des qualités oc-cultes et propres à chacun, d’où ils ont ensuite fait dépendre d’une manière encore plus occulte les Phénomènes dont nous sommes té-moins. C’est là le fondement de la Philosophie de l’École, enseignée par Aristote et par les Péripatéticiens. Selon eux, chaque effet particu-lier dépend absolument d’une certaine Nature propre à chacun des corps qui en est le sujet ou la cause ; mais ils gardent un profond si-lence sur la cause et le principe de cette Nature. Puis donc qu’ils ont laissé les choses pour ne s’occuper que des mots ; on ne doit les re-garder tout au plus que comme les inventeurs d’une espèce de jargon philosophique, et non comme les auteurs d’une véritable Philosophie.

D’autres ont pris le parti d’abandonner des mots vides de sens, et se sont flattés d’acquérir une gloire plus solide par des travaux plus réels. Ils ont donc posé pour principe, que toute la matière en général est de même nature ou homogène ; et que la variété que l’on remarque dans tout corps en particulier par sa configuration extérieure, ne dé-pend que de quelques affections très simples en elles-mêmes, et très

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faciles à concevoir. Rien de mieux que de procéder ainsi du plus sim-ple au plus composé ; pourvu néanmoins que l’on ne donne pas à ces propriétés primitives et primordiales d’autres modes ni d’autres bor-nes que celles que la Nature a prescrites elle-même. Mais bientôt ces derniers Philosophes admirent à leur gré telles grandeurs et telles figu-res qu’ils jugèrent à-propos ; imaginèrent au besoin des mouvements et des positions respectives dans les parties composantes des corps : enfin ils forgèrent des fluides invisibles, doués d’une subtilité miracu-leuse, agités par des mouvements secrets, capables de pénétrer les po-res de tous les Corps, comme si la matière n’opposait aucune résistan-ce ; et par là ils tombèrent dans des rêveries aussi ridicules que celles des Anciens, en négligeant de s’instruire et d’examiner la véritable constitution de la nature ; connaissance qu’on ne doit pas assurément chercher dans des conjectures trompeuses, puisque les observations les plus incontestables ont encore bien de la peine à nous la procurer.

Venons à la troisième classe, à ceux qui dans leur Philosophie ne reconnaissent d’autre règle que l’expérience. Ces derniers, bien convaincus que l’on doit, autant qu’il est possible, faire dépendre les effets des causes les plus simples, n’admettent cependant aucun prin-cipe qui ne soit prouvé par des observations constantes. Ils ne font point d’hypothèses, et n’en reçoivent aucunes en physique, si ce n’est pour les soumettre à l’examen et reconnaître leur vérité ou leur fausse-té par une discussion exacte et rigoureuse. Ils emploient dans cette recherche les deux méthodes connues de tout le monde, l’Analyse et la Synthèse. Avec le secours de la première, de quelques Phénomènes choisis adroitement, ils déduisent les forces de la Nature, et les lois les plus simples qui dérivent de ces mêmes forces ; ils exposent ensuite synthétiquement l’ordre et la disposition des autres qui dépendent immédiatement de ces premières. C’est là sans doute la meilleure Phi-losophie, et c’est aussi celle qu’a choisie notre illustre Auteur et qu’il a cru justement préférable à toute autre. C’est la seule qu’il ait jugée digne de ses soins et de ses travaux, et qu’il ait cru devoir perfection-ner et embellir. L’explication du système du Monde qui se déduit si facilement de sa Théorie de la gravité, est à la fois une heureuse appli-cation de cette nouvelle philosophie, et un modèle que l’on ne peut trop imiter. Quelques Philosophes, avant M. Newton, ont soupçonné que la pesanteur pouvait être une propriété commune à tous les corps ; d’autres l’ont imaginé gratuitement : notre Philosophe est le premier

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et le seul qui ait pu le démontrer par les Phénomènes, et en faire le fondement inébranlable des Théories les plus brillantes.

Je n’ignore pas que des personnages illustres et de grand nom dans les Sciences n’ont accordé qu’avec peine leur suffrage à ce nouveau principe ; peut-être par un effet de certains préjugés, qui faisaient une impression trop forte sur leur esprit : je sais même, qu’ils ont quelque-fois préféré des conjectures vagues à des vérités certaines. Mon des-sein n’est point d’attaquer ici leur réputation, mais seulement de met-tre mon Lecteur en état de porter un jugement équitable, par une ex-position abrégée des découvertes du Chevalier Newton, sur la matière dont il est question.

Commençons donc d’abord par ce qu’il y a de plus simple et de plus à notre portée : jetons les yeux sur notre globe, et voyons quelle est la nature de la gravité dans les Corps sublunaires ; afin d’être plus assurés dans nos recherches, lorsque nous en serons aux Corps céles-tes qui se trouvent si éloignés de notre habitation. Tous les Philoso-phes sont d’accord pour admettre une gravitation générale de tous les Corps terrestres vers notre globe. On est convaincu par un grand nom-bre d’expériences, qu’il n’y a pas de Corps vraiment léger. Ce que l’on appelle légèreté n’est qu’une propriété relative et apparente ; ce n’est pas une légèreté absolue et véritable ; on sait qu’elle dépend d’une gravité plus puissante des Corps environnants.

Cela posé, puisque les Corps gravitent vers la Terre, il saut aussi que la Terre gravite également vers les Corps ; car il est aisé de prou-ver , comme on va le faire tout à l’heure, que l’action de la gravité est égale et réciproque. Imaginons la masse de la Terre partagée en deux parties quelconques, égales ou inégales. Si les efforts ou les poids de chaque partie l’une vers l’autre n’étaient pas égaux, la plus faible cè-derait nécessairement à la plus forte, et les deux parties ainsi unies continueraient de se mouvoir à l’infini vers le point du ciel opposé à la direction de la plus pesante ; ce qui est absolument contraire à l’expérience ; il faut donc dire que les poids des parties sont dans un parfait équilibre, c’est-à-dire, que l’action de la gravité est égale et réciproque.

Les poids des corps également éloignés du centre de la Terre sont comme les quantités de matière qu’ils renferment. C’est une suite né-

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cessaire de l’égalité d’accélération des corps qui tombent par la seule force de leur pesanteur ; car il est évident que des forces qui impri-ment à des corps inégaux des degrés égaux de vitesse, doivent être proportionnelles à la quantité de matière qu’il faut mettre en mouve-ment. D’ailleurs on est maintenant assuré que tous les corps reçoivent une égale accélération ; puisque, dans le vide de Boile, ils décrivent tous des espaces égaux en temps égaux ; n’étant plus différemment arrêtés par la résistance de l’air. La même vérité est encore prouvée avec plus d’exactitude par l’expérience des pendules.

Les forces attractives 2 des corps à distances égales sont comme les quantités de matière contenues dans ces mêmes corps. Car puisque les corps gravitent vers la Terre, et que celle-ci gravite vers les corps avec des moments égaux, le poids de la Terre sur un corps quelconque, ou, ce qui est la même chose, la force avec laquelle un corps attire la Ter-re, sera égale à la pesanteur de ce même corps vers la Terre. Mais dans chaque corps, le poids est proportionnel à la quantité de matière : donc la force avec laquelle un corps attire la Terre, ou, ce qui revient au même, la force absolue de ce corps sera comme la même quantité de matière qu’il renferme.

Il suit de là que la force attractive (ou la pesanteur) des corps résul-te des forces attractives (ou des pesanteurs ) de chaque partie qui les composent ; puisque cette force de gravitation augmente ou diminue selon que la quantité de matière augmente ou diminue. Il faut regarder l’action de la Terre comme le résultat des actions réunies de toutes ses parties ; et par conséquent il faut que tous les corps terrestres s’attirent avec des forces absolues qui soient en raison de la matière attirante. 2 On remarquera ici que M. Côtes emploie le mot de force attractive pour ex-

primer la pesanteur, comme a fait M. Newton. En général, toutes ces expres-sions, force attractive, attraction, gravité, gravitation, pesanteur, ne signifient rien autre chose que cette tendance de tous les corps vers un centre commun de pesanteur, soit que cette tendance qui produit réellement une force, soit oc-casionnée dans les corps par un mécanisme que nous ignorons ; soit que plutôt elle soit une propriété continuellement imprimée à la matière par un pur effet de la volonté du Créateur, qui veut produire par là tous les Phénomènes dont nous sommes témoins. Il ne s’agit ici que du fait ; les noms sont indifférents et présenteraient tous les mêmes difficultés pour quiconque n’entrerait pas bien dans l’esprit de l’Auteur. Voyez à ce sujet le Chapitre II. des Discours de M. de Maupertuis, sur la Fig. des Astres, pag. 16 de la nouvelle édition. On ne peut rien de plus lumineux que cet excellent morceau, qui est une discussion (vraiment) métaphysique sur l’attraction, comme son titre l’annonce.

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Telle est la nature de la gravité sur la Terre : voyons maintenant ce qu’elle est dans les cieux.

C’est une loi de la Nature reçue de tous les Philosophes, qu’un corps restera toujours en repos, ou continuera de se mouvoir en ligne droite, tant qu’il ne sera point soumis à l’action de forces étrangères qui l’obligent de changer de situation. Il suit de là que les corps qui se meuvent dans des courbes, et qui par conséquent s’écartent continuel-lement des lignes droites qui touchent leurs orbites, sont aussi conti-nuellement retenus dans cette route curviligne par l’action d’une force qui leur est perpétuellement appliquée. Donc, pendant que les planètes décrivent leurs trajectoires, elles seront continuellement détournées des tangentes à chaque point de la courbe, par l’action répétée d’une force toujours présente.

Il y a encore un principe qu’il faut accorder, et que l’on démontre géométriquement, c’est que lorsque des corps mus dans une courbe qui se trouve sur un même plan décrivent autour d’un point fixe ou mobile des aires proportionnelles aux temps, ils sont poussés par des forces qui tendent vers ce même point : donc puisque tous les Astro-nomes conviennent que les Planètes principales décrivent autour du soleil des aires proportionnelles aux temps, de même que les satellites de chacune de ces Planètes du premier ordre autour de ces mêmes Planètes ; il faut conclure que la force qui les détourne continuelle-ment des tangentes de leurs orbites pour les faire circuler dans ces mêmes courbes, est aussi continuellement dirigée vers les corps qui se trouvent aux foyers de ces orbites. C’est donc avec raison que l’on peut appeler cette force une force centripète à l’égard du corps circu-lant ; et une force attractive à l’égard du corps central, quelle que soit la cause qui produit cette force.

De plus, il est pareillement démontré géométriquement que si plu-sieurs corps se meuvent uniformément dans des cercles concentriques, de manière que les carrés des temps périodiques soient entre eux comme les cubes des distances au centre commun ; les forces de cha-cun de ces corps seront réciproquement comme les carrés des mêmes distances. On démontre avec la même facilité que, si des corps font leurs révolutions dans des orbites qui ne diffèrent presque pas du cer-cle, et dont les absides soient fixes ; les forces centripètes de ces corps seront comme les carrés des distances. Or de l’aveu constant de tous

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les Astronomes toutes les planètes se trouvent dans l’un ou l’autre cas ; donc leurs forces centripètes sont réciproquement comme les car-rés de leurs distances au centre. Si l’on nous objecte que les absides des orbites de chaque Planète , et particulièrement de la Lune , ne sont pas dans un repos parfait ; mais qu’ils ont un mouvement fort lent sui-vant l’ordre des signes ; on peut répondre que, quand même nous ac-corderions que cette erreur vient de ce que la loi de la force centripète s’éloigne tant soit peu de la raison doublée inverse des distances ; néanmoins il est aisé de calculer jusqu’où peut aller l’erreur qui suit de cette fausse supposition, et de faire voir qu’elle est absolument in-sensible. En effet, quoique la loi de la force centripète de la Lune qui est la plus sujette à être troublée dans ses mouvements, surpasse un peu le rapport de la raison doublée ; néanmoins elle en approche soixante fois davantage que de la raison triplée. On peut encore réfuter cette objection plus solidement en soutenant, comme il est démontré dans cet Ouvrage, que ce mouvement des absides ne vient pas de ce que l’intensité des forces centripètes s’éloigne de la raison doublée, mais qu’il dépend réellement d’une cause totalement différente : ainsi il faudra toujours admettre comme un principe incontestable, que les Planètes principales tournent autour du Soleil, et les secondaires au-tour des premières, par l’action de forces centripètes qui suivent préci-sément la raison inverse des carrés des distances.

De ce que l’on vient de dire, il suit évidemment que les Planètes sont retenues dans leurs orbites par une force qui agit continuellement sur elles ; que cette force est toujours dirigée vers le centre de ces or-bites ; qu’elle augmente à mesure que les Planètes approchent du cen-tre, et qu’elle diminue à mesure qu’elles s’en éloignent ; que l’augmentation croît comme le carré de la distance décroît. Examinons présentement par une comparaison bien établie, si la pesanteur qui fait tomber les corps sur notre globe n’est pas de même nature que les for-ces centripètes qui retiennent les Planètes dans leurs orbites. Le moyen de s’en assurer, c’est de voir si l’on ne pourra pas trouver de part et d’autre les mêmes lois et les mêmes propriétés : pour y parve-nir, commençons par chercher quelle est la force centripète de la lune qui est le corps le plus proche de notre globe.

Les espaces rectilignes parcourus en tombant par des corps quel-conques depuis le point de repos, pendant un temps donné, sont pro-portionnels aux forces qui les poussent ; c’est une proposition démon-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 27 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

trée dans toute la rigueur géométrique : donc la force centripète de la Lune parcourant son orbite, sera à la force de la pesanteur sur la surfa-ce de la Terre, comme l’espace que la lune décrirait en descendant vers la Terre, dans un temps infiniment petit en vertu de sa force cen-tripète, si elle n’avait point de mouvement de révolution, est à l’espace que parcourt dans le même temps un corps près de la surface de la Terre par la seule force de la pesanteur. Le premier des espaces dont on vient de parler est égal au sinus-verse de l’arc décrit par la lune, pendant le même temps ; puisque ce sinus-verse mesure la quan-tité dont la force centripète a écarté la lune de la tangente ; cet espace peut se calculer par la connaissance du temps périodique de la lune et de sa distance au centre. L’autre espace dont nous avons parlé, se dé-duit de la théorie des pendules, suivant les expériences de M. Huygens. Si l’on sait le calcul on trouvera que le premier espace est au second, ou, ce qui revient au même, que la force centripète qui retient la lune dans son orbite est à la force de la pesanteur sur la sur-face de la Terre, comme le carré du demi-diamètre de la Terre est au carré du demi-diamètre de l’orbite de la lune. D’ailleurs, suivant ce qui précède, la force centripète de la lune dans son orbite est à la force centripète de la lune auprès de la surface de la Terre dans la même raison ; donc la force centripète de la lune et la force de la pesanteur sur la surface de la Terre sont entièrement égales. Ce ne sont donc point deux forces distinctes et différentes, mais précisément une seule et même force ; car si ces deux forces avaient lieu en même temps et se trouvaient néanmoins distinguées l’une de l’autre près de la surface de la Terre, les corps tomberaient deux fois plus vite que par la seule force de la pesanteur. Il est donc certain que cette force centripète qui retient la lune dans son orbite en l’écartant de la tangente, par attrac-tion ou par impulsion, n’est autre chose que la force de la pesanteur terrestre qui s’étend jusques à la lune ; et la raison seule nous fait voir que cette force peut avoir son effet à des distances encore plus gran-des, puisque nous ne pouvons pas observer la moindre diminution sensible au sommet des plus hautes montagnes. La lune gravite donc vers la Terre, et par une action réciproque la Terre gravite vers la lu-ne : on verra cette proposition confirmée dans cet Ouvrage, lorsqu’il est question du flux et reflux de la mer et de la précession des Équi-noxes, Phénomènes qui dépendent tous deux de l’action combinée de la lune et du soleil sur la Terre. Cette même comparaison que l’on vient de faire nous apprend en même temps la loi suivant laquelle dé-

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croît la force de la pesanteur dans les grandes distances de la Terre ; car puisque la pesanteur des corps terrestres ne diffère pas de la force centripète de la lune, qui décroît en raison des carrés des distances ; la pesanteur suivra donc aussi la même loi, et diminuera dans la même proportion.

Venons présentement aux autres planètes. Puisque les révolutions des planètes principales autour du soleil, celles des Satellites de Jupi-ter et de Saturne, autour de ces deux Planètes sont des phénomènes de même nature que la révolution de la lune autour de la Terre ; puisqu’il est démontré de plus que les forces centripètes de ces planètes sont dirigées vers le centre du soleil, et que celles des Satellites de Jupiter et de Saturne sont pareillement dirigées vers le centre de chacune de ces deux planètes, comme la force centripète de la lune est elle-même dirigée vers le centre de la Terre ; enfin puisque toutes ces forces sont réciproquement proportionnelles aux carrés de leurs distances, de même que la force de la lune (comparée à celle des corps terrestres) est réciproquement comme le carré de la distance : il faudra donc conclure que toutes ces forces sont de même espèce. Ainsi de même que la lune gravite sur la Terre, et la Terre sur la lune ; de même aussi toutes les planètes secondaires graviteront vers les planètes principa-les, et celles-ci graviteront toutes vers leurs Satellites ; de même enfin toutes les planètes graviteront vers le soleil, et le soleil gravitera vers toutes les planètes.

Il faut donc reconnaître que le soleil gravite sur toutes les planètes, et que toutes les planètes pèsent réciproquement sur celui-ci. Car pen-dant que les Satellites accompagnent leur planète principale, ils font en même temps leurs révolutions autour du soleil, ainsi que cette mê-me planète : donc il est prouvé par le même raisonnement que les pla-nètes principales et secondaires pèsent vers le soleil, et que le soleil pèse vers elles. On a encore outre cela d’autres preuves de la pesan-teur des planètes secondaires vers le soleil, déduites des inégalités du mouvement de la lune, dont on trouvera une théorie exacte exposée avec toute la sagacité possible dans la troisième partie de cet Ouvrage.

On peut encore déduire du mouvement des Comètes que la force attractive du soleil se sait sentir à des distances énormes dans toutes les parties de l’étendue. En effet ces corps, après avoir parcouru un intervalle immense, s’approchent continuellement du soleil ; et quel-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 29 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

quefois ils sont si près de ce globe qu’ils paraissent presque le toucher lorsqu’ils se trouvent dans leur périhélie. C’est en vain que les Astro-nomes des siècles précédents ont cherché à établir une théorie de ces nouvelles planètes ; cette découverte était réservée à notre siècle, et à notre illustre Auteur, qui nous a donné des méthodes aussi faciles dans la pratique qu’elles sont conformes aux observations. Il est donc évi-dent que les Comètes se meuvent dans des sections coniques qui ont leur foyer au centre du soleil ; et que les rayons menés du soleil aux différents points de leurs trajectoires décrivent des aires proportion-nelles aux temps. Il suit encore évidemment de ces Phénomènes, et l’on peut aussi le démontrer géométriquement, que les forces qui re-tiennent les Comètes dans leurs orbites sont dirigées vers le soleil, et que leur intensité est en raison inverse des carrés de leurs distances au centre de ce même astre. Donc les Comètes gravitent vers le soleil, et par conséquent la force attractive du soleil s’étend non seulement aux différentes planètes qui se trouvent à des distances finies, et qui sont presque toutes dans un même plan ; mais elle agit encore sur les Co-mètes qui se trouvent placées dans toutes les différentes parties du Ciel, et à toutes sortes de distances. Telle est donc la nature des corps pesants, qu’ils sont sentir leur action à toutes les distances imagina-bles sur tous les autres corps pesants. Il suit encore de là que les Pla-nètes et les Comètes s’attirent mutuellement, et que tous ces corps gravitent réciproquement les uns vers les autres ; et cette conséquence se trouve confirmée par les inégalités des mouvements de Jupiter et de Saturne, connues des Astronomes, et causées par les actions récipro-ques de ces planètes les unes sur les autres. Le mouvement si lent des apsides, et dont on a parlé ci-devant, vient encore à l’appui de cette vérité, et dépend de causes entièrement semblables.

Il faut reconnaître maintenant d’après tout ce que l’on vient de voir, que la Terre, le soleil et tous les corps célestes qui accompagnent le soleil ont une gravitation réciproque les uns vers les autres, par la-quelle ils paraissent s’attirer. Donc chacune de leurs parties, si petite qu’elle soit, a pareillement une force d’attraction proportionnelle à sa masse, suivant ce que l’on a dit plus haut sur les corps terrestres : à différentes distances, les forces de ces mêmes parties seront récipro-quement comme les carrés des distances ; car il est encore démontré que les globes qui attirent, suivant cette loi, doivent être composés de parties attirantes dans la même raison.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 30 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

Les conséquences que l’on vient de déduire, sont fondées sur cet axiome reçu de tous les Philosophes, que les effets de même genre dont les propriétés connues sont les mêmes, ont aussi les mêmes cau-ses, d’où naissent les mêmes propriétés, quoique ces causes ne soient pas encore connues. Qui doute en effet, si c’est la pesanteur qui fait tomber les pierres en Europe, que ce ne soit aussi la même pesanteur qui les fasse tomber en Amérique ? Si la pesanteur est réciproque en-tre la Terre et les pierres en Europe, qui pourra nier qu’elle ait la mê-me propriété en Amérique ? Si la force attractive de la Terre ou d’une pierre est le résultat des forces attractives des parties dans l’Europe ; ne faut-il pas aussi qu’en Amérique elle résulte d’une pareille combi-naison ? Si la force de la pesanteur se trouve dans toutes les espèces de corps , et se fait sentir à toutes sortes de distances en Europe, pour-quoi voudrions-nous soutenir qu’elle n’aurait pas aussi les mêmes propriétés en Amérique ? Cette règle est la base de toute la Philoso-phie ; supprimez-la et vous ne pourrez plus rien établir d’universel. On ne connaît la nature de chaque chose que par les observations et les expériences, et de là il suit que nous ne jugeons que par cette règle d’analogie.

Puis donc que tous les corps terrestres et célestes que nous pou-vons observer, ou sur lesquels nous pouvons faire des expériences, sont des corps pesants ; il faudra dire que la pesanteur est une proprié-té qui convient à tous les corps ; et de même que nous n’en pouvons concevoir aucuns qui ne soient étendus, mobiles et impénétrables, nous ne pouvons pas non plus en concevoir qui ne soient pesants. C’est par l’expérience que nous connaissons l’étendue, la mobilité et l’impénétrabilité des corps, et c’est aussi par l’expérience que nous connaissons leur gravité. Tous les corps que nous avons pu observer sont étendus, mobiles et impénétrables ; et nous en concluons que tous, ceux mêmes sur lesquels nous n’avons pas pu faire d’observations, sont pareillement étendus, mobiles et impénétrables. Tous les corps que nous avons pu observer sont pesants, et nous concluons légitimement de même que ceux sur lesquels nous n’avons point fait d’expériences, sont aussi des corps pesants. Si l’on nous dit que les corps des étoiles fixes n’ont point de gravité, parce que l’on n’a pas encore pu l’observer, on pourra nous prouver aussi par le mê-me raisonnement que ces corps ne sont ni étendus, ni mobiles, ni im-pénétrables ; car on n’a pas encore observé ces propriétés dans les

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 31 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

fixes. Mais à quoi bon m’arrêter plus longtemps ? il faut que la pesan-teur soit une des propriétés primitives de tous les corps, ou que l’on cesse de regarder comme telle leur étendue, leur mobilité, leur impé-nétrabilité ; il faut que l’on puisse expliquer exactement les phénomè-nes de la nature par la loi de la pesanteur , ou que l’on renonce à en donner une explication raisonnable en faisant usage de l’étendue, de la mobilité et de l’impénétrabilité des corps.

Je ne doute pas qu’on ne désapprouve cette conclusion, et qu’on ne me reproche de ramener les qualités occultes. On ne cesse de nous objecter que la gravité est une qualité de cette espèce, et qu’on doit bannir absolument de la philosophie toutes les explications fondées sur de pareilles causes : mais nous pouvons répondre que l’on ne doit pas appeler occultes des qualités dont l’existence est évidemment dé-montrée par l’expérience ; mais celles-là seulement qui n’en ont qu’une imaginaire, et qui ne sont prouvées en aucune manière. Ceux qui ont réellement recours aux qualités occultes sont ceux qui, pour expliquer les mouvements de la nature, ont imaginé des tourbillons d’une matière qu’ils forgent à plaisir, et qui ne tombe sous aucun sens.

Faudra-t-il donc rejeter la gravité de tous les ouvrages philosophi-ques, comme une qualité occulte, par ce que l’on ignore jusqu’à pré-sent la cause de cette même gravité ? En établissant de pareils princi-pes, que l’on prenne garde de donner dans des absurdités manifestes, et de ruiner par là tous les fondements de la Philosophie. En effet tou-tes les causes sont liées les unes aux autres par une chaîne non inter-rompue, et se déduisent les unes des autres en allant du plus simple au plus composé. Si vous arrivez une fois à la cause la plus simple, il ne vous sera pas possible de remonter plus haut ; car on ne peut pas don-ner une explication mécanique de la cause la plus simple ; et si cela se pouvait, dès lors elle cesserait d’être telle. Il faudra donc traiter de qualités occultes les causes de cette nature, et les bannir de la Philoso-phie ; ce qui ne peut avoir lieu, que l’on n’exclue pareillement toutes celles qui dépendent immédiatement des premières, et celles qui se déduisent des secondes, et ainsi de suite jusqu’à ce que l’on ait abso-lument supprimé toutes les causes des phénomènes qu’il faut expli-quer.

D’autres regardent la gravité comme un effet surnaturel, et veulent que ce soit un miracle perpétuel, d’où ils concluent qu’il faut la reje-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 32 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

ter, puisque les causes surnaturelles ne doivent point avoir lieu en physique. Une objection si misérable, et qui renverse toute philoso-phie, mérite à peine que l’on y réponde ; car suivant cette idée, ils se trouvent réduits à l’une de ces deux extrémités, ou de soutenir, contre toute évidence, que la pesanteur n’est pas une propriété commune à tous les corps ; ou de regarder comme surnaturel tout ce qui ne dépend pas des autres propriétés des corps, ou d’une cause mécanique. Il est cependant constant qu’il y a dans les corps des propriétés primitives, et qui par cette raison ne peuvent dépendre d’autres propriétés : que l’on examine donc si ces propriétés ne sont pas surnaturelles, et par conséquent dans le cas d’être rejetées ; qu’on voie enfin ce que de-viendrait la Philosophie avec de tels raisonnements.

Il a encore une autre espèce de Philosophes qui ne rejettent la Phy-sique céleste de M. Newton que parce qu’elle est opposée au système de Descartes, et ne paraît pas pouvoir s’accorder avec les principes de ce Philosophe. Nous ne pouvons pas les empêcher de suivre leur sen-timent ; mais il faut qu’ils se conduisent de même à notre égard, et qu’ils ne refusent pas aux autres une liberté qu’ils veulent qu’on leur accorde. Qu’il nous soit donc permis d’embrasser la Philosophie de Newton, et de nous y attacher, parce qu’elle nous paraît plus vérita-ble ; qu’il nous soit permis de préférer des causes prouvées par les phénomènes à des causes fictives, et qui ne sont confirmées par aucu-ne expérience. Une vraie Philosophie ne doit employer dans l’explication de la nature que des causes vraiment existantes ; elle ne doit point chercher les lois par lesquelles le Tout-puissant aurait pu produire l’ordre admirable qui règne dans cet univers, s’il avait jugé à-propos de les employer ; mais seulement celles qu’il a réellement éta-blies par un acte libre de sa volonté. En effet, nous pouvons croire rai-sonnablement qu’un même effet peut être produit par plusieurs causes différentes ; mais la vraie cause pour un Philosophe, est celle qui pro-duit actuellement l’effet dont il est question : la bonne Philosophie n’en reconnaît point d’autres. Dans les pendules, le même mouvement de l’aiguille qui marque les heures peut dépendre également d’un poids suspendu, ou d’un ressort enfermé dans la machine. Si l’on a devant soi une horloge mise en mouvement par un poids, ce serait une chose ridicule d’imaginer un ressort, et de vouloir expliquer le mou-vement de l’aiguille par cette hypothèse faite avec trop de précipita-tion ; Car il fallait d’abord considérer attentivement la construction

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 33 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

intérieure de la machine, afin de reconnaître par expérience le vrai principe du mouvement proposé : on peut porter à-peu-près le même jugement de ces Philosophes qui commencent par établir que l’espace immense des Cieux est rempli d’une matière extrêmement subtile, et veulent ensuite que cette même matière soit mise dans un mouvement continuel par les tourbillons qu’elle a formés ; car il pourrait arriver qu’ils expliquassent tous les Phénomènes par leurs hypothèses, et l’on ne pourrait pas dire pour cela qu’ils nous eussent donné une vraie Phi-losophie, ni qu’ils eussent découvert les vraies causes des mouve-ments célestes ; à moins qu’ils ne nous aient démontré l’une de ces deux propositions, ou que les causes qu’ils nous donnent existent réel-lement, ou qu’il n’en pourrait exister d’autres.

Si donc nous faisons voir que l’attraction des corps a réellement lieu dans la nature ; si nous montrons de plus comment on peut expli-quer tous les mouvements célestes par cette propriété ; dès lors c’est nous faire une objection ridicule et sans force, que de vouloir nous prouver que l’on doit expliquer ces mêmes mouvements par les tour-billons, quand même nous aurions accordé la possibilité d’une telle explication. Mais il s’en faut de beaucoup, car on ne peut expliquer ces phénomènes en aucune manière par le moyen des tourbillons, c’est une chose si bien prouvée par notre Auteur, démontrée par des raisons si solides, que ce serait vouloir s’occuper sérieusement de rê-veries que de consacrer sans aucun fruit son temps et ses travaux, à rétablir un édifice misérable et chimérique par des éclaircissements ou des commentaires également inutiles,

En effet, si les corps des Planètes et des Comètes sont emportés au-tour du Soleil par des tourbillons ; il faut que les corps emportés et les parties du tourbillon voisines de ces corps aient la même vitesse et la même direction ; il faut par conséquent qu’elles aient la même densité ou une même force directement proportionnelle à la quantité de matiè-re. Or il est constant que les Planètes et les Comètes, lorsqu’elles se trouvent dans la même partie du Ciel, ont néanmoins des vitesses et des directions différentes. Il est donc nécessaire que les mêmes parties du fluide céleste, qui sont à égales distances du soleil tournent dans le même temps avec des directions et des vitesses différentes ; car il faut une direction et une vitesse déterminée pour le passage des Planètes ; et il faut dans le même temps une autre vitesse et une autre direction pour le passage des Comètes. Comme ce Phénomène est absolument

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 34 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

inexplicable, de deux choses l’une, ou il faudra convenir que tous les corps célestes ne sont pas emportés par un tourbillon ; ou il faudra di-re que ce n’est pas un seul tourbillon qui produit tous ces mouve-ments ; mais plusieurs qui sont différents les uns des autres, et qui oc-cupent le même espace du Ciel, qu’ils parcourent dans le même temps avec des vitesses et des directions différentes.

Si l’on suppose qu’un même espace contient différents tourbillons, qui se pénètrent mutuellement et font leurs révolutions avec des mou-vements différents ; comme d’ailleurs tous les mouvements doivent être parfaitement analogues à ceux des corps qu’ils entraînent, les-quels font leurs révolutions avec une régularité surprenante dans des sections coniques tantôt fort excentriques, tantôt presque circulaires ; on peut demander avec raison comment il peut se faire que ces mou-vements se conservent en entier sans jamais avoir été troublés depuis tant de siècles par les actions diverses de la matière qu’ils rencontrent sans cesse. Si de plus on fait attention que ces mouvements imaginai-res sont plus composés et plus difficiles à expliquer que les mouve-ments réels et véritables des Planètes et des Comètes ; on sera bientôt convaincu, ainsi que nous, qu’ils ont été gratuitement introduits dans la Philosophie ; car toute cause doit être plus simple que son effet. Si l’on accorde une fois la liberté d’imaginer tout ce que l’on voudra, on verra bientôt quelqu’un nous assurer que toutes les Planètes et les Comètes sont ainsi que notre Terre environnées d’atmosphères ; et d’abord cette hypothèse paraît plus conforme à la raison. On nous dira ensuite que ces atmosphères, par leur nature, se meuvent autour du soleil et décrivent des sections coniques ; et ce mouvement peut enco-re se concevoir plus facilement qu’un semblable mouvement propre à divers tourbillons qui se pénètrent mutuellement : enfin on établira bientôt, comme une chose absolument hors de doute, que les Planètes et les Comètes sont emportées autour du soleil par leurs atmosphères, et l’on triomphera d’avoir ainsi découvert les causes des mouvements célestes. Mais quiconque rejette une pareille fiction doit aussi à plus sorte raison rejeter la première ; car ces deux hypothèses n’en sont absolument qu’une seule.

Galilée a démontré qu’une pierre jetée et mue dans une parabole ne quitte la ligne droite que par la force de la pesanteur, qui est pourtant une qualité occulte. Mais il faut espérer que quelque Philosophe plus fin et plus adroit imaginera un jour une autre cause ; il supposera

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 35 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

quelque matière subtile, invisible, impalpable, qui ne peut tomber sous aucun sens, mais qui se trouve dans les environs de la surface de la Terre ; il soutiendra que cette matière se meut dans toutes sortes de directions, qu’elle obéit à toutes sortes de mouvements différents et même opposés, et enfin qu’elle décrit toutes sortes de lignes paraboli-ques ; ensuite il aura bientôt expliqué d’une manière brillante pour-quoi la pierre quitte la ligne droite ; et par là s’attirera l’approbation d’un vulgaire ignorant. Cette pierre, nous dira-t-il, nage dans un fluide subtil, et en suivant son cours, elle doit nécessairement se conformer au mouvement du milieu dans lequel elle se trouve. Or ce fluide se meut dans des lignes paraboliques ; donc il faut absolument que la pierre décrive une parabole ? Qui n’admirera un si grand Philosophe, un génie si perçant ? est-il possible d’expliquer les Phénomènes de la nature d’une manière plus claire, plus à la portée même du commun, et enfin par des causes plus mécaniques, la matière et le mouvement ? Qui ne rira au contraire de ce pauvre Galilée, qui emploie le plus grand appareil de Géométrie pour ramener de nouveau des qualités occultes que l’on avait si sagement bannies de la Philosophie : mais rougissons de nous amuser à des puérilités de cette nature , et parlons enfin sérieusement.

Tout se réduit à ce qui suit : il y a un nombre infini de Comètes, leurs mouvements sont extrêmement réguliers, et elles suivent préci-sément les mêmes lois que les Planètes ; elles se meuvent dans des sections coniques ; leurs trajectoires sont extrêmement excentriques ; il y en a dans toutes les parties du Ciel ; elles parcourent les espaces célestes, et passent auprès des Planètes avec la plus grande facilité ; souvent même elles marchent contre l’ordre des lignes : tous ces Phé-nomènes sont confirmés par les observations astronomiques, et ne peuvent s’expliquer par les tourbillons. Bien plus ils ne peuvent pas même exister si les Planètes se trouvent entraînées par des tourbil-lons ; enfin le mouvement des Comètes devient absolument impossi-ble, si l’on ne bannit de l’univers, cette matière subtile qui ne doit son existence qu’à l’imagination, et si on ne la fait rentrer dans le néant dont on l’avait tirée.

Examinons encore cette matière et voyons plus en détail ce qui suit de l’hypothèse des tourbillons. Si les Planètes sont ainsi emportées autour du soleil ; suivant ce que l’on a déjà dit, les parties du tourbil-lon qui environnent la Planète doivent être de même densité qu’elle ;

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 36 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

ainsi toute la matière qui environne le périmètre du grand orbe sera aussi dense que la Terre, et celle qui se trouve entre ce grand orbe et celui de Saturne aura autant ou plus de densité ; car pour qu’un tour-billon puisse subsister, il faut que les parties les moins denses soient vers le centre et que les plus denses s’en éloignent. En effet, puisque les carrés des temps périodiques des Planètes sont comme les cubes des distances au Soleil, il faut que les temps périodiques des parties de chaque tourbillon voisines de la Planète suivent à-peu-près le même rapport : or il suit de là que les forces centrifuges de ces mêmes par-ties sont en raison inverse des carrés des distances. Donc celles qui sont plus éloignées ont moins de force centrifuge, et par conséquent si elles ont moins de densité elles céderont à la plus grande force avec laquelle les parties plus voisines du centre tâchent de s’en écarter ; donc les plus denses monteront tandis que les moins denses descen-dront : il y aura ainsi un changement continuel de lieu jusqu’à ce que toute la matière du tourbillon se trouve tellement disposée qu’elle puisse demeurer en équilibre. Si deux fluides de différente pesanteur spécifique sont contenus dans un même vase, on sait que le plus pe-sant va toujours au fond ; et c’est par une raison presque toute sem-blable que les parties les plus denses d’un tourbillon s’écartent du cen-tre en vertu d’une plus grande force centrifuge. Il faut donc reconnaî-tre que toute la partie du tourbillon qui se trouve au-dehors de l’orbe de la Terre, par rapport au soleil, aura une densité et par conséquent une force d’inertie proportionnée à la quantité de matière, laquelle densité sera au moins égale à la densité et à l’inertie de notre Terre ; d’où il suit que les Comètes éprouveront une résistance considérable et très sensible dans leur mouvement, pour ne pas dire capable de le détruire absolument, comme cela est plus que probable. Il est néan-moins certain par la régularité des mouvements de ces mêmes Comè-tes, qu’elles n’éprouvent pas la moindre résistance sensible, et par conséquent qu’elles ne trouvent nulle part aucune matière qui puisse leur résister, ou ce qui revient au même, qui ait quelque densité ou quelque force d’inertie. Car la résistance des milieux ne vient que de l’inertie de la matière fluide, ou de la viscosité ou ténacité des parties de ce même fluide. Celle qui vient de cette dernière cause est très peti-te et peut à peine être observée dans les fluides connus, à moins que le degré de viscosité ou ténacité ne se trouve très considérable, comme cela se voit dans l’huile ou le miel. La résistance que l’on éprouve dans l’eau, dans l’air, dans le vif-argent et autres fluides de cette espè-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 37 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

ce qui n’ont point de viscosité est presque toute de même nature que celle dont nous avons parlé d’abord, et ne peut pas être diminuée par de nouveaux degrés de subtilité, tant que la densité à laquelle elle est toujours proportionnelle, reste la même. Tout ceci est démontré par notre illustre Auteur avec toute la clarté possible, dans sa belle Théo-rie de la résistance des milieux ; Théorie qui se trouve exposée avec beaucoup plus de précision dans cette nouvelle Édition, et qui est en-core confirmée davantage par les expériences sur la chute des corps.

On sait que les corps en mouvement le communiquent peu à peu au fluide environnant ; cette communication produit une perte, et cette perte ralentît nécessairement la vitesse. La diminution de vitesse est donc proportionnelle au mouvement communiqué, lequel est lui-même comme la densité du fluide lorsque la vitesse est connue : donc la diminution de mouvement ou la résistance sera aussi comme la même densité du fluide, et rien ne peut la supprimer, à moins que le fluide qui vient choquer les parties postérieures du corps en mouve-ment ne lui rende ce qu’il a perdu par la résistance du milieu. Mais c’est ce que l’on ne peut dire, à moins que l’impression du fluide sur les parties postérieures du corps ne soit égale à celle que le même corps exerce sur les parties du fluide qui lui sont directement oppo-sées ; c’est-à-dire, à moins que la vitesse relative avec laquelle le flui-de revient frapper le corps par derrière ne soit égale à celle avec la-quelle le corps frappe le fluide ; ou, ce qui revient au même, à moins que la vitesse absolue du fluide récurrent ne soit double de celle du fluide repoussé par le corps ; ce qui est absolument impossible. On ne peut donc en aucune manière supprimer la résistance des fluides, du moins celle que produisent la densité et l’inertie ; d’où il faut conclure que les fluides célestes n’ont aucune force d’inertie puisqu’ils n’opposent aucune résistance ; qu’il n’y a pareillement aucune force qui communique le mouvement, puisqu’il n’y a point de force d’inertie ; point de force qui puisse produire le plus léger changement dans les corps en général ou en particulier, puisqu’il n’y a point de force qui puisse communiquer le mouvement ; en un mot que ces flui-des n’ont aucune efficacité, puisqu’ils n’ont aucun moyen de produire le changement. Pourquoi, donc ne pas regarder comme ridicule et in-digne d’un Philosophe une hypothèse qui n’a point de fondement et ne peut en aucune manière servir à expliquer les lois et les phénomènes de la nature ? Ceux qui veulent que l’univers soit rempli de matière, et

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 38 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

en même temps soutiennent que cette matière n’a point de force d’inertie ; établissent réellement l’existence du vide dont ils ne sup-priment que le nom ; car puisqu’il n’y a aucune manière et aucune rai-son de distinguer une telle matière du vide, il est évident que ce n’est plus qu’une dispute de mots. Si malgré tout cela, il y a encore des per-sonnes si fort attachées à la matière qu’elles veuillent croire qu’il n’est pas possible d’admettre un espace absolument vide de corps, voyons enfin où cette assertion les conduira.

Diront-ils que ce plein dans lequel ils imaginent que l’univers est construit, est un effet de la volonté de Dieu qui a tout disposé de cette manière afin de trouver pour les opérations de la nature une ressource toujours présente dans cette matière subtile qui pénètre et remplit tout ; quoique nous ayons déjà prouvé que l’on ne peut avancer cette proposition, puisqu’il est démontré par les phénomènes des Comètes qu’une telle matière ne peut avoir aucune efficacité ? Avanceront-ils que Dieu a voulu établir ce plein, pour une fin que nous ne connais-sons pas, ce qui serait une autre absurdité, puisque l’on pourrait prou-ver par le même raisonnement toute autre disposition et tout autre mé-canisme qu’il plairait d’imaginer pour expliquer le système de l’univers ? Oseraient-ils enfin nous assurer que ce plein universel n’est pas dépendant de la volonté de Dieu, mais qu’il doit son existen-ce à une certaine nécessité de la nature ? Il faut donc qu’ils retombent dans toutes les impiétés de la plus méprisable de toutes les sectes, de ceux qui sont assez stupides pour croire que tout se fait au hasard, et non par une Providence souverainement intelligente ; de ces hommes qui s’imaginent que la matière a toujours existé nécessairement et en tout lieu, qu’elle est infinie et éternelle. Si on leur accordait ce princi-pe, il s’ensuit aussi de là qu’elle doit être absolument uniforme et ho-mogène dans toute son étendue ; car la variété des formes est directe-ment opposée à la nécessité de l’existence : elle sera aussi par la mê-me raison immobile ; car si elle se meut nécessairement vers un cer-tain point de l’étendue, avec une certaine vitesse déterminée ; par une égale nécessité elle sera aussi en mouvement vers un autre point de l’étendue avec une vitesse différente ; mais il est évident qu’elle ne peut se mouvoir en même temps vers différents lieux et avec des vi-tesses différentes ; elle est donc nécessairement immobile. Donc il n’a pas pu résulter de cette matière un monde aussi beau et aussi admira-ble que le nôtre, par la variété des formes et des mouvements ; cet ou-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 39 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

vrage ne peut donc être qu’un effet de la volonté souverainement libre d’un Dieu qui prévoit tout et qui gouverne tout.

C’est là qu’il faut chercher la source et l’origine de toutes ces lois que nous appelons lois de la nature, dans lesquelles on retrouve à chaque instant les marques sensibles d’une intelligence infinie, sans jamais y découvrir le moindre trait qui puisse nous les faire regarder comme nécessaires. Se flatter de pouvoir découvrir les principes d’une vraie physique et les lois de la nature par la seule force de son génie, en fermant les yeux sur tout ce qui nous environne, pour ne consulter que la lumière d’une raison intérieure ; c’est établir que le monde existe nécessairement, et que les lois dont il s’agit sont des suites im-médiates de cette nécessité : ou si l’on est persuadé que cet Univers est l’ouvrage d’un Dieu ; c’est avoir assez d’orgueil pour imaginer qu’un être aussi petit, aussi faible que l’homme, connaît néanmoins avec évidence ce que Dieu pouvait faire de mieux. Toute Philosophie saine et véritable est uniquement appuyée sur les phénomènes. Si les mêmes phénomènes nous conduisent de gré ou de force à des princi-pes dans lesquels on voit briller évidemment l’intelligence et le pou-voir absolu d’un Être souverainement sage et puissant ; ce n’est pas une raison de les rejeter, parce qu’ils déplairont à quelques particu-liers ; que ce soit pour ces gens-là des miracles ou des qualités oc-cultes, on ne doit point leur imputer les noms que la malice peut leur donner ; à moins qu’on ne veuille nous avouer tout simplement que la philosophie doit être fondée sur l’Athéisme ; mais il ne faut pas altérer et corrompre la Philosophie pour des hommes de cette espèce ; l’ordre de la nature doit être aussi sacré qu’il est immuable.

Les gens de bien et les juges équitables dans cette matière regarde-ront certainement comme la plus excellente manière de traiter la Phi-losophie, celle qui est fondée sur les expériences et les observations. Nous ne pouvons exposer ici la gloire et l’éclat que cette nouvelle Phi-losophie reçoit de l’excellent Ouvrage, de notre illustre Auteur. Rien de plus juste que le respectueux étonnement avec lequel ceux qui ont approfondi ces matières ne cessent d’admirer la force et la grandeur de cet heureux génie occupé à résoudre les problèmes les plus difficiles, et si supérieur à tout ce que l’on pouvait attendre de l’esprit humain : il a, pour ainsi dire, déchiré le voile de la nature pour nous en décou-vrir les plus admirables mystères : il a mis sous nos yeux une exposi-tion si élégante du système de l’univers, un ensemble si beau et si par-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 40 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

fait, qu’Alphonse 3 lui-même n’aurait plus rien à désirer ni pour l’harmonie, ni pour la simplicité, si ce prince vivait encore. Nous pou-vons maintenant contempler de plus près la majesté de la nature, jouir plus que jamais d’un spectacle si doux ; adorer et servir avec plus d’ardeur le Maître et le Créateur de toutes choses, et c’est là le plus grand avantage que l’on puisse retirer de la Philosophie. Il faut être aveugle pour ne pas voir dans le meilleur et le plus sage de tous les ouvrages, la sagesse et la bonté infinie de celui qui en est l’auteur ; mais c’est le comble de la folie que de ne vouloir pas le reconnaître.

Ce grand Ouvrage de M. Newton sera donc un solide rempart que les impies et les athées ne pourront jamais renverser ; c’est là qu’il faut chercher des armes si l’on veut les combattre avec succès. Il y a déjà longtemps que cette importante vérité a été reconnue, par un il-lustre Professeur du Collège de la Trinité, M. Richard Bentley, qui fait à la fois la gloire de son siècle et l’ornement de notre Académie. Ce grand homme aussi recommandable par une vaste érudition que par la protection qu’il accorde à tous les Savants, est aussi le premier qui l’ait démontré avec autant de force que d’élégance dans ses discours académiques, si universellement estimés, et qui ont été publiés en latin et en anglais. Je me fais un plaisir de reconnaître ici combien je lui suis redevable à toutes sortes d’égards, et je ne doute point que le Lec-teur ne soit pareillement disposé à lui payer le tribut de l’estime due à son savoir et à son mérite. Lié depuis longtemps d’une manière intime avec notre illustre Auteur ; et d’ailleurs aussi sensible à cette gloire qu’à celle qu’il reçoit de ses ouvrages, qui font les délices de toutes les personnes lettrées, il a su rendre un service également important au nom de son ami et au progrès des sciences. Les exemplaires de la der-nière édition des Principes étaient devenus très rares et se vendaient à un prix exorbitant. Il ne cessa de faire les plus vives instances à 3 Alphonse roi de Castille vivait vers le milieu du XIIIe siècle : il donna des

sommes prodigieuses pour faire construire de nouvelles tables astronomiques. On rapporte de lui un trait singulier qui revient à cet article. Lorsque les As-tronomes qu’il avait choisis pour faire cet Ouvrage lui présentèrent leur sys-tème, qui se trouvait embarrassé d’une infinité de cercles qu’ils avoient cru nécessaires pour expliquer les différents mouvements des astres : Si Dieu dit ce Prince, m’eut consulté lorsqu’il créa l’Univers, tout aurait été dans un or-dre meilleur et plus simple : Ironie adroite qui part moins d’un principe d’impiété, que d’un génie naturellement connaisseur, qui se doutait bien que le mécanisme l’Univers devait être beaucoup plus simple que celui qu’on lui proposait.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 41 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

M. Newton, et détermina enfin cet homme, aussi supérieur aux autres par sa modestie que par son savoir, à laisser paraître sous ses auspices et à ses dépens cette nouvelle édition que l’on a revue d’un bout à l’autre, et qui se trouve enrichie de diverses additions importantes que l’on y a faites ; enfin c’est par son crédit que je reçus dans le même temps une somme considérable qui me fut donnée, pour veiller à ce que cet Ouvrage fût exécuté avec tout le soin et toute la correction possible.

À Cambridge, le 12 Mai 1713.

ROGER COTES, Associé du Collège de la Tri-nité, et Professeur d’Astronomie et de Physique ex-périmentale.

Table des matières

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 42 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

AVERTISSEMENT SUR LES PLANCHES DE CET OUVRAGE

Comme on n’a pas voulu multiplier inutilement les Planches et les Figures, lorsqu’on trouvera une même Figure sous deux numéros, on regardera cette Figure comme si c’était deux figures séparées.

Les Planches qui étaient absolument nécessaires dans cet Ouvrage, et d’autres obstacles qu’on ne pouvait prévoir, ont empêché jusqu’ici la publication des Principes de Newton, qu’on se proposait de mettre en vente dès l’année 1756.

ERRATA ET SYMBOLES MATHÉMATIQUES

Nous n’avons pas repris ici la liste des errata de l’édition de 1759, mais nous avons corrigé dans le texte de cette édition électronique toutes les erreurs qui y étaient signalées.

Nous avons cru bon d’homogénéiser l’orthographe des nom pro-pres, et d’adopter l’orthographe actuelle. Par exemple, nous avons écrit Huygens (au lieu de Hughens), Thycho (à la place de Ticho) ou Viète (au lieu de Viet), etc.

Nous avons suivi, généralement, la nomenclature utilisée par Mme du Châtelet. Cependant, nous avons actualisé certains signes couram-ment utilisés en mathématiques au 18e siècle et qui n’ont plus cours aujourd’hui. Par exemple nous avons transcrit l’expression très fré-quemment rencontrée A : B :: C : D (A est à B comme C est à D) par A : B = C : D, suivant en cela la publication The history of mathemati-cal symbols, (http://www.unisanet.unisa.edu.au/07305/symbols.htm), du mathématicien D. Weaver.

Je tiens à remercier pour leur aide V. Simonet et E. Ressouche. J.-M. S.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 43 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

Table des matières

SUR LA PHYSIQUE DE NEWTON 4

À MADAME

La marquise du Chastelet

Tu m’appelles à toi, vaste et puissant génie, Minerve de la France, immortelle Émilie. Je m’éveille à ta voix, je marche à ta clarté, Sur les pas des vertus et de la vérité. Je quitte Melpomène et les jeux du Théâtre, Ces combats, ces lauriers, dont je fus idolâtre. De ces triomphes vains mon cœur n’est plus touché. Que le jaloux Rufus, à la Terre attaché, Traîne au bord du tombeau la fureur insensée D’enfermer dans un vers une fausse pensée ; Qu’il arme contre moi ses languissantes mains, Des traits qu’il destinait au reste des humains ; Que quatre fois par mois un ignorant Zoïle Élève en frémissant une voix imbécile ; Je n’entends point leurs cris que la haine a formés. Je ne vois point leurs pas dans la fange imprimés. Le charme tout-puissant de la Philosophie, Élève un esprit sage au-dessus de l’envie. Tranquille au haut des cieux, que Newton s’est soumis, Il ignore en effet s’il a des ennemis. Je ne les connais plus. Déjà de la carrière L’auguste vérité vient m’ouvrir la barrière ; Déjà ces tourbillons, l’un par l’autre pressés, Se mouvant sans espace, et sans règles entassés,

4 Cette lettre est imprimée au-devant des Éléments de Newton, donnés au Pu-

blic par M. de Voltaire en 1738 et 1742.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 44 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

Ces fantômes savants à mes yeux disparaissent. Un jour plus pur me luit ; les mouvements renaissent ; L’espace, qui de Dieu contient l’immensité, Voit rouler dans son sein l’Univers limité, Cet Univers si vaste à notre faible vue, Et qui n’est qu’un atome, un point dans l’étendue. Dieu parle, et le chaos se dissipe à sa voix. Vers un centre commun tout gravite à la fois. Ce ressort si puissant, l’âme de la nature, Était enseveli dans une nuit obscure. Le compas de Newton, mesurant l’Univers, Lève enfin ce grand voile, et les Cieux sont ouverts. Il découvre à mes yeux, par une main savante, De l’astre des saisons la robe étincelante ; L’émeraude, l’azur, le pourpre, le rubis, Sont l’immortel tissu dont brillent ses habits. Chacun de ses rayons dans sa substance pure, Porte en soi les couleurs dont se peint la nature, Et confondus ensemble ils éclairent nos yeux, Ils animent le monde, ils emplissent les Cieux. Confidents du Très-haut, substances éternelles, Qui brûlez de ses feux, qui couvrez de vos ailes Le Trône où votre Maître est assis parmi vous, Parlez ; du grand Newton n’étiez-vous point jaloux ? La mer entend sa voix. Je vois l’humide empire S’élever, s’avancer vers le Ciel qui l’attire : Mais un pouvoir central arrête ses efforts ; La mer tombe, s’affaisse, et roule vers ses bords. Comètes, que l’on craint à l’égal du tonnerre, Cessez d’épouvanter les peuples de la Terre ; Dans une ellipse immense achevez votre cours ; Remontez, descendez près de l’astre des jours ; Lancez vos feux, volez ; et revenant sans cesse, Des mondes épuisés ranimez la vieillesse. Et toi, sœur du Soleil, astre qui dans les Cieux Des sages éblouis trompaient les faibles yeux, Newton de ta carrière a marqué les limites : Marche, éclaire les nuits, tes bornes sont prescrites. Terre, change de forme, et que la pesanteur,

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 45 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

En abaissant le Pôle, élève l’Équateur. Pôle, immobile aux yeux, si lent dans votre course, Fuyez le char glacé des sept Astres de l’Ourse : 5 Embrassez dans le cours de vos longs mouvements Deux cents siècles entiers par delà six mille ans. Que ces objets sont beaux ! Que notre âme épurée, Vole à ces vérités dont elle est éclairée ! Oui, dans le sein de Dieu, loin de ce corps mortel, L’esprit semble écouter la voix de l’Éternel. Vous, à qui cette voix se fait si bien entendre, Comment avez-vous pu, dans un âge encore tendre, Malgré les vains plaisirs, ces écueils des beaux jours, Prendre un vol si hardi, suivre un si vaste cours, Marcher après Newton dans cette route obscure Du labyrinthe immense où se perd la nature ? Puissé-je auprès de vous, dans ce Temple écarté, Aux regards des Français montrer la Vérité, Tandis 6 qu’Algaroti, sûr d’instruire et de plaire, Vers le Tibre étonné conduit cette Étrangère. Que de nouvelles fleurs il orne ses attraits, Le compas à la main j’en tracerai les traits ; De mes crayons grossiers je peindrai l’immortelle ; Cherchant à l’embellir, je la rendrais moins belle. Elle est, ainsi que vous, noble, simple et sans fard, Au-dessus de l’éloge, au-dessus de mon art.

Table des matières

5 C’est la Période de la pression des Équinoxes, laquelle s’accomplit en vingt-

six mille neuf cents ans, ou environ. 6 M. Algaroti, jeune Vénitien, faisait imprimer alors à Venise un Traité sur la

Lumière, dans lequel il expliquait l’Attraction. Il y a eu sept éditions de son livre, lequel a été fort mal traduit en français.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 46 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

PRINCIPES MATHÉMATIQUES

DE LA PHILOSOPHIE NATURELLE

Table des matières

DÉFINITIONS.

DÉFINITION PREMIÈRE.

La quantité de matière se mesure par la densité et le volume pris ensemble.

L’air devenant d’une densité double est quadruple en quantité lors-que l’espace est double, et sextuple si l’espace est triple. On en peut dire autant de la neige et de la poudre condensées par la liquéfaction ou la compression, aussi bien que dans tous les corps condensés par quelque cause que ce puisse être.

Je ne fais point attention ici au milieu qui passe librement entre les parties des corps, supposé qu’un tel milieu existe. Je désigne la quan-tité de matière par les mots de corps ou de masse. Cette quantité se connaît par le poids des corps : car j’ai trouvé par des expériences très exactes sur les pendules, que les poids des corps sont proportionnels à leur masse ; je rapporterai ces expériences dans la suite.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 47 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

DÉFINITION II. La quantité de mouvement est le produit de la masse par la vitesse.

Le mouvement total est la somme du mouvement de chacune des parties ; ainsi la quantité du mouvement est double dans un corps dont la masse est double, si la vitesse reste la même ; mais si on double la vitesse, la quantité du mouvement sera quadruple.

DÉFINITION III.

La force qui réside dans la matière (vis insita) est le pou-voir quelle a de résister. C’est par cette force que tout corps persévère de lui-même dans son état actuel de repos ou de mouvement uniforme en ligne droite.

Cette force est toujours proportionnelle à la quantité de matière des corps, et elle ne diffère de ce qu’on appelle l’inertie de la matière, que par la manière de la concevoir : car l’inertie est ce qui fait qu’on ne peut changer sans effort l’état actuel d’un corps, soit qu’il se meuve, soit qu’il soit en repos, ainsi on peut donner à la force qui réside dans les corps le nom très expressif de force d’inertie.

Le corps exerce cette force toutes les fois qu’il s’agit de changer son état actuel, et on peut la considérer alors sous deux différents as-pects, ou comme résistante, ou comme impulsive : comme résistante, en tant que le corps s’oppose à la force qui tend à lui faire changer d’état ; comme impulsive, en tant que le même corps fait effort pour changer l’état de l’obstacle qui lui résiste.

On attribue communément la résistance aux corps en repos ; et la force impulsive à ceux qui se meuvent ; mais le mouvement et le re-pos, tels qu’on les conçoit communément, ne sont que respectifs : car les corps qu’on croit en repos ne sont pas toujours dans un repos abso-lu.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 48 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

DÉFINITION IV. La force imprimée (vis impressa) est l’action par laquelle l’état du corps est changé, soit que cet état soit le repos, ou le mouvement uniforme en ligne droite.

Cette force consiste uniquement dans l’action, et elle ne subsiste plus dans le corps, dès que l’action vient à cesser. Mais le corps per-sévère par sa seule force d’inertie dans le nouvel état dans lequel il se trouve. La force imprimée peut avoir diverses origines, elle peut être produite par le choc, par la pression, et par la force centripète.

DÉFINITION V.

La force centripète est celle qui fait tendre les corps vers quelque point, comme vers un centre, soit qu’ils soient tirés ou poussés vers ce point, ou qu’ils y tendent d’une façon quelconque.

La gravité qui fait tendre tous les corps vers le centre de la Terre ; la force magnétique qui fait tendre le fer vers l’aimant, et la force, quelle qu’elle soit, qui retire à tout moment les planètes du mouve-ment rectiligne, et qui les fait circuler dans des courbes, sont des for-ces de ce genre.

La pierre qu’on fait tourner par le moyen d’une fronde, agit sur la main, en tendant la fronde, par un effort qui est d’autant plus grand qu’on la fait tourner plus vite, et elle s’échappe aussitôt qu’on ne la retient plus. La force exercée par la main pour retenir la pierre, laquel-le est égale et contraire à la force par laquelle la pierre tend la fronde, étant donc toujours dirigée vers la main, centre du cercle décrit, est celle que j’appelle force centripète. Il en est de même de tous les corps qui se meuvent en rond, ils font tous effort pour s’éloigner du centre de leur révolution ; et sans le secours de quelque force qui s’oppose à cet effort et qui les retient dans leurs orbes, c’est-à-dire, de quelque force centripète, ils s’en iraient en ligne droite d’un mouve-ment uniforme.

Un projectile ne retomberait point vers la Terre, s’il n’était point animé par la force de la gravité, mais il s’en irait en ligne droite dans les cieux avec un mouvement uniforme, si la résistance de l’air était

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 49 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

nulle. C’est donc par sa gravité qu’il est retiré de la ligne droite, et qu’il s’infléchit sans cesse vers la Terre ; et il s’infléchit plus ou moins, selon sa gravité et la vitesse de son mouvement. Moins la gra-vité du projectile sera grande par rapport à sa quantité de matière, plus il aura de vitesse, moins il s’éloignera de la ligne droite, et plus il ira loin avant de retomber sur la Terre.

Ainsi, si un boulet de canon était tiré horizontalement du haut d’une montagne, avec une vitesse capable de lui faire parcourir un es-pace de deux lieues avant de retomber sur la Terre : avec une vitesse double, il n’y retomberait qu’après avoir parcouru à peu près quatre lieues, et avec une vitesse décuple, il irait dix fois plus loin ; (pourvu qu’on n’ait point d’égard à la résistance de l’air,) et en augmentant la vitesse de ce corps, on augmenterait à volonté le chemin qu’il par-courrait avant de retomber sur la Terre, et on diminuerait la courbure de la ligne qu’il décrirait ; en sorte qu’il pourrait ne retomber sur la Terre qu’à la distance de 10, de 30, ou de 90 degrés ; ou qu’enfin il pourrait circuler autour, sans y retomber jamais, et même s’en aller en ligne droite à l’infini dans le ciel.

Or, par la même raison qu’un projectile pourrait tourner autour de la Terre par la force de la gravité, il se peut faire que la lune par la force de sa gravité, (supposé qu’elle gravite) ou par quelqu’autre force qui la porte vers la Terre, soit détournée à tout moment de la ligne droite pour s’approcher de la Terre, et qu’elle soit contrainte à circuler dans une courbe, et sans une telle force, la lune ne pourrait être rete-nue dans son orbite.

Si cette force était moindre qu’il ne convient, elle ne retirerait pas assez la Lune de la ligne droite, et si elle était plus grande, elle l’en retirerait trop, et elle la tirerait de son orbe vers la Terre. La quantité de cette force doit donc être donnée ; et c’est aux Mathématiciens à trouver la force centripète nécessaire pour faire circuler un corps dans une orbite donnée, et à déterminer réciproquement la courbe dans la-quelle un corps doit circuler par une force centripète donnée, en par-tant d’un lieu quelconque donné, avec une vitesse donnée.

La quantité de la force centripète peut être considérée comme ab-solue, accélératrice et motrice.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 50 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

DÉFINITION VI. La quantité, absolue de la force centripète est plus grande ou moindre, selon l’efficacité de la cause qui la propage du centre.

C’est ainsi que la force magnétique est plus grande dans un aimant que dans un autre, suivant la grandeur de la pierre, et l’intensité de sa vertu.

DÉFINITION VII.

La quantité accélératrice de la force centripète est propor-tionnelle à la vitesse qu’elle produit dans un temps donné.

La force magnétique du même aimant est plus grande à une moin-dre distance, qu’à une plus grande. La force de la gravité est plus grande dans les plaines, et moindre sur le sommet des hautes monta-gnes, et doit être encore moindre (comme on le prouvera dans la suite) à de plus grandes distances de la Terre, et à des distances égales, elle est la même de tous côtés ; c’est pourquoi elle accélère également tous les corps qui tombent, soit qu’ils soient légers ou pesants, grands ou petits, abstraction faite de la résistance de l’air.

DÉFINITION VIII.

La quantité motrice de la force centripète est proportionnel-le au mouvement qu’elle produit dans un temps donné.

Le poids des corps est d’autant plus grand, qu’ils ont plus de mas-se ; et le même corps pèse plus près de la surface de la Terre, que s’il était transporté dans le ciel. La quantité motrice de la force centripète est la force totale avec laquelle le corps tend vers le centre, et propre-ment son poids ; et on peut toujours la connaître en connaissant la for-ce contraire et égale qui peut empêcher le corps de descendre.

J’ai appelé ces différentes quantités de la force centripète, motri-ces, accélératrices, et absolues, afin d’être plus court.

On peut, pour les distinguer, les rapporter aux corps qui sont attirés vers un centre, aux lieux de ces corps, et au centre des forces.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 51 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

On peut rapporter la force centripète motrice au corps, en la consi-dérant comme l’effort que fait le corps entier pour s’approcher du cen-tre, lequel effort est composé de celui de toutes ses parties.

La force centripète accélératrice peut se rapporter au lieu du corps, en considérant cette force en tant qu’elle se répand du centre dans tous les lieux qui l’environnent, pour mouvoir les corps qui s’y ren-contrent.

Enfin on rapporte la force centripète absolue au centre, comme à une certaine cause sans laquelle les forces motrices ne se propage-raient point dans tous les lieux qui entourent le centre ; soit que cette cause soit un corps central quelconque, (comme l’aimant dans le cen-tre de la force magnétique, et la Terre dans le centre de la force gravi-tante), soit que ce soit quelque autre cause qu’on n’aperçoit pas. Cette façon de considérer la force centripète est purement mathématique : et je ne prétends point en donner la cause physique.

La force centripète accélératrice est donc à la force centripète mo-trice, ce que la vitesse est au mouvement ; car de même que la quanti-té de mouvement est le produit de la masse par la vitesse, la quantité de la force centripète motrice est le produit de la force centripète accé-lératrice par la masse ; car la somme de toutes les actions de la force centripète accélératrice sur chaque particule du corps est la force cen-tripète motrice du corps entier. Donc à la surface de la Terre où la for-ce accélératrice de la gravité est la même sur tous les corps, la gravité motrice ou le poids des corps est proportionnel à leur masse ; et si on était placé dans des régions où la force accélératrice diminuait, le poids des corps y diminuerait pareillement ; ainsi il est toujours com-me le produit de la masse par la force centripète accélératrice. Dans les régions où la force centripète accélératrice serait deux fois moin-dre, le poids d’un corps sous double ou sous triple serait quatre fois ou six fois moindre.

Au reste, je prends ici dans le même sens les attractions et les im-pulsions accélératrices et motrices, et je me sers indifféremment des mots d’impulsion, d’attraction, ou de propension quelconque vers un centre : car je considère ces forces mathématiquement et non physi-quement ; ainsi le Lecteur doit bien se garder de croire que j’aie voulu désigner par ces mots une espèce d’action, de cause ou de raison phy-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 52 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

sique, et lorsque je dis que les centres attirent, lorsque je parle de leurs forces, il ne doit pas penser que j’aie voulu attribuer aucune force ré-elle à ces centres que je considère comme des points mathématiques.

SCHOLIE.

Je viens de faire voir le sens que je donne dans cet Ouvrage à des termes qui ne sont pas communément usités. Quant à ceux de temps, d’espace, de lieu et de mouvement, ils sont connus de tout le monde ; mais il faut remarquer que pour n’avoir considéré ces quantités que par leurs relations à des choses sensibles, on est tombé dans plusieurs erreurs.

Pour les éviter, il faut distinguer le temps, l’espace, le lieu, et le mouvement, en absolus et relatifs, vrais et apparents, mathématiques et vulgaires.

I. Le temps absolu, vrai et mathématique, sans relation à rien d’extérieur, coule uniformément, et s’appelle durée. Le temps relatif, apparent et vulgaire, est cette mesure sensible et externe d’une partie de durée quelconque (égale ou inégale) prise du mouvement : telles sont les mesures d’heures, de jours, de mois, et c’est ce dont on se sert ordinairement à la place du temps vrai.

II. L’espace absolu, sans relation aux choses externes, demeure toujours similaire et immobile.

L’espace relatif est cette mesure ou dimension mobile de l’espace absolu, laquelle tombe sous nos sens par sa relation aux corps, et que le vulgaire confond avec l’espace immobile. C’est ainsi, par exemple, qu’un espace, pris au-dedans de la Terre ou dans le ciel, est déterminé par la situation qu’il a à l’égard de la Terre.

L’espace absolu et l’espace relatif sont les mêmes d’espèce et de grandeur ; mais ils ne le sont pas toujours de nombre ; car, par exem-ple, lorsque la Terre change de place dans l’espace, l’espace qui contient notre air demeure le même par rapport à la Terre, quoique l’air occupe nécessairement les différentes parties de l’espace dans lesquelles il passe, et qu’il en change réellement sans cesse.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 53 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

III. Le lieu est la partie de l’espace occupée par un corps, et par rapport à l’espace, il est ou relatif ou absolu.

Je dis que le lieu est une partie de l’espace, et non pas simplement la situation du corps, ou la superficie qui l’entoure : car les solides égaux ont toujours des lieux égaux, quoique leurs superficies soient souvent inégales, à cause de la dissemblance de leurs formes, les si-tuations, à parler exactement, n’ont point de quantité, ce sont plutôt des affections des lieux, que des lieux proprement dits.

De même que le mouvement ou la translation du tout hors de son lieu est la somme des mouvements ou des translations des parties hors du leur ; ainsi le lieu du tout est la somme des lieux de toutes les par-ties, et ce lieu doit être interne, et être dans tout le corps entier (et propterea internus et in corpore toto).

IV. Le mouvement absolu est la translation des corps d’un lieu ab-solu dans un autre lieu absolu, et le mouvement relatif est la transla-tion d’un lieu relatif dans un autre lieu relatif ; ainsi dans un vaisseau poussé par le vent, le lieu relatif d’un corps est la partie du vaisseau dans laquelle ce corps se trouve, ou l’espace qu’il occupe dans la cavi-té du vaisseau ; et cet espace se meut avec le vaisseau ; et le repos re-latif de ce corps est sa permanence dans la même partie de la cavité du vaisseau. Mais le repos vrai du corps est sa permanence dans la partie de l’espace immobile, où l’on suppose que se meut le vaisseau et tout ce qu’il contient. Ainsi, si la Terre était en repos, le corps qui est dans un repos relatif dans le vaisseau aurait un mouvement vrai et absolu, dont la vitesse serait égale à celle qui emporte le vaisseau sur la surfa-ce de la Terre ; mais la Terre se mouvant dans l’espace, le mouvement vrai et absolu de ce corps est composé du mouvement vrai de la Terre dans l’espace immobile, et du mouvement relatif du vaisseau sur la surface de la Terre ; et si le corps avait un mouvement relatif dans le vaisseau, son mouvement vrai et absolu serait composé de son mou-vement relatif dans le vaisseau, du mouvement relatif du vaisseau sur la Terre, et du mouvement vrai de la Terre dans l’espace absolu. Quant au mouvement relatif de ce corps sur la Terre, il serait formé dans ce cas de son mouvement relatif dans le vaisseau, et du mouve-ment relatif du vaisseau sur la Terre. En sorte que si la partie de la Terre où se trouve ce vaisseau avait un mouvement vrai vers l’orient, avec une vitesse divisée en 10 010 parties : que le vaisseau fût empor-

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té vers l’occident avec 10 parties de cette vitesse ; et que le Pilote se promenât dans le vaisseau vers l’orient, avec une partie, de cette mê-me vitesse : ce pilote aurait un mouvement réel et absolu dans l’espace immobile, avec 10 001 parties de vitesse vers l’orient, et un mouvement relatif sur la Terre vers l’occident avec 9 parties de vites-se.

On distingue en astronomie le temps absolu du temps relatif par l’équation du temps. Car les jours naturels sont inégaux, quoiqu’on les prenne communément pour une mesure égale du temps ; et les Astro-nomes corrigent cette inégalité, afin de mesurer les mouvements cé-lestes par un temps plus exact.

Il est très possible qu’il n’y ait point de mouvement parfaitement égal, qui puisse servir de mesure exacte du temps ; car tous les mou-vements peuvent être accélérés et retardés, mais le temps absolu doit toujours couler de la même manière.

La durée ou la persévérance des choses est donc la même, soit que les mouvements soient prompts, soit qu’ils soient lents, et elle serait encore la même, quand il n’y aurait aucun mouvement, ainsi il faut bien distinguer le temps de ses mesures sensibles, et c’est ce qu’on fait par l’équation astronomique. La nécessité de cette équation dans la détermination des phénomènes se prouve assez par l’expérience des horloges à pendule, et par les observations des Éclipses des satellites de Jupiter.

L’ordre des parties de l’espace est aussi immuable que celui des parties du temps ; car si les parties de l’espace sortaient de leur lieu, ce serait, si l’on peut s’exprimer ainsi, sortir d’elles-mêmes. Les temps et les espaces n’ont pas d’autres lieux qu’eux-mêmes, et ils sont les lieux de toutes les choses. Tout est dans le temps, quant à l’ordre de la succession : tout est dans l’espace, quant à l’ordre de la situation. C’est là ce qui détermine leur essence, et il serait absurde que les lieux primordiaux se mussent. Ces lieux sont donc les lieux absolus, et la seule translation de ces lieux fait les mouvements absolus.

Comme les parties de l’espace ne peuvent être vues ni distinguées les unes des autres par nos sens, nous y suppléons par des mesures sensibles. Ainsi nous déterminons les lieux par les positions et les dis-tances à quelque corps que nous regardons comme immobile, et nous

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 55 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

mesurons ensuite les mouvements des corps par rapport à ces lieux ainsi déterminés : nous nous servons donc des lieux et des mouve-ments relatifs à la place des lieux et des mouvements absolus ; et il est à propos d’en user ainsi dans la vie civile : mais dans les matières phi-losophiques, il faut faire abstraction des sens, car il se peut faire qu’il n’y ait aucun corps véritablement en repos, auquel on puisse rapporter les lieux et les mouvements.

Le repos et le mouvement relatifs et absolus sont distingués par leurs propriétés, leurs causes et leurs effets. La propriété du repos est que les corps véritablement en repos y sont les uns à l’égard des au-tres. Ainsi, quoiqu’il soit possible qu’il y ait quelque corps dans la ré-gion des fixes, ou beaucoup au-delà, qui soit dans un repos absolu, comme on ne peut pas connaître par la situation qu’ont entre eux les corps d’ici-bas, si quelques uns de ces corps conservent ou non sa si-tuation par rapport à ce corps éloigné, on ne saurait déterminer, par le moyen de leur situation que ces corps ont entre eux, s’ils sont vérita-blement en repos.

La propriété du mouvement est que les parties qui conservent des positions données par rapport aux touts participent aux mouvements de ces touts ; car si un corps se meut autour d’un axe, toutes ses par-ties font effort pour s’éloigner de cet axe, et s’il a un mouvement pro-gressif, son mouvement total est la somme des mouvements de toutes ses parties. De cette propriété il suit que si un corps se meut, les corps qu’il contient, et qui sont par rapport à lui dans un repos relatif, se meuvent aussi ; et par conséquent le mouvement vrai et absolu ne sau-rait être défini par la translation du voisinage des corps extérieurs, que l’on considère comme en repos. Il faut que les corps extérieurs soient non seulement regardés comme en repos, mais qu’ils y soient vérita-blement : autrement les corps qu’ils renferment, outre leur translation du voisinage des ambiants, participeront encore au mouvement vrai des ambiants, et s’ils ne changeaient point de position par rapport aux parties des ambiants, ils ne seraient pas pour cela véritablement en repos ; mais ils seraient seulement considérés comme en repos. Les corps ambiants sont à ceux qu’ils contiennent, comme toutes les par-ties extérieures d’un corps sont à toutes ses parties intérieures, ou comme l’écorce est au noyau. Or l’écorce étant mue, le noyau se meut aussi, quoiqu’il ne change point sa situation par rapport aux parties de l’écorce qui l’environnent.

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Il suit de cette propriété du mouvement qu’un lieu étant mû, tout ce qu’il contient se meut aussi, et par conséquent qu’un corps qui se meut dans un lieu mobile, participe au mouvement de ce lieu. Tous les mouvements qui s’exécutent dans des lieux mobiles ne sont donc que les parties des mouvements entiers et absolus. Le mouvement entier et absolu d’un corps est composé du mouvement de ce corps dans le lieu où l’on le suppose, du mouvement de ce lieu dans le lieu où il est pla-cé lui-même, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’on arrive à un lieu immo-bile, comme dans l’exemple du Pilote dont on a parlé ci-dessus. Ainsi les mouvements entiers et absolus ne peuvent se déterminer qu’en les considérant dans un lieu immobile : et c’est pourquoi j’ai rapporté ci-dessus les mouvements absolus à un lieu immobile, et les mouve-ments relatifs à un lieu mobile. Il n’y a de lieux immobiles que ceux qui conservent à l’infini dans tous les sens leurs situations respecti-ves ; et ce sont ces lieux qui constituent l’espace que j’appelle immo-bile.

Les causes par lesquelles on peut distinguer le mouvement vrai du mouvement relatif sont les forces imprimées dans les corps pour leur donner le mouvement : car le mouvement vrai d’un corps ne peut être produit ni changé que par des forces imprimées à ce corps même ; au lieu que son mouvement relatif peut être produit et changé, sans qu’il éprouve l’action d’aucune force : il suffit qu’il y ait des forces qui agissent sur les corps par rapport auxquels on le considère, puisque ces corps étant mus, la relation dans laquelle consiste le repos ou le mouvement relatif change, de même, le mouvement absolu d’un corps peut changer, sans que son mouvement relatif change ; car si les for-ces qui agissent sur ce corps agissaient en même temps sur ceux par rapport auxquels on le considère, et en telle sorte que les relations res-tassent toujours les mêmes, le mouvement relatif, qui n’est autre chose que ces relations, ne changerait point. Ainsi le mouvement relatif peut changer, tandis que le mouvement vrai et absolu reste le même, et il peut se conserver aussi, quoique le mouvement absolu change ; il est donc sûr que le mouvement absolu ne consiste point dans ces sortes de relations.

Les effets par lesquels on peut distinguer le mouvement absolu du mouvement relatif, sont les forces qu’ont les corps qui tournent pour s’éloigner de l’axe de leur mouvement ; car dans le mouvement circu-laire purement relatif, ces forces sont nulles, et dans le mouvement

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 57 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

circulaire vrai et absolu elles sont plus ou moins grandes, selon la quantité du mouvement.

Si on fait tourner en rond un vase attaché à une corde jusqu’à ce que la corde, à force d’être torse, devienne en quelque sorte inflexi-ble ; si on met ensuite de l’eau dans ce vase, et qu’après avoir laissé prendre à l’eau et au vase l’état de repos, on donne à la corde la liberté de se détortiller, le vase acquerra par ce moyen un mouvement qui se conservera très longtemps : au commencement de ce mouvement la superficie de l’eau contenue dans le vase restera plane, ainsi qu’elle l’était avant que la corde se détortillât ; mais ensuite le mouvement du vase se communiquant peu à peu à l’eau qu’il contient, cette eau commencera à tourner, à s’élever vers les bords, et à devenir concave, comme je l’ai éprouvé, et son mouvement s’augmentant, les bords de cette eau s’élèveront de plus en plus, jusqu’à ce que les révolutions s’achevant dans des temps égaux à ceux dans lesquels le vase fait un tour entier, l’eau sera dans un repos relatif par rapport à ce vase. L’ascension de l’eau vers les bords du vase marque l’effort qu’elle fait pour s’éloigner du centre de son mouvement, et on peut connaître et mesurer par cet effort le mouvement circulaire vrai et absolu de cette eau, lequel est entièrement contraire à son mouvement relatif ; car dans le commencement où le mouvement relatif de l’eau dans le vase était le plus grand, ce mouvement n’excitait en elle aucun effort pour s’éloigner de l’axe de son mouvement : l’eau ne s’élevait point vers les bords du vase, mais elle demeurait plane, et par conséquent elle n’avait pas encore de mouvement circulaire vrai et absolu : lorsque ensuite le mouvement relatif de l’eau vint à diminuer, l’ascension de l’eau vers les bords du vase marquait l’effort qu’elle faisait pour s’éloigner de l’axe de son mouvement ; et cet effort, qui allait toujours en augmentant, indiquait l’augmentation de son mouvement circulaire vrai. Enfin ce mouvement vrai fut le plus grand, lorsque l’eau fut dans un repos relatif dans le vase. L’effort que faisait l’eau pour s’éloigner de l’axe de son mouvement, ne dépendait donc point de sa translation du voisinage des corps ambiants, et par conséquent le mouvement cir-culaire vrai ne peut se déterminer par de telles translations.

Le mouvement vrai circulaire de tout corps qui tourne est unique, et il répond à un seul effort qui est la mesure naturelle et exacte ; mais les mouvements relatifs sont variés à l’infini, selon toutes les relations aux corps extérieurs ; et tous ces mouvements, qui ne sont que des re-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 58 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

lations, n’ont aucun effet réel, qu’en tant qu’ils participent du mou-vement vrai et unique. De-là, il suit que dans le système de ceux qui prétendent que nos cieux tournent au-dessous des cieux des Étoiles fixes, et qu’ils emportent les Planètes par leurs mouvements : toutes les parties des cieux, et les Planètes qui sont en repos par rapport aux cieux qui les environnent se meuvent réellement ; car elles changent leur position entre elles (au contraire de ce qui arrive aux corps qui sont dans un repos absolu) et étant transportées avec les cieux qui les entourent, elles font effort, ainsi que les parties des touts qui tournent, pour s’éloigner de l’axe du mouvement.

Les quantités relatives ne sont donc pas les véritables quantités dont elles portent le nom, mais ce sont les mesures sensibles, (exactes ou non exactes) que l’on emploie ordinairement pour les mesurer. Or comme la signification des mots doit répondre à l’usage qu’on en fait, on aurait tort si on entendait par les mots de temps, d’espace, de lieu et de mouvement, autre chose que les mesures sensibles de ces quanti-tés, excepté dans le langage purement mathématique. Lorsqu’on trou-ve donc ces termes dans l’Écriture, ce serait faire violence au texte sacré, si au lieu de les prendre pour les quantités qui leur servent de mesures sensibles, on les prenait pour les véritables quantités abso-lues, ce serait de même aller contre le but de la Philosophie et des Ma-thématiques, de confondre ces mêmes mesures sensibles ou quantités relatives avec les quantités absolues qu’elles mesurent.

Il faut avouer qu’il est très difficile de connaître les mouvements vrais de chaque corps, et de les distinguer actuellement des mouve-ments apparents, parce que les parties de l’espace immobile dans les-quelles s’exécutent les mouvements vrais, ne tombent pas sous nos sens. Cependant il ne faut pas en désespérer entièrement, car on peut se servir, pour y parvenir, tant des mouvements apparents, qui sont les différences des mouvements vrais, que des forces qui sont les causes et les effets des mouvements vrais. Si, par exemple, deux globes atta-chés l’un à l’autre par le moyen d’un fil de longueur donnée viennent à tourner autour de leur centre commun de gravité, la tension du fil fera connaître l’effort qu’ils font pour s’écarter du centre du mouve-ment, et donnera par ce moyen la quantité du mouvement circulaire. Ensuite, si en frappant ces deux globes en même temps, dans des sens opposés, et avec des forces égales, on augmente ou on diminue le mouvement circulaire, on connaîtra par l’augmentation ou la diminu-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 59 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

tion de la tension du fil, l’augmentation ou la diminution du mouve-ment ; et enfin on trouvera par ce moyen les côtés de ces globes où les forces doivent être imprimées pour augmenter le plus qu’il est possi-ble le mouvement, c’est-à-dire, les côtés qui se meuvent parallèlement au fil, et qui suivent son mouvement, connaissant donc ces côtés et leurs opposés qui précèdent le mouvement du fil, on aura la détermi-nation du mouvement.

On parviendrait de même à connaître la quantité et la détermina-tion de ce mouvement circulaire dans un vide quelconque immense, où il n’y aurait rien d’extérieur ni de sensible à quoi on pût rapporter le mouvement de ces globes.

Si dans cet espace il se trouvait quelques autres corps très éloignés qui conservassent toujours entre eux une position donnée, tels que sont les étoiles fixes, on ne pourrait savoir par la translation relative des globes, par rapport à ces corps, s’il faudrait attribuer le mouve-ment aux globes, ou s’il le faudrait supposer dans ces corps ; mais si en faisant attention au fil qui joint les globes, on trouvait sa tension telle que le mouvement des globes le requiert ; alors non seulement on verrait avec certitude que ce sont les globes qui se meuvent, et que les autres corps sont en repos ; mais on aurait la détermination du mou-vement de ces globes par leurs translations relatives à l’égard des corps.

On fera voir plus amplement dans la suite comment les mouve-ments vrais peuvent se connaître par leurs causes, leurs effets, et leurs différences apparentes, et comment on peut connaître au contraire par les mouvements vrais ou apparents leurs causes et leurs effets, et c’est principalement dans cette vue qu’on a composé cet Ouvrage.

Table des matières

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 60 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

Table des matières

AXIOMES

OU LOIS DU MOUVEMENT.

PREMIÈRE LOI. Tout corps persévère dans l’état de repos ou de mouvement uniforme en ligne droite dans lequel il se trouve, à moins que quelque force n’agisse sur lui, et ne le contraigne à changer d’état.

Les projectiles par eux-mêmes persévèrent dans leurs mouvements, mais la résistance de l’air les retarde, et la force de la gravité les porte vers la Terre. Une toupie, dont les parties se détournent continuelle-ment les unes les autres de la ligne droite par leur cohérence récipro-que, ne cesse de tourner, que parce que la résistance de l’air la retarde peu à peu. Les planètes et les comètes qui sont de plus grandes mas-ses, et qui se meuvent dans des espaces moins résistants, conservent plus longtemps leurs mouvements progressifs et circulaires.

IIe LOI.

Les changements qui arrivent dans le mouvement sont pro-portionnels à la force motrice, et se font dans la ligne droite dans laquelle cette force a été imprimée.

Si une force produit un mouvement quelconque, une force double de cette première produira un mouvement double, et une force triple un mouvement triple, soit qu’elle ait été imprimée en un seul coup, soit qu’elle l’ait été peu à peu et successivement, et ce mouvement, étant toujours déterminé du même côté que la force génératrice, sera ajouté au mouvement que le corps est supposé avoir déjà, s’il conspire avec lui ; ou en sera, retranché, s’il lui est contraire, ou bien sera re-tranché ou ajouté en partie, s’il lui est oblique ; et de ces deux mou-vements il s’en formera un seul, dont la détermination sera composée des deux premières.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 61 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

IIIe LOI.

L’action est toujours égale et opposée à la réaction ; c’est-à-dire, que les actions de deux corps l’un sur l’autre sont toujours égales, et dans des directions contraires.

Tout corps qui presse ou tire un autre corps est en même temps tiré ou pressé lui-même par cet autre corps. Si on presse une pierre avec le doigt, le doigt est pressé en même temps par la pierre. Si un cheval tire une pierre par le moyen d’une corde, il est également tiré par la pierre : car la corde qui les joint et qui est tendue des deux côtés, fait un effort égal pour tirer la pierre vers le cheval, et le cheval vers la pierre ; et cet effort s’oppose autant au mouvement de l’un, qu’il exci-te le mouvement de l’autre.

Si un corps en frappe un autre, et qu’il change son mouvement, de quelque façon que ce soit, le mouvement du corps choquant sera aussi changé de la même quantité et dans une direction contraire par la for-ce du corps choqué, à cause de l’égalité de leur pression mutuelle.

Par ces actions mutuelles, il se fait des changements égaux, non pas de vitesse, mais de mouvement, pourvu qu’il ne s’y mêle aucune cause étrangère ; car les changements de vitesse qui se font de la mê-me manière dans des directions contraires doivent être réciproquement proportionnels aux masses, à cause que les changements de mouve-ment sont égaux. Cette loi a lieu aussi dans les attractions, comme je le prouverai dans le scholie suivant.

COROLLAIRE I.

Un corps poussé par deux forces parcourt, par leurs actions réunies, la diagonale d’un parallélogramme dans le même temps, dans lequel il aurait parcouru ses côtés séparément.

(Fig. 1)

Si le corps, pendant un temps donné, eut été transporté de A en B, d’un mouvement uniforme par la seule force M imprimée en A ; et que par la seule force N, imprimée dans le même lieu A, il eut été transpor-té de A en C, le corps par ces deux forces réunies sera transporté dans le même temps dans la diagonale AD du parallélogramme ABCD ; car

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 62 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

puisque la force N agit selon la ligne AC parallèle à BD, cette force, selon la seconde loi du mouvement, ne changera rien à la vitesse avec laquelle ce corps s’approche de cette ligne BD, par l’autre force M. Le corps s’approchera donc de la ligne BD dans le même temps, soit que la force N lui soit imprimée, soit qu’elle ne le soit pas ; ainsi à la fin de ce temps il sera dans quelque point de cette ligne BD. On prouvera, de la même manière qu’à la fin de ce même temps le corps sera dans un point quelconque de la ligne CD. Donc il sera nécessairement dans le point d’intersection D de ces deux lignes, et par la première loi il ira d’un mouvement rectiligne de A en D.

COROLLAIRE II.

D’où l’on voit qu’une force directe AD est composée des forces obliques quelconques AB et BD, et réciproquement qu’elle peut toujours se résoudre dans les forces obliques quelconques AB et BD. Cette résolution et cette composition des forces se trouve confirmée à tout moment dans la méca-nique.

(Fig. 2)

Supposons que du centre O d’une roue partent des rayons inégaux OM, ON, qui soutiennent par des fils MA, NP des poids A et P, et qu’on cherche les forces de ces poids pour faire tourner cette roue.

On mènera d’abord par le centre O la droite KOL perpendiculaire en K et en L aux fils MA, NP, et du centre O et de l’intervalle OL, le plus grand des intervalles OK, OL on décrira un cercle. On tirera en-suite par le centre O, et par l’intersection D de ce cercle avec le fil MA la droite OD à laquelle on mènera par A la parallèle AC, terminée en C par la droite DC, qui lui est perpendiculaire. Cela posé, comme il est indifférent que les points K, L, D, des fils soient attachés ou non au plan de la roue, les poids feront le même effet, soit qu’ils soient atta-chés aux points K et L, soit qu’ils soient attachés aux points D et L.

Soit donc exprimée la force totale du corps A par la ligne AD, et soit cette force décomposée dans les deux forces AC, et CD, la pre-mière AC tirant le rayon OD dans sa direction, ne contribue point au mouvement de la roue, mais la seconde DC tirant le rayon OD per-pendiculairement, fait le même effet que si elle tirait perpendiculaire-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 63 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

ment le rayon OL égal à OD, c’est-à-dire qu’elle sera équivalente au poids P, pourvu que ce poids soit au poids A, comme la force DC est à la force DA, ou, ce qui revient au même (à cause des triangles sem-blables ADC, DOK) comme OK à OD ou OL : donc si les poids A et P sont pris dans la raison renversée des rayons OK, OL, auxquels ils sont appliqués, ils seront en équilibre, ce qui est la propriété si connue du levier, de la balance, et du treuil. Si l’un des poids est à l’autre dans une plus grande raison, sa force en sera d’autant plus grande pour mouvoir la roue.

Supposons présentement que le poids p égal au poids P, soit en partie soutenu par le fil Np, et en partie par le plan pG, on mènera pH et NH, la première perpendiculaire à l’horizon, et l’autre au plan pG, et prenant pH pour exprimer la force avec laquelle le corps p tend en en bas, on décomposera cette force dans les deux pH et NH. Imaginant ensuite que le poids p, au lieu d’être attaché au fil Np, fut arrêté par un plan pQ perpendiculaire à la direction Np, et coupant le plan pG, dans une ligne parallèle à l’horizon, il est clair que les forces avec lesquel-les le corps presserait les plans pQ, pG, qui le retiendraient dans cette supposition, seraient exprimées, la première par pN, et la seconde par HN. Donc en supprimant le plan pQ, et laissant le fil Np qui fait abso-lument le même effet, la tension de ce fil sera la même force pN avec laquelle le plan pQ était pressé.

Ainsi la tension du fil, lorsqu’il est dans la situation oblique pN, est à la tension du même fil, lorsqu’il a, comme dans le cas précédent, la situation perpendiculaire PN, comme pN à pH. C’est pourquoi si le poids p est au poids A dans la raison composée de la raison réciproque des moindres distances du centre de la roue aux fils pN et AM, et de la raison directe de pH à pN ; ces poids auront une égale force pour faire mouvoir la roue, et seront par conséquent en équilibre, ce dont tout le monde peut reconnaître la vérité.

Le poids p, en s’appuyant sur ces deux plans obliques, est dans le même cas qu’un coin entre les deux surfaces internes du corps qu’il fend : et on peut connaître par là, les forces du coin et du marteau : puisqu’en effet la force avec laquelle le corps p, presse le plan pQ, est à la force avec laquelle ce même corps est poussé vers ces plans, sui-vant la ligne perpendiculaire pH, par la force de sa gravité ou par les

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 64 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

coups du marteau, comme pN à pH ; et à la force par laquelle il presse l’autre plan pG, comme pN à HN.

On peut par une semblable décomposition des forces trouver la force de la vis ; car la vis n’est autre chose qu’un coin mû par un le-vier, ce qui fait voir la fécondité de ce Corollaire, et fournit de nouvel-les preuves de la vérité ; il peut servir de base à toute la mécanique dans laquelle on a employé jusqu’à présent tant de différents princi-pes.

On en tire aisément, par exemple, les forces de toutes les machines composées de roues, de tambours, de poulies, de leviers, de cordes tendues, de poids montants directement ou obliquement, et enfin de toutes les puissances dont les machines sont ordinairement compo-sées ; on en tirerait aussi les forces nécessaires aux tendons pour mou-voir les membres des animaux.

COROLLAIRE III.

La quantité de mouvement, qui résulte de la somme de tous les mouvements vers le même côté, et de leurs différences vers des côtés opposés, ne change point par l’action des corps entre eux.

L’action et la réaction sont égales, suivant la troisième loi, donc par la seconde elles produisent dans les mouvements des changements égaux dans des directions opposées. Donc si les mouvements se font du même côté ; ce qui sera ajouté au mouvement du corps chassé, doit être ôté du mouvement de celui qui le suit, en sorte que la somme des mouvements demeure la même qu’auparavant. Si les corps viennent de deux côtés opposés, il faudra retrancher également du mouvement de ces deux corps, et par conséquent la différence des mouvements vers des côtés opposés demeurera toujours la même.

Supposons, par exemple, que la boule A soit triple de la boule B, et qu’elle ait deux parties de vitesse, et que B la suive dans la même li-gne droite avec 10 parties de vitesse, le mouvement du corps A sera à celui du corps B, comme 6 à 10 : prenant donc 6 et 10 pour exprimer les quantités de mouvement de ces corps, 16 sera la somme de leurs mouvements.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 65 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

Lorsque ces corps viendront à se rencontrer, si le corps A gagne 3, 4 ou 5 parties de mouvement, le corps B en perdra autant, en sorte que le corps A, après la réflexion continuant son chemin avec 9, 10 ou 11 parties de mouvement, le corps B, ira avec 7, 6 ou 5, et la somme sera toujours de 16 parties comme auparavant. Si le corps A gagne 9, 10, 11 ou 12 parties, et qu’il poursuive par conséquent son chemin après le choc avec 15, 16, 17 ou 18 parties de mouvement ; le corps B per-dant tout ce que le corps A gagne, continuera de se mouvoir vers le même côté avec une partie de mouvement, après en avoir perdu 9, ou il restera en repos, ayant perdu les 10 parties de mouvement progressif qu’il avait, ou il retournera vers le côté opposé avec un degré de mou-vement, après avoir perdu tout ce qu’il avait et même une partie de plus (si je puis m’exprimer ainsi), ou bien enfin il retournera vers le côté opposé avec deux parties de mouvement, après avoir perdu 12 parties de son mouvement progressif. Ainsi les sommes des mouve-ments conspirants 15 + 1 ou 16 + 0, et les différences des mouvements opposés 17 – 1 et 18 – 2, feront toujours 16 parties comme avant le choc et la réflexion : connaissant donc la quantité de mouvement avec laquelle les corps se meuvent après la réflexion, on trouvera la vitesse de chacun, en supposant que cette vitesse soit à la vitesse avant la ré-flexion, comme le mouvement après la réflexion est au mouvement avant la réflexion. Ainsi dans le dernier cas, où le corps A avait 6 par-ties de mouvement avant la réflexion, et 18 après, et 2 de vitesse avant la réflexion ; on trouverait que la vitesse après la réflexion serait 6, en disant, comme 6 parties de mouvement avant la réflexion, sont à 18 parties après la réflexion ; ainsi 2 de vitesse avant la réflexion sont à 6 de vitesse après la réflexion.

Si les corps n’étaient pas sphériques, ou que se mouvant suivant diverses lignes droites, ils vinssent à se choquer obliquement, pour trouver leur mouvement après la réflexion ; il faudra commencer par connaître la situation du plan qui touche tous les corps choquants au point de concours : ensuite (par le Cor. 2) on décomposera le mouve-ment de chaque corps en deux mouvements, l’un perpendiculaire et l’autre parallèle à ce plan tangent : et comme les corps n’agissent les uns sur les autres que selon la ligne perpendiculaire au plan tangent, les mouvements parallèles seront les mêmes après et avant la ré-flexion ; et les mouvements perpendiculaires éprouveront des chan-gements égaux vers les côtés opposés ; en sorte que la somme des

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 66 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

mouvements conspirants et la différence des mouvements opposés resteront toujours les mêmes qu’auparavant. C’est de ces sortes de réflexions que viennent ordinairement les mouvements circulaires des corps autour de leurs centres ; mais je ne considérerai point ces cas dans la suite, parce qu’il serait trop long de démontrer tout ce qui y a rapport.

COROLLAIRE IV.

Le centre commun de gravité de deux corps ou de plusieurs corps ne change point son état de mouvement ou de repos, par l’action réciproque de ces corps ; ainsi le centre com-mun de gravité de tous les corps qui agissent les uns sur les autres (supposé qu’il n’y ait aucune action ni aucun obsta-cle extérieur) est toujours en repos, ou se meut uniformé-ment en ligne droite.

Car, si deux points se meuvent uniformément en ligne droite, et que leur distance soit divisée en raison donnée, le point de division sera en repos, ou il se mouvra uniformément en ligne droite. C’est ce qu’on trouvera démontré ci-après dans le Lemme 23 et dans son Co-rollaire, pour le cas où les deux points se meuvent dans le même plan ; et ce qui se démontre facilement par la même méthode pour le cas où les deux points seraient dans des plans différents. Donc, si des corps quelconques se meuvent uniformément en ligne droite, le commun centre de gravité de deux de ces corps, ou sera en repos, ou se mouvra uniformément en ligne droite ; parce que la ligne qui joint les centres de ces corps, sera divisée par leur centre commun de gravité dans une raison donnée. De même le commun centre de gravité de ces deux corps et d’un troisième, sera en repos ou se mouvra uniformément en ligne droite ; à cause que la ligne qui joint le centre commun de gravi-té de ces deux corps, et le centre du troisième sera encore divisée par le commun centre de gravité de ces trois corps en raison donnée. En-fin le commun centre de gravité de ces trois corps et d’un quatrième quelconque sera, en repos ou sera mû uniformément en ligne droite ; parce que la ligne qui joint le centre commun de gravité de ces trois corps et le centre du quatrième sera divisée par le centre commun de gravité de ces quatre corps en raison donnée et ainsi à l’infini. Donc dans un système de corps, dont les actions réciproques les uns sur les

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 67 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

autres ne sont point troublées par aucune action ou empêchement ex-terne, et donc par conséquent chacun se meut uniformément en ligne droite, le commun centre de gravité de tous ces corps sera en repos ou sera mû uniformément en ligne droite.

De plus, dans un système composé de deux corps qui agissent l’un sur l’autre, les distances des centres de chacun de ces corps à leur commun centre de gravité étant en raison réciproque de la masse de ces corps ; les mouvements relatifs de ces corps, pour s’éloigner ou pour s’approcher de ce centre commun de gravité, seront égaux entre eux. Donc, ni les changements égaux qui se font dans le mouvement de ces corps en sens contraire, ni par conséquent leur action mutuelle l’un sur l’autre, ne changeront rien à l’état de leur centre commun de gravité qui ne sera ni accéléré ni retardé, et qui ne recevra enfin aucu-ne altération dans son état de mouvement ou de repos.

Puisque dans un système de plusieurs corps, le centre de gravité de deux quelconques de ces corps qui agissent l’un sur l’autre, ne change point d’état par cette action ; et que le commun centre de gravité des autres, avec lesquels cette action n’a aucun rapport, n’en souffre au-cune altération ; la distance de ces deux centres sera divisée par le centre commun de tous ces corps dans des parties réciproquement proportionnelles aux sommes totales des corps dont ils sont les cen-tres ; et par conséquent ces deux centres conservant leur état de repos ou de mouvement, le centre commun de tous ces corps conservera aussi le sien, car il est clair que le centre commun de tous ces corps ne changera point son état de repos ou de mouvement par les actions de deux quelconques de ces corps entre eux.

Or, dans un tel système, toutes les actions des corps les uns sur les autres, ou sont exercées entre deux corps, ou sont composées d’actions entre deux corps, et par conséquent elles ne produisent au-cun changement dans l’état de repos ou de mouvement du centre commun de tous ces corps. C’est pourquoi comme ce centre est en repos, ou qu’il se meut uniformément en ligne droite, lorsque les corps n’agissent point les uns par les autres, il continuera de même, malgré l’action réciproque de ces corps, à être en repos, ou à se mou-voir uniformément en ligne droite, pourvu qu’il ne soit point tiré de son état par des forces étrangères.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 68 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

La loi d’un système de plusieurs corps est donc la même que celle d’un corps seul, quant à la permanence dans l’état de repos ou de mouvement uniforme en ligne droite où ils se trouvent. Et le mouve-ment progressif d’un corps ou d’un système de corps, doit toujours s’estimer par le mouvement de leur centre de gravité.

COROLLAIRE V.

Les mouvements des corps enfermés dans un espace quel-conque sont les mêmes entre eux, soit que cet espace soit en repos, soit qu’ils se meuvent uniformément en ligne droite sans mouvement circulaire.

Car les différences des mouvements qui tendent vers le même côté, et les sommes de ceux qui tendent vers des côtés opposés, sont les mêmes au commencement du mouvement dans l’un et l’autre cas (par l’hypothèse) mais c’est de ces sommes ou de ces différences qu’on tire l’effort avec lequel les corps se choquent mutuellement : donc par la seconde loi les effets du choc seront les mêmes dans ces deux cas ; et par conséquent les mouvements de ces corps entre eux, dans un de ces cas, demeureront égaux à leurs mouvements entre eux dans l’autre cas, ce que l’expérience confirme tous les jours. Car les mouvements qui se font dans un vaisseau sont les mêmes entre eux, soit que le vaisseau marche uniformément en ligne droite, soit qu’il soit en repos.

COROLLAIRE VI.

Si des corps se meuvent entre eux d’une façon quelconque, et qu’ils soient poussés par des forces accélératrices égales, et qui agissent sur eux, suivant des lignes parallèles, ils continueront à se mouvoir entre eux de la même manière que si ces forces ne leur avaient pas été imprimées.

Car ces forces agissant également (par rapport à la quantité de ma-tière des corps à mouvoir) et suivant des lignes parallèles, elles feront mouvoir tous ces corps avec des vitesses égales par la seconde loi. Ainsi elles ne changeront point les positions et les mouvements de ces corps entre eux.

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SCHOLIE.

Les principes que j’ai expliqué jusqu’à présent sont reçus de tous les Mathématiciens, et confirmés par une infinité d’expériences. Les deux premières lois du mouvement et les deux premiers Corollaires ont fait découvrir à Galilée que la descente des graves est en raison doublée du temps, et que les projectiles décrivent une parabole ; ce qui est conforme à l’expérience, si on fait abstraction de la résistance de l’air qui retarde un peu tous ces mouvements.

La gravité étant uniforme, elle agit également à chaque particule égale de temps, ainsi elle imprime au corps qui tombe des vitesses et des forces égales : et dans le temps total elle lui imprime une force totale et une vitesse totale proportionnelle au temps. Mais les espaces décrits dans des temps proportionnels, sont comme les vitesses et les temps conjointement, c’est-à-dire, en raison doublée des temps. Donc, lorsque les corps sont jetés en haut, la gravité leur imprime des forces et leur ôte des vitesses proportionnelles au temps. Ainsi les temps que ces corps mettent à monter à la plus grande hauteur, sont comme les vitesses que la gravité leur fait perdre, et ces hauteurs sont comme les temps multipliés par les vitesses, ou en raison doublée des vitesses. Le mouvement d’un corps jeté suivant une ligne droite quelconque, est donc composé du mouvement de projection et du mouvement que la gravité lui imprime. En sorte que si le corps A, par le seul mouvement de projection peut décrire dans un temps donné la droite AB, et que par le seul mouvement qui le porte vers la Terre, il puisse décrire la ligne AC dans le même temps : en achevant le parallélogramme ABCD, ce corps, par un mouvement composé, sera à la fin de ce temps au lieu D ; et la courbe AED qu’il décrira sera une parabole que la droite AB touchera au point A, et dont l’ordonnée BD sera propor-tionnelle à AB2.

(Fig. 3)

C’est sur ces mêmes lois et sur leurs corollaires qu’est fondée la théorie des oscillations des Pendules, vérifiée tous les jours par l’expérience. Par ces mêmes lois le Chevalier Christophe Wrenn, J. Wallis S. T. D. et Christian Huygens, qui sont sans contredit les pre-miers géomètres des derniers temps, ont découvert, chacun de leur côté, les lois du choc et de la réflexion des corps durs ; ils communi-quèrent presqu’en même temps leurs découvertes à la Société Royale ;

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ces découvertes s’accordent parfaitement sur ce qui concerne ces lois : Wallis fut le premier qui en fit part à la Société Royale ; ensuite Wrenn, et enfin Huygens ; mais ce fut Wrenn qui les confirma par des expériences faites avec des pendules devant la Société Royale : les-quelles le célèbre Mariotte a rapportées depuis dans un traité qu’il a composé exprès sur cette matière.

(Fig. 4)

Pour que cette théorie s’accorde parfaitement avec l’expérience, il faut faire attention, tant à la résistance de l’air, qu’à la force élastique des corps qui se choquent. Soient A et B des corps sphériques suspen-dus à des fils parallèles et égaux, AC, BD, attachés aux centres C et D, et soient décrits autour de ces points comme centre, et des intervalles AC, BD, les demi-cercles EAF, GBH séparés chacun en deux parties égales par les rayons AC, BD. Si on élève le corps A jusqu’au point quelconque R de l’arc EAF, et qu’ayant ôté le corps B, on laisse tom-ber le corps A, et que ce corps, après une oscillation, revienne au point V, RV sera le retardement causé par la résistance de l’air. Si on prend alors ST égale à la quatrième partie de RV, et placée en telle sorte que RS = VT, ST exprimera à peu près le retardement que le corps A éprouve en descendant de S vers A.

Qu’on remette présentement le corps B à sa place, et qu’on laisse tomber le corps A, du point S, sa vitesse au point A où il doit se réflé-chir, sera la même, sans erreur sensible, que s’il tombait du point T dans le vide. Cette vitesse sera donc exprimée par la corde de l’arc TA ; car c’est une proposition connue de tous les géomètres, que la vitesse d’un corps suspendu par un fil est au point le plus bas de sa chute, comme la corde de l’arc qu’il a parcouru en tombant.

Supposons que le corps A parvienne après la réflexion en s, et le corps B en k, qu’on ôte encore le corps B, et qu’on trouve le lieu v du-quel laissant tomber le corps A, ils reviennent après une oscillation au lieu r, de plus que st soit la quatrième partie de rv placée en telle sorte que rs = tv, tA exprimera la vitesse que le corps A avait en A l’instant d’après la réflexion. Car t sera le lieu vrai et corrigé auquel le corps A devrait remonter, si l’on faisait abstraction de la résistance de l’air. On corrigera par la même méthode le lieu k, auquel le corps B remonte, et on trouvera le lieu l auquel il aurait dû remonter dans le vide, et par ce moyen on fera ces expériences aussi exactement dans l’air que dans le

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vide. Enfin pour avoir le mouvement du corps A, au lieu A, immédia-tement avant la réflexion, il faudra multiplier le corps A, si je puis m’exprimer ainsi, par la corde de l’arc TA, qui exprime sa vitesse ; ensuite il faut le multiplier par la corde de l’arc tA, pour avoir son mouvement au lieu A, immédiatement après la réflexion. De même, il faudra multiplier le corps B, par la corde de l’arc Bl, pour avoir son mouvement immédiatement après la réflexion.

Par la même méthode, lorsque les deux corps tomberont en même temps de deux hauteurs différentes, on trouvera le mouvement de l’un et de l’autre, tant avant qu’après la réflexion ; et l’on pourra toujours, par ce moyen, comparer ces mouvements entre eux, et en conclure les effets de la réflexion.

Suivant cette méthode, dans les expériences que j’ai faites avec des Pendules de 10 pieds de long auxquels j’avais suspendu tantôt des corps égaux, tantôt des corps inégaux, et que j’avais fait se choquer en tombant de très haut, comme de 8, 12 et 16 pieds, j’ai toujours trouvé, à des différences près, lesquelles étaient moindres que trois pouces dans les mesures, que lorsque les corps se rencontraient directement, les changements de mouvement vers les points opposés étaient tou-jours égaux, et que par conséquent la réaction était toujours égale à l’action. Lorsque le corps A, par exemple, ayant 9 parties de mouve-ment venait à choquer le corps B en repos, et qu’après avoir perdu 7 parties de mouvement, il continuait après la réflexion à se mouvoir avec deux parties, le corps B rejaillissait avec ces 7 parties.

Si les deux corps allaient l’un vers l’autre, A avec 12 parties de mouvement et B avec 6, et qu’après le choc A s’en retournât avec 2 parties, B s’en retournait avec 8, et il y avait 14 parties de détruites de chaque côté. Car si du mouvement de A on en ôte d’abord 12 parties, il ne lui reste rien : si on ôte ensuite 2 autres parties, il en naît deux parties de mouvement en sens contraire : de même en ôtant 14 parties du mouvement du corps B, il en naît 8 parties vers le côté opposé.

Lorsque les deux corps allaient vers le même coté, A plus vite avec 14 parties de mouvement, et B plus lentement avec 5 parties, et qu’après la réflexion le corps A continuait de se mouvoir avec 5 par-ties, le corps B continuait alors à se mouvoir avec 14 parties, en sorte qu’il avait acquis les neuf parties que le corps A avait perdu ; il en

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 72 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

était de même dans tous les autres cas. La quantité de mouvement n’était jamais changée par le choc, elle se retrouvait toujours ou dans la somme des mouvements conspirants ou dans la différence des mouvements opposés ; et j’ai attribué les erreurs d’un ou deux pouces que j’ai trouvées dans les mesures à la difficulté de prendre ces mesu-res avec assez d’exactitude ; car il était difficile de faire tomber les pendules dans le même instant, en sorte que les corps se rencontras-sent dans le lieu le plus bas AB ; et de marquer exactement les lieux s et k auxquels les corps remontaient après le choc ; et il pouvait encore s’y mêler d’autres causes d’erreur, comme l’inégale densité des par-ties des corps suspendus, leur différente texture, etc.

Et afin qu’on ne m’objecte pas que la loi que j’ai voulu prouver par ces Expériences suppose les corps ou parfaitement durs, ou parfaite-ment élastiques, et que nous ne connaissons point de tels corps, j’ajouterai que ces expériences réussissent aussi bien sur les corps mous que sur les corps durs, et que par conséquent la vérité de ce principe ne dépend point de la dureté des corps ; car si on veut l’appliquer aux cas où les corps ne sont pas parfaitement durs, il fau-dra seulement diminuer la réflexion dans une certaine proportion rela-tive à la quantité de la force élastique.

Dans la théorie de Wrenn et d’Huygens, les corps absolument durs, après s’être choqués, s’éloignent l’un de l’autre avec la même vitesse qu’ils avaient dans le choc. On peut l’assurer avec encore plus de cer-titude des corps parfaitement élastiques. Dans les corps qui ne sont pas parfaitement élastiques, la vitesse avec laquelle ils s’en retournent après le choc, doit être diminuée relativement à la force élastique ; et parce que cette force (pourvu que les parties des corps ne soient point altérées par la collision, ou qu’elles ne souffrent point d’extension comme celle que cause le marteau) est constante et déterminée, ainsi que je l’ai remarqué ; elle fait que les corps rejaillissent avec une vi-tesse relative qui est à la vitesse qu’ils avaient avant le choc dans une raison donnée.

Je fis aussi cette expérience avec des pelotes de laine très serrées. Je commençai par déterminer la quantité de la force élastique, en fai-sant tomber les Pendules et en mesurant la réflexion : et ensuite connaissant cette force, j’en conclus les réflexions pour d’autres cas, et je trouvai que les expériences y répondaient. Les pelotes

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 73 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

s’éloignaient toujours l’une de l’autre après le choc avec une vitesse relative, qui était à leur vitesse relative dans le choc, comme 5 à 9 en-viron. Les boules d’acier rejaillissaient à peu près avec leur même vi-tesse : les boules de liège rejaillissaient avec une vitesse un peu moin-dre ; et dans les boules de verre ces vitesses étaient à peu près comme 15 à 16. Ainsi la troisième loi trouve confirmée dans le choc et dans la réflexion des corps par la théorie, et la théorie l’est par l’expérience. Je vais faire voir qu’elle l’est aussi dans les attractions.

Imaginez entre les deux corps A et B un obstacle quelconque qui les empêche de se joindre. Si un de ces corps comme A est plus attiré vers B, que B vers A, l’obstacle sera plus pressé par le corps A que par le corps B ; ainsi il ne sera point en équilibre. La plus forte pression prévaudra, et il arrivera que le système, composé de ces deux corps et de l’obstacle qui est entre deux, se mouvra en ligne droite vers B, et qu’il s’en ira à l’infini, dans le vide avec un mouvement continuelle-ment accéléré, ce qui est absurde et contraire à la première loi du mouvement ; car par cette première loi, ce système doit persévérer dans son état de repos ou de mouvement en ligne droite, ainsi ces deux corps doivent presser également cet obstacle, et être par consé-quent tirés également l’un vers l’autre.

J’en ai fait l’expérience sur le fer et sur l’aimant. Si l’on pose l’aimant et le fer chacun séparément dans de petits vaisseaux sur une eau dormante, et que ces petits vaisseaux se touchent, ni l’un ni l’autre ne sera mû ; mais ils soutiendront par l’égalité de leur attraction les efforts mutuels qu’ils font l’un sur l’autre, et étant en équilibre, ils res-teront en repos.

(Fig.5)

De même, la gravité entre la Terre et ses parties est mutuelle ; car supposé que la Terre FI fût coupée par un plan EG en deux parties EGF, EGI : les poids mutuels de ces parties l’une sur l’autre, seront égaux ; car si la plus grande partie EGI est coupée par un autre plan HK parallèle au premier, en deux parties EGHK et HIK, desquelles HIK = EFG : il est clair que la partie du milieu EGHK ne sera, portée par son propre poids ni vers l’une, ni vers l’autre de ces parties, mais qu’elle restera en équilibre entre elles.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 74 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

Quant à la partie HIK, elle pressera de tout son poids la partie du milieu vers l’autre partie EFG ; donc la force avec laquelle la partie EGI, composée des parties HKI et EGHK, tend vers la troisième partie EFG, est égale au poids de la partie HIK, c’est-à-dire au poids de la troisième partie EFG. Ainsi le poids de deux parties EGI, EFG, l’une sur l’autre est égal, ce que je voulais prouver. Et si ces poids n’étaient pas égaux, toute la Terre qui nage librement dans l’éther céderait au plus grand de ces poids, et s’en irait à l’infini.

De même que les corps qui se choquent se sont équilibrés, quand leurs vitesses sont réciproquement comme leurs forces d’inertie (ut vires infitae) les puissances qui agissent dans la mécanique se contre-balancent et détruisent leurs efforts mutuels, quand leurs vitesses dans la direction des forces sont réciproquement comme ces forces. Ainsi des poids attachés aux bras d’une balance font des efforts égaux pour la mouvoir, lorsque ces poids sont réciproquement comme les vitesses qu’auraient les bras de la balance en haut et en bas. Si elle venait à osciller ; c’est-à-dire, que ces poids sont en équilibre, lorsque les bras de la balance montent et descendent perpendiculairement, s’ils sont entre eux réciproquement comme la distance du point de suspension au fléau de la balance ; et si les bras de la balance montent et descen-dent obliquement, soit qu’ils soient soutenus par des plans obliques, ou que quelque autre obstacle les empêche de monter et de descendre perpendiculairement, les poids seront en équilibre, lorsqu’ils seront entre eux réciproquement, comme l’ascension et la descension per-pendiculaire des bras de la balance ; parce que la force de la gravité est toujours dirigée perpendiculairement vers la Terre.

De même, dans la poulie ou dans le mouffle, si la force de la main qui tire la corde directement, est au poids qui monte directement ou obliquement, comme la vitesse de son ascension perpendiculaire à la vitesse de la main qui tire la corde, il y aura équilibre.

Dans les Horloges et les autres machines, dont la construction dé-pend du jeu de plusieurs roues, les forces contraires qui font des ef-forts pour les mouvoir et pour les retenir, se contrebalanceront mu-tuellement, si elles sont entre elles réciproquement comme les vitesses des parties des roues auxquelles elles sont imprimées.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 75 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

La force de la vis pour presser un corps est à la force de la main qui tourne la manivelle, comme la vitesse circulaire de la manivelle dans la partie où la main la fait tourner, est à la vitesse progressive de la vis vers le corps qu’elle presse.

Les forces avec lesquelles le coin presse les deux côtés du bois qu’il fend, sont à la force avec laquelle le marteau frappe le coin, comme le chemin que fait le coin dans la direction de la force que lui impriment les coups du marteau, est à la vitesse avec laquelle les par-ties du bois cèdent au coin selon les lignes perpendiculaires aux faces du coin. Il en est de même dans toutes les machines dont l’efficacité consiste en cela, seulement, qu’en diminuant la vitesse on augmente la force et réciproquement ; et c’est par-là qu’on résout ce problème dans toutes les espèces de machines, que le poids étant donné, la force nécessaire pour le mouvoir est donnée, ou ce qui est la même chose, que la résistance étant donnée, la force nécessaire pour la surmonter est donnée aussi. Car lorsque les machines seront construites de façon que la vitesse de la puissance soit à celle de la résistance en raison renversée des forces ; la puissance égalera la résistance : et si on aug-mente la vitesse de la puissance, elle vaincra aussitôt la résistance.

Si la disparité des vitesses est assez grande pour vaincre toute es-pèce de résistance, tant celle qu’oppose la pesanteur des corps qu’on veut élever, que celle qui vient de la cohésion des corps qu’on veut séparer, et que celle qui est produite par le frottement des corps qui glissent les uns sur les autres, la force restante produira une accéléra-tion de mouvement qui lui sera proportionnelle, et qui sera partagée entre les parties de la machine, et le corps résistant ; mais je ne me suis pas proposé ici de donner un Traité de Mécanique, j’ai voulu montrer seulement combien la troisième loi du mouvement est vraie, et combien son usage est étendu, car si on estime l’action de l’agent par sa force multipliée par sa vitesse et qu’on estime de même la réac-tion du corps résistant par la vitesse de chacune de ces parties multi-pliées par les forces qu’elles ont pour résister en vertu de leur cohé-sion, de leur attrition, de leur poids, et de leur accélération, l’action et les réactions se trouveront égales entre elles, dans les effets de toutes les machines. Et toutes les fois qu’une action s’exécute par le moyen d’une machine, et qu’elle parvient à être imprimée dans un corps ré-sistant, sa dernière détermination est toujours contraire à la détermina-tion de la réaction de ce corps.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 76 Définition. Axiomes ou Lois du Mouvement

Table des matières

Page 77: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton

Mathématicien, Physicien, Philosophe anglais (1643-1727)

Principes mathématiques de la Philosophie naturelle

(Philosophiae Naturalis Principia Mathematica)

Par feue Madame la Marquise du Chastellet

Paris, 1759

Livre Premier. Du mouvement du corps Sections I à VI.

Un document produit en version numérique par Jean-Marc Simonet, bénévole,

Courriel : [email protected]

Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales" Site web : http://classiques.uqac.ca/

Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque

Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi Site web : http://bibliotheque.uqac.ca/

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 78 Livre I. sections I à VI.

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Fondateur et Président-directeur général,

LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALES.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 79 Livre I. sections I à VI.

Cette édition électronique a été réalisée par Jean-Marc Simonet, ancien pro-fesseur des Universités, bénévole. Courriel : [email protected]

À partir de :

Isaac Newton

Physicien, Mathématicien, Philosophe

anglais

(1643-1727)

Principes mathématiques de la Philosophie naturelle

Par feue Madame la marquise du Chastellet

chez Desaint & Saillant et Lambert, im-primeurs, Paris, 1759,

deux tomes de 437 p. et 379 p.

Polices de caractères utilisées : Pour le texte: Times New Roman, 14 et 12 points. Pour les notes de bas de page : Times New Roman, 10 points. Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2008 pour Macintosh. Mise en page sur papier format : LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’) Édition numérique réalisée le 3 juin 2010 à Chicoutimi, Ville de Saguenay, pro-vince de Québec, Canada

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 80 Livre I. sections I à VI.

Table des matières

Principes mathématiques de la Philosophie Naturelle.

Volume 2. Du mouvement des corps. — Livre Premier.

Section I. — De la méthode des premières et dernières raisons employée dans tout cet ouvrage.

Section II. — De la recherche des forces centripètes. Section III. — Du mouvement des corps dans les sections coniques excen-

triques. Section IV. — De la détermination des orbes elliptiques, paraboliques et

hyperboliques, lorsque l’un des foyers est donné. Section V. — De la détermination des orbites lorsqu’aucun des foyers n’est

donné. Section VI. — De la détermination des mouvements dans des orbes donnés. Section VII. — De l’ascension et de la descente rectiligne des corps. Section VIII. — De la détermination des orbes que décrivent des corps sol-

licités par des forces centripètes quelconques. Section IX. — Du mouvement des corps dans des orbes mobiles, et du mou-

vement des apsides. Section X. — Du mouvement des corps dans des superficies données, et des

oscillations des corps suspendus par des fils. Section XI. — Du mouvement des corps qui s’attirent mutuellement par des

forces centripètes. Section XII. — Des forces attractives des corps sphériques. Section XIII. — Des forces attractives des corps qui ne sont pas sphériques. Section XIV. — Du Mouvement des corpuscules attirés par toutes les parties

d’un corps quelconque.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 81 Livre I. sections I à VI.

Table des matières

DU MOUVEMENT DES CORPS

LIVRE PREMIER

SECTION PREMIÈRE

De la méthode des premières et dernières raisons employée

dans tout cet Ouvrage.

LEMME PREMIER. Les quantités et les raisons des quantités qui tendent conti-nuellement à devenir égales pendant un temps fini, et qui avant la fin de ce temps approchent tellement de l’égalité, que leur différence est plus petite qu’aucune différence donnée, deviennent à la fin égales.

Si on le nie, qu’on suppose qu’elles soient à la fin inégales, et que leur dernière différence soit D, puisqu’elles ne peuvent pas approcher plus près de l’égalité que de cette différence donnée D, leur différence ne sera donc pas plus petite que toute différence donnée, ce qui est contre l’hypothèse.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 82 Livre I. sections I à VI.

LEMME II. Si dans une figure quelconque AacE, comprise entre les droites Aa, AE, et la courbe acE, on inscrit un nombre quel-conque de Parallélogrammes Ab, Bc, Cd, etc. compris sous les bases égales AB, BC, CD, etc. et sous les côtés Bb, Cc, Dd, etc. parallèles au côté Aa, de la figure ; et qu’on achevé les parallélogrammes akbl, bLcm, cMdn, etc. qu’on diminue ensuite la largeur de ces parallélogrammes, et qu’on aug-mente leur nombre à l’infini : les dernières raisons qu’auront entre elles la figure inscrite AKbLcMdD, la cir-conscrite AalbmcndoE, et la curviligne AabcdE, seront des raisons d’égalité.

(Fig. 6)

Car la différence de la figure inscrite et de la figure circonscrite, est la somme des parallélogrammes Kl, Lm, Mn, Do, c’est-à-dire (à cause de l’égalité de toutes les bases) que cette différence est égale au rec-tangle ABla fait sur l’une des bases Kb et sur la somme Aa, de toutes les hauteurs ; mais ce rectangle, à cause que sa largeur diminue à l’infini, deviendra plus petit qu’aucun rectangle donné. Donc (par le Lemme premier) la figure inscrite, la figure circonscrite, et à plus for-te raison la figure curviligne intermédiaire seront à la fin égales. — C.Q.F.D.

LEMME III.

Les dernières raisons de ces mêmes figures seront encore des raisons d’égalité, quoique les bases AB, BC, CD, etc. des parallélogrammes soient inégales, pourvu quelles dimi-nuent toutes à l’infini.

(Fig. 6)

Soit AF la plus large de ces bases, et soit achevé le parallélogram-me FAaf. Ce parallélogramme sera plus grand que la différence de la figure inscrite et de la figure circonscrite, mais sa largeur AF dimi-nuant à l’infini, il sera plus petit qu’aucun rectangle donné. Donc etc. — C.Q.F.D.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 83 Livre I. sections I à VI.

Cor. 1. D’où il suit que la dernière somme de tous les parallélo-grammes qui s’évanouissent coïncidera dans toutes ses parties avec la figure curviligne.

Cor. 2. Et à plus forte raison la figure rectiligne, comprise sous les cordes des arcs évanouissants ab, bc, cd, etc, coïncidera à la fin avec la figure curviligne.

Cor. 3. Il en sera de même de la figure rectiligne circonscrite qui est comprise sous les tangentes de ces mêmes arcs.

Cor. 4. Et par conséquent, ces dernières figures (quant à leurs pé-rimètres acE) ne sont pas rectilignes, mais les limites curvilignes des figures rectilignes.

LEMME IV.

Si dans deux figures AacE, PprT, on inscrit, comme ci-dessus, deux suites de parallélogrammes, dont le nombre soit le même, et que lorsque leurs largeurs diminuent à l’infini, les dernières raisons des parallélogrammes de l’une des figures aux parallélogrammes de l’autre, chacun à cha-cun, soient les mêmes, ces deux figures AacE, PprT seront entre elles dans cette même raison.

(Fig. 7 & 8)

Car la proportion qu’un des parallélogrammes de la première figu-re a avec celui qui lui répond dans la seconde, est la même que celle de la somme de tous les parallélogrammes de la première figure, à la somme de tous les parallélogrammes de la seconde, et par conséquent la même que celle qui est entre les deux figures, en supposant toute-fois, que, selon le Lemme 3. la raison de la première figure à la som-me de tous les parallélogrammes qu’elle renferme, soit une raison d’égalité, aussi bien que celle de la seconde figure à la somme de tous les Parallélogrammes qui y sont renfermés. — C.Q.F.D.

Cor. D’où il suit, que si deux quantités d’un genre quelconque sont partagées dans un même nombre de parties quelconques, et que ces parties, lorsque leur nombre augmente et que leur grandeur diminue à l’infini, soient entre elles en raison donnée, la première à la première, la seconde à la seconde, et ainsi de suite : les touts seront entre eux

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 84 Livre I. sections I à VI.

dans cette même raison donnée ; car si on représente les parties de ces touts par les parallélogrammes des figures de ce Lemme, les sommes de ces parties seront comme les sommes des parallélogrammes ; et par conséquent, lorsque le nombre de ces parties et des Parallélogrammes augmente, et que leur grandeur diminue à l’infini, les touts feront dans la dernière raison d’un Parallélogramme à l’autre : c’est-à-dire, par l’hypothèse, dans la dernière raison d’une partie à l’autre.

LEMME V.

Tous les côtés homologues des figures semblables sont pro-portionnels, tant dans les figures curvilignes que dans les rectilignes, et leurs aires sont en raison doublées de ces cô-tés.

LEMME VI.

Si un arc de cercle quelconque ACB donné de position, est soutenu par la corde AB, et qu’au point A placé dans le mi-lieu de sa courbure continue, il soit touché par une droite AD prolongée des deux côtés, et que les points A et B s’approchent l’un de l’autre jusqu’à ce qu’ils coïncident ; l’angle BAD, compris sous la tangente et la corde diminue-ra à l’infini, et s’évanouira à la fin.

(Fig. 9)

Car si cet angle ne s’évanouissait pas, l’arc ACB et la tangente AD contiendraient un angle rectiligne, et par conséquent la courbure au point A ne serait point continue, ce qui est contre l’hypothèse.

LEMME VII.

Les mêmes choses étant posées, la dernière raison qu’ont entre elles l’arc, la corde et la tangente, est la raison d’égalité.

Car pendant que le point B s’approche du point A, supposons que les lignes AB, AD soient prolongées jusqu’aux points éloignés b et d, et qu’on mène la ligne bd parallèle à la sécante BD, et qu’on prenne de plus Acb toujours semblable à l’arc ACB. Lorsque les points A et B

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 85 Livre I. sections I à VI.

coïncideront, l’angle dAb s’évanouira par le Lemme précédent ; donc les droites Ab, Ad, qui restent toujours de grandeur finie, et l’arc in-termédiaire Acb coïncideront et seront par conséquent égales. Donc les droites AB, AD, et l’arc intermédiaire ACB, qui leur sont toujours proportionnels, s’évanouiront, et auront pour dernière raison la raison d’égalité. — C.Q.F.D.

(Fig. 10)

Cor. 1. Ainsi, si par B on mène une droite BF parallèle à la tangen-te AD, laquelle BF coupe toujours en F une ligne quelconque AF qui passe par A, la raison de cette droite BF à l’arc évanouissant ACB, se-ra à la fin la raison d’égalité, puis qu’achevant le parallélogramme AFBD, cette raison est la même que celle qu’à la droite AD avec le même arc ACB.

Cor. 2. Et si par B et par A on tire plusieurs droites BE, BD, AF, AG, qui coupent la tangente AD et sa parallèle BF, la dernière raison de l’arc AB de la corde et de toutes les parties coupées AD, AF, BF, BG entre elles sera la raison d’égalité.

Cor. 3. Et par conséquent toutes ces lignes pourront être prises l’une pour l’autre dans tous les cas où l’on se servira de la méthode des premières et dernières raisons.

LEMME VIII.

Si les droites données AR, BR, l’arc ACB, la corde AB, et la tangente AD, forment trois triangles RAB, RACB, RAD, et que les points A et B s’approchent l’un de l’autre : ces triangles, qui s’évanouiront, seront à la fin semblables, et leur dernière raison sera la raison d’égalité.

(Fig. 9)

Pendant que B s’approche de A, imaginons qu’on prolonge AB, AD, AR, en b, d, r, qu’on mène rbd parallèle à RD, et qu’on prenne l’arc Acb toujours semblable à l’arc ACB, lorsque les points A et B coïncideront, l’angle bAd s’évanouira, et les trois triangles rAb, rAcb, rAd, qui restent toujours de grandeur finie coïncideront, et seront par conséquent égaux et semblables. Donc les triangles RAB, RACB,

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 86 Livre I. sections I à VI.

RAD, qui leur sont toujours semblables et proportionnels, seront à la fin égaux et semblables entre eux. — C.Q.F.D.

Cor. Donc ces triangles pourront être pris l’un pour l’autre dans tous les cas où l’on emploiera la méthode des premières et dernières raisons.

LEMME IX.

Soient données de position la droite AE et la courbe ABC, qui se coupent sous un angle donné A, et soient menées de cette droite sous un autre angle donné les ordonnées BD, CE, qui rencontrent la courbe en B, et en C, si on suppose ensuite que les points B et C s’approchent l’un et l’autre continuellement du point A ; les aires des triangles ABD, ACE, seront à la fin entre elles en raison doublée des côtés.

(Fig. 11)

Pendant que les points B et C s’approchent du point A, imaginons toujours que la ligne AD soit prolongée à des points très éloignés d et e, et en telle sorte que Ad et Ae soient toujours proportionnelles à AD et à AF, de plus que les ordonnées db, ec, tirées parallèles aux ordon-nées DB, EC, rencontrent en b et c les lignes AB, AC prolongées ; en-fin que Abc soit une courbe semblable à ABC et Ag, une droite qui touche les deux courbes en A, et coupe les ordonnées DB, EC, db, ec, en F, G, f, g. Cela posé, lorsque les points B et C coïncideront avec le point A, la longueur Ae restant la même, l’angle cAg s’évanouira, les aires curvilignes Abd, Ace coïncideront avec les aires rectilignes Afd, Age, et par conséquent elles seront (par le Lemme 5.) en raison dou-blée des côtés Ad, Ae ; mais les aires ABD, ACE sont toujours propor-tionnelles à ces aires, et les côtés AD, AE à ces côtés. Donc les aires ABD, ACE sont à la fin en raison doublée des côtés AD, AE. — C.Q.F.D.

LEMME X.

Les espaces qu’une force finie fait parcourir au corps quel-le presse, soit que cette force soit déterminée et immuable, soit quelle augmente ou diminue continuellement, sont dans

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 87 Livre I. sections I à VI.

le commencement du mouvement en raison doublée des temps.

Que les lignes AD, AE représentent les temps, et les ordonnées DB, EC les vitesses produites ; les espaces décrits avec ces vitesses seront comme les aires ABD, ACE qui auraient été décrites par la fluxion de ces ordonnées, c’est-à-dire (par le Lemme 9) que ces espaces seront dans le commencement du mouvement en raison doublée des temps AD, AE. — C.Q.F.D.

Cor. 1. De là on tire aisément, que lorsque des corps qui parcour-raient dans des temps proportionnels des parties semblables de figures semblables, sont sollicités par de nouvelles forces quelconques égales et appliquées de la même manière, les déviations causées par ces for-ces, c’est-à-dire, les distances des points où les corps sont arrivés réel-lement aux points où ils seraient arrivés sans l’action de ces forces, sont entre elles à peu près comme les carrés des temps dans lesquels ces déviations ont été produites.

Cor. 2. Et les déviations causées par des forces proportionnelles et appliquées de même aux parties semblables de figures semblables, sont en raison composée des forces et des carrés des temps.

Cor. 3. Il en est de même des espaces quelconques que les corps pressés par des forces diverses décrivent. Ces espaces sont encore dans le commencement du mouvement, comme les forces multipliées par les carrés des temps.

Cor. 4. Donc, dans le commencement du mouvement, les forces sont comme les espaces décrits directement, et inversement comme les carrés des temps.

Cor. 5. Et les carrés des temps sont comme les espaces décrits di-rectement, et inversement comme les forces.

SCHOLIE.

Lorsqu’on compare des quantités indéterminées de différent genre, et qu’on dit que l’une d’elles est en raison directe ou inverse d’une autre : on entend par-là que la première augmente ou diminue dans la même raison que la dernière, ou dans la raison inverse ; et lorsqu’on

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 88 Livre I. sections I à VI.

dit qu’une quantité est directement ou inversement, comme plusieurs de ces quantités, cela signifie qu’elle augmente ou diminue en raison composée des raisons dans lesquelles ces autres quantités augmentent ou diminuent, ou dans la raison composée des raisons renversées de ces raisons. Si on dit, par exemple, que A est directement comme B et comme C, et inversement comme D : cela veut dire que A augmentera,

ou diminuera en même raison que B × C ×1D

ou que les quantités A et

BCD

sont entre elles en raison donnée.

LEMME XI.

Dans toutes les courbes qui ont une courbure finie au point de contact, la sous-tendante évanouissante d’un angle de contact est à la fin en raison doublée de la sous-tendante de l’arc qu’elle termine.

(Fig. 12)

Cas 1. Soient AbB cet arc, AD sa tangente, SD la sous-tendante de l’angle de contact, laquelle est perpendiculaire à la tangente, et AB la sous-tendante de l’arc. Soient ensuite AG et BG perpendiculaires à AD et à AB, et soit G la rencontre de ces perpendiculaires. Cela posé, ima-ginons que les points D, B, G, deviennent les points d, b, g, et que le point I soit la dernière intersection des lignes AG, BG, lorsque les points B et D sont arrivés en A, il est clair que la distance GI peut être moindre qu’aucune distance assignable ; mais à cause qu’on peut faire passer des cercles par les points A, B, G, et par les points A, b, g, on a AB =2 AG × BD et Ab2 = Ag × bd ; donc AB2 est à Ab2 en raison composée des raisons de AG, à Ag et de BD à bd. Mais comme on peut supposer la distance GI plus petite qu’aucune longueur assigna-ble, la différence entre la raison de AG à Ag et la raison d’égalité peut être moindre qu’aucune différence assignable, donc la différence de la raison de Ab2 à AB2 à la raison de BD à bd, peut être moindre que tou-te différence assignable. Donc (par le Lemme 1) la dernière raison de AB2 à Ab2 sera la même que la dernière raison de BD à bd. — C.Q.F.D.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 89 Livre I. sections I à VI.

Cas 2. Supposé que BD soit incliné sur AD, selon un angle quel-conque donné, la dernière raison de BD à bd restera toujours la même, et sera, par conséquent la même que la raison de AB2 à Ab2. — C.Q.F.D.

Cas 3. Quand même l’angle D ne serait point donné, et que la droi-te BD convergera vers un point donné, ou qu’elle sera tirée suivant une loi quelconque ; les angles D et d, formés selon la même loi, ten-dront toujours à devenir égaux, et à la fin leur différence deviendra moindre que toute différence donnée, c’est-à-dire, (par le Lemme 1) qu’ils seraient égaux à la fin, et par conséquent les lignes BD, bd se-raient entre elles dans la même raison qu’auparavant. — C.Q.F.D.

Cor. 1. Comme les tangentes AD, Ad, les arcs AB, Ab, et leurs si-nus BC, bc deviennent à la fin égaux aux cordes AB, Ab, leurs carrés sont aussi à la fin comme les sous-tendantes BD, bd.

Cor. 2. Et ces carrés seront aussi entre eux à la fin comme les flè-ches des arcs, lesquelles coupent les cordes en deux parties égales, et convergent vers un point donné ; car ces flèches sont comme les sous-tendantes BD, bd.

Cor. 3. Donc, lorsqu’un corps avec une vitesse donnée décrit un arc, la flèche de cet arc est en raison doublée du temps pendant lequel il est décrit.

Cor. 4. Les triangles rectilignes ADB, Adb sont à la fin en raison triplée des côtés AD, Ad, et en raison sesquiplée des côtés DB, db, puisqu’ils sont en raison composée des côtés AD, DB, et Ad, db, de même les triangles ABC, Abc, sont à la fin en raison triplée des côtés BC, bc. J’appelle raison sesquiplée la raison sous-doublée de la raison triplée, parce qu’elle est composée de la raison simple et de la raison sous-doublée.

Cor. 5. Comme DB, db deviennent à la fin parallèles, et en raison doublée de AD et de Ad, les dernières aires curvilignes ADB, Adb se-ront (par la nature de la parabole), les deux tiers des triangles rectili-gnes ABD, Abd ; et les segments AB, Ab, les tiers de ces mêmes trian-gles, et de là ces aires et ces segments seront en raison triplée, tant des tangentes AD, Ad, que des cordes et des arcs AB, Ab.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 90 Livre I. sections I à VI.

SCHOLIE.

Au reste, dans toutes ces démonstrations nous supposons que l’angle de contact n’est ni infiniment plus grand que les angles de contact contenus entre la tangente et la corde des cercles ; ni infini-ment plus petit que ces mêmes angles, c’est-à-dire que nous suppo-sons que la courbure au point A n’est ni infiniment petite, ni infini-ment grande, mais que le rayon osculateur AI, est d’une grandeur fi-nie ; car si on prenait DB proportionnelle à AD3, aucun cercle ne pour-rait passer par le point A entre la tangente AD et la courbe AB ; et en ce cas l’angle de contact serait infiniment plus petit que les angles de contact circulaires ; et par le même raisonnement, si on fait successi-vement DB proportionnel à AD4, AD5, AD6, AD7, etc. on aura une série infinie d’angles de contact, dont chacun sera infiniment plus petit que celui qui le précède, et si l’on fait successivement BD proportionnelle à AD2, AD

32 , AD 3

4

, AD45

, AD56

, AD67

, etc. on aura une autre suite infi-nie d’angles de contact, dont le premier sera du même genre que les angles de contact circulaires ; le second sera infiniment plus grand ; le troisième infiniment plus grand que le second, et ainsi de suite. De plus, entre deux quelconque de ces angles on peut insérer une suite d’angles intermédiaire, laquelle sera infinie des deux côtés, et telle que chacun des angles qui la composeront sera infiniment plus grand, ou infiniment plus petit que celui qui le précède. Entre les termes AD2 et AD3 , par exemple, on peut insérer la série AD 6

13

, AD 511

, AD49

, AD37

, AD2

5

, AD38

, AD 411

, AD 514

, AD 617

, etc. Enfin on pourra encore insérer entre deux angles quelconques de cette dernière série, une nouvelle série d’angles intermédiaires toujours infiniment plus grands les uns que les autres, car la nature ne connaît point de bornes.

Ce qu’on a démontré des lignes courbes et des superficies qu’elles renferment, peut s’appliquer facilement aux surfaces courbes des soli-des et aux solides mêmes. J’ai commencé par ces Lemmes ; pour évi-ter de déduire de longues démonstrations ad absurdum, selon la mé-thode des anciens Géomètres.

J’aurais eu des démonstrations plus courtes par la méthode des in-divisibles ; mais parce que l’hypothèse des indivisibles me paraît trop dure à admettre, et que cette méthode est par conséquent peu géomé-trique, j’ai mieux aimé employer celle des premières et dernières rai-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 91 Livre I. sections I à VI.

sons des quantités qui naissent et s’évanouissent, et j’ai commencé par faire voir, le plus brièvement que j’ai pu, ce que deviennent ces quan-tités, lorsqu’elles atteignent leurs limites. Je démontrerai par cette mé-thode tout ce qu’on démontre par celle des indivisibles ; mais en ayant prouvé le principe, je m’en servirai avec plus de sécurité.

Ainsi, lorsque dans la suite je considérerai des quantités comme composées de particules déterminées, et que je prendrai pour des li-gnes droites de petites portions de courbes ; je ne désignerai point par là des quantités indivisibles, mais des quantités divisibles évanouis-santes, de même, ce que je dirai des sommes et des raisons, doit tou-jours s’entendre non des particules déterminées, mais des limites des sommes et des raisons des particules évanouissantes ; et pour sentir la force de mes démonstrations, il faudra toujours se rappeler la méthode que j’ai suivie dans les Lemmes précédents.

On peut dire, contre ce principe des premières et dernières raisons, que les quantités qui s’évanouissent n’ont point de dernière proportion entre elles ; parce qu’avant de s’évanouir, la proportion qu’elles ont n’est pas la dernière, et que lorsqu’elles sont évanouies, elles n’en ont plus aucune. Mais on pourrait soutenir par le même raisonnement qu’un corps qui parvient d’un mouvement uniformément retardé a un certain lieu où son mouvement s’éteint, n’a point de dernière vitesse ; car, dirait-on, avant que ce corps soit parvenu à ce lieu, il n’a pas en-core la dernière vitesse, et quand il l’a atteint, il n’en a aucune, puis-qu’alors son mouvement est éteint. Or, la réponse à cet argument est facile ; on doit entendre par la dernière vitesse de ce corps celle avec laquelle il se meut, non pas avant d’avoir atteint le lieu où son mou-vement cesse, non pas après qu’il ait atteint ce lieu, mais celle qu’il a dans l’instant même qu’il atteint ce dernier lieu et avec laquelle son mouvement cesse. Il en est de même de la dernière raison des quanti-tés évanouissantes, il faut entendre par cette raison celles qu’ont entre elles des quantités qui diminuent, non pas avant de s’évanouir, ni après qu’elles sont évanouies, mais celle qu’elles ont dans le moment même qu’elles s’évanouissent. De la même manière la première raison des quantités naissantes est celle que les quantités qui augmentent ont au moment qu’elles naissent, et la première ou dernière somme de ces quantités est celle qui répond au commencement ou à la fin de leur existence, c’est-à-dire, au moment qu’elles commencent à augmenter ou qu’elles cessent de diminuer.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 92 Livre I. sections I à VI.

Il y a une certaine borne que la vitesse d’un corps peut atteindre à la fin de son mouvement, et qu’elle ne saurait passer ; c’est cette vi-tesse qui est la dernière vitesse du corps. Il en est de même des limites et des proportions de toutes les quantités qui commencent et cessent. Comme cette limite est certaine et définie, c’est un problème très géométrique que de la déterminer ; car on peut regarder comme géo-métriques tous les problèmes où il s’agit de déterminer avec précision quelque quantité.

On objectera peut-être que si les dernières raisons qu’ont entre el-les les quantités qui s’évanouissent sont données, les dernières gran-deurs de ces quantités seront aussi données, et qu’ainsi toute quantité sera composée d’indivisibles, au contraire de ce qu’Euclide a démon-tré des incommensurables dans le dixième Livre de ses éléments. Mais cette objection porte sur une supposition fausse, car les dernières raisons qu’ont entre elles les quantités qui s’évanouissent ne sont pas en effet les raisons des dernières quantités, ou de quantités détermi-nées et indivisibles, mais les limites dont les raisons des quantités qui décroissent à l’infini approchent sans cesse, limites dont elles peuvent toujours approcher plus près que d’aucune différence donnée, qu’elles ne peuvent jamais passer, et qu’elles ne sauraient atteindre, si ce n’est dans l’infini.

On comprendra ceci plus clairement dans les quantités infiniment grandes. Si deux quantités, dont la différence est donnée, augmentent à l’infini, leur dernière raison sera donnée, et sera certainement la rai-son d’égalité, cependant les dernières, ou les plus grandes quantités auxquelles répond cette raison, ne seront point des quantités données. Donc, lorsque je me servirai dans la suite, pour être plus clair, des mots de quantités évanouissantes, de quantités dernières, de quantités très petites, il ne faut pas entendre par ces expressions des quantités d’une grandeur déterminée, mais toujours des quantités qui diminuent à l’infini.

Table des matières

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 93 Livre I. sections I à VI.

Table des matières

SECONDE SECTION

De la recherche des forces centripètes.

PROPOSITION I. — THÉORÈME I.

Dans les mouvements curvilignes des corps, les aires décri-tes 1 autour d’un centre immobile, sont dans un même plan immobile et sont proportionnelles au temps.

(Fig. 13)

Supposé que le temps soit divisé en parties égales, et que dans la première partie de ce temps, le corps, par la force qui lui a été impri-mée, décrive la ligne AB : suivant la première loi du mouvement dans un second temps égal au premier, il décrirait, si rien ne l’en empê-chait, la droite BC = AB ; donc en tirant au centre S, les rayons AS, BS, cS, les aires ASB, BSc seraient égales. Supposé que lorsque ce corps est arrivé en B, la force centripète agisse sur lui par un seul coup, mais assez puissant pour l’obliger à se détourner de la droite Bc et à suivre la droite BC. Si on tire la ligne Cc parallèle à BS, laquelle rencontre BC en C, à la fin de ce second temps, le corps (selon le Corollaire 1 des lois) sera en C dans le même plan que le triangle ASB.

En tirant ensuite la ligne SC, le triangle SBC sera égal au triangle SBc, à cause des parallèles SB, Cc, donc il sera aussi égal au triangle SAB.

De même, si la force centripète agit successivement sur le corps en C, D, E, etc. et qu’elle lui fasse décrire à chaque petite portion de temps les droites CD, DE, EF, etc. ces lignes seront toutes dans le même plan ; et le triangle SCD sera égal au triangle SBC, le triangle SDE au triangle SCD, et le triangle SEF au triangle SDE. Ce corps décrira donc en des temps égaux des aires égales dans un plan immo-

1 Les aires décrites par un corps autour d’un centre sont les espaces terminés

par les rayons qui partent de ce centre et par l’arc sur lequel s’appuient ces rayons.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 94 Livre I. sections I à VI.

bile ; et en composant, les sommes des aires quelconques SADS, SAFS, seront entre elles comme les temps employés à les décrire.

Qu’on imagine maintenant que le nombre des triangles augmente et que leur largeur diminue à l’infini, il est clair (par le Cor. 4 du Lemme 3) que leur dernier périmètre ADF sera une ligne courbe. Donc la force centripète, qui retire le corps à tout moment de la tan-gente de cette courbe, agit sans interruption, et les aires quelconques SADS, SAFS, qui étaient proportionnelles aux temps employés à les décrire, leur seront encore proportionnelles dans ce cas. — C.Q.F.D.

Cor. 1. La vitesse d’un corps attiré vers un centre immobile dans un espace non résistant, est réciproquement comme la perpendiculaire tirée de ce centre à la ligne qui touche la courbe au lieu où le corps se trouve ; car la vitesse de ce corps aux lieux A, B, C, D, E, est propor-tionnelle aux bases AB, BC, CD, DE, EF des triangles égaux, et ces bases sont entre elles en raison réciproque des perpendiculaires qui leur sont abaissées du centre.

Cor. 2. Si on fait un parallélogramme ABCV, sur les cordes AB, SC, de deux arcs successivement parcourus par le même corps en des temps égaux dans des espaces non résistants, et que la diagonale BV de ce parallélogramme ait la même position que celle qu’elle a à la fin, lorsque ces arcs diminuent à l’infini, cette diagonale prolongée passera par le centre des forces.

Cor. 3. Si on fait les parallélogrammes ABCV, DEFZ, sur les cor-des AB, BC et DE, EF des arcs décrits en temps égaux dans des espa-ces non résistants, les forces en B et en E seront entre elles dans la dernière raison des diagonales BV, EZ, lorsque ces arcs diminueront à l’infini ; car les mouvements du corps, suivant les lignes BC et EF, sont composés (par le Corollaire des lois) des mouvements suivant les lignes Bc, BV et Ef, EZ : or, BV et EZ, qui sont égales à Cc, et à Ef, ont été parcourues par les impulsions de la force centripète en B et en E, selon ce qui a été démontré dans cette proposition ; donc elles sont proportionnelles à ces impulsions.

Cor. 4. Les forces par lesquelles les corps, qui se meuvent dans des espaces libres, sont détournés du mouvement rectiligne et contraints à décrire des courbes, sont entre elles comme les flèches des arcs éva-nouissants parcourus en temps égaux, et ces flèches convergent vers le

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 95 Livre I. sections I à VI.

centre des forces, et coupent les cordes des arcs évanouissants en deux parties égales ; car ces flèches sont la moitié des diagonales dont on vient de parler dans le Corol. 3.

Cor. 5. Ainsi ces mêmes forces sont à la force de la gravité, com-me les flèches des arcs décrits sont aux flèches verticales des arcs pa-raboliques que les projectiles décrivent dans le même temps.

Cor. 6. Tout ce qui a été démontré jusqu’ici sera encore vrai, par le Cor. 5 des lois, lorsque les plans dans lesquels les corps se meuvent, et les centres des forces placés dans ces plans, au lieu d’être en repos, se mouvront uniformément en ligne droite.

PROPOSITION II. — THÉORÈME II.

La force centripète d’un corps qui se meut dans une ligne courbe décrite sur un plan, et qui parcourt autour d’un point immobile, ou mû uniformément en ligne droite, des ai-res proportionnelles au temps, tend nécessairement à ce point.

Cas 1. Tout corps qui se meut dans une courbe est détourné du mouvement rectiligne par une force qui agit sur lui, par la première loi ; et cette force qui contraint le corps à se détourner de la ligne droi-te, et à décrire en temps égaux les petits triangles égaux SAB, SBC, SCD, etc. autour du point immobile S, agit au lieu B suivant une ligne parallèle à cC, par la seconde loi, c’est-à-dire, suivant la ligne BS ; et au lieu C suivant une ligne parallèle à dD, c’est-à-dire suivant la ligne SC, etc. Elle agit donc toujours selon des lignes qui tendent à ce point immobile S. — C.Q.F.D.

Cas 2. Et par le Corol. 5 des lois, le mouvement du corps est le même, soit que la superficie dans laquelle s’exécute ce mouvement soit en repos, soit qu’elle se meuve uniformément en ligne droite en emportant avec elle le centre, la courbe décrite, et le corps décrivant.

Cor. 1. Dans les espaces ou milieux non résistants, si les aires ne sont pas proportionnelles au temps, les forces centripètes ne tendent pas au concours des rayons, mais elles déclinent vers le côté vers le-quel le corps se meut si la description des aires est accélérée, et elles déclinent vers le côté opposé si elle est retardée.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 96 Livre I. sections I à VI.

Cor. 2. Dans les milieux résistants, si la description des aires est accélérée, les directions des forces déclinent aussi vers le côté vers lequel le mouvement du corps est dirigé.

SCHOLIE.

Le corps peut être animé par une force centripète composée de plu-sieurs forces. Dans ce cas, le sens de la Proposition précédente est que la force qui résulte de toutes les autres tend au point S. De plus, si quelque autre force agit continuellement selon une ligne perpendicu-laire à la superficie décrite, le corps se détournera du plan de son mouvement, mais la quantité de la superficie décrite n’augmentera, ni ne diminuera, ainsi on peut la négliger dans la composition des forces.

PROPOSITION III. — THÉORÈME III.

Si un corps décrit autour d’un autre corps qui se meut d’une façon quelconque des aires proportionnelles au temps, la force qui anime le premier est composée d’une force qui tend vers le second, et de toute la force accéléra-trice par laquelle ce second corps est animé.

Soit le premier corps L et le second T : si une force nouvelle égale et contraire à celle qui agit sur le corps T, agit sur ces deux corps, se-lon des lignes parallèles, le premier corps L continuera, par le Corol. 6 des lois, à décrire autour du corps T les mêmes aires qu’auparavant, mais la force qui agissait sur le corps T sera détruite par cette nouvelle force qu’on a supposé lui être égale et contraire. Donc, par la première loi, ce corps T abandonné à lui-même demeurera en repos, ou se mou-vra uniformément en ligne droite ; et le corps L, qui est animé alors par la différence de ces forces, c’est-à-dire par la force restante, conti-nuera à décrire des aires proportionnelles au temps autour du corps T. Donc par le Théor. 2 la différence de ces forces tend vers le corps T comme à son centre. — C.Q.F.D.

Cor. 1. Il suit de là, que si un corps L décrit autour d’un autre corps des aires proportionnelles au temps, et que de la force totale qui presse le corps L, soit simple, soit composée de plusieurs forces, selon le Co-rol. 2 des lois, on soustrait toute la force accélératrice qui agit sur

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 97 Livre I. sections I à VI.

l’autre corps ; la force restante par laquelle le corps L est animé, ten-dra tout entière vers l’autre corps T comme centre.

Cor. 2. Et si ces aires ne s’éloignent pas beaucoup d’être propor-tionnelles au temps, la force restante sera à peu près dirigée vers le corps T.

Cor. 3. Et réciproquement, si la force restante tend à peu près vers le corps T, les aires seront à peu près proportionnelles au temps.

Cor. 4. Si le corps L décrit autour du corps T des aires qui s’éloignent beaucoup de la proportionnalité des temps, et que ce corps T soit en repos, ou qu’il se meuve uniformément en ligne droite, la force centripète qui tend vers ce corps est nulle, ou bien elle est mêlée et composée avec d’autres forces très puissantes ; et la force totale, composée de toutes ces forces, s’il y en a plusieurs, sera dirigée vers un autre centre mobile ou immobile. Il en est de même, lorsque le corps T se meut d’un mouvement quelconque, pourvu que l’on prenne pour force centripète celle qui reste après qu’on ait soustrait la force totale qui agit sur le corps T.

SCHOLIE.

Comme la description des aires égales en temps égaux marque que le corps qui décrit ces aires éprouve l’action d’une force qui agit sur lui, qui le retire du mouvement rectiligne, et qui le retient dans son orbite ; pourquoi ne prendrions-nous pas dans la suite cette description égale des aires pour l’indice d’un centre autour duquel se fait tout mouvement circulaire dans des espaces non résistants ?

PROPOSITION IV. — THÉORÈME IV.

Les corps qui parcourent uniformément différents cercles sont animés par des forces centripètes qui tendent au centre de ces cercles, et qui sont entre elles comme les carrés des arcs décrits en temps égal, divisés par les rayons de ces cercles.

Ces forces tendent au centre des cercles par la Proposition 2 et le Cor. 2 de la Prop. 1 et elles sont entre elles, par le Cor. 4 de la Prop. 1

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 98 Livre I. sections I à VI.

comme les sinus verses des arcs décrits dans de très petits temps égaux, c’est-à-dire par le Lemme 7 comme les carrés de ces mêmes arcs divisés par les diamètres de leurs cercles. Or, comme ces petits arcs sont proportionnels aux arcs décrits dans des temps quelconques égaux, et que les diamètres sont comme les rayons, les forces seront comme les carrés des arcs quelconques décrits dans des temps égaux divisés par les rayons. — C.Q.F.D.

Cor. 1. Comme ces arcs sont proportionnels aux vitesses des corps, les forces centripètes seront en raison composée de la raison doublée des vitesses directement, et de la raison simple des rayons inverse-ment.

Cor. 2. Et comme les temps périodiques sont en raison composée de la raison directe des rayons, et de la raison inverse des vitesses ; les forces centripètes seront en raison composée de la raison directe des rayons, et de la raison doublée inverse des temps périodiques.

Cor. 3. Donc, si les temps périodiques sont égaux, et que les vites-ses soient par conséquent comme les rayons, les forces centripètes se-ront aussi comme les rayons : et au contraire.

Cor. 4. Si les temps périodiques et les vitesses sont en raison sous-doublée des rayons, les forces centripètes seront égales entre elles et au contraire.

Cor. 5. Si les temps périodiques sont comme les rayons, et que par conséquent les vitesses soient égales, les forces centripètes seront en raison renversée des rayons : et au contraire.

Cor. 6. Si les temps périodiques sont en raison sesquiplée des rayons, et que par conséquent les vitesses soient réciproquement en raison sous-doublée des rayons, les forces centripètes seront récipro-quement comme les carrés des rayons : et au contraire.

Cor. 7. Et généralement, si le temps périodique est comme une puissance quelconque Rn du rayon, et que par conséquent la vitesse soit réciproquement comme la puissance Rn-1 du rayon, la force cen-tripète sera réciproquement comme la puissance R2n-1 du rayon : et au contraire.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 99 Livre I. sections I à VI.

Cor. 8. On peut trouver de la même manière tout ce qui concerne les temps, les vitesses et les forces avec lesquelles les corps décrivent des parties semblables de figures quelconques semblables, qui ont leurs centres posés de même dans ces figures, il ne faut pas pour ces cas d’autres démonstrations que les précédentes, pourvu qu’on substi-tue la description égale des aires au mouvement uniforme, et qu’on mette les distances des corps aux centres à la place des rayons.

Cor. 9. Il suit aussi de la même démonstration, que l’arc qu’un corps décrit pendant un temps quelconque en tournant uniformément dans un cercle en vertu d’une force centripète donnée, est moyen pro-portionnel entre le diamètre de ce cercle et la ligne que le corps par-courait en tombant par la même force donnée et pendant le même temps.

SCHOLIE.

Le cas du Corollaire 6. est celui des corps célestes (comme nos Compatriotes Hook, Wren et Halley l’ont chacun conclu des observa-tions), c’est pourquoi j’expliquerai fort au long dans la suite de cet Ouvrage tout ce qui a rapport à la force centripète qui décroît en rai-son doublée des distances au centre.

De plus, par la Proposition précédente et par ses Corollaires, on peut trouver la proportion qui est entre la force centripète et une force quelconque connue, telle que la gravité ; car si le corps tourne dans un cercle concentrique à la Terre par la force de la gravité, la gravité sera sa force centripète : or connaissant d’un côté la descente des graves, et de l’autre le temps de la révolution, et l’arc décrit dans un temps quel-conque, on aura par le Corollaire 9. de cette Proposition, la proportion cherchée entre la gravité et la force centripète. C’est par des proposi-tions semblables que M. Huygens, dans son excellent Traité de Horol-logio oscillatorio, a comparé la force de la gravité avec les forces cen-trifuges des corps qui circulent.

On pourrait encore démontrer cette proposition de cette manière. Soit supposé un Polygone d’un nombre de côtés quelconque inscrit dans un cercle. Si le corps, en parcourant les côtés de ce Polygone avec une vitesse donnée, est réfléchi par le cercle à chacun des angles de ce Polygone, la force avec laquelle ce corps frappe le cercle à cha-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 100 Livre I. sections I à VI.

que réflexion sera comme sa vitesse : donc la somme des forces en un temps donné sera comme cette vitesse multipliée par le nombre des réflexions, c’est-à-dire, (si le Polygone est donné d’espèce) comme la ligne parcourue dans ce temps, laquelle doit être augmentée ou dimi-nuée dans la raison qu’elle a elle-même au rayon de ce cercle ; c’est-à-dire, comme le carré de cette ligne divisé par le rayon : ainsi si les cô-tés du Polygone diminuant à l’infini, le Polygone vient à coïncider enfin avec le cercle, la somme des forces sera alors comme le carré de l’arc parcouru dans un temps donné divisé par le rayon. C’est là la mesure de la force centrifuge avec laquelle le corps presse le cercle ; et cette force est égale et contraire à la force par laquelle ce cercle re-pousse continuellement le corps vers le centre.

PROPOSITION V. — PROBLÈME I.

Trouver le point auquel tendent comme centre des forces qui font parcourir une courbe donnée, lorsqu’on connaît la vitesse du corps à chaque point de cette courbe.

(Fig. 14)

Que les lignes PT, TQV, VR, qui se rencontrent aux points T et V, touchent la courbe donnée dans les points P, Q, R, que l’on mène en-suite par ces points et perpendiculairement aux tangentes les droites PA, QB, RC, réciproquement proportionnelles aux vitesses dans les mêmes points, c’est-à-dire, de sorte que PA soit à QB comme la vites-se au point Q est à la vitesse au point P, et que QB soit à RC comme la vitesse au point R à la vitesse au point Q. Cela fait, soient menées à angles droits par les extrémités A, B, C, de ces perpendiculaires les lignes AD, DBE, EC, qui se rencontrent en D et en E : et en tirant les lignes TD, VE, elles se rencontreront au centre cherché S.

Car les perpendiculaires tirées du centre S aux tangentes PT, QT sont (par le Cor. 1 de la Prop. 1) réciproquement comme les vitesses du corps aux points P et Q ; donc par la construction elles seront comme les perpendiculaires AP, BQ directement, c’est-à-dire, comme les perpendiculaires abaissées du point D sur ces tangentes. D’où l’on tire facilement, que les points S, T, D sont dans une même ligne droi-te. On prouvera par le même raisonnement que les points S, E, V sont

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aussi dans une même ligne droite ; donc le centre S se trouvera dans l’intersection des lignes TD, VE. — C.Q.F.D.

PROPOSITION VI. — THÉORÈME V.

Si un corps décrit autour d’un centre immobile un orbe quelconque dans un espace non résistant, et qu’on suppose que la flèche de l’arc naissant que ce corps parcourt dans un temps infiniment petit (et qui partage sa corde en deux parties égales) passe, étant prolongée, par le centre des forces : la force centripète dans le milieu de l’arc sera en raison directe de cette flèche, et en raison doublée inverse du temps.

Par le Cor. 4 de la Prop. 1 la flèche dans un temps donné est com-me la force ; donc, en augmentant le temps en une raison quelconque, la flèche (par les Cor. 2 et 3 du Lemme II.) augmentera dans la raison doublée du temps ; car l’arc augmente en même raison que le temps, donc la flèche est en raison simple de la force, et en raison doublée du temps, et soustrayant de part et d’autre la raison doublée du temps, la force sera en raison directe de la flèche, et en raison doublée inverse du temps. — C.Q.F.D.

On pourrait aussi démontrer facilement cette Proposition par le Cor. 4 du Lemme 10.

(Fig. 15)

Cor. 1. Si le corps P en tournant autour du centre S décrit la courbe APQ, et que cette courbe soit touchée par la ligne ZPR en un point quelconque P, que d’un autre point quelconque Q de cette courbe, on tire QR parallèle à SP, et qu’on abaisse QT perpendiculaire sur SP : la force centripète sera réciproquement comme la quantité que devient SP ×QT

QR

2 2

lorsque les points P et Q, coïncident ; car QR est égale à

la flèche de l’arc double de QP, dont le milieu est P, et le double du triangle SQP ou SP ×QT est proportionnel au temps dans lequel cet arc double est décrit, ainsi on peut l’écrire à la place de ce temps.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 102 Livre I. sections I à VI.

Cor. 2. On prouvera par le même raisonnement que la force centri-

pète est réciproquement comme la quantité SP 2 ×QTQR

2

pourvu que SY

soit abaissée perpendiculairement du centre des forces sur la tangente PR de l’orbite ; car les rectangles SY ×QP et SP ×QT sont égaux.

Cor. 3. Si l’orbe PQ est un cercle dont la droite PV, qui passe par le corps et par le centre des forces, soit une corde, ou que cet orbe PQ ait pour cercle osculateur le cercle dont la corde est PV, la force cen-tripète sera réciproquement comme la quantité SY × PV ; car dans

cette supposition PV =QPQR

2

.

Cor. 4. Les mêmes choses étant posées, la force centripète est dans la raison doublée directe de la vitesse, et dans la raison inverse de la corde PV ; car par le Cor. 1. de la Propos. 1. la vitesse est réciproque-ment comme la perpendiculaire SY.

Cor. 5. Donc, si on a une figure curviligne quelconque APQ, et dans cette figure un point donné S, vers lequel la force centripète soit perpétuellement dirigée, on pourra trouver la loi de la force centripète, par laquelle un corps quelconque P sera retiré à tout moment du mou-vement rectiligne et retenu dans le périmètre de cette figure, en cher-

chant la valeur du solide SP 2 ×QTQR

2

ou celle du solide SY 2 × PV , qui

sont réciproquement proportionnels à cette force. Nous en donnerons des exemples dans les Problèmes suivants.

PROPOSITION VII. — PROBLÈME II.

Trouver la loi de la force centripète qui tend à un point donné, et qui fait décrire à un corps la circonférence d’un cercle.

(Fig. 16)

Soient VQPA la circonférence du cercle ; S le point donné vers le-quel la force fait tendre le corps comme à son centre ; P un lieu quel-conque où l’on suppose le corps arrivé ; Q le lieu consécutif ; PRZ la tangente du cercle au point P ; et PV la corde qui passe par S. Soient

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 103 Livre I. sections I à VI.

de plus VA le diamètre qui passe par V ; AP la corde tirée de A à P ; QT une perpendiculaire à PV, laquelle étant prolongée rencontre la tangente PR en Z ; RL la parallèle à PV qui passe par Q, et qui ren-contre le cercle en L, et la tangente PZ en R.

Cela posé, à cause des triangles semblables ZQR, ZTP, VPA ; on

aura RP2, c’est-à-dire, QRL : QT = 2 AV 2 : PV 2 ; donc QRL × PV 2

AV 2 =

; multipliant présentement cette équation par QT 2 SPQR

2

, et écrivant

PV au lieu de RL, ce qui est permis lorsque les points P et Q coïnci-

dent, on aura SP 2 × PV 3

AV 2 = SP 2 ×QTQR

2

donc, par les Cor. 1. et 5. de

la Prop. 6. la force centripète sera réciproquement comme SP 2 × PV 3

AV 2

c’est-à-dire, a cause que AV2 est donné, réciproquement comme le car-ré de la distance ou hauteur SP multipliée par le cube de la corde PV. — C.Q.F.T.

Autre solution.

Soit menée la perpendiculaire SY sur la tangente PR prolongée ; à cause des triangles semblables SYP, VPA, on aura AV : PV = SY. Donc SP × PV

AV= SY , et SP PV2 3

AV 3 = SY 2 × PV . Donc par les Cor. 3 et 5 de

la Prop. 6 la force centripète est réciproquement comme SP PV2 3

AV 2

c’est-à-dire, à cause que AV est donnée, réciproquement comme SP 2 × PV 3. — C.Q.F.T.

Cor. 1. Donc, si le point donné S, auquel la force centripète tend sans cesse, se trouve dans la circonférence de ce cercle, comme en V, la force centripète sera réciproquement comme la cinquième puissan-ce de la hauteur SP.

(Fig. 17)

Cor. 2. La force par laquelle le corps P décrit le cercle APTV au-tour du centre S des forces, est à la force par laquelle ce même corps P peut tourner dans le même temps périodique et dans le même cercle autour d’un autre centre quelconque de forces R, comme SP × RP 2 à

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 104 Livre I. sections I à VI.

SG3, SG étant une droite menée parallèlement à RP, et terminée par la tangente PG.

Car par la construction, la première force est à la dernière comme

RP 2 × PT 3 à SP 2 × PV 3 c’est-à-dire, comme SP × PR2 à SP 3 × PVP

3

T 3 ,

ou bien, à cause des triangles semblables PSG, TPV, comme SP × PR2 à SG3.

Cor. 3. La force par laquelle le corps P circule dans un orbe quel-conque autour d’un centre de forces S, est à la force, par laquelle ce même corps P peut circuler dans le même temps périodique et dans le même orbe autour d’un autre centre quelconque R de forces, comme SP × RP 2

2 2

à SG3, c’est-à-dire, comme la distance du corps au premier centre des forces S, multipliée par le carré de la distance au second centre R, est au cube de la ligne SG tirée du premier centre S parallè-lement à la distance du second centre, et terminée par la tangente PG de l’orbite. Car les forces dans cet orbe sont les mêmes à un de ses points quelconques P, que dans le cercle qui a la même courbure.

PROPOSITION VIII. — PROBLÈME III.

On demande la loi de la force centripète dans le cas où le corps décrivant un demi-cercle PQA tend continuellement vers un point S si éloigné, que toutes les lignes PS, RS tirées à ce point peuvent être regardées comme parallèles.

(Fig. 18)

Par le centre C de ce demi-cercle, soit tiré le demi-diamètre CA coupé perpendiculairement en M et en N par les directions de la force centripète. Tirant CP, on aura, à cause des triangles semblables, CPM, PZT et RZQ, CP : PM = PR :QT2 2

2 et par la nature du cercle

PR = QR × RN + QN = QR × 2PM (les points Q et P coïncidant).

Donc CP 2 : PM 2 = QR × 2PM :QT 2 donc QTQR

2

=2PMCP 2

3

et

QT × SPQR

2 2

= 2PM 3 × SPC

2

P 2 ; donc, par les Corol. 1 et 5 de la Prop. 6

la force centripète est réciproquement comme 2PM × SPCP 2

3 2

, c’est-à-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 105 Livre I. sections I à VI.

dire (en négligeant la raison donnée de 2SPCP 2

2

) réciproquement com-

me . — C.Q.F.T. PM 3

On tirerait facilement la même chose de la Proposition précédente.

SCHOLIE.

Par un raisonnement à peu près semblable, on trouverait que si le corps décrivait une ellipse, une hyperbole, ou une parabole, en vertu d’une force centripète dirigée à un point très éloigné, cette force cen-tripète serait encore réciproquement comme le cube de l’ordonnée qui tend à ce point.

PROPOSITION IX. — PROBLÈME IV.

Supposé que le corps tourne dans une spirale PQS qui cou-pe tous les rayons SP, SQ, etc. sous un angle donné : on demande la loi de la force centripète qui tend au centre de cette spirale.

(Fig. 19)

Soit supposé constant l’angle indéfiniment petit PSQ, la figure SPRQT, ayant tous ses angles constants, sera donnée d’espèce ; donc QTQR

sera donnée aussi ; donc QTQR

2

sera comme SP parce que, comme

on vient de le dire, SPRQT est donnée d’espèce.

Supposons présentement que l’angle PSQ, change selon une loi quelconque, la droite QR qui sous-tend l’angle de contact QPR chan-gera, par le Lemme II. en raison doublée de PR ou de QT. De là il suit,

que la raison QTQR

2

demeurera la même qu’auparavant, c’est-à-dire

qu’elle sera encore comme SP. C’est pourquoi QT × SPQR

2 2

sera com-

me SP3 ; donc par les Cor. 1 et 5 de la Prop. 6 la force centripète sera réciproquement proportionnelle au cube de la distance SP. — C.Q.F.T.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 106 Livre I. sections I à VI.

Autre solution.

La perpendiculaire SY abaissée sur la tangente, et la corde PV du cercle osculateur étant en raison donnée avec SP, SP3 est proportion-nel à SY 2 × PV , c’est-à-dire, par les Cor. 3 et 5 de la Prop. 6 récipro-quement proportionnel à la force centripète.

LEMME XII.

Tous les parallélogrammes décrits autour des diamètres quelconques conjugués d’une ellipse ou d’une hyperbole donnée sont égaux entre eux.

Cette Proposition est claire par les Coniques.

PROPOSITION X. — PROBLÈME V.

Un corps circulant dans une ellipse : on demande la loi de la force centripète qui tend au centre de cette ellipse.

(Fig. 20)

Soient CA, CB les demi axes de l’ellipse ; GP, DK d’autres diamè-tres conjugués, PF, QT des perpendiculaires à ces diamètres ; Qv une ordonnée au diamètre GP ; si on achève le parallélogramme QvPR, on aura par les coniques Pv × vG : = Qv2 PC 2 2

2 2 : . Mais à cause des

triangles semblables QvT, PCF, : = CD

Qv QT PC 2 : PF 2

2. Donc, en

composant ces raisons, on aura Pv × vG : QT = PC 2 2 : , et CD PC 2 :

PF 2, ou vG : QTPv

2

= PC 2 : CD2 × PFPC 2

2

. Si on écrit présentement QR

pour Pv, que l’on mette, à cause du Lemme 12. BC ×CA à la place de CD× PF , et que l’on suppose vG égale à 2PC, ainsi qu’on le doit lorsque les points P et Q coïncident, on aura, en multipliant les extrê-

mes et les moyens, QT 2 × PCQR

2

= 2BC 2 × CA2

PC. Donc, par le Cor. 5

de la Prop. 6 la force centripète sera réciproquement comme 2BC × AC

P

2 2

C c’est-à-dire, à cause que 2BC 2 × CA2 est donnée, réci-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 107 Livre I. sections I à VI.

proquement comme 1PC

; ou, ce qui revient au même, directement

comme la distance PC. — C.Q.F.T. Autre solution.

Sur la droite PG de l’autre côté du point T par rapport à P, soit pris le point u en sorte que Tu = Tv. Soit pris ensuite uV à vG, comme DC2 à PC2. Puisque les coniques donnent, Qv : Pv × vG = 2 DC 2 : PC 2

2, on

aura , et ajoutant le rectangle Qv = Pv × uV uP × Pv de part et d’autre, il est clair que le carré de la corde de l’arc PQ sera égal au rectangle VP × Pv ; donc le cercle qui touche la section conique en P et qui passe par le point Q passera aussi par le point V. Supposez à présent que les points P et Q se confondent, la raison de uV à vG, qui est la même que la raison de DC2 à PC2, deviendra la raison de PV à

PG ou de PV à 2PC ; donc PV = 2DC 2

PC, donc, par le Cor. 3, de la

Propos. 6. la force par laquelle le corps P fait révolution dans l’ellipse,

sera réciproquement comme 2DCP

2

C× PF 2, c’est-à-dire, à cause que

2DC 2 × PF 2 est donné, que cette force sera directement comme PC. — C.Q.F.T.

Cor. 1. La force est donc comme la distance du corps au centre de l’ellipse : et réciproquement, si la force est comme la distance, le corps décrira, ou une ellipse dont le centre sera le même que le centre des forces, ou le cercle dans lequel l’ellipse peut se changer.

Cor. 2. Les temps périodiques des révolutions qui se font autour du même centre sont égaux dans toutes les ellipses, car ces temps sont égaux dans les ellipses semblables (par les Cor. 3 et 8 de la Prop. 4) ; mais dans les ellipses qui ont le grand axe commun, ils sont les uns aux autres directement comme les aires elliptiques totales, et inverse-ment comme les particules de ces aires décrites en temps égal, c’est-à-dire directement comme les petits axes, et inversement comme les vi-tesses des corps dans les sommets principaux, ou directement comme les petits axes, et inversement comme les ordonnées au même point de l’axe commun. Mais ces deux raisons directes et inverses qui compo-sent la raison des temps sont alors égales ; donc les temps sont égaux.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 108 Livre I. sections I à VI.

SCHOLIE.

Si le centre de l’ellipse s’éloigne à l’infini, et qu’elle devienne une parabole, le corps se mouvra dans cette parabole ; et la force tendant alors à un centre infiniment distant, elle deviendra uniforme. C’est le cas traité par Galilée. Si (en changeant l’inclinaison du plan au cône coupé) la parabole se change en une hyperbole, le corps se mouvra dans le périmètre de cette hyperbole, la force centripète se changeant alors en force centrifuge ; et de même que dans le cercle ou l’ellipse, si les forces tendent au centre de la figure placé sur l’abscisse, en augmentant ou diminuant les ordonnées en une raison donnée quel-conque, ou en changeant l’angle d’inclinaison des ordonnées sur l’abscisse, ces forces augmenteront ou diminueront toujours en raison des distances au centre, pourvu que les temps périodiques demeurent égaux ; ainsi dans toutes les courbes, si les ordonnées augmentent ou diminuent dans une raison donnée quelconque, ou que l’angle de ces ordonnées change d’une façon quelconque, le temps périodique et le centre des forces, qu’on suppose placé à volonté sur l’abscisse, de-meurant les mêmes, les forces centripètes aux extrémités des ordon-nées correspondantes seront entre elles comme les distances au centre.

Table des matières

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 109 Livre I. sections I à VI.

Table des matières

TROISIÈME SECTION

Du mouvement des corps dans les Sections coniques excen-triques.

PROPOSITION XI. — PROBLÈME VI.

Un corps faisant sa révolution dans une ellipse ; on deman-de la loi de la force centripète, lorsqu’elle tend à un de ses foyers.

(Fig. 21)

Soient S le foyer de l’ellipse, E la rencontre de SP avec le diamètre DK, x celle de la même ligne SP avec l’ordonnée QV, QxPR le paral-lélogramme fait sur Px et Qx. On voit d’abord que EP est égale au demi grand axe AC ; car menant par l’autre foyer H la droite HI paral-lèle à DK, il est clair que EI sera égale à SE à cause de l’égalité qui est entre CH et CS, et par conséquent PE sera égale à la moitié de la somme de PI et de PS, ou, ce qui revient an même, à AC, moitié de la somme de PS et de PH, puisqu’il suit de ce que HI est parallèle à RP, et de ce que les angles HPZ et IPR sont égaux, que HP = PI . Abais-sant ensuite QT perpendiculaire à SP, et nommant L le paramètre du

grand axe, c’est-à-dire 2BC 2

AC ; on verra que L × QR : L × Pv = QR :

Pv, c’est-à-dire = PE ou AC : PC ; mais L × Pv : Gv × vP = L : Gv et ; de plus, Qv : en raison d’égalité

(Cor. 2 Lemme 7) lorsque les points P et Q coïncident, et QxGv × vP :Qv = PC :CD2 2 2 2 2

2 2 2 2 2

Qx2 ou

, c’est-à-dire = Qv :QT = EP : PF CA : PF 2

2 2

2

ou (Lemme 12) = ; donc, en composant toutes ces raisons on aura L × QR :

= AC × L × CD :CBQT PC 2 2 × ou = 2CD BC 2 × PC 2 2

2 2 × : PC × Gv ×

× ou = 2PC : Gv. Or, puisque 2PC et Gv sont égales lorsque les points P et Q coïncident, les quantités

CDCD CB

L ×QR et QT2 qui leur sont proportionnelles seront donc égales aussi. Multipliant présentement

ces quantités égales par SPQR

2

, on aura L × SP 2 = SP ×QTQR

2 2

. Donc

Page 110: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 110 Livre I. sections I à VI.

par les Cor. 1. et 5. de la Prop. 6. la force centripète sera QR récipro-quement comme L = SP 2

3

, c’est-à-dire en raison renversée de SP2. — C.Q.F.T.

Autre solution. (Fig. 21)

Comme la force qui tend au centre de l’ellipse, et par laquelle le corps P peut faire sa révolution dans cette courbe, est par le Cor. 1. de la Prop. 10. proportionnelle à la distance CP du corps au centre C de l’ellipse ; en menant CE parallèle à la tangente PR de l’ellipse, on ver-ra par le Cor. 3 de la Prop. 7 que la force par laquelle ce même corps P ferait sa révolution autour d’un autre point quelconque S de

l’ellipse, serait comme PESP 2 en supposant que E fait la rencontre de

CE et de la droite SP, tirée au point S. Donc, lorsque le point S sera le foyer, et que par conséquent PE sera constante, la force centripète sera

comme 1SP 2 . — C.Q.F.T.

Dans ce Problème, ainsi que dans le Probl. 5 on pourrait se conten-ter d’appliquer la conclusion trouvée pour le cas de l’ellipse à celui de la parabole et de l’hyperbole ; mais à cause de l’importance de ce Problème, et de l’étendue de son usage dans les Propositions suivan-tes, j’ai cru qu’il ne serait pas inutile de démontrer en particulier les cas de la parabole et de l’hyperbole.

PROPOSITION XII. — PROBLÈME VII.

Supposé qu’un corps se meuve dans une hyperbole ; on de-mande la loi de la force centripète qui tend au foyer de cette courbe.

(Fig. 22)

Que CA, CB soient les demi-axes de l’hyperbole ; PG, KD d’autres diamètres conjugués ; PF une perpendiculaire au diamètre KD ; et Qv une ordonnée au diamètre PG. Qu’on tire SP, qui coupe le diamètre DK en E, et l’ordonnée Qv en x, et qu’on achève le parallélogramme QRPx ; il est clair que EP sera égale au demi axe transversal AC, car tirant par l’autre foyer H de l’hyperbole la ligne HI parallèle à EC, CH

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 111 Livre I. sections I à VI.

étant égale à CS, EI sera égale à ES, et par conséquent EP sera la moi-tié de la différence des lignes PS et PI, c’est-à-dire, (à cause que IH, PR sont parallèles, et que les angles IPR, HPZ sont égaux) qu’elle sera égale à la moitié de la différence des lignes PS et PH, c’est-à-dire que EP = AC .

Cela posé, tirant QT perpendiculaire sur SP, et nommant L le pa-

ramètre principal de l’hyperbole ou 2BC 2

AC, on aura L × QR : L × Pv

= QR : Pv ou = Px : Pv, c’est-à-dire, à cause des triangles semblables Pxv, PEC, = PE : PC, ou = AC : PC. On aura aussi, L × Pv : Gv × Pv = L : Gv ; et par la nature des coniques Gv × vP : = Qv2 PC 2 2

2 2

2 2

: . De plus Qx , ou (ce qui revient au même, Cor. 2. Lemme 7. lors-que les points P et Q coïncident) Qv : =

CDQT

QT EP 2 : PF 2

2, c’est-à-

dire, = CA : PF 2 2

2, ou Lemme 12. = , et en composant toutes

ces raisons, on aura L × QR : = AC × L × CD2 :CB

QT PC 2 2 × CD ou 2BC 2 × PC 2 2 2 2 × CD : PC × Gv × CD × CB , c’est-à-dire = 2PC : Gv ; mais lorsque les points P et C coïncident, 2PC = Gv. Donc les quanti-tés L × QR et QT qui leur sont proportionnelles seront aussi égales, et

en multipliant ces quantités égales par

2

SP 2

QR, on aura SP 2 ×QT

QR

2

= L ×

SP 2. Donc, par les Cor. 1. et 5. de la Prop. 6. la force centripète sera réciproquement comme L × SP 2, c’est-à-dire, en raison renversée du carré de la distance SP. — C.Q.F.T.

Autre solution. (Fig. 22)

Si on cherche la force en prenant le centre C de l’hyperbole pour centre des forces, on la trouvera proportionnelle à la distance CP. Donc, par le Cor. 3. de la Prop. 7. la force qui tend au foyer S sera

comme PES

3

P 2 c’est-à-dire, à cause que PE est donnée, réciproquement

comme SP2. — C.Q.F.T.

On démontrera, de la même manière que si cette force centripète se change en une force centrifuge, le corps décrira l’hyperbole conju-guée.

Page 112: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 112 Livre I. sections I à VI.

LEMME XIII. Le paramètre d’un diamètre quelconque d’une parabole, est quadruple de la distance du sommet de ce diamètre au foyer de la Figure.

Cela se démontre par les Coniques.

LEMME XIV.

La perpendiculaire, tirée du foyer d’une parabole à sa tan-gente, est moyenne proportionnelle entre les distances du foyer au point de contact, et au sommet principal de la Fi-gure.

(Fig. 23)

Soient AP une parabole, S son foyer, A son sommet principal, P le point de contact, PO une ordonnée au diamètre principal, PM une tan-gente qui rencontre le diamètre principal en M, et SN la ligne perpen-diculaire tirée du foyer sur la tangente. Ayant tiré AN, il suivra de l’égalité des lignes MS et SP, MN et NP, MA et AO, que les droites AN et OP sont parallèles, et par conséquent que le triangle SAN est rec-tangle en A, et semblable aux triangles égaux SNM, SNP ; donc PS : SN = SN : SA. — C.Q.F.D.

Cor. 1. Donc PS 2 : SN 2 = PS : SA.

Cor. 2. À cause que SA est donnée, SN2 sera proportionnelle à PS.

Cor. 3. Le concours d’une tangente quelconque PM et de la droite SN, tirée perpendiculairement du foyer sur cette tangente, tombera sur la droite AN qui touche la parabole à son sommet principal.

PROPOSITION XIII. — PROBLÈME VIII.

Supposé qu’un corps décrive une parabole, on demande la loi de la force centripète qui tend au foyer de cette courbe.

(Fig. 24)

La construction demeurant la même que dans le Lemme précédent, soient P le lieu de la parabole dans lequel on suppose d’abord le corps, et Q le lieu consécutif, de ce lieu Q tirez QR parallèle à SP, et

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 113 Livre I. sections I à VI.

QT perpendiculaire sur cette ligne SP, que v soit la rencontre de PG avec la parallèle Qv à la tangente, et x la rencontre de la même parallè-le Qv avec SP, parce que les triangles Pxv, SPM sont semblables, et que les côtés SM, SP de l’un de ces triangles sont égaux, les côtés Px ou QR, et Pv de l’autre triangle seront aussi égaux. Mais, par les coni-ques, le carré de l’ordonnée Qv est égal au rectangle sous le paramètre et le segment du diamètre Pv, c’est-à-dire, par le Lemme 13. au rec-tangle 4PS × Pv ou 4PS ×QR ; et par le Cor. 2. du Lemme 7. les points P et Q coïncidant, la raison de Qv à Qx devient la raison d’égalité. Donc, dans ce cas, Qx2 = 4PS ×QR. De plus, à cause des triangles semblables QxT, SPN, Qx2 :QT 2 = PS : SN 2 , c’est-à-dire, Cor. I. Lemme 14. = PS : SA, ou = 4PS ×QR : 4SA ×QR. Donc

. Multipliant ensuite cette égalité par QT 2 = 4SA ×QR SPQR

2

, on aura

SP QTQR

2 2

= SP 2 × 4SA ce qui apprend, Cor. 1. et 5. de la Prop. 6. que

la force centripète est réciproquement comme SP 2 × 4SA , c’est-à-dire, à cause que 4SA est donnée que cette force est en raison renver-sée du carré de la distance SP. — C.Q.F.T.

Cor. 1. Des trois dernières Propositions on tire, que si un corps quelconque attiré continuellement vers un centre par une force réci-proquement proportionnelle au carré des distances part d’un lieu P, suivant une droite quelconque PR, et avec une vitesse quelconque, ce corps se mouvra dans une section conique qui aura pour l’un de ses foyers le centre des forces, et réciproquement ; car le foyer, le point de contact et la position de la tangente étant donnés, on peut décrire la section conique qui aura à ce point une courbure donnée : et deux or-bites qui se touchent, et qui sont décrites avec la même vitesse et la même force centripète ne sauraient différer entre elles.

(Fig. 25)

Cor. 2. Si la vitesse avec laquelle le corps part du lieu P est celle qui peut lui faire décrire la petite ligne PR dans un espace de temps fort court, et que la force centripète puisse faire parcourir à ce même corps dans le même temps l’espace QR : le corps décrira une section

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 114 Livre I. sections I à VI.

conique, dont le paramètre sera ce que devient la quantité QTQR

2

, lors-

que les petites lignes PR et QR diminuent à l’infini.

Dans ces Corollaires je rapporte le cercle à l’ellipse, et j’excepte le cas où le corps descend en ligne droite au centre.

PROPOSITION XIV. — THÉORÈME VI.

Si plusieurs corps font leurs révolutions autour d’un centre commun, et que les forces centripètes soient réciproquement en raison doublée de leurs distances à ce centre, les para-mètres principaux de leurs orbes seront en raison doublée des aires qu’ils décrivent en temps égal.

(Fig. 25)

Car, par le Cor. 2 de la Prop. 13 le paramètre L est égal à ce que

devient la quantité QTQR

2

lorsque les points P et Q coïncident ; mais la

petite ligne QR est dans un temps donné comme la force centripète qui la fait décrire, c’est-à-dire, par l’hypothèse, QT2 en raison renversée

de SP2. Donc QTQR

2

est proportionnelle à QT 2 × SP 2, c’est-à-dire, que

le paramètre L est en raison doublée de l’aire QT × SP . — C.Q.F.D.

Cor. Donc l’aire elliptique totale, et le rectangle formé par les axes, qui lui est proportionnel, est en raison composée de la raison sous-doublée du paramètre, et de la raison du temps périodique ; car l’aire totale est proportionnelle à l’aire QT × SP décrite dans un temps donné, et multipliée par le temps périodique.

PROPOSITION XV. — THÉORÈME VII.

Les mêmes choses étant posées, les temps périodiques dans les ellipses sont en raison sesquiplée de leurs grands axes.

Puisque le petit axe est moyen proportionnel entre le grand axe et le paramètre, le rectangle formé par les axes est donc en raison com-posée de la raison sous-doublée du paramètre et de la raison sesqui-plée du grand axe, mais ce rectangle, par le Cor. de la Prop. 14 est en

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 115 Livre I. sections I à VI.

raison composée de la raison sous-doublée du paramètre, et de la rai-son du temps périodique. Ôtant donc de part et d’autre la raison sous-doublée du paramètre, il restera la raison sesquiplée du grand axe, qui sera la même que la raison du temps périodique. — C.Q.F.D.

Cor. Les temps périodiques sont donc les mêmes dans les ellipses, et dans les cercles, dont les diamètres sont égaux aux grands axes des ellipses.

PROPOSITION XVI. — THÉORÈME VIII.

Les mêmes choses étant posées, si par les points où l’on suppose les corps dans chaque orbite on mène des tangen-tes, et qu’on abaisse du foyer commun des perpendiculaires sur les tangentes, les vitesses de ces corps seront en raison composée de la raison inverse de ces perpendiculaires, et de la raison directe sous-doublée des paramètres princi-paux.

(Fig. 26)

Du foyer S à la tangente PR tirez la perpendiculaire SY, la vitesse

du corps P sera SY 2

L ; réciproquement en raison sous-doublée de la

quantité ; car cette vitesse est comme le petit arc PQ décrit dans une particule de temps donnée, c’est-à-dire, par le Lemme 7. comme la tangente PR, ou ce qui revient au même, (à cause que PR : QT = SP :

SY) comme SP ×QTSY

, c’est-à-dire, comme SY réciproquement et

SP ×QT directement ; or SP ×QT est comme l’aire décrite en un temps donné, c’est-à-dire par la Prop. 14. en raison sous-doublée du paramètre. — C.Q.F.D.

Cor. 1. Les paramètres principaux sont en raison composée de la raison doublée des perpendiculaires et de la raison doublée des vites-ses.

Cor. 2. Les vitesses des corps, dans les plus grandes et les moin-dres distances du foyer commun, sont en raison composée de la raison inverse des distances, et de la raison directe sous-doublée des paramè-

Page 116: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 116 Livre I. sections I à VI.

tres principaux ; car alors les perpendiculaires sont les distances elles-mêmes.

Cor. 3. Donc la vitesse, dans une section conique à la plus grande ou à la plus petite distance du foyer, est à la vitesse dans un cercle à la même distance du centre, en raison sous-doublée du paramètre au double de cette distance.

Cor. 4. Les vitesses des corps qui font leurs révolutions dans des ellipses sont les mêmes dans leurs moyennes distances du foyer com-mun, que celles des corps qui circulent dans des cercles aux mêmes distances ; c’est-à-dire, par le Cor. 6 de la Prop. 4 que ces vitesses sont en raison inverse sousdoublée des distances. Car les perpendicu-laires sont moitié des petits axes, et les petits axes sont comme les moyennes proportionnelles entre les moyennes distances et les para-mètres. Composant donc la raison inverse des perpendiculaires avec la raison sousdoublée directe des paramètres, il en viendra la raison sousdoublée inverse des distances.

Cor. 5. Dans la même figure, ou même dans diverses figures, pourvu que les paramètres principaux soient égaux, la vitesse du corps est réciproquement comme la perpendiculaire tirée du foyer à la tan-gente.

Cor. 6. Dans la parabole, la vitesse est réciproquement en raison sous-doublée de la distance du corps au foyer ; dans l’ellipse elle varie plus que dans cette raison, et moins dans l’hyperbole. Pour démontrer ces trois vérités, il suffit de remarquer (Cor. 2 Lem. 14 que la perpen-diculaire abaissée du foyer sur la tangente de la parabole est en raison sous-doublée de la distance ; que dans l’ellipse cette perpendiculaire est dans une plus grande raison, et que dans l’hyperbole elle est dans une moindre raison.

Cor. 7. Dans la parabole, la vitesse, à une distance quelconque du foyer, est à la vitesse dans un cercle à la même distance du centre en raison sous-doublée de deux à un. Dans l’ellipse elle est dans une moindre raison, et dans une plus grande dans l’hyperbole ; car, par le Cor. 2 de cette Proposition, la vitesse au sommet de la parabole est dans cette proportion, et par les Cor. 6 de cette Proposition et de la Proposition 4 cette proportion se conserve à toutes les distances. D’où il suit qu’à chaque point de la parabole, la vitesse est égale à la vitesse

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 117 Livre I. sections I à VI.

du corps qui ferait sa révolution dans un cercle à la moitié de la dis-tance du centre, que dans l’ellipse elle est moindre, et plus grande dans l’hyperbole.

Cor. 8. La vitesse d’un corps qui circule dans une section conique quelconque est à la vitesse d’un corps qui fait sa révolution dans un cercle à la distance de la moitié du paramètre principal, comme cette distance est à la perpendiculaire abaissée du foyer de la section sur la tangente. La démonstration en est évidente par le Cor. 5.

Cor. 9. Donc, puisque (Cor. 6 Prop. 4) la vitesse d’un corps qui tourne dans ce cercle serait à la vitesse d’un corps qui tourne dans un autre cercle quelconque en raison sous-doublée inverse des distances, la vitesse d’un corps qui tourne dans une section conique sera à la vi-tesse de celui qui tourne dans un cercle à la même distance, comme la moyenne proportionnelle entre cette distance commune et la moitié du paramètre principal de la section conique est à la perpendiculaire abaissée du foyer commun sur la tangente de cette section conique.

PROPOSITION XVII. — PROBLÈME IX.

Supposant que la force centripète soit réciproquement pro-portionnelle au carré de la distance au centre, et que la quantité absolue de cette force soit connue, on demande la courbe qu’un corps décrit en partant d’un lieu donné, avec une vitesse donnée, suivant une ligne droite donnée.

(Fig. 27 & 28)

Que la force centripète qui tend au point S soit celle qui fait circu-ler le corps p dans une orbite donnée pq, et que la vitesse de ce corps au point p soit connue. Que le corps P parte du lieu P, suivant la ligne PR avec une vitesse donnée, et qu’en vertu de cette vitesse et de la force centripète, il décrive la section conique PQ. Que la droite PR touche cette courbe en P, et que pr touche pareillement l’orbite pq en p ; si l’on imagine des perpendiculaires tirées du point S à ces tangen-tes ; il est clair, par le Cor. 1 de la Prop. 16, que le principal paramètre de la section conique cherchée sera au principal paramètre de l’orbite donnée, en raison composée de la raison doublée des perpendiculaires, et de la raison doublée des vitesses, ainsi il sera donné. Soit L le pa-ramètre de la section conique cherchée, le foyer S de cette même sec-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 118 Livre I. sections I à VI.

tion étant aussi donné, en faisant l’angle RPH égal au complément à deux droits de l’angle RPS, on aura la position de la ligne PH, qui passe par l’autre foyer ; car tirant SK perpendiculaire à PH, et suppo-sant que BC soit le demi axe conjugué, on aura, SP 2 − 2KP × PH + PH 2 = SH 2 = 4CH 2 = 4BH 2 − 4BC 2 = SP + PH 2 – L × SP + PH = SP 2 + 2SP × PH + PH 2 − L × SP + PH , et ajoutant de part et d’autre 2KP × PH − SP 2 − PH 2 + L × SP + PH , il viendra L × SP + PH = 2SP × PH + 2KP × PH ou SP + PH : PH = 2SP + 2KP : L, d’où PH est donnée tant de longueur que de position.

(Fig. 27)

Si la vitesse du corps au point P est telle que le paramètre L soit moindre que 2SP + 2KP , la ligne PH tombera du même côté de la tangente PR que la ligne PS ; ainsi la courbe sera une ellipse, et com-me ses foyers S et H seront donnés, son grand axe SP + PH sera aussi donné.

Si la vitesse du corps est telle que le paramètre L soit égal à 2SP + 2KP , la ligne PH sera infinie, et par conséquent la courbe sera une parabole dont l’axe SH parallèle à la ligne PK sera donné.

Si le corps part du lieu P avec une vitesse encore plus grande, il faudra prendre la ligne PH de l’autre côté de la tangente, ainsi la tan-gente passant entre les foyers, la courbe sera une hyperbole dont l’axe principal sera égal à la différence des lignes SP et PH, et sera par conséquent donné.

Dans tous ces cas, si l’on suppose que le corps P se meuve dans la section conique ainsi trouvée, il est clair, par les Prop. 11, 12 et 13 que la force centripète sera réciproquement comme le carré de la distance du corps au centre S des forces ; ainsi la ligne PQ représentera exac-tement celle que le corps décrira par une telle force en partant du lieu donné P, avec une vitesse donnée, et suivant une ligne droite PR don-née de position. — C.Q.F.F.

Cor. 1. De là, le sommet principal D, le paramètre L, et le foyer S étant donnés, on aura dans toute section conique l’autre foyer H, en prenant DH à DS, comme le paramètre à la différence entre le paramè-tre et 4DS ; car la proportion SP + PH : PH = 2SP + 2PK : L devient

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 119 Livre I. sections I à VI.

dans le cas de ce Corollaire, DS + DH : DH = 4DS : L , et en divisant on aura DS : DH = 4DS − L : L .

(Fig. 27)

Cor. 2. Ainsi, si la vitesse du corps dans le sommet principal D est donnée, on trouvera facilement l’orbite, en déterminant d’abord son paramètre par cette condition (Cor. 3 de la prop. 16) qu’il soit au dou-ble de la distance DS en raison doublée de cette vitesse donnée à la vitesse du corps qui tourne dans un cercle à la distance DS, et en pre-nant ensuite DH à DS, comme le paramètre est à la différence entre le paramètre et 4DS.

Cor. 3. De là, si le corps se meut dans une section conique quel-conque, et qu’il soit dérangé de son orbite par une impulsion quel-conque ; on pourra connaître la nouvelle orbite dans laquelle il circu-lera ensuite, en composant le mouvement que ce corps a déjà avec le mouvement que cette impulsion seule lui aurait imprimé ; car par ce moyen on aura le mouvement du corps lorsqu’il part du lieu donné dans lequel il a reçu l’impulsion suivant une ligne droite donnée de position.

Cor. 4. Et si ce corps est continuellement troublé dans sa révolu-tion par quelque force qui lui soit imprimée extérieurement, on connaîtra à peu près la courbe qu’il décrira, en prenant les change-ments que cette force produit dans plusieurs points quelconques, et en estimant par l’ordre de la série les changements continuels dans les lieux intermédiaires.

SCHOLIE.

(Fig. 29)

Si le corps P par une force centripète qui tend à un point quel-conque donné R, se meut dans le périmètre d’une section conique quelconque donnée, dont le centre soit C ; et qu’on cherche la loi de la force centripète : on n’aura qu’à mener CG parallèle au rayon RP, et qui rencontre la tangente PG en G, et cette force sera, par le Cor. 1 et

la Scholie de la Prop. 10 et par le Cor. 3 de la Prop. 7, comme CG 3

RP 2 .

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 120 Livre I. sections I à VI.

Table des matières

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 121 Livre I. sections I à VI.

Planche I

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 122 Livre I. sections I à VI.

Table des matières

QUATRIÈME SECTION

De la détermination des orbes elliptiques, paraboliques &

hyperboliques, lorsque l’un des foyers est donné.

LEMME XV. Si des foyers S et H d’une hyperbole ou d’une ellipse quel-conque, on tire à un troisième point quelconque V deux li-gnes droites SV, HV, l’une desquelles HV soit égale à l’axe principal de la figure, c’est-à-dire, à l’axe dans lequel les foyers se trouvent, et qu’on élève sur le milieu de l’autre li-gne SV la perpendiculaire TR, cette perpendiculaire touche-ra en quelque point la section conique ; et réciproquement, si elle la touche, la ligne HV sera égale à l’axe principal de la Figure.

(Fig. 30)

Soient, le point R la rencontre de la perpendiculaire TR avec la li-gne HV prolongée, s’il est nécessaire, et SR la droite tirée de S à ce point R ; les lignes TS, TV étant égales, les lignes SR et VR le seront aussi, ainsi que les angles TRS, TRV ; donc, le point R sera à la section conique, et la perpendiculaire TR sera tangente de cette section au point R. L’inverse se démontrerait de même. — C.Q.F.D.

PROPOSITION XVIII. — PROBLÈME X.

Le foyer, et les axes principaux étant donnés, décrire les trajectoires elliptiques et hyperboliques qui passent par des points donnés, et qui touchent des droites données de posi-tion.

(Fig. 31)

Soit S le foyer commun de ces trajectoires, AB une ligne égale à l’axe principal d’une quelconque de ces trajectoires, P un point par lequel cette courbe doit passer, et TR une ligne qu’elle doit toucher : soit de plus le cercle HG décrit du centre P et de l’intervalle AB – SP,

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 123 Livre I. sections I à VI.

si l’orbite est une ellipse, ou AB + SP, si c’est une hyperbole : abais-sant ensuite sur la tangente TR la perpendiculaire ST prolongée en V, en sorte que TV = ST, du centre V et de l’intervalle AB décrivez le cer-cle FH.

(Fig. 31)

Par cette méthode, soit qu’on ait les deux points P et p, ou les deux tangentes TR et tr, ou le point P et la tangente TR, on décrira toujours deux cercles. Soit H leur intersection commune, décrivant alors une trajectoire qui ait pour axe principal l’axe donné, et les points S et H pour foyers, le Problème sera résolu. Car cette trajectoire passera par le point P, à cause que PH + SP dans l’ellipse, et PH – SP dans l’hyperbole, seront égales à l’axe. De plus, par le Lemme précédent, la ligne TR touchera cette trajectoire. On prouvera par le même raison-nement ou qu’elle passera par les deux points P et p, ou qu’elle aura pour tangentes les lignes TR, tr. — C.Q.F.F.

PROPOSITION XIX. — PROBLÈME II.

Autour d’un foyer donné décrire une trajectoire paraboli-que, qui passe par des points donnés, et qui touche des li-gnes droites données de position.

(Fig. 32)

S étant le foyer, P un point de la trajectoire à décrire, et TR une tangente de cette trajectoire, du centre P , et de l’intervalle PS soit dé-crit le cercle FG, et soit abaissé de S sur la tangente TR la perpendicu-laire ST qu’on prolongera en V, de sorte que TV = ST. On décrira un autre cercle fg de la même manière si on a un autre point donné p ; ou bien on trouvera un autre point v si on a une autre tangente tr ; cela fait on mènera la droite IF qui touche les deux cercles FG, fg, si les deux points P et p sont donnés, ou qui passe par les deux points V et v, si les deux tangentes TR et tr sont données, ou enfin qui touche le cer-cle FG, et passe par le point V, si on a le point P, et la tangente TR. Abaissant ensuite sur FI la perpendiculaire SI, coupée en deux parties égales au point K, et décrivant sur l’axe SK une parabole dont le sommet principal soit K, le Problème sera résolu. Car cette parabole, à cause que SK, IK sont égales, ainsi que SP et FP, passera par le point

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 124 Livre I. sections I à VI.

P, et par le Lemme 14. Cor. 3. elle aura TR pour tangente, à cause que ST et TV sont égales, et que l’angle STR est droit. — C.Q.F.F.

PROPOSITION XX. — PROBLÈME XII.

Décrire une trajectoire quelconque donnée d’espèce, autour d’un foyer donné, laquelle passe par des points donnés, et touche des lignes droites données de position.

(Fig. 33)

Cas 1. Soit proposé d’abord de décrire la trajectoire ABC qui passe par deux points B et C, et qui ait pour foyer le point donné S.

Comme cette trajectoire est donnée d’espèce, la raison de l’axe principal à la distance des foyers sera donnée. Prenez KB à BS, et LC à SC dans cette raison, décrivez deux cercles des centres B et C, et des intervalles BK et CL ; sur la droite KL qui touche ces cercles en K et en L, abaissez la perpendiculaire SG, et coupez cette ligne SG en A et en a, en sorte que GA soit à AS, et Ga à aS, comme KB à BS ; et des sommets A, a, et sur l’axe Aa décrivez ensuite une trajectoire, le Pro-blème sera résolu.

Car soit H l’autre foyer de la Figure décrite, puisqu’on a GA : AS = Ga : aS, on aura, en divisant, Ga – GA ou Aa : aS – AS ou SH dans la même raison, et par conséquent dans la raison qui est entre l’axe prin-cipal de la Figure cherchée et la distance de ses foyers. La Figure dé-crite est donc de la même espèce que la Figure à décrire. Et comme KB est à BS et LC à CS dans la même raison, cette courbe passera par les points B et C, comme il est clair par les coniques.

(Fig. 34)

Cas 2. Soit proposé maintenant de décrire autour du foyer S donné, une trajectoire qui soit touchée quelque part par les deux lignes TR et tr.

Abaissez du foyer sur ces tangentes les perpendiculaires ST, St, et prolongez ces perpendiculaires en V, et en v, en sorte que TV et tv soient égales à TS et à tS. Coupez la ligne Vv en deux parties égales au point O, élevez ensuite la perpendiculaire indéfinie OH, et coupez en K et en k la droite VS prolongée indéfiniment, en sorte que VK soit à KS et Vk à kS, comme l’axe principal de la trajectoire à décrire est à la

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 125 Livre I. sections I à VI.

distance des foyers. Enfin sur le diamètre Kk décrivez un cercle qui coupe la ligne OH en H; et tracez une trajectoire dont les foyers soient S et H, et l’axe principal une ligne égale à VH ; et le Problème sera résolu.

(Fig. 34)

Car coupant kK en deux parties égales au point X, et tirant les li-gnes HX, HS, HV, Hv : puisque VK : KS = Vk : kS, et par conséquent = VK + Vk : KS + kS et = Vk – VK : kS – KS, c’est-à-dire = 2VX : 2KX, et = 2KX : 2SX, ou ce qui revient au même = VX : HX et = HX : SX ; les triangles VXH, HXS sont semblables : ce qui donne VH : HS = VX : XH, c’est-à-dire = VK : KS. De là il suit que l’axe principal VH de la trajectoire décrite est à la distance SH de ses foyers, dans la mê-me raison que celle qui est entre l’axe principal de la trajectoire à dé-crire et la distance de ses foyers, et que par conséquent la trajectoire est de l’espèce demandée. De plus, comme VH et vH sont égales à l’axe principal, et que les lignes VS, vS sont coupées en deux parties égales par les perpendiculaires TR, tr, il est clair, par le Lemme 15. que la trajectoire décrite aura encore la propriété demandée d’être tou-chée par les droites TR, tr. — C.Q.F.D.

(Fig. 35)

Cas 3. Le foyer S étant donné, on demande une trajectoire qui tou-che la droite TR en un point donné R.

Sur la droite TR abaissez la perpendiculaire ST, et prolongez-la en V, en sorte que TV = ST. Tirez ensuite VR et coupez en k et en K la droite VS prolongée indéfiniment en sorte que VK soit à SK et Vk à Sk comme l’axe principal de l’ellipse à décrire est à la distance des foyers ; ayant décrit ensuite sur le diamètre Kk un cercle qui coupe en H la droite VR prolongée, tracez une trajectoire dont les foyers soient S et H, et qui ait pour axe principal une ligne égale à VH, et le Pro-blème sera résolu.

Car il est clair, par ce qui a été démontré dans le second cas, que VH : SH = VK : SK, et par conséquent comme l’axe principal de la trajectoire à décrire est à la distance entre ses foyers, la trajectoire dé-crite sera donc de même espèce que la trajectoire à décrire. De plus, il est clair par les coniques, que cette trajectoire sera touchée au point R

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 126 Livre I. sections I à VI.

par la droite TR qui coupe l’angle VRS en deux parties égales. — C.Q.F.F.

(Fig. 36 & 37)

Cas 4. Soit enfin proposé de décrire autour du foyer S la trajectoire APB qui soit touchée par la droite TR, et qui passe par un point quel-conque P donné hors de la tangente, et qui soit semblable à la Figure apb décrite des foyers s, h, et sur l’axe principal ab.

Abaissez sur la tangente TR la perpendiculaire ST, et prolongez-la en V, en sorte que TV = ST. Faites les angles hsq, shq respectivement égaux aux angles VSP, SPV, du centre q et d’un intervalle qui soit à ab, comme SP à VS, décrivez un cercle qui coupe la figure apb en p, joignez les points s et p et tirez SH qui soit à sh, comme SP à sp, et qui fasse l’angle PSH égal à l’angle psh, et l’angle VSH égal à l’angle psq. Ensuite, des foyers H et S sur l’axe principal AB égal à la distance VH, décrivez la section conique, et le Problème sera résolu.

Car si on tire sv qui soit à sp, comme sh à sq, et qui fasse l’angle vsp égal à l’angle hsq, et l’angle vsh égal à l’angle psq, les triangles svh, spq seront semblables, et par conséquent on aura vh : pq = sh : sq, c’est-à-dire, à cause des triangles semblables VSP : hsq = SV : SP ou ab : pq. Donc vh = ab. De plus, à cause des triangles semblables VSH, vsh, VH : SH = vh : sh, c’est-à-dire, que l’axe de la section conique décrite est à l’intervalle de ses foyers comme l’axe ab à l’intervalle sh des foyers ; et par conséquent la figure décrite est semblable à la figu-re aph. De plus, cette figure passe par le point P, parce que le triangle PSH est semblable au triangle psh ; et elle est touchée par la droite TR, à cause que son axe est égal à VH, et que VS est coupée en deux parties égales par TR. — C.Q.F.F.

LEMME XVI.

Trouver un point, duquel tirant des lignes droites à trois points donnés, les différences de ces trois droites soient nul-les ou données.

(Fig. 38)

Cas 1. Soient A, B, C, les points donnés, et Z, le quatrième point qu’il faut trouver ; la différence des lignes AZ, BZ étant donnée, le

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 127 Livre I. sections I à VI.

point Z sera à une hyperbole qui aura pour foyers les points A et B, et pour axe principal la différence donnée. Soit MN cet axe, prenant PM : MA : MN : AB, élevant ensuite PR perpendiculaire sur AB, et abaissant ZR perpendiculaire sur PR, on aura, par la nature de l’hyperbole, ZR : AZ = MN : AB. Par le même raisonnement on trou-vera que le point Z sera à une autre hyperbole dont les foyers seront les points A et C, et l’axe principal la différence entre AZ et CZ, et on trouvera aussi la droite QS perpendiculaire sur AC, à laquelle QS, si on mène la perpendiculaire ZS d’un point quelconque Z de cette hy-perbole, ZS sera à AZ comme la différence entre AZ et CZ est à AC Cela posé, il est aisé de remarquer que les raisons de ZR et de ZS à AZ sont données, et que par conséquent celle que ZR et ZS ont entre elles est donnée aussi. Donc, si les droites RP, SQ prolongées se ren-contrent en T, et qu’on tire TZ et TA, la figure TRZS sera donnée d’espèce, et la droite TZ dans laquelle est placé le point cherché Z sera donnée de position. De plus, la droite TA sera donnée aussi ainsi que l’angle ATZ ; et parce que les raisons de AZ et de TZ à ZS sont don-nées, celle de AZ et de TZ entre elles sera donnée aussi, et par consé-quent le triangle entier ATZ, dont le sommet est le point cherché Z, sera enfin donné. — C.Q.F.T.

(Fig. 38)

Cas 2. Si deux de ces trois lignes, comme AZ et BC, sont égales, ti-rez la droite TZ en sorte qu’elle partage la droite AB en deux parties égales, et cherchez ensuite le triangle ATZ comme ci-dessus.

Cas 3. Si ces trois lignes sont égales, le point Z sera placé dans le centre du cercle qui passe par les points A, B, C. — C.Q.F.T.

Ce Problème se résout aussi par le livre des Touchantes d’Apollonius, restitué par Viète.

PROPOSITION XXI. — PROBLÈME XIII.

Décrire une trajectoire autour d’un foyer donné, laquelle passe par des points donnés, et touche des droites données de position.

(Fig. 39)

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 128 Livre I. sections I à VI.

Que le foyer S, le point P, et la tangente TR soient donnés, et qu’il s’agisse de trouver l’autre foyer H.

Abaissez sur la tangente la perpendiculaire ST, et prolongez-la en Y, en sorte que TY = ST : YH, sera alors égale à l’axe principal. Tirez ensuite SP, HP, et SP sera la différence entre HP et l’axe principal. De la même manière, si on a plusieurs tangentes TR, ou plusieurs points P, on trouvera toujours autant de lignes YH, ou PH, tirées de ces points Y ou P, au foyer H, lesquelles seront égales aux axes, ou en dif-féreront de longueurs données SP, et ces lignes seront par conséquent égales entre elles, ou bien elles auront des différences données, et de là il suit qu’on aura par le Lemme précédent l’autre foyer H. Ayant donc les foyers et la longueur de l’axe (qui sera YH, ou bien la droite égale à PH ± SP, c’est-à-dire, PH + PS, si la trajectoire est une ellipse, et PH – SP, si c’est une hyperbole) on aura la trajectoire. — C.Q.F.F.

SCHOLIE.

Lorsque la trajectoire est une hyperbole, je ne prends pour trajec-toire qu’une des hyperboles opposées ; car le corps, en persévérant dans son mouvement, ne peut jamais passer dans l’autre hyperbole.

(Fig. 40)

Le cas où trois points sont donnés se résout plus facilement de cet-te manière : soient B, C, D les points donnés. Tirez les lignes BC, CD, et prolongez-les en E, et en F, en sorte que EB : EC = SB : SC, et que EC : FD = SC : SD. Ayant mené EF, et l’ayant prolongée, abaissez-lui les perpendiculaires SG, BH, ensuite sur GS prolongée infiniment pre-nez GA : AS et Ga : aS = HB : BS ; A sera le sommet, et Aa l’axe prin-cipal de la trajectoire, laquelle, selon que GA sera plus grand, égal, ou plus petit que AS, sera une ellipse, une parabole, ou une hyperbole. Dans le premier cas, le point a tombera du même côté que le point A, par rapport à la ligne GF ; dans le second cas il s’éloignera, à l’infini, et dans le troisième il tombera du côté opposé au point A, par rapport à la ligne GF. Car si on abaisse sur GF les perpendiculaires CI, DK, on aura, IC : HB = EC : EB, c’est-à-dire, = SC : SB, et réciproquement IC : SC = HB : SB ou = GA : SA, et par un semblable raisonnement KD sera à SD dans la même raison. Donc, les points B, C, D sont à la section conique, dans laquelle toutes les droites tirées du foyer S à la

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 129 Livre I. sections I à VI.

courbe sont aux perpendiculaires abaissées des mêmes points de la courbe sur GF, dans cette raison donnée.

Le célèbre Géomètre la Hire a donné une solution à peu près sem-blable de ce Problème au huitième Livre de ses Coniques, Prop. 25.

Table des matières

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 130 Livre I. sections I à VI.

Table des matières

CINQUIÈME SECTION

De la détermination des Orbites

lorsqu’aucun des foyers n’est donné.

LEMME XVII. Si d’un point quelconque P d’une Section conique donnée, on mène les quatre droites PQ, PR, PS, PT, qui fassent cha-cune un angle donné avec chacun des quatre côtés indéfi-niment prolongés AB, CD, AC, DB d’un trapèze quelconque ABCD inscrit dans la section conique, le rectangle des droi-tes PQ × PR tirées à deux côtés opposés, sera en raison donnée au rectangle des droites PS × PT tirées aux deux autres côtés opposés.

(Fig. 41)

Cas 1. Supposons premièrement que les lignes tirées aux côtés op-posés soient parallèles à l’un ou à l’autre des côtés restants, que PQ et PR, par exemple, soient parallèles au côté AC, et PS et PT au côté AB, de plus, que deux de ces côtés opposés comme AC et BD soient paral-lèles l’un à l’autre. Dans ce cas, la droite qui coupe ces côtés parallè-les en deux parties égales, sera un des diamètres de la section conique, et coupera aussi la ligne RQ en deux parties égales. Soit O la ren-contre de ce diamètre et de RQ, PO sera une ordonnée à ce même diamètre, et OK prise égale à OP, et placée sur son prolongement sera l’ordonnée opposée. Les points A, B, P et K étant donc à la section conique, il est clair (Prop. 17, 19, 21, 23, du Livre III. des coniques d’Apollonius) à cause que PK coupe AB sous un angle donné, que le rectangle PQ × QK sera en raison donnée au rectangle AQ × QB. Mais QK = PR, puisque ces lignes sont les différences des lignes éga-les OK, OP et OQ, OR ; donc les rectangles PQ × QK, et PQ × PR sont aussi égaux ; et par conséquent le rectangle PQ × PR est au rec-tangle AQ × QB, c’est-à-dire au rectangle PS × PT, en raison donnée. — C.Q.F.D.

(Fig. 42)

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 131 Livre I. sections I à VI.

Cas 2. Supposons à présent que les côtés opposés AC, BD du tra-pèze ne soient point parallèles, tirez Bd parallèle à AC et qui rencontre la droite ST en t, et la section conique en d, tirez de plus Cd qui coupe la ligne PQ en r, et DM parallèle à PQ et qui coupe Cd en M et AB en N, à cause des triangles semblables BTt, DBN, on aura Bt, ou PQ : Tt = DN : NB, et ainsi Rr : AQ ou PS = DM : AN. Multipliant alors les antécédents par les antécédents, et les conséquents par les consé-quents, le rectangle ND × DM sera au rectangle AN × NB, comme le rectangle PQ × Rr est au rectangle PS × Tt ; mais par le cas 1. le rec-tangle PQ × Pr sera au rectangle PS × Pt dans la même raison. Donc cette raison sera aussi celle du rectangle PQ × PR au rectangle PS × PT. — C.Q.F.D.

Cas 3. Supposons enfin que les quatre lignes PQ, PR, PS, PT ne soient pas parallèles aux côtés AC, AB, mais qu’elles leur soient incli-nées d’une façon quelconque.

(Fig. 43)

Ayant tiré Pq, Pr parallèles à AC ; Ps, Pt parallèles à AB, les an-gles des triangles PQq, PRr, PSs, PTt seront donnés, ainsi que les rap-ports de PQ à Pq de PR à Pr, de PS à Ps, et de PT à Pt. Donc les rai-sons composées de PQ × PR à Pq × Pr et de PS × PT à Ps × Pt se-ront données. Mais, par ce qui a été démontré ci-dessus, la raison de Pq × Pr à Ps × Pt est donnée. Donc la raison de PQ × PR à PS × PT l’est aussi. — C.Q.F.D.

LEMME XVIII.

(Fig. 44)

Les mêmes choses étant posées, si les points P sont tels que les rectangles des droites PQ × PR, menées à deux cotés opposés du trapèze, soient en raison donnée aux rectangles des lignes PS × PT, menées aux deux autres côtés ; ces points P seront à une section conique circonscrite au trapè-ze.

Si par quelqu’un du nombre infini des points P, par le point p, par exemple, et par les quatre points A, B, C, D, on imagine une section conique, je dis que cette section conique passera par tout autre point P trouvé de la même manière. Si on le nie, qu’on suppose donc que AP

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 132 Livre I. sections I à VI.

coupe cette courbe en quelque point autre que P, comme en b. Tirant de ces points p et b, aux côtés du trapèze, et sous les angles donnés les droites pq, pr, ps, pt, et bk, bn, bf, bd ; on aura, par le Lemme 17, pq × pr : ps × pt = bk × bn : bf × bd. Mais PQ × PR est à PS × PT dans la même raison, par l’hypothèse. Donc, à cause que les trapèzes bkAf, PQAS sont semblables, on aura PQ : PS = bk : bf, et par conséquent, en divisant les termes de la première proportion par les termes corres-pondants de celle-ci, on aura bn : bd = PR : PT Donc les trapèzes équiangles Dnbd, DRPT sont semblables ; d’où l’on tire que leurs dia-gonales Db, DP coïncident, et qu’ainsi le point b tombe dans l’intersection des droites AP, DP, c’est-à-dire, qu’il coïncide avec le point P, ou, ce qui revient au même, que le point P, quelque part qu’on le prenne, sera à la section conique ainsi déterminée. — C.Q.F.D.

(Fig. 44)

Cor. De là, si les trois droites PQ, PR, PS sont menées du même point P sous des angles donnés à autant d’autres droites AB, CD, AC données de position, et que le rectangle, sous deux de ces lignes PQ × PR, soit au carré de la troisième PS en raison donnée : le point P, d’où ces lignes seront tirées, sera à la section conique que les lignes AB, CD touchent en A et en C ; et réciproquement.

Car si la ligne BD coïncide avec la ligne AC, la position des trois lignes AB, CD, AC demeurant la même, et qu’ensuite la ligne PT coïncide aussi avec la ligne PS : le rectangle PS × PT deviendra le carré de PS, et les droites AB, CD qui coupaient la courbe dans les points A et B, C et D, ne pourront plus la couper dans ces points lors-qu’ils se confondent, mais alors elles la toucheront.

SCHOLIE.

(Fig. 44)

On a pris dans ce Lemme le mot de section conique dans un sens étendu, en sorte qu’il renferme la section rectiligne qui passe par le sommet du cône, et la circulaire parallèle à sa base. Car si le point p tombe sur la droite qui joint les points A et D, ou C et B, la section conique se changera en deux lignes droites, dont l’une est celle sur laquelle le point p tombe, et l’autre la ligne droite qui joint les deux

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autres des quatre points donnés. Si deux angles opposés du trapèze sont égaux, pris ensemble, à deux droits, que les quatre lignes PQ, PR, PS, PT soient menées à ses côtés ou perpendiculairement ou sous des angles égaux quelconques, et que le rectangle, sous deux de ces lignes PQ × PR, soit égal au rectangle sous les deux autres PS × PT, la sec-tion conique sera un cercle. Ce sera la même chose, si les quatre li-gnes sont menées sous des angles quelconques, et que le rectangle de deux de ces lignes PQ × PR soit au rectangle des deux autres PS × PT, comme le rectangle des sinus des angles S et T, sous lesquels les deux dernières lignes PS, PT ont été menées, est au rectangle des si-nus des angles Q, et R sous lesquels on a mené les deux premières PQ, PR.

Dans les autres cas, le lieu du point P sera quelqu’une des trois fi-gures qu’on appelle ordinairement sections coniques.

On peut à la place du trapèze ABCD employer un quadrilatère, dont les deux côtés opposés se coupent mutuellement comme des dia-gonales. Il se peut aussi que des quatre points A, B, C, D un ou même deux soient placés à une distance infinie : alors les côtés de la figure qui convergeaient précédemment vers ces points deviendront parallè-les, et la section conique passera par les autres points, et s’étendra à l’infini du même côté que ces lignes devenues parallèles.

LEMME XIX.

(Fig. 45)

Les quatre lignes AB, CD, AC, BD étant données de posi-tion, trouver un point P tel qu’en tirant à ces quatre lignes les droites PQ, PR, PS, PT qui fassent avec elles des angles respectivement égaux à quatre angles donnés, le rectangle PQ × QR de deux de ces quatre lignes, soit au rectangle PS × PT des deux autres en raison donnée.

Ayant tiré une ligne quelconque AH par un des quatre points A, B, C, D, dans lesquels se rencontrent les lignes AB, CD, AC, BD, soit proposé de trouver sur cette ligne un point P qui ait la propriété de-mandée.

(Fig. 45)

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 134 Livre I. sections I à VI.

Pour y parvenir, supposant que H et I soient les points où cette li-gne AH rencontre les lignes BD et CD, on remarquera que puisque tous les angles de la figure sont donnés, les raisons de PQ à PA et de PA à PS seront données, et que par conséquent la raison de PQ à PS le sera aussi. Ôtant donc cette raison de la raison donnée PQ × PR à PS × PT, on aura la raison de PR à PT, et en ajoutant les raisons données de PI à PR, et de PT à PH, on aura la raison de PI à PH, et par consé-quent le point P. — C.Q.F.T.

Cor. 1. On tire de là la manière de mener une tangente à un point quelconque D du lieu des points P ; car la corde PD devient tangente lorsque les points P et D coïncident, c’est-à-dire lorsque AH passe par le point D. Dans ce cas, la dernière raison des évanouissantes IP et PH se trouvera, comme ci-dessus. Menant donc CF parallèle à AD, qui rencontre BD en F, et qui soit coupée en E dans cette dernière raison, DE sera tangente, à cause que CF et l’évanouissante IH sont parallèles et coupées de même en E et en P.

(Fig. 46)

Cor. 2. De là suit encore la manière d’avoir le lieu de tous les points P. Par l’un des points A, B, C, D, comme A, menez la tangente AE, et par un autre point quelconque B, menez BF parallèle à cette tangente, et trouvez par le Lemme 19. le point F où cette droite ren-contre le lieu.

Coupez ensuite BF en deux parties égales au point G, la droite in-définie AG sera la position d’un diamètre auquel BG et FG seront or-données. La longueur AH de ce diamètre se trouvera en déterminant le point H où AG rencontre le lieu ; et son paramètre sera à AH comme BG2 à AG × GH. Si AG ne rencontre point le lieu, la ligne AH étant infinie, le lieu sera une parabole, et le paramètre du diamètre AG sera BG 2

AG ; mais si elle le rencontre quelque part, le lieu sera une hyperbo-

le, lorsque les points A et H sont placés du même côté par rapport à G, et il sera une ellipse, lorsque le point G sera placé entre A et H, à moins que l’angle AGB ne fût droit ; et que de plus BG2 ne fut égal au rectangle AG × GH ; car dans ce cas le lieu serait un cercle.

De cette façon le Problème des quatre lignes commencé par Eucli-de, et continué par Apollonius se trouve résolu dans ce Corollaire, non

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par le calcul, mais par une composition géométrique telle que celle par laquelle les anciens l’ont cherché.

LEMME XX.

(Fig. 47)

Si un parallélogramme quelconque ASPQ a ses deux angles opposés A et P placés dans une section conique ; et que les côtés AQ, AS d’un de ses angles étant prolongés ren-contrent la même section conique en B et C, en tirant des points de concours B et C à un cinquième point quelconque D de la section conique les deux lignes BD, CD qui ren-contrent en T et en R les deux autres côtés PS, PQ du paral-lélogramme prolongés indéfiniment : les parties PR et PT seront toujours entre elles en raison donnée, et réciproque-ment si ces parties sont entre elles en raison donnée, le point D sera à la section conique qui passe par les quatre points A, B, C, P.

Cas 1. Soient tirés BP, CP, et du point D les droites DG, DE, dont la première DG soit parallèle à AB, et rencontre PB, PQ, QA en H, I, G ; et dont la seconde DE soit parallèle à AC, et rencontre PC, PS, AB, en F, K, E, à cause que PQ : IQ (ou DE) = PB : BH = PT : DH, et que PR : DF = RC : DC =G (ou PS) : DG ; on aura les deux propor-tions PQ : PT = DE : DH et PR : PS = DF : DS, qui donneront étant composées PQ × PR : PS × PT = DE × DF : DG × ZW ; mais par le Lemme 17. DE × DF : DG × DH en raison donnée, de plus, PQ et PS sont données, donc la raison de PR à PT est donnée.

Cas 2. Si PP et PT sont supposées entre elles en raison donnée, en reprenant le même raisonnement, on trouvera que le rectangle DE × DF est au rectangle DG × DH en raison donnée, et qu’ainsi, par le Lemme 18 le point D est à la section conique qui passe par les points A, B, C, P. — C.Q.F.D.

Cor. 1. Donc, si on tire BC qui coupe PQ en r, et que sur PT on prenne Pt à pr, dans la même raison que PT à PR, Bt sera tangente de la section conique au point B ; car supposez que le point D coïncide avec le point B, la corde BD s’évanouissant, BT deviendra tangente, et CD et BT coïncideront avec CB et Bt.

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Cor. 2. Et réciproquement, si Bt est tangente, et que BD, CD se rencontrent en un point quelconque D de la section conique, on en conclura que PR : PT = pr : Pt, et de même Bt étant toujours tangente, si PR : PT = Pr : Pt, il s’ensuivra que les droites BD et CD se ren-contreront dans un point quelconque D de la section conique.

(Fig. 47)

Cor. 3. Une section conique ne peut couper une autre section coni-que en plus de quatre points ; car supposant que cela pût être, imagi-nez que deux sections coniques eussent les cinq points A, B, C, P, O communs, et qu’elles fussent coupées l’une et l’autre par la ligne BD dans les points D, d ; la droite Cd coupant la droite PQ en q, on aurait PR : PT = Pq : PT, ce qui donnerait PR = Pq, contre l’hypothèse.

LEMME XXI.

(Fig. 48)

Si aux deux points donnés ou pôles B, C sont fixés les som-mets de deux angles donnés MBD, MCD, et que l’on fasse parcourir la droite donnée MN, au concours M des côtés BM et CM de ces angles les deux autres côtés BD et CD des mêmes angles décriront par leur intersection une section conique. Et réciproquement, si les droites BD, CD décrivent par leur concours D une section conique qui passe par les points donnés K, B, C, et que les angles DBM, DCM soient pris respectivement égaux aux angles donnés ABC, ACB, la rencontre des côtés BM, CM se fera toujours dans une ligne droite donnée de position.

Supposant que N soit un point donné de la droite MN, par lequel on fasse passer les côtés BM, CM des angles mobiles, et que D soit le point dans lequel se rencontrent les autres côtés des mêmes angles, soient tirées CN, BN, CP, BP, soient tirées ensuite du point P les droi-tes PT, PR, qui rencontrent BD, CD en T et en R, et qui fassent l’angle BPT égal à l’angle donné BNM, et l’angle CPR égal à l’angle donné CNM, comme (par l’hypothèse) les angles MBD, NBP sont égaux, ainsi que les angles MCD, NCP ; en ôtant les angles communs NBD, NCD, il restera les angles égaux NBM et PBT, NCM et TCR. De là il suit que les triangles NBM, PBT sont semblables, ainsi que les trian-gles NCM, PCR. C’est pourquoi PT : NM = PB : NB, et PR : NM =

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PC : NC Or les points B, C, N, P sont immobiles, donc PT et PR sont en raison donnée avec NM, ou, ce qui revient au même, elles sont en raison donnée l’une à l’autre ; donc, par le Lemme 20 le point D, concours perpétuel des droites mobiles BT et CR, sera à la section co-nique qui passe par les points B, C, P. — C.Q.F.D.

(Fig. 49)

Et réciproquement, si le point mobile D est à une section conique qui passe par les points donnés B, C, A ; que les angles DBM, DCM soient respectivement égaux aux angles ABC, ACB ; et que faisant coïncider successivement le point D avec les deux points donnés p, P de la section conique, on détermine les points n et N avec lesquels le point M coïncide successivement par cette opération, la droite nN sera le lieu de tous les points M. Car supposez que le point M soit à quel-que courbe ; dans ce cas le lieu des points D déterminé par cette cour-be, serait une section conique qui passerait par les cinq points B, C, A, p, P, mais, par ce qui a été démontré, le lieu des points D, lorsque les points M sont dans une ligne droite, est encore une section conique qui passe par les mêmes points B, C, A, p, P. On aurait donc, par la supposition que le point M est dans une courbe, deux sections coni-ques qui passeraient par les cinq mêmes points, ce qui est impossible par le Cor. 3 du Lemme 20. Donc cette supposition est absurde.

PROPOSITION XXII. — PROBLÈME XIV.

Faire passer une trajectoire par cinq points donnés. (Fig. 50)

Soient donnés les cinq points A, B, C, P, D. D’un de ces points A soient menées les droites AB, AC à deux autres quelconques B et C, qu’on prend pour pôles, et soient menées par le quatrième point P deux lignes TPS, PRQ parallèles aux deux lignes AB, AC. Soient tirées ensuite des deux pôles BC, au cinquième point D deux lignes indéfi-nies, dont l’une BDT rencontre TPS en T, et l’autre CRD rencontre PRQ en R. Cela fait, en tirant d’un point quelconque t de la droite in-définie SPT la droite tr parallèle à TR, la rencontre d des lignes Crd, et Bt sera à la trajectoire cherchée ; car ce point d (par le Lemme 20) sera à la section conique qui passe par les quatre points A, B, C, P ; de plus, les lignes Rr, Tt s’évanouissants, le point D coïncide avec le

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point d. Donc la section conique passe par les cinq points A, B, C, P, D. — C.Q.F.D.

Autre solution. (Fig. 51)

Joignez par des lignes droites trois quelconques A, B, C, des points donnés ; prenant ensuite les deux points B et C pour pôles, appliqués successivement aux points D et P, les côtés BA et CA des angles ABC, ACB, et marquez les points M et N dans lesquels les autres côtés de ces angles se rencontrent dans ces deux positions. Cela fait, tirez la droite indéfinie MN, et faites parcourir cette ligne à l’intersection continuelle m des côtés BL, CL des angles ABC, ACB, et vous aurez alors par l’intersection continuelle d des autres côtés de ces mêmes angles la trajectoire cherchée PADdB.

Car le point d (par le Lemme 21) sera à la section conique qui pas-se par les points B, C ; et lorsque le point m coïncidera avec les points L, M, N, le point d, par la construction, coïncidera avec les points A, D, P. Ainsi il décrira la section conique qui passe par les cinq points A, B, C, P, D. — C.Q.F.F.

Cor. 1. On peut mener très aisément par ce moyen une droite qui touche la trajectoire cherchée dans un point quelconque donné B, car en faisant coïncider le point d avec le point B, la droite Bd sera la tan-gente cherchée.

Cor. 2. De là on aura le centre, le diamètre, et le paramètre de la trajectoire, comme dans le Cor. 2 du Lemme 19.

SCHOLIE.

(Fig. 52)

La construction précédente deviendra un peu plus simple en tirant BP, et prenant sur cette ligne prolongée, s’il est besoin, Bp : BP = PR : PT, et en tirant par p une ligne infinie pe parallèle à SPT ; car il ne faudra que prendre sur cette ligne la partie pe égale à l’intervalle quelconque Pr, et tirer les lignes Crd, Bed, pour avoir par leur ren-contre un point quelconque de la trajectoire. On verra aisément la rai-son de cette construction en remarquant, que puisque les raisons de Pr

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 139 Livre I. sections I à VI.

à Pt, de PR à PT, de pB à PB, et de pe à Pt, sont égales, il faut donc que pe et Pr soient égales entre elles.

Lorsqu’on ne voudra pas employer la construction mécanique de la seconde solution, celle-ci sera d’une grande commodité dans la prati-que.

PROPOSITION XXIII. — PROBLÈME XV.

Décrire une trajectoire qui passe par quatre points donnés et qui ait pour tangente une droite donnée de position.

(Fig. 53)

Cas 1. Que la tangente HB, le point de contact B, et trois autres points C, D, P soient donnés. Joignez les points B et C par la ligne BC, tirez PS parallèle à BH et PQ parallèle à BC ; achevez le parallé-logramme BSPQ ; tirez ensuite BD qui coupe SP en T, et CD qui cou-pe PQ en R. Enfin, ayant mené une droite quelconque tr parallèle à TR, prenez sur PQ et sur PS les abscisses Pr, Pt respectivement pro-portionnelles aux lignes PR, PT ; et le point d, concours des lignes Cr, Bt, sera toujours, par le Lemme 20 à la trajectoire qu’il fallait décrire. — C.Q.F.F.

Autre solution. (Fig. 54)

Faisant tourner l’angle CBU autour du pole B, ainsi que le rayon rectiligne quelconque DC, prolongé des deux côtés, autour du pole C, soient marqués les points M et N, dans lesquels le côté BC de l’angle coupe ce rayon, lorsque l’autre côté BH concourt avec ce même rayon dans les points P et D. Faisant ensuite mouvoir le rayon CD et le côté BC de l’angle CBH, de manière que leur concours soit toujours dans la droite indéfinie MN, on aura alors par la rencontre continuelle de l’autre côté BH de l’angle CBH, avec le même rayon CD, la trajectoire cherchée.

(Fig. 51 & 54)

Car, si dans les constructions du problème précédent, le point A se confond avec le point B, les lignes AC et CB coïncideront, et la ligne AB, dans sa dernière position, deviendra la tangente BH ; ce qui chan-gera ces constructions dans celles qu’on vient de décrire. Le concours

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du côté BH et du rayon, décrira donc la section conique qui passe par les points C, D, P, et qui touche la droite BH au point B. — C.Q.F.F.

(Fig. 55)

Cas 2. Soient donnés quatre points B, C, D, P placés hors de la tangente HI.

Tirez les lignes BD, CP, qui concourent en G, et qui rencontrent la tangente en H et en I. Coupez ensuite cette tangente en A, en sorte que HA soit à IA, comme le rectangle de la moyenne proportionnelle entre CG et GP, et de la moyenne proportionnelle entre BH et HD est au rectangle de la moyenne proportionnelle entre DG et GB, et de la moyenne proportionnelle entre PI et IC ; et le point A sera le point de contact. Car si la ligne HX, parallèle à la droite PI, coupe la trajectoire dans les points quelconques X et Y, il faudra, par les coniques, que la position du point A soit telle que AH2 soit à AI2, en raison composée de la raison du rectangle XH × HY au rectangle BH × HD, ou du rec-tangle CG × GP au rectangle DC × GB, et de la raison du rectangle BH × HD au rectangle PI × IC. Ayant donc trouvé le point de contact A, on décrira la trajectoire comme dans le premier cas. — C.Q.F.F.

Il est à remarquer qu’on peut prendre le point A entre les points H et I, ou sur le prolongement de HI, ce qui donne deux solutions du Problème.

PROPOSITION XXIV. — PROBLÈME XVI.

Décrire une trajectoire qui passe par trois points donnés, et qui soit touchée par deux lignes droites données deposition.

(Fig. 56)

Par deux quelconques B et D des trois points donnés B, C, D, tirez la droite indéfinie BD qui rencontre les tangentes données HI, KL dans les points H et K, ensuite par le point D, et par le troisième point don-né C, tirez la droite indéfinie CD, qui rencontre les mêmes tangentes aux points I et L. De plus, coupez ces lignes en R et en S, de sorte que HR soit à KR comme la moyenne proportionnelle entre BH et HD est à la moyenne proportionnelle entre BK et KD ; et que IS soit à LS comme la moyenne proportionnelle entre CI et ID est à la moyenne proportionnelle entre CL et LD. Cela fait, soit que vous ayez pris les

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points R et S entre les points K et H, I et L, ou sur les prolongements de KH et de IL, ainsi que cela est permis, vous aurez, par les ren-contres de la ligne RS avec les tangentes HI et KL, les points d’attouchement A et P.

Car si on suppose que A et P soient les points d’attouchement pla-cés quelque part dans les tangentes, et que par un point quelconque I, des points H, I, K, L, placé sur l’une ou l’autre tangente HI, on tire la droite IY parallèle à l’autre tangente KL, et qui rencontre la courbe en X et en Y, et qu’on prenne IZ moyenne proportionnelle entre IX et IY : on aura, par les coniques, le rectangle XI × IY ou IZ2 à LP2, comme le rectangle CI × ID au rectangle CL × LD, c’est-à-dire, par la construc-tion, comme SI2 à SL2 : d’où l’on tirera que IZ : LP = SI : SL, et que par conséquent les points S, P, Z sont en ligne droite. De plus, les tan-gentes concourant au point G, on aura encore par les coniques le rec-tangle XI × IY ou IZ2 : IA2 = GP2 : GA2, qui donne IZ : IA = GP : GA. Donc, les points P, Z et A sont en ligne droite, et par conséquent les points S, P et A, y sont aussi. On prouvera par le même raisonnement que les points R, P et A, sont en ligne droite. Donc les points d’attouchement A et P sont dans la droite RS.

Ayant ainsi les points d’attouchement A et P, on décrira la trajec-toire comme dans le premier cas du Problème précédent. — C.Q.F.F.

(Fig. 56)

Dans cette proposition, et dans le second Cas de la Proposition précédente les constructions sont les mêmes, soit que la droite XY coupe la trajectoire en X et en Y, soit qu’elle ne la coupe point ; puis-que les opérations qu’on a faites ne dépendent point de cette section. Or ayant démontré les constructions pour le cas où XY rencontre la trajectoire, il sera aisé d’en tirer la démonstration pour le cas où elle ne la rencontre pas ; je ne m’y arrêterai donc pas de crainte d’être trop long.

LEMME XXII.

Changer les figures en d’autres figures du même genre. (Fig. 57)

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Etant proposé de transformer la figure quelconque HGI, soient me-nées à volonté deux droites parallèles AO, BL qui coupent en A et en B une troisième droite quelconque AB donnée de position ; soit de plus menée la parallèle GD à OA par un point quelconque G de la figure donnée. Tirant ensuite du point O donné dans AO, au point D, la droi-te OD qui rencontre BL en d, et élevant sur ce point d la droite dg, qui fasse avec la droite BL un angle quelconque donné, et qui ait à Od la même raison que DG à OD, g sera le point qui dans la figure nouvelle hgi répond au point G, de la même manière chaque point de la premiè-re figure donnera autant de points de la figure nouvelle ; et si on ima-gine que le point G parcoure d’un mouvement continu tous les points de la première figure, le point g parcourra de même, par un mouve-ment continu, tous les points de la nouvelle figure.

Afin d’être plus clair, nous appellerons DG première ordonnée, et dg nouvelle ordonnée, AD première abscisse, et ad abscisse nouvelle, O pôle, OD rayon coupant, OA premier rayon ordonné, et la droite Oa, qui achève le parallélogramme OABa, nouveau rayon ordonné.

Cela posé, si le point G est à une ligne droite donnée de position, le point g sera aussi à une ligne droite donnée de position. Si le point G est à une section conique, le point g sera aussi à une section conique. Je mets ici le cercle au nombre des sections coniques. De plus, si le point G est à une ligne du troisième ordre, le point g sera de même à une ligne du troisième ordre, il en sera de même des courbes des or-dres plus élevés, c’est-à-dire, que les deux lignes auxquelles seront les points G et g seront toujours du même degré.

(Fig. 57)

Car Od étant à OD, dg à DG, et AB à AD, comme ad à OA, on aura

AD =OA × AB

ad, et DG =

OA × dgad

. Donc, si le point G est à une ligne

droite, dans l’équation quelconque, qui exprime la relation entre l’abscisse AD et l’ordonnée DG, les indéterminées DG et AD n’ayant

qu’une dimension, en écrivant dans cette équation OA × ABad

pour AD

et OA × dgad

pour DG, on aura une équation nouvelle, dans laquelle la

nouvelle abscisse ad et la nouvelle ordonnée dg n’auront aussi qu’une dimension, et cette équation exprimera par conséquent une ligne droi-

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te. Si AD et DG, ou seulement l’une des deux, avait deux dimensions dans la première équation, ad et dg en auraient aussi deux dans la se-conde, et il en serait de même si elles avaient trois dimensions, ou des dimensions plus hautes. Ainsi les indéterminées ad, dg dans la se-conde équation, et AD, DG dans la première, auront toujours le même nombre de dimensions, et par conséquent les lignes auxquelles sont les points G et g sont du même degré.

De plus, si une ligne droite touche la ligne courbe dans la première figure ; la droite qui lui répondra dans la nouvelle figure touchera la courbe de la même manière ; et au contraire. Car si deux points d’une courbe quelconque s’approchent l’un de l’autre, et qu’ils se confon-dent dans la première figure, les mêmes points correspondants dans la figure nouvelle s’approcheront et se confondront aussi ; donc, les droites qui joignent ces points deviendront en même temps tangentes des courbes dans l’une et l’autre figure.

Les démonstrations de ces Propositions pourraient être présentées d’une manière plus conforme aux démonstrations géométriques ordi-naires ; mais je préfère la brièveté.

Si c’est une figure rectiligne qu’il faut transformer, il suffira de joindre par des lignes, dans la nouvelle figure, les points correspon-dants à ceux qui sont les intersections des lignes dont la première figu-re est composée. Si la figure à transformer est curviligne, il faut trans-porter dans la nouvelle figure les points, les tangentes, et les autres droites par lesquelles on peut décrire la courbe.

Ce Lemme sert à résoudre des Problèmes très difficiles, en trans-formant les figures proposées en de plus simples. Car on peut trans-former les lignes convergentes en des lignes parallèles, en prenant pour premier rayon ordonné une ligne droite quelconque qui passe par le point de concours des lignes convergentes ; parce que, dans ce cas, le point de concours dans la nouvelle figure s’éloignera à l’infini, et ensuite lorsqu’on a résolu le Problème dans la nouvelle figure, on n’aura plus qu’à repasser, par des opérations inverses, de la nouvelle figure à la première, et le Problème sera résolu.

Ce Lemme est encore fort utile dans la solution des Problèmes so-lides ; car toutes les fois qu’on a deux sections coniques, de l’intersection desquelles dépend la solution du Problème, on pourra

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transformer l’une ou l’autre, soit hyperbole ou parabole, en une ellip-se ; et ensuite l’ellipse se change aisément en un cercle. De la même manière, dans les Problèmes plans, la ligne droite et la section conique se changeront en une droite et un cercle.

PROPOSITION XXV. — PROBLÈME XVII.

Décrire une trajectoire, qui passe par deux points donnés, et qui touche trois lignes droites données de position.

(Fig. 58)

Par le concours de deux de ces tangentes, et par le concours de la troisième avec la ligne droite qui passe par les deux points donnés, tirez une droite indéfinie, et la prenant pour le premier rayon ordonné, changez la figure en une figure nouvelle, par le Lemme précédent. Dans cette nouvelle figure les deux tangentes qui concourraient seront parallèles entre elles, et la troisième sera parallèle à la droite qui passe par les deux points donnés. Que hi et kl représentent ces deux tangen-tes parallèles, ik la troisième tangente, hl la droite qui lui est parallèle, et qui passe par les points a et b, par lesquels la section conique doit passer dans cette nouvelle figure, et que hikl soit le parallélogramme formé par ces quatre lignes. Cela posé, soient coupées les droites hi, ik, kl, en a, d, e, de sorte que hc soit à ah × hb , ic à id, et ke à kd, comme ht + kl à ik + ah × hb , + al × lb et les points c, d, e seront les points d’attouchement.

Car on voit, par les coniques, que hc2 : ah × hb = ic2 : id2 = ke2 : kd2 = el2 : al × lb, ou ce qui revient au même que hc : ah × hb = ic : id = ke : kd = el : al × lb , c’est-à-dire, (en ajoutant les antécédents ainsi que les conséquents) = hi + kl : ki + ah × hb + al × bl , ce qui donne la construction qu’on vient d’énoncer.

Ayant donc les points d’attouchement c, d, e, dans la nouvelle figu-re, par des opérations inverses, on trouvera leurs points correspon-dants dans la première figure, et par le Problème 14. on décrira la tra-jectoire. — C.Q.F.F.

Au reste, de la même manière que les points a et b seront entre les points h et l, ou bien sur le prolongement de la ligne qui joint ces points, les points c, d, e doivent être pris entre les points h, i, k, l, ou

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 145 Livre I. sections I à VI.

bien sur les prolongements des lignes qui joignent ces points. Lorsque l’un des points a et b sera entre les points h et l, et l’autre sur le pro-longement de la ligne qui les joint, le Problème sera impossible.

PROPOSITION XXVI. — PROBLÈME XVIII.

Décrire une trajectoire qui passe par un point donné, et qui touche quatre droites données de position.

De l’intersection de deux de ces tangentes quelconques on tirera à l’intersection des deux autres une droite indéfinie, et la prenant pour le premier rayon ordonné, on transformera la figure par le Lemme 22 en une figure nouvelle. Par ce moyen chaque paire de tangentes qui concourait dans le premier rayon ordonné deviendra une paire de tan-gentes parallèles

(Fig. 59).

Soient i k h l le parallélogramme formé par les quatre nouvelles tangentes, et p le point qui répond dans la nouvelle figure au point donné dans la première ; en tirant de ce point p au centre O du parallé-logramme la droite pOq double de pO, q sera un autre point de la sec-tion conique. On n’aura donc plus, en se servant du Lemme 22. qu’à retrouver par une opération inverse le point qui répond à ce point q dans la première figure, et le Problème sera réduit au précèdent. — C.Q.F.F.

LEMME XXIII.

(Fig. 60)

Si deux lignes AC, BD, données de position, sont terminées par les points donnés A, B, et quelles aient entre elles une raison donnée ; que de plus la droite CD, qui joint les points indéterminés C, D, soit coupée en K dans une raison donnée : le point K sera à une droite donnée de position.

E étant la rencontre des lignes AC, BD, soit pris sur BE l’intervalle BG qui soit à AE, comme BD à AC, soit prise ensuite FD qui soit tou-jours égale à la droite donnée EG ; on aura par la construction EC : GD, (ou EF) = AC : BD, et par conséquent en raison donnée ; ainsi le triangle EFC est donné d’espèce. Soit coupée maintenant CF en L, en

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 146 Livre I. sections I à VI.

sorte que CL : CF = CK : CD ; il est clair, à cause que cette raison est donnée, que le triangle EFL sera aussi donné d’espèce, donc le point L sera à la droite EL donnée de position. Tirant alors LK, il est clair que les triangles CLK, CDF seront semblables, et qu’à cause que FD est donnée, ainsi que la raison de LK à FD, la droite LK sera aussi don-née. Donc en prenant EH = LK, et en menant HK, cette droite sera donnée de position, et sera celle qui passe par tous les points K. — C.Q.F.D.

Cor. À cause que la figure EFLC est donnée d’espèce, les trois droites EF, EL et EC, ou GD, HK et EC auront des raisons données entre elles.

LEMME XXIV.

Si trois droites touchent une section conique quelconque, et que deux de ces droites soient parallèles et données de posi-tion, celui des demi-diamètres de cette section conique qui sera le demi-diamètre parallèle à ces deux lignes, sera moyen proportionnel entre les segments de ces lignes com-pris entre les points d’attouchements, et la troisième tan-gente.

(Fig. 61)

Soient AF, BG les deux parallèles qui touchent la section conique ADB en A et en B ; EF la troisième droite qui touche la même courbe en I, et qui rencontre les deux premières tangentes en F et en G, soit de plus CD le demi-diamètre de la figure parallèle aux tangentes : il s’agit de démontrer que les lignes AF, CD, BG sont en proportion continue.

Pour le faire voir, soit prolongé le diamètre MCD jusqu’à ce qu’il rencontre en H la tangente FG, et soit tiré le diamètre conjugué ACB. En formant le parallélogramme IKLC ; on aura, par la nature des sec-tions coniques, EC : CA = CA : CL = EC – CA : CA – CL, ou = EA : AL, et par conséquent EA : EA + AL (ou EL) = EC : EC + CA (ou EB) ; donc, à cause que les triangles EAF, ELI, ECH, EBG sont sem-blables, AF : LI = CH : BG. Mais, par la nature des coniques, LI ou CK : CD = CD : CH ; donc AF : CD = CD : BG. — C.Q.F.D.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 147 Livre I. sections I à VI.

Cor. 1. De là, si deux tangentes FG, PQ se coupent en O, et ren-contrent les tangentes parallèles AF, BG en F et G, P et Q ; on aura AF : BQ = AP : BG, et par conséquent = FP : GQ ; c’est-à-dire = FO : OG.

Cor. 2. Ainsi deux droites PG, FQ menées par les points P et G, F et Q auront leur commune intersection dans la droite ACB, qui passe par le centre de la figure, et par les points d’attouchement A et B.

LEMME XXV.

Si les quatre côtés d’un parallélogramme prolongés indéfi-niment touchent une section conique quelconque, et qu’ils soient coupés par une cinquième tangente quelconque, en prenant sur deux côtés quelconques opposés de ce parallé-logramme les segments terminés à deux angles opposés, chacun de ces segments sera au côté duquel il aura été re-tranché par la cinquième tangente, comme la partie de l’autre côté du parallélogramme, comprise entre le point d’attouchement et le troisième côté, est à l’autre segment.

(Fig. 62)

ML, LK, KL, ML étant les quatre côtés d’un parallélogramme MLLK qui touchent la section conique en A, B, C, D ; et FQ une cin-quième tangente qui coupe ces côtés en F, Q, H, E : si on prend les segments ME, KQ, des côtés MI, KI, on aura ME : MI = BK : KQ, et si on prend les segments KH, MF des côtés ML, KL, on aura KH : KL = AM : MF.

Car par le Corollaire premier du Lemme précédent, on aura ME : MI = AM ou BK : BQ ; d’où l’on tire ME : MI = BK : KQ. — C.Q.F.D.

Par le même Corollaire on aura KH : HL = BK ou AM : AF, qui donne KH : KL = AM : MF. — C.Q.F.D.

Cor. 1. De là, si le parallélogramme IKLM décrit autour de la sec-tion conique est donné, le rectangle KQ × ME sera donné, ainsi que le rectangle KH × MF, qui lui est égal, à cause que les triangles MFE, KQH sont semblables.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 148 Livre I. sections I à VI.

Cor. 2. Si on mène une sixième tangente eq qui rencontre les tan-gentes KL, ML, en q et en e ; le rectangle KQ × ME étant égal au rec-tangle Kq × Me, on aura KQ : Me = Kq : ME, et par conséquent = Qq : Ee.

Cor. 3. D’où, si on tire Eq et eQ, qu’on les coupe en deux parties égales, et qu’on tire une droite par les points de bissection, cette droite passera par le centre de la section conique. Car puisque Qq : Ee = KQ : Me, il faut, par le Lemme 23 que la droite qui passe par le milieu de Eq et de eQ, passe aussi par le milieu de MK. Or, le milieu de MK est le centre de la section conique.

PROPOSITION XXVII. — PROBLÈME XIX.

Décrire une trajectoire qui soit touchée par cinq lignes droites données de position.

(Fig. 63)

Les tangentes ABG, BCF, GCD, FDE, EA étant données de posi-tion, coupez en deux parties égales aux points M et N les diagonales AF, BE de la figure quadrilatère ABFE formée par quatre quelconques de ces tangentes, et par le Cor. 3 du Lemme 25 la droite MN menée par les points de bissection passera par le centre de la trajectoire. Coupez ensuite en deux parties égales dans les points P et Q les dia-gonales BD, GF de la figure quadrilatère BGDF, formée par quatre autres des cinq mêmes tangentes : et la droite PQ tirée par les points de bissection passera encore par le centre de la trajectoire ; ainsi la rencontre O de MN et de PQ donnera la position de ce centre. Tirez ensuite KL parallèle à une tangente quelconque BC, et à une telle dis-tance de cette tangente, que le centre O soit placé au milieu de l’intervalle qui sépare ces parallèles, KL sera par ce moyen une nou-velle tangente de la trajectoire qu’il faut décrire. Que L et K soient les points où cette nouvelle tangente coupe deux quelconques GCD, FDE, des premières, en menant des droites CK, FL par les points C et K, F et L où les tangentes parallèles CF, KL rencontrent les tangentes non parallèles CL, FK, on aura par la rencontre R de ces droites, et par le centre O la position de la ligne RO qui coupe les deux tangentes CF, KL dans les points où ces deux tangentes touchent la section co-nique cherchée, ainsi qu’il est aisé de s’en assurer par le Cor. 2 du

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 149 Livre I. sections I à VI.

Lemme 24. Trouvant ensuite les autres points de contact par la même méthode, il sera aisé de décrire la trajectoire par le Probl. 14.

SCHOLIE.

Les Problèmes, dans lesquels les centres ou les asymptotes des tra-jectoires sont donnés, sont contenus dans les précédents ; car, par le moyen des points de ces trajectoires qui seront donnés, de leurs tan-gentes, et du centre, on aura autant d’autres points, et d’autres tangen-tes prises de l’autre côté du centre et à égale distance. À l’égard des asymptotes on peut les regarder comme des tangentes, et leurs extré-mités (si l’on peut s’exprimer ainsi) comme des points de contact. Imaginez donc que le point d’attouchement d’une tangente s’éloigne à l’infini ; cette tangente deviendra asymptote, et les constructions des Problèmes précédents se changeront dans les constructions des Pro-blèmes où l’asymptote est donnée.

(Fig. 64 & 65)

Lorsque la trajectoire est décrite, on peut trouver ses axes et ses foyers par la méthode suivante. Dans la construction et la figure du Lemme 21 faites que les côtés BP, CP des angles mobiles PBN, PCN, par le concours desquels la trajectoire a été décrite, deviennent paral-lèles entre eux, et qu’en conservant cette position, ils tournent dans cette figure autour de leurs pôles B et C. Pendant ce mouvement les seconds côtés CN, BN de ces angles décriront par leur concours K ou k le cercle BGKC. Du centre O de ce cercle tirez la ligne OH qui ren-contre le cercle en K et en L, et qui soit perpendiculaire sur la règle MN, sur laquelle ces seconds côtés CN, BN se sont rencontrés en dé-crivant la trajectoire : lorsque ces seconds côtés arrivés en CK, BK se couperont en K dans le point le plus proche de cette règle, les premiers côtés CP, BP seront alors parallèles au grand axe, et perpendiculaires au petit ; ce serait le contraire, si ces mêmes côtés concouraient au point le plus éloigné L. Donc, si le centre de la trajectoire est donné, on aura par ce moyen la longueur des axes, et la position des foyers s’en tirera tout de suite.

(Fig. 63 & 64)

Les carrés des axes sont entre eux comme KH à LH ; ce qui donne un moyen facile de décrire par quatre points quelconques une trajec-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 150 Livre I. sections I à VI.

toire donnée d’espèce. Car si on prend deux de ces points donnés pour les pôles B et C, le troisième donnera les angles mobiles, PCK, PBK ; et ces angles étant donnés, on connaîtra aussitôt le cercle BGKC. Or, la trajectoire étant donnée d’espèce, la raison de OH à OK sera don-née, et par conséquent OH le sera aussi. Décrivant donc du centre O, et de l’intervalle OH un autre cercle, la droite qui touchera ce cercle, et qui passera par le concours des seconds côtés CK, BK, lorsque les premiers CP, PB concourent au quatrième point donné, sera la règle MN par le moyen de laquelle on peut décrire facilement la trajectoire. Par la même méthode on pourra aussi inscrire un trapèze donné d’espèce dans une section conique donnée quelconque toutes les fois que le cas sera possible.

Il y a encore d’autres Lemmes par lesquels on peut décrire des tra-jectoires données d’espèce lorsqu’on a des points donnés, et des tan-gentes données. Tel est par exemple celui-ci. Si d’un point donné on mène à volonté une ligne droite, qui coupe une section conique don-née en deux points, et que l’intervalle de ces intersections soit partagé en deux parties égales, le point de bissection sera à une autre section conique de la même espèce que la première, et les axes de ces deux courbes seront parallèles entre eux ; mais je passe à des choses plus utiles.

LEMME XXVI.

Placer les trois côtés d’un triangle donné de grandeur et d’espèce, en sorte que ses trois angles soient respectivement appliqués sur trois lignes données de position, mais qui ne sont pas toutes parallèles entre elles.

(Fig. 66 & 67)

Les trois lignes indéfinies AB, AC, BC, étant données de position, il s’agit de placer le triangle DEF de façon que son angle D soit placé sur la ligne AB, l’angle E sur la ligne AC, et l’angle F sur la ligne BC.

On commencera par décrire sur DE, DF, et EF les trois segments de cercles DRE, DGF, EMF capables d’angles qui soient respective-ment égaux aux angles BAC, ABC, ACB, en observant, pour la posi-tion de ces segments sur les lignes DE, DF, EF, que les lettres DRED aient entre elles le même ordre que les lettres BACB, les lettres DGFD

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 151 Livre I. sections I à VI.

le même ordre que les lettres ABCA, et les lettres EMFE le même or-dre que les lettres ACBA.

(Fig. 66 & 67)

Ayant ensuite achevé les cercles de ces segments et marqué la ren-contre G des deux premiers, dont les centres sont P et Q, on tirera GP et PQ, et l’on prendra Ga à AB, comme GP à PQ. Cela fait, du centre G et de l’intervalle Ga on décrira un cercle qui coupera le premier cercle DGF en a. Tirant alors aD et aE, ces deux droites couperont, l’une le second cercle DFG en b, l’autre le troisième cercle EMF en c : et l’on aura par ce moyen la figure ABCdef égale et semblable à la figure demandée abcDEF.

Pour le démontrer soit tiré Fc, et soit d’abord supposé que a soit le point où cette ligne rencontre aD, soient tirées ensuite aG, bG, QG, QD, PD. L’angle EaD étant égal par construction à l’angle CAB, et l’angle acF à l’angle ACB, le triangle anc sera équiangle au triangle ABC. Donc l’angle anc ou FnD, sera égal à l’angle ABC, et par consé-quent à l’angle FbD ; donc, le point n coïncidera avec le point b ; de plus, l’angle GPQ, qui est la moitié de l’angle au centre GPD, est égal à l’angle à la circonférence GaD ; et l’angle GQP, qui est la moitié de l’angle au centre GQD, est égal au complément à deux droits de l’angle à la circonférence GbD ; donc, il est égal à l’angle Gba. De là il suit que les triangles GPQ, Gab sont semblables, et que par consé-quent Ga : ab = GP : PQ ; c’est-à-dire, par la construction, = Ga : AB. Donc ab = AB ; donc les triangles abc, ABC, que nous venons de prouver semblables, sont aussi égaux. Or, comme les angles D, E, F du triangle DEF sont appliqués respectivement sur les côtés ab, ac, bc du triangle abc, on n’a plus qu’à achever la figure ABCdef, de façon qu’elle soit égale et semblable à la figure abcDEF, et le Problème sera résolu. — C.Q.F.F.

(Fig. 66 & 67)

Cor. On peut par cette méthode tirer une droite dont les parties données de longueur soient placées entre trois droites données de po-sition. Car imaginant que le point D s’approche du côté EF, et que les côtés DE, DF deviennent le prolongement l’un de l’autre, le triangle DEF se changera en une droite, dont la partie donnée DE doit être placée entre les lignes données de position AB, AC et la partie donnée

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 152 Livre I. sections I à VI.

DF entre les lignes AB, BC données aussi de position ; appliquant donc la construction précédente à ce cas, on résoudra le Problème.

PROPOSITION XXVIII. — PROBLÈME XX.

Décrire une trajectoire donnée d’espèce et de grandeur, dont les parties données soient placées entre trois lignes droites données de position.

(Fig. 68 & 69)

Qu’on ait à décrire une trajectoire semblable et égale à la courbe DEF, et coupée par trois lignes droites AB, AC, BC données de posi-tion, en des parties égales et semblables aux parties données DE, FE de cette courbe.

Tirez les droites DE, EF, DF, et placez par le Lemme 26 les angles D, E, F de ce triangle DEF sur ces lignes données de position, ensuite décrivez autour de ce triangle une trajectoire semblable et égale à la courbe DEF. — C.Q.F.F.

LEMME XXVII.

Décrire un trapèze donné d’espèce, dont les angles soient appliqués respectivement sur quatre lignes droites données de position, en supposant que ces quatre lignes ne soient ni toutes parallèles, ni convergentes à un seul point.

(Fig. 70 & 71)

Que les quatre droites ABC, AD, BD, CE soient données de posi-tion, la première coupant la seconde en A, la troisième en B, et la qua-trième en C ; et qu’on se propose de décrire le trapèze fghi semblable au trapèze FGHI et placé en telle sorte que les quatre angles f, g, h, i, égaux respectivement aux angles F, G, H, I, soient appliqués respecti-vement sur les quatre lignes ABC, AD, BD, CE.

On commencera par tirer FH et par décrire sur FG, FH, FI les trois segments de cercle FSG, FTH, FVI ; donc le premier FSG soit capable d’un angle égal à l’angle BAD, le second FTH d’un angle égal à l’angle CBD, et le troisième FVI d’un angle égal à l’angle ACE, en observant pour la position de ces segments sur les lignes FG, FH, FI,

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 153 Livre I. sections I à VI.

que l’ordre des lettres FSGF soit le même que celui des lettres BADB, que l’ordre des lettres FTHF soit celui des lettres CBDC, et que l’ordre des lettres FVIF soit celui des ACEA.

(Fig. 70 & 71)

Ayant ensuite achevé les cercles de ces segments, et tiré la ligne indéfinie PQ, qui joint les centres P et Q des deux premiers cercles FSG, FTH, on prendra sur cette ligne la droite QR qui soit à PQ, comme BC à AB, en observant pour la position de cette ligne QR, que l’ordre des lettres P, Q, R soit le même que celui des lettres A, B, C, cela fait, du centre R et de l’intervalle RF, on décrira un quatrième cercle FNc qui coupera le troisième FVI en c, et l’on tirera Fc qui coupera le premier cercle en a, et le second en b. Menant alors les droites aG, bH, cI, on n’aura plus qu’à construire la figure ABCfghi semblable à la figure abcFGHI, et le trapèze fghi sera celui qu’il fal-lait construire.

Car supposant que les deux premiers cercles FSG, FTH se coupent en K, soient tirées PK, QK, RK, aK, bK, cK, et soit prolongée QP en L, les angles à la circonférence FAK, FbK, FcK étant moitié des an-gles FPK, FQK, FRK au centre, seront égaux aux angles LPK, LQK, LRK. Donc la figure PQRK est équiangle, et semblable à la figure abcK, ce qui donne ab : bc = PQ : QR, c’est-à-dire, = AB : BC. De plus, les angles fAg, fBh, fCi, sont égaux, par construction, aux angles FaG, FbH, FcI. Donc la figure ABCfghi est semblable à la figure abcFGHI. Donc le trapèze fghi sera semblable au trapèze FGHI, et aura ses angles f, g, h, i respectivement appuyées sur les droites ABC, AD, BD, CE. — C.Q.F.F.

(Fig. 70 & 71)

Cor. On peut mener par ce moyen une ligne droite, dont les parties soient placées suivant un ordre donné entre quatre droites données de position, et qui aient entre elles une proportion donnée. Car augmen-tant les angles FGH, GHI jusqu’à ce que les droites FG, GH, HI de-viennent le prolongement l’une de l’autre, la construction précédente donnera la droite fghi, dont les parties fg, gh, hi, placées entre les qua-tre droites données de position AB et AD, AD et BD, BD, et CE, seront entre elles comme les lignes, FG, GH, HI, et garderont le même ordre entre elles. La même question peut se résoudre un peu plus vite de la manière suivante.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 154 Livre I. sections I à VI.

(Fig. 72 & 73)

Soient prolongées les droites AB et BD en K et en L, en sorte que BK : AB = HI : GH ; et DL : BD = GI : FG ; soit tiré ensuite KL, qui rencontre la droite CE en i, et soit prolongé iL en M, de sorte que LM : iL = GH : HI. Cela fait, tirant la ligne MQ parallèle à LB, et qui ren-contre la droite AD en g, la ligne tirée de g à i rencontrera les lignes AB, BD en f et en h, et sera la ligne demandée.

Car en tirant AP parallèle à BD et qui rencontre iL en P, on aura gM à Lh (gi à hi, Mi à Li, GI à HI, AK à BK) et AP à BL dans la même raison. Coupant alors DL en R en sorte que DL soit à RL dans cette même raison, et marquant les points Q et S, où la droite Mg coupe les droites AB et AD, on aura, à cause des proportionnelles gS à gM, AS à AP ; et DS à DL, les proportions gS : Lh = AS : BL = DS : RL ; et BL – RL : Lh – BL = AS – DS : gS – AS, c’est-à-dire, BR : Bh = AD : Ag, et par conséquent = BD : gQ, et réciproquement BR : BD = Bh : gQ, ou = fh : fg. Mais par la construction, la ligne BL a été coupée en D et en R dans la même raison que la ligne FI en G et en H : donc BR : BD = FH : FG, donc fh : fg = FH : FG. Or, comme on a aussi gi : hi = Mi : Li, c’est-à-dire = GI : HI, il est clair que la ligne fi est coupée en g et h de la même manière que FI l’est en G et H. — C.Q.F.F.

Dans la construction de ce Corollaire, après qu’on a mené LK qui coupe CE en i, si on prolonge iE en V, en sorte qu’on ait EV : Ei = FH : HI, et qu’on tire Vf parallèle à BD, on aura également la solution du Problème. On l’aurait encore de même, si du centre i, et de l’intervalle IH on décrivait un cercle qui coupât BD en X, et qu’on prolongeât iX en Y, en sorte que iY = IF, et qu’on tirât ensuite Yf paral-lèle à BD.

Wren et Wallis ont donné autrefois d’autres solutions de ce Pro-blème.

PROPOSITION XXIX. — PROBLÈME XXI.

Décrire une trajectoire donnée d’espèce, qui soit coupée par quatre droites données deposition, en des parties don-nées d’espèce, d’ordre et de proportion.

(Fig. 74 & 75)

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 155 Livre I. sections I à VI.

Qu’on se propose de décrire une trajectoire semblable à la courbe FGHI, et dont les parties semblables et proportionnelles aux parties EG, GH, HI de cette courbe soient placées entre les droites AB et AD, AD et BD, BD et CE données de position, la première entre les deux premières ; la seconde entre les deux secondes, et la troisième entre les deux troisièmes. Ayant tiré les droites EG, GH, HI, FI, soit décrit par le Lemme 27 le trapèze fghi, semblable au trapèze FGHI, et dont les angles f, g, h, i soient appliqués suivant l’ordre prescrit sur les droites AB, AD, BD, CE. Cela fait, on n’aura plus qu’à décrire autour de ce trapèze une trajectoire semblable à la courbe FGHI, et le Pro-blème sera résolu.

SCHOLIE.

(Fig. 76 & 77)

Ce Problème peut encore se construire en cette sorte. Ayant tiré EG, GH, HI, FI, prolongez GF en V, tirez FH et IG et faites les angles CAK, DAL égaux aux angles FGH, VFH. Supposant ensuite que les lignes AK, AL rencontrent la ligne BD en K et en L, tirez KM et LN, dont la première KM fasse l’angle AKM égal à l’angle GHI, et soit à AK, comme HI à GH ; et la seconde LN fasse l’angle ALN égal à l’angle FHI, et soit à AL comme HI à FH. Mais en plaçant ces lignes AK, KM, AL, LN ayez cette attention que leur situation soit telle à l’égard des lignes AD, AK, AL, que l’ordre des lettres CAKMC, ALKA, DALND soit le même que celui des lettres FGHIF.

Cela fait, tirez la ligne MN qui rencontre CE en i ; faites l’angle iEP égal à l’angle IGF, et prenez PE à Ei comme FG à GI. Tirez de plus par le point P la ligne PQF, qui fasse avec la ligne ADE, l’angle PQE égal à l’angle FIG ; et observez, pour la position de ces lignes PE et PQ par rapport aux droites CE, PE, que l’ordre des lettres PEiP, PEQP soit le même que celui des lettres FGHIF. Marquant alors le point f où PQ rencontre la ligne droite AB, on n’aura qu’à décrire sur if, comme base, la figure ifgh semblable à IFGH, et en lui circonscri-vant la trajectoire donnée d’espèce, le Problème sera résolu.

Après avoir appris à trouver les orbes, il reste à déterminer les mouvements des corps dans ces orbes.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 156 Livre I. sections I à VI.

Table des matières

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 157 Livre I. sections I à VI.

Planche II

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 158 Livre I. sections I à VI.

Table des matières

SIXIÈME SECTION

De la détermination des mouvements

dans des Orbes donnés.

PROPOSITION XXX. — PROBLÈME XXII. Trouver pour un temps donné le lieu d’un corps qui se meut dans une trajectoire parabolique donnée.

(Fig. 78)

Soient S le foyer de la parabole, A son sommet, P le lieu cherché où le corps est arrivé en venant de A, ou bien celui d’où il faut qu’il parte pour arriver en A dans le temps donné. Soit de plus 4AS × M la surface de l’aire parabolique donnée par ce temps.

Ayant divisé la ligne AS en deux parties égales au point G et élevé perpendiculairement à AS la droite GH égale à 3M, on aura le lieu cherché P par l’intersection de la parabole et du cercle dont le centre est H, et le rayon HS. Car abaissant PO perpendiculaire sur l’axe, et tirant PH, on aura : AG2 + GH2 = HP 2 = AO − AG 2 + PO − GH 2( ) = AO2 + PO2 – 2GA × AO – 2GH × PO + AG2 + GH2. D’où l’on tire 2GH × PO (= AO2 + PO2 – 2GA × AO) = AO2 + 3

4 PO2

2. Écrivant en-

suite AO ×PO4AS

au lieu de AO2, divisant tous les termes par 3PO et

les multipliant par 2AS, on aura : 43 GH × AS

=16

AO × PO +12

AS × PO =AO + 3AS

6× PO

⎛ ⎝ ⎜ = 4AO − 3SO

6× PO

⎞ ⎠ ⎟ =

l’aire APO – SPO = l’aire APS. Mais à cause que GH = 3M, on a 43 GH × AS = 4AS × M . Donc l’aire APS a pour surface la quantité donnée 4AS × M.

Cor. 1. De là on tire que GH est à AS, comme le temps pendant le-quel le corps décrit l’arc AP est au temps pendant lequel il décrit l’arc

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 159 Livre I. sections I à VI.

compris entre le sommet A et la perpendiculaire élevée du foyer S sur l’axe.

Cor. 2. Si on imagine que le cercle ASP suive continuellement le corps P, la vitesse du point H sera à la vitesse du corps au sommet A, comme 3 à 8. Donc la ligne GH, et la ligne droite que le corps peut décrire dans le temps qu’il se meut de A vers P, avec la vitesse qu’il avait au sommet A, sont entre elles dans la même raison.

Cor. 3. Et réciproquement ; on peut trouver le temps que le corps a employé à décrire un arc quelconque AP, en tirant AP et en élevant au milieu de cette ligne une perpendiculaire qui rencontre la droite GH en H.

LEMME XXVIII.

Les parties quelconques de toute figure ovale, déterminées par les coordonnées ou par d’autres droites tirées à volon-té, ne peuvent jamais être trouvées par aucune équation d’un nombre fini de termes et de dimensions.

Soit donné dans l’ovale un point quelconque autour duquel, com-me pôle, tourne perpétuellement une ligne droite d’un mouvement uniforme, et soit imaginé en même temps sur cette ligne un point mo-bile allant toujours depuis le pôle avec une vitesse qui soit comme le carré de la partie de cette ligne renfermée dans l’ovale, ce point décri-ra alors une spirale composée d’une infinité de spires. Or si la portion d’aire ovale, coupée par cette droite, peut être trouvée par une équa-tion d’un nombre fini de termes, on aura aussi, par la même équation, le rayon de la spirale qui est proportionnel à cette aire. Ainsi on pourra trouver par une équation finie tous les points d’une spirale, et par conséquent on pourra trouver aussi l’intersection d’une droite quel-conque donnée de position, et d’une spirale par une équation finie ; mais toute droite prolongée infiniment coupe une spirale en une infini-té de points, et toute équation qui donne l’intersection quelconque de deux lignes doit donner toutes leurs intersections par autant de raci-nes, et doit avoir par conséquent autant de dimensions qu’il y a d’intersections. Car on sait que deux cercles se coupant en deux points, on ne peut avoir une de leurs intersections que par une équa-tion du second degré qui donne en même temps l’autre point ; et que

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 160 Livre I. sections I à VI.

deux sections coniques pouvant se couper en quatre points, on ne sau-rait avoir une de ces intersections que par une équation du quatrième degré, qui donne en même temps les trois autres, puisque si on cher-che chacune des intersections à part, le calcul fondé sur les mêmes conditions sera le même, et donnera toujours un même résultat qui renfermera toutes les intersections, et les donnera indifféremment. De même, les sections coniques et les courbes du troisième degré pouvant se couper en six points, leurs intersections se trouvent toutes à la fois par des équations de six dimensions, et les intersections de deux cour-bes du troisième degré pouvant être au nombre de neuf, elles se trou-vent toutes en même temps par des équations de neuf dimensions. Si cela n’arrivait pas nécessairement, on pourrait réduire tous les Pro-blèmes solides aux Problèmes plans et les sursolides aux Problèmes solides. Je parle ici des courbes dont le degré est irréductible. Car si l’équation qui exprime une courbe, peut être réduite à un degré infé-rieur, la courbe ne sera pas unique, mais elle sera composée de deux ou plusieurs courbes dont on peut trouver les intersections séparément par différents calculs. Les deux intersections des droites et des coni-ques se trouvent aussi toujours par des équations de deux dimensions, les trois intersections des droites et des courbes irréductibles du troi-sième degré, par des équations de trois dimensions, et les quatre inter-sections des droites et des courbes irréductibles du quatrième degré, par des équations de quatre dimensions, et ainsi à l’infini.

Or, la spirale étant une courbe simple et qu’on ne peut décomposer en plusieurs courbes, le nombre infini de ses intersections avec une ligne droite ne sera exprimé que par une équation d’un nombre infini de dimensions et de racines, qui donnera toutes ces intersections à la fois, puisque c’est la même loi et le même calcul pour toutes. Car si du pôle on abaisse une perpendiculaire sur la droite coupante, et que cette perpendiculaire se meuve avec la droite coupante autour du pôle, les intersections de la spirale passeront mutuellement entre elles, celle qui était la première ou la plus proche, sera après une révolution la seconde, après deux révolutions elle sera la troisième, et ainsi de sui-te ; et cependant l’équation ne changera point, à moins que la gran-deur des quantités qui déterminent la position de la coupante ne chan-ge : or, comme ces quantités après chaque révolution retournent à leurs premières grandeurs, l’équation reviendra à sa première forme ; ainsi une seule et même équation donnera toutes les intersections, et

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elle aura par conséquent un nombre infini de racines qui les donneront toutes. On ne peut donc trouver d’une manière générale une intersec-tion quelconque d’une droite et d’une spirale par une équation finie, et par conséquent il n’y a point d’ovale dont l’aire coupée par des droites à volonté puisse être exprimée par une telle équation.

En prenant le rayon de la spirale proportionnel au périmètre de l’ovale coupé, il sera aisé de prouver par le même raisonnement qu’on ne peut exprimer la longueur de ce périmètre d’une façon générale par aucune équation finie. Au reste, je parle ici des ovales qui ne sont pas touchés par des figures conjuguées qui s’étendent à l’infini.

Cor. De là on voit que l’aire elliptique décrite autour du foyer ne peut pas être exprimée dans un temps donné par une équation finie, et que par conséquent elle ne peut être déterminée par la description des courbes géométriquement rationnelles. J’appelle courbes géométri-quement rationnelles, celles dont la relation entre les abscisses et les ordonnées peut être déterminée par des équations en termes finis. Les autres courbes, telles que les spirales, les quadratiques, les trochoïdes, etc. je les nomme des courbes géométriquement irrationnelles. Je vais montrer à couper l’aire elliptique proportionnellement au temps par une courbe de cette espèce.

PROPOSITION XXXI. — PROBLÈME XXIII.

Trouver pour un temps donné le lieu d’un corps qui se meut dans une trajectoire elliptique donnée.

(Fig. 79)

Que A soit le sommet de l’ellipse APB, S son foyer, O son centre, et qu’il s’agisse de trouver le lieu P du corps. Prolongez OA en G, en sorte que OG : OA = OA : OS ; élevez la perpendiculaire GH, et du centre O et de l’intervalle OG décrivez le cercle GEF ; cela fait, pre-nant GEF pour cercle roulant, A pour point décrivant, et GH pour ba-se, tracez la trochoïde ALI, et prenez GK qui soit à la circonférence GEFG dans la même raison que le temps pendant lequel le corps dé-crit l’arc AP, en partant du point A, est au temps d’une révolution dans l’ellipse. Elevez ensuite la perpendiculaire KL qui rencontre la tro-choïde en L, et vous aurez, en menant LP parallèle à KG, le lieu cher-ché P.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 162 Livre I. sections I à VI.

Pour le démontrer, soit décrit sur le diamètre AB le demi-cercle AQB, et soient tirées du point Q, où la droite PL rencontre ce demi cercle, les droites QS, QO aux points O et S ; soit de plus prolongé OQ jusqu’à ce qu’elle rencontre l’arc EFG en F, et abaissez sur cette droite OQ la perpendiculaire SR ; il est clair, à cause que l’aire APS est proportionnelle à l’aire AQS, c’est-à-dire à la différence entre le secteur OQA et le triangle OQS, ou à la différence des rectangles 12 OQ × AQ, et 1

2 OQ × SR, ou (ce qui revient au même 12 OQ, étant

donné) à la différence entre l’arc AQ et la droite SR, ou bien encore (à cause que les raisons de SR au sinus de l’arc AQ, de OS à OA, de OA à OG, de AQ à GF, et par conséquent de AQ – SR à GF – le sinus de l’arc AQ, sont égales et données) à la droite GK différence entre GF et le sinus de l’arc AQ. — C.Q.F.D.

SCHOLIE.

(Fig. 80)

Au reste, comme la description de cette courbe est difficile, il vaut mieux employer une solution approchée. On commencera par trouver un angle B qui soit à l’angle de 57,29578 degrés que soustend un arc égal au rayon, comme la distance SH des foyers est au diamètre AB de l’ellipse ; et une longueur quelconque L qui soit au rayon dans la mê-me raison inverse ; ce qui étant trouvé, le Problème se construira en-suite par l’analyse suivante.

(Fig. 82)

Ayant trouvé par une méthode ou par une estime quelconque, un lieu P voisin du vrai lieu cherché p, et ayant tiré l’ordonnée PR à l’axe de l’ellipse, la proportion des diamètres de l’ellipse donnera l’ordonnée RQ du cercle circonscrit AQB, laquelle est le sinus de l’angle AOQ pour le rayon AO, et coupe l’ellipse au point P. Il suffit de trouver cet angle en nombres approchés par un calcul grossier. Il faut connaître aussi l’angle proportionnel au temps, c’est-à-dire, l’angle qui est à quatre droits, comme le temps pendant lequel le corps décrit l’arc Ap est au temps d’une révolution dans l’ellipse. N étant cet angle, on prendra l’angle D à l’angle B, comme le sinus de l’angle AOQ est au rayon, et l’angle E à l’angle N – AOQ + D, comme la lon-gueur L est à cette même longueur L diminuée du cosinus de l’angle

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AOQ, lorsque cet angle est moindre qu’un droit, et augmentée de ce même cosinus lorsqu’il est plus grand. On prendra ensuite l’angle F à l’angle B, comme le sinus de l’angle AOQ + E au rayon, et l’angle G à l’angle N – AOQ – E + F, comme la longueur L est à cette même longueur L, diminuée du cosinus de l’angle AOQ + E lorsque cet an-gle est moindre qu’un droit, et augmentée de ce même cosinus lors-qu’il est plus grand. On continuera de même à prendre l’angle H à l’angle B, comme le sinus de l’angle AOQ + F + G au rayon ; et l’angle I à l’angle N – AOQ – F – G + H, comme la longueur L est à cette même longueur L diminuée du cosinus de l’angle AOQ + E + G lorsque cet angle est moindre qu’un droit, et augmentée de ce même cosinus lorsqu’il est plus grand, et l’opération pourra être continuée à l’infini. Enfin prenant l’angle AOq égal à l’angle AOQ + E + G +I + etc., le cosinus Or de cet angle, et l’ordonnée Pr qui est au sinus qr comme le petit axe de l’ellipse est au grand, donneront le lieu corrigé p.

(Fig. 76)

Lorsque l’angle N – AOQ + D est négatif, le signe + de E doit par-tout se changer en – et son signe – en +. Il en est de même des signes de G et de I, lorsque les angles N – AOQ – E + F, et N – AOQ – E – G + H deviennent négatifs.

Il est à remarquer que la suite infinie AOQ + E + Q + I + etc. converge si vite, qu’il n’est presque jamais besoin d’aller au-delà du second terme E ; le calcul que je viens de donner est fondé sur ce Théorème, que l’aire APS est comme la différence entre l’arc AQ et la droite tirée du foyer S perpendiculairement sur le rayon OQ.

(Fig. 81)

On résout le même Problème pour l’hyperbole par un calcul à peu près semblable. O étant son centre, A son sommet, S son foyer, et OK son asymptote : on commencera par connaître la quantité de l’aire à retrancher proportionnelle au temps, et par tirer la droite SP qu’on es-time pouvoir retrancher l’aire APS approchante de l’aire demandée. On tirera ensuite OP, et des points A et F on mènera les parallèles AI, PK à l’autre asymptote. Cela fait, par la table des Logarithmes, on au-ra l’aire AIKP, ainsi que l’aire OPA qui lui est égale, laquelle étant retranchée du triangle OPS laissera l’aire APS. Divisant par la ligne SN, tirée perpendiculairement du foyer S sur la tangente TP, la double

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 164 Livre I. sections I à VI.

différence 2APS – 2A ou 2A – 2APS de l’aire A à retrancher et de l’aire APS retranchée, on aura la longueur de la corde PQ. Plaçant en-suite cette corde PQ entre A et P si l’aire retranchée APS est plus grande que l’aire A qu’il faut retrancher, ou du côté opposé si elle est plus petite, le point Q sera un lieu plus approché du vrai, et en répétant la même opération on en approchera de plus en plus à l’infini.

Ainsi par ces calculs on résout le Problème analytiquement et gé-néralement, mais la méthode particulière qui suit est plus propre aux usages astronomiques.

(Fig. 82)

AO, OB, OD étant les demi-axes de l’ellipse, L son paramètre et D la différence entre la moitié OD du petit axe, et la moitié ½L du para-mètre ; cherchez l’angle Y, dont le sinus soit au rayon, comme le rec-tangle, sous cette différence D et la moitié AO + OD de la somme des axes, est au carré du grand axe AB ; cherchez aussi l’angle Z dont le sinus soit au rayon, comme le double rectangle, sous la distance SH des foyers, et cette différence D, est au triple carré de la moitié AO du grand axe. Ces angles étant une fois trouvés, vous aurez ainsi le lieu cherché.

(Fig. 81 et 82)

Prenez l’angle T proportionnel au temps pendant lequel l’arc BP est décrit, ou, pour parler comme les Astronomes, égal au mouvement moyen. Prenez de plus l’angle V, première équation du mouvement moyen, à l’angle Y, première plus grande équation, comme le sinus du double de l’angle T est au rayon ; et l’angle X, seconde équation, à l’angle Z, seconde plus grande équation, comme le cube du sinus de l’angle T au cube du rayon. Cela fait, prenez l’angle BHP du mouve-ment moyen corrigé, égal, ou à la somme T + X + V des angles T, V, X, si l’angle T est plus petit qu’un droit, ou à la différence T + X – V, si cet angle est plus grand qu’un droit, et moindre que deux droits. En-fin tirez SP au point P où HP rencontre l’ellipse, et l’aire BSP sera à très peu de chose près proportionnelle au temps.

Cette construction est assez courte, parce qu’en se contentant des deux ou trois premiers chiffres, lorsqu’on détermine les petits angles V et X, qu’on peut, si on veut, ne prendre qu’en secondes, on a une solution du Problème aussi exacte qu’il est nécessaire pour la théorie

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 165 Livre I. sections I à VI.

des planètes ; car dans l’orbe de Mars même, dont la plus grande équation du centre est de dix degrés, l’erreur passerait à peine à une seconde.

Au reste, connaissant l’angle BHP du mouvement moyen corrigé ; l’angle BSP du mouvement vrai, et la distance SP sont aisés à trouver par une méthode très connue.

Jusqu’ici j’ai examiné le mouvement des corps dans des lignes courbes, mais il se peut faire que le mobile monte ou descende dans une ligne droite. Je vais donc expliquer ce qui a rapport à cette sorte de mouvement.

Table des matières

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. 166 Livre I. sections I à VI.

Planche III

Table des matières

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Isaac Newton

Mathématicien, Physicien, Philosophe anglais (1643-1727)

Principes mathématiques de la Philosophie naturelle

(Philosophiae Naturalis Principia Mathematica)

Par feue Madame la Marquise du Chastellet

Paris, 1759

Livre Premier. Du Mouvement des Corps. Sections VII à XI.

Un document produit en version numérique par Jean-Marc Simonet, bénévole, Courriel : [email protected]

Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales"

Site web : http://classiques.uqac.ca/

Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi

Site web : http://bibliotheque.uqac.ca/

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Jean-Marie Tremblay, sociologue

Fondateur et Président-directeur général,

LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALES.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 169 Livre I : Sections VI à XI.

Cette édition électronique a été réalisée par Jean-Marc Simonet, ancien pro-fesseur des Universités, bénévole. Courriel : [email protected]

À partir de :

Isaac Newton

Physicien, Mathématicien, Philosophe

anglais

(1643-1727)

Principes mathématiques de la Philosophie naturelle

Par feue Madame la marquise du Chastellet

chez Desaint & Saillant et Lambert, im-primeurs, Paris, 1759,

deux tomes de 437 p. et 379 p.

Polices de caractères utilisées : Pour le texte: Times New Roman, 14 et 12 points. Pour les notes de bas de page : Times New Roman, 10 points. Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2008 pour Macintosh. Mise en page sur papier format : LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’) Édition numérique réalisée le 3 juin 2010 à Chicoutimi, Ville de Saguenay, pro-vince de Québec, Canada

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 170 Livre I : Sections VI à XI.

Table des matières

Principes mathématiques de la Philosophie Naturelle. Du mouvement des corps. — Livre Premier.

Section I. — De la méthode des premières et dernières raisons employée dans tout cet ouvrage.

Section II. — De la recherche des forces centripètes. Section III. — Du mouvement des corps dans les sections coniques excen-

triques. Section IV. — De la détermination des orbes elliptiques, paraboliques et

hyperboliques, lorsque l’un des foyers est donné. Section V. — De la détermination des orbites lorsqu’aucun des foyers n’est

donné. Section VI. — De la détermination des mouvements dans des orbes donnés. Section VII. — De l’ascension et de la descente rectiligne des corps. Section VIII. — De la détermination des orbes que décrivent des corps sol-

licités par des forces centripètes quelconques. Section IX. — Du mouvement des corps dans des orbes mobiles, et du mou-

vement des apsides. Section X. — Du mouvement des corps dans des superficies données, et des

oscillations des corps suspendus par des fils. Section XI. — Du mouvement des corps qui s’attirent mutuellement par des

forces centripètes. Section XII. — Des forces attractives des corps sphériques. Section XIII. — Des forces attractives des corps qui ne sont pas sphériques. Section XIV. — Du Mouvement des corpuscules attirés par toutes les parties

d’un corps quelconque.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 171 Livre I : Sections VI à XI.

Table des matières

SEPTIÈME SECTION

De l’ascension et de la descension rectiligne des corps.

PROPOSITION XXXII. — PROBLÈME XXIV. Supposant que la force centripète soit réciproquement pro-portionnelle au carré de la distance au centre, trouver les espaces rectilignes que le corps parcourt en tombant dans des temps donnés.

(Fig. 83)

Cas 1. Si le corps ne tombe pas perpendiculairement, il décrira (par le Cor. 1. de la Prop. 13.) quelque section conique dont le foyer sera dans le centre des forces. Soit ARPB cette section conique, et S son foyer. Supposant d’abord que cette courbe soit une ellipse, on décrira sur son grand axe AB un demi cercle ADB, et l’on tirera, par le lieu du corps tombant la ligne DPC perpendiculaire à l’axe ; on tirera ensuite DS, PS, et l’on aura l’aire ASD proportionnelle au temps.

L’axe AB restant le même, et la largeur de l’ellipse diminuant continuellement, l’aire ASD demeurera toujours proportionnelle au temps ; et si l’on suppose que cette largeur diminue à l’infini, l’orbe APB coïncidant avec l’axe AB, et le foyer S avec l’extrémité B de l’axe, le corps descendra dans la droite AC, et l’aire ABD sera alors proportionnelle au temps. L’espace AC que le corps décrit dans le temps donné en tombant perpendiculairement du lieu A sera donc donné aussitôt que l’on prendra l’aire ABD proportionnelle au temps, et qu’on tirera du point D la ligne DC perpendiculaire sur la droite AB. — C.Q.F.T.

(Fig. 84)

Cas 2. Supposant présentement que la figure RPB soit une hyper-bole, soit décrit sur son diamètre principal AB une hyperbole équilatè-re BED : l’aire SDEB sera proportionnelle au temps pendant lequel le corps P décrira l’arc PfB, parce que l’aire SPfB est proportionnelle à

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 172 Livre I : Sections VI à XI.

ce temps ; et que les aires CSP, CBfP, SPfB sont aux aires CSD, CBED, SDEB, respectivement, dans la raison donnée de CP à CD.

Si on diminue ensuite à l’infini le paramètre de l’hyperbole RPB, son premier axe restant le même, l’arc PB coïncidera avec la droite CB, le foyer S avec le sommet B, et la droite SD avec la droite BD ; ainsi l’aire BDEB sera proportionnelle au temps de la chute rectiligne CB.

(Fig. 85)

Cas 3. Par le même raisonnement, si la figure RPB est une parabo-le, et que du même sommet principal B on décrive une autre parabole BED, qui demeurera toujours donnée pendant que la première parabo-le, dans le périmètre de laquelle le corps P se meut, vient à coïncider avec la ligne CB, par la diminution infinie de son paramètre, le seg-ment parabolique BDEB sera proportionnel au temps de la chute recti-ligne CB. — C.Q.F.T.

PROPOSITION XXXIII. — THÉORÈME IX.

Les choses trouvées ci-devant étant posées, la vitesse du corps qui tombe est, dans un lieu quelconque C, à la vitesse du corps qui décrit un cercle au tour du centre B, à la dis-tance BC, dans la raison sous-doublée de AC, (distance du corps au sommet ultérieur A du cercle ou de l’hyperbole équilatère) au demi-diamètre principale ½AB de la figure.

(Fig. 86 et 87)

Soient O le milieu du diamètre AB de l’une et de l’autre figure RPB, DEB ; PT la tangente de la figure RPB en P ; T la rencontre de cette tangente avec le diamètre commun AB prolongé, s’il est néces-saire ; SY la perpendiculaire à cette tangente ; BQ la perpendiculaire à AB ; L le paramètre de la figure RPB. Il est certain, par le Corol. 7. de la Propos. 16. que la vitesse du corps, qui se meut dans la ligne RPB autour du centre S, est dans un lieu quelconque P, à la vitesse du corps qui décrit un cercle autour du même centre et à la distance SP, en rai-son sous-doublée du rectangle 1

2 L × SP à SY2. Or par les coniques

AC × CB : CP2 = 2AO : L ; donc AO ×2CP 2

AC ×CB= L . Donc ces vitesses

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 173 Livre I : Sections VI à XI.

sont entre elles en raison sous-doublée de CP 2 × AO × SPAC ×CB

à SY 2. De

plus, on a encore par les coniques CO : BO : BO : TO, et par consé-quent = CB : BT ; d’où on tire BO±CO : BO = CT : BT, c’est-à-dire,

AC : AO = CP : BQ ; et par conséquent CP × AO2 × SPAC ×CB

=

BQ × AC × SP2

AO × BC. Supposant présentement que la largeur CP de la fi-

gure RPB diminue à l’infini, en sorte que le point P coïncide avec le point C, le point S avec le point B, la ligne SP avec la ligne BC, et la ligne SY avec la ligne BQ, la vitesse du corps qui descend dans la droite CB, sera à la vitesse du corps qui décrit un cercle autour du cen-tre B et à la distance CB dans la raison sousdoublée de BQ × AC × SP2

AO × BC à SY 2, est-a-dire, (à cause qu’en ce cas SP = BC et

BQ2 = SY2) que ces vitesses seront alors entre elles dans la raison sousdoublée de AC à AO ou 1

2 AB. — C.Q.F.D.

Cor. 1. Les points B et S coïncidant, on aura TC : TS = AC : AO.

Cor. 2. Si la vitesse d’un corps qui décrit un cercle autour du cen-tre des forces était imprimée à ce corps suivant le rayon, et dans la direction opposée au centre, il parcourait en remontant un espace égal au diamètre.

PROPOSITION XXXIV. — THÉORÈME X.

Si la figure BED est une parabole, la vitesse du corps qui tombe est égale dans un lieu quelconque C, à la vitesse avec laquelle ce corps peut décrire uniformément un cercle au-tour du centre B et à la moitié de sa distance BC.

(Fig. 88)

La vitesse du corps qui décrit la parabole RPB autour du centre S, est dans un lieu P, par le Corol. 7 de la Prop. 16, égale à la vitesse du corps qui décrit uniformément un cercle autour du même centre S et à la distance 1

2 SP. Supposant donc que la largeur CP de la parabole di-minue à l’infini, en sorte que l’arc parabolique PfB coïncide avec la droite CB, la proposition sera prouvée, puisque le centre S se confon-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 174 Livre I : Sections VI à XI.

dra avec le sommet B, et la distance SP avec la distance BC. — C.Q.F.D.

PROPOSITION XXXV. — THÉORÈME XI.

Les mêmes choses étant posées, l’aire de la figure DES dé-crite autour du centre S est égale à l’aire qu’un corps peut décrire, en tournant uniformément pendant le même temps dans un cercle dont le centre est le même point S, et le rayon la moitié du paramètre de la figure DES.

(Fig. 89 et 90)

Supposant que le corps ait parcouru la petite ligne Cc en tombant pendant un très petit espace de temps, et que dans le même temps un autre corps K, en tournant uniformément dans le cercle OKk, ait décrit l’arc Kk autour du centre S, on élèvera les perpendiculaires CD, cd qui rencontrent la figure DES en D et en d, on tirera SD, Sd, SK, Sk, l’on mènera Dd qui rencontre l’axe AS en T, et l’on abaissera la perpendi-culaire SY sur cette ligne.

Cas 1. Si la figure DES est une hyperbole équilatère, ou un cercle, et que son diamètre transversal AS soit coupé en deux parties égales au point O, SO sera la moitié du paramètre. Or comme TC : TD = Cc : Dd, et TD : TS = CD : SY, on aura TC : TS = CD × Cc : SY × Dd ; mais TC : TS = AC : AO, par le Corol. 1. de la Prop. 33. Si on prend les dernières raisons de ces lignes lorsque les points D et d coïnci-dent : donc AC : AO ou SK = CD × Cc : SY × Dd. De plus, par la Prop. 33. la vitesse en C du corps qui descend est à la vitesse du corps qui décrit un cercle autour du centre S et à la distance SC en raison sousdoublée de AC à AO ou SK, et cette vitesse, par le Corol. 6. de la Prop. 4. est à la vitesse du corps qui décrit le cercle OKk en raison sousdoublée de SK à SC ; ou, ce qui en est une suite évidente, la vites-se en C est à la vitesse dans le cercle OKk, c’est-à-dire, la petite ligne Cc est à l’arc Kk dans la raison sousdoublée de AC à SC, ou dans la raison simple de AC à CD. Donc, comme il suit de là que CD × Cc = AC × Kk, la proportion précédente AC : SK = CD × Cc : SY × Dd se changera en AC : SK = AC × Kk : SY × Dd, d’où l’on tirera SK × Kk = SY × Dd, c’est-à-dire que l’aire KSk est égale à l’aire SDd. De mê-me, à chaque particule de temps, il y aura deux petites portions d’aires KSk et SDd qui, en diminuant de grandeur, et en augmentant de nom-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 175 Livre I : Sections VI à XI.

bre à l’infini, auront entre elles à la fin la raison d’égalité ; donc, par le Corol. du Lemme 4. les aires entières décrites dans le même temps seront toujours égales. — C.Q.F.D.

(Fig. 91)

Cas 2. Si la figure DES est une parabole, on trouvera, comme ci-dessus CD × Cc = SY × Dd = TC : TS, c’est-à-dire = 2 : 1 , donc 1

4 CD × Cc = 1

2 SY × Dd ; mais, par la Prop. 34. la vitesse du corps qui tom-be est égale dans le lieu C à la vitesse avec laquelle le cercle dont le rayon est 1

2 SC peut être décrit uniformément, et par le Corol. 6. de la Prop. 4. cette vitesse est à la vitesse avec laquelle le cercle dont le rayon est SK peut être décrit, dans la raison sous-doublée de SK à 12 SC ; donc la petite ligne Cc est à l’arc Kk dans la même raison, ou, ce qui revient au même, dans la raison de SK à 1

2 CD : or, de là il suit, que 1

2 SK × Kk = 14 CD × Cc, et par conséquent = 1

2 SY × Dd, c’est-à-dire, que l’aire KSk est égale à l’aire SDd, comme ci-dessus. — C.Q.F.D.

PROPOSITION XXXVI. — PROBLÈME XXV.

Déterminer le temps de la chute d’un corps qui tombe d’un lieu donné A.

(Fig. 92)

Sur le diamètre AS, distance du corps au centre dans le commen-cement de la chute, décrivez le demi cercle ADS, ainsi que le demi-cercle OKH, qui lui est égal, et qui est décrit autour du centre S. D’un lieu quelconque C du corps, élevez l’ordonnée CD, tirez SD, et faites le secteur OSK égal à l’aire ASD. Il est clair, par la Prop. 35. que le corps en tombant par AC, emploiera le même temps qu’il faudrait à un autre corps pour décrire l’arc OK, en tournant uniformément autour du centre S. — C.Q.F.F.

PROPOSITION XXXVII. — PROBLÈME XXVI.

Déterminer le temps de l’ascension ou de la descente d’un corps jeté d’un lieu donné, soit en en-haut, ou en en-bas.

(Fig. 93, 94, 95)

Page 176: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 176 Livre I : Sections VI à XI.

Que le corps parte du lieu donné G, suivant la ligne GS avec une vitesse quelconque. Prenez AG à 1

2 AS en raison doublée de cette vites-se à la vitesse uniforme avec laquelle le corps peut circuler dans un cercle autour du centre S, et à la distance donnée SG. Si cette raison est celle de 2 à 1, le point A sera infiniment distant, et alors ce sera une parabole qu’il faudra décrire, son sommet étant S, son axe SG, et son paramètre une ligne quelconque ; ce qui est clair par la Prop. 34.

Si cette raison est moindre ou plus grande que celle de 2 à 1, ce se-ra ou un cercle, ou une hyperbole équilatère qu’il faudra décrire sur le diamètre SA, comme il est évident par la Prop. 33. Dans chacun de ces cas décrivez le cercle HkK du cercle S, et d’un intervalle égal à la moi-tié du paramètre. Elevez les perpendiculaires GI, CD, au lieu G, et à un autre lieu quelconque C, de l’espace parcouru en montant ou en descendant, lesquelles perpendiculaires rencontrant la section conique ou le cercle en I et en D. Tirant ensuite les lignes SI, SD, et faisant les secteurs HSK, HSk égaux aux segments SEIS, SEDS, il est clair, par la Prop. 35. que le corps G parcourra l’espace GC dans le même temps qu’il faudrait au corps K, pour décrire l’arc Kk. — C.Q.F.F.

PROPOSITION XXXVIII. — THÉORÈME XII.

La force centripète étant proportionnelle à la hauteur ou à la distance des lieux au centre, les temps, les vitesses et les espaces décrits par les corps tombant sont respectivement proportionnels aux arcs, aux sinus droits et aux sinus verses de ces arcs.

(Fig. 96)

Supposant que le corps tombe d’un lieu quelconque A, suivant une droite AS, soit décrit du centre S des forces, et de l’intervalle AS le quart du cercle AE, et soit CD le sinus droit d’un arc quelconque AD, le corps A décrira l’espace AC en tombant pendant le temps AD, et aura en C la vitesse CD.

C’est ce qu’il est aisé de démontrer par la Prop. 10. de la même manière qu’on a démontré la Prop. 32. par la Prop. 11.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 177 Livre I : Sections VI à XI.

Cor. 1. De là, le temps, dans lequel un corps tombant du lieu A parvient au centre S, est égal au temps dans lequel un autre corps dé-crit l’arc de cercle ADE.

Cor. 2. Les temps dans lesquels les corps tombent de lieux quel-conques jusqu’au centre sont donc tous égaux les uns aux autres. Car par le Corol. 3. de la Prop. 4. tous les temps périodiques des corps qui tournent sont égaux.

PROPOSITION XXXIX. — PROBLÈME XXVII.

La quadrature des courbes étant supposée, et le corps mon-tant ou descendant dans une ligne droite qui passe par le centre vers lequel il est poussé, suivant une loi quelconque on demande la vitesse de ce corps en un point quelconque de cette droite, ainsi que le temps employé à y arriver ; et réciproquement.

(Fig. 97)

Que le corps E tombe d’un lieu quelconque A suivant la droite ADEC, et que BFG soit la courbe dont toutes les ordonnées AB, DE, EG, etc. soient proportionnelles aux forces en A, D, E vers le centre C, la vitesse en un point quelconque E sera comme la racine carrée de l’aire ABEG. — C.Q.F.T.

Que la courbe VLM, dont l’asymptote est ABT, soit celle dont tou-tes les ordonnées EM soient réciproquement proportionnelles aux ai-res ABGE, l’aire ABTVME représentera le temps pendant lequel le corps parcourra en tombant la ligne AB. — C.Q.F.T.

Pour démontrer la première de ces deux assertions, soit prise sur la droite AE une très petite ligne DE donnée de longueur, et soit DLF le lieu de la ligne EMG, lorsque le corps était en D ; si la force centripète est supposée celle qui convient pour que la vitesse du corps descen-dant soit proportionnelle à la racine carrée de l’aire ABGE, cette aire sera en raison doublée de la vitesse, c’est-à-dire, que si au lieu des vi-tesses en D et en E, on écrit V et V + I, l’aire ABFD sera, comme V2, et l’aire ABGE comme V 2 + 2VI + I 2 , d’où il résultera que l’aire

ABGE sera comme 2VI + I 2 , et par conséquent DFGEDE

sera comme

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 178 Livre I : Sections VI à XI.

2VI + IDE

2

, c’est-a-dire, en prenant les premières raisons des quantités

naissantes, que la longueur DF sera comme la quantité 2VIDE

, ou com-

me sa moitié I ×VDE

.

(Fig.97)

Maintenant, le temps pendant lequel le corps en tombant parcourt la petite ligne DE, est comme cette petite ligne directement, et la vi-tesse V inversement ; de plus, la force est comme l’incrément I de la vitesse directement, et comme le temps inversement ; donc si on prend les premières raisons des quantités naissantes, cette force sera comme I ×VDE

, c’est-à-dire comme la longueur DF. Donc la force proportion-

nelle à DF ou à EG fera descendre le corps avec une vitesse qui sera comme la racine de l’aire ABGE. — C.Q.F.D.

La seconde assertion est facile à démontrer présentement ; car puisque le temps, employé à parcourir une petite ligne DE d’une lon-gueur quelconque donnée, est inversement comme la vitesse, et par conséquent inversement comme la ligne droite qui serait la racine de l’aire ABFD, et que DL, et par conséquent l’aire naissante DLME est comme la même droite inversement : le temps sera comme l’aire DLME : et la somme de tous les temps, comme la somme de toutes ces aires, c’est-à-dire, par le Corol. du Lemme 4. que le temps total employé à parcourir la ligne AE sera comme l’aire totale ATVME. — C.Q.F.D.

Cor. 1. Si P est le lieu duquel le corps doit tomber, afin qu’étant pressé par une force centripète donnée et uniforme, telle qu’on suppo-se ordinairement la gravité, il acquière au lieu D une vitesse égale à celle qu’un autre corps poussé par une force quelconque a acquise au même lieu D, on aura le lieu A, d’où cet autre corps a commencé de tomber en prenant sur la perpendiculaire DF une ligne DR, qui soit à DF comme la force uniforme est à la force variable en D, et en cou-pant l’aire ABFD égale au rectangle PDRQ. Car puisque l’aire ABFD est à l’aire DFGE comme V 2 à 2VI, ou comme ½V à I, c’est-à-dire, comme la moitié de la vitesse totale produite par la force variable est à l’incrément de cette vitesse, et que de même l’aire PQRD est à l’aire

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 179 Livre I : Sections VI à XI.

DRSE, comme la moitié de la vitesse totale produite par la force uni-forme est à l’incrément de cette vitesse ; que de plus ces incréments, à cause de l’égalité des temps naissants, sont comme les forces généra-trices, c’est-à-dire, comme les ordonnées DF, DR, ou, ce qui revient au même, comme les aires naissantes DFGE, DRSE ; il s’ensuit que les aires totales ABFD, PQRD seront l’une à l’autre comme les moi-tiés des vitesses totales, et que par conséquent elles seront égales, ain-si que ces vitesses.

(Fig.97)

Cor. 2. Ainsi, si d’un lieu quelconque D, on jette un corps en en-haut ou en en-bas avec une vitesse donnée, et que la loi de la force centripète soit connue, on trouvera sa vitesse dans un autre lien quel-conque e en élevant l’ordonnée eg, et prenant cette vitesse à la vitesse dans le lieu D, comme la racine du rectangle PQRD augmenté de l’aire curviligne DFge, si le lieu e est plus bas que le lieu D, ou dimi-nué de cette aire, s’il est plus haut, à la racine du rectangle PQRD.

Cor. 3. On connaîtra aussi le temps en élevant l’ordonnée em réci-proquement proportionnelle à la racine carrée de PQRD ± DFge, et prenant le temps pendant lequel le corps décrit la ligne De, au temps que l’autre corps poussé par une force uniforme a employé à tomber de P en D, comme l’aire curviligne DLme est au rectangle 2PD × DL, Car le temps pendant lequel le corps, poussé par une force uniforme, a décrit la ligne PD est au temps pendant lequel ce même corps a décrit la ligne PE en raison sousdoublée de PD à PE, c’est-à-dire, (lorsque la petite ligne DE est naissante) en raison de PD à PD + 1

2 DE ou de 2PD à 2PD + DE ; d’où il suit que ce temps par PD est au temps par DE, comme 2PD à DE, ou, ce qui revient au même, comme le rectangle 2PD × DL est à l’aire DLME, mais le temps par DE, soit que cette droite ait été parcourue en vertu de la force constante ou de la force variable, est au temps par De, parcourue en vertu de la force variable, comme l’aire DLME est à l’aire DLme. Donc le temps par PD est au temps par De, comme 2PD × DL à l’aire DLme.

Table des matières

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 180 Livre I : Sections VI à XI.

Table des matières

HUITIÈME SECTION

De la détermination des orbes que décrivent des corps solli-

cités par des forces centripètes quelconques.

PROPOSITION XL. — THÉORÈME XIII. Si deux corps, dont l’un est sollicité par une force centripète quelconque, tandis que l’autre monte ou descend dans une ligne droite par la même force, ont la même vitesse à une même distance quelconque du centre, ces corps auront la même vitesse à toutes les autres distances.

(Fig. 98)

Supposant qu’un corps tombe le long de la ligne AC vers le centre C, et qu’un autre corps se meuve dans la courbe VLKk en partant du lieu V. Soient décrits du centre C, et d’intervalles quelconques CD, CE différent très peu l’un de l’autre, les cercles concentriques DI, EK qui rencontrent la droite AC en D et E, et la courbe VIK en I et K. Soit de plus abaissée du point N où la droite IC rencontre KE la perpendi-culaire NT sur IK. Soit enfin imaginé que les vitesses aux points D et I sont égales, comme aux distances égales CD, CI, les forces centripètes seront égales. Représentons ces forces par les petites lignes égales DE, IN ; si une de ces forces IN est décomposée, par le Corol. 2. des lois, en deux autres NT et IT, la force NT agissant selon la ligne NT per-pendiculaire à la direction ITK du corps, elle ne changera rien à la vi-tesse du corps dans cette direction, et sera toute employée à le retirer de la ligne droite ; mais l’autre force IT agissant suivant la direction même du corps, elle sera toute employée à accélérer son mouvement, et dans un très petit temps donné elle produira une accélération qui sera proportionnelle à elle-même. Donc les accélérations que les corps reçoivent en D et en I, dans des temps égaux, (si on prend les premiè-res raisons des lignes naissantes DE, IN, IK, IT, NT) seront comme les lignes DE, IT : et dans des temps inégaux, elles seront comme ces li-gnes et les temps conjointement ; mais les temps dans lesquels DE et IK sont parcourues, sont, à cause de l’égalité des vitesses, comme ces

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 181 Livre I : Sections VI à XI.

lignes DE et IK, donc les accélérations des corps, suivant les lignes DE et IK, sont en raison composée de DE à IT, et de DE à IK ; c’est-à-dire, comme DE 2 à IT × IK, ou, ce qui revient au même, en raison d’égalité, à cause que IT × IK = IN 2 = DE 2. Si donc les accélérations des corps dans leur passage de D et I à E et K sont égales, les vitesses des corps en E et en K seront aussi égales, ainsi que dans tous les au-tres points suivants, pris à même distance du centre. — C.Q.F.D.

Et par le même raisonnement, les corps qui ont des vitesses égales à égale distance du centre, sont également retardés en montant à des hauteurs égales. — C.Q.F.D.

(Fig. 98)

Cor. 1. Si un corps suspendu par un fil oscille, ou qu’il soit forcé de se mouvoir dans une ligne courbe par quelque obstacle parfaite-ment poli, et qu’un autre corps monte ou descende suivant une ligne droite, il est clair qu’il suffira que leurs vitesses soient égales à une même hauteur quelconque, pour être égales à toutes les autres hau-teurs égales. Car le fil, ou l’obstacle parfaitement poli, fait le même effet sur le corps que la force transversale NT, donc il ne le retarde ni ne l’accélère ; mais il le force seulement de s’écarter de la ligne droite.

Cor. 2. Ainsi, si la quantité P représente la plus grande distance du centre à laquelle le corps puisse monter, ou en oscillant, ou en décri-vant une trajectoire, en étant jeté en en haut d’un point quelconque de la trajectoire avec la vitesse qu’il a dans ce point ; que de plus, A ex-prime la distance du corps au centre dans un autre point quelconque de la ligne parcourue, et que la force centripète soit toujours comme une puissance quelconque de A telle que An−1, la vitesse du corps à cette hauteur quelconque A sera comme P n − An , et elle sera par conséquent donnée. La démonstration en est claire par la Prop. 39.

PROPOSITION XLI. — PROBLÈME XXVIII.

la force centripète étant donnée, et la quadrature des cour-bes étant supposée, on demande les trajectoires des corps, et les temps de leurs mouvements dans ces trajectoires.

(Fig. 99)

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 182 Livre I : Sections VI à XI.

C étant le centre des forces, et VIKk la trajectoire cherchée dans la-quelle on suppose que le corps va de V vers K, soit décrit du centre C, et d’un intervalle quelconque CV, le cercle VR, soient décrits ensuite du même centre et d’intervalles quelconques très peu différents l’un de l’autre les cercles ID, KE qui coupent la trajectoire en I et en K, et la droite CV en D et en E. Soient de plus tirés les rayons CNI, CK qui prolongés rencontrent le cercle VR en X et en Y. Cela fait, si A est le lieu d’où un autre corps aurait dû tomber pour avoir en D la même vitesse que celui qui décrit la trajectoire a en I, et que l’on conserve la construction de la Prop. 39. il est clair que la petite ligne IK, décrite dans un très petit intervalle de temps et proportionnelle à la vitesse, sera comme la racine carrée de l’aire ABFD. De plus, le triangle ICK proportionnel au temps sera donné, et par conséquent KN sera réci-proquement comme la hauteur IC, c’est-à-dire, (Q représentant une

quantité donnée, et A la hauteur IC) comme QA

: appelons Z cette

quantité QA

, et supposons que la quantité Q soit telle, que l’on ait en

quelque cas, ABFD : Z = IK : KN, on aura dans tous les autres cas, ABFD : Z = IK : KN qui donne ABFD : Z2 = K2 : KN2, et par consé-

quent ABFD – Z2 : Z2 = IN2 : NK2 d’où l’on tire ABFD − Z 2 : Z ou QA

= IN : KN, ou A × KN = Q × INABFD − Z 2

. Or, puisque YX × XC : A ×

KN = CX2 : A2 on aura XY × XC = Q× IN ×CX 2

A2 ABFD− Z 2.

(Fig. 99)

Si on prend donc sur DF, les droites Db, Dc respectivement égales

à Q2 ABFD − Z 2

et à Q×CX2

2

A2 ABFD− Z 2 ; que l’on décrive les courbes

ab, ac, qui passent par tous les points b et c ; et que l’on mène Va per-pendiculaire sur CA, qui coupe les aires curvilignes VDba, VDca, et qu’on tire les ordonnées Ez, Ex, il est évident que puisque le rectangle Db × IN ou DbzE est égal à la moitié du rectangle A × KN ou au trian-gle ICK ; et que le rectangle Dc × IN ou DcxE est égal à la moitié du rectangle YX × XC ou au triangle XCY ; c’est-à-dire, puisque les parti-cules naissantes DbzE, ICK des aires VDba, VIC sont toujours égales, et que les particules naissantes DcxE, XCY des aires VDca, VCX sont

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 183 Livre I : Sections VI à XI.

aussi toujours égales, l’aire produite VDba sera égale à l’aire produite VIC ; c’est-à-dire, proportionnelle au temps, et l’aire produite VDca sera égale au secteur produit VCX.

(Fig. 99)

Ayant donc le temps écoulé depuis le départ du lieu V, on aura l’aire VDba qui lui est proportionnelle, et par conséquent la hauteur CD ou CI ; et ayant par ce moyen l’aire VDca, le secteur VCX qui lui est égal donnera l’angle VCI. Or, dès que l’on connaît l’angle VCI et la hauteur CI, on a le lieu I dans lequel le corps se trouve à la fin de ce temps. — C.Q.F.T.

Cor. 1. On peut trouver par là très aisément les plus grandes et les moindres distances au centre ; c’est-à-dire, les apsides des trajectoires. Car ces apsides sont aux points sur lesquels la droite IC, menée par le centre, tombe perpendiculairement dans la trajectoire VIK, ce qui arri-ve lorsque les droites IK, NK sont égales, et par conséquent lorsque l’aire ABFD = Z 2.

Cor. 2. Quant à l’angle KIN, sous lequel la trajectoire coupe en un lieu quelconque le rayon IC, il peut se trouver facilement par le moyen de la hauteur IC, en prenant son sinus au rayon comme KN est à IK, c’est-à-dire, comme Z est à la racine carrée de l’aire ABFD.

(Fig. 100 & 101)

Cor. 3. VRS étant une section conique quelconque, ayant C pour centre et V pour sommet, si l’un de ses points R pris à volonté on tire la tangente TR et le rayon CR, que l’on fasse l’angle VCP proportion-nel au secteur VCR, et le rayon CP = CT, la courbe VPQ, que l’on au-ra par ce moyen, sera celle qu’un corps parti de V perpendiculairement à VC, et avec une vitesse convenable, décrirait dans l’hypothèse d’une pesanteur réciproquement proportionnelle au cube de la distance au centre C.

Si la section conique VRS est une hyperbole, le corps parti de V ira en descendant, et arrivera au centre. Si au contraire elle est une ellipse, le corps ira en montant jusqu’à l’infini.

Lorsqu’on aura une des trajectoires VPQ décrites dans cette hypo-thèse de pesanteur, on aura celle qu’on voudra des autres trajectoires en augmentant ou diminuant l’angle VCP dans une raison constante,

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 184 Livre I : Sections VI à XI.

aisée à déterminer par la vitesse connue au point V ; mais il faut pour cela que dans la trajectoire donnée, le corps descende en partant de V, s’il doit descendre dans la seconde en partant du même point, et au contraire.

(Fig. 100 & 101)

Si on suppose que la force tendante en C, et toujours en raison ré-ciproque du cube de la distance, soit centrifuge au lieu d’être centripè-te, quelle que soit la vitesse du corps en partant de V, il s’éloignera toujours de plus en plus du centre, et l’orbite qu’il décrira se construi-ra encore en prenant les angles VCP proportionnels aux secteurs ellip-tiques, et faisant CP = CT. Tout cela suit de la proposition précédente.

PROPOSITION XLII. — PROBLÈME XXIX.

La loi de la force centripète étant donnée, on demande le mouvement d’un corps qui part d’un lieu donné avec une vi-tesse donnée, et suivant une ligne droite donnée.

(Fig. 102)

Tout étant supposé comme dans les trois Propositions précédentes, que le corps parte du lieu I en allant vers K suivant la petite ligne IK avec la même vitesse qu’un autre corps peut acquérir au lieu D, en tombant du lieu P par une force centripète uniforme, et que cette force uniforme soit à la force variable qui agit en I sur le premier corps comme DR est à DF ; il est clair que le rectangle PDRQ étant donné, ainsi que la loi de la force centripète qui agit dans la trajectoire cher-chée, la courbe BFg sera donnée par la construction du Problème 27 et son Corol. 1. De plus, par l’angle donné CIK on a la proportion des quantités naissantes IK, KN ; ce qui, par la construction du Problème 28, donne la quantité Q, et par conséquent les courbes abv, acw : donc, pour un temps quelconque Dbve, on aura la hauteur Ce ou son égale Ck, l’aire Dcwe, le secteur XCy qui lui est égal, et l’angle ICk ; c’est-à-dire, qu’on aura le lieu k dans lequel le corps sera alors. — C.Q.F.T.

Après avoir traité jusqu’ici du mouvement des corps dans des or-bes immobiles, nous allons examiner leurs mouvements dans des or-bes qui tournent autour du centre des forces.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 185 Livre I : Sections VI à XI.

Table des matières

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Planche IV

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 187 Livre I : Sections VI à XI.

Table des matières

NEUVIÈME SECTION

Du mouvement des corps dans des orbes mobiles,

et du mouvement des apsides.

PROPOSITION XLIII. — PROBLÈME XXX. On demande quelle est la force qui pourrait faire décrire à un corps une trajectoire mobile autour du centre de cette force, en supposant que cette trajectoire mobile soit par-courue dans le même temps, et suivant les mêmes lois que si elle était immobile.

(Fig.103)

Supposant que le corps P fasse sa révolution dans l’orbe VPK don-né de position en avançant de V vers K, soient tirées du centre C les lignes Cp égales à CP, et qui fassent les angles VCp proportionnels aux angles VCP ; l’aire que la ligne Cp décrit sera à l’aire VCP que la ligne CP décrit en même temps, comme la vitesse de la ligne décri-vante Cp à la vitesse de la ligne décrivant CP ; c’est-à-dire, comme l’angle VCp à l’angle VCP, et par conséquent en raison donnée. Cette aire sera donc proportionnelle au temps.

Par ce qui précède, il est clair que l’aire proportionnelle au temps, décrite par la ligne Cp dans un plan immobile, indique que le corps p est pressé par quelque force centripète. Il n’est donc plus question que de trouver quelle est cette loi de force centripète, et l’on aura résolu le problème.

Pour y parvenir, il n’y a qu’à trouver la courbe des points que le corps p décrit dans l’espace absolu, et chercher par le Corol. 5. de la Proposition 6. la force centripète dans cette courbe. — C.Q.F.F.

PROPOSITION XLIV. — THÉORÈME XIV.

La différence des forces par lesquelles deux corps peuvent avoir le même mouvement, l’un dans une orbite en repos, et

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 188 Livre I : Sections VI à XI.

l’autre dans la même orbite révolvante, est en raison triplée inverse de leur commune hauteur.

(Fig.104).

Que les parties up, pk de l’orbite révolvante soient égales aux par-ties VP, PK de l’orbite en repos, l’intervalle PK étant supposé très pe-tit. De plus, que kr abaissée perpendiculairement sur Cp soit prolon-gée jusqu’en m ; en sorte que mr soit à kr comme l’angle VCp à l’angle VCP

Puisque les hauteurs PC et pC, KC et kC des corps révolvants sont toujours égales, il est clair que les incréments ou les décréments des lignes PC et pC seront toujours égaux. Ainsi, si les mouvements de chacun de ces corps dans les lieux P et p sont décomposés (par le Co-rol. 2. des lois) en deux mouvements, dont les uns soient dirigés vers le centre, ou suivant les lignes PC, pC, et les autres soient transver-saux aux premiers ; c’est-à-dire, dirigés suivant des lignes perpendicu-laires à ces lignes PC, pC ; les mouvements vers le centre seront égaux, et le mouvement transversal du corps p sera au mouvement transversal de l’autre corps P comme le mouvement angulaire de la ligne pC au mouvement angulaire de la ligne PC ; c’est-à-dire, com-me l’angle VCp à l’angle VCP. Donc, dans le même temps dans lequel le corps P parvient par ces deux mouvements au point K, le corps p étant mû d’un mouvement égal vers le centre sera porté également de p vers C, et sera par conséquent au bout de ce temps quelque part dans la ligne mkr ; et par son mouvement transversal il sera arrivé à une distance de la ligne pC, qui sera à la distance de la ligne PC à laquelle l’autre corps P sera arrivé comme le mouvement transversal du corps p au mouvement transversal de l’autre corps P. Ainsi comme la ligne kr est égale à la distance de la ligne PC à laquelle le corps P est arrivé. Si mr est à kr comme l’angle VCp à l’angle VCP ; c’est-à-dire, comme le mouvement transversal du corps p au mouvement transversal de l’autre corps P, il est clair que le corps p au bout de ce temps sera en m.

C’est là ce qui arrivera quand les corps p et P se mouveront égale-ment dans les lignes pC et PC, et que par conséquent ils seront pous-sés dans ces directions par des forces égales.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 189 Livre I : Sections VI à XI.

Mais comme il arrive que le corps p se trouve au bout de ce temps au point n déterminé en prenant Cn = Ck, et en telle sorte que l’angle pCn soit à l’angle pCk comme l’angle VCp à l’angle VCP. Il faut donc qu’il soit poussé par une force plus grande que celle qui pousse le corps P, si l’angle nCp est plus grand que l’angle KCp ; c’est-à-dire si l’orbite upk se meut en conséquence ou en antécédence, avec une vi-tesse plus grande que le double de celle avec laquelle la ligne CP se meut en conséquence ; et qu’il soit poussé au contraire par une force moindre, si l’orbite se meut plus lentement en antécédence. De plus, la différence des forces des corps P et p sera comme l’intervalle mn.

(Fig.104).

Que du centre C et de l’intervalle Cn ou Ck on décrive un cercle qui coupe les lignes mr, mn prolongées en s et en t, le rectangle mn ×

mt sera égal au rectangle mk × ms, donc mn = mk ×msmt

. Or comme

les espaces pCk, pCn sont donnes de grandeur mt dans un temps don-né, la première raison des lignes kr et mr, de leur différence mk, et de leur somme ms dans leur naissance sera la raison simple inverse de pC. Donc, celle du rectangle mk × ms sera la doublée de cette raison ; mais mt est directement, comme 1

2 mt ; c’est-à-dire, comme la hauteur

pC. Donc mk ×msmt

, c’est-à-dire, la petite ligne naissante mn, et la dif-

férence des forces, qui lui est proportionnelle, sont réciproquement comme le cube de la hauteur pC. — C.Q.F.D.

Cor. 1. Il suit de là que la différence des forces dans les lieux P et p, ou K et k est à la force par laquelle le corps peut faire sa révolution par un mouvement circulaire de R vers K, dans le même temps dans lequel le corps P décrit dans un orbe immobile l’arc PK, comme la petite ligne naissante mn est au sinus verse de l’arc naissant RK ;

c’est-a-dire, comme mk ×msmt

est à rk2kC

2

, ou comme mk × ms est

à rk2 ; c’est-à-dire, si on prend les quantités données F et G dans la même raison entre elles que l’angle VCP et l’angle VCp ont entre eux, comme GG – FF à FF. Donc si du centre C, et d’un intervalle quel-conque CP ou Cp, on décrit un secteur circulaire égal à l’aire totale VPC que le corps P décrit autour du centre en faisant sa révolution dans un orbe immobile pendant un temps quelconque : la différence

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 190 Livre I : Sections VI à XI.

des forces par lesquelles le corps P et le corps p font leurs révolutions, le premier dans un orbe immobile, et le dernier dans un orbe mobile, sera à la force centripète, par laquelle un corps pourrait décrire uni-formément ce secteur autour du centre dans le même temps dans le-quel l’aire VPC ferait décrire uniformément, comme GG – FF à FF. Car ce secteur et l’aire pCk sont l’un à l’autre, comme les temps pen-dant lesquels ils sont décrits.

(Fig.104).

Cor. 2. Si l’orbe VPK est une ellipse dont le foyer soit C et l’apside la plus haute V ; que l’ellipse upk lui soit semblable et égale, en sorte qu’on ait toujours pC = PC, que l’angle VCp soit à l’angle VCP dans la raison donnée de G à F ; et qu’enfin, au lieu de la hauteur PC ou pC, on écrive A et 2R pour le paramètre de l’ellipse, la force par la-quelle le corps pourra faire sa révolution dans une ellipse mobile sera

comme FFAA

+ RGG + RFFA3 , et réciproquement. Car suppose que la

force par laquelle le corps fait sa révolution dans une ellipse immobi-

le, soit exprimée par la quantité FFAA

, la force en V sera FFCV 2 ; mais la

force, par laquelle le corps peut faire sa révolution dans un cercle à la distance CV avec la même vitesse que le corps qui décrit une ellipse a au point V, est à la force par laquelle le corps révolvant dans une ellip-se est pressé à son apside V comme la moitié du paramètre de l’ellipse

au demi diamètre CV du cercle ; donc sa valeur est RFFCV 3 . De plus, la

force qui est à celle-là comme GG – FF à FF a pour valeur RGG − RFF

CV 3 : et cette force (par le Corol. 1) est la différence au point

V des forces par lesquelles, le corps P dans une ellipse immobile VPK, et le corps p dans une ellipse mobile upk, font leur révolution. Donc, comme on vient de voir que cette différence à une hauteur quelconque

A est à ce qu’elle devient à la hauteur CV, comme A13 à 1

CV 3 , il

s’ensuit que cette même différence la hauteur quelconque A sera RGG − RFF

A3 , et par consequent, si on ajoute a la force FFAA

, par la-

quelle le corps peut faire sa révolution dans une ellipse immobile

Page 191: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 191 Livre I : Sections VI à XI.

VPK, l’excès RGG − RFFA3 , on aura la force totale FF

AA +

RGG − RFFA3 par laquelle le corps peut faire sa révolution dans une

ellipse mobile upk dans le même temps. (Fig.104).

Cor. 3. On conclura de la même manière que si l’orbe VPK est une ellipse dont le centre soit le centre C des forces, 2R le paramètre prin-cipal, 2T le paramètre transversal ou le grand axe, la force dans cette ellipse, supposée immobile, sera à la force dans la même ellipse, sup-

posée mobile, comme FFAT 3 à FFA

T 3 + RGG − RFFA3 .

Cor. 4. Et généralement, si T exprime la plus grande hauteur CV du corps, R le rayon de la courbure de l’orbe VPK en V, c’est-à-dire le

rayon du cercle osculateur dans ce point, VFFT 2 ce qu’est en V la force

centripète par laquelle le corps peut faire sa révolution dans une tra-jectoire quelconque immobile VPK, et X ce qu’elle est dans un autre lieu quelconque P, A la hauteur CP, et que le rapport de G à F expri-me toujours la raison donnée de l’angle VCp à l’angle VCP ; la force centripète, par laquelle le même corps pourra achever les mêmes mouvements dans le même temps dans la même trajectoire upk mue

circulairement, sera comme la somme des forces X + VRGG −VRFFA3 .

Cor. 5. Le mouvement d’un corps dans une orbite quelconque im-mobile étant donné, on peut augmenter ou diminuer son mouvement angulaire autour du centre des forces en raison donnée, et trouver les nouveaux orbes immobiles que ce mouvement produit, et les forces des corps qui y circulent.

(Fig.105).

Cor. 6. VP étant une droite indéfinie perpendiculaire à VC, si on mène les droites CP, et qu’on les transporte ensuite en Cp, en faisant l’angle VCp à l’angle VCP en raison donnée, la force par laquelle le corps peut tourner dans la courbe Vpk, qui est le lieu de tous les points p, sera réciproquement comme le cube de la hauteur Cp. Car le corps P, par sa seule force d’inertie, peut s’avancer uniformément dans la

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 192 Livre I : Sections VI à XI.

droite VP, et en ajoutant la force qui tend vers le centre C, laquelle est réciproquement proportionnelle au cube de la hauteur CP ou Cp, le mouvement rectiligne de ce corps deviendra (par ce qui a été ci-devant démontré) le mouvement curviligne Vpk.

Il est à remarquer que cette courbe Vpk est la même que la courbe VPQ trouvée dans le Cor. 3. de la Prop. 41. où l’on a vu en effet que la force centripète était en raison renversée du cube de la distance.

PROPOSITION XLV. — PROBLÈME XXXI.

On demande le mouvement des apsides dans des orbes qui approchent beaucoup des orbes circulaires.

On résout ce Problème arithmétiquement en faisant en sorte que l’orbite que décrit dans un plan immobile le corps qui circule dans une ellipse mobile (comme dans le Cor. 2 ou 3 de la proposition précéden-te) approche de la forme de l’orbite dont on cherche les apsides, et en cherchant les apsides de l’orbite décrite ainsi dans ce plan immobile. Or, pour parvenir à donner aux orbites la même forme, il faut faire en sorte que les forces centripètes qui les font décrire, étant comparées entre elles, soient proportionnelles à des hauteurs égales.

(Fig. 104)

Soit le point V la plus haute apside, écrivant T au lieu de la plus grande hauteur CV, A à la place d’une autre hauteur quelconque CP ou cp, et X pour la différence CV – CP de ces hauteurs, la force par laquelle le corps est mû dans une ellipse révolvante (comme dans le Cor. 2) autour de son foyer C, laquelle force était (dans le Cor. 2) pro-

portionnelle à FFAA

+ RGG − RFFA3 ; c’est-a-dire FFA + RGG − RFF

A3

deviendra, en mettant T – X au lieu de A, proportionnelle à RGG − RFF + TFF − FFX

A3 . Il faudra réduire de même toute autre for-

ce centripète quelconque à une fraction dont le dénominateur soit A3, et dont les numérateurs soient déterminés par la comparaison des ter-mes de même espèce. Ceci s’éclaircira par des exemples.

Page 193: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 193 Livre I : Sections VI à XI.

Exemple 1. Supposons que la force centripète soit uniforme, et que

par conséquent elle soit proportionnelle à A3

A3 ou bien (en écrivant au

numérateur T – X au lieu de A) proportionnelle à T − 3TTX + 3TXX3 − X 3

A3 ; et en comparant les termes correspondants

des numérateurs, c’est-à-dire les donnés avec les donnés, et les non donnés avec les non donnés, on aura RGG – RFF + TFF : T 3

3 2 = – FFX

= 3TTX + 3TXX – ou = – FF : – 3TT + 3TX – , qui (dans le cas où l’orbe approchera tellement du cercle qu’elle se confondra avec lui, ce qui rend T égal à R et fait évanouir X) deviendra RGG :

X X

T 3 = FF : – 3T 2 2, qui donne GG : TT = : 3F T 2, et réciproquement, GG : FF = T 2 : 3T 2, c’est-à-dire = 1 : 3 ; donc G sera à F, c’est-à-dire l’angle VCp à l’angle VCP, comme 1 à 3 . Donc, lorsque le corps dans une ellipse immobile sera en descendant de la plus haute apside à la plus basse l’angle VCP de 180 degrés, si on peut s’exprimer ainsi, un autre corps dans une ellipse mobile, et par conséquent dans l’orbite immo-bile dont nous traitons ici, sera en descendant de l’apside la plus haute

à la plus basse l’angle VCp de 180°3

; ce qui est fondé sur la similitude

de l’orbe que le corps décrit par une force centripète uniforme, et de celui que le corps décrit dans un plan immobile en faisant ses révolu-tions dans une ellipse révolvante, similitude qui n’a lieu cependant que lorsque les orbes sont supposées fort approchantes des circulaires.

Le résultat de cet exemple est donc qu’un corps, qui se meut avec une force centripète uniforme dans une orbite qui approche fort du cercle, sera toujours entre la plus haute apside et la plus basse un an-

gle au centre de 180°3

ou de 103° 55′ 23″. Il fera le même angle en

allant de l’apside la plus haute à la plus basse ; et en retournant ensuite de la plus basse à la plus haute, et ainsi de suite à l’infini.

Exemple 2. Supposons que la force centripète soit comme une

puissance quelconque de la hauteur A, telle que An−3 ou An

A3 : n – 3 et

n représentant des exposants quelconques entiers ou rompus, ration-nels ou irrationnels, positifs ou négatifs, le numérateur Anou

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 194 Livre I : Sections VI à XI.

T − X n étant changé en une suite infinie par notre méthode des séries

convergentes deviendra T n − nXT n−1+ nn − n2

X 2T n−2 etc. dont les ter-

mes, étant comparés avec les termes de l’autre numérateur RGG – RFF + TFF – FFX, donnent RGG – RFF + TFF = T n−1 etc. qui de-vient, dans la supposition que les orbes approchent infiniment d’être circulaires, RGG : T 1, ou G 2 : T n−1 = F 2 : nTn = FF : – nT n n− −1 ou G 2 : F 2 = T n−1 : nT n−1, c’est-à-dire = 1 : 3 ; ainsi G est à F, ou, ce qui revient au même, l’angle VCp est à l’angle VCP comme 1 à n . C’est pourquoi l’angle VCP, que le corps fait dans l’ellipse en descendant de l’apside la plus haute à la plus basse, étant de 180°, l’angle VCp, que le corps fait en descendant de l’apside la plus haute à la plus basse dans une orbe presque circulaire décrite par une force centripète pro-

portionnelle à la puissance An−3 , sera de 180°n

; et par la répétition de

cet angle, le corps remontera de l’apside la plus basse à la plus haute, et ainsi de suite à l’infini.

Ainsi, si la force centripète est comme la distance au centre, c’est-

à-dire, comme A ou A4

A3 , on aura n = 4 et n = 2 ; donc, l’angle entre

l’apside la plus haute et la plus basse sera de 180°2

ou de 90° ; c’est-à-

dire, que le corps, après avoir fait le quart d’une révolution, parvien-dra à l’apside la plus basse, et qu’après en avoir fait un autre quart, il parviendra à la plus haute, et ainsi de suite à l’infini, ce qui est évident par la Prop. 10. Car le corps étant pressé par cette loi de force centri-pète fera sa révolution dans une ellipse immobile dont le centre sera dans le centre des forces.

Si la force centripète est réciproquement comme la distance, c’est-

à-dire directement comme 1A

ou comme A2

A3 , on aura n = 2, et par

conséquent l’angle entre l’apside la plus haute et la plus basse sera de 180°

2 ou de 127° 16′ 45″. Ainsi lorsqu’un corps fera sa révolution en

vertu d’une telle force, il ira, par la répétition continuelle de ce même

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 195 Livre I : Sections VI à XI.

angle, alternativement de l’apside la plus haute à la plus basse, et de la plus basse à la plus haute à l’infini.

Si la force centripète est réciproquement comme la racine carrée de la onzième puissance de la hauteur, c’est-à-dire réciproquement com-

me A114 , et par conséquent en raison directe de 1

A114

ou de A 41

A3 on aura,

n = 14

et 180°n

= 360° et par conséquent le corps emploiera une révolu-

tion entière à aller de l’apside la plus haute à l’apside la plus basse : il mettra de même une seconde révolution à aller de cette plus basse à la plus haute, et ainsi de suite à l’infini.

Exemple 3. Prenant m et n pour les exposants quelconques des puissances de la hauteur, et b, c pour des nombres donnés à volonté,

supposons que la force centripète soit comme bA + CAm n

A3 ; c’est-à-

dire, comme bT − X m+ CT − X n

A3 ; ou (par notre même méthode des

séries convergentes) comme

bT m + cTn −mbXTm−1 −ncXTn−1 +mm−m

2bXXTm−2 +

nn−n2

cXXTn−2, etc.

A3

et en comparant les termes des numérateurs on aura RGG – RFF +

TFF = bT m + cT n = – : – F 2 mbT m−1 – ncT n−1 + mm − m2

bXT m−2 +

nn − n2

cXT n−2 , etc. qui devient, dans la supposition que les orbites ap-

prochent infiniment d’être circulaires, G m−1 + cT2 : bT n−1 2 = : FmbT m−1 + ncT n−1, ou G m n m−1 + ncT n2 2 : = bF T 1 + cT 1 : mbT− − −1, ou (en exprimant arithmétiquement par l’unité la plus grande hauteur CV ou T) G 2 : = b + c : mb + nc, d’où on tire G à F, c’est-à-dire,

l’angle VCp à l’angle VCP, comme 1 à

F 2

mb + ncb + c

. L’angle VCP, entre

l’apside la plus haute et la plus basse dans une ellipse immobile, étant donc de 180°, l’angle VCp entre les mêmes apsides dans l’orbe que le corps décrit par une force centripète proportionnelle à la quantité

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 196 Livre I : Sections VI à XI.

bAm + cAn

A3 sera de 180° b + cmb + nc

. Par le même raisonnement, si la

force centripète est comme bAm − cAn

A3 , on trouvera, l’angle entre les

apsides de 180° b − cmb − nc

, et on resoudra de même le problème dans

les cas plus difficiles.

La quantité à laquelle la force centripète est proportionnelle doit toujours se changer en des séries convergentes dont le dénominateur soit A3, ensuite il faut prendre la partie constante du numérateur qui vient de cette opération, dans la même raison à son autre partie qui est variable, que la partie donnée RGG – RFF + TFF du numérateur RGG – RFF + TFF – FFX est à la partie variable – FFX du même numéra-teur. Négligeant alors dans la proportion les quantités qui peuvent l’être par la nature des orbes, et écrivant l’unité au lieu de T, on trou-vera, la proportion de G à F.

Cor. 1. Si la force centripète est comme quelque puissance de la hauteur, on peut trouver cette puissance par le mouvement des apsi-des, et réciproquement. Supposons, par exemple, que tout le mouve-ment angulaire par lequel le corps retourne à la même apside soit au mouvement angulaire d’une révolution, ou de 360° comme un nombre quelconque m, à un autre nombre n, et qu’on nomme la hauteur A : la

force sera comme la puissance nnmm

− 3 de la hauteur A, ce qui est clair

par le second exemple.

D’où l’on voit que cette force, en s’éloignant du centre, ne peut pas décroître dans une plus grande raison que la raison triplée de la hau-teur. Un corps qui serait poussé par une telle force, et qui commence-rait à descendre en partant de la plus haute apside n’aurait point de plus basse apside ; mais descendrait sans cesse jusqu’au centre en dé-crivant la courbe dont nous avons parlé dans le Cor. 3 de la Prop. 41 et si la direction, en quittant l’apside, tendait à le faire monter, il mon-terait à l’infini sans avoir de plus haute apside. Décrivant alors la courbe dont on a parlé dans le même Corollaire et dans le Corol. 6 de la Prop. 44 lorsque la force en s’éloignant du centre décroît dans une plus grande raison que la raison triplée de la hauteur, le corps en par-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 197 Livre I : Sections VI à XI.

tant de l’apside, s’il commence à descendre ou à monter, descendra jusqu’au centre, ou montera, à l’infini ; mais si la force, en s’éloignant du centre, décroît dans une raison moindre que la raison triplée de la hauteur, ou croît dans une raison quelconque de la hauteur, le corps ne descendra jamais jusqu’au centre ; mais il ira alternativement de l’apside la plus haute à la plus basse : et réciproquement, si le corps monte et descend alternativement d’une apside à l’autre sans toucher jamais le centre, la force, en s’éloignant du centre, augmentera, ou bien elle décroîtra, dans une raison moindre que la raison triplée de la hauteur : et plus le corps retournera vite d’une apside à l’autre, plus la raison des forces s’éloignera de cette raison triplée, de sorte que si le corps en 8 ou 4 ou 2 ou 1½ révolutions, part de la plus haute apside, et y retourne par une ascension et une descente alternative ; c’est-à-dire,

si m : n = 8 ou 4 ou 2 ou 1½, et que par conséquent nnmm

− 3 ait pour

valeur 164

− 3 ou 116

− 3 ou 14− 3 ou 4

9− 3 : la force sera comme

A1

64−3 ou A1

16−3 ou A14−3 ou A

49−3 ; c’est-à-dire, réciproquement, comme

A3− 641

ou A3−161

ou A3− 41

ou A3− 94

.

Si le corps à chaque révolution retournait à la même apside immo-

bile, on aurait m : n = 1 : 1, donc Annmm−3 = A−2 ou 1

AA ; et par consé-

quent les forces décroîtraient en raison doublée de la hauteur, comme il a été démontré précédemment. Si le corps dans les trois quarts, ou les deux tiers, ou le tiers, ou le quart d’une révolution retourne à la même apside, on aura m : n = ¾ ou ⅔ ou ⅓ ou ¼ : 1, donc A

nnmm−3 =

A169 −3 ou A

94−3 ou A9−3 ou A16−3 ; et par conséquent la force sera réci-

proquement comme A119 ou A

14 , ou directement comme A6 ou A13 .

Enfin si le corps a fait une révolution entière, et trois degrés de plus lorsqu’il revient à la plus haute apside d’où il serait parti, et que par conséquent cette apside fasse à chaque révolution du corps trois de-grés dans le même sens que ce corps, on aura m : n = 363° : 360° ou = 121 : 120 ce qui donne A

nnmm−3

= A2952314641 , et par consequent la force cen-

tripète sera réciproquement comme A2952314641 , c’est-à-dire comme A2 245

4

à peu près. La force centripète décroît donc dans une raison un peu plus

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 198 Livre I : Sections VI à XI.

grande que la raison doublée, mais qui approche 59 34 fois plus près de

cette raison que de la triplée.

Cor. 2. Ainsi, si le corps, par une force centripète qui soit récipro-quement comme le carré de la hauteur, fait sa révolution dans une el-lipse qui ait son foyer dans le centre des forces, et qu’à cette force centripète on ôte ou on ajoute une force nouvelle quelconque ; on peut connaître (par l’exemple 3) le mouvement des apsides causé par cette force nouvelle : et réciproquement.

Si, par exemple, de la force 1AA

par laquelle le corps fait la révolu-

tion dans une ellipse, on ôte une nouvelle force exprimée par cA, la

force restante fera alors comme A − cA4

A3 , ce qui donnera (exemple 3)

b = 1, m = 1, et n = 4, et dans cette supposition l’angle de la révolution

entre les apsides sera de 180° 1− c1− 4c

.

Supposé que cette nouvelle force soit de 357,45 parties, moindre que la première par laquelle le corps fait sa révolution dans une ellip-se ; c’est-à-dire, que c = 100

35745 lorsque A ou T = 1, la quantité

180 1− c1− 4c

deviendra, alors 180 6564535345 , ou 180,7623 ; c’est-à-dire,

180° 45′ 44″. Donc, dans cette hypothèse, le corps parviendra de l’apside la plus haute à la plus basse par un mouvement angulaire de 180° 45′ 44″ et par la répétition de ce mouvement il continuera à aller d’une apside à l’autre, l’apside la plus haute ayant pendant chaque ré-volution un mouvement angulaire de 1° 31′ 28″ en conséquence, ce qui est à peu près la moitié du mouvement de l’apside de la lune.

Nous avons traité jusqu’à présent des mouvements des corps dans des orbites dont les plans passent par le centre des forces : nous allons à présent examiner leurs mouvements dans des plans excentriques. Nous nous conformerons en cela, aux Auteurs qui ont traité du mou-vement des graves ; ces auteurs ayant coutume de considérer l’ascension et la descente des poids, par des plans quelconques don-nés, tant obliques que perpendiculaires. Nous supposerons que les plans sur lesquels sont les corps poussés par des forces quelconques soient parfaitement polis ; et même au lien des plans sur lesquels les

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 199 Livre I : Sections VI à XI.

corps s’appuient, et qu’ils pressent, nous supposerons ici d’autres plans qui leur soient parallèles, et dans lesquels les centres des corps se meuvent et décrivent les orbites par leur mouvement. Nous irons plus loin, nous déterminerons par la même loi les mouvements des corps dans les superficies courbes.

Table des matières

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 200 Livre I : Sections VI à XI.

Table des matières

DIXIÈME SECTION

Du mouvement des corps dans des superficies données,

et des oscillations des corps suspendus par des fils.

PROPOSITION XLVI. — PROBLÈME XXXII. Une loi quelconque de forces centripètes étant donnée, on demande en supposant la quadrature des courbes, le mou-vement d’un corps qui part d’un lieu donné, avec une vites-se donnée, et suivant une droite donnée sur un plan quel-conque qui ne passe pas par le centre des forces.

(Fig. 106)

Soit S le centre des forces, SC la plus petite distance de ce centre au plan donné, P un corps partant du lieu P suivant une droite PZ, Q le même corps qui se meut sur le plan donné dans la trajectoire cher-chée PQR. Cela posé, si on tire CQ, QS, que sur QS on prenne SV proportionnelle à la force centripète qui tire le corps vers le centre S, et qu’on mène VT parallèle à CQ et qui rencontre SC en T : la force SV décomposera (Corol. 2 des lois) dans les forces ST, TV ; desquelles ST, tirant le corps suivant une ligne perpendiculaire au plan, ne chan-ge rien à son mouvement dans ce plan. Mais l’autre force TV agissant parallèlement au plan, tire le corps directement vers le point C donné dans le plan, et l’oblige par conséquence à se mouvoir dans ce plan de la même manière que si la force ST n’existait pas, et que le corps tournait autour du centre C dans un espace libre par la seule force TV. Or la force centripète TV, par laquelle le corps Q tourne autour du centre donné C dans un espace libre, étant donnée, il est clair que la trajectoire PQR que le corps décrit, le lieu Q dans lequel il se trouve dans un temps quelconque donné, et la vitesse dans ce lieu Q sont aus-si donnés ; par la Prop. 42 et réciproquement. — C.Q.F.T.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 201 Livre I : Sections VI à XI.

PROPOSITION XLVII. — THÉORÈME XV. La force centripète étant supposée proportionnelle à la dis-tance au centre, tous les corps qui font leurs révolutions dans des plans quelconques décriront des ellipses, et les temps de leurs révolutions seront égaux ; et les corps qui décriront des lignes droites dans cette hypothèse oscilleront alors, et emploieront toujours le même temps dans ces oscil-lations quelles qu’elles soient.

(Fig. 106)

Car, les choses restant comme dans la Proposition précédente, la force SV par laquelle le corps Q est tiré vers le centre S en faisant sa révolution dans le plan quelconque PQR, est comme la distance SQ ; et par conséquent à cause des proportionnelles SV et SQ, TV et CQ, la force TV, par laquelle le corps est tiré vers le point C donné dans le plan de l’orbe, est comme la distance CQ. Les forces qui tirent vers le point C les corps qui sont dans le plan PQR font donc, eu égard aux distances, égales aux forces par lesquelles les corps sont tirés de toutes parts vers le centre S ; et par conséquent ces corps emploieront les mêmes temps à décrire les mêmes figures, soit dans le plan quel-conque PQR autour du point C, ou dans des espaces libres autour du centre S ; donc, par le Cor. 2 de la Prop. 10 et par le Cor. 2 de la Prop. 38, ils décriront des ellipses dans ce plan autour du centre C, ou bien ils achèveront leurs périodes d’allée et de retour dans des lignes droi-tes menées dans ce plan par le centre C, et cela dans des temps qui feront toujours égaux. — C.Q.F.D.

SCHOLIE.

La descension et l’ascension des corps dans des superficies cour-bes ne peuvent traiter de la même manière que les mouvements dont on vient de parler. Imaginez qu’une ligne courbe décrite dans un plan tourne autour d’une ligne droite de ce plan, et que par ce moyen elle forme une surface courbe : si un corps vient à se mouvoir de manière que son centre soit toujours dans cette surface, et qu’en y oscillant, il se trouve toujours dans un même plan, passant par l’axe de rotation, la courbe qu’il décrit alors sera égale à celle dont la révolution a produit la surface ; et ainsi il suffira d’examiner les mouvements qui peuvent être exécutés dans cette courbe.

Page 202: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 202 Livre I : Sections VI à XI.

PROPOSITION XLVIII. — THÉORÈME XVI.

Si on fait rouler un cercle, sur la convexité d’une sphère dans le plan d’un grand cercle de cette sphère, l’arc de la cycloïde ou épicycloïde, décrit pendant ce mouvement, est compris entre le point de contact du cercle roulant dans la première position, et le point où est arrivé ce point de contact après un temps quelconque, a pour mesure une li-gne qui est au double du sinus verse de la moitié de l’arc du cercle roulant dont tous les points, ont été appliqués sur la circonférence du grand cercle pendant le roulement, comme la somme des diamètres de la sphère et du cercle est au de-mi diamètre de la sphère.

PROPOSITION XLIX. — THÉORÈME XVII.

Si on fait rouler un cercle dans la concavité d’une sphère dans le plan d’un grand cercle de cette sphère, l’arc de cy-cloïde ou d’épicycloïde décrit pendant ce mouvement, est compris entre le point de contact du cercle roulant dans sa première position, et le point où ce point de contact est ar-rivé après un temps quelconque, a pour mesure une ligne qui est au double sinus verse de la moitié de l’arc du cercle roulant dont tous les points, ont été appliqués sur la cir-conférence du grand cercle pendant le roulement, comme la différence des diamètres de la sphère et du cercle au demi diamètre de la sphère.

(Fig. 107 & 108)

Soit ABL la sphère, C son centre, BPV le cercle roulant, E le centre de ce cercle, B le point de contact, et P le point auquel le point du contact est arrivé après l’application successive de tous les points de l’arc BP sur l’arc de grand cercle AP, il s’agit de prouver que l’arc de cycloïde AP, décrit pendant ce mouvement, a pour mesure une ligne qui est au double du sinus verse de l’arc 1

2 BP comme 2CE à CB. (Fig. 107 & 108)

Du point V, où CE rencontre le cercle roulant, tirez au point P la droite VP et menez la tangente VH. Tirez ensuite de P les droites BP, PE, CP et la tangente PH. Abaissez de V sur CP la perpendiculaire

Page 203: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 203 Livre I : Sections VI à XI.

VF, et du point G où cette perpendiculaire rencontre PH, ainsi que du point H concours des tangentes PH, VH, menez GI et HK perpendicu-laires à VP. Enfin du centre C et d’un intervalle quelconque Co, décri-vez l’arc nom, et du centre V et de l’intervalle Vo, décrivez l’arc oq qui coupe en q la ligne VP prolongée. Cela fait, il est aisé de remar-quer que comme le cercle, en avançant, tourne toujours autour du point de contact B, la droite BP est perpendiculaire à la cycloïde AP, et par conséquent que la droite VP touche cette courbe au point P ; le rayon du cercle nom, étant augmenté ou diminué peu à peu, égalera enfin la ligne CP ; et parce que la figure évanouissante Pnomq et la figure PFGVI sont semblables, la dernière raison des petites lignes évanouissantes Pm, Pn, Po, Pq, c’est-à-dire, la raison des change-ments momentanés de la courbe AP, de la droite CP, de l’arc circulai-re BP, et de la droite VP, sera la même que celle des lignes PV, PF, PG, PI respectivement. Mais comme VF est perpendiculaire sur CF, et VH sur CV, et que par conséquent les angles HVG, VCF sont égaux ; que de plus l’angle VHG (à cause des angles droits V et P du quadrilatère HVEP) est égal à l’angle CEP, les triangles VGH, CEP seront semblables ; ce qui donnera GH : HV où HP et KI : KP = EP : CE ; d’où l’on tire CB : EC = PI : PK, et par conséquent CB : 2CE = PI : PV = Pq : Pm. Donc le décrément de la ligne VP, c’est-à-dire, l’incrément de la ligne BV – VP est à l’incrément de la ligne courbe AP dans la raison donnée de CB à 2CE, d’où il suit, par le Cor. du Lemme 4. que les longueurs entières BV – VP et AP sont dans la mê-me raison. Maintenant il est clair qu’en prenant BV pour rayon, VP est le cosinus de l’angle BVP ou 1

2 BEP, et BV – VP le sinus verse du même angle : donc dans le cercle dont le rayon est 1

2 BV, BV – VP sera le double du sinus verse de l’arc 1

2 BP, donc AP est au double du sinus verse de l’arc 1

2 BP, comme 2CE à CB. — C.Q.F.D.

Nous nommerons la ligne AP considérée dans la première proposi-tion, cycloïde extérieure, et celle qui est considérée dans la dernière, nous la nommerons cycloïde intérieure.

Cor. 1. Si on décrit une cycloïde entière ASL, et qu’on la coupe en deux parties égales en S, l’arc PS sera à VP (double du sinus de l’angle VBP pour le rayon EB) comme 2CE à CB et par conséquent en raison donnée.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 204 Livre I : Sections VI à XI.

Cor. 2. Et le demi-périmètre de la cycloïde AS sera égal à la ligne droite qui est au diamètre BV du cercle, comme 2CE à CB.

PROPOSITION L. — PROBLÈME XXXIII.

Faire qu’un corps suspendu par un fil oscille dans une cy-cloïde donnée.

(Fig. 109)

Étant donnée la cycloïde intérieure QRS coupée en deux moitiés au point R, et rencontrant par ses deux extrémités Q et S la superficie du globe QVS au dedans duquel elle a été décrite, soit tirée de R au centre C de ce globe la droite CR qui coupe en deux parties égales l’arc QS en O, et qui soit prolongée en A ; de sorte que CA : CO = CO : CR. Du centre C et de l’intervalle CA soit décrit ensuite un globe extérieur DAF, et par le moyen de ce globe et du cercle dont le diamètre est AO, soient tracées deux demi-cycloïdes AQ, AS, lesquelles touchent le globe intérieur en Q et en S, et rencontrent le globe extérieur en A. Ce-la fait, si de ce point A, on suspend le corps T par un fil APT dont la longueur est égale à AR, et que l’on fasse osciller ce corps entre les demi cycloïdes AQ, AS ; de sorte que toutes les fois que le pendule s’éloignera de la perpendiculaire AR, la partie supérieure AP de ce fil soit appliquée à la demi cycloïde APS, tandis que le reste PT de ce fil demeure étendu en ligne droite, la ligne décrite par le corps T, pendant ces oscillations, sera la cycloïde donnée QRS. — C.Q.F.F.

Car tirant du centre C au point V, où le fil rencontre le cercle QOS, le rayon CV, et élevant des extrémités P et T de la partie droite PT du fil les perpendiculaires PB, TW, qui rencontrent la droite CV en B et en W, il est clair, par la construction et la formation des figures sem-blables AS, SR, que ces perpendiculaires PB, TW couperont sur CV les intervalles VB, VW égaux aux diamètres OA, OR des cercles roulants de ces deux cycloïdes. Donc TP est à VP (double du sinus de l’angle VBP pour le rayon 1

2 BV) comme BW à BV, ou comme AO + OR à AO ; c’est-à-dire, (à cause que CA soit proportionnelle à CO, CO à CR, et AO à OR) comme CA + CO à CA, ou bien encore, en coupant BV en deux parties égales au point E, comme 2CE à CB. De là il suit, par le Corol. 1 de la Prop. 49 que la partie droite PT du fil est toujours égale à l’arc PS de la cycloïde, et que tout le fil APT est égal à l’arc

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 205 Livre I : Sections VI à XI.

APS moitié de la cycloïde, c’est-à-dire (Cor. 2. de la Prop. 49.) à la longueur AR, et réciproquement, si on suppose que le fil demeure tou-jours égal à AR, le point T se mouvra dans la cycloïde donnée QRS. — C.Q.F.D.

Cor. Le fil AR est égal à la demi cycloïde AS, et par conséquent il a au demi-diamètre AC du globe extérieur la même raison que la demi-cycloïde SR, qui est semblable à la première AS, au demi-diamètre CO du globe intérieur.

PROPOSITION LI. — THÉORÈME XVIII.

Si on suppose que le corps T, oscillant comme on vient de l’expliquer dans la cycloïde QRS, soit animé par une force centripète tendante au centre C, et agissant proportionnel-lement à la distance au centre et qu’il n’éprouve l’action d’aucune autre force, les oscillations de ce corps, quelques inégales quelles soient, seront de même durée.

(Fig. 110)

Puisque la force centripète qui pousse le corps T vers C est comme la droite CT, il est clair, par le Cor. 2. des lois du mouvement, qu’en abaissant CX perpendiculaire sur la tangente TX de la cycloïde, cette force TC se résoudra dans les deux forces CX, TX, desquelles CX agis-sant suivant la direction PT ne fait d’autre effet que de tendre le fil PT, et est entièrement détruite par la résistance de ce fil ; mais l’autre force TX, poussant le corps transversalement, c’est-à-dire vers X, ac-célère directement son mouvement dans la cycloïde ; et il est clair que l’accélération de ce corps, étant proportionnelle à cette force accéléra-trice, est à chaque moment comme la longueur TX ; c’est-à-dire, à cause que CV, WV sont données, et que TX, TW leur sont proportion-nelles, comme la longueur TW, ou, ce qui revient au même, par le Cor. 1. de la Prop. 49 comme la longueur de l’arc TR de la cycloïde.

Deux pendules APT, Apt étant donc inégalement écartés de la per-pendiculaire AR, et abandonnés à eux-mêmes en même temps, auront toujours des accélérations qui feront comme les arcs TR, tR à décrire. Or les parties décrites dans le commencement du mouvement sont comme les accélérations, c’est-à-dire, comme les arcs entiers, et par conséquent les parties qui restent à décrire et les accélérations suivan-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 206 Livre I : Sections VI à XI.

tes qui sont proportionnelles à ces parties sont aussi comme les arcs entiers, et ainsi de suite. Donc les accélérations, et par conséquent les vitesses produites, les parties décrites par ces vitesses, et les parties à décrire seront toujours comme les arcs entiers ; mais si les parties à décrire gardent toujours entre elles la même raison, elles s’évanouiront en même temps, c’est-à-dire, que les deux corps oscil-lants arriveront en même temps à la perpendiculaire AR. Et récipro-quement, les ascensions des pendules perpendiculaires faites d’un mouvement rétrograde le long des mêmes arcs cycloïdaux, et à comp-ter du lieu le plus bas R seront retardés à chacun des lieux par les mê-mes forces qui accéléreront leurs descensions, de sorte que les vitesses des ascensions et des descensions faites par les mêmes arcs seront égales, et que les temps de ces descensions et de ces ascensions seront aussi égaux. Or comme les deux parties RS et RQ de la cycloïde qui sont placées des deux côtés de la perpendiculaire sont semblables et égales, les deux pendules auront donc leurs oscillations entières iso-chrones, ainsi que leurs demi-oscillations. — C.Q.F.D.

Cor. La force par laquelle le corps T est accéléré ou retardé dans un lieu quelconque T d’une cycloïde est à tout le poids de ce même corps dans le lieu le plus élevé S ou Q, comme l’arc TR de la cycloïde à l’arc SR ou QR de la même courbe.

PROPOSITION LII. — PROBLÈME XXXIV.

Trouver les vitesses des pendules dans chaque point des arcs qu’ils décrivent, et les temps qu’ils emploient tant à parcourir ces arcs entiers que leurs parties quelconques.

(Fig. 111 & 112)

D’un centre quelconque G et de l’intervalle GH égal à l’arc RS de la cycloïde, décrivez le demi-cercle HKM coupé en deux parties éga-les par le demi-diamètre GK. Imaginez ensuite que pendant que le corps T part de S pour aller vers R, un corps L parte de H pour aller vers G en éprouvant l’action d’une force proportionnelle à la distance à ce centre, et égale en H à la force que le corps T a en S vers le centre C.

Comme les forces qui sollicitent ces corps sont égales dans le commencement, et qu’elles sont toujours proportionnelles aux espaces

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 207 Livre I : Sections VI à XI.

TR et LG à décrire, elles seront par conséquent égales dans les lieux T et L en supposant TR = LG ; ainsi il est clair que ces corps décriront les espaces égaux ST, HL dans le commencement. Donc ces corps continuant à être sollicités également dans la suite, ils continueront aussi à décrire des espaces égaux. C’est pourquoi, par la Prop. 38. le temps dans lequel le corps décrit l’arc ST sera au temps d’une oscilla-tion, comme l’arc HI, qui exprime le temps que le corps H emploie à arriver en L, est à la demie circonférence HKM qui représente le temps que ce corps H emploie à arriver en M. Et la raison de

SR2 −TR2 à SR exprimera celle de la vitesse du pendule en T à sa vitesse en R, à cause que cette raison est la même que celle de la vites-se du corps H au lieu L à la vitesse au lieu G, et que ces dernières vi-tesses sont comme les incréments des lignes HL, HG, pendant des fluxions de temps égales, ou, ce qui revient au même, pendant les fluxions égales des arcs HI, HK.

De plus, à cause que dans des oscillations par des arcs moindres que la cycloïde entière, les arcs décrits en temps égaux sont propor-tionnels aux arcs entiers de ces oscillations, il est clair que, quelles que soient ces oscillations, on aura toujours pour un temps donné les vitesses et les arcs décrits. Ce qu’il fallait premièrement trouver.

Supposez à présent que des corps suspendus à des fils oscillant dans des cycloïdes différentes, décrites dans l’intérieur de globes dif-férents dont les forces absolues soient différentes : si on appelle V for-ce absolue d’un globe quelconque QOS, la force accélératrice, qui agit sur le pendule dans la circonférence de ce globe au lieu d’où le pendu-le commence à tomber, sera comme la distance au centre du globe, et comme la force absolue conjointement, c’est-à-dire, comme CO × V. Donc la petite ligne décrite HY dans un instant donné, qui doit être proportionnelle à cette force, sera aussi comme CO × V.

(Fig. 111, 112)

Mais en élevant la perpendiculaire ZY qui rencontre la circonféren-ce en Z, l’arc naissant HZ qui est proportionnel à GH × HY repré-sente cet instant donné, donc cet arc naissant est comme

GH ×CO ×V , et par conséquent le temps d’une oscillation entière dans la cycloïde QRS (lequel temps est directement comme la demie circonférence HKM qui représente cette oscillation entière et inverse-ment, comme l’arc HZ qui représente de même l’instant donné) de-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 208 Livre I : Sections VI à XI.

vient comme GH directement et GH ×CO ×V inversement, c’est-à-

dire, à cause des égales GH et SR, comme SRCO ×V

, ou, par le Cor.

de la Proposition 50 comme ARAC ×V

. Donc, dans toutes les cycloï-

des et dans tous les globes, les oscillations produites par des forces absolues quelconques sont en raison composée de la raison sous-doublée directe de la longueur du fil, et des raisons sous-doublées in-verses de la distance entre le point de suspension et le centre du globe, et de la force absolue du globe. — C.Q.F.T.

(Fig. 111, 112)

Cor. 1. On peut par ce moyen comparer le temps qu’un corps met à osciller avec celui qu’il mettrait à faire une révolution autour du mê-me centre de forces, ou à descendre en ligne droite vers ce centre. Car si on fait le diamètre du cercle qui décrit la cycloïde dans le globe égal au demi-diamètre de ce globe, la cycloïde deviendra une ligne droite qui passera par le centre du globe, de sorte que l’oscillation se change-ra alors en un mouvement d’ascension et de descension dans cette droite : et par le second cas de cette proposition, le temps de cette des-cension et de cette ascension perpendiculaire, ainsi que le temps qui lui est égal, dans lequel le corps, en tournant uniformément autour du centre du globe à une distance quelconque, décrit une moitié de la ré-volution, est au temps d’une oscillation dans la cycloïde QRS comme

1 à ARAC

.

Cor. 2. On tire aussi de là ce que Wren et Huygens ont trouvé sur la cycloïde ordinaire. Car si le diamètre du globe est augmenté à l’infini, la superficie se changera en un plan, la force centripète de-viendra uniforme et dirigée suivant des lignes perpendiculaires à ce plan, et notre cycloïde ne sera plus que la cycloïde ordinaire. Dans ce cas, la longueur de l’arc de cycloïde, compris entre ce plan et le point décrivant, deviendra égale au quadruple du sinus verse de la moitié de l’arc du cercle roulant compris entre ce même plan et le point décri-vant, comme Wren l’a trouvé : et le pendule suspendu entre deux cy-cloïdes oscillera dans une cycloïde semblable et égale en employant toujours le même temps, quelques inégales que soient ces oscillations,

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 209 Livre I : Sections VI à XI.

ainsi que l’a démontré Huygens. Enfin le temps de ces oscillations se-ra celui qu’Huygens a déterminé.

On peut appliquer les propositions qu’on vient de démontrer au système actuel de la Terre, car les clous des roues qui roulent sur la surface de la Terre décrivent des épicycloïdes extérieures ; et les pen-dules qui seraient suspendus au-dedans de la Terre dans des cavernes entre deux arcs d’épicycloïdes intérieures feraient des oscillations iso-chrones. Car, comme on le verra, au troisième livre, la gravité qui agit au-dessus de la Terre en raison renversée du carré des distances agit au dedans en raison de la simple distance au centre.

PROPOSITION LIII. — PROBLÈME XXXV.

En supposant la quadrature des courbes, trouver les forces par lesquelles les corps seront toujours des oscillations iso-chrones dans des courbes données.

(Fig. 113)

Le corps T oscillant dans une ligne courbe quelconque STRQ, dont l’axe AR passe par le centre C des forces ; soit tirée TX qui touche cet-te courbe dans le lieu quelconque T, et soit pris sur cette tangente TX l’intervalle TY égal à l’arc TR, ce qui ne demande autre chose que la quadrature des courbes. Soit élevée ensuite sur la tangente la perpen-diculaire YZ, laquelle rencontrant en Z la droite CT donnera TZ pour exprimer la force centripète cherchée. — C.Q.F.T.

Car si la force TZ par laquelle le corps est tiré de T vers C est dé-composée dans les forces TY, YZ, la partie YZ tirant le corps dans la direction du fil PT ne change rien à son mouvement ; mais l’autre for-ce TY accélérera ou retardera directement son mouvement dans la courbe STRQ. Ainsi, puisque cette force est comme l’arc TR à décrire, les accélérations ou retards du corps dans deux oscillations de diffé-rente étendue seront toujours, dans les parties à décrire supposées proportionnelles, comme ces parties, et il arrivera par conséquent que ces parties seront décrites en même temps. Or les corps qui décrivent dans des temps égaux des parties toujours proportionnelles aux tous, décrivent aussi les tous en temps égal. — C.Q.F.D.

(Fig. 114)

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 210 Livre I : Sections VI à XI.

Cor. 1. Donc si un corps T qui pend à un fil rectiligne AT attaché au centre A décrit l’arc circulaire STRQ, et que dans le même temps il soit poussé en bas suivant des lignes parallèles par quelque force qui soit à la force uniforme de la gravité, comme l’arc TR à son sinus TN ; les temps de chacune des oscillations seront égaux. Car à cause des parallèles TZ, AR, les triangles ATN, ZTY seront semblables ; et par conséquent on aura TZ : AT = TY : TN, c’est-à-dire, que si la force uniforme de la gravité est exprimée par la ligne donnée AT, la force TZ par laquelle les oscillations deviennent isochrones sera à la force de la gravité AT comme l’arc TR égal à TY est à son sinus TN.

Cor. 2. Et par conséquent dans les horloges, si les forces impri-mées au pendule par la machine pour conserver le mouvement peu-vent être tellement combinées avec la force de la gravité, que la force totale qui pousse le corps en bas soit toujours comme la ligne qu’on a en divisant le rectangle sous l’arc TR et le rayon AR par le sinus TN, toutes les oscillations seront isochrones.

PROPOSITION LIV. — PROBLÈME XXXVI.

En supposant la quadrature des courbes, trouver les temps dans lesquels les corps montent et descendent dans des courbes quelconques par une force centripète quelconque, ces courbes étant décrites dans un plan qui passe par le centre des forces.

(Fig. 115)

Le corps tombant d’un lieu quelconque S le long de la courbe quel-conque STtR donnée dans un plan qui passe par le centre C des forces, soit tirée CS que l’on suppose divisée dans un nombre innombrable de parties égales telles que Dd. Du centre C et des intervalles CD, Cd soient décrits les cercles DT, dt qui rencontrent la courbe STtR en T et en t, la Prop. 39. apprendra à trouver la vitesse en un point quelconque T en employant la loi de la force centripète donnée et la distance du centre C au point S d’où la chute a commencé. Mais le temps dans lequel le corps décrit la petite ligne Tt est en raison directe de la lon-gueur de cette petite ligne, c’est-à-dire, de la sécante de l’angle tTC, et en raison inverse de la vitesse. Donc si on élève au point D et perpen-diculairement à CS l’appliquée DN proportionnelle à ce temps, l’aire DNnd, c’est-à-dire DN × Dd, à cause de la donnée Dd, sera aussi pro-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 211 Livre I : Sections VI à XI.

portionnelle à ce même temps, et par conséquent la courbe PNn, lieu des points N, donnera par son aire SQPND (comprise entre l’asymptote SQ perpendiculaire à CS, l’axe SD, l’appliquée DN, et l’arc infini NP) le temps que le corps S a employé à aller de S en T. — C.Q.F.T.

PROPOSITION LV — THÉORÈME XIX.

Si pendant qu’un corps, qui tend vers un centre de forces et qui se meut librement sur une surface courbe quelconque dont l’axe passe par ce centre, on imagine sur un plan per-pendiculaire à cet axe une courbe qui soit la projection oc-togonale de la première, et qui soit parcourue par un point qui réponde continuellement au corps mû sur la surface, ce point décrira des aires proportionnelles aux temps.

(Fig. 117)

Soit BKL la superficie courbe ; T le corps qui fait sa révolution dans cette superficie ; STR la trajectoire qu’il y décrit ; S le commen-cement de cette trajectoire, OMK l’axe de la superficie courbe ; TN la droite tirée perpendiculairement du lieu T sur l’axe ; OP égale à TN sa projection sur le plan APO perpendiculaire à l’axe KO ; AP la projec-tion de la trajectoire décrite dans ce même plan par le point P répon-dant au corps T ; A le commencement de cette projection répondant au point S ; TC la droite menée du corps au centre ; TG la partie de cette droite proportionnelle à la force centripète qui pousse le corps vers le centre C ; TM la ligne droite perpendiculaire à la superficie courbe ; TI la partie de cette ligne proportionnelle à la force par laquelle le corps presse cette superficie, et en est réciproquement pressé vers M ; PTF la droite parallèle à l’axe et qui passe par le lieu T ; GF, HI les droites abaissées perpendiculairement des points G et I sur cette paral-lèle PHTF. Cela posé, je dis que l’aire AOP décrite par le point P au-tour de O depuis le commencement du mouvement est proportionnelle au temps.

(Fig. 117)

Car la force TG (par le Cor. 2 des lois) se décomposera dans les forces TF, FG ; et la force TI dans les forces TH, HI : mais les forces TF, TH agissant dans la direction PF perpendiculaire au plan AOP ne changent le mouvement du corps T que dans le sens perpendiculaire à

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 212 Livre I : Sections VI à XI.

ce plan. Ainsi donc la partie de son mouvement qui se fait dans le sens du plan, c’est-à-dire, le mouvement du point P par lequel la projection AP de la trajectoire est décrite, demeure le même qu’il serait, si les forces FT, TH étaient supprimées, et que les seules forces FG, HI agissent sur le corps, c’est-à-dire, le même qu’il serait, si le corps dé-crivait la courbe AP dans le plan AOP, par une force centripète qui tendit au centre O, et qui fut égale à la somme des forces FG, HI ; mais une telle force par la Prop. 1 ferait décrire au corps l’aire AOP proportionnelle au temps. Donc, etc. — C.Q.F.D.

(Fig. 116)

Cor. Par le même raisonnement, si un corps quelconque était solli-cité par des forces qui tendent vers deux ou plusieurs centres situés dans une même ligne droite donnée CO et qu’il décrivit dans un espa-ce libre une courbe quelconque ST, l’aire AOP serait toujours propor-tionnelle au temps.

PROPOSITION LVI. — PROBLÈME XXXVII.

Supposant la quadrature des courbes, et connaissant la loi de la force qui tend vers un centre donné dans l’axe d’une surface courbe quelconque, on demande la trajectoire dé-crite sur cette surface par un corps poussé suivant une vi-tesse et une direction quelconque.

(Fig. 117)

Les mêmes choses que dans la Proposition précédente et que le corps T parte du lieu donné S suivant une direction et avec une vitesse donnée ; que T soit le lieu où ce corps est arrivé après un temps quel-conque ; Tt le petit arc parcouru pendant un instant donné, Pp sa pro-jection sur le plan BDO, c’est-à-dire, une petite partie de la projec-tions APp de la trajectoire sur ce plan ; la petite ellipse pQ la projec-tion du cercle décrit sur la surface courbe du centre O et du rayon Tt ; Op le rayon tiré du centre O au point p.

(Fig. 117)

Il est clair que la vitesse du corps T au point quelconque T sera donnée par la hauteur TC, ou, ce qui revient au même, par le rayon OP de la projection de la trajectoire, et que la grandeur des axes de la petite ellipse pQ ne dépendra non plus que de la même ligne. Donc à

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 213 Livre I : Sections VI à XI.

cause que le secteur POp est proportionnel au temps, on connaîtra le point p intersection de cette ellispe et de Op, c’est-à-dire, que la posi-tion de Pp, ou, ce qui revient au même, le sinus de l’angle pPO ne dé-pendra encore que de OP. Or la relation connue entre Op et le sinus de pPO donnera facilement la projection AP en employant la construc-tion des courbes de la Prop. 41 et la projection AP étant connue donne tout de suite la trajectoire demandée.

Table des matières

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 214 Livre I : Sections VI à XI.

Table des matières

ONZIÈME SECTION

Du mouvement des corps qui s’attirent mutuellement

par des forces centripètes.

J’ai traité jusqu’ici des mouvements des corps attirés vers un centre immobile, tel qu’il n’en existe peut-être aucun dans la nature ; car les attractions ont coutume de se faire vers des corps, et les actions des corps qui attirent et qui sont attirés sont toujours mutuelles et égales par la troisième loi. Si on ne considère, par exemple, que deux corps, ni le corps attiré, ni le corps attirant ne seront en repos, mais ils feront l’un et l’autre, par leur attraction mutuelle, (selon le Corol. 4 des Lois) leur révolution autour de leur centre commun de gravité ; s’il y a plu-sieurs corps qui soient tous attirés vers un seul qu’ils attirent aussi, ou bien qui s’attirent tous mutuellement, ils doivent se mouvoir entre eux de sorte que leur centre commun de gravité soit en repos, ou qu’il se meuve uniformément en ligne droite.

Je vais expliquer les mouvements produits par ces forces que je nomme attractions, quoique peut-être je devrais plutôt les appeler im-pulsions, pour parler le langage des Physiciens ; mais je laisse à part les disputes qu’on peut élever sur cette dénomination, et je me sers des expressions les plus commodes pour les Mathématiciens.

PROPOSITION LVII. — THÉORÈME XX.

Deux corps qui s’attirent mutuellement décrivent autour de leur centre commun de gravité, et autour l’un de l’autre, des figures semblables.

Les distances des corps au centre commun de gravité sont récipro-quement proportionnelles à ces corps ; ainsi elles sont en raison don-née l’une à l’autre, aussi bien qu’à la distance totale qui est entre les deux corps. De plus, ces distances sont transportées autour de leur terme commun d’un mouvement angulaire égal, parce que ces corps

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 215 Livre I : Sections VI à XI.

étant toujours posés en ligne droite l’un par rapport à l’autre, ne chan-gent point leur inclinaison mutuelle, mais les droites, qui sont entre elles en raison donnée, et qui sont transportées d’un mouvement angu-laire égal autour de leurs extrémités, décrivent autour de ces mêmes extrémités des figures entièrement semblables dans des plans qui sont en repos avec ces termes, ou qui se meuvent d’un mouvement quel-conque qui n’est point angulaire. Donc, etc. — C.Q.F.D.

PROPOSITION LVIII. — THÉORÈME XXI.

Etant donnée, la loi des forces avec lesquelles deux corps s’attirent mutuellement, on peut, en supposant que l’un de ces corps soit fixe, donner telle impulsion à l’autre qu’il dé-crive autour de lui une courbe égale et semblable à celles que ces deux corps décrivent l’un autour de l’autre lors-qu’ils sont tous deux mobiles autour de leur centre commun de gravité.

(Fig. 118 & 119)

Que les corps S et P fassent leur révolution autour d’un centre commun de gravité C, l’un allant de S vers T, l’autre de P vers Q. Que d’un point donné s, on tire sp, sq toujours égales et parallèles à SP et à QT ; la courbe pqv, que le point p décrit en tournant autour d’un point immobile s, sera semblable et égale aux courbes que les corps S et P décrivent mutuellement autour l’un de l’autre ; et par conséquent, par le Théorème 20. elle sera semblable aux courbes ST et PQV, que ces mêmes corps décrivent autour de leur centre commun de gravité C.

(Fig. 118 & 119)

Cas 1. Ce commun centre de gravité C, par le Cor. 4. des lois, est en repos, ou se meut en ligne droite uniformément. Supposons pre-mièrement qu’il soit en repos, et qu’il y ait en s et en p deux corps, desquels celui qui est immobile soit en s, et celui qui est mobile en p, et que ces corps soient égaux et semblables aux corps S et P. De plus, que les droites PR et pr touchent les courbes PQ et pq en P et p, et que les lignes CQ et sq soient prolongées en R et en r, à cause que les fi-gures CPRQ, sprq sont semblables, on aura RQ : rq = CP : sp, et par conséquent ces lignes seront en raison donnée. Ainsi, si la force par laquelle le corps P est attiré vers le corps S, et par conséquent vers le centre intermédiaire C, était à la force par laquelle le corps p est attiré

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 216 Livre I : Sections VI à XI.

vers le centre s, dans cette même raison donnée ; ces corps en temps égaux seraient retirés des tangentes PR, pr vers les arcs PQ, pq par des intervalles RQ, rq proportionnels à ces arcs, et par conséquent la force qui agit sur le corps p le ferait circuler dans une courbe pqu, qui serait semblable à la courbe PQV, que la première force fait parcourir au corps P, et leurs révolutions s’achèveraient dans les mêmes temps.

Mais comme ces forces ne sont pas l’une à l’autre dans la raison de CP à sp ; qu’au contraire elles sont égales à cause que les corps S et s, P et p sont semblables et égaux, et que les distances SP, sp sont éga-les, ces corps dans des temps égaux seront également retirés de leurs tangentes. Donc, afin que le dernier corps p soit retiré d’un intervalle plus grand rq, il faut un temps plus long, lequel sera en raison sous-doublée de ces intervalles, à cause que les espaces au commencement du mouvement sont par le Lemme 10 en raison doublée des temps. Or, pour faire en sorte que le temps par l’arc pq soit au temps par l’arc PQ, comme sp à CP, il ne faut autre chose que prendre la vitesse du corps p à la vitesse du corps P, dans la même raison de sp à CP, puis-que les espaces pq, PQ font entre eux dans la raison simple de sp à CP. Supposant donc de telles vitesses aux corps, ils seront toujours attirés par des forces égales, et décriront autour des centres en repos C et s les figures semblables PQV, pqv, desquelles la dernière pqv sera égale et semblable à la figure que le corps P décrit autour du corps mobile S. — C.Q.F.D.

(Fig. 118 & 119)

Cas 2. Supposons à présent que le commun centre de gravité se meuve uniformément en ligne droite avec l’espace dans lequel les corps se meuvent entre eux, tous les mouvements s’exécuteront dans cet espace comme auparavant, par le sixième Corol. des Lois. Ainsi ces corps décriront mutuellement autour l’un de l’autre les mêmes fi-gures qu’auparavant, lesquelles seront égales et semblables à la figure pqv. — C.Q.F.D.

Cor. 1. Ainsi deux corps qui s’attirent mutuellement par des forces proportionnelles à leur distance décriront, par la Prop. 10 autour de leur centre commun de gravité, et autour l’un de l’autre, des ellipses concentriques ; et réciproquement, si de telles figures sont décrites, les forces seront proportionnelles aux distances.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 217 Livre I : Sections VI à XI.

Cor. 2. Deux corps qui s’attirent avec des forces réciproquement proportionnelles au carré de leur distance décriront, par les Prop. 11, 12 et 13 autour de leur commun centre de gravité, et autour l’un de l’autre, des sections coniques dont le foyer sera dans le centre autour duquel ces figures sont décrites ; et réciproquement si de telles figures sont décrites, les forces centripètes seront réciproquement proportion-nelles au carré de la distance.

Cor. 3. Deux corps quelconques qui tournent autour d’un centre commun de gravité décriront autour de ce centre, et autour d’eux mê-mes des aires proportionnelles au temps.

PROPOSITION LIX. — THÉORÈME XXII.

Le temps périodique de deux corps S et P, qui font leur ré-volution autour de leur commun centre de gravité C, est au temps périodique de l’un ou l’autre de ces corps P, qui tourne autour d’un autre centre immobile S, et qui y décrit une figure égale et semblable à celle que ces corps décri-vent mutuellement l’un autour de l’autre, en raison sous-doublée de l’autre corps S, à la somme S + P de ces corps.

(Fig. 118 & 119)

Par la démonstration de la Proposition précédente, les temps pen-dant lesquels les arcs quelconques semblables PQ et pq sont décrits sont en raison sousdoublée des distances CP et SP ou sp, c’est-à-dire en raison sousdoublée du corps S à la somme S + P de ces corps. Et par conséquent les sommes des temps employés à parcourir tous les arcs semblables PC et pq, c’est-à-dire, les temps totaux des révolu-tions des corps S et P, sont dans cette même raison sousdoublée. — C.Q.F.D.

PROPOSITION LX. — THÉORÈME XXIII.

Si deux corps S et P, qui s’attirent mutuellement par des forces réciproquement proportionnelles au carré de leur distance, font leurs révolutions autour d’un centre de gravi-té commun ; le grand axe de l’ellipse que l’un ou l’autre de ces corps P décrira par ce mouvement autour de l’autre corps S sera à l’axe principal de l’ellipse, que le même

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 218 Livre I : Sections VI à XI.

corps P peut décrire dans le même temps périodique autour de l’autre corps S, supposé en repos, comme la somme des deux corps S + P, à la première des deux moyennes propor-tionnelles entre cette somme et l’autre corps S.

Car si les ellipses décrites étaient égales entre elles, les temps pé-riodiques (par le Théorème précédent) seraient en raison sous-doublée du corps S à la somme S + P de ces corps. Diminuant donc dans cette raison le temps périodique de la dernière ellipse, les temps périodi-ques deviendront égaux, et l’axe principal de l’ellipse, par la Prop. 15. diminuera dans la raison dont celle-là est sesquiplée, c’est-à-dire dans la raison dont la raison de S à S + P est triplée ; ainsi il sera à l’axe principal de l’autre ellipse, comme la première des deux moyennes proportionnelles entre S + P, et S à S + P. Et réciproquement, l’axe principal de l’ellipse décrite autour du corps mobile sera à l’axe prin-cipal de l’ellipse décrite autour du corps immobile, comme S + P à la première des deux moyennes proportionnelles entre S + P et S. — C.Q.F.D.

PROPOSITION LXI. — THÉORÈME XXIV.

Si deux corps s’attirent mutuellement suivant une loi donnée à volonté, et se meuvent d’une façon quelconque sans éprouver aucune autre action, ils se mouvront comme s’ils ne s’attiraient pas mutuellement et qu’ils fussent attirés l’un et l’autre avec les mêmes forces par un troisième corps pla-cé dans leur centre commun de gravité : et la loi des forces attirantes sera la même, tant à l’égard de la différence de ces corps à ce centre commun, qu’à l’égard de la distance qui est entre ces corps.

Car les forces, par lesquelles ces corps s’attirent mutuellement, tendant à ces corps, tendent à leur commun centre de gravité qui est placé entre eux, ainsi elles sont les mêmes que si elles émanaient d’un corps intermédiaire. — C.Q.F.D.

Et comme la raison de la distance de l’un ou l’autre de ces corps du commun centre de gravité à la distance qui sépare ces corps est don-née, la raison d’une puissance quelconque de la distance de l’un à la même puissance de la distance de l’autre sera aussi donnée, aussi bien que la raison d’une quantité quelconque, composée comme on voudra

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 219 Livre I : Sections VI à XI.

d’une de ces distances et de constantes quelconques, à une autre quan-tité, composée de la même manière de l’autre distance et d’autant de constantes qui auraient aux premières la raison donnée de ces distan-ces. Ainsi, si la force par laquelle un corps est attiré par un autre est directement ou inversement comme la distance de ces corps entre eux, ou comme une puissance quelconque de cette distance, ou enfin comme une quantité quelconque composée d’une façon quelconque de cette distance et de constantes, la même force, par laquelle le même corps sera attiré vers le commun centre de gravité, sera de même di-rectement ou inversement comme la distance du corps attiré à ce commun centre de gravité, ou bien comme la même puissance de cette distance, ou enfin comme la quantité composée de même de cette dis-tance, et de quantités analogues données. C’est-à-dire que la loi de la force attirante sera la même, eu égard à la distance de l’un et de l’autre corps. — C.Q.F.D.

PROPOSITION LXII — PROBLÈME XXXVIII.

Déterminer le mouvement de deux corps qui s’attirent mu-tuellement en raison renversée du carré de leur distance, et qui partent de lieux donnés.

Par le théorème précédent, ces corps se mouvront de même que s’ils étaient attirés par un troisième corps placé dans leur centre com-mun de gravité ; et ce centre sera en repos dans le commencement du mouvement, par l’hypothèse ; donc, par le Cor. 4 des lois, il sera tou-jours en repos. Ainsi, en déterminant par la Prop. 17 les mouvements des corps comme s’ils étaient sollicités par des forces tendantes à ce centre, on aura leur mouvement dans la supposition qu’ils s’attirent mutuellement. — C.Q.F.T.

PROPOSITION LXIII. — PROBLÈME XXXIX.

Déterminer le mouvement de deux corps qui s’attirent mu-tuellement en raison renversée du carré de leur distance, et qui partent de lieux donnés, suivant des droites données, et avec des vitesses données.

Les mouvements de ces corps, quand ils commencent à se mou-voir, étant donnés, le mouvement uniforme de leur commun centre de

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 220 Livre I : Sections VI à XI.

gravité est donné, ainsi que le mouvement de l’espace qui se meut uniformément en ligne droite avec ce centre, et le mouvement initial de ces corps par rapport à cet espace. Or les mouvements, qui s’exécuteront ensuite dans cet espace, s’y exécuteront de la même manière (Théor. 24 et Cor. 5 des lois) que si cet espace et ce commun centre de gravité étaient en repos, et que ces corps ne s’attiraient point mutuellement, mais qu’ils fussent attirés par un troisième placé dans leur centre commun de gravité. Il faut donc déterminer, par le Pro-blème 9 et par le 26 le mouvement de l’un de ces corps dans cet espa-ce mobile, en supposant qu’il parte d’un lieu donné suivant une droite donnée, avec une vitesse donnée, et qu’il soit sollicité par une force centripète tendante à ce centre, et on aura en même temps le mouve-ment de l’autre corps autour du même centre. Il faut ensuite composer ce mouvement avec le mouvement progressif et uniforme du système entier composé de l’espace et des corps qui y circulent, lequel a été trouvé ci-dessus et on aura le mouvement absolu de ces corps dans l’espace immobile. — C.Q.F.T.

PROPOSITION LXIV. — PROBLÈME XL.

On demande le mouvement de plusieurs corps qui s’attirent tous mutuellement en raison directe de la distance.

Supposons premièrement deux corps T et L ayant un centre de gra-vité commun D. Ces corps décriront (Cor. 1 du Th. 21), autour de D comme centre, des ellipses, desquelles on connaîtra la grandeur par le Problème 5.

(Fig. 120)

Qu’un troisième corps attire les deux premiers T et L avec des for-ces accélératrices ST , SL, et qu’il soit attiré à son tour par ces deux premiers, la force ST se décomposera, par le Cor. 2 des lois, dans les forces SD, TD, et la force SL dans les forces SD, DL. Or les forces DT, DL qui sont comme leur somme TL, et par conséquent comme les for-ces accélératrices par lesquelles les corps T et L s’attirent mutuelle-ment, étant ajoutées aux forces des corps T et L, la première à la pre-mière, et la dernière à la dernière, composeront des forces proportion-nelles aux distances DT et DL, comme auparavant, mais plus grandes que les premières forces ; donc, par le Cor. 1 de la Prop. 10 et par les

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 221 Livre I : Sections VI à XI.

Cor. 1. et 8. de la Prop. 4. elles feront décrire à ces corps des ellipses comme auparavant, mais avec un mouvement plus prompt.

(Fig. 120)

Les autres forces accélératrices SD et SD, par leurs actions motri-ces SD × T et SD × L, lesquelles sont comme les corps, tirant ces corps également et suivant les lignes TI, LK parallèles à DS, ne chan-gent rien à leurs situations respectives, mais elles font qu’ils appro-chent également de la ligne IK tirée par le milieu du corps S, et per-pendiculaire à la ligne DS. Et ce mouvement vers la ligne IK pourra être nul en donnant au système des corps T et L d’une part, et au corps S de l’autre, des vitesses convenables pour les faire tourner autour du centre commun de gravité C : dans ce cas, le corps S décrira une ellip-se autour de ce même point C, parce que la somme des forces motri-ces SD × T et SD × L, lesquelles sont proportionnelles à la distance CS, tend vers le centre C. De plus, le point D, à cause des proportion-nelles CS, CD, décrira une ellipse semblable à celle qui est décrite par le corps S. Donc les corps T et L attirés également, comme on l’a dit, par les forces motrices SD × T et SD × L, le premier par la première, et le dernier par la dernière, suivant les lignes parallèles TI et LK, continueront (Cor. 5 et 6 des lois) à décrire leurs ellipses au tour du centre mobile D comme auparavant. — C.Q.F.T.

Qu’on ajoute ensuite un quatrième corps V, et on conclura par le même raisonnement que ce corps et le point C décriront des ellipses autour du commun centre de gravité B de tout le système, les mouve-ments des premiers corps T, L et S autour des centres C et D subsis-tants toujours sans autre différence que d’être accélérés. Il en serait de même, quel que fût le nombre des corps. — C.Q.F.T.

C’est encore la même chose lorsque les corps T et L s’attirent mu-tuellement avec des forces accélératrices dont les intensités sont diffé-rentes de celles avec lesquelles ils attirent les autres corps relative-ment à leurs distances.

Et en général, il suit de ce qu’on vient de dire que toutes les fois que les attractions mutuelles accélératrices d’un nombre quelconque de corps seront entre elles comme les distances multipliées par les corps attirants, tous ces corps décriront dans des temps périodiques

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 222 Livre I : Sections VI à XI.

égaux des ellipses diverses autour de leur commun centre de gravité B, et dans un plan immobile. — C.Q.F.T.

PROPOSITION LXV. — THÉORÈME XXV.

Plusieurs corps dont les forces décroissent en raison dou-blée des distances à leurs centres peuvent décrire les uns autour des autres des courbes approchantes de l’ellipse, et décrire autour des foyers de ces courbes des aires à peu près proportionnelles au temps.

On a donné dans la Proposition précédente le cas où les mouve-ments s’exécutent dans des ellipses rigoureuses. Plus la loi des forces s’éloigne de la loi qu’on y a employée, et plus les corps troubleront leurs mouvements mutuels ; et il ne peut arriver que les corps qui s’attirent mutuellement, selon la loi supposée ici, décrivent exacte-ment des ellipses, à moins qu’ils ne conservent une certaine propor-tion dans leurs distances respectives.

Cas 1. Imaginons plusieurs petits corps qui font leur révolution au-tour d’un plus grand, à différentes distances de ce plus grand, et qui tendent tous les uns vers les autres avec des forces absolues propor-tionnelles à ces mêmes corps. Si ces corps révoltants sont assez petits pour que le corps autour duquel ils tournent ne s’écarte jamais sensi-blement du centre de gravité, il est clair, par le Cor. 4 des lois, que ce corps approchera extrêmement d’être en repos ou de se mouvoir uni-formément en ligne droite. De plus, ces petits corps tourneront autour de lui dans des ellipses, et décriront des aires proportionnelles au temps, abstraction faite des erreurs qui peuvent être causées, ou par le petit écart que fait le grand corps du centre commun de gravité, ou par les actions mutuelles de ces petits corps les uns sur les autres. Or on peut augmenter la petitesse des corps révolvants à un tel point, que cet écart et ces actions mutuelles soient moindres que toute quantité don-née ; c’est-à-dire, jusqu’à ce que les orbites deviennent elliptiques, et que les aires soient proportionnelles au temps sans erreur sensible. — C.Q.F.M.

Cas 2. Supposons qu’un système tel que celui dont on vient de par-ler, composé de petits corps qui font leurs révolutions autour d’un plus grand, ou qu’un système composé simplement de deux corps qui tour-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 223 Livre I : Sections VI à XI.

nent l’un autour de l’autre, avance uniformément en ligne droite, et qu’en même temps ces corps soient sollicités par la force d’un autre corps beaucoup plus grand, et placé à une grande distance : comme les forces accélératrices égales, par lesquelles ces corps sont sollicités à se mouvoir suivant des lignes parallèles, ne changent point la situation respective de ces corps, mais qu’elles font seulement que le système entier, dont les parties conservent leurs mouvements entre elles, est transporté en même temps : il est clair, que les attractions vers le grand corps ne doivent causer d’autres altérations dans les attractions mutuelles de ces corps, que celles qui peuvent résulter de l’inégalité des attractions accélératrices, ou de l’inclinaison qu’ont entre elles les lignes suivant lesquelles agissent ces attractions. Supposé donc que toutes les attractions accélératrices vers le grand corps soient entre elles réciproquement comme les carrés des distances ; en augmentant la distance du grand corps jusqu’à ce que les différences des lon-gueurs des droites menées de ce grand corps aux petits, et que leurs inclinaisons réciproques soient moindres que toute quantité donnée, les mouvements des parties de ce système entre elles n’éprouveront point d’irrégularité qui ne soit plus petite que tout ce qu’on les vou-drait supposer. Et comme à cause de la petite distance de ces parties entre elles, tout le système entier sera attiré de la même manière que s’il consistait en un seul corps, ce système éprouvera aussi le même mouvement par cette attraction, que si elle s’exerçait sur un seul corps, c’est-à-dire, que son centre de gravité décrira autour du grand corps une section conique, et que les aires qu’il décrira, autour de ce grand corps seront proportionnelles au temps, sans erreurs sensibles. — C.Q.F.D.

On pourrait par le même raisonnement aller à des cas plus compo-sés à l’infini.

Cor. 1. Dans le second cas, plus le grand corps approche du systè-me de deux ou de plusieurs corps, et plus les mouvements des parties de ce système entre elles seront troublés ; parce qu’alors l’inclinaison mutuelle des lignes tirées du grand corps à ces autres corps est plus grande, ainsi que l’inégalité de la proportion.

Cor. 2. Ces mouvements seront très fortement troublés, si les at-tractions accélératrices des parties de ce système vers le plus grand corps ne sont plus entre elles réciproquement comme le carré des dis-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 224 Livre I : Sections VI à XI.

tances à ce grand corps ; surtout si l’inégalité de la proportion de cette attraction est plus grande que l’inégalité de la proportion des distances au grand corps. Car si la force accélératrice ne trouble point ces mou-vements entre eux, lorsqu’elle agit également, et par des lignes paral-lèles, elle doit nécessairement les troubler, lorsqu’elle agit inégale-ment, et cela plus ou moins, selon que cette inégalité est plus ou moins grande. Car l’excès des plus grandes impulsions, exercées sur quelques-uns de ces corps et non exercées sur les autres, doit nécessai-rement changer leur position entre eux, et ce dérangement, ajouté à celui qui naît de l’inégalité des lignes et de leur inclinaison, rendra le dérangement total plus sensible.

Cor. 3. Ainsi, si les parties de ce système se meuvent dans des el-lipses ou dans des cercles sans aucune altération sensible, il est clair qu’elles ne sont sollicitées que très faiblement par des forces accéléra-trices tendantes à d’autres corps, ou que ces forces agissent à peu près également sur elles, et suivant des lignes qui sont presque parallèles.

PROPOSITION LXVI. — THÉORÈME XXVI.

Si trois corps dont les forces décroissent en raison doublée des distances s’attirent mutuellement, et que les attractions accélératrices de deux quelconques vers le troisième, soient entre elles en raison renversée du carré des distances, les plus petits tournant autour du plus grand ; je dis que le corps le plus intérieur des deux petits décrira autour de ce grand corps des aires qui approcheront plus d’être propor-tionnelles au temps, et que la figure qu’il décrira approche-ra plus d’être une ellipse dont le foyer sera le centre des forces, si le grand corps est agité par les attractions des pe-tits corps, que s’il était en repos, et qu’il n’éprouvât aucune attraction de leur part, ou qu’il fût beaucoup plus ou beau-coup moins agité, en vertu d’une attraction beaucoup plus ou beaucoup moins forte.

Cette Proposition suit assez naturellement le Cor. 2 de la Proposi-tion précédente ; mais je vais encore la prouver par des arguments plus précis, et plus pressants.

(Fig. 121)

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 225 Livre I : Sections VI à XI.

Cas 1. Que les plus petits corps P et S tournent dans le même plan, autour du plus grand T ; P décrivant l’orbite intérieure PAB, et S l’extérieure ESE. Que SK soit la moyenne distance des corps P et S, et que cette ligne SK exprime l’attraction de P vers S à la moyenne dis-tance. En prenant SL à SK en raison doublée de SK à SP, SL sera l’attraction accélératrice de P vers S, à une distance quelconque SP, et cette force SL se décomposera dans les deux forces SM, LM, en me-nant LM parallèle à la ligne qui joint P et T.

Cela posé, il est clair que le corps P sera sollicité par trois forces : la première tend à T et vient de l’attraction mutuelle des corps T et P ; et l’effet de cette force, si elle était seule, serait de faire décrire au corps P autour du corps T (soit que ce corps fût immobile, soit qu’il fût animé de la même attraction) des aires proportionnelles au temps, et une ellipse dont le foyer serait T. Ce qui paraît clairement par la Prop. 11 et par les Cor. 2 et 3 du Théor. 21.

La seconde force qui agit sur P est l’attraction LM, laquelle tendant de P à T s’ajouterait à la première, et produirait toujours des aires pro-portionnelles au temps (Cor. 3 Théor. 21) ; mais n’étant pas récipro-quement proportionnelle au carré des distances, la somme des deux forces ne se trouverait pas non plus dans cette raison, et s’en écarterait d’autant plus que ces deux forces auraient une plus grande proportion l’une à l’autre. Or, comme par la Prop. 11 et par le Cor. 2 du Théor. 21 la force nécessaire pour faire décrire une ellipse autour du foyer T doit tendre vers ce foyer, et être réciproquement proportionnelle au carré de la distance PT, l’orbe PAB s’écartera de la forme elliptique, et cela d’autant plus qu’il y aura une plus grande proportion entre les deux forces qui composent celle de P vers T, toutes choses étant sup-posées d’ailleurs égales.

La troisième force qui agit sur P est la force SM, laquelle tirant le corps P selon une ligne parallèle à ST composera avec les forces pré-cédentes une force qui ne sera plus dirigée de P vers T, et qui s’éloignera d’autant plus de cette détermination, que la proportion de cette troisième force aux premières sera plus grande, toutes choses égales : par cette force le corps P ne décrira plus des aires proportion-nelles au temps autour du corps T, et les aires s’éloigneront d’autant plus de cette proportionnalité, que le rapport de la troisième force aux deux premières sera plus grand. L’altération que souffrira par cette

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 226 Livre I : Sections VI à XI.

troisième force l’orbe PAB dans la forme elliptique que donne la pre-mière, sera augmentée par deux causes, parce que cette force n’est pas dirigée de P vers T, et parce qu’elle n’est pas réciproquement propor-tionnelle au carré de la distance PT.

Ceci étant bien entendu, il est clair, que les aires approcheront d’autant plus d’être proportionnelles au temps, que la troisième force sera moindre, les autres forces restant les mêmes, et que l’orbite PAB approchera d’autant plus de la forme elliptique, que la seconde et la troisième force, mais principalement la troisième, seront moindres, la première demeurant la même.

(Fig. 121)

Si l’attraction accélératrice du corps T vers S est représentée par la ligne SN ; et que les attractions accélératrices SN, SM soient égales, elles ne changeront rien à la position des corps P et T entre eux, parce qu’elles les tireront également, et selon des lignes parallèles ; ainsi les mouvements de ces corps seront les mêmes qu’ils seraient sans ces attractions (Cor. 6 des Lois), et par la même raison, si l’attraction SN était moindre que l’attraction SM, elle en détruirait une partie égale à SN, et ce serait la partie restante MN qui dérangerait la forme ellipti-que de l’orbe, et la proportionnalité des aires et des temps. Si l’attraction SN était plus forte que l’attraction SM, l’altération dans la proportionnalité des aires et dans l’orbite serait causée de même par leur seule différence MN. Par l’attraction SN, la troisième force SM est donc toujours réduite à l’attraction MN, la première et la seconde at-traction restant entièrement les mêmes, et par conséquent les aires et les temps approcheront le plus de la proportionnalité, et l’orbite PAB de la forme elliptique dont on a parlé, lorsque l’attraction MN sera ou nulle ou la plus petite qu’il est possible, ce qui arrivera lorsque les at-tractions accélératrices des corps P et T vers le corps S approcheront, autant qu’il est possible, de l’égalité ; c’est-à-dire, lorsque l’attraction SN ne sera pas nulle, ni moindre que la plus petite de toutes les attrac-tions SM, mais qu’elle sera à peu près moyenne entre la plus grande et la plus petite de toutes les attractions SM, ou, ce qui revient au même, lorsqu’elle n’est ni beaucoup plus forte, ni beaucoup plus faible que l’attraction SK. — C.Q.F.D.

(Fig. 121)

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 227 Livre I : Sections VI à XI.

Cas 2. Que les petits corps P et S tournent autour du plus grand T dans des plans différents, la force LM, qui agit suivant la ligne PT pla-cée dans le plan de l’orbite PAB, aura le même effet qu’auparavant, et elle ne retirera point le corps P du plan de son orbite, mais l’autre for-ce MN qui agit suivant une ligne parallèle à ST (et est par conséquent inclinée au plan de l’orbite PAB quand le corps S se trouve hors de la ligne des nœuds) causera, outre l’altération en longitude dont on vient de parler, une altération au mouvement en latitude ; cette altération pour une position quelconque des corps P et T, sera comme la force MN qui l’a causée, ainsi elle sera la plus petite quand MN sera la plus petite, c’est-à-dire ; comme je l’ai déjà fait voir, lorsque l’attraction SN ne sera ni beaucoup plus forte, ni beaucoup plus faible que l’attraction SK. — C.Q.F.D.

Cor. 1. On tire facilement de là, que si plusieurs petits corps P, S, R, etc. font leurs révolutions autour d’un plus grand T, le mouvement du plus intérieur P sera le moins troublé qu’il est possible par les at-tractions des corps extérieurs, lorsque le plus grand corps T sera attiré et agité pareillement par les autres, en raison de leurs forces accéléra-trices, et qu’il les attirera réciproquement.

Cor. 2. Dans un système composé de trois corps T, P, S, si les at-tractions accélératrices de deux quelconques sur le troisième sont ré-ciproquement entre elles comme le carré des distances, les aires que le corps P décrira autour du corps T seront plus accélérées auprès de la conjonction A et de l’opposition B, qu’auprès des quadratures C et D. Car toute force qui agit sur le corps P, sans agir sur le corps T, et qui n’est point dirigée vers PT, accélère ou retarde la description de l’aire selon qu’elle est dirigée en conséquence ou en antécédence, telle est la force NM. Dans le passage du corps P de C en A, elle tire en consé-quence ; ensuite depuis A jusqu’en D, elle tire en antécédence ; puis de D en B, elle tire en conséquence, et enfin en antécédence de B en C.

Cor. 3. Et par le même raisonnement, il est clair que le corps P, toutes choses d’ailleurs égales, se meut plus vite dans la conjonction et dans l’opposition, que dans les quadratures.

(Fig. 121)

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 228 Livre I : Sections VI à XI.

Cor. 4. L’orbe du corps P, toutes choses d’ailleurs égales, est plus courbe dans les quadratures que dans la conjonction et l’opposition ; car les corps qui ont le plus de vitesse s’écartent le moins du cours rectiligne. D’ailleurs la force KL ou MN, dans la conjonction et dans l’opposition, est contraire à la force par laquelle le corps T tire le corps P ; et par conséquent elle diminue cette force, et le corps P doit moins se détourner du cours rectiligne lorsqu’il est moins tiré vers T.

Cor. 5. De là le corps P, le reste étant égal, s’écartera plus du corps T dans les quadratures que dans l’opposition et la conjonction. Toutes ces choses supposent qu’il n’y ait pas de mouvement d’excentricité ; car si l’orbite du corps P est excentrique, son excentricité (comme on le verra dans le Cor. 9 de cette Prop.) deviendra la plus grande, lors-que les apsides seront dans les syzygies ; et de là il peut arriver que le corps P arrivant au sommet de l’apside la plus haute, soit plus loin du corps T dans les syzygies que dans les quadratures.

Cor. 6. Parce que la force centripète du corps central T, laquelle re-tient le corps P dans son orbite, est augmentée dans les quadratures par l’addition de la force LM, qu’elle est diminuée dans les syzygies par la soustraction de la force KL, et qu’à cause de la grandeur de la force KL, la diminution est plus grande que l’augmentation ; que d’ailleurs cette force centripète vers T, par le Cor. 2 de la Prop. 4 est en raison composée de la raison simple et directe de PT, et de la rai-son renversée du carré du temps périodique : il est clair, que cette rai-son composée sera diminuée par l’action de la force KL, et par consé-quent que le temps périodique (si le rayon PT de l’orbe reste le même) sera augmenté dans la raison sous doublée de celle suivant laquelle cette force centripète sera diminuée ; de plus, par le Cor. 6 de la Prop. 4 si le rayon augmente ou diminue, le temps périodique sera plus augmenté ou moins diminué que suivant la proportion sesquiplée de ce rayon.

Si la force du corps central venait à diminuer, le corps P étant de moins en moins attiré s’éloignerait davantage du centre T ; et au contraire, si cette force du corps central augmentait, le corps P s’approcherait plus du centre. Donc, si l’action du corps éloigné S, par laquelle cette force est diminuée, augmente et diminue tour à tour, le rayon TP augmentera et diminuera aussi successivement, et le temps périodique augmentera et diminuera dans la raison composée de la

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raison sesquiplée du rayon et de la raison sous-doublée de la propor-tion suivant laquelle cette force centripète du corps central T augmen-te et diminue par l’incrément ou le décrément de l’action du corps éloigné S.

(Fig. 121)

Cor. 7. De tout ce que nous venons de dire, il suit que l’axe de l’ellipse décrite par le corps P, ou la ligne des apsides, avance et ré-trograde tour à tour d’un mouvement angulaire, de façon cependant que le mouvement en avant est le plus fort, et qu’à la fin de chaque révolution de P, la ligne des apsides s’est mue en conséquence.

Car la force qui pousse le corps P vers T dans les quadratures, où la force MN s’évanouit, est composée de la force LM et de la force centripète par laquelle le corps T attire le corps P. La première force LM, si on augmente la distance PT, augmentera à peu près dans la même raison que cette distance, et la dernière force décroîtra dans cet-te raison doublée. Donc la somme de ces forces décroîtra, dans une moindre raison que la raison doublée de la distance PT, et par consé-quent (Cor. 1 de la Prop. 45) elle fera rétrograder la plus haute apside.

Mais dans la conjonction et dans l’opposition, la force par laquelle le corps P est porté vers le corps T est la différence entre la force par laquelle le corps T attire le corps P, et la force KL, et cette différence, à cause que la force KL augmente à peu près dans la raison de la dis-tance PT, décroît dans une plus grande raison que la raison doublée de la distance PT ; ainsi par le Cor. 1 de la Prop. 45 elle fera avancer la plus haute apside. Dans les lieux placés entre les sesyzygies et les quadratures, le mouvement de la plus haute apside dépend de ces deux causes, de sorte que selon l’excès de l’efficacité de l’une ou de l’autre, la plus haute apside avancera ou rétrogradera. Ainsi comme la force KL dans les syzygies est presque double de la force LM dans les qua-dratures, l’effet résultant de ces deux forces dans toute la révolution sera dans le même sens que la force KL ; c’est-à-dire, que la plus hau-te apside sera portée en conséquence.

Les vérités établies dans ce Corollaire et dans le précédent se com-prendront plus aisément en supposant que le système des deux corps T et P soit environné de toutes parts de plusieurs corps S, S, S, etc. pla-cés dans l’orbe ESE ; car par l’action de ces corps, celle du corps T

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sera diminuée dans tous les lieux, et par conséquent elle décroîtra dans une raison plus que doublée de la distance.

Cor. 8. Comme le progrès ou la rétrogradation des apsides dans le passage du corps de l’apside la plus basse à la plus haute, dépend du décrément de la force centripète dans une plus grande ou une moindre raison que la raison doublée de la distance PT et de son incrément semblable dans le retour du corps à l’apside la plus basse ; et que par conséquent : ce progrès ou cette rétrogradation est dans son maxi-mum. Lorsque la proportion de la force dans l’apside la plus haute à la force dans l’apside la plus basse s’éloigne le plus de la raison doublée inverse des distances ; il est clair que les apsides étant dans leurs sy-zygies avanceront le plus vite par la soustraction de la force KL ou NM – LM, et que dans leurs quadratures elles rétrograderont le plus lentement par l’addition de la force LM. Or à cause de la longueur du temps pendant lequel la vitesse de ce progrès et le retardement de cet-te rétrogradation ont continué, cette inégalité devient extrêmement grande.

(Fig. 121)

Cor. 9. Si un corps, par une force réciproquement proportionnelle au carré de la distance au centre, se meut autour de ce centre dans une ellipse, et qu’ensuite dans la descente de l’apside la plus haute à la plus basse, cette force par l’addition perpétuelle d’une nouvelle force soit augmentée dans une raison plus grande que la doublée inverse de la distance, il est clair que ce corps, étant poussé sans cesse vers le centre par l’addition perpétuelle de cette nouvelle force, s’approchera davantage de ce centre, que s’il n’y était porté que par la seule force en raison doublée inverse de la distance ; ainsi il décrira autour de ce centre un orbe qui sera intérieur à l’orbe elliptique qu’il décrivait ; et dans l’apside la plus basse il s’approchera plus du centre qu’auparavant ; donc son orbe, par l’addition de cette nouvelle force, deviendra, plus excentrique. Si ensuite, lorsque le corps va de l’apside la plus basse à la plus haute, la force décroissait par les mêmes degrés par lesquels elle avait augmenté auparavant, le corps retournerait à la première distance ; et par conséquent, si la force décroissait dans une plus grande raison, le corps étant moins attiré monterait à une plus grande hauteur, et l’excentricité de son orbe augmenterait encore da-vantage. Ainsi, si la raison de l’incrément et du décrément de la force

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centripète augmente à chaque révolution, l’excentricité augmentera toujours, et au contraire, elle diminuera toujours, si cette même raison décroît.

(Fig. 121)

Dans le système des corps T, P, S, lorsque les apsides de l’orbe PAB sont dans les quadratures, cette raison de l’incrément et du dé-crément est la plus petite, et elle devient la plus grande lorsque les ap-sides sont dans les syzygies. Si les apsides sont dans les quadratures, la raison près des apsides est moindre que la raison doublée des dis-tances, et elle est au contraire plus grande près des syzygies ; et c’est de cette plus grande raison que naît le mouvement direct de l’apside la plus haute, comme on l’a déjà dit ; mais si l’on considère la raison de tout l’incrément ou de tout le décrément dans le progrès entre les ap-sides, elle est moindre que la raison doublée des distances. La force dans l’apside la plus basse est à la force dans l’apside la plus haute, dans une moindre raison que la raison doublée de la distance de la plus haute apside au foyer de l’ellipse, à la distance de l’apside la plus basse à ce même foyer ; et au contraire, lorsque les apsides sont dans les syzygies, la force dans l’apside la plus basse est à la force dans l’apside la plus haute, dans une plus grande raison que la raison dou-blée des distances ; car les forces LM dans les quadratures étant ajou-tées aux forces du corps T composent des forces qui font dans une moindre raison, et les forces KL dans les syzygies étant ôtées des for-ces du corps T font que les forces restantes sont dans une plus grande raison.

La raison de tout l’incrément et de tout le décrément dans le passa-ge entre les apsides est donc la moindre dans les quadratures, et la plus grande dans les syzygies ; et par conséquent dans le passage des apsides des quadratures aux syzygies, elle augmentera perpétuelle-ment, et elle augmentera l’excentricité de l’ellipse ; mais dans le pas-sage des syzygies aux quadratures, elle diminuera continuellement, et l’excentricité diminuera aussi.

(Fig. 121)

Cor. 10. Pour chercher la loi des dérangements en latitude, suppo-sons que le plan de l’orbite EST reste immobile ; il est clair que la par-tie ML des forces MN, ML, en quoi consiste la cause totale des déran-gements, agissant toujours dans le plan de l’orbite PAB, ne trouble

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jamais le mouvement en latitude ; et que la force MN qui agit aussi dans le plan de cette même orbite, lorsque les nœuds sont dans les sy-zygies, ne dérange point alors ces mouvements, au lieu qu’elle les dé-range beaucoup lorsqu’ils sont dans les quadratures, car alors en reti-rant continuellement le corps P du plan de son orbite elle diminue l’inclinaison du plan dans le passage du corps des quadratures aux sy-zygies, et elle l’augmente au contraire dans son passage des syzygies aux quadratures. D’où il arrive que le corps étant dans les syzygies, l’inclinaison du plan est la plus petite, et qu’elle retourne à la première grandeur à peu près, lorsque le corps arrive au nœud le plus voisin. Mais lorsque les nœuds seront dans les octans après les quadratures, c’est-à-dire entre C et A, D et B, on comprendra, parce qu’on vient de dire, que dans le passage du corps P de l’un ou l’autre nœud au qua-tre-vingt-dixième degré suivant, l’inclinaison du plan diminuera per-pétuellement ; et qu’ensuite dans le passage par les quarante-cinq de-grés prochains jusqu’à la quadrature prochaine, l’inclinaison augmen-tera, et qu’elle diminuera ensuite de nouveau dans le passage du corps par les quarante-cinq autres degrés jusqu’au nœud prochain. Ainsi cet-te inclinaison diminuera plus qu’elle n’augmentera, et par conséquent elle est toujours moindre dans le nœud qui suit, que dans celui qui précède ; et par le même raisonnement, l’inclinaison augmentera plus qu’elle ne diminuera, lorsque les nœuds seront dans les autres octans A et D, B et C. Elle sera donc la plus grande, lorsque les nœuds seront dans les syzygies. Dans leur passage des syzygies aux quadratures, elle diminuera à chaque fois que le corps parviendra aux nœuds ; et elle deviendra la plus petite, lorsque les nœuds seront dans les quadra-tures, et le corps dans les syzygies ; et elle croîtra ensuite par les mê-mes degrés par lesquels elle avait diminué auparavant ; et lorsque les nœuds arriveront aux syzygies prochaines, elle reviendra à sa premiè-re grandeur.

Cor. 11. Comme le corps P, lorsque les nœuds sont dans les qua-dratures, est continuellement retiré du plan de son orbite du côté de S dans son passage du nœud C par la conjonction A au nœud D ; et du côté opposé dans son passage du nœud D par l’opposition B au nœud C : il est clair que dans son mouvement depuis le nœud C, le corps s’éloignera perpétuellement du premier plan CD de son orbite, jusqu’à ce qu’il soit parvenu au nœud prochain, qui sera très éloigné de ce plan CD, et qui, au lieu d’être placé en D dans l’autre intersection de

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ce plan avec le plan EST, sera placé du côté de S, c’est-à-dire en anté-cédence, et par le même raisonnement, les nœuds continueront à s’éloigner dans le passage du corps de ce nœud au nœud qui suit.

Les nœuds étant dans les quadratures rétrograderont donc toujours, dans les syzygies, où rien ne trouble le mouvement en latitude, ils se-ront en repos ; et dans les lieux intermédiaires où ils participeront de l’une et l’autre condition, ils rétrograderont plus lentement. Ainsi étant toujours stationnaires ou rétrogrades, ils seront portés en antécé-dence à chaque révolution.

(Fig. 121)

Cor. 12. Tous les dérangements dont on a parlé dans ces Corollai-res sont un peu plus grands dans la conjonction des corps P et S, que dans leur opposition, parce que les forces NM et ML qui les causent sont plus grandes.

Cor. 13. Comme on n’a point fait entrer la grandeur du corps S dans la démonstration des Corollaires précédents, tout ce qu’on vient de dire aura lieu, lorsque la grandeur de ce corps sera telle que le sys-tème des deux corps T et P tournera autour de lui. Et comme le corps S étant plus grand, la force centripète qui cause les dérangements du corps P est plus grande ; tous ces dérangements seront plus grands à des distances égales dans ce cas, que dans celui où le corps S tourne autour du système des corps P et T.

Cor. 14. Comme les forces MN, ML, lorsque le corps S est fort éloigné, sont à peu près en raison composée de la force SK, et de la raison de PT à ST, c’est-à-dire, si la distance PT et la force absolue du corps S sont données, en raison renversée de ST 3, et que ces forces MN, ML sont les causes des dérangements et de tous les effets dont on a parlé dans les Corollaires précédents : il est clair que tous ces effets seront à peu près en raison composée de la raison directe de la force absolue du corps S et de la raison triplée inverse de la distance ST, lorsqu’on suppose que le système des corps P et T reste le même, tan-dis qu’on fait varier la distance ST, et la force absolue du corps S. Ainsi, si le système des corps T et P tourne autour d’un corps très éloigné S, les forces MN, ML, et leurs effets seront (Cor. 2 et 6 de la Prop. 4) réciproquement en raison doublée du temps périodique, et par conséquent, si la grandeur du corps S est proportionnelle à la force

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absolue, ces forces MN, ML, et leurs effets seront directement comme le cube du diamètre apparent du corps éloigné S où du lieu T, et au contraire. Car ces raisons sont les mêmes que la raison composée dont on a parlé ci-dessus.

(Fig. 121)

Cor. 15. Si la forme des orbes ESE, BAP, leur inclinaison et leurs proportions entre elles restent les mêmes pendant que leur grandeur change ; et si les forces des corps S et T sont constantes ou varient dans une raison donnée quelconque ; comme alors ces forces (c’est-à-dire, la force du corps T, par laquelle le corps P décrit l’orbite PAB ; et la force du corps S qui fait écarter le corps P de cette orbite) agis-sent toujours de la même manière et dans la même proportion, il est nécessaire que tous les effets soient semblables et proportionnels, et que les temps de ces effets soient aussi proportionnels ; c’est-à-dire, que toutes les altérations linéaires soient comme las diamètres des or-bites, que les angulaires soient les mêmes qu’auparavant, et que les temps des dérangements linéaires semblables ou des angulaires égaux soient comme les temps périodiques des orbites.

Cor. 16. Ainsi, si la forme des orbites, et leur inclinaison mutuelle restant les mêmes, la grandeur des corps, leurs forces, et leurs distan-ces changent d’une manière quelconque et qu’on connaisse les déran-gements et les temps des dérangements dans un cas quelconque, on pourra en conclure à peu près les dérangements, et les temps des dé-rangements pour tout autre cas. Mais on y parviendra d’une manière plus prompte par la méthode suivante.

Les forces LM, MN sont comme le rayon TP, tout le reste demeu-rant le même, et leurs effets périodiques, c’est-à-dire, les dérange-ments linéaires de P (Cor. 2 du Lemme 10) sont comme ces forces, et le carré du temps périodique de P conjointement. De là, les erreurs angulaires du corps P, ou du centre T, (c’est-à-dire, tant le mouvement de ses nœuds et de ses apsides, que tous les dérangements apparents en latitude et en longitude) sont dans une révolution quelconque du corps P, comme le carré du temps d’une révolution à peu près. Com-posant donc cette raison avec celle du Cor. 14 on trouvera que dans un système quelconque de corps P, S, T, dans lequel P tourne autour de T dont il est proche, et T autour de S qui est éloigné, les dérangements angulaires du corps P tels qu’ils paraissent du centre T seront à chaque

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révolution de ce corps P comme le carré du temps périodique P direc-tement, et le carré du temps périodique de T inversement. Et ainsi le mouvement moyen des apsides sera en raison donnée au mouvement moyen des nœuds, et l’un et l’autre mouvement sera comme le carré du temps périodique du corps P directement, et le carré du temps pé-riodique du corps T inversement. En augmentant ou diminuant l’excentricité et l’inclinaison de l’orbite PAB, les mouvements des ap-sides et des nœuds ne changeront pas sensiblement, à moins que les changements de l’excentricité et de l’inclinaison ne fussent fort grands.

(Fig. 121)

Cor. 17. Comme la ligne LM est tantôt plus grande, et tantôt plus petite que le rayon PT, exprimant la force moyenne LM par PT, elle sera ainsi à la force moyenne SK ou SN qu’on peut exprimer par la ligne ST, comme PT est à ST. Mais la force moyenne SN ou ST, par laquelle le corps T est retenu dans son orbite autour de S, est à la force par laquelle le corps P est retenu dans son orbite autour de T, en rai-son composée de la raison du rayon ST au rayon PT, et de la raison doublée du temps périodique du corps P autour du corps T au temps périodique du corps T autour du corps S : donc, la force moyenne LM est à la force par laquelle le corps P est retenu dans son orbite autour de T (ou à celle avec laquelle le même corps P pourrait tourner dans le même temps périodique autour d’un point quelconque immobile T à la distance PT) dans cette même raison doublée des temps périodiques. Donc, les temps périodiques étant donnés, ainsi que la distance PT, la force moyenne LM sera donnée ; et cette force LM étant donnée, la force MN le sera aussi à peu près par la proportion des lignes PT, MN.

Cor. 18. Imaginons plusieurs corps fluides qui se meuvent autour d’un même corps T, à des distances égales et par les mêmes lois par lesquelles le corps P tourne autour du corps T ; supposons ensuite que de tous ces corps fluides contigus, il se forme un anneau fluide circu-laire et concentrique au corps T chaque partie de cet anneau suivant dans tous ses mouvements la loi du corps P, ces parties approcheront plus près du corps T, et elles se mouvront plus vite dans leurs conjonc-tions et leurs oppositions avec le corps S que dans leurs quadratures ; et les noeuds de cet anneau, ou ses intersections avec le plan de l’orbite du corps S ou T seront en repos dans les syzygies ; mais hors

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des syzygies ils se mouvront en antécédence, et leur mouvement sera plus prompt dans les quadratures, et plus lent dans les autres lieux. L’inclinaison de l’anneau variera aussi, et son axe oscillera, à chaque révolution, et après une révolution entière il retournera à son premier état, à la différence près que produit la précession des nœuds.

(Fig. 121)

Cor. 19. Supposons à présent que le globe T formé de matière et solide s’étende jusqu’à cet anneau, qu’il contienne de l’eau dans un canal creusé autour de lui, et qu’il tourne autour de son axe unifor-mément d’un mouvement commun périodique. Le mouvement de cet-te eau étant accéléré et retardé tour à tour, comme dans le cas exposé au corollaire précédent, sera plus prompt dans les syzygies et plus lent dans les quadratures, que celui de la superficie de ce globe, et ainsi il y aura dans ce canal un flux et un reflux tel que celui de la mer.

Cette eau en tournant autour du centre du globe, lequel centre est en repos, n’acquerrait aucun mouvement de flux et de reflux si l’attraction du corps S n’avait pas lieu ; car il arrive la même chose à un globe qui se meut uniformément en ligne droite, et qui tourne en même temps autour de son centre (Cor. 5 des lois) qu’à un globe qui serait détourné uniformément du mouvement rectiligne (Cor. 6 des lois). Qu’on imagine de plus l’attraction du corps S, et alors l’inégalité de cette attraction troublera le mouvement de l’eau, puisque les parties de l’eau les plus voisines seront plus attirées, et les plus éloignées le seront moins. La force LM attirera l’eau en bas dans les quadratures, et la fera descendre jusqu’au syzygies ; au contraire, la force KL l’attirera en haut dans les syzygies, l’empêchera de descendre davan-tage et la fera monter jusqu’aux quadratures, à la retardation près qui est produite dans le flux et le reflux de l’eau, par le frottement du fonds.

(Fig. 121)

Cor. 20. Si l’on suppose à présent que l’anneau devienne solide, et que le globe soit diminué, le mouvement de flux et de reflux cessera ; mais le mouvement oscillatoire de l’inclinaison, et la précession des nœuds subsisteront.

Si on suppose ensuite que le globe ait le même axe que l’anneau, qu’il achève ses révolutions dans le même temps, qu’il le touche, et

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lui soit attaché par sa superficie intérieure ; le globe participant du mouvement de l’anneau, ils oscilleront ensemble, et les nœuds rétro-graderont. Car le globe (comme on le dira bientôt) est également sus-ceptible de recevoir toutes sortes d’impressions.

Le plus grand angle d’inclinaison de l’anneau qui entoure le globe est dans le lieu où les nœuds sont dans les syzygies.

Donc, dans le progrès des nœuds vers les quadratures, l’anneau est contraint de diminuer son inclinaison, et par cet effort il imprime un mouvement ; à tout le globe ; le globe retient le mouvement imprimé jusqu’à ce que l’anneau le lui ôte par un effort contraire, et qu’il lui en imprime un nouveau, dans un sens opposé : ainsi par cette raison ; le plus grand mouvement de l’inclinaison décroissante se fait dans les quadratures des nœuds, et le plus petit angle d’inclinaison se fait dans les octants après les quadratures ; le plus grand mouvement de décli-naison est dans les syzygies, et le plus grand angle dans les octants prochains. Il en est de même d’un globe qui n’a point d’anneau, et qui est un peu plus élevé, ou un peu plus dense vers l’équateur que vers les Pôles ; car cette protubérance de matière dans les régions de l’équateur lui tient lieu d’anneau, et quoiqu’en augmentant d’une fa-çon quelconque la force centripète de ce globe toutes ses parties soient supposées tendre en bas, de même que les parties gravitantes de la Terre, cependant les phénomènes dont on a parlé dans ce Corollaire et dans le précédent, en seront à peine altérés, il y aura seulement cette différence, que les lieux des plus grandes et des moindres hauteurs de l’eau ne seront pas les mêmes, car l’eau restera dans son orbite, et y sera retenue, non par sa force centrifuge, mais par les parois du lit dans lequel elle coule. De plus, la force LM l’attire plus fortement en bas dans les quadratures, et la force KL ou NM – LM l’attire plus for-tement en haut dans les syzygies. Et ces forces réunies cessent d’attirer l’eau en bas, et commencent à l’attirer en haut dans les oc-tants avant les syzygies, et elles cessent de l’attirer en haut, et com-mencent à l’attirer en bas dans les octants après les syzygies ; et par conséquent la plus grande élévation de l’eau peut arriver à peu près dans les octants après les syzygies, et la plus petite vers les octants après les quadratures ; à moins que le mouvement d’ascension et de descension, imprimé à l’eau par ces forces, ne se conserve un peu plus longtemps par la force d’inertie de l’eau, ou ne se perde un peu plus tôt par les frottements de l’eau contre le lit qui la contient.

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Cor. 21. Par la même raison que la matière redondante placée à l’équateur fait rétrograder les nœuds, et les fait rétrograder d’autant plus qu’elle est en plus grande quantité, il s’ensuit, que si on la dimi-nue, la rétrogradation diminuera aussi ; que si on la détruit entière-ment, il n’y aura plus de rétrogradation ; et enfin, que si on enlevait du globe plus que cette matière redondante, qu’on le rendit allongé vers les pôles, ou plus rare vers l’équateur, les nœuds seraient mus en conséquence.

(Fig. 121)

Cor. 22. Et réciproquement, par le mouvement des nœuds, on pourra, connaître la forme du globe. S’il conserve toujours les mêmes pôles, et que le mouvement des nœuds se fasse en antécédence, la ma-tière du globe sera protubérante vers l’équateur, et si ce mouvement se fait en conséquence, elle sera abaissée dans ses régions.

Supposez qu’un globe parfaitement sphérique, et d’une matière homogène, ait premièrement été en repos dans l’espace libre, et qu’ensuite il ait été poussé par une impulsion quelconque oblique à la superficie, laquelle une impulsion lui ait imprimé un mouvement en partie circulaire, et en partie en ligne droite ; comme la forme de ce globe est la même par rapport à tous les axes qui passent par son cen-tre, et qu’il n’a pas plus de tendance pour tourner autour de l’un de ces axes qu’autour d’un autre ; il est clair, que par la propre force il ne changera jamais ni son axe, ni l’inclinaison de cet axe. Supposez en-suite que ce globe reçoive une nouvelle impulsion quelconque oblique dans le même endroit de la superficie dans laquelle il a reçu la premiè-re ; comme cette nouvelle impulsion, qu’elle soit imprimée plus tôt ou plus tard, a toujours les mêmes effets ; il est clair, que ces deux impul-sions successives produiront le même mouvement que si elles avaient été imprimées en même temps, c’est-à-dire, que l’effet sera le même que si le globe avait été poussé par une force simple composée de l’une et de l’autre, (Cor. 2 des Lois.) et que par conséquent cet effet sera un mouvement simple autour d’un axe donné d’inclinaison : il en est de même d’une seconde impulsion imprimée dans un autre lieu quelconque de l’équateur du premier mouvement, ainsi que de la pre-mière impulsion imprimée dans un lieu quelconque de l’équateur du mouvement que la seconde aurait produit dans la première ; et enfin que de deux impulsions imprimées dans des lieux quelconques ; les

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impulsions produiront le même mouvement circulaire que si elles avaient été imprimées à la fois dans le lieu de l’intersection des équa-teurs des mouvements qu’elles auraient produit séparément.

(Fig. 121)

Un globe homogène et parfaitement sphérique ne retient donc pas l’impression distincte de plusieurs mouvements différents, mais de tous ces mouvements divers il naît un mouvement unique, et le globe tend toujours, autant qu’il est en lui, à tourner d’un mouvement simple et uniforme autour d’un seul axe incliné d’une manière invariable, et la force centripète ne peut changer ni l’inclinaison de l’axe, ni la vi-tesse de la rotation. Car si on suppose le globe divisé en deux hémis-phères par un plan quelconque qui passe par son centre et par le centre vers lequel la force est dirigée, cette force pressera également l’un et l’autre hémisphère, et par conséquent ce globe, quant au mouvement de rotation, n’inclinera vers aucun côté. Supposez à présent qu’on lui ajoute quelque part entre le pôle et l’équateur une matière nouvelle accumulée en forme de montagne, cette matière, par l’effort continuel qu’elle fera pour s’éloigner du centre de son mouvement, troublera le mouvement du globe, et fera que ses pôles changeront à tout moment de position, et qu’ils décriront perpétuellement des cercles autour d’eux-mêmes et du point qui leur est opposé. Et on ne pourra, empê-cher l’énormité de cette vacation des pôles, qu’en plaçant cette mon-tagne dans l’un ou l’autre pôle, auquel cas (Cor. 21) les nœuds de l’équateur avanceront ; ou dans l’équateur, et alors (Cor. 21) les nœuds rétrograderont ; ou enfin en ajoutant de l’autre côté de l’axe une matière nouvelle qui cause une vibration à cette protubérance, et par ce moyen les nœuds avanceront ou rétrograderont, selon que cette protubérance et cette nouvelle matière seront plus proches des pôles ou de l’équateur.

PROPOSITION LXVII. — THÉORÈME XXVII.

Le corps extérieur S décrit des aires plus proportionnelles au temps et un orbe plus approchant de la forme elliptique autour du centre de gravité O des corps intérieurs P et T, qu’autour du corps le plus intérieure.

(Fig. 122)

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Car les attractions qui portent le corps S vers les corps P et T com-posent son attraction absolue, laquelle est dirigée avec plus de force vers le centre commun de gravité O de ces corps, que vers le plus grand corps T ; ainsi elle approche plus d’être réciproquement propor-tionnelle au carré de la distance SO, qu’au carré de la distance ST.

PROPOSITION LXVIII. — THÉORÈME XXVIII.

Les mêmes lois d’attraction étant posées, le corps extérieur S décrira autour de O, centre de gravité commun des corps intérieurs P et T, des aires qui approcheront plus d’être proportionnelles au temps, et une orbite plus approchante de l’ellipse qui aurait ce même centre dans son foyer, si le corps le plus intérieur et le plus grand est attiré par ces corps de même qu’il les attire, que s’il n’était point attiré et qu’il fût en repos, ou qu’il fût plus ou moins agité en vertu d’une attraction plus ou moins forte.

(Fig. 122)

Cette Proposition pourrait se démontrer à peu près de la même ma-nière que la Proposition 66. mais il faudrait un raisonnement trop long que j’omettrai, il suffira de la traiter de la manière suivante.

Par la démonstration de la Proposition précédente, il est aisé de voir que le centre vers lequel le corps S est attiré par les forces réunies qui agissent sur lui, est près du centre commun de gravité des deux corps P et T. Si ce centre coïncidait avec le centre commun de gravité de ces deux corps, et que le centre commun de gravité des trois corps fût en repos ; le corps S d’une part, et le commun centre de gravité des deux autres corps de l’autre, décriraient autour de ce commun centre de gravité en repos des ellipses exactes, ce qui est clair par le Cor. 2 de la Prop. 58, et par ce qui a été démontré dans les Prop. 64 et 65.

(Fig. 122)

Ce mouvement elliptique est un peu troublé à cause de la distance du centre de ces deux corps au centre vers lequel le troisième corps S est attiré. Si de plus le centre commun de ces trois corps se meut, cette perturbation sera encore plus grande, et par conséquent elle sera la moindre, lorsque le centre commun de gravité de ces trois corps sera en repos ; c’est-à-dire, lorsque le corps le plus grand et le plus inté-

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rieur T sera attiré selon la même loi que les autres ; et elle deviendra toujours de plus grande en plus grande, lorsque le commun centre de gravité de ces trois corps, commencera à se mouvoir par la diminution du mouvement du corps T, et que ce centre sera de plus en plus agité.

Cor. Il est aisé de tirer de là, que si plusieurs petits corps font leurs révolutions autour d’un plus grand, leurs orbites approcheront plus d’être des ellipses, et les aires qu’ils décriront seront plus égales, si tous ces corps s’attirent et agissent mutuellement par des forces accé-lératrices qui soient directement comme leurs forces absolues, et in-versement comme les carrés de leurs distances, et que le foyer d’une orbite quelconque soit placé dans le centre commun de gravité des corps intérieurs, (c’est-à-dire, le foyer de la première orbite intérieure, dans le centre de gravité du grand corps qui est le plus intérieur de tous ; le foyer de la seconde orbite, dans le centre commun de gravité des deux corps les plus intérieurs, et celui de la troisième orbite, dans le centre commun de gravité des trois corps les plus intérieurs ; et ain-si de suite,) que si le corps intérieur était en repos et qu’il fût le foyer commun de toutes ces orbites.

PROPOSITION LXIX. — THÉORÈME XXIX.

Dans un système de plusieurs corps A, B, C, D, etc. si un corps A attire tous les autres B, C, D, etc. par des forces accélératrices qui soient réciproquement comme les carrés des distances au corps attirant ; et qu’un autre B attire aus-si tous les autres A, C, D, etc. par des forces qui soient ré-ciproquement comme les carrés des distances au corps atti-rant : les forces absolues des corps attirants A et B l’un sur l’autre seront dans la même raison que ces corps.

Car à des distances égales les attractions accélératrices de tous les corps B, C, D, vers le corps A sont égales entre elles, par l’hypothèse, et de même, les attractions accélératrices de tous ces corps vers B sont égales entre elles à égales distances. Donc la force attractive absolue du corps A est à la force attractive absolue du corps B, comme l’attraction accélératrice de tous les corps vers A est à l’attraction ac-célératrice de tous les corps vers B à des distances égales ; et l’attraction accélératrice du corps B vers A est dans la même raison à l’attraction accélératrice du corps A vers B. Mais l’attraction accéléra-

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trice du corps B vers A est à l’attraction accélératrice du corps A vers B, comme la masse du corps A à la masse du corps B ; parce que les forces motrices, qui, par les définitions 2, 7 et 8, sont comme les for-ces accélératrices et les corps attirés conjointement, sont ici égales entre elles, par la troisième loi du mouvement. Donc la force attractive absolue du corps A est à la force attractive absolue du corps B, comme la masse du corps A est à la masse du corps B.

Cor. 1. Donc si des corps A, B, C, D, etc. de ce système, chacun, étant considéré à part, attire tous les autres par des forces accélératri-ces qui soient réciproquement comme les carrés des distances au corps attirant ; les forces absolues de tous ces corps seront entre elles com-me ces corps eux-mêmes.

Cor. 2. Et par le même raisonnement on prouvera que si chaque corps A, B, C, D, etc. de ce système, étant considéré à part, attire tous les autres par des forces accélératrices, qui soient directement ou réci-proquement en raison d’une puissance quelconque des distances au corps attirant, ou qu’elles dépendent d’une loi quelconque des distan-ces à l’un des corps attirants ; les forces absolues de tous ces corps, seront comme ces corps.

Cor. 3. Dans un système de corps dont les forces décroissent en raison doublée des distances, s’il arrive que les plus petits tournent autour du plus grand dans des ellipses exactes à très peu de choses près, que leur foyer commun soit à peu près dans le centre de ce plus grand corps, et que ces petits corps décrivent autour du plus grand des aires presque proportionnelles au temps ; les forces absolues de ces corps seront entre elles exactement ou à peu près comme ces corps ; et au contraire. Ce qui est clair par le Corol de la Prop. 68 et le Corol. 1 de cette Proposition.

SCHOLIE.

De ces Propositions on doit passer tout de suite à l’analogie qui est entre les forces centripètes, et les corps centraux vers lesquels ces for-ces sont dirigées. Car il est vraisemblable que les forces qui sont diri-gées vers des corps dépendent de leur nature et de leur quantité, ainsi qu’il arrive dans l’aimant. Dans tous les cas de cette espèce, on trou-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 243 Livre I : Sections VI à XI.

vera les attractions des corps, en assignant des forces à chacune de leurs parties, et en sommant toutes ces forces.

Je me sers ici du mot d’attraction pour exprimer d’une manière générale l’effort que font les corps pour s’approcher les uns des au-tres, soit que cet effort soit l’effet de l’action des corps, qui se cher-chent mutuellement, ou qui s’agitent l’un l’autre par des émanations, soit qu’il soit produit par l’action de l’Ether, de l’air, ou de tel autre milieu qu’on voudra, corporel ou incorporel, qui pousse l’un vers l’autre d’une manière quelconque les corps qui y nagent.

J’emploie le mot d’impulsion dans le même sens général, ne re-cherchant point dans ce Traité l’espèce de ces forces ni leurs qualités physiques, mais leurs quantités et leurs proportions mathématiques, comme je l’ai déjà dit dans les définitions. C’est par les Mathémati-ques qu’on doit chercher les quantités de ces forces et leurs propor-tions qui suivent des conditions quelconques que l’on a posées : ensui-te lorsqu’on descend à la Physique, on doit comparer ces proportions avec les Phénomènes ; afin de connaître quelles sont les lois des for-ces qui appartiennent à chaque genre de corps attirants, c’est alors qu’on peut examiner avec plus de certitude ces forces, leurs causes, et leurs explications physiques. Voyons maintenant quelles sont les for-ces avec lesquelles des corps sphériques, formés de parties qui attirent de la manière qu’on vient de dire, doivent agir l’un sur l’autre, et quels sont les mouvements qui en doivent résulter.

Table des matières

Page 244: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 244 Livre I : Sections VI à XI.

Planche V

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 245 Livre I : Sections VI à XI.

Page 246: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton

Mathématicien, Physicien, Philosophe anglais (1643-1727)

Principes mathématiques de la Philosophie naturelle

(Philosophiae Naturalis Principia Mathematica)

Par feue Madame la Marquise du Chastellet

Paris, 1759

Livre Premier. Du Mouvement des Corps. Sections XII, XIII & XIV.

Un document produit en version numérique par Jean-Marc Simonet, bénévole, Courriel : [email protected]

Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales"

Site web : http://classiques.uqac.ca/

Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi

Site web : http://bibliotheque.uqac.ca/

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 246 Livre premier : sections XII à XIV.

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LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALES.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 247 Livre premier : sections XII à XIV.

Cette édition électronique a été réalisée par Jean-Marc Simonet, ancien pro-fesseur des Universités, bénévole. Courriel : [email protected]

À partir de :

Isaac Newton

Physicien, Mathématicien, Philosophe

anglais

(1643-1727)

Principes mathématiques de la Philosophie naturelle

Par feue Madame la marquise du Chastellet

chez Desaint & Saillant et Lambert, im-primeurs, Paris, 1759,

deux tomes de 437 p. et 379 p.

Polices de caractères utilisées : Pour le texte: Times New Roman, 14 et 12 points. Pour les notes de bas de page : Times New Roman, 10 points. Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2008 pour Macintosh. Mise en page sur papier format : LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’) Édition numérique réalisée le 3 juin 2010 à Chicoutimi, Ville de Saguenay, pro-vince de Québec, Canada

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 248 Livre premier : sections XII à XIV.

Table des matières

Principes mathématiques de la Philosophie Naturelle. Du mouvement des corps. — Livre Premier.

Section I. — De la méthode des premières et dernières raisons employée dans tout cet ouvrage.

Section II. — De la recherche des forces centripètes. Section III. — Du mouvement des corps dans les sections coniques excen-

triques. Section IV. — De la détermination des orbes elliptiques, paraboliques et

hyperboliques, lorsque l’un des foyers est donné. Section V. — De la détermination des orbites lorsqu’aucun des foyers n’est

donné. Section VI. — De la détermination des mouvements dans des orbes donnés. Section VII. — De l’ascension et de la descente rectiligne des corps. Section VIII. — De la détermination des orbes que décrivent des corps sol-

licités par des forces centripètes quelconques. Section IX. — Du mouvement des corps dans des orbes mobiles, et du mou-

vement des apsides. Section X. — Du mouvement des corps dans des superficies données, et des

oscillations des corps suspendus par des fils. Section XI. — Du mouvement des corps qui s’attirent mutuellement par des

forces centripètes. Section XII. — Des forces attractives des corps sphériques. Section XIII. — Des forces attractives des corps qui ne sont pas sphériques. Section XIV. — Du Mouvement des corpuscules attirés par toutes les parties

d’un corps quelconque.

Page 250: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 249 Livre premier : sections XII à XIV.

Du mouvement des corps. — Livre Premier.

Section I. — De la méthode des premières et dernières raisons employée dans tout cet ouvrage.

Section II. — De la recherche des forces centripètes. Section III. — Du mouvement des corps dans les sections coniques excen-

triques. Section IV. — De la détermination des orbes elliptiques, paraboliques et

hyperboliques, lorsque l’un des foyers est donné. Section V. — De la détermination des orbites lorsqu’aucun des foyers n’est

donné. Section VI. — De la détermination des mouvements dans des orbes donnés. Section VII. — De l’ascension et de la descente rectiligne des corps. Section VIII. — De la détermination des orbes que décrivent des corps sol-

licités par des forces centripètes quelconques. Section IX. — Du mouvement des corps dans des orbes mobiles, et du mou-

vement des apsides. Section X. — Du mouvement des corps dans des superficies données, et des

oscillations des corps suspendus par des fils. Section XI. — Du mouvement des corps qui s’attirent mutuellement par des

forces centripètes. Section XII. — Des forces attractives des corps sphériques. Section XIII. — Des forces attractives des corps qui ne sont pas sphériques. Section XIV. — Du Mouvement des corpuscules attirés par toutes les parties

d’un corps quelconque.

Du mouvement des corps. — Livre Second.

Du Système du Monde — Livre Troisième.

Page 251: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 250 Livre premier : sections XII à XIV.

Table des matières

DOUZIÈME SECTION

Des forces attractives des corps sphériques.

PROPOSITION LXX. — THÉORÈME XXX.

Un corpuscule placé dans l’intérieur d’une surface sphéri-que dont toutes les parties attirent en raison renversée du carré des distances n’éprouve aucune attraction de cette superficie.

(Fig. 123)

Soient HIKL la surface sphérique, et P le corpuscule placé au-dedans. En menant par P deux droites quelconques IPL, HPK, qui coupent dans un des cercles de cette sphère deux arcs infiniment petits HI, KL, il est clair (Corol. 3 Lem. VII.) que ces arcs seront propor-tionnels aux droites PH, PL, et que les petites parties de la surface de la sphère, qui seraient terminées de tous les côtés par des lignes telles que HK et IL menées par P, seraient comme les carrés des mêmes droites PH, PL. Au-delà il suit que les attractions de ces petites parties de la surface sphérique sur le corpuscule P sont égales. Car ces attrac-tions doivent être en raison directe de ces particules, et en raison in-verse du carré des distances, et ces deux raisons composées ensemble en font une d’égalité.

Par le même raisonnement on verrait, que les attractions de toutes les parties de la sphère sur le même corpuscule P sont toujours égales aux attractions des parties opposées, et que par conséquent elles se détruisent réciproquement ; c’est-à-dire, que ce corpuscule ne souffre d’aucune attraction de la surface sphérique. — C.Q.F.D.

PROPOSITION LXXI. — THÉORÈME XXXI.

La même loi d’attraction étant posée, un corpuscule, placé au dehors de la surface sphérique, est attiré par cette surfa-

Page 252: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 251 Livre premier : sections XII à XIV.

ce en raison renversée du carré de la distance de ce corpus-cule au centre.

(Fig. 124 & 125)

Soient AHKB, ahkb deux superficies sphériques égales ; S, s leurs centres ; P, p deux corpuscules placés hors de ces sphères, chacun à une distance quelconque du centre. Soient de plus PASB, pasb des droites tirées des corpuscules aux centres S et s ; PHK et PIL, phk et pil d’autres droites tirées par les mêmes corpuscules de telle sorte que les arcs HK et LL, hk et il soient respectivement égaux ; SFD et SE, sfd et se les perpendiculaires abaissées des centres S et s sur les cordes HK et LL, hk et il ; IR et IQ, ir et iq les perpendiculaires abaissées de I sur PK et sur PB, et de i sur pk et sur pb. Enfin soit supposé que les angles DPE, dpe s’évanouissent, ce qui, à cause de l’égalité de DS et de ds, de ES et de es, permet de regarder les lignes PE et PF, pe et pf, DE et df comme égales.

(Fig. 124 &125)

Cela posé, on aura PI : PF = RI : DF et pf : pi = df ou DF : ri, ce qui donnera PI × pf : PF × pi = RI : ri ou (Cor. 3. Lem. VII.) = IH : ih. De plus, PI : PS = IQ : SE et ps : pi = se ou SE : iq et par consé-quent, PI × ps : PS × pi = IQ : iq. De là on tire PI 2 2 × pf × ps : × PF × PS = IQ × HI : ih iq. C’est-à-dire, que la petite surface sphéri-que produite par la révolution de HI autour de PS est à la petite surfa-ce sphérique produite par la révolution de hi autour de ps, comme

pi

PI 2 × pf × ps à × PF × PS. Mais les forces avec lesquelles ces petites surfaces tirent vers elles les corpuscules P et p sont (par hypothèse) comme ces surfaces directement, et comme les carrés des distances PI et pi inversement, donc ces forces font comme pf × ps à PF × PS.

pi 2

En décomposant présentement ces forces, par le Corol. 2. des lois, pour avoir les parties qui en résultent dans le sens des diamètres PS, ps il est clair, que les forces résultantes dans cette direction seront aux forces totales comme PS à PF et comme ps à pf. Donc la force suivan-te PS de la petite surface produite par HI sera à la force suivant ps de

la petite surface produite par hi, comme pf × ps × PFPS

à PF × PS, ×

pfps

, c’est-à-dire, en raison renversée des carrés des distances PS, ps.

Page 253: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 252 Livre premier : sections XII à XIV.

Or on trouverait la même chose pour toutes les autres petites surfaces dont les deux superficies sphériques sont composées. Donc les attrac-tions entières de ces deux superficies sur les corpuscules P et p sont entre elles en raison renversée des carrés des distances de ces corpus-cules aux centres. — C.Q.F.D.

PROPOSITION LXXII. — THÉORÈME XXXII.

Si toutes les parties d’une sphère homogène attirent en rai-son renversée du carré des distances ; et qu’on suppose donnés, tant la densité de cette sphère, que le rapport du rayon de cette sphère à la distance du corpuscule qu’elle at-tire, l’attraction exercée sur ce corpuscule sera proportion-nelle au rayon de la sphère.

Qu’on se représente deux sphères et deux corpuscules placés à des distances de leurs centres respectivement proportionnelles aux rayons de ces sphères. Qu’on imagine ensuite ces deux sphères composées d’une infinité de particules respectivement semblables et semblable-ment posées par rapport aux corpuscules. Il est clair, que les attrac-tions que chacun de ces corpuscules souffrira de la part de toutes les particules de la sphère attirante, seront en raison composée de toutes ces particules directement, et de tous les carrés de leur distance inver-sement. Mais toutes ces particules étant semblables et semblablement placées, elles seront comme les cubes des rayons, et les carrés des dis-tances des corpuscules à chaque particule sont comme les carrés de ces mêmes rayons, donc toutes les attractions de ces particules seront seulement comme les rayons ; donc les attractions de ces deux sphères seront dans cette même raison. — C.Q.F.D.

Cor. 1. Si deux corpuscules, se mouvant autour de deux sphères de même matière attractive, décrivent chacun une orbite circulaire, et que les rayons de ces orbites soient proportionnels aux rayons des sphères attirantes, les temps périodiques seront égaux.

Cor. 2. Et réciproquement, si les temps périodiques sont égaux, les distances des corpuscules seront proportionnelles aux rayons des sphères. Ces deux Corollaires sont évidents par le Cor. 3 de la Prop. 4.

Cor. 3. Deux solides quelconques semblables et homogènes, étant composés de parties qui attirent en raison renversée des carrés des dis-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 253 Livre premier : sections XII à XIV.

tances, exercent sur deux corpuscules, placés semblablement par rap-port à eux, des forces qui sont dans la raison directe de leurs dimen-sions semblables.

PROPOSITION LXXIII. — THÉORÈME XXXIII.

Un corpuscule, placé dans l’intérieur d’une sphère dont les parties attirent en raison renversée du carré des distances, tend vers le centre de cette sphère avec une force propor-tionnelle à la simple distance.

(Fig. 126)

Que ACBD soit la sphère attirante, P le corpuscule placé dans son intérieur, S le centre de cette sphère, et PEQF la sphère décrite du même centre S et du rayon PS. Il est clair, par la Proposition 70, que toutes les surfaces sphériques comprises entre ACBD, et EPFQ n’exercent aucune attraction sur le corpuscule P, et que par consé-quent la seule sphère ultérieure PEQF agit sur ce corpuscule. Mais l’attraction de cette sphère est par la Prop. 72 comme la distance PS. Donc, etc. — C.Q.F.D.

SCHOLIE.

Les superficies que je suppose ici former un solide par leur assem-blage ne sont pas des superficies purement mathématiques, ce sont des orbes dont l’épaisseur est si petite, qu’on peut la regarder comme nul-le, c’est-à-dire, les orbes évanouissantes qui composent une sphère lorsque leur nombre et leur ténuité sont augmentés à l’infini. J’entends de même par les points qui composent les lignes, les superficies, et les solides, des particules de ces quantités dont l’étendue est si petite, qu’on peut les négliger.

PROPOSITION LXXIV. — THÉORÈME XXXIV.

Les mêmes choses que dans les Propositions précédentes étant posées, un corpuscule placé hors d’une sphère, est at-tiré vers le centre de cette sphère par une force récipro-quement proportionnelle au carré de sa distance à ce cen-tre.

Page 255: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 254 Livre premier : sections XII à XIV.

Car si on suppose que cette sphère soit partagée en une infinité de surfaces sphériques qui aient le même centre qu’elle, toutes ces surfa-ces exerceront sur le corpuscule extérieur une attraction qui sera, sui-vant la Prop. 71. dans la raison renversée du carré de la distance du corpuscule au centre. Ajoutant donc toutes ces attractions, la somme totale ou l’attraction de la sphère sera dans la même raison. — C.Q.F.D.

Cor. 1. De là il suit, qu’à des distances égales, les attractions des sphères de même densité seront comme ces sphères. Car, par la Prop. 72 deux sphères exercent à des distances proportionnelles à leurs rayons des forces aussi proportionnelles à ces rayons. Si on diminue ensuite la plus grande de ces deux distances dans la raison qu’ont en-tre eux les rayons des deux sphères, cette distance deviendra par ce moyen égale à l’autre, et l’attraction sera à ce qu’elle était d’abord dans la raison du carré du rayon de la plus grande sphère au carré du rayon de la plus petite. Mais cette attraction était déjà à l’attraction vers l’autre sphère dans la raison simple des mêmes rayons, donc elle sera alors comme les cubes de ces rayons, c’est-à-dire, comme les sphères.

Cor. 2. A des distances quelconques, les attractions seront en rai-son directe des sphères, et inverse des carrés des distances.

Cor. 3. Si un corpuscule est placé hors d’une sphère dont toutes les parties sont supposées avoir des forces attractives, et qu’on ait remar-qué que l’attraction de ce corpuscule vers la sphère entière soit en rai-son inverse du carré des distances au centre, les attractions de toutes les particules de la sphère seront aussi en raison renversée des carrés de leurs distances au corpuscule attiré.

PROPOSITION LXXV. — THÉORÈME XXXV.

Si à tous les points d’une sphère donnée tendent des forces centripètes égales, qui décroissent en raison doublée des distances à ces points, cette sphère exercera sur une autre sphère quelconque composée de parties homogènes entre elles une attraction qui sera en raison renversée du carré des distances de leurs centres.

Page 256: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 255 Livre premier : sections XII à XIV.

Car l’attraction d’une particule quelconque de la sphère attirée est en raison renversée du carré de sa distance au centre de la sphère atti-rante par la Prop. 74 et elle est par conséquent la même qu’elle serait si toute la sphère attirante était réduite à un corpuscule placé dans son centre. Mais l’action de ce corpuscule auquel on suppose réduite la sphère attirante, doit être la même sur la sphère attirée qu’elle serait, si au lieu d’agir sur cette sphère attirée, il éprouvait au contraire vers les parties de cette sphère des forces égales à celles avec lesquelles il les attire ; et la somme des forces avec lesquelles il serait attiré par cette sphère, serait, par la Prop. 74 en raison inverse du carré de la distance au centre. Donc l’attraction du corpuscule, ou, ce qui revient au mê-me, celle de la sphère attirante sur la sphère attirée, est réciproque-ment proportionnelle au carré de la distance des centres de ces sphè-res.

Cor. 1. Les attractions des sphères vers d’autres sphères homogè-nes sont comme les sphères attirantes directement, et comme les car-rés des distances des centres inversement.

Cor. 2. Il en est de même lorsque la sphère attirée attire aussi. Car chaque point de cette sphère attire les points de l’autre avec la même force avec laquelle il en est réciproquement attiré. Si donc dans toute attraction le point attirant éprouve la même action que le point attiré, il en naîtra une action mutuelle double, proportions gardées.

Cor. 3. Tout ce qui a été dit ci-dessus du mouvement des corps dans des sections coniques autour des foyers a lieu, si on place dans ces foyers les centres des sphères attirantes.

Cor. 4. Et tout ce qui concerne le mouvement dans des sections au-tour du centre de ces courbes peut s’appliquer aux mouvements qui se font dans l’intérieur d’une sphère.

PROPOSITION LXXVI. — THÉORÈME XXXVI.

Deux sphères dont toutes les parties agissent en raison ren-versée du carré des distances, étant composées l’une et l’autre d’orbes concentriques dont les densités du centre à la circonférence varient suivant une loi quelconque, s’attirent réciproquement avec des forces qui sont en raison renversée du carré des distances de leurs centres.

Page 257: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 256 Livre premier : sections XII à XIV.

(Fig. 127)

Soient AB, CD, EF, etc. tant de sphères concentriques homogènes qu’on voudra, dont les intérieures étant ajoutées aux extérieures, ou en étant retranchées forment une sphère totale AB composée de couches plus ou moins denses vers le centre qu’à la circonférence. Soient en-suite GH, IK, LM, etc. d’autres sphères homogènes concentriques dont l’addition ou la soustraction forment pareillement une sphère GH hé-térogène du centre à la circonférence. Par la Prop. 75. une quelconque des sphères homogènes AB ou CD, etc. et une quelconque des sphères homogènes GH, IK, etc. s’attireront réciproquement avec une force qui est en raison renversée du carré de SP.

Donc les attractions réciproques des sphères totales hétérogènes AB, GH qui sont produites par les sommes ou par les différences des attractions des sphères homogènes, seront aussi en raison renversée du carré de SP.

Qu’on suppose présentement que le nombre de toutes ces sphères homogènes, dont l’addition ou la soustraction forment les sphères hé-térogènes, soit augmenté jusqu’à l’infini, on pourra donner à ces sphè-res hétérogènes une loi quelconque de densité du centre à la circonfé-rence, et leur attraction réciproque demeurera toujours en raison ren-versée du carré de la distance SP. — C.Q.F.D.

Cor. 1. Si on a plusieurs sphères composées ainsi d’orbes de diffé-rentes densités, l’attraction accélératrice de l’une quelconque de ces sphères vers une autre quelconque, à même distance, sera comme la sphère attirante.

Cor. 2. Et à distance inégale, elle sera comme cette sphère divisée par le carré de la distance.

Cor. 3. Mais l’attraction motrice, à distance égale, sera comme le produit de la sphère attirée par la sphère attirante.

Cor. 4. Et à distance inégale, comme ce produit divisé par le carré de la distance.

Cor. 5. Il en est de même lorsque l’attraction vient de la force at-tractive mutuelle de chaque sphère l’une vers l’autre, car de ces deux attractions il s’en forme une seule égale à leur somme.

Page 258: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 257 Livre premier : sections XII à XIV.

Cor. 6. Lorsque l’on comparera les révolutions que des sphères en-tièrement semblables, formées, suivant la même loi, ainsi d’orbes de différentes densités, font les unes autour des autres, on trouvera que si les distances de celles qui tournent à celles qui sont fixes, sont propor-tionnelles aux rayons de ces sphères fixes, les temps périodiques se-ront égaux.

Cor. 7. Et réciproquement si les temps périodiques sont égaux, les distances seront proportionnelles à ces rayons.

Cor. 8. Tout ce qu’on a démontré ci-dessus du mouvement des corps autour des foyers des sections coniques a lieu, lorsque la sphère attirante, formée ainsi d’orbes de différentes densités, est placée au foyer.

Cor. 9. Et il en est de même lorsque le corps qui décrit la trajectoi-re est aussi une sphère attirante formée d’orbes de différentes densités.

PROPOSITION LXXVII. — THÉORÈME XXXVII.

Si toutes les parties des sphères attirent avec des forces qui soient comme les distances, la force composée par laquelle deux sphères s’attirent mutuellement est comme la distance qui sépare les centres de ces sphères.

(Fig. 128)

Cas 1. Soient AEBF une sphère, S son centre, P un corpuscule qu’elle attire, PASB l’axe de la sphère passant par le centre du corpus-cule, EF, ef deux sections de la sphère faites par des plans qui coupent l’axe perpendiculairement à des distances égales SG, sg du centre ; soit de plus H un point quelconque du plan EF. Il est clair, que la for-ce centripète du point H sur le corpuscule P suivant la ligne PH, sera comme la distance PH ; et que par le Cor. 2 des lois, cette force dé-composée suivant PG, c’est-à-dire, la force vers le centre S, sera comme la droite PG. Donc la force de tous les points du plan EF, c’est-à-dire, la force totale de ce plan, par laquelle le corpuscule P est attiré vers le centre S, est comme la distance PG multipliée par le nombre des points, c’est-à-dire, comme le solide formé par ce même plan EF, et cette droite PG. Par la même raison, la force du plan ef par laquelle le corpuscule P est attiré vers le centre S sera comme ce plan

Page 259: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 258 Livre premier : sections XII à XIV.

multiplié par la distance Pg, ou comme le plan EF égal au plan ef multiplié par cette même distance Pg, d’où il suit que la somme des forces de l’un et de l’autre plan sera comme le plan EF multiplié par la somme des distances PG + Pg, c’est-à-dire, comme ce plan multi-plié par le double de la distance PS qui est entre le centre et le corpus-cule, ou, ce qui revient au même, comme la somme des plans égaux EF + ef multipliée par cette même distance ; et comme il en serait de même des forces de tous les plans qu’on peut imaginer de chaque côté du centre de la sphère, et également distants de ce centre, la somme de toutes ces forces, c’est-à-dire, celle de la sphère entière sur le corpus-cule, sera comme cette sphère multipliée par la distance SP. — C.Q.F.D.

(Fig. 128)

Cas 2. Si on suppose que le corpuscule P attire la sphère AEBF, on prouvera, par le même raisonnement qu’il exercera sur cette sphère une force proportionnelle à la distance PS. — C.Q.F.D.

Cas 3. Qu’on imagine présentement en P une autre sphère compo-sée d’une infinité de corpuscules P. De ce que la force, par laquelle un corpuscule unique est attiré, est en raison composée de la solidité de la première sphère, et de la distance du corpuscule à son centre, et de ce que cette force est par conséquent la même que si elle émanait toute d’un corpuscule unique placé au centre de la première sphère : il suit que la force entière par laquelle sont attirés tous les corpuscules de la seconde sphère, c’est-à-dire, la force par laquelle la seconde sphère entière est attirée, sera la même qu’elle serait, si toute cette sphère était attirée par un corpuscule unique placé au centre de la première sphère : et par conséquent, par le cas 2, cette force sera proportionnel-le à la distance entre les centres des deux sphères. — C.Q.F.D.

Cas 4. Et si on suppose que ces sphères s’attirent mutuellement, leurs forces réunies conserveront la même proportion. — C.Q.F.D.

Page 260: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 259 Livre premier : sections XII à XIV.

(Fig. 129)

Cas 5. Que le corpuscule p soit placé maintenant au-dedans de la sphère AEBF, parce que la force du plan ef sur ce corpuscule est comme le solide formé par ce plan et la distance pg ; et que la force contraire du plan EF est comme le solide formé par ce même plan et la distance pG ; la force composée des deux sera comme la différence de ces solides, c’est-à-dire, comme la somme des plans égaux multi-pliée par la moitié de la différence des distances, c’est-à-dire, comme cette somme multipliée par la distance pS du corpuscule au centre de la sphère. Or, comme il en serait de même de l’attraction de tous les plans EF, ef qu’on peut imaginer dans la sphère entière c’est-à-dire, de l’attraction de toute la sphère, cette attraction doit donc être le pro-duit de la somme de tous ces plans, ou de la sphère totale par la dis-tance pS. — C.Q.F.D.

Cas 6. Et si on s’imagine une nouvelle sphère composée d’un nombre innombrable de corpuscules p, et placée au-dedans de la pre-mière sphère AEBF ; on prouvera, comme ci-dessus, que l’attraction sera comme la distance pS des centres, soit que l’on considère l’attraction seule d’une sphère sur l’autre, soit que l’on considère l’attraction mutuelle des deux sphères l’une sur l’autre. — C.Q.F.D.

PROPOSITION LXXVIII. — THÉORÈME XXXVIII.

Deux sphères, composées chacune d’orbes dont les densités varient du centre à la circonférence suivant une loi quel-conque, étant formées l’une et l’autre d’une matière dont toutes les parties attirent en raison directe des distances, exercent l’une sur l’autre des forces proportionnelles à la distance de leurs centres.

Cette Proposition suit de la précédente de la même manière que la Proposition 76 suit de la Proposition 75.

Cor. Tout ce qui a été démontré ci-dessus dans les Prop. 10 et 64 du mouvement des corps autour des centres des sections coniques a lieu, lorsque les corps attirants et les corps attirés ont les conditions qu’on suppose dans cette Proposition.

Page 261: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 260 Livre premier : sections XII à XIV.

SCHOLIE.

J’ai expliqué les deux principaux cas des attractions, celui où les forces centripètes décroissent en raison doublée des distances, et celui où elles croissent dans la raison simple des distances. Dans l’un et l’autre cas, les révolutions des corps se font dans des sections coni-ques, et les forces centripètes des particules qui composent les corps sphériques croissent ou décroissent en s’éloignant du centre, selon la même loi que la force centripète des corps entiers, ce qui est digne de remarque.

Les autres cas qui donnent des conclusions moins élégantes se-raient trop longs à parcourir chacun en particulier : je vais les donner tous par une méthode générale.

LEMME XXIX.

Si on décrit du centre S un cercle quelconque AEB, et du centre P deux cercles EF, ef, qui coupent, tant le premier en E et en e, que la ligne PS en F et en f, qu’on abaisse de plus ED, ed perpendiculaires sur PS ; je dis, que lorsque la dis-tance des arcs EF, ef diminue à l’infini, la dernière raison de la ligne évanouissante Dd à la ligne évanouissante Ff est la même que celle de la ligne PE à la ligne PS.

(Fig. 130)

Car en prolongeant la droite Ee qui coïncide avec l’arc évanouis-sant Ee jusqu’à ce qu’elle rencontre la droite PS en T ; et abaissant du point S la perpendiculaire SG sur PE, on aura (à cause des triangles semblables DTE, dTe, DES ;) Dd : Ee = DT : TE, ou = DE : ES ; et en supposant que q soit la rencontre de Pe et de l’arc EF, les triangles Eeq, ESG seront semblables par le Lemme 8 et par le Cor. 3 du Lem-me 7 ils donneront Ee : eq ou Ff = ES : SG ; et Dd : Ff = DE : SG, c’est-à-dire, (à cause des triangles semblables PDE, PGS) = PE : PS. — C.Q.F.D.

PROPOSITION LXXIX. — THÉORÈME XXXIX.

Si la superficie EF, fe, dont la largeur est supposée éva-nouissante, tourne autour de l’axe PS, et que chacune des

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 261 Livre premier : sections XII à XIV.

particules du solide produit par cette révolution attire le corpuscule P avec une force égale, la force entière avec la-quelle ce solide attirera le corpuscule P vers S sera en rai-son composée du solide DE2 × Ff, et de la force avec laquel-le une particule donnée et placée dans un lieu Ff attirerait ce même corpuscule

(Fig. 131).

N’examinant d’abord que la force de la superficie sphérique FE, produite par la circonvolution de l’arc FE, on verra, par ce qu’a ensei-gné Archimède dans son Traité de la Sphère et du Cylindre, que la partie annulaire de cette superficie, produite par la révolution du petit arc Er dont l’extrémité r est la rencontre de ed et de EF, doit être pro-portionnelle à Dd, le rayon PE demeurant constant ; et la force de cet-te superficie, exercée suivant les lignes PE, devant être comme cette superficie annulaire, sera aussi comme Dd, ou, ce qui est la même chose, comme le rectangle sous PE et Dd : mais cette même force exercée suivant la ligne PS qui tend au centre S sera moindre dans la raison de PD à PE : donc sa force dans cette direction sera propor-tionnelle à PD × Dd. Et si on suppose que la ligne DF soit divisée en un nombre innombrable de parties égales telles que Dd, et que la su-perficie FE soit divisée en même temps en autant d’anneaux égaux par les plans élevés perpendiculairement du point D, il est clair, que la somme des forces de tous ces anneaux sera comme la somme de tous les PD × Dd, c’est-à-dire, comme 1

2 PF 2 – 12 PD2 , et par conséquent

comme DE 2 .

Connaissant ainsi l’attraction de la superficie FE, celle du solide FEfe sera connue aussi : il ne faudra pour l’avoir que multiplier la première par Ff, c’est-à-dire, que cette attraction deviendra propor-tionnelle à DE 2 × Ff, si la force qu’une particule donnée Ff exerce sur le corpuscule P à la distance PF est donnée. Mais si cette force n’est pas donnée, la force du solide EFfe sera comme le solide ED2 × Ff et cette force qui n’est pas donnée conjointement.

PROPOSITION LXXX. — THÉORÈME XL.

ABE étant une sphère homogène dont le centre est S, et dont toutes les parties attirent suivant une loi quelconque

Page 263: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 262 Livre premier : sections XII à XIV.

des distances, et P un corpuscule placé sur l’axe AB de cet-te sphère, la force avec laquelle ce corpuscule sera attiré par toute la sphère, sera proportionnelle à l’aire ABN d’une courbe ANB dont les ordonnées DN correspondantes aux ordonnées DE du cercle SEB sont prises en raison composée de la force qu’exerce sur P la particule placée en

E, et du solide DE 2 ×PSPE

.

(Fig. 132)

Conservant les constructions du dernier Lemme et du dernier Théorème, concevez l’axe AB de la sphère divisé en un nombre in-nombrable de particules égales Dd, et toute la sphère divisée en autant de petites lames sphériques EFfe ; et par le point n élevez l’ordonnée dn à la courbe ANB, il est clair, par le Théorème précédent, que la for-ce avec laquelle la petite lame EFfe attire le corpuscule P, est en rai-son composée de DE 2 × Ff et de la force qu’une particule exerce à la distance PE. Mais par le dernier Lemme Dd : Ff = PE : PS, ce qui

donne Ff = PS ×DdPE

; et DE 2 × Ff = Dd × DE 2 ×PSPE

. Donc la force

de la petite lame EFfe est en raison composée de Dd × DE ×PSP

2

E et de

la force qu’une particule exerce à la distance PF, c’est-à-dire, PE par la construction de la courbe ANB, comme DN × Dd ou comme l’aire évanouissante DNnd. Donc les forces de toutes les petites lames de même espèce, ou, ce qui revient au même, la force de la sphère entière sur le corpuscule P est comme l’aire totale ANB.

Cor. 1. De là, si la force centripète qui tend à chaque particule est toujours la même quelle que soit la distance, et qu’on suppose DN

proportionnelle à DE 2 ×PSPE

, la force totale par laquelle le corpuscule

P sera attiré par la sphère sera comme l’aire ANB.

Cor 2. Si la force centripète des particules est réciproquement comme la distance DE 2

2 × PS du corpuscule qu’elles attirent, et qu’on

fasse DN proportionnelle à DE ×PSPE 2 , la force par laquelle le corpus-

cule P sera attiré par toute la sphère, sera comme l’aire ANB.

Page 264: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 263 Livre premier : sections XII à XIV.

Cor. 3. Si la force centripète des particules est réciproquement comme le cube de la distance du corpuscule qu’elles attirent, et qu’on

fasse DN proportionnelle à DE 2 ×PSPE 4 , la force par laquelle le corpus-

cule sera attiré par toute la sphère sera comme l’aire ANB.

Cor. 4. Et généralement, si on suppose que la force centripète, qui tend vers chaque particule de la sphère, soit réciproquement comme la

quantité V, et qu’on prenne DN proportionnelle à DE ×PSPE ×V

2

; la force,

par laquelle le corpuscule sera attiré par toute la sphère, sera comme l’aire ANB.

PROPOSITION LXXXI. — PROBLÈME XLI.

Les mêmes choses étant posées, on demande la valeur de l’aire ANB.

(Fig. 133)

Ayant tiré du point P la droite PH qui touche la sphère en H, et ayant abaissé la perpendiculaire HI sur l’axe PAB, on coupera PI en deux parties égales au point L, et on aura PE 2 = PS 2 + SE 2 + 2PS × SD ; mais SE 2 ou SH 2 est égal au rectangle PS × SI à cause des triangles semblables SPH, SHI : donc PE 2 = PS × PS + SI + 2SD , c’est-à-dire, = PS × 2SL ×2SD = PS × 2LD. De plus DE 2 = SE 2

2 –

= SD SE 2 – LS 2+ 2LS × LD – LD2 ou enfin = 2SL × LD – LD2 – AL × LB, à cause que LS 2 – SE 2 ou LS 2 2 – est égal au rectangle AL × LB. Écrivant donc 2SL × LD –

SALD2 – AL × LB au lieu de DE 2

2 ;

la quantité DE ×PSPE ×V

(laquelle, selon le Cor. 4. de la Prop. précéden-

te, est comme la longueur de l’ordonnée DN) se décomposera dans les

trois parties 2SL × LD ×PSPE ×V

– LD2 ×PSPE ×V

– AL × LB ×PSPE ×V

; et si dans

ces trois parties on écrit au lieu de V la quantité qui exprime la force centripète d’une particule en E sur le corpuscule P, et au lieu de PE la moyenne proportionnelle entre PS et 2LD ; on aura les ordonnées d’autant de courbes, dont on connaîtra les aires par les méthodes ordi-naires. — C.Q.F.F.

Page 265: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 264 Livre premier : sections XII à XIV.

Exemple 1. Si la force centripète tendante à chacune des particules de la sphère est réciproquement comme la distance, écrivez PE au lieu de V et ensuite 2PS × LD au lieu de PE 2 et vous aurez DN propor-

tionnelle à SL – 12 LD – AL × LB

2LD.

(Fig. 133) Supposez que DN soit égale au double 2SL – DL – AL × LB

LD de cette quantité : la partie donnée 2SL de cette ordonnée

servant d’ordonnée elle-même, AD servant d’abscisse, donnera pour la première aire le rectangle 2SL × AB ; la seconde partie variable LD servant d’ordonnée pour la même abscisse AD donnera pour la se-

conde aire LB − LA2

2 2

ou SL × AB ; qui étant soustraite de la premiè-

re aire 2SL × AB donnera l’aire SL × AB. La troisième partie AL × LBLD

variable aussi, donnera pour la troisième aire, une aire hyperbolique, laquelle étant soustraite de l’aire SL × AB donnera pour reste l’aire cherchée ANB d’où l’on tire la construction suivante du Problème.

(Fig. 134)

Aux points L, A, B élevez les perpendiculaires Ll, Aa, Bb, desquel-les Aa = LB et Bb = LA. Décrivez ensuite par les points ab l’hyperbole ab dont les asymptotes soient Ll, LB, et la corde ba ren-fermera l’aire aba égale à l’aire cherchée ANB.

Exemple 2. Si la force centripète qui tend à chaque particule de la sphère, est réciproquement comme le cube de la distance, ou ce qui revient au même, comme le cube divisé par un plan quelconque don-

né ; écrivez alors PE2

3

AS 2 au lieu de V, et 2PS × LD au lieu de PE 2 ;

vous aurez par ce moyen DN proportionnelle à SL × ASP

2

S × LD – AS

2P

2

S –

AL × LB × AS2PS

2

× LD2 , c’est-à-dire, (à cause que ⋅ ⋅⋅ ⋅

PS, AS, SI) proportion-

nelle à SL × SILD

– 12 SI AL × LB × SI

2LD2 . Faisant servir de même ces trois

parties d’ordonnées pendant que AD sert d’abscisse, la première

Page 266: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 265 Livre premier : sections XII à XIV.

LS × SILD

donnera l’aire d’une hyperbole ; la seconde 12 SI donnera

l’aire 12 AB × SI ; et la troisième AL × LB × SI

2LD2 donnera l’aire

AL × LB × SI2LA

– AL × LB × SI2LB

, c’est-à-dire, 12 AB × SI ; soustrayant de

la première la somme de la seconde et de la troisième, il restera l’aire cherchée ANB, ce qui fournit cette construction.

(Fig. 135)

Elevez aux points L, A, S, B les perpendiculaires Ll, Aa, Ss, Bb, desquelles Ss soit égale à SI ; et décrivez par le point s l’hyperbole asb dont les asymptotes soient Ll, BL. Cette hyperbole coupera les lignes Aa, Bb aux points a et b, etc. donnera par ce moyen l’aire AasbB, de laquelle retranchant le rectangle 2AS × SL, on aura l’aire cherchée ANB.

(Fig. 133)

Exemple 3. Si la force centripète qui tend à chaque particule de la sphère décroît en raison quadruplée de la distance à ces particules,

écrivez PE2

4

AS 3 au lieu de V, et ensuite 2PS × LD au lieu de PE, par

ce moyen DN deviendra proportionnelle à SI × SL2S

2

I × I

LD3–

SI × SL2 2S

2

I × I

LD – SI 2 × AL × LB

2 2SI × I

LD5, dont les trois parties,

servant toujours d’ordonnées tandis que AD sert d’abscisse, donneront

les trois aires 2SI 2 × SL2SI

×ILA

– ILB

; SI2S

2

I × LB – LA ; et

SI × AL × LB2 2S

2

I × I

LA× LA – I

LB× LB qui se réduisent aux trois

quantités 2SI × SL2

LI ; SI 2 et SI 2 ×

2SI3

3

LI, de la première desquelles

retranchant la somme des deux autres, il reste 4SI3

3

LI, d’où l’on ap-

prend que la force avec laquelle P est attiré par la sphère entière est

Page 267: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 266 Livre premier : sections XII à XIV.

proportionnelle à SIP

3

I, ou, ce qui revient au même, que cette force est

en raison renversée de PS 3 ×PI . — C.Q.F.T.

Par la même méthode on pourrait déterminer l’attraction d’un cor-puscule placé au-dedans d’une sphère, mais on aura plus facilement cette attraction par le Théorème suivant.

PROPOSITION LXXXII. — THÉORÈME XLI.

(Fig. 136)

Dans une sphère dont le centre est S et le rayon SA, si on prend SI, SA, SP continuellement proportionnelles, l’attraction d’un corpuscule placé dans un lieu quelconque I au dedans de cette sphère sera à l’attraction d’un autre corpuscule placé hors de la sphère, dans le lieu P, en raison composée de la raison sousdoublée des distances IS, PS, du centre, et de la raison sousdoublée des forces avec lesquel-les ces mêmes corpuscules P et I seraient attirés par une seule particule placée au centre de la sphère.

Si, par exemple, les forces centripètes des particules de la sphère sont réciproquement comme les distances du corpuscule qu’elle atti-re ; la force par laquelle un corpuscule placé en I est attiré par toute la sphère, sera à la force par laquelle il serait attiré s’il était placé en P en raison composée de la raison sous doublée de la distance SI à la dis-tance SP, et de la raison sousdoublée inverse des distances SI, SP ; or comme ces deux raisons sousdoublées composent une raison d’égalité, les attractions exercées par la sphère entière en I et en P sont égales.

Si les forces des particules de la sphère sont réciproquement en rai-son doublée des distances, on trouvera par le même calcul que l’attraction en I est à l’attraction en P, comme la distance SP au demi-diamètre SA de la sphère.

Si les forces sont réciproquement en raison triplée des distances, les attractions en I et en P seront l’une à l’autre comme SP 2 2 à . SA

Si elles sont en raison quadruplée, les attractions seront comme SP 3 3 à . Ainsi comme l’attraction en P dans ce dernier cas a été SA

Page 268: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 267 Livre premier : sections XII à XIV.

trouvée réciproquement comme PS 3

3 3

2

× PI, l’attraction en I sera réci-proquement comme × PI, c’est-à-dire, (à cause que est don-née) réciproquement comme PI, il en serait de même des autres cas. Ce Théorème se démontre ainsi.

SA SA

(Fig. 136)

De la même manière qu’on a vu dans la solution du Problème pré-cédent que lorsque le corpuscule placé en P donnait l’ordonnée DN

proportionnelle à la quantité DE ×PSPE ×V

, on verra en faisant le même

usage de I que l’on a fait de P que cette ordonnée DN doit être dans ce

cas proportionnelle à DE 2 × ISIE ×V

, supposant donc que les forces centri-

pètes, qui émanent d’un point quelconque E de la sphère, soient l’une à l’autre dans les distances IE, PE comme PE n à IE n

2

, on trouvera que l’ordonnée DN que donnerait la supposition du corpuscule en P est à celle que donnerait la supposition du corpuscule en I dans le rap-

port des quantités DE ×PSPE ×PE n et DE 2 × IS

IE × IE n , c’est-à-dire, dans le rap-

port de PS × IE × IE n , à IS × PE × PE n . Or, parce que les lignes SI, SE, SP sont en proportion continue, les triangles SPE, SIE sont sem-blables et donnent IE : PE = IS : SE ou SA. Ecrivant donc dans le rap-port précédent des deux valeurs de DN la raison de IS à SA au lieu de celle de IE à PE, on aura le rapport de PS × IE n à SA × PE n . Mais la raison de PS à SA est la raison sousdoublée des distances PS, SI, et la raison de IE n à PE n (à cause de la proportion IE : PE = IS : SA) est la raison sousdoublée des forces aux distances PS, IS. Donc les va-leurs de DN dans les deux cas, et par conséquent les aires des courbes auxquelles elles appartiennent, ou, ce qui revient au même, les attrac-tions des corpuscules en P et en I, sont en raison composée de ces rai-sons sousdoublées. — C.Q.F.D.

PROPOSITION LXXXIII. — PROBLÈME XLII.

Trouver la force par laquelle un corpuscule placé dans le centre d’une sphère est attiré vers un segment quelconque de cette sphère.

(Fig. 137)

Page 269: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 268 Livre premier : sections XII à XIV.

Soit P le corpuscule placé au centre de la sphère, et RBSD le seg-ment qui l’attire. Soit de plus EFG une des surfaces sphériques quel-conques décrites du centre P et du rayon PF, desquelles on peut sup-poser que le segment proposé est composé, en ne regardant pas ces surfaces comme purement mathématiques, mais comme ayant une épaisseur infiniment petite.

Nommant O cette petite épaisseur, il est clair, par ce qu’a démontré Archimède, que la surface ou orbe sphérique EFG sera proportionnel-le à PE × DE × O, et par ce qui a été démontré dans la Proposition 79, si on suppose que les forces attractives des particules de la sphère, soient en raison renversée des puissances n des distances, l’attraction

de cette orbe sera comme DE 2 ×OPF n , c est-à-dire, comme 2DE ×O

PF n−2 –

DE ×OPF n

2

. Prenant donc l’ordonnée FM proportionnelle à cette quanti-

té, l’aire DB, de la courbe qu’on décrira par ce moyen, exprimera l’attraction cherchée du corpuscule P vers le segment proposé RBSD. — C.Q.F.T.

PROPOSITION LXXXIV. — THÉORÈME XLIII.

Trouver la force par laquelle un corpuscule placé hors du centre de la sphère et sur l’axe d’un segment quelconque, est attiré par ce même segment.

(Fig. 138)

Que le corps P soit attiré par le segment EBK dans l’axe ADB du-quel il est placé. En décrivant du centre P et de l’intervalle PE la su-perficie sphérique EFK laquelle partage le segment proposé en deux parties EBKFE, EFKDE ; on n’aura qu’à chercher la force de la pre-mière partie par la Proposition 81, et la force de la dernière par la Prop. 83 ; et la somme de ces forces sera la force totale du segment EBKDE. — C.Q.F.T.

SCHOLIE.

Après avoir expliqué les attractions des corps sphériques, je de-vrais naturellement entrer dans le même détail sur les lois d’attraction

Page 270: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 269 Livre premier : sections XII à XIV.

des autres corps ; mais il n’est pas nécessaire à mon dessein de les ex-pliquer toutes en particulier : je me contenterai de donner quelques-unes des Propositions les plus générales sur les forces de tous ces corps en général, et sur les mouvements qui doivent en naître, parce que ces Propositions peuvent être de quelque usage dans la Physique.

Table des matières

Page 271: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 270 Livre premier : sections XII à XIV.

Planche VI

Page 272: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 271 Livre premier : sections XII à XIV.

Table des matières

TREIZIÈME SECTION

Des forces attractives des corps qui ne sont pas sphériques.

PROPOSITION LXXXV. — THÉORÈME XLII.

Si l’attraction du corps attiré est beaucoup plus forte lors-qu’il est contigu au corps attirant, que lorsqu’il n’en est sé-paré que d’un très petit intervalle : les forces des particules du corps attirant décroîtront dans une raison plus que dou-blée des distances à ces particules.

Les forces décroissant en raison doublée des distances, l’attraction vers une sphère, est par la Prop. 74 réciproquement comme le carré de la distance du corps attiré au centre de la sphère, et par conséquent elle augmentera à peine sensiblement dans le contact ; donc l’augmentation serait encore moins remarquable si la force décroissait dans une moindre raison. La Proposition à démontrer est donc claire quant aux sphères attractives : elle a lieu aussi dans les orbes sphéri-ques concaves qui attirent des corps placés au dehors ; et elle est enco-re plus évidente pour les corps placés dans l’intérieur des orbes sphé-riques qui les attirent, puisque les attractions exercées par les concavi-tés des orbes sont détruites par des attractions contraires par la Prop. 70 et que par conséquent elles sont nulles dans le contact.

Si on suppose présentement que de ces sphères ou de ces orbes sphériques on ôte des parties quelconques éloignées du lieu du contact et qu’on leur ajoute de nouvelles parties dans d’autres endroits, on pourra changer à volonté la forme de ces corps sans que ces parties ajoutées ou retranchées, lesquelles sont éloignées du lieu du contact, augmentent sensiblement l’attraction de ces corps dans le contact. Donc la Proposition en question est vraie pour tous les corps, quelle que soit leur forme. — C.Q.F.D.

Page 273: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 272 Livre premier : sections XII à XIV.

PROPOSITION LXXXVI. — THÉORÈME XLIII. Si les forces des particules qui composent un corps attirant décroissent en raison triplée ou plus que triplée des distan-ces, l’attraction sera beaucoup plus forte dans le contact, que lorsque le corps attirant et le corps attiré ne seront sé-parés que d’un très petit intervalle.

On a vu dans la solution du Problème 41 donnée dans les Exem-ples 2 et 3, que dans cette loi d’attraction lorsque le corpuscule attiré approche de la sphère qui l’attire, l’attraction augmente à l’infini. On conclura facilement la même chose (par ces exemples et par le Théo-rème 41) des attractions des corps vers des orbes concaves convexes, soit que les corps attirés soient placés hors de ces orbes, soit qu’ils soient dans leur concavité. Or en ajoutant ou en ôtant à ces sphères et à ces orbes de la matière quelconque attractive placée où l’on voudra, pourvu que ce ne soit pas dans le lieu du contact, les corps attirants pourront avoir la forme qu’on voudra, et la proposition sera prouvée en général. — C.Q.F.D.

PROPOSITION LXXXVII. — THÉORÈME XLIV.

Si deux corps semblables entre eux, et formés d’une matière également attractive, attirent séparément des corpuscules qui leur soient proportionnels, et qui soient posés de même par rapport à eux, les attractions accélératrices des corpus-cules vers les corps entiers seront comme leurs attractions accélératrices vers les particules de ces corps situées sem-blablement, et prises proportionnelles aux touts.

Car si ces corps sont divisés dans des particules qui soient propor-tionnelles aux corps entiers, et posées de même dans ces corps, les attractions vers chacune des particules du premier corps seront aux attractions vers chacune des particules correspondantes de l’autre corps, comme l’attraction vers une particule quelconque du premier corps est à l’attraction vers une particule correspondante de l’autre corps ; et par conséquent l’attraction vers le premier corps entier, sera à l’attraction vers tout le second dans cette même raison. — C.Q.F.D.

Cor. 1. Donc si les forces attractives des particules décroissent en raison d’une puissance quelconque des distances, les attractions accé-

Page 274: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 273 Livre premier : sections XII à XIV.

lératrices vers les corps entiers seront en raison renversée de ces puis-sances des distances, et en raison directe des masses attirantes.

p160 Si, par exemple, les forces des particules décroissent en rai-son doublée des distances aux corpuscules attirés, que les corps atti-rants soient comme A3 et B3

3

et que par conséquent tant les racines cubes de ces corps, que leurs distances aux corpuscules attirés soient comme A et B, les attractions accélératrices vers les corps attirants se-

ront comme AA2 et B3

B2 , c’est-à-dire, comme les racines cubes A et B

de ces corps.

Si les forces des particules décroissent en raison triplée des distan-ces aux corpuscules attirés, les attractions accélératrices vers les corps

entiers seront comme A3

A3 et BB3

3

, c’est-à-dire égales.

Si les forces décroissent en raison quadruplée, les attractions vers

les corps seront comme A3

A4 et B3

B4 , c’est-à-dire, réciproquement

comme les racines cubes A et B ; et ainsi des autres.

Cor. 2. Et réciproquement, en connaissant les forces par lesquelles des corps semblables attirent des corpuscules semblablement placés, on pourra en conclure la loi des distances suivant laquelle agissent les particules attirantes, pourvu que cette loi dépende de quelque raison directe ou inverse des distances.

PROPOSITION LXXXVIII. — THÉORÈME XLV.

Si les forces attractives des particules égales d’un corps quelconque, sont comme les distances, la force qu’exercera le corps entier, tendra à son centre de gravité : et elle sera la même que celle d’un globe de même masse qui aurait son centre placé dans le centre de gravité de ce corps.

Page 275: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 274 Livre premier : sections XII à XIV.

(Fig. 139)

Que les particules A, B du corps RSTV attirent un corpuscule Z avec des forces qui soient comme les distances AZ, BZ, si ces particu-les sont égales entre elles ; et qui soient en raison composée de ces particules et de leurs distances AZ, BZ, si ces particules sont suppo-sées inégales : que ces particules A et B soient jointes par la droite AB divisée en G, de sorte que AG soit à BG comme la particule B à la par-ticule A, G sera le commun centre de gravité de ces particules. La for-ce A × AZ de la particule A se décomposera, (par le Cor. 2. des lois) dans les forces A × GZ et A × AG, et la force B × BZ de la particule B se décomposera de même dans les forces B × GZ et B × GB. Mais les forces A × AG et B × BG, sont égales, à cause que BG : AG = A : B ; donc puisqu’elles tendent vers des côtés opposés, elles se détruisent mutuellement. Il reste donc les forces A × GZ et B × GZ lesquelles tendent de Z vers le centre G, et composent la force A + B ×GZ ; c’est-à-dire, la même force que si les particules p161 attractives A et B étaient placées dans leur commun centre de gravité G, et qu’elles y composassent un globe.

Par le même raisonnement, si on ajoute une troisième particule C, et que sa force se compose avec la force A + B ×GZ qui tend au cen-tre G, la force qui en résultera tendra au commun centre de gravité de ce globe, lequel globe est supposé en G, et de la particule C, c’est-à-dire, au commun centre de gravité des trois particules A, B, C ; et elle sera la même que si ces trois particules ne faisaient qu’un seul globe placé dans leur commun centre de gravité, et ainsi des autres à l’infini. La force totale de toutes les particules d’un corps quelconque RSTV, est donc la même qu’elle serait, si ce corps, en conservant le même centre de gravité, devenait un globe. — C.Q.F.D.

Cor. De là, le mouvement du corps attiré Z, sera le même que si le corps attirant RSTV était sphérique, et par conséquent si ce corps atti-rant est en repos, où qu’il se meuve uniformément en ligne droite, le corps attiré décrira une ellipse dont le centre sera le centre de gravité du corps attirant.

Page 276: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 275 Livre premier : sections XII à XIV.

PROPOSITION LXXXIX. — THÉORÈME XLVI. Si on a plusieurs corps formés de particules égales, et dont les forces soient comme les distances : la force composée des forces de tous ces corps, et par laquelle, ils attireront un corpuscule quelconque, tendra au commun centre de gravité des corps attirants ; de plus cette force sera la mê-me quelle serait, si ces corps attirants en conservant leur commun centre de gravité, s’unissaient ensemble, et for-maient un globe.

Cette Proposition se démontre de la même manière que la Proposi-tion précédente.

Cor. Le mouvement du corps attiré sera donc le même, que si les corps attirants, en conservant leur commun centre de gravité, s’unissaient ensemble, et qu’il s’en formât un globe. Donc si le com-mun centre de gravité des corps attirants est en repos, ou se meut uni-formément en ligne droite, le corps attiré décrira une ellipse autour de ce centre.

PROPOSITION XC. — PROBLÈME XLIV.

Supposant qu’à chaque point d’un cercle quelconque, ten-dent des forces centripètes égales, et qui croissent ou dé-croissent dans une raison quelconque des distances, on de-mande la force par laquelle est attiré un corpuscule placé à volonté dans la ligne droite élevée sur le centre de ce cercle perpendiculairement à son plan.

(Fig. 140)

Du centre A et d’un intervalle quelconque AD soit décrit un cercle dans le plan auquel la droite AP est perpendiculaire : pour trouver la force par laquelle un corpuscule quelconque P est attiré vers ce cercle, on tirera d’un point quelconque E de ce cercle une ligne PE au cor-puscule attiré P, on prendra ensuite sur la droite PA, PF = PE, et on tirera la perpendiculaire FK qui soit comme la force avec laquelle le point E attire le corpuscule P. On tracera la courbe IKL, lieu de tous les points K, et qui rencontre le plan du cercle en L, enfin on prendra sur PA, PH = PD, et on élèvera la perpendiculaire HI qui rencontrera la courbe, dont on vient de parler, en I ; alors l’attraction du corpuscu-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 276 Livre premier : sections XII à XIV.

le P vers le cercle sera comme l’aire AHIL multipliée par la hauteur AP. — C.Q.F.T.

Car si on prend sur AE la ligne infiniment petite Ee, qu’on tire Pe, et que sur PE et PA on prenne PC et Pf égales à Pe, la force avec la-quelle un point quelconque E de l’anneau décrit du centre A et de l’intervalle AE, attire vers lui le corpuscule P étant supposée propor-tionnelle à FK, on trouvera que la force avec laquelle ce point attire le

corps P vers A, est proportionnelle à AP ×FKPE

, et que la force avec

laquelle tout l’anneau attire le corps P vers A, est comme l’anneau, et AP ×FK

PE conjointement ; mais cet anneau est comme le rectangle

formé par le rayon AE et la largeur Ee, et ce rectangle, (à cause des proportionnelles PE et AE, Ee et CE) est égal au rectangle PE × CE ou PE × Ff ; donc la force avec laquelle cet anneau attire le corps P

vers A, sera comme PF × Ff et AP ×FKPE

conjointement, c’est-a-dire,

comme le produit Ff × FK × AP, ou comme l’aire FKkf multipliée par AP. Et par conséquent la somme des forces avec lesquelles tous les anneaux contenus dans le cercle entier dont le rayon est AD attirent le corps P vers A, est comme l’aire totale AHIKL multipliée par AP. — C.Q.F.D.

(Fig. 140)

Cor. 1. Si les forces décroissent en raison doublée des distances,

c’est-à-dire, si FK est proportionnelle à 1PF 2 , et que par conséquent

l’aire AHIKL soit comme 1PA

−1

PH ; l’attraction du corpuscule P vers

le cercle sera comme 1− PAPH

; c’est-à-dire, comme AHPH

.

Cor. 2. Et généralement, si les forces aux distances D sont récipro-quement comme une puissance quelconque des distances, c’est-à-

dire, si FK est proportionnelle à

Dn

1Dn , et que par conséquent l’aire

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 277 Livre premier : sections XII à XIV.

AHIKL soit comme 1PAn−1 −

1PH n−1 ; l’attraction du corpuscule P vers

le cercle sera comme 1PAn−2 = PA

PH n−1 .

Cor. 3. Si le diamètre du cercle est augmenté à l’infini, et que le nombre n soit plus grand que l’unité, l’attraction du corpuscule P vers le plan total infini, sera réciproquement comme , à cause que

l’autre terme

PAn−2

PAPH n−1 s’évanouira.

PROPOSITION XCI — PROBLÈME XLV.

Trouver l’attraction qu’un conoïde quelconque exerce sur un corpuscule placé dans l’axe de révolution, en supposant que les forces attractives des particules de ce solide dé-croissent dans une raison quelconque des distances.

(Fig. 141)

P étant le corpuscule donné et placé sur l’axe AB du conoïde DECG, et RFS le cercle qui est la tranche de ce conoïde par un plan quelconque perpendiculaire à l’axe soit prise, (par la Prop. 90) la ligne FK proportionnelle à la force par laquelle le corpuscule P est attiré vers ce cercle, et soit tracée la courbe LKI lieu de tous les points K trouvés de la même manière ; l’aire LABI exprimera l’attraction de-mandée du corpuscule P vers le solide DECG. — C.Q.F.T.

(Fig. 142)

Cor. 1. Si ce solide est un cylindre décrit par la révolution du rec-tangle ADEB autour de l’axe AB ; et que les forces centripètes qui tendent à chacun de ces points soient réciproquement comme les car-rés des distances, l’attraction du corpuscule P vers ce cylindre sera comme AB – PE + PD. Car l’ordonnée FK, par le Corol. 1. de la Prop.

90. sera proportionnelle à 1− PFPR

. Or la partie 1. de cette ordonnée

donnera le rectangle 1 × AB pour la première partie de l’aire LABI, et

la seconde PFRP

, étant supposée appliquée continuellement à l’abscisse

AF, donnera une courbe dont les aires qui répondent à AP et à PB se-ront 1 × PD − ADet 1 × PE − AD et dont par conséquent l’aire répon-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 278 Livre premier : sections XII à XIV.

dant à AB sera 1 × PE − PD ; retranchant donc de 1 × AB l’espace 1 × PE − PD , on aura 1 × AB − PE + PD pour exprimer l’aire LABI de l’attraction du cylindre DGCE.

(Fig. 143)

Cor. 2. Il est aisé de connaître, par cette Proposition, la force avec laquelle le sphéroïde AGBC attire un corps quelconque P placé au de-hors sur son axe AB. NKRM étant une section conique dont l’ordonnée ER perpendiculaire sur PE est toujours égale à la ligne PD menée de P au point D dans lequel l’ordonnée coupe le sphéroïde. Soient éle-vées des sommets A, B du sphéroïde les perpendiculaires AK, BM à son axe AB, lesquelles soient respectivement égales à AP et BP, et rencontrent par conséquent la section conique en K et en M ; et soit tiré KM qui retranche de cette section le segment KMRK. Si le plus grand demi-diamètre du sphéroïde est SC, et que son centre soit S, la force avec laquelle le sphéroïde entier attire le corpuscule P sera à la force avec laquelle la sphère décrite sur le diamètre AB attire ce même

corpuscule, comme AS ×CS 2PS ×KMRKPS 2 + CS 2 − AS 2 à AS 3

3PS 2 , et on aurait de la

même manière l’attraction d’un segment quelconque de ce sphéroïde.

Cor. 3. On peut tirer encore de la même Proposition que si le cor-puscule est placé au-dedans du sphéroïde, sur son axe, l’attraction sera comme sa distance au centre. Mais on peut s’en assurer plus facile-ment de la manière suivante, soit que le corpuscule soit placé sur l’axe, soit qu’il le soit sur un autre diamètre quelconque donné.

(Fig. 144)

Que AGOF soit le sphéroïde attirant ; S son centre ; P le corps atti-ré ; SPA un demi diamètre passant par P ; DE, FG deux droites quel-conques qui traversent le sphéroïde, et passent par P ; PCM, HLN les superficies de deux sphéroïdes intérieurs concentriques et semblables à l’extérieur, dont le premier passe par le corps P, et coupe les droites DE et FG en B et C, et dont le dernier coupe les mêmes droites en H, I et K, L.

(Fig. 144)

Supposant que tous ces sphéroïdes aient un axe commun, les par-ties des droites DP et BE, FP et CG, DH et IE, FK et LG coupées de part et d’autre du point P, seront respectivement égales, puisque les

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 279 Livre premier : sections XII à XIV.

droites DE, PB et HI sont coupées en deux également au même point, ainsi que les droites FG, PC et KL. Or si on imagine à présent que DPF, EPG représentent deux cônes opposés donc les angles généra-teurs DPF, EPG soient infiniment petits, et que les lignes DH, EI soient aussi infiniment petites, on verra que les particules DHKF, GLIE des cônes, coupées par les superficies des sphéroïdes, seront entre elles, à cause de l’égalité des lignes DH, EI, comme les carrés de leurs distances au corpuscule P, et par conséquent elles attireront éga-lement ce corpuscule. Par la même raison, si on divise les espaces DPF, EGCB en une infinité de particules par une infinité de superfi-cies sphéroïdales semblables et concentriques qui aient le même axe, toutes ces particules attireront également le corps P de part et d’autre en sens contraire.

Les forces du cône DPF et du cône tronqué EGCB étant ainsi éga-les et contraires, elles se détruisent mutuellement, et il en est de même des forces de toute la matière placée hors du sphéroïde intérieur PCBM. Le corps P est donc attiré par ce seul sphéroïde intérieur PCBM, et par conséquent, par le Cor. 3. de la Prop. 72. Son attraction est à la force par laquelle le corps A est attiré par le sphéroïde entier AGOD comme la distance PS est à la distance AS. — C.Q.F.D.

PROPOSITION XCII — PROBLÈME XLVI.

Une matière attractive étant donnée, trouver la loi suivant laquelle ses parties attirent.

On fera de cette matière une sphère, un cylindre, ou un autre corps régulier dont la loi d’attraction puisse être déterminée par les Proposi-tions 80, 81, et 91. Ensuite on fera des expériences pour déterminer la loi suivant laquelle ce corps attirera un corpuscule placé à différentes distances ; et de la loi que suivra l’attraction du total, on tirera celles que doivent suivre toutes ses parties. — C.Q.F.T.

PROPOSITION XCIII — THÉORÈME XLVII.

Si un solide terminé d’un côté par un plan, et infini de tous les autres cotés, est formé de particules égales et également attractives, dont les forces décroissent en raison d’une puis-sance quelconque plus que doublée des distances, un cor-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 280 Livre premier : sections XII à XIV.

puscule placé de l’un ou de l’autre coté du plan, sera attiré par ce solide entier avec une force qui décroîtra dans la raison d’une puissance de la distance du corpuscule au plan, dont l’exposant sera moindre de trois unités que celui de la puissance des distances suivant laquelle se fait l’attraction des particules.

(Fig. 145)

Cas 1. Le plan LGl terminant le solide lequel s’étend à l’infini du côté de I, et est supposé partagé en un nombre innombrable de plans mHM, nIN, oKO, etc. parallèles à LG, soit placé premièrement le corps attiré dans un point C hors du solide, et soit abaissée sur LGl la perpendiculaire CGHI, et soit pris n, qu’on ne suppose pas moindre que 3, pour exprimer la puissance des distances suivant laquelle dé-croissent les forces attractives des particules de ce solide. Cela posé, la force avec laquelle un plan quelconque mHM attire le point C, sera, par le Cor. 3. de la Prop. 90. réciproquement comme CH n−2 , de sorte qu’en prenant sur mHM, lGL, nLN, oKO les droites GL, HM, IN, KO,

etc. respectivement proportionnelles aux quantités 1CGn−2 , 1

CH n−2 ,

1CI n−2 , 1

CK n−2 , etc. Ces droites expriment les forces de ces plans ;

d’où il suit, que la somme de ces forces, ou, ce qui revient au même, la force du solide entier sera proportionnelle à l’aire GLOK supposée étendue jusqu’à l’infini du côté de OK ; mais cette aire, par les métho-des connues des quadratures, est réciproquement comme CGn−3. Donc la force de tout le solide est réciproquement comme CGn−3. — C.Q.F.D.

(Fig. 146)

Cas 2. Le corpuscule C étant supposé présentement placé au-dedans du solide, soit prise la distance CK égale à la distance CG, il est clair que la partie LGloKO du solide, terminée par les plans paral-lèles lGL, oKO, n’attirera vers aucun côté le corpuscule C placé an milieu, les actions contraires dirigées vers des points opposés se dé-truisant mutuellement à cause de leur égalité. Ainsi le corpuscule C n’est attiré que par la force des parties du solide qui sont au-delà du plan OK ; et cette force par le premier cas est réciproquement comme CK n−3. — C.Q.F.D.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 281 Livre premier : sections XII à XIV.

Cor. 1. Si le solide LGIN est terminé des deux côtés par les deux plans parallèles infinis LG, IN, on connaîtra sa force attractive, en soustrayant de la force attractive du solide entier LGKO la force at-tractive de sa partie ultérieure NIKO étendue infiniment vers KO.

(Fig. 146)

Cor. 2. Si l’attraction de la partie ultérieure de ce solide infini est très petite, en comparaison de l’attraction de sa partie citérieure, on peut la négliger : et l’attraction de la partie citérieure décroîtra à peu près comme la puissance n – 3 de la distance.

Cor. 3. De là, si un corps quelconque fini et plan d’un côté attire un corpuscule placé vers le milieu de ce plan, et à une distance de ce plan, qui soit très petite par rapport aux dimensions du corps attirant qu’on suppose composé de particules homogènes dont les forces at-tractives décroissent en raison d’une puissance quelconque plus que quadruplée des distances, la force attractive de tout le corps attirant décroîtra à peu près dans la raison d’une puissance de la distance dont l’Exposant sera moindre de trois unités que celui de la puissance sui-vant laquelle agissent les particules. Cette Proposition n’a pas lieu lorsqu’il s’agit de corps composés de particules dont les forces attrac-tives décroissent en raison de la puissance triplée des distances, parce que dans ce cas l’attraction de cette partie ultérieure du corps infini dont on a parlé dans le Cor. 2 est toujours infiniment plus forte que l’attraction de la partie citérieure.

SCHOLIE.

Si un corps jeté suivant une direction et avec une vitesse quel-conque, est attiré perpendiculairement vers un plan donné par une for-ce dont la loi est donnée, on trouvera la courbe qu’il décrira en cher-chant, par la Prop. 39. le mouvement du corps qui descend en ligne droite vers ce plan, et en composant, par le Cor. 2 des Lois, ce mou-vement avec le mouvement uniforme dirigé dans des lignes parallèles à ce même plan. Et au contraire, si on cherche la loi de l’attraction di-rigée perpendiculairement vers le plan, par cette condition, que le corps attiré se meuve dans une ligne courbe quelconque donnée, on résoudra le Problème en opérant comme dans le Problème 3.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 282 Livre premier : sections XII à XIV.

Mais la solution de ce dernier Problème peut être plus courte en employant ainsi les suites.

Supposons, par exemple, qu’un corps décrive une courbe dont les ordonnées, faisant avec le plan attirant un angle constant, soient com-

me les puissances mn

des abscisses A prises sur ce plan. Pour trouver

la force attractive de ce plan en vertu de laquelle cette courbe est dé-crite, on supposera que l’abscisse A augmente d’une très petite partie O, et on transformera l’ordonnée A+O

mn en une suite infinie

Amn +

mn

OAm−n

n + mm − mn2nn

OOAm−2n

n + etc. et on supposera la force

cherchée proportionnelle au terme de cette suite, dans lequel O a deux dimensions, c’est-à-dire, que cette force sera comme mm − mn

2nnOOA

m−2nn , ou comme mm − mn

2nnA

m−2nn , ou bien encore com-

me mm − mnnn

Bm−2n

m .

Si m = 2, n = 1, ce qui fait de la courbe décrite une parabole, la for-ce deviendra, comme 2B0, c’est-à-dire, qu’elle deviendra constante. Or on sait en effet, parce qu’a appris Galilée, qu’une force constante, et qui agit parallèlement, fait décrire une parabole.

Si m = 0 – 1 et n = 1 ; la force deviendra comme 2A−3 ou 2B3. Donc, une force qui serait comme le cube de l’ordonnée, ferait décrire une hyperbole. Mais passons à quelques autres Propositions sur le mouvement.

Table des matières

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 283 Livre premier : sections XII à XIV.

Table des matières

QUATORZIÈME SECTION

Du Mouvement des corpuscules attirés par toutes les parties

d’un corps quelconque.

PROPOSITION XCIV. — THÉORÈME XLVIII. Si deux milieux, dont chacun est homogène, sont séparés par un espace terminé de part et d’autre par des plans pa-rallèles, et qu’un corps en passant par cet espace soit attiré ou poussé perpendiculairement vers l’un ou l’autre de ces milieux, que de plus il n’éprouve aucune autre force qui le retarde ou l’accélère ; et que l’attraction soit toujours la même partout à des distances égales de l’un et de l’autre plan prises du même côté de ces plans : le sinus d’incidence sur l’un ou l’autre plan sera en raison donnée au sinus d’émergence par l’autre plan.

(Fig. 147)

Cas 1. Aa, Bb, étant deux plans parallèles, supposez qu’un corps tombe sur le premier plan Aa suivant la ligne GH, et que pendant tout le temps de son passage par l’espace intermédiaire il soit attiré ou poussé vers le milieu où s’est fait l’incidence, de sorte que par cette attraction il décrive la courbe HI, et qu’il sorte suivant la ligne IK. Élevez ensuite sur le plan d’émergence Bb la perpendiculaire IM qui rencontre en M la ligne d’incidence GH prolongée, et en R le plan d’incidence Aa. Du centre L où la ligne d’émergence prolongée ren-contre HM, et du rayon LI décrivez un cercle qui coupe la ligne HM en P et en Q, et en N la ligne MIR. Cela fait, en supposant l’attraction ou l’impulsion uniforme, la courbe HI sera, suivant les démonstrations de Galilée, une parabole, et aura par conséquent cette propriété, que le rectangle sous le paramètre donné et sous la ligne IM est égal au carré de HM ; mais à cause que la ligne HM soit coupée en deux parties égales au point L, il est clair, en abaissant la perpendiculaire LO sur MI, que MO est égale à OR, ainsi que MN à IR. Or comme IR est don-née, MN le sera aussi ; donc le rectangle NM × MI sera au rectangle

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 284 Livre premier : sections XII à XIV.

sous le paramètre et sous IM, c’est-à-dire, à HM 2, en raison donnée. De plus, le rectangle MN × MI est égal au rectangle PM × MQ, c’est-à-dire, à la différence des carrés ML2 2 et , ou PL LI 2 ; et HM 2 à une raison donnée à ML2 puisqu’il en est quadruple : donc la raison de ML2 – LI 2 à ML2 est donnée, et par conséquent la raison de LI 2 à ML2, et celle de LI à LM sont aussi données. Maintenant dans tout triangle LMI, les sinus des angles sont proportionnels aux côtés oppo-sés, donc la raison du sinus de l’angle d’incidence LMR au sinus de l’angle d’émergence LIR est donnée. — C.Q.F.D.

(Fig. 148)

Cas 2. Que le corps passe à présent successivement par plusieurs espaces terminés par des plans parallèles AabB, BbcC, etc. et qu’il soit pressé par une force uniforme dans chaque espace, mais différente dans des espaces différents, il est clair, par ce qui vient d’être démon-tré, que le sinus d’incidence sur le premier plan Aa, sera au sinus d’émergence du second plan Bb, en raison donnée, et que ce dernier sinus, qui devient le sinus d’incidence sur le second plan Bb, sera au sinus d’émergence du troisième plan Cc, en raison donnée ; ensuite, que ce nouveau sinus sera au sinus d’émergence du quatrième plan Dd, en raison donnée ; et ainsi à l’infini, de sorte qu’il en résultera, que le sinus d’incidence sur le premier plan est au sinus d’émergence du dernier plan en raison donnée. Imaginons à présent que les inter-valles des plans diminuent à l’infini, et que le nombre de ces plans augmente de même, en force que l’action de l’attraction ou de l’impulsion devienne continue selon une loi quelconque donnée ; alors la raison du sinus d’incidence sur le premier plan au sinus d’émergence du dernier plan, sera aussi donnée. — C.Q.F.D.

PROPOSITION XCV. — THÉORÈME XLIX.

Les mêmes choses étant posées, la vitesse du corps avant l’incidence est à sa vitesse après l’émergence, comme le si-nus d’émergence au sinus d’incidence.

(Fig. 149)

Soient prises égales les lignes AH, Id, et soient élevées les perpen-diculaires AG, dK qui rencontrent les lignes d’incidence et d’émergence GH, IK, en G et K. Soit prise ensuite sur GH, TH = IK,

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 285 Livre premier : sections XII à XIV.

et soit abaissée la perpendiculaire Tv sur le plan Aa. Si l’on décompo-se, par le Cor. 2. des lois, le mouvement du corps en deux mouve-ments, l’un perpendiculaire aux plans Aa, Bb, Cc, etc. et l’autre paral-lèle à ces mêmes plans, la force de l’attraction ou de l’impulsion agis-sant suivant des lignes perpendiculaires, ne changera rien aux mou-vements suivant des lignes parallèles, et par conséquent le corps par ce mouvement parcourra en temps égaux dans la direction parallèle aux plans les espaces égaux qui sont entre la ligne AG et le point H, et entre le point I et la ligne dK ; c’est-à-dire, qu’en temps égaux il par-courra les lignes GH, IK ; et par conséquent la vitesse avant l’incidence sera à la vitesse après l’émergence comme GH à IK ou TH, ou, ce qui revient au même, comme AH ou Id à vH, ou enfin, à cause de l’égalité des rayons TH, ou IK, comme le sinus d’émergence au sinus d’incidence. — C.Q.F.D.

PROPOSITION XCVI. — THÉORÈME L.

Les mêmes choses étant posées, et supposant de plus que le mouvement avant l’incidence soit plus prompt qu’après : si on donne une certaine inclinaison à la ligne d’incidence, le corps se réfléchira, et sera l’angle de réflexion égal à l’angle d’incidence.

(Fig. 150)

Car supposant, comme ci-dessus, qu’un corps décrive des arcs pa-raboliques entre les plans parallèles Aa, Bb, Cc, etc. et que ces arcs soient HP, PQ, QR, etc. Soit prise l’obliquité de la ligne d’incidence GH sur le premier plan Aa, telle, que le sinus d’incidence soit au rayon du cercle dont il est sinus, dans la raison que ce même sinus d’incidence a au sinus d’émergence hors du plan Dd dans l’espace DdeE ; le sinus d’émergence se trouvant par ce moyen égal au rayon, l’angle d’émergence sera droit, et la ligne d’émergence coïncidera avec le plan Dd. Le corps étant donc arrivé au point R de ce plan, et ayant alors une direction qui coïncide avec ce plan, il est clair qu’il ne pourra pas aller plus avant que ce plan Ee. Mais le même corps ne peut pas non plus continuer à se mouvoir dans la ligne d’émergence Rd, parce qu’il est perpétuellement attiré, ou poussé vers le milieu de l’incidence : il retournera donc entre les plans Cc, Dd, en décrivant l’arc parabolique QRq, dont le sommet est en R ; et en coupant le plan

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 286 Livre premier : sections XII à XIV.

Cc sous le même angle en q, qu’il l’avait coupé auparavant en Q, en-suite, continuant à décrire des arcs paraboliques qp, ph, etc. sembla-bles et égaux aux premiers arcs paraboliques QP, PH, etc. il coupera le reste des plans sous les mêmes angles en p, h, etc. qu’il les avait coupés auparavant en P, H, etc. et il aura en sortant la même obliquité en h, que celle qu’il avait dans son incidence en H. Si on conçoit à présent que les intervalles des plans Aa, Bb, Cc, Dd, Ee, etc. dimi-nuent à l’infini, et que le nombre de ces plans augmente de même, en force que l’attraction ou l’impulsion devienne continue selon une loi quelconque donnée, en verra que l’angle d’émergence sera toujours égal à l’angle d’incidence. — C.Q.F.D.

SCHOLIE.

On peut appliquer ces recherches sur l’attraction à la réflexion de la lumière et à la réfraction qui se fait, comme Snellius l’a découvert, en raison donnée des Sécantes, et par conséquent en raison donnée des sinus, ainsi que Descartes l’a fait voir.

Car il est certain, par la découverte des phénomènes des satellites de Jupiter confirmée par les observations de plusieurs Astronomes, que la propagation de la lumière est successive, et qu’elle vient du So-leil à la Terre en sept ou huit minutes ; et les rayons en passant près des angles des corps opaques ou transparents tels que l’extrémité d’une lame de couteau, d’une pièce de monnaie, d’un morceau de ver-re, ou de pierre, etc. s’infléchissent autour de ces corps comme s’ils en étaient attirés : c’est ce qu’a découvert Grimaldi il y a longtemps en faisant entrer un rayon de lumière par un trou dans une chambre obs-cure, et ce que j’ai vérifié.

(Fig. 151)

Ceux de ces rayons qui en passant approchent le plus près des corps se courbent davantage, comme s’ils étaient plus attirés, ainsi que je m’en suis assuré par des expériences exactes. Ceux qui passent à de plus grandes distances s’infléchissent moins ; et ceux qui passent à des distances encore plus grandes s’infléchissent un peu en sens contraire, et forment trois faisceaux de couleurs. Dans la figure ci-jointe, S représente la pointe d’un couteau ou d’un corps quelconque ASB, et gowog, fnunf, emtme, dlsld, sont des rayons qui s’infléchissent

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 287 Livre premier : sections XII à XIV.

vers le couteau par des arcs owo, nun, mtm, lsl, plus ou moins conca-ves selon leurs distances. Or comme cette courbure des rayons se fait à une certaine distance du couteau, les rayons qui l’atteignent doivent donc s’être infléchis avant de l’avoir atteint. Il en est de même des rayons qui tombent sur du verre : ainsi la réfraction ne se fait pas dans le seul point de l’incidence ; mais peu à peu par l’incurvation conti-nuelle des rayons, laquelle se fait en partie dans l’air avant qu’ils at-teignent le verre, et en partie, si je ne me trompe, dans le verre même après qu’ils y sont entrés comme il est marqué dans la figure ci-jointe où les rayons ckzc, biyb, ahxa, dont l’incidence se fait en r, q et p, s’infléchissent entre k et z, i et y, h et x.

(Fig. 152)

À cause de l’analogie qui est entre le mouvement progressif de la lumière, et celui des autres projectiles, j’ai cru nécessaire d’ajouter les Propositions suivantes en faveur des Opticiens. Au reste, je ne m’embarrasse point de la nature des rayons, je n’examine point s’ils sont matériels ou non ; mais je me contente de déterminer les trajec-toires des corps qui peuvent être semblables à celles que décrivent les rayons.

PROPOSITION XCVII. — PROBLÈME XLVII.

Supposant que le sinus d’incidence sur une superficie quel-conque soit au sinus d’émergence en raison donnée, et que l’incurvation des rayons près de cette superficie, se fasse dans un espace assez petit pour le regarder comme un point, on demande la superficie propre à réunir dans un lieu donné tous les corpuscules qui émanent successivement d’un autre lieu donné.

(Fig. 153)

Soit A le lieu d’où les corpuscules partent, et B le lieu dans, lequel ils doivent se réunir ; soient de plus, CDE la courbe qui en tournant autour de l’axe AB décrit la superficie cherchée ; D et E deux points quelconques de cette courbe, EF, EG, des perpendiculaires abaissées de E sur les rayons incidents et rompus AD et DB. Imaginant que le point D s’approche du point E, la dernière raison de l’incrément DF de AD au décrément DG de BD sera celle du sinus d’incidence au si-nus d’émergence, et par conséquent elle sera donnée. Donc les quanti-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 288 Livre premier : sections XII à XIV.

tés finies qui sont les augmentations de AD, et celles qui sont les di-minutions de BD sont encore dans la même raison. De là il suit, qu’en choisissant un point quelconque C dans l’axe AB pour être le sommet de la courbe demandée CDE, on n’aura qu’à prendre l’augmentation CM de AC à la diminution CN de BC dans la raison du sinus d’incidence au sinus d’émergence, et décrire des centres A et B, et des intervalles AM, BN, deux cercles qui se coupent mutuellement en D, afin d’avoir un point quelconque D de la courbe cherchée. — C.Q.F.T.

Cor. 1. En supposant que le point A ou B s’éloigne à l’infini, ou qu’il vienne de l’autre côté du point C, on aura toutes les courbes que Descartes a données dans sa Géométrie et dans son Optique pour les réfractions ; et comme il n’a point exposé la manière de les trouver, j’ai cru devoir la donner dans cette Proposition.

Cor. 2. Si un corps tombant sur une surface quelconque CD, et dans la direction d’une ligne droite quelconque AD, tirée suivant une loi quelconque, traverse cette surface, et prend en la quittant une autre direction quelconque DK ; je dis, que si on imagine tirées les courbes CP, CQ toujours perpendiculaires aux directions AD, DK, les accrois-sements des lignes PD, QD et par conséquent les lignes mêmes PD, QD formées de ces accroissements seront entre elles en raison des si-nus d’incidence et d’émergence : et au contraire.

PROPOSITION XCVIII. — PROBLÈME XLVIII.

(Fig. 154)

Les mêmes choses étant posées, et étant décrite autour de l’axe, AB une surface attractive quelconque CD, régulière ou irrégulière, au travers de laquelle doivent passer des corps partis du point A, trouver quelle serait une autre sur-face attractive EF capable de faire converger ces corps au point donné B.

Du point A au point B soit tirée AB coupant la première surface en C et l’autre en E, et soit pris le point D à volonté. Qu’on suppose en-core que le sinus d’incidence sur la première surface soit au sinus d’émergence de cette même surface en raison donnée PE, par exem-ple, comme de M à N, ainsi que le sinus d’émergence de la seconde

Page 290: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 289 Livre premier : sections XII à XIV.

surface au sinus d’incidence sur cette même surface, ensuite, qu’on prolonge AB en G, de sorte que l’on ait BG à CE comme M – N à N ; qu’on prolonge aussi AD en H, de sorte que AH = AG et DF en un point K, placé de façon que DK soit à DH dans la raison de N à M. Du point K au point B tirez la droite KB. Du point D comme centre et du rayon DH décrivez un cercle qui rencontre en L la ligne KB prolon-gée : enfin tirez BE parallèle à DL ; je dis, que le point F sera un point de la ligne EF capable de produire par sa révolution autour de l’axe AB la surface cherchée. — C.Q.F.F.

Car les lignes CP, CQ étant toujours respectivement perpendiculai-res aux lignes AD, DF, ainsi que les lignes BR, ES, aux lignes FB, FD, et par conséquent ayant toujours QS égale a CE, on aura (par le Cor. 2 de la Prop. 97) PD à QD comme M à N, par conséquent comme DL à DK, ou comme FB à FK ; et en divisant, comme DL – FB ou PH – PD – FB à FD ou FQ – QD. Donc, en composant, comme PH – FB à FQ, c’est-à-dire, (à cause des lignes PH et CG, QS et CE qui sont égales) comme CE + BG – FR à CE – FS. Mais (à cause des proportionnelles BG à CE et M – N à N) on a aussi CE + BG à CE comme M à N, et par conséquent, en divisant, FR à FS comme M à N. Donc (par le Cor. 2 de la Prop. 97) la surface EF oblige le corps qui tombe sur elle sui-vant la direction DF de prendre la direction FR qui le mène au point B. — C.Q.F.D.

SCHOLIE.

On pourrait employer la même méthode pour trois surfaces et pour davantage. Au reste, pour l’optique, les figures sphériques sont celles qui conviennent le mieux. Si pour former les verres objectifs des lu-nettes on se sert de deux verres sphériques creux, appliqués l’un sur l’autre, et renfermant de l’eau dans leur concavité, il pourra arriver que les réfractions de l’eau corrigeront assez exactement les erreurs de réfractions occasionnées par l’inégalité des surfaces des verres ; et l’on doit préférer ces sortes de verres objectifs aux elliptiques et aux hyperboliques, tant parce qu’ils sont plus aisés à travailler, que parce qu’ils réfractent mieux les rayons qui tombent hors de l’axe du verre. Cependant ce n’est point assez pour pouvoir perfectionner l’optique qu’on ait assigné aux verres la figure sphérique ou telle autre quel-conque, il faudrait encore pouvoir remédier à la différence de réfran-

Page 291: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 290 Livre premier : sections XII à XIV.

gibilité des différents rayons. Tant qu’on ne sera pas en état de corri-ger les erreurs qui naissent de cette différence, tout ce qu’on fera pour corriger les autres ne sera jamais qu’imparfait.

FIN DU LIVRE PREMIER

Table des matières

Page 292: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton

Mathématicien, Physicien, Philosophe anglais

(1643-1727)

Principes mathématiques de la Philosophie naturelle

(Philosophiae Naturalis Principia Mathematica)

Par feue Madame la Marquise du Chastellet

Paris, 1759

Livre second. Du Mouvement des corps. Sections I à VI.

Un document produit en version numérique par Jean-Marc Simonet, bénévole, Courriel : [email protected]

Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales"

Site web : http://classiques.uqac.ca/

Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi

Site web : http://bibliotheque.uqac.ca/

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 292 Livre second : sections I à VI.

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LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALES.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 293 Livre second : sections I à VI.

Cette édition électronique a été réalisée par Jean-Marc Simonet, ancien pro-fesseur des Universités, bénévole. Courriel : [email protected]

À partir de :

Isaac Newton

Physicien, Mathématicien, Philosophe

anglais

(1643-1727)

Principes mathématiques de la Philosophie naturelle

Par feue Madame la marquise du Chastellet

chez Desaint & Saillant et Lambert, im-primeurs, Paris, 1759,

deux tomes de 437 p. et 379 p.

Polices de caractères utilisées : Pour le texte: Times New Roman, 14 et 12 points. Pour les notes de bas de page : Times New Roman, 10 points. Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2008 pour Macintosh. Mise en page sur papier format : LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’) Édition numérique réalisée le 3 juin 2010 à Chicoutimi, Ville de Saguenay, pro-vince de Québec, Canada

Page 295: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 294 Livre second : sections I à VI.

Table des matières

Principes mathématiques de la Philosophie Naturelle.

Du mouvement des corps. — Livre Second.

Section I. — Du mouvement des corps qui éprouvent une résistance en rai-son de leur vitesse.

Section II. — Du mouvement des corps qui éprouvent une résistance en rai-son doublée des vitesses.

Section III. — Du mouvement des corps qui éprouvent des résistances qui sont en partie en raison de la vitesse, et en partie en raison doublée de cette même vitesse.

Section IV. Du mouvement circulaire des corps dans les milieux résistants... Section V. — De la densité et de la compression des fluides et de

l’hydrostatique. Section VI. — Du mouvement et de la résistance des corps oscillants. Section VII. — Des mouvements des fluides et de la résistance des projecti-

les. Section VIII. — De la propagation du mouvement dans les fluides. Section IX. — Du mouvement circulaire des fluides.

Page 296: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 295 Livre second : sections I à VI.

Table des matières

DU MOUVEMENT DES CORPS

LIVRE SECOND

SECTION PREMIÈRE

Du mouvement des corps qui éprouvent une résistance

en raison de leur vitesse.

PROPOSITION I. — THÉORÈME I Le Mouvement que perdent les corps par la résistance qu’ils éprouvent, est comme l’espace qu’ils parcourent en se mouvant, lorsque cette résistance est en raison de leur vi-tesse.

Le mouvement perdu à chaque particule égale du temps étant comme la vitesse, c’est-à-dire, comme le chemin fait pendant cette particule de temps, le mouvement perdu pendant le temps total sera comme le chemin total. — C.Q.F.D.

Page 297: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 296 Livre second : sections I à VI.

Cor. Ainsi, si un corps privé de toute gravité se met dans des espa-ces libres par la seule force qui lui a été imprimée ; et que le mouve-ment total au commencement, ainsi que le reste du mouvement après quelque espace parcouru soient donnés : l’espace total que ce corps peut parcourir dans un temps infini sera aussi donné : et cet espace sera à l’espace déjà décrit, comme le mouvement total au commence-ment, est à la partie de ce mouvement qui s’est perdue.

LEMME PREMIER.

Les quantités proportionnelles à leurs différences sont en proportion continue.

Soit A : A – B = B : B – C = C : C – D, etc. on en tirera en renver-sant : A : B = B : C = C : D, etc. — C.Q.F.D.

PROPOSITION II. — THÉORÈME II.

Si un corps éprouve une résistance en raison de la vitesse, et qu’il se meuve dans un milieu homogène par la seule for-ce qui lui a été imprimée, je dis, qu’en prenant des termes égaux, les vitesses au commencement de chacun de ces temps seront en progression géométrique, et que les espaces parcourus pendant chacun de ces temps seront comme les vitesses.

Cas 1. Soit divisé le temps en particules égales, et soit supposé au commencement de chacune de ces particules une forte résistance qui soit comme la vitesse et qui agisse par un seul coup, le décrément de la vitesse à chacune de ces particules de temps sera comme cette vi-tesse, car les vitesses sont continuellement proportionnelles à leurs différences. (Lemme I Livre 2) Donc, si d’un nombre égal de particu-les on compose des temps quelconques égaux, les vitesses au com-mencement de ces temps seront comme les termes d’une progression continue pris par sauts, en augmentant un nombre égal de termes in-termédiaires. Or les raisons de ces termes pris par sauts sont compo-sées des raisons que les termes intermédiaires également répétés ont entre eux, lesquelles sont les mêmes, donc ces raisons composées sont les mêmes, et les vitesses proportionnelles à ces termes sont en pro-gression géométrique. Maintenant, soient diminuées ces particules

Page 298: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 297 Livre second : sections I à VI.

égales de temps, et soit augmenté leur nombre à l’infini, de sorte que l’impulsion de la résistance devienne continue ; et les vitesses qui sont toujours en proportion continue dans les commencements des temps égaux le seront encore dans ce cas. — C.Q.F.D.

Cas 2. Et par conséquent les différences des vitesses, c’est-à-dire, leurs parties détruites à chaque particule de temps, sont comme les vitesses totales : mais les espaces décrits à chacune de ces particules du temps sont comme les parties détruites des vitesses. (Prop. 1 Liv. 2) Donc ils sont aussi comme les vitesses totales. — C.Q.F.D.

(Fig. 1)

Cor. De là, si on décrit une hyperbole BG, entre les asymptotes perpendiculaires AC, CH, et que AB, GD, soient perpendiculaires sur l’asymptote AC, et qu’on exprime, tant la vitesse du corps que la résis-tance du milieu dans le commencement du mouvement, par une ligne quelconque donnée AC, et après un temps quelconque par la ligne in-définie DC ; le temps pourra être exprimé par l’aire ABGD, et l’espace décrit pendant ce temps, par la ligne AD. Car si cette aire, par le mou-vement du point D, augmente uniformément comme le temps, la ligne DC ainsi que la vitesse décroîtront en proportion géométrique, et les parties de la droite AC décrites dans des temps égaux décroîtront dans la même raison.

PROPOSITION III. — PROBLÈME I.

Trouver le mouvement d’un corps qui monte ou descend suivant une ligne droite dans un milieu homogène qui résis-te en raison de la vitesse pendant que la gravité agit uni-formément.

(Fig. 2)

Que la gravité du corps qui remonte soit représentée par un rectan-gle quelconque donné BACH, et la résistance du milieu au commen-cement de son ascension par le rectangle BADE, pris du côté opposé au premier. Entre les asymptotes perpendiculaires AC, CH, soit décrit par le point B une hyperbole qui coupe les perpendiculaires DE, de en G et en g ; il est clair, que le corps en montant pendant le temps DGgd parcourra l’espace EGge, et que pendant le temps DGBA de toute son ascension il parcourra l’espace EGB ; dans le temps ABKI il parcourra

Page 299: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 298 Livre second : sections I à VI.

en descendant l’espace BFK, et dans le temps IKki ; il parcourra en descendant l’espace KFfk et les vitesses du corps (proportionnelles aux résistances du milieu) à la fin des temps entiers, seront exprimées par les espaces infiniment petits, ABED, ABed ; respectivement pro-portionnels aux espaces ABFI, ABfi ; et la plus grande vitesse que le corps puisse acquérir en descendant sera BACH.

(Fig. 3)

Car soit divisé le rectangle BACH en un nombre infini de rectan-gles Ak, Kl, Lm, Mn, etc. qui soient comme les incréments des vitesses en autant de temps égaux ; et les rectangles infiniment petits, Ak, Al, Am, An, etc. seront comme les vitesses totales, et par conséquent (par l’hypothèse) comme les résistances du milieu au commencement de chacun de ces temps égaux. Soit fait AC à AK ou ABHC à ABkK, comme la force de la gravité à la résistance dans le commencement du second temps, et soient les résistances soustraites de la force de la gravité, les restes ABHC, KkHC, LlHC, MmHC, etc. seront comme les forces absolues par lesquelles le corps est pressé au commencement de chacun de ces temps, et par conséquent (par la seconde Loi du mouvement) comme les incréments des vitesses, c’est-à-dire, comme les rectangles Ak, Kl, Lm, Mn, etc. c’est-à-dire, (Lemme 1. du Livre II.) en progression géométrique. Prolongeant donc les droites Kk, Ll, Mm, Nn, etc. jusqu’à ce qu’elles rencontrent l’hyperbole en q, r, s, t, etc. les aires ABqK, KqrL, LrsM, MstN, etc. seront égales, et par conséquent elles seront toujours proportionnelles, tant aux temps qu’aux forces de la gravité qui sont toujours égales. Or l’aire ABqK, (Cor. 3. Lemme 7. et 8. du Livre I.) est à l’aire Bkq comme Kq à 1

2 kq, ou comme AC à 1

2 AK, c’est-à-dire, comme la force de la gravité à la résistance dans le milieu du premier temps. Et par le même raisonne-ment, les aires qKLr, rLMs, sMNt, etc. sont aux aires qklr, rlms, smnt, etc. comme les forces de la gravité aux résistances dans le milieu du second temps, du troisième, du quatrième, etc. Donc les aires égales BAKq, qKLr, rLMs, sMNt, etc. étant proportionnelles aux forces de la gravité, les aires Bkq, qklr, rlms, smnt, etc. seront proportionnelles aux résistances dans les milieux de chacun des temps, c’est-à-dire, (par l’hypothèse) aux vitesses, et par conséquent aux espaces décrits. Soient prises les sommes de ces quantités proportionnelles, et les aires Bkq, Blr, Bms, Bnt, etc. seront proportionnelles à tous les espaces dé-crits, de même que les aires ABqK, ABrL, ABsM, ABtN, etc. le seront

Page 300: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 299 Livre second : sections I à VI.

aux temps. Donc le corps en descendant dans un temps quelconque ABrL décrit l’espace Blr, et dans le temps LrtN l’espace rlnt. — C.Q.F.D.

Et c’est la même démonstration pour le mouvement en remontant. — C.Q.F.D.

Cor. 1. Donc la plus grande vitesse que le corps peut acquérir en descendant est à la vitesse acquise dans un temps quelconque donné, comme la force donnée de la gravité par laquelle ce corps est conti-nuellement pressé, est à la force de la résistance qui s’oppose à cette force à la fin de ce temps.

Cor. 2. Or le temps étant augmenté en progression arithmétique, la somme de cette plus grande vitesse, et de la vitesse dans l’ascension, ainsi que leur différence dans la descente, décroît en progression géométrique.

Cor. 3. Et de même les différences des espaces qui sont décrits dans les différences égales des temps, décroissent dans la même pro-gression géométrique.

Cor. 4. Mais l’espace décrit par le corps est la différence des deux espaces dont l’un est comme le temps pris depuis le commencement de la descente, et l’autre comme la vitesse, lesquels espaces sont égaux entre eux au commencement du mouvement.

PROPOSITION IV. — PROBLÈME II.

Supposant que la force de la gravité soit uniforme dans quelque milieu homogène, et quelle tende perpendiculaire-ment au plan de l’horizon, trouver le mouvement d’un pro-jectile dans ce même milieu, en supposant que la résistance soit proportionnelle à la vitesse.

(Fig. 4)

Qu’un projectile parte d’un lieu quelconque D, selon une ligne droite quelconque donnée DP, et que la vitesse au commencement du mouvement soit exprimée par la ligne DP. Que du point P à la ligne horizontale DC, on abaisse la perpendiculaire PC, et qu’on coupe DC en A de sorte que DC soit à CA comme la résistance du milieu produi-

Page 301: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 300 Livre second : sections I à VI.

te par le mouvement en hauteur est à la force de gravité dans le com-mencement du mouvement, ou, (ce qui est la même chose) que le point A soit pris en sorte que le rectangle sous DA, et DP, soit au rec-tangle sous AC, et CP comme toute la résistance au commencement du mouvement est à la force de la gravité. Cela fait, soit décrite une hyperbole quelconque GTBS entre les asymptotes DC, CP, laquelle coupe les perpendiculaires DG, AB en G et en B, et soit achevé le pa-rallélogramme DGKC, dont le côté GK, coupe AB en Q. Soit prise la ligne N dans la même raison à QB que DC à CP ; et ayant élevé sur la ligne DC à un point quelconque R une perpendiculaire RT, qui ren-contre l’hyperbole en T, et les droites EH, GK, DP en I, t, et V, prenez

sur cette perpendiculaire Vr égale à tGTN

; ou (ce qui est la même cho-

se) prenez Rr égale à GTIEN

; et le projectile dans le temps DRTG ar-

rivera au point r, en décrivant la ligne courbe DraF donnée par les points r, et il acquerra sa plus grande hauteur en a, dans la perpendi-culaire AB, après quoi il continuera de s’approcher toujours de l’asymptote PC. Quant à la vitesse dans un point quelconque r, elle sera comme la tangente rL de la courbe. — C.Q.F.T.

(Fig. 4)

Car N est à QB comme DC à CP ou comme DR à RV. Donc RV = DR ×QB

N et Rr, (c’est-à-dire, RV – Vr, ou DR ×QB − tGT

N) =

DR × AB − RDGTN

. Que le temps soit représenté par l’aire RDGT, et

(Cor. 2 des Lois) soit le mouvement du corps décomposé en deux mouvements, l’un en montant, l’autre transversal. La résistance étant comme le mouvement, qu’elle soit aussi décomposée en deux parties proportionnelles et opposées aux deux parties du mouvement décom-posé : par ce moyen la longueur décrite par le mouvement transversal sera (Prop. 2 de ce Livre) comme la ligne DR, mais la hauteur (Prop. 3 de ce Livre) sera comme l’aire DR × AB – RDTG, c’est-à-dire, com-me la ligne Rr. Et dans le commencement du mouvement l’aire RDTG est égale au rectangle DR × AQ, donc cette ligne Rr (ou DR × AB − DR × AQ

N) est alors à DR comme AB – AQ, ou QB à N, ce

qui est comme CP à DC ; et par conséquent comme le mouvement en

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 301 Livre second : sections I à VI.

hauteur au mouvement transversal au commencement. Or comme Rr est toujours proportionnelle à l’espace parcouru en hauteur, et DR tou-jours proportionnelle à l’espace parcouru d’un mouvement transver-sal, et que Rr est à DR dans le commencement comme l’espace en hauteur est à l’espace transversal : il est nécessaire que Rr soit tou-jours à DR, comme l’espace en hauteur à l’espace transversal, et que par conséquent le corps se meuve dans la ligne DraF qui est le lieu des points r. — C.Q.F.D.

(Fig. 4)

Cor. 1. Donc Rr =DR × AB

N−

RDTGN

: donc, si on prolonge RT en

X, de sorte que RX =DR × AB

N, c’est-à-dire, si on achève le parallélo-

gramme ACPY, qu’on tire DY coupant CP en Z, et qu’on prolonge RT

jusqu’à ce qu’elle rencontre DY en X ; on aura Xr =RDTG

N, et par

conséquent proportionnelle au temps. (Fig. 5)

Cor. 2. Donc, si l’on prend un nombre innombrable de CR ou (ce qui est la même chose) un nombre innombrable de ZX en progression géométrique, on aura autant de Xr en progression arithmétique. Et de-là on pourra facilement décrire la courbe DraF par les tables des loga-rithmes.

Cor. 3. Si du sommet D du diamètre DG prolongé en en-bas et d’un paramètre qui soit à 2DP comme toute la résistance au commen-cement du mouvement à la force de la gravité, on construit une para-bole ; la vitesse avec laquelle le corps doit partir du lieu D, selon la droite DP, pour qu’il décrive, dans un milieu qui résiste uniformé-ment, la ligne courbe DraF, sera la même que celle avec laquelle il devrait partir du même lieu D selon la même ligne droite DP pour dé-crire la parabole dans un milieu non résistant. Car le paramètre de cet-

te parabole dans le commencement du mouvement est DVV

2

r, et Vr est

tGTN

ou Dr ×Tt2N

; mais la droite qui touchera l’hyperbole GTS en G

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 302 Livre second : sections I à VI.

est parallèle à DK, donc Tt est CK × DRDC

, et comme N était QB × DCCP

,

Vr sera par conséquent DR2 × CK × CP2DC 2 ×QB

ou (à cause des proportion-

nelles DR et DC, DV et DP) DV 2 × CK × CP2DP 2 ×QB

, donc le paramètre

DVV

2

r devient 2DP 2 ×QB

CK × CP, ou (à cause des proportionnelles QB et

CK, DA et AC) 2DP 2 × DAAC × CP

et par conséquent il est à 2PD = DP ×

DA : CP × AC ; c’est-à-dire, comme la résistance à la gravité. — C.Q.F.D.

(Fig. 5)

Cor. 4. De là, si un corps est lancé d’un lieu quelconque D avec une vitesse donnée, selon une ligne droite DP donnée de position ; et que la résistance du milieu soit donnée dans le commencement du mouvement ; on trouvera la courbe DraF que le même corps décrira. Car la vitesse étant donnée, on sait que le paramètre de la parabole est donné : et prenant 2DP à ce paramètre, comme la force de la gravité est à la force de la résistance, on aura DP. Ensuite coupant DC en A, de sorte que CP × CA soit à DP × DA dans cette même raison de la gravité à la résistance, on aura le point A, et par conséquent la courbe DraF.

(Fig. 4)

Cor. 5. Et au contraire, si la courbe DraF est donnée, on aura la vi-tesse du corps, et la résistance du milieu à chaque lieu r. Car de la rai-son donnée de CP × AC à DP × DA, on tire la résistance du milieu au commencement du mouvement, et le paramètre de la parabole, ce qui donne aussi la vitesse au commencement du mouvement. Ensuite, de la longueur de la tangente rL, on tire la vitesse qui lui est proportion-nelle, et par conséquent la résistance du milieu à un lieu quelconque r, laquelle est proportionnelle à cette vitesse.

Cor. 6. De ce que la longueur 2PD est au paramètre de la parabole comme la gravité à la résistance en D ; et de ce que la vitesse étant augmentée, la résistance augmente dans la même raison, et le paramè-tre de la parabole dans la raison doublée de cette raison ; il suit que la

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 303 Livre second : sections I à VI.

longueur 2PD augmentera dans cette raison simple, qu’elle sera tou-jours proportionnelle à la vitesse, et qu’elle n’augmentera, ni ne dimi-nuera, quoi que l’angle CDP change, à moins que la vitesse ne change aussi.

(Fig. 6 & 7)

Cor. 7. D’où on voit la manière de déterminer à peu près la courbe DraF par les phénomènes, et de conclure de là la résistance et la vites-se avec laquelle le corps a été lancé. Soient deux corps semblables et égaux jetés avec la même vitesse d’un lieu D sous divers angles CDP, CDp, et que les lieux F, f, où ils tombent sur le plan horizontal DC soient connus. Alors prenant une longueur quelconque pour DP ou Dp, supposant de plus que la résistance en D soit à la gravité dans une raison quelconque, et exprimant cette raison par une longueur quel-conque SM, on trouvera par le calcul, et par cette longueur DP, prise à volonté, les longueurs DF, Df ; et ayant trouvé par le calcul la raison

de FfDF

on en ôtera cette même raison trouvée par les expériences, et

on en exprimera la différence par la perpendiculaire MN. On recom-mencera ensuite la même chose une seconde et une troisième fois, en prenant toujours une nouvelle raison SM de la résistance à la gravité, et rassemblant les différences on aura une nouvelle différence MN. Plaçant alors les différences positives d’un côté de la droite SM et les négatives de l’autre, et traçant par les points N, N, N la courbe NNN qui coupe la droite SMMM en X, SX sera la vraie proportion cherchée de la résistance à la gravité. Au moyen de cette proportion le calcul donnera la longueur DF, et la longueur, qui sera à la longueur suppo-sée DP comme la longueur DF connue par l’expérience à la longueur DF ainsi trouvée, sera la vraie longueur DP, laquelle suffira pour donner la ligne courbe DraF que le corps décrit, la vitesse du corps, et la résistance à chaque lieu.

SCHOLIE.

Au reste, l’hypothèse qui fait la résistance des corps en raison de la vitesse, est plus mathématique que conforme à la nature. Dans les mi-lieux qui n’ont aucune ténacité les résistances des corps sont en raison doublée des vitesses. Car dans un temps moindre, un corps qui aura une plus grande vitesse communiquera à la même quantité du milieu

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 304 Livre second : sections I à VI.

un mouvement plus grand, en raison de sa plus grande vitesse ; donc en temps égal il lui communiquera un mouvement plus grand dans la raison doublée, à cause de la plus grande quantité des parties du mi-lieu qui sont mues ; et la résistance (Lois 2 et 3 du mouvement) est comme le mouvement communiqué : voyons donc quels mouvements doivent suivre de cette loi de résistance.

Table des matières

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 305 Livre second : sections I à VI.

Table des matières

DEUXIÈME SECTION

Du mouvement des corps qui éprouvent une résistance

en raison doublée des vitesses.

PROPOSITION V. — THÉORÈME III. Si le corps éprouve une résistance en raison doublée de la vitesse, et qu’il se meuve dans un milieu homogène, par la seule force qui lui a été imprimée ; je dis, qu’en prenant les temps dans une progression géométrique ascendante, les vi-tesses au commencement de chaque temps seront dans la même progression géométrique inversement ; et que les es-paces décrits à chacun de ces temps seront égaux.

(Fig. 8)

Car puisque la résistance du milieu est proportionnelle au carré de la vitesse, et que le décrément de la vitesse est proportionnel à la résis-tance ; si on divise le temps en un nombre infini de parties égales, les carrés des vitesses à chaque commencement des temps seront propor-tionnels aux différences de ces mêmes vitesses. Soient ces particules de temps AK, KL, LM, etc. prises sur la droite CD, et soient élevées les perpendiculaires AB, Kk, Ll, Mm, etc. rencontrant en B, k, l, m. etc. l’hyperbole BklmG décrite entre les asymptotes perpendiculaires CD, CH, on aura AB : Kk = CK : CA ; et par conséquent AB – Kk : Kk = AK : CA, ou AB – Kk : AK = Kk : CA, c’est-à-dire, comme AB × Kk : AB × CA, d’où AK et AB × CA étant données, on aura AB – Kk com-me AB × Kk ; et à la fin, (lorsque AB et Kk coïncident) comme AB2 . Par le même raisonnement, on aura Kk – Ll et Ll – Mm, etc. propor-tionnels à Kk 2 et Ll 2 , etc. Les carrés des lignes AB, Kk, Ll, Mm sont donc comme leurs différences ; et comme les carrés des vitesses sont aussi comme ces mêmes différences, les deux progressions seront semblables. Ce qui étant démontré, il suit que les aires décrites par ces lignes sont dans une progression semblable à celle des espaces décrits avec ces vitesses. Donc, si la vitesse au commencement du premier temps AK est exprimée par la ligne AB, et la vitesse au commence-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 306 Livre second : sections I à VI.

ment du second KL par la ligne Kk, et la longueur décrite dans le pre-mier temps, par l’aire AKkB ; toutes les vitesses suivantes seront ex-primées par les lignes suivantes Ll, Mm, etc. et les longueurs décrites par les aires Kl, Lm, etc. d’où en composant, si le temps total est ex-primé par la somme de ses parties AM, la longueur totale décrite sera exprimée par la somme de ses parties AMmB. Supposez à présent que le temps AM soit divisé dans les parties AK, KL, LM, etc. en sorte que CA, CK, CL, CM, etc. soient en progression géométrique ; ces parties seront dans la même progression, et les vitesses AB, Kk, Ll, Mm, etc. seront dans la même progression inversement ; et par conséquent les espaces décrits Ak, Kl, Lm, etc. seront égaux. — C.Q.F.D.

(Fig. 8)

Cor. 1. Il est donc clair, que si le temps est exprimé par une partie quelconque AD de l’asymptote, et la vitesse dans le commencement de ce temps par l’ordonnée AB ; la vitesse à la fin de ce temps sera exprimée par l’ordonnée DG ; et l’espace total décrit sera représenté par l’aire hyperbolique adjacente ABGD : de même, l’espace qu’un corps peut décrire dans un milieu non résistant pendant le même temps AD, et avec la première vitesse AB, sera représenté par le rec-tangle AB × AD.

Cor. 2. De là on a l’espace décrit dans un milieu résistant, en pre-nant cet espace à l’espace qui peut être décrit dans le même temps, dans un milieu non résistant avec la vitesse uniforme AB comme l’aire hyperbolique ABGD est au rectangle AB × AD.

Cor. 3. La résistance du milieu sera aussi donnée en la supposant égale au commencement du mouvement à la force centripète uniforme qui peut produire la vitesse AB, dans un corps qui tombe dans un mi-lieu non résistant pendant le temps AC. Car si on mène BT qui touche l’hyperbole en B, et rencontre l’asymptote en T ; la droite AT sera éga-le à AC, et représentera le temps dans lequel la première résistance étant uniformément continuée, peut ôter au corps toute la vitesse AB.

Cor. 4. Et par-là, on a aussi la proportion de cette résistance à la force de la gravité, ou à une autre force centripète quelconque donnée.

Cor. 5. Et réciproquement, si la proportion de la résistance à une force centripète quelconque est donnée, on aura aussi le temps AC pendant lequel la force centripète, égale à la résistance, peut produire

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 307 Livre second : sections I à VI.

une vitesse quelconque AB ; et on aura par-là le point B, par lequel on doit décrire l’hyperbole : donc les asymptotes seront CH, CD, ainsi que l’espace ABGD que le corps peut décrire en commençant à se mouvoir avec une vitesse AB, dans un milieu également résistant pen-dant un temps quelconque AD.

PROPOSITION VI. — THÉORÈME IV.

Les corps sphériques, homogènes et égaux qui éprouvent une résistance en raison doublée des vitesses, et qui se meuvent par les seules forces qui leur ont été imprimées, décrivent toujours des espaces égaux dans des temps réci-proquement proportionnels aux vitesses qu’ils ont au com-mencement et ils perdent des parties de vitesse proportion-nelles à leur vitesse totale.

(Fig. 9)

Ayant décrit une hyperbole quelconque BbEe, dont les asymptotes soient les perpendiculaires CD, CH, et qui soit coupée en B, b, E, e, par les perpendiculaires AB, ab, DE, de, que les vitesses initiales soient exprimées par les perpendiculaires AB, DE, et les temps par les lignes Aa, Dd. On a (par l’hypothèse) DE : AB = Aa : Dd, ou (par la nature de l’hyperbole) = CA : CD, et par conséquent = Ca : Cd, donc les aires ABba, DEed, c’est-à-dire, les espaces décrits sont égaux entre eux, et les premières vitesses AB, DE sont proportionnelles aux der-nières ab, de, et sont par conséquent proportionnelles aux parties per-dues de ces vitesses AB – ab, DE – de. — C.Q.F.D.

PROPOSITION VII. — THÉORÈME V.

Les corps sphériques qui éprouvent une résistance en raison doublée des vitesses, perdent dans des temps qui sont direc-tement comme les premiers mouvements, et inversement comme les premières résistances, des parties de mouvement proportionnelles aux touts ; et décrivent des espaces en rai-son composée de ces temps, et des premières vitesses.

Car les parties perdues des mouvements sont en raison composée des résistances et des temps. Donc comme ces parties sont propor-tionnelles aux touts, la raison composée de la résistance et du temps

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 308 Livre second : sections I à VI.

doit être celle du mouvement. Ainsi le temps sera comme le mouve-ment directement, et comme la résistance inversement. C’est pourquoi les particules des temps étant prises dans cette raison, les corps per-dront toujours des particules de mouvement proportionnelles aux touts, et par conséquent ils conserveront toujours des vitesses propor-tionnelles à leurs premières vitesses. Et à cause de la raison donnée des vitesses, ils décriront toujours des espaces qui seront comme les premières vitesses et les temps conjointement. — C.Q.F.D.

Cor. 1. Donc, si les corps qui ont des vitesses égales éprouvent des résistances qui soient en raison doublée des diamètres : les globes homogènes mus avec des vitesses quelconques perdront des parties de mouvement proportionnelles aux touts en parcourant des espaces pro-portionnels à leurs diamètres. Ainsi le mouvement d’un globe quel-conque sera comme sa vitesse, et la masse conjointement, c’est-à-dire, comme la vitesse et le cube de son diamètre ; la résistance (par l’hypothèse) sera comme le carré du diamètre et le carré de la vitesse conjointement, et le temps (par cette Proposition) est dans la première raison directement, et dans la dernière inversement, c’est-à-dire, direc-tement comme le diamètre, et inversement comme la vitesse ; donc l’espace qui est proportionnel au temps et à la vitesse, est comme le diamètre.

Cor. 2. Si des corps qui ont des vitesses égales éprouvent des résis-tances qui soient en raison sesquiplée de leurs diamètres : les globes homogènes mus avec des vitesses quelconques, perdront des parties de leurs mouvements proportionnelles aux touts en parcourant des es-paces en raison sesquiplée de leurs diamètres.

Cor. 3. Et généralement, si des corps qui ont des vitesses égales éprouvent des résistances en raison d’une puissance quelconque de leurs diamètres ; les espaces dans lesquels des globes homogènes mus avec des vitesses quelconques perdront des parties de mouvement proportionnelles aux touts, seront comme les cubes des diamètres di-visés par cette puissance. Soient les diamètres D et E, si les résistan-ces, lorsque les vitesses sont supposées égales, sont comme et Dn E n

3

, les espaces dans lesquels les globes mus avec des vitesses quel-conques perdront des parties de mouvement proportionnelles aux touts, seront comme D n et E 3− −n

3−n, et par conséquent des globes ho-

mogènes en décrivant des espaces proportionnels à et D E n 3−

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 309 Livre second : sections I à VI.

conserveront des vitesses qui seront dans la même raison entre elles que dans le commencement.

Cor. 4. Et si les globes ne sont pas homogènes, l’espace parcouru par un globe plus dense doit augmenter en raison de sa densité. Car le mouvement est plus grand en raison de la densité lorsque la vitesse est égale, et le temps (par cette Proposition) augmentera en raison du mouvement directement, et l’espace décrit en raison du temps.

Cor. 5. Et si les globes se meuvent dans des milieux différents, l’espace sera moindre dans un milieu qui résiste plus, en raison de cet-te plus grande résistance. Car le temps (par cette Prop.) diminuera en raison de la résistance augmentée, et l’espace en raison du temps.

LEMME II.

Le moment de la quantité produite est égal au moment de chacune des racines composantes, multipliées successive-ment par les exposants de leurs puissances et par leurs coefficients.

J’appelle quantité produite toute quantité formée sans addition et sans soustraction, soit arithmétiquement par la multiplication, la divi-sion, ou l’extraction des racines de quantités simples, ou de leurs puis-sances, soit géométriquement par la détermination des produits et des racines, ou des extrêmes et des moyens proportionnels. Telles sont les produits, les quotients, les racines, les rectangles, les carrés, les cubes, les racines carrées, et les racines cubes. Je considère ici ces quantités comme variables, et croissant ou décroissant comme par un mouve-ment ou flux perpétuel, et j’entends par moments leur incrément ou décrément momentané : de sorte que l’on doit prendre leurs incré-ments pour les moments additifs ou positifs, et leurs décréments pour ceux qui sont négatifs ou soustractifs. Prenez garde cependant de ne pas entendre par là des particules finies. Car les particules finies ne sont pas les moments, mais les quantités mêmes produites par ces moments. Il faut donc prendre pour particules les principes naissants de quantités finies. On ne considère point dans ce Lemme la grandeur des moments. Mais la première proportion des quantités qui naissent. Et il en sera de même si au lieu des moments on emploie les vitesses des incréments et des décréments (qu’on peut aussi appeler mouve-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 310 Livre second : sections I à VI.

ments, mutations, et fluxions des quantités) ou les quantités finies quelconques proportionnelles à ces vitesses. Quant au coefficient d’une racine quelconque qui produit une quantité, il se trouve en divi-sant la quantité produite, par cette racine.

Le sens de ce Lemme est donc, que si A, B, C, etc. sont les mo-ments des quantités quelconques croissantes ou décroissantes par un mouvement continu, et que les vitesses proportionnelles à ces chan-gements soient nommées a, b, c, etc. le moment ou le changement du rectangle produit ABC sera aB + bA, et le moment du produit ABC sera aBC + bAC + cAB : et les moments des puissances produites A2, A3, A4, A

12 , A

32 , A

13 , A

23 , A−1, A−2, et A− 2

1

seront 2aA, 3a A2, 4a A3, 12 a A− 2

1

, 32 a A

12 , 1

3 aA− 32

, 23 aA− 3

1

, −aA−2, −2aA−3 et − 12 aA− 2

3

respective-

ment. Et généralement, le moment d’une puissance quelconque Anm

sera nm

aAn−m

m , de même le moment de la quantité produite A2 B sera

2aAB + et celui de la quantité produite bA2 A3B4C 2 2 sera 3aA B4C 2

+ 4bA3B3C 2 +2cA3B4C , celui de la quantité produite AB2

3

ou A3B−2

sera 3aA2 B−2 3 – 2bA B−3 : et ainsi des autres. On démontrera ce Lem-me de cette manière.

Cas 1. Un rectangle quelconque AB augmenté par un mouvement continu, lorsqu’on ôte des côtés A et B la moitié des moments 1

2 a et 12 b, devient A − 1

2 a × B − 12 b, ou AB – 1

2 aB – 12 bA + 1

4 ab. Et lorsque les côtés A et B sont augmentés des autres moitiés des moments, il de-vient A + 1

2 a × B + 12 b, ou AB + 1

2 aB + 12 bA + 1

4 ab. Ôtant de ce rec-tangle le premier rectangle, on aura pour reste aB + bA, donc l’incrément aB + bA du rectangle sera produit par les incréments en-tiers a et b des côtés. — C.Q.F.D.

Cas 2. Supposez que AB soit toujours égal à G, le moment du pro-duit ABC, ou GC (par le cas 1.) sera gC + cG, c’est-à-dire, (si on écrit au lieu de G et g, AB, et aB + bA) aBC + bAC + cAB, il en serait de même pour des produits plus composés. — C.Q.F.D.

Cas 3. Supposez que les produits A, B, C soient toujours égaux en-tre eux ; le moment aB + bA du carré A2 ou du rectangle AB sera 2aA,

Page 312: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 311 Livre second : sections I à VI.

et le moment aBC + bAC + cAB du cube A3 ou du produit ABC sera 3a A2. Et par le même raisonnement, le moment d’une puissance quel-conque An n est naA 1. — C.Q.F.D . −

Cas 4. D’où 1A

× A étant = 1, son moment qui est A multiplié par le

moment de 1A

et ajouté avec 1A

× a sera le moment de 1, c’est-à-dire,

= 0. Donc le moment de 1A

ou de A−1 est −aA2 , et généralement, com-

me 1An × An = 1 le moment de 1

An × An ajouté avec 1An × naAn−1 sera

= 0, et par conséquent le moment de 1An ou de A−n sera −

naAn + 1

. —

C.Q.F.D.

Cas 5. Et comme A12 × A

12 = A, le moment de A

12 ×2A

12 sera = a

(par le 3e Cas). Donc le moment de A12 sera a

2A 12

ou 12 aA−1

2 ; et géné-

ralement, si on suppose Amn = B, on aura Am = Bn , et par conséquent,

ma Am−1 = nb Bn−1 et ma A−1 = nb B−1 ou m nb A− mn , donc m

naA

m−nn est

égal à b ou au moment de Amn . — C.Q.F.D.

Cas 6. Donc le moment de la quantité quelconque produite Am Bn est le moment de Am multiplié par Bn et ajouté avec le moment de la même quantité Bn multiplié par Am , c’est-à-dire, ma Am 1B− n + nb Bn−1Am , soit que les exposants m et n soient des nombres entiers ou rompus, positifs ou négatifs. C’est la même chose pour le produit d’un plus grand nombre de puissances. — C.Q.F.D.

Cor. 1. De là, dans les quantités continuellement proportionnelles, si un terme est donné, les moments des autres termes seront comme ces mêmes termes multipliés par le nombre des intervalles qui sont entre eux et le terme donné. Soient les quantités A, B, C, D, E, F continuellement proportionnelles, si le terme C est donné, les mo-ments des autres termes seront entre eux comme – 2A – B, D, 2E, 3F.

Page 313: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 312 Livre second : sections I à VI.

Cor. 2. Et si dans quatre proportionnelles deux moyennes sont données, les moments des extrêmes seront comme ces mêmes extrê-mes. Il faut entendre la même chose des côtés d’un rectangle quel-conque donné.

Cor. 3. Et si la somme ou la différence de deux carrés est donnée, les moments de leurs côtés seront réciproquement comme ces côtés.

SCHOLIE.

En expliquant dans une lettre à D. J. Collins le 10 décembre 1672 la méthode des tangentes que je soupçonne être la même que celle de Slusius qui ne m’avait pas encore été communiquée, j’ajoutai, cela est plutôt un corollaire particulier d’une méthode générale qui s’étend, sans calcul embarrassant, non-seulement à mener des tangentes à des courbes quelconques, soit géométriques, soit mécaniques, ou relatives d’une façon quelconque à des lignes droites ou courbes, mais aussi à résoudre d’autres espèces de problèmes très difficiles touchant les courbures, les quadratures, les rectifications, les centres de gravité des courbes, etc. et elle n’est pas restreinte (comme la méthode de maximis et minimis de Hudde) aux seules équations qui ne contien-nent point de quantités irrationnelles. J’ai entremêlé cette méthode de cette autre par laquelle je détermine les racines des équations en les réduisant à des séries infinies. Jusqu’à ces derniers mots, c’est la let-tre, mais ces derniers mots sont du Traité que j’avais écrit sur cette matière dès l’année 1671. Les principes de cette Méthode générale sont contenus dans le Lemme précédent.

PROPOSITION VIII. — THÉORÈME VI.

Lorsqu’un corps monte ou descend en ligne droite dans un milieu homogène, la gravité agissant uniformément sur lui, si on partage tout l’espace qu’il a décrit en parties égales, et qu’on trouve (en ajoutant la résistance du milieu à la for-ce de la gravité, lorsque le corps monte, et l’en soustrayant lorsqu’il descend) les forces absolues au commencement de chacune de ces parties égales ; je dis que ces forces abso-lues seront en progression géométrique.

(Fig. 10)

Page 314: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 313 Livre second : sections I à VI.

Car soit exprimée la force de la gravité par la ligne donnée AC ; la résistance par la ligne indéfinie AK ; la force absolue lorsque le corps descend par la différence KC ; la vitesse du corps par la ligne AP, qui soit moyenne proportionnelle entre AK et AC, et par conséquent en raison sousdoublée de la résistance ; que l’incrément de la résistance dans une particule donnée de temps soit représenté par la petite ligne KL, et l’incrément contemporain de la vitesse par la petite ligne PQ, et du centre C, soit décrite l’hyperbole quelconque BNS ayant pour asymptotes les perpendiculaires CA, CH, et soient élevées les perpen-diculaires AB, KN, LO qui la rencontrent en B, N, O. Parce que AK est comme AP 2, son moment KL sera comme le moment 2APQ de AP 2 : c’est-à-dire, comme AP × KC, car l’incrément PQ de la vitesse (2e Loi du mouvement) est proportionnel à la force génératrice KC. Compo-sant la raison de KL avec celle de KN, on aura le rectangle KL × KN proportionnel à AP × KC × KN ; c’est-à-dire, à cause du rectangle donné KC × KN, proportionnel à AP ; donc la dernière raison de l’aire hyperbolique KNLO au rectangle KL × KN lorsque les points K et L coïncident, est la raison d’égalité. Donc cette aire évanouissante est comme AP. Or l’aire totale hyperbolique ABLO est composée des par-ticules KNOL qui sont toujours proportionnelles à la vitesse AP, etc par conséquent, l’aire totale est proportionnelle à l’espace décrit avec cette vitesse. Soit à présent divisée cette aire dans les parties égales ABMI, IMNK, KNOL, etc. les forces absolues AC, IC, KC, LC, etc. seront en progression géométrique. — C.Q.F.D.

Par le même raisonnement, dans l’ascension du corps, prenant de l’autre côté du point A les aires égales ABmi, imnk, knol, etc. On prouvera que les forces absolues AC, iC, kC, lC, etc. seront continuel-lement proportionnelles. Donc si dans l’ascension et la descente du corps on prend tous les espaces égaux ; toutes les forces absolues lC, kC, iC, AC, KC, LC, etc. seront en proportion continue. — C.Q.F.D.

Cor. 1. De là, si l’espace décrit est représenté par l’aire hyperboli-que ABNK ; la force de la gravité, la vitesse du corps, et la résistance du milieu peuvent être représentées par les lignes AC, AP et AK res-pectivement, et au contraire.

Cor. 2. Et l’exposant de la plus grande vitesse que le corps peut jamais acquérir en descendant à l’infini est la ligne AC.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 314 Livre second : sections I à VI.

Cor. 3. Donc, si on connaît la résistance du milieu pour une vitesse donnée, on trouvera la plus grande vitesse en la prenant à cette vitesse donnée dans la raison sousdoublée que la force de la gravité a à cette résistance connue du milieu.

PROPOSITION IX. — THÉORÈME VII.

Les choses ci-devant démontrées étant posées, je dis, que si on prend pour un rayon donné de grandeur les tangentes des angles du secteur circulaire et du secteur hyperbolique proportionnelles aux vitesses, le temps entier que le corps emploiera à monter au lieu le plus haut sera comme le sec-teur du cercle, et tout le temps qu’il emploiera à descendre du lieu le plus haut sera comme le secteur de l’hyperbole.

(Fig. 11)

Soit menée AD perpendiculaire et égale à AC qui exprime la force de la gravité. Du centre D, et du demi-diamètre AD soit décrit, tant le quart de cercle AtE, que l’hyperbole équilatère AVZ dont l’axe soit AX, le sommet A, et l’asymptote DC. Soient menées Dp et DP, le sec-teur circulaire AtD sera comme tout le temps employé à monter au lieu le plus haut, et le secteur hyperbolique ATD sera comme tout le temps employé à descendre du lieu le plus haut : pourvu cependant que les tangentes Ap, AP des secteurs soient comme les vitesses.

Cas 1. Soit tirée Dvq qui coupe les moments du secteur ADt et du triangle ADp, ou les particules très petites tDv, et qDp décrites en même temps. Comme ces particules, à cause de l’angle commun D, sont en raison doublée des côtés, la particule tDv sera comme qDp × tD

pD2

2

, c’est-à-dire, a cause de la donnée tD, comme qDppD2 . Mais

est pD2 AD2 + , c’est-à-dire, Ap2 AD2 + AD × Ak, ou AD × Ck ; et

qDp est 12 AD × pq. Donc la particule tDv du secteur est comme pq

Ck,

c’est-à-dire, comme le très petit décrément pq de la vitesse directe-ment, et la force Ck qui diminue la vitesse inversement ; et par consé-quent, comme la particule du temps qui répond au décrément de la vitesse. D’où en composant, la somme de toutes les particules tDv dans le secteur ADt est comme la somme des petites parties du temps

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 315 Livre second : sections I à VI.

qui répondent à chacune des particules perdues pq de la vitesse dé-croissante Ap, jusqu’à ce que la vitesse étant diminuée à l’infini, elle s’évanouisse ; c’est-à-dire, que le secteur total ADt est comme tout le temps employé à monter au lieu le plus haut. — C.Q.F.D.

(Fig. 11)

Cas 2. Soit tirée DQV qui coupe les très petites particules TDV et PDQ tant du secteur DAV que du triangle DAQ ; ces particules seront l’une à l’autre comme DT 2 à DP 2, c’est-à-dire, (si TX et AP sont pa-rallèles) comme DX 2 à ou TX à DA2 2 AP 2, et en divisant, comme DX 2 2 2 – TX à – DA AP 2. Mais par la nature de l’hyperbole, DX 2

2 –

est TX AD2, et par l’hypothèse, AP 2 est AD × AK. Donc les particu-les sont entre elles comme AD2 à AD2 – AD × AK, c’est-à-dire, comme AD à AD – AK ou AC à CK. Donc la petite partie TDV du sec-

teur est PDQ × ACCK

; et par conséquent, à cause des données AC et

AD, comme PQCK

c’est-à-dire, comme l’incrément de la vitesse direc-

tement ; et comme l’incrément de la force génératrice inversement, et par conséquent comme la particule de temps qui répond à l’incrément. D’où en composant, la somme des particules de temps pendant les-quelles toutes les particules PQ de la vitesse AP sont produites, est comme la somme des particules du secteur ATD, c’est-à-dire, que le temps total est comme tout ce secteur. — C.Q.F.D.

Cor. 1. De là, en supposant que AB soit la quatrième partie de AC, l’espace que le corps décrit en tombant pendant un temps quelconque sera à l’espace que le corps avec la plus grande vitesse AC pourrait décrire en avançant uniformément pendant le même temps, comme l’aire ABNK, qui exprime l’espace décrit en tombant, est à l’aire ATD par laquelle le temps est exprimé. Car puisque AC : AP = AP : AK, on aura (Cor. 1 du Lemme 2 de ce livre) LK : PQ = 2AK : AP, c’est-à-dire, = 2AP : AC, et de là on tire, LK : 1

2 PQ = AP : 14 AC ou AB ; mais

KN : AC ou AD = AB : CK, et par conséquent, LNKO : DPQ = AP : CK. De plus, on avait DPQ : DTV = CK : AC. Donc LKNO : DTV = AP : AC ; c’est-à-dire, comme la vitesse du corps qui tombe, à la plus grande vitesse que le corps peut acquérir en tombant. Or comme les moments LKNO et DTV des aires ABNK et ATD sont proportionnels aux vitesses, toutes les parties de ces aires produites en même temps

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 316 Livre second : sections I à VI.

seront comme les espaces décrits en même temps, donc les aires tota-les ABNK, ATD décrites depuis le commencement du mouvement se-ront comme les espaces entiers décrits depuis que le corps a commen-cé à descendre. — C.Q.F.D.

(Fig. 11)

Cor. 2. Il en est de même de l’espace décrit en remontant, c’est-à-dire, que tout cet espace est à l’espace décrit avec la vitesse uniforme AC dans le même temps, comme l’aire ABnk est au secteur ADt.

Cor. 3. La vitesse du corps qui tombe pendant le temps ATD est à la vitesse qu’il acquérait dans le même temps dans un espace non ré-sistant, comme le triangle APD est au secteur hyperbolique ATD. Car la vitesse dans un milieu non résistant serait comme le temps ATD, et dans un milieu résistant elle est comme AP, c’est-à-dire, comme le triangle APD. Or les vitesses au commencement de la chute sont éga-les entre elles, donc elles sont comme les aires ATD, APD.

Cor. 4. Par le même raisonnement, la vitesse dans l’ascension est à la vitesse avec laquelle le corps peut perdre tout son mouvement en remontant dans le même temps, dans un espace non résistant, comme le triangle ApD est au secteur circulaire AtD ; ou comme la droite Ap à l’aire At.

Cor. 5. Le temps dans lequel le corps en tombant dans un milieu résistant peut acquérir la vitesse AP, est donc au temps dans lequel il peut acquérir la plus grande vitesse AC en tombant dans un milieu non résistant, comme le secteur ADT est au triangle ADC ; et le temps pendant lequel il peut perdre la vitesse Ap en remontant dans un mi-lieu résistant, est au temps dans lequel il peut perdre la même vitesse en remontant dans un milieu non résistant, comme l’arc At est à sa tangente Ap.

Cor. 6. De là, le temps étant donné, on a l’espace décrit dans l’ascension ou dans la descension. Car si le corps descend à l’infini sa plus grande vitesse est donnée par les Cor. 2 et 3 du Théor. 6 de ce Liv. 2 et par là on a le temps dans lequel il peut acquérir cette vitesse en tombant dans un espace non résistant. Prenant donc le secteur ADT ou ADt au triangle ADC dans la raison du temps donné au temps déjà trouvé, on aura tant la vitesse AP ou Ap, que l’aire ABNK ou ABnk qui est au secteur ADT ou ADt comme l’espace cherché est à l’espace qui

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 317 Livre second : sections I à VI.

aurait pu être décrit uniformément dans un temps donné avec cette plus grande vitesse trouvée.

(Fig. 11)

Cor. 7. Et réciproquement, l’espace ABnk ou ABNK décrit pendant l’ascension ou la descension étant donné, le temps ADt ou ADT le sera aussi.

PROPOSITION X — THÉORÈME III.

La force uniforme de la gravité tendant directement au plan de l’horizon, et la résistance étant comme la densité du mi-lieu et le carré de la vitesse conjointement, on demande à chacun des lieux, tant la densité du milieu nécessaire pour que le corps décrive une courbe quelconque donnée, que la vitesse du corps et la résistance du milieu à chacun des lieux de cette courbe.

(Fig. 12)

Que PQ soit le plan perpendiculaire au plan de la figure ; PFHQ une ligne courbe rencontrant ce plan en P et Q ; G, H, I, K quatre lieux du corps dans cette courbe en allant de F en Q ; et GB, HC, ID, KE quatre ordonnées parallèles abaissées de ces points sur la ligne horizontale PQ, et s’appuyant sur cette ligne aux points B, C, D, E ; les distances BC, CD, DE de ces ordonnées étant égales entre elles. Des points G et H soient tirées les droites GL, HN tangentes de la courbe en G et H, et rencontrant en L et N les ordonnées CH, DI pro-longées en en-haut, et soit achevé le parallélogramme HCDM ; les temps dans lesquels le corps décrit les arcs GH, HI seront en raison sous-doublée des hauteurs LH, IN que le corps peut parcourir dans ces temps en tombant par ces tangentes ; et les vitesses seront comme les longueurs parcourues GH, HI directement, et comme les temps inver-

sement. Qu’on exprime les temps par T et t, et les vitesses par GHT

et

HIt

le décrément de la vitesse pendant le temps t sera GHT

– HIt

. Ce

décrément vient de la résistance qui retarde le corps, et de la gravité qui l’accélère. La gravité produit dans un corps qui parcourt en tom-bant l’espace NI une vitesse par laquelle le corps pourrait parcourir le double de cet espace dans le même temps, comme Galilée l’a démon-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 318 Livre second : sections I à VI.

tré ; c’est-à-dire la vitesse 2NIt

: mais dans le corps qui parcourt l’arc

HI elle augmente seulement cet arc de la longueur HI – HN ou MI × NI

HI ; elle produit donc seulement alors la vitesse 2MI × NI

t × HI.

Ajoutant cette vitesse au décrément dont on a parlé, on aura le décré-

ment de la vitesse causé par la seule résistance, c’est-à-dire, GHT

HIt

+ 2MI × NIt × HI

. Donc, puisque la gravité produit dans le même

temps dans le corps qui tombe la vitesse 2NIt

; la résistance sera à la

gravité comme GHT

– HIt

+ 2MI × NIt × HI

à 2NIt

, ou comme t ×GHT

HI + 2MI × NIHI

à 2NI.

(Fig. 12)

Écrivant à présent, au lieu des abscisses CB, CD, DE, – o, o, 2o ; pour l’ordonnée CH, P ; et pour MI la série quelconque Qo + Roo +

+ etc. Tous les termes de cette série après le premier, c’est-à-dire, So3

Ro2 3

3 3

3

3

+ + etc. seront NI ; et les ordonnées DI, EK, et BG, seront P – Qo – Roo – etc. P – 2Qo – 4Roo — 8 — etc. et P + Qo – Roo + – etc. respectivement. Et en carrant les différences des or-données BG – CH et CH – DI et ajoutant à ces carrés les carrés de BC, CD, on aura les carrés oo + QQoo – 2QRo etc. et oo + QQoo +

2QRo + etc. des arcs GH, HI, dont les racines o

SoSo So

So

3 1+ QQ – QRoo1+ QQ

et o 1+ QQ + QRoo1+ QQ

sont les arcs GH et HI. De plus, si on sous-

trait de l’ordonnée CH la demi-somme des ordonnées BG et DI, et de l’ordonnée DI la demi-somme des ordonnées CH et EK, il restera les flèches Roo et Roo + 3 des arcs GI et HK, lesquelles sont propor-tionnelles aux petites lignes LH et NI, et par conséquent en raison

doublée des temps infiniment petits T et t. Donc la raison de

So3

tT

est

Page 320: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 319 Livre second : sections I à VI.

R + 3SOR

ou R + 32 So

R ; et t ×GH

T – HI + 2MI × NI

HI, et en mettant

au lieu de tT

, GH, HI, MI et NI leurs valeurs trouvées, on aura

3Soo2R

1+ QQ , et comme 2NI est 2Roo, la résistance sera alors à la

gravité comme 3S 1+ QQ à 4RR.

Cette vitesse est celle avec laquelle le corps en partant d’un lieu quelconque H, selon la tangente HN, décrit la parabole dont le diamè-

tre est HC et le paramètre HNN

2

I ou 1+ QQ

4RR, et avec laquelle il pourrait

se mouvoir dans le vide et décrire la même courbe.

Et la résistance étant comme la densité du milieu, et le carré de la vitesse conjointement, la densité du milieu sera comme la résistance directement, et le carré de la vitesse inversement, c’est-à-dire, comme 3S 1+ QQ

4RR directement et 1+ QQ

R inversement, ou ce qui revient au

même, comme SR 1+ QQ

. — C.Q.F.T.

(Fig. 12)

Cor. 1. Si on prolonge la tangente HN des deux côtés, en sorte

qu’elle rencontre une ordonnée quelconque AF en T, HTAC

sera égale à

1+ QQ , donc on peut l’écrire dans les calculs précédents au lieu de 1+ QQ . C’est pourquoi la résistance sera à la gravité, comme

3S × HT à 4RR × AC, la vitesse comme HTAC R

et la densité du mi-

lieu comme S × ACR × HT

.

Cor. 2. Et de là, si la ligne courbe PFHQ est exprimée suivant l’usage par la relation entre la base ou l’abscisse AC et l’appliquée CH, et que la valeur de l’appliquée soit transformée en une série convergente : le problème se résoudra très facilement par les premiers termes de la série comme dans les exemples suivants.

Page 321: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 320 Livre second : sections I à VI.

Exemple 1. Que la ligne PFHQ soit un demi-cercle décrit sur le diamètre PQ, et qu’on demande la densité du milieu nécessaire pour que le projectile se meuve dans cette ligne.

Que le diamètre PQ soit coupé en deux également au point A ; et qu’on nomme AQ, n ; AC, a ; CH, e ; et CD, o ; et on aura DI 2

2 ou

– AQ AD2 = nn – aa – 2ao – oo, ou, ee – 2ao – oo, et la racine étant

extraite par notre méthode on aura, DI = e – aoe

– oo2e

– aaoo2e3 – ao

2e3

3

– a o2e5

3 3

– etc. et écrivant nn au lieu de ee + aa, on aura DI = e – aoe

nnoo2e3 – anno

2e5

3

– etc.

Je distingue en cette sorte les séries de l’espèce de la précédente en termes successifs. J’appelle premier terme celui dans lequel la quanti-té infiniment petite o ne se trouve point ; second terme, celui dans le-quel cette quantité est d’une dimension ; troisième terme, celui dans lequel elle en a deux ; quatrième terme, celui où elle en a trois, et ainsi à l’infini. Le premier terme qui est ici, e, représentera toujours la lon-gueur de l’ordonnée CH qui s’appuie sur le commencement de la quantité indéfinie o.

Le second terme qui est ici aoe

représentera la différence entre CH

et DN, c’est-à-dire, la petite ligne MN, qui est retranchée en achevant le parallélogramme HCDM, et qui par conséquent détermine toujours la position de la tangente HN, comme dans ce cas, en prenant MN à

HM comme aoe

est à o, ou, comme a est à e.

Le troisième terme qui est ici nnoo2e3 représentera la petite ligne IN

qui est comprise entre la tangente et la courbe, et qui par conséquent détermine l’angle de contact IHN, ou la courbure que la ligne courbe a au point H. Si cette petite ligne IN est de grandeur finie, elle sera re-présentée par le troisième terme et par tous ceux qui le suivent à l’infini, mais si cette petite ligne diminue à l’infini, les termes suivants deviendront infiniment plus petits que le troisième, et peuvent par conséquent être négligés.

Page 322: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 321 Livre second : sections I à VI.

Le quatrième terme détermine la variation de la courbure ; le cin-quième la variation de la variation, et ainsi de suite. D’où l’on voit en passant l’usage de ces séries dans la solution des problèmes qui dé-pendent des tangentes et de la courbure des courbes.

(Fig. 12)

En comparant la série e – aoe

– nnoo2e3 – anno 3

2e5 –, etc. avec la série

P – Qo – Roo – So – etc. et écrivant ensuite pour P, Q, R et S, e, 3 ae

,

nn2e3 et ann

2e5 au lieu de 1×QQ , 1+aaee

ou ne

, on aura la densité du

milieu comme ane

, c’est-à-dire, (a cause que n est donnée) comme ae

,

ou ACCH

, ou ce qui revient au même, comme cette longueur HT de la

tangente qui est terminée par le demi-diamètre AF perpendiculaire sur PQ : et la résistance sera à la gravité comme 3a à 2n, c’est-à-dire, comme 3AC au diamètre PQ du cercle : quant à la vitesse elle sera comme CH . C’est pourquoi, si le corps part du lieu F dans une li-gne parallèle à PQ avec une vitesse suffisante, et que la densité du mi-lieu à chacun des lieux H soit comme la longueur HT de la tangente et que la résistance dans quelque lieu H soit à la force de la gravité comme 3AC à PQ ce corps décrira le quart de cercle FQH. — C.Q.F.T.

Mais si ce même corps eût été porté du lieu P selon une ligne per-pendiculaire à PQ, et qu’il eût commencé à se mouvoir dans l’arc du demi-cercle PFQ, il aurait fallu prendre AC, ou a de l’autre côté du centre A, et par conséquent il eût fallu changer son signe et écrire –a,

au lieu de +a. Ce qui donnerait la densité du milieu comme – ae

, mais

la nature n’admet point de densité négative, c’est-à-dire, qui accélère le e mouvement : et par conséquent il ne se peut faire que le corps en montant du point P décrive l’arc de cercle PF, car il faudrait qu’il fût accéléré par un milieu qui le portait en haut, au lieu d’être retardé par un milieu résistant.

(Fig. 13)

Page 323: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 322 Livre second : sections I à VI.

Exemple 2. Que la ligne PFQ soit une parabole ayant son axe AF perpendiculaire à l’horizon PQ et qu’on cherche la densité du milieu nécessaire pour que le projectile se meuve dans cette ligne.

Par la nature de la parabole, le rectangle PDQ est égal au rectangle sous l’ordonnée DI et une ligne droite constante, c’est-à-dire, (si on appelle cette ligne b ; la ligne Pc, a ; PQ, c ; CH, e ; et CD, o ; ) que le rectangle a + o × c – a – o, ou ac – aa – 2ao + co – oo est égal au

rectangle b × DI. Donc DI = ac − aab

+ c − 2ab

× o – oob

. Dans cette

suite, le second terme c − 2ab

× o représente Qo et le troisième terme

oob

représente Roo. Or, comme il n’y a pas d’avantage de termes, le

coefficient S du quatrième doit s’évanouir, et par conséquent la quan-

tité SR 1+ QQ

à laquelle la densité du milieu est proportionnelle, sera

nulle ; donc, lorsque la densité du milieu est nulle le projectile doit se mouvoir dans une parabole comme Galilée l’a démontré autrefois. — C.Q.F.T.

(Fig. 14)

Exemple 3. Que la ligne AGK soit une hyperbole dont l’asymptote NX soit perpendiculaire au plan horizontal AK ; et qu’on cherche la densité du milieu nécessaire pour que le projectile se meuve dans cette ligne.

Soit MX l’autre asymptote qui rencontre en V l’ordonnée DG pro-longée ; et par la nature de l’hyperbole, le rectangle XV × VG est donné. Mais la raison de DN à VX est aussi donnée, et par conséquent le rectangle DN × VG l’est aussi. Soit bb ce rectangle : après avoir achevé le parallélogramme DNXZ ; qu’on nomme BN, a ; BD, o ; NX,

c ; et que la raison donnée de VZ à ZX ou DN soit mn

. On aura, DN =

a – o, VG = bba − o

, VZ = mn

a − o et GD ou NX – VZ – VG = c – mn

a

+ mn

o – bba − o

. Que le terme bba − o

soit transformé dans la série

Page 324: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 323 Livre second : sections I à VI.

convergente bba

+ bbaa

o + bba 3 oo + bb

a 4 o3 etc. et on aura GD = c – mn

a

– bba

+ mn

o – bbaa

o – bba 3 o2 – bb

a 4 o3 etc. Le second terme mn

o – bbaa

o

de cette série représentera Qo, le troisième bba 3 o2, en changeant le si-

gne, représentera Ro2, et le quatrième bba 4 o3, en changeant aussi le

signe, représentera , et selon la règle précédente, les coefficients So3

mn

– bbaa

, bba 3 , et bb

a 4 seront les quantités qu’il faudra substituer dans la

formule précédente à la place des quantités Q, R et S. La substitution

faite, on aura la densité du milieu comme bba 4

bba 4

bba 3 1+

mmnn

−2mbbnaa

+b4

a 4

ou 1

aa +mmnn

aa −2mbb

n+

b4

aa

, c’est-à-

dire, (si on prend sur VZ la ligne VY = VG) comme 1XY

, car aa et

mmnn

aa – 2mbbn

+ baa

4

sont les carrés de XZ et de ZY, et on trouvera

que la résistance est à la gravité dans la raison de 3XY à 2YG ; et c’est la même vitesse avec laquelle le corps décrirait la parabole dont le

sommet serait G, le diamètre DG, et le paramètre XYVG

2

. C’est pour-

quoi, supposant que les densités du milieu dans chacun des lieux G, soient réciproquement comme les distances XY, et que la résistance dans quelque lieu G soit à la gravité comme 3XY à 2YG ; le corps par-tant de A avec la vitesse nécessaire décrira cette hyperbole AGK. — C.Q.F.T.

(Fig. 14)

Exemple 4. Supposons en général que la ligne AGK soit une hy-perbole dont le centre soit X, les asymptotes MX, NX, et qu’elle soit décrite par cette Loi, qu’ayant fait le rectangle XZDN dont le côté ZD coupe l’hyperbole en G et son asymptote en V, VG sera réciproque-ment comme ZX ou comme quelque puissance DN n de DN dont

Page 325: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 324 Livre second : sections I à VI.

l’exposant sera le nombre n ; et qu’on cherche la densité du milieu nécessaire pour que le projectile décrive cette courbe.

(Fig. 14)

Au lieu de BN, BD, NX, écrivez A, O, C respectivement, et soit

VZ : XZ ou DN = d : e, et on aura VG = bbDN n et DN = A – O, VG =

bbA −On , VZ = d

eA − O, et GD ou NX – VZ – VG = C – d

eA + d

eO –

bbA −On

. Soit transformé bbA −On

dans la série infinie bbAn + nbb

An+1 O +

nn + n2An+2 bbO2 + n3 + 3nn + 2n

6An+3 bbO3, etc. et on aura GD = C – de

A –

bbAn + d

eO – nbb

An+1 O – +nn + n2An+2 bbO2 – +n3 + 3nn + 2n

6An+3 bbO3, etc. Et le

second terme de

O – nbbAn+1 O de cette série, représentera Qo, le troisiè-

me nn + n2An+2 bbO2, représentera Ro2, le quatrième n + 3nn + 2n

6

3

An+3 bbO3

représentera . De là, la densité du milieu So3 SR 1+ QQ

deviendra,

dans un lieu quelconque G n + 2

3 A2 +ddee A2 −

2dnbbeAn A +

nnb4

A2n

. Donc si

on prend sur VZ la ligne VY = n × VG, cette densité sera réciproque-

ment comme XY. Car A2 et ddee

A2 – 2dnbbeAn A + nnb 4

A2 , sont les carrés

de XZ et de ZY. Mais la résistance dans le même lieu G est à la gravité

comme 3S × XYA

à 4RR, c’est-à-dire, comme XY à 2nn + 2nn + 2

VG. Et la

vitesse dans le même lieu G est la même avec laquelle le corps étant jeté décrirait une parabole dont le sommet serait G, le diamètre GD, et

le paramètre 1+ QQR

ou 2XYnn

2

+ n ×VG. — C.Q.F.T.

Page 326: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 325 Livre second : sections I à VI.

SCHOLIE. (Fig. 12)

De même qu’on a trouvé dans le Cor. 1. la densité du milieu com-

me S × ACR × HT

, si on suppose la résistance comme une puissance quel-

conque n de la vitesse V, on aura la densité du milieu comme S

R4−n

ACHT

⎛ ⎝ ⎜

⎞ ⎠ ⎟

n−1

. Et par conséquent, si on peut trouver une courbe telle

que la quantité S

R4−n

2 soit proportionnelle à HT

AC⎛ ⎝ ⎜

⎞ ⎠ ⎟

n−1

2

ou bien que la

quantité SR4−n soit proportionnelle à 1+ QQ( )n−1 : le corps décrira cet-

te courbe dans un milieu uniforme dont la résistance sera comme la puissance n de la vitesse, c’est-à-dire, comme V n . Mais revenons à des courbes plus simples.

(Fig. 14)

Comme le corps ne décrit une parabole que dans un milieu non ré-sistant, et qu’il ne décrit les hyperboles dont nous venons de parler qu’en éprouvant une résistance continuelle : il est clair que la ligne que le projectile décrit dans un milieu qui résiste uniformément ap-proche plus de ces hyperboles que de la parabole. Cette ligne est donc du genre hyperbolique, mais c’est une espèce d’hyperbole qui est plus éloignée des asymptotes vers le sommet, et qui dans les parties très éloignées s’en approche davantage que les hyperboles dont j’ai parlé ici. Mais cependant la différence qui est entre elles n’est pas assez grande pour qu’elles ne puissent pas être prises les unes pour les au-tres sans inconvénient dans la pratique : et peut-être sont-elles plus utiles que les hyperboles décrites avec plus de soin, et plus compo-sées.

Voici comment on peut en faire usage. (Fig. 14)

Soit achevé le parallélogramme XYGT, et que la droite GT touche l’hyperbole en G, la densité du milieu en G est donc réciproquement

Page 327: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 326 Livre second : sections I à VI.

comme la tangente GT, la vitesse dans le même milieu comme GT 2

GV

et la résistance à la force de la gravité comme GT à 2nn + 2nn + 2

× GV .

(Fig. 15)

Donc, si le corps jeté du lieu A dans la droite AH décrit l’hyperbole AGK, et que AH prolongée rencontre l’asymptote NX en H ; tirant AI parallèle à cette asymptote, et qui rencontre l’autre asymptote MX en I, la densité du milieu en A sera réciproquement comme AH, et la vi-

tesse du corps comme AH 2

AI, et la résistance dans le même lieu sera

à la gravité comme AH à 2nn + 2nn + 2

× AI : d’où on tire les règles sui-

vantes.

Règle 1. Si la densité du milieu reste la même qu’en A, ainsi que la vitesse avec laquelle le corps a été jeté, et qu’on change l’angle NAH ; les longueurs AH, AI, HX resteront les mêmes. Donc, si on trouve ces longueurs dans quelque cas, on pourra déterminer ensuite très aisé-ment l’hyperbole pour un angle quelconque donné NAH.

Règle 2. Si la densité du milieu et l’angle NAH restent les mêmes qu’en A, et que la vitesse avec laquelle le corps a été jeté change, la longueur AH restera la même, mais AI changera en raison doublée ré-ciproque de la vitesse.

(Fig. 15)

Règle 3. Si la vitesse du corps, l’angle NAH et la gravité accéléra-trice restent les mêmes qu’en A, et que la proportion de la résistance en A à la gravité motrice augmente dans une raison quelconque ; la proportion de AH à AI augmentera dans la même raison, le paramètre de la parabole dont on a parlé restant le même, ainsi que la longueur AH 2

AI qui lui est proportionnelle : et par conséquent, AH diminuera

dans la même raison, et AI diminuera dans cette raison doublée. Mais la proportion de la résistance au poids augmentera, si la gravité spéci-fique est moindre sous un égal volume, ou si la densité du milieu est

Page 328: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 327 Livre second : sections I à VI.

plus grande, ou bien la résistance diminuera en une moindre raison que le poids, le volume étant diminué.

Règle 4. Comme la densité du milieu près du sommet de l’hyperbole est plus grande qu’au lieu A ; pour avoir la densité moyenne, il faut trouver la raison de la plus petite des tangentes GT à la tangente AH, et augmenter la densité en A en une raison un peu plus grande que la demi-somme de ces tangentes à la plus petite de ces tangentes GT.

(Fig. 15)

Règle 5. Si les longueurs AH, AI sont données, et qu’on veuille dé-crire la figure AGK : prolongez HN en X, en sorte que HX : AI = n + 1 : 1, et décrivez par le point A une hyperbole dont les asymptotes soient MX, NX et le centre X, et qui ait cette propriété que AI soit à une ligne quelconque VG comme XV n est à XI n .

Règle 6. Plus le nombre n est grand, plus les hyperboles décrites par le corps en montant du lieu A sont exactes, et moins elles sont exactes lorsqu’il descend vers K ; et au contraire. L’hyperbole conique tient le milieu, et d’ailleurs est la plus simple. Donc, si l’hyperbole est de ce genre, et qu’on cherche le point K où le corps projeté tombe sur une ligne quelconque AN qui passe par le point A : il faudra prolonger AN en sorte qu’elle rencontre les asymptotes MX, NX en M et en N et prendre NK = AM.

(Fig. 15)

Règle 7. Et de là on tire une manière très aisée de déterminer cette hyperbole par les Phénomènes. Car, soient jetés deux corps sembla-bles et égaux, avec la même vitesse, sous des angles divers HAK, hAk, et qu’ils tombent dans le plan de l’horizon en K et en k ; et soit trou-vée par observation la proportion de AK à Ak que je suppose ici celle de d à e. Après avoir élevé une perpendiculaire AI d’une longueur quelconque, prenez à volonté la longueur AH ou Ah, et mesurez ensui-te graphiquement les longueurs AK, Ak par la règle 6. Si la raison de AK à Ak est la même que celle de d à e, la longueur AH aura été prise exactement. Si cette raison est moindre, prenez sur la droite indéfinie SM la longueur SM égale à la longueur prise AH, et élevez la perpen-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 328 Livre second : sections I à VI.

diculaire MN égale à la différence des raisons AKAk

– de

multipliée par

une droite quelconque donnée. (Fig. 16)

Ayant pris plusieurs longueurs AH, on trouvera par la même mé-thode autant de points N, et par tous ces points on pourra tracer une courbe régulière NNXN qui coupe la droite SMMM en X. Soit prise enfin AH égale à l’abscisse SX, et on trouvera de nouveau la longueur AK ; et les longueurs, qui seront à la longueur prise AI et à cette der-nière AH comme la longueur AK connue par expérience à la longueur AK trouvée en dernier lieu, seront les vraies longueurs AI, et AH qu’il fallait trouver

(Fig. 15).

Or ces longueurs étant données, la résistance du milieu au lieu A sera donnée aussi, car elle est à la force de la gravité comme AH à 2AI. Augmentant la densité du milieu par la règle 4, la résistance qu’on vient de trouver en deviendra plus exacte si on l’augmente dans cette même raison.

Règle 8. Les longueurs AH, HX étant trouvées ; si on cherche la position de la droite AH selon laquelle le projectile ayant été jeté avec une vitesse donnée, tombe en un point quelconque K : il faudra élever aux points A et K les droites AC, KF perpendiculaires à l’horizon, desquelles AC tende en en-bas, et soit égale à AI ou 1

2 HX. On tracera ensuite l’hyperbole dont les asymptotes sont AK, KF, et dont la conju-guée passe par le point C, du centre A et de l’intervalle AH on décrira un cercle qui coupe cette hyperbole au point H ; et le projectile jeté selon la ligne droite AH tombera sur le point K. — C.Q.F.T.

(Fig. 15)

Car le point H, à cause de la longueur donnée AH, sera quelque part sur le cercle décrit. Tirant CH qui rencontre AK et KF, la premiè-re en E, et l’autre en F ; à cause des parallèles CH, MX, etc. des égales AC, AI, on aura AE = AM = KN par conséquent. Mais CE : AE = FH : KN, donc CE = FH. Le point H tombe donc sur l’hyperbole dont les asymptotes sont AK, KF, et dont la conjuguée passe par le point C, donc ce point se trouvera dans la commune intersection du cercle dé-crit et de cette hyperbole. — C.Q.F.D.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 329 Livre second : sections I à VI.

Il faut remarquer de plus, que cette construction se fait de même, soit que la droite AKN soit parallèle à l’horizon soit qu’elle lui soit inclinée sous un angle quelconque : et que les deux intersections H et H forment deux angles NAH, NAH ; et que dans la pratique il suffit de décrire une fois le cercle, et d’appliquer ensuite la règle infinie CH de telle sorte au point C que sa partie FH comprise entre la droite FK et le cercle soit égale à sa partie CE comprise entre le point C et la droite AK.

(Fig. 17)

Ce qu’on a dit des hyperboles peut s’appliquer facilement aux pa-raboles. Car si XAGK est une parabole, que la droite XV touche au sommet X, et que les ordonnées IA, VG soient comme les puissances quelconques XI n , XV n

2

des abscisses XI et XV, soient tirées XT, GT, AH, desquelles XT soit parallèle à VG et que GT, AH touchent la para-bole en G et A, le corps, étant projeté avec la vitesse nécessaire d’un lieu quelconque A selon une droite AH prolongée, décrira cette para-bole, si la densité du milieu à chacun des lieux G est réciproquement comme la tangente GT. La vitesse en G sera celle avec laquelle le corps décrirait, dans un espace non résistant, la parabole conique dont le sommet serait G, le diamètre VG la ligne prolongée en en-bas et le

paramètre 2GTnn − n ×VG

. Quant à la résistance en G elle sera à la force

de la gravité comme GT à 2nn − 2nn − 2

× VG. D’où, si NAK est la ligne

horizontale, et que la densité en A demeurant la même, ainsi que la vitesse avec laquelle le corps a été jeté, l’angle NAH change d’une façon quelconque ; les longueurs AH, AI, XH demeureront les mêmes, et de là le sommet X de la parabole sera donné, ainsi que la position de la droite XI, prenant donc VG : IA = XV n : XI n , on aura tous les points G de la parabole par lesquels le projectile passera.

Table des matières

Page 331: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 330 Livre second : sections I à VI.

Table des matières

TROISIÈME SECTION

Du mouvement des corps qui éprouvent des résistances qui

sont en partie raison de la vitesse, et en partie raison doublée de cette même vitesse.

PROPOSITION XI. — THÉORÈME VIII.

Si un corps éprouve une résistance qui soit en partie comme sa vitesse, en partie en raison doublée de cette vitesse, que ce corps se meuve dans un milieu homogène par la seule force qui lui a été imprimée, et qu’on prenne les temps en progression arithmétique, les quantités réciproquement proportionnelles aux vitesses seront en progression géomé-trique, la quantité quelconque dont elles augmentent étant donnée.

(Fig. 18)

Du centre C soit décrite l’hyperbole BEe qui ait pour asymptotes les perpendiculaires CADd, et CH, que les lignes AB, DE, de soient parallèles à l’asymptote CH. Que les points A et G soient donnés sur l’asymptote CD ; si le temps est représenté par l’aire hyperbolique ABED qui croît uniformément, je dis que la vitesse peut être représen-tée par la longueur DE dont la réciproque GD ajoutée avec l’ordonnée CG compose la longueur CD qui croît en progression géométrique.

Soit la petite aire DEed l’incrément donné infiniment petit du temps, Dd sera réciproquement comme DE, et par conséquent direc-

tement comme CD. Mais le décrément de 1GD

qui est (par le Lemme

2. de ce Livre) DdGD2 sera proportionnel à CD

GD2 ou à CG + GDGD2 , c’est-

a-dire, à 1GD

× CGGD2 . Donc pendant le temps ABDE, qui croît uni-

formément par l’addition des petites particules données EDde, 1GD

Page 332: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 331 Livre second : sections I à VI.

décroît dans la même raison que la vitesse. Car le décrément de la vi-tesse est comme la résistance, c’est-à-dire, (par l’hypothèse) comme la somme de deux quantités dont l’une est comme la vitesse et l’autre

comme le carré de la vitesse, mais le décrément de 1GD

est comme la

somme des quantités 1GD

et CGGD2 desquelles la première est 1

GD el-

le-même, et la dernière CGGD2 est proportionnelle à 1

GD2 : donc 1GD

, à

cause du décrément analogue, est comme la vitesse. Et si on augmente

la quantité GD réciproquement proportionnelle à 1GD

de la quantité

donnée CG, la somme CD croîtra en progression géométrique, lorsque le temps ABED croîtra uniformément.

Cor. 1. Donc, si les points A et G étant donnés, on exprime le temps par l’aire hyperbolique ABED, la vitesse peut être exprimée par

1GD

réciproque de GD.

Cor. 2. En prenant GA à GD comme la réciproque de la vitesse au commencement à la réciproque de la vitesse à la fin d’un temps quel-conque ABED, on trouvera le point G ; et ce point étant trouvé, on peut trouver la vitesse pour un autre temps donné quelconque.

PROPOSITION XII. — THÉORÈME IX.

Les mêmes choses étant posées, je dis que, si on prend les espaces décrits en progression arithmétique, les vitesses augmentées d’une quantité quelconque donnée seront en progression géométrique.

(Fig. 19)

Sur l’asymptote CD soit donné le point R, et soit élevée la perpen-diculaire RS qui rencontre l’hyperbole en S, et soit prise l’aire hyper-bolique RSED pour exprimer l’espace décrit ; la vitesse sera comme la longueur GD, laquelle avec la donnée CG compose la longueur CD qui décroît en progression géométrique pendant que l’espace RSED augmente en progression arithmétique.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 332 Livre second : sections I à VI.

Car à cause de l’incrément donné EDde de l’espace, la petite ligne Dd qui est le décrément de GD sera réciproquement comme ED, ou directement comme CD, c’est-à-dire, comme la somme de GD même et de la longueur donnée CG. Mais le décrément de la vitesse dans un temps qui lui est réciproquement proportionnel, et pendant lequel la particule donnée DdeE de l’espace est décrite, est comme la résistan-ce, et le temps conjointement, c’est-à-dire, directement comme la somme de deux quantités dont l’une est comme la vitesse et l’autre comme le carré de la vitesse, et inversement comme la vitesse, et par conséquent, directement comme la somme de deux quantités, dont l’une est donnée, et l’autre est proportionnelle à la vitesse. Donc le décrément tant de la vitesse que de la ligne GD est comme la quantité donnée et la quantité décroissante conjointement, et à cause que les décréments sont proportionnels, les quantités décroissantes, c’est-à-dire, la vitesse et la ligne GD seront toujours proportionnelles. — C.Q.F.D.

Cor. 1. Si la vitesse est exprimée par la longueur GD, l’espace dé-crit sera comme l’aire hyperbolique DESR.

(Fig. 19)

Cor. 2. Et si on prend le point R à volonté, on trouvera le point G en prenant GR à GD comme la vitesse au commencement est à la vi-tesse après l’espace RSED décrit. Or le point G étant trouvé, on a l’espace lorsque la vitesse est donnée, et au contraire.

Cor. 3. Donc la vitesse étant donnée (Prop. 11) lorsque le temps est donné, et par cette présente Proposition l’espace étant donné lorsque la vitesse est donnée ; on aura l’espace quand le temps sera donné : et au contraire.

PROPOSITION XIII. — THÉORÈME X.

Supposé que le corps étant attiré en en-bas par une gravité uniforme monte ou descende dans une ligne droite, et qu’il éprouve une résistance qui soit en partie en raison de la vi-tesse, et en partie dans cette même raison doublée : je dis que, si on mène des droites parallèles aux diamètres du cer-cle et de l’hyperbole par les extrémités de leurs diamètres conjugués, et que les vitesses soient comme les segments

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 333 Livre second : sections I à VI.

quelconques faits par ces parallèles menées d’un point don-né, les temps seront comme les secteurs des aires retran-chées des segments : et réciproquement.

(Fig. 20)

Cas 1. Supposons premièrement que le corps monte, du centre D et d’un demi-diamètre quelconque DB soit décrit un quart de cercle BETF, et par l’extrémité B du demi-diamètre DB soit tirée la ligne in-finie BAP parallèle au demi-diamètre DE Sur cette parallèle soit don-né le point A, et soit prise AP proportionnelle à la vitesse. Comme une partie de la résistance est comme la vitesse, et l’autre partie comme le carré de la vitesse ; soit la résistance totale comme AP 2 + 2BAP, et soient tirées DA, DP qui coupent le cercle en E et T, soit enfin expri-mée la gravité par AD2

2 en sorte que la gravité soit à la résistance en P

comme à DA AP 2

2

+ 2BAP : et le temps de l’ascension totale sera comme le secteur EDT du cercle.

Car soit menée DVQ qui coupe, tant le moment PQ de la vitesse AP, que le moment DTV du secteur DET répondant au moment donné du temps ; et ce décrément PQ de la vitesse sera comme la somme des forces de la gravité et de la résistance DA AP 2 + 2BAP, c’est-à-dire, comme DP 2. Donc l’aire DPQ qui est proportionnelle à PQ est com-me DP 2, et l’aire DTV qui est à l’aire DPQ comme DT 2 à DP 2 : donc l’aire EDT sera comme la quantité donnée DT 2, et cette aire dé-croît uniformément comme le temps restant, en soustrayant les parti-cules données DTV, et par conséquent cette aire est proportionnelle au temps de toute l’ascension. — C.Q.F.D.

(Fig. 21)

Cas 2. Si la longueur AP exprime comme ci-dessus la vitesse lors-que le corps remonte, qu’on suppose la résistance comme AP 2

2

+ 2BAP et que la force de la gravité soit moindre que celle qui peut être exprimée par ; on prendra BD d’une longueur telle que DA AB2 – BD2 soit proportionnelle à la gravité, et que DF soit perpendiculaire et égale à BD ; par le sommet F, on décrira l’hyperbole FTVE dont les demi-diamètres conjugués soient DB et DF, et qui coupe DA en E et DP, DQ en T et V et le temps de l’ascension entière sera comme le secteur TDE de l’hyperbole.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 334 Livre second : sections I à VI.

Car le décrément PQ de la vitesse pendant une particule de temps donnée est comme la somme de la résistance AP 2 + 2BAP et de la gravité AB2 – BD2, c’est-à-dire, comme BP 2 – BD2 . Mais l’aire DTV est à l’aire DPQ comme DT 2 à DP 2, c’est-à-dire (en abaissant GT perpendiculaire sur DF) comme GT 2 2 ou – GD DF 2 : BD2

2 et =

: GD BP 2, et en divisant = DF 2 : BP 2 – BD2. Donc comme l’aire DPQ est proportionnelle à PQ, c’est-à-dire, à BP 2 – BD2, on aura l’aire DTV comme la quantité donnée DFQ. L’aire EDT décroît donc uniformément à chaque particule égale de temps, par la soustraction d’autant de particules données DTV et par conséquent elle est propor-tionnelle au temps. — C.Q.F.D.

(Fig. 22)

Cas 3. Que AP représente la vitesse dans la descente du corps, AP 2 + 2BAP la résistance, et BD2 – AB2 la force de la gravité, l’angle DBA étant droit. Si du centre D et du sommet B on décrit l’hyperbole équilatère BETV coupant les lignes DA, DP, et DQ pro-longées en F, T et V, le secteur EDT de cette hyperbole sera comme le temps total de la descente. Car l’incrément PQ de la vitesse, et l’aire PDQ qui lui est proportionnelle est comme l’excès de la gravité sur la résistance, c’est-à-dire, comme BD2 – AB2 – 2APB – AP 2 ou BD2 – BP 2 ; et l’aire DTV est à l’aire DPQ comme DT 2 a DP 2, et par conséquent comme GT 2 2 ou – GD BD2 à BP 2 2 ou bien comme GD à BD2, ou bien encore comme BD2 à BD2 – BP 2. C’est pourquoi comme l’aire DPQ est proportionnelle à BD2 – BP 2, l’aire DTV sera comme la quantité donnée BD2. L’aire EDT croît donc uniformément pendant chaque particule égale de temps par l’addition d’autant de particules données DTV, et par conséquent elle est proportionnelle au temps de la descente. — C.Q.F.D.

Cor. Si du centre D et du demi-diamètre DA, on décrit par le som-met A un arc At semblable à l’arc ET et sous-tendant de même l’angle ADT : la vitesse AP sera à la vitesse que le corps peut acquérir en des-cendant ou perdre en remontant dans un espace non résistant, et pen-dant le temps EDT, comme l’aire du triangle ADP à l’aire du secteur DAt ; par conséquent cette vitesse sera donnée dans un temps donné. Car la vitesse, dans un milieu non résistant, est proportionnelle au temps, et par conséquent à ce secteur, et dans un milieu résistant elle est comme le triangle ; et dans l’un et l’autre milieu lorsqu’elle est très

Page 336: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 335 Livre second : sections I à VI.

petite elle approche de la raison d’égalité ainsi que le secteur et le triangle.

SCHOLIE.

Ce cas peut ainsi se démontrer dans l’ascension du corps, lorsque la force de la gravité est moindre que celle qu’on peut exprimer par AD2 ou AB2 + BD2 et plus grande que celle qui peut l’être par AB2 – BD2, et qui doit l’être par AB2 . Mais passons à d’autres Propositions.

PROPOSITION XIV. — THÉORÈME XI.

Les mêmes choses étant posées, je dis, que l’espace décrit dans l’ascension ou la descension, est comme la différence de l’aire qui représente le temps, et d’une autre aire quel-conque qui augmente ou diminue en progression arithméti-que ; si on prend, les forces composées de la résistance et de la gravité en progression géométrique.

(Fig. 23, 24 & 25)

Soit prise AC proportionnelle à la gravité, et AK proportionnelle à la résistance, en observant de les placer du même côté du point A si le corps descend, et du côté opposé s’il remonte. Soit de plus élevé Ab qui soit à DB comme à 4BAC : ayant décrit l’hyperbole bN dont les asymptotes soient les perpendiculaires CK, CH, et ayant élevé KN perpendiculaire sur CK, l’aire AbNK augmentera ou diminuera en progression arithmétique lorsqu’on prendra les forces CK en progres-sion géométrique. Cela posé, je dis donc que la distance du corps du lieu où il parviendrait à sa plus grande hauteur est comme l’excès de l’aire AbNK sur l’aire DET.

DB2

Car AK étant comme la résistance, c’est-à-dire, comme AP 2 + 2BAP ; soit prise une quantité donnée quelconque Z et soit supposée

AK = AP + 2BAP2

Z et (par le Lemme 11. de ce Livre) le moment KL

de AK sera égal à 2APQ + 2BA × PQZ

ou 2BPQZ

et le moment KLON

de l’aire AbNK sera égal à 2BPQ × LOZ

ou BPQ × BD2

3

Z × CK × AB.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 336 Livre second : sections I à VI.

Cas 1. Si on suppose que le corps monte, et que la gravité soit comme AB2 + BD2

2, BET étant un cercle (dans la fig. 23) la ligne AC

qui est proportionnelle à la gravité sera AB + BD2

Zet DP 2 ou AP 2 +

2BAP + AB2 + BD2 sera AK × Z + AC × Z ou CK × Z ; ; donc l’aire DTV sera à l’aire DPQ comme DT 2 2 ou à CK × Z. DB

Cas 2. Si le corps monte, et que la gravité soit comme AB2 – BD2

la ligne AC (dans la fig. 24) sera AB2 − BD2

Z et DT 2 sera à DP 2

comme DF 2 2 ou à DB BP 2 – BD2 ou AP 2 + 2BAP + AB2 – BD2

2

c’est-à-dire, à AK × Z + AC × Z ou CK × Z. Donc l’aire DTV sera à l’aire DPQ comme à CK × Z. DB

Cas 3. Et par le même raisonnement, si le corps descend, et que par conséquent la gravité soit comme BD2 – AB2

2 et que la ligne AC (dans

la fig. 25) soit égale à BD − AB2

Z l’aire DTV sera à l’aire DPQ com-

me BD2 à CK × Z : comme ci-dessus.

Or comme ces aires sont toujours dans cette raison ; si au lieu de l’aire DTV, par laquelle le moment du temps, toujours égal à lui-même, est représenté, on écrit un rectangle quelconque déterminé comme DB × m, on aura l’aire DPQ, c’est-à-dire, 1

2 BD × PQ à BD × m, comme CK × Z à BD2. D’où on tirera PQ × BD3 = 2BD × m × CK × Z, et le moment KLON de l’aire AbNK trouvé ci-dessus, sera BP × BD × m

AB, otant le moment DTV ou BD ×m de l’aire DET, il res-

tera AP × BD × mAB

. La différence des moments, c’est-à-dire, le mo-

ment de la différence des aires, est donc égale a AP × BD × mAB

, et par

conséquent, à cause que BD × mAB

est donné, comme la vitesse AP, c

est-à-dire, comme le moment de l’espace que le corps décrit dans son ascension, ou dans sa descente. Donc la différence des aires, et cet espace qui croissent ou décroissent par des moments proportionnels et qui naissent ou s’évanouissent en même temps sont toujours propor-tionnels. — C.Q.F.D.

Page 338: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 337 Livre second : sections I à VI.

(Fig. 23, 24 & 25)

Cor. Si l’on nomme M la longueur qui vient en divisant l’aire DET par la ligne BD, et qu’une autre longueur V soit prise à la longueur M dans la raison que la ligne DA a à la ligne DE : l’espace que le corps parcourt dans toute son ascension, ou dans toute sa descente dans un milieu résistant, sera à l’espace qu’il peut décrire dans un milieu non résistant dans le même temps en tombant de son point de repos, com-

me la différence des aires dont on a parlé à BD ×V 2

AB : c’est-à-dire,

que l’espace sera donné lorsque le temps est donné. Car l’espace par-couru dans un milieu qui ne résiste point est en raison doublée du temps, ou comme V 2

2 2, et à cause des données BD et AB comme

BD ×VAB

. Cette aire est égale à l’aire DA2 × BD × MD

2

E 2 × AB et le moment

de M est m, et par conséquent le moment de cette aire est DA × BD × 2M2 2 × m

2 ×DE AB. Mais ce moment est au moment de la différen-

ce des aires DET, et AbNK dont on a parlé, c’est-à-dire, à AP × BD × m

AB comme DA2 × BD × M

DE 2 est à 12 BD × AP, ou comme

DADE 2

2

× DET est à DAP, c’est-à-dire, lorsque les aires DET et DAP

sont infiniment petites, en raison d’égalité. Donc l’aire et la différence des aires DET et AbNK, quand toutes ces aires sont très petites, ont des moments égaux, et sont par conséquent égales. De là, lorsque les vitesses, et par conséquent aussi les espaces parcourus en même temps dans l’un et l’autre milieu au commencement de la descension ou à la fin de l’ascension approchent de l’égalité, ils sont alors l’un à l’autre

comme l’aire BD ×V 2

AB et la différence des aires DET et AbNK ; de

plus, comme l’espace dans un milieu non résistant est toujours comme BD ×V 2

AB et que dans un milieu qui résiste il est toujours comme la

différence des aires DET et AbNK : il est nécessaire que les espaces parcourus dans l’un et l’autre milieu, pendant des temps quelconques

égaux, soient entre eux comme cette aire BD ×V 2

AB et la différence des

aires DET et AbNK. — C.Q.F.D.

Page 339: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 338 Livre second : sections I à VI.

SCHOLIE.

La résistance que les corps sphériques éprouvent dans les fluides vient en partie de la ténacité, en partie du frottement, et en partie de la densité du milieu. C’est cette partie de la résistance qui vient de la densité du fluide que nous disons être en raison doublée de la vitesse, l’autre partie qui vient de la ténacité du fluide est uniforme ou comme le moment du temps ; il serait donc à propos de parler du mouvement des corps qui éprouvent une résistance causée en partie par une force uniforme ou en raison des moments du temps, et en partie par une for-ce en raison doublée de la vitesse. Mais il suffit d’avoir préparé la voie à cette spéculation par les Prop. 8. et 9. et leurs Corollaires. Car dans ces Propositions on peut substituer à la place de la résistance uni-forme qu’éprouve un corps qui remonte, laquelle vient de sa gravité, la résistance uniforme qui vient de la ténacité du milieu lorsque le corps se meut par la seule force qui lui a été imprimée ; et on peut ajouter cette résistance, uniforme causée par la gravité, au corps qui monte en ligne droite, et la soustraire lorsque le corps descend en li-gne droite. Il serait donc temps de parler à présent du mouvement des corps qui éprouvent une résistance composée de forces qui sont en partie uniformes, en partie en raison de la vitesse, et en partie en rai-son doublée de cette vitesse. J’en ai posé les principes dans les Prop. 12. et 14. dans lesquelles on peut aussi substituer la résistance unifor-me qui vient de la ténacité du milieu à la place de la force de la gravi-té, ou prendre les deux forces ensemble comme ci-dessus. Ainsi je passe à d’autres Propositions.

Table des matières

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 339 Livre second : sections I à VI.

Planche VII

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 340 Livre second : sections I à VI.

Table des matières

QUATRIÈME SECTION

Du mouvement circulaire des corps dans

les milieux résistants.

LEMME III. (Fig. 26)

Soit PQR une spirale qui coupe tous les rayons SP, SQ, SR, etc. sous des angles égaux. Soit tirée la droite PT qui touche la spirale en un point quelconque P, et qui coupe le rayon SQ en T ; ayant tiré à la spirale les perpendiculaires PO, QO qui concourent en O, soit tirée SO. Je dis que, si les points P et Q s’approchent l’un de l’autre et se confondent, l’angle PSO deviendra droit, et la dernière raison du rec-tangle TQ × 2PS à PQ2 sera une raison d’égalité.

Car des angles droits OPQ, OQR soient ôtés les angles égaux SPQ, SQR, il restera les angles égaux OPS, OQS. Donc le cercle qui passe par les points O, S, P passera aussi par le point Q. Que les points P et Q coïncident, ce cercle touchera la spirale dans le point de leur coïn-cidence, et par conséquent il coupera perpendiculairement la droite OP. Que cette ligne OP devienne le diamètre de ce cercle, et l’angle OSP qui est dans le demi-cercle sera droit. — C.Q.F.D.

Sur OP soient abaissées les perpendiculaires QD, SE, et les derniè-res raisons de ces lignes seront telles ; TQ : PD = TS ou PS : PE ou 2PO : 2PS ; de plus, PD : PQ = PQ : 2PO, d’où on tire = TQ × 2PS. — C.Q.F.D.

PQ2

PROPOSITION XV. — THÉORÈME XII.

(Fig. 26)

Si la densité du milieu à chacun des lieux est réciproque-ment comme la distance au centre immobile, et que la force centripète soit en raison doublée de la densité ; je dis, que

Page 342: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 341 Livre second : sections I à VI.

le corps peut se mouvoir dans une spirale qui coupera sous un angle donné tous les rayons tirés de ce centre.

(Fig. 27)

Les mêmes choses étant supposées que dans le Lemme précédent, soit prolongée SQ en V, de sorte que SV = SP. Que le corps dans un temps quelconque parcoure dans un milieu résistant le très petit arc PQ, et dans un temps double, le très petit arc PR ; les décréments de ces arcs qui seraient décrits dans un milieu non résistant pendant les mêmes temps seront entre eux comme les carrés des temps dans les-quels ils sont produits : donc le décrément de l’arc PQ est la quatriè-me partie du décrément de l’arc PR. Donc si on prend l’aire QSr égale à l’aire PSQ, le décrément de l’arc PQ sera égal à la moitié de la petite ligne Rr ; donc la force de la résistance et la force centripète sont l’une à l’autre comme les petites lignes 1

2 Rr et TQ qu’elles produisent en même temps. Mais comme la force centripète par laquelle le corps est pressé en P est réciproquement comme SP 2, et que (par le Lemme 10 du Livre 1) la petite ligne TQ que cette force a produit est en raison composée de la raison de cette force et de la raison doublée du temps dans lequel l’arc PQ a été décrit, (car dans ce cas je néglige la résis-tance comme étant infiniment plus petite que la force centripète) TQ × SP 2, c’est-à-dire, (par le dernier Lemme) 1

2 PQ 2 × SP sera en raison doublée du temps, le temps est donc comme PQ × SP ; et la vitesse du corps par laquelle l’arc PQ est parcouru dans ce temps est comme

PQPQ × SP

ou 1SP

, c’est-à-dire, réciproquement en raison doublée

de SP. Par le même raisonnement, la vitesse avec laquelle l’arc QR est décrit est réciproquement en raison sous-doublée de SQ. Mais ces arcs PQ et QR sont l’un à l’autre comme les vitesses décrivantes, c’est-à-dire, en raison sous-doublée de SQ à SP, ou comme SQ à SP × SQ ; et à cause des angles égaux SPQ, SQr et des aires égales PSQ, QSr, l’arc PQ est à l’arc Qr comme SQ à SP. Prenant donc les différences des conséquents proportionnels, on aura l’arc PQ à l’arc Rr comme SQ à SP – SP × SQ ou 1

2 VQ. Car les points P et Q coïncidant, la der-nière raison de SP – SP × SQ à 1

2 VQ est la raison d’égalité. Et parce que le décrément de l’arc PQ, causé par la résistance, ou son double Rr est comme la résistance et le carré du temps conjointement ; la ré-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 342 Livre second : sections I à VI.

sistance sera comme RrPQ2 × SP

. Mais on avait PQ : Rr = SQ : 12 VQ,

et de là RrPQ2 × SP

devient comme 12 VQ

PQ × SP × SQ ou comme

12 OS

OP × SP 2 . Car les points P et Q coïncidant, SP et SQ coïncideront

aussi, et l’angle PVQ sera droit ; et à cause des triangles semblables

PVQ, PSO, PQ : 12 VQ = OP : 1

2 PS . Donc OSOP × SP 2 est comme la

résistance, c’est-à-dire, en raison de la densité du milieu au point P, et en raison doublée de la vitesse conjointement. Donc en ôtant la raison

doublée de la vitesse, c’est-à-dire, la raison 1SP

, il restera la densité

du milieu en P proportionnelle à OSOP × SP

. Soit donnée la spirale ; et à

cause de la raison de OS à OP qui est donnée, la densité du milieu en

P sera comme 1SP

. Donc dans un milieu dont la densité est SP réci-

proquement comme la distance SP du centre, le corps peut se mouvoir dans cette spirale. — C.Q.F.D.

(Fig. 28)

Cor. 1. La vitesse dans un lieu quelconque P est toujours celle avec laquelle le corps peut tourner par la même force centripète dans un milieu non résistant dans un cercle à la même distance SP du centre.

Cor. 2. Si la distance SP est donnée, la densité du milieu est com-

me OSOP

, et si cette distance n’est pas donnée, la densité est comme

OSOP × SP

. Et par conséquent, on peut appliquer la spirale à une densité

quelconque du milieu.

Cor. 3. La force de la résistance dans un lieu quelconque P est à la force centripète dans le même lieu, comme 1

2 OS à OP. Car ces forces

sont entre elles comme 12 Rr et TQ, ou comme

14 VQ × PQ

SQ et

12 PQ

SP

2

,

c’est-à-dire, comme 12 VQ et PQ, ou 1

2 OS et OP. Or la spirale étant

Page 344: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 343 Livre second : sections I à VI.

donnée, la proportion de la résistance à la force centripète est aussi donnée, et réciproquement, cette proportion, étant donnée, la spirale l’est aussi.

(Fig. 28)

Cor. 4. Le corps ne peut donc tourner dans cette spirale, que lors-que la force de la résistance est moindre que la moitié de la force cen-tripète. Car supposé que la résistance soit égale à la moitié de la force centripète, alors la spirale se confondra avec la ligne droite PS, et dans ce cas, le corps descendra vers le centre dans cette droite avec une vi-tesse, qui sera à la vitesse avec laquelle nous avons prouvé ci-dessus, dans le cas de la parabole, (Théor. 10 du Livre 1) que le corps descen-drait dans un milieu non résistant, en raison sous-doublée de 1 à 2. Et les temps de la descension seront ici réciproquement comme les vites-ses et par conséquent ils seront donnés.

Cor. 5. Et parce qu’à égales distances du centre, la vitesse est la même dans la spirale PQR et dans la droite SP, et que la longueur ; de la spirale, est à la longueur de la droite SP, dans la raison de OP à OS ; le temps de la descension dans la spirale sera au temps de la des-cension dans la droite SP dans cette même raison donnée, et par conséquent il sera donné.

(Fig. 27 & 28)

Cor. 6. Si du centre S, et de deux intervalles quelconques donnés on décrit deux cercles, et si ces deux cercles restants les mêmes, l’angle que la spirale fait avec le rayon SP change d’une façon quel-conque : le nombre des révolutions que le corps P peut achever entre les circonférences de ces cercles en allant dans la spirale d’une cir-

conférence à l’autre est comme PSOS

ou comme la tangente de l’angle

que la spirale op fait avec le rayon PS ; et le temps de ces révolutions

est comme OPOS

, c’est-à-dire, comme la sécante du même angle, ou

bien réciproquement, comme la densité du milieu. (Fig. 28)

Cor. 7. Si le corps dans un milieu dont la densité est réciproque-ment comme la distance des lieux au centre, faisait une révolution dans une courbe quelconque AEB autour de ce centre, et que le pre-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 344 Livre second : sections I à VI.

mier rayon AS la coupât sous le même angle en B, qu’il l’avait coupée premièrement en A, et que la vitesse du corps à ce lieu B fut à sa pre-mière vitesse en A réciproquement en raison sous-doublée des distan-ces au centre, (c’est-à-dire, comme AS à la moyenne proportionnelle entre AS et BS) ce corps continuerait à faire une infinité de révolutions semblables BFC, CGD, etc. et partagerait par leurs intersections le rayon AS dans les parties AS, BS, CS, DS, etc. continuellement propor-tionnelles. Et les temps des révolutions seront comme les périmètres des spires, AEB, BFC, CGD, etc. directement, et les vitesses aux commencements A, B, C de ces révolutions inversement, c’est-à-dire, comme AS 2

3

, BS 23

, CS32 . Donc le temps total dans lequel le corps par-

viendra au centre sera au temps de la première révolution, comme la somme de toutes les continuellement proportionnelles AS 2

3

, BS 23

, CS32

(jusqu’à l’infini) au premier terme AS 23

c’est-à-dire, comme le pre-mier terme AS 2

3

à la différence des deux premiers termes AS 23

– BS 23

, ou comme 3

2 AS à AB à peu près . Ce qui donnera aisément ce temps total.

Cor. 8. De tout ceci on peut tirer à peu près le mouvement des corps dans des milieux dont la densité où est uniforme, ou observe une autre loi quelconque assignée.

Du centre S, et des intervalles continuellement proportionnels SA, SB, SC, etc. décrivez un nombre quelconque de cercles, et supposez que le temps des révolutions entre les périmètres de deux de ces cer-cles quelconques, dans le milieu dont nous parlons, soit au temps des révolutions, entre ces mêmes cercles, dans le milieu proposé, à peu près comme la densité moyenne du milieu proposé entre ces cercles, à la densité moyenne du milieu dont nous parlons entre ces mêmes cer-cles : et que la sécante de l’angle, sous lequel la spirale précédente coupe le rayon AS dans le milieu dont nous parlons, soit dans la même raison à la sécante de l’angle sous lequel la spirale nouvelle coupe le même rayon dans le milieu proposé : et qu’enfin les nombres de toutes les révolutions entre les deux mêmes cercles soient à peu près comme les tangentes de ces mêmes angles. Si cela arrive ainsi entre deux cer-cles quelconques, le mouvement se continuera entre tous les autres cercles. Et de là on peut trouver facilement de quelle façon et dans

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 345 Livre second : sections I à VI.

quels temps les corps doivent tourner dans un milieu quelconque qui résiste selon une loi quelconque assignée.

Cor. 9. Et quoique le mouvement soit excentrique dans les spirales qui approchent de l’ovale, cependant, en imaginant que chaque révo-lution de ces spirales soient séparées par des intervalles égaux, et qu’ils arrivent au centre par les mêmes degrés que la spirale qu’on a décrit ci-dessus, on comprendra de quelle manière les mouvements des corps s’exécutent dans ces sortes de spirales.

PROPOSITION XVI. — THÉORÈME XIII.

Si la densité du milieu à chacun des lieux, est réciproque-ment comme la distance de ces lieux au centre immobile, et que la force centripète fait réciproquement comme une puissance quelconque de cette même distance : je dis que le corps peut tourner dans une spirale qui coupe sous un angle donné tous les rayons tirés de ce centre.

(Fig. 27)

Cette Proposition se démontre de la même manière que la Proposi-tion précédente. Car si la force centripète en P est réciproquement comme une puissance quelconque SP n+1

1

de la distance SP, on trouve-ra, comme ci-dessus, que le temps pendant lequel le corps parcourt l’arc quelconque PQ sera comme PQ × PS 2 n ; et la résistance en P

sera comme RrPQ2 × SP n ou comme 1− 1

2 n ×VQPQ × SP n × SQ

, et par consé-

quent, comme 1− 12 n ×OS

OP × SPn+1 , c’est-à-dire, à cause de la quantité donnée

1− 12 n ×OSOP

, réciproquement comme SP n+1. Donc la vitesse étant réci-

proquement comme PS 21 n , la densité en P sera réciproquement com-

me SP.

Cor. 1. La résistance est à la force centripète comme 1− 12 n × OS à

OP.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 346 Livre second : sections I à VI.

Cor. 2. Si la force centripète est réciproquement comme SP 3 alors 1 – 1

2 n = 0 ; donc alors la résistance et la densité du milieu seront nul-les, comme dans la Prop. 9. du Liv. 1.

Cor. 3. Si la force centripète est réciproquement comme quelque puissance du rayon SP dont l’exposant soit plus grand que le nombre 3, la résistance deviendra de positive négative.

SCHOLIE.

Au reste, cette Proposition et les précédentes, qui ont rapport aux milieux inégalement denses, doivent s’appliquer aussi aux mouve-ments des corps qui sont assez petits pour que l’excès de la densité du milieu qui touche un de leurs côtés sur celle du milieu qui touche leur autre côté puisse être négligée. Je suppose ici la résistance proportion-nelle à la densité, le reste étant égal. Ainsi dans les milieux dont la force résistante n’est pas comme la densité, la densité doit augmenter ou diminuer jusqu’à ce que l’excès de la résistance soit contre-balancé, ou que son défaut soit suppléé.

PROPOSITION XVII. — PROBLÈME IV

Trouver, et la force centripète, et la résistance du milieu né-cessaires pour que le corps puisse se mouvoir dans une spi-rale donnée par une loi de vitesse donnée.

(Fig. 29)

Soit cette spirale PQR. La vitesse avec laquelle le corps décrit le très petit arc PQ, étant donnée, le temps l’est aussi, et par la hauteur TQ, qui est comme la force centripète et le carré du temps, on a la for-ce. Ensuite par la différence RSr des aires PSQ et QSR décrites en des particules égales de temps, on aura la retardation du corps, et par la retardation on trouvera la résistance, et la densité du milieu.

PROPOSITION XVIII. — PROBLÈME V.

La loi de la force centripète étant donnée, trouver à chacun des lieux la résistance du milieu nécessaire pour que le corps décrive une spirale donnée.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 347 Livre second : sections I à VI.

Par le moyen de la force centripète donnée il faut trouver la vitesse à chacun des lieux, ensuite il faut par la retardation de la vitesse cher-cher la densité du milieu ; comme dans la proposition précédente.

J’ai fait voir, dans la dixième Prop. et dans le Lemme 2. de ce Li-vre, la manière de traiter ces Problèmes, et je ne veux pas arrêter plus longtemps le Lecteur à ces sortes de discussions assez compliquées. Il est temps de dire quelque chose des forces des corps dans leurs mou-vements progressifs, de la densité, et de la résistance des milieux dans lesquels les mouvements dont j’ai parlé jusqu’à présent et ceux de même nature s’exécutent.

Table des matières

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 348 Livre second : sections I à VI.

Table des matières

CINQUIÈME SECTION

De la densité et de la compression des Fluides

et de l’Hydrostatique.

DÉFINITION DU FLUIDE. Les corps fluides sont ceux dont les parties cèdent à toute espèce de force qui agit sur eux et qui se meuvent très faci-lement entre eux.

PROPOSITION XIX. — THÉORÈME XIV.

Toutes les parties d’un fluide immobile et homogène enfer-mé dans un vase quelconque immobile dans lequel il est comprimé de toutes parts, (en faisant abstraction de la gra-vité, de la condensation, et de toute espèce de force centri-pète) sont également pressées de tous les côtés, et chacune reste dans son lieu sans que cette pression produise aucun mouvement.

(Fig. 30)

Cas 1. Dans un vase sphérique ABC, soit enfermé un fluide de ma-nière qu’il y soit comprimé de toutes parts également, je dis qu’aucune de ses parties ne se mouvra par cette pression. Car si quel-que partie D se mouvait, il serait nécessaire que toutes les autres par-ties qui sont à la même distance du centre se meuvent ensemble d’un mouvement semblable ; et cela parce que la pression qu’elles éprou-vent toutes est égale et semblable, et qu’on suppose qu’elles n’ont point d’autre mouvement que celui que cette pression peut produire. Or elles ne peuvent toutes approcher plus près du centre, à moins que le fluide ne se condense vers le centre ; ce qui est contre l’hypothèse. Elles ne peuvent non plus s’en éloigner à moins que le fluide ne se condense vers la circonférence, ce qui est aussi contre l’hypothèse. Enfin elles ne peuvent, en conservant leur distance au centre, se mou-voir vers un côté quelconque parce qu’il y aurait la même raison pour

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 349 Livre second : sections I à VI.

qu’elles se meuvent vers le côté opposé. Or une même partie ne peut se mouvoir en même temps vers des côtés opposés, donc aucune par-tie de ce fluide ne sortira de sa place. — C.Q.F.D.

Cas 2. Je dis à présent, que toutes les parties sphériques de ce flui-de sont également pressées de tous côtés. Car supposez que EF soit une partie sphérique de ce fluide, si elle n’est pas également pressée de tous côtés, supposez que la pression la plus faible augmente jus-qu’à ce que cette partie sphérique soit également pressée de toutes parts, et alors, par le premier cas, toutes ses parties demeureront dans leurs lieux. Mais avant que cette pression fût augmentée, elles de-vaient demeurer aussi dans leurs lieux, par le même cas premier, et la pression étant augmentée, elles doivent sortir de leurs lieux par la dé-finition du fluide, or ces deux choses sont contradictoires. Donc il était faux de dire que la sphère EF ne fut pas également pressée de toutes parts. — C.Q.F.D.

Cas 3. Je dis de plus que la pression de plusieurs parties sphériques est égale, car les parties sphériques contiguës se pressent mutuelle-ment et également dans le point de contact par la troisième loi du mouvement, mais par le cas second, elles sont pressées de toutes parts par la même force. Donc deux parties quelconques sphériques non contiguës sont pressées par la même force, parce qu’une partie sphéri-que intermédiaire peut toucher l’une et l’autre. — C.Q.F.D.

Cas 4. Je dis encore que toutes les parties du fluide sont pressées partout également. Car deux parties quelconques peuvent être tou-chées par les parties sphériques dans des points quelconques, et les parties sphériques pressent également dans ces points par le cas troi-sième, et elles sont également pressées à leur tour par ces deux autres parties par la troisième loi du mouvement. — C.Q.F.D.

(Fig. 30)

Cas 5. Or comme une partie quelconque GHI du fluide est renfer-mée dans le reste de ce fluide comme dans un vase, et qu’elle y est également pressée de tous côtés, et que de plus toutes les parties qui la composent se pressent mutuellement et également, et sont en repos entre elles ; il est clair que toutes les parties GHI d’un fluide quel-conque qui est comprimé également de tous côtés, se pressent égale-ment les unes les autres, et sont en repos entre elles. — C.Q.F.D.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 350 Livre second : sections I à VI.

Cas 6. Si ce fluide n’est pas renfermé dans un vase inflexible, et que par conséquent il ne soit pas pressé également de toutes parts ; il cédera à la pression la plus forte par la définition de la fluidité.

Cas 7. Donc dans un vase inflexible le fluide ne soutiendra pas une pression plus forte d’un côté que de l’autre, mais il cédera à la plus forte, et cela dans un instant indivisible, parce que le côté inflexible du vase ne poursuit pas la liqueur qui cède : le fluide en cédant pressera donc le côté opposé, et ainsi la pression deviendra égale de tous côtés, et parce que le fluide dans le premier moment où il tend à s’éloigner du lieu où il éprouve la plus grande pression, en est empêché par la résistance du vase du côté opposé, la pression devient égale de toutes parts, dans un instant et sans aucun mouvement local : et dans le mo-ment les parties du fluide se pressent mutuellement et également par le cinquième cas, et sont en repos entre elles. — C.Q.F.D.

Cor. D’où on voit que les mouvements des parties du fluide entre elles ne peuvent changer par une pression exercée de toutes parts sur la superficie entière du fluide, à moins que la figure de cette superficie ne change en quelque endroit, ou que toutes les parties du fluide en se pressant mutuellement avec plus ou moins de force coulent plus ou moins facilement les unes sur les autres.

PROPOSITION XX. — THÉORÈME XV.

Si les parties d’une sphère fluide et homogène qui envelop-pe un fond sphérique qui a le même centre, gravitent éga-lement vers ce centre lorsqu’elles en sont à égale distance ; ce fonds soutiendra le poids d’un cylindre, dont la base est égale à la superficie de ce fond, et la hauteur est la même que celle du fluide incumbant.

(Fig. 31)

Que DHM soit la superficie de ce fond, et AFI la superficie supé-rieure du fluide. Que ce fluide soit partagé par un nombre innombra-ble de superficies sphériques BFK, CGL dans des orbes concentriques également épaisses, et que la force de la gravité soit supposée agir seulement sur la superficie supérieure d’un orbe quelconque, ses ac-tions étant égales sur les parties égales de toutes ces superficies. La superficie de dessus AE est donc pressée par la seule force de sa pro-

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pre gravité, par laquelle toutes les parties de l’orbe supérieur et la se-conde superficie BFK (par la Prop. 19), selon sa grandeur, sont éga-lement pressées. Mais outre cela, la seconde superficie BFK est pres-sée par la force de sa propre gravité, qui, ajoutée à la première, com-pose une pression double. La troisième superficie CGL sera pressée selon sa grandeur par cette pression, et de plus par la force de sa pro-pre gravité, c’est-à-dire, par une pression triple : et de même, la qua-trième superficie éprouvera, une pression quadruple, la cinquième une quintuple, et ainsi de suite. La pression que chaque superficie éprou-ve, n’est donc pas comme la quantité solide du fluide qui s’appuie sur elle, mais comme le nombre des orbes jusqu’à la surface supérieure du fluide, et elle est égale à la gravité de l’orbe inférieur multiplié par le nombre des orbes : c’est-à-dire, à la gravité du solide dont la dernière raison au cylindre déterminé est la raison d’égalité, (supposé que le nombre des orbes croisse et que leur épaisseur diminue à l’infini, de sorte que l’action de la gravité de la superficie inférieure à la supérieu-re devienne continue). La superficie intérieure soutiendra donc le cy-lindre donc on vient de parler. — C.Q.F.D.

Et par un raisonnement semblable ou prouverait la proposition, dans le cas où la gravité décroît dans une raison quelconque de la dis-tance au centre, et dans celui où le fluide est plus rare en haut, et plus dense en bas. — C.Q.F.D.

Cor. 1. Donc, le fond n’est pas pressé partout le poids du fluide in-combant, mais il soutient seulement cette partie du poids du fluide dont on a parlé dans cette Proposition ; le reste de son poids étant sou-tenu par la figure en voûte du fluide.

Cor. 2. Mais la quantité de la pression est toujours la même à des distances égales du centre, soit que la superficie pressée soit parallèle à l’horizon, soit qu’elle lui soit perpendiculaire ou oblique, soit que le fluide s’élève perpendiculairement dans une ligne droite au-dessus de la superficie pressée, soit qu’il serpente obliquement dans des canaux et des cavités qui soient de formes régulières ou irrégulières, et qui soient larges ou étroites, on trouve que toutes ces circonstances ne changent rien à la pression, en appliquant la démonstration de ce Théorème aux différents cas où se trouvent les fluides.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 352 Livre second : sections I à VI.

Cor. 3. On prouve aussi par la même démonstration (et par la Prop. 19) que les parties d’un fluide pesant n’acquièrent aucun mouvement entre elles par la pression d’un poids incombant, pourvu qu’on fasse abstraction du mouvement qui vient de la condensation.

Cor. 4. Et par conséquent si un autre corps de la même gravité spé-cifique, mais incapable de condensation, est plongé dans ce fluide, il n’acquerra aucun mouvement par la pression du poids incumbant : il ne descendra point, il ne montera point, et il ne sera point contraint à changer sa forme. S’il est sphérique, il demeurera sphérique malgré la pression : s’il est carré, il demeurera carré : et cela, soit qu’il soit mol ou très fluide, soit qu’il nage librement dans le fluide, soit qu’il s’appuie sur le fond. Or toute partie interne quelconque d’un fluide est dans le même cas qu’un corps plongé, et il en est de même de tous les corps plongés qui ont la même grandeur, la même figure, et la même gravité spécifique. Si le corps plongé devenait fluide en conservant son poids, ce corps, s’il était monté ou descendu, ou s’il avait pris une nouvelle forme auparavant par la pression du fluide, serait encore for-cé de monter ou de descendre, ou de prendre une nouvelle forme : et cela, parce que sa gravité et toutes les autres causes de mouvement subsistent. Or (par le cas 5 de la Prop. 19) il serait en repos et conser-verait sa figure. Donc, etc.

Cor. 5. Donc le corps qui est spécifiquement plus pesant que le fluide qui lui est contigu ira au fond, et s’il est spécifiquement plus léger, il montera sur la superficie, ce qui produira du mouvement, et un changement de figure, tels que l’excès ou le défaut de la gravité de ce corps les peut produire. Car cet excès, ou ce défaut sont la cause de l’impulsion que reçoit le corps, lequel autrement eût été en équilibre avec les parties du fluide ; et cet excès ou ce défaut de gravité du corps plongé peut être comparé avec l’excès ou le défaut de poids des corps qui sont dans l’un ou l’autre bassin d’une balance.

Cor. 6. Les corps qui sont dans des fluides ont donc une double gravité, l’une vraie et absolue, l’autre apparente et relative. La gravité absolue est la force totale par laquelle le corps tend en en-bas : la rela-tive est l’excès de la gravité du corps par lequel il tend plus fortement en bas que le fluide qui l’environne. Les parties des fluides et celles de tous les corps gravitent toutes dans leurs lieux par une gravité du pre-mier genre : donc tous leurs poids réunis composent le poids total. Car

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tout corps est pesant comme on peut l’éprouver dans des vases pleins de liqueur, et le poids du tout est égal aux poids de toutes les parties et en est par conséquent composé. Par la gravité du second genre, les corps ne gravitent point dans leurs lieux, c’est-à-dire, qu’étant compa-rés entre eux, ils ne sont pas plus pesants les uns que les autres, mais par les efforts mutuels qu’ils font pour descendre ils s’opposent mu-tuellement à leur chute et demeurent chacun à leur place comme s’ils n’avaient aucune gravité. Le peuple croit que les corps qui sont soute-nus dans l’air ne sont point pesants. Et il croit pesants ceux qui tom-bent parce qu’ils ne sont pas soutenus par le poids de l’air. Ainsi, se-lon le peuple, le poids des corps n’est autre chose que l’excès de leur poids absolu, sur le poids de l’air. Et c’est pourquoi il appelle corps légers ceux qui sont moins pesants que l’air, et qui s’élèvent parce que l’air est plus pesant qu’eux. Mais ces corps ne sont légers que compa-rativement, car ils descendent dans le vide. De même les corps qui montent ou descendent dans l’eau, à raison de leur plus grande ou de leur moindre gravité, sont comparativement, et en apparence les uns légers et les autres pesants, et leur pesanteur ou leur légèreté compara-tive et apparente, est l’excès ou le défaut dont leur gravité vraie et ab-solue surpasse ou est surpassée par celle de l’eau. Ceux qui ne des-cendent ni ne remontent, quoiqu’ils augmentent de leur poids absolu le poids total qu’ils composent avec l’eau, ne pèsent cependant point dans l’eau comparativement et dans le sens du peuple. Car la démons-tration est la même pour tous ces cas.

Cor. 7. Ce qu’on vient de démontrer pour la gravité a aussi lieu dans toutes les autres espèces quelconques des forces centripètes.

Cor. 8. Ainsi, si le milieu dans lequel le corps se meut, est pressé ou par sa propre gravité ou par quelque autre force centripète, et que le corps qui y est placé soit pressé plus fortement, par la même force, la différence de ces forces est cette force motrice que nous avons considérée dans les Propositions précédentes comme force centripète. Et si le corps est moins pressé par cette force on doit considérer la dif-férence de ces forces comme une force centrifuge.

Cor. 9. Mais comme les fluides, en pressant les corps qui y sont plongés, ne changent pas leur figure extérieure, il est clair de plus (Cor. de la Prop. 19) qu’ils ne changent point la situation de leurs par-ties internes entre elles : et par conséquent, si des animaux sont plon-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 354 Livre second : sections I à VI.

gés, et que toute sensation vienne du mouvement des parties, les par-ties du fluide ne blesseront point les animaux plongés, et n’exciteront en eux aucune sensation, si ce n’est en tant qu’ils peuvent être condensés par la compression. Et c’est la même chose pour un systè-me quelconque de corps environnés d’un fluide qui les comprime. Car toutes les parties de ce système seront agitées des mêmes mouvements que s’ils étaient dans le vide, et qu’ils n’eussent que leur seule gravité comparative, si ce n’est que ce fluide résistât un peu à leurs mouve-ments, ou qu’il contribuât à attacher leurs parties ensemble par la compression.

PROPOSITION XXI. — THÉORÈME XVI.

Si la densité d’un fluide quelconque est proportionnelle à sa compression, et que ses parties soient attirées en en-bas par une force centripète réciproquement proportionnelle à leurs distances au centre : je dis que si l’on prend ces distances continuellement proportionnelles, les densités de ce fluide à ces mêmes distances seront aussi continuellement propor-tionnelles.

(Fig. 32)

Que ATV représente le fond sphérique sur lequel le fluide s’appuie, que S soit le centre, et que SA, SB, SC, SD, SE, SF, etc. soient des dis-tances continuellement proportionnelles. Soient élevées les perpendi-culaires AH, BI, CK, DL, EM, FN, etc. qui soient comme les densités du milieu aux lieux A, B, C, D, E, F, et les gravités spécifiques dans

ces mêmes lieux seront comme AHAS

, BIBS

, CKCS

, etc. Ou, ce qui revient

au même, comme AHAB

, BIBC

, CKCD

, etc. Supposez premièrement que

ces gravités soient continuées uniformément de A à B, de B à C, de C à D, etc. les décréments se faisant par degrés aux points B, C, D, etc. et ces gravités multipliées par les hauteurs AB, BC, CD, etc. formeront les pressions AH, BI, CK, etc. par lesquelles le fond ATV est pressé (selon le Théor. 15) : la particule A soutiendra donc toutes les pres-sions AH, BI, CK, DL en allant à l’infini ; et la particule B toutes les pressions hors la première AH ; et la particule C toutes les pressions hors les deux premières AH, BI, et ainsi de suite. Donc la densité AH

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 355 Livre second : sections I à VI.

de la première particule A est à la densité BI de la seconde particule B comme la somme de toutes les densités AH + BI + CK + DL à l’infini, à la somme de toutes les densités BI + CK + DL, etc. Et BI densité de la seconde B est à CK densité de la troisième C, comme la somme de toutes les densités BI + CK + DL, etc. à la somme de toutes les densités CK + DL, etc. Or ces sommes sont proportionnelles à leurs différences AH, BI, CK, etc. et par conséquent elles sont conti-nuellement proportionnelles, (par le Lemme I. de ce Livre) donc les différences AH, BI, CK, etc. qui sont proportionnelles aux sommes, sont aussi continuellement proportionnelles. C’est pourquoi, comme les densités dans les lieux A, B, C, etc. sont comme AH, BI, CK, etc. elles seront aussi continuellement proportionnelles. Qu’on les prenne par sauts, et aux distances SA, SC, SE, continuellement proportionnel-les, les densités AH, CK, EM seront continuellement proportionnelles, et par le même raisonnement, aux distances quelconques continuelle-ment proportionnelles SA, SD, SG, les densités AH, DL, GO seront continuellement proportionnelles.

(Fig. 32)

Que les points A, B, C, D, E, etc. se rapprochent à présent, de sorte que la progression des gravités spécifiques, depuis le fond A jusqu’à la partie supérieure du fluide, devienne continue, les densités AH, DL, GO, qui étaient toujours continuellement proportionnelles dans des distances quelconques SA, SD, SG, demeureront continuellement pro-portionnelles. — C.Q.F.D.

Cor. De là, si la densité du fluide est donnée en deux lieux comme A et E, on peut trouver sa densité dans un lieu quelconque Q.

(Fig. 33)

Du centre S, soit décrite une hyperbole dont les asymptotes soient les perpendiculaires SQ, SX, et qui coupe les lignes AH, EM, QT per-pendiculaires à l’asymptote SQ en a, e, q, ainsi que les perpendiculai-res HX, MY, TZ, à l’asymptote SX, en h, m et t. Soit l’aire YmtZ à l’aire donnée YmhX comme l’aire donnée EeqQ à l’aire donnée EeaA ; la ligne Zt prolongée coupera la ligne QT proportionnellement à la densité. Car si les lignes SA, SE, SQ sont continuellement proportion-nelles, les aires EeqQ, EeaA seront égales, et de là, les aires YmtZ, XhmY, qui sont proportionnelles aux premières, seront aussi égales, et les lignes SX, SY, SZ, c’est-à-dire, AH, EM, QT seront continuellement

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 356 Livre second : sections I à VI.

proportionnelles, comme le théorème le demande. Et si les lignes SA, SE, SQ ont un autre ordre quelconque dans une série de quantités continuellement proportionnelles, les lignes AH, EM, QT, à cause de la proportionnalité des aires hyperboliques, auront le même ordre dans une autre série de quantités continuellement proportionnelles.

PROPOSITION XXII. — THÉORÈME XVII.

La densité d’un fluide quelconque étant proportionnelle à sa compression, et ses parties étant attirées en en-bas par une gravité réciproquement proportionnelle aux carrés de leurs distances au centre : je dis que si l’on prend ces dis-tances dans une progression harmonique les densités du fluide à ces distances seront en progression géométrique.

(Fig. 34)

Que S représente le centre, et SA, SB, SC, SD, SE les distances en progression géométrique. Soient élevées les perpendiculaires AH, BL, CK, etc. qui soient comme les densités du fluide aux lieux A, B, C, D,

E, etc. et ses gravités spécifiques dans les mêmes lieux seront AHSA2 ,

BISB2 , CK

SC 2 , etc. Supposez que ces gravités soient continuées unifor-

mément, la première de A à B, la seconde de B à C, la troisième de C à D, etc. en les multipliant par les hauteurs AB, BC, CD, DE, etc. ou, ce qui est le même, par les distances SA, SB, SC, etc. proportionnelles à

ces hauteurs, on aura les exposants des pressions AHSA

, BISB

, CKSC

, etc.

C’est pourquoi, comme les densités sont proportionnelles à la somme de ces pressions, les différences des densités AH – BI, BI – CK, etc.

seront comme les différences des sommes AHSA

, BISB

, CKSC

, etc.

Du centre S soit décrit une hyperbole quelconque dont les asymp-totes soient SA, Sx, et qui coupe les lignes AH, BI, CK, etc. qui sont perpendiculaires, en a, b, c, etc. sur l’asymptote SA prolongée, ainsi que les lignes Ht, Iu, Kw perpendiculaires en h, i, k etc. sur l’asymptote Sx prolongée, et les différences tu, uw, etc. des densités

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 357 Livre second : sections I à VI.

seront proportionnelles à AHSA

, BISB

, etc. et les rectangles tu × th, uw ×

ui, etc. ou tp, uq etc. seront comme AH × thSA

, BI × uiSB

etc. c’est-à-dire,

comme Aa, Bb, etc. Car, par la nature de l’hyperbole, SA : AH ou St =

th : Aa, donc AH × thSA

= Aa. Et par le même raisonnement, BI × uiSB

=

Bb, etc. Or Aa, Bb, Cc, etc. sont continuellement proportionnelles, et par conséquent elles sont proportionnelles à leurs différences Aa – Bb, Bb – Cc, etc. et par conséquent les rectangles tp, uq, etc. sont aussi proportionnels à ces différences, ainsi que les sommes des rectangles tp + uq ou tp + uq + wr, aux sommes des différences Aa – Cc ou Aa – Dd. Supposé qu’il y ait beaucoup de termes de cette sorte, et la som-me de toutes les différences comme Aa – Ff sera proportionnelle à la somme de tous les rectangles comme zthn. Qu’on augmente le nombre des termes, et qu’on diminue la distance des points A, B, C, etc. à l’infini, ces rectangles deviendront égaux à l’aire hyperbolique zthn, et par conséquent la différence Aa – Ff est proportionnelle à cette aire. Soient prises à présent les distances quelconques SA, SD, SF en pro-gression harmonique, et les différences Aa – Dd, Dd – Ff seront éga-les ; et par conséquent, les aires thlx, xlnz proportionnelles à ces diffé-rences seront égales entre elles, et les densités St, Sx, Sz, c’est-à-dire, AH, DL, FN, seront continuellement proportionnelles. — C.Q.F.D.

Cor. De là, si deux densités quelconques du fluide sont données comme AH et BI, l’aire thiu, répondant à la différence tu de ces densi-tés sera donnée ; et par là, on trouvera la densité FN à une hauteur quelconque SF, en prenant l’aire thnz à cette aire donnée thiu comme la différence Aa – Ff est à la différence Aa – Bb.

(Fig. 34)

On peut prouver par le même raisonnement, que si la gravité des particules du fluide diminue en raison triplée des distances au centre, et qu’on prenne les réciproques des carrés des distances SA, SB, SC,

etc. (c’est-à-dire, SASA2

3

, SASB2

3

, SASC 2

3

) en progression arithmétique ; les

densités AH, BI, CK, etc. seront en progression géométrique. Et si la gravité diminue en raison quadruplée des distances, et que les récipro-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 358 Livre second : sections I à VI.

ques des cubes des distances (c’est-à-dire SASA3

4

, SASB3

4

, SA4SC 3 , etc.)

soient prises en progression arithmétique ; les densités AH, BI, CK, etc. seront en progression géométrique. Et ainsi à l’infini. De plus, si la gravité des particules du fluide est la même à toutes les distances, et que les distances soient en progression arithmétique, les densités se-ront en progression géométrique, comme le célèbre Edmond Halley l’a trouvé. Si la gravité est comme la distance et que les carrés des dis-tances soient en progression arithmétique, les densités seront en pro-gression géométrique. Et de même à l’infini. Cela arrive ainsi lorsque la densité du fluide condensé par la compression est comme la force comprimante, ou, ce qui est la même chose, lorsque l’espace occupé par le fluide est réciproquement comme cette force. On peut supposer d’autres lois de condensation, comme, par exemple, que le cube de la force comprimante soit comme la quatrième puissance de la densité, ou que la raison triplée de la force soit la même que la raison quadru-plée de la densité. Auquel cas, si la gravité est réciproquement comme le carré de la distance au centre, la densité sera réciproquement com-me le cube de la distance. Supposez à présent que le cube de la force comprimante soit comme la cinquième puissance de la densité, si la gravité est réciproquement comme le carré de la distance, la densité sera réciproquement en raison sesquiplée de la distance. Supposez que la force comprimante soit en raison doublée de la densité et la gravité réciproquement en raison doublée de la distance, la densité sera réci-proquement comme la distance. Il serait trop long de parcourir tous les cas. Au reste, il est certain, par l’expérience, que la densité de l’air est, ou exactement, ou à peu près, comme la force comprimante, et par conséquent, la densité de l’air de l’atmosphère de la Terre est comme le poids de tout l’air incumbant, c’est-à-dire, comme la hauteur du mercure dans le Baromètre.

PROPOSITION XXIIL. — THÉORÈME XVIII.

Si la densité d’un fluide, composé de parties qui se fuient mutuellement, est comme la compression, les forces centri-fuges des particules seront réciproquement proportionnelles aux distances à leurs centres. Et au contraire, les particules dont les forces sont réciproquement proportionnelles aux distances à leur centre, et qui se fuient mutuellement, com-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 359 Livre second : sections I à VI.

posent un fluide élastique, dont la densité est proportionnel-le à la compression.

(Fig. 35)

Supposez qu’un fluide soit renfermé dans un espace cubique ACE, et qu’ensuite il soit réduit par la compression dans un espace moindre ace ; les distances des particules, qui ont la même position entre elles dans l’un et l’autre espace, seront comme les côtés AB, ab de ces cubes ; et les densités des milieux seront réciproquement comme les capacités AB3 3

3

, et . Dans la face ABCD du plus grand cube, soit pris le carré DP égal à la face db du petit cube ; et par l’hypothèse, la pression que le carré DP exerce sur le fluide qui y est renfermé sera à la pression par laquelle ce carré db presse le fluide inclus, comme les densités du milieu sont entre elles, c’est-à-dire, comme à

ab

ab AB3. Mais la pression, par laquelle le carré DB comprime le fluide inclus, est à la pression par laquelle il est comprimé par le carré DP, comme le carré DB au carré DP, c’est-à-dire, comme AB2 2

2

à . Donc la pression par laquelle le carré DB comprime le fluide est à la pression par laquelle il est comprimé par le carré db, comme ab à AB. Les sur-faces FGH, fgh, qui sont menées dans l’intérieur des cubes, partagent le fluide en deux parties, et se pressent mutuellement par les mêmes forces par lesquelles elles sont pressées par les surfaces AC, ac, c’est-à-dire, dans la proportion de ab à AB : donc les forces centrifuges qui soutiennent ces pressions sont dans la même raison.

ab

Comme les particules sont en même nombre et également situées dans l’un et l’autre cube, les forces que toutes les particules exercent suivant les surfaces FHG, fhg sur toutes les particules sont comme celles que chacune d’elles exerce sur chacune. Donc, les forces que chacune exerce sur chacune suivant le plan FGH dans le plus grand cube, sont aux forces que chacune exerce sur chacune dans le plus pe-tit cube suivant le plan fgh, comme ab à AB, c’est-à-dire, réciproque-ment comme les distances des particules entre elles. — C.Q.F.D.

Et réciproquement, si les forces de chacune des particules sont en raison renversée des distances, c’est-à-dire, réciproquement comme les côtés AB, ab des cubes, les sommes des forces seront dans la mê-me raison, et les pressions des côtés DB, db, seront comme les som-mes des forces ; et la pression du carré DP sera à la pression du côté DB comme à ab AB2 , et la pression du carré DP est à la pression du

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 360 Livre second : sections I à VI.

côté db comme à ab3 AB3

n

c’est-à-dire, que la force de la compression est à la force de la compression comme la densité à la densité. — C.Q.F.D.

SCHOLIE.

Par le même raisonnement, si les forces centrifuges des particules sont réciproquement en raison doublée des distances entre les centres, les cubes des forces comprimantes seront comme le carré des densités. Si les forces centrifuges sont réciproquement en raison triplée ou qua-druplée des distances, les cubes des forces comprimantes seront com-me la sixième ou la neuvième puissance des densités. Et générale-ment, si on prend D pour la distance, E pour la densité du fluide com-primé, et que les forces centrifuges soient réciproquement comme la puissance quelconque d’une distance ; les forces comprimantes seront comme les racines cubiques de la puissance

DE n+2, et récipro-

quement. Tout cela doit s’entendre des forces centrifuges des particu-les, lesquelles ne s’exercent que sur les particules les plus proches, ou ne passent guère au-delà. Nous en avons un exemple dans les corps magnétiques, dont la force attractive ne s’étend pas au-delà des corps du même genre, et qui sont très proches. Car la vertu magnétique ne s’étend pas au-delà d’une petite lame de fer qu’on interpose entre le corps et l’aimant, et elle se termine presque entièrement à ce fer, puis-que les corps placés au-delà de cette lame ne sont pas tant attirés par l’aimant que par la lame de fer. Si on conçoit de même des particules qui en fuient d’autres du même genre qu’elles, et dont elles sont très proches, et qu’on imagine qu’elles n’exercent aucune force sur les particules plus éloignées, on formera par l’assemblage infini de ces particules les fluides dont il s’agit dans cette Proposition. Que s’il y a des particules dont la force s’étende à l’infini, il faudra une plus gran-de force pour opérer la même condensation d’une plus grande quantité de fluide. C’est une question qui regarde la physique que de savoir si les fluides élastiques sont composés de parties qui se fuient mutuelle-ment. Nous avons démontré ici mathématiquement la propriété des fluides composés de particules de cette espèce, afin de donner aux Physiciens les moyens de traiter cette matière.

Table des matières

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 361 Livre second : sections I à VI.

Table des matières

SIXIÈME SECTION

Du mouvement et de la résistance des corps oscillants.

PROPOSITION XXIV. — THÉORÈME XIX.

Les quantités de matière dans les corps oscillants et dont les centres d’oscillation sont également distants au centre de suspension, sont en raison composée de la raison des poids, et de la raison doublée des temps des oscillations dans le vide.

Car la vitesse qu’une force donnée peut produire dans une matière donnée en un temps donné est comme le temps et la force directe-ment, et comme la quantité de matière inversement. Plus la force est grande, plus le temps est long, moins il y a de matière, et plus il y aura de vitesse produite : ce qui est clair par la seconde loi du mouvement. Car si les pendules sont de même longueur, les forces motrices sont comme les poids dans les lieux également distants de la perpendiculai-re ; donc si deux corps décrivent en oscillant des arcs égaux, et que ces arcs soient divisés en parties égales ; comme les temps dans les-quels ces corps décrivent chaque partie correspondante des arcs sont comme les temps entiers des oscillations, les vitesses seront entre elles dans les parties correspondantes des oscillations, comme les forces motrices et les temps entiers des oscillations directement, et comme les quantités de matière réciproquement : donc les quantités de matiè-re sont comme les forces, et les temps des oscillations directement, et réciproquement comme les vitesses. Mais les vitesses sont récipro-quement comme les temps, donc les temps sont directement, et les vitesses sont réciproquement comme les carrés des temps, et par conséquent les quantités de matière sont comme les forces motrices, et les carrés des temps, c’est-à-dire, comme les poids et les carrés des temps. — C.Q.F.D.

Cor. 1. Donc si les temps sont égaux, les quantités de matière dans chaque corps seront comme les poids.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 362 Livre second : sections I à VI.

Cor. 2. Si les poids sont égaux, les quantités de matière seront comme les carrés des temps.

Cor. 3. Si les quantités de matière sont égales, les poids seront ré-ciproquement comme les carrés des temps.

Cor. 4. Puisque les carrés des temps, toutes choses égales, sont comme les longueurs des pendules, il est clair que si les temps sont égaux, ainsi que les quantités de matière, les poids seront comme les longueurs des pendules.

Cor. 5. Et généralement, la quantité de matière du pendule est comme le poids et le carré du temps directement, et inversement comme la longueur du pendule.

Cor. 6. Mais dans un milieu non résistant la quantité de matière du pendule est comme le poids comparatif et le carré du temps directe-ment, et comme la longueur du pendule inversement. Car le poids comparatif est la force motrice du corps dans un milieu quelconque pesant, comme je l’ai expliqué ci-dessus ; donc le poids absolu dans le vide est la même chose que dans un tel milieu non résistant.

Cor. 7. Et de là on voit tant la manière de comparer les corps entre eux quant à la quantité de matière de chacun ; que celle de comparer les poids du même corps en divers lieux, pour connaître la variation de la gravité. Et par des expériences très exactes j’ai toujours trouvé que la quantité de matière dans chaque corps était proportionnelle à leurs poids.

PROPOSITION XXV. — THÉORÈME XX.

Les corps suspendus par des fils, et qui se meuvent dans un milieu quelconque qui leur résiste en raison des moments du temps, et ceux qui se meuvent dans un milieu non résis-tant, lequel à la même gravité spécifique que ces corps, achèvent leurs oscillations en des temps égaux dans une cy-cloïde et décrivent en même temps des arcs proportionnels au temps.

(Fig. 36)

Soit AB un arc de cycloïde que le corps D décrit en oscillant pen-dant un temps quelconque dans un milieu non résistant. Soit cet arc

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 363 Livre second : sections I à VI.

coupé en deux au point C, de sorte que C soit son point le plus bas ; et la force accélératrice par laquelle le corps est pressé à un point quel-conque D, ou d, ou E, sera comme la longueur de l’arc CD, ou Cd, ou CE. Soit représentée cette force par le même arc ; la résistance étant comme le moment du temps elle sera donnée. Supposez qu’elle soit représentée par la partie donnée CO de l’arc de cycloïde, en prenant l’arc Od dans la même raison à l’arc CD que l’arc OB a à l’arc CB : la force par laquelle le corps est pressé en d dans un milieu résistant, la-quelle est l’excès de la force Cd sur la résistance CO, sera représentée par l’arc Od, et sera par conséquent à la force par laquelle le corps D sera pressé dans un milieu non résistant, dans le lieu D, comme l’arc Od à l’arc CD ; et par conséquent dans un lieu B, comme l’arc OB à l’arc CB. Donc si deux corps D et d partent du lieu B, et sont pressés par ces forces, il est clair que ces forces sont au commencement comme les arcs CB et OB, et que les premières vitesses et les arcs premièrement décrits seront dans la même raison. Soient ces arcs BD et Bd, les arcs restants CD, Od seront dans la même raison. Et par conséquent les forces qui font proportionnelles à CD, Od demeureront dans la même raison qu’au commencement, et par conséquent les corps continueront à décrire en même temps des arcs dans la même raison. Donc les forces, les vitesses, et les arcs restants CD, Od seront toujours comme les arcs entiers CB, OB, et par conséquent les arcs restants seront décrits en même temps. C’est pourquoi deux corps D et d parviendront en même temps aux lieux C et O, l’un dans un milieu non résistant au lieu C, et l’autre dans un milieu résistant au lieu O. Mais les vitesses en C et en O étant comme les arcs CB, OB ; les arcs que les corps décriront en même temps en avançant au-delà, seront dans la même raison. Soient ces arcs CE et Oe. La force avec laquelle un corps D, dans un milieu non résistant, est retardé en E est comme CE, et la force avec laquelle un corps d est retardé au point e dans un milieu résistant est comme la somme de la force Ce et de la résistance CO, c’est-à-dire, comme Oe ; donc les forces qui retardent les corps sont comme les petits arcs CE, Oe, lesquels sont proportionnels aux arcs CB, OB ; donc les vitesses et les arcs qu’elles font décrire sont toujours dans cette même raison donnée des arcs CB et OB ; et par conséquent si on prend les arcs entiers AB, aB dans la même raison, les corps D et d décriront en même temps ces arcs, et perdront en même temps tout leur mouvement aux lieux A et a. Les oscillations entières sont donc isochrones, et les parties quelconques BD, Bd ou

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 364 Livre second : sections I à VI.

BE, Be des arcs qui sont décrites en même temps sont proportionnelles aux arcs entiers BA, Ba. — C.Q.F.D.

Cor. Donc, ce n’est pas dans le point le plus bas C que le mouve-ment est le plus prompt dans un milieu qui résiste, mais dans le point O dans lequel l’arc total décrit aB est coupé en deux parties égales ; et le corps en avançant ensuite vers a est retardé par les mêmes degrés par lesquels il était accéléré auparavant en descendant de B en O.

PROPOSITION XXVI. — THÉORÈME XXI.

Les corps suspendus qui éprouvent une résistance en raison des vitesses, et qui oscillent dans des arcs de cycloïde, ont leurs oscillations isochrones.

Car si deux corps également distants des centres de suspension dé-crivent, en oscillant, des arcs inégaux, et que les vitesses dans les par-ties correspondantes des arcs soient entre elles comme les arcs entiers, les résistances proportionnelles aux vitesses seront aussi entre elles comme ces mêmes arcs. Ainsi, si des forces motrices qui sont l’effet de la gravité, lesquelles sont comme ces mêmes arcs, on ôte, ou on leur ajoute ces résistances, les différences ou les sommes seront entre elles dans la même raison des arcs : or comme les incréments, ou les décréments des vitesses sont comme ces différences ou ces sommes, les vitesses seront toujours comme les arcs entiers ; donc si les vites-ses sont dans quelque cas comme les arcs entiers, elles demeureront toujours dans cette même raison. Mais dans le commencement du mouvement, où les corps commencent à descendre et à décrire ces arcs, les forces étant proportionnelles aux arcs produiront des vitesses qui seront aussi proportionnelles à ces arcs ; donc les vitesses seront toujours comme les arcs entiers à décrire, et par conséquent ces arcs seront décrits en même temps. — C.Q.F.D.

PROPOSITION XXVII. — THÉORÈME XXII.

Si les corps suspendus à des fils éprouvent une résistance en raison doublée des vitesses, les différences entre les temps des oscillations dans un milieu résistant, et les temps des oscillations dans un milieu non résistant de la même gravité

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 365 Livre second : sections I à VI.

spécifique, seront à peu près proportionnelles aux arcs dé-crits en oscillant.

(Fig. 36)

Car supposez que des pendules égaux décrivent dans un milieu ré-sistant des arcs inégaux A, B ; la résistance que le corps éprouve dans l’arc A sera à la résistance qu’il éprouve dans la partie correspondante de l’arc B, en raison doublée des vitesses, c’est-à-dire, comme AA à BB à peu près. Si la résistance dans l’arc B était à la résistance dans l’arc A comme AB à AA, les temps dans les arcs A et B seraient égaux, par la proposition précédente. Donc la résistance AA dans l’arc A, ou la résistance AB dans l’arc B produit l’excès du temps dans l’arc A sur le temps dans un milieu non résistant ; et la résistance BB produit l’excès du temps dans l’arc B sur le temps dans un milieu non résis-tant. Et ces excès font comme les forces efficientes AB et BB à peu près, c’est-à-dire, comme les arcs A et B. — C.Q.F.D.

Cor. 1. De là on peut connaître par les temps des oscillations qui se font dans un milieu résistant et dans des arcs inégaux, les temps des oscillations dans un milieu non résistant de la même gravité spécifi-que. Car la différence des temps sera à l’excès du temps dans le plus petit arc sur le temps dans un milieu non résistant, comme la différen-ce des arcs au plus petit arc.

Cor. 2. Plus les oscillations sont courtes, et plus elles sont isochro-nes, et celles qui sont très courtes se font à peu près dans les mêmes temps que si elles se faisaient dans un milieu qui ne résistât point. Mais les temps des oscillations qui se font dans de plus grands arcs sont un peu plus longs, à cause que la résistance que le corps éprouve en descendant, par laquelle le temps est allongé, est plus grande, eu égard à la longueur parcourue en descendant, que la résistance dans l’ascension subséquente, par laquelle résistance le temps est diminué. Mais les temps des oscillations tant les plus longues que les plus cour-tes, semblent être un peu augmentés par le mouvement du milieu ; car le milieu résiste un peu moins aux corps retardés à raison de la vitesse, et un peu plus à ceux qui sont accélérés qu’à ceux qui se meuvent uni-formément : et cela, parce que le milieu, par le mouvement qu’il reçoit des corps en allant du même côté qu’eux, est plus agité dans le pre-mier cas ; et moins dans le second ; et que par conséquent il conspire plus ou moins avec le mouvement des corps. Il résiste donc plus aux

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 366 Livre second : sections I à VI.

pendules lorsqu’ils descendent, et moins lorsqu’ils remontent, à raison de la vitesse, et par ces deux causes le temps est allongé.

PROPOSITION XXVIII. — THÉORÈME XXIII.

Si un pendule éprouve une résistance en raison des mo-ments du temps, lorsqu’il oscille dans une cycloïde, cette résistance sera à la force de la gravité, comme l’excès de l’arc décrit dans sa descension entière sur l’arc décrit dans l’ascension subséquente, est au double de la longueur du pendule.

(Fig. 36)

Que BC représente l’arc décrit dans la descension, Ca l’arc décrit dans l’ascension, et Aa la différence de ces arcs ; et en supposant les constructions et les démonstrations de la Prop. 25 la force qui pressera le corps oscillant, sera dans un lieu quelconque D à la force de la ré-sistance, comme l’arc CD à l’arc CO, moitié de cette différence Aa. Donc la force qui presse le corps oscillant dans la naissance de la cy-cloïde, ou dans le point le plus haut, c’est-à-dire, la force de la gravité, sera à la résistance, comme l’arc de cycloïde, entre le point le plus haut et le point le plus bas C, est à l’arc CO, c’est-à-dire (si on double ces arcs), comme l’arc de toute la cycloïde ou la double longueur du pendule à l’arc Aa. — C.Q.F.D.

PROPOSITION XXIX. — PROBLÈME VI.

Supposé qu’un corps qui oscille dans une cycloïde éprouve une résistance en raison doublée de la vitesse ; trouver la résistance à chacun des lieux.

(Fig. 37 & 38)

Soit Ba l’arc décrit pendant une oscillation entière, C le point le plus bas de la cycloïde, et CZ la moitié de l’arc de la cycloïde entière égale à la longueur du pendule, et qu’on cherche la résistance que le corps éprouve dans un lieu quelconque D. Soit coupée la droite infinie OQ dans les points O, S, P, Q, selon cette loi, que (si on élève les per-pendiculaires OK, ST, PI, QE, et que du centre O, on décrive l’hyperbole TIGE qui coupe les perpendiculaires ST, PI, QE en T, I et E, et dont les asymptotes soient OK, OQ ; et que par le point I on tire

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 367 Livre second : sections I à VI.

KF parallèle à l’asymptote OQ et rencontrant l’asymptote OK en K et les perpendiculaires ST, QE en L et F) l’aire hyperbolique PIEQ, soit à l’aire hyperbolique PITS, comme l’arc BC décrit dans la descension du corps, à l’arc Ca décrit dans son ascension, et que l’aire IEF soit à l’aire ILT comme OQ à OS. Ensuite soit coupée par la perpendiculaire MN l’aire hyperbolique PINM qui soit à l’aire hyperbolique PIEQ comme l’arc CZ à l’arc BC décrit dans la descente. Si la perpendicu-laire RG coupe l’aire hyperbolique PIGR qui soit à l’aire PIEQ, com-me l’arc quelconque CD à l’arc BC décrit pendant la descente entière ; la résistance au lieu D sera à la force de la gravité comme l’aire OROQ

IEF – IGH à l’aire PINM.

(Fig. 37 & 38)

Car comme les forces venant de la gravité par lesquelles le corps est pressé dans les lieux Z, B, D, a sont comme les arcs CZ, CB, CD, Ca, et que ces arcs sont comme les aires, PINM, PIEQ, PIGR, PITS ; soient exprimées respectivement par ces aires tant les arcs que les for-ces. Soit de plus Dd le très petit espace décrit par le corps en descen-dant, lequel soit représenté par l’aire très petite RGgr comprise entre les parallèles RG, rg ; et soit prolongée rg en h, de sorte que GHhg et RGgr soient les décréments contemporains des aires IGH, PIGR. Et

l’incrément GHhg – RrOQ

IEF , ou Rr × HG – RrOQ

IEF de l’aire

OROQ

IEF – IGH, sera au décrément RGgr ou Rr × RG de l’aire PIGR,

comme HG – IEFOQ

à RG ; et par conséquent comme OR × HG – IEFOQ

à OR × GR ou OP × PI, c’est-à-dire, (à cause des quantités égales OR × HG, OR × HR – OR × GR, ORHK – OPIK, PIHR et PIGR + IGH)

comme PIGR + IGH – OROQ

IEF à OPIK. Donc, si on appelle Y l’aire

OROQ

IEF – IGH et que le décrément RGgr de l’aire PIGR soit donné,

l’incrément de l’aire Y sera comme PIGR – Y. (Fig. 37 & 38)

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 368 Livre second : sections I à VI.

Que si V représente la force de la gravité proportionnelle à l’arc CD à décrire, par laquelle force le corps est pressé en D, et que l’on appelle la résistance R ; V – R sera la force totale par laquelle le corps est pressé en D. L’incrément de la vitesse est donc comme V – R et comme la particule de temps dans laquelle il se fait conjointement : mais cette vitesse elle-même est directement comme l’incrément de l’espace décrit en même temps, et inversement comme cette même particule de temps. Ainsi la résistance étant, par l’hypothèse, comme le carré de la vitesse, l’incrément de la résistance (par le Lemme 2) sera comme la vitesse et comme l’incrément de la vitesse conjointe-ment, c’est-à-dire, comme le moment de l’espace et V – R conjointe-ment ; et par conséquent, si le moment de l’espace est donné, comme V – R, c’est-à-dire, comme PIGR – Z, en écrivant pour la force V la quantité qui l’exprime PIGR, et en exprimant la résistance R par quel-que autre aire Z.

Donc, l’aire PIGR décroissant uniformément par la soustraction des moments donnés, l’aire Y croîtra, dans la raison de PIGR – Y, et l’aire Z dans la raison de PIGR – Z. Et par conséquent, si les aires F et Z commencent en même temps, et qu’elles soient égales vers leur commencement, elles continueront à être égales par l’addition des moments égaux, et décroissant ensuite par des moments égaux, elles s’évanouiront en même temps. Et réciproquement, si elles commen-cent et s’évanouissent en même temps, elles auront des moments égaux, et seront toujours égales : et cela parce que si la résistance Z augmente, la vitesse diminue aussi avec l’arc Ca que le corps décrit dans son ascension ; et le point dans lequel tout le mouvement ainsi que toute la résistance cesse en s’approchant davantage du point C, la résistance s’évanouira plutôt que l’aire Y. Et le contraire arrivera si la résistance diminue.

(Fig. 37 & 38)

Or comme l’aire Z commence et finit où la résistance est nulle, c’est-à-dire, dans le commencement du mouvement, où l’arc CD égale l’arc CB, et où la droite RG tombe sur la droite QE, et à la fin du mouvement où l’arc CD égale l’arc CA, et où la droite RG tombe sur

la droite ST. L’aire Y ou OROQ

IEF – IGH commence et finit lorsqu’elle

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 369 Livre second : sections I à VI.

est nulle, c’est-à-dire, lorsque OROQ

IEF et IGH sont égales, c’est-à-

dire, (par la construction) lorsque la droite RG tombe successivement sur les droites QE et ST. Donc ces aires commencent et s’évanouissent en même temps, et par conséquent elles sont toujours égales. Donc

l’aire OROQ

IEF – IGH est égale à l’aire Z, qui représente la résistance,

et par conséquent elle est à l’aire PINM, qui représente la gravité, comme la résistance à la gravité. — C.Q.F.D.

Cor. 1. La résistance est donc à la gravité dans le lieu le plus bas C,

comme l’aire OPOQ

IEF à l’aire PINM.

Cor. 2. Et elle devient la plus grande lorsque l’aire PIHR est à l’aire IEF comme OR à OQ. Car, dans ce cas, son moment (c’est-à-dire, PIGR – Y) devient nul.

Cor. 3. On connaît aussi par là la vitesse à chacun des lieux : car elle est en raison sous-doublée de la résistance, et au commencement du mouvement elle est égale à la vitesse du corps qui oscillerait dans la même cycloïde sans éprouver de résistance.

Au reste, à cause que le calcul par le moyen par lequel on peut trouver par cette proposition la vitesse et la résistance est très difficile, j’ai cru qu’il était à propos d’ajouter la proposition suivante.

PROPOSITION XXX. — THÉORÈME XXIV.

(Fig. 39)

Si la droite aB est égale à l’arc de cycloïde que le corps dé-crit en oscillant, et qu’à chacun de ses points D on élève des perpendiculaires DK qui soient à la longueur du pendule comme la résistance que le corps éprouve dans les points correspondants de l’arc est à la force de la gravité : je dis que la différence entre l’arc décrit dans toute la descension et l’arc décrit dans toute l’ascension subséquence, multi-pliée par la moitié de la somme de ces mêmes arcs, sera égale à l’aire BKa, déterminée par toutes les perpendiculai-res DK.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 370 Livre second : sections I à VI.

(Fig. 39)

Car soit représenté, tant l’arc de cycloïde décrit dans une oscilla-tion entière par la droite aB qui lui est égale, que l’arc qui serait décrit dans le vide par la longueur AB. Soit coupée AB en deux parties égales au point C, ce point C représentera le point le plus bas de la cycloïde, et CD sera comme la partie de la force de la gravité par laquelle le corps est pressé en D suivant la tangente de la cycloïde, et elle aura la même raison à la longueur du pendule que la force en D à la force de la gravité. Soit donc représentée cette force par la longueur CD et la force de la gravité par la longueur du pendule, si on prend DK sur DE qui soit à la longueur du pendule dans la raison de la résistance à la gravité, DK exprimera la résistance. Du centre C et de l’intervalle CA ou CB soit tracé le demi-cercle BEeA. Que le corps décrive dans un espace de temps très petit l’espace Dd, ayant élevé les perpendiculai-res DE, de, qui rencontrent la circonférence en E et en e, elles seront comme les vitesses que le corps, en descendant dans le vide, acquérait aux lieux D et d. Ce qui est clair (par la Prop. 52 Liv. 1). Soient ces vitesses exprimées par les perpendiculaires DE, de ; et soit DE la vi-tesse que le corps acquiert en D en tombant de B dans un milieu résis-tant. Si du centre C et de l’intervalle CE on décrit le cercle FfM qui rencontre les droites de et AB en f et M, sera le lieu auquel il monterait ensuite s’il n’éprouvait point de résistance ultérieure, et df serait la vitesse qu’il acquerrait en d. Donc, si Eg représente le moment de la vitesse que le corps D perd en parcourant le très petit espace Dd par la résistance du milieu ; et qu’on prenne CN = cg ; N sera le lieu auquel le corps remonterait ensuite s’il n’éprouvait point de résistance ulté-rieure, et MN sera le décrément de l’ascension produit par la diminu-tion de cette vitesse. Abaissant Fm perpendiculairement sur df, le dé-crément Fg de la vitesse DF causé par la résistance DK sera à l’incrément fm de cette même vitesse produit par la force CD comme la force génératrice DK à la force génératrice CD. Mais à cause des triangles semblables Fmf, Fhg, FDC, on a fm : Fm ou Dd = CD : DF ; et par conséquent, Fg : Dd = DK : DF. Et aussi Fh : Fg = DF : CF ; et par conséquent, Fh ou MN : Dd = DK : CF ou CM. Donc la somme de toutes les MN × CM sera égale à la somme de toutes les Dd × DK. Au point mobile M soit toujours supposé une ordonnée élevée à angle droit, égale à l’indéterminée CM, laquelle parcourt par un mouvement continu toute la ligne Aa ; et le trapèze décrit par ce mouvement ou le

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 371 Livre second : sections I à VI.

rectangle Aa × 12 aB qui lui est égal sera toujours égal à la somme de

toutes les MN × CM, et par conséquent à la somme de toutes les Dd × DK, c’est-à-dire, à l’aire BKVta. — C.Q.F.D.

Cor. Ainsi on peut connaître à peu près par la loi de la résistance et par la différence Aa des arcs Ca, CB la proportion de la résistance à la gravité.

Car si la résistance DK est uniforme, la figure BKTa sera un rec-tangle sous Ba et DK ; et de là, le rectangle sous 1

2 Ba et Aa sera égal au rectangle sous Ba et DK, et DK sera égal à 1

2 Aa, c’est pourquoi, comme DK représente la résistance, et que la longueur du pendule re-présente la gravité, la résistance sera à la gravité comme 1

2 Aa à la lon-gueur du pendule, ce qui est entièrement conforme à ce qui a été dé-montré dans la Prop. 28.

(Fig. 39)

Si la résistance est comme la vitesse, la figure BKTa sera à peu près une ellipse. Car si le corps dans un milieu non résistant décrivait dans une oscillation entière la longueur AB, la vitesse dans un lieu quelconque D serait comme le diamètre AB du cercle décrit, dont DE est l’ordonnée. Donc, comme BA dans un milieu résistant, et Ba dans un milieu non résistant, sont décrites en temps égaux à peu près ; et que les vitesse à chacun des points de la longueur Ba sont aux vitesses dans les points correspondants de la longueur BA, comme Ba à BA ; la vitesse au point D dans un milieu résistant sera comme l’ordonnée du cercle ou de l’ellipse décrits sur le diamètre aB ; donc la figure BKVTa sera une ellipse à peu près. Comme la résistance est supposée proportionnelle à la vitesse, si OV représente la résistance dans le point du milieu O, l’ellipse BRVSa décrite du centre O, et avec les diamètres OB, OV sera égale à peu près à la figure BKVTa, et au rec-tangle Aa × BO qui lui est égal. Donc Aa × BO est à OV × BO com-me l’aire de cette ellipse est à OV × BO : c’est-à-dire, que Aa est à OV, comme l’aire du demi-cercle au carré du rayon, ou comme 11 à 7 environ : et par conséquent 7

11Aa seront à la longueur du pendule comme la résistance qu’éprouve en O le corps oscillant est à la gravi-té.

Que si la résistance DK est en raison doublée de la vitesse, la figu-re BKVTa sera presque une parabole dont le sommet sera V et l’axe

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 372 Livre second : sections I à VI.

OV, donc elle sera égale à peu près au rectangle 23 Ba × OV. Mais le

rectangle 12 Ba × Aa est égal au rectangle 2

3 Ba × OV, donc OV = 34 Aa :

et par conséquent la résistance qu’éprouve en O le corps oscillant est à sa propre gravité comme 3

4 Aa à la longueur du pendule.

Je pense que ces conclusions sont assez exactes pour la pratique. Car lorsque l’ellipse ou la parabole BRVSa coïncide avec la figure BRVTa dans le point du milieu V, si elle la surpasse vers l’un ou l’autre côté BRV ou VSa elle en est surpassée vers le côté opposé, ce qui les rend égales à peu près.

PROPOSITION XXXI. — THÉORÈME XXV.

Si la résistance que le corps qui oscille éprouve à chaque partie proportionnelle des arcs décrits augmente ou dimi-nue dans une raison donnée ; la différence entre l’arc décrit dans la descension et l’arc décrit dans l’ascension subsé-quente augmentera ou diminuera, dans la même raison.

Car cette différence vient de la retardation qu’éprouve le pendule par la résistance du milieu, ainsi elle est comme toute la retardation et comme la résistance retardative qui lui est proportionnelle.

(Fig. 39)

Dans la Proposition précédente le rectangle sous la droite 12 aB et la

différence Aa de ces arcs CB, Ca était égale à l’aire BTKa. Cette aire, si la longueur aB reste la même, augmentera ou diminuera dans la rai-son des ordonnées DK ; c’est-à-dire, en raison de la résistance ; elle est donc comme la longueur aB et comme la résistance conjointement. Donc le rectangle sous Aa et 1

2 aB est comme aB et comme la résistan-ce conjointement, et par conséquent Aa est comme la résistance. — C.Q.F.D.

Cor. 1. D’où, si la résistance est comme la vitesse, la différence des arcs dans le même milieu sera comme l’arc entier décrit : et réci-proquement.

Cor. 2. Si la résistance est en raison doublée de la vitesse, cette dif-férence sera en raison doublée de l’arc entier : et réciproquement.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 373 Livre second : sections I à VI.

Cor. 3. Et généralement, si la résistance est en raison triplée, ou dans une autre raison quelconque de la vitesse, la différence sera dans la même raison de l’arc entier : et réciproquement.

Cor. 4. Et si la résistance est en partie en raison simple de la vites-se, et en partie en raison doublée de cette même vitesse, la différence sera en partie dans la raison de l’arc total, et en partie en raison dou-blée de ce même arc : et réciproquement. Ce sera la même loi et la même raison de résistance par rapport à la vitesse que celle de cette différence par rapport à la longueur de l’arc.

Cor. 5. Donc le pendule décrivant successivement des arcs iné-gaux, si on peut trouver la proportion de l’incrément et du décrément de cette différence relativement à la longueur de l’arc décrit, on aura la raison de l’incrément et du décrément de la résistance relativement à la vitesse plus ou moins grande.

SCHOLIE GÉNÉRAL.

On peut trouver par le moyen de ces Propositions la résistance de toutes sortes de milieux lorsqu’on connaît les oscillations des pendu-les dans ces milieux. J’ai trouvé, par exemple, la résistance de l’air par les expériences suivantes.

Je suspendis par un fil très délié à un crochet assez ferme un globe de bois du poids de 57 7

22 onces romaines, et dont le diamètre était de 6 7

8 pouces anglais, de sorte qu’entre le crochet et le centre d’oscillation du globe il y avait une distance de 10 1

2 pieds ; je marquai sur le fil un point éloigné de 10 pieds et un pouce du centre de suspen-sion ; et je plaçai vis-à-vis de ce point une règle partagée en pouces, par le moyen desquels je marquais la longueur des arcs décrits par le pendule. Ensuite je comptai les oscillations dans lesquelles le globe perdait la huitième partie de son mouvement. Si le pendule était écarté de la verticale à la distance de 2 pouces, et qu’ensuite on le laissât tomber, de sorte qu’il décrivît en descendant un arc de deux pouces, et que dans sa première oscillation entière composée de cette descension et de l’ascension subséquente, il parcourut un arc d’environ quatre pouces ; ce pendule en 164 oscillations perdait la huitième partie de son mouvement, de sorte qu’à la dernière chute il décrivait seulement

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 374 Livre second : sections I à VI.

un arc de 1 34 de pouces. S’il parcourait 4 pouces dans sa première

chute il perdait la huitième partie de son mouvement en 121 oscilla-tions, de sorte que dans sa dernière ascension il ne décrivait plus qu’un arc de 3 1

2 pouces. Si dans sa première chute il avait parcouru un arc de 8, 16, 32, ou 64 pouces, il perdait la huitième partie de son mouvement en 69, 35 1

2 , 18 12 , 9 2

3 oscillations respectivement. Donc la différence entre les arcs décrits dans la première descension et dans la dernière ascension était dans le premier cas, dans le second, dans le troisième, dans le quatrième, dans le cinquième et dans le sixième, de 14 , 1

2 , 1, 2, 4, 8 pouces respectivement. En divisant ces différences par le nombre des oscillations faites dans chacun de ces cas, on trouvera que dans une des oscillations moyennes dans lesquelles des arcs de 3 3

4 , 7 12 , 15, 30, 60, 120 pouces ont été décrits, les différences entre

l’arc descendu et l’arc subséquent remonté, seront 1656 , 1

242 , 169 , 4

71, 857 ,

2429 parties de pouces respectivement. Mais ces différences, dans les plus grandes oscillations, sont en raison doublée des arcs décrits à peu près, et dans les plus petites elles sont un peu plus grandes que dans cette raison et par conséquent, (par le Cor 2 de la Prop. 31 de ce Li-vre) la résistance de ce globe lorsqu’il se meut le plus vite est à peu près en raison doublée de la vitesse ; et lorsqu’il se meut le plus len-tement elle est un peu plus grande que dans cette raison.

À présent que V représente la plus grande vitesse dans une oscilla-tion quelconque, et que A, B, C soient des quantités données, et que la différence des arcs soit AV + BV 2

3

+ CV 2 . Puisque les plus grandes vitesses dans une cycloïde sont comme la moitié des arcs décrits en oscillant et que dans le cercle elles sont comme les cordes de la moitié de ces arcs ; elles sont donc plus grandes dans la cycloïde que dans le cercle, lorsque les arcs décrits sont égaux, et cela dans la raison de la moitié de ces arcs à leurs cordes ; mais les temps sont plus longs dans le cercle que dans la cycloïde, en raison réciproque de la vitesse ; ainsi il est clair que les différences des arcs (qui sont comme la résistance, et le carré du temps conjointement) sont à peu près les mêmes dans l’une et l’autre courbe : car dans la cycloïde ces différences devraient augmenter avec la résistance en raison doublée à peu près de l’arc à la corde, puisque la vitesse est augmentée dans cette raison simple, et elles devraient diminuer ; ainsi que le carré des temps, dans cette mê-me raison doublée. Donc pour faire la réduction à la cycloïde, il faut

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 375 Livre second : sections I à VI.

prendre les mêmes différences des arcs que celles qui ont été obser-vées dans le cercle, et supposer les plus grandes vitesses proportion-nelles aux arcs entiers, ou à leurs moitiés, c’est-à-dire aux nombres 1

2 , 1, 2, 4, 8 et 16. Écrivant donc dans le second, le quatrième et le sixiè-

me cas les nombres 1, 4 et 16, au lieu de V, nous aurons 12

121 = A +

B+ C pour la différence des arcs dans le second cas ; 235 1

2

= 4A + 8B+

16C dans le quatrième ; et 89 2

3

= 16A + 64B + 256C dans le sixième.

On tire de ces équations par la réduction et la comparaison qu’exige l’analyse A = 0,0000916, B = 0,0010847, et C = 0,0029558. La diffé-rence des arcs est donc comme 0,0000916V + 0,0010847V

32 +

0,0029558 V 2 : et par conséquent, comme (par le Cor. de la Prop. 30. appliqué à ce cas) la résistance qu’éprouve le globe au milieu de l’arc décrit en oscillant (auquel point la vitesse est V) est à son poids, com-me 7

11AV + 710 BV 2

3

+ 34 CV 2 est à la longueur du pendule ; si au lieu de

A, B et C, on écrit les nombres trouvés, la résistance que le globe éprouvera sera à son poids comme 0,0000583V + 0,0007593V

32 +

0,0022169V 2 est à la longueur du pendule entre le centre de suspen-sion et la règle, c’est-à-dire, à 121 pouces. D’où, comme V dans le second cas représente 1, dans le quatrième 4, et dans le sixième 16 : la résistance sera au poids du globe dans le second cas, comme 0,0030345 à 121 ; dans le quatrième comme 0, 041748 à 121 et dans le sixième comme 0,61705 à 121.

L’arc, que le point marqué sur le fil décrivait était dans le sixième

cas de 120 – 89 2

3

ou 118 529 pouces. Et par conséquent, comme le rayon

était de 121 pouces, et la longueur du pendule entre le point de sus-pension et le centre du globe de 126 pouces, l’arc que le centre du globe décrivait était de 124 5

31 pouces. Mais comme la plus grande vi-tesse du corps oscillant, à cause de la résistance de l’air, ne se trouve pas dans le point le plus bas de l’arc décrit, mais à peu près dans le milieu de l’arc total : elle sera à peu près la même que si le globe avait décrit dans sa chute entière dans un milieu non résistant la moitié 62 3

62

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 376 Livre second : sections I à VI.

pouces de cet arc, et cela, dans une cycloïde à laquelle nous avons ré-duit ci-dessus le mouvement du pendule : et par conséquent, cette vi-tesse sera égale à la vitesse que le globe pourrait acquérir en tombant perpendiculairement de la hauteur du sinus verse de cet arc. Mais dans une cycloïde, ce sinus verse est à cet arc de 62 3

62 pouces, comme ce même arc à la double longueur du pendule qui est de 252 pouces, et il est par conséquent de 15,278 pouces. Donc cette vitesse est celle que le corps peut acquérir en tombant lorsqu’il parcourt dans sa chute un espace de 15,278 pouces. Avec une telle vitesse le corps éprouve une résistance qui est à son poids comme 0,61705 à 121, ou (si on fait at-tention seulement à cette partie de la résistance qui est en raison dou-blée de la vitesse) comme 0,56752 à 121.

J’ai trouvé par une expérience d’hydrostatique que le poids d’un globe de bois était au poids d’un globe d’eau de même volume comme 55 à 97 : par conséquent 121 est à 213,4 dans la même raison, ainsi la résistance du globe d’eau, mû avec la vitesse dont on a parlé, sera à son poids comme 0,56752 à 213,4, c’est-à-dire, comme 1 à 376 1

50 . Ainsi, comme le poids du globe d’eau, dans le temps que le globe dé-crit une longueur de 30,556 pouces avec une vitesse uniformément continuée, pourrait produire cette même vitesse dans le globe tom-bant, il est clair que la force de la résistance continuée uniformément pendant ce temps peut ôter une vitesse qui sera moindre dans la raison

de 1 à 376 150 c’est-à-dire, qui sera la 1

376 150

partie de la vitesse totale.

Et par conséquent, ce globe, dans le temps dans lequel il pourrait par-courir par une vitesse uniformément continuée la longueur de son de-

mi-diamètre, ou 3 716 pouces perdrait la 1

3542ème partie de son mouve-

ment.

Je comptai aussi les oscillations dans lesquelles le pendule perdait la quatrième partie de son mouvement. Dans la table suivante, les chiffres d’en haut marquent la longueur de l’arc décrit dans sa premiè-re chute, exprimée en pouces et en parties de pouces : les chiffres du milieu marquent la longueur de l’arc décrit dans la dernière ascen-sion ; et le nombre des oscillations est marqué par les chiffres d’en bas. J’ai décrit cette expérience comme la plus exacte qui ait été faite, puisqu’il y est marqué comment le pendule perdait la huitième partie

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 377 Livre second : sections I à VI.

de son mouvement. J’en laisse le calcul à faire à ceux qui voudront le tenter.

Ensuite, je suspendis au même fil un globe de plomb de deux pou-

ces de diamètre, et du poids de 26 14 onces romaines, de sorte qu’entre

le centre du globe et le point de suspension il y avait un intervalle de 10 1

2 pieds, et je comptai les oscillations dans lesquelles il perdit une partie donnée de son mouvement. Dans les tables suivantes, la premiè-re marque le nombre des oscillations dans lesquelles il perdit la hui-tième partie de son mouvement total, et la seconde le nombre des os-cillations dans lesquelles il en perdit la quatrième partie.

En prenant dans la première table, la troisième, la cinquième et la

septième observation, et représentant les plus grandes vitesses dans ces observations en particulier, par les nombres 1, 4, 16, respective-ment, et en général par la quantité V comme ci-dessus : on aura, dans

la troisième observation 12

193 = A + B + C, dans la cinquième 1

90 12

=

4A + 8B + 16C, dans la septième 830

= l6A + 64B + 256C. Et ces

équations réduites donnent A = 0,001414 ; B = 0,000297 ; C = 0,000879, d’où l’on tire que la résistance du globe mû avec la vitesse

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 378 Livre second : sections I à VI.

V est dans la même raison à son poids, qui était de 26 14 onces ; que,

0,0009V + 0,000208V32 + 0,000659V 2 à la longueur du pendule qui

est de 121 pouces. Et si l’on considère seulement cette partie de la ré-sistance qui est en raison doublée de la vitesse, elle sera au poids du globe comme 0,000659 V est à 121 pouces. Mais cette partie de la résistance était dans la première expérience au poids du globe de bois qui était de 57 7

22 onces ; comme 0,002217V 2 à 121 : et de là on tire la résistance du globe de bois à la résistance du globe de plomb (leurs vitesses étant les mêmes) comme 57 7

22 × 0,002217 à 26 14 × 0,000659,

c’est-à-dire, comme 7 13 à 1. Les diamètres de ces deux globes étaient

6 78 et 2 pouces, dont les carrés sont l’un à l’autre comme 47 1

4 et 4, ou 11 13

16 et 1 à peu près. Donc, les résistances des globes qui ont la même vitesse, seront dans une moindre raison que la raison doublée des diamètres. Mais nous n’avons pas encore considéré la résistance du fil, qui certainement était assez considérable, et qui doit être soustraite de la résistance trouvée des pendules. Je n’ai pu la déterminer exacte-ment, mais cependant je l’ai trouvée plus grande que la troisième par-tie de la résistance du plus petit pendule entier ; et par là j’ai connu que les résistances des globes, ôtant la résistance du fil, sont à peu près en raison doublée des diamètres. Car la raison de 7 1

3 – 13 à 1– 1

3 ou de 10 1

2 à 1 ne s’éloigne pas beaucoup de la raison doublée des diamètres qui est celle de 11 13

16 à 1.

Comme la résistance du fil est moins remarquable dans les plus grands globes, j’ai essayé aussi cette expérience avec un globe dont le diamètre était de 18 3

4 pouces. La longueur du pendule entre le point de suspension et le centre d’oscillation était de 122 1

2 pouces, et entre le point de suspension et le nœud fait dans le fil de 109 1

2 pouces. L’arc décrit par le nœud du pendule dans sa première chute était de 32 pouces, et celui de sa dernière ascension décrit par le même nœud, était après cinq oscillations, de 28 pouces. La somme de ces arcs, ou l’arc total décrit dans une oscillation moyenne était de 60 pouces. La différence de ces arcs étant de 4 pouces, sa dixième partie, ou la diffé-rence entre l’ascension et la descension était de 2

5 de pouce dans une oscillation moyenne. Comme le rayon 109 1

2 est au rayon 122 12 ainsi

l’arc total de 60 pouces décrit dans une oscillation moyenne par le nœud, est à l’arc total de 67 1

8 pouces décrit par le centre du globe dans

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 379 Livre second : sections I à VI.

une oscillation moyenne ; et comme la différence 25 est à la nouvelle

différence 0,4475. Si on augmentait la longueur du pendule dans la raison de 126 à 122 1

2 , la longueur de l’arc décrit restant la même, le temps d’oscillation augmenterait et la vitesse du pendule diminuerait dans cette raison sous-doublée, mais la différence 0,4475 des arcs dé-crits dans l’ascension et la descension subséquente resterait la même. En suite, si l’arc décrit augmentait en raison de 124 3

31 à 67 18 cette dif-

férence 0,4475 augmenterait dans cette raison doublée, et par consé-quent elle deviendrait 1,295. Tout ceci aurait lieu, en supposant la ré-sistance du pendule en raison doublée de la vitesse. Donc, si le pendu-le décrivait un arc total de 124 3

31 pouces, et que la longueur entre le point de suspension et le centre d’oscillation fut de 126 pouces, la dif-férence des arcs décrits dans la descension, et l’ascension subséquente serait de 1,5295 pouces. Et cette différence multipliée par le poids du globe qui forme le pendule lequel était de 208 onces, donne 318,136. De plus, lorsque le centre d’oscillation du pendule de bois, dont on a parlé ci-dessus, était distant de 126 pouces du point de suspension, il décrivait un arc total de 124 3

31 pouces, et la différence des arcs décrits

dans la descension et l’ascension subséquente était 126121

× 89 2

3

qui

étant multipliée par le poids du globe qui était de 57 722 donnait 49,396.

J’ai multiplié ces différences par les poids des globes afin de trouver leurs résistances. Car ces différences viennent des résistances, ainsi, elles sont comme les résistances directement et comme les poids in-versement. Ces résistances sont donc comme les nombres 318,136 et 49,396. Mais la partie de la résistance du plus petit globe laquelle est en raison doublée de la vitesse, était à la résistance totale, comme 0,56752 à 0,61675, c’est-à-dire, comme 45,453, à 49,396 ; et la partie de la résistance du plus grand globe est presque égale à toute la résis-tance ; donc ces parties sont comme 318,136 et 45,453 à peu près, c’est-à-dire, comme 7 à 1. Or les diamètres des globes sont 18 3

4 et 6 78

dont les carrés 351 916 et 47 17

64 sont comme 7,438 et 1, c’est-à-dire, à peu près, comme les résistances 7 et 1 des globes. La différence des raisons est plus grande que celle qui peut venir de la résistance du fil. Donc les parties de ces résistances qui sont, dans des globes égaux, comme les carrés des vitesses, sont aussi, les vitesses étant égales, comme les carrés des diamètres des globes.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 380 Livre second : sections I à VI.

Au reste, le plus grand des globes dont je me suis servi dans ces expériences n’était pas parfaitement sphérique, et par cette raison, dans le calcul que je viens de rapporter, j’ai négligé, afin d’être plus court, quelques fractions trop petites, ne m’embarrassant pas beau-coup de faire un calcul rigoureux, dans une expérience dont l’exactitude n’était pas poussée assez loin. Je souhaiterais cependant, à cause que la démonstration du vide dépend de ces expériences, qu’on les fit plus exactement, sur une plus grande quantité, et avec de plus grands globes. Si on prend des globes en proportion géométrique, c’est-à-dire, dont les diamètres soient de 4, 8, 16, 32 pouces ; on pour-ra connaître par la progression des expériences ce qui doit arriver dans de plus grands globes.

Pour comparer les résistances des différents fluides entre eux, j’ai tenté les expériences suivantes. J’ai fait un petit vaisseau de bois, long de quatre pieds, haut et large d’un pied, j’ai rempli ce vaisseau d’eau de fontaine, et j’ai fait osciller le pendule lorsqu’il était plongé dans ce vaisseau, qui était ouvert. Un globe de plomb du poids de 166 1

6 onces, et de 3 5

8 de diamètre, oscillait comme il est marqué dans la table sui-vante, la longueur du pendule depuis le point de suspension jusqu’à un point marqué sur le fil étant de 126 pouces, et de 134 3

8 pouces jus-qu’au centre d’oscillation.

Dans l’expérience de la quatrième colonne, les quantités de mou-

vement perdues dans 535 oscillations dans l’air étaient égales à celles qui furent perdues dans 1 1

5 dans l’eau, les oscillations étaient donc un

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 381 Livre second : sections I à VI.

peu plus promptes dans l’air que dans l’eau. Mais si on accélérait les oscillations dans l’eau dans une raison, telle que le mouvement des pendules fut égal en vitesse dans l’un et l’autre milieu, le nombre des oscillations dans lesquelles il perdrait son mouvement dans l’eau de-meurerait comme auparavant de 1 et 1

3, à cause que la résistance aug-mente, et que le carré du temps diminue dans la même raison doublée. Les pendules qui ont des vitesses égales perdent donc des quantités égales de mouvement en 535 oscillations dans l’air, et en 1 1

5 dans l’eau ; donc la résistance du pendule dans l’eau est à la résistance dans l’air comme 535 à 1 1

5 . C’est là la proportion des résistances totales dans le cas de la quatrième colonne.

Que AV + CV 2 représente à présent la différence des arcs décrits dans la descension et l’ascension subséquente par un globe mû dans l’air avec la plus grande vitesse V ; comme la plus grande vitesse dans le cas de la quatrième colonne est à la plus grande vitesse dans le cas de la première comme 1 à 8 ; et que cette différence des arcs dans le cas de la quatrième colonne est à la différence dans le cas de la pre-

mière comme 2535

à 1685 1

2

ou comme 85 12 à 4280 : écrivant dans ces

cas 1 et 8 pour les vitesses, 85 12 , et 4280 pour les différences des arcs,

on aura A + C = 85 12 et 8A + 64C = 4280, ou A + 8C = 535 ; donc par

la réduction des équations on aura 7C = 449 12 , et C = 64 3

14 , et A = 21 2

7 : et par conséquent, la résistance étant comme 711AV + 3

4 CV 2, elle deviendra comme 13 6

11 V + 48 956 V 2. C’est pourquoi dans le cas de la

quatrième colonne où la vitesse était 1, la résistance totale est à sa par-tie proportionnelle au carré de la vitesse, comme 13 6

11 + 48 956 ou 61 12

17 à 48 9

56 ; et par conséquent la résistance du pendule dans l’eau, est à cette partie de la résistance dans l’air, laquelle est proportionnelle au carré de la vitesse (et cette résistance est seule à considérer dans les mouvements les plus prompts) comme 61 12

17 à 48 956 et 535 à 1 1

5 conjointement, c’est-à-dire, comme 571 à 1. Si tout le fil du pendule oscillant était plongé dans l’eau, sa résistance serait encore plus gran-de ; en sorte que la résistance du pendule qui oscille dans l’eau, la-quelle est proportionnelle au carré de la vitesse, et qui doit être seule considérée dans les corps mus le plus vite, est à la résistance de ce même pendule entier lorsqu’il oscille dans l’air avec la même vitesse,

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comme 850 à 1 environ, c’est-à-dire, comme la densité de l’eau à la densité de l’air à peu près.

Il fallait prendre dans ce calcul cette partie de la résistance du pen-dule dans l’eau, qui était comme le carré de la vitesse, mais (ce qui paraîtra peut-être extraordinaire) la résistance dans l’eau augmentait dans une raison plus que doublée de la vitesse. Et en en cherchant la raison, j’ai trouvé que le vaisseau dans lequel je faisais osciller ce pendule était trop étroit pour la grandeur du globe du pendule, et qu’il s’opposait un peu à cause de la petitesse au mouvement que l’eau fai-sait pour céder, car lorsque le globe suspendu, dont le diamètre était d’un pouce, était plongé ; la résistance augmentait à peu près en raison doublée de la vitesse. Je l’ai éprouvé en formant un pendule de deux globes, dont l’intérieur qui était le plus petit oscillait dans l’eau, pen-dant que le supérieur, qui était le plus grand, et qui était attaché au même fil, fort près de la surface de l’eau, oscillait dans l’air, et aidait au mouvement oscillatoire qu’il faisait durer plus longtemps ; le suc-cès de ces expériences est marqué dans la table de la page suivante.

Pour comparer entre elles les résistances des milieux, j’ai fait oscil-

ler des pendules de fer dans du mercure. La longueur du fil de fer était presque de trois pieds, et le diamètre du globe du pendule était d’un tiers de pouce environ. J’avais attaché au même fil de fer, fort près de la surface du mercure, un autre globe de plomb assez grand pour faire durer le mouvement du pendule plus longtemps. Et j’avais rempli al-ternativement d’eau commune, et de mercure le petit vase qui tenait environ trois livres de mercure, afin de faire osciller alternativement le pendule dans l’un et l’autre fluide, et de pouvoir trouver, par ce moyen, la proportion des résistances ; je trouvai que la résistance du vif-argent était à celle de l’eau comme 13 ou 14 à 1 environ : c’est-à-dire, comme la densité du vif-argent à celle de l’eau. Lorsque je sus-pendais un globe un peu plus grand, lorsque je me servais, par exem-

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ple, d’un globe dont le diamètre était de 13 ou de 2

3 de pouces, la résis-tance du vif-argent était à celle de l’eau comme 12 ou 10 à 1 environ. Mais je me fie davantage à la première expérience, à cause que dans ces dernières le vase était un peu petit pour la grosseur du globe qui y était plongé, et qu’en augmentant le globe il aurait aussi fallu augmen-ter le vase. J’aurais fait aussi des expériences semblables dans de plus grands vases, et dans d’autres liqueurs tant froides que chaudes, et sur des métaux fondus, s’il ne m’avait pas paru suffisamment certain, par les expériences que je viens de décrire, que la résistance que des corps mus très vite éprouvent est à peu près proportionnelle à la densité des fluides dans lesquels ils se meuvent. Je dis à peu près et non exacte-ment, parce qu’il n’est pas douteux que les fluides qui ont plus de té-nacité résistent plus, à densité pareille, que ceux qui sont plus fluides ; ainsi l’huile froide résiste plus que la chaude, l’huile chaude plus que l’eau de pluie, et l’eau plus que l’esprit de vin. Mais dans les liquides fluides, comme l’air, l’eau ou douce ou salée, l’esprit de vin, l’esprit de térébenthine, l’esprit de sel, l’huile chaude et dégagée de sa partie grossière par la distillation, l’huile de vitriol, le mercure, les métaux fondus, et enfin dans toutes les espèces de liquides, s’il y en a qui soient assez fluides pour conserver plus longtemps que le vase dans lequel ils ont le mouvement qu’on leur a imprimé et qui étant versés se séparent facilement en gouttes, je ne doute point que les résistances n’observent la règle que je viens de rapporter : surtout si on fait les expériences sur de plus grands globes suspendus, et qui soient mus plus vite.

Enfin, comme plusieurs croient qu’il y a une certaine matière éthé-rée très subtile qui traverse librement les pores des corps et tous leurs interstices ; et que cette matière qui flue dans les pores des corps doit causer une résistance : pour connaître si la résistance que les corps qui se meuvent éprouvent s’exerce toute entière sur leur superficie exter-ne, ou si les superficies de leurs parties internes éprouvent une résis-tance sensible, j’imaginai l’expérience suivante. Je suspendis à un fil long de 11 pieds et attaché à un crochet d’acier très ferme par le moyen d’un anneau aussi d’acier, une petite boîte de sapin ronde, en sorte que cela composait un pendule de 11 pieds. Le crochet qui était très pointu par en haut était concave et tranchant, afin que l’anneau qui tenait à ce crochet par sa partie supérieure pût se mouvoir très li-brement ; et c’était à la partie inférieure de cet anneau que le fil était

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 384 Livre second : sections I à VI.

attaché. Ce pendule étant ainsi composé je l’élevai à la hauteur de 6 pieds environ, dans un plan perpendiculaire à la partie interne du cro-chet, de peur que lorsque le pendule oscillerait l’anneau ne vacillât le long du crochet. Car le point de suspension dans lequel l’anneau tou-che le crochet doit demeurer immobile. Je marquais exactement la hauteur à laquelle j’élevais le pendule, ensuite le laissant tomber, je marquais trois autres hauteurs auxquelles il revenait à la fin de la pre-mière, de la seconde et de la troisième oscillation. Je répétai souvent cette expérience afin d’être sûr que ces hauteurs fussent exactement marquées. Cela fait, je remplis la boîte de plomb et des métaux les plus pesants ; mais je pesai auparavant la boîte vide avec la partie du fil qui l’entourait, et la moitié du fil qui était tendu entre le crochet et la boîte. Car ce fil par sa tension agit toujours sur le pendule, pour le tirer hors de sa position perpendiculaire, avec la moitié de son poids. J’ajoutai à ce poids celui de l’air contenu dans la boîte, et tous ces poids ensemble faisaient à peu près la 78e partie de celui de la boîte lorsqu’elle était pleine de métal. Or comme la boîte, lorsqu’elle était pleine de métal, augmentait la longueur du pendule en tendant le fil par son poids, je raccourcis ce fil afin que la longueur du pendule fût la même qu’auparavant. Ensuite, élevant le pendule au même lieu d’où je l’avais premièrement fait tomber, je comptai 77 oscillations environ, jusqu’à ce que la boîte fut revenue à la seconde hauteur que j’avais marquée, et ensuite 77 autres jusqu’à ce qu’elle fut revenue à la troisième hauteur, et encore 77 jusqu’à ce qu’elle fut revenue à la quatrième : d’où je conclus, que la résistance entière de la boîte pleine n’était pas à la résistance de la boîte vide dans une plus grande raison que de 78 à 77. Car si les résistances avaient été égales dans l’un et l’autre cas, la boîte pleine, ayant 78 fois plus de force d’inertie que la boîte vide, aurait dû conserver son mouvement 78 fois plus long-temps, et par conséquent, le pendule aurait dû faire toujours dans ce cas 78 oscillations avant de retourner aux hauteurs marquées ; mais il n’en fit que 77.

Donc, si A représente la résistance de la superficie externe de la boîte, et B la résistance des parties internes de la boîte vide, et que les résistances des parties internes des corps qui ont la même vitesse, soient comme la matière ou le nombre des particules qui éprouvent la résistance : la résistance des parties internes de la boîte pleine sera 78B ; donc la résistance totale de la boîte vide A + B sera à la résistan-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 385 Livre second : sections I à VI.

ce totale de la boîte pleine A + 78B, comme 77 à 78 ; d’où l’on tire A + B : 77B = 77 : 1, donc, A + B : B = 77 × 77 : 1, ce qui donne A : B = 5928 : 1. Donc la résistance des parties internes de la boîte vide est 5000 fois moindre que la résistance de sa superficie externe, et davan-tage. C’est ainsi que nous avons examiné l’hypothèse dans laquelle on prétend que la plus grande résistance de la boîte pleine ne vient d’aucune cause inconnue, mais seulement de l’action de quelque flui-de très subtil renfermé entre les parties du métal.

J’ai rapporté de mémoire cette expérience, car le papier sur lequel j’en avais écrit le détail a été perdu. Ainsi j’ai été forcé d’omettre les fractions dont je ne me souvenais plus, n’ayant pas le loisir de la répé-ter. Comme je m’étais servi d’abord d’un crochet qui était trop faible, le retardement de la boîte pleine arrivait plus tôt. Et en cherchant la raison, je trouvai que c’était parce que le crochet trop faible cédait au poids de la boîte, et qu’obéissant à ses oscillations, il se pliait de côté et d’autre. Je pris donc un crochet plus fort, en sorte que le point de suspension demeurât immobile, et alors tout se passa comme je l’ai décrit ci-dessus.

Table des matières

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 386 Livre second : sections I à VI.

Planche VIII

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Isaac Newton

Mathématicien, Physicien, Philosophe anglais

(1643-1727)

Principes mathématiques de la Philosophie naturelle

(Philosophiae Naturalis Principia Mathematica)

Par feue Madame la Marquise du Chastellet

Paris, 1759

Livre second. Du Mouvement des corps. Sections VII, XIII & IX.

Un document produit en version numérique par Jean-Marc Simonet, bénévole, Courriel : [email protected]

Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales"

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Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 388 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

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LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALES.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 389 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

Cette édition électronique a été réalisée par Jean-Marc Simonet, ancien pro-fesseur des Universités, bénévole. Courriel : [email protected]

À partir de :

Isaac Newton

Physicien, Mathématicien, Philosophe

anglais

(1643-1727)

Principes mathématiques de la Philosophie naturelle

Par feue Madame la marquise du Chastellet

chez Desaint & Saillant et Lambert, im-primeurs, Paris, 1759,

deux tomes de 437 p. et 379 p.

Polices de caractères utilisées : Pour le texte: Times New Roman, 14 et 12 points. Pour les notes de bas de page : Times New Roman, 10 points. Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2008 pour Macintosh. Mise en page sur papier format : LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’) Édition numérique réalisée le 3 juin 2010 à Chicoutimi, Ville de Saguenay, pro-vince de Québec, Canada

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 390 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

Table des matières

Principes mathématiques de la Philosophie Naturelle.

Du mouvement des corps. — Livre Second.

Section I. — Du mouvement des corps qui éprouvent une résistance en rai-son de leur vitesse.

Section II. — Du mouvement des corps qui éprouvent une résistance en rai-son doublée des vitesses.

Section III. — Du mouvement des corps qui éprouvent des résistances qui sont en partie en raison de la vitesse, et en partie en raison doublée de cette même vitesse.

Section IV. Du mouvement circulaire des corps dans les milieux résistants... Section V. — De la densité et de la compression des fluides et de

l’hydrostatique. Section VI. — Du mouvement et de la résistance des corps oscillants. Section VII. — Des mouvements des fluides et de la résistance des projecti-

les. Section VIII. — De la propagation du mouvement dans les fluides. Section IX. — Du mouvement circulaire des fluides.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 391 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

Table des matières

SEPTIÈME SECTION

Des mouvements des fluides et de la résistance

des projectiles.

PROPOSITION XXXII. — THÉORÈME XXVI. Si deux systèmes semblables de corps sont composés d’un nombre égal de particules, et que les particules correspon-dantes soient respectivement semblables et proportionnelles dans l’un et l’autre système, qu’elles soient posées de même entre elles, qu’elles aient entre elles une raison donnée de densité, et qu’elles commencent à se mouvoir entre elles semblablement dans des temps proportionnels, c’est-à-dire, celles qui sont dans un même système entre elles, et si les particules d’un même système ne se touchent point, excepté dans les moments où elles se réfléchissent, enfin si elles ne s’attirent ni ne se fuient mutuellement que par des forces accélératrices qui soient inversement comme les diamètres des particules correspondantes, et directement comme les carrés des vitesses : je dis, que les particules de ces systè-mes continueront à se mouvoir entre elles de la même ma-nière dans des temps proportionnels.

Je dis que les corps semblables, et posés de même, se meuvent en-tre eux de la même manière dans des temps proportionnels lorsque leur position entre eux est toujours la même à la fin de ces temps : comme lorsqu’on compare, par exemple, les particules d’un système avec les particules correspondantes de l’autre. Il suit de là, que les temps dans lesquels les parties semblables et proportionnelles des fi-gures semblables seront décrites par des particules correspondantes seront des temps proportionnels. Donc si on a deux systèmes de cette sorte, les particules correspondantes ayant commencé à se mouvoir de la même manière continueront de même jusqu’à ce qu’elles se ren-contrent. Car si aucune force n’agissait sur elles, elles avanceraient uniformément en ligne droite par la première loi du mouvement. Mais

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 392 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

si elles agissaient l’une sur l’autre mutuellement par quelques forces, et que ces forces fussent inversement comme les diamètres des parti-cules correspondantes, et directement comme les carrés des vitesses ; les positions des particules étant semblables, et les forces étant pro-portionnelles, les forces totales qui agiraient alors sur les particules correspondantes, étant composées des forces qui agissent sur chacune des particules (par le second corollaire des lois) auraient des détermi-nations semblables à celles qu’elles auraient si elles tendaient à des centres placés semblablement entre ces particules ; et les forces totales seraient entre elles comme chacune des forces composantes, c’est-à-dire, inversement comme les diamètres des particules correspondan-tes, et directement comme les carrés des vitesses : et elles feraient par conséquent que les particules correspondantes continueraient à décrire des figures semblables.

Tout cela arrivera ainsi (par les Cor. 1 et 8 de la Prop. 4 L. 1) pour-vu que les centres soient en repos. Mais s’ils se meuvent, comme leurs situations demeurent les mêmes entre les particules des systèmes, à cause qu’ils sont mus d’une manière semblable ; il arrivera des chan-gements semblables dans les figures que ces particules décrivent. Donc les mouvements des particules semblables correspondantes se-ront semblables jusqu’à leurs premières rencontres, et par conséquent les rencontres et les réflexions seront semblables, et ensuite (par ce qui a déjà été démontré) elles auront les mêmes mouvements entre elles, jusqu’à ce qu’elles se rencontrent de nouveau, et ainsi de suite à l’infini. — C.Q.F.D.

Cor. 1. De là, si deux corps quelconques, semblables et situés de même par rapport aux particules correspondantes des systèmes, com-mencent à se mouvoir de même entre ces particules dans des temps proportionnels, et que leurs grandeurs et leurs densités entre elles soient comme les grandeurs et les densités des particules correspon-dantes : elles continueront à se mouvoir de même dans des temps pro-portionnels. C’est la même chose pour les plus grandes parties de l’un et l’autre système que pour les particules.

Cor. 2. Et si toutes les parties semblables et posées de même des systèmes sont en repos entre elles : et que deux d’entre elles, plus grandes que les autres, et qui se correspondent mutuellement dans l’un et l’autre système, commencent à se mouvoir d’une façon quelconque

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 393 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

d’un mouvement semblable, et selon des lignes posées de même : el-les produiront des mouvements semblables dans les autres parties des systèmes, et elles continueront à se mouvoir de même entre elles dans des temps proportionnels ; et par conséquent à décrire des espaces proportionnels à leurs diamètres.

PROPOSITION XXXIII. — THÉORÈME XXVII.

Les mêmes choses étant posées, je dis que les parties les plus grandes des systèmes éprouvent une résistance en rai-son composée, de la raison doublée de leurs vitesses, de la raison doublée de leurs diamètres, et de la raison de la den-sité des parties du système.

Car la résistance vient en partie des forces centripètes ou centrifu-ges par lesquelles les particules des systèmes agissent les unes sur les autres, et en partie des rencontres et des réflexions des particules, et des parties les plus grandes. Les résistances du premier genre sont en-tre elles comme les forces motrices entières qui les produisent, c’est-à-dire, comme les forces accélératrices entières, et les quantités de matière dans les parties correspondantes ; ou, ce qui revient au même par l’hypothèse, comme les carrés des vitesses directement, et les dis-tances des particules correspondantes inversement, et comme les quantités de matière dans les particules correspondantes directement : c’est pourquoi, les distances des particules d’un système étant aux dis-tances correspondantes des particules de l’autre système, comme le diamètre d’une particule, ou d’une partie dans le premier système au diamètre d’une particule ou d’une partie dans l’autre système, et que les quantités de matière sont comme les densités des parties, et les cubes des diamètres, les résistances sont l’une à l’autre comme les carrés des vitesses, les carrés des diamètres, et les densités des parti-cules des systèmes. — C.Q.F.D.

Les résistances du second genre sont comme les nombres des ré-flexions correspondantes, et les forces conjointement. Mais les nom-bres des réflexions sont entre eux comme les vitesses des parties cor-respondantes directement, et inversement comme les espaces entre ces réflexions. Les forces des réflexions sont comme les vitesses, les grandeurs, et les densités des parties correspondantes conjointement, c’est-à-dire, comme les vitesses, les cubes des diamètres et les densi-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 394 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

tés des parties. Et en composant toutes ces raisons, les résistances des parties correspondantes sont entre elles conjointement comme les car-rés des vitesses, les carrés des diamètres et les densités des parties. — C.Q.F.D.

Cor. 1. Donc, si ces systèmes sont deux fluides élastiques comme l’air, et que leurs parties soient en repos entre elles : que deux corps semblables et proportionnels aux parties des fluides, quant à la gran-deur et à la densité, et posés de même entre ces parties, soient jetés d’une façon quelconque, suivant des lignes posées de même, et que les forces accélératrices, par lesquelles les particules de ces fluides agissent mutuellement les unes sur les autres, soient inversement comme les diamètres des corps jetés, et directement comme les carrés des vitesses : ces corps produiront, dans les fluides, des mouvements semblables, et ils y décriront, dans des temps proportionnels, des es-paces proportionnels à leurs diamètres.

Cor. 2. Ainsi un corps qui se meut avec une grande vitesse dans le même fluide éprouve une résistance en raison doublée de sa vitesse à peu près. Car si les forces, par lesquelles les particules éloignées agis-sent mutuellement les unes sur les autres, étaient augmentées en rai-son doublée de la vitesse, la résistance serait dans la même raison doublée exactement ; donc dans un milieu dont les parties éloignées n’agissent aucunement les unes sur les autres, la résistance est exac-tement en raison doublée de la vitesse.

Soient A, B, C trois milieux composés de parties semblables, éga-les et disposées régulièrement à des distances égales ; que les parties des milieux A et B se fuient mutuellement avec des forces qui soient entre elles comme T et V, et que celles du milieu C soient destituées entièrement de ces sortes de forces. Si quatre corps égaux D, E, F, G se meuvent dans ces milieux, les deux premiers D et E dans les deux premiers A et B, et les deux autres F et G dans le troisième C ; et que la vitesse du corps D soit à la vitesse du corps E, et la vitesse du corps F à la vitesse du corps G en raison sous-doublée des forces T aux for-ces V : la résistance du corps D sera à la résistance du corps E, et la résistance du corps F à la résistance du corps G en raison doublée des vitesses, et par conséquent, la résistance du corps D sera à la résistan-ce du corps F comme la résistance du corps E à la résistance du corps G. Supposez que ces corps D et F aient des vitesses égales ainsi que

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 395 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

les corps E et G ; en augmentant les vitesses des corps D et F dans une raison quelconque, et diminuant les forces des particules du milieu B dans la même raison doublée, le milieu B approchera tant qu’on vou-dra de la forme et de la condition du milieu C, et par conséquent, les résistances des corps égaux E et G, qui ont des vitesses égales dans ces milieux, approcheront sans cesse de l’égalité, en sorte que leur différence deviendra enfin plus petite que toute différence donnée. Donc, comme les résistances des corps D et F sont entre elles comme les résistances des corps E et G, elles approcheront aussi sans cesse de même de l’égalité. Donc les résistances des corps D et F sont à peu près égales lorsqu’ils se meuvent très vite : et par conséquent, comme la résistance du corps F est en raison doublée de sa vitesse, la résis-tance du corps D sera dans la même raison à peu près.

Cor. 3. La résistance d’un corps, qui se meut très vite dans un mi-lieu quelconque élastique, est la même à peu près que si les parties du fluide n’avaient aucune force centrifuge, et qu’elles ne se fuissent pas mutuellement : pourvu que la force élastique du fluide soit l’effet des forces centrifuges des particules, et que la vitesse soit si grande que les forces n’aient pas assez de temps pour agir.

Cor. 4. Donc, comme les résistances des corps semblables qui ont des vitesses égales, et dont les parties qui ne sont pas contiguës ne se fuient pas mutuellement, sont comme les carrés des diamètres ; les résistances des corps qui ont des vitesses égales et qui se meuvent très vite sont aussi, dans un fluide élastique, comme les carrés des diamè-tres à peu près.

Cor. 5. Comme les corps semblables, égaux, et qui ont des vitesses égales dérangent, dans des milieux qui ont la même densité, des quan-tités égales de matière en temps égaux, et leur impriment une égale quantité de mouvement lorsque les particules de ces milieux ne se fuient point mutuellement, soit que ces particules soient très petites et en grand nombre, soit qu’elles soient plus grandes et que leur nombre soit moindre, et que réciproquement (par la troisième loi du mouve-ment) ces corps éprouvent une réaction égale de cette même matière, c’est-à-dire, que cette matière leur résiste également : il est clair aussi, que dans les fluides élastiques de la même densité, les résistances que les corps éprouvent sont égales, à peu près, lorsqu’ils se meuvent très vite ; soit que ces fluides soient composés de particules très grossières,

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 396 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

ou qu’ils le soient des plus subtiles de toutes. Car la subtilité du milieu ne diminue pas beaucoup la résistance des projectiles qui se meuvent très vite.

Cor. 6. Tout cela se passe ainsi dans les fluides dont la force élas-tique est l’effet des forces centrifuges des parties. Mais si cette force vient d’une autre cause, comme de l’extension des parties telle que celle qu’on remarque dans la laine ou dans les branches des arbres, ou de quelque autre cause quelconque, qui rende le mouvement des par-ties entre elles moins libre ; alors la fluidité du milieu étant moindre, la résistance sera plus grande que dans les précédents corollaires.

PROPOSITION XXXIV. — THÉORÈME XXVIII.

Si un globe et un cylindre de diamètres égaux se meuvent avec une vitesse égale, dans le sens de l’axe du cylindre, dans un milieu rare et composé de parties égales, et situées librement à des distances égales les unes des autres, la ré-sistance du globe sera sous-double de celle du cylindre.

Car l’action du milieu sur le corps étant la même (par le Cor. 5 des lois) soit qu’il se meuve dans un milieu en repos, soit que les particu-les de ce milieu viennent choquer ce corps supposé en repos avec la même vitesse : commençons par considérer ici le corps comme étant en repos, et voyons avec quelle force ce milieu, qui est supposé se mouvoir, agira sur lui.

(Fig. 40)

Que C représente donc le centre d’un corps sphérique ABKI dont le demi-diamètre est CA, que les particules du milieu frappent ce corps sphérique avec une vitesse donnée selon des lignes parallèles à AC : et que FB soit une de ces droites. Soit prise sur cette ligne la ligne LB égale au demi-diamètre CB, et soit menée BD qui touche la sphère en B. Sur KC et BD soient abaissées les perpendiculaires BE, LD, la force avec laquelle une particule de ce milieu frappe le globe en B, en tom-bant obliquement selon la droite FB, sera à la force avec laquelle la même particule frapperait perpendiculairement en b le cylindre ONGQ décrit autour du globe et ayant pour axe ACI, comme LD est à LB, ou BE à BC. De plus, l’efficacité de cette force pour mouvoir le globe suivant son incidence FB ou AC, est à son efficacité pour mou-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 397 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

voir ce globe du côté vers lequel elle est déterminée, c’est-à-dire, du côté de la droite BC selon laquelle elle presse le corps directement, comme BE est à BC. Et en composant ces raisons, l’efficacité d’une particule sur le globe, lorsqu’elle y tombe obliquement selon la droite FB, pour le mouvoir du côté de son incidence, est à l’efficacité de cet-te même particule lorsqu’elle tombe perpendiculairement sur le cylin-dre selon la même droite, pour le mouvoir du même côté, comme BE 2 est à BC 2

2

. C’est pourquoi, si sur bE qui est perpendiculaire à la base circulaire NAO du cylindre, et égale au rayon AC, on prend bH = BEBC

, bH sera à bE comme l’effet de la particule sur le globe est à son

effet sur le cylindre. Et par conséquent, le solide formé par toutes les droites bH, sera au solide formé par toutes les droites bE, comme l’effet de toutes les particules sur le globe est à l’effet de toutes les particules sur le cylindre. Mais le premier de ces solides est un para-boloïde dont le sommet est C, l’axe CA, et le paramètre CA ; et le der-nier est le cylindre circonscrit à ce paraboloïde. De plus il est connu que le paraboloïde est la moitié du cylindre circonscrit ; donc la force totale du milieu sur le globe est la moitié de la force totale de ce mê-me milieu sur le cylindre. Et par conséquent, si les particules qui composent le milieu étaient en repos, et que le globe et le cylindre se mussent avec la même vitesse, la résistance que le globe éprouverait serait sous-double de celle du cylindre. — C.Q.F.D.

SCHOLIE.

(Fig. 41)

On peut comparer par la même méthode les autres figures entre el-les quant à la résistance qu’elles éprouvent, et trouver celles qui sont les plus propres à conserver longtemps leur mouvement dans des mi-lieux résistants. Si par exemple, on veut construire, sur la base circu-laire CEBH, décrite du centre O et du rayon OC, un cône tronqué CBGF, dont la hauteur soit OD, et qui soit de tous les cônes tronqués, construits sur la même base et la même hauteur, et qui se meuvent suivant leur axe du côté de D, celui qui éprouve la moindre résistan-ce ; coupez en deux parties égales la hauteur OD en Q, et prolongez OQ en S, en sorte que QS = QC, et CFGB sera le cône tronqué de-mandé.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 398 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

(Fig. 42)

D’où on tire, chemin faisant, (l’angle CSB étant toujours aigu) que si le solide ADBE est formé par la révolution de la figure elliptique ou ovale ADBE autour de l’axe AB, et que la figure génératrice soit tou-chée par les trois droites FG, GH, HI dans les points F, B et I, selon cette loi, que GH soit perpendiculaire à l’axe dans le point de contact B, et que FG, HI fassent avec la même ligne GH des angles FGB, BHI de 135 degrés, le solide formé par la révolution de la figure ADFGHIE autour du même axe AB éprouvera moins de résistance que le premier solide, pourvu que l’un et l’autre avancent suivant l’axe AB, et que B soit le côté qui précède dans l’un et dans l’autre, je ne crois pas cette proposition inutile pour la construction des vaisseaux.

Que si la figure DNFG est une courbe d’une telle nature, que si par un de ses points quelconques N on abaisse la perpendiculaire NM sur l’axe AB, et que d’un point donné G on mène la droite GR qui soit pa-rallèle à la droite qui touche la figure en N, et qui coupe en R l’axe prolongé, on aura, MN : GR = : 4BR × ; le solide formé par la révolution de cette figure autour de l’axe AB éprouvera une moin-dre résistance, en se mouvant de A vers B, dans le milieu rare dont on a parlé, qu’aucun autre solide circulaire quelconque décrit sur la mê-me hauteur et la même base.

GR3 2GB

PROPOSITION XXXV. — THÉORÈME VII.

On demande la résistance qu’éprouve un globe qui se meut uniformément dans un milieu rare formé de très petites par-ticules égales, en repos, et situées librement à des distances égales les unes des autres.

Cas 1. Supposez que le cylindre qui a le même diamètre, et la mê-me hauteur que le globe s’avance avec la même vitesse, dans le même milieu, et dans le sens de son axe. Que les particules du milieu, dans lequel le globe ou le cylindre se plonge rejaillissent avec toute la force de la réflexion. Comme la résistance que le globe éprouve, est (par la dernière Proposition) la moitié de celle qu’éprouve le cylindre, le glo-be étant au cylindre comme 2 à 3, et le cylindre en tombant perpendi-culairement sur ces particules, qui rejaillissent très fortement, leur communiquant une vitesse double de la sienne : le cylindre, dans le

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 399 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

temps dans lequel il aura parcouru en avançant uniformément la moi-tié de la longueur de son axe, communiquera aux particules du milieu un mouvement, qui sera au mouvement total du cylindre comme la densité du milieu est à la densité du cylindre ; et le globe dans le temps dans lequel il parcourt toute la longueur de son diamètre en avançant uniformément communiquera le même mouvement à ces particules ; et dans le temps pendant lequel il parcourt les deux tiers de son diamètre il communiquera aux particules un mouvement qui sera à son mouvement total, comme la densité du milieu à la densité du globe. Et par conséquent, le globe éprouve une résistance qui est à la force qui peut produire tout son mouvement ou le lui ôter, dans le temps qu’il met à parcourir les deux tiers de son diamètre en avançant uniformément, comme la densité du milieu est à la densité du globe.

Cas 2. Supposons que les particules du milieu qui tombent sur le globe ou sur le cylindre ne soient pas réfléchies, et que le cylindre en tombant perpendiculairement sur ces particules leur communique la vitesse simple qui l’anime, il souffrira alors une résistance qui sera sous-double de celle qu’il éprouve dans le premier cas, et la résistance qu’éprouvera le globe sera par conséquent aussi sous-double de ce qu’elle était auparavant.

Cas 3. Supposons que les particules du milieu rejaillissent de des-sus le globe par la force de la réflexion qu’on suppose n’être ni nulle, ni grande, mais moyenne ; la résistance qu’éprouvera le globe sera dans cette même raison, c’est-à-dire, moyenne entre la résistance dans le premier cas, et la résistance dans le second. — C.Q.F.T.

Cor. 1. De là, si le globe et les particules sont infiniment dures et privées de toute force élastique, et par conséquent aussi de toute force réfléchissante ; la résistance que le globe éprouvera sera à la force par laquelle tout son mouvement peut lui être communiqué ou ôté, dans le temps dans lequel un globe quadruple parcourt la troisième partie de son diamètre, comme la densité du milieu à la densité du globe.

Cor. 2. La résistance que le globe éprouve est, toutes choses éga-les, en raison doublée de la vitesse.

Cor. 3. Cette résistance est aussi, toutes choses égales, en raison doublée du diamètre.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 400 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

Cor. 4. Cette résistance est encore comme la densité du milieu, toutes choses égales.

Cor. 5. Et par conséquent cette résistance est dans la raison com-posée de la raison doublée de la vitesse, de la raison doublée du dia-mètre, et de la raison de la densité du milieu.

(Fig. 43)

Cor. 6. Le mouvement du globe et la résistance qu’il éprouve, peuvent s’exprimer ainsi. Soit AB le temps dans lequel le globe peut perdre tout son mouvement par la résistance qu’il éprouve, laquelle on suppose uniformément continuée. Soient élevées AD, BC perpendicu-lairement sur AB, et que BC exprime le mouvement total du corps, soit tracée, par le point C, l’hyperbole CF dont les asymptotes soient AD, AB, et soit prolongée AB jusqu’à un point quelconque E. Soit élevée ensuite la perpendiculaire EF qui rencontre l’hyperbole en F, et soit achevé le parallélogramme CBEG, enfin soit tirée AF qui rencontre BC en H. Si le globe dans un temps quelconque BE décrit dans un mi-lieu non résistant l’espace CBEG par son mouvement primitif BC continué uniformément, lequel espace CBEG est représenté par l’aire du parallélogramme, le même corps, dans un milieu résistant, décrira l’espace CBEF, représenté par l’aire de l’hyperbole, et son mouve-ment à la fin de ce temps sera représenté par EF ordonnée à l’hyperbole, et alors il aura perdu la partie FG de son mouvement. Et la résistance qu’il éprouvera à la fin du même temps sera représentée par la longueur BH, la partie CH de la résistance étant détruite. Tout cela est clair par les Cor. 1 et 5 de la Prop. 5 du Liv. 2.

Cor. 7. De là, si le globe pendant le temps T perd tout son mouve-ment M par la résistance R continuée uniformément : ce même globe

perdra dans le temps t dans un milieu résistant la partie tMT + t

de son

mouvement M, par la résistance R décroissante en raison doublée de la

vitesse, la partie tMT + t

demeurant la même ; et il décrira un espace qui

sera à l’espace décrit par le mouvement uniforme M, dans le même

temps t, comme le logarithme du nombre T + tT

multiplié par le nom-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 401 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

bre 2,302585092994 est au nombre tT

, à cause que l’aire hyperbolique

BCFE est au rectangle BCGE dans cette Proportion.

SCHOLIE.

J’ai exposé dans cette Proposition la résistance et la retardation des projectiles sphériques dans les milieux qui ne sont pas continus, et j’ai fait voir que cette résistance est à la force par laquelle le mouvement total du globe peut être produit ou détruit, dans le temps qu’il emploie à parcourir les deux tiers de son diamètre par une vitesse uniformé-ment continuée, comme la densité du milieu est à la densité du globe, pourvu que le globe et les particules du milieu soient très élastiques, et qu’elles aient beaucoup de force réfléchissante : et enfin que cette for-ce est deux fois moindre lorsque le globe et les particules du milieu sont infiniment dures, et entièrement incapables de réflexion. Dans les milieux continus tels que l’eau, l’huile chaude, et le vif-argent, dans lesquels le globe ne tombe pas immédiatement sur toutes les particules résistantes du fluide, mais presse seulement les particules les plus voi-sines, celles-là, en pressent d’autres, et les autres d’autres encore, la résistance est encore deux fois moindre. Le globe, dans de tels milieux très fluides, éprouve une résistance, qui est à la force qui peut lui ôter ou lui communiquer tout son mouvement, dans le temps dans lequel il peut parcourir les 3

8 parties de son diamètre, par son mouvement uni-formément continué, comme la densité du milieu est à la densité du globe. C’est ce que je tâcherai de faire voir dans les Propositions sui-vantes.

PROPOSITION XXXVI. — PROBLÈME VIII.

Trouver le mouvement que l’eau qui s’écoule par un trou fait dans le fond d’un vase cylindrique.

(Fig. 44)

Soit ACDB le vase cylindrique, AB son ouverture supérieure, CD le fond de ce vase parallèle à l’horizon, EF un trou circulaire fait dans le milieu de ce fond, G le centre de ce trou, et GH l’axe du cylindre per-pendiculaire à l’horizon. Supposez un cylindre de glace APQB de la même largeur que l’intérieur du vase, qui ait le même axe, et qui des-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 402 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

cende continuellement avec un mouvement uniforme ; et que ses par-ties, dans le moment qu’elles auront atteint la superficie AB, se liqué-fient, et en se convertissant en eau, qu’elles s’écoulent dans le vase par leur gravité, et forment, en tombant, une cataracte ou colonne d’eau ABNFEM qui passe par le trou EF et qui l’emplisse entièrement. Supposez que la vitesse avec laquelle cette glace descend soit unifor-me, ainsi que celle de l’eau contiguë dans le cercle AB, que cette vi-tesse soit celle que cette eau peut acquérir en tombant, et en parcou-rant dans sa chute la hauteur IH, et que IH et HG soient en ligne droi-te. Par le point I soit menée la ligne KL parallèle à l’horizon et ren-contrant en K et en L les côtés de la glace. La vitesse de l’eau qui s’écoule par le trou EF sera la même que celle que l’eau peut acquérir en tombant de I, et en parcourant dans sa chute la hauteur IG. Donc, par les Théorèmes de Galilée, IG sera à IH en raison doublée de la vitesse de l’eau qui s’écoule par le trou, à la vitesse de l’eau dans le cercle AB, c’est-à-dire, en raison doublée du cercle AB au cercle EF ; car les vitesses de l’eau qui passe dans le même temps, et en quantité égale par différents cercles sont réciproquement comme les aires de ces cercles. Il s’agit ici de la vitesse de l’eau qui s’écoule vers l’horizon. Quant au mouvement parallèle à l’horizon, par lequel les parties de l’eau qui tombent s’approchent l’une de l’autre, il ne doit point être considéré ici parce qu’il ne vient point de la gravité, et qu’il ne change rien au mouvement perpendiculaire à l’horizon qui est pro-duit par la gravité. Nous supposons cependant que les parties de l’eau aient quelque cohérence, et que par leur cohésion elles s’approchent l’une de l’autre en tombant, par des mouvements parallèles à l’horizon, en sorte qu’elles forment une seule cataracte, et qu’elles ne soient point divisées en plusieurs cataractes. Mais nous ne faisons point attention ici au mouvement parallèle à l’horizon qui est produit par cette cohésion.

(Fig. 44)

Cas 1. Concevez que toute la cavité du vase, laquelle environne l’eau tombante ABNFEM, soit pleine de glace, en sorte que l’eau pas-se à travers cette glace comme à travers un entonnoir. Si l’eau ne frot-te point la glace, ou, ce qui est la, même chose, si elle coule librement le long de la glace, et qu’à cause de son parfait poli, elle n’éprouve aucune résistance par son frottement contre la glace, elle s’écoulera par le trou EF avec la même vitesse qu’auparavant, et tout le poids de

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la colonne d’eau ABNFEM sera employé à produire cet écoulement comme auparavant, et le fond du vase soutiendra le poids de la glace qui environne la colonne.

Supposez que la glace se fonde dans le vase ; l’écoulement de l’eau demeurera le même qu’auparavant, quant à la vitesse. Car elle ne sera pas moindre, puisque la glace qui est devenue eau fait effort pour des-cendre : et elle ne sera pas plus grande parce que la glace devenue eau ne peut descendre qu’elle n’empêche l’autre eau, dont la chute est égale à la sienne, de descendre, et la même force doit donner la même vitesse à l’eau qui s’écoule.

(Fig. 44)

Mais le trou dans le fond du vase, doit être un peu plus grand qu’auparavant, à cause des mouvements obliques des particules de l’eau qui s’écoule. Car toutes les particules de l’eau ne passent pas perpendiculairement par le trou ; mais venant de toutes parts des côtés du vase et convergeant vers ce trou, elles y passent par des mouve-ments obliques, et tendant toutes à s’échapper par en bas leur mouve-ment conspire avec celui de la veine d’eau qui passe perpendiculaire-ment. Cette veine d’eau est un peu plus mince hors de l’ouverture que dans l’ouverture même, son diamètre et celui de l’ouverture, si je les ai bien mesurés, étant l’un à l’autre, à peu près, comme 5 à 6 ou com-me 5 1

2 à 6 12 . Je m’étais servi d’une lame plate très mince percée dans

le milieu, et dont l’ouverture circulaire avait 58 parties de pouces de

diamètre. Et de peur que la veine d’eau qui s’écoulait ne fut accélérée en tombant, et ne devint plus mince par l’accélération, je n’attachai point cette lame au fond du vase, mais à un de ses côtés, afin que la veine sortit par une ligne parallèle à l’horizon. Ensuite lorsque le vase fut plein d’eau, j’ouvris le trou pour la laisser écouler ; et le diamètre de la veine, mesuré exactement, était, à la distance de près d’un demi-pouce de l’ouverture, de 21

40 parties de pouces. Donc le diamètre de ce trou circulaire était au diamètre de la veine d’eau comme 25 à 21 à peu près. Par-là, l’eau en passant par l’ouverture convergeait de toutes parts, et la veine devenait ensuite plus mince et plus accélérée à la dis-tance d’un demi-pouce de l’ouverture que dans l’ouverture même, dans la raison de 25 × 25 à 21 × 21, ou de 17 à 12 à peu près, c’est-à-dire, environ dans la raison sousdoublée de deux à un. Et il est certain, par l’expérience, que la quantité de l’eau qui s’écoula en un temps

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donné par l’ouverture circulaire faite dans le fond du vase, est la mê-me que celle qui doit s’écouler dans le même temps avec la vitesse dont on a parlé, non par cette ouverture, mais par une ouverture circu-laire dont le diamètre est au diamètre de cette première ouverture comme 21 à 25. Donc cette eau qui s’écoule a, à peu près, la même vitesse en en-bas, dans cette même ouverture, qu’un corps grave peut acquérir en tombant et en parcourant dans sa chute la moitié de la hau-teur de l’eau stagnante dans le vase. Mais après être sortie du vase, elle s’accélère en convergeant jusqu’à ce quelle soit arrivée à une dis-tance du trou qui soit presque égale à son diamètre, et qu’elle ait ac-quis une vitesse plus grande, en raison sousdoublée de 2 à 1 à peu près, que celle qu’un corps grave peut acquérir en tombant et en par-courant à peu près dans sa chute toute la hauteur de l’eau qui est en repos dans le vase.

(Fig. 45)

Dans ce qui suit, le diamètre de la veine sera donc représenté par la plus petite ouverture que nous nommerons EF. Soit supposé un plan VW parallèle à l’ouverture EF et placé au-dessus d’elle à une distance égale à peu près au diamètre de cette ouverture, et soit dans ce plan VW une ouverture ST plus grande que la première ; que la veine passe aussi par cette ouverture, que cette veine emplisse exactement l’ouverture inférieure EF, le diamètre de l’ouverture supérieure étant au diamètre de l’ouverture inférieure comme 25 à 21 à peu près. De cette façon la veine passera perpendiculairement par l’ouverture infé-rieure ; et la quantité de l’eau qui s’écoulera sera la même à peu près, eu égard à la grandeur de l’ouverture, que celle que la solution du Problème requiert. En sorte qu’on peut regarder l’espace renfermé par ces deux plans et la veine d’eau qui s’écoule, comme le fond du vase. Afin que la solution du problème devienne plus simple et plus ma-thématique, il vaut mieux prendre le seul plan inférieur pour le fond du vase, et supposer que l’eau qui passait à travers la glace, ou l’entonnoir, et qui s’écoulait du vase par l’ouverture EF faite dans le plan inférieur conservait toujours son mouvement, et la glace son état de repos. Soit donc, dans ce qui suivra, ST le diamètre du trou circu-laire décrit du centre Z par lequel la cataracte s’écoule du vase lorsque toute l’eau contenue dans le vase est fluide. Et soit EF le diamètre du trou rempli exactement par la cataracte en tombant, soit que l’eau for-ce du vase par le trou supérieur ST, soit qu’elle tombe par les parois

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de la glace qui est dans le vase, comme à travers un entonnoir. Si le diamètre ST du trou supérieur est au diamètre EF du trou inférieur comme 25 à 21 à peu près, et que la distance perpendiculaire entre les plans des trous soit égale au diamètre du trou inférieur EF. La vitesse de l’eau, qui s’écoule du vase par le trou ST, sera dans ce même trou celle que le corps peut acquérir en tombant de la moitié de la hauteur IZ : mais la vitesse de l’une et l’autre cataracte qui tombent sera dans l’ouverture EF celle que le corps peut acquérir en tombant de toute la hauteur IG.

(Fig. 45)

Cas 2. Si le trou EF n’est pas dans le milieu du fond du vase, mais qu’il soit placé quelque autre part : l’eau s’écoulera avec la même vi-tesse qu’auparavant, pourvu que la grandeur du trou soit la même. Car quoiqu’un corps grave emploie un temps plus long à tomber à la mê-me profondeur par une ligne oblique, que par une ligne perpendiculai-re, il acquiert, dans l’un et l’autre cas, la même vitesse en tombant, comme Galilée l’a démontré.

Cas 3. La vitesse de l’eau qui s’écoulerait par une ouverture faite dans un des côtés du vase serait encore la même. Car si l’ouverture est petite, et que l’intervalle entre les superficies AB et KL soit presque nul, le filet d’eau qui sortira horizontalement prendra une forme para-bolique : et on connaîtra, par le paramètre de cette parabole, que la vitesse de l’eau qui s’écoule est celle qu’un corps pourrait acquérir en tombant de la hauteur HG ou IG de l’eau qui est en repos dans le vase. Et ayant fait l’expérience, j’ai trouvé que si la hauteur de l’eau qui est en repos dans le vase est de 20 pouces au-dessus du trou, et que la hauteur du trou au-dessus du plan parallèle à l’horizon soit aussi de 10 pouces, le filet d’eau qui jaillira tombera dans ce plan, environ à la distance de 37 pouces de la perpendiculaire abaissée de ce trou sur le plan. Si on faisait abstraction de la résistance, le filet d’eau devrait tomber dans ce plan à la distance de quarante pouces, le paramètre de la parabole que ce filet d’eau formerait étant de 80 pouces.

(Fig. 45)

Cas 4. De plus, l’eau qui s’écoule sortirait avec la même vitesse si quelque cause la faisait jaillir en en-haut. Car un petit filet d’eau mon-terait par un mouvement perpendiculaire à la hauteur GH ou GI de l’eau qui est en repos dans le vase. Si son élévation n’était un peu di-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 406 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

minuée par la résistance de l’air, et par conséquent elle s’écoule avec la vitesse qu’elle pourrait acquérir en tombant de cette hauteur. Cha-que particule de l’eau qui est en repos dans le vase est également pres-sée de tous côtés, (par la Prop. 19 du Liv. 2) et en cédant à cette pres-sion elle est portée avec la même force de toutes parts, soit qu’elle descende par le trou fait dans le fond du vase, soit qu’elle s’écoule horizontalement par un trou fait dans un de ses côtés, soit qu’elle sorte par un canal et qu’ensuite elle monte par un petit trou fait dans la par-tie supérieure du canal. La vitesse avec laquelle l’eau s’écoulera sera celle que nous avons déterminée dans cette Proposition ; c’est non seulement ce que l’on peut conclure par le raisonnement, mais encore ce qui est évident par les expériences très connues que nous venons de rapporter.

Cas 5. La vitesse de l’eau qui s’écoule est la même, soit que la forme de l’ouverture soit circulaire, soit qu’elle soit carrée, triangulai-re, ou de figure quelconque, pourvu que sa capacité soit la même. Car la vitesse de l’eau qui s’écoule ne dépend point de la figure de l’ouverture, mais de sa hauteur au-dessous du plan KL.

Cas 6. Si la partie inférieure du vase ABCD est plongée dans une eau dormante, et que la hauteur de l’eau dormante au-dessus du fond du vase soit GR : la vitesse avec laquelle l’eau qui est dans le vase s’écoulera par l’ouverture EF dans l’eau stagnante sera celle que l’eau pourrait acquérir en tombant de la hauteur IR. Car tout le poids de l’eau contenue dans le vase, et qui est au-dessous de la superficie de l’eau dormante, sera soutenu en équilibre par le poids de l’eau dor-mante, donc, il accélérera très peu le mouvement de l’eau qui descend dans le vase, ce qu’on peut voir très clairement par les expériences, en mesurant les temps dans lesquels l’eau s’écoule.

Cor. 1. De là, si la hauteur CA de l’eau est prolongée en K, en sorte que AK soit à CK en raison doublée, de l’aire du trou fait dans une partie quelconque du fond du vase à l’aire du cercle AB : la vitesse de l’eau qui s’écoule sera égale à la vitesse que l’eau peut acquérir en tombant, et en parcourant dans sa chute la hauteur KC.

(Fig. 45)

Cor. 2. Et la force qui peut produire tout le mouvement de l’eau qui s’écoule est égale au poids de la colonne d’eau cylindrique dont la

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base est l’ouverture EF, et la hauteur 2GI ou 2CK. Car dans le temps que l’eau jaillissante pourrait égaler cette colonne, elle pourrait acqué-rir, en tombant par son poids de la hauteur GI, la même vitesse que celle avec laquelle elle jaillit.

Cor. 3. Le poids de toute l’eau dans le vase ABCD est à la partie de ce poids qui est employée à faire écouler l’eau comme la somme des cercles AB et EF au double du cercle EF. Car soit IO moyenne pro-portionnelle entre IH et IG ; l’eau qui sort par l’ouverture EF, pendant le temps qu’une goutte tombant de I emploie à parcourir la hauteur IG, sera égale au cylindre dont la base est le cercle EF et la hauteur 2IG, c’est-à-dire, au cylindre dont la base est le cercle AB et la hauteur 2IO, car le cercle EF est au cercle AB en raison sousdoublée de la hau-teur IH à la hauteur IG, c’est-à-dire, dans la raison simple de la moyenne proportionnelle IO à la hauteur GI : et dans le temps qu’une goutte tombant de I peut parcourir la hauteur IH, l’eau qui s’écoule sera égale au cylindre dont la base est le cercle AB et la hauteur 2IH : et dans le temps dans lequel la goutte en tombant de I par H en G dé-crit la différence des hauteurs HG, l’eau qui sort, c’est-à-dire, l’eau totale dans le solide ABNFEM sera égale à la différence des cylindres, c’est-à-dire, au cylindre dont la base est AB et la hauteur 2HO. Et par conséquent, l’eau totale contenue dans le vase ABCD est à toute l’eau qui tombe dans le solide ABNFEM comme HG à 2HO, c’est-à-dire, comme HO + OG à 2HO, ou IH + IO à 2IH. Mais le poids de toute l’eau dans le solide ABNFEM est employé à la faire écouler : et par conséquent, le poids de toute l’eau du vase est à la partie de ce poids employée à produire l’écoulement, comme IH + IO à 2IH, et par conséquent, comme la somme des cercles EF et AB au double du cer-cle EF.

Cor. 4. Et de là, le poids de toute l’eau contenue dans le vase ABCD est à l’autre partie du poids que le fonds du vase soutient, comme la somme des cercles AB et EF est à leur différence EF.

(Fig. 45)

Cor. 5. La partie du poids que le fond du vase soutient, est à l’autre partie du poids qui est employée à l’écoulement de l’eau, comme la différence des cercles AB et EF est au double du plus petit cercle EF, ou comme l’aire du fond du vase au double de l’aire du trou.

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Cor. 6. Mais la partie du poids, par laquelle seule le fond est pres-sé, est au poids total de l’eau qui incombe perpendiculairement sur le fond, comme le cercle AB est à la somme des cercles AB et EF, ou comme le cercle AB est à l’excès du double du cercle AB sur le fond du vase. Car la partie du poids par laquelle seule le fond est pressé est (par le Cor. 4) au poids de toute l’eau contenue dans le vase, comme la différence des cercles AB et EF est à la somme de ces mêmes cer-cles : et le poids de toute l’eau contenue dans le vase est au poids de toute l’eau incombante perpendiculairement sur le fond, comme le cercle AB est à la différence des cercles AB et EF. Donc la partie du poids, par laquelle seule le fond est pressé, est au poids de toute l’eau qui incombe perpendiculairement sur le fond, comme le cercle AB est à la somme des cercles AB et EF, ou comme l’excès du double du cer-cle AB sur le fond.

(Fig. 46)

Cor. 7. Si dans le milieu du trou EF on place un petit cercle PQ décrit du centre G et parallèle à l’horizon : le poids de l’eau que ce petit cercle soutient est plus grand que la troisième partie du poids du cylindre d’eau, dont la base est ce petit cercle et la hauteur GH. Car soit ABNFEM la cataracte ou la colonne d’eau qui tombe, et dont l’axe est GH comme ci-devant, et supposez que toute l’eau qui est dans le vase se gèle, tant celle qui entoure la cataracte que celle qui est au-dessus du petit cercle, et dont la fluidité n’est pas nécessaire pour opérer la plus vite descente de l’eau. Soit de plus, PQH la colonne d’eau congelée au-dessus du petit cercle, dont le sommet soit H et la hauteur GH. Et supposez que cette cataracte vienne à tomber par son poids entier, et qu’elle n’incombe plus sur PHQ, mais qu’elle coule sans éprouver aucun frottement, si ce n’est, peut-être, vers le sommet même de la glace vers lequel la cataracte dans le commencement de la chute commence à être un peu concave. Comme l’eau congelée AMEC, BNFD autour de la cataracte est convexe par la superficie in-terne AME, BNF qui est du côté de la cataracte, de même cette colon-ne PQH sera convexe vers la cataracte, et par conséquent, elle sera plus grande que le cône dont la base serait le petit cercle PQ et la hau-teur la ligne GH, c’est-à-dire, qu’elle sera plus grande que le tiers du cylindre décrit sur cette même base et ayant la même hauteur. Or ce petit cercle soutient le poids de cette colonne, c’est-à-dire, un poids

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 409 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

qui est plus grand que le poids du cône, ou que celui de la troisième partie de ce cylindre.

(Fig. 46)

Cor. 8. Le poids de l’eau que le très petit cercle PQ soutient, paraît être moindre que le poids des deux tiers du cylindre d’eau donc la ba-se est le petit cercle et la hauteur GH : cas les choses posées ci-dessus subsistant, qu’on suppose décrite la moitié d’un sphéroïde dont la base est ce petit cercle, et le demi-axe ou la hauteur HG. Cette figure sera égale aux deux tiers de ce cylindre, et renfermera la colonne d’eau congelée PQH dont le petit cercle PQ soutient le poids : car afin que le mouvement de l’eau soit fort direct, il faut que la superficie externe de cette colonne concoure avec la base PQ sous un angle un peu aigu, à cause que l’eau est perpétuellement accélérée en tombant, et qu’en vertu de son accélération la colonne devient plus mince ; et comme cet angle est moindre qu’un droit, cette colonne, par en en-bas, sera ren-fermée dans l’intérieur du demi-sphéroïde, et elle se terminera en pointe par le haut, afin que le mouvement horizontal de l’eau ne soit pas infiniment plus prompt vers le sommet du sphéroïde que son mouvement vers l’horizon. Et plus le cercle PQ sera petit, plus le haut de la colonne sera resserré ; lorsque ce cercle sera infiniment diminué, l’angle PHQ diminuera aussi à l’infini, et par conséquent la colonne sera renfermée dans l’intérieur du demi sphéroïde. Cette colonne est donc moindre que le demi sphéroïde, ou que les deux tiers du cylindre dont la base est ce petit cercle et la hauteur GH ; or ce petit cercle sou-tient la force de l’eau, laquelle est égale au poids de cette colonne, puisque le poids de l’eau environnante est employé à la faire écouler.

(Fig. 46)

Cor. 9. Le poids de l’eau que le très petit cercle PQ soutient, est égal au poids du cylindre d’eau dont la base est ce petit cercle et la hauteur 1

2 GH à peu près. Car ce poids est moyen arithmétique entre le poids du cône, et celui du demi sphéroïde dont on a parlé. Mais si ce petit cercle n’était pas extrêmement petit, et qu’on l’augmentât jus-qu’à ce qu’il fût égal à l’ouverture EF, il soutiendrait le poids de toute l’eau qui s’appuie dessus perpendiculairement, c’est-à-dire, le poids du cylindre d’eau, dont la base est ce petit cercle et la hauteur GH.

Cor. 10. Et (selon moi) le poids que ce petit cercle soutient est tou-jours au poids du cylindre d’eau, dont la base est ce petit cercle et la

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 410 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

2 est à EF 2 – 12 PQhauteur 1

2 GH, comme EF 2 , ou comme le cercle EF est à l’excès de ce cercle sur la moitié du petit cercle PQ à peu près.

LEMME IV.

La résistance d’un cylindre qui avance uniformément selon son axe, ne change point, soit que son axe soit augmenté ou diminué ; elle est donc la même que la résistance du cercle décrit sur le même diamètre, et qui s’avance avec la même vitesse selon une ligne droite perpendiculaire à son plan.

Car les côtés du cylindre s’opposent très peu à son mouvement : et le cylindre se change en cercle si on diminue infiniment son axe.

PROPOSITION XXXVII. — THÉORÈME XXIX.

La résistance causée par la grandeur de la section trans-versale d’un cylindre qui se meut uniformément selon son axe dans un milieu comprimé, infini, et non élastique, est à la force qui peut produire ou arrêter tout le mouvement qu’il a pendant qu’il parcourt le quadruple de son axe, comme la densité du milieu est à la densité du cylindre à peu près.

(Fig. 47)

Car si le vase ABCD touche par son fond CD la superficie de l’eau stagnante, et que l’eau s’écoule de ce vase dans l’eau stagnante par le canal cylindrique EFTS perpendiculaire à l’horizon, qu’on place le petit cercle PQ, qui est parallèle à l’horizon, où l’on voudra dans le milieu du canal, et qu’on prolonge CA en K, en sorte que AK soit à CK dans la raison doublée de la raison que l’excès de l’orifice EF du ca-nal sur le petit cercle PQ a au cercle AB : il est clair, (par le cas 5, le cas 6, et le Cor. 1 de la Prop. 36) que la vitesse de l’eau qui passe par l’espace annulaire entre le petit cercle et les côtés du vase, sera celle que l’eau peut acquérir en tombant, et en parcourant dans sa chute la hauteur KC ou IG.

Et, (par le Cor. 10 de la Prop. 36) si on suppose la largeur du vase infinie, en sorte que la petite ligne HI s’évanouisse, et que les hauteurs

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IG, HG deviennent égales ; la force de l’eau qui s’écoule dans le petit cercle sera au poids du cylindre dont la base est ce petit cercle et la hauteur 1

2 IG, comme EF 2 est à EF 2 – 12 PQ2 à peu près. Car la force

de l’eau qui s’écoule par un mouvement uniforme dans tout le canal, sera la même dans le petit cercle PQ, en quelque lieu du canal qu’il soit placé.

Soit à présent supposé que les ouvertures EF, ST du canal soient fermées, que le petit cercle monte dans ce fluide comprimé de toutes parts, et qu’il force, par son ascension, l’eau supérieure de descendre par l’espace annulaire compris entre le petit cercle et les côtés du ca-nal : la vitesse du petit cercle qui monte, sera à la vitesse de l’eau qui descend, comme la différence des cercles EF et PQ au cercle PG, et la vitesse du petit cercle qui monte sera à la somme des vitesses, c’est-à-dire, à la vitesse relative de l’eau descendante avec laquelle elle sur-passe celle du cercle ascendant, comme la différence des cercles EF, PQ est au cercle EF, ou comme EF 2 2 – est à PQ EF 2. Soit cette vi-tesse relative égale à la vitesse avec laquelle on a fait voir ci-dessus que l’eau passait par ce même espace annulaire pendant que le petit cercle demeurait immobile, c’est-à-dire, à la vitesse que l’eau peut acquérir en tombant et en parcourant dans sa chute la hauteur IG : la force de l’eau dans le petit cercle qui monte sera la même qu’auparavant, (par le Cor. 5. des Lois) c’est-à-dire, que la résistance du petit cercle qui monte sera au poids du cylindre d’eau dont la base est ce petit cercle et la hauteur 1

2 IG, comme EF 2 est à EF 2 – 12 PQ2 à

peu près. Mais la vitesse du petit cercle sera à la vitesse que l’eau peut acquérir en tombant et en parcourant dans sa chute la hauteur IG, comme EF 2 2 – est à PQ EF 2.

(Fig. 47)

Qu’on augmente la largeur du canal à l’infini : les raisons entre EF 2 2 – PQ et EF 2, ainsi que la raison entre EF 2, et EF 2 – 1

2 PQ2 deviendront à la fin des raisons d’égalité. Et par conséquent la vitesse du petit cercle sera alors celle que l’eau peut acquérir en tombant et en parcourant dans sa chute la hauteur IG, mais sa résistance sera égale au poids du cylindre dont la base est ce petit cercle et la hauteur la moitié de la hauteur IG, de laquelle hauteur le cylindre doit tomber pour acquérir la même vitesse que le petit cercle qui remonte, et le cylindre parcourra, avec cette vitesse et dans le temps employé à tom-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 412 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

ber le quadruple de son axe. Mais la résistance du cylindre qui s’avance avec cette vitesse selon son axe est la même que la résistance du petit cercle (par le Lemme 4.). Donc elle est égale, à peu près, à la force qui peut produire le mouvement qu’il a pendant qu’il parcourt le quadruple de son axe.

Si on augmente ou diminue l’axe du cylindre, son mouvement, ain-si que le temps employé à parcourir le quadruple de cet axe augmente-ra ou diminuera dans la même raison, donc cette force, qui peut pro-duire ou détruire le mouvement augmenté ou diminué, pendant un temps pareillement augmenté ou diminué, ne changera point ; et elle est par conséquent égale à la résistance du cylindre, car elle demeure toujours la même, par le Lemme 4.

Si la densité du cylindre augmente ou diminue, son mouvement, ainsi que la force qui peut produire ou détruire le mouvement dans le même temps augmentera ou diminuera dans la même raison. Donc la résistance d’un cylindre quelconque sera à la force par laquelle tout son mouvement peut être produit ou détruit, pendant le temps qu’il emploie à parcourir le quadruple de son axe, comme la densité du mi-lieu est à la densité du cylindre à peu près. — C.Q.F.D.

Le fluide doit être comprimé pour qu’il soit continu, et il doit être continu et non élastique, afin que toute la pression qui vient de sa compression se propage en un instant, et qu’agissant également sur toutes les parties du corps mû, il ne change point sa résistance. La pression qui est l’effet du mouvement du corps est employée à mou-voir les parties du fluide, et produit de la résistance. Mais la pression qui provient de la compression du fluide, quelque sorte qu’elle soit, si elle se propage en un instant, ne produit aucun mouvement dans les parties du fluide continu, ni aucun changement dans le mouvement ; ainsi elle n’augmente ni ne diminue la résistance. Assurément l’action du fluide qui vient de sa compression ne peut pas être plus forte dans les parties postérieures du corps mû que dans ses parties antérieures, donc la résistance dont on a parlé dans cette Proposition ne peut dimi-nuer et ne sera pas plus forte dans les parties antérieures que dans les postérieures, pourvu que sa propagation se fasse avec infiniment plus de vitesse que le mouvement du corps pressé. Et si le fluide est conti-nu, et qu’il ne soit point élastique, cette propagation se fera infiniment plus vite et sera instantanée.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 413 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

Cor. 1. Les résistances qu’éprouvent les cylindres qui s’avancent uniformément dans le sens de leurs axes dans des milieux continus et infinis, sont en raison composée de la raison doublée des vitesses, de la raison doublée des diamètres, et de la raison de la densité des mi-lieux.

(Fig. 47)

Cor. 2. Si la largeur du canal n’est pas augmentée à l’infini, mais que le cylindre renfermé dans un milieu en repos avance dans le sens de son axe, et qu’en même temps son axe coïncide avec celui du ca-nal : la résistance qu’il éprouvera sera à la force par laquelle tout son mouvement peut être produit ou détruit, dans le temps qu’il emploie à parcourir le quadruple de son axe, en raison composée de la raison simple de EF 2 à EF 2 – 1

2 PQ2 , de la raison doublée de EF 2 à EF 2 – , et de la raison de la densité du milieu à la densité du cylindre. PQ2

Cor. 3. Les mêmes choses étant posées, et la longueur L étant au quadruple de l’axe du cylindre dans une raison composée de la raison simple de EF 2 – 1

2 PQ2 à EF 2 et de la raison doublée de EF 2 2 – à

PQEF 2 : la résistance qu’éprouvera le cylindre sera à la force qui peut

produire ou détruire tout son mouvement, pendant le temps employé à parcourir la longueur L, comme la densité du milieu est à la densité du cylindre.

SCHOLIE.

Dans cette Proposition nous avons trouvé la résistance qui vient de la grandeur de la section transversale du cylindre seulement, et nous avons négligé la partie de la résistance qui peut venir de l’obliquité des mouvements. Car de même que dans le premier cas de la Prop. 36 l’obliquité des mouvements, par lesquels les parties d’eau contenues dans le vase convergeaient de toutes parts vers l’ouverture EF, empê-chait l’écoulement de cette eau par cette ouverture : ainsi dans cette Proposition, l’obliquité des mouvements, par lesquels les parties de l’eau pressées par le bout antérieur du cylindre, cèdent à la pression et divergent de tous côtés, retarde leur passage par les lieux qui sont au-tour des parties antécédentes du cylindre en allant vers ses parties pos-térieures, augmente la résistance, et fait que le fluide est agité à une plus grande distance, et cela, à peu près, dans la même raison, que cel-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 414 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

le dans laquelle l’écoulement de l’eau hors du vase diminue, c’est-à-dire, en raison doublée de 25 à 21 à peu près. Et de même que dans le premier cas de cette Proposition, nous avons fait en sorte que les par-ties de l’eau passassent en très grand nombre perpendiculairement par l’ouverture EF, en supposant que toute l’eau contenue dans le vase qui était gelée autour de la cataracte, et dont le mouvement était oblique et inutile, demeurait en repos : ainsi dans cette Proposition, afin que l’obliquité des mouvements soit ôtée, et que les parties de l’eau cédant très facilement, par un mouvement direct et très prompt, prêtent un passage très facile au cylindre, et qu’il ne reste que la résistance qui vient de la grandeur de la section transversale, laquelle on ne peut di-minuer qu’en diminuant le diamètre du cylindre, il faut supposer que les parties du fluide, dont les mouvements sont obliques et inutiles, et qui causent de la résistance, soient en repos entre elles à chaque bout du cylindre, qu’elles cohérent entre elles, et qu’elles joignent le cylin-dre.

(Fig. 48)

Soient, ABCD un rectangle, AE et BE deux arcs paraboliques ayant pour axe AB, et pour paramètre une ligne qui soit à l’espace HG, que le cylindre doit parcourir en tombant, pendant qu’il acquiert sa vitesse, comme HG à 1

2 AB. Soient aussi CF et DF deux autres arcs paraboli-ques, ayant pour axe CD, et un paramètre quadruple du précédent ; la circonvolution de la figure autour de l’axe EF produira un solide, donc la partie du milieu ABCD sera le cylindre dont nous parlons, et les extrémités ABE et CDF renfermeront des parties du fluide qui se-ront en repos entre elles, et qui s’étant durcies formeront deux corps solides qui seront adhérents aux deux bouts du cylindre comme une tête et une queue. Et la résistance du solide EACFDB, qui s’avance vers E dans le sens de son axe FE, sera à peu près celle dont nous avons parlé dans cette Prop. c’est-à-dire, qu’elle aura à la force par laquelle tout le mouvement du cylindre peut-être détruit ou produit, pendant le temps qu’il emploie à parcourir la longueur 4AC d’un mouvement uniformément continué, la même raison à peu près, qu’à la densité du fluide à la densité du cylindre. Et par cette force la résis-tance ne peut pas être moindre que dans la raison de 2 à 3 par le Cor. 7 de la Prop. 36.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 415 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

LEMME V. Si un cylindre, une sphère et un sphéroïde, dont les largeurs sont égales, sont placés successivement dans le milieu d’un canal cylindrique de façon que leurs axes coïncident avec l’axe du canal : ces corps s’opposeront également à l’écoulement de l’eau par le canal.

Car les espaces entre le canal et le cylindre, la sphère et le sphéroï-de, par lesquels espaces l’eau passe, sont égaux : et l’eau passe égale-ment par des espaces égaux.

Cela est ainsi en supposant que toute l’eau, dont la fluidité n’est pas nécessaire pour que l’eau passe très vite se gèle au-dessus du cy-lindre, de la sphère et du sphéroïde, comme je l’ai expliqué dans le Cor. 7 de la Prop. 36.

LEMME VI.

Les mêmes choses étant posées, les corps dont on vient de parler sont pressés également par l’eau qui s’écoule par le canal.

C’est ce qui est clair, par le Lemme 5. et par la troisième loi du mouvement, car l’eau et ces corps agissent mutuellement et également l’un sur l’autre.

LEMME VII.

Si l’eau est en repos dans le canal, et que ces corps se meu-vent avec une vitesse égale dans le canal vers des côtés op-posés, leurs résistances seront égales entre elles.

C’est ce qui est clair par le Lemme précédent, car les mouvements relatifs demeurent les mêmes entre eux.

SCHOLIE.

Il en est de même de tous les corps convexes et ronds dont les axes coïncident avec l’axe du canal. Il peut se trouver quelque différence par le plus ou le moins de frottement ; mais nous avons supposé dans

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 416 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

ces Lemmes que les corps étaient parfaitement polis, que la ténacité, et les frottements du milieu étaient nuls, et que les parties du fluide, qui par leurs mouvements obliques et inutiles peuvent troubler, retar-der et empêcher l’écoulement de l’eau par le canal, étaient en repos entre elles, comme si elles étaient durcies par la gelée, et qu’elles étaient attachées aux corps par leurs parties antérieures et postérieures, comme je l’ai fait voir dans la scholie de la Proposition précédente. Dans les Propositions suivantes on traite de la moindre résistance que peuvent éprouver les solides de circonvolution dont les plus grandes sections sont données. Les corps qui nagent dans des fluides, lors-qu’ils se meuvent en ligne droite, font que le fluide s’élève vers leurs parties antérieures, et s’abaissent vers les postérieures, surtout si leurs formes sont obtuses ; et que par là ils éprouvent une résistance un peu plus grande que si la forme de leurs parties antérieures et postérieures était aiguë. Et les corps mus dans des fluides élastiques, s’ils sont ob-tus par leurs extrémités, condensent un peu plus le fluide vers leurs parties antérieures, et le dilatent un peu plus vers les postérieures ; et par conséquent, ils éprouvent une résistance un peu plus grande que s’ils étaient aigus par leurs extrémités. Dans ces Lemmes, et dans ces Propositions nous ne parlons pas des fluides élastiques, mais seule-ment de ceux qui ne le sont pas ; nous ne parlons pas non plus des corps qui nagent sur les fluides, mais de ceux qui y sont plongés entiè-rement. Et lorsqu’on connaît la résistance que ces corps éprouvent dans les fluides non élastiques, il suffira d’augmenter un peu cette ré-sistance, tant dans les fluides élastiques comme dans l’air, par exem-ple, que dans les superficies des eaux stagnantes comme les marais et les mers.

PROPOSITION XXXVIII. — THÉORÈME XXX.

La résistance d’un globe qui avance uniformément dans un milieu infini, comprimé et non élastique, est à la force par laquelle tout son mouvement peut être détruit ou produit, pendant le temps qu’il emploie à parcourir les 3

8 parties de son diamètre, comme la densité du fluide est à la densité du globe à peu près.

Car le globe est au cylindre circonscrit comme 2 est à 3 ; et par conséquent, la force qui peut détruire tout le mouvement du cylindre,

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 417 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

pendant qu’il parcourt la longueur de 4 de ses diamètres, détruira tout le mouvement du globe pendant qu’il parcourra les deux tiers de cette longueur, c’est-à-dire, 3

8 parties de son propre diamètre. Et la résistan-ce du cylindre est à cette force, à peu près, comme la densité du fluide est à la densité du cylindre ou du globe, par les Lemmes 5, 6 et 7. — C.Q.F.D.

Cor. 1. Les résistances des globes dans des milieux infinis et com-primés, sont en raison composée de la raison doublée de la vitesse, de la raison doublée des diamètres, et de la raison de la densité des mi-lieux.

Cor. 2. La plus grande vitesse avec laquelle un globe, par la force de son poids comparatif, peut descendre dans un milieu résistant, est celle que ce même globe peut acquérir par le même poids, lorsqu’il tombe sans éprouver de résistance, et qu’il parcourt dans sa chute un espace qui est aux 3

4 de son diamètre, comme la densité du globe est à la densité du fluide. Car le globe, dans le temps qu’il a employé à tomber, et par la vitesse qu’il aura acquise en tombant, décrira un es-pace qui sera aux 3

8 parties de son diamètre comme la densité du globe à la densité du fluide ; et la force du poids qui produit ce mouvement sera à la force qui pourrait le produire dans le temps que le globe par-courait les 3

8 parties de son diamètre avec la même vitesse, comme la densité du fluide est à la densité du globe. Donc, par cette Proposition, la force du poids sera égale à la résistance, et par conséquent elle ne peut accélérer le globe.

Cor. 3. La densité du globe et sa vitesse au commencement du mouvement étant données, ainsi que la densité du fluide comprimé et en repos, dans lequel le globe se meut ; on a, pour un temps quel-conque, la vitesse du globe, sa résistance et l’espace qu’il décrit, par le Cor. 7 de la Prop. 35.

Cor. 4. Un globe qui se meut dans un fluide comprimé en repos, et de la même densité que lui, a plutôt perdu la moitié de son mouve-ment qu’il n’aurait décrit la longueur de deux de ses diamètres, par le même Cor. 7 de la Prop. 35.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 418 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

PROPOSITION XXXIX. — THÉORÈME XXXI. La résistance d’un globe qui avance uniformément dans un fluide renfermé et comprimé dans un canal cylindrique, est à la force par laquelle tout son mouvement peut être produit ou détruit, dans le temps pendant lequel il parcourt 3

8 par-ties de son diamètre, dans une raison composée de la raison de l’orifice du canal à l’excès de cet orifice sur la moitié du grand cercle du globe, de la raison doublée de l’orifice du canal à l’excès de cet orifice sur le grand cercle du globe, et de la raison de la densité du fluide à la densité du globe à peu près.

Cette Proposition est claire par le Cor. 2 de la Prop. 37 et la dé-monstration est du même genre que celle de la Prop. précédente.

SCHOLIE.

Dans les deux dernières Propositions (comme dans le Lemme 5) j’ai regardé comme gelée toute l’eau qui précède le globe et dont la fluidité augmente la résistance qu’il éprouve. Si toute cette eau venait à se fondre, la résistance serait un peu augmentée. Mais cette augmen-tation serait très peu de chose dans ces Propositions et l’on peut la né-gliger, parce que la superficie convexe du globe fait presque le même effet que la glace.

PROPOSITION XL. — PROBLÈME IX.

Trouver par les phénomènes la résistance d’un globe qui se meut dans un milieu comprimé et très fluide.

Soit A le poids du globe dans le vide, B son poids dans un milieu résistant, D son diamètre, F l’espace qui est à 4

3 D comme la densité du globe est à la densité du milieu, c’est-à-dire, comme A est à A – B ; que G soit le temps dans lequel le globe tombant par son poids B, sans trouver de résistance, parcourt l’espace F, et que H soit la vitesse que ce globe a acquise dans sa chute. La vitesse H sera la plus grande vi-tesse avec laquelle le globe peut descendre par son poids B dans un milieu résistant, par le Cor. 2. de la Prop. 38. et la résistance que le globe éprouve, en descendant avec cette vitesse, sera égale à son poids

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 419 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

B : mais la résistance qu’il éprouve avec une autre vitesse quelconque sera au poids B en raison doublée de cette vitesse à la plus grande vi-tesse H, par le Cor. 1 de la Prop. 38.

C’est là la résistance qui vient de l’inertie de la matière du fluide. Mais celle qui vient de l’élasticité, de la ténacité, et du frottement de ses parties, se trouve de cette manière.

Soit un globe abandonné à lui-même de sorte qu’il tombe par son poids B dans le fluide, et soit P le temps qu’il emploie à tomber, ex-primé en secondes, supposant de même le temps G exprimé en se-condes. Soit trouvé le nombre N qui répond au logarithme

0,4342944819 2PG

, et soit L le logarithme du nombre N +1N

: la vitesse

acquise en tombant sera N −1N + 1

H , mais la hauteur décrite sera 2PFG

l,3862943611F + 4,605170186LF. Si le fluide est assez profond, on

peut négliger le terme 4,605170186LF ; et on aura 2PFG

l,3862943611F pour la hauteur décrite à peu près. Tout cela est clair, par la Prop. 9 du Livre second et ses corollaires, en supposant que le globe n’éprouve aucune autre espèce de résistance que celle qui vient de l’inertie de la matière. Car s’il éprouvait quelque autre résistance, il descendrait plus lentement, et par la retardation on connaîtrait la quan-tité de cette résistance.

Afin de connaître plus facilement la vitesse et la chute du corps qui tombe dans un fluide, j’ai dressé la table suivante, dont la première colonne représente les temps de la chute ; la seconde, les vitesses ac-quises en tombant, la plus grande vitesse étant 100 000 000 ; la troi-sième, l’espace parcouru en tombant pendant ces temps, 2F étant l’espace que le corps parcourt dans le temps G avec la plus grande vitesse, et la quatrième, les espaces parcourus dans les mêmes temps avec cette plus grande vitesse. Les nombres dans la quatrième colonne

sont 2PG

, et en soustrayant le nombre 1,3862944 – 4,6051702L, on

aura les nombres de la troisième colonne, et il faudra multiplier ces nombres par l’espace F afin d’avoir les espaces parcourus en tombant.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 420 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

J’ai ajouté une cinquième colonne aux quatre premières, laquelle

contient les espaces parcourus par le corps, dans ces mêmes temps, lorsqu’il tombait dans le vide par la force de son poids comparatif B.

SCHOLIE.

Afin de pouvoir trouver par expérience les résistances des fluides, je fis un vaisseau de bois qui était carré, et qui avait de dedans en de-dans 9 pouces de Londres de longueur et de largeur, et 9 1

2 pieds de profondeur, je le remplis d’eau de pluie ; et ayant fait des globes de cire qui renfermaient du plomb au centre, je marquai les temps que ces globes mirent à tomber de la hauteur de 112 pouces. Le pied cube de Londres pèse 76 livres romaines d’eau de pluie, et un pouce cube de ce même pied pèse 19

36 onces de cette livre ou 253 13 grains ; et un

globe d’eau d’un pouce de diamètre pèse 132,645 grains dans l’air, ou

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 421 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

132,8 grains dans le vide ; et un autre globe quelconque est comme l’excès de son poids dans le vide sur son poids dans l’eau.

Expérience 1. Un globe, dont le poids était de 156 14 grains dans

l’air, et de 77 dans l’eau employa 4 secondes à tomber de la hauteur de 112 pouces. Et ayant répété la même expérience, le résultat fut le même.

Le poids de ce globe dans le vide était de 156 1338 grains, et l’excès

de ce poids sur le poids du globe dans l’eau est de 79 1338 grains, d’où

l’on tirera le diamètre du globe de 0,84224 parties de pouces. Mais cet excès est au poids du globe dans le vide, comme la densité de l’eau est à la densité du globe ; et les 3

8 parties du diamètre du globe (c’est-à-dire, 2,24597 pouces) sont à l’espace 2F, qui sera par conséquent de 4,4256 pouces dans la même raison. Le globe, dans le temps d’une seconde, parcourt 193 1

3 pouces, en tombant dans le vide par la force de tout son poids, qui est de 156 13

38 grains, et par son poids, qui est dans l’eau de 77 grains, il parcourt dans l’eau dans le même temps lorsqu’il y tombe sans éprouver de résistance 95,219 pouces ; et dans le temps G, qui est à une seconde en raison sousdoublée de l’espace F, ou comme 2,2128 pouces sont à 95,219 pouces, il parcourra 2,2128 pouces, et il acquerra la vitesse H, qui est la plus grande avec laquelle il puisse descendre dans l’eau. Or le temps G est 0″,15244. Et dans ce temps G, avec cette plus grande vitesse H, le globe parcourra l’espace 2F qui est de 4,4256 pouces ; donc en 4 secondes il parcourra un es-pace de 116,1245 pouces. Et en soustrayant l’espace 1,3862944F, ou 3,0676 pouces, il restera l’espace 113,0569 pouces que le globe par-courra en tombant dans l’eau dans un très grand vase pendant 4 se-condes. Cet espace, à cause du peu de largeur du vaisseau de bois dont j’ai parlé, doit être diminué en une raison composée de la raison sous-doublée de l’orifice du vase à l’excès de cet orifice sur la moitié du grand cercle du globe, et de la raison simple de ce même orifice à son excès sur le grand cercle du globe, c’est-à-dire, dans la raison de 1 à 0,9914. Ce qui étant fait on aura l’espace de 112,08 pouces que le globe aurait dû parcourir à peu près, par la théorie, en 4 secondes, en tombant dans ce vase de bois lorsqu’il était plein d’eau et il en parcou-rut 112 dans l’expérience.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 422 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

Expér. 2. Trois globes égaux, dont le poids de chacun était de 76 13

grains dans l’air, et de 5 116 grains dans l’eau, étant abandonnés à eux-

mêmes dans l’eau, l’un après l’autre, parcoururent dans leur chute 112 pouces en 15 secondes.

En faisant le calcul, on trouve le poids de chacun de ces globes dans le vide de 76 5

12 grains, l’excès de ce poids sur le poids dans l’eau de 71 17

48 grains, le diamètre de ces globes de 0,81296 pouces, les 83

parties de ce diamètre de 2,16789 pouces, l’espace 2F de 2,3217 pou-ces, l’espace que le corps parcourut en tombant, sans éprouver de ré-sistance, dans le temps de 1″ par son poids qui était de 5 1

16 grains, de 12,808 pouces, et le temps G de 0″,301056. Donc le globe, par la plus grande vitesse avec laquelle il puisse descendre dans l’eau par la force de son poids qui était de 5 1

16 grains dans le temps de 0″,301056 par-courra un espace de 2,3217 pouces, et dans le temps de 15″ il parcour-ra un espace de 115,678 pouces, et en soustrayant l’espace 1,3862944F, ou 1,609 pouces, il restera l’espace 114,069 pouces que le globe devrait parcourir en tombant dans le même temps dans un plus grand vaisseau. Car il faut ôter, à cause du peu de largeur de no-tre vaisseau, un espace de 0,895 pouces environ. Ainsi il restera un espace de 113,174 pouces que le globe devait parcourir à peu près par la théorie en tombant dans ce vase pendant le temps de 15″. Or il en parcourut 112 dans l’expérience, ainsi la différence est insensible.

Expér. 3. Trois globes égaux dont le poids de chacun était de 121 grains dans l’air, et d’un grain dans l’eau, étant abandonnés successi-vement à eux-mêmes, parcoururent en tombant dans l’eau 112 pouces dans les temps de 46″, 47″ et 50″.

Par la théorie, ces globes devaient parcourir cette hauteur en 40″ environ. Pourquoi donc tombèrent-ils plus lentement ? Peut-être faut-il l’attribuer à ce que dans les mouvements lents, la proportion de la résistance qui vient de la force d’inertie, à la résistance qui vient des autres causes est moindre, peut-être aussi cela doit-il être plutôt attri-bué à quelques petites bulles qui s’attachèrent au globe, ou à la raré-faction de la cire, causée, ou par la chaleur de la main qui jetait le glo-be, ou par celle de l’air, ou enfin à quelques erreurs insensibles com-mises en pesant ces globes dans l’eau, je ne sais à laquelle de ces cau-ses m’arrêter. Ainsi je conclus de cette expérience, qu’il faut que les

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 423 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

globes dont on se sert dans ces expériences pèsent plus d’un grain dans l’eau pour les rendre certaines et qu’on puisse y ajouter foi.

Expér. 4. J’entrepris les expériences que je viens de décrire pour découvrir les résistances des fluides, avant d’avoir la théorie que j’ai exposée dans les Prop. précédentes. Ensuite, pour examiner cette théo-rie, je fis un vaisseau de bois de 8 2

3 pouces de large de dedans en de-dans : et de 15 1

3 pieds de profondeur. Ensuite, je fis quatre globes composés de cire et de plomb renfermé dans le centre, le poids de chacun de ces globes était de 139 1

4 grains dans l’air, et de 7 18 grains

dans l’eau. Je les laissai tomber de sorte que je pouvais remarquer, par le moyen d’un pendule qui battait les demi secondes, les temps qu’ils employaient à tomber dans l’eau. Lorsque je pesai ces globes, et que je les fis tomber, j’avais eu soin qu’ils fussent froids depuis quelque temps ; parce que la chaleur raréfie la cire, et que cette raréfaction di-minue son poids dans l’eau, et que de plus la cire que la chaleur a ra-réfiée ne retourne pas dans le moment qu’elle est refroidie à sa pre-mière densité. Ces globes étaient entièrement plongés dans l’eau avant de tomber ; de peur que le poids de la partie qui n’aurait pas été plon-gée n’eut accéléré leur chute dans le premier instant. Et lorsqu’ils étaient entièrement plongés et en repos, je les laissais tomber avec bien de la précaution, de peur que ma main ne leur donnât quelques impulsions. Ils tombèrent successivement en 47 1

2 , 48 12 , 50 et 51 oscil-

lations, et parcoururent en tombant 15 pieds et 2 pouces. Le temps étant alors un peu plus froid que lorsque j’avais pesé les globes, je ré-pétai l’expérience un autre jour, et ils tombèrent en 49, 49 1

2 , 50 et 53 oscillations. Et un troisième jour ils tombèrent en 49 1

2 , 50, 51 et 53 oscillations. Et enfin, ayant répété très souvent cette expérience, les globes tombèrent le plus ordinairement en 49 1

2 et 50 oscillations. Et quand ils employèrent plus de temps, je soupçonne qu’ils étaient re-tardés parce qu’ils frottaient contre les parois du vase.

En faisant le calcul par la théorie, on trouve que le poids du globe dans le vide est de 139 2

5 grains. L’excès de ce poids sur le poids dans l’eau de 132 11

40 grains. Le diamètre du globe de 0,99868 pouces. Les 83

de son diamètre de 2,66315 pouces. L’espace 2F de 2,8066 pouces. L’espace que le globe qui pesait 7 1

8 grains parcourait en tombant dans une seconde sans éprouver de résistance de 9,88164 pouces. Et le

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 424 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

temps G de 0″,376843. Donc le globe, avec la plus grande vitesse avec laquelle il puisse tomber dans l’eau par la force du poids de 7 1

8 grains, dans le temps de 0″,376843, parcourt un espace de 2,8066, et dans le temps de 1″ un espace de 7,44766 pouces, et dans le temps de 25″ ou de 50 oscillations, il parcourt un espace de 186,1915 pouces. Soustrayant l’espace 1,386294F, ou 1,9454 pouces, il restera l’espace 184,2461 pouces que le globe décrirait dans le même temps dans un vase très large. À cause du peu de largeur de celui dont je me suis ser-vi, il faut donc diminuer cet espace en raison composée de la raison sousdoublée de l’orifice du vase à l’excès de cet orifice sur la moitié du grand cercle du globe, et de la raison simple de ce même orifice à son excès sur le grand cercle du globe ; et on aura l’espace 181,86 pouces, que le globe aurait dû parcourir, à peu près, dans ce vase selon la théorie pendant 50 oscillations. Et il parcourut 182 pouces à peu près dans 49 1

2 ou 50 oscillations.

Expér. 5. Quatre globes du poids de 154 38 grains chacun dans l’air,

et de 21 12 grains dans l’eau, ayant été jetés plusieurs fois, tombaient

dans le temps de 28 12 , 29, 29 1

2 et 30 oscillations, et quelquefois en 31, 32 et 33 oscillations, et ils parcouraient en tombant 15 pieds 2 pouces.

Par la théorie ils devaient parcourir cette hauteur en 29 oscillations à peu près.

Expér. 6. Cinq globes du poids de 212 38 grains dans l’air, et de

79 12 grains dans l’eau ayant été jetés plusieurs fois tombaient en 15,

15 12 , 16, 17 et 18 oscillations d’une hauteur de 15 pieds et 2 pouces.

Par la théorie ils devaient tomber en 15 oscillations à peu près.

Expér. 7. Quatre globes qui pesaient 293 38 grains dans l’air, et 35 7

8 grains dans l’eau ayant été jetés plusieurs fois tombaient en 29 1

2 , 30, 30 1

2 , 31, 32 et 33 oscillations, et parcouraient un espace de 15 pieds un pouce et demi.

Par la théorie ils auraient dû tomber en 28 oscillations à peu près.

En cherchant la cause pourquoi, de plusieurs globes égaux en poids et en grandeur, les uns tombaient plus vite, et les autres plus lente-ment, j’ai trouvé celle-ci ; que ces globes, dans le premier moment

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 425 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

qu’ils étaient abandonnés à eux-mêmes et qu’ils commençaient à tomber, oscillaient autour de leurs centres, parce que celui de leurs côtés qui était peut-être un peu plus pesant descendait le premier et causait un mouvement oscillatoire. Car le globe doit communiquer une plus grande quantité de son mouvement à l’eau par ces oscilla-tions, que s’il descendait sans osciller ; et en communiquant ce mou-vement à l’eau, il perd une partie du mouvement propre qui doit le faire descendre : et il doit être par conséquent plus on moins retardé selon qu’il fera de plus grandes ou de plus petites oscillations. De plus, le globe s’éloigne toujours du côté qui lui a fait commencer ses oscillations et en s’éloignant, il s’approche des parois du vase, et peut quelquefois frotter contre eux. Cette oscillation est plus forte dans les globes plus pesants, et les plus grands globes communiquent plus de mouvement à l’eau. C’est pourquoi, afin de diminuer ces oscillations, je fis de nouveaux globes composés de même de cire et de plomb, et je mis du plomb à un côté du globe près de la superficie, et je laissai ensuite tomber ce globe de sorte que le côté le plus pesant était le plus bas, autant qu’il était possible, quand le corps commença à descendre. De cette sorte, les oscillations étaient beaucoup plus petites qu’auparavant, et les globes tombèrent en des temps bien moins iné-gaux comme dans les expériences suivantes.

Expér. 8. Quatre globes qui pesaient chacun 139 grains dans l’air, et 6 1

2 grains dans l’eau, ayant été abandonnés à eux-mêmes plusieurs fois, tombèrent dans des oscillations dont le nombre ne passa pas 52, et ne fut pas au-dessous de 50, et le plus souvent, ils tombèrent en 51 oscillations à peu près, et parcoururent 182 pouces.

Par la théorie, ils devaient tomber en 52 oscillations environ.

Expér. 9. Ayant fait la même expérience plusieurs fois sur quatre globes qui pesaient 273 1

4 grains dans l’air, et 140 34 dans l’eau, ils

tombèrent dans des oscillations dont le nombre ne passa pas 13 et n’alla pas au-dessous de 12 et ils parcoururent un espace de 182 pou-ces.

Par la théorie, ces globes devaient tomber en 11 13 oscillations à peu

près.

Page 427: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 426 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

Expér. 10. La même expérience ayant été faite plusieurs fois sur quatre globes qui pesaient 384 grains dans l’air, et 119 1

2 dans l’eau, ils emploient à tomber les temps de 17 3

4 , 18, 18 12 et 19 oscillations, et ils

parcoururent 181 12 pouces. Lorsqu’ils mirent 19 oscillations à tomber,

j’entendis quelquefois les coups qu’ils donnaient contre les parois du vase avant de parvenir au fond.

Par la théorie, ils auraient dû tomber en 15 59 oscillations à peu

près.

Expér. 11. Ayant laissé tomber plusieurs fois trois globes égaux qui pesaient 48 grains dans l’air, et 3 29

32 dans l’eau, ils mirent 43 12 , 44,

44 12 , 45 et 46 oscillations à tomber, et le plus souvent ils tombaient en

44 et 45 oscillations, et parcouraient un espace de 182 12 pouces envi-

ron.

Ils devaient tomber par la théorie en 46 59 oscillations à peu près.

Expér. 12. Je fis tomber plusieurs fois trois globes égaux qui pe-saient 141 grains dans l’air, et 4 3

8 grains dans l’eau, et ils parcoururent 182 pouces en 61, 61, 63, 64 et 65 oscillations.

Par la théorie, ils devaient tomber en 64 12 oscillations à peu près.

Il est clair par ces expériences, que lorsque ces globes tombaient lentement comme dans les expériences 2, 4, 5, 8, 11 et 12, les temps de leurs chutes s’accordaient assez avec les temps que donne la théo-rie, mais que lorsqu’ils tombaient plus vite, comme dans les expérien-ces 6, 9 et 10, la résistance qu’ils éprouvaient était un peu plus grande que dans la raison doublée des vitesses. Car ces globes oscillaient un peu en tombant : et ces oscillations cessent bientôt dans les globes lé-gers, et qui tombent lentement à cause du peu de mouvement ; mais dans les globes plus grands et plus pesants, elles durent plus long-temps à cause que le mouvement a plus de force, et ce mouvement oscillatoire ne peut être arrêté par l’eau qui environne le globe qu’après que le corps a fait plusieurs oscillations. Il se peut encore faire que les globes soient moins pressés par le fluide vers leurs par-ties postérieures lorsqu’ils ont plus de vitesse ; et si on augmentait continuellement la vitesse, ils laisseraient à la fin un espace vide der-rière eux, à moins qu’on n’augmentât en même temps la compression

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 427 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

du fluide. Or (par les Prop. 32 et 33.) la compression du fluide doit augmenter en raison doublée de la vitesse, pour que la résistance soit dans cette même raison doublée. Mais comme cela n’arrive pas, les globes qui ont plus de vitesse sont un peu moins pressés par leurs par-ties postérieures, et le défaut de cette pression fait que la résistance qu’ils éprouvent est un peu plus grande que dans la raison doublée de la vitesse.

La théorie s’accorde donc avec les phénomènes des corps qui tom-bent dans l’eau, il nous reste à examiner ce qui arrive à ceux qui tom-bent dans l’air.

Expér. 13. Du haut de l’Église de S. Paul de Londres au mois de Juin 1710, on laissa tomber en même temps deux globes de verre, l’un plein de vif-argent, et l’autre plein d’air ; et en tombant ils parcou-raient 220 pieds de Londres. Une table de bois était suspendue par un de ses côtés par des pivots de fer, et par l’autre elle s’appuyait sur un verrou de bois ; et les deux globes étant posés dessus tombaient en même temps, et en tirant le verrou par le moyen d’un fil de fer, ils tombaient jusqu’à Terre, et la table étant seulement soutenue par ces pivots, faisait la bascule, et dans le même instant un pendule qui bat-tait les secondes, étant mis en mouvement par le fil de fer, commen-çait à osciller. Les diamètres et les poids des globes, ainsi que les temps de leurs chutes, étaient tels qu’ils sont marqués dans la table page suivante.

Au reste, les temps des chutes que nous avons observés dans ces

expériences doivent être corrigés. Car les globes pleins de mercure devaient parcourir en 4″ (par la théorie de Galilée) 257 pieds de Lon-dres, et ils n’en parcoururent que 220 en 3″ 4 ′ ′ ′ 2 . Il fallait donc que la table de bois employât quelque temps à faire la bascule lorsqu’on ti-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 428 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

rait le verrou, et que par-là elle s’opposât au commencement à la chu-te des globes. Car ces globes étaient posés, à peu près, dans le milieu de cette table, et ils étaient un peu plus près de son axe que le verrou, et par-là, le temps de la chute fut allongé de 1 ′ ′ ′ 8 environ ; ce qui doit être corrigé en ôtant du temps de la chute ces 1 ′ ′ ′ 8 , surtout pour les plus grands globes qui demeuraient un peu plus longtemps sur la table quand elle se déployait, à cause de la grandeur de leurs diamètres. Cette correction étant faite, les temps dans lesquels les six plus grands globes tombèrent, se trouvent de 8″ 1 ′ ′ ′ 2 , 7″ 4 ′ ′ ′ 2 , 7″ 5 ′ ′ ′ 7 , 8″ 1 ′ ′ ′ 2 , et 7″ 4 ′ ′ ′ 2 .

Le cinquième des globes pleins d’air avait 5 pouces de diamètre, et pesait 483 grains, et il tomba en 8″ 1 ′ ′ ′ 2 et parcourut pendant ce temps 220 pieds. Le poids d’un globe d’eau égal à ce globe est de 16600 grains ; et le poids d’une quantité d’air de même volume que ce globe est de 16600

360 grains ou de 19 310 grains. Donc le poids de ce globe dans le

vide était de 502 310 grains. Et ce poids est au poids d’un volume d’air

égal à ce globe, comme 502 310 grains à 19 3

10 . Or, 2F sont à 83 du dia-

mètre de ce globe, c’est-à-dire, à 13 13 pouces dans cette raison. Donc

2F deviennent 28 pieds 11 pouces. Ce globe en tombant dans le vide, par la force de tout son poids qui était de 502 3

10 grains, parcourut, dans une seconde, 193 1

3 pouces, comme ci-dessus, et avec un poids de 483 grains il parcourut 185,905 pouces, et avec le même poids de 483 grains il parcourut aussi dans le vide l’espace F ou 14 pieds 5 1

2 pouces en 5 ′ ′ ′ 7 58iv, et il acquit dans ce temps la plus grande vitesse avec la-quelle il peut descendre dans l’air. Avec cette vitesse, ce globe en 8″ 1 ′ ′ ′ 2 parcourait un espace de 245 pieds 5 1

3 pouces. En ôtant 1,3863F ou 20 pieds 0 1

2 pouces, il restera 225 pieds 5 pouces. Le globe en tombant devait donc parcourir cet espace en 8″ ′1 ′ ′ 2 par la théorie. Mais il parcourut 220 pieds dans l’expérience, ainsi la différence est insensible.

Ayant fait un calcul semblable au précédent pour les autres globes pleins d’air, j’ai dressé la table de la page suivante.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 429 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

Expér. 14. Au mois de Juillet 1719. le docteur Desaguliers re-

commença ces expériences de cette sorte. Il donna à des vessies de cochon une forme sphérique, en les plaçant dans des sphères de bois, car en soufflant de l’air dans ces vessies, après les avoir mouillées, il les forçait d’emplir la concavité de ces sphères. Ensuite ayant séché ces vessies et ayant ôté le bois qui les entourait et qui pouvait se dé-monter, il les laissa tomber d’un lieu qu’on avait pratiqué dans le plus haut de la voûte de la même Église de sorte que ces vessies tombaient alors de la hauteur de 272 pieds ; et il laissa tomber dans le même ins-tant un globe de plomb qui pesait environ deux livres romaines. Pen-dant ce temps il y avait des personnes qui étaient placées au sommet du temple d’où on laissait tomber ces globes, et qui marquaient les temps qui s’écoulaient pendant les chutes, il y avait d’autres person-nes placées sur le pavé de l’Église qui marquaient la différence qui se trouvait entre le temps de la chute de la vessie et celui de la chute du globe de plomb. Ces temps étaient mesurés par des oscillations de pendules qui battaient les demi-secondes. Un de ceux qui étaient en bas avait une horloge à ressort qui battait les quarts de seconde ; un autre avait une autre machine faite avec soin à laquelle était adapté un pendule qui battait les quarts de seconde. Un de ceux qui étaient au haut de l’Église avait une machine semblable. Ces instruments étaient faits de sorte que leurs mouvements commençaient et s’arrêtaient quand on voulait. Le globe de plomb tombait en 4 secondes et un quart à peu près. Et en ajoutant ce temps à la différence du temps dont on a parlé, on avait le temps que la vessie employait à tomber. Les temps dans lesquels cinq vessies tombèrent, surpassèrent la première fois le temps de la chute du globe de plomb de 14″ 3

4 , 12 34 ″, 14 5

8 ″, 17 3

4 ″ et 16 78 ″, et la seconde fois de 14 1

2 ″, 14″ 14 , 14″, 19″ et 16 3

4 ″. Ajoutant 4 1

4 ″ qui est le temps que le globe de plomb employa à tom-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 430 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

ber, les temps entiers dans lesquels les cinq vessies tombèrent étaient la première fois de 19″, 17″, 18 7

8 ″, 22″ et 21 18 ″, et la seconde fois de

18 34 ″, 18 1

2 ″, 18 14 ″, 23 1

4 ″ et 21″. Et les temps marqués par ceux qui étaient au haut de l’Église étaient la première fois de 19 3

8 ″, 17 14 ″,

18 34 ″, 22 1

8 ″ et 21 58 ″ et la seconde fois de 19″, 18 5

8 ″, 18 38 ″, 24″ et

21 14 ″. Au reste, les vessies ne tombaient pas toujours en ligne droite,

et quelquefois elles voltigeaient et oscillaient de côté et d’autre en tombant ce qui prolongeait les temps de leurs chutes quelquefois d’une demi-seconde, et quelquefois d’une seconde entière. La seconde et la quatrième vessie tombèrent plus droit la première fois ; et la se-conde fois ce furent la première et la quatrième. La cinquième vessie était ridée, et ses rides retardaient un peu sa chute. Je concluais les diamètres des vessies de leurs circonférences que je mesurais avec un fil dont j’entourais. J’ai comparé la théorie avec les expériences dans la table suivante, en supposant la densité de l’air à la densité de l’eau de pluie comme 1 à 860, et comptant les espaces que les globes de-vaient parcourir en tombant selon la théorie.

Notre théorie déterminait donc presque exactement toute la résis-

tance qu’éprouvaient les globes mus, tant dans l’eau que dans l’air, et cette résistance est proportionnelle (lorsque les vitesses des globes sont égales ainsi que leurs grandeurs) à la densité des fluides.

Dans la scholie qui suit la sixième section, j’ai fait voir par les ex-périences des pendules, que les globes égaux qui ont des vitesses éga-les éprouvent, lorsqu’ils se meuvent dans l’air, dans l’eau, et dans le vif-argent, des résistances qui sont comme les densités de ces fluides. Mais je l’ai fait voir ici plus exactement par les expériences des corps qui tombent dans l’air et dans l’eau ; car les pendules à chaque oscilla-tion excitent dans le fluide un mouvement qui est toujours contraire au

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 431 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

retour du pendule, et la résistance qui vient de ce mouvement, ainsi que celle qui vient du fil auquel le pendule est suspendu, font qu’il éprouve une résistance plus grande que celle qu’ont donné les expé-riences des corps qui tombent. Car par les expériences des pendules qu’on a rapportées dans ce Scholie, un globe de même densité que l’eau devrait perdre la 1

3342 partie de son mouvement, en parcourant dans l’air la longueur de son demi-diamètre. Mais par la théorie qu’on a exposée dans cette septième section, et qui est confirmée par les ex-périences des corps qui tombent, le même globe, en parcourant la même longueur, ne devrait perdre que la 1

4586 partie de son mouve-ment, en supposant que la densité de l’eau soit à celle de l’air comme 860 à 1. Donc les résistances étaient plus grandes dans les expériences des pendules (par les causes dont on vient de parler) que dans les ex-périences des globes tombants, et cela en raison de 4 à 3 environ. Mais comme les résistances que les pendules qui oscillent dans l’air, dans l’eau et dans le vif-argent, éprouvent, sont augmentées de la même manière par des causes semblables, la proportion des résistan-ces dans ces milieux est donnée assez exactement, tant par les expé-riences des pendules que par celles des corps qui tombent. Et on en peut conclure que les résistances qu’éprouvent les corps qui se meu-vent dans des fluides quelconques très subtils, sont (toutes choses éga-les) comme les densités de ces fluides.

Ces choses étant ainsi posées, on peut déterminer à présent quelle partie de son mouvement un globe quelconque jeté dans un fluide quelconque perdra à peu près dans un temps donné. Soit D le diamètre du globe, V la vitesse dans le commencement du mouvement, et T le temps dans lequel le globe décrira dans le vide avec la vitesse V un espace, qui soit à l’espace 8

3 D comme la densité du globe est à la den-sité du fluide : et ce globe, étant jeté dans ce fluide, perdra, dans un

autre temps quelconque t la partie tVT + t

de sa vitesse, et il conservera

la partie TVT + t

et décrira un espace qui sera à l’espace qu’il parcourait

dans le vide, dans le même temps, avec la vitesse V supposée unifor-

me, comme le logarithme du nombre T + tT

multiplié par le nombre

2,302585093 est au nombre tT

, par le Cor. 7 de la Prop. 35.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 432 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

Dans les mouvements lents la résistance peut être un peu moindre à cause que la figure d’un globe est un peu plus propre au mouvement que celle d’un cylindre décrit sur le même diamètre. Et dans les mou-vements plus prompts la résistance peut être un peu plus grande à cau-se que l’élasticité et la compression du fluide n’augmentent pas en raison doublée de la vitesse. Mais je ne fais pas attention ici à ces mi-nuties.

Quand même l’air, l’eau, le vif-argent et d’autres fluides sembla-bles seraient subtilités à l’infini, et qu’ils composeraient des milieux infiniment fluides, ils n’en résisteraient pas moins aux globes projetés. Car la résistance dont on a parlé dans les Prop, précédentes vient de l’inertie de la matière ; et l’inertie est essentielle aux corps, et est tou-jours proportionnelle à leur quantité de matière. On peut à la vérité diminuer, par la division des parties du fluide, la résistance qui vient de la ténacité et du frottement des parties ; mais cette division des par-ties de la matière ne diminue point sa quantité ; et la quantité de la matière restant la même, la force d’inertie reste la même ; et la résis-tance dont on a parlé ici est toujours proportionnelle à la force d’inertie. Afin que cette résistance diminue, il faut donc diminuer la quantité de matière dans les espaces dans lesquels le corps se meut. C’est pourquoi les espaces célestes dans lesquels les globes des planè-tes et des comètes se meuvent sans cesse librement en tout sens sans aucune diminution sensible de leur mouvement doivent être vides de tout fluide corporel, si on en excepte peut-être quelques vapeurs très légères et les rayons de lumière qui les traversent.

Les projectiles excitent donc du mouvement dans les fluides, lors-qu’ils s’y meuvent, et ce mouvement vient de l’excès de la pression du fluide sur les parties antérieures du projectile sur la pression que ses parties postérieures éprouvent, et il ne peut pas être moindre dans les milieux infiniment fluides que dans l’air, l’eau et le vif-argent, à raison de la quantité de matière que chacun contient. Mais cet excès de la pression n’excite pas seulement, à raison de sa quantité, un mou-vement dans le fluide, il agit encore sur le projectile pour retarder son mouvement, et par conséquent la résistance dans tout fluide est com-me le mouvement excité dans ce fluide par le projectile, et elle ne peut pas être moindre dans un milieu rempli de matière éthérée à raison de sa densité, que dans l’air, dans l’eau et dans le vif-argent à raison de la densité de ces fluides.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 433 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

Table des matières

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 434 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

Table des matières

HUITIÈME SECTION

De la propagation du mouvement dans les fluides.

PROPOSITION XLI. — THÉORÈME XXXII.

La pression ne se propage point en ligne droite dans un fluide, à moins que ses parties ne soient placées en ligne droite.

(Fig. 49)

Si les particules a, b, c, d, e sont placées en ligne droite, la pression peut se propager directement de a à e ; mais la particule e pressera obliquement les particules f et g placées obliquement, et ces particules f et g ne soutiendront point cette pression à moins qu’elles ne soient soutenues par les particules plus éloignées h et k ; or en étant soute-nues, elles les pressent, et ces particules h et k ne peuvent pas soutenir cette pression, si elles ne sont soutenues elles-mêmes par les particu-les ultérieures l et m qu’elles pressent à leur tour, et ainsi de suite à l’infini. Donc la pression qui s’est ainsi communiquée, premièrement aux particules qui n’étaient pas posées en ligne droite produira une déviation, et elle se propagera obliquement à l’infini : après avoir commencé à se propager obliquement elle continuera encore sa dévia-tion, si elle tombe sur des particules ultérieures qui ne soient pas po-sées en ligne droite ; et cela autant de fois qu’elle rencontrera des par-ticules qui ne seront pas placées exactement en ligne droite. — C.Q.F.D.

Cor. Si quelque partie de la pression, propagée dans un fluide d’un point donné, est interceptée, la partie restante, qui n’est point intercep-tée agira derrière l’obstacle. Ce qui peut se démontrer ainsi.

(Fig. 50)

Que la pression soit propagée du point A vers tous les côtés, et ce-la, s’il est possible, selon des lignes droites, et que l’obstacle NBCK percé en BC intercepte toute cette pression qui passe par le trou circu-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 435 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

laire BC, excepté la partie APQ qui passe par le trou conique. Que le cône APQ soit partagé en tranches par les plans transversaux de, fg, hi ; et que pendant que le cône ABC, en propageant la pression, presse dans la superficie de la tranche conique ultérieure degf, et que cette tranche presse la tranche voisine fghi dans la superficie fg, et que cette seconde tranche en presse une troisième, et ainsi de suite à l’infini. Il est clair (par la troisième loi du mouvement) que la première tranche defg sera autant pressée dans la superficie fg par la réaction de la se-conde tranche fghi, qu’elle presse elle-même cette seconde tranche. Donc la tranche degf est pressée des deux côtés entre le cône Ade et la tranche fhig, et par conséquent (par le Cor 6 de la Prop. 19) elle ne peut conserver sa figure à moins qu’elle ne soit pressé de tous côtés par une force égale : donc elle sera forcée de céder vers les côtés df, eg par le même effort par lequel elle presse les superficies de, fg ; et comme elle n’est point solide mais entièrement fluide elle se répandra alors à moins qu’il n’y ait un fluide ambiant qui s’oppose à son effort. Donc par l’effort qu’elle fait pour se répandre, elle pressera d’un mê-me effort, tant le fluide ambiant vers les côtés df, eg, que la tranche fghi ; et par conséquent la pression ne se propagera pas moins vers les côtés df, eg, dans les espaces NO, KL à droite et à gauche, que de la superficie fg vers PQ. — C.Q.F.D.

PROPOSITION XLII. — THÉORÈME XXXIII.

Tout mouvement propagé dans un fluide s’éloigne de la li-gne droite dans des espaces immobiles

(Fig. 50).

Cas 1. Que le mouvement soit propagé du point A par le trou BC, et qu’il continue, s’il est possible, dans l’espace conique BCQP, selon des lignes droites qui divergent du point A. Supposons premièrement que ce mouvement soit un mouvement d’ondulation excité dans la su-perficie d’une eau stagnante et soient de, fg, hi, kl, etc. les éminences de chacune de ces ondes distinguées l’une de l’autre par autant de ca-vités. Comme l’eau est plus haute dans les éminences des ondes que dans les parties immobiles KL, NO du fluide ; elle s’écoulera par conséquent des extrémités e, g, i, l, etc. d, f, h, k, etc. des sommets de ces éminences, vers KL et NO : et comme elle est plus basse dans les cavités de ces ondes que dans les parties immobiles KL, NO du fluide,

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 436 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

elle s’écoulera, de ces parties immobiles dans ces cavités. Par le pre-mier écoulement de l’éminence des ondes, et par l’autre les cavités se dilateront çà et là, et s’étendront vers KL et NO. Et parce que le mou-vement des ondes de A vers PQ se fait par un écoulement continu des éminences dans les cavités prochaines, et que par conséquent il n’a pas plus de vitesse que n’en peut donner la chute ; et que la chute de l’eau de côté et d’autre se doit faire vers KL et NO avec la même vi-tesse, la dilatation des ondes sera propagée d’un côté et de l’autre vers KL et NO avec la même vitesse, avec laquelle ces ondes elles-mêmes s’étendent de A vers PQ en ligne droite. Donc tout l’espace de côté et d’autre vers KL et NO sera occupé par les ondes dilatées rfgr, shis, tklt, vmnv, etc. — C.Q.F.D.

On peut se convaincre que cela se passe ainsi dans les eaux sta-gnantes.

(Fig. 50).

Cas 2. Supposons à présent que de, fg, hi, kl, mn représentent des pulsions imprimées du point A et continuées successivement dans un milieu élastique. Supposons de plus que ces pulsions soient propagées par des condensations et des raréfactions successives du milieu, de sorte que la partie la plus dense d’une pulsion quelconque occupe la superficie sphérique décrite autour du centre A, et qu’il y ait des inter-valles égaux entre les pulsions successives. Que les lignes de, fg, hi, kl, etc. représentent les parties les plus denses des pulsions, lesquelles se propagent par le trou BC ; comme le milieu est plus dense dans ce lieu que dans les espaces d’un côté et de l’autre vers KL et NO, il se dilatera tant vers ces espaces KL et NO situés des deux côtés que vers les espaces les plus rares qui sont entre les pulsions ; ce qui le rendant toujours plus rare vers ces intervalles et plus dense vers les pulsions, le fera participer à tous ces mêmes mouvements.

Et parce que le mouvement progressif des pulsions vient du relâ-chement continuel des parties les plus denses vers les intervalles anté-cédents les plus rares ; et que ces pulsions doivent s’étendre de côté et d’autre avec la même vitesse à peu près vers les parties KL, NO du milieu, lesquelles sont en repos ; ces pulsions se dilateront d’un côté et de l’autre dans les espaces immobiles KL, NO, avec la même vites-se à peu près avec laquelle elles sont propagées directement du centre

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 437 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

A, et par conséquent elles occuperont l’espace entier KLON. — C.Q.F.D.

On l’éprouve ainsi dans les sons, car le son s’entend quoiqu’il y ait une montagne entre le corps sonore et nous, et lorsqu’il entre dans une chambre par une fenêtre, il se répand dans toute la chambre, de sorte qu’on l’entend de tous ses coins, non pas tant parce qu’il est réfléchi par les murailles de la chambre opposées au lieu où on l’entend, que parce qu’il y arrive en droiture de la fenêtre, autant qu’on en peut ju-ger par les sens.

Cas 3. Supposons enfin qu’un mouvement d’un genre quelconque soit propagé de A par l’ouverture BC : comme cette propagation ne peut se faire si les parties du milieu les plus proches du centre A ne pressent et ne meuvent les parties situées au-delà, ces parties pressées étant fluides, elles se répandront de toutes parts vers les lieux où elles sont moins pressées, et elles se répandront vers toutes les parties du milieu qui sont en repos, tant vers les latérales KL, NO, que vers les antérieures PQ, et par ce moyen, tout le mouvement qui a passé pre-mièrement par l’ouverture BC, commencera à se dilater et à s’étendre en ligne droite de cette ouverture comme de son origine et comme d’un centre vers toutes les parties. — C.Q.F.D.

PROPOSITION XLIII. — THÉORÈME XXXIV.

Tout corps vibrant propagera de toutes parts en ligne droite dans un milieu élastique le mouvement des pulsions ; et dans un milieu non élastique il excitera un mouvement cir-culaire.

Cas 1. Les parties du corps vibrant en s’étendant et se contractant alternativement presseront et pousseront en s’étendant les parties du milieu qui les touchent, et en les pressant elles les condenseront ; et ensuite en se contractant elles laisseront ces parties comprimées en liberté de s’étendre et de s’éloigner les unes des autres. Donc les par-ties du milieu qui touchent ce corps vibrant, s’étendront et se contrac-teront tour à tour, comme les parties de ce corps : et par la même rai-son que les parties de ce corps excitent des ondulations dans les par-ties de ce milieu qui le touchent, ces parties produiront à leur tour de semblables ondulations dans celles auxquelles elles sont contiguës,

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 438 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

lesquelles en exciteront dans les parties qui en sont les plus éloignées, et ainsi de suite à l’infini. Et comme les premières parties de ce milieu sont condensées lorsque les parties du corps vibrant s’étendent, et qu’elles s’étendent lorsque les parties de ce corps se contractent, de même les autres parties du milieu sont condensées toutes les fois que les parties du corps s’étendent, et elles s’étendent toutes les fois que ce corps se contracte. Et par conséquent elles ne se condenseront et ne s’étendront pas toutes en même temps (car si elles conservaient ainsi des distances déterminées entre elles, elles ne se raréfieraient point et elles ne se condenseraient point tour à tour) mais en s’approchant l’une de l’autre par la condensation, et en s’en éloignant par l’extension, il y en aura quelques-unes qui s’éloigneront pendant que d’autres reviendront ; et cela alternativement à l’infini. Les parties qui vont en s’éloignant et qui en allant se condensent par leur mouvement progressif, dans lequel elles frappent contre les obstacles, causent des pulsions ; et par conséquent les pulsions successives de tout corps vi-brant se propageront en ligne droite. Et cela à des intervalles les uns des autres à peu près égaux à cause de l’égalité des intervalles des temps dans lesquels le corps à chacune de ses vibrations excite chacu-ne des pulsions. Et quoique les parties du corps vibrant aillent et re-viennent vers un côté déterminé, cependant les pulsions qui se propa-gent de là dans le milieu se dilateront vers les côtés, par la Prop. pré-cédente ; et elles se propageront en tout sens dans des superficies à peu près sphériques et concentriques en partant de ce corps à ressort comme du centre commun. Nous avons quelque exemple de cela dans l’eau, car si on la remue avec le bout du doigt, ce mouvement se continue non seulement de côté et d’autre dans le sens dans lequel le doigt s’est mû, mais il s’y continue par des espèces de cercles concen-triques qui environnent le doigt dans l’instant, et qui se propagent de tous côtés ; car la pesanteur du fluide tient lieu de force élastique.

Cas 2. Si le milieu n’est pas élastique : comme alors ses parties ne peuvent être condensées par les vibrations des parties du corps vibrant qui les pressent, le mouvement se propagera en un instant du côté vers lequel le milieu cédera le plus facilement, c’est-à-dire, du côté vers lequel le corps vibrant laisserait sans cela du vide derrière lui. Ce cas est le même que celui d’un corps projeté dans un milieu quelconque. Le milieu en cédant aux projectiles ne s’en écarte pas à l’infini ; mais en se mouvant circulairement il va remplir la place que le corps laisse

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 439 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

derrière lui. Donc toutes les fois qu’un corps à ressort s’avance vers quelque côté, le milieu, en cédant, s’avance par un cercle vers le côté que le corps abandonne, et toutes les fois que le corps revient à son premier lieu, il en repousse le milieu qui revient alors à celui qu’il oc-cupait auparavant. Quand le corps vibrant ne serait pas raide, mais absolument flexible, si cependant il demeure de même grandeur, comme il ne peut presser par ses vibrations le milieu dans un lieu quelconque qu’il ne lui cède de la place en même temps quelqu’autre part ; il arrivera que le milieu s’écartant des lieux où il est pressé, s’avancera toujours en rond vers les parties qui lui cèdent. — C.Q.F.D.

Cor. Ceux-là se trompent donc qui croient que l’agitation des par-ties de la flamme cause seule la propagation de la pression en ligne droite dans le milieu ambiant. Cette pression ne vient pas seulement du mouvement des parties de la flamme, mais encore de la dilatation du total.

PROPOSITION XLIV. — THÉORÈME XXXV.

Si de l’eau descend et monte alternativement dans les bran-ches KL, MN d’un canal ; et qu’on ait un pendule dont la longueur entre le point de suspension et le centre d’oscillation soit égale à la moitié de la longueur de la co-lonne d’eau qui est dans le canal : je dis que l’eau montera et descendra dans ce canal dans les mêmes temps dans les-quels ce pendule oscillera.

(Fig. 51 & 52)

Je mesure la longueur de la colonne d’eau dans le sens des axes du canal et des branches, et je la suppose égale à la somme de ces axes, je néglige la résistance de l’eau qui vient de son frottement contre les branches du canal. Que AB, CD représentent donc la moyenne hauteur de l’eau dans l’une et l’autre branche ; et lorsque l’eau montera, dans la branche KL à la hauteur EF elle descendra dans la branche MN à la hauteur GH. Soit P le corps suspendu, VP le fil auquel il tient, V point de suspension, RPQS la cycloïde que le pendule décrit, P son point le plus bas, PQ un arc égal à la hauteur AE. La force par laquelle le mouvement de l’eau est alternativement accéléré et retardé, est l’excès du poids de l’eau dans l’une ou l’autre branche sur son poids dans la

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 440 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

branche opposée : donc, lorsque l’eau monte à la hauteur EF dans la branche KL, et que dans l’autre branche elle descend en GH, cette for-ce est double du poids de l’eau EABF, et par conséquent elle est au poids de toute l’eau comme AE ou PQ à VP ou PR. Mais la force par laquelle le corps P est accéléré et retardé dans la cycloïde à un lieu quelconque Q est (par le Cor. de la Prop. 51) à son poids total, comme sa distance PQ du lieu le plus bas P, à la longueur PR de la cycloïde. Ainsi les forces motrices de l’eau et du pendule, lorsqu’ils parcourent les espaces égaux AE, PQ, sont comme les poids à mouvoir. Donc, si l’eau et le pendule sont en repos dans le commencement, ces forces les feront mouvoir également dans des temps égaux, et feront que par un mouvement réciproque l’eau et le pendule iront et reviendront dans les mêmes temps. — C.Q.F.D.

Cor. 1. Donc toutes les ascensions et descensions de l’eau sont iso-chrones, soit que le mouvement soit plus prompt ou plus lent.

Cor. 2. Si la longueur de toute la colonne d’eau dans le canal est de 6 1

9 pieds de Paris, l’eau descendra dans une seconde et montera dans une autre seconde ; et ainsi de suite alternativement à l’infini. Car un pendule de 3 1

18 pieds fait une oscillation dans une seconde.

Cor. 3. La longueur de la colonne d’eau étant augmentée ou dimi-nuée, le temps de ses oscillations augmentera ou diminuera en raison sousdoublée de cette longueur.

PROPOSITION XLV. — THÉORÈME XXXVI.

La vitesse des ondes est en raison sousdoublée de leur lar-geur.

C’est ce qui suit de la construction de la Proposition suivante.

PROPOSITION XLVI. — PROBLÈME X.

Trouver la vitesse des ondes.

Il faut prendre un pendule dont la longueur entre le point de sus-pension et le centre d’oscillation soit égale à la largeur des ondes : et dans le même temps dans lequel le pendule achèvera chaque oscilla-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 441 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

tion, les ondes parcourront en avançant un espace presque égal à leur largeur.

(Fig. 53)

J’appelle largeur des ondes l’espace transversal qui est entre leur moindre ou leur plus grande élévation. Que ABCDEF représente une eau stagnante dont la superficie monte et descende par des ondes suc-cessives ; que A, C, E, etc. soient les éminences de ces ondes, et B, D, F etc. les cavités intermédiaires qui les séparent, comme le mouve-ment des ondes se fait par l’ascension et la descension successive de l’eau, de sorte que ses parties A, C, E, etc. qui sont les plus hautes de-viennent ensuite les plus basses ; et que la force motrice qui fait mon-ter les parties les plus basses et descendre les plus hautes, est le poids de l’eau élevée ; cette ascension et cette descension alternatives seront analogues au mouvement d’oscillation de l’eau dans le canal, et elles observeront les mêmes lois par rapport au temps : et par conséquent (par la Prop. 44) si les distances entre les lieux les plus hauts A, C, E, et les plus bas B, D, E des ondes sont égales au double de la longueur du pendule ; les parties les plus hautes A, C, E, deviendront les plus basses dans le temps d’une oscillation, et dans le temps d’une autre oscillation elles redeviendront les plus hautes. Donc il y aura le temps de deux oscillations entre chacune de ces ondes ; c’est-à-dire, que chacune de ces ondes parcourra sa largeur dans le temps que le pendu-le emploiera à faire deux oscillations ; mais dans ce même temps un pendule, dont la longueur serait quadruple et qui par conséquent serait égal à la largeur de ces ondes, serait une oscillation. Donc, etc. — C.Q.F.T.

Cor. 1. Donc les ondes qui ont 3 118 pieds de Paris de largeur en

avançant dans une seconde parcourront leur largeur ; et par consé-quent dans une minute elles parcourront 183 1

3 pieds, et dans une heure 11000 pieds environ.

Cor. 2. Et la vitesse des plus grandes ou des moindres ondes aug-mentera ou diminuera en raison sousdoublée de leur largeur.

Cela est ainsi dans l’hypothèse que toutes les parties de l’eau mon-tent et descendent en ligne droite ; mais cette ascension et cette des-cension se font plutôt par des cercles, ainsi par cette Proposition le temps n’est déterminé qu’à peu près.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 442 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

PROPOSITION XLVII. — THÉORÈME XXXVII.

Des pulsions étant propagées dans un fluide, chacune des particules de ce fluide, qui vont et qui viennent par un mou-vement réciproque très prompt, sont toujours accélérées et retardées suivant les lois des oscillations des pendules.

(Fig. 54 & 55)

Que AB, BC, CD, etc. représentent les distances égales des pul-sions successives ; ABC l’espace dans lequel s’exécutent les mouve-ments de ces pulsions propagées de A vers B ; soient E, F, G trois points physiques du milieu en repos placés sur la ligne AC à des dis-tances égales les uns des autres ; Ee, Ff, Gg les espaces égaux très pe-tits dans lesquels ces points vont et viennent à chaque vibration par un mouvement réciproque ; ε, φ, γ, les lieux quelconques intermédiaires de ces mêmes points ; et EF, FG des petites lignes physiques, ou les parties linéaires du milieu qui font entre ces points et qui sont trans-portées successivement dans les lieux εφ, φγ, et ef, fg. Soit tirée PS égale à la ligne Ee : et soit cette ligne PS partagée en deux parties éga-les au point O, et du centre O et de l’intervalle OP soit décrit le cercle SIPi. Que sa circonférence entière et ses parties représentent le temps entier d’une vibration avec ses parties proportionnelles, en sorte que le temps quelconque PH ou PHSh étant écoulé, si on tire HL ou hl per-pendiculaire sur PS, et qu’on prenne Eε égale à PL ou à Pl, le point physique E se trouvera en ε. Par cette loi un point quelconque E allant de E par ε à e, et revenant ensuite de e par ε à E, achèvera chacune de ses vibrations avec les mêmes degrés de retardation et d’accélération que le pendule qui oscille. Il s’agit donc de prouver que chaque point physique du milieu doit être agité par un tel mouvement. Supposons que le milieu soit mû de cette force par quelque cause et voyons ce qui doit suivre de cette supposition.

(Fig. 54 & 55)

Dans la circonférence PHSh soient pris les arcs égaux HI, IK ou hi, ik, qui aient à la circonférence entière la raison que les droites égales EF, FG ont à l’intervalle entier BC des pulsions. Et ayant abaissé les perpendiculaires IM, KN ou im, kn ; parce que les points E, F, G sont successivement agités par des mouvements semblables, et que pen-dant ce temps ils achèvent leurs vibrations entières composées de

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 443 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

l’aller et du retour pendant que les pulsions se communiquent de B à C ; si PH ou PHSh représente le temps écoulé depuis le commence-ment du mouvement du point E, PI ou PHSi représentera le temps écoulé depuis le commencement du mouvement du point F, et PK ou PHSk, le temps écoulé depuis le commencement du mouvement du point G ; et par conséquent Eε, Fφ, Gγ seront égaux respectivement à PL, PM, PN, ou à Pl, Pm, Pn, le premier dans l’aller, et le second dans le retour de ces points. D’où εγ, ou EG + Gγ – Eε dans l’aller sera égal à EG – LN, et dans le retour à EG + ln. Mais εγ est la largeur ou l’expansion de la partie du milieu EG dans le lieu εγ ; et par consé-quent l’expansion de cette partie dans l’aller est à son expansion moyenne, comme EG – LN à EG ; et dans le retour comme EG + ln ou EG + LN à EG. C’est pourquoi, LN étant à KH comme IM au rayon OP, et KH étant à EG comme la circonférence PHShP à BC, c’est-à-dire, (si on prend V pour le rayon du cercle, dont la circonfé-rence est égale à l’intervalle des pulsions BC) comme OP à V ; et par conséquent LN étant à EG comme IM à V ; l’expansion de la partie EG ou du point physique F dans le lieu εγ est à l’expansion moyenne de cette partie dans son premier lieu EG, comme V – IM à V dans l’aller, et comme V + im à V dans le retour. D’où, la force élastique du point F dans le lieu εγ est à sa force élastique moyenne dans le lieu

EG, comme 1V − IM

à 1V

dans l’aller, mais dans le retour elle est

comme 1V + im

à 1V

. Et par le même raisonnement les forces élasti-

ques des points physiques E et G dans l’aller sont comme 1V − HL

et

1V − KN

à 1V

; et la différence des forces à la force élastique moyenne

du milieu comme HL − KNVV − V × HL − V × KN + HL × KN

à 1V

. C’est-à-

dire, comme HL − KNVV

à 1V

, ou comme HL – KN à V, en supposant (à

cause des limites étroites dans lesquelles se font les vibrations) HL et KN indéfiniment plus petites que la quantité V. Comme cette quantité V est donnée, la différence des forces est comme HL – KN, c’est-à-dire, (à cause des proportionnelles HL – KN à HK, et OM à OI ou OP, et des données HK et OP) comme OM ; ou, ce qui revient au même, si

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 444 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

Ff est coupée en deux également en Ω, comme Ωφ. Et, par le même argument, la différence des forces élastiques des points physiques ε et γ dans le retour de la petite ligne physique εγ est comme Ωφ. Mais cette différence, (c’est-à-dire, l’excès de la force élastique du point ε sur la force élastique du point γ) est la force par laquelle la petite ligne physique εγ du milieu, laquelle est entre deux, est accélérée dans l’aller et retardée dans le retour ; et par conséquent, la force accéléra-trice de la petite ligne physique εγ est comme sa distance au point de milieu Ω de la vibration. Donc le temps est exprimé exactement par l’arc PI. (Selon la Prop. 38 du Livre I) Et la partie linéaire εγ du mi-lieu se mouvra selon la loi prescrite, c’est-à-dire, selon les lois des pendules oscillants : il en est de même de toutes les parties linéaires dont le milieu entier est composé. — C.Q.F.D.

Cor. Il est clair de là, que le nombre des pulsions propagées est le même que le nombre des vibrations du corps vibrant, et qu’il n’augmente point dans leur progrès. Car la petite ligne physique εγ, dans le moment qu’elle reviendra à son premier lieu, sera en repos ; et elle ne se mouvra point ensuite, à moins que le choc du corps vibrant ou celui des pulsions qui se propagent depuis ce corps, ne lui commu-nique un nouveau mouvement. Elle sera donc en repos dans le mo-ment que les pulsions qui viennent du corps vibrant cesseront d’être propagées.

PROPOSITION XLVIII. — THÉORÈME XXXVIII.

Les vitesses des pulsions qui se propagent dans un milieu élastique sont en raison composée de la raison sousdoublée de la force élastique directement, et de la raison sousdou-blée de la densité inversement ; en supposant la force élas-tique du fluide proportionnelle à sa condensation.

Cas 1. Si les milieux sont homogènes, et que les distances des pul-sions soient égales entre elles dans ces milieux, mais que le mouve-ment soit plus grand dans un des milieux : les contractions et les dila-tations des parties analogues seront comme ces mêmes mouvements. Mais cette proportion n’est pas exacte ; cependant si les contractions et les dilatations sont très grandes, elle ne sera pas loin de l’être et on pourra la prendre physiquement pour telle. Mais les forces élastiques motrices sont comme les contractions et les dilatations ; et les vitesses

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 445 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

des parties égales qui ont été produites en même temps sont comme les forces. Donc les parties égales et correspondantes des pulsions cor-respondantes achèvent ensemble leur aller et leur retour dans des es-paces proportionnels aux contractions et aux dilatations, et cela avec des vitesses qui sont comme ces espaces : et par conséquent les pul-sions, qui dans le temps de l’aller et du retour parcourent en avançant leur largeur entière, et qui succèdent toujours à la place des pulsions précédentes avancent avec une vitesse égale dans l’un et l’autre milieu à cause de l’égalité des distances.

Cas 2. Si les distances ou les longueurs des pulsions sont plus grandes dans un milieu que dans l’autre, supposons que les parties correspondantes décrivent des espaces proportionnels aux largeurs des pulsions à chaque fois qu’elles vont et qu’elles viennent : alors leurs contractions ainsi que leurs dilatations seront égales. Donc si les mi-lieux sont homogènes, les forces motrices élastiques qui les agitent d’un mouvement réciproque seront aussi égales. Mais la matière que ces forces doivent mouvoir est comme la largeur des pulsions : et l’espace dans lequel elles doivent achever leur aller et leur retour est dans la même raison. Le temps d’un aller et d’un retour est donc en raison composée de la raison sousdoublée de la matière et de la raison sousdoublée de l’espace, et par conséquent il est comme l’espace. Mais les pulsions pendant les temps d’un aller et d’un retour parcou-rent leurs largeurs, c’est-à-dire, des espaces proportionnels aux temps ; donc leurs vitesses sont égales.

Cas 3. Donc dans les milieux dont la force élastique et la densité sont les mêmes, toutes les pulsions ont la même vitesse. Et si on aug-mente ou la densité ou la force élastique du milieu, comme la force motrice augmente en raison de la force élastique, et la matière qu’il faut mouvoir en raison de la densité ; le temps dans lequel les mêmes mouvements s’exécuteront comme auparavant, augmentera en raison sousdoublée de la densité, et diminuera en raison sousdoublée de la force élastique. Et par conséquent la vitesse des pulsions sera en rai-son composée de la raison sousdoublée de la densité du milieu inver-sement, et de la raison sousdoublée de la force élastique directement. — C.Q.F.D.

Cette Proposition deviendra encore plus évidente par la construc-tion de la Proposition suivante.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 446 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

PROPOSITION XLIX. — PROBLÈME XI.

La densité et la force élastique du milieu étant données, trouver la vitesse des pulsions.

(Fig. 54 & 55)

Supposons que le milieu soit comprimé comme notre air par un poids qui incombe dessus ; et que A soit la hauteur du milieu homogè-ne dont le poids est égal au poids incombant, et dont la densité soit la même que celle du milieu comprimé dans lequel les pulsions sont propagées. Qu’on suppose un pendule, dont la longueur entre le point de suspension et le centre d’oscillation soit A : et dans le temps que ce pendule emploiera à faire une oscillation entière composée de l’aller et du retour, la pulsion en avançant parcourra un espace égal à la cir-conférence du cercle dont le rayon est A.

Car les constructions de la Proposition 47. étant conservées, si une ligne physique quelconque EF, en décrivant à chaque vibration un es-pace PS, est pressée dans les extrémités P et S de son aller et de son retour par une force élastique égale à son poids ; elle achèvera chacu-ne de ses vibrations dans le temps dans lequel cette même ligne pour-rait osciller dans une cycloïde dont le périmètre serait égal à toute la longueur PS : et cela parce que des forces égales doivent faire parcou-rir dans le même temps à des corpuscules égaux des espaces égaux. C’est pourquoi comme les temps des oscillations sont en raison sous-doublée de la longueur des pendules, et que la longueur du pendule est égale à la moitié de l’arc de la cycloïde entière ; le temps d’une vibra-tion sera au temps de l’oscillation du pendule dont la longueur est A, en raison sousdoublée de la longueur PS ou PO à la longueur A. Mais la force élastique qui presse la petite ligne physique EG lorsqu’elle est dans les extrémités P et S, était (dans la démonstration de la Prop. 47) à la force élastique entière, comme HL – KN à V, c’est-à-dire, (lorsque le point K tombe sur P) comme HK à V : et cette force entière, c’est-à-dire, le poids incombant par lequel la petite ligne EG est comprimée, est au poids de cette petite ligne comme la hauteur A du poids incom-bant est à la longueur EG de la petite ligne ; donc, la force par laquelle la petite ligne, EG est pressée dans les lieux P et S, est au poids de cet-te petite ligne, comme HK × A à V × EG, ou comme PO × A à VV, car HK était à EG comme PO à V. Ainsi, comme les temps, dans les-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 447 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

quels les corps égaux sont poussés dans des espaces égaux, sont réci-proquement en raison sousdoublée des forces, le temps d’une vibra-tion produite par la pression de la force élastique sera au temps d’une vibration produite par la force du poids, en raison sous-doublée de VV à PO × A, et ce temps est par conséquent au temps de l’oscillation du pendule dont la longueur est A, en raison sous-doublée de VV à PO × A et en raison sousdoublée de PO à A conjointement, c’est-à-dire, dans la raison entière de V à A. Mais dans le temps d’une vibration entière composée de l’aller et du retour, la pulsion, en avançant, par-court sa largeur entière BC. Donc le temps dans lequel la pulsion par-court l’espace BC, est au temps d’une oscillation entière, composée de l’aller et du retour, comme V est à A, c’est-à-dire, comme BC est à la circonférence du cercle dont le rayon est A. Donc le temps dans lequel la pulsion parcourra l’espace BC, est dans la même raison au temps dans lequel elle parcourra la longueur égale à cette circonférence ; donc, dans le temps d’une telle oscillation, la pulsion parcourra une longueur égale à cette circonférence. — C.Q.F.D.

Cor. 1. La vitesse des pulsions est celle que les graves acquièrent en tombant d’un mouvement également accéléré, et en parcourant dans leur chute la moitié de la hauteur A. Car dans le temps de cette chute la pulsion parcourra avec la vitesse qu’un corps aurait acquise en tombant un espace qui sera égal à toute la hauteur A, donc dans le temps d’une oscillation entière composée de l’aller et du retour, elle parcourra un espace égal à la circonférence du cercle dont le rayon est A : donc le temps de la chute est au temps de l’oscillation comme le rayon du cercle est à sa circonférence.

Cor. 2. Ainsi, cette hauteur A étant directement comme la force élastique du fluide, et inversement comme sa densité ; la vitesse des pulsions sera en raison composée de la raison sousdoublée de la densi-té inversement, et de la raison sousdoublée de la force élastique direc-tement.

PROPOSITION L. — PROBLÈME XII.

Trouver les distances des pulsions.

Il faut trouver le nombre des vibrations qu’un corps excite par les trémulations dans un temps donné. Et il faut diviser par ce nombre

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l’espace que la pulsion peut parcourir dans le même temps, et le quo-tient sera la largeur d’une pulsion. — C.Q.F.T.

SCHOLIE.

Ces dernières Propositions peuvent s’appliquer au mouvement de la lumière et des sons. Car la lumière se propageant en ligne droite ne peut consister dans la seule action. (Selon les Prop. 41 et 42) Et quant aux sons, comme ils viennent des corps sonores ils ne sont en effet (Prop. 43) que les pulsions de l’air propagées, c’est ce qui est confir-mé par les vibrations que les sons excitent dans les corps voisins, sur-tout s’ils sont forts et graves, tels que ceux des tambours. Car les vi-brations les plus promptes et les plus courtes sont celles qui s’excitent le plus difficilement. Or, que les sons, quels qu’ils soient, excitent des vibrations dans les cordes qui sont à l’unisson des corps sonores, c’est ce qui est connu de tout le monde, et ce qui est aussi confirmé par la vitesse du son. Les poids spécifiques de l’eau de pluie et du vif-argent sont l’un à l’autre comme 1 à 13 2

3 environ, et lorsque le mercure est à la hauteur de 30 pouces anglais dans le baromètre, les poids spécifi-ques de l’air et de l’eau de pluie sont alors l’un à l’autre comme 1 à 870 environ : donc les poids spécifiques de l’air et du vif-argent sont entre eux comme 1 à 11 890, donc la hauteur du vif-argent étant de 50 pouces dans le baromètre, la hauteur de l’air uniforme, donc le poids peut comprimer notre air d’ici-bas, sera de 356 700 pouces, ou de 29 725 pieds anglais. C’est cette hauteur que nous avons nommée A dans la construction du problème précédent. La circonférence du cer-cle dont le rayon est de 29 725 pieds en a 186 768 et comme on sait qu’un pendule de 39 1

5 pouces fait une oscillation composée de son aller et de son retour en deux secondes, un pendule qui aurait 29 725 pieds ou 356 700 pouces devrait faire une semblable oscillation en 190 1

4 ″ ; donc, pendant ce temps, le son parcourra 186 768 pieds, et 979 pieds en une seconde.

Au reste, dans ce calcul, je n’ai point eu d’égard à l’épaisseur des particules solides de l’air par lesquelles le son se communique en un instant. Car le poids de l’air étant au poids de l’eau comme 1 à 870, et les sels étant presque deux fois plus denses que l’eau ; si on suppose que les particules de l’air sont à peu près de la même densité que les

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particules de l’eau ou des sels, et que la rareté de l’air vienne seule-ment des intervalles qui sont entre ses particules : le diamètre d’une particule d’air sera à l’intervalle entre les centres des particules com-me, 1 à 9 ou 10 à peu près, et à l’intervalle entre les particules comme 1 à 8 ou 9. Et par conséquent, il faut ajouter à 979 pieds que le son doit parcourir en une seconde, selon le calcul précédent, 979

9 pieds ou 109 pieds à peu près, à cause de l’épaisseur des particules de l’air : et alors le son parcourra 1088 pieds environ en une seconde.

Ajoutez à cela, que comme les vapeurs cachées dans l’air ont un autre ressort, et qu’elles sont d’un autre ton, elles participent à peine au mouvement de l’air pur qui propage les sons. Or lorsque ces parties sont en repos, ce mouvement est propagé plus vite par le seul air pur, et cela en raison sousdoublée de la rareté de la matière ; en sorte que si l’atmosphère est composée de dix parties d’air pur et d’une partie de vapeurs, le mouvement des sons sera plus prompt, dans la raison sousdoublée de 11 à 10, c’est-à-dire, à peu près, dans la raison de 21 à 20, que s’il était composé de onze parties d’air pur ; donc la vitesse du mouvement du son ci-devant trouvée doit être augmentée dans cette raison. Ce qui fait que le son doit parcourir 1142 pieds en une se-conde.

Cela, doit être ainsi dans le printemps et dans l’automne, lorsque l’air est raréfié par une chaleur modérée, et que sa force élastique est sensiblement augmentée. Mais dans l’hiver, où l’air est condensé par le froid, et où sa force élastique est diminuée, le mouvement du son doit être plus lent en raison sousdoublée de la densité de l’air ; et au contraire, dans l’été il doit être plus prompt ; or on sait par expérience que le son parcourt à peu près 1142 pieds de Londres et 1070 pieds de Paris en une seconde.

La vitesse des sons étant connue, on connaîtra les intervalles des vibrations M. Sauveur a trouvé par ses expériences, qu’un tuyau ou-vert, long environ de cinq pieds de Paris, rend un son du même ton que celui d’une corde qui fait cent vibrations en une seconde. Il se fait donc environ 100 vibrations à peu près dans un espace de 1070 pieds de Paris que le son parcourt en une seconde, et par conséquent une vibration occupe un espace d’environ 10 7

10 pieds de Paris, c’est-à-dire, deux fois la longueur du tuyau. D’où il est vraisemblable que les lar-

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geurs des vibrations des sons dans tous les tuyaux ouverts, sont égales au double de la longueur des tuyaux.

De plus, on voit (par le Cor. de la Prop. 47 de ce Livre) pourquoi les sons cessent dans l’instant que les mouvements du corps sonore viennent à cesser. Et pourquoi nous ne les entendons pas plus long-temps lorsque nous sommes éloignés du corps sonore que lorsque nous en sommes très près. On voit aussi, par les principes qu’on a po-sés, pourquoi les sons augmentent dans les porte-voix. Car tout mou-vement réciproque a coutume d’augmenter à chaque réflexion par la même cause qui le produit. Ainsi le mouvement se perd plus tard et se réfléchit plus fortement dans les tubes qui s’opposent à la dilatation du son et par conséquent, il s’augmente par le mouvement nouveau im-primé à chaque réflexion. Ce sont là les principaux phénomènes des sons.

Table des matières

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Planche IX

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 452 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

Table des matières

NEUVIÈME SECTION

Du mouvement circulaire des fluides.

HYPOTHÈSE.

La résistance qui vient du défaut de lubricité des parties d’un fluide doit être, toutes choses égales, proportionnelle à la vitesse avec laquelle les parties de ce fluide peuvent être séparées les unes des autres.

PROPOSITION LI. — THÉORÈME XXXIX.

Si un cylindre solide infiniment long, tourne autour d’un axe donné de position par un mouvement uniforme, dans un fluide homogène et infini, que le fluide soit tourné en rond par cette seule impulsion, et que chaque partie du fluide continue uniformément dans son mouvement, les temps pé-riodiques des parties du fluide seront comme leurs distances de l’axe du cylindre.

(Fig. 56)

Soit AFL un cylindre mû circulairement et uniformément autour de son axe S, et que le fluide soit partagé en un nombre infini d’orbes cylindriques concentriques et solides de la même épaisseur, par des cercles concentriques BGM, CHN, DIO, EKP, etc. Ce fluide étant homogène, les impressions que les orbes contigus seront les unes sur les autres seront (par l’hypothèse) comme leurs translations récipro-ques, et comme les superficies contiguës dans lesquelles se font ces impressions. Si l’impression faite dans quelque orbe est plus forte ou plus faible dans sa partie concave que dans sa partie convexe ; la plus forte impression prévaudra, et elle accélérera ou retardera le mouve-ment de l’orbe, selon qu’elle sera dirigée, eu égard à son mouvement, vers le même côté, ou vers le côté opposé. Donc, pour que chaque or-be persévère uniformément dans son mouvement, les impressions qui viennent de part et d’autre, doivent être égales entre elles et avoir des

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 453 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

directions opposées. Donc, les impressions étant comme les superfi-cies contiguës, et leurs translations réciproques, ces translations seront inversement comme les superficies, c’est-à-dire, inversement comme les distances de ces superficies à l’axe. Mais les différences des mou-vements angulaires autour de l’axe sont comme ces translations divi-sées par les distances, ou comme les translations directement et les distances inversement, c’est-à-dire, en composant ces raisons, inver-sement comme les carrés des distances. Donc, si à chaque partie de la droite infinie SABCDEQ on élève les perpendiculaires Aa, Bb, Cc, Dd, Ee etc. réciproquement proportionnelles aux carrés de ces parties SA, SB, SC, SD, SE, etc. et que par les extrémités des perpendiculaires on imagine une ligne hyperbolique, les sommes de ces différences, c’est-à-dire, tous les mouvements angulaires, seront comme les sommes correspondantes des lignes Aa, Bb, Cc, Dd, Ee etc. c’est-à-dire, en supposant que pour former un milieu uniformément fluide on aug-mente le nombre des orbes et qu’on diminue leur largeur à l’infini, comme les aires hyperboliques AaQ, BbQ, CcQ, DdQ, EeQ etc. ana-logues à ces sommes. Et les temps réciproquement proportionnels à ces mouvements angulaires seront aussi réciproquement proportion-nels à ces aires. Donc, le temps périodique d’une particule quelconque D est réciproquement comme l’aire DdQ, c’est-à-dire, (par la quadra-ture connue des courbes) directement comme la distance SD. — C.Q.F.D.

Cor. 1. De là, les mouvements angulaires des particules d’un fluide sont réciproquement comme leurs distances à l’axe du cylindre, et leurs vitesses absolues sont égales.

Cor. 2. Si un fluide est contenu dans un vase cylindrique d’une longueur infinie, et qu’il contienne un autre cylindre intérieur, que ces deux cylindres tournent autour de leur axe commun, que les temps de leurs révolutions soient comme leur demi-diamètre, et que chacune des parties du fluide continue dans son mouvement, les temps pério-diques de chacune des particules seront comme leurs distances à l’axe des cylindres.

Cor. 3. Si on ôte ou qu’on ajoute à un cylindre et à un fluide mû de cette sorte un mouvement quelconque angulaire commun, comme par ce nouveau mouvement le frottement réciproque des parties du fluide n’est pas altéré, les mouvements de ces parties entre elles ne change-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 454 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

ront pas. Car les translations réciproques des parties dépendent de leur frottement. Donc une partie quelconque conservera son mouvement lorsque ce mouvement sera tel qu’il ne sera pas plus accéléré que re-tardé par le frottement produit dans des parties opposées.

Cor. 4. Donc, si on ôte de ce système entier composé du fluide et des cylindres tout le mouvement angulaire du cylindre extérieur, on aura le mouvement du fluide dans un cylindre en repos.

Cor. 5. Donc, si le fluide et le cylindre extérieur, étant en repos, le cylindre intérieur tourne uniformément ; il communiquera un mouve-ment circulaire au fluide qui l’environne immédiatement, et ce mou-vement se propagera peu à peu dans tout le fluide ; et il ne cessera point d’augmenter jusqu’à ce que chaque partie du fluide ait acquis le mouvement dont on a parlé dans le Cor. 4.

Cor. 6. Comme le fluide fait effort pour propager son mouvement encore plus loin, le cylindre extérieur sera aussi mû circulairement par cet effort, à moins qu’il ne soit fortement retenu ; et son mouvement s’accélérera, jusqu’à ce que les temps périodiques de l’un et l’autre cylindre soient égaux entre eux. Si le cylindre extérieur est fortement retenu, il s’efforcera de retarder le mouvement du fluide ; et à moins que le cylindre intérieur, par quelque mouvement imprimé du dehors, ne conserve ce mouvement, il cessera peu à peu par l’effort du cylin-dre extérieur.

Tout ceci peut s’éprouver dans une eau profonde stagnante.

PROPOSITION LII. — THÉORÈME XL.

Si une sphère solide tourne d’un mouvement uniforme, au-tour d’un axe donné de position, dans un fluide homogène et infini, que le fluide soit mû circulairement par cette seule impulsion ; et que chaque partie de ce fluide continue uni-formément dans son mouvement : les temps périodiques des parties du fluide seront comme les carrés de leurs distances au centre de la sphère.

(Fig. 56)

Cas 1. Soit AFL une sphère mue circulairement d’un mouvement uniforme autour de son axe S, et que le fluide soit partagé en un nom-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 455 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

bre infini d’orbes concentriques de même épaisseur par des cercles concentriques BGM, CHN, DIO, EKP, etc. Supposez que ces orbes soient solides, comme le fluide est homogène, les impressions que les orbes contigus font les unes sur les autres seront (par l’hypothèse) comme leurs translations réciproques, et comme les superficies conti-guës sur lesquelles se font ces impressions. Si l’impression est plus forte ou plus faible dans quelque orbe vers sa partie concave que vers sa partie convexe ; l’impression la plus forte prévaudra, et elle accélé-rera ou retardera la vitesse de l’orbe selon qu’elle sera dirigée du mê-me côté ou d’un côté opposé à la direction de son mouvement. Donc, pour que chaque orbe continue uniformément dans son mouvement, les impulsions de part et d’autre doivent être égales entre elles, et se faire vers des côtés opposés. Ainsi les impressions étant comme les superficies contiguës et comme leurs translations réciproques, ces translations seront inversement comme les superficies, c’est-à-dire, inversement comme les carrés des distances des superficies au centre. Mais les différences des mouvements angulaires autour de l’axe sont comme ces translations divisées par les distances, ou comme ces tran-slations directement et les distances inversement, c’est-à-dire, en composant ces raisons, comme les cubes des distances inversement. C’est pourquoi, si à chacune des parties de la droite infinie SABCDEQ on élève les perpendiculaires Aa, Bb, Cc, Dd, Ee etc. réciproquement proportionnelles aux cubes de ces parties SA, SB, SC, SD, SE, etc. les sommes des différences, c’est-à-dire, les mouvements entiers angulai-res, seront comme les sommes correspondantes des lignes Aa, Bb, Cc, Dd, Ee etc. c’est-à-dire, (si le nombre des orbes augmente et que leur largeur diminue infiniment afin de former un milieu uniformément fluide) comme les aires hyperboliques AaQ, BbQ, CcQ, DdQ, EeQ, etc. analogues à ces sommes. Et les temps périodiques réciproquement proportionnels aux mouvements angulaires seront aussi réciproque-ment proportionnels à ces aires. Donc le temps périodique d’un orbe quelconque DIO est réciproquement comme l’aire DdQ, c’est-à-dire, directement comme le carré de la distance SD. Et c’est ce que j’ai voulu premièrement démontrer.

Cas 2. Du centre de la sphère soit mené un grand nombre de droi-tes infinies lesquelles fassent avec l’axe des angles donnés et qui se surpassent les uns les autres de différences données ; supposez que ces droites, en tournant autour de l’axe, coupent les orbes en un nombre

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 456 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

innombrable d’anneaux, chacun de ces anneaux aura quatre anneaux qui lui seront contigus, un intérieur, un extérieur, et deux autres aux côtés. Un quelconque de ces anneaux, par le frottement intérieur et extérieur, ne peut-être pressé également dans des parties opposées si ce n’est par un mouvement qui se fasse selon la loi du premier cas ; c’est ce qui est clair par la démonstration de ce premier cas. Et par conséquent, la série quelconque d’anneaux, allant en ligne droite à l’infini depuis la sphère, se mouvra selon la loi du premier cas, à moins que le frottement des anneaux latéraux ne s’y oppose. Mais dans le mouvement qui se fait selon cette loi, le frottement des an-neaux latéraux est nul, ainsi il n’empêchera point que le mouvement ne se fasse selon cette loi. Si les anneaux, qui sont également éloignés du centre, tournoient plus vite ou plus lentement vers les pôles que vers l’écliptique ; les plus lents seraient accélérés, et les plus prompts seraient retardés par le frottement mutuel, et par là les temps périodi-ques deviendraient toujours égaux, selon la loi du cas premier. Ce frottement n’empêche donc pas que le mouvement ne se fasse selon la loi du premier cas, et par conséquent, cette loi aura lieu : c’est-à-dire que les temps périodiques de chacun des anneaux seront comme les carrés de leurs distances au centre du globe. Ce que j’avais à démon-trer en second lieu.

Cas 3. Soit à présent un de ces anneaux divisé par des sections transversales en des particules innombrables qui forment une substan-ce absolument et uniformément fluide, comme ces sections n’ont point de rapport à la loi du mouvement circulaire, mais seulement à la constitution du fluide, le mouvement circulaire continuera comme au-paravant. Ainsi les aspérités de tous ces anneaux (lesquels sont suppo-sés très petits) ne changeront point par ces sections, non plus que la force de leurs frottements mutuels ou bien ils changeront également. Ainsi la proportion des causes demeurant la même, la proportion des effets subsistera aussi, c’est-à-dire, la proportion des mouvements et des temps périodiques. — C.Q.F.D.

Cor. 1. De là, les mouvements angulaires des parties du fluide au-tour de l’axe de la sphère, sont réciproquement comme les carrés des distances au centre de la sphère, et les vitesses absolues sont récipro-quement comme ces mêmes carrés divisés par les distances à l’axe.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 457 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

Cor. 2. Si un globe tourne d’un mouvement uniforme, dans un mi-lieu en repos, homogène et infini, autour d’un axe donné de position, il communiquera au fluide un mouvement de tourbillon, et ce mou-vement se continuera peu à peu à l’infini ; et il ne cessera point d’être accéléré dans chaque partie du fluide, jusqu’à ce que les temps pério-diques de chacune de ces parties soient comme les carrés des distan-ces au centre du globe.

Cor. 3. Parce que les parties intérieures du tourbillon, à cause de sa plus grande vitesse, pressent et frottent les extérieures, que par cette action elles leur communiquent perpétuellement du mouvement, et que ces parties extérieures communiquent aussi en même temps la même quantité de mouvement à d’autres parties qui leur sont extérieu-res, et que par là elles conservent toujours leur quantité de mouvement sans aucune variation ; il est clair, que le mouvement se communique sans cesse du centre à la circonférence du tourbillon, et qu’il est ab-sorbé dans l’infinité de cette circonférence. La matière du tourbillon contenue entre deux superficies sphériques quelconques concentri-ques, n’est donc jamais accélérée, parce que tout le mouvement que la matière intérieure reçoit est toujours transféré à la matière extérieure.

Cor. 4. Donc, afin que le mouvement du tourbillon se conserve le même, il faut un principe actif par lequel le globe reçoive toujours la même quantité de mouvement qu’il imprime à la matière du tourbil-lon ; et sans un tel principe, il faut nécessairement que le globe et les parties intérieures du tourbillon, communiquant sans cesse leur mou-vement aux extérieures, et n’en recevant point de nouveau, perdent leur mouvement peu à peu, et qu’ils cessent enfin de tourner.

Cor. 5. Si un autre globe nageait du centre de ce tourbillon, à une certaine distance et que dans le même temps il tournait continuelle-ment, par quelque force, autour d’un axe dont l’inclinaison fut don-née, par ce mouvement le fluide serait forcé de tourner en tourbillon ; et ce nouveau tourbillon très petit commencerait à tourner avec le glo-be autour du centre de l’autre tourbillon, et peu à peu son mouvement se propagerait à l’infini, comme celui du premier tourbillon. Par la même raison qui fait que ce nouveau globe serait emporté par le mou-vement du premier tourbillon, le premier globe serait aussi emporté par le mouvement du second tourbillon, en sorte que ces deux globes tourneraient autour de quelque point intermédiaire, et qu’ils se fui-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 458 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

raient mutuellement par leur mouvement circulaire, à moins qu’ils ne fussent rapprochés par quelque autre force. Ensuite, si les forces continuellement imprimées, par lesquelles ces globes continuent à se mouvoir, venaient à cesser, et que les lois de la mécanique permissent toutes ces suppositions, le mouvement de ces globes diminuerait peu à peu (par la raison indiquée dans les Cor. 3 et 4) et enfin les tourbillons seraient en repos.

Cor. 6. Si plusieurs globes tournent constamment dans des lieux donnés autour d’axes donnés de position, et avec des vitesses déter-minées, il se formera autant de tourbillons à l’infini. Car chacun de ces globes, par la même raison que le mouvement de l’un d’entre eux se propage à l’infini, propagera aussi son mouvement à l’infini, en sorte que chaque partie du fluide infini sera agitée du mouvement qui résulte des actions de tous ces globes. Donc ces tourbillons ne seront pas terminés par des limites certaines, mais ils se mêleront peu à peu les uns les autres ; et les globes par les actions de ces tourbillons les uns sur les autres seront perpétuellement dérangés de leur place, comme on l’a fait voir dans le Cor. précédent ; et par conséquent, ils ne conserveront point entre eux une position fixe, à moins qu’ils ne soient retenus par quelque autre force. Mais les forces qui sont conti-nuellement imprimées à ces globes, et qui conservent leur mouve-ment, venant à cesser, la matière cessera peu à peu de former des tourbillons, et sera à la fin en repos, par la raison assignée dans les Cor. 3 et 4.

Cor. 7. Si un fluide homogène est enfermé dans un vase sphérique, et qu’il ait un mouvement de rotation uniforme autour d’un globe pla-cé dans le centre, que ce globe et ce vase tournent du même côté au-tour du même axe, et que leurs temps périodiques soient comme les carrés de leurs demi-diamètres : les parties du fluide ne continueront pas à se mouvoir sans accélération ni retardation, à moins que leurs temps périodiques ne soient comme les carrés des distances, au centre du tourbillon. Car un tourbillon ne peut subsister par une autre loi.

Cor. 8. Si le vase, le fluide qui est renfermé, et le globe conservent ce mouvement, et que de plus ils tournent d’un mouvement angulaire commun autour d’un axe quelconque donné, comme par ce nouveau mouvement le frottement des parties du fluide entre elles ne change pas, les mouvements de ces parties entre elles ne changeront pas non

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 459 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

plus. Car les translations réciproques des parties dépendent de leur frottement. Ainsi une partie quelconque persévérera, dans le mouve-ment qui est nécessaire pour que le frottement qu’elle éprouve d’un côté ne la retarde pas plus que celui qu’elle éprouve de l’autre ne l’accélère.

Cor. 9. Ainsi si le vase est en repos, et que le mouvement du globe soit donné, le mouvement du fluide le sera aussi. Car concevez un plan qui passe par l’axe du globe, et qui se meuve en un sens contrai-re ; et supposez que la somme du temps de sa révolution et de celle du globe, soit au temps de la révolution du globe, comme le carré du demi diamètre du vase est au carré du demi diamètre du globe : les temps périodiques des parties du fluide seront alors, par rapport à ce plan, comme les carrés de leurs distances au centre du globe.

Cor. 10. Donc si le vase et le globe se meuvent autour d’un même axe ou bien autour de quelque axe différent, avec une vitesse quel-conque donnée, on aura le mouvement du fluide. Car si de tout le sys-tème on ôte le mouvement angulaire du vase, tous les mouvements demeureront les mêmes entre eux comme auparavant, par le Cor. 8 et ces mouvements seront donnés par le Cor. 5.

Cor. 11. Si le vase et le fluide sont en repos, et que le globe tourne d’un mouvement uniforme, le mouvement se communiquera peu à peu à tout le fluide renfermé dans le vase, et le vase sera mû circulai-rement par ce mouvement, à moins qu’il ne soit fortement retenu, et le fluide et le vase ne cesseront point d’être accélérés jusqu’à ce que leurs temps périodiques soient égaux aux temps périodiques du globe. Si le vase est retenu par quelque force, ou bien qu’il tourne par un mouvement constant et uniforme quelconque, le milieu parviendra peu à peu à l’état de mouvement dont on a parlé dans les Cor. 8, 9 et 10 et il ne restera jamais dans aucun autre état. Ensuite, si les forces qui faisaient tourner le globe et le vase avec des mouvements déter-minés cessent d’agir, et que tout le système soit abandonné aux lois de la mécanique ; le globe et le vase agiront l’un sur l’autre par le moyen du fluide, et ils ne cesseront point de se communiquer mutuellement leurs mouvements par le moyen de ce fluide, jusqu’à ce que leurs temps périodiques soient égaux entre eux, et que le système entier tourne tout ensemble comme ferait un corps solide.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 460 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

SCHOLIE.

Dans tout ceci, je suppose le fluide composé d’une matière dont la densité et la fluidité sont uniformes. Dans un tel fluide, un même glo-be avec le même mouvement, et dans le même temps, exciterait des mouvements égaux et semblables, à des distances égales, dans quel-que lieu du fluide qu’il fut placé. La matière par son mouvement cir-culaire fait effort pour s’éloigner de l’axe du tourbillon, et par consé-quent elle presse toute la matière qui est au-delà. Cette pression rend le frottement des parties plus fort, et leur séparation plus difficile ; et elle diminue, par conséquent, la fluidité de la matière. De plus, si les parties du fluide sont plus épaisses dans quelque endroit, la fluidité y sera moindre, à cause de la diminution du nombre des superficies qui séparent ces parties les unes des autres. Je suppose que dans les cas de cette espèce, on supplée par quelque moyen au défaut de fluidité qui vient du manque de lubricité des parties, ou de quelque retardement. Car sans cela, la matière étant plus cohérente dans les lieux où elle est moins fluide, elle se mouvrait plus lentement, et par conséquent elle recevrait le mouvement plus difficilement, et le propagerait plus long-temps que la proportion assignée ci-dessus ne le demande. Si la forme du vase n’est pas sphérique, les particules se mouvront dans des lignes qui ne seront pas circulaires, mais conformes à la figure du vase, et les temps périodiques seront comme les carrés des moyennes distances au centre à peu près. Les mouvements seront plus lents dans les lieux en-tre la circonférence et le centre où les espaces sont plus grands, et ils seront plus prompts dans les lieux où ces espaces seront plus étroits, et cependant les particules qui auront le plus de vitesse n’en tendront pas moins à la circonférence : car quoiqu’elles décrivent des arcs moins courbes, l’effort qu’elles font pour s’éloigner du centre ne sera dimi-nué par cette moindre courbure qu’autant qu’il sera augmenté par l’augmentation de la vitesse. En allant des espaces plus étroits dans ceux qui sont plus larges, elles s’éloigneront un peu plus du centre, et en s’éloignant leur mouvement sera retardé ; ensuite, en repassant des espaces les plus larges dans les plus étroits leur mouvement sera accé-léré, et ainsi chacune de ces particules sera perpétuellement retardée et accélérée tour à tour. Cela, se passera ainsi dans un vase solide. Mais la forme d’un tourbillon dans un fluide infini se connaîtra par le Cor. 6 de cette Proposition.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 461 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

J’ai cherché les propriétés des tourbillons dans cette Proposition, afin de connaître s’il était possible d’expliquer les phénomènes céles-tes par les tourbillons. Il est certain, par les observations, que les temps périodiques des planètes qui tournent autour de Jupiter, sont en raison sesquiplée de leurs distances au centre de cette planète, et la même règle a lieu pour les planètes qui tournent autour du Soleil. Ain-si cette règle étant observée assez exactement par toutes les planètes autant que les observations astronomiques ont pu le faire voir jusqu’à présent, elle est une loi de la nature. Or, si les planètes qui tournent autour de Jupiter et du Soleil étaient transportées par des tourbillons, ces tourbillons devraient aussi observer la même loi en tournant. Mais les temps périodiques des particules des tourbillons sont en raison doublée de leurs distances au centre du mouvement : et cette raison ne peut être diminuée et devenir la raison sesquiplée, à moins que la ma-tière du tourbillon ne soit d’autant plus fluide, qu’elle s’éloigne plus du centre, ou que la résistance, causée par le défaut de lubricité des parties du fluide, n’augmente, par l’augmentation de la vitesse avec laquelle les parties du fluide sont séparées les unes des autres, dans une plus grande raison que celle dans laquelle cette vitesse elle-même augmente. Or l’un et l’autre répugnent à la raison. Car les parties les plus épaisses et les moins fluides iraient à la circonférence, si elles ne pesaient pas vers le centre ; et quoique j’aie supposé pour les démons-trations au commencement de cette section, que la résistance était proportionnelle à la vitesse, il est vraisemblable cependant qu’elle augmente dans une moindre raison que la vitesse. Ce qui étant accor-dé, il est certain que les temps périodiques des parties du tourbillon seront dans une plus grande raison que la raison doublée des distances au centre. Que si les tourbillons (comme c’est l’opinion de quelques-uns) se meuvent plus vite près du centre, et ensuite plus lentement jusqu’à un certain éloignement, et enfin de nouveau plus promptement près de la circonférence ; il est certain qu’ils ne pourront observer ni la raison sesquiplée des distances, ni aucune proportion déterminée. C’est donc aux Philosophes à voir comment ils pourront expliquer cet-te loi de la raison sesquiplée par le moyen des tourbillons.

PROPOSITION LIII. — THÉORÈME XLI.

Les corps, qui sont emportés par des tourbillons et dont les orbites rentrent en elles-mêmes, sont de même densité que

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 462 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

ces tourbillons, et se meuvent selon la même loi que leurs parties, quant à la vitesse et à la direction.

Car si quelque petite partie d’un tourbillon, dont les particules ou les points physiques conservent entre elles une certaine position, est supposée se congeler, comme cette particule ne change, ni quant à sa densité, ni quant à la force imprimée, ni quant à la figure, elle se mou-vra par la même loi qu’auparavant : et réciproquement, si la partie congelée et solide est de même densité que le reste du tourbillon, et qu’elle soit rendue fluide ; elle se mouvra de la même manière qu’auparavant, à moins que ses particules rendues fluides ne se mus-sent entre elles. Négligeant donc ce mouvement des particules entre elles comme ne contribuant en rien au mouvement progressif du tout, le mouvement total sera le même qu’auparavant. Mais ce mouvement sera le même que le mouvement des autres parties du tourbillon éga-lement éloignées du centre, parce que cette particule solide qui est de-venue fluide devient une partie du tourbillon semblable aux autres parties. Donc, si cette partie solide est de la même densité que la ma-tière du tourbillon, elle aura le même mouvement que les parties de ce tourbillon, et sera dans un repos relatif avec la matière ambiante. Si elle est plus dense, alors elle fera plus d’effort pour s’éloigner du cen-tre du tourbillon qu’elle n’en faisait auparavant, ainsi, en surpassant la force du tourbillon par laquelle cette particule était auparavant retenue dans son orbite comme en équilibre, elle s’éloignera du centre, et dé-crira en tournant une spirale, et par conséquent son orbite ne reviendra plus sur elle-même. Et par le même raisonnement, si elle est moins dense, elle s’approchera du centre ; et par conséquent l’orbite que dé-crira cette particule ne reviendra, point sur elle-même, à moins qu’elle ne soit de la même densité que le fluide. Et il a été démontré que dans ce cas elle observerait dans sa révolution la même loi que les parties du fluide également distantes du centre du tourbillon. — C.Q.F.D.

Cor. 1. Donc, un solide qui est emporté par un tourbillon, et qui décrit une orbite qui rentre en elle-même, est dans un repos relatif avec le fluide dans lequel il nage.

Cor. 2. Et si ce tourbillon est d’une densité uniforme, ce corps pourra faire sa révolution à une distance quelconque du centre du tourbillon.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 463 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

SCHOLIE. (Fig. 57)

Il est donc certain que les planètes ne sont point transportées par des tourbillons de matière. Car les planètes qui tournent autour du So-leil, selon l’hypothèse de Copernic, font leurs révolutions dans des ellipses qui ont le Soleil dans un de leurs foyers, et elles parcourent des aires proportionnelles au temps. Mais les parties d’un tourbillon ne peuvent se mouvoir ainsi. Que AD, BE, CF représentent trois orbes décrits autour du Soleil S, dont le plus extérieur CF soit concentrique au Soleil, et que les aphélies des deux intérieurs soient A et B, et leurs périhélies D et E. Le corps qui fait sa révolution dans l’orbe CF, en décrivant des aires proportionnelles au temps, se meut d’un mouve-ment uniforme. Mais le corps qui fait sa révolution dans l’orbe BE, se mouvra plus lentement dans l’aphélie B, et plus vite dans le périhélie E, selon les lois astronomiques ; cependant, selon les lois de la méca-nique, la matière du tourbillon doit se mouvoir plus vite dans l’espace plus étroit entre A et C que dans l’espace plus large entre D et F ; c’est-à-dire, que le corps résolvant ira plus vite dans l’aphélie que dans le périhélie. Ce qui est contraire l’un à l’autre. Ainsi dans le commencement du signe de la Vierge, où Mars commence à être dans son aphélie, la distance entre les orbes de Mars et de Vénus est à la distance de ces mêmes orbes dans le commencement du signe des Poissons comme 3 à 2 à peu près, et par conséquent, la matière du tourbillon entre ces orbes devrait aller plus vite dans le commence-ment des Poissons que dans le commencement de la Vierge dans la raison de 3 à 2. Car plus l’espace par lequel une même quantité de matière passe dans le même temps est étroit, et plus elle doit avoir de vitesse. Donc, si la Terre est emportée par une matière céleste avec laquelle elle soit dans un repos relatif, et qu’elle tourne avec cette ma-tière autour du Soleil, sa vitesse au commencement du signe des Pois-sons doit être à sa vitesse au commencement du Signe de la Vierge en raison sesquilatère. Donc le mouvement diurne apparent du Soleil de-vrait être de 70 minutes plus vite dans le commencement de la Vierge, et plus lent de 48 minutes dans le commencement des Poissons. Or, il est certain, (par les observations) que le mouvement diurne apparent du Soleil est plus vite dans le commencement des Poissons que dans le commencement de la Vierge, et que par conséquent la Terre va plus vite dans le commencement de la Vierge que dans le commencement

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 464 Livre second : Sections VII, VIII et IX.

des Poissons. Ainsi l’hypothèse des tourbillons répugne à tous les phénomènes astronomiques, et paraît plus propre à les troubler qu’à les expliquer. Mais on peut comprendre par ce qui a été dit dans le premier livre comment ces mouvements peuvent s’exécuter sans tour-billons dans des espaces libres. Et cela sera encore mieux expliqué dans le troisième livre.

FIN DU TOME PREMIER

Table des matières

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Isaac Newton

Mathématicien, Physicien, Philosophe anglais

(1643-1727)

Principes mathématiques de la Philosophie naturelle

(Philosophiae Naturalis Principia Mathematica)

Par feue Madame la Marquise du Chastellet Paris, 1759

Livre troisième. Du Système du Monde. (Début) Règles qu’il faut suivre dans l’étude de la Physique.

Phénomènes. Propositions.

Un document produit en version numérique par Jean-Marc Simonet, bénévole, Courriel : [email protected]

Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales"

Site web : http://classiques.uqac.ca/

Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi

Site web : http://bibliotheque.uqac.ca/

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 466 Livre troisième : première partie

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LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALES.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 467 Livre troisième : première partie

Cette édition électronique a été réalisée par Jean-Marc Simonet, ancien pro-fesseur des Universités, bénévole. Courriel : [email protected]

À partir de :

Isaac Newton

Physicien, Mathématicien, Philosophe

anglais

(1643-1727)

Principes mathématiques de la Philosophie naturelle

Par feue Madame la marquise du Chastellet

chez Desaint & Saillant et Lambert, im-primeurs, Paris, 1759,

deux tomes de 437 p. et 379 p.

Polices de caractères utilisées : Pour le texte: Times New Roman, 14 et 12 points. Pour les notes de bas de page : Times New Roman, 10 points. Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2008 pour Macintosh. Mise en page sur papier format : LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’) Édition numérique réalisée le 3 juin 2010 à Chicoutimi, Ville de Saguenay, pro-vince de Québec, Canada

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 468 Livre troisième : première partie

Table des matières

Principes mathématiques de la Philosophie Naturelle.

Du Système du Monde — Livre Troisième.

Règles qu’il faut suivre dans l’étude de la physique. Phénomènes. Propositions. Du mouvement des nœuds de la Lune.

Page 470: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 469 Livre troisième : première partie

Table des matières

DU SYSTÈME DU MONDE

Livre Troisième

J’ai donné dans les Livres précédents les principes de la Philoso-phie naturelle, et je les ai traités plutôt en Mathématicien qu’en Physi-cien, car les vérités mathématiques peuvent servir de base à plusieurs recherches philosophiques, telles que les lois du mouvement et des forces motrices. Et afin de rendre les matières plus intéressantes, j’y ai joint quelques scholies dans lesquels j’ai traité de la densité des corps et de leur résistance, du vide, du mouvement du son et de celui de la lumière ; qui sont à proprement parler, des recherches plus physiques. Il me reste à expliquer par les mêmes principes mathématiques le sys-tème général du Monde.

J’avais d’abord traité l’objet de ce troisième Livre par une Métho-de moins mathématique, afin qu’il puisse être à la portée de plus de personnes. Mais de crainte de donner lieu aux chicanes de ceux qui ne voudraient pas quitter leurs anciens préjugés, parce qu’ils ne senti-raient pas la force des conséquences que je tire de mes principes, faute d’avoir assez médité les Propositions que j’ai données dans les Livres précédents, j’ai rédigé ce Livre en plusieurs Propositions, selon la mé-thode des Mathématiciens, pour ceux qui auront lu les deux premiers

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 470 Livre troisième : première partie

Livres, car c’est pour eux que ce troisième Livre est destiné, et comme il y a dans les deux premiers Livres plusieurs Propositions qui pour-raient arrêter longtemps, même les Mathématiciens, je ne prétends pas exiger qu’ils lisent ces deux premiers Livres entiers ; il leur suffira d’avoir lu attentivement les Définitions, les Lois du Mouvement, et les trois premières Sections du premier Livre, et ils pourront passer ensui-te ce troisième Livre, qui traite du Système du Monde, et avoir soin seulement de consulter les autres Propositions des deux premiers Li-vres lorsqu’ils les trouveront citées et qu’ils en auront besoin.

Table des matières

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 471 Livre troisième : première partie

Table des matières

RÈGLES QU’IL FAUT SUIVRE

DANS L’ÉTUDE DE LA PHYSIQUE

RÈGLE PREMIÈRE.

Il ne faut admettre de causes, que celles qui sont nécessai-res pour expliquer les Phénomènes.

La nature ne fait rien en vain, et ce serait faire des choses inutiles que d’opérer par un plus grand nombre de causes ce qui peut se faire par un plus petit.

RÈGLE II.

Les effets du même genre doivent toujours être attribués, autant qu’il est possible, à la même cause.

Ainsi la respiration de l’homme et celle des bêtes ; la chute d’une pierre en Europe et en Amérique ; la lumière du feu d’ici-bas et celle du Soleil ; la réflexion de la lumière sur la Terre et dans les Planètes, doivent être attribuées respectivement aux mêmes causes.

RÈGLE III.

Les qualités des corps qui ne sont susceptibles ni d’augmentation ni diminution, et qui appartiennent à tous les corps sur lesquels on peut faire des expériences, doivent être regardées comme appartenant à tous les corps en gé-néral.

On ne peut connaître les qualités des corps que par l’expérience, ainsi on doit regarder comme des qualités générales celles qui se trou-vent dans tous les corps, et qui ne peuvent souffrir de diminution, car il est impossible de dépouiller les corps des qualités qu’on ne peut di-minuer. On ne peut pas opposer des rêveries aux expériences, et on ne

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 472 Livre troisième : première partie

doit point abandonner l’analogie de la nature qui est toujours simple et semblable à elle-même.

L’étendue des corps ne se connaît que par les sens, et elle ne se fait pas sentir dans tous les corps : mais comme l’étendue appartient à tous ceux qui tombent sous nos sens, nous affirmons qu’elle appartient à tous les corps en général.

Nous éprouvons que plusieurs corps sont durs : or la dureté du tout vient de la dureté des parties, ainsi nous admettons cette qualité non seulement dans les corps dans lesquels nos sens nous la font éprouver, mais nous en inférons, avec raison, que les particules indivisées de tous les corps doivent être dures.

Nous concluons de la même manière, que tous les corps sont im-pénétrables. Car tous ceux que nous touchons étant impénétrables, nous regardons l’impénétrabilité comme une propriété qui appartient à tous les corps.

Tous les corps que nous connaissons étant mobiles, et doués d’une certaine force (que nous appelions force d’inertie) par laquelle ils per-sévèrent dans le mouvement ou dans le repos, nous concluons que tous les corps en général ont ces propriétés. L’extension, la dureté, l’impénétrabilité, la mobilité, et l’inertie du tout vient donc de l’extension, de la dureté, de l’impénétrabilité, de la mobilité, et de l’inertie des parties : d’où nous concluons que toutes les petites parties de tous les corps sont étendues, dures, impénétrables, mobiles, et douées de la force d’inertie. Et c’est là le fondement de toute la Physi-que.

De plus, nous savons encore par les phénomènes, que les parties contiguës des corps peuvent se séparer, et les Mathématiques font voir que les parties indivisées les plus petites peuvent être distinguées l’une de l’autre par l’esprit. On ignore encore si ces parties distinctes et non divisées, pourraient être séparées par les forces de la nature, mais s’il était certain, par une seule expérience, qu’une des parties, qu’on regarde comme indivisibles, eût souffert quelque division en séparant ou brisant un corps dur quelconque : nous conclurions par cette règle, que non seulement les parties divisées sont séparables, mais que celles qui sont indivisées peuvent se diviser à l’infini.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 473 Livre troisième : première partie

Enfin, puisqu’il est constant par les expériences et par les observa-tions astronomiques, que tous les corps qui sont près de la surface de la Terre pèsent sur la Terre, selon la quantité de leur matière ; que la Lune pèse sur la Terre à raison de sa quantité de matière, que notre mer pèse à son tour sur la Lune, que toutes les planètes pèsent mutuel-lement les unes sur les autres, et que les comètes pèsent aussi sur le Soleil, on peut conclure, suivant cette troisième règle que tous les corps gravitent mutuellement les uns vers les autres. Et ce raisonne-ment en faveur de la gravité universelle des corps, tiré des phénomè-nes, sera plus fort que celui par lequel on conclut leur impénétrabilité ; car nous n’avons aucune expérience ni aucune observation qui nous assure que les corps célestes sont impénétrables. Cependant je n’affirme point que la gravité soit essentielle aux corps. Et je n’entends par la force qui rende dans les corps, que la seule force d’inertie, laquelle est immuable ; au lieu que la gravité diminue lors-qu’on s’éloigne de la Terre.

RÈGLE IV.

Dans la Philosophie expérimentale, les proportions tirées par induction des phénomènes doivent être regardées mal-gré les hypothèses contraires, comme exactement ou à peu près vraies, jusqu’à ce que quelques autres phénomènes les confirment entièrement ou fassent voir qu’elles sont sujettes à des exceptions.

Car une hypothèse ne peut affaiblir les raisonnements fondés sur l’induction tirée de l’expérience.

Table des matières

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 474 Livre troisième : première partie

Table des matières

PHÉNOMÈNES

PHÉNOMÈNE PREMIER.

Les satellites de Jupiter décrivent autour de cette Planète des aires proportionnelles aux temps, et leurs temps pério-diques (en supposant que les étoiles fixes soient en repos) sont en raison sesquiplée de leurs distances au centre de cette Planète.

C’est ce qui est constaté par les observations astronomiques. Car les orbes de ces planètes sont à peu près des cercles concentriques à Jupiter, et leurs mouvements dans ces cercles paraissent uniformes. À l’égard de leurs temps périodiques tous les Astronomes conviennent qu’ils sont en raison sesquiplée des demi-diamètres de leurs orbes, et c’est ce qu’on va voir par la table suivante.

Les élongations des satellites de Jupiter et son diamètre ont été dé-

terminés très exactement par le Docteur Pound avec d’excellents mi-cromètres de la manière suivante.

La plus grande élongation héliocentrique du quatrième satellite au centre de Jupiter fut prise avec un micromètre placé dans un tube de

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 475 Livre troisième : première partie

15 pieds, et elle se trouva de 8′ 16″ environ dans la moyenne distance de Jupiter à la Terre.

Celle du troisième satellite fut prise avec un télescope de 123 pieds armé d’un micromètre, et elle se trouva à la même distance de Jupiter à la Terre, de 4′ 42″. Les plus grandes élongations des autres satellites, à la même distance de Jupiter à la Terre, sont, par les temps périodi-ques, de 2′ 56″ 4 ′ ′ ′ 7 , et de 1′ 51″ ′ ′ ′ 6 .

Le diamètre de Jupiter fut pris souvent avec un micromètre placé dans un télescope de 123 pieds, et ce diamètre étant réduit à la moyenne distance de Jupiter au Soleil ou à la Terre, il se trouva tou-jours avoir moins de 40″, mais jamais moins que 38″, et il en avait souvent 39″. Avec des télescopes moins grands ce diamètre est de 40″ ou de 41″. Car la lumière de Jupiter à cause de l’inégale réfrangibilité des rayons, est un peu dilatée, et cette dilatation a une moindre raison au diamètre de Jupiter dans les grands télescopes qui sont faits avec exactitude, que dans ceux qui sont plus petits ou moins parfaits.

Dans les observations des passages du premier et du troisième sa-tellite sur le disque de Jupiter, par lesquelles on détermina les temps écoulés depuis le commencement de l’entrée sur le disque jusqu’au commencement de la sortie, et depuis l’entrée totale jusqu’à la sortie totale, on employa un télescope de la même longueur. Et le diamètre de Jupiter dans sa moyenne distance à la Terre se trouva, par le passa-ge du premier satellite, de 37 1

8 ″, et par le passage du troisième, de 37 3

8 ″. Mais le temps que l’ombre du premier satellite employa à tra-verser le disque de Jupiter ayant été observé, il donna le diamètre de Jupiter de 37″ environ, dans la moyenne distance de Jupiter à la Terre. Prenant donc environ 37 1

4 ″ pour ce diamètre, les plus grandes élonga-tions du premier, du second, du troisième, et du quatrième satellite mesurées en demi-diamètres de Jupiter sont de 5,965 ; 9,494 ; 15,141 ; et 26,63 ; respectivement.

PHÉNOMÈNE II.

Les satellites de Saturne, décrivent autour de cette Planète des aires proportionnelles aux temps ; et leurs temps pério-diques, (les étoiles fixes étant supposées en repos) sont en raison sesquiplée de leurs distances au centre de Saturne.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 476 Livre troisième : première partie

Les observations de Cassini donnent les distances de ces planètes au centre de Saturne, et leurs temps périodiques, tels qu’ils sont mar-qués dans la table suivante.

Les observations donnent ordinairement pour la plus grande élon-

gation du quatrième satellite au centre de Saturne environ huit demi-diamètres. Mais cette plus grande élongation prise avec un excellent micromètre adapté à un télescope d’Huygens de 123 pieds, a été trou-vée de huit demi-diamètres et 7

10 . Par cette observation et par les temps périodiques, les distances des satellites au centre de Saturne sont en demi-diamètres de son anneau de 2,1 ; 2,69 ; 3,75 ; 8,7 ; et 25,35.

Le diamètre de Saturne, par le même télescope, était au diamètre de son anneau, comme 3 à 7, et le diamètre de l’anneau les 28 et 29 mai de l’année 1719 fut trouvé de 43″, ce qui donne 42″ pour le dia-mètre de l’anneau dans la moyenne distance de Saturne à la Terre, et 18″ pour le diamètre de Saturne. C’est ainsi qu’on les trouve avec les meilleurs et les plus grands télescopes, car dans les grands télescopes, les grandeurs apparentes des corps célestes ont une plus grande pro-portion à la dilatation de la lumière vers les bords de leurs disques, que dans les petits. Si on ôte toute la lumière erratique, le diamètre de Saturne sera à peine de 16″.

PHÉNOMÈNE III.

Les cinq principales planètes, Mercure, Vénus, Mars, Jupi-ter et Saturne enferment le Soleil dans leurs orbes.

Il est prouvé par les phases de Mercure et de Vénus que ces planè-tes tournent autour du Soleil. Lorsque tout leur disque est éclairé elles

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 477 Livre troisième : première partie

sont au-delà du Soleil, quand leur disque est à moitié obscurci elles sont en quadrature avec le Soleil ; et quand elles paraissent en crois-sant elles sont entre le Soleil et nous, et quelquefois elles passent sur son disque sur lequel elles paraissent alors comme des espèces de ta-ches. On est certain que Mars enferme le Soleil dans son orbe, parce que son disque est entièrement éclairé lorsqu’il est prêt d’être en conjonction avec le Soleil, et qu’il est gibbeux dans ses quadratures. La même chose est prouvée pour Saturne et pour Jupiter parce qu’ils nous paraissent toujours entièrement éclairés : et la projection des ombres de leurs satellites sur leur globe prouve que ces planètes em-pruntent leur lumière du Soleil.

PHÉNOMÈNE IV.

Les temps périodiques des cinq principales planètes autour du Soleil, et celui de la Terre autour du Soleil ou du Soleil autour de la Terre, (en supposant les étoiles fixes en repos) sont en raison sesquiplée de leur moyenne distance au So-leil.

Tout le monde sait que cette Proportion a été découverte par Ke-pler. Les temps périodiques et les dimensions des orbites sont les mêmes, soit que le Soleil tourne autour de la Terre, soit que la Terre tourne autour du Soleil. Tous les Astronomes conviennent de la raison dans laquelle sont les temps périodiques. Mais pour les grandeurs des orbites, Kepler et Bouillaut sont ceux qui les ont déterminées avec le plus de soin d’après les observations : et les distances moyennes, qui répondent aux temps périodiques, ne diffèrent pas sensiblement des distances qu’ils ont trouvées, et elles sont pour la plûpart moyennes entre ce que donnent leurs observations, comme on peut le voir dans la table suivante.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 478 Livre troisième : première partie

Il n’y a point de disputes sur les distances de Vénus et de Mercure

au Soleil, car elles sont déterminées par leurs élongations au Soleil. Et les éclipses des satellites de Jupiter ôtent toute espèce de doute sur les distances au Soleil des planètes supérieures. Car par ces éclipses on détermine la position de l’ombre que Jupiter projette, et par-là, on a la longitude héliocentrique de Jupiter. Et les longitudes héliocentriques et géocentriques comparées entre elles déterminent la distance de Ju-piter.

PHÉNOMÈNE V.

Si on prend la Terre pour centre des révolutions des planè-tes principales, les aires qu’elles décrivent ne seront point proportionnelles aux temps ; mais si on regarde le Soleil comme le centre de leurs mouvements, on trouvera alors leurs aires proportionnelles aux temps.

Dans la première de ces suppositions on trouverait que les planètes avancent quelquefois, que quelquefois elles sont stationnaires, et que d’autres fois elles sont rétrogrades : mais dans la seconde elles avan-cent toujours, et cela d’un mouvement à peu près uniforme, qui est cependant un peu plus prompt dans leurs périhélies, et plus lent dans leurs aphélies, de sorte que les aires sont toujours égales en temps égaux. Cette Proposition est très connue des Astronomes, et elle est démontrée surtout avec une grande évidence pour la planète de Jupiter par les éclipses de ses satellites, lesquelles, comme nous avons déjà

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 479 Livre troisième : première partie

dit, déterminent les longitudes héliocentriques de cette planète et ses distances au Soleil.

PHÉNOMÈNE VI.

La Lune décrit autour de la Terre des aires proportionnel-les aux temps.

Cela se prouve par le mouvement angulaire de la Lune, et par son diamètre apparent. Les mouvements de la Lune sont à la vérité un peu troublés par la force du Soleil, mais je néglige dans ces Phénomènes ces petites erreurs insensibles.

Table des matières

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 480 Livre troisième : première partie

Table des matières

PROPOSITIONS

PROPOSITION I. — THÉORÈME I.

Les forces par lesquelles les satellites de Jupiter sont retirés perpétuellement du mouvement rectiligne et retenus dans leurs orbites, tendent au centre de Jupiter et sont en raison réciproque des carrés de leurs distances à ce centre.

La première partie de cette Proposition est prouvée par le Phéno-mène 1 et par la seconde et la troisième Proposition du premier Livre : et la dernière l’est par le premier Phénomène, et par le Cor. 6 de la Prop. 4 du même Livre.

Il en est de même des satellites de Saturne par le Phénomène 2.

PROPOSITION II. — THÉORÈME II.

Les forces par lesquelles les planètes principales sont per-pétuellement retirées du mouvement rectiligne, et retenues dans leurs orbites, tendent au Soleil, et sont réciproquement comme le carré de leurs distances à son centre.

La première partie de cette Proposition se prouve par le Phénomè-ne 5 et par la seconde Proposition du Livre 1. l’autre partie se prouve par le Phénomène 4 et la Prop. 4 du même Livre. Cette seconde partie de la Proposition se démontrerait encore très rigoureusement par la fixité des aphélies. Car pour peu que les planètes s’écartassent de cette loi le mouvement des apsides serait remarquable à chaque révolution, (par le Cor. 1 de la Prop. 45 Liv. 1) et deviendrait très considérable au bout de plusieurs révolutions.

PROPOSITION III. — THÉORÈME III.

La force qui retient la Lune dans son orbite, tend vers la Terre, et est en raison réciproque du carré de la distance des lieux de la Lune au centre de la Terre.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 481 Livre troisième : première partie

La première partie de cette Proposition se prouve par le Phénomè-ne 6 et par les Propositions 2 et 3 du premier Livre, et la dernière par le mouvement très lent de l’apogée lunaire. Car ce mouvement, qui à chaque révolution n’est que de trois degrés et de trois minutes en conséquence, peut être négligé. Or il est clair (par le Cor. 1 de la Prop. 45 Liv. 1) que si on prend le rapport de D à 1 pour exprimer celui de la distance de la Lune du centre de la Terre au demi-diamètre de la Terre ; la force qui produit ce mouvement, sera réciproquement com-me D 4

2432 , c’est-à-dire, en une raison un peu plus grande que la raison

doublée inverse de la distance, mais qui approche plus de 59 34 parties

de la doublée que de la triplée ; et comme la différence de cette force à celle qui serait exactement en raison inverse du carré, vient de l’action du Soleil, (comme je l’expliquerai dans la suite) on peut la négliger ici. L’action du Soleil en tant qu’il détourne la Lune de la Terre, est à peu près comme la distance de la Lune à la Terre ; donc (par ce qui a été dit dans le Cor. 2 de la Prop. 45 du Liv. 1) elle est à la force cen-tripète de la Lune comme 2 à 357,45 à peu près, ou comme 1 à 178 29

40 . Et en négligeant cette petite action du Soleil, la force restante par la-quelle la Lune est retenue dans son orbite, sera réciproquement com-me , ce qui paraîtra clairement en comparant cette force avec la force de la gravité, comme dans la Proposition suivante.

D2

29

Cor. Si la force centripète médiocre par laquelle la Lune est rete-nue dans son orbite est premièrement augmentée dans la raison de 177 40 , à 178 29

40 , et ensuite en raison doublée du demi-diamètre de la Terre à la moyenne distance du centre de la Lune au centre de la Ter-re : on aura la force centripète de la Lune près de la surface de la Ter-re, en supposant que cette force, en descendant vers la surface de la Terre, augmente continuellement en raison doublée inverse de la hau-teur.

PROPOSITION IV. — THÉORÈME IV.

La Lune gravite vers la Terre, et par la force de la gravité elle est continuellement retirée du mouvement rectiligne et retenue dans son orbite.

La moyenne distance de la Lune à la Terre dans les syzygies est, suivant Ptolomée et plusieurs Astronomes, de 59 demi-diamètres de la

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 482 Livre troisième : première partie

Terre, Vendelinus et Huygens la font de 60, Copernic de 60 13, Street

de 60 25 et Tycho de 56 1

2 . Mais Tycho et tous ceux qui suivent ses ta-bles de réfraction, supposent que les réfractions du Soleil et de la Lu-ne sont plus grandes que celles des étoiles fixes, de 4 ou 5 minutes environ, (ce qui est entièrement contraire à ce qu’on connaît de la lu-mière) et par-là ils ont augmenté la parallaxe de la Lune d’autant de minutes, c’est-à-dire, presque de la douzième ou de la quinzième par-tie de toute sa parallaxe.

En corrigeant cette erreur, on trouvera cette distance déterminée par Tycho de 60 1

2 demi-diamètres de la Terre environ, c’est-à-dire, telle à peu près que les autres Astronomes l’avaient trouvée.

Prenons 60 demi-diamètres de la Terre pour la distance moyenne dans les syzygies ; et supposons que la révolution de la Lune autour de la Terre, par rapport aux étoiles fixes, s’achève en 27 jours 7 heu-res 43 minutes, comme les Astronomes l’ont déterminé : enfin pre-nons 123 249 600 pieds de Paris pour la circonférence de la Terre, suivant les mesures prises en France : on aura 15 1

2 pieds de Paris pour l’espace que la Lune parcourait en une minute, si elle était privée de tout autre mouvement et qu’elle descendit vers la Terre par la seule force qui la retient (selon le Cor. de la Prop. 3) dans son orbite : ce qui est aisé à tirer, par le calcul, soit de la Prop. 36 du Liv. 1 ou (ce qui revient au même) du Cor. 9 de la quatrième Proposition du même Li-vre. Car le sinus verse de l’arc que la Lune parcourt en une minute, dans son mouvement moyen, à la distance de 60 demi-diamètres de la Terre, est de 15 1

12 pieds de Paris environ, ou plus exactement de 15 pieds un pouce et 1 4

9 lignes. Or, comme cette force doit augmenter en approchant de la Terre en raison doublée inverse de la distance, et que par conséquent elle doit être 60 × 60 fois plus grande à la surface de la Terre qu’à la distance où est la Lune ; un corps qui tomberait avec cet-te force, devrait parcourir ici-bas dans une minute 60 × 60 × 15 1

12 pieds de Paris, et dans une seconde 15 1

12 pieds de Paris ou plus exac-tement 15 pieds 1 pouce et 1 4

9 lignes. Et c’est en effet l’espace que les corps décrivent dans une seconde en tombant vers la Terre. Car la longueur du pendule qui bat les secondes dans la latitude de Paris, est de 3 pieds de Paris et 8 lignes et demie, selon que M. Huygens l’a dé-terminé ; et la hauteur qu’un corps grave parcourt en tombant pendant

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 483 Livre troisième : première partie

une seconde, est à la demi longueur de ce pendule en raison doublée de la circonférence du cercle à son diamètre (comme M. Huygens l’a aussi déterminé) c’est-à-dire, que cette hauteur est de 15 pieds de Pa-ris 1 pouce et 1 7

9 lignes. Donc la force par laquelle la Lune est retenue dans son orbite, serait égale à la force de la gravité ici-bas, si la Lune était près de la surface de la Terre, donc (selon les Règles 1 et 2) c’est cette même force que nous appelons gravité. Car si cette force était autre que la gravité, les corps en s’approchant de la Terre par ces deux forces réunies descendraient deux fois plus vite, et ils parcouraient en tombant pendant une seconde un espace de 30 1

6 pieds de Paris : ce qui est entièrement contraire à l’expérience.

Ce calcul est fondé sur l’hypothèse que la Terre soit en repos, car si la Terre et la Lune se meuvent autour du Soleil, et qu’elles tournent en même temps autour de leur commun centre de gravité : la distance respective des centres de la Lune et de la Terre sera de 60 1

2 demi-diamètres de la Terre environ, la loi de la gravité demeurant la même ; c’est ce qu’on verra clairement si on veut faire le calcul, lequel ne demande que la Prop. 60 du Livre 1.

SCHOLIE.

On peut rendre la démonstration de cette Proposition plus sensible, par le raisonnement suivant. Si plusieurs Lunes faisaient leurs révolu-tions autour de la Terre, ainsi que dans le système de Jupiter ou de Saturne, leurs temps périodiques, par l’induction, suivraient la loi dé-couverte par Kepler, et par conséquent leurs forces centripètes (Prop. 1 de ce Livre) seraient réciproquement comme les carrés de leurs dis-tances au centre de la Terre. Et si celle de ces Lunes qui serait la plus proche de la Terre était petite, et qu’elle touchât presque le sommet des plus hautes montagnes : la force centripète, par laquelle cette Lune serait retenue dans son orbite, serait, suivant le calcul précédent, à peu près égale à celle des corps graves placés sur le sommet de ces mon-tagnes. De sorte que si cette même petite Lune était privée de tout le mouvement par lequel elle avance dans son orbe, et qu’elle n’eût plus par conséquent de force centrifuge, elle descendrait vers la Terre avec la même vitesse que les corps graves placés au sommet de ces monta-gnes tombent vers la Terre, et cela à cause de l’égalité qui serait entre

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la gravité et la force qui agirait alors sur cette petite Lune. Or si la for-ce par laquelle cette petite Lune descend était autre que la gravité, et que cependant elle pesât sur la Terre comme les corps graves placés au sommet de ces montagnes, cette petite Lune devrait par ces deux forces réunies descendre deux fois plus vite. Donc, puisque ces deux forces, c’est-à-dire, celles des corps graves et celles de ces petites Lu-nes, sont dirigées vers le centre de la Terre, et qu’elles sont égales et semblables entre elles, ces forces sont les mêmes et par conséquent elles doivent avoir (Règles 1 et 2) une même cause. Donc la force, qui retient la Lune dans son orbite, est celle-là même que nous appelons gravité : puisque sans cela cette petite Lune n’aurait point de gravité au sommet de cette montagne, ou bien elle tomberait deux fois plus vite que les graves.

PROPOSITION V. — THÉORÈME V.

Les satellites de Jupiter gravitent vers Jupiter, ceux de Sa-turne vers Saturne, et les planètes principales vers le Soleil, et c’est par la force de leur gravité que ces corps révolvants sont retirés à tout moment de la ligne droite et qu’ils sont retenus dans des orbites curvilignes.

Car les révolutions des satellites de Jupiter autour de Jupiter, celles des satellites de Saturne autour de Saturne, et celles de Mercure, de Vénus et des autres planètes principales autour du Soleil, sont des Phénomènes du même genre que celui de la révolution de la Lune au-tour de la Terre ; et par conséquent, par la seconde Règle, ils doivent dépendre de causes du même genre : surtout puisqu’il est démontré, que les forces dont dépendent ces révolutions tendent au centre de Ju-piter, de Saturne et du Soleil, et qu’en s’éloignant de Jupiter, de Sa-turne et du Soleil, ces forces décroissent dans la même raison, dans laquelle la force de la gravité décroît en s’éloignant de la Terre.

Cor. 1. Toutes les planètes sont donc pesantes. Car personne ne doute que Vénus, Mercure et toutes les autres planètes ne soient des corps du même genre que Jupiter et Saturne. Et comme toute attrac-tion est mutuelle par la troisième loi du mouvement, Jupiter doit gra-viter vers tous ses satellites, Saturne vers tous les siens, la Terre vers la Lune, et le Soleil vers toutes les planètes principales.

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Cor. 2. La gravité vers chaque planète est réciproquement comme le carré de la distance à son centre.

Cor. 3. Par les Cor. 1 et 2 toutes les planètes gravitent les unes vers les autres, ainsi Jupiter et Saturne en s’attirant mutuellement, troublent sensiblement leurs mouvements vers leur conjonction, le Soleil trouble ceux de la Lune, et le Soleil et la Lune ceux de notre mer, comme je l’expliquerai dans la suite.

SCHOLIE.

Nous avons appelé jusqu’ici la force qui retient les corps célestes dans leur orbite force centripète. On a prouvé que cette force est la même que la gravité, ainsi dans la suite nous l’appellerons gravité. Car la cause de cette force centripète, qui retient la Lune dans son or-bite, doit s’étendre à toutes les planètes par les Règles 1, 2 et 4.

PROPOSITION VI. — THÉORÈME VI.

Tous les corps gravitent vers chaque planète, et sur la mê-me planète quelconque leurs poids, à égale distance du cen-tre, sont proportionnels à la quantité de matière que chacun d’eux contient.

Tous les corps descendent vers la Terre dans des temps égaux (en faisant abstraction de l’inégale retardation causée par la petite résis-tance de l’air) c’est ce que plusieurs Philosophes avaient déjà observé, et ce qu’on peut connaître avec précision par l’égalité des temps dans lesquels se font les oscillations des pendules. J’en ai fait l’expérience avec des pendules d’or, d’argent, de plomb, de verre, de sable, de sel commun, de bois, d’eau, et de froment. Pour y réussir, je fis faire deux boîtes de bois rondes et égales, j’en emplis une de bois, et je mis un poids égal d’or dans l’autre, en le plaçant aussi exactement que je le pus dans le point qui répondait au centre d’oscillation de la première boîte. Ces boîtes étaient suspendues à deux fils égaux de 11 pieds chacun, ainsi j’avais par-là deux pendules entièrement pareils quant au poids, à la figure, et à la résistance de l’air. Ces pendules, dont les poids étaient placés à côté l’un de l’autre firent des oscillations qui se suivirent pendant un très long temps. Donc, la quantité de matière de

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 486 Livre troisième : première partie

l’or, était à la quantité de matière du bois (par les Cor. 1 et 6 de la Prop. 24 du Liv. 2) comme l’action de la force motrice sur tout l’or à cette même action sur tout le bois, c’est-à-dire, comme le poids au poids. Il en fut de même dans les autres pendules. Dans ces expérien-ces une différence d’un millième dans la matière des corps de même poids était aisée à apercevoir.

Il n’y a donc aucun doute que la nature de la gravité ne soit la mê-me dans les planètes et sur la Terre. Car supposé que quelque corps terrestre fut élevé jusqu’à l’orbe de la lune, et que la lune et ce corps, étant privés de tout mouvement, fussent abandonnés à leur gravité, et tombassent ensemble vers la Terre ; il est certain, par ce qu’on a déjà dit, que ce corps et la lune parcouraient des espaces égaux en temps égaux, et que par conséquent son poids serait à celui de la lune en même raison que leurs quantités de matière.

De plus, comme les satellites de Jupiter font leurs révolutions au-tour de cette planète dans des temps qui sont en raison sesquiplée de leurs distances à son centre, leurs gravités accélératrices vers Jupiter seront réciproquement comme le carré de leurs distances à son centre, et par conséquent, à égales distances de Jupiter, elles seront égales. Ainsi ils parcourraient des espaces égaux en temps égaux en tombant vers Jupiter de hauteurs égales, comme il arrive aux graves sur notre Terre. Et par le même raisonnement les planètes qui tournent autour du Soleil, étant abandonnées à la force qui les porte vers cet astre, par-couraient en descendant vers lui des espaces égaux en temps égaux s’ils tombaient de hauteurs égales. Or les forces qui accélèrent égale-ment des corps inégaux sont comme ces corps, c’est-à-dire, que les poids des corps sur les planètes sont comme la quantité de matière qu’ils contiennent.

De plus, les poids de Jupiter et de ses satellites sur le Soleil sont proportionnels à leur quantité de matière, c’est ce qui est prouvé (Cor. 3 Prop. 65 Liv. 1) par le mouvement très régulier des satellites de Ju-piter ; car si l’un de ces satellites était plus attiré que les autres vers le Soleil, parce qu’il contient plus de matière, le mouvement des satelli-tes (Cor. 2 Prop. 65 Liv. 1) serait dérangé par cette inégale attraction. Si, à distance égale du Soleil, un de ces satellites était plus pesant sur le Soleil à raison de la quantité de matière que Jupiter à raison de la sienne, dans une raison quelconque donnée, comme, par exemple,

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 487 Livre troisième : première partie

dans la raison de d à e, la distance entre le centre du Soleil et le centre de l’orbe de ce satellite serait toujours plus grande que la distance en-tre le centre du Soleil et le centre de Jupiter à peu près en raison sous-doublée, comme je l’ai trouvé en faisant le calcul. Et si le satellite était moins pesant vers le Soleil dans cette raison de d à e, la distance du centre de l’orbe du satellite au centre du Soleil serait moindre que la distance du centre de Jupiter au centre du Soleil dans cette même raison sous-doublée. Donc, si, à distances égales du Soleil, la gravité accélératrice d’un satellite quelconque vers le Soleil était plus grande ou plus petite que la gravité accélératrice de Jupiter vers le Soleil, seu-lement de la millième partie de la gravité totale ; la distance du centre de l’orbe du satellite au Soleil serait plus ou moins grande que la dis-tance de Jupiter au Soleil de 1

2000 partie de la distance totale, c’est-à-dire, de la cinquième partie de la distance du satellite le plus éloigné du centre de Jupiter, ce qui rendrait cet orbe très sensiblement excen-trique. Mais les orbes des satellites sont concentriques à Jupiter, ainsi les gravités accélératrices de Jupiter et de ses satellites vers le Soleil sont égales entre elles. Par le même raisonnement, les poids de Satur-ne et de ses satellites sur le Soleil sont à des distances égales du So-leil, comme la quantité de matière que chacun d’eux contient : et la lune et la Terre ou ne pèsent point sur le Soleil, ou bien pèsent dans la proportion exacte de leurs masses : or par les Cor. 1 et 3 de la Prop. 5 on voit qu’ils doivent peser.

Ainsi les poids de chacune des parties d’une planète quelconque sur une autre planète sont entre eux comme la quantité de matière que chacune de ces parties contient. Car si quelques unes de ces parties gravitaient plus et d’autres moins que selon leur quantité de matière ; la planète totale graviterait dans une raison plus ou moins grande que celle de sa quantité de matière, suivant la nature des parties dont elle contiendrait une plus grande quantité ; et il n’importe que ces parties fussent extérieures ou intérieures à la planète. Qu’on suppose, par exemple, que les corps d’ici-bas soient élevés jusqu’à l’orbe de la Lu-ne, et qu’on les compare avec le corps de la Lune : si leurs poids étaient aux poids des parties externes de la Lune comme les quantités de matière, et qu’ils fussent aux poids de ses parties internes dans une plus grande ou une moindre raison, ces mêmes corps seraient au poids de la Lune entière dans une plus grande ou une moindre raison : ce qui serait contraire à ce qu’on vient de prouver.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 488 Livre troisième : première partie

Cor. 1. Ainsi, les poids des corps ne dépendent point de leur forme et de leur texture. Car si ces poids varient avec la forme, ils seraient tantôt plus grands, et tantôt moindres, selon les différentes formes, quoique la quantité de matière fut la même : ce qui est entièrement contraire à l’expérience.

Cor. 2. Tous les corps qui sont autour de la Terre pèsent sur la Ter-re, et leurs poids, lorsqu’ils sont également éloignés de son centre, sont comme la quantité de matière que chacun d’eux contient. C’est ce que les expériences ont fait voir dans tous les corps sur lesquels on a pu en faire. Ainsi, par la troisième règle, on doit affirmer la même chose de tous les corps en général. Si l’Ether ou quelque autre corps était entièrement privé de gravité, ou qu’il gravitât dans une moindre raison que celle de sa quantité de matière : comme cette espèce de corps ne serait différente des autres, suivant Aristote, Descartes et d’autres, que par la forme de ses parties, il pourrait arriver, que ces corps, en changeant peu à peu de forme, se changeraient dans l’espèce des corps qui gravitent en raison de leur quantité de matière ; et au contraire les corps graves pourraient perdre par la suite des temps leur gravité en prenant la même forme que les premiers. Ainsi les poids dépendraient des formes et pourraient varier avec elles, contre ce qui a été prouvé dans le Cor. précédent.

Cor. 3. Tous les espaces ne sont pas également pleins. Car s’ils l’étaient, toute matière serait également dense, ainsi la gravité spécifi-que du fluide qui remplirait la région de l’air, ne céderait point à la gravité spécifique du vif argent, de l’or ou de quelque autre corps, quelque dense qu’il fut ; ainsi l’or ni aucun autre corps quelconque ne pourrait descendre dans l’air. Car les corps ne descendent dans les fluides que parce qu’ils sont spécifiquement plus pesants. Or si la quantité de matière peut diminuer par la raréfaction jusqu’à un certain point dans un espace donné, pourquoi ne pourra-t-elle pas diminuer à l’infini ?

Cor. 4. Si les parties solides de tous les corps sont de la même den-sité, et qu’elles ne puissent se raréfier sans pores, il y a du vide. Je dis que les parties ont la même densité lorsque leurs forces d’inertie sont comme leur grandeur.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 489 Livre troisième : première partie

Cor. 5. La force de la gravité est d’un autre genre que la force ma-gnétique. Car l’attraction magnétique n’est point comme la quantité de matière attirée. Certains corps sont plus attirés par l’aimant, d’autres moins : et plusieurs ne le sont point du tout. La force magnétique d’un même corps peut être augmentée ou diminuée, elle est quelquefois beaucoup plus grande par rapport à la quantité de matière que la force de la gravité, elle ne décroît point en s’éloignant de l’aimant en raison doublée de la distance, mais presque en raison triplée, autant que j’ai pu le déterminer par des expériences assez grossières.

PROPOSITION VII. — THÉORÈME VII.

La gravité appartient à tous les corps, et elle est propor-tionnelle à la quantité de matière que chaque corps contient.

On a prouvé ci-dessus que toutes les planètes gravitent mutuelle-ment les unes vers les autres : que la gravité vers une planète quel-conque, considérée à part, est réciproquement comme le carré de la distance au centre de cette planète : et que par conséquent (Prop. 69 Liv. 1 et les Cor.) la gravité dans toutes les planètes est proportionnel-le à leur quantité de matière.

Mais comme toutes les parties d’une planète quelconque A, pèsent sur une autre planète quelconque B, que la gravité d’une partie quel-conque est à la gravité du tout, comme la matière de la partie est à la matière totale, et que, par la troisième loi du mouvement, l’action et la réaction sont toujours égales ; la planète B gravitera à son tour vers toutes les parties de la planète A, et sa gravité vers une partie quel-conque sera à sa gravité vers toute la planète, comme la matière de cette partie à la matière totale. — C.Q.F.D.

Cor. 1. La gravité vers toute une planète, est donc composée de la gravité vers toutes les parties. Nous en avons des exemples dans les attractions magnétiques et électriques. Car l’attraction vers le tout est composée des attractions vers chacune des parties. On verra qu’il en est de même dans la gravité, en supposant que plusieurs petites planè-tes s’unissent en un globe, et forment une grosse planète. Car on conçoit aisément par-là que la force totale doit naître de la force des parties composantes. Si quelqu’un objecte que selon cette loi tous les

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 490 Livre troisième : première partie

corps d’ici bas devraient graviter les uns vers les autres, et que cepen-dant cette gravité mutuelle n’est pas sensible : je répondrai, que cette gravité mutuelle des corps étant à leur gravité vers la Terre, comme la masse de ces corps à la masse de la Terre, elle n’est pas à beaucoup près assez forte pour pouvoir être aperçue.

Cor. 2. La gravité vers chaque particule égale d’un corps, est réci-proquement comme le carré des distances des lieux de ces particules. Ce qui est clair par le Cor. 3 de la Prop. 74 du premier Livre.

PROPOSITION VIII. — THÉORÈME VIII.

Si la matière de deux globes qui gravitent l’un vers l’autre est homogène à égales distances de leurs centres : le poids de l’un de ces globes vers l’autre sera réciproquement comme le carré de la distance qui est entre leurs centres.

Après avoir trouvé que la gravité d’une planète entière est compo-sée de celles de toutes ses parties, et que la force de chaque partie est réciproquement proportionnelle aux carrés des distances : j’ai voulu savoir si cette proportion réciproque doublée était suivie exactement pour la force totale composée de toutes les forces partiales, ou si elle ne l’était qu’à peu près. Car on pourrait croire que cette proportion, qui est assez exactement suivie à de grandes distances, devrait souffrir beaucoup d’altération près de la superficie des planètes, à cause de l’inégalité des distances des parties et de leurs différentes positions. Les Prop. 75 et 76 du premier Livre et leurs Corollaires m’ont fait voir que cette proportion était encore exactement observée dans le cas dont il s’agit.

Cor. 1. Par là on peut trouver les poids des corps sur diverses pla-nètes et les comparer entre eux. Car les poids des corps égaux qui font leurs révolutions dans des cercles autour des planètes sont, par le Cor. 2 de la Prop. 4 du Liv. 1 comme les diamètres de ces cercles directe-ment, et le carré des temps périodiques inversement ; et leurs poids, à la surface de ces planètes, ou à quelques autres distances quelconques de leur centre, sont, par cette présente Proposition, plus grands ou moindres dans la raison doublée inverse des distances. Ainsi, le temps périodique de Vénus autour du Soleil étant de 224 jours et 16 heures 34 , celui du satellite le plus éloigné de Jupiter autour de cette planète

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 491 Livre troisième : première partie

de 16 jours et 16 heures 815 , le temps périodique du satellite d’Huygens

autour de Saturne de 15 jours 22 heures 23 , et celui de la Lune autour

de la Terre de 17 jours 7 heures 43 minutes, j’ai trouvé, en employant ces temps périodiques, et de plus la distance médiocre de Vénus au Soleil, la plus grande élongation héliocentrique du satellite de Jupiter le plus éloigné de cette planète au centre de Jupiter qui est 8′ 16″, celle du satellite d’Huygens au centre de Saturne qui est de 3′ 4″ et celle de la Lune au centre de la Terre qui est de 10′ 33″, qu’à égale distance, les poids des corps égaux vers les centres du Soleil, de Jupiter, de Sa-turne et de la Terre, sont comme 1, 1

1067 , 13021 et 1

169282 respectivement ; à des distances inégales ces poids varient en raison renversée du carré des distances : par exemple, les poids des corps égaux sur le Soleil, Jupiter, Saturne et la Terre aux distances 10 000, 997, 791 et 109 de leurs centres, c’est-à-dire, à leurs superficies, seront comme 10 000, 943, 529 et 435 respectivement. On dira dans la suite ce que les corps pèsent à la surface de la Lune.

Cor. 2. On connaîtra aussi la quantité de matière que contient cha-que planète. Car les quantités de matière dans les planètes sont comme leurs forces attractives à égales distances de leurs centres, c’est-à-dire, que les quantités de matière du Soleil, de Jupiter, de Saturne, et de la Terre sont comme 1, 1

1067 , 13021 et 1

169282 respectivement. Si on trouve la parallaxe du Soleil plus grande ou plus petite que 1 ′ ′ 0 3 ′ ′ ′ 0 , il faudra augmenter ou diminuer la quantité de matière de la Terre en raison triplée.

Cor. 3. On connaîtra aussi les densités des planètes. Car les poids des corps égaux et homogènes aux surfaces des sphères homogènes étant comme leurs diamètres, par la Prop. 71 du Liv. 1 les densités des sphères hétérogènes sont comme ces poids divisés par leurs diamètres. Or on a trouvé que les vrais diamètres du Soleil, de Jupiter, de Satur-ne, et de la Terre, sont l’un à l’autre comme 10 000, 997, 791 et 109, et que les poids sur ces planètes étaient comme 10 000, 943, 529 et 435 respectivement. Donc leurs densités sont comme 100, 94 1

2 , 67, et 400.

La densité de la Terre que ce calcul donne ne dépend point de la parallaxe du Soleil, mais elle est déterminée par la parallaxe de la Lu-ne, ainsi elle l’est exactement.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 492 Livre troisième : première partie

Le Soleil est donc un peu plus dense que Jupiter, Jupiter l’est plus que Saturne, et la Terre l’est quatre fois plus que le Soleil ; ce qu’il faut attribuer à la grande chaleur du Soleil, laquelle raréfie sa matière. La Lune est plus dense que la Terre comme on le verra dans la suite.

Cor. 4. Les planètes sont donc d’autant plus denses, qu’elles sont plus petites, toutes choses égales. Ainsi la force de la gravité à leur surface, approche plus de l’égalité. Les planètes qui sont plus près du Soleil sont aussi plus denses, toutes choses égales, ainsi Jupiter l’est plus que Saturne, et la Terre plus que Jupiter. Les planètes devaient donc être placées à différentes distances du Soleil, afin que chacune, à raison de sa densité, fut plus ou moins échauffée par le Soleil. Si la Terre était placée à l’orbe de Saturne, notre eau serait perpétuellement gelée, et si la Terre était dans l’orbe de Mercure, toute l’eau s’évaporerait dans l’instant. Car la lumière du Soleil, à laquelle la cha-leur est proportionnelle, est sept fois plus dense dans Mercure que sur la Terre : et j’ai éprouvé par le Thermomètre que lorsque la chaleur était sept fois plus forte que celle du Soleil dans notre Été, elle faisait bouillir l’eau dans l’instant. Il n’est pas douteux que la matière de Mercure ne soit proportionnée à la chaleur qu’il éprouve, et que par conséquent elle ne soit plus dense que celle de la Terre ; car plus la matière est dense, plus il faut de chaleur pour produire les mêmes ef-fets.

PROPOSITION IX. — THÉORÈME IX.

La gravité dans l’intérieur des planètes, décroît à peu près en raison des distances au centre.

Si la matière de la planète était d’une densité uniforme, cette Pro-position serait vraie exactement, par la Prop. 73 du Liv. 1. Ainsi la loi de la pesanteur ne peut s’écarter de la proportion des distances que par l’inégalité de la densité.

PROPOSITION X. — THÉORÈME X.

Les mouvements des planètes peuvent se conserver très longtemps dans les espaces célestes.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 493 Livre troisième : première partie

Dans le scholie de la Prop. 40 du Liv. 2 on a fait voir qu’un globe d’eau gelée mû librement dans notre air, perdrait par la résistance de l’air 1

4586 partie de son mouvement en parcourant son demi-diamètre. La même proportion doit avoir lieu à peu près, dans des globes beau-coup plus grands, et qui se mouvraient avec beaucoup plus de vitesse que ceux dont on a parlé alors.

Mais le globe de la Terre est plus dense que s’il était entièrement formé d’eau, ce que je prouve ainsi. Si le globe de la Terre était d’eau, il y aurait des corps qui ayant moins de gravité spécifique surnage-raient et reviendraient d’eux-mêmes à la superficie. Et par cette raison un globe composé de Terre qui serait entièrement entouré d’eau, sur-nagerait en quelque lieu s’il était plus léger que l’eau et cette eau s’amasserait vers le côté opposé. Il en est de même de notre Terre qui est en grande partie entourée par la mer. Si elle n’était pas plus dense que l’eau, elle surnagerait, et selon le degré de la légèreté spécifique elle sortirait en partie de l’eau qui se ramasserait toute dans les régions opposées.

Par le même raisonnement on doit conclure, que les taches du So-leil sont plus légères que la matière du Soleil sur laquelle elles nagent. Et dans la formation d’une planète quelconque qu’on suppose avoir été originairement fluide, la matière la plus pesante doit avoir été au centre. Ainsi comme la Terre est ordinairement à sa surface environ deux fois plus pesante que l’eau, et qu’en fouillant plus avant, elle est trois, quatre, et même cinq fois plus dense : il est vraisemblable qu’il y a environ cinq ou six fois plus de matière dans le globe de la Terre que s’il n’était formé que d’eau, surtout puisqu’on vient de faire, voir que la Terre est environ quatre fois plus dense que Jupiter. Si donc la matière de Jupiter est un peu plus dense que l’eau, il est clair que dans l’espace de trente jours, dans lesquels il parcourt la longueur de 459 de ses demi-diamètres, il ne perdrait que la dixième partie environ de son mouvement dans un milieu qui serait de la même densité que no-tre air. Or comme la résistance des milieux diminue avec leurs poids et leur densité, que l’eau, par exemple, qui est 13 3

5 fois environ moins dense que le vif-argent, résiste 13 3

5 fois moins que ce fluide ; et que l’air qui est 860 fois plus léger que l’eau résiste 860 fois moins : dans les cieux, où le poids du milieu dans lequel les planètes se meuvent diminue à l’infini, la résistance y doit être presque nulle.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 494 Livre troisième : première partie

On a fait voir dans le Scholie de la Prop. 22. Liv. 2. que si on mon-tait à la hauteur de deux cents milles au-dessus de la surface de la Ter-re, la densité de l’air à cette distance, serait à celle de l’air qui nous environne, comme 30 à 0,0000000000003998, ou comme 75 000 000 000 000 à 1 environ. Ainsi la planète de Jupiter, en faisant sa révolution dans un milieu de cette densité, ne perdrait pas en 1 000 000 ans la 1

1000000 partie de son mouvement par la résistance du milieu. Nous ne connaissons que l’air, les exhalaisons et les vapeurs, qui résistent près de la surface de la Terre puisque lorsqu’on les a ôté avec soin du récipient d’une machine pneumatique les corps y tom-bent librement, et sans éprouver aucune résistance sensible ; de sorte que l’or même et une plume très légère étant jetés ensemble tombent avec une vitesse égale, et arrivent en même temps au fond de la ma-chine en tombant de la hauteur de 4, 6 ou 8 pieds. Il est donc clair que les planètes pourront se mouvoir très longtemps sans éprouver de ré-sistance sensible dans les espaces célestes vides d’air et d’exhalaisons.

HYPOTHÈSE PREMIÈRE.

Le centre du système du monde est en repos.

C’est ce dont on convient généralement, les uns seulement préten-dent que la Terre est ce centre, et d’autres que c’est le Soleil. Voyons ce qui résulte de cette hypothèse.

PROPOSITION XL. — THÉORÈME XI.

Le centre commun de gravité du Soleil, de la Terre, et de toutes les planètes, est en repos.

Car ce centre, par le Cor. 4 des Lois, ou sera en repos, ou sera mû uniformément en ligne droite. Mais si ce centre avançait toujours, le centre du monde ne serait donc pas en repos, ce qui est contre l’hypothèse.

PROPOSITION XII. — THÉORÈME XII.

Le Soleil est toujours en mouvement, mais il s’éloigne très peu du centre commun de gravité de toutes les planètes.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 495 Livre troisième : première partie

Car puisque, par le Cor. 2 de la Prop. 8 la matière du Soleil est à la matière de Jupiter comme 1067 à 1, et que la distance de Jupiter au Soleil est au demi-diamètre du Soleil dans une raison un peu plus grande ; le commun centre de gravité du Soleil et de Jupiter tombera dans un point qui sera un peu au-dessus de la surface du Soleil. Par le même raisonnement, la matière du Soleil étant à la matière de Saturne comme 3021 à 1, et la distance de Saturne au Soleil étant au demi-diamètre du Soleil dans une raison un peu moindre : le commun centre de gravité de Saturne et du Soleil tombera dans un point qui sera un peu au-dessus de la surface du Soleil. Et en suivant le même calcul on trouvera que si la Terre et toutes les planètes étaient placées d’un mê-me côté du Soleil, le commun centre de gravité de tous ces astres s’éloignerait à peine du centre du Soleil d’un demi-diamètre de cet astre. Comme dans les autres cas la distance entre le centre du Soleil et le commun centre de gravité est encore moindre, et que ce commun centre de gravité est toujours en repos. Il arrive que le Soleil, selon la différente position des planètes, se meut successivement de tous les côtés, mais il ne s’écarte jamais que très peu du centre commun de gravité.

Cor. Le commun centre de gravité du Soleil, de la Terre, et de tou-tes les planètes, doit donc être regardé comme le centre du monde. Car la Terre, les planètes et le Soleil s’attirant mutuellement, ils sont tou-jours en mouvement par la force de leur gravité en vertu des lois du mouvement : ainsi leurs centres mobiles ne peuvent être pris pour le centre du monde, qui doit être en repos. Si le corps vers lequel la gra-vité entraîne plus fortement tous les autres devait être placé dans ce centre, (comme c’est l’opinion vulgaire) ce privilège appartiendrait au Soleil ; mais comme le Soleil se meut, il faut choisir pour le centre commun un point immobile duquel le centre du Soleil s’éloigne très peu, et duquel il s’éloignerait encore moins, si le Soleil était plus grand et plus dense, car alors il serait mû moins fortement.

PROPOSITION XIII. — THÉORÈME XIII.

Les planètes se meuvent dans des ellipses qui ont un de leurs foyers dans le centre du Soleil, et les aires décrites au-tour de ce centre sont proportionnelles au temps.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 496 Livre troisième : première partie

Nous avons discuté ci-dessus ces mouvements d’après les Phéno-mènes. Les principes des mouvements une fois connus, donnent les mouvements célestes a priori. Ayant donc trouvé que les poids des planètes sur le Soleil sont réciproquement comme le carré de leurs distances à son centre, il est évident, par les Prop. 1 et 11, et par le Cor. 1 de la Prop. 13 du Livre 1, que si le Soleil était en repos, et que les planètes n’agissent point mutuellement les unes sur les autres, tous leurs orbes seraient des ellipses qui auraient le Soleil dans leur foyer commun, et elles décriraient autour de ce foyer des aires proportion-nelles au temps. Or les actions mutuelles des planètes les unes sur les autres sont si faibles qu’elles peuvent être négligées, et, par la Prop. 66 du Liv. 1 elles troublent moins la description de leurs ellipses au-tour du Soleil lorsqu’on suppose cet astre mobile, que si on le faisait immobile.

Cependant l’action de Jupiter sur Saturne ne doit pas être absolu-ment négligée : car la gravité vers Jupiter est à la gravité vers le Soleil (à distances égales) comme 1 à 1067 ; donc, dans la conjonction de Jupiter et de Saturne, la distance de Saturne à Jupiter étant à sa distan-ce au Soleil à peu près comme 4 à 9, la gravité de Saturne vers Jupiter sera à sa gravité vers le Soleil comme 81 à 16 × 1067 ou comme 1 à 211 à peu près. Et de là vient que l’orbe de Saturne est dérangé si sen-siblement dans chaque conjonction avec Jupiter, que les Astronomes s’en aperçoivent. L’excentricité de cette planète est tantôt augmentée et tantôt diminuée selon sa situation dans ses conjonctions ; son aphé-lie avance quelquefois et quelquefois recule, et son mouvement moyen est tour à tour accéléré et retardé. Cependant tout le dérange-ment que l’attraction de Jupiter cause dans le mouvement de Saturne autour du Soleil, excepté dans le mouvement moyen, peut presque s’éviter en supposant le foyer inférieur de son orbite placé dans le cen-tre commun de gravité de Jupiter et du Soleil (par la Prop. 67 du Liv. 1) alors lorsque ce dérangement est le plus grand, il passe à peine deux minutes. Et le plus grand dérangement dans le mouvement moyen surpasse à peine deux minutes par an.

Dans la conjonction de Jupiter et de Saturne les gravités accéléra-trices du Soleil vers Saturne, de Jupiter vers Sarurne et de Jupiter vers

le Soleil sont à peu près comme 16, 81 et 16 × 81× 302125

ou 156 609 :

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 497 Livre troisième : première partie

ainsi la différence des gravités du Soleil et de Jupiter vers Saturne est à la gravité de Jupiter vers le Soleil comme 65 à 156 609, ou comme 1 à 2409. La plus grande force de Saturne pour troubler les mouvements de Jupiter est proportionnelle à cette différence, aussi le dérangement de l’orbe de Jupiter est-il beaucoup moindre que celui de l’orbe de Saturne.

Les dérangements qu’éprouvent les orbes des autres planètes par leurs actions mutuelles sont beaucoup moins considérables si on en excepte l’orbe de la Terre que la Lune dérange sensiblement. Le com-mun centre de gravité de la Terre et de la Lune décrit autour du Soleil une ellipse dont cet astre est le foyer, et donc les aires décrites par ce centre sont proportionnelles au temps : la Terre fait sa révolution au-tour de ce centre commun dans un mois.

PROPOSITION XIV. — THÉORÈME XIV.

L’aphélie et les nœuds des orbites sont en repos.

Les aphélies sont en repos par la Prop. 11 du Liv. 1 et par la pre-mière du même livre les plans des orbes sont aussi immobiles, et par conséquent les nœuds. Il faut avouer cependant que les actions des planètes et des comètes les unes sur les autres, peuvent causer quel-ques inégalités tant dans les aphélies que dans les nœuds, mais ce sont des inégalités assez petites pour qu’il soit permis de les négliger.

Cor. 1. Les étoiles fixes sont aussi en repos, car elles conservent les mêmes positions par rapport aux nœuds et aux aphélies.

Cor. 2. Donc puisque le mouvement annuel de la Terre ne leur cause point de parallaxe sensible, leurs forces attractives ne produisent point d’effets sensibles dans la région de notre système à cause de la distance immense de ces corps. Peut-être les étoiles fixes, qui sont également dispersées dans toutes les parties du ciel, détruisent-elles leurs forces mutuelles par leurs attractions contraires, selon la Prop. 70 du Liv. 1.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 498 Livre troisième : première partie

SCHOLIE.

Comme l’action mutuelle des planètes qui sont le plus près du So-leil, telles que Vénus, Mercure, la Terre et Mars sont presque insensi-bles à cause de la petitesse de ces planètes : leurs nœuds et leurs aphé-lies sont en repos, à l’altération près que peut y apporter l’action de Saturne, de Jupiter et des autres corps placés au-dessus d’elles. En ayant égard à cette altération, on trouve, par la théorie de la gravité, que leurs aphélies se meuvent un peu en conséquence par rapport aux fixes, et cela dans la proportion sesquiplée des distances de ces planè-tes au Soleil. De sorte que si l’aphélie de Mars fait 33′ 20″ en cent ans, en conséquence par rapport aux fixes : les aphélies de la Terre, de Vé-nus, et de Mercure seront dans le même espace de cent ans 17′ 40″, 10′ 53″ et 4′ 16″ respectivement. Mais on ne fait pas attention dans cette Proposition à ces mouvements qui sont presque insensibles.

PROPOSITION XV. — PROBLÈME I.

Trouver les diamètres principaux des orbes.

Il faut les prendre en raison sesquiplée des temps périodiques, par la Prop. 15 du Liv. 1. Ensuite, par la Prop. 60 du Liv. 1. il faut aug-menter le diamètre de chacun des orbes dans la raison qu’il y a entre la masse de la planète ajoutée à celle du Soleil, et la première des deux moyennes proportionnelles entre cette somme et le Soleil.

PROPOSITION XVI. — PROBLÈME II.

Trouver les excentricités et les aphélies des orbes.

Ce Problème se résout par la Prop. 18 du Liv. 1.

PROPOSITION XVII. — THÉORÈME XV.

Les mouvements diurnes des planètes sont uniformes, et la libration de la Lune vient de son mouvement diurne.

Cela est clair par la première loi du mouvement et par le Cor. 22 de la Prop. 66 Liv. 1.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 499 Livre troisième : première partie

Jupiter par rapport aux fixes fait sa révolution diurne en 9h 56′, Mars en 24h 39′, Vénus en 23h environ, la Terre en 23h 56′, le Soleil en 25 jours 1

2 et la Lune en 27 jours 7h 43′, c’est ce que les Phénomènes prouvent. Les taches du Soleil revenant sur son disque dans la même situation au bout de 27 j. 1

2 par rapport à la Terre ; il faut que le Soleil fasse sa révolution par rapport aux fixes en 25 j. 1

2 environ. Et comme le jour de la Lune par la révolution uniforme autour de son axe est d’un mois, sa même face doit regarder toujours la Terre à la différence près qui est produite par l’excentricité de son orbite. C’est là la libra-tion de la Lune en longitude : quant à sa libration en latitude, elle dé-pend de la latitude de la Lune, et de l’inclinaison de son axe au plan de l’écliptique.

Mercator a amplement expliqué la théorie de cette libration de la Lune d’après mes lettres dans son Astronomie publiée au commence-ment de l’année 1676.

Le satellite le plus éloigné de Saturne paraît tourner autour de son axe d’un mouvement semblable, et présenter toujours le même côté à Saturne ; car toutes les fois qu’il approche de la partie orientale de l’orbe de cette planète, on le voit à peine, et souvent il disparaît entiè-rement : ce qui peut venir de ce qu’il présente alors à la Terre une par-tie de son disque dans laquelle il se trouve des taches, comme Cassini l’a remarqué.

Le satellite le plus éloigné de Jupiter paraît tourner aussi de même autour de son axe, car il a, dans la partie de son disque opposée à Jupi-ter, une tache que l’on voit comme si elle était dans le disque même de Jupiter, toutes les fois que ce satellite passe entre Jupiter et nos yeux.

PROPOSITION XVIII. — THÉORÈME XVI.

Les axes des planètes sont plus petits que les rayons de leurs équateurs.

Si les planètes n’avaient point le mouvement journalier de rotation autour de leur axe, elles devraient être sphériques à cause de l’égale gravité de leurs parties. Le mouvement de rotation fait que les parties qui s’éloignent de l’axe font effort pour monter vers l’équateur. Et par

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 500 Livre troisième : première partie

conséquent, si la matière dont elles sont composées était fluide, son élévation vers l’équateur augmenterait le diamètre de ce cercle, et son abaissement vers les Pôles diminuerait l’axe. Aussi les observations astronomiques nous apprennent-elles que dans Jupiter le diamètre qui va d’un pôle à l’autre est plus court que celui qui va de l’Orient à l’Occident. Par le même raisonnement, on verra que si notre Terre n’était pas un peu plus haute à l’équateur qu’aux pôles, les mers s’affaissant vers les pôles, et s’élevant vers l’équateur inonderaient toutes ces régions.

PROPOSITION XIX. — PROBLÈME III.

Trouver la proportion des axes d’une planète.

Norvood, notre compatriote, vers l’année 1635 trouva en mesurant un espace de 905 751 pieds anglais entre Londres et Yorck, et en ob-servant la différence des latitudes de ces deux villes qui est de 2° 28′, que le degré avait 367 196 pieds anglais, c’est-à-dire 57 300 toises de Paris.

Picart en mesurant un arc de 1° 22′ 55″ dans le méridien entre Amiens et Malvoisine, trouva que le degré avait 57 060 toises de Paris, Cassini le père mesura dans le méridien la distance entre la ville de Collioure en Roussillon et l’observatoire de Paris : et son fils ajouta à cette mesure celle de la distance entre l’observatoire de Paris, et la tour de Dunkerque : la distance totale était de 486 156 1

2 toises, et la différence des latitudes des villes de Collioure et de Dunkerque de 8° 31′ 11 1

2 ″, ce qui donne l’arc d’un degré de 57 061 toises de Paris. De ces mesures on conclut la circonférence de la Terre de 123 249 600 pieds de Paris, et son demi-diamètre de 19 615 800 pieds, en suppo-sant que la Terre soit sphérique.

On a vu ci-dessus que dans la latitude de Paris les corps graves en tombant parcourent 15 pieds 1 pouces et 1 7

9 lignes ou 2173 79 lignes en

une seconde. Mais le poids des corps diminue par le poids de l’air qui les environne ; supposons que cette diminution soit la 1

11000e partie du

poids total, le corps en tombant dans le vide parcourrait 2174 lignes en une seconde.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 501 Livre troisième : première partie

Un corps qui circulerait dans un cercle à la distance de 19 615 800 pieds du centre, et qui serait la révolution uniformément en 23h 56′ 4″ sidérales, décrirait un arc de 1433,46 pieds en une seconde, le sinus verse de cet arc est de 0,0523656 pieds ou de 7,54064 lignes. Ainsi la force avec laquelle les graves descendent à la latitude de Paris, est à la force centrifuge des corps sous l’équateur causée par le mouvement de rotation de la Terre, comme 2174 à 7,54064.

La force centrifuge des corps sous l’équateur, est à la force centri-fuge par laquelle les corps tendent à s’éloigner perpendiculairement de la Terre à la latitude de Paris qui est de 48° 50′ 10″ en raison dou-blée du rayon au sinus du complément de cette latitude, c’est-à-dire, comme 7,54054 à 3,267. En ajoutant cette force à la force qui fait des-cendre les graves à la latitude de Paris, la chute des graves produite à cette latitude par la force totale de la gravité sera dans une seconde de 2177,167 lignes ou 15 pieds 1 pouce, 5,267 lignes de Paris. Et la force totale de la gravité dans cette latitude sera à la force centrifuge des corps sous l’équateur comme 2177,267 à 7,54064 ou comme 289 à 1.

(Fig. 1)

Si présentement APBQ représente la Terre non supposée sphérique comme auparavant, mais formée par la révolution d’une ellipse autour de son petit axe PQ, et que ACQqca, soit un canal plein d’eau depuis le pôle Qq jusqu’au centre Cc, et depuis ce centre jusqu’à l’équateur Aa : le poids de l’eau dans la branche ACca du canal, doit être au poids de l’eau dans l’autre branche QCcq comme 289 à 288 à cause que la force centrifuge qui vient du mouvement circulaire soutient et ôte du poids de l’eau une partie sur 289 et que par conséquent les 288 parties d’eau qui sont dans la branche ACca soutiennent les 289 de l’autre.

En suivant la méthode du Cor. 2 de la Prop. 91 du Livre 1, je trou-ve que si la Terre était composée d’une matière homogène, qu’elle fut privée de tout mouvement, et que son axe PQ fut à son diamètre AB comme 100 à 101 : la gravité au lieu Q de la Terre serait à la gravité dans le même lieu Q d’une sphère décrite du centre C et du rayon PC ou QC, comme 126 à 125.

Par le même raisonnement, on trouvera que la gravité dans le lieu A d’un sphéroïde décrit par la révolution de l’ellipse APBQ autour de

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 502 Livre troisième : première partie

son axe AB, est à la gravité au même lieu A dans une sphère décrite du centre C et du rayon AC, comme 125 à 126. De plus la gravité au lieu A de la Terre est moyenne proportionnelle entre les gravités dans ce sphéroïde et dans cette sphère : à cause que la sphère, en diminuant le diamètre PQ dans la raison de 101 à 100, se changerait dans la figure de la Terre ; et que cette figure en diminuant dans la même raison le diamètre perpendiculaire aux deux diamètres AB, PQ, se changerait dans le sphéroïde décrit par la révolution de l’ellipse ABPQ autour de AB ; et dans l’un et l’autre cas, la gravité en A diminuerait dans la même raison à peu près.

Enfin la gravité en A dans la sphère dont le centre est C et le rayon AC, est à la gravité au même lieu A sur la Terre, comme 126 à 125 1

2 , et la gravité au lieu Q dans la sphère dont le centre est C et le rayon QC est à la gravité au lieu A dans la sphère dont le centre est C et le rayon AC, en raison des diamètres, (par la Prop. 72 du Liv. 1) c’est-à-dire, comme 100 à 101. Joignant donc ces trois raisons 126 à 125, 126 à 125 1

2 et 100 à 101, la gravité sur la Terre au lieu Q sera à la gravité sur la Terre au lieu A, comme 126 × 126 × 100 à 125 × 125 1

2 × 101, ou comme 501 à 500.

Or, comme (par le Cor. 3 de la Prop. 91 du Liv. 1) la gravité dans l’un ou l’autre branche ACca ou QCcq du canal est comme la distance des lieux au centre de la Terre ; si ces branches sont séparées en par-ties proportionnelles aux touts par des surfaces transversales et équi-distantes, les poids d’un nombre quelconque de parties de l’une de ces branches, seront aux poids d’autant de parties dans l’autre branche en raison composée des quantités de matière et des forces accélératrices, c’est-à-dire, de la raison de 101 à 100 et de celle de 500 à 501, ou, ce qui revient au même, en raison simple de 505 à 501. Donc, si la force centrifuge d’une partie quelconque de la branche ACca, laquelle vient du mouvement diurne, était au poids de la même partie, comme 4 à 505, en sorte que du poids de cette partie divisée en 505, sa force cen-trifuge en ôtât 4 ; les poids seraient égaux dans l’une et l’autre bran-che, et par conséquent le fluide resterait en équilibre.

Mais la force centrifuge d’une partie quelconque est au poids de cette même partie comme 1 à 289, c’est-à-dire, que la force centrifuge qui devrait être la 4

505e partie du poids n’en est que la 1

289e partie, ainsi

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 503 Livre troisième : première partie

on peut dire, par une simple analogie, si la force centrifuge 4505 fait

que la hauteur de l’eau dans la branche ACca surpasse la hauteur de l’eau dans la branche QCcq d’une centième partie de toute la hauteur : la force centrifuge 1

289 fera que l’excès de la hauteur dans la branche ACca ne sera que 1

229e partie de la hauteur de l’eau dans l’autre bran-

che QCcq. Et le diamètre de la Terre qui passe par ses pôles sera au diamètre de l’équateur comme 229 à 230. Ainsi, comme le demi-diamètre médiocre de la Terre est, selon la mesure de Picart, de 19 615 800 pieds de Paris ou de 3923,16 milles, (suppose que le mille soit de 5000 pieds) la Terre sera plus haute à l’équateur qu’aux pôles de 85 472 pieds, ou de 17 1

10 milles, et sa hauteur à l’équateur sera de 19 658 600 pieds environ, et de 19 573 000 aux pôles.

Si la planète est plus petite ou plus grande que la Terre, mais que sa densité, et le temps périodique de sa révolution diurne soient les mêmes, la proportion de la force centrifuge à la gravité demeurera la même, et par conséquent la proportion entre l’axe et le diamètre de l’équateur sera aussi la même.

Mais si le mouvement diurne est accéléré ou retardé dans une rai-son quelconque, il augmentera ou diminuera la force centrifuge dans la raison doublée de cette raison, et par conséquent la différence des diamètres augmentera ou diminuera dans cette même raison doublée à peu près. Si la densité de la planète augmente ou diminue dans une raison quelconque, la gravité vers cette planète augmentera ou dimi-nuera dans la même raison. Mais la différence des diamètres diminue-ra au contraire en raison de l’augmentation de la gravité ou augmente-ra en raison de la diminution de la gravité. Ainsi comme la Terre fait sa révolution en 23h 56′ et Jupiter en 9h 56′, par rapport aux fixes, et que par conséquent les carrés des temps sont comme 29 à 5, et les densités comme 400 à 94 1

2 : la différence des diamètres de Jupiter se-

ra à son petit diamètre comme 295

× 40094 1

2

× 1229

à 1, ou comme 1 à

9 13 ; à peu près. Le diamètre de Jupiter de l’Orient à l’Occident est

donc à son diamètre entre les pôles comme 10 13 à 9 1

3 à peu près. Donc, puisque son plus grand diamètre est de 37″, son petit diamètre entre ses pôles sera de 33″ 2 ′ ′ ′ 5 et ajoutant 3″ à peu près pour la lumière er-ratique, les diamètres apparents de cette planète seront de 40″ et 36″

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 504 Livre troisième : première partie

2 ′ ′ ′ 5 à peu près : c’est-à-dire, qu’ils seront l’un à l’autre comme 11 16 à

10 16 à peu près. Mais ce rapport ne doit avoir lieu qu’en supposant

toute la matière de Jupiter d’une égale densité ; car si elle était plus dense vers le plan de l’équateur que vers les pôles, ses diamètres pour-raient être l’un à l’autre comme 12 à 11, ou comme 13 à 12, ou même comme 14 à 13. Cassini a observé dans l’année 1691 que le diamètre de Jupiter de l’Orient à l’Occident surpassait son autre diamètre envi-ron d’une de ses quinzièmes parties. Notre compatriote Pound avec un télescope de 123 pieds et un excellent Micromètre, ayant mesuré les diamètres de Jupiter en 1719, les trouva tels qu’ils sont marqués dans la table suivante.

Cette théorie s’accorde avec les Phénomènes ; car l’équateur des

planètes étant beaucoup plus exposé que les autres parties à l’action du Soleil, la matière qui y est, pour ainsi dire, plus cuite doit y être plus dense que vers les pôles.

Que la gravité diminue sous l’équateur par la rotation diurne de no-tre Terre, et que par conséquent elle doive être plus élevée vers l’équateur qu’aux pôles, (si sa matière est d’une densité uniforme) c’est ce qui paraîtra clairement par les expériences des pendules que je vais rapporter dans la Proposition suivante.

PROPOSITION XX. — PROBLÈME IV.

Trouver et comparer entre eux les poids des corps dans les diverses régions de la Terre.

Comme les poids de l’eau renfermée dans les branches inégales du canal ACQqca sont égaux ; et que les poids de ses parties, qui sont proportionnelles aux branches, et situées de même dans leur totalité, sont entre eux comme les poids entiers, et que par conséquent ils sont égaux entre eux ; les poids des parties égales et également situées dans

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 505 Livre troisième : première partie

ces branches, seront réciproquement comme ces branches, c’est-à-dire, comme 230 à 229. Il en est de même de tous les corps quel-conques homogènes égaux, et qui seront situées semblablement dans les branches de ce canal ; leurs poids seront réciproquement comme ces branches, c’est-à-dire, réciproquement comme les distances de ces corps au centre de la Terre. C’est pourquoi, les poids des corps situés dans les parties supérieures de ces canaux, ou à la surface de la Terre, seront entre eux réciproquement comme leur distance à son centre. Par le même raisonnement, les poids, dans quelque région de la Terre que ce soit, sont réciproquement comme les distances des lieux au centre de la Terre ; et par conséquent, en supposant que la Terre soit un sphéroïde, leur proportion est donnée.

On tire de là ce théorème, que l’augmentation du poids, en allant de l’équateur vers les pôles, doit être à peu près comme le sinus verse du double de la latitude, ou, ce qui est la même chose, comme le carré du sinus droit de la latitude. Les arcs des degrés de latitude augmen-tent à peu près dans la même raison dans le méridien. Ainsi la latitude de Paris étant de 48° 50′, celle des lieux situés sous l’équateur de 00° 00′, et celle des lieux situés aux pôles de 90°, les sinus verses des arcs doubles étant par conséquent de 11 334, 00000, et 20 000, pour le rayon de 10 000 ; et la gravité aux pôles étant étant à la gravité sous l’équateur comme 230, à 229, ou, ce qui revient au même, l’excès de la gravité aux pôles étant à la gravité sous l’équateur comme 1 à 229 : on trouvera que l’excès de la gravité dans la latitude de Paris, est à la gravité sous 1 équateur, comme 1 × 11334

20000 à 229, ou comme 5 667 à 2 290 000. Donc les gravités totales dans ces lieux, seront l’une à l’autre comme 2 295 667 à 2 290 000. Or comme les longueurs des pendules qui font leurs oscillations en temps égaux, sont en raison di-recte des gravités, et qu’à la latitude de Paris la longueur du pendule qui bat les secondes est de 3 pieds de Paris 8 1

2 lignes, ou plutôt de 3 pieds 8 5

9 lignes, à cause du poids de l’air : la longueur du pendule sous l’équateur sera moindre que la longueur du pendule synchrone à la latitude de Paris. Et cette différence sera d’une ligne et 87 milliè-mes de lignes. C’est par un semblable calcul qu’on a dressé la table suivante.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 506 Livre troisième : première partie

On voit par cette table que l’inégalité des degrés est si petite, que

dans la géographie on peut supposer la Terre sphérique : surtout si la matière est plus dense vers l’équateur que vers les pôles.

Quelques Astronomes envoyés dans des régions fort éloignées pour faire des observations astronomiques, observèrent que le mou-vement des horloges à pendule était plus lent vers l’équateur que dans nos pays. M. Richer fut le premier qui fit cette observation dans l’île de Cayenne en 1672. En observant au mois d’août le passage des fixes par le méridien, il trouva que sa pendule retardait sur le moyen mou-vement du Soleil, et que la différence par jour était de 2′ 28″. Ensuite ayant fait osciller un pendule simple de sorte que ses vibrations fus-sent isochrones à celles de la pendule qui était excellente, il détermina la longueur du pendule simple, et il répéta les expériences plusieurs

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 507 Livre troisième : première partie

fois chaque semaine pendant 10 mois. Étant ensuite retourné en Fran-ce il compara la longueur de ce pendule avec celle du pendule qui bat les secondes à Paris (lequel avait 3 pieds de Paris et 8 lignes 3

5 ) et il trouva que le pendule sous l’équateur était plus court qu’à Paris d’une ligne et un quart de ligne.

Depuis ce temps, Halley notre compatriote trouva vers l’année 1677 qu’à l’île de Sainte Hélène le mouvement de sa pendule était plus lent qu’à Londres, il n’en détermina pas la différence, mais il rac-courcit son pendule de plus de la huitième partie d’un pouce, c’est-à-dire, d’une ligne et demie. Pour faire cette opération, comme la lon-gueur de la vis vers le bas du pendule n’était pas suffisante, il mit un anneau de bois à la boîte de la vis, et il y suspendit le poids du pendu-le.

Ensuite dans l’année 1682 MM. Varin et Deshayes déterminèrent la longueur du pendule qui bat les secondes à l’Observatoire de Paris, de 3 pieds de Paris 8 lignes et 1

9 , et dans l’île de Gorée ils trouvèrent par la même méthode que la longueur du pendule synchrone était de 3 pieds 6 lignes et 1

9 , ainsi la différence était de deux lignes. La même année, aux îles de la Guadeloupe et de la Martinique, ils trouvèrent la longueur du pendule synchrone de 3 pieds 6 lignes 1

2 .

M. Couplet le fils en 1697 au mois de Juillet, régla sa pendule sur le moyen mouvement du Soleil à l’observatoire de Paris, de sorte que pendant un temps assez long, elle s’accordait parfaitement avec le mouvement du Soleil, et étant à Lisbonne au mois de Novembre sui-vant il trouva que cette même pendule retardait, et que la différence était de 2′ 13″ en 24 heures. Au mois de mars suivant, il trouva, qu’à Paraïbe son horloge retardait sur Paris de 4′ 12″ en 24 heures. Et il assure que le pendule qui battait les secondes à Lisbonne était plus court que celui qui les battait à Paris de 2 lignes 1

2 et que celui qui les battait à Paraïbe était plus court que celui qui les battait à Paris de 3 lignes 2

3 . Il aurait déterminé plus exactement ces différences s’il eût fait celle de Lisbonne de 1 ligne 1

3 et celle de Paraïbe de 2 lignes 59 ,

car ces différences répondent respectivement à 2′ 13″ et à 4′ 12″ qui sont les différences qu’il avait remarquées entre les temps marqués par son horloge, ainsi on ne doit pas beaucoup ajouter de foi à ces ob-servations grossières.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 508 Livre troisième : première partie

Les années suivantes, c’est-à-dire, en 1699 et en 1700 M. Deshayes étant de nouveau en Amérique, détermina la longueur du pendule qui bat les secondes dans les îles de Cayenne et de Grenade un peu moindre de 3 pieds 6 lignes 1

2 . Dans l’île de S. Christophe, il trouva cette longueur de 3 pieds 6 lignes 3

4 . Et dans l’île de S. Domingue de 3 pieds 7 lignes.

En l’année 1704 le P. Feuillée trouva à Portobello en Amérique, la longueur du pendule qui bat les secondes de 3 pieds de Paris, 5 lignes et 7

12 , c’est-à-dire, près de 3 lignes moindre qu’à Paris, mais il dut y avoir de l’erreur dans son observation, car étant allé ensuite à la Mar-tinique, il trouva que la longueur du pendule isochrone n’était que trois pieds de Paris 5 lignes et 10

12e.

Or la latitude méridionale de Paraïbe est de 6° 38′, la latitude sep-tentrionale de Portobello de 9° 33′, et les latitudes septentrionales des îles de Cayenne, de Gorée, de la Guadeloupe, de la Martinique, de Grenade, de S. Christophe, et de S. Domingue, sont respectivement de 4° 55′, 14° 40′, 14° 00′, 14° 44′, 12° 6′, 17° 19′, et de 19° 48′ ; et les excès de la longueur du pendule de Paris sur les longueurs des pendu-les isochrones observées dans ces latitudes, sont un peu plus grands que ne les donne la table des longueurs du pendule calculée ci-dessus. Ainsi la Terre doit être un peu plus élevée à l’équateur que ce calcul ne l’a donné, et sa matière doit être plus dense à son centre que près de la superficie, supposé cependant que la chaleur de la Zone torride n’ait pas un peu augmenté la longueur du pendule.

M. Picart a observé qu’une barre de fer, qui pendant la gelée était longue d’un pied, devenait, étant échauffée par le feu, d’un pied et un quart de ligne. Et M. de la Hire a remarqué depuis, qu’une barre de fer qui avait six pieds pendant l’hiver, devenait de six pieds et 2

3 de ligne lorsqu’elle était exposée au Soleil de l’Été.

Dans le premier cas, la chaleur fut plus grande que dans le second, et dans celui-ci la chaleur fut plus grande que celle des parties exter-nes du corps humain, car les métaux acquièrent une grande chaleur lorsqu’ils sont exposés au Soleil de l’Été. Mais le pendule d’une hor-loge n’est jamais exposé au Soleil de l’Été, et n’atteint même jamais la chaleur des parties externes du corps humain. Ainsi le pendule de l’horloge dont la longueur était de trois pieds, n’a jamais pu devenir

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 509 Livre troisième : première partie

plus long l’Été que l’Hiver, que d’un quart de ligne, et par conséquent on ne peut attribuer les différences qui se trouvent entre les longueurs des pendules isochrones en différentes régions à la différente chaleur des climats. Elle ne peut être attribuée non plus aux erreurs glissées dans les observations des Astronomes français, car quoiqu’elles ne s’accordent pas parfaitement entre elles, cependant les différences sont si petites qu’on peut les négliger. Ces observations s’accordent toutes à donner les pendules isochrones plus courts vers l’équateur qu’à l’observatoire de Paris, et selon toutes ces observations, cette dif-férence n’est pas moindre que d’une ligne et un quart, et elle ne passe pas 2 lignes 2

3 .

Dans les observations de M. Richer à Cayenne, la différence fut d’une ligne et un quart, dans celle de M. Deshayes la différence corri-gée fut d’une ligne et demie, ou d’une ligne trois quarts, dans les au-tres observations qui sont moins exactes elle était environ de deux li-gnes ; et ces différences doivent être attribuées, partie aux erreurs commises dans les observations, partie à la dissemblance des parties internes de la Terre, et à la différente hauteur des montagnes, et partie enfin à la différente température de l’air.

Une barre de fer longue de trois pieds est plus courte en Angleterre l’Hiver que l’Été de la sixième partie d’une ligne, autant que j’en puis juger ; ainsi ôtant cette différence causée par la chaleur, d’une ligne et un quart, qui est la différence trouvée par M. Richer, il restera tou-jours une différence de 1 1

12 ligne, qui approche assez de 1 871000 trouvée

ci-dessus par la théorie. Richer répéta ses observations à la Cayenne toutes les semaines pendant 10 mois, et il compara les longueurs du pendule à Cayenne avec les longueurs du même pendule en France déterminées de même. Les autres observateurs n’avaient point fait leurs observations avec tant de soin et de précaution, si donc on regar-de les observations de M. Richer comme exactes, il s’ensuivra que la Terre doit être plus haute à l’équateur qu’aux pôles de 17 milles envi-ron, comme la théorie précédente l’a donné.

PROPOSITION XXI. — THÉORÈME XVII.

Les points équinoxiaux rétrogradent, et l’axe de la Terre, à chaque révolution annuelle, a une nutation par laquelle il

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 510 Livre troisième : première partie

s’incline deux fois vers l’écliptique et retourne deux fois à sa première position.

C’est ce qui est prouvé par le Cor. 20 de la Prop. 66 du Liv. 1 mais ce mouvement de nutation doit être très faible, et on peut à peine s’en apercevoir.

PROPOSITION XXII. — THÉORÈME XVIII.

Tous les mouvements de la Lune, et toutes ses inégalités sont une suite et se tirent des principes qu’on a posés ci-dessus.

Pendant que les grandes planètes sont portées autour du Soleil, el-les peuvent emporter dans leur révolution d’autres planètes plus peti-tes, qui tournent autour d’elles dans des ellipses dont le foyer est placé dans le centre des grandes planètes, ce qui est clair par la Prop. 65 du Liv. 1. Les mouvements de ces petites planètes doivent être troublés de plusieurs façons par l’action du Soleil qui doit causer des inégalités dans leur mouvement telles qu’on en remarque dans notre Lune ; car dans les syzygies cette planète (selon les Cor. 2, 3, 4 et 5 de la Prop. 66) se meut plus vite et décrit autour de la Terre des aires plus grandes en temps égaux que dans les quadratures, et alors elle parcourt un orbe moins courbe, et approche par conséquent plus près de la Terre, à moins que son mouvement excentrique ne fasse un effet contraire. Car l’excentricité de la Lune est la plus grande (par le Cor. 9 de la Prop. 66) lorsque son apogée est dans les syzygies, et elle est la moindre lorsque l’apogée est dans les quadratures ; de sorte que la Lune va plus vite et est plus près de la Terre dans son périgée ; et elle va plus lentement, et est plus loin de nous dans son apogée, lorsqu’elle est dans les syzygies que lorsqu’elle est dans les quadratures. De plus, l’apogée avance, et les nœuds rétrogradent, mais d’un mouvement inégal ; l’apogée (par les Cor. 7 et 8, de la Prop. 66) avance plus vite dans les syzygies, et rétrograde plus lentement dans ses quadratures, et l’excès du mouvement progressif sur la rétrogradation se fait, pour l’année entière, en conséquence. Mais les nœuds (par le Cor. 2 de la Prop. 66) sont en repos dans leurs syzygies, et rétrogradent très vite dans leurs quadratures. Quant à la plus grande latitude de la Lune, elle est plus grande dans ses quadratures (par le Cor. 10 de la Prop. 66) que dans ses syzygies : et le moyen mouvement est plus lent dans le

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 511 Livre troisième : première partie

périhélie de la Terre (par le Cor. 6 de la Prop. 66) que dans son aphé-lie. Ce sont là les inégalités les plus remarquables que les Astronomes aient observées dans le mouvement de la Lune.

Il y en a encore quelques-unes qui n’avaient pas été observées par les premiers Astronomes, et qui troublent tellement les mouvements lunaires, que jusqu’à présent, on n’avait pu les réduire à aucune règle certaine. Telles sont les vitesses ou les mouvements horaires de l’apogée et des nœuds de la Lune, et leurs équations, ainsi que la dif-férence entre la plus grande excentricité dans les syzygies et la plus petite dans les quadratures, et l’inégalité qu’on appelle variation ; tou-tes ces quantités augmentent et diminuent annuellement (par le Cor. 14 de la Prop. 66) en raison triplée du diamètre apparent du Soleil. De plus, la variation augmente ou diminue à peu près en raison doublée du temps qui s’écoule entre les quadratures (par les Cor. 1. et 2. du Lemme 10 et le Cor. 16 de la Prop. 66 Liv. 1) mais cette inégalité est ordinairement rapportée dans le calcul astronomique à la prosthaphé-rèse de la Lune, et est confondue avec elle.

PROPOSITION XXIII. — PROBLÈME V.

Les inégalités des mouvements des satellites de Jupiter et de Saturne peuvent se déduire des mouvements de la Lune.

On peut déduire des mouvements de notre Lune les mouvements analogues des Lunes ou des satellites de Jupiter, et cela en cette sorte.

Par le Cor. 16. de la Prop. 66. du Liv. 1. le mouvement moyen des nœuds du satellite le plus éloigné de Jupiter est au mouvement moyen des nœuds de notre Lune, en raison composée de la raison doublée du temps périodique de la Terre autour du Soleil, au temps périodique de Jupiter autour du Soleil, et de la raison simple du temps périodique de ce satellite autour de Jupiter au temps périodique de la Lune autour de la Terre, ainsi en cent ans les nœuds du dernier satellite de Jupiter se-ront 8° 24′ en antécédence.

Par le même corollaire, les mouvements moyens des nœuds des sa-tellites intérieurs sont au mouvement des nœuds de ce dernier satellite comme les temps périodiques de ces satellites intérieurs au temps pé-riodique du satellite extérieur, ainsi ils sont donnés.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 512 Livre troisième : première partie

Il suit encore du même Corollaire que le mouvement en consé-quence de l’apside la plus haute d’un satellite est au mouvement de ses nœuds en antécédence, comme le mouvement de l’apogée de notre Lune au mouvement de ses nœuds, et il est par conséquent donné.

Le mouvement de la plus haute apside ainsi trouvé, doit être dimi-nué dans la raison de 5 à 9 ou de 1 à 2 à peu près, pour une raison qu’il n’est pas à propos d’expliquer ici.

Les plus grandes équations des nœuds, et de l’apside la plus haute d’un satellite quelconque sont, à peu près, aux plus grandes équations des nœuds et de l’apside la plus haute de la Lune, respectivement, comme le mouvement des nœuds et de l’apside la plus haute des satel-lites dans le temps d’une révolution des premières équations, au mou-vement des nœuds et de l’apogée de la Lune dans le temps d’une ré-volution des dernières équations.

La variation d’un satellite, telle qu’on l’observerait de Jupiter, est à la variation de la Lune comme sont entre eux les mouvements entiers des nœuds pendant les temps pendant lesquels ce satellite et la Lune font leur révolution autour du Soleil, par le même Cor. Ainsi dans le satellite le plus éloigné de Jupiter elle ne passe pas 5″ 1 ′ ′ ′ 2 .

PROPOSITION XXIV. — THÉORÈME XIX.

Le flux et reflux de la mer sont causés par les actions de la Lune et du Soleil.

Par les Cor. 19 et 20 de la Prop. 66 du premier Livre, on voit que la mer doit s’abaisser et s’élever deux fois chaque jour tant solaire que lunaire, et que la plus grande élévation de l’eau dans les mers libres et profondes, doit suivre le passage de l’astre par le méridien du lieu dans un espace de temps moindre que six heures. C’est en effet ce qui arrive dans la mer Atlantique et d’Éthiopie, et dans tout le trajet qui est entre la France et le Cap de Bonne-Espérance vers l’Orient, ainsi que dans la mer Pacifique sur les rivages du Chili et du Pérou : car dans toutes ces côtes les marées arrivent vers la 2, 3, ou quatrième heure, excepté que dans les lieux où l’eau rencontre beaucoup de sa-bles, la marée retarde jusqu’à la 5, 6 et septième heure, et quelquefois au-delà. Je compte les heures depuis le passage de l’un et de l’autre

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 513 Livre troisième : première partie

astre par le méridien du lieu tant au-dessus qu’au-dessous de l’horizon, et par les heures du jour lunaire j’entends la vingt-quatrième partie du temps que la Lune emploie dans son mouvement diurne apparent à revenir au méridien du lieu.

La plus grande force du Soleil ou de la Lune, pour élever les eaux de la mer, se trouve dans le moment même qu’ils atteignent le méri-dien du lieu. Cette force qu’ils impriment alors à la mer subsiste pen-dant un certain temps, et s’augmente par la force nouvelle qui lui est ensuite imprimée, jusqu’à ce que la mer soit parvenue à la plus grande hauteur, ce qui arrive dans l’espace d’une heure, de deux heures, et le plus souvent dans celui de trois heures environ vers les rivages, ou même dans un temps plus long, si la mer a beaucoup de bancs.

Les deux mouvements que ces deux astres excitent, ne peuvent pas être aperçus chacun à part, mais il s’en compose un mouvement mix-te. Dans la conjonction ou l’opposition de ces astres, leurs actions conspirent et causent le plus grand flux et le plus grand reflux. Dans les quadratures, le Soleil élève l’eau lorsque la Lune l’abaisse, et il l’abaisse lorsque la Lune l’élève ; et la marée étant l’effet de la diffé-rence de ces actions opposées, elle est alors la plus petite. Or comme l’expérience fait voir que la Lune fait plus d’effet sur la mer que le Soleil, la plus grande hauteur de l’eau arrive, à peu près, à la troisième heure lunaire.

Hors des syzygies et des quadratures, la plus grande hauteur de l’eau devrait toujours arriver à la troisième heure lunaire par la seule action de la Lune, et à la troisième heure solaire par la seule action du Soleil ; et par ces actions composées elle arrive à un temps intermé-diaire, mais qui est plus près de la troisième heure lunaire que de la troisième heure solaire ; ainsi dans le passage de la Lune des syzygies aux quadratures, où la troisième heure solaire précède la troisième heure lunaire, la plus grande hauteur de l’eau précède aussi la troisiè-me heure lunaire, et elle la précède d’un intervalle qui est le plus grand un peu après les octants de la Lune ; dans le passage des qua-dratures aux syzygies c’est le contraire, la plus haute marée suit la troisième heure lunaire avec des intervalles égaux à ceux avec les-quels elle l’avait précédée.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 514 Livre troisième : première partie

Telles sont les lois du flux et du reflux dans les mers libres, mais aux embouchures des fleuves, les plus grandes hauteurs de l’eau arri-vent plus tard, toutes choses d’ailleurs égales.

Les effets du Soleil et de la Lune sur la mer dépendent de leurs dis-tances de la Terre ; car dans leurs moindres distances ils sont de plus grands effets, et dans leurs plus grandes distances leurs effets sont moindres, et cela en raison triplée de leurs diamètres apparents. Ainsi le Soleil étant l’hiver dans son périgée, il fait plus d’effet sur la mer, et par conséquent, toutes choses égales, les marées sont un peu plus hau-tes dans les syzygies, et un peu moindres dans les quadratures, en Hi-ver qu’en Été ; et la Lune étant chaque mois dans son périgée, les ma-rées sont plus grandes alors que 15 jours devant ou 15 jours après qu’elle soit dans son apogée. Par ces deux causes il arrive que dans deux syzygies continues les deux plus grandes marées ne se suivent pas exactement.

Les effets du Soleil et de la Lune sur la mer dépendent aussi de la déclinaison de ces astres, ou de leur distance de l’équateur ; car si l’astre était dans le pôle, il attirerait d’une manière constante toutes les parties de l’eau, sans que son action fut augmentée ni diminuée, et par conséquent elle n’exciterait aucun mouvement de réciprocité. Donc ces astres s’éloignant de l’équateur vers le pôle, leurs effets doivent diminuer peu à peu, et par conséquent ils doivent causer de moindres marées dans leurs syzygies solsticiales que dans leurs syzygies équi-noxiales. Dans leurs quadratures solsticiales elles doivent, au contrai-re, être plus grandes que dans leurs quadratures équinoxiales ; parce que les effets de la Lune, qui est alors dans l’équateur, surpassent beaucoup ceux du Soleil : ainsi les plus grandes marées arrivent dans les syzygies, et les moindres dans les quadratures de ces astres, vers les temps de l’équinoxe de l’un et de l’autre, et la plus grande marée dans les syzygies est toujours accompagnée de la plus petite dans les quadratures, comme l’expérience le fait voir.

Le Soleil étant moins éloigné de la Terre en Hiver qu’en Été, les plus grandes et les plus petites marées précèdent plus souvent l’équinoxe du Printemps qu’elles ne le suivent, et elles suivent plus souvent l’équinoxe d’Automne qu’elles ne le précèdent.

(Fig. 2)

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 515 Livre troisième : première partie

Les effets du Soleil et de la Lune sur la mer dépendent encore de la latitude des lieux. Que ApEP représente la Terre couverte de toutes parts par une mer très profonde ; que C soit son centre ; P et p ses pô-les ; AE son équateur ; F un lieu quelconque de la Terre pris hors de l’équateur ; Ff le parallèle de ce lieu ; Dd le parallèle qui lui répond de l’autre côté de l’équateur ; L le lieu où la Lune était trois heures aupa-ravant ; H le lieu de la Terre qui y répond perpendiculairement ; h le lieu opposé à celui-là ; K, k les lieux qui en sont distants de 90° ; CH, Ch les plus grandes hauteurs de la mer mesurées du centre de la Ter-re ; et CK, Ck ses plus petites hauteurs : si sur les axes Hh, Kk on dé-crit une ellipse, cette ellipse par sa révolution autour de son grand axe Hh décrira un sphéroïde HPKhpk ; lequel représentera à peu près la figure de la mer, et CF, Cf, CD, Cd seront les hauteurs de la mer aux lieux F, f, D et d. De plus, si dans la révolution de l’ellipse dont on vient de parler, un point quelconque N décrit un cercle MN, lequel coupe les parallèles Ff, Dd dans les lieux quelconques R et T et l’équateur AE en S ; CN sera la hauteur de la mer dans tous les lieux R, S, T, situés dans ce cercle. Ainsi dans la révolution diurne d’un lieu quelconque F, l’élévation des eaux sera la plus grande en F, la troi-sième heure après le passage de la Lune par le méridien sur l’horizon ; et leur plus grand abaissement sera en Q la troisième heure après le coucher de la Lune ; ensuite la plus grande élévation sera en f la troi-sième heure après le passage de la Lune par le méridien sous l’horizon ; et enfin le plus grand abaissement en Q la troisième heure après le lever de la Lune ; et la dernière élévation des eaux en f sera moindre que la première en F.

Supposons toute la mer séparée en deux flots hémisphériques, l’un boréal dans l’hémisphère KHk, et l’autre austral dans l’hémisphère opposé Khk ; ces flots étant toujours opposés l’un à l’autre viennent tour à tour au méridien de chaque lieu de la Terre dans l’intervalle de 12 heures lunaires. Mais comme les régions boréales participent plus du flux boréal, et les australes du flux austral, il doit s’en composer des marées qui seront alternativement plus grandes et moindres dans chacun des lieux hors de l’équateur, dans lesquels le Soleil et la Lune se lèvent et se couchent. Ainsi la plus grande marée, lorsque la Lune décline vers le Zenith du lieu, tombera à peu près à la troisième heure après le passage de la Lune au méridien sur l’horizon ; et la déclinai-son de la Lune changeant, cette plus grande marée deviendra la plus

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 516 Livre troisième : première partie

petite. La plus grande différence de ces marées tombera dans le temps des solstices ; surtout si le nœud ascendant de la Lune se trouve dans le premier point d’Aries. C’est ce qui est conforme à l’expérience, car en Hiver les marées du matin sont plus grandes que celles du soir, et en Été celles du soir surpassent celles du matin. À Plymouth cette dif-férence va presque à un pied, et à Bristol elle va à 15 pouces : comme l’ont observé Colepress et Sturmius.

Les mouvements de la mer dont j’ai parlé jusqu’à présent sont un peu altérés par cette force de réciprocité des eaux, par laquelle le flux pourrait subsister quelque temps quoique les actions du Soleil et de la Lune sur la mer vinssent à cesser. Cette conservation du mouvement une fois imprimé diminue la différence des marées alternatives ; et elle rend les marées plus grandes immédiatement après les syzygies, et plus petites immédiatement après les quadratures. C’est pourquoi les marées alternatives à Plymouth et à Bristol ne diffèrent pas entre elles beaucoup plus que d’un pied ou de 15 pouces ; en sorte que les plus grandes marées dans ces ports ne sont pas les premières après les syzygies, mais les troisièmes.

Tous ces mouvements sont retardés lorsque les eaux de la mer pas-sent sur des bas fonds, ainsi les plus grandes marées dans les détroits et dans les embouchures des fleuves, ne sont que le quatrième ou mê-me le cinquième jour après les syzygies.

De plus, il peut se faire que le flux se propage de l’océan par plu-sieurs détroits jusqu’au même port, et qu’il passe plus vite par quel-ques-uns de ces détroits que par les autres : d’où il arrive que le même flux étant divisé en deux ou plusieurs flux qui arrivent successive-ment, il peut composer de nouveaux mouvements de différents genres. Supposons deux flux égaux qui arrivent de deux endroits différents dans le même port, et dont l’un précède l’autre de six heures, et tombe dans la troisième heure après le passage de la Lune par le méridien de ce port ; si la Lune, lorsqu’elle arrive à ce méridien, était dans l’équateur, il y aurait toutes les six heures des flux qui seraient contre-balancés par des reflux égaux et l’eau serait stagnante pendant tout l’espace de ce jour-là ; mais si la Lune déclinait alors, les marées se-raient tour à tour plus grandes et moindres dans l’océan, comme on l’a dit ; et elles se propageraient de l’océan dans ce port deux à deux ; ainsi il y arriverait deux marées fortes et deux marées faibles tour à

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 517 Livre troisième : première partie

tour. Les deux marées fortes feraient que l’eau acquerrait sa plus grande hauteur dans le milieu entre l’une et l’autre, la marée forte et la marée faible feraient que l’eau acquerrait sa hauteur moyenne entre ces deux marées, et entre les deux marées faibles l’eau monterait à sa moindre hauteur. Ainsi dans l’espace de 24 heures l’eau n’acquerrait pas deux fois, comme il arrive ordinairement, mais seulement une fois sa plus grande hauteur, et une fois sa moindre hauteur. La plus grande hauteur de l’eau, si la Lune décline vers le pôle qui est sur l’horizon du lieu, tombera à la sixième ou à la treizième heure après le passage de la Lune au méridien, et elle se changera en reflux lorsque la décli-naison de la Lune changera.

Halley a trouvé des exemples de tout cela dans les observations des pilotes faites à Batsham port du royaume de Tonquin, situé à 20° 50′ de latitude boréale. Dans ce port, il n’y a point de marée le jour qui suit le passage de la Lune par l’équateur, ensuite, lorsque la Lune commence à décliner vers le Nord on commence à s’apercevoir du flux et du reflux, non pas deux fois par jour comme dans les autres ports, mais une fois seulement chaque jour ; et le flux arrive lorsque la Lune se couche, et le reflux lorsqu’elle se lève.

Le flux augmente dans ce port avec la déclinaison de la Lune jus-qu’au septième ou huitième jour, ensuite il diminue par les mêmes degrés pendant sept autres jours, et lorsqu’ensuite la Lune passe dans les signes opposées il cesse entièrement et se change après en reflux. Le reflux arrive alors au coucher de la Lune, et le flux à son lever, jusqu’à ce que la Lune revienne dans les premiers signes.

On arrive à ce port par deux détroits, l’un qui est dans la mer de la Chine entre le continent et l’île de Laconie, l’autre dans la mer des Indes entre le continent et l’île de Bornéo. De savoir si les marées, en passant par ces détroits, et venant de la mer des Indes dans l’espace de 12 heures, et de la mer de la Chine dans l’espace de 6 heures, et en arrivant ainsi à la troisième et à la neuvième heure lunaire, composent seules ces forces de mouvements, ou s’il ne s’y mêle point d’autres causes propres à ces mers, c’est ce que je laisse à déterminer par les observations qu’on pourra faire sur les côtes voisines.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 518 Livre troisième : première partie

J’ai expliqué jusqu’ici les causes des mouvements de la Lune et de la mer, il me reste à traiter à présent de la quantité de ces mouve-ments.

PROPOSITION XXV. — PROBLÈME VI.

Trouver les forces du Soleil pour troubler les mouvements de la Lune.

(Fig. 3)

Que S représente le Soleil, T la Terre, P la Lune, CADB l’orbe de la Lune. Que SK prise sur SP soit égale à ST ; et que SL soit à SK en raison doublée de SK à SP ; enfin que LM soit parallèle à PT ; si la gravité accélératrice de la Terre vers le Soleil est exprimée par la dis-tance ST ou SK, SL sera la gravité accélératrice de la Lune vers le So-leil, laquelle est composée des parties SM, LM, desquelles LM et la partie TM de SM troublent les mouvements de la Lune, comme on l’a fait voir au Livre premier dans la Proposition 66. et ses Corollaires.

La Terre et la Lune faisant leur révolution autour de leur commun centre de gravité, le mouvement de la Terre autour de ce centre est aussi troublé par des forces semblables ; mais on peut rapporter la somme de ces mouvements et de ces forces à la Lune et représenter les sommes de ces forces par des lignes analogues TM et LM.

La force LM, dans sa moyenne quantité, est à la force centripète, par laquelle la Lune peut faire sa révolution dans son orbite à la dis-tance PT, autour de la Terre supposée en repos, en raison doublée des temps périodiques de la Lune autour de la Terre et de la Terre autour du Soleil, par le Cor. 17. de la Prop. 66. du Liv. I. c’est-à-dire, en rai-son doublée de 27 jours, 7h 43′ à 365 jours 6h 9′, ou, ce qui revient au même, comme 1000 à 178 725, ou enfin comme 1 à 178 29

40 . Or nous avons trouvé dans la Prop. 4. que si la Terre et la Lune tournent autour d’un commun centre de gravité, leur moyenne distance entre elles sera environ de 60 1

2 demi-diamètres médiocres de la Terre à peu près ; et la force par laquelle la Lune peut tourner dans son orbe autour de la Terre en repos, à la distance PT, qui est de 60 1

2 demi-diamètres de la Terre, est à la force par laquelle elle peut y tourner dans le même temps à la distance de 60 demi-diamètres comme 60 1

2 est à 60 ; de

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 519 Livre troisième : première partie

plus, cette force est à la force de la gravité sur la Terre comme 1 à 60 × 60 à peu près. Donc la force moyenne ML est à la force de la gravité sur la surface de la Terre, comme 1 × 60 1

2 à 60 × 60 × 60 × 178 2940 , ou

comme 1 à 638 092,6. Il n’est plus question maintenant que de connaître la proportion des lignes TM, ML pour avoir la force TM, et par conséquent celles par lesquelles le Soleil trouble les mouvements de la Lune. — C.Q.F.T.

PROPOSITION XXVI. — PROBLÈME VII.

Trouver l’incrément horaire de l’aire que la Lune décrit au-tour de la Terre, en supposant que son orbite soit circulaire.

Nous avons dit que les aires que la Lune décrit autour de la Terre sont proportionnelles au temps lorsqu’on néglige l’altération que l’action du Soleil cause dans les mouvements lunaires. Examinons ici quelle est l’inégalité du moment, ou de l’incrément horaire causée par cette action.

Afin de rendre le calcul plus facile, supposons l’orbe de la Lune parfaitement circulaire, et négligeons toutes ses inégalités, excepté celle dont il est ici question.

(Fig. 4)

À cause du grand éloignement du Soleil, supposons que les lignes SP, ST soient parallèles entre elles ; par ce moyen, la force LM sera toujours réduite à sa moyenne quantité TP, ainsi que la force TM à sa moyenne quantité 3PK. Ces forces, par le Cor. 2. des Lois, composent la force TL ; laquelle, en abaissant LE perpendiculairement sur le rayon TP, se résout dans les forces TE, EL, dont la première TE, agis-sant toujours selon le rayon TP, n’accélère ni ne retarde la description de l’aire TPC parcourue par le rayon TP ; quant à la seconde EL, comme elle agit selon la perpendiculaire à ce rayon, elle accélère ou retarde cette description autant qu’elle retarde ou accélère le mouve-ment de la Lune. Cette accélération de la Lune, qui se fait à chaque instant, dans son passage de la quadrature C à la conjonction A, est comme la force même accélérante EL, c’est-à-dire, comme 3PK ×TK

TP.

(Fig. 4)

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 520 Livre troisième : première partie

Que le temps soit représenté par le moyen mouvement de la Lune ou (ce qui revient presque au même) par l’angle CTP, ou encore par l’arc CP. Qu’on tire CG perpendiculaire et égale à CT ; et qu’on sup-pose le quart de cercle AC divisé en un nombre infini de petites parties égales Pp, etc. qui représentent autant de petites parties égales de temps, qu’on mène de plus pk perpendiculaire à CT, et qu’on tire TG qui rencontre en F et en f ces mêmes lignes KP, kp prolongées ; il est clair que FK sera égale à TK, et qu’on aura Kk : PK = Pp : Tp, c’est-à-dire, en raison donnée ; donc FK × Kk ou l’aire FKkf sera comme 3PK ×TK

TP ; c’est-à-dire, comme EL ; et par conséquent l’aire totale

GCKF sera comme la somme de toutes les forces EL imprimées à la Lune pendant tout le temps CP, et par conséquent comme la vitesse que toutes ces forces ont produite, c’est-à-dire, comme l’accélération de la description de l’aire CTP ou comme l’incrément du moment.

La force par laquelle la Lune peut faire sa révolution autour de la Terre, supposée en repos, à la distance TP, dans le temps périodique CADB de 27 jours, 7h 43′, ferait qu’un corps en tombant pendant le temps CT parcourrait la longueur 1

2 CT, et acquerrait en même temps une vitesse égale à celle de la Lune dans son orbe ; ce qui est clair par le Cor. 9. de la Prop. 4, Liv. 1. Or comme la perpendiculaire Kd abais-sée sur TP est la troisième partie de EL, et la moitié de TP ou de ML dans les octants, la force EL dans les octants, où elle est la plus gran-de, surpassera la force ML dans la raison de 3 à 2, ainsi elle sera à la force par laquelle la Lune peut tourner autour de la Terre en repos, dans son temps périodique, comme 100 à 2

3 × 17 872 12 ou 11 915, et

dans le temps CT elle devrait produire une vitesse qui serait la 10011915

partie de la vitesse de la Lune, et pendant le temps CPA elle devrait produire une vitesse qui serait plus grande dans la raison de CA à CT ou TP.

Que la plus grande force EL dans les octants soit représentée par l’aire FK × Kk égale au rectangle 1

2 TP × Pp. La vitesse que la plus grande force peut produire dans un temps quelconque CP sera à la vi-tesse que la plus petite force entière EL peut produire dans le même temps, comme le rectangle 1

2 TP × CP à l’aire KCGF : et les vitesses produites pendant le temps total CPA seront entre elles comme le rec-tangle 1

2 TP × CA et le triangle TCG, ou comme l’arc d’un quart de

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 521 Livre troisième : première partie

cercle CA et son rayon TP. Donc la vitesse à la fin du temps total sera la 100

11915 partie de la vitesse de la Lune. Si l’on ajoute, et si l’on ôte de cette vitesse de la Lune, qui est proportionnelle à l’incrément médio-cre de l’aire, la moitié de cette dernière vitesse, et qu’on représente l’incrément moyen par le nombre 11915, la somme 11915 + 50 ou 11965 représentera le plus grand incrément de l’aire dans la syzygie A, et la différence 11915 – 50 ou 11865 le plus petit incrément de cet-te même aire dans les quadratures. Donc les aires décrites en temps égaux dans les syzygies et dans les quadratures sont entre elles, com-me 11965 et 11865. Ajoutant au plus petit incrément 11865, un in-crément qui soit à la différence 100 des incréments, comme le trapèze FKCG au triangle TCG, ou (ce qui est la même chose) comme le carré du sinus PK au carré du rayon TP c’est-à-dire, comme Pd à TP, la somme représentera l’incrément de l’aire, lorsque la Lune se trouve dans un lieu intermédiaire quelconque P.

Tout cela a lieu dans l’hypothèse que le Soleil et la Terre soient en repos, et que la Lune fasse sa révolution dans le temps synodique de 27 jours, 7h 43′. Mais comme la vraie période synodique lunaire est de 29 jours, 12h 44′, les incréments des moments doivent augmenter en raison du temps, c’est-à-dire, en raison de 1 080 853 à 1 000 000. De cette manière, l’incrément total, qui était la 10

11915 partie du moment médiocre, deviendra sa 100

11025 partie. Ainsi le moment de l’aire dans la quadrature de la Lune sera au moment de cette même aire dans la sy-zygie, comme 11023 – 50 à 11023 + 50, ou comme 10973 à 11073 ; et à son moment, lorsque la Lune est dans un lieu quelconque intermé-diaire P, comme 10973 à 10973 + Pd, en supposant TP = 100.

Donc l’aire que la Lune décrit autour de la Terre à chaque particule égale de temps, est à peu près comme la somme du nombre 219,46 et du sinus verse du double de la distance de la Lune à la prochaine qua-drature, dans un cercle dont le rayon est l’unité. Tout ceci suppose que la variation dans les octants soit de grandeur médiocre. Si la variation y est plus grande ou plus petite, ce sinus verse doit être augmenté ou diminué dans la même raison.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 522 Livre troisième : première partie

PROPOSITION XXVII. — PROBLÈME VIII. Par le mouvement horaire de la Lune trouver quelle est sa distance de la Terre.

L’aire que la Lune décrit à chaque moment autour de la Terre, est comme le mouvement horaire de la Lune, et le carré de la distance de la Lune à la Terre conjointement ; et par conséquent, la distance de la Lune à la Terre est en raison composée de la raison sousdoublée de l’aire directement, et de la raison sousdoublée inverse du mouvement horaire. — C.Q.F.T.

Cor. 1. On a, par ce moyen, le diamètre apparent de la Lune car il est réciproquement comme sa distance à la Terre. C’est aux Astrono-mes à voir combien cette règle s’accorde exactement avec les Phéno-mènes.

Cor. 2. On peut encore tirer de là un moyen d’employer les Phé-nomènes à déterminer l’orbite de la Lune beaucoup plus exactement qu’on n’a fait jusqu’à présent.

PROPOSITION XXVIII. — PROBLÈME IX.

Trouver les diamètres de l’orbe dans lequel la Lune devrait se mouvoir, en supposant quelle n’eût point d’excentricité.

La courbure de la trajectoire qu’un mobile décrirait s’il était tou-jours tiré perpendiculairement à cette trajectoire, est en raison directe de l’attraction, et en raison inverse du carré de la vitesse. Je suppose que les courbures des courbes sont entre elles dans la dernière propor-tion des sinus, ou des tangentes des angles de contact qui appartien-nent aux rayons égaux, lorsque ces rayons diminuent à l’infini.

(Fig. 3)

L’attraction de la Lune vers la Terre dans les syzygies est l’excès de sa gravité vers la Terre sur la force solaire 2PK, laquelle est la dif-férence des gravités de la Lune et de la Terre vers le Soleil : et dans les quadratures, cette attraction est la somme de la gravité de la Lune vers la Terre, et de la force solaire KT dirigée vers la Terre. Ces attrac-

tions, en nommant N la quantité AT + CT2

sont, à peu près, comme

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 523 Livre troisième : première partie

178725AT 2 – 2000

CT × N et 178725

CT 2 + 1000AT × N

; ou comme 178725N × CT 2

– 2000 AT 2 × CT et 178725N × AT 2 + 1000CT 2 × AT. Car si la gra-vité accélératrice de la Lune vers la Terre est représentée par le nom-bre 178725, la force médiocre ML, qui dans les quadratures est PT ou TK, et qui tire la Lune vers la Terre, sera 1000, et la force médiocre TM dans les syzygies sera 3000 ; de laquelle, si on ôte la force médio-cre ML, il restera la force 2000, par laquelle la Lune s’éloigne de la Terre dans les syzygies, et laquelle j’ai nommé ci-devant 2PK.

La vitesse de la Lune dans les syzygies A et B est à la vitesse dans les quadratures C et D, comme CT à AT, et comme le moment de l’aire que la Lune décrit dans les syzygies autour de la Terre, est au moment de cette même aire dans les quadratures conjointement, c’est-à-dire, comme 11073CT à 10973AT.

Cela posé, il est évident que la courbure de l’orbe de la Lune dans les syzygies est à sa courbure dans les quadratures comme 120406729 × 178725 AT 2 × CT 2 × N – 120406729 × 2000 AT 4 × CT à 122611329 × 178725 AT 2 × CT 2 × N + 122611329 × 1000CT 4 × AT, c’est-à-dire, comme 2151969AT × CT × N – 24081 AT 3 à 2191371AT × CT × N + 12261CT 3.

(Fig. 5)

Comme on ignore la figure de l’orbe de la Lune, nous supposerons que cet orbe fait l’ellipse DBCA dans le centre T de laquelle la Terre est placée, et dont le grand axe DC passe par les quadratures, et le pe-tit axe AB par les syzygies. Et à cause du fait que le plan de cette el-lipse se meut d’un mouvement angulaire autour de la Terre, et que la trajectoire dont nous cherchons la courbure doit être décrite dans un plan qui soit entièrement privé de tout mouvement angulaire : il faut considérer la figure que la Lune, en faisant sa révolution dans cette ellipse, décrit dans ce plan immobile, c’est-à-dire, la figure Cpa, dont chaque point p est déterminé en prenant un point quelconque P dans l’ellipse pour représenter le lieu de la Lune, et en menant Tp égale à TP, par une loi telle que l’angle PTp soit égal au mouvement apparent du Soleil depuis la quadrature C ; ou (ce qui revient à peu près au même) que l’angle CTp soit à l’angle CTP comme le temps de la ré-volution synodique de la Lune est au temps de sa révolution périodi-que, ou comme 29 jours 12h 44′ à 27 jours 7h 43′.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 524 Livre troisième : première partie

(Fig. 5)

Prenant donc l’angle CTa dans cette raison à l’angle droit CTA, et faisant Ta égale à TA ; a sera l’apside la plus basse, et C l’apside la plus haute de cet orbe Cpa quant aux courbures dans ces deux points, je trouve, en faisant le calcul nécessaire, que la différence entre la courbure de l’orbe Cpa au sommet a, et la courbure du cercle dont le centre est T et le rayon TA est à la différence entre la courbure de l’ellipse au sommet A, et la courbure de ce même cercle, en raison doublée de l’angle CTP à l’angle CTp ; et que la courbure de l’ellipse en A est à la courbure de ce cercle, en raison doublée de TA à TC ; de plus, que la courbure de ce cercle est à la courbure du cercle dont le centre est T et le rayon TC comme TC à TA ; et que cette courbure est à la courbure de l’ellipse en C, en raison doublée de TA à TC ; et enfin que la différence entre la courbure de l’ellipse au sommet C et la courbure de ce dernier cercle, est à la différence entre la courbure de la figure Tpa au sommet C, et la courbure de ce même cercle, en rai-son doublée de l’angle CTp à l’angle CTP. Ce qui se tire aisément des sinus des angles de contact, et des différences de ces angles.

Employant donc toutes ces raisons, on trouve que la courbure de la figure Cpa en a, est à sa courbure en C, comme AT 3 + 16824

100000 CT 2 × AT à CT 3 + 16824

100000 AT 2 × CT. Le nombre 16824100000 représentant la différence

des carrés des angles CTP et CTp divisée par le carré du plus petit an-gle CTP ou, ce qui est la même chose, la différence des carrés des temps 27 jours 7h 43′ et 29 jours 12h 44′ divisée par le carré du temps 27 jours 7h 43′.

Donc puisque a représente la syzygie de la Lune, et C sa quadratu-re, la proportion qu’on vient de trouver doit être la même que celle de la courbure de l’orbe de la Lune dans les syzygies à la courbure du même orbe dans les quadratures, qui a été trouvée ci-dessus. C’est pourquoi, pour trouver la proportion de CT à AT, il n’y a qu’à multi-plier les extrêmes et les moyens entre eux ; et les termes qui en vien-dront étant divisés par TC × AT donneront l’équation 2062,79CT 4 – 2151969N × CT 3 + 368676N × AT × CT 2 + 36342 AT 2 × CT 2 – 362047N × AT 2 × CT + 2191371N × AT 3 + 405l,4 AT 4 = 0. Dans laquelle, si au lieu de la demi-somme N des termes AT, CT, on met 1, et au lieu de leur demi-différence x, et par conséquent 1 + x au lieu de CT, et 1 – x au lieu de AT ; on aura x = 0,00719, c’est-à-dire, que le

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 525 Livre troisième : première partie

demi-diamètre CT sera 1,00719, et le demi-diamètre AT 0,99281 : les-quels nombres sont entre eux à peu près comme 70 1

24 et 69 124 . La dis-

tance de la Lune à la Terre dans les syzygies, est donc à sa distance dans les quadratures comme 69 1

24 à 70 124 , ou en nombres ronds com-

me 69 à 70, pourvu qu’on fasse abstraction de l’excentricité.

PROPOSITION XXIX. — PROBLÈME X.

Trouver la variation de la Lune.

(Fig. 5) Cette inégalité de la Lune vient en partie de l’inégalité des moments de l’aire que la Lune décrit autour de la Terre, et en partie de la forme elliptique de l’orbe lunaire. Supposant que la Lune se meuve dans une ellipse DBCA autour de la Terre en repos, placée dans le centre de cette ellipse, elle décrira des aires CTP proportionnelles aux temps ; et si le demi grand diamètre CT de l’ellipse est à son petit demi-diamètre TA comme 70 à 69, la tangente de l’angle CTP sera à la tangente de l’angle du mouvement moyen calculé depuis la quadra-ture C, comme 69 à 70. Mais la description de l’aire CTP, lorsque la Lune passe de la quadrature à la syzygie, doit être accélérée, en telle sorte que son moment dans la syzygie soit à son moment dans la qua-drature comme 11073 à 10973, et que l’excès du moment dans un lieu intermédiaire quelconque P, sur le moment dans la quadrature, soit comme le carré du sinus de l’angle CTP. C’est ce qu’on fera assez exactement, si on diminue la tangente de l’angle CTP en raison sous-doublée du nombre 10973 au nombre 11073, c’est-à-dire, en raison du nombre 68,6877 au nombre 69. Par ce moyen, la tangente de l’angle CTP sera à la tangente du mouvement moyen comme 68,6877 à 70. Et l’angle CTP dans les octants, où le mouvement moyen est de 45°, sera de 44° 27′ 28″, qui étant ôté de l’angle du mouvement moyen qui est de 45° donnera 32′ 32″ pour la plus grande variation.

Ce serait là la plus grande variation, si la Lune, en passant de la quadrature à la syzygie, décrivait un angle CTA qui fut exactement de 90 degrés. Mais à cause du mouvement de la Terre, par lequel le So-leil avance en conséquence par son mouvement apparent, la Lune, avant d’avoir atteint le Soleil, décrit un angle CTa, qui est plus grand qu’un angle droit, dans la raison du temps de la révolution synodique de la Lune au temps de sa révolution périodique, c’est-à-dire, en rai-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 526 Livre troisième : première partie

son de 29 jours 12h 44′ à 27 jours, 7h 43′. Il faut donc augmenter tous les angles autour du centre T dans la même raison, ce qui au lieu de 32′ 32″ pour la plus grande variation donnera 35′ 10″.

C’est là la grandeur de la variation dans la moyenne distance du Soleil à la Terre, en négligeant les différences qui peuvent naître de la courbure du grand orbe, et de la quantité dont l’action du Soleil sur la Lune, lorsqu’elle est nouvelle et en croissant surpasse l’action de ce même astre sur la Lune lorsqu’elle est pleine et gibbeuse.

Dans les autres distances du Soleil à la Terre, la plus grande varia-tion est en raison composée de la raison doublée directe du temps de la révolution synodique de la Lune (pour le temps donné de l’année) et de la raison inverse triplée de la distance du Soleil à la Terre. Ainsi dans l’apogée du Soleil, la plus grande variation est de 33′ 14″, et dans son périgée, elle est de 37′ 11″, supposé que l’excentricité du Soleil soit au demi-diamètre transversal du grand orbe comme 16 15

16 à 1000.

Nous avons trouvé jusqu’à présent la variation de la Lune en sup-posant que son orbe ne soit point excentrique, et que lorsqu’elle est dans ses octants elle soit toujours à sa médiocre distance de la Terre. Mais comme la Lune par son excentricité est tantôt plus près et tantôt plus loin de la Terre qu’elle ne l’est dans l’orbe qu’on vient d’examiner, sa variation pourra être un peu plus grande, ou un peu moindre que la précédente : j’en laisse l’excès ou le défaut à détermi-ner aux astronomes par les Phénomènes.

PROPOSITION XXX. — PROBLÈME XI.

Trouver le mouvement horaire des nœuds de la Lune dans un orbe circulaire.

(Fig. 6)

Que S désigne le Soleil, T la Terre, P la Lune, NPn l’orbe de la Lune, Npn la projection de cet orbe dans le plan de l’écliptique ; N et n les nœuds, nTNm la ligne de ces nœuds prolongée infiniment, PI, PK des perpendiculaires abaissées sur les lignes ST, Qq ; Pp une per-pendiculaire abaissée sur le plan de l’écliptique ; A et B les syzygies de la Lune dans ce plan ; AZ une perpendiculaire à la ligne des nœuds

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 527 Livre troisième : première partie

Nn ; Q et q les quadratures de la Lune dans le plan de l’écliptique, et pK une perpendiculaire à la ligne Qq des quadratures.

La force du Soleil pour troubler les mouvements de la Lune est composée de deux forces (par la Prop. 25) l’une proportionnelle à la ligne LM de la figure de cette Proposition, et l’autre à la ligne MT de la même figure. La Lune par la première de ces forces est tirée vers la Terre, et par la seconde vers le Soleil, suivant une ligne parallèle à la droite ST menée du Soleil à la Terre.

La première force LM agissant dans le plan de l’orbite lunaire ne saurait altérer la situation de ce plan, ainsi elle ne doit point être considérée. Quant à la force MT par laquelle le plan de l’orbite lunaire est dérangé, elle a pour expression 3PK ou 3IT. Et cette force (par la Prop. 25.) est à celle par laquelle la Lune pourrait être mue uniformé-ment (dans son temps périodique) dans un cercle autour de la Terre supposée fixe, comme 3IT au rayon du cercle multiplié par le nombre 178,725, ou comme IT au rayon multiplié par 59,575. Au reste dans ce calcul et dans tout ce qui suit, je considère toutes les lignes menées de la Lune au Soleil comme parallèles à celles qui sont tirées de la Terre au Soleil, parce que l’inclinaison de ces lignes diminue à peu près tous les effets dans quelques cas, de la même manière qu’elle les augmente dans d’autres ; et que nous cherchons les mouvements médiocres des nœuds, en négligeant les fractions insensibles qui rendraient le calcul trop embarrassant.

PM désignant maintenant l’arc que la Lune décrit dans un instant donné, et ML la petite ligne dont la Lune parcourrait la moitié dans le même temps en vertu de la force précédente 3IT ; soient tirées PL, PM que l’on prolonge en m et en l, jusqu’à ce qu’elles rencontrent le plan de l’écliptique, et soit abaissée la perpendiculaire PH de P sur Tm.

Parce que la droite ML est parallèle au plan de l’écliptique, et que par conséquent elle ne peut rencontrer la droite ml qui est dans ce plan, que de plus ces droites ML, ml, sont dans un même plan LMPml ; il faudra qu’elles soient parallèles, et par conséquent que les triangles LMP, lmP soient semblables.

Présentement, comme MPm est dans le plan de l’orbite dans lequel la Lune se meut en P, le point m tombera sur la ligne Nn menée par les nœuds N, n de cette orbite : et parce que la force qui fait décrire la

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 528 Livre troisième : première partie

moitié de la petite ligne LM, ferait décrire cette ligne entière si elle était imprimée en une seule fois dans le lieu P ; et qu’elle ferait mou-voir la Lune dans l’arc dont la corde serait LP, et transporterait par conséquent la Lune du plan MPmT dans le plan LPlT ; le mouvement angulaire des nœuds engendré par cette force sera égal à l’angle mTl. Mais ml : mP = ML : MP, donc, à cause que MP est donnée par la supposition du temps constant, ml sera comme le rectangle ML × mP, c’est-à-dire, comme le rectangle IT × mP. Et l’angle mTl, si on suppo-

se l’angle Tml droit, sera comme mlTm

, et par conséquent comme

IT × mPTm

, ou ce qui revient au même, (à cause des proportionnelles

Tm et mP, TP et PH) comme IT × PHTP

ou comme IT × PH à cause

que TP est donnée.

Mais comme l’angle Tml ou STN n’est pas droit, l’angle mTl sera moindre, et cela dans la raison du sinus de l’angle STN au rayon, ou de AZ, à AT Donc la vitesse des nœuds est comme IT × PH × AZ, c’est-à-dire, comme le produit des sinus des trois angles TPI, PTN et STN.

Si ces angles, les nœuds étant dans les quadratures, et la Lune dans la syzygie, sont droits, la petite droite ml se trouvera à une distance infinie, et l’angle mTl deviendra égal à l’angle mPl. Or dans ce cas, l’angle mPl est à l’angle PTM que la Lune décrit dans le même temps par son mouvement apparent autour de la Terre, comme 1 à 59,575. Car l’angle mPl est égal à l’angle LPM, c’est-à-dire, à l’angle de la déflexion de la Lune du chemin rectiligne, qui serait produite par la seule force solaire 3IT dans ce temps donné, si la Lune cessait d’être pesante ; de plus, l’angle PTM est égal à l’angle de la déflexion de la Lune du chemin rectiligne causée par la seule force qui la retient dans son orbite, en faisant abstraction de la force solaire 3IT. Et ces forces, comme nous l’avons dit ci-dessus, sont entre elles comme 1 à 59,575. Donc, comme le mouvement moyen horaire de la Lune, à l’égard des fixes, est de 3 ′ 2 5 ′ ′ 6 2 ′ ′ ′ 7 12iv 1

2 , le mouvement horaire du nœud sera, dans ce cas, de 3 ′ ′ 3 1 ′ ′ ′ 0 33iv 12v ; et dans les autres cas, ce mouvement horaire sera à 3 ′ ′ 3 1 ′ ′ ′ 0 33iv 12v, comme le produit des sinus des trois angles TPI, PTN, et STN, (c’est-à-dire, de la distance de la Lune à la

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 529 Livre troisième : première partie

quadrature, de la distance de la Lune au nœud, et de la distance du nœud au Soleil) est au cube du rayon. Et toutes les fois que le signe d’un de ces angles passera du positif au négatif, et du négatif au posi-tif, le mouvement des nœuds se changera de régressif en progressif, et de progressif en régressif. D’où il arrive que les nœuds avancent tou-tes les fois que la Lune est entre une des quadratures et le nœud le plus proche de la quadrature. Dans les autres cas, les nœuds rétrogra-dent, et en vertu de l’excès du mouvement rétrograde sur le mouve-ment progressif les nœuds seront portés chaque mois en antécédence.

(Fig. 7)

Cor. 1. De là il suit, que si on abaisse des extrémités P et M d’un arc donné infiniment petit PM, les perpendiculaires PK, Mk à la ligne Qq qui passe par les quadratures, et qu’on prolonge ces perpendiculai-res jusqu’à ce qu’elles coupent la ligne des nœuds Nn en D et en d le mouvement horaire des nœuds sera comme l’aire MPDd et le carré de la ligne AZ conjointement. Car soient PK, PH et AZ les trois sinus dont on vient de parler, PK étant le sinus de la distance de la Lune à la quadrature, PH le sinus de la distance de la Lune au nœud, et AZ le sinus de la distance du nœud au Soleil : on aura pour la vitesse du nœud le produit PK × PH × AZ. Mais PT : PK = PM : Kk ; donc, à cause des données PT et PM, la petite droite Kk sera proportionnelle à PK. De plus, AT : PD = AZ : PH, et par conséquent PH est propor-tionnelle à PD × AZ. Donc PK × PH est comme Kk × PD × AZ, et PK × PH × AZ sera comme Kk × PD × AZ 2, c’est-à-dire, comme l’aire PDdM et AZ 2 conjointement. — C.Q.F.D.

Cor. 2. Dans une position quelconque donnée des nœuds, le mou-vement horaire médiocre est la moitié du mouvement horaire dans les syzygies de la Lune, c’est-à-dire, que ce mouvement est à 1 ′ ′ 6 3 ′ ′ ′ 5 16iv 36v, comme le carré du sinus de la distance des nœuds aux syzy-gies est au carré du rayon, ou ce qui revient au même, comme AZ 2 à AT 2.

(Fig. 7)

Car si la Lune parcourt d’un mouvement uniforme le demi-cercle QAq, la somme de toutes les aires PDdM décrites pendant le temps que la Lune va de Q à M sera l’aire QMdE terminée par la tangente QE du cercle ; et la somme de toutes les aires PDdM pendant que la Lune va en n sera l’aire totale EQAn que la ligne PD décrit, ensuite la

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 530 Livre troisième : première partie

Lune allant de n en q, la ligne PD tombera hors du cercle, et décrira l’aire nqe terminée par la tangente qe du cercle, laquelle aire, à cause du fait que les nœuds allaient d’abord en rétrogradant et vont alors en avançant, doit être retranchée de la première aire, et par son égalité à l’aire QEN, le reste deviendra, le demi-cercle NQAn. Donc la somme de toutes les aires PDdM décrites pendant le temps que la Lune par-court un demi-cercle, est l’aire du demi-cercle ; et la somme de toutes les mêmes aires décrites pendant le temps que la Lune parcourt le cer-cle entier, est l’aire du cercle entier.

Mais l’aire PDdM, lorsque la Lune est dans les syzygies, est le rec-tangle sous l’arc PM et le rayon PT ; et la somme de toutes les aires égales à celle-là, décrites pendant le temps que la Lune parcourt le cercle, est le rectangle de toute la circonférence et du rayon ; et ce rec-tangle étant égal à deux cercles, est double du rectangle précédent. Donc les nœuds, avec une vitesse continuée uniformément et égale à celle qu’ils ont dans les syzygies lunaires, décriraient un espace dou-ble de celui qu’ils décrivent réellement ; et par conséquent le mouve-ment médiocre, qui étant continué uniformément ferait décrire aux nœuds l’espace qu’ils parcourent réellement d’un mouvement inégal, est la moitié du mouvement qu’ils ont dans les syzygies lunaires. Et comme le plus grand mouvement horaire, lorsque les nœuds sont dans les quadratures, est de 3 ′ ′ 3 1 ′ ′ ′ 0 33iv 12v, le mouvement médiocre ho-raire sera dans ce cas de 1 ′ ′ 6 3 ′ ′ ′ 5 16iv 36v. Or le mouvement horaire des nœuds étant toujours comme AZ 2 et l’aire PDdM conjointement, il est encore dans les syzygies comme AZ 2 et l’aire PDdM conjointe-ment, ou, ce qui revient au même, comme AZ 2 (à cause qu’alors l’aire PDdM est donnée) ; le mouvement médiocre sera aussi comme AZ 2, donc ce mouvement, lorsque les nœuds seront hors des quadratures, sera à 1 ′ ′ 6 3 ′ ′ ′ 5 16iv 36v comme AZ 2 à AT 2. — C.Q.F.D.

PROPOSITION XXXI — PROBLÈME XII.

Trouver le mouvement horaire des nœuds de la Lune dans un orbe elliptique.

(Fig. 8)

Que Qpmaq désigne une ellipse, Qq son grand axe, ab son petit axe, QAqB le cercle circonscrit ; T la Terre placée au centre commun

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 531 Livre troisième : première partie

de l’ellipse et du cercle ; S le Soleil ; p la Lune mue dans l’ellipse, et pm l’arc qu’elle décrit dans une particule donnée infiniment petite de temps ; Nn la ligne des nœuds ; pK et mk les perpendiculaires abais-sées sur l’axe Qq et prolongées jusqu’à ce qu’elles rencontrent le cer-cle en P et en M, et la ligne des nœuds en D et en d.

Cela posé, je dis que si la Lune décrit autour de la Terre des aires proportionnelles au temps, le mouvement horaire du nœud dans l’ellipse sera comme l’aire pDdm et AZ 2 conjointement.

Pour le démontrer, soient menées PF et pf qui touchent en P et p le cercle et l’ellipse, qui rencontrent en F et en f la ligne des nœuds TN, et qui se rencontrent elles-mêmes ainsi que l’axe TQ en Y. Soit pris ML pour désigner l’espace que la Lune tournant dans le cercle, pour-rait décrire d’un mouvement transversal par la force 3IT ou 3PK, pen-dant qu’elle décrit l’arc PM. Et prenant ml pour l’espace que la Lune, tournant dans le même temps dans l’ellipse, décrirait par la même for-ce 3IT ou 3PK ; enfin soient prolongées LP et lp jusqu’à ce qu’elles rencontrent le plan de l’écliptique en G et en g ; et soient tirées FG et fg dont la première FG prolongée coupe pf, pg et TQ en c, e, et R, res-pectivement, et dont la seconde fg prolongée coupe TQ en r.

Il est clair que la force 3IT ou 3PK dans le cercle, étant à la force 3IT ou 3pK dans l’ellipse comme PK à pK ou comme AT à aT ; l’espace ML, décrit par la première force, sera à l’espace ml décrit par la dernière, comme PK à pK, c’est-à-dire, à cause des figures sembla-bles PYKp et FYRc comme FR à cR. Mais, (par les triangles sembla-bles PLM, PGF) ML : FG = PL : PG, c’est-à-dire, (à cause des paral-lèles Lk, PK, GR) = pl : pe, ou, ce qui revient au même, (à cause des triangles semblables plm, pce) = ml : ce. Donc LM : lm ou FR : cR = FG : ce.

De là il suit que si fg était à ce comme fy à cY, ou comme fr à cR, c’est-à-dire, en raison composée de fr à FR et de FR à cR ou de fT à FT et de FG à ce, en ôtant de part et d’autre la raison de FG à ce, il y aurait égalité entre la raison de fg à FG et celle de fF à FT ; c’est-à-dire, que les angles à la Terre soutenus par fg et FG, seraient égaux : ou, ce qui revient au même, les mouvements des nœuds dans l’ellipse et dans le cercle seraient égaux dans cette supposition, puisque ces angles seraient, parce que nous avons vu dans la Proposition précé-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 532 Livre troisième : première partie

dente, les mouvements des nœuds dans le temps dans lequel la Lune parcourt l’arc PM dans le cercle et l’arc pm dans l’ellipse.

(Fig. 8)

Cela serait en effet ainsi, si fg était à ce comme fY à cY, c’est-à-

dire, si fg était = ce × fYcY

. Mais à cause des triangles semblables fgp,

cep, on a fg : ce = fp : cp ; donc fg = ce × fpcp

; et par conséquent

l’angle que fg sous-tend réellement, est au premier angle que FG sous-tend, c’est-à-dire, le mouvement des nœuds dans l’ellipse est au mou-

vement des nœuds dans le cercle comme cette ligne fg ou ce + fpcp

à la

première valeur de fg qu’on a trouvé = ce × fYcY

, ou ce qui revient au

même, en raison composée de fp × cY à fY × cp, c’est-à-dire, en rai-son de fp à fY et de cY à cp, ou bien encore, en menant ph parallèle à TN et rencontrant FP en h, en raison composée de Fh à FY et de FY à FP ; ou enfin dans la raison Fh à FP qui est celle de Dp à DP, ou de l’aire Dpmd à l’aire DPMd.

Or comme, par le Cor. 1 de la Prop. 30 le mouvement horaire des nœuds dans le cercle est en raison composée de AZ 2 et de l’aire DPMd, le mouvement horaire des nœuds dans l’ellipse est donc en raison composée de l’aire Dpmd et de AZ 2. — C.Q.F.D.

Cor. C’est pourquoi, comme dans une position donnée des nœuds, la somme de toutes les aires pDdm décrites pendant le temps que la Lune va d’une quadrature à un lieu quelconque m, est l’aire mpQEd, terminée par la ligne QE tangente de l’ellipse ; et que la somme de toutes ces aires décrites dans une révolution entière est l’aire elliptique entière : le mouvement médiocre des nœuds dans l’ellipse sera au mouvement médiocre des nœuds dans le cercle, comme l’ellipse au cercle ; c’est-à-dire, = Ta : TA ou = 69 : 70. et par conséquent, puisque (Cor. 2 Proposition 30) le mouvement horaire médiocre des nœuds dans le cercle, est à 1 ′ ′ 6 3 ′ ′ ′ 5 16iv 36v comme AZ 2 à AT 2, si on prend l’angle de 1 ′ ′ 6 ′2 ′ ′ 1 3iv 30v, comme 69 à 70, le mouvement horaire mé-diocre des nœuds dans l’ellipse sera à 1 ′ ′ 6 2 ′ ′ ′ 1 3iv 30v, comme AZ 2 à

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AT 2, c’est-à-dire, comme le carré du sinus de la distance du nœud au Soleil est au carré du rayon.

(Fig. 8)

Au reste, les aires que la Lune décrit autour de la Terre, étant par-courues plus promptement dans les syzygies que dans les quadratures, le temps doit diminuer dans les syzygies et augmenter dans les qua-dratures, et le mouvement des nœuds doit subir la même loi.

Or le moment de l’aire dans les quadratures de la Lune, est à son moment dans les syzygies comme 10 973 à 11 073, et par conséquent, le moment médiocre dans les octants est à l’excès dans les syzygies et au défaut dans les quadratures, comme la demi-somme 11 023 de ces nombres est à leur demi-différence 50. Ainsi à cause que le temps dans des parties égales de l’orbe de la Lune est réciproquement com-me sa vitesse, le temps médiocre dans les octants sera à l’excès du temps dans les quadratures et à son défaut dans les syzygies, produit par cette cause, comme 11 023 à 50 à peu près. Quant aux lieux placés entre les quadratures et les syzygies, je trouve que l’excès des mo-ments de l’aire à chacun des lieux sur le plus petit moment dans les quadratures, est à peu près proportionnel au carré du sinus de la dis-tance de la Lune aux quadratures ; et par conséquent, la différence en-tre le moment dans un lieu quelconque, et le moment médiocre dans les octants, est comme la différence entre le carré du sinus de la dis-tance de la Lune aux quadratures, et le carré du sinus de 45° ou la moitié du carré du rayon ; et l’incrément du temps dans chacun des lieux entre les octants et les quadratures, et son décrément entre les octants et les syzygies, sont dans la même raison.

Mais le mouvement des nœuds, pendant le temps que la Lune par-court des parties égales d’orbe, est accéléré ou retardé en raison dou-blée du temps. Car ce mouvement, pendant que la Lune parcourt l’arc PM (toutes choses d’ailleurs égales) est comme ML ; et ML est en rai-son doublée du temps. C’est pourquoi le mouvement des nœuds dans les syzygies, pendant le temps que la Lune parcourt des parties don-nées de son orbe, est diminué dans la raison doublée du nombre 11 073 au nombre 11 023 ; et le décrément est au mouvement restant comme 100 à 10 973, et par conséquent au mouvement total à peu près comme 100 à 11 073. Or le décrément dans les lieux entre les octants et les syzygies et l’incrément entre les octants et les quadratu-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 534 Livre troisième : première partie

res sont à peu près à ce décrément en raison composée de la raison du mouvement total dans ces lieux au mouvement total dans les syzygies, et de la raison que la différence entre le carré du sinus de la distance de la Lune à la quadrature, et la moitié du carré du rayon, a avec la moitié du carré du rayon.

Ainsi, si les nœuds sont dans les quadratures, et qu’on prenne deux lieux également distants de l’octant, et deux autres également distants de la syzygie et de la quadrature : ensuite, que des décréments des mouvements dans les deux lieux entre la syzygie et l’octant, on re-tranche les incréments des mouvements dans les deux autres lieux qui sont entre l’octant et la quadrature ; le décrément restant sera égal au décrément dans la syzygie : ce dont il est facile de voir la raison. De-là il suit que le décrément médiocre qui doit être retranché du mou-vement médiocre des nœuds, est la quatrième partie du décrément dans la syzygie.

Le mouvement total horaire des nœuds dans les syzygies, lorsque la Lune est supposée décrire des aires proportionnelles au temps au-tour de la Terre, a été trouvé précédemment de 3 ′ ′ 2 4 ′ ′ ′ 2 7iv ; et le dé-crément du mouvement des nœuds, dans le temps que la Lune décrit plus promptement ce même espace, est suivant ce qu’on vient de dire, à ce mouvement, comme 100 à 11 073, donc ce décrément est de 1 ′ ′ ′ 7 43iv 11v dont la quatrième partie ′ ′ ′ 4 25iv 48v retranchée du mouvement horaire médiocre trouvé ci-dessus de 1 ′ ′ 6 2 ′ ′ ′ 1 3iv 30v donne 1 ′ ′ 6 1 ′ ′ ′ 6 37iv 42v pour le mouvement médiocre horaire corrigé.

Si les nœuds se trouvent hors des quadratures, et qu’on considère deux lieux également distants de part et d’autre des syzygies ; la somme des mouvements des nœuds, lorsque la Lune sera dans ces lieux, sera à la somme des mouvements lorsque la Lune sera dans ces mêmes lieux, et que les nœuds seront dans les quadratures, comme AZ 2 à AT 2. Et les décréments des mouvements qui viennent des cau-ses dont on a parlé, seront l’un à l’autre comme ces mouvements, c’est-à-dire, que les mouvements restants seront l’un à l’autre comme AZ 2 à AT 2, et les mouvements médiocres comme les mouvements restants. Donc le mouvement médiocre horaire corrigé, dans une posi-tion quelconque donnée des nœuds, sera à 1 ′ ′ 6 1 ′ ′ ′ 6 37iv 42v comme AZ 2 à AT 2, c’est-à-dire, comme le carré du sinus de la distance des nœuds aux syzygies au carré du rayon.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 535 Livre troisième : première partie

PROPOSITION XXXII. — PROBLÈME XIII.

Trouver le mouvement moyen des nœuds de la Lune. (Fig. 9)

Le mouvement moyen annuel est la somme de tous les mouve-ments médiocres horaires dans une année. Qu’on imagine un nœud allant vers N, et qu’on suppose de plus qu’à la fin de chaque heure il soit replacé dans son premier lieu ; en sorte que malgré son mouve-ment propre, il conserve toujours la même position par rapport aux fixes. Qu’on suppose encore que pendant ce temps le Soleil, par le mouvement de la Terre, s’éloigne de ce nœud, et qu’il achève unifor-mément sa révolution annuelle apparente. Aa étant un très petit arc donné que la ligne TS menée au Soleil parcourt sur le cercle NAn dans un petit temps donné : le mouvement médiocre horaire sera, parce qu’on a fait voir ci-devant, comme AZ 2, c’est-à-dire, à cause des pro-portionnelles AZ, ZY, comme le rectangle sous AZ et ZY ou, ce qui re-vient au même, comme l’aire AZYa. Et la somme de tous les mouve-ments médiocres horaires depuis le commencement sera comme la somme de toutes les aires aYZA c’est-à-dire, comme l’aire NAZ. Or la plus grande aire AZYa est égale au rectangle sous l’arc Aa et le rayon du cercle ; et par conséquent, la somme de tous les rectangles dans le cercle entier sera à la somme d’autant de plus grands, comme l’aire de tout le cercle est au rectangle sous la circonférence entière et le rayon, c’est-à-dire, comme 1 à 2. Mais le mouvement horaire, répondant au grand rectangle, a été trouvé de 1 ′ ′ 6 1 ′ ′ ′ 6 37iv 42v, qui devient de 39° 3 ′ 8 ′ ′ 7 5 ′ ′ ′ 0 dans une année entière sidérale de 365 jours 6h ′ 9 : donc la moitié 19° 4 ′ 9 ′ ′ 3 5 ′ ′ ′ 5 de ce mouvement est le mouvement moyen des nœuds qui répond à tout le cercle. Et le mouvement des nœuds, pen-dant que le Soleil va de N en A, est à 19° 4 ′ 9 ′ ′ 3 5 ′ ′ ′ 5 comme l’aire NAZ à tout le cercle.

Cela serait ainsi dans la supposition que le nœud fut remis à cha-que heure à son premier lieu, et que le Soleil au bout d’une année re-tournât au même nœud d’où il était parti au commencement. Mais comme le mouvement du nœud est cause que le Soleil y revient plus tôt, il faut compter de combien le temps de ce retour est abrégé.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 536 Livre troisième : première partie

Le Soleil parcourant par an 360°, et le nœud par son plus grand mouvement faisant dans le même temps 39° 3 ′ 8 ′ ′ 7 ′5 ′ ′ 0 ou 39,6355 degrés ; et le mouvement médiocre de ce nœud dans un lieu quel-conque N étant à son mouvement médiocre dans ses quadratures, comme AZ 2 à AT 2, le mouvement du Soleil sera au mouvement du nœud au lieu N comme 360 AT 2 à 39,6355 AZ 2, c’est-à-dire, comme 9,0827646 AT 2 à AZ 2. Ainsi en supposant que toute la circonférence du cercle NAn soit divisée en petites parties égales Aa, le temps pen-dant lequel le Soleil parcourrait la petite partie Aa, si le cercle était en repos, sera au temps pendant lequel il parcourra la même petite partie, ce cercle et les nœuds révolvants autour du centre T, réciproquement comme 9,0827646 AT 2 à 9,0827646 AT 2 + AZ 2. Car le temps est ré-ciproquement comme la vitesse avec laquelle cette petite partie est parcourue, et cette vitesse est la somme des vitesses du Soleil et du nœud. Donc si le temps pendant lequel le Soleil parcourrait l’arc NA, indépendamment du mouvement du nœud, est représenté par le sec-teur NTA, et la petite partie de temps pendant laquelle il parcourrait un très petit arc Aa par la petite portion ATa de ce secteur ; que l’on abaisse aY perpendiculaire sur Nn, et qu’on prenne dZ sur AZ d’une longueur telle que le rectangle dZ × ZY soit à la petite portion ATa du secteur comme AZ 2 à 9,0827646 AT 2 + AZ 2, c’est-à-dire, en sorte que dZ : 1

2 AZ = AT 2 : 9,0827646 AT 2 + AZ 2 ; le rectangle dZ × ZY représentera le décrément du temps causé par le mouvement du nœud, pendant le temps total pendant lequel l’arc Aa a été parcouru. Et si la courbe NdGn est le lieu des points d, l’aire curviligne NdZ sera le dé-crément total pendant le temps employé à parcourir l’arc NA entier, et par conséquent l’excès du secteur NAT sur l’aire NdZ sera ce temps total. Or comme le mouvement du nœud dans un temps plus court est moindre dans la raison du temps, l’aire AaZY devra être diminuée dans la même raison ; ce qui se fera en prenant sur AZ l’intervalle eZ qui soit à la ligne AZ comme AZ 2à 9,0827646 AT 2 + AZ 2. Par ce moyen le rectangle eZ × ZY sera à l’aire AZYa comme le décrément du temps employé à parcourir l’arc Aa, au temps total dans lequel il serait parcouru si le nœud était en repos, et par conséquent ce rectan-gle répondra au décrément du mouvement du nœud. Et si la courbe NeFn est le lieu des points e, l’aire totale NeZ, qui est la somme de tous les décréments, répondra au décrément total, pendant le temps employé à parcourir l’arc AN, et l’aire restante NAe répondra au mou-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 537 Livre troisième : première partie

vement restant, qui est le vrai mouvement du nœud, pendant le temps pendant lequel l’arc total NA est parcouru par les mouvements réunis du Soleil et des nœuds.

Mais en employant les méthodes des suites infinies, on trouve que l’aire du demi-cercle est à l’aire de la figure NeFn cherchée, environ comme 793 à 60. Donc, comme le mouvement qui répondait au cercle entier était de 19° 4 ′ 9 ′ ′ 3 5 ′ ′ ′ 5 le mouvement qui répond au double de la figure NeFn sera de 1° 2 ′ 9 5 ′ ′ 8 ′ ′ ′ 2 qui, étant soustrait du premier mouvement, donnera 18° 1 ′ 9 ′ ′ 5 5 ′ ′ ′ 3 pour le mouvement total du nœud par rapport aux fixes entre ses propres conjonctions avec le So-leil ; retranchant ensuite ce mouvement du mouvement annuel du So-leil qui est de 360°, on aura 341° 4 ′ 0 5 ′ ′ 4 ′ ′ ′ 7 pour le mouvement du Soleil entre ces mêmes conjonctions. Et ce mouvement est au mou-vement annuel de 360°, comme le mouvement du nœud ci-devant trouvé de 18° 1 ′ 9 ′ ′ 5 5 ′ ′ ′ 3 à son mouvement annuel, qui par conséquent sera de 19° 1 ′ 8 ′ ′ 1 2 ′ ′ ′ 3 . Et c’est là le mouvement moyen des nœuds dans une année sidérale. Ce mouvement, par les tables astronomiques, est de 19° 2 ′ 1 2 ′ ′ 1 5 ′ ′ ′ 0 . Ainsi la différence est moindre que 1

100 partie du mouvement total, et elle vient vraisemblablement de l’excentricité de l’orbe de la Lune, et de son inclinaison au plan de l’écliptique. Par l’excentricité de cet orbe le mouvement des nœuds est un peu trop ac-céléré, et son inclinaison le retarde un peu trop, ce qui le réduit à peu près à sa juste quantité.

PROPOSITION XXXIII. — PROBLÈME XIV.

Trouver le mouvement vrai des nœuds de la Lune. (Fig. 9)

Le temps étant représenté par l’aire NTA – NdZ l’aire NAe repré-sente le mouvement vrai, ainsi il est donné par les quadratures. Com-me le calcul serait pénible par cette méthode, il vaut mieux employer la construction suivante.

(Fig. 10)

Du centre C, et d’un intervalle quelconque CD, soit décrit le cercle BEFD, et soit prolongée CD en A, en sorte que AB soit à AC comme le mouvement moyen à la moitié du mouvement vrai médiocre, lors-que les nœuds sont dans les quadratures, c’est-à-dire, comme 19° 1 ′ 8

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 538 Livre troisième : première partie

′ ′ 1 2 ′ ′ ′ 3 à 19° 4 ′ 9 ′ ′ 3 5 ′ ′ ′ 5 . BC sera par conséquent à AC comme la dif-férence 0° 3 ′ 1 ′ ′ 2 3 ′ ′ ′ 2 de ces mouvements au dernier mouvement de 19° 4 ′ 9 ′ ′ 3 5 ′ ′ ′ 5 , c’est-à-dire, comme 1 à 38 3

10 ; soit ensuite tirée par le point D la ligne indéfinie Gg, qui touche le cercle en D ; et soit pris l’angle BCE ou BCF égal au double de la distance du Soleil au lieu du nœud qui est trouvé par le mouvement moyen ; enfin soit tirée AE ou AF qui coupe la perpendiculaire DG en G ; et soit pris un angle qui soit au mouvement total du nœud entre ses syzygies (c’est-à-dire à 9° 1 ′ 1 ′ ′ 3 ) comme la tangente DG à la circonférence entière du cercle BED ; cet angle (au lieu duquel on peut prendre l’angle DAG) étant ajouté au mouvement moyen des nœuds lorsqu’ils passent des quadra-tures aux syzygies, et étant soustrait de ce mouvement moyen lors-qu’ils passent des syzygies aux quadratures, on aura leur mouvement vrai. Car le résultat de cette opération s’accorde à très peu de choses près avec ce que l’on trouverait en exprimant le temps par l’aire NTA – NdZ et le mouvement du nœud par l’aire NAe : comme on peut s’en assurer par le calcul.

C’est là l’équation semestre du mouvement des nœuds. Il y a aussi une équation de ce mouvement pour chaque mois, mais elle n’est pas nécessaire pour trouver la latitude de la Lune. Car la variation de l’inclinaison de l’orbe de la Lune au plan de l’écliptique, éprouve une double inégalité, l’une tous les six mois, et l’autre tous les mois ; cette inégalité de tous les mois et l’équation des nœuds pour chaque mois se compensent et se corrigent tellement l’une l’autre, qu’on peut les né-gliger en déterminant la latitude de la Lune.

Cor. Il est clair, par cette Proposition et par la précédente, que les nœuds sont stationnaires dans leurs syzygies, que dans leurs quadratu-res ils rétrogradent d’un mouvement horaire de 1 ′ ′ 6 ′1 ′ ′ 9 26iv, et que l’équation du mouvement des nœuds dans les octants est de 1° 3 ′ 0 , ce qui s’accorde très bien avec les phénomènes célestes.

SCHOLIE.

J. Machin professeur d’astronomie à Gresham et Henri Pemberton M. D. ont trouvé chacun de leur côté le mouvement des nœuds par une autre méthode que la précédente, et on a fait mention de cette au-tre méthode dans un autre lieu. Les écrits de l’un et de l’autre que j’ai

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 539 Livre troisième : première partie

vus, contenaient chacun deux Propositions et s’accordaient parfaite-ment. Je joindrai ici l’écrit du Docteur Machin parce qu’il m’est tom-bé plutôt entre les mains.

Table des matières

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 540 Livre troisième : première partie

Planche I

Page 542: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton

Mathématicien, Physicien, Philosophe anglais

(1643-1727)

Principes mathématiques de la Philosophie naturelle

(Philosophiae Naturalis Principia Mathematica)

Par feue Madame la Marquise du Chastellet

Paris, 1759

Livre troisième. Du Système du Monde. (fin) Du mouvement des nœuds de la Lune.

Un document produit en version numérique par Jean-Marc Simonet, bénévole, Courriel : [email protected]

Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales"

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Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 542 Livre troisième : fin.

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LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALES.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 543 Livre troisième : fin.

Cette édition électronique a été réalisée par Jean-Marc Simonet, ancien pro-fesseur des Universités, bénévole. Courriel : [email protected]

À partir de :

Isaac Newton

Physicien, Mathématicien, Philosophe

anglais

(1643-1727)

Principes mathématiques de la Philosophie naturelle

Par feue Madame la marquise du Chastellet

chez Desaint & Saillant et Lambert, im-primeurs, Paris, 1759,

deux tomes de 437 p. et 379 p.

Polices de caractères utilisées : Pour le texte: Times New Roman, 14 et 12 points. Pour les notes de bas de page : Times New Roman, 10 points. Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2008 pour Macintosh. Mise en page sur papier format : LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’) Édition numérique réalisée le 3 juin 2010 à Chicoutimi, Ville de Saguenay, pro-vince de Québec, Canada

Page 545: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 544 Livre troisième : fin.

Table des matières

Principes mathématiques de la Philosophie Naturelle.

Du Système du Monde — Livre Troisième.

Règles qu’il faut suivre dans l’étude de la physique. Phénomènes. Propositions. Du mouvement des nœuds de la Lune.

Page 546: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 545 Livre troisième : fin.

Table des matières

DU MOUVEMENT

DES NŒUDS DE LA LUNE

PROPOSITION PREMIÈRE. Le mouvement moyen du Soleil depuis le nœud, se trouve en prenant une moyenne proportionnelle géométrique entre le mouvement moyen du Soleil, et le mouvement médiocre avec lequel le Soleil s’éloigne le plus vite du nœud dans les qua-dratures.

(Fig. 11)

Soient T le lieu où est la Terre, Nn la ligne des nœuds de la Lune dans un temps quelconque donné, KTM une ligne tirée à angles droits sur cette ligne, TA une droite qui tourne autour du centre, avec la mê-me vitesse angulaire que celle avec laquelle le Soleil et le nœud s’éloignent l’un de l’autre, en sorte que l’angle compris entre la ligne Nn qui est en repos, et la ligne TA qui tourne, soit toujours égal à la distance des lieux du Soleil et du nœud. Cela posé, si on divise une ligne quelconque TK dans les parties TS et SK qui soient comme le mouvement horaire moyen du Soleil au mouvement moyen horaire du nœud dans les quadratures, et qu’on prenne TH moyenne proportion-nelle entre la partie TS et la toute TK, cette ligne sera proportionnelle au mouvement moyen du Soleil depuis le nœud.

Soit décrit du centre T et du rayon TK le cercle NKMn. Du même centre et des demi-axes TH, TN soit décrite ensuite l’ellipse HNnL, si dans le temps que le Soleil s’éloigne du nœud de la quantité de l’arc quelconque Na, on imagine une ligne passant toujours par l’extrémité a de cet arc, l’aire du secteur NTa représentera la somme des mouve-ments du nœud et du Soleil dans le même temps. Soit Aa le petit arc que la ligne Tba décrit ainsi en tournant uniformément dans une petite portion de temps donnée, le petit secteur TAa sera donc comme la somme des vitesses avec laquelle le Soleil et le nœud sont transportés chacun dans leur temps.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 546 Livre troisième : fin.

La vitesse du Soleil est presque uniforme, en sorte que sa petite inégalité ne produit aucune altération sensible dans le mouvement moyen des nœuds.

(Fig. 11)

L’autre partie de cette somme, c’est-à-dire la vitesse du nœud dans sa médiocre quantité, augmente, en s’éloignant des syzygies, en raison doublée du sinus de sa distance au Soleil ; par le Cor. de la Prop. 31 du troisième Livre des Principes, et comme elle est la plus grande dans les quadratures avec le Soleil en K, elle a la même raison à la vi-tesse du Soleil que SK à ST, c’est-à-dire, qu’elle est comme la diffé-rence des carrés de TK et de TH, ou comme le rectangle KMH est à TH 2. Mais l’ellipse NBH partage le secteur ATa, qui exprime la som-me de ces deux vitesses, en deux parties ABba et BTb proportionnelles à ces mêmes vitesses. Soit donc prolongée BT jusqu’à ce qu’elle attei-gne le cercle en β, soit ensuite menée par B perpendiculairement au grand axe la ligne BG, qui, prolongée des deux côtés, rencontrera le cercle aux points F et f et l’on verra que l’espace ABba étant au sec-teur TBb comme le rectangle AB × Bβ est à BT 2 à cause que ce rec-tangle est égal à la différence des carrés de TA et de TB, à cause de la ligne Aβ coupée également et inégalement en T et en B) la proportion qui est entre ces deux quantités, lorsque l’espace ABba est le plus grand en K, devient la même que la raison du rectangle KMH à HT 2 mais la plus grande vitesse médiocre du nœud était à la vitesse du So-leil en cette même raison ; donc le secteur ATa sera divisé dans les quadratures en parties proportionnelles aux vitesses. Et parce que le rectangle KH × HM est à HT 2 comme FB × Bf à BG2 , et que le rec-tangle AB × Bβ est égal au rectangle FB × Bf, la petite aire ABba, lorsqu’elle est la plus grande, sera au secteur restant TBb, comme le rectangle AB × Bβ à BG2 ; mais la raison de ces petites aires aux sec-teurs restants est en général celle des rectangles AB × Bβ à BT 2. Donc l’aire ABba sera plus petite au lieu A que l’aire semblable dans les quadratures, en raison doublée de BG à BT, c’est-à-dire, en raison doublée du sinus de la distance du Soleil au nœud. Donc la somme de toutes les petites aires ABba, c’est-à-dire, l’espace ABN sera comme le mouvement du nœud dans le temps dans lequel le Soleil s’éloigne du nœud par l’arc NA. Et l’espace restant, ou, ce qui revient au même, le secteur elliptique NTB sera comme le mouvement moyen du Soleil dans le même temps. Or comme le mouvement moyen annuel du

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 547 Livre troisième : fin.

nœud est celui qui a lieu dans le temps que le Soleil achevé sa pério-de, le mouvement moyen du nœud depuis le Soleil sera au mouvement moyen du Soleil, comme l’aire circulaire à l’aire elliptique, c’est-à-dire, comme la droite TK à la droite TH qui est moyenne proportion-nelle entre TK et ST ; ou, ce qui revient au même comme cette moyenne proportionnelle TH à la ligne TS.

PROPOSITION II.

Le mouvement moyen des nœuds de la Lune étant donné, trouver leur mouvement vrai.

(Fig. 11)

Soit l’angle A la distance du Soleil au lieu moyen du nœud, ou le mouvement moyen du Soleil depuis le nœud. En prenant l’angle B tel que sa tangente soit à la tangente de l’angle A, comme TH à TK, c’est-à-dire, en raison sousdoublée du mouvement horaire médiocre du So-leil au mouvement horaire médiocre du Soleil depuis le nœud placé dans les quadratures ; cet angle B sera la distance du Soleil au lieu vrai du nœud.

Car tirant FT, l’angle FTN sera, par la démonstration de la Prop. précédente, la distance du Soleil au lieu moyen du nœud, l’angle ATN sa distance au lieu vrai, et les tangentes de ces angles seront entre elles comme TK à TH.

Cor. Donc FTA est l’équation des nœuds de la Lune, et le sinus de cet angle, lorsqu’il est le plus grand dans les octants, est au rayon comme KH à TK + TH. Dans un autre lieu quelconque A le sinus de cette équation est au plus grand sinus, comme le sinus de la somme des angles FTN + ATN au rayon : c’est-à-dire, environ comme le si-nus de 2FTN double de la distance du Soleil au lieu moyen du nœud est au rayon.

SCHOLIE.

Si le mouvement horaire médiocre des nœuds dans les quadratures, est de 1 ′ ′ 6 1 ′ ′ ′ 6 37iv 42v, c’est-à-dire, qu’il soit dans une année entière sidérale de 39° 3 ′ 8 ′ ′ 7 5 ′ ′ ′ 0 . On aura TH à TK en raison sousdoublée du nombre 9,0827646 au nombre 10,0827646, ou, ce qui revient au

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 548 Livre troisième : fin.

même, comme 18,6524761 à 19,6524761. Et par conséquent on aura TH : HK = 18,6524761 : 1, c’est-à-dire, comme le mouvement du So-leil dans une année sidérale au moyen mouvement du nœud qui est de 19° 1 ′ 8 ′ ′ 1 2 ′ ′ ′ 3 2

3 .

Mais si le mouvement moyen des nœuds de la Lune en 20 années Juliennes est de 386° 5 ′ 1 1 ′ ′ 5 , comme on le déduit des observations employées dans la théorie de la Lune : le mouvement moyen des nœuds dans une année sidérale, sera de 19° 2 ′ 0 3 ′ ′ 1 5 ′ ′ ′ 8 , et TH sera à HK comme 360° à 19° ′ 2 3 ′ ′ 1 5 ′ ′ ′ 8 , c’est-à-dire, comme 18,61214 à 1. De là, on tire le mouvement horaire médiocre des nœuds dans les quadratures de 1 ′ ′ 6 1 ′ ′ ′ 8 48iv. Et la plus grande équation des nœuds dans les octants de 1° 2 ′ 9 5 ′ ′ ′ 7 .

PROPOSITION XXXIV — PROBLÈME XV.

Trouver la variation horaire de l’inclinaison de l’orbe de la Lune sur le plan de l’écltptique.

(Fig. 12)

Soient A et a les syzygies ; Q et q les quadratures ; N et n les nœuds ; P le lieu de la Lune dans son orbe ; p la projection de ce lieu dans le plan de l’écliptique, et mTl le mouvement momentané des nœuds calculé comme ci-dessus.

Si sur la ligne Tm on abaisse la perpendiculaire PG, qu’on tire la ligne pG, qu’on la prolonge jusqu’à ce qu’elle rencontre Tl en g, et qu’on tire Pg : l’angle PGp sera l’inclinaison de l’orbite de la Lune au plan de l’écliptique, lorsque la Lune est en P ; l’angle Pgp l’inclinaison du même orbe l’instant d’après, et par conséquent [l’angle GPg la variation momentanée de l’inclinaison. Or cet angle GPg est à l’angle GTg en raison composée de TG à PG et de Pp à PG. Donc, en mettant une heure pour le moment du temps ; et par consé-

quent (par la Prop. 30.) 3 ′ ′ 3 1 ′ ′ ′ 0 33iv × IT × AZ × PGAT 3 , pour l’angle

GTg, l’angle GPg, ou la variation horaire de l’inclinaison sera à

l’angle de 3 ′ ′ 3 1 ′ ′ ′ 0 33iv, comme IT × AZ × TG × PpPG

à AT 3. —

C.Q.F.T.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 549 Livre troisième : fin.

Ce qu’on vient de dire a lieu dans la supposition que la Lune tour-ne uniformément dans un orbe circulaire. Mais si cet orbe est ellipti-que, le mouvement médiocre des nœuds diminuera dans la raison du petit axe au grand axe ; comme on l’a fait voir ci-dessus. Et la varia-tion de l’inclinaison diminuera aussi dans la même raison.

Cor. 1. Si on élevé TF perpendiculaire sur Nn, qu’on prenne pM pour le mouvement horaire de la Lune dans le plan de l’écliptique ; qu’on prolonge les perpendiculaires pK, Mk à QT, jusqu’à ce qu’elles rencontrent TP en H et en h ; on aura IT : AT = Kk : Mp, et TG : Hp =

TZ : AT ; donc IT × TG sera égal à Kk × Hp ×TZMp

, c’est-à-dire, à l’aire

HpMh multipliée par la raison de TZMp

; et par conséquent la variation

horaire de l’inclinaison sera à 3 ′ ′ 3 1 ′ ′ ′ 0 33iv, comme l’aire HpMh mul-

tipliée par AZ × TZMp

× PpPG

à AT 3.

Cor. 2. Donc, si la Terre et les nœuds étaient retirés à la fin de cha-que heure de leurs lieux nouveaux, et qu’ils fussent toujours ramenés à leurs premiers lieux en un instant, en sorte que leur position donnée demeurait la même pendant un mois entier périodique, toute la varia-tion de l’inclinaison dans ce même temps serait à 3 ′ ′ 3 ′1 ′ ′ 0 33iv, com-me le produit de la somme de toutes les aires HpMh, décrites pendant

la révolution du point p, par la quantité AZ × TZ × PpPG

est à Mp ×

AT 3, c’est-à-dire, comme le cercle entier QAqa multiplié par AZ × TZ

× PpPG

à Mp × AT 3, ou, ce qui revient au même, comme la circonfé-

rence QAqa × AZ × TZ × PpPG

à 2Mp × AT 3.

Cor. 3. Ainsi dans une position donnée des nœuds, la variation ho-raire médiocre, qui étant continuée uniformément pendant un mois, produirait cette variation entière, est à 3 ′ ′ 3 1 ′ ′ ′ 0 33iv, comme AZ × TZ

× PpPG

à 2AT 2, ou comme Pp × AZ ×TZ12 AT

à PG × 4AT, c’est-à-dire,

(puisque Pp est à PG comme le sinus de l’inclinaison dont on vient de

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 550 Livre troisième : fin.

parler au rayon, et que AZ ×TZ12 AT

est à 4AT comme le sinus du double

de l’angle ATn au quadruple du rayon) comme le sinus de cette même inclinaison multiplié par le sinus du double de la distance des nœuds au Soleil, est au quadruple du carré du rayon.

(Fig. 12)

Cor. 4. Puisque la variation horaire de l’inclinaison, lorsque les nœuds sont dans les quadratures, est (par cette Prop.) à l’angle de 3 ′ ′ 3

1 ′ ′ ′ 0 33iv, comme IT × AZ × TG × PpPG

à AT 3, c’est-à-dire, comme

IT ×TG12 AT

× PpPG

à 2AT, ou, ce qui revient au même, comme le sinus du

double de la distance de la Lune aux quadratures multiplié par PpPG

;

est au double du rayon ; la somme de toutes les variations horaires pendant le temps que la Lune passe de la quadrature à la syzygie dans cette position des nœuds (c’est-à-dire dans un espace de 177 heures et 14 ) sera à la somme d’autant d’angles de 3 ′ ′ 3 1 ′ ′ ′ 0 33iv, laquelle est 587 ′ ′ 8 , comme la somme de tous les sinus du double de la distance de

la Lune aux quadratures, multipliée par PpPG

est à la somme d’autant

de diamètres, c’est-à-dire, comme le diamètre multiplié par PpPG

à la

circonférence. Or cette proportion, si l’inclinaison est supposée de 5° ′ 1 , devient celle de 7 × 874

10000 à 22, ou de 278 à 10000. Donc la variation totale composée de la somme de toutes les variations horaires qui ont eu lieu dans le temps dont on vient de parler, est de 16 ′′ 3 ou de ′ 2 4 ′ ′ 3 .

PROPOSITION XXXV. — PROBLÈME XVI.

Trouver pour un temps donné l’inclinaison de l’orbe de la lune au plan de l’écliptique.

(Fig. 13)

AD étant le sinus de la plus grande inclinaison, et AB le sinus de la plus petite, soit coupée BD en deux parties égales au point C, et soit décrit du centre C et de l’intervalle BC le cercle BGD. Soit prise en-

Page 552: Newton - principes mathématiques de la philosophie naturelle

Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 551 Livre troisième : fin.

suite sur AC, CE en même raison à EB que EB à 2BA : soit fait l’angle AEG égal au double de la distance des nœuds aux quadratures pour le temps donné, abaissant alors GH perpendiculaire sur AD, AH sera le sinus de l’inclinaison cherchée.

Car GE 2 = GH 2 + HE 2 = BHD + HE 2 = HBD + HE 2 – BH 2 = HBD + BE 2 – 2BH × BE = BE 2 + 2EC × BH = 2EC × AB + 2EC × BH = 2EC × AH. Donc, puisque 2EC est donné, GE 2 sera comme AH. Que AEg représente le double de la distance des nœuds aux qua-dratures à la fin d’un moment quelconque de temps donné, l’arc Gg, à cause que l’angle GEg est donné sera comme la distance GE. Mais Hh : Gg = GH : GC, et par conséquent Hh est comme GH × Gg ou

GH × GE, c’est-à-dire, comme GHGE

× GE 2 ou GHGE

× AH, ou, ce qui

revient au même, en raison composée de AH et du sinus de l’angle AEG. Donc, si la ligne AH est dans quelque cas égale au sinus d’inclinaison, elle augmentera par les mêmes incréments que ce sinus, suivant le Cor. 3 de la Prop, précédente, et par conséquent elle demeu-rera toujours égale à ce sinus. Mais la ligne AH est égale à ce sinus, lorsque le point G tombe en B ou en D. Donc elle lui est toujours éga-le. — C.Q.F.D.

J’ai supposé dans cette démonstration que l’angle BEG, qui est le double de la distance des nœuds aux quadratures, augmentait unifor-mément, parce qu’il serait superflu en cette occasion d’avoir égard à la petite inégalité de cette augmentation.

Supposons maintenant que l’angle BEG soit droit et que dans ce cas Gg soit l’augmentation horaire du double de la distance des nœuds au soleil, la variation horaire de l’inclinaison sera alors (par le Cor. 3 de la dernière Proposition) à 3 ′ ′ 3 1 ′ ′ ′ 0 33iv comme le produit du sinus d’inclinaison AH et du sinus de l’angle droit BEG, qui est le double de la distance des nœuds au Soleil, au quadruple du carré du rayon, c’est-à-dire, comme le sinus AH de la médiocre inclinaison est au quadru-ple du rayon ; ou, ce qui revient au même, (parce que cette inclinaison médiocre est presque de 5° ′ 8 1

2 ) comme son sinus 896, au quadruple du rayon 40000, ou comme 224 à 10000. Mais la variation totale qui répond à la différence BD des sinus, est à cette variation horaire, comme le diamètre BD à l’arc Gg ; c’est-à-dire, en raison composée du diamètre BD à la demi-circonférence BGD, et de la raison de

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 552 Livre troisième : fin.

2079 710 heures que le nœud emploie à aller des quadratures aux syzy-

gies, à une heure ; joignant donc toutes ces raisons, la variation totale BD sera à 3 ′ ′ 3 1 ′ ′′ 0 33iv, comme 224 × 7 × 2079 7

10 à 110000, ou com-me 29645 à 1000, et par conséquent cette variation BD sera de 1 ′ 6 2 ′ ′ 3 1

2 . (Fig. 13)

C’est là la plus grande variation de l’inclinaison tant qu’on ne fait pas attention au lieu de la Lune dans son orbite. Car lorsque les nœuds sont dans les syzygies, cette inclinaison ne change point par la diffé-rente position de la Lune ; mais si les nœuds sont dans les quadratures, l’inclinaison est moindre lorsque la Lune est dans les syzygies, que lorsqu’elle est dans les quadratures, de ′ 2 4 ′ ′ 3 ; comme nous l’avons dit dans le Cor. 4 de la Prop. précédente. Et la moitié de cette diffé-rence qui est de ′ 1 2 ′ ′ 1 1

2 ; étant ôtée, la variation totale médiocre BD dans les quadratures de la Lune devient de 1 ′ 5 ′ ′ 2 , et en l’ajoutant à cette variation dans les syzygies elle devient de 1 ′ 7 ′4 ′ 5 . Donc si la Lune se trouve dans les syzygies, la variation totale dans le passage des nœuds des quadratures aux syzygies sera de 1 ′ 7 4 ′ ′ 5 ; et par conséquent si l’inclinaison lorsque les nœuds sont dans les syzygies est de 5° 1 ′ 7 2 ′ ′ 0 , elle sera, lorsque les nœuds sont dans les quadratu-res et la Lune dans les syzygies, de 4° 5 ′ 9 3 ′ ′ 5 . C’est ce qui se trouve confirmé par les observations.

Si ensuite on veut connaître cette inclinaison de l’orbe lorsque la Lune est dans les syzygies et que les nœuds sont dans un lieu quel-conque, il faut prendre AB à AD comme le sinus de 4° 59’ 35" au si-nus de 5° 17’ 20", faisant ensuite l’angle AEG égal au double de la distance des nœuds aux quadratures, AH sera le sinus de l’inclinaison cherchée.

L’inclinaison de cette orbite, lorsque la Lune est à 90° des nœuds, est égale à celle qu’on vient de déterminer. Et dans les autres lieux de la Lune, l’inégalité pour chaque mois, qui se trouve dans la variation de l’inclinaison, se compense dans le calcul de la latitude de la Lune, et elle est en quelque façon corrigée par l’inégalité du mouvement des nœuds à chaque mois ; (comme nous l’avons dit ci-dessus) ainsi on peut la négliger dans le calcul de la latitude.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 553 Livre troisième : fin.

SCHOLIE.

J’ai voulu montrer par ces calculs des mouvements de la Lune qu’on pouvait les déduire de la théorie de la gravité. J’ai trouvé encore par la même théorie que l’équation annuelle du mouvement moyen de la Lune vient de la différente dilatation de l’orbe de la Lune par la for-ce du Soleil, selon le Cor. 6 de la. Prop. 66. Liv. 1 car cette force étant plus grande dans le périgée du Soleil, elle dilate l’orbe de la Lune ; et étant plus petite dans son apogée elle fait que l’orbe de la Lune se contracte. Or la Lune se meut plus lentement dans l’orbe dilaté, et plus vite dans l’orbe contracté, l’équation annuelle par laquelle on com-pense cette inégalité est nulle dans l’apogée et dans le périgée du So-leil, dans la moyenne distance du Soleil à la Terre elle monte jusqu’à 1 ′ 1 5 ′ ′ 0 environ, et dans les autres lieux elle est proportionnelle à l’équation du centre du Soleil ; elle s’ajoute au moyen mouvement de la Lune lorsque la Terre va de son aphélie à son périhélie, et elle s’en soustrait dans la partie opposée de l’orbite.

En prenant le rayon du grand orbe de 1000 parties, et l’excentricité de la Terre de 16 7

8 , cette équation, lorsqu’elle est la plus grande, de-vient par la théorie de la gravité de 8° 1 ′ 1 4 ′ ′ 9 . Mais l’excentricité de la Terre paraît être un peu plus grande, augmentant donc l’excentricité cette équation doit augmenter dans la même raison. Ainsi si on suppo-se l’excentricité de 16 11

12 , la plus grande équation sera de 1 ′ 1 5 ′ ′ 1 .

J’ai trouvé aussi que dans le périhélie de la Terre, l’apogée et les nœuds de la Lune allaient plus vite, à cause de la plus grande force du Soleil, que dans son aphélie, et cela en raison triplée inverse de la dis-tance de la Terre au Soleil. De là on tire que les équations annuelles de ces mouvements sont proportionnelles à l’équation du centre du Soleil. Or le mouvement du Soleil est en raison doublée de la distance de la Terre au Soleil inversement, et la plus grande équation du centre, que cette inégalité produit, est de 1° 5 ′ 6 2 ′ ′ 0 ce qui s’accorde avec l’excentricité du Soleil de 16 11

12 dont on vient de parler. Si le mouve-ment du Soleil était en raison triplée inverse de la distance, cette iné-galité produirait 2° 5 ′ 4 3 ′ ′ ′ 0 pour la plus grande équation. Donc les plus grandes équations que les inégalités des mouvements de l’apogée et des nœuds de la Lune produisent sont à 2° 5 ′ 4 3 ′ ′ ′ 0 comme le mou-vement moyen diurne de l’apogée et le mouvement moyen diurne des nœuds de la Lune sont au mouvement moyen diurne du Soleil. D’où il

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 554 Livre troisième : fin.

suit que la plus grande équation du mouvement moyen de l’apogée est de 1 ′ 9 4 ′ ′ 3 et que la plus grande équation du mouvement moyen des nœuds est de ′ 9 2 ′ ′ 4 , la première équation est additive et la dernière soustractive lorsque la Terre va de son périhélie à son aphélie : c’est le contraire lorsqu’elle est dans la partie opposée de son orbite.

Par la théorie de la gravité il est certain que l’action du Soleil sur la Lune est un peu plus forte lorsque le diamètre transversal de l’orbe de la Lune passe par le Soleil, que lorsque le même diamètre est perpen-diculaire à la ligne qui joint le Soleil et la Terre : et par conséquent l’orbe de la Lune est un peu plus grand dans le premier cas que dans le dernier. De là on tire une autre équation du mouvement moyen de la Lune qui dépend de la situation de l’apogée de la Lune par rapport au Soleil, et cette équation est la plus grande lorsque l’apogée de la Lune est dans le même octant que le Soleil ; et elle est nulle lorsque l’apogée parvient aux quadratures ou aux syzygies ; elle s’ajoute au mouvement moyen dans le passage de l’apogée de la Lune de la qua-drature du Soleil à la syzygie, et elle se soustrait dans le passage de l’apogée de la syzygie à la quadrature. Cette équation, que j’appellerai équation semestre, monte jusqu’à ′ 3 4 ′ ′ 5 environ dans les octants de l’apogée lorsqu’elle est la plus grande, autant que je l’ai pu conclure des phénomènes. C’est là sa quantité dans la médiocre distance du So-leil à la Terre : mais elle doit être augmentée et diminuée en raison triplée de la distance du Soleil inversement, donc, dans la plus grande distance du Soleil elle est de ′ 3 3 ′ ′ 4 , et dans la plus petite de ′ 3 5 ′ ′ 6 à peu près : lorsque l’apogée de la Lune est située hors des octants elle devient moindre, et elle est à la plus grande équation comme le sinus du double de la distance de l’apogée de la Lune à la prochaine syzygie ou à la prochaine quadrature est au rayon.

Par la même théorie de la gravité l’action du Soleil sur la Lune est un peu plus grande, lorsque la ligne droite menée par les nœuds de la Lune passe par le Soleil, que lorsque cette ligne coupe à angles droits la ligne qui joint la Terre et le Soleil. Ce qui donne une autre équation du mouvement moyen de la Lune, que j’appellerai second semestre, laquelle est la plus grande lorsque les nœuds sont dans les octants du Soleil, et qui s’évanouit lorsqu’ils sont dans les quadratures ou dans les syzygies ; dans les autres positions des nœuds, elle est proportion-nelle au sinus du double de la distance de l’un ou l’autre nœud à la prochaine syzygie ou quadrature : elle doit s’ajouter au moyen mou-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 555 Livre troisième : fin.

vement de la Lune, si le Soleil s’éloigne en antécédence du nœud dont il est le plus voisin, et se retrancher s’il s’en éloigne en conséquence ; dans les octants, où elle est la plus grande, elle va à 4 ′ ′ 7 dans la moyenne distance du Soleil à la Terre, ainsi que je le trouve par la théorie de la gravité. Dans les autres distances du Soleil, cette plus grande équation, dans les octants des nœuds, est réciproquement comme le cube de la distance du Soleil à la Terre, et par conséquent, dans le périgée du Soleil elle monte environ à 4 ′ ′ 9 , et dans son apogée à ′4 ′ 5 environ.

Par la même théorie de la gravité l’apogée de la Lune avance le plus lorsqu’il est en opposition ou en conjonction avec le Soleil, et il rétrograde le plus lorsqu’il est en quadrature avec le Soleil. Dans le premier cas l’excentricité est la plus grande, et dans le second elle est la moindre, par les Cor. 7, 8 et 9 de la Prop. 66 du Liv. 1 et ses inéga-lités, par ces mêmes Corollaires, sont les plus grandes, et produisent l’équation principale de l’apogée que j’appelle semestre. La plus grande équation semestre est de 12° 1 ′ 8 à peu près, autant que je l’ai pu conclure des observations. Horroxius notre compatriote est le pre-mier qui ait assuré que la Lune faisait sa révolution dans une ellipse autour de la Terre qui est placée dans son foyer inférieur. Halley a mis le centre de cette ellipse dans un épicycle dont le centre tourne uni-formément autour de la Terre. Et de ce mouvement dans l’épicycle naissent les inégalités dans la progression et la régression de l’apogée, donc on a parlé, ainsi que la quantité de l’excentricité.

(Fig. 14)

Supposant que la distance médiocre de la Lune à la Terre soit divi-sée en 100 000 parties, que T soit la Terre, et TC l’excentricité médio-cre de la Lune de 5505 parties. Soit prolongée TC en B, en sorte que BC soit le sinus de la plus grande équation semestre de 12° 1 ′ 8 pour le rayon TC et le cercle BDA décrit du centre C et du rayon BC sera cet épicycle dans lequel le centre de l’orbe de la Lune est placé, et fait sa révolution selon l’ordre des lettres BDA. Soit ensuite pris l’angle BCD égal au double argument annuel, ou au double de la distance du vrai lieu du Soleil à l’apogée de la Lune corrigé en premier lieu, CTD sera l’équation de l’apogée semestre de la Lune, et TD l’excentricité de son orbe tendant vers l’apogée corrigé en second lieu. Ayant l’excentricité, le mouvement moyen, et l’apogée de la Lune, ainsi que

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 556 Livre troisième : fin.

le grand axe de son orbe de 200 000 parties, on en tirera, par les mé-thodes ordinaires, le lieu vrai de la Lune dans son orbe, et sa distance à la Terre.

(Fig. 14)

Le centre de l’orbe de la Lune se meut plus vite autour, du centre C dans le périhélie de la Terre que dans son aphélie, à cause de la plus grande force du Soleil, et cela en raison triplée inverse de la distance de la Terre au Soleil. À cause de l’équation du centre du Soleil com-prise dans l’argument annuel, le centre de l’orbe de la Lune se meut plus vite dans l’épicycle BDA en raison doublée inversé de la distance de la Terre au Soleil. Afin donc d’augmenter la vitesse de ce centre dans la raison simple inverse de la distance, du centre D de l’orbe soit tirée la droite DE vers l’apogée de la Lune, ou parallèlement à la ligne TC, et soit pris l’angle EDF égal à l’excès de l’argument annuel dont on a parlé sur la distance de l’apogée de la Lune au périgée du Soleil en conséquence, ou, ce qui est la même chose, soit pris l’angle CDF égal au complément de la vraie anomalie du Soleil à 360 degrés. Soit fait ensuite DE à DC en raison composée de la double excentricité du grand orbe à la distance médiocre du Soleil à la Terre, et du mouve-ment moyen diurne du Soleil depuis l’apogée de la Lune, au moyen mouvement diurne du Soleil depuis son propre apogée, c’est-à-dire, en raison composée de 33 7

8 à 1000 et de 5 ′ 2 2 ′ ′ 7 1 ′ ′ ′ 6 à 5 ′ 9 ′ ′ 8 1 ′ ′ ′ 0 , ou simplement dans la raison de 3 à 100.

Supposé que le centre de l’orbe de la Lune soit placé dans le point F et dans un épicycle dont le centre soit D et le rayon DE, et qu’il fas-se sa révolution tandis que le point D avance dans la circonférence du cercle DABD. Par ce moyen la vitesse, avec laquelle le centre de l’orbe de la Lune parcourra la ligne courbe décrite autour du centre C, sera, à peu près, en raison renversée du cube de la distance du Soleil à la Terre, comme cela doit être.

Le calcul de ce mouvement est très difficile, mais on peut le rendre plus aisé par l’approximation suivante. Prenant toujours 100 000 par-ties pour la distance médiocre de la Lune à la Terre, et 5505 pour l’excentricité TC ; la ligne CB ou CD sera de 1172 3

4 parties, et la ligne DE de 35 1

5 . Cette ligne, à la distance TC, sous-tend l’angle à la Terre que la translation du centre de l’orbe du lieu D au lieu F produit dans

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 557 Livre troisième : fin.

le mouvement de ce centre : et cette même droite étant doublée dans une position parallèle à la ligne qui joint la Terre et le foyer supérieur de l’orbe de la Lune, elle sous-tend le même angle, lequel est par conséquent celui que cette translation produit dans le mouvement du foyer ; et à la distance de la Lune à la Terre, elle sous-tend l’angle que cette même translation produit dans le mouvement de la Lune, en sor-te que cet angle peut être appelé la seconde équation du centre. Cette équation, dans la médiocre distance de la Lune à la Terre, est, à peu près, comme le sinus de l’angle que cette droite DF fait avec la ligne tirée du point F à la Lune, et lorsqu’elle est la plus grande, elle va jus-qu’à ′ 2 2 ′ ′ 5 . L’angle que cette droite DF fait avec la ligne tirée du point F à la Lune, se trouve ou en soustrayant l’angle EDF de l’anomalie moyenne de la Lune, ou en ajoutant la distance de la Lune au Soleil à la distance de l’apogée de la Lune à l’apogée du Soleil. Et la quatrième proportionnelle au rayon, au sinus de cet angle ainsi trouvé, et à ′ 2 2 ′ ′ 5 est la seconde équation du centre qu’il faut ajouter, si cette somme est moindre qu’un demi-cercle, ou soustraire si elle est plus grande. C’est ainsi qu’on aura la longitude de la Lune dans les syzygies même des luminaires.

Comme l’atmosphère de la Terre réfracte la lumière du Soleil jus-qu’à la hauteur de 35 ou 40 milles, qu’en la réfractant elle la répand autour de l’ombre de la Terre, et que la lumière ainsi éparse dans les confins de l’ombre l’étend et la dilate, j’ajoute une minute ou une mi-nute et un tiers au diamètre de l’ombre que produit la parallaxe dans les éclipses de Lune.

Au reste, la théorie de la Lune doit être examinée et établie par les Phénomènes, premièrement dans les syzygies, ensuite dans les qua-dratures, et enfin dans les octants. Dans cette vue, j’ai observé assez exactement les mouvements moyens de la Lune et du Soleil au méri-dien, dans l’observatoire royal de Greenwich. Et (pour le dernier jour de Décembre de l’année 1700 vieux style) j’ai trouvé le mouvement moyen du Soleil à 20° 4 ′ 3 4 ′ ′ 0 du Capricorne, et son apogée à 7° 4 ′ 4 3 ′ ′ 0 du Cancer, et le moyen mouvement de la Lune à 15° 2 ′ 1 0 ′ ′ 0 du Verseau, son apogée à 8° 2 ′ 0 0 ′ ′ 0 des Poissons, et son nœud ascendant à 27° 2 ′ 4 2 ′ ′ 0 du Lion.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 558 Livre troisième : fin.

La différence méridienne de cet observatoire à l’Observatoire Royal de Paris est de 0° ′ 9 2 ′ ′ 0 , mais on n’a pas encore le moyen mouvement de la Lune et de son apogée assez exactement.

PROPOSITION XXXVI. — PROBLÈME XVII.

Trouver la force du Soleil pour mouvoir les eaux de la mer. (Fig. 15)

On a vu, par la Prop. 25. de ce Livre, que la force ML ou PT du So-leil, pour troubler les mouvements de la Lune, est dans les quadratures de la Lune, à la force de la gravité sur la Terre, comme 1 à 638 092,6 et que la force TM – LM ou 2PK dans les syzygies de la Lune est deux fois plus grande. Or ces forces, si on descendait à la surface de la Ter-re, diminueraient en raison des distances au centre de la Terre, c’est-à-dire, en raison de 60 1

2 à 1, Donc, à la surface de la Terre, la première de ces forces est à la force de la gravité comme 1 à 38 604 600. C’est par cette force que la mer est abaissée dans les lieux qui sont éloignés du Soleil de 90°. L’autre force, qui est deux fois plus grande, élève la mer dans les régions situées sous le Soleil, et dans celles qui lui sont opposées. Ainsi la somme de ces forces est à la force de la gravité comme 1 à 12 868 200. Et parce que la même force produit le même mouvement, soit qu’elle abaisse l’eau de la mer dans les régions dis-tantes du Soleil de 90 degrés, soit qu’elle l’élève sous le Soleil et dans les régions opposées au Soleil, cette somme sera la force totale du So-leil pour mouvoir les eaux de la mer, et elle fera le même effet que si elle était employée toute entière à élever la mer dans les régions sous le Soleil ou opposées au Soleil, et qu’elle ne produisit aucun effet dans les régions distantes du Soleil de 90°.

C’est là la force du Soleil pour mouvoir la mer dans un lieu quel-conque donné, lorsque le Soleil est dans le Zénith du lieu, et dans sa moyenne distance à la Terre ; mais dans les autres positions du Soleil, sa force pour élever l’eau de la mer est directement comme le sinus verse du double de sa hauteur sur l’horizon du lieu, et inversement comme le cube de la distance du Soleil à la Terre.

Cor. Comme la force centrifuge des parties de la Terre produite par son mouvement diurne, laquelle force est à la force de la gravité dans la raison de 1 à 289, est cause que la hauteur de l’eau sous l’équateur

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 559 Livre troisième : fin.

surpasse sa hauteur au pôle de 85 472 pieds de Paris, ainsi qu’on l’a vu ci-dessus dans la Prop. 19 il est clair que la force du Soleil dont il s’agit ici, laquelle est à la force de la gravité comme 1 à 12 868 200 et par conséquent à la force centrifuge comme 289 à 12 868 200, ou comme 1 à 44 527, produira cet effet que la hauteur de l’eau dans les régions sous le Soleil et opposées au Soleil surpassera sa hauteur, dans les lieux distants du Soleil de 90 degrés, d’un pied de Paris, 11 pouces

530 puisque cette hauteur est à 85 472 pieds comme 1 à 44 527.

PROPOSITION XXXVII. — PROBLÈME XVIII.

Trouver la force de la Lune pour mouvoir les eaux de la mer.

La force de la Lune pour mouvoir la mer se trouve par sa propor-tion avec la force du Soleil, et on peut conclure cette proportion de la proportion des mouvements de la mer qui sont causés par ces deux forces.

À l’embouchure du fleuve d’Avone au-dessous de Bristol à la troi-sième pierre, dans l’Automne et le Printemps, l’ascension totale de l’eau, au temps de la conjonction et de l’opposition du Soleil et de la Lune, est environ de 45 pieds selon l’observation de Samuel Stur-mius ; dans les quadratures elle est de 25 pieds seulement. La premiè-re hauteur vient de la somme de ces forces, et la dernière de leur diffé-rence. Nommant donc S et L les forces du Soleil et de la Lune, lors-qu’ils sont dans l’équateur et dans leur moyenne distance de la Terre, on aura L + S : L – S = 45 : 25 ou = 9 : 5.

Dans le Port de Plymouth, Samuel Colepress a observé que le flux monte dans la médiocre hauteur à peu près à 16 pieds, et qu’au Prin-temps et à l’Automne la hauteur du flux dans les syzygies peut surpas-ser sa hauteur dans les quadratures de plus de 7 ou 8 pieds prenant 9 pieds pour la plus grande différence de ces hauteurs, on aura L + S : L – S = 20 1

2 : 11 12 ou = 4l : 23, laquelle proportion se rapporte assez à la

première. La grandeur du flux dans le port de Bristol semble donner plus de poids aux observations de Sturmius, ainsi jusqu’à ce qu’on ait trouvé quelque chose de plus certain, nous nous servirons de la pro-portion de 9 à 5.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 560 Livre troisième : fin.

Au reste, à cause des mouvements réciproques des eaux, les plus grandes marées n’arrivent pas précisément dans les syzygies du Soleil et de la Lune, mais ce sont les troisièmes après les syzygies, comme on l’a dit ; ou bien elles suivent de très près le troisième passage de la Lune par le méridien du lieu après les syzygies, ou plutôt (comme l’a remarqué Sturmius) elles arrivent le troisième jour après celui de la nouvelle Lune, ou de la pleine Lune, ou un peu plus ou un peu moins après la 12e heure depuis la nouvelle ou la pleine Lune. Et par consé-quent elles arrivent à peu près la quarante-troisième heure après la nouvelle ou la pleine Lune.

Elles arrivent dans ce port la septième heure environ après le pas-sage de la Lune par le méridien du lieu ; ainsi elles suivent de très près le passage de la Lune par le méridien du lieu lorsque la Lune est éloi-gnée du Soleil, ou de l’opposition du Soleil d’environ 80 ou 90 degrés en conséquence. L’Hiver et l’Été les marées ont plus de force, non pas dans les solstices mêmes, mais lorsque le Soleil en est éloigné de la dixième partie du cercle, ou environ de 36 à 37 degrés. De même, le plus grand flux arrive après le passage de la Lune par le méridien du lieu, lorsque la Lune est éloignée du Soleil environ de la dixième par-tie de tout l’espace qui est entre une marée et l’autre. Supposé que cet-te distance soit d’environ 18° 1

2 , la force du Soleil dans cette distance de la Lune aux syzygies et aux quadratures, sera moindre pour aug-menter et diminuer le mouvement de la mer causé par la Lune, que dans les syzygies et dans ses quadratures, et cela en raison du rayon au sinus de complément de cette distance doublée, ou de l’angle de 37°, c’est-à-dire, en raison de 10 000 000 à 7 986 355. Ainsi dans l’analogie ci-dessus on écrira, pour S 0,7986355S.

Mais il faut diminuer la force de la Lune dans les quadratures à cause de sa déclinaison. Car la Lune dans les quadratures, ou plutôt dans le 18 1

2 degré après les quadratures, a une déclinaison d’environ 22° 13. Et la force d’un astre sur la mer est moindre lorsqu’il s’éloigne de l’équateur, en raison doublée du sinus de complément de sa décli-naison à peu près : et par conséquent la force de la Lune dans ses qua-dratures est seulement de 0,8570327L. Donc on a L + 0,7986355S : 0,8570327L – 0,7986355S = 9 : 5.

De plus, les diamètres de l’orbite dans lequel la Lune ferait sa ré-volution sans excentricité, sont entre eux comme 69 à 70 ; ainsi la dis-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 561 Livre troisième : fin.

tance de la Lune à la Terre dans les syzygies, est à sa distance dans les quadratures, comme 69 à 70, toutes choses d’ailleurs égales : et ses distances dans le 18e degré 1

2 depuis les syzygies, où la marée est la plus grande, et dans le 18e degré 1

2 après les quadratures, où arrivent les plus petites marées, sont à sa moyenne distance comme 69,098747 et 69,897345 à 69 1

2 . Mais les forces de la Lune pour mouvoir la mer sont en raison inversée triplée des distances : donc les forces, à la plus grande et à la plus petite de ces distances, sont à la force dans la mé-diocre distance, comme 0,9830427 et 1,017522 à 1. D’où l’on tire 1,017522L + 0,7986355S à 0,9830427 × 0,8570327L – 0,7986355S comme 9 à 5. Et S à L comme 1 à 4,4815.

Ainsi la force du Soleil étant à la force de la gravité, comme 1 à 12 868 200, la force de la Lune sera à la force de la gravité comme 1 à 2 871 400.

Cor. 1. Comme l’eau par l’action du Soleil, monte à la hauteur d’un pied 11 pouces et 1

13 de pouce, elle montera à 8 pieds 7 pouces et 522 de pouces par l’action de la Lune, et par les forces réunies de ces deux astres elle montera à 10 pieds 1

2 , et lorsque la Lune est dans son périgée l’eau montera à la hauteur de 12 pieds 1

2 et plus, surtout si le flux est aidé par les vents qui soufflent alors.

Une force de cette nature suffit pour causer tous les mouvements de la mer et elle répond assez exactement à la quantité de ces mouve-ments. Car dans les mers qui ont une grande largeur de l’Orient à l’Occident, comme dans la mer Pacifique, et dans les parties de la mer Atlantique et Éthiopique qui sont au-delà des tropiques, l’eau monte ordinairement à la hauteur de 6, 9, 12 ou 15 pieds. Au reste on prétend que dans la mer Pacifique qui est plus profonde et plus large que la mer Atlantique et la mer d’Éthiopie, les marées y sont aussi plus grandes. Et en effet, pour que le flux soit complet la largeur de la mer de l’Orient à l’Occident ne doit pas être moindre que de 90°.

Dans la mer d’Éthiopie l’ascension de l’eau entre les tropiques est moindre que dans les zones tempérées, à cause du peu de largeur de la mer entre l’Afrique et la partie australe de l’Amérique. L’eau ne peut pas monter dans le milieu de la mer qu’elle ne descende en même temps vers l’un et l’autre rivage Oriental et Occidental mais dans nos mers qui sont plus resserrées, l’eau s’élève à un rivage lorsqu’elle

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 562 Livre troisième : fin.

descend à l’autre, et par cette raison, le flux et le reflux sont très peu sensibles dans les îles qui sont fort loin de la terre ferme.

Dans certains ports, où l’eau arrive avec impétuosité après avoir rencontré beaucoup de bancs de sable ; et où elle est obligée de fluer et de refluer pour emplir et vider tour à tour le golfe ; le flux et le re-flux doivent être plus grands, comme à Plymouth, au pont de Cheps-town en Angleterre, au mont Saint Michel et à Avranches en Norman-die, à Cambaie et à Pégu dans l’Inde Orientale.

Dans ces lieux, la mer arrivant et se retirant avec une grande vites-se, elle inonde tantôt le rivage à plusieurs milles et tantôt elle le laisse à sec. Le choc de l’eau lorsqu’elle arrive et lorsqu’elle se retire, ne cesse que lorsqu’elle s’est élevée ou abaissée de 30, 40, ou 50 pieds et plus. C’est la même chose dans les détroits oblongs et dans les mers pleines de bancs de sable, comme le détroit de Magellan, et les mers qui environnent l’Angleterre. Le flux dans ces ports et dans ces dé-troits augmente beaucoup par l’impétuosité avec laquelle la mer arrive et se retire. Mais sur les rivages près desquels la mer devient tout à coup très large et très profonde, et où l’eau peut s’élever et s’abaisser sans s’y porter et s’en retirer avec impétuosité, la grandeur des marées répond aux forces du Soleil et de la Lune.

Cor. 2. La force de la Lune pour mouvoir la mer étant à la force de la gravité comme 1 à 2 871 400, il est clair, que cette force est beau-coup moindre que ce qu’il faudrait qu’elle soit pour qu’elle puisse être aperçue, ou dans les expériences des pendules, ou dans toutes celles qu’on peut faire dans la statique et dans l’hydrostatique. Cette force de la Lune n’a d’effet sensible que dans les marées.

Cor. 3. Puisque la force de la Lune pour mouvoir la mer est à la force du Soleil sur la mer comme 4,4815 à 1, et que ces forces (par le Cor. 14 de la Prop. 66 Liv. 1) sont en raison composée des densités du Soleil et de la Lune et du cube de leurs diamètres apparents ; la densi-té de la Lune doit être à la densité du Soleil comme 4,4815 à 1 direc-tement, et comme le cube du diamètre de la Lune au cube du diamètre du Soleil inversement : c’est-à-dire, (les moyens diamètres apparents de la Lune et du Soleil étant de 3 ′ 1 1 ′ ′ 6 1

2 et de 3 ′ 2 1 ′ ′ 2 ) comme 4891 à 1000. Or la densité du Soleil est à la densité de la Terre comme 1000 à 4000 ; donc la densité de la Lune est à la densité de la Terre comme

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 563 Livre troisième : fin.

4891 à 4000, ou comme 11 à 9. Ainsi le globe de la Lune est plus den-se et plus terrestre que notre Terre.

Cor. 4. Puisque le vrai diamètre de la Lune est, selon les observa-tions astronomiques, au vrai diamètre de la Terre, comme 100 à 365 ; la masse de la Lune sera à la masse de la Terre comme 1 à 39,788.

Cor. 5. La gravité accélératrice à la surface de la Lune, sera pres-que 3 fois moindre que la gravité accélératrice à la surface de la Terre.

Cor. 6. La distance du centre de la Lune au centre de la Terre, sera à la distance du centre de la Lune au commun centre de gravité de la Lune et de la Terre comme 40,788 à 39,788.

Cor. 7. La médiocre distance du centre de la Lune au centre de la Terre dans les octants de la Lune sera à peu près de 60 2

5 demi grands diamètres de la Terre. Or le demi-grand diamètre de la Terre a été trouvé de 19 658 600 pieds de Paris : donc la médiocre distance des centres de la Lune et de la Terre qui est de 60 2

5 de ces demi grands diamètres, aura 1 187 379 440 pieds. Et cette distance (par le Cor. précédent) est à la distance du centre de la Lune au commun centre de gravité de la Terre et de la Lune, comme 40,788 à 39,788. Ainsi cette dernière distance est de 1 158 268 534 pieds. Or comme la Lune fait sa révolution, par rapport aux fixes, en 27 jours, 7 heures, 4 ′ 3 4

5 , le si-nus verse de l’angle que la Lune décrit dans une minute, est de 12 752 341 parties pour un rayon de 1000,000000,000000, et de 14,7706353 pieds pour un rayon de 1 158 268 534 pieds. Donc la Lu-ne tombant vers la Terre, par la même force qui la retient dans son orbite, parcourrait dans une minute 14,7706353 pieds. En augmentant cette force en raison de 178 29

40 à 177 2940 , on aura la force totale de la

gravité à l’orbe de la Lune par le Cor. de la Prop. 3 et la Lune tombant par cette force pendant une minute, parcourra 14,8538067 pieds. Donc, à la soixantième partie de la distance de la Lune au centre de la Terre, c’est-à-dire, à la distance de 197 896 573 pieds du centre de la Terre, un corps grave en tombant parcourra aussi dans une seconde 14,8538067 pieds. Donc à la distance de 19 615 800 pieds, c’est-à-dire, à la distance du moyen demi-diamètre de la Terre, un corps grave en tombant parcourra dans une seconde 15,11175 pieds, ou 15 pieds, 1 pouce, 4 1

11 lignes. C’est là la quantité de la chute des graves à 45° de latitude. Et par la table qu’on a donné dans la Prop. 20 la quantité de

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 564 Livre troisième : fin.

cette descente sera plus grande à la latitude de Paris de 25 de ligne en-

viron. Donc, selon ce calcul, les graves en tombant dans le vide à la latitude de Paris, parcourraient 15 pieds de Paris 1 pouce et 4 29

33 li-gnes environ en une seconde. Si on retranche de la gravité la force centrifuge que le mouvement diurne de la Terre produit à cette latitu-de, les graves, en y tombant, parcourront dans une seconde 15 pieds 1 pouce et 1 1

2 lignes. Or on a fait voir, dans les Prop. 4 et 19 que les graves parcourent en effet cet espace en une seconde à la latitude de Paris.

Cor. 8. La moyenne distance des centres de la Lune et de la Terre dans les syzygies de la Lune est de soixante demi grands diamètres de la Terre, moins la trentième partie d’un demi-diamètre environ. Dans les quadratures de la Lune, la moyenne distance de ces centres, est de 60 5

6 demi-diamètres de la Terre. Car ces deux distances sont à la dis-tance moyenne de la Lune dans les octants comme 69 et 70 à 69 1

2 par la Prop. 28.

Cor. 9. La moyenne distance des centres de la Lune et de la Terre dans les syzygies de la Lune est de 60 1

10 demi-diamètres moyens de la Terre. Et dans les quadratures de la Lune la distance moyenne de ces centres est de 61 demi-diamètres moyens de la Terre, moins la tren-tième partie d’un demi-diamètre.

Cor. 10. Dans les syzygies de la Lune sa parallaxe horizontale mé-diocre est à 0, 30, 38, 45, 52, 60 et 90 degrés de latitude, de 5 ′ 7 2 ′ ′ 0 , 5 ′ 7 1 ′ ′ 6 , 5 ′ 7 1 ′ ′ 4 , 5 ′ 7 1 ′ ′ 2 , 5 ′ 7 1 ′ ′ 0 , 5 ′ 7 ′ ′ 8 et 5 ′ 7 ′ ′ 4 respectivement.

Dans ces calculs je n’ai point considéré l’attraction magnétique de la Terre dont la quantité est très petite et est ignorée. Si jamais on par-vient à la connaître, et que les mesures des degrés dans le méridien, la longueur des pendules isochrones à diverses latitudes, les lois du flux et du reflux, la parallaxe de la Lune, et les diamètres apparents du So-leil et de la Lune, soient exactement déterminés par les Phénomènes ; on pourra refaire tout ce calcul plus exactement.

PROPOSITION XXXVIII. — PROBLÈME XIX.

Trouver la figure de la Lune.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 565 Livre troisième : fin.

Si la Lune était fluide comme notre mer, la force de la Terre pour élever les parties de ce fluide les plus proches et les plus éloignées de la Terre, serait à la force avec laquelle la Lune élève les parties des eaux de notre mer situées sous la Lune et opposées à la Lune, en rai-son, composée de la raison de la gravité accélératrice de la Lune vers la Terre à celle de la Terre vers la Lune, et de la raison du diamètre de la Lune au diamètre de la Terre, c’est-à-dire, comme 39,788 × 100 à 1 × 365 ou comme 1081 à 100. Ainsi, comme la force de la Lune élève notre mer à la hauteur de 8 pieds et 3

5 , le fluide de la Lune serait élevé par la force de la Terre à la hauteur de 93 pieds. Et par cette cause la forme de la Lune doit être celle d’un sphéroïde dont le grand diamètre prolongé passe par le centre de la Terre, et surpasse l’autre diamètre qui lui est perpendiculaire de 186 pieds. La Lune a donc cette forme et doit l’avoir prise dès le commencement. — C.Q.F.T.

Cor. C’est ce qui fait que la Lune présente toujours le même côté à la Terre ; car la Lune ne peut être en repos dans une autre position, mais elle doit toujours retourner à celle-là en oscillant. Cependant ces oscillations sont très lentes, parce que les forces qui les produisent sont très petites : en sorte que cette partie de la Lune qui devrait tou-jours être tournée vers la Terre, peut regarder l’autre foyer de l’orbe lunaire (par la raison alléguée dans la Prop. 17) et n’être pas ramenée en un instant vers la Terre.

LEMME PREMIER.

(Fig. 16)

Si APEp représente la Terre uniformément dense, C son centre, AE son équateur et P, p ses pôles ; que de plus, Pape soit la sphère inscrite, que QR représente le plan coupé perpendiculairement par la droite tirée du centre du Soleil au centre de la Terre ; qu’enfin toutes les particules qui composent l’excédent PapAPepE de la Terre par-dessus la sphère inscrite, tendent à s’éloigner de ce plan QR avec un effort qui soit proportionnel à leur distance à ce plan, alors : 1°. Toutes les particules qui sont placées dans le plan de l’équateur AE, et qui sont rangées également autour du globe en forme d’anneau, auront pour faire tourner la Terre autour de son centre, une force qui sera à celle que toutes

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 566 Livre troisième : fin.

ces mêmes particules (placées par supposition dans le lieu de l’équateur le plus distant du plan QRJ auraient pour fai-re mouvoir la Terre d’un semblable mouvement circulaire autour de son centre, comme 1 est à 2. 2°. Ce mouvement circulaire se fera autour d’un axe placé dans la commune section de l’équateur et du plan QR.

(Fig. 17)

Si du centre K et avec le diamètre IL on décrit le demi-cercle INLK, qu’on suppose la demi-circonférence INL partagée en un nom-bre infini de parties égales, et que de chacune de ces parties N on abaisse le sinus NM sur le diamètre IL. La somme des carrés de tous ces sinus NM sera égale à la somme des carrés des sinus KM ; et l’une et l’autre somme égale à la somme des carrés d’autant de demi-diamètres KN ; donc la somme de tous les carrés de tous les sinus NM sera sous-doublé de la somme des carrés d’autant de demi-diamètres KN.

(Fig. 16)

Soit à présent divisé le périmètre du cercle AE en autant de parties égales, et par chacune de ces particules F soit abaissée une perpendi-culaire FG au plan QR, ainsi que du point A la perpendiculaire AH. La force par laquelle la particule F s’éloigne du plan QR sera comme cet-te perpendiculaire FG (par l’hypothèse) et cette force, multipliée par la distance CG, sera l’efficacité de la particule F pour faire tourner la Terre autour de son centre. Ainsi l’efficacité d’une particule au lieu F, sera à l’efficacité d’une particule au lieu A, comme FG × GC à AH × HC, c’est-à-dire, = FC 2 : AC 2 ; et par conséquent, l’efficacité de tou-tes les parties dans leurs lieux F sera à l’efficacité d’autant de particu-les dans le lieu A, comme la somme de tous les FC 2 à la somme d’autant de AC 2, c’est-à-dire, par ce qui a déjà été démontré, comme un à deux. — C.Q.F.D.

Et parce que ces particules agissent en s’éloignant perpendiculai-rement du plan QR, et cela également de chaque côté de ce plan ; elles font tourner la circonférence du cercle de l’équateur, ainsi que la Terre qui y est attachée, autour de l’axe qui est dans ce plan QR et dans le plan de l’équateur.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 567 Livre troisième : fin.

LEMME II. Les mêmes choses étant posées, la force et l’efficacité que toutes les particules placées de toutes parts autour du globe ont pour faire tourner la Terre autour du même axe, est à la force, qu’un même nombre de particules, supposé placées en forme d’anneau dans le cercle de l’équateur AE, au-raient pour faire tourner la Terre d’un semblable mouve-ment circulaire, comme deux à cinq.

(Fig. 18)

Soit KI un cercle mineur quelconque parallèle à l’équateur, et soient L, l, deux particules quelconques égales situées dans ce cercle hors du globe Pape. Si sur le plan QR, qui est perpendiculaire au rayon tiré au Soleil, on abaisse les perpendiculaires LM, lm, toutes les forces avec lesquelles ces particules s’éloignent du plan QR seront proportionnelles à ces perpendiculaires. Supposé à présent que la droi-te Ll soit parallèle au plan Pape ; qu’elle soit coupée en deux parties égales au point X ; et que par le point X on tire Nn qui soit parallèle au plan QR et qui rencontre les perpendiculaires LM, lm, en N et en n ; abaissant XY perpendiculairement sur le plan QR, les forces contraires des particules L et l, pour faire tourner la Terre en sens contraire, se-ront comme LM × MC et lm × mC, c’est-à-dire, comme LN × MC + NM × MC et ln × mC – nm × mC, ou LN × MC + NM × MC et LN × mC – NM × mC : et leur différence LN × Mm – NM × MC + mC sera la force de ces deux particules prises ensemble pour faire tourner la Terre. La partie positive LN × Mm ou 2LN × NX de cette différence, est à la force 2AH × HC de deux particules de même grandeur placées en A, comme LX 2 à AC 2. Et la partie négative NM × MC + mC , ou 2XY × CY est à la force 2AH × HC de ces mêmes particules placées en A, comme CX 2 à AC 2. Donc la différence des forces de ces par-ties, c’est-à-dire, la force de deux particules L et l prises ensemble pour faire tourner la Terre, est à la force de deux particules qui leur seraient égales et qui seraient placées dans le lieu A pour faire tourner la Terre de la même manière, dans la raison de LX 2 – CX 2 à AC 2. Mais si la circonférence IK est divisée en un nombre innombrable de parties égales L, toutes les LX 2 seront à autant de IX 2 comme 1 à 2 (par le Lemme 1.) et par conséquent à autant de AC 2 comme IX 2 à 2 AC 2 ; et autant de CX 2 à autant de AC 2 comme 2CX 2 à 2 AC 2, donc les forces réunies de toutes les particules de la circonférence du

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 568 Livre troisième : fin.

cercle IK, sont aux forces réunies d’autant de particules dans le lieu A ; comme IX 2 – 2CX 2 à 2 AC 2 : et par conséquent (par le Lemme 1) aux forces réunies d’autant de particules dans la circonférence du cer-cle AE comme IX 2 – 2CX 2 à AC 2.

Si à présent le diamètre Pp de la sphère est divisé en un nombre innombrable de parties égales sur lesquelles s’élèvent autant de cer-cles IK ; la matière du périmètre d’un de ces cercles quelconque IK sera comme IX 2 : ainsi la force de cette matière pour faire tourner la Terre sera comme IX 2 × IX 2 – 2CX 2. Mais la force de cette même matière, si elle était placée dans le périmètre du cercle AE, serait comme IX 2 × AC 2. Donc la force de toutes les particules de la matiè-re placée dans le périmètre de tous ces cercles hors du globe, est à la force d’autant de particules de la matière placées dans le périmètre du grand cercle AE, comme tous les IX 2 × IX 2 – 2CX 2 à autant de IX 2 × AC 2, c’est-à-dire, comme tons les AC 2 – CX 2 × AC 2 – 3CX 2 à autant de AC 2 – CX 2 × AC 2, ou, ce qui revient au même, comme tous les AC 4 – 4 AC 2 × CX 2 + 3CX 4 à autant de AC 4 – AC 2 × CX 2, ou encore, comme toute la quantité fluente, dont la fluxion est AC 4 – 4 AC 2 × CX 2 + 3CX 4 est à toute la quantité fluente dont la fluxion est AC 4 , – AC 2 × CX 2 ; Et par conséquent, par la méthode des fluxions, comme AC 4 × CX – 4

3 AC 3 + 35 CX 4 × CX – 1

3 AC2 × CX 5 à AC 2 × CX 3, c’est-à-dire, en écrivant au lieu de CX la ligne entière Cp ou AC, comme 4

15 AC 5 à 23 AC 5, ou comme 2 à 5. — C.Q.F.D.

LEMME III.

Les mêmes choses étant posées, je dis que le mouvement dont nous avons parlé, de toute la Terre entière autour de l’axe, lequel mouvement est composé des mouvements de toutes les particules, sera au mouvement du précédent an-neau autour du même axe, dans une raison composée de la raison de la matière de la Terre à la matière de cet anneau, et de la raison de trois fois le carré du quart de cercle à deux fois le carré du diamètre, c’est-à-dire, en raison com-posée de la matière à la matière, et de 925 275 à 1 000 000.

Car le mouvement d’un cylindre tournant autour de son axe suppo-sé fixe, est au mouvement de la sphère inscrite, et qui tourne en même

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 569 Livre troisième : fin.

temps, comme quatre carrés égaux sont à trois des cercles inscrits dans ces carrés : et le mouvement du cylindre est au mouvement d’un anneau très mince qui touche la sphère et le cylindre dans leur com-mun contact, comme le double de la matière du cylindre est au triple de la matière de l’anneau ; et le mouvement de cet anneau continué uniformément autour de l’axe de ce cylindre est à son mouvement uniforme autour de son diamètre dans le même temps périodique, comme la circonférence du cercle est au double de son diamètre.

HYPOTHÈSE II.

Si l’anneau, dont on vient de parler, faisait seul sa révolu-tion autour du Soleil dans l’orbe de la Terre par le mouve-ment annuel, tout le reste de la Terre étant ôté, et que ce-pendant il tournât par le mouvement diurne autour de son axe, incliné au plan de l’écliptique de 23 1

3 degrés : le mou-vement des points équinoxiaux serait le même, soit que cet anneau fût fluide, soit qu’il fut formé d’une matière solide.

PROPOSITION XXXIX. — PROBLÈME XX.

Trouver la précession des Équinoxes.

Le mouvement horaire médiocre des nœuds de la Lune dans un or-be circulaire, lorsque les nœuds sont dans les quadratures, a été trouvé de 1 ′ ′ 6 3 ′ ′ ′ 5 16iv 36v, et sa moitié ′ ′ 8 1 ′ ′ ′ 7 38iv 18v est le mouvement moyen horaire des nœuds, dans cet orbe, par les raisons ci-dessus ex-pliquées ; ainsi ce mouvement dans une année entière sidérale est de 20° 1 ′ 1 4 ′ ′ 6 . Or, puisque les nœuds de la Lune dans un tel orbe se-raient tous les ans 20° 1 ′ 1 4 ′ ′ 6 en antécédence, et que s’il y avait plu-sieurs Lunes, les mouvements des nœuds de chacune seraient (par le Cor. 16, de la Prop. 66 du Liv. 1) comme les temps périodiques, il s’ensuit que si la Lune tournait autour de la Terre près de sa surface dans l’espace d’un jour sidéral, le mouvement annuel de ses nœuds serait à 20° 1 ′ 1 4 ′ ′ 6 comme un jour sidéral qui est de 23h 5 ′ 6 au temps périodique de la Lune qui est de 27 jours 7h 4 ′ 3 , c’est-à-dire, comme 1446 à 39 343. Il en serait de même des nœuds d’un anneau de Lunes qui entourerait la Terre ; soit que ces Lunes ne fussent pas contiguës, soit qu’elles devinssent fluides et qu’elles formassent un anneau

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 570 Livre troisième : fin.

continu, soit enfin que la matière de cet anneau s’endurcit et qu’il de-vint inflexible.

(Fig. 18)

Supposons donc que cet anneau soit égal en quantité de matière à la partie de Terre PapAPepE qui est l’excédent du sphéroïde sur le globe Pape, ce globe étant à cet excédent du sphéroïde comme à aC 2

AC 2 2 – , c’est-à-dire, (à cause que le petit demi-diamètre de la Terre PC ou aC est au demi-grand diamètre AC dans la raison de 229 à 230) comme 52 441 à 459 ; si cet anneau entourait la Terre dans le sens de l’équateur, et que l’un et l’autre tournassent ensemble autour du diamètre de l’anneau, le mouvement de l’anneau serait au mouve-ment du globe intérieur (par le Lemme 3 de ce Livre) comme 459 à 52 441 et 1 000 000 à 925 275 conjointement, c’est-à-dire, comme 4590 à 485 223 ; et par conséquent le mouvement de l’anneau serait à la somme des mouvements de l’anneau et du globe, comme 4590 à 489 813. Ainsi si l’anneau était adhérent au globe, et qu’il lui commu-niquait son mouvement par lequel ses nœuds ou les points équi-noxiaux rétrogradent : le mouvement qui resterait à l’anneau serait à son mouvement primitif comme 4590 à 489 813, et par conséquent le mouvement des points équinoxiaux serait diminué dans la même rai-son.

aC

(Fig. 6)

Le mouvement annuel des points équinoxiaux du corps composé de l’anneau et du globe, serait donc au mouvement de 20° 1 ′ 1 4 ′ ′ 6 comme 1436 à 39 343, et 4590 à 489 813 conjointement, c’est-à-dire, comme 100 à 292 369. Mais les forces par lesquelles les nœuds des Lunes (comme je l’ai expliqué ci-dessus) et par conséquent les points équinoxiaux de l’anneau rétrogradent, c’est-à-dire, les forces 3IT sont, dans chaque particule, comme les distances de ces particules au plan QR, et c’est par ces forces que ces particules s’éloignent de ce plan ; donc (par le Lemme 2) si la matière de l’anneau était répandue sur toute la superficie du globe, en sorte qu’elle formât sur la partie supé-rieure de la Terre la figure PapAPepE, la force et l’efficacité de toutes les particules pour faire tourner la Terre autour d’un diamètre quel-conque de l’équateur, et par conséquent pour mouvoir les points équi-noxiaux, deviendrait moindre qu’auparavant dans la raison de 2 à 5. Et par conséquent, la régression annuelle des points équinoxiaux sera

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 571 Livre troisième : fin.

à 20° 1 ′ 1 ′4 ′ 6 comme 10 à 73 092, c’est-à-dire, qu’elle sera de ′ ′ 9 5 ′ ′ ′ 6 50iv.

Au reste ce mouvement doit être diminué à cause de l’inclinaison du plan de l’équateur au plan de l’écliptique, c’est-à-dire, en raison du sinus 91 706 (qui est le sinus de complément de 23° 1

2 ) au rayon 100 000. Ainsi ce mouvement deviendra, de ′ ′ 9 ′ ′ ′ 7 20iv. Et c’est là la précession annuelle des équinoxes causée par la force du Soleil.

Mais la force de la Lune pour élever l’eau de la mer a été trouvée à la force du Soleil comme 4,4815 à 1 environ ; et la force de la Lune pour mouvoir les points équinoxiaux, est à la force du Soleil dans la même proportion, donc la précession annuelle des points équinoxiaux, causée par la force de la Lune, doit être de 4 ′ ′ 0 ′5 ′ ′ 2 52iv. Ainsi la pré-cession annuelle totale des équinoxes produite par ces deux forces, doit être de 5 ′ ′ 0 0 ′ ′ ′ 0 12iv, et ce mouvement s’accorde avec les phéno-mènes, car la précession des équinoxes selon les observations astro-nomiques est annuellement d’environ 5 ′ ′ 0 .

Si la Terre est plus haute à l’équateur qu’aux pôles de plus de 17 milles 1

2 , sa matière doit être moins dense à la circonférence qu’au centre : et la précision des équinoxes devra être augmentée en vertu de cette plus grande hauteur de l’équateur et diminuée à cause de cette moindre densité.

Nous avons expliqué jusqu’à présent le système du Soleil, de la Terre, de la Lune et des planètes : il nous reste à traiter des comètes.

LEMME IV.

Les Comètes sont placées au-dessus de la Lune, et viennent dans la région des Planètes.

De même que le défaut de parallaxe diurne fait voir que les comè-tes sont au-dessus des régions sublunaires, leur parallaxe annuelle prouve qu’elles descendent dans la région des planètes. Car les comè-tes qui vont suivant l’ordre des signes sont toutes, vers la fin de leur apparition, de plus en plus retardées ou même rétrogrades, si la Terre est entre elles et le Soleil, et accélérées également, si la Terre est en opposition. Au contraire, les comètes qui vont contre l’ordre des si-gnes vont plus vite vers la fin de leur apparition, si la Terre se trouve

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entre elles et le Soleil ; et elles vont plus lentement ou sont rétrogra-des, si la Terre se trouve en opposition avec elles. Ces mouvements apparents des comètes viennent principalement des mouvements de la Terre dans ses différentes positions par rapport à elles, de même que les planètes nous paraissent quelquefois rétrogrades, quelquefois plus lentes et quelquefois plus promptes, selon que leur mouvement cons-pire avec celui de la Terre, ou qu’il lui est contraire. Si la Terre va du même côté que la comète, et qu’elle soit transportée autour du Soleil d’un mouvement angulaire qui surpasse assez celui de la comète pour que la ligne qui suivront continuellement la Terre et la comète convergeait du côté qui est par-delà la comète, la comète vue de la Terre paraîtra alors rétrograde à cause de son mouvement plus lent ; mais si la Terre est mue plus lentement, le mouvement de la comète (en retranchant celui de la Terre) devient encore plus lent. Et lorsque la Terre ira du côté opposé à celui de la comète, la comète paraîtra plus rapide. Or de cette accélération et de ce mouvement rétrograde on tire la distance de la comète de la manière suivante.

(Fig. 19)

Soient QA, QB, QC trois longitudes de la comète, observées au commencement de son mouvement, et soit QF la dernière longitude observée lorsque la comète cesse d’être aperçue. Soit de plus tirée la ligne ABC dont les parties AB, BC séparées par les lignes QA et QB, QB et QC, soient entre elles comme les temps écoulés entre les trois premières observations. Soit prolongé AC jusqu’en G, en sorte que AG soit à AB comme le temps entre la première et la dernière observation, est au temps entre la première et la seconde, et soit enfin tirée la ligne QG : si la comète était mue uniformément dans une ligne droite, et que la Terre fut en repos ou qu’elle avançait en ligne droite d’un mouvement uniforme, l’angle QG serait la longitude de la comète au temps de la dernière observation. L’angle FQG, qui est la différence de ces longitudes, est donc formé par l’inégalité des mouvements de la Terre et de la comète. Cet angle, si la Terre et la comète vont vers des côtés opposés, étant ajouté à l’angle QG rendra le mouvement appa-rent de la comète plus prompt : mais si la comète et la Terre vont vers le même côté, il faut soustraire l’angle FQG de ce même angle QG, et cette soustraction rendra le mouvement apparent de la comète plus lent, ou même rétrograde, comme je viens de le faire voir. Cet angle est formé principalement par le mouvement de la Terre, et par consé-

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quent on peut le prendre pour la parallaxe de la comète, en négligeant le petit décrément ou le petit incrément de cet angle qui peut naître de l’inégalité du mouvement de la comète dans son orbe.

(Fig. 20)

On tire de cette parallaxe la distance de la comète en cette manière. Que S représente le Soleil, acT le grand orbe, a le lieu de la Terre dans le temps de la première observation, c son lieu dans le temps de la troisième, T celui où elle se trouve dans le temps de la dernière, et T la ligne droite tirée vers le commencement d’Aries. Soit pris l’angle TV égal à l’angle QF, c’est-à-dire, à la longitude de la comète lors-

que la Terre est en T. Soit de plus tirée ac prolongée en g en sorte que ag : ac = AG : AC, et g sera le lieu que la Terre aurait atteint au temps de la dernière observation par un mouvement continué uniformément dans la ligne droite ac. Donc si on tire la ligne g parallèle à T , et qu’on fasse l’angle gV égal à l’angle QG, cet angle gV sera égal à la longitude de la comète vue du lieu g ; et l’angle TVg sera la parallaxe qui vient de la translation de la Terre du lieu g au lieu T : et par conséquent V sera le lieu de la comète dans le plan de l’écliptique. Ce lieu V est ordinairement inférieur à l’orbe de Jupiter.

On conclut la même chose de la courbure du chemin des comètes. Ces corps marchent à peu près dans de grands cercles pendant qu’ils se meuvent avec leur plus grande vitesse ; mais dans la fin de leurs course, où cette partie de leur mouvement apparent qui vient de la pa-rallaxe a une plus grande proportion au mouvement total apparent, elles ont coutume de s’écarter de ces cercles, et lorsque la Terre se meut vers un côté du ciel, elles vont vers le côté opposé. Cette dé-flexion vient principalement de la parallaxe, car elle répond au mou-vement de la Terre ; et la grandeur de cette déflexion prouve, selon mon calcul, que les comètes, lorsqu’elles disparaissent, sont placées assez loin au-dessous de Jupiter. Et par conséquent dans leur périgée et leur périhélie, où elles sont plus proches, elles descendent souvent au-dessus des orbes de Mars et des planètes inférieures.

La proximité des comètes se confirme encore par la lumière de leurs têtes. Car l’éclat d’un corps céleste, éclairé du Soleil et qui s’éloigne à de très grandes distances, diminue en raison quadruplée de sa distance : c’est-à-dire, dans une raison doublée à cause que la dis-tance de ce corps au Soleil augmente, et dans une autre raison doublée

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à cause de la diminution de son diamètre apparent. Ainsi si la quantité de la lumière et le diamètre apparent d’une comète sont donnés, on aura sa distance, en disant, cette distance est à la distance d’une planè-te en raison directe du diamètre au diamètre, et en raison sousdoublée inverse de l’illumination à l’illumination.

Flamsteed observant le plus petit diamètre de la chevelure de la comète de 1682 le trouve de ′ 2 ′ ′ 0 avec une lunette de 16 pieds armée d’un micromètre, le noyau ou l’étoile qui était dans le milieu de la tête occupait à peine la dixième partie de cette largeur, ainsi son diamètre était seulement de 1 ′ ′ 1 ou 1 ′ ′ 2 . Mais l’illumination et l’éclat de sa tête surpassait celle de la tête de la comète de 1680, et elle était presque aussi brillante que les étoiles de la première ou de la seconde gran-deur. Supposons que sa lumière fut environ sous-quadruple de celle de Saturne et de son anneau : comme la lumière de l’anneau était presque égale à celle du globe et que le diamètre apparent du globe était pres-que de 2 ′ ′ 1 , la lumière du globe et de l’anneau égalaient ensemble la lumière d’un globe de 3 ′ ′ 0 de diamètre : ainsi la distance de la comète était à la distance de Saturne comme 1 à 4 inversement et comme 1 ′ ′ 2 à 3 ′ ′ 0 directement, c’est-à-dire, comme 24 à 30 ou comme 4 à 5.

La comète qui parut au mois d’Avril 1665 surpassait par son éclat, selon Hevelius, presque toutes les étoiles fixes, et même Saturne par la vivacité de sa lumière. Ainsi cette comète était plus brillante que celle qui avait paru à la fin de l’année précédente. Laquelle cependant avait été jugée aussi brillante que les étoiles de la première grandeur. Le diamètre de sa chevelure était presque de ′ 6 et son noyau étant compa-ré aux planètes par le secours d’une lunette, était sans aucun doute plus petit que Jupiter, et paraissait quelquefois égaler le globe de Sa-turne, et quelquefois il paraissait plus petit. Or comme le diamètre de la chevelure des comètes passe rarement ′ 8 ou 1 ′ 2 , et que celui du noyau ou de l’étoile centrale est presque la dixième ou même quelque-fois la quinzième partie du diamètre de la chevelure, il est clair que ces étoiles ont pour la plupart la même grandeur apparente que les planètes. Ainsi comme on peut ordinairement comparer leur lumière avec celle de Saturne et que quelquefois elle la surpasse ; il est clair que toutes les comètes dans leur périhélie sont au-dessous de Saturne ou très peu au-dessus. Ceux donc qui les placent dans la région des étoiles fixes, se trompent extrêmement : car à cette distance elles ne

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devraient pas être plus éclairées par notre Soleil que les planètes de notre système le sont par les étoiles fixes.

En traitant toutes ces choses, nous n’avons pas fait attention à l’obscurcissement des comètes causé par la fumée épaisse et abondan-te qui entoure leurs têtes, et qui fait que leur lumière paraît vue com-me à travers un nuage.

Plus cette fumée obscurcit les comètes, plus il faut qu’elles appro-chent du Soleil afin que la lumière qu’elles réfléchissent puisse être presque égale à celle des planètes ; d’où il est très vraisemblable que les comètes descendent beaucoup au-dessous de l’orbe de Saturne comme nous l’avons prouvé par la parallaxe.

La même chose se trouve amplement confirmée par leurs queues, ces queues sont formées ou par la réflexion de la fumée éparse dans l’Éther, ou par la lumière de la tête des comètes. Dans le premier cas on doit diminuer la distance des comètes, car sans cela, il faudrait supposer que cette fumée qui s’exhale sans cesse de leurs têtes est propagée dans un espace immense avec une vitesse et une expansion incroyable. Dans le dernier cas, on attribue toute la lumière de la queue et de la chevelure au noyau de la tête ; or si nous concevons que toute cette lumière est rassemblée et resserrée dans le disque du noyau, il est certain que ce noyau, toutes les fois que la comète a une queue très grande et très éclatante, devrait être beaucoup plus brillant que Jupiter : car donnant plus de lumière et ayant un plus petit diamè-tre apparent, il doit être beaucoup plus éclairé et beaucoup plus près du Soleil que Jupiter. Bien plus, lorsque leur tête est cachée sous le Soleil, et que leurs queues paraissent, ainsi qu’il arrive quelquefois, comme de grandes poutres enflammées, on doit par le même raison-nement les placer au-dessus de l’orbe de Vénus ; car si toute cette lu-mière est supposée rassemblée en une étoile, elle doit surpasser de beaucoup Vénus en clarté.

On doit conclure la même chose de la lumière des têtes des comè-tes qui croît lorsqu’elles s’éloignent de la Terre et qu’elles vont vers le Soleil, et qui décroît lorsqu’elles s’éloignent du Soleil et reviennent vers la Terre. Ainsi la dernière comète de l’année 1665 (comme l’a observé Hevelius) perdait toujours de son mouvement apparent depuis qu’il eut commencé à l’apercevoir, et par conséquent elle avait devan-

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cé le périgée, mais cependant la lumière de sa tête n’en augmentait pas moins de jour en jour, jusqu’à ce qu’enfin étant plongée dans les rayons du Soleil elle cessa d’être visible. Le mouvement de la comète de 1683 (observée par le même Hevelius) était très lent à la fin du mois de Juillet que l’on commença à l’apercevoir, car elle ne faisait alors environ que 40 ou 45 minutes de son orbe par jour, depuis ce temps son mouvement diurne augmenta continuellement jusqu’au 4 Septembre où était presque de 5 degrés ; or pendant tout ce temps la comète s’approcha de la Terre ainsi qu’on pouvait s’en assurer par le diamètre de sa tête mesuré avec le micromètre : car Hevelius le trouva le 6 Août de ′ 6 ′ ′ 5 seulement, y compris la chevelure ; mais le 2 Sep-tembre il était de ′ 9 ′ ′ 7 , ce qui rendait sa tête plus petite au commen-cement de son mouvement que vers la fin. Cependant dans le com-mencement comme elle était près du Soleil, elle paraissait beaucoup plus brillante que vers la fin, comme le rapporte le même Helvelius, et pendant tout ce temps, quoiqu’elle s’approchât de la Terre, la lumière diminua toujours, parce qu’elle s’éloignait du Soleil.

Le mouvement de la comète de 1618 fut le plus prompt vers le mi-lieu du mois de Décembre, et celui de la comète de 1680 vers la fin du même mois, ces comètes étaient par conséquent alors dans leur péri-gée, et cependant leurs têtes furent les plus brillantes environ 15 jours auparavant, lorsqu’elles sortaient des rayons du Soleil, et le plus grand éclat de leurs queues avait été quelque temps auparavant, lorsqu’elles étaient le plus près du Soleil.

La tête de la comète de 1618 paraissait, selon les observations de Cysatus faites le premier Décembre, plus grande que les étoiles de la première grandeur, et le 16 Décembre (étant alors dans son périgée) sa grandeur était fort diminuée, mais sa lumière et son éclat l’étaient beaucoup plus, et le 7 Janvier Kepler ne pouvant plus apercevoir sa tête cessa de l’observer.

La tête de la comète de 1680 fut observée le 12 Décembre par Flamsteed à la distance de 9 degrés du Soleil, et alors sa lumière parut à peine égaler celle des étoiles de la troisième grandeur. Le 15 et le 17 décembre elle lui parut comme les étoiles de la troisième grandeur, lorsque leur lumière est diminuée par celle des nuées vers le Soleil couchant. Le 26 Décembre elle se mouvait beaucoup plus vite, et par conséquent elle était plus près de son périgée, et alors elle était plus

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petite que l’étoile de la troisième grandeur de la bouche de Pégase, le 3 Janvier elle paraissait de la quatrième, le 9 de la cinquième et le 23 elle disparut à cause de la clarté de la Lune qui l’effaçait. Le 25 jan-vier elle égalait à peine la lumière des étoiles de la septième grandeur.

Si on prend des temps égaux avant et après son périgée, sa tête, qui était alors dans des régions très éloignées, aurait dû paraître également brillante, puisqu’alors elle était également éloignée de la Terre, mais elle parut beaucoup plus brillante lorsqu’elle fut du côté du Soleil, et presque éteinte de l’autre côté du périgée. On doit donc conclure de la grande différence qui se trouva entre la lumière dans l’une et l’autre position, qu’elle était très près du Soleil dans la première ; car la lu-mière des comètes a coutume d’être régulière et de paraître plus vive, lorsque leur tête se meut plus vite, et qu’elles sont par conséquent dans leur périgée, si ce n’est à moins que l’augmentation de leur clarté ne vienne de leur plus grande proximité du Soleil.

Cor. 1. Les comètes brillent donc parce qu’elles réfléchissent la lumière du Soleil.

Cor. 2. On doit voir par ce qui a été dit, pourquoi les comètes s’approchent si fort du Soleil. Si elles étaient vues dans les régions beaucoup au-delà de Saturne, elles devraient paraître plus souvent dans les parties du ciel opposées au Soleil ; et celles qui seraient pla-cées dans ces parties du ciel seraient plus voisines de la Terre, et le Soleil étant interposé obscurcirait les autres. Mais en parcourant l’histoire des comètes j’ai trouvé qu’on en a découvert quatre ou cinq fois plus dans l’hémisphère qui est vers le Soleil que dans l’hémisphère opposé, outre beaucoup d’autres qu’il n’est pas douteux que les rayons du Soleil n’aient empêché d’être visibles. Certainement lorsqu’elles descendent vers nos régions, elles n’ont point de queues et par conséquent elles ne sont point encore assez éclairées du Soleil pour qu’on puisse les apercevoir à la simple vue, et l’on ne les aper-çoit que lorsqu’elles sont plus près de nous que Jupiter. La plus gran-de partie de l’espace qu’elles décrivent autour du Soleil, lorsqu’elles en sont très près, est du côté de la Terre qui regarde le Soleil ; et par conséquent les comètes étant alors plus près du Soleil, elles en sont plus éclairées.

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Cor. 3. Il suit de là, que les espaces célestes sont dénués de toute résistance ; car les comètes suivent des routes obliques et quelquefois contraires à celles des planètes, et elles se meuvent très librement en tout sens, et conservent très longtemps leurs mouvements, même ceux qui se font contre l’ordre des signes.

Je me trompe beaucoup si les comètes ne sont pas des corps de même genre que les planètes, et si elles ne circulent pas perpétuelle-ment dans un même orbe, car l’opinion de quelques-uns qui préten-dent que ce sont des météores, étant fondée sur les changements continuels qui arrivent à leur tête, tombe d’elle-même par tout ce qu’on vient de voir.

Les têtes des comètes sont environnées de très grandes atmosphè-res, et ces atmosphères doivent être plus denses en bas. Ainsi les changements qu’on apercevait dans les comètes sont vus dans les nuages de ces atmosphères et non dans les corps mêmes des comètes. De même que la Terre vue des planètes ne renverrait la lumière que par les nuages qui l’environnent et la cachent, il est très vraisemblable aussi que les bandes de Jupiter qui sont mobiles sur cet astre sont for-mées dans les nuées qui l’entourent et qui font que nous l’apercevons plus difficilement. Or les corps des comètes qui sont environnés de nuages plus profonds et plus denses doivent être bien plus difficiles à apercevoir.

PROPOSITION XI. — THÉORÈME XX.

Les comètes se meuvent dans des sections coniques dont le foyer est dans le centre du Soleil, et elles décrivent autour de cet astre des aires proportionnelles au temps.

Cette Proposition est claire par le Cor. 1 de la Prop. 13 Livre 1 et par les Prop. 8, 12 et 13 de ce troisième Livre.

Cor. 1. De là il suit, que si les comètes tournent dans des orbes, ces orbes sont des ellipses, et leurs temps périodiques doivent être aux temps périodiques des planètes en raison sesquiplée de leurs grands axes. Donc la plus grande partie des comètes faisant leur révolution dans des orbes qui renferment ceux des planètes, et qui sont par conséquent plus grands que les leurs, elles doivent se mouvoir plus

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lentement qu’elles : de sorte que si l’axe de l’orbe d’une comète est quatre fois plus grand que l’axe de l’orbe de Saturne, le temps de la révolution de la comète sera au temps de la révolution de Saturne, c’est-à-dire, à 30 ans, comme 4 4 (ou 8) à 1, ainsi elle sera de 240 ans.

Cor. 2. Les orbes des comètes approchent beaucoup de la parabole, de sorte même que l’on puisse, sans erreur sensible, les prendre pour des paraboles.

Cor. 3. Et par conséquent (par le Cor. 7 de la Prop. 16 Livre 1) la vitesse de toute comète sera toujours, à peu près, à la vitesse d’une planète quelconque qui tourne dans un cercle autour du Soleil, en rai-son sousdoublée du double de la distance de la planète au centre du Soleil, à la distance de la comète au même centre.

Supposons que le rayon du grand orbe, ou le demi-grand diamètre de l’ellipse dans laquelle la Terre tourne ait 100 000 000 parties, et que la Terre dans son mouvement médiocre diurne en parcoure 1 720 212 parties, et 71 675 1

2 parties par heure, une comète qui serait à la même distance médiocre du Soleil que la Terre, et qui aurait une vitesse qui serait à celle de la Terre comme 2 à 1, parcourrait dans son mouvement diurne 2 4312 747 parties, et 101 364 1

2 parties par heure, et dans les plus grandes et les plus petites distances, le mouve-ment tant diurne qu’horaire sera à ce mouvement diurne et horaire en raison sousdoublée des distances réciproquement, et par conséquent il sera donné.

Cor. 4. Donc, si le paramètre de la parabole est quadruple du rayon du grand orbe, et qu’on suppose que le carré de ce rayon est de 100 000 000 parties, l’aire que la comète décrira autour du Soleil sera chaque jour de 1 216 373 1

2 parties, et à chaque heure cette aire sera de 50 682 1

4 parties, si le paramètre est plus ou moins grand dans une rai-son quelconque, l’aire diurne et horaire sera plus grande ou plus petite en la même raison sousdoublée.

LEMME V.

Trouver la ligne parabolique qui passe par un nombre quelconque de points donnés.

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(Fig. 21)

Soient ces points donnés A, B, C, D, E, F, etc. et soient abaissées de ces points, à une droite quelconque HN donnée de position, les perpendiculaires AH, BI, CK, DL, EM, FN.

Cas 1. Si les intervalles HI, IK, KL, etc. des points H, I, K, L, M, N sont égaux, rassemblez les premières différences b, 2b, 3b, 4b, 5b, etc. des perpendiculaires AH, BL, CK, etc. les secondes c, 2c, 3c, 4c, etc. les troisièmes d, 2d, 3d, etc. c’est-à-dire, que AH – BL = b, BI – CK = 2b, CK – DL = 3b, DL + EM = 4b, – EM + FN = 5b, etc. qu’ensuite b – 2b = c, etc.

et qu’on parvienne ainsi à la dernière différence supposée f, qu’on élève enfin une perpendiculaire quelconque RS laquelle soit une or-donnée à la courbe cherchée : on aura sa longueur de la manière sui-vante, supposé que les intervalles HI, IK, KL, LM, etc. soient des uni-tés, et que AH = a, – HS = p, 1

2 p × – IS = q, 13 q × + SK = r, 1

4 r × + SL = s, 1

5 s × + SM = t ; et en continuant ainsi jusqu’à la pénultième per-pendiculaire ME, et mettant des signes négatifs aux termes HS, IS, etc. qui sont du côté de A par rapport à S, et des signes positifs aux termes SK, SL, etc. qui sont de l’autre côté du point S. Et en ayant attention de placer ces signes comme il convient, on aura RS = a + bp + cq + dr + es + ft, etc.

Cas 2. Si les intervalles HI, IK, etc. des points H, I, K, L, etc. sont inégaux, prenez les différences premières b, 2b, 3b, 4b, 5b des per-pendiculaires AH, BL, CK, etc. divisées par les intervalles de ces per-pendiculaires, les secondes différences c, 2c, 3c, 4c, etc. divisées par les seconds intervalles, les troisièmes d, 2d, 3d, etc. divisées par les

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troisièmes intervalles, les quatrièmes e, 2e, etc. divisées par les qua-trièmes intervalles, et ainsi de suite, c est-a-dire, de sorte que b = AH − BI

HI, 2b = BI − CK

IK, 3b = CK − DL

KL, etc. ensuite c = b − 2b

HK, 2c

= 2b − 3bIL

, 3c = 3b − 4bKM

, etc. et enfin d = c − 2cHL

, 2d = 2c − 3cIM

etc.

Ayant trouvé ces différences, soient nommées AH = a, – HS = p, p × – IS = q, q × +SK = r, r × +SL = s, s × +SM = t, ce ainsi de suite jusqu’à la pénultième perpendiculaire ME, l’ordonnée cherchée RS sera = a+ bp + cq + dr + es + ft, etc.

Cor. On peut trouver par là, à peu près, les aires de toutes les cour-bes ; car si on a quelques points d’une courbe quelconque qu’on se propose de carrer, et qu’on imagine une parabole menée par ces mê-mes points : l’aire de cette parabole sera à peu près la même que celle de la courbe qu’on doit carrer ; or on a des méthodes très connues par lesquelles on peut toujours carrer géométriquement les paraboles.

LEMME VI.

Ayant observé quelques-uns des lieux d’une comète, trouver son lieu dans un temps quelconque intermédiaire donné.

(Fig. 21)

Que HI, IK, KL, LM représentent les temps qui se sont écoulés en-tre les observations ; HA, IB, KC, LD, ME les cinq longitudes obser-vées de la comète ; HS le temps donné entre la première observation et la longitude cherchée ; si on suppose une courbe régulière ABCDE qui passe par les points A, B, C, D, E, on trouvera par le Lemme pré-cédent son ordonnée RS, et cette ligne sera la longitude cherchée.

Par la même méthode ayant observé cinq latitudes, on trouvera la latitude à un temps donné.

Si les différences des longitudes observées sont petites, comme de 4 ou 5 degrés seulement, il suffira de 3 ou 4 observations pour trouver la latitude et la longitude nouvelle. Si les différences sont plus gran-des, comme de 10 ou 20 degrés ; il faudra employer cinq observations.

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LEMME VII. Tirer par le point donné P une ligne droite BC, dont les parties PB, PC coupées par deux droites AB, AC, données de position, ayant l’une à l’autre une raison donnée.

(Fig. 22)

Du point P soit menée une ligne droite PD à l’une de ces lignes comme AB, et soit prolongée cette ligne vers l’autre droite AC jus-qu’en E, de sorte que PE soit à PD dans la raison donnée ; soit tirée de plus EC parallèle à AD ; en menant CPB, on aura PC : PB = PE : PD. — C.Q.F.F.

LEMME VIII.

(Fig. 23)

Soit ABC une parabole dont le foyer soit S, que la corde AC coupée en deux au point I retranche le segment ABCI, dont le diamètre soit Iµ, et le sommet µ. Soit pris sur Iµ, prolongée µO égale à la moitié de Iµ, soit tirée OS que l’on prolonge en ξ, de sorte que Sξ, soit égale à 2SO. Si la co-mète B se meut dans l’arc CBA et qu’on tire ξB qui coupe AC en E : le point E retranchera de la corde AC un seg-ment AE à peu près proportionnel au temps.

Car soit tiré EO coupant l’arc parabolique ABC en Y, et soit aussi tiré µX qui touche le même arc à son sommet µ, et qui rencontre EO en X ; l’aire curviligne AEXµA sera à l’aire curviligne ACYµA comme AE à AC. Or comme le triangle ASE est au triangle ASC dans la même raison, l’aire totale ASEXµA sera à l’aire totale ASCYµA comme AE à AC. Mais à cause que ξO est à SO comme 3 à 1, et que EO est à XO dans la même raison, SX sera parallèle à EB : et par conséquent si on tire BX, le triangle SBE sera égal au triangle XEB. Donc si à l’aire ASEXµA on ajoute le triangle EXB, et que de cette somme on ôte le triangle SEB, il restera l’aire ASBXµA égale à l’aire ASEXµA, et elle sera par conséquent à l’aire ASCYµA comme AE à AC. Mais l’aire ABSYµA est égale, à peu près, à l’aire ASBXµA, et cette aire ASBYµA est à l’aire ASCYµA comme le temps employé à décrire l’arc AB est au temps employé à décrire l’arc total AC : donc AE sera à AC, à très peu de choses près, dans la raison des temps. — C.Q.F.D.

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Cor. Lorsque le point B devient le sommet µ de la parabole, AE est exactement à AC dans la raison des temps.

SCHOLIE.

Si on tire μξ qui coupe AC en δ et qu’on prenne dessus ξn qui soit à µB comme 27MI à 16Mµ : ayant tiré Bn elle coupera la corde AC dans la raison des temps plus exactement qu’auparavant. Le point n doit tomber au-delà du point ξ si le point B est plus éloigné du sommet principal de la parabole que le point µ et il doit tomber au contraire en-dessous si le point B est moins éloigné de ce même sommet.

LEMME IX.

(Fig. 24)

Les droites Iµ, µM et AI × IC4Sμ

sont égales entre elles.

Car 4Sµ est le paramètre de la parabole pour le sommet µ.

LEMME X.

Si on prolonge Sµ, jusqu’en N et en P, de sorte que µN soit la troisième partie de Iµ, et que SP : S = SN : Sµ, SP sera la hauteur à laquelle la comète aurait une vitesse capable de lui faire parcourir un arc égal à la orde AC dans un temps égala celui quelle emploie à parcourir l’arc AµC.

(Fig. 24)

Car si cette comète dans le même temps avançait uniformément dans la ligne droite qui touche la parabole en µ, avec la vitesse qu’elle a en µ ; l’aire qu’elle décrirait autour du point S serait égale à l’aire parabolique ASCµ. Ainsi le produit de la partie de la tangente qu’elle décrirait alors et de la droite Sµ, serait au produit de AC par SM, comme l’aire ASCµ au triangle ASC, c’est-à-dire, comme SN à SM. C’est pourquoi AC est à la partie de la tangente qui a été décrite, comme Sµ à SN. Or comme la vitesse de la comète à la hauteur SP est (par le Cor. 6 de la Prop. 16 Liv. 1) à sa vitesse à la hauteur Sµ, en raison sous-doublée inverse de SP à Sµ, c’est-à-dire, en raison de Sµ à

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SN ; la droite décrite avec cette vitesse dans le même temps sera à la partie de la tangente qui a été décrite comme Sµ, à SN. Donc AC et la droite décrite avec cette nouvelle vitesse étant à la longueur décrite sur la tangente dans cette même raison, elles sont égales entre elles. — C.Q.F.D.

Cor. Donc la comète avec la vitesse qu’elle a à la hauteur Sµ + 23 Iμ décrirait dans le même temps la corde AC à peu près.

LEMME XI.

Si une comète privée de tout mouvement tombe vers le Soleil de la hauteur SN ou Suµ + 1

3 Iμ , et que la force qui la pous-se dans le commencement de cette chute soit conservée la même pendant tout le temps qu’elle tombe ; elle décrira en descendant un espace égala la droite Iµ dans la moitié du temps dans lequel elle aurait parcouru dans son orbe l’arc AC.

(Fig. 24)

Car la comète, dans le temps pendant lequel elle décrit l’arc para-bolique AC, décrirait dans le même temps la corde AC avec la vitesse qu’elle avait à la hauteur SP (par le dernier Lemme) : ainsi (par le Cor. 7 de la Prop. 16 Liv. 1) en faisant dans le même temps, par la force de sa gravité, sa révolution dans un cercle dont le demi-diamètre serait SP, elle décrirait un arc dont la longueur serait à la corde AC de l’arc parabolique en raison sousdoublée de 1 à 2. Et par conséquent tombant vers le Soleil de la hauteur SP avec la même force avec la-quelle elle pesait sur le Soleil à cette même hauteur, elle parcourrait dans la moitié de ce temps (par le Cor. 9 de la Prop. 4 du Liv. 1) un espace égal au carré de la moitié de cette corde divisé par le quadruple

de la hauteur SP, c’est-à-dire, l’espace AI4SP

2

. Ainsi comme le poids de

la comète sur le Soleil à la hauteur SN est à son poids sur le Soleil à la hauteur SP dans la raison de SP à Sµ, la comète, par le poids qu’elle a à la hauteur SN, décrira, en tombant vers le Soleil dans le même

temps, un espace AI4Sμ

2

, c’est-à-dire, un espace égal à Iµ ou à µM. —

C.Q.F.D.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 585 Livre troisième : fin.

PROPOSITION XLI. — PROBLÈME XXI.

Déterminer par trois observations données la trajectoire d’une comète dans une parabole.

J’ai tenté de beaucoup de manières la solution de ce Problème qui est très difficile ; pour y parvenir j’avais résolu les Problèmes du pre-mier Livre qui y ont rapport. Mais ensuite je suis parvenu à la solution que je vais donner, laquelle est un peu plus simple.

(Fig. 23)

Soient choisies trois observations dont les intervalles de temps soient les plus égaux qu’il est possible ; et que cependant l’intervalle du temps où la comète se meut plus lentement soit un peu plus grand que l’autre, de sorte que, par exemple, la différence de ces temps soit à leur somme comme leur somme à 600 jours plus ou moins : ou que le point E tombe à peu près sur le point M, et que de là il se détourne plus vers I que vers A. Si on n’a pas de telles observations, il faudra trouver un nouveau lieu de la comète par le Lemme 6.

(Fig. 25)

Que S désigne le Soleil ; T, t, τ trois lieux de la Terre dans son grand orbe ; TA, τB, τC trois longitudes observées de la comète ; V le temps écoulé entre la première et la seconde observation ; W le temps écoulé entre la seconde et la troisième ; et X la droite que la comète peut parcourir pendant tout ce temps avec la vitesse qu’elle a dans la moyenne distance de la Terre au Soleil, laquelle on trouvera (par le Cor. 3 de la Prop. 40 Liv. 3) et que tV soit perpendiculaire sur la corde Tτ.

Dans la longitude moyenne observée tB, soit pris un point quel-conque B pour le lieu de la comète dans le plan de l’écliptique, et soit tirée ensuite vers le Soleil S la ligne SE qui soit à la flèche tV comme SB × St 2 est au cube de l’hypoténuse du triangle rectangle donc les côtés sont BS et la tangente de la latitude de la comète dans la seconde observation pour le rayon tB. Par le point E soit menée (par le Lemme 7 du Liv. 3) la droite ACE dont les parties AE, EC terminées par les droites TA et τC soient l’une à l’autre comme les temps V et W : A et C seront, à peu près, les lieux de la comète dans le plan de l’écliptique

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 586 Livre troisième : fin.

pour la première et la troisième observation, pourvu que B, qui est supposé son lieu dans la seconde observation, ait été pris exactement.

(Fig. 25)

Élevez la perpendiculaire Ii sur AC partagée en deux également au point I. Par le point B tirez, par pensée, Bi parallèle à AC, tirez, menta-lement, Si qui coupe AC en λ, et achevez le parallélogramme iIλµ. Prenez Iσ égale à 3Iλ, et tirez, mentalement, par le Soleil S, σξ ; égale à 3Sσ + 3iλ ; et effaçant les lettres A, E, C, I, menez, par pensée, BE, du point B vers le point ξ, laquelle ligne soit à la première BE en rai-son doublée de la distance BS à la quantité Sµ + 1

3 iλ ; et par le point E tirez de nouveau la droite AEC en suivant le même procédé qu’auparavant, c’est-à-dire, de sorte que ses parties AE, et EC soient l’une à l’autre, comme les temps écoulés entre les observations V et W ; A et C seront les lieux de la comète plus exactement.

Soient élevées AM, CN, IO perpendiculaires sur la ligne AC parta-gée en deux parties égales au point I. AM, CN sont les tangentes des latitudes dans la première et la troisième observation pour les rayons TA et τC. Soit tirée ensuite MN qui coupe la ligne IO en O, et soit fait le rectangle iIλµ. comme ci-devant, sur IA prolongée soit prise ID égale à Sµ + 1

3 iλ . Ensuite soit prise, sur MN vers N, la ligne MP, la-quelle soit à la droite X ci-devant trouvée, en raison sous-doublée de la moyenne distance de la Terre au Soleil (ou du demi-diamètre du grand orbe) à la distance OD. Si le point P tombe sur le point N, les points A, B, C seront les trois lieux de la comète par lesquels son orbe doit être décrit dans le plan de l’écliptique. Si le point P ne tombe pas sur le point N, il faut prendre sur la ligne AC, CG égale à NP, de sorte que les points G et P soient vers les mêmes parties de la droite NC.

(Fig. 25)

Par la même méthode qu’on a trouvé les points E, A, C, G, en se servant du point B ; on trouvera, de nouveaux points e, a, c, g, et ε, α, κ, γ, en se servant d’autres points quelconques b et β. Ensuite, si par G, g, γ, on fait passer la circonférence d’un cercle Ggγ qui coupe la ligne τC en Z : le point Z sera un lieu de la comète dans le plan de l’écliptique. Et si où prend sur AC, ac et ακ les droites AF, af et αφ égales respectivement à CG, cg et κγ, et qu’on fasse passer la cir-conférence d’un cercle Ffφ par les points F, f, φ, et que cette circonfé-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 587 Livre troisième : fin.

rence coupe la ligne AT en X, le point X sera un autre lieu de la comè-te dans le plan de l’écliptique. Ensuite élevant aux points X et Z les tangentes des latitudes de la comète pour les rayons TX et TZ, on aura deux lieux de la comète dans sa propre orbite. Enfin, (par la Prop. 19 Liv. 1) faisant passer par ces deux lieux une parabole dont le foyer soit S, elle sera la trajectoire de la comète. — C.Q.F.T.

La démonstration de cette construction suit des Lemmes précé-dents : car puisque (par le Lemme 7) la droite AC a été coupée en E, dans la raison des temps, comme l’exige le Lemme 8 et que BE (par le Lemme 11) est la partie de la ligne BS ou Bξ ; dans le plan de l’écliptique, comprise entre l’arc ABC et la corde AEC, et qu’enfin MP est (par le Cor. du Lemme 10) la longueur de la corde de l’arc que la comète doit parcourir dans la propre orbite entre la première et la troisième observation, elle sera par conséquent égale à MN, pourvu que B soit le vrai lieu de la comète sous le plan de l’écliptique.

Au reste, il ne faut pas prendre les points B, b et β à volonté, mais il faut les choisir près l’un de l’autre. Si on connaît à peu près l’angle AQt sous lequel la projection de l’orbe décrit dans le plan de l’écliptique coupe la ligne Bt, il faut mener dans cet angle l’occulte AC qui soit à 4

3 Tτ en raison sous-doublée de SQ à St. Et tirant la droi-te SEB dont la partie EB égale la droite Vt, on déterminera le point B qu’il faut prendre pour le premier. Ensuite effaçant la ligne AC, et la tirant de nouveau selon la construction précédente, et trouvant de plus la droite MP, on prendra le point b sur tB, en sorte que (Y étant l’intersection de TA, τC) la distance Yb soit à la distance YB en raison composée de la raison sous-doublée de SB à Sb et de la raison simple de MP à MN. De la même manière, on trouvera le troisième point β si on veut répéter l’opération une troisième fois ; mais par cette méthode deux opérations seront plus que suffisantes ; car si la distance Bb était très petite, après que les points F, f et G, g seront trouvés, les droites Ff, Gg qu’on tirera, couperont AT et τC dans les points cherchés X et Z.

Exemple.

Soit proposée la comète de 1680. Son mouvement calculé d’après les observations de Flamsteed, et corrigé par Halley sur les mêmes observations, est exposé dans la table suivante.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 588 Livre troisième : fin.

Ajoutez à ces observations quelques-unes que j’ai faites moi-

même.

(Fig. 26)

Ces observations ont été faites avec un télescope de sept pieds et un micromètre dont les fils étaient placés dans le foyer du télescope : et c’est avec ces instruments que nous avons déterminé les positions des fixes entre elles, et les positions de la comète par rapport aux fixes. Que A représente l’étoile de la quatrième grandeur dans le talon gauche de Persée (marquée o dans Bayer) B l’étoile suivante de la troisième grandeur dans son pied gauche (marquée ζ dans Bayer) et C l’étoile de la sixième grandeur dans le talon du même pied (marquée n

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 589 Livre troisième : fin.

dans Bayer) et D, E, F, G, H, I, K, L, M, N, O, Z, α, β, γ, δ, d’autres étoiles plus petites du même pied : que p, P, Q, R, S, T, V, X soient les lieux de la comète dans les observations ci-dessus décrites ; la distan-ce AB étant de 80 7

12 parties, AC était de 52 14 , BC en avait 58 5

6 , AD 57 5

12 , BD 82 611 , CD 23 2

3 , AE 29 47 , CE 57 1

2 , DE 49 1112 , AI 27 7

12 , BI 52 16 ,

CI 36 712 , DI 53 5

11 , AK 38 23 , BK 43, CK 31 5

9 , FK 29, FB 23, FC 36 14 ,

AH 18 67 , DH 50 7

8 , BN 46 512 , CN 31 1

3, BL 45 512 , NL 31 5

7 : et HO était à HI comme 7 à 6, et étant prolongée elle passait entre les étoiles D et E, en sorte que la distance de l’étoile D à cette ligne était de 1

6 CD : et LM était à LN comme 2 à 9, et étant prolongée elle passait par l’étoile H. Par là les positions des fixes entre elles étaient déterminées.

Enfin Pound notre compatriote, observa de nouveau la position de ces fixes entre elles, et il a donné la table suivante de leurs longitudes et de leurs latitudes.

J’observai donc les positions de la comète à ces étoiles de la ma-

nière suivante.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 590 Livre troisième : fin.

Le Vendredi 25 Février v. st. à 8h 12 après midi la comète étant en

p, sa distance à l’étoile E, était moindre que 313AE, et plus grande que

15 AE ; ainsi elle était à peu près égale à 3

14 AE ; et l’angle ApE n’était presque pas obtus, mais approchait beaucoup d’être droit, de sorte qu’en tirant du point A une perpendiculaire sur pE, la distance de la comète à cette perpendiculaire était de 1

3pE. (Fig. 16)

La même nuit à 9h 12 , la comète étant en P, sa distance à l’étoile E

était plus grande que 14 1

2

AE, et plus petite que 15 1

4

AE, ainsi elle était à

peu près égale à 14 7

8

ou 839 AE. Et la comète était éloignée de la per-

pendiculaire tirée de l’étoile A à la ligne PE de 45 PE.

Le Dimanche 27 Février à 8h 14 après midi, la comète étant en Q, sa

distance à l’étoile O était égale à la distance des étoiles O et H, et la ligne QO, prolongée, passait entre les étoiles K et B ; je n’ai pas pu déterminer plus exactement la position de cette ligne à cause des nua-ges qui survinrent.

Le Mardi premier Mars à 11h après midi, la comète étant en R, elle était exactement entre les étoiles K et C, et la partie CR de la ligne CRK était un peu plus grande que 1

3CK, et un peu plus petite que 13CK

+ 18 CR, ainsi elle était égale à 1

3CK + 116CR, ou 16

45 CK.

Le Mercredi 2 Mars à 8h après midi, la comète étant en S, sa dis-tance à l’étoile C était à peu près de 4

9 FC, la distance de l’étoile F à la droite CS, prolongée, était de 1

24 FC ; et la distance de l’étoile B à la même ligne était 5 fois plus grande que la distance de l’étoile F. De plus, la ligne NS prolongée passait entre les étoiles H et I cinq ou six fois plus près de l’étoile H que de l’étoile I.

Le Samedi 5 Mars à 11h 12 après midi, la comète étant en T, la ligne

MT était égale à 12 ML, et la ligne LT prolongée passait entre B et F

quatre ou cinq fois plus près de F que de B, en retranchant de BF, sa cinquième ou sa sixième partie vers F. Et MT prolongée passait au-delà de l’espace BF du côté de l’étoile B quatre fois plus près de l’étoile B que de l’étoile F. M était une des plus petites étoiles qu’on

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 591 Livre troisième : fin.

pût à peine apercevoir par le télescope, et L une étoile un peu plus grande et presque de la huitième grandeur.

Le Lundi 7 Mars à 9h 12 après midi, la comète étant en V, la ligne

Vα prolongée passait entre B et F, et elle retranchait de BF vers F 1

10BF, elle était à la ligne Vβ comme 5 à 4 ; et la distance de la comè-te à la ligne αβ était 1

2 Vβ.

Le Mercredi 9 Mars à 8h 12 après midi, la comète étant en X, la droi-

te γX était égale à 14 γδ, et la perpendiculaire tirée de l’étoile δ à la li-

gne γX était de 25 γδ.

La même nuit à 12 heures, la comète étant en Y, la ligne γY était égale à 1

3γδ ou un peu plus petite, comme 516γδ, et la perpendiculaire

abaissée de l’étoile δ à la ligne γY était égale à 16 ou à 1

7 γδ environ. Mais la comète pouvait à peine être vue, parce qu’elle était très près de l’horizon, et on ne pouvait pas déterminer son lieu avec autant de précision que dans les observations précédentes.

Par ces observations, par la construction des figures, et par les cal-culs, je déterminai les longitudes et les latitudes de la comète, et Pound corrigea ses lieux sur les lieux corrigés des fixes, et j’ai donné ci-dessus ces lieux corrigés.

Je me servis d’un micromètre assez grossièrement construit, ce-pendant les erreurs des longitudes et des latitudes (en tant qu’elles peuvent venir de mes observations) surpassent à peine une minute. Au reste, la comète (selon mes observations) commença à la fin de son mouvement à s’éloigner considérablement vers le Nord du parallèle qu’elle avait décrit à la fin de Février.

Pour déterminer ensuite l’orbe de la comète, je choisis trois des ob-servations de Flamsteed décrites ci-dessus, celles du 21 Décembre, du 5 et du 25 Janvier, et j’ai trouvé par ces observations, que St avait 98 + 2,1 parties, que Vt en avait 455 en supposant que le demi-diamètre du grand orbe en eût 10 000.

Dans la première opération prenant tB de 5657 parties, je trouvai SB de 9747, BE pour la première fois était de 412, Sµ de 9503, et iλ de 413. BE la seconde fois en avait 421, OD 10186, X 8528,4 MP 8450, MN 8475, et NP 25, d’où j’ai conclu la distance tb de 5640 pour la

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 592 Livre troisième : fin.

seconde opération. Et par cette opération j’ai trouvé enfin la distance TX de 4775, et la distance τZ de 11322. Par le moyen de ces distances j’ai trouvé, en déterminant l’orbe, le nœud descendant dans 1° 5 ′ 3

et le nœud ascendant dans 1° 5 ′ 3 . L’inclinaison du plan de cet orbe au plan de l’écliptique était de 61° 2 ′ 0 1

3 ; son sommet, ou le périhélie de la comète, était éloigné du nœud de 8° 3 ′ 8 , et il était dans 27° 4 ′ 3 , ayant une latitude australe de 7° 3 ′ 4 ; et son paramètre était de 236,8 parties, et l’aire qu’elle décrivait chaque jour autour du Soleil en avoir 93 585, supposé que le carré du demi-diamètre du grand orbe fut de 100 000 000.

La comète avançait dans cet orbe selon l’ordre des signes, et le 8 Décembre à 0h ′ 4 après midi elle était dans le sommet de son orbite ou dans son périhélie, toutes ces déterminations ont été faites graphique-ment avec une échelle de parties égales, et les cordes des angles ont été prises d’après la table des sinus naturels ; et en faisant une grande figure dans laquelle le demi-diamètre du grand orbe (qu’on suppose avoir 10 000 parties) était de 16 pouces anglais et un tiers.

Enfin, pour savoir si la comète parcourait effectivement l’orbe ain-si trouvé, je déterminai par des opérations partie arithmétiques et par-tie graphiques les lieux de la comète dans cet orbe pour le temps de quelques-unes des observations, comme on le verra dans la table sui-vante.

Halley a déterminé cette orbite depuis plus exactement par le cal-

cul arithmétique qu’on ne le peut faire graphiquement ; et il a trouvé comme nous le lieu des nœuds dans 1° 5 ′ 3 et 1° 5 ′ 3 , et

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 593 Livre troisième : fin.

l’inclinaison du plan de l’orbite au plan de l’écliptique de 61° 2 ′ 0 13

ainsi que le temps du périhélie de la comète le 8 décembre 0h ′ 4 . Mais ayant mesuré la distance du périhélie au nœud ascendant dans l’orbite de la comète, il la trouva de 9° 2 ′ 0 . Le paramètre de la parabole étant de 2430 parties, la médiocre distance du Soleil à la Terre en ayant 100 000. Et employant ces éléments, il a déterminé de même par un calcul arithmétique exact, les lieux de la comète aux temps des obser-vations, comme il suit.

Cette comète avait déjà paru dès le mois de Novembre précédent,

et elle fut observée à Coburg en Saxe, par M. Gottfried Kirch, le 4, le 6, et le 11 du même mois v. st. et de ses positions par rapport aux plus prochaines étoiles fixes, observées assez exactement, tantôt avec un télescope de deux pieds, et tantôt avec un de dix pieds (les lieux des étoiles fixes étant ceux que Pound avait déterminés, et la différence en longitudes de Coburg et de Londres, étant de 11 degrés) Halley a dé-terminé les lieux de cette comète en cette manière.

Le 3 Novembre à 17h ′ 2 du temps apparent à Londres, la comète était dans le 29° 5 ′ 1 du Lion, et avait 1° 1 ′ 7 4 ′ ′ 5 de latitude boréale.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 594 Livre troisième : fin.

Le 5 Novembre à 15h 5 ′ 8 la comète était dans le 3° 2 ′ 3 de la Vier-ge ayant 1° ′ 6 de latitude boréale.

Le 10 Novembre à 16h 3 ′ 1 la comète était également éloignée des étoiles du Lion marquées σ et τ dans Bayer ; et cependant elle ne par-vint jamais à la ligne qui les joint, mais elle s’en éloignait peu.

Dans le catalogue des étoiles Flamsteed, l’étoile σ avait alors pour longitude 14° 1 ′ 5 , et 1° 4 ′ 1 à peu près de latitude boréale, et τ était dans le17° ′ 3 1

2 , et avait 0° 3 ′ 4 de latitude australe, et le point mi-lieu entre ces étoiles était le 15° 3 ′ 9 1

4 avec 0° 3 ′ 3 12 de latitude bo-

réale.

Soit la distance de la comète à cette ligne de 1 ′ 0 ou 1 ′ 2 environ, la différence des longitudes de la comète et de ce point milieu sera de ′ 7 et celle des latitudes de ′ 7 1

2 environ ; partant, la comète était dans le 15° 3 ′ 2 avec une latitude boréale de 2 ′ 6 environ.

La première observation de la position de la comète par rapport à quelques petites étoiles fixes, fut faite assez exactement ainsi que la seconde. Dans la troisième qui fût moins exacte, l’erreur put être de 6 à 7 minutes, ou de très peu de chose plus grande, et la longitude de la comète, dans la première observation qui fût la plus exacte de toutes, étant calculée dans l’orbe l’orbe parabolique dont on a parlé, était de 29° 3 ′ 0 2 ′ ′ 2 , sa latitude boréale de 1° 2 ′ 5 ′ ′ 7 , et sa distance au So-leil de 115 546 parties.

De plus, Halley ayant remarqué qu’il avait paru quatre grandes comètes à 575 ans d’intervalle, à savoir, une au mois de Septembre après la mort de Jules César, une l’an 531 de Jésus-Christ sous le consulat de Lampadius et d’Oreste, une l’an 1106 de Jésus-Christ au mois de février, et enfin une sur la fin de l’année 1680, et que toutes quatre avaient une queue très longue très brillante, (excepté que la queue de celle qui parut à la mort de César paraissait moins grande à cause de la position de la Terre) il chercha l’orbe elliptique, dont le grand axe aurait 1 382 957 parties (la moyenne distance du Soleil à la Terre en ayant 10 000) dans lequel une comète pût faire sa révolution en 575 ans ; et plaçant son nœud ascendant dans 2° ′ 2 . Et faisant l’inclinaison du plan de son orbite au plan de l’écliptique de 61° ′ 6

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 595 Livre troisième : fin.

4 ′ ′ 8 ; le périhélie de la comète dans ce plan se trouvait 22° 4 ′ 4 2 ′ ′ 5 . Et le temps corrigé du périhélie le 7 Décembre 23h ′ 9 ; la distance du périhélie au nœud ascendant dans le plan de l’écliptique de 9° 1 ′ 7 3 ′ ′ 5 ; et l’axe conjugué de 18 481,2 parties, il calcula le mouvement de la comète dans cet orbe elliptique, et ses lieux, tant ceux qui sont déduits des observations, que ceux comptés dans cet orbe, se trouvent dans la table suivante.

Les observations de cette comète, depuis le commencement de son

apparition jusqu’à la fin, s’accordent autant avec son mouvement dans l’orbe ci-dessus décrit, que les mouvements des planètes ont coutume de s’accorder avec leurs théories, ce qui prouve que ce fut la même comète qui parut pendant tout ce temps et que son orbite a été exac-tement déterminée.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 596 Livre troisième : fin.

Nous avons omis dans la table précédente les observations faites les 16, 18, 20 et 23 Novembre parce qu’elles étaient moins exactes.

Pontheus et ses compagnons observèrent le 17 Novembre v. st. à 6 heures du matin à Rome (ce qui est à 5h 1 ′ 0 à Londres) la comète, par des fils appliqués aux fixes et la trouvèrent en 8° 3 ′ 0 ayant 0° 4 ′ 0 de latitude australe. On trouve leurs observations dans le traité que Pontheus a publié de cette comète, Cellius qui y était présent et qui envoya ses observations à M. Cassini, vit à la même heure la comète dans 8° 3 ′ 0 , ayant 0° 3 ′ 0 de latitude australe.

M. Gallet observa la comète à Avignon à l’heure qui répond à 5h 4 ′ 2 du matin à Londres et il la vit dans 8° sans latitude, et par la

théorie elle devait être dans 8° 1 ′ 6 4 ′ ′ 5 avec 0° 5 ′ 3 ′ ′ 7 de latitude australe.

Le 18 Novembre à 6h 3 ′ 0 du matin à Rome (qui répondent à 5 4 ′ 0 du matin à Londres) Pontheus vit la comète dans 13° 3 ′ 0 ayant 1°

2 ′ 0 de latitude australe, Cellius l’observa dans 13° 3 ′ 0 ayant 1° 0 ′ 0 de latitude australe, Galletius à 5h 3 ′ 0 du matin à Avignon observa, la comète dans 13° 0 ′ 0 ayant 1° 0 ′ 0 de latitude australe, et le R. P. Ango à la Flèche en France observa la comète à 5h du matin (qui ré-pondent à 5h ′ 9 à Londres) dans le milieu de deux petites étoiles, dont l’une est l’étoile du milieu des trois qui sont en ligne droite dans la main australe de la Vierge, marquée ψ dans Bayer, et l’autre est la dernière de son aile laquelle est marquée θ dans Bayer. Donc alors la comète était dans 12° 4 ′ 6 ayant une latitude australe de 5 ′ 0 . Le même jour, à Boston dans la Nouvelle-Angleterre à 42° 1

2 de latitude à 5h du matin (ce qui répond à 9h 4 ′ 4 du marin à Londres) la comète fut vue près 14° ayant une latitude australe de 1° 3 ′ 0 , comme je l’ai appris de l’illustre Halley.

Le 19 Novembre à 4h 12 du matin à Cambridge, un jeune homme

observa la comète distante d’environ 2° de l’épi de la Vierge vers le

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 597 Livre troisième : fin.

Nord-Ouest, or cet épi était dans 19° 2 ′ 3 AT ayant 2° ′ 1 5 ′ ′ 9 de lati-tude australe.

Le même jour à 5h du matin à Boston dans la Nouvelle-Angleterre, la comète était éloignée de 1° de l’épi de la Vierge, et la différence des latitudes était de 4 ′ 0 .

Le même jour dans l’Ile de la Jamaïque, la comète était éloignée de l’épi d’environ un degré.

Le même jour le Docteur Arthur Stor, au fleuve du Patuxent pro-che Hunting Creek dans le Maryland vers les confins de la Virginie à 38° 1

2 de latitude, vit à 5h du matin (qui répondent à 10h à Londres) la comète au-dessus de l’épi de la Vierge, et touchant presque à cette étoile, y ayant environ 3

4 de degrés entre eux, et faisant usage de tou-tes ces observations, je conclus, qu’à 9h 4 ′ 4 à Londres, la comète était dans 18° 5 ′ 0 , ayant 1° 2 ′ 5 de latitude australe environ ; et par la

théorie elle devait être dans 18° 5 ′ 2 1 ′ ′ 5 avec 1° 2 ′ 6 5 ′ ′ 4 de latitude australe.

Le 20 Novembre, le Docteur Montenari professeur d’astronomie à Padoue, vit à 6h du matin à Venise (qui répondent à 5h 1 ′ 0 à Londres) la comète dans le 23° de la balance ayant 1° 3 ′ 0 de latitude australe.

Le même jour à Boston, la comète était distante de l’épi de la Vier-ge de 4° de longitude vers l’Orient, et par conséquent elle était dans 23° 2 ′ 4 environ.

Le 21 Novembre, Pontheus et ses compagnons, à 7h 14 du matin,

observèrent la comète dans 27° 5 ′ 0 ayant 1° 1 ′ 6 de latitude austra-

le, Cellius l’observa dans 28°. Le P. Ango à 7h du matin, l’observa

dans 27° 4 ′ 5 et Montenari dans le 27° 5 ′ 1 de ce même signe.

Le même jour dans l’Ile de la Jamaïque, la comète fut vue auprès du commencement du scorpion, et elle avait à peu près la même lati-tude que l’épi de la Vierge, c’est-à-dire, 2° ′ 2 .

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 598 Livre troisième : fin.

Le même jour à Balsora dans l’Inde Orientale, à 5h du matin (qui répondent à 12h 2 ′ 0 de la nuit précédente à Londres) on prit la distan-ce de la comète à l’épi de la Vierge, et elle se trouva de 7° 3 ′ 5 vers l’Orient. Et elle était posée dans la ligne droite qui joint l’épi et la ba-lance, et ainsi elle était dans 26° 5 ′ 8 , et elle avait 1° 1 ′ 1 environ de latitude australe, et après 5h 4 ′ 0 (qui répondent environ à 5h du matin à Londres) elle était dans 28° 1 ′ 2 , ayant une latitude australe de 1°

1 ′ 6 et par la théorie elle devrait être dans 28° 1 ′ 0 ′3 ′ 6 avec 1° 5 ′ 3 3 ′ ′ 5 de latitude australe.

Le 22 Novembre la comète fut vue par Montenari dans 2° 3 ′ 3 ,

et à Boston dans la Nouvelle-Angleterre elle parut dans 3° environ, ayant presque la même latitude qu’auparavant, c’est-à-dire, 1° 3 ′ 0 .

Le même jour à Balsora à 5h du matin, la comète fut observée dans 1° 5 ′ 0 , donc à 5h du matin à Londres la comète était dans 3° ′ 5 environ.

Le même jour à 6h 12 du matin à Londres, Hook vit la comète dans

3° 3 ′ 0 environ, c’est-à-dire, dans la ligne droite qui passe par l’épi de la Vierge et le cœur du Lion, non pas exactement à la vérité, mais s’éloignant un peu de cette ligne vers le Nord : Montenari remarqua, de même que la ligne menée de la comète par l’épi passait ce jour-là et les suivants par le côté austral du cœur du Lion, y ayant seulement un très petit intervalle entre le cœur du Lion et cette ligne. La ligne droite qui passe par l’épi de la Vierge et par le cœur du Lion, coupe l’écliptique dans 3° 4 ′ 6 sous un angle de 2° 5 ′ 1 , et si la comète

avait été placée dans cette ligne dans 3° sa latitude aurait été de 2° 2 ′ 6 .

Mais comme, selon les observations de Hook et de Montenari qui s’accordent, la comète s’éloignait un peu de cette ligne vers le Nord, sa latitude était un peu plus petite.

Le 20 Novembre, selon l’observation de Montenari, sa latitude était environ égale à la latitude de l’épi de la Vierge, et par conséquent

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elle était de 1° 3 ′ 0 environ, et selon Hook, Montenari et le P. Ango, qui s’accordent, elle augmentait toujours, elle devait donc être sensi-blement plus grande que 1° 3 ′ 0 . Or entre ces deux limites trouvées 2° 2 ′ 6 , et 1° 3 ′ 0 , la grandeur moyenne de sa latitude était d’environ 1° 5 ′ 8 .

La queue de la comète, selon Hook et Montenari était dirigée à l’épi de la Vierge en déclinant cependant un peu vers le Midi selon Hook, et vers le Nord selon Montenari, ainsi cette déclinaison était à peine sensible, et la queue était à peu près parallèle à l’équateur, et elle se détournait un peu de l’opposition du Soleil vers le Nord.

Le 23 Novembre v. st. à 5 heures du matin à Nuremberg (ce qui fait 4 heures 1

2 à Londres) le Docteur Zimmerman vit la comète dans 8° ′ 8 ayant 2° 3 ′ 1 de latitude australe, ses distances ayant été prises par rapport aux étoiles fixes.

Le 24 Novembre avant le lever du Soleil, la comète fut vue par Montenari dans 12° 5 ′ 2 au côté boréal de la ligne droite tirée par le cœur du Lion et par l’épi de la Vierge, ainsi elle avait un peu moins de 2° 3 ′ 8 de latitude, cette latitude, comme nous l’avons dit, augmentait continuellement, selon les observations de Hook, Montenari et Ango ; elle était donc alors un peu plus que de 1° 5 ′ 8 et sa moyenne grandeur peut être fixée à 2° 1 ′ 8 sans erreur sensible.

Pontheus et M. Gallet ont prétendu déterminer cette latitude, Cel-lius et celui qui l’a observée dans la Nouvelle-Angleterre l’ont trouvée à peu près de même grandeur, c’est-à-dire, d’un degré ou d’un degré et demi.

Les observations les plus grossières sont celles de Pontheus et de Cellius, surtout celles qu’ils ont faites par les azimuts et les hauteurs, ainsi que l’ont été celles de M. Gallet.

Les meilleures sont celles où l’on emploie les positions de la co-mète par rapport aux fixes, comme Montenari, Hook et Ango ont fait dans les leurs, ainsi que l’observateur de la Nouvelle Angleterre dans les siennes, et quelquefois Pontheus et Cellius dans les leurs.

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Le même jour à 5 heures du matin à Balsora la comète fut obser-vée dans 11° 4 ′ 5 , et par conséquent à 5h du matin à Londres elle

était dans 13° environ. Et par la théorie elle devait être dans 13° 2 ′ 2 4 ′ ′ 2 .

Le 25 Novembre avant le lever du Soleil, Montenari observa, la comète dans 17° 3

4 environ, et Cellius observa, dans le même temps, qu’elle était dans la ligne droite tirée de l’étoile luisante de la cuisse gauche de la Vierge et le bassin austral de la Balance, et cette ligne coupe le chemin de la comète dans 18° 3 ′ 6 , et par la théorie

elle devait être dans 18° 13 environ.

Ces observations s’accordent donc autant avec la théorie, qu’elles s’accordent entre elles, et cet accord prouve que ce fut une seule et même comète qui fut vue depuis le 4 Novembre jusqu’au 5 Mars, la trajectoire de cette comète coupa deux fois le plan de l’écliptique, ain-si elle ne fut point rectiligne. Et elle ne coupa point l’écliptique dans les parties opposées du ciel, mais à la fin de la Vierge, et au commen-cement du capricorne à 98 degrés environ d’intervalle, ainsi l’orbite de cette comète s’éloignait beaucoup d’être un grand cercle, car au mois de Novembre son cours s’éloignait à peine de l’écliptique de trois degrés vers le Sud, et ensuite, au mois de Décembre elle s’éloignait de l’écliptique vers le Septentrion de 29°, et ces deux par-ties de son orbite dans l’une desquelles elle s’approchait du Soleil, et s’en éloignait dans l’autre, paraissaient distantes l’une de l’autre d’un angle de plus de 30° comme l’observa Montenari.

Cette comète parcourut 9 signes, depuis le dernier degré du Lion jusqu’au commencement des Gémeaux, outre le signe du Lion qu’elle avait parcouru avant qu’elle commençât à être visible ; et il n’y a au-cune autre théorie qui donne aux comètes un mouvement régulier dans une si grande portion du ciel.

Son mouvement fut fort inégal, car vers le 20 Novembre elle par-courut environ 5 degrés par jour ; ensuite son mouvement s’étant ra-lenti, entre le 26 Novembre et le 12 Décembre, c’est-à-dire, dans un espace de 15 jours et demi, elle ne parcourut qu’environ 40 degrés, ensuite son mouvement étant de nouveau accéléré, elle parcourait en-

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viron 5° par jour avant que son mouvement recommençait à être re-tardé. Or la théorie qui répond exactement à un mouvement si inégal dans la plus grande partie du ciel, qui dépend des mêmes lois qui diri-gent le cours des planètes, et qui s’accorde si bien avec les observa-tions astronomiques les plus exactes, ne peut manquer d’être vraie.

(Fig. 27)

La trajectoire que la comète décrivit, et la queue réelle qu’elle pro-jeta dans chacun de ces lieux sont représentés, pour le plan de la tra-jectoire même, dans la figure 27 dans laquelle ABC représente la tra-jectoire de la comète, D le Soleil, DE l’axe de la trajectoire, DF la li-gne des nœuds, GH l’intersection de la sphère du grand orbe avec le plan de la trajectoire, I le lieu de la comète le 4 Novembre de l’année 1680, K son lieu le 11 Novembre, L son lieu le 19 Novembre, M son lieu le 12 Décembre, N son lieu le 21 Décembre, O son lieu le 29 Dé-cembre, P son lieu le 5 Janvier suivant, O son lieu le 25 Janvier, R son lieu le 5 Février, S son lieu le 25 Février, T son lieu le 5 Mars, et V son lieu le 9 Mars. J’ai employé les observations suivantes pour dé-terminer sa queue.

Le 4 et le 6 Novembre sa queue ne parut point, le 11 Novembre sa queue commençait déjà à paraître, mais par une lunette de 10 pieds elle ne paraissait pas avoir plus d’un demi-degré de long, le 17 No-vembre sa queue parut à Pontheus avoir plus de 15 degrés de long, le 18 Novembre elle était longue de 30°, et dans la Nouvelle-Angleterre on la voyait directement opposée au Soleil, et elle s’étendait jusqu’à l’étoile de Mars, qui était alors dans 9° 5 ′ 4 .

Le 19 Novembre dans le Maryland la queue parut longue de 15° ou 20°, le 10 décembre la queue (selon l’observation de Flamsteed) pas-sait par le milieu de la distance entre la queue du serpent d’Ophiuchus et l’étoile δ dans l’aile australe de l’aigle, et elle finissait vers les étoi-les A, ω, b dans les tables de Bayer, son extrémité était donc dans 19° 1

2 avec une latitude boréale de 34° 14 environ.

Le 11 Décembre la queue s’élevait jusqu’aux étoiles de la tête de la flèche (marquées α, β dans Bayer) et elle finissait dans 26° 4 ′ 3 avec une latitude boréale de 38° 3 ′ 4 .

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Le 12 Décembre la queue passait par le milieu de la flèche, et elle ne s’étendait pas beaucoup au-delà, car elle finissait dans 4° avec une latitude boréale de 42° 1

2 environ.

Ce qu’on vient de dire doit s’entendre des parties de la queue les plus lumineuses. Pontheus qui observait à Rome le 12 Décembre à 5h 40′ sous un ciel peut-être plus serein, et qui pouvait distinguer les par-ties plus faibles de la lumière, trouva que sa queue s’étendait à 10° par-dessus le croupion du signe, et son bord finissait à 4 ′ 5 de cette étoile vers le Nord-Ouest, sa queue avait ces jours-là 3° de largeur vers son extrémité supérieure, et par conséquent son milieu était dis-tant de cette étoile de 2° 1 ′ 5 vers le Midi, son extrémité supérieure était dans 22° ayant 61° de latitude boréale, et par conséquent cette queue avait environ 70° de longueur.

Le 21 Décembre elle s’élevait presque jusqu’à la chaise de Cassio-pée, étant également éloignée de β et de Shedir, et sa distance à cha-cune de ces deux étoiles était égale à la distance qui est entre elles, ainsi elle finissait à 24° ayant une latitude de 47° 1

2 .

Le 29 Décembre la queue touchait l’étoile Scheat qui était située à gauche, elle remplissait exactement l’intervalle des 2 étoiles du pied boréal d’Andromède, et sa longueur était de 54°, ainsi elle finissait dans 19° et sa latitude était de 35°.

Le 5 Janvier la queue touchait l’étoile π du côté droit de la poitrine d’Andromède, et l’étoile μ du côté gauche de sa ceinture, (selon nos observations) elle était longue de 40° : elle était courbe, et son côté convexe était tourné vers le Midi, et elle faisait, près de la tête de la comète, un angle de 4° avec le cercle qui passait par le Soleil et par la tête de la comète, mais près de l’autre bord elle était inclinée à ce cer-cle sous un angle de 10° ou de 11° et la corde de la queue faisait avec ce cercle un angle de 8°.

Le 13 Janvier la lumière de la queue était encore assez sensible en-tre Alamek et Algol, et elle finissait par une lumière assez faible vers l’étoile κ du côté de Persée, la distance du terme de la queue au cercle qui joignait la comète et le Soleil était de 3° 5 ′ 0 et l’inclinaison de la corde de la queue à ce cercle était de 8° 1

2 .

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Le 25 et le 26 Janvier la queue avait une lumière assez faible à la longueur de 6 ou 7 degrés ; et tant cette nuit que la suivante, le temps étant fort serein, elle s’étendait à 12 degrés et un peu plus, par une lu-mière très faible et à peine sensible. Son axe était dirigé exactement vers la claire de l’épaule orientale du cocher, ainsi elle déclinait de l’opposition du Soleil vers le Nord sous un angle de 10°.

Enfin le 10 Février, je vis avec une lunette la queue longue de 2°, car la lumière très faible dont j’ai parlé, ne pouvait pas s’apercevoir à travers les verres.

Pontheus marque cependant qu’il vit la queue longue de 12° le 7 Février, le 25 Février et les jours suivants la comète n’avait plus de queue.

En examinant l’orbe ci-dessus décrit, et en faisant attention aux au-tres Phénomènes de cette comète, il sera bien difficile de ne pas conclure que les comètes sont des corps solides, compactes, fixes et durables, de même que les planètes ; car si elles n’étaient autre chose que des vapeurs et des exhalaisons de la Terre, du Soleil et des planè-tes, cette comète aurait dû se dissiper dans l’instant dans son passage près du Soleil ; car la chaleur du Soleil est comme la densité de ses rayons, c’est-à-dire, réciproquement comme le carré de la distance des lieux au Soleil ; ainsi, comme la distance de la comète au centre du Soleil le 8 Décembre, qu’elle était dans son périhélie, était à la distan-ce de la Terre au centre du Soleil, comme 6 à 1000 environ, la chaleur du Soleil dans la comète était alors à la chaleur du Soleil sur la Terre en Été, comme 1 000 000 à 36, ou comme 28 000 à 1. Mais la chaleur de l’eau, bouillante est presque triple de la chaleur que la Terre reçoit en Été des rayons du Soleil, comme j’en ai fait l’expérience ; et la chaleur du fer ardent est trois ou quatre fois plus grande que celle de l’eau bouillante, (si je ne me trompe.) Donc la chaleur que la Terre sèche de la comète dut éprouver par les rayons du Soleil dans son pé-rihélie, était presque 2000 fois plus grande que celle du fer ardent, et par une telle chaleur, les vapeurs, les exhalaisons et toute la matière volatile dut être consumée et dissipée en un instant.

La comète éprouva donc une chaleur immense des rayons du Soleil dans son périhélie, et elle a pu conserver très longtemps cette chaleur ; car un globe de fer rouge d’un pouce de diamètre exposé à l’air pen-

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dant une heure, perd à peine toute sa chaleur. Et un globe d’un plus grand diamètre conserverait la sienne plus longtemps en raison de son diamètre, parce que sa superficie (qui est la mesure du refroidissement par le contact de l’air ambiant) est moindre dans cette raison en égard à la quantité de matière chaude qu’elle renferme. Ainsi un globe de fer rouge égal à la Terre, c’est-à-dire, dont le diamètre serait environ de 40 000 000 de pieds, ne se refroidirait qu’en 40 000 000 de jours, et par conséquent à peine serait-il refroidi en 50 000 ans. Je soupçonne cependant, que par des causes cachées, la durée de la chaleur doit augmenter dans une moindre raison que celle du diamètre : et je dési-rerais bien en trouver la véritable raison par l’expérience.

De plus il faut remarquer que la comète au mois de Décembre, où elle était encore tout imprégnée des rayons du Soleil, avait une queue beaucoup plus grande et plus brillante qu’au mois de Novembre pré-cédent, où elle n’avait pas encore atteint son périhélie. Et en général, toutes les comètes ont les queues les plus grandes et les plus brillantes aussitôt après leur passage par la région du Soleil. La chaleur de la comète contribue donc à la grandeur de sa queue, etc. De là je crois qu’on doit conclure que cette queue n’est autre chose qu’une vapeur très légère que la tête ou le noyau de la comète exhale à cause de sa chaleur.

Au reste, il y a trois opinions sur les queues des comètes, celle de ceux qui croient que ces queues ne sont autre chose que l’éclat du So-leil qu’on découvre à travers la tête transparente des comètes ; celle de ceux qui prétendent que ces queues sont causées par la réfraction de la lumière en venant de la tête des comètes à la Terre, et enfin celle de ceux qui supposent que ces queues sont une espèce de vapeur ou de nuage qui s’élève de la tête de la comète, et qui se répande sans cesse dans les régions opposées au Soleil.

La première opinion ne peut être soutenue que par ceux qui n’ont aucune teinture de l’optique, car la lumière du Soleil ne se voit point dans une chambre obscure, si ce n’est en tant qu’elle est réfléchie par les petites particules de poussière et par les vapeurs qui voltigent tou-jours dans l’air : ainsi dans un air chargé de vapeurs plus grossières, elle est plus brillante, et frappe plus forcement les yeux ; et plus l’air est rare, et moins il se réfléchit de lumière, ainsi dans les cieux où il n’y a aucune matière réfléchissante, il ne peut revenir de lumière à nos

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yeux : car la lumière ne se voit pas par elle-même, mais seulement lorsqu’elle est réfléchie vers nos yeux. Il faut donc que dans les ré-gions où l’on voit les queues des comètes, il y ait une matière qui ré-fléchisse la lumière, sans quoi tout le ciel où elles sont étant rempli des rayons du Soleil, il nous paraîtrait également brillant partout.

La seconde opinion est sujette à bien des difficultés, car jamais il ne parait de couleurs dans ces queues ; or les couleurs ont cependant coutume d’être les compagnes inséparables de la réfraction ; la lumiè-re des fixes et des planètes qui nous est transmise pure et sans se colo-rer, est une preuve que les espaces célestes, que cette lumière a traver-sé, ne contiennent point de milieu réfringent. Car ce qu’on rapporte que les Égyptiens ont vu quelquefois des fixes comme des comètes, doit sans doute son origine à quelque réfraction fortuite des nuées. Et la radiation et la scintillation des fixes doit être attribuée aux réfrac-tions des humeurs de nos yeux et à celles de l’air, qui a toujours un petit mouvement de trémulation, ce qui se prouve parce que cette scin-tillation cesse lorsqu’on regarde les étoiles à travers un télescope : car la trémulation de l’air et des vapeurs qui y sont contenues est cause que les rayons sont détournés facilement et par secousses de la prunel-le, qui est très étroite, mais il n’en est pas de même de l’ouverture beaucoup plus grande du verre objectif, voilà pourquoi la scintillation que nous éprouvons, lorsque nous regardons les étoiles avec nos yeux seulement, cesse lorsque nous les regardons à travers un télescope, et cette cessation prouve que la lumière est transmise dans les espaces célestes sans réfraction sensible. Et qu’on ne dise pas qu’on ne voit pas toujours les queues des comètes, parce que leur lumière n’est pas assez forte, et qu’alors les rayons secondaires n’ont pas assez de force pour remuer nos yeux, et que c’est par cette raison que nous ne voyons pas de queues aux fixes : car la lumière des fixes peut être augmentée plus de cent fois par le moyen des télescopes, et cependant on ne leur voit pas de queues. Les planètes donnent beaucoup plus de lumière que les étoiles et cependant on ne leur voit point de queues, et souvent les comètes ont de très grandes queues quoique la lumière de leur tête soit très faible, et très sourde.

La tête de la comète de 1680, par exemple, avait au mois de Dé-cembre une lumière qui égalait à peine celle des étoiles de la seconde grandeur, et sa queue répandait une lumière sensible dans un espace de 40, 50, 60, et 70 degrés et plus : ensuite le 27 et le 28 Janvier sa

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tête paraissait seulement comme une étoile de la septième grandeur, et sa queue donnait une lumière, qui à la vérité était faible, mais qui était cependant assez sensible l’espace de 6 à 7 degrés, et elle donnait jus-qu’à 12 degrés et un peu plus une lumière très obscure et qui se dis-tinguait difficilement, comme on l’a dit ci-dessus.

Mais le 9 et le 10 Février alors que l’on cessa entièrement de voir la tête de la comète à la vue simple, je vis par le télescope la queue longue de deux degrés : de plus, si la queue était l’effet de la réfrac-tion de la matière céleste, et qu’en vertu de la forme des cieux, elle se détournait de l’opposition du Soleil, cette déflexion devrait toujours se faire du même côté, et dans les mêmes régions du ciel ; mais cepen-dant la comète de 1680 le 28 Décembre à 8h 1

2 après-midi à Londres, était dans le 8° 4 ′ 1 des poissons, et elle avait 28° ′ 6 de latitude boréa-le, le Soleil étant dans le 18° 2 ′ 6 du . Et la comète de l’année 1577

était le 29 Décembre dans le 8° 4 ′ 1 des avec une latitude boréale de

28° 4 ′ 0 . Le Soleil étant aussi dans le 18° 2 ′ 6 environ du . Dans l’un et l’autre cas la Terre était dans le même lieu, et la comète paraissait dans la même partie du ciel ; cependant dans le premier cas la queue de la comète déclinait (selon mes observations et celles de plusieurs autres) d’un angle de 4° 1

2 de l’opposition du Soleil vers le Nord ; et dans le dernier (selon les observations de Tycho) la déclinaison était de 21° vers le Midi. Ainsi ne pouvant pas rapporter les queues à la réfraction des deux, il reste à examiner si ces queues ne sont point produites par quelque matière qui réfléchit la lumière.

Les lois que les queues observent prouvent qu’elles viennent de la tête des comètes, et qu’elles montent dans les régions opposées au So-leil, car lorsqu’elles sont dans les plans des orbes des comètes qui pas-sent par le Soleil, elles se détournent toujours de l’opposition du Soleil vers les parties que leurs têtes abandonnent en avançant dans ces or-bes. Ce qui fait qu’elles paraissent dans les parties directement oppo-sées au Soleil à un spectateur placé dans ce plan ; mais à mesure que le spectateur s’éloigne de ce plan, leur déviation se fait sentir peu à peu, et elle devient de jour en jour plus grande ; et cette déviation, tou-tes choses égales, est d’autant plus petite, que la queue est plus obli-que à l’orbe de la comète, c’est-à-dire, que la tête de la comète appro-che le plus du Soleil, surtout si l’angle de la déviation est vu près de la

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tête de la comète : de plus, les queues qui n’ont point de déviation pa-raissent droites, et celles qui ont une déviation paraissent courbes, et leur courbure paraît d’autant plus grande, que leur déviation est plus grande, et qu’elle est plus sensible, toutes choses égales, à mesure que la queue est plus longue, car dans les queues fort courtes la courbure est à peine sensible.

Plus l’angle de la déviation est petit près de la tête de la comète, et plus il est grand vers l’autre extrémité de la queue, et par conséquent le côté convexe de la queue est tourné alors vers les parties dont elle s’écarte par sa déviation, lesquelles sont dans la ligne droite indéfinie tirée du Soleil par la tête de la comète. Et enfin, les queues les plus longues, les plus larges, et qui brillent de la lumière la plus vive, sont un peu plus brillantes par leur côté convexe, et terminées plus exacte-ment que par leur côté concave.

Les Phénomènes de la queue des comètes dépendent donc du mou-vement de leur tête et non de la région du ciel dans laquelle on aper-çoit leur tête ; et par conséquent elles ne sont point l’effet de la réfrac-tion des cieux, mais elles sont formées de la matière qui s’exhale de la tête des comètes. Et de même que dans notre air la fumée d’un corps enflammé quelconque s’élève en-haut et monte perpendiculairement si ce corps est en repos, ou obliquement, s’il se meut latéralement, ainsi dans les cieux, où tous les corps célestes gravitent vers le Soleil, les vapeurs et la fumée doivent monter par rapport au Soleil (comme on l’a déjà dit) et s’élever en haut et en ligne droite, si le corps qui fume est en repos ; ou obliquement si ce corps, en avançant, abandon-ne sans cesse les lieux d’où les parties supérieures de la vapeur ont commencé à monter. Et cette obliquité est moindre lorsque les va-peurs montent avec plus de vitesse : comme dans le voisinage du So-leil, et près du corps dont la fumée s’exhale ; cette différente obliquité fait que la colonne composée de cette vapeur paraît courbe : et comme la vapeur de la colonne du côté vers lequel se fait le mouvement de la comète est un peu plus nouvellement exhalée, elle doit être aussi un peu plus épaisse dans cet endroit, et y réfléchir par conséquent une lumière plus abondante, et la queue y doit être terminée plus exacte-ment. Je n’ajoute rien ici sur les agitations subites et sans loi de ces queues, ni sur l’irrégularité de leurs figures dont quelques-uns ont donné la description, parce que ces apparences peuvent être causées par les changements qui arrivent dans notre air et par les mouvements

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des nuées, qui font paraître quelquefois de certaines parties des queues plus obscures que d’autres, et que les parties de la voie lactée, que l’on confond avec les queues qui y passent, et qu’on prend pour des parties mêmes de ces queues, peuvent encore causer ces apparences.

La rareté de notre air peut servir à nous faire comprendre comment les vapeurs qui s’exhalent de l’atmosphère des comètes, peuvent suffi-re à remplir des espaces si immenses. Car l’air occupe près de la sur-face de la Terre un espace 850 fois environ plus grand que celui qui serait occupé par le volume d’eau qui aurait le même poids. Ainsi une colonne cylindrique d’air, haute de 850 pieds est du même poids qu’une colonne d’eau qui aurait la même base, et un pied de hauteur. Or la colonne d’air qui va jusqu’à l’extrémité de notre atmosphère est égale en poids à une colonne d’eau de 33 pieds de haut environ et de même base ; et par conséquent, si on ôtait la partie inférieure de toute la colonne qui compose notre air jusqu’à la hauteur de 850 pieds, le poids du reste supérieur de cette colonne, serait égal à celui d’une co-lonne d’eau de la hauteur de 32 pieds. Ainsi, par une règle qu’une in-finité d’expériences ont confirmée, à savoir, que la compression de l’air est comme le poids de l’atmosphère incombant, et que la gravité est réciproquement comme le carré de la distance des lieux au centre de la Terre, j’ai trouvé (en faisant le calcul selon le Cor. de la Prop. 22 du Liv. 2) qu’à la hauteur d’un demi-diamètre de la Terre au-dessus de sa surface, l’air doit être plus rare qu’ici-bas en une raison beau-coup plus grande que celle de tout l’espace renfermé dans l’orbe de Saturne à un globe d’un pouce de diamètre. Donc un globe d’air d’un pouce de diamètre qui aurait la densité qu’a notre air à un demi-diamètre de la Terre au-dessus de sa surface, remplirait toutes les ré-gions des planètes jusqu’à la sphère de Saturne et bien loin encore au-delà : or puisque notre air se raréfie à l’infini, à mesure qu’on s’éloigne de la surface de la Terre, les queues des comètes doivent être formées d’une matière très rare, puisque leur chevelure ou leur atmosphère est presque 10 fois plus étendu que le diamètre de leur noyau, et que leurs queues vont encore beaucoup par-delà. Et quoi-qu’il se puisse faire, à cause de la densité de l’atmosphère des comè-tes, de la grande gravitation de ces corps vers le Soleil, et de la gravité des particules de leur air, et de leurs vapeurs les unes vers les autres, que l’air qui les environne dans les espaces célestes, et par conséquent leurs queues ne soient pas aussi raréfiées que notre air ; il résulte ce-

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pendant de tout ceci, qu’une très petite quantité d’air et de vapeurs peut suffire abondamment à tous les Phénomènes des queues des co-mètes. D’ailleurs l’extrême rareté de la matière de ces queues est prouvée par les astres qu’on voit briller à travers.

L’atmosphère terrestre éclairée de la lumière du Soleil, obscurcit et éteint par son épaisseur presque tous les astres et la Lune même, et cependant il ne s’étend qu’à quelques milles : mais à travers l’épaisseur immense des queues des comètes qui sont éclairées du So-leil de même que notre atmosphère, on voit les plus petites étoiles sans que leur lumière soit affaiblie. L’éclat des queues de la plupart des comètes est comparable à peu près à celui de l’air d’une chambre obscure qui réfléchit les rayons du Soleil reçus par un trou d’un pouce ou deux de diamètre.

On peut connaître à peu près quel temps la vapeur met à s’élever de la tête des comètes à l’extrémité de leur queue, en tirant une ligne droite de l’extrémité de cette queue au Soleil, et remarquant le lieu où cette ligne coupe la trajectoire. Car la vapeur à l’extrémité de la queue, si elle s’éloigne en ligne droite du Soleil, commence à s’élever de la tête, dans le temps où la tête se trouve dans le lieu de l’intersection. Mais la vapeur ne s’éloigne pas du Soleil en ligne droi-te, car elle retient le mouvement que la comète avait avant que cette vapeur commence à monter, et ce mouvement se composant avec ce-lui par lequel la vapeur monte, elle monte obliquement, ainsi la solu-tion de ce problème sera plus exacte. Si cette ligne qui coupe l’orbe est parallèle à la longueur de la queue, ou plutôt, (à cause du mouve-ment curviligne de la comète) si cette même ligne diverge de celle de la queue.

Par ce moyen j’ai trouvé, que la vapeur qui était à l’extrémité de la queue de la comète de 1680 le 25 Janvier, avait commencé à s’élever de la tête avant, le 11 Décembre, et que par conséquent, elle avait mis plus de 45 jours à monter. Et toute la queue qui parut le 10 Décembre était montée dans l’espace de deux jours qui s’étaient écoulés depuis le périhélie de la comète. Cette vapeur montait donc très vite au com-mencement, lorsque la comète était plus près du Soleil, et ensuite elle continuait de monter avec un mouvement que sa gravité retardait tou-jours, et en montant elle augmentait la longueur de la queue. La queue, tant qu’elle fut visible, était formée de presque toute la vapeur

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qui s’était exhalée de la comète dans le temps du périhélie ; et la va-peur qui monta la première, et qui formait l’extrémité de la queue, ne s’évanouit que lorsque sa distance, tant du Soleil que de nous, fut si grande, qu’on ne pût plus l’apercevoir. Ainsi les queues des autres comètes qui sont courtes ne sont point formées par des vapeurs qui s’élèvent de leurs têtes par un mouvement prompt et continu, et qui ensuite se dissipent, mais ce sont des colonnes permanentes de va-peurs et d’exhalaisons qui sortent de la tête des comètes pendant plu-sieurs jours par un mouvement très lent, et qui en participant du mou-vement que la tête d’où elles s’exhalent avait lorsqu’elles ont com-mencé à s’exhaler, continuent ensuite à se mouvoir avec cette tête dans les espaces célestes. Ce qui fournit encore une nouvelle preuve que les espaces célestes sont privés de toute force résistante ; puisque non seulement les corps solides tels que les planètes et les comètes, mais même des vapeurs très rares, (comme celles qui forment les queues des comètes) se meuvent très librement et d’un mouvement très rapide dans ces espaces, et qu’elles y conservent leur mouvement pendant très longtemps.

Kepler attribue l’ascension des queues des comètes qui s’élèvent de l’atmosphère de leurs têtes, et le mouvement progressif de ces queues vers les parties opposées au Soleil, à l’action des rayons de lumière qui emportent avec eux la matière des queues. Et il n’est point absurde de penser que des vapeurs très rares puissent céder à l’action des rayons dans des espaces libres de toute résistance, quoique des vapeurs épaisses ne puissent être mues sensiblement par les rayons du Soleil dans notre atmosphère.

Un autre Astronome a cru qu’il pouvait y avoir des particules de matière graves, et d’autres légères, et que les queues des comètes étaient composées de particules légères, et que c’était par leur légèreté qu’elles s’élevaient en s’éloignant du Soleil. Mais la gravité des corps terrestres étant comme la matière qu’ils contiennent, la quantité de matière restant la même, la gravité ne peut être ni augmentée ni dimi-nuée. Je soupçonne plutôt que l’élévation des vapeurs qui forment les queues, vient de la raréfaction de cette matière : car la fumée monte dans une cheminée par impulsion de l’air dans lequel elle nage, cet air raréfié par la chaleur monte, parce que sa gravité spécifique est dimi-nuée, et en montant il emporte la fumée avec lui. Pourquoi les queues des comètes ne s’élèveraient-elles pas de la même manière du côte

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 611 Livre troisième : fin.

opposé au Soleil ? Car les rayons du Soleil n’agitent les milieux qu’ils traversent que par la réflexion et la réfraction. Les particules réfléchis-santes étant échauffées par cette action des rayons, échauffent la ma-tière éthérée avec laquelle elles sont mêlées : cette chaleur qu’elles lui communiquent la raréfie, et cette raréfaction diminuant la gravité spé-cifique par laquelle elle tendait auparavant vers le Soleil, cette matière éthérée monte et emporte avec elle les particules réfléchissantes dont la queue est composée. Les vapeurs qui composent les queues des comètes tournent autour du Soleil, et tendent par conséquent à s’éloigner de cet astre, ce qui contribue encore à leur ascension, car l’atmosphère du Soleil, et la matière des cieux est dans un repos abso-lu, ou bien elle tourne plus lentement que la matière des queues, puis-qu’elle tourne par le seul mouvement qu’elle reçoit de la rotation du Soleil.

Ce sont là les causes de l’ascension des vapeurs qui forment les queues des comètes, lorsqu’elles sont près du Soleil où leurs orbes sont les plus courbes, et où les comètes étant dans le lieu de l’atmosphère du Soleil le plus épais, et par conséquent le plus pesant, projettent les plus longues queues. Car les queues qui commencent alors à paraître conservant leur mouvement, et gravitant cependant vers le Soleil, se meuvent autour de cet astre dans des ellipses comme les têtes des comètes et par ce mouvement elles accompagnent tou-jours ces têtes, et leur paraissent attachées, quoiqu’elles ne leur soient pas adhérentes. Car la gravité de ces vapeurs vers le Soleil ne les fait pas s’éloigner davantage de leurs têtes pour aller vers le Soleil que la gravité des têtes vers le Soleil ne les fait s’éloigner de leurs queues pour aller vers cet astre. Ainsi elles doivent, par leur gravité commu-ne, tomber en même temps sur le Soleil, ou être retardées de la même manière en remontant ; ainsi la gravité ne doit point empêcher la tête et la queue des comètes, de prendre facilement entre elles la position quelconque qui doit suivre des causes dont nous venons de parler ou d’autres causes quelconques, ni de la conserver ensuite sans obstacle.

Les queues qui se forment dans les périhélies des comètes, doivent donc s’en aller avec leurs têtes dans des régions très éloignées, et en-suite après une longue suite d’années revenir vers nous avec elles, ou bien s’évanouir peu à peu par la raréfaction. Car lorsque par la suite leur tête descend vers le Soleil, de nouvelles queues très courtes doi-vent s’élever de leur tête par un mouvement très lent, et ces queues

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 612 Livre troisième : fin.

doivent augmenter immensément dans le périhélie des comètes qui descendent jusqu’à l’atmosphère du Soleil : car cette vapeur doit se raréfier et se dilater perpétuellement dans les espaces libres où elle se trouve, c’est pourquoi les queues sont toutes plus larges vers leur ex-trémité supérieure que près de la tête de la comète.

Ces vapeurs perpétuellement dilatées par la raréfaction, doivent s’étendre et se répandre dans tout le ciel, et elles doivent ensuite peu à peu être attirées par leur gravité vers les planètes avec l’atmosphère desquelles il est vraisemblable qu’elles se mêlent. Car de même que les mers sont nécessaires à la constitution de notre Terre, afin que la chaleur du Soleil puisse en élever des vapeurs suffisantes, lesquelles après s’être rassemblées en nuages, retombent en pluies qui arrosent la Terre, la nourrissent et la rendent capable de produire tous les végé-taux ; ou bien se condensent sur le sommet des montagnes par le froid qui y règne d’où (selon que quelques-uns le conjecturent avec raison) elles coulent et forment les fontaines et les fleuves : on peut croire que les comètes peuvent par leurs exhalaisons et leurs vapeurs condensées, suppléer et réparer sans cesse ce qui se consume d’humidité dans la végétation et la putréfaction, et ce qui s’en convertit en terre sèche dans ces opérations ; afin que par ce moyen les mers et l’humidité des planètes ne soient pas consumées. Car tous les végétaux croissent par le moyen de l’humidité, et ensuite la plus grande partie s’en convertit par la putréfaction en terre sèche, puisqu’il tombe perpétuellement du limon au fond des liqueurs qui se corrompent. Ainsi la masse de la terre sèche doit augmenter sans cesse, et si les parties fluides ne rece-vaient pas de l’accroissement par quelques causes, elles devraient di-minuer perpétuellement, et à la fin elles viendraient entièrement à manquer. Je soupçonne de plus que cet esprit qui est la plus petite par-tie de notre air, la plus subtile, et en même temps la plus excellente, puisqu’elle est nécessaire pour donner la vie à toutes choses, vient principalement des comètes.

Les atmosphères des comètes, en produisant des queues dans leur descente vers le Soleil doivent diminuer, et être plus étroit ; (principa-lement vers la partie qui regarde le Soleil ) et réciproquement lors-qu’elles s’éloignent du Soleil, et que leur atmosphère ne fournit plus à la formation des queues, ils doivent devenir plus considérables, et si on s’en rapporte aux observations d’Hevelius, ces atmosphères parais-sent les plus petites, lorsque les têtes des comètes étant déjà échauf-

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fées par le Soleil, elles ont des queues très longues et très brillantes, et que ces têtes sont enveloppées vers les parties les plus intérieures de leur atmosphère, par la fumée très dense et très noire de leur noyau. Car toute fumée causée par une grande chaleur, doit être d’autant plus noire et plus épaisse. Aussi la tête de la comète (c’est de celle de 1680 dont nous parlons) à égale distance du Soleil et de la Terre, parut-elle plus obscure après son périhélie qu’auparavant. Car au mois de Dé-cembre on pouvait comparer sa lumière à celle des étoiles de la troi-sième grandeur, et au mois de novembre elle égalait celles de la se-conde et de la première. Et ceux qui l’ont vue dans les deux cas par-lent de celui où elle était plus brillante comme d’une comète plus grande. Un jeune homme de Cambridge qui vit cette comète le 19 No-vembre, trouva que sa lumière, quoiqu’obscurcie et comme plombée, égalait en clarté l’épi de la Vierge, et qu’elle brillait plus qu’elle ne brilla depuis Montenari le 20 Novembre v.st. la vit plus grande que les étoiles de la première grandeur, sa queue ayant deux degrés de long. Et le Docteur Stor, dans ses lettres qui me sont tombées entre les mains, marque que sa tête au mois de Décembre, était très petite, et qu’elle cédait en grandeur à celle de la comète qui avait paru au mois de novembre avant le lever du Soleil, quoiqu’alors sa queue fût la plus grande et la plus brillante. Il y conjecture que cela pouvait être attri-bué à ce que, au commencement, la matière de la tête était en plus grande quantité, et qu’elle s’était peu à peu confirmée.

C’est vraisemblablement par la même raison, que les comètes qui ont les queues les plus longues et les plus brillantes ont les têtes les plus obscures et les plus petites. Car le 5 Mars n. st. de l’année 1668 à 7 heures du soir, le R. P. Valentin Estancius étant au Brésil vit une comète près de l’horizon vers le coucher du Soleil dont la tête était très petite et à peine visible, et qui avait une queue si brillante, que ceux qui étaient sur le rivage pouvaient la voir aisément se peindre dans la mer. Elle ressemblait à une poutre brillante de 23° de long, elle s’étendait de l’Occident vers le Midi, et elle était presque parallèle à l’horizon. Cet éclat ne dura que trois jours après lesquels il diminua considérablement ; et à mesure que l’éclat de cette queue diminuait, sa grandeur augmentait, et on dit même qu’en Portugal elle occupait presque la quatrième partie du ciel, c’est-à-dire, 45° de l’Occident vers l’Orient, avec un éclat très considérable ; et cependant cette co-

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 614 Livre troisième : fin.

mète ne parut jamais tout entière ; car la tête, dans ces régions, était toujours cachée sous l’horizon.

L’augmentation de cette queue, lorsque son éclat diminuait, prouve clairement que la tête de la comète s’éloignait du Soleil et qu’elle était le plus près du Soleil dans le commencement de son apparition, com-me la comète de 1680.

On lit dans la Chronique Saxonne qu’il parut une comète sembla-ble dans l’année 1106 dont l’étoile était petite, et obscure (comme cel-le de l’année 1680) mais dont la queue était très brillante, et s’étendait comme une grande poutre vers le Nord-Est, comme le rap-porte aussi Hevelius d’après Simon moine de Durham, elle parut au commencement de Février et les jours suivant vers le soir. Et l’on peut conclure de la position de sa queue que sa tête était très proche du Soleil. Elle était distante du Soleil, dit Matthieu de Paris, environ d’une coudée. Depuis la troisième heure (et plus correctement depuis la sixième) jusqu’à la neuvième elle jetait une grande lumière qui s’étendait fort loin. Telle était cette comète toute de feu, décrite par Aristote au Livre I. Met. 6. sa tête, dit-il ne se voyait pas le premier jour, parce qu’elle se couchait avant le Soleil, ou plutôt parce qu’elle se perdait dans ses rayons, le jour d’ensuite, c’est tout ce qu’on put faire que de l’apercevoir, car elle ne s’éloigna du Soleil que d’une distance très petite, et elle se coucha presque aussitôt après lui. Et à cause de son extrême clarté (c’est-à-dire, de sa queue) sa tête ne pa-raissait pas encore étant toute couverte de feu, mais ensuite (continue Aristote) lorsqu’elle commença, (c’est-à-dire, la queue) à être moins ardente, on commença à voir la face de la comète (c’est-à-dire, sa tê-te) et sa clarté s’étendait jusqu’à la troisième partie du ciel. (c’est donc à dire à 60 degrés.) Elle parut dans l’Hiver (la quatrième année de la 101e Olympiade) et après s’être élevée jusqu’à la ceinture d’Orion, elle y disparut.

La comète de 1618 qui sortit des rayons du Soleil avec une très grande queue paraissait égaler ou même surpasser un peu les étoiles de la première grandeur, mais on a vu beaucoup d’autres comètes plus grandes qui avaient de très petites queues. Il y en a eu qui, au rapport de quelques-uns, égalaient Vénus, d’autres Jupiter, et d’autres même la Lune en grandeur.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 615 Livre troisième : fin.

Nous concluons donc de tout ceci que les comètes sont du genre des planètes, et qu’elles tournent autour du Soleil dans des orbes très excentriques. Et comme parmi les planètes qui n’ont point de queues, celles qui tournent dans de plus petits orbes et le plus près du Soleil sont les plus petites, il est vraisemblable que les comètes, qui dans leur périhélie approchent le plus près du Soleil, sont de beaucoup plus petites que les autres, afin que par leur attraction elles ne dérangent pas le Soleil. Au reste, je laisse à déterminer les diamètres transver-saux des orbes des comètes et les temps périodiques de leurs révolu-tions quand on pourra comparer les révolutions des comètes qui re-viennent après un long espace de temps décrire les mêmes orbites : en attendant, la proposition suivante pourra répandre quelque lumière sur cette recherche.

PROPOSITION XLII. — PROBLÈME XXII.

Corriger la trajectoire trouvée d’une comète.

Opération première. Il faut prendre la position du plan de la trajec-toire, laquelle position a été trouvée par la Prop. précédente, et choisir trois lieux de la comète qui ayant été déterminés par des observations bien exactes, et qui soient fort éloignés les uns des autres ; que A soit le temps écoulé entre la première et la seconde observation, et B celui qu’il y a eu entre la seconde et la troisième. Il faut que la comète ait été dans son périgée dans un de ces lieux, ou que du moins elle n’en ait pas été fort éloignée. Par le moyen de ces lieux apparents soient trouvés par des opérations trigonométriques, trois lieux vrais de la comète, dans le plan choisi pour la trajectoire. Ensuite par ces lieux trouvés, soit décrite, par les opérations arithmétiques indiquées dans la Prop. 21 du Liv. 1 une section conique ayant le centre du Soleil pour foyer, que les aires de cette courbe, lesquelles sont terminées par des rayons tirés du Soleil aux lieux trouvés, soient D et E : c’est-à-dire, D l’aire décrite pendant le temps écoulé entre la première et la seconde observation, et E celle qui a été décrite pendant celui qui s’est écoulé entre la seconde et la troisième, et que T soit le temps total pendant lequel l’aire totale D + E doit être décrite par la comète avec la vitesse qui a été trouvée dans la Prop. 16 du Liv. 1.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 616 Livre troisième : fin.

Opération 2e. Que la longitude des nœuds du plan de la trajectoire soit augmentée, en ajoutant à cette longitude 2 ′ 0 ou 3 ′ 0 que j’appelle P, et que l’inclinaison de ce plan à celui de l’écliptique reste la même. Ensuite par le moyen des trois lieux observés de la comète desquels on a parlé, soient trouvés dans ce nouveau plan, trois lieux vrais comme ci-dessus ; l’orbe qui passe par ces trois points, les deux aires de cet orbe décrites entre les observations lesquelles j’appelle d et e, ainsi que le temps total pendant lequel l’aire totale d + e doit être dé-crite.

Opération 3e. Soit conservée la longitude des nœuds dans la pre-mière opération, et soit augmentée l’inclinaison du plan de la trajec-toire au plan de l’écliptique en ajoutant à cette inclinaison 2 ′ 0 ou 3 ′ 0 , lesquelles j’appelle Q. Ensuite par les trois lieux apparents de la co-mète, lesquels on a observés, et dont nous avons déjà parlé, soient trouvés trois lieux vrais dans ce nouveau plan ainsi que l’orbite qui passe par ces lieux, les deux aires de cette orbite décrites entre les ob-servations, lesquelles j’appelle δ et ε et le temps total τ pendant lequel l’aire totale δ + ε doit être décrite.

Maintenant, soit C : 1 = A : B, et G : 1 = D : E ; soit de plus g : 1 = d : e et γ : 1 = δ : ε ; S représentant le temps vrai écoulé entre la pre-mière et la troisième observation, et les signes + et – étant mis comme ils le doivent être, on cherchera les nombres m et n par cette loi, que 2G – 2C = mG – mg + nG – nγ, et que 2T – 2S = MT – mt + nT – nτ. Et si dans la première opération 1 représente l’inclinaison du plan de la trajectoire au plan de l’écliptique, et K la longitude de l’un ou de l’autre nœud, 1 + nQ sera la vraie inclinaison du plan de la trajectoire au plan de l’écliptique, et K + mρ la vraie longitude du nœud. Et enfin, si dans la première, la seconde et la troisième opération, les quantités R, r et S représentent les paramètres de la trajectoire, et les quantités 1L

, 1l, 1

λ les paramètres transversaux respectifs : le vrai paramètre de

la trajectoire que la comète décrit, sera R + mr – mR + nρ – nR et son

vrai paramètre transversal sera 1L + ml − mL + nλ − nL

: or le paramè-

tre transversal de la comète étant donné, son temps périodique le sera aussi. — C.Q.F.T.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 617 Livre troisième : fin.

Au reste les temps périodiques des comètes et les paramètres transversaux de leurs orbes, ne peuvent être déterminés avec une cer-taine précision, qu’en comparant entre elles les comètes qui paraissent en divers temps. Si plusieurs comètes après des intervalles de temps égaux, décrivent le même orbe, on doit en conclure que ces comètes ne sont qu’une seule et même comète qui fait sa révolution dans le même orbe. Et enfin, par les temps des révolutions on trouvera les pa-ramètres transversaux des orbes, et par ces paramètres on déterminera les orbes elliptiques.

Pour y parvenir il faut donc calculer les trajectoires de plusieurs comètes en les supposant paraboliques, car cette sorte de trajectoire s’accordera toujours à peu près avec les Phénomènes. C’est ce qui est prouvé, non seulement par la trajectoire parabolique de la comète de 1680 que j’ai comparée ci-dessus avec les observations, mais encore par celle de cette fameuse comète qui parut dans les années 1664 et 1665 et qui a été observée par Hevelius. Cet astronome a calculé aussi d’après ses observations les latitudes et les longitudes de cette comète, mais moins exactement.

Halley a calculé de nouveau d’après ces mêmes observations les lieux de cette comète, et enfin par le moyen de ses lieux ainsi trouvés il a déterminé sa trajectoire. Il a placé son nœud ascendant dans le 21° 1 ′ 3 5 ′ ′ 5 des , l’inclinaison de son orbite au plan de l’écliptique de 21° 1 ′ 8 ′4 ′ 0 , la distance du périhélie au nœud dans l’orbite de 49° 2 ′ 7 3 ′ ′ 0 , son périhélie dans 8° 4 ′ 0 3 ′ ′ 0 du avec une latitude australe hé-liocentrique de 16° ′ 1 4 ′ ′ 5 , il a trouvé de plus, que la comète était dans le périhélie le 24 Novembre à 11h 5 ′ 2 après midi du temps moyen à Londres, ou à Dantzig 13h ′ 8 V. S. et le paramètre de la parabole de 410 286 parties, la moyenne distance du Soleil à la Terre en ayant 100 000.

On verra par la table de la page suivante qui a été calculée par Hal-ley, combien les lieux de la comète calculés dans cet orbe, s’accordent exactement avec les observations.

Au mois de Février de l’année suivante 1665 la première étoile d’Aries que j’appellerai dorénavant γ, était dans 28° 3 ′ 0 1 ′ ′ 5 ayant une latitude boréale de 7° ′ 8 5 ′ ′ 8 .

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 618 Livre troisième : fin.

La seconde d’Aries était dans 29° 1 ′ 7 1 ′ ′ 8 avec une latitude bo-réale de 8° 2 ′ 8 1 ′ ′ 6 .

Et une autre étoile de la septième grandeur que j’appellerai A, était dans 28° 2 ′ 4 4 ′ ′ 5 ayant une latitude boréale de 8° 2 ′ 8 3 ′ ′ 3 , or la comète 17 Février ′ 7 3 ′ ′ 0 à Paris, (c’est-à-dire, le 7 février ′ 8 3 ′ ′ 7 V. S. à Dantzig) faisait un triangle avec ces étoiles γ et A, lequel était rec-tangle en γ. Et la distance de la comète à l’étoile γ, était égale à la dis-tance des étoiles γ et A entre elles, c’est-à-dire, qu’elle était de 1° 1 ′ 9 4 ′ ′ 6 d’un grand cercle, et par conséquent elle était de 1° 10’ 2 ′ ′ 6 dans le parallèle de latitude de l’étoile γ. Donc, si de la longitude de l’étoile γ, on en ôte la longitude de 1° 2 ′ 0 2 ′ ′ 6 , il restera la longitude de la comète dans de 27° ′ 9 4 ′ ′ 9 .

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 619 Livre troisième : fin.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 620 Livre troisième : fin.

Auzout qui avait fait cette observation, en conclut que la comète était à peu près dans 27° ′ 0 et par la figure dans laquelle Hook a

tracé son mouvement, elle était dans 26° 5 ′ 9 ′2 ′ 4 ; ainsi en prenant

un milieu entre ces positions je l’ai mis dans 27° ′ 4 ′4 ′ 6 .

Par la même observation Auzout détermina la latitude de la comète à 7° ′ 4 ou ′ 5 vers le nord : elle l’aurait été plus exactement à 7° ′ 3 2 ′ ′ 9 , en supposant toutefois la différence des latitudes de la comète et de l’étoile γ égale à la différence des longitudes des étoiles γ et A.

Le 22 Février à 7h 3 ′ 0 à Londres, c’est-à-dire, le 22 Février à 8h 4 ′ 6 à Dantzig, la distance de la comète à l’étoile A, selon l’observation de Hook qu’il avait tracée même dans une figure, et se-lon la figure de Petit tracée d’après les observations d’Auzout, était la cinquième partie de la distance entre l’étoile A et la première d’Aries, ou 1 ′ 5 5 ′ ′ 7 . Et la distance de la comète à la ligne qui joint l’étoile A et la première d’Aries était la quatrième partie de cette cinquième partie, c’est-à-dire, 4 ′ 1 . La comète était donc dans 28° 2 ′ 9 4 ′ ′ 6 ayant 8° 1 ′ 2 3 ′ ′ 6 de latitude boréale.

Le premier Mars à 7h ′ 0 à Londres, qui reviennent à 8h 1 ′ 6 à Dant-zig, la comète fut observée près de la seconde d’Aries la distance entre la comète et cette étoile, étant à la distance entre la première et la se-conde d’Aries, c’est-à-dire, à 1° 3 ′ 3 comme 4 à 45 selon Hook, ou comme 2 à 23 selon Gottignies ; ou bien, en prenant un milieu entre ces positions, de ′ 8 1 ′ ′ 0 . Mais la comète, selon Gottignies, avait alors précédé la seconde d’Aries presque de la quatrième ou cinquième par-tie du chemin qu’elle faisait en un jour, c’est-à-dire, de ′ 1 3 ′ ′ 5 environ, (en quoi il s’accorde assez bien avec Auzout) ou un peu moins selon Hook, comme ′ 1 par exemple. Donc, si à sa longitude de la première d’Aries, on ajoute ′ 1 et ′ 8 1 ′ ′ 0 à la latitude, on aura la longitude de la comète de 29° 1 ′ 8 et sa latitude boréale de 8° 3 ′ 6 2 ′ ′ 6 .

Le 7 de Mars à 7h 3 ′ 0 à Paris (qui font 8h 3 ′ 7 à Dantzig) la distan-ce de la comète à la seconde d’Aries était, selon les observations d’Auzout, égale à la distance de la seconde d’Aries à l’étoile A, c’est-à-dire, qu’elle était de 5 ′ 2 2 ′ ′ 9 et la différence des longitudes de la comète et de la seconde d’Aries était de 4 ′ 5 ou 4 ′ 6 ; ou en prenant un

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 621 Livre troisième : fin.

milieu entre ces positions de 4 ′ 5 3 ′ ′ 0 . Donc la comète était dans 0° ′ 2 4 ′ ′ 8 . Selon la figure construite par Petit sur les observations

d’Auzout, Hevelius a conclu la latitude de cette comète de 8° 5 ′ 4 , mais le graveur a courbé un peu irrégulièrement le chemin de la comè-te vers la fin de son mouvement, Hevelius a corrigé cette incurvation irrégulière dans la figure qu’il a tracée d’après les observations d’Auzout, et il a fixé la latitude de la comète à 8° 5 ′ 5 3 ′ ′ 0 , et en corri-geant l’irrégularité, la latitude peut aller à 8° 5 ′ 6 ou à 8° 5 ′ 7 .

Cette comète fut encore vue le 9 Mars, et alors elle devait être dans 0° 1 ′ 8 ayant 9° ′ 3 1

2 environ de latitude boréale.

Cette comète parut trois mois, elle parcourut presque six lignes, et elle faisait près de 2 ′ 0 par jour. Son orbe était fort différent d’un grand cercle, il était incurvé vers le Nord ; et sur la fin son mouvement de rétrograde devint direct. Ce cours si peu ordinaire s’accorda depuis le commencement jusqu’à la fin aussi exactement avec la théorie, que le cours des planètes a coutume de s’accorder avec leur théorie, comme on le verra par la table suivante. Il faut cependant soustraire deux mi-nutes environ pour le temps où la comète avait la plus grande vitesse ; ce qu’on fera en ôtant douze secondes de l’angle compris entre le nœud ascendant et le périhélie, ou en faisant cet angle de 49° 2 ′ 7 1 ′ ′ 8 . La parallaxe annuelle de ces deux comètes (à savoir de celle-ci et de la précédente) était très considérable, ce qui démontre le mouvement de la Terre dans son grand orbe.

Cette théorie est encore confirmée par le mouvement de la comète qui parut dans l’année 1683. Celle-là fut rétrograde dans son orbe, dont le plan faisait avec l’écliptique un angle presque droit. Son nœud ascendant était (selon le calcul de Halley) dans 23° 2 ′ 3 : l’inclinaison de son orbe à l’écliptique était de 83° 1 ′ 1 : son périhélie était dans 25° 2 ′ 9 3 ′ ′ 0 , et la distance de son périhélie au Soleil était de 56 020 parties, le rayon du grand orbe en ayant 100 000, et son pé-rihélie arriva le 2 Juillet à 3h 5 ′ 0 . Les lieux de la comète dans cet orbe ont été calculés par Halley et on les trouve dans la table suivante comparés avec les lieux observés par Flamsteed.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 622 Livre troisième : fin.

La théorie précédente est encore confirmée par le mouvement de la

comète rétrograde qui parut l’année 1682. Son nœud ascendant, selon le calcul de Halley, était dans 21° 1 ′ 6 3 ′ ′ 0 , l’inclinaison de son orbi-te au plan de l’écliptique était de 17° 5 ′ 6 ′ ′ 0 . Son périhélie était dans 2° 5 ′ 2 5 ′ ′ 0 , sa distance périhélie au Soleil de 58 328 parties, le rayon du grand orbe en ayant 100 000. Et le temps corrigé de son pé-rihélie était le 4 de Septembre à 7h 3 ′ 9 . L’on trouve dans la table sui-vante, la comparaison de ces lieux calculés sur les observations de Flamsteed avec les lieux que donne la théorie.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 623 Livre troisième : fin.

Enfin le mouvement rétrograde de la comète qui parut en 1723

confirme encore cette théorie, son nœud ascendant (selon le calcul du Docteur Bradley Professeur Savilien d’astronomie à Oxford) était dans 14° 1 ′ 6 , l’inclinaison de son orbe au plan de l’écliptique était

de 49° 5 ′ 9 . Son périhélie était dans 12° 1 ′ 5 2 ′ ′ 0 . Sa distance périhé-lie au Soleil était de 998 651 parties, le rayon du grand orbe étant de 1 000 000, et le temps corrigé de son périhélie était le 16 Septembre à 16h 1 ′ 0 . Les lieux de cette comète dans cet orbe, calculés par Bradley, et comparés avec les lieux qui furent observés par lui-même, par Pound son grand-oncle, et par le Docteur Halley, se trouvent dans la table suivante.

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Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle 624 Livre troisième : fin.

Ces exemples suffisent pour prouver que les mouvements des co-

mètes se déduisent aussi exactement de la théorie que nous venons d’exposer que les mouvements des planètes se tirent de la leur. Ainsi on peut, par cette théorie, calculer les orbes des comètes, et l’on pour-ra connaître par la suite le temps périodique d’une comète révoltante dans un orbe quelconque, et parvenir par ce moyen à connaître tant les axes de leurs orbes, supposés elliptiques, que leurs distances aphélies.

La comète rétrograde qui parut en 1607 décrivit un orbe, dont le nœud ascendant (selon le calcul de Halley) était dans 20° 2 ′ 1 , l’inclinaison du plan de son orbite au plan de l’écliptique de 17° ′ 2 . Le périhélie à 2° 1 ′ 6 , la distance périhélie de 58 680 parties, le rayon du grand orbe en ayant 100 000 ; le temps du périhélie de cette comète était le 16 Octobre à 3h 5 ′ 0 .

Cet orbe s’accorde assez juste avec celui de la comète qui parut en 1682.

En supposant que ces deux comètes n’aient été qu’une seule et même comète, on trouvera que le temps de sa révolution est de 75 ans, que le grand axe de son orbe est au grand axe de l’orbe de la Terre

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comme 75 × 753 à 1 ou comme 1778 à 100 environ, et que la distan-ce aphélie de cette comète est à la distance moyenne de la Terre au Soleil comme 35 à 1 environ. Ce qui étant connu, il ne sera pas diffici-le de déterminer l’orbe elliptique de cette comète. Tout cela se trouve-ra prouvé si cette comète revient dans ce même orbe au bout de 75 ans. Il paraît que les autres comètes emploient plus de temps à faire leurs révolutions, et qu’elles montent à de plus grandes distances.

Au reste les comètes doivent troubler sensiblement leurs cours par leur attraction mutuelle, tant à cause de leur grand nombre et de leur grand éloignement du Soleil dans leurs aphélies, que du temps qu’elles demeurent dans ces aphélies, ce qui doit tantôt diminuer et tantôt augmenter leurs excentricités et les temps de leurs révolutions. Ainsi il ne faut pas espérer que la même comète décrive toujours le même orbe, ni que son temps périodique soit toujours exactement le même. Il suffit que les variations n’excèdent pas celles qu’on peut at-tribuer à ces causes.

On peut trouver par là la raison pour laquelle les comètes ne sont point renfermées dans le Zodiaque comme les planètes, et pourquoi elles sont portées par des mouvements divers dans toutes les régions du ciel ; car c’est afin que dans leurs aphélies, où leur mouvement est très lent, elles soient assez éloignées les unes des autres pour que leur attraction mutuelle ne soit pas trop sensible. C’est par cette raison que les comètes qui descendent de plus haut, et qui par conséquent se meuvent plus lentement dans leurs aphélies, doivent remonter plus haut.

La comète qui parut l’année 1680 était à peine éloignée du Soleil, dans son périhélie, de la sixième partie du diamètre du Soleil ; et à cause de l’extrême vitesse qu’elle avait alors et de la densité que peut avoir l’atmosphère du Soleil, elle dut éprouver quelque résistance, et par conséquent son mouvement dut être un peu retardé, et elle dut ap-procher plus près du Soleil, et en continuant d’en approcher toujours plus près à chaque révolution, elle tombera à la fin sur le globe du So-leil. Dans l’aphélie où son mouvement est plus lent, elle peut être re-tardée par l’attraction des autres comètes et tomber tout à coup dans le Soleil. Ainsi les étoiles fixes qui peu à peu s’épuisent en rayons et en vapeurs, peuvent se renouveler par des comètes qui viennent y tom-ber, et en se rallumant par le moyen de ce nouvel aliment, paraître de

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nouvelles étoiles. De ce genre sont les étoiles fixes qui paraissent tout d’un coup, qui sont au commencement dans tout leur brillant, et qui ensuite disparaissent peu à peu. Telle fut l’étoile que Cornelius Gem-ma, aperçut le 8 Novembre 1572 dans la chaise de Cassiopée, en exa-minant cette partie du ciel par une nuit peu sereine, et qu’il vit la nuit suivante (c’est-à-dire, le 9 Novembre,) plus brillante qu’aucune étoile fixe, et le cédant à peine en lumière à Vénus. Tycho-Brahé vit cette même étoile le 11 du même mois dans le temps où son éclat était le plus vif. Depuis ce jour elle diminua peu à peu, et dans l’espace de 16 mois il la vit s’évanouir.

Au mois de Novembre, où elle commença à paraître, la lumière égalait celle de Vénus.

Au mois de Décembre suivant à peine était-elle diminuée, et elle égalait encore Jupiter.

Au mois de Janvier 1573, elle était plus petite que Jupiter, et plus grande que Sirius.

A la fin de Février et au commencement de Mars elle devint égale à Sirius.

Aux mois d’Avril et de Mai elle n’était plus que de la seconde grandeur.

Aux mois de Juin, Juillet et Août elle était de la troisième. Aux mois de Septembre, d’Octobre et de Novembre, elle était de la qua-trième.

Au mois de Décembre 1573 et au mois de Janvier de l’année 1574 elle ne fut plus que de la cinquième.

Au mois de Février elle était de la sixième.

Et enfin au mois de Mars elle disparut.

La couleur dans le commencement fut claire, blanchâtre et très brillante, ensuite elle devint jaunâtre.

Au mois de Mars 1573 elle était rougeâtre à peu près comme Mars, ou l’étoile Aldébaran.

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Au mois de Mai elle devint d’un blanc livide tel que celui de Sa-turne, et elle conserva cette couleur jusqu’à la fin devenant cependant toujours plus obscure.

Telle fut aussi l’étoile que les disciples de Kepler aperçurent pour la première fois le 30 Septembre 1604, V.S. dans le pied droit du Ser-pentaire, et qui surpassait déjà Jupiter en lumière, quoique la nuit pré-cédente elle eut paru très-petite. Elle commença ensuite à décroître peu à peu, et on cessa de l’apercevoir au bout de 15 ou 16 mois.

Ce fut une nouvelle étoile de cette espèce qui parut si brillante du temps d’Hipparque, qu’elle le détermina, comme le rapporte Pline, à observer les fixes, et à en donner un catalogue.

Les étoiles qui paraissent et disparaissent tour à tour, dont la lumiè-re s’augmente peu à peu, et qui ne passent pas la troisième grandeur, paraissent être d’un autre genre, et nous montrer dans leur révolution tantôt une partie brillante et tantôt une partie obscure de leur disque.

Les vapeurs qui s’exhalent du Soleil, des étoiles fixes, et des queues des comètes, peuvent tomber par leur gravité dans les atmos-phères des planètes, s’y condenser, et s’y convertir en eau et en esprits humides, et ensuite par une chaleur lente, se changer peu à peu en sels, en souffres, en teintures, en limon, en argile, en boue, en sable, en pierre, en corail, et en d’autres matières terrestres.

SCHOLIE GÉNÉRAL.

L’hypothèse des tourbillons est sujette à beaucoup de difficultés. Car afin que chaque planète puisse décrire autour du Soleil des aires proportionnelles au temps, il faudrait que les temps périodiques des parties de leur tourbillon fussent en raison doublée de leurs distances au Soleil.

Afin que les temps périodiques des planètes soient en raison ses-quiplée de leurs distances au Soleil, il faudrait que les temps périodi-ques des parties de leurs tourbillons fussent en raison sesquiplée de leurs distances à cet astre.

Et afin que les petits tourbillons qui tournent autour de Saturne, de Jupiter et des autres planètes, puissent subsister et nager librement

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dans le tourbillon du Soleil, il faudrait que les temps périodiques des parties du tourbillon solaire fussent égaux. Or les révolutions du Soleil et des planètes autour de leur axe qui devraient s’accorder avec les mouvements des tourbillons, s’éloignent beaucoup de toutes ces pro-portions.

Les comètes ont des mouvements fort réguliers, elles suivent dans leurs révolutions les mêmes lois que les planètes, et leur cours ne peut s’expliquer par les tourbillons. Car les comètes sont transportées par des mouvements très excentriques dans toutes les parties du ciel, ce qui ne peut s’exécuter si on ne renonce aux tourbillons.

Les projectiles n’éprouvent ici-bas d’autre résistance que celle de l’air, et dans le vide de Boyle la résistance cesse, en sorte qu’une plu-me et de l’or y tombent avec une égale vitesse. Il en est de même des espaces célestes au-dessus de l’atmosphère de la Terre, lesquels sont vides d’air ; tous les corps doivent se mouvoir très librement dans ces espaces ; et par conséquent les planètes et les comètes doivent y faire continuellement leurs révolutions dans des orbes donnés d’espèce et de position, en suivant les lois ci-dessus exposées. Et elles doivent continuer par les lois de la gravité à se mouvoir dans leurs orbes, mais la position primitive et régulière de ces orbes ne peut être attribuée à ces lois.

Les six planètes principales font leurs révolutions autour du Soleil dans des cercles qui lui sont concentriques, elles sont toutes à peu près dans le même plan, et leurs mouvements ont la même direction.

Les dix Lunes qui tournent autour de la Terre, de Jupiter et de Sa-turne dans des cercles concentriques à ces planètes, se meuvent dans le même sens et dans les plans des orbes de ces planètes à peu près. Tous ces mouvements si réguliers n’ont point de causes mécaniques ; puisque les comètes se meuvent dans des orbes fort excentriques, et dans toutes les parties du ciel.

Par cette espèce de mouvement les comètes traversent très vite et très facilement les orbes des planètes, et dans leur aphélie, où leur mouvement est très lent, et où elles demeurent très longtemps, elles sont si éloignées les unes des autres que leur attraction mutuelle est presque insensible.

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Cet admirable arrangement du Soleil, des planètes et des comètes, ne peut être que l’ouvrage d’un être tout puissant et intelligent. Et si chaque étoile fixe est le centre d’un système semblable au nôtre, il est certain que tout portant l’empreinte d’un même dessin, tout doit être fourni à un seul et même Être : car la lumière que le Soleil et les étoi-les fixes se renvoient mutuellement est de même nature. De plus, on voit que celui qui a arrangé cet Univers, a mis les étoiles fixes à une distance immense les unes des autres, de peur que ces globes ne tom-bassent les uns sur les autres par la force de leur gravité.

Cet Être infini gouverne tout, non comme l’âme du monde, mais comme le Seigneur de toutes choses. Et à cause de cet empire, le Sei-gneur-Dieu s’appelle , c’est-à-dire, le Seigneur universel. Car Dieu est un mot relatif et qui se rapporte à des serviteurs : et l’on doit entendre par divinité la puissance suprême non pas seulement sur des êtres matériels, comme le pensent ceux qui font Dieu uniquement l’âme du monde, mais sur des êtres pensants qui lui sont fournis. Le Très-haut est un Être infini, éternel, entièrement parfait : mais un Être, quelque parfait qu’il soit, s’il n’avait pas de domination, ne serait pas Dieu. Car nous disons, mon Dieu, votre Dieu, le Dieu d’Israël, le Dieu des Dieux, et le Seigneur des Seigneurs, mais nous ne disons point, mon Éternel, votre Éternel, l’Éternel d’Israël, l’Éternel des Dieux ; nous ne disons point, mon infini, ni mon parfait, parce que ces déno-minations n’ont pas de relation à des êtres soumis. Le mot de Dieu signifie quelquefois le Seigneur 1. Mais tout Seigneur n’est pas Dieu. La domination d’un Être Spirituel est ce qui constitue Dieu : elle est vraie dans le vrai Dieu, elle s’étend à tout dans le Dieu qui est au-dessus de tout, et elle est seulement factice et imaginée dans les faux Dieux : il suit de ceci que le vrai Dieu est un Dieu vivant, intelligent, et puissant ; qu’il est au-dessus de tout, et entièrement parfait. Il est éternel et infini, tout-puissant, et omni-scient, c’est-à-dire qu’il dure depuis l’éternité passée et dans l’éternité à venir, et qu’il est présent partout dans l’espace infini : il régit tout ; et il connaît tout ce qui est 1 Pocock fait dériver le mot de Dieu du mot arabe (Du et au génitif Di) qui si-

gnifie Seigneur, et c’est dans ce sens que les Princes sont appelés Dieux (au Psaume 84. v. 6. et au 10. ch. de S. Jean, v.45.) Moïse est appelle le Dieu de son frère Aaron, et le Dieu du Roi Pharaon, (ch. 4. de l’Exod. v. 16. et ch.7. v. 1.) et dans le même sens les âmes des Princes morts étaient appelées Dieux autrefois par les Gentils, mais c’était à tort, car après leur mort ils n’avaient plus de domination.

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et tout ce qui peut être. Il n’est pas l’éternité ni l’infinité, mais il est éternel et infini, il n’est pas la durée ni l’espace, mais il dure et il est présent ; il dure toujours et il est présent partout ; il est existant tou-jours et en tout lieu, il constitue l’espace et la durée.

Comme chaque particule de l’espace existe toujours, et que chaque moment indivisible de la durée dure partout, on ne peut pas dire que celui qui a fait toutes choses et qui en est le Seigneur n’est jamais et nulle-part. Toute âme qui sent en divers temps, par divers sens, et par le mouvement de plusieurs organes, est toujours une seule et même personne indivisible.

Il y a des parties successives dans la durée, et des parties co-existantes dans l’espace ; il n’y a rien de semblable dans ce qui consti-tue la personne de l’homme ou dans son principe pensant ; et bien moins y en aura-t-il dans la substance pensante de Dieu. Tout homme, en tant qu’il est un Être sentant, est un seul et même homme pendant toute sa vie et dans tous les divers organes de ses sens. Ainsi Dieu est un seul et même Dieu partout et toujours. Il est présent partout, non seulement virtuellement, mais substantiellement, car on ne peut agir où l’on n’est pas. Tout est mû 2 et contenu dans lui, mais sans aucune action des autres êtres sur lui. Car Dieu n’éprouve rien par le mouve-ment des corps : et sa toute présence ne leur fait sentir aucune résis-tance, il est évident que le Dieu suprême existe nécessairement : et par la même nécessité il existe partout et toujours. D’où il finit aussi qu’il est tout semblable à lui-même, tout œil, tout oreille, tout cerveau, tout bras, tout sensation, tout intelligence, et tout action : d’une façon nul-lement humaine, encore moins corporelle, et entièrement inconnue. Car de même qu’un aveugle n’a pas d’idée des couleurs, ainsi nous

2 Les anciens pensaient ainsi, comme il paraît par la manière donc s’exprime

Pythagore, dans le livre de la Nature des Dieux de Ciceron, liv. 1. ainsi que Thalès et Anaxagore ; Virgile dans les Georgiques, liv. 4. v. 220 et dans le 6 liv. de l’Énéide v.721. Philon au commencement du liv. 1. de l’Allégorie. Aratus dans ses phénomènes. Il en est de même des Auteurs sacrés, S. Paul, Actes des Apôtr. ch. 17. v. 17. et 28. S. Jean dans son Évangile, ch. 14. v. 2. Moïse dans le Deuteronome, ch. 4. v.3 9 et ch. 10. v. 14. David dans le Psau-me 139. v. 7. 8 et 9. Salomon au 1. liv. des Rois, ch. 8. v. 27. Job, ch. 22. v. 12. 13 et 14. Jérémie, ch. 23. v. 23 et 24. Les Païens s’imaginaient que le So-leil, la Lune, les astres, les âmes des hommes et toutes les autres parties du monde étaient des parties de l’être suprême et qu’on leur devait un culte, mais c’était une erreur.

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n’avons point d’idées de la manière dont l’Être suprême sent et connaît toutes choses. Il n’a point de corps ni de forme corporelle, ainsi il ne peut être ni vu, ni touché, ni entendu, et on ne doit l’adorer sous aucune forme sensible. Nous avons des idées de ses attributs, mais nous n’en avons aucune de sa substance. Nous voyons les figures et les couleurs des corps, nous entendons leurs sons, nous touchons leurs superficies extérieures, nous sentons leurs odeurs, nous goûtons leurs saveurs : mais quant aux substances intimes, nous ne les connaissons par aucun sens, ni par aucune réflexion ; et nous avons encore beaucoup moins d’idée de la substance de Dieu. Nous le connaissons seulement par ses propriétés et ses attributs, par la struc-ture très sage et très excellente des choses, et par leurs causes finales ; nous l’admirons à cause de ses perfections ; nous le révérons et nous l’adorons à cause de son empire, nous l’adorons comme soumis, car un Dieu sans providence sans empire et sans causes finales, n’est autre chose que le destin et la nature ; la nécessité métaphysique, qui est toujours et partout la même, ne peut produire aucune diversité ; la di-versité qui règne en tout, quant au temps et aux lieux, ne peut venir que de la volonté et de la sagesse d’un Être qui existe nécessairement.

On dit allégoriquement que Dieu voit, entend, parle, qu’il se ré-jouit, qu’il est en colère, qu’il aime, qu’il hait, qu’il désire, qu’il cons-truit, qu’il bâtit, qu’il fabrique, qu’il accepte, qu’il donne, parce que tout ce qu’on dit de Dieu est pris de quelque comparaison avec les choses humaines ; mais ces comparaisons, quoiqu’elles soient très im-parfaites, en donnent cependant quelque faible idée. Voilà ce que j’avais à dire de Dieu, dont il appartient à la philosophie naturelle d’examiner les ouvrages.

J’ai expliqué jusqu’ici les phénomènes célestes et ceux de la mer par la force de la gravitation, mais je n’ai assigné nulle part la cause de cette gravitation. Cette force vient de quelque cause qui pénètre jusqu’au centre du Soleil et des planètes, sans rien perdre de son acti-vité ; elle n’agit point selon la grandeur des superficies, (comme les causes mécaniques) mais selon la quantité de la matière ; et son action s’étend de toutes parts à des distances immenses, en décroissant tou-jours dans la raison doublée des distances.

La gravité vers le Soleil est composée des gravités vers chacune de ses particules, et elle décroît exactement, en s’éloignant du Soleil, en

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raison doublée des distances, et cela jusqu’à l’orbe de Saturne, comme le repos des aphélies des planètes le prouve, et elle s’étend jusqu’aux dernières aphélies des comètes, si ces aphélies sont en repos.

Je n’ai pu encore parvenir à déduire des phénomènes la raison de ces propriétés de la gravité, et je n’imagine point d’hypothèses. Car tout ce qui ne se déduit point des phénomènes est une hypothèse : et les hypothèses, soit métaphysiques, soit physiques, soit mécaniques, soit celles des qualités occultes, ne doivent pas être reçues dans la phi-losophie expérimentale.

Dans cette philosophie, on tire les propositions des phénomènes, et on les rend ensuite générales par induction. C’est ainsi que l’impénétrabilité, la mobilité, la force des corps, les lois du mouve-ment, et celles de la gravité ont été connues. Et il suffit que la gravité existe, qu’elle agisse selon les lois que nous avons exposées, et qu’elle puisse expliquer tous les mouvements des corps célestes et ceux de la mer.

Ce serait ici le lieu d’ajouter quelque chose sur cette espèce d’esprit très subtil qui pénètre à travers tous les corps solides, et qui est caché dans leur substance ; c’est par la force, et l’action de cet es-prit que les particules des corps s’attirent mutuellement aux plus peti-tes distances, et qu’elles cohérent lorsqu’elles sont contiguës ; c’est par lui que les corps électriques agissent à de plus grandes distances, tant pour attirer que pour repousser les corpuscules voisins : et c’est encore par le moyen de cet esprit que la lumière émane, se réfléchit, s’infléchit, se réfracte, et échauffe les corps ; toutes les sentations sont excitées, et les membres des animaux sont mus, quand leur volonté l’ordonne, par les vibrations de cette substance spiritueuse qui se pro-page des organes extérieurs des sens, par les filets solides des nerfs, jusqu’au cerveau, et ensuite du cerveau dans les muscles. Mais ces choses ne peuvent s’expliquer en peu de mots ; et on n’a pas fait enco-re un nombre suffisant d’expériences pour pouvoir déterminer exac-tement les lois selon lesquelles agit cet esprit universel.

FIN DU LIVRE TROISIÈME

Table des matières

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Planche II