naelle sandra nanda - bdr.u-paris10.fr · page 1 thèse présentée et soutenue publiquement par...
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Thèse présentée et soutenue publiquement par
Naelle Sandra NANDA
En vue de l’obtention d’un Doctorat en Psychologie.
Option psychologie environnementale appliquée au travail.
Université Paris Ouest Nanterre La Défense
Sous la direction de :
Mme Liliane Rioux
Professeure, Université Paris Ouest Nanterre La Défense
Le 13 juillet 2016
Membres du Jury :
M. Faouzi BENSEBAA, Professeur, Université de Paris 8 (Rapporteur).
M. Emmanuel JOVELIN, Professeur, Université de Lorraine (Rapporteur).
Mme Liliane RIOUX, Professeure, Université de Paris Ouest Nanterre La Défense
(Directrice de thèse).
Année Universitaire 2015-2016
Ecole doctorale
Connaissances, Langage
et Modélisation (ED : 139)
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Thèse présentée et soutenue publiquement par
Naelle Sandra NANDA
En vue de l’obtention d’un Doctorat en Psychologie.
Option psychologie environnementale appliquée au travail.
Université Paris Ouest Nanterre La Défense
Sous la direction de :
Mme Liliane Rioux
Professeure, Université Paris Ouest Nanterre La Défense
Le 13 juillet 2016
Membres du Jury :
M. Faouzi BENSEBAA, Professeur, Université de Paris 8 (Rapporteur).
M. Emmanuel JOVELIN, Professeur, Université de Lorraine (Rapporteur).
Mme Liliane RIOUX, Professeure, Université de Paris Ouest Nanterre La
Défense (Directrice de thèse).
Année Universitaire 2015-2016
Ecole doctorale
Connaissances, Langage
et Modélisation (ED : 139)
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DEDICACES
Au terme de ce travail, nous souhaitons rendre un hommage
particulier à notre défunt père Jean Nicolas NANDA et à notre mère
Odile GUIGOUGA pour le travail et les sacrifices faits pour notre
réussite.
A ma sœur Pamela NANDA épouse Anselme pour le modèle qu’elle a
toujours été, pour tout et tant dans ma formation.
Et particulièrement à mon fils, Nilh, ma vie, mon trésor, moteur de
ma réussite. Lui qui a dû subir les affres de la distance, et l’absence.
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REMERCIEMENTS
La réussite est un voyage qui s’effectue accompagné. Durant notre parcours nous
avons eu la grâce de bénéficier de la présence et du soutien de personnes
remarquables tant physiques que morales sans qui ce travail de thèse n’aurait
jamais abouti.
Nous tenons, dans ces quelques lignes, à leur exprimer notre sincère et profonde
reconnaissance.
Nous exprimons notre gratitude premièrement à Mme Liliane Rioux pour les
opportunités offertes, pour son parfait encadrement. Pour ses précieux conseils, son
accompagnement et ses encouragements qui nous ont permis d’améliorer le fond et la
forme de notre travail et d’aller à son terme. Merci d’être tant de bien.
Un grand merci ensuite à l’école doctorale 139, tous les enseignants du département
et les membres de l’équipe LAPPS qui ont mis à notre disposition un environnement
de travail favorable et des formations doctorales adéquates.
Nous témoignons aussi notre reconnaissance à l’état Gabonais au travers de L’ANBG
grâce à qui nous avons pu entamer la poursuite de nos études doctorales par l’octroi
d’une bourse d’étude.
Nous tenons également à remercier tous les participants volontaires du village
Yombe 2, de l’’UOB, les chefs de département pour les autorisations ayant facilité le
recueil de données. Merci aux services Développement durable de Perenco et Total
Gabon Port-Gentil, pour la confiance portée en mon endroit, l’accès à la
documentation et aux sites indispensables à cette œuvre.
-Un spécial Merci à Notre très cher tant et tout, soutien indéfectible sur tous les
plans Olivier Gillet.
-Parce que le travail de thèse est aussi endurance, mental, et émotion, le soutien
familial et amical est d’une importance capitale. Alors merci à Toute notre grande
famille (Yavou, frères et sœurs NANDA : Julie, Annicette, Rogo…, les Ravoro
particulièrement Eliane) Steeve, Thècle, Diana, Nancy, Camille Case.
A tous nos fidèles ami(e)s de partout : Lauraine, Mathias, Graciélla, Totti, Ernest,
Unguerand, Regis, Amour Larry, Judicaël, Julice, Sany, kader, Anicet, Bertrand,
Eliane, Alan, Joseph, Benjamin, Odia,… une pensée particulière à (feu) Karl Ibaghat.
Aux ami(e)s slameurs de partout qui me soutiennent (Michel, Sem, Saba, Marco,
Isaac, Zako etc).
A la team de la salle des doctorants pour le partage d’articles, de connaissances et
d’informations (Eva, Elodie, Pauline, Yara, Hind, Lamia,…).
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RESUME
Cette thèse a pour objectif de montrer qu’au Gabon, les organisations, qu’elles soient
traditionnelles ou modernes, s’appuient sur des valeurs existant depuis toujours dans les
milieux organisationnels traditionnels et qui peuvent contribuer à la mise en place de
stratégies de développement durable adaptées au contexte gabonais. Plus précisément, il s’agit
de démontrer que les valeurs de développement durable de l’ONU (liberté, égalité, solidarité,
tolérance, respect de la nature et partage des responsabilités) existent dans les traditions
gabonaises et sont donc bien plus anciennes que ce nouveau concept. Ainsi, nous proposons
de retracer l’histoire des modes de vie des Gabonais, d’analyser les pratiques ancestrales que
nous qualifions de durables, d’interroger les sujets issus du milieu traditionnel et moderne. En
d’autres termes nous soutenons la thèse selon laquelle l’Africain fait du développement
durable sans le savoir et que toute démarche de développement durable doit être
contextualisée.
Pour cela, trois hypothèses générales ont été testées à travers six études.
La première hypothèse (Les valeurs de développement durable existent au sein des sociétés
traditionnelles et rurales gabonaises et sont donc plus anciennes que le concept de
développement durable) fait appel à deux études complémentaires basée sur l’analyse
documentaire des premiers dictionnaires linguistiques Myènè (étude 1) et des entretiens menés
avec trois orateurs traditionnels gabonais (étude 2). La deuxième hypothèse (Les populations
rurales gabonaises portent des valeurs de développement durable au regard de leurs
pratiques qui sont différentes de celles de l’ONU) s’appuie sur l’analyse documentaire
d’ouvrages historiques gabonais (étude 3) et photographique du milieu rural actuel (étude 4).
La troisième hypothèse (Les valeurs prioritaires pour les populations gabonaises sont
différentes de celles de l’ONU) est explorée par une enquête par questionnaire menée auprès
d’étudiants (étude 5) et de salariés (étude 6) gabonais.
Les résultats obtenus aux différentes études sont discutés et permettent de conclure que les
valeurs de développement durable préconisées par l’ONU doivent se décliner en fonction des
contextes culturels. Ainsi, en Afrique, et plus spécifiquement au Gabon, les valeurs en lien
avec les pratiques traditionnelles qu’on peut considérer comme durables doivent être intégrées
et articulées avec celles retenues par l’ONU afin d’y impulser un développement durable
véritable.
Mots clés : Valeurs, Développement durable, Valeurs de développement durable, Traditions,
Cultures, Gabon.
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ABSTRACT
The aim of this thesis is to show that organisations in Gabon, whether traditional or modern,
are based on values that have always existed in traditional organisations and can play a role in
setting up culturally appropriate sustainable development strategies. More precisely, it aims to
show that the UN’s sustainable development values (freedom, equality, solidarity, tolerance,
respect of nature, responsibility sharing) exist in Gabon’s traditions and are thus much older
than this recent concept. We retrace the history of the Gabonese way of life, analyse ancestral
customs that we qualify as sustainable, and discuss topics related to traditional and modern
contexts. In other words, we postulate that the African unwittingly carries out sustainable
development and that any sustainable development action must be contextualized.
Three general hypotheses were tested in six studies. The first (Sustainable development values
exist in traditional and rural Gabonese society and thus pre-date the concept of sustainable
development) involved two complementary studies based on documentary analysis of the first
Myènè linguistic dictionaries (study 1) and interviews with three traditional Gabonese orators
(study 2). The second hypothesis (Rural Gabonese customs have sustainable development
values that differ from those of the UN) is examined through documentary analysis of
historical Gabonese works (study 3) and photographs of present-day rural Gabon (study 4).
The third hypothesis (The priority values of the Gabonese people differ from those of the UN)
is explored through a questionnaire completed by Gabonese students (study 5) and workers
(study 6).
The findings of the studies are discussed and lead to the conclusion that the sustainable
development values recommended by the UN should be adapted to the cultural context. Thus,
in Africa, and more specifically in Gabon, values linked to traditional practices that can be
considered as sustainable should be incorporated and linked to those upheld by the UN in
order to foster real sustainable development.
Key words: Values, Sustainable development, Sustainable development values, Traditions,
Culture, Gabon
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« L’universel, c’est le local moins les murs ».
(Torga, 1986)
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SOMMAIRE
........................................................................................................ 3 DEDICACES
............................................................................................ 4 REMERCIEMENTS
.............................................................................................................. 5 RESUME
........................................................................................................... 6 ABSTRACT
SOMMAIRE ......................................................................................................... 8
........................................................................ 10 INTRODUCTION GENERALE
...................................................... 12 CHAPITRE 1 : LE DEVELOPPEMENT DURABLE
1. Historique du développement durable ..................................................................... 12
2. Définitions .................................................................................................................. 16
3. Liens privilégiés avec la psychologie environnementale. ...................................... 25
..................................................................................... 29 Chapitre 2 : Les valeurs
1. Le concept de valeur dans les sciences humaines et sociales .............................. 30
2. DEFINITIONS ET CARACTERISTIQUES DES VALEURS ...................................................... 34
3. Les principales théories et modélisations des valeurs ............................................ 38
................................................ 48 Chapitre 3 : Valeurs et développement durable
1. L’ONU et les valeurs du développement durable .................................................... 48
2. Les valeurs et les principes du développement durable dans les organisations . 61
3. Les valeurs de développement durable en Afrique cas du Gabon ........................ 80
CHAPITRE 4 : MODELES FORMALISANT LES LIENS ENTRE VALEURS ET
............................................................................... 82 COMPORTEMENTS DURABLES
I. La théorie culturelle ................................................................................................... 83
II. L’humanisme méthodologique ................................................................................. 84
III. Quelques modèles issus de la psychologie ......................................................... 87
IV. Le modèle des valeurs-Convictions-Normes de Stern et al(1999) ...................... 88
V. Le Modèle de Kollmuss et Agyeman (2002) ............................................................. 89
........................... 91 CHAPITRE 5 : LE GABON FACE AU DEVELOPPEMENT DURABLE
1. Présentation ............................................................................................................... 92
2. Le développement durable au Gabon .................................................................... 106
........................................................................ 113 CHAPITRE 6 : LA PRE-ENQUETE
I. La présentation du cadre des études ..................................................................... 113
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2. Etude des valeurs du développement durable dans les organisations
traditionnelles villageoises ............................................................................................ 126
3. Etude des valeurs du développement durable dans les organisations modernes 153
....................................................... 186 Chapitre 7 : Problématique et hypothèses
1. La problématique ..................................................................................................... 186
2. Les hypothèses ........................................................................................................ 194
.............................................................. 196 CHAPITRE 8 : L’ENQUETE DE TERRAIN
ETUDE 1 : Recensement des valeurs de développement durable .............................. 198
.................................................................... 208 ETUDE 2 : ENTRETIENS AVEC LES ORATEURS
ETUDE 3 : LES VALEURS VUES A TRAVERS LES PRATIQUES ET LES VECUS DURABLES
.................................................................................................................. 239 TRADITIONNELS
ETUDE 4 : ANALYSE DES VECUS ACTUELS EN MILIEU RURAL. .............................................. 256
ETUDE 5 : LES ETUDIANTS FACE AU DEVELOPPEMENT DURABLE .......................................... 269
ETUDE 6 : LES VALEURS DU DEVELOPPEMENT DURABLE DES SALARIES GABONAIS .............. 286
CHAPITRE 9 : DISCUSSION-CONCLUSION ........................................................... 298
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................. 306
........................................................................................................ 326 ANNEXES
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INTRODUCTION GENERALE
Le développement durable est devenu l’une des préoccupations majeures de ce siècle. Parce
qu’il renvoie aux besoins humains ainsi qu’aux phénomènes économiques et sociaux, les
sciences sociales humaines y ont trouvé un domaine privilégié d’études. C’est tout
particulièrement le cas de la psychologie environnementale qui étudie les interactions entre
l’homme et son environnement, y compris au niveau le plus général, celui de la planète
(Weiss et Girondola, 2010).
Alors que de nombreuses recherches ont été menées dans le monde occidental, très peu se
sont intéressées à ces régions du monde ayant toujours vécu en étroite symbiose avec
l’environnement, dont les pratiques sont responsables et durables, respectueuses du bien être
humain et de la nature, et qui restent attachées à leurs valeurs traditionnelles. C’est le cas des
pays d’Afrique tels que le Gabon, notamment dans sa composante rurale.
Ce continent a connu de nombreux échecs successifs dans la mise en place des politiques de
développement importées de l’occident et dans sa gestion basée sur des modèles
muticulturalistes à l’œuvre depuis l’époque coloniale et qui ont trop souvent ignoré, dénié,
voire détruit les savoir-faire spécifiques développés par les communautés africaines tout au
long de leur histoire.
C’est tout particulièrement le cas pour les politiques de développement durable. Ce n’est
d’ailleurs que 10 ans après le sommet de la terre de Rio (1992) que la question de la culture a
été intégrée comme quatrième pilier du développement durable aux côtés de l’économique, du
social et de l’environnemental. Ce pilier reste néanmoins quasi inexistant dans les schémas
présentés. La gouvernance ayant pris cette place de quatrième pilier.
Pourtant, comme le rappelle le rapport de Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU), dans
un objectif de développement durable, le monde ne fait pas uniquement face à des défis
d'ordre économique, social ou environnemental. La créativité, la connaissance, la diversité et
la beauté sont autant de fondements, de valeurs indispensables au dialogue en faveur de la
paix et du progrès.
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En effet, bien que porteur d’une vision globale, le projet de développement durable doit
s’adapter au contexte social et culturel du lieu dans lequel il est mis en place. Une démarche
de développement durable qui se ferait de manière globalisée nierait ces réalités qui pourtant
sont le socle de toute société. Aussi nous pouvons tous faire du développement durable et le
faire de manières différentes, n’ayant ni les mêmes moyens, ni les mêmes outils, ni les mêmes
réalités, et encore moins les mêmes environnements. Par exemple, une politique globale de
lutte contre la désertification n’aurait pas de sens pour un pays tropical comme le Gabon. A
l’inverse, une politique de protection de la forêt prendrait toute sa place. Il en va de même
pour les valeurs qui la portent.
Pourtant, en septembre 2000, la déclaration du millénaire émise par l'Organisation des
Nations Unies identifie pour la première fois les valeurs fondamentales du développement
durable (liberté, égalité, solidarité, tolérance, respect de la nature et partage des
responsabilités) qu’elle considère comme universelles.
Notre recherche se penchera sur les valeurs de développement durable préconisées par l’ONU
et les confrontera aux valeurs de développement durable mises en avant par les Gabonais dans
différents contextes organisationnels (traditionnel et moderne). Elle se propose ainsi de
repérer les potentielles différences pouvant exister entre ces typologies et de discuter
l’universalité de ces valeurs.
Ce travail s’articule autour de 9 chapitres :
Le 1er
chapitre traite du développement durable. Il définit ce concept, retrace son histoire et
souligne la place prépondérante qu’il a acquise dans les sciences économiques et sociales. Il
montre également le lien étroit qu’il entretient avec la psychologie environnementale en
justifiant ainsi pourquoi nous en avons fait un objet d’étude dans le cadre de cette thèse.
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CHAPITRE 1 : LE DEVELOPPEMENT DURABLE
Impliqué de plus en plus fréquemment dans tous les contextes de la vie courante, le
développement durable est incontestablement une des préoccupations majeures de ce siècle.
Dans ce chapitre, nous présenterons ce « concept »1. Il s’agira dans un premier temps de
retracer son histoire pour montrer l’importance qu’il a pris au fils du temps (1), ensuite de
souligner la place qu’il a acquis dans les sciences tant économiques que sociale(2) enfin, nous
évoquerons le lien qu’il entretient avec la psychologie environnementale(3) afin de justifier
pourquoi en avons-nous fait un objet d’étude au sein de cette discipline.
1. Historique du développement durable
Actuellement, le développement durable est quasiment devenu un phénomène de mode. On y
fait référence dans presque la quasi-totalité des domaines d’activité humaine. Bien que sa
naissance soit souvent située dans les années 1980, avec sa première apparition écrite dans
une publication de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), éditée en
1980 sous le titre Stratégie mondiale de la conservation2, le concept puise ses racines bien
antérieurement.
Dans les points qui vont suivre, nous verrons que le développement durable nait de la
conjonction de plusieurs facteurs tant scientifiques (les recherches scientifiques),
politiques(les rencontres inter et intra gouvernementales) qu’environnementaux (les dégâts
environnementaux majeurs).
1 Considérer le développement durable comme un concept induit nécessairement des choix théoriques forts.
Un concept est généralement porteur d’une théorie implicite. Ainsi la durabilité pourrait être envisagée comme
une théorie du changement social ou de l’agir social. Des travaux reprennent à leur compte certaines des
inspirations des théories sur les risques, sur l’action en contexte d’incertitude, sur la modernité réflexive, sur
l’’agir communicationnel…
2 Allemand, S.(2007) Les paradoxes du développement durable, Paris : Le cavalier Bleu. P15.
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1.1. De la science à la diplomatie
Les prémices de l’émergence du développement durable peuvent être situées avant 1909 avec
la naissance du concept de géonomie. Mais les travaux du Club de Rome (1968) sont souvent
cités comme point de départ de l’idée de durabilité. Ces travaux ont abouti à la parution d’un
rapport intitulé « Limits to Growth »3
publié en 1972 et qui met en évidence le danger que
représente une croissance économique et démographique exponentielle du point de vue de
l’épuisement des ressources, de la pollution et de la surexploitation des systèmes naturels
(Weiss et Girandola, 2010).
Puis, la conjonction de divers événements vont contribuer à son évolution. On peut citer, par
exemple, « la décennie du développement » et les indépendances des pays colonisés, les
pactes internationaux sur les droits civils, politiques, culturels, sociaux et économiques
(1966), des évènements pollueurs et des rencontres portant sur les problèmes de durabilité qui
vont se dérouler au fil des années et ainsi contribuer à son essor. Par la suite, la conférence
internationale sur l’utilisation rationnelle et la conservation de la biosphère tenue par
l'UNESCO en 1968, au cours de laquelle on assiste à des débats préliminaires autour du
concept de « développement écologiquement viable » (p. 9).
Quelques années plus tard, en 1972, la conférence des Nations Unies sur l’environnement
humain à Stockholm, qualifiée de premier sommet de la terre, pose clairement la
problématique de l’environnement vu comme un patrimoine mondial à transmettre aux
générations futures. Elle met en avant la notion d'écodéveloppement qui renvoie aux
interactions entre écologie et économie, en lien avec le développement des pays du nord et du
sud. Sachs (1978) y voit une stratégie de développement rural dans le Tiers Monde, fondée
sur l'utilisation ingénieuse des ressources locales et du savoir-faire paysan. Il le définira
ultérieurement comme le « développement endogène et dépendant de ses propres forces,
soumis à la logique des besoins de la population entière, conscient de sa dimension
écologique et recherchant une harmonie entre l'homme et la nature » (Sachs, 1978, p. 17)4.
Cette conception de l’écodéveloppement basée sur l’harmonie homme/nature est associée à
l’idée d’un développement qui ne soit pas uniquement guidé par des considérations
économiques, mais également par des exigences sociales et écologiques.
3 Traduction française « les limites de la croissance »(1972) »
4 Cité par Diemer 2012, P4
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Le début des années 80 est marqué par la première apparition de la notion de
« Développement Durable », dans le rapport publié par l’Union Internationale pour la
Conservation de la Nature. Ce rapport intitulé « La stratégie mondiale pour la conservation »
est souvent considéré, nous l’avons évoqué précédemment, comme marquant la naissance de
la notion de développement durable. Avec le rapport Brundtland « Notre avenir à tous »
(Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement, 1987) apparait une
systématisation et une formalisation du développement durable. On note qu’une définition du
développement durable et une présentation des grands angles de l’instauration d’une stratégie
mondiale y sont évoqués. Par ailleurs, le protocole de Montréal relatif aux substances qui
appauvrissent la couche d’ozone est signé le 16 septembre de la même année montrant ainsi
qu’un engagement collectif est envisageable.
Au fil du temps, les contours du concept se précisent : un code de conduite environnementale
voit le jour, des alertes sur les risques du réchauffement climatique sont lancées. Le début des
années 90 marque également une étape charnière dans l’histoire du développement durable.
En effet, les chefs d’état de plusieurs pays du monde se réunissent lors du sommet de la terre
(conférence de RIO) en 1992. Ils s’accordent sur un programme général sur
« l’environnement de l’humain pour le XXIème » à travers la mise en œuvre de l’agenda 21
ou « Actions 21 », qui, aujourd’hui encore, reste une référence en matière de mise en œuvre
territoriale du développement durable.
Dans les années 2000 les évènements autour du développement durable vont s’intensifier. On
assiste à une médiatisation large du concept, les études scientifiques et les rencontres
internationales se multiplient. Les manifestations et autres actions sur le plan local également.
On peut citer par exemple la conférence de Kyoto avec la signature du protocole du même
nom et la déclaration de l’UNESCO sur la diversité culturelle, au cours de laquelle est affirmé
pour la première fois que la diversité culturelle est « gage d’un développement humain
durable ». Et plus récemment la conférence de Copenhague (2009) fait un point sur le climat
et la gestion durable des forêts, le sommet RIO +20 (2012) intégrant les représentants de
toutes les couches de la société, les évènements et rencontres internes aux pays, les
célébrations des journées de l’océan, de la biodiversité…un peu partout dans le monde. Sans
oublier la COP 21 (2015) qui vient de réunir la plupart des pays du monde sur la question du
climat. Au-delà de ces rencontres internationales, les actions des ONG et autres associations
connaissent un essor considérable. Les simples citoyens n’étant pas en reste.
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Le développement durable a donc une origine environnementalo-diplomatique et a pris de
l’ampleur à travers les rencontres internationales (Flipo, 2007) organisées en réponse à une
longue liste de catastrophes liées aux activités humaines
1.2. Les dégâts environnementaux
Comme nous l’avons souligné précédemment, l’idée de développement durable vient de la
recherche de solutions liées aux dégradations environnementales issues des activités
humaines. La liste des actions qui ont détérioré l’environnement est longue mais on peut
souligner les catastrophes majeures, celles qui ont dépassé le plan local pour s’étendre bien
au-delà. En d’autres termes les plus importantes qui ont marqué l’histoire par le niveau très
élevé en pertes humaines, en biodiversité et dont les coûts financiers ont été exorbitants. On
note ainsi la pollution au mercure de la baie de Minamata au Japon par l’usine Chisso de 1932
à 1968 faisant près de 900 morts. En 1967 on assiste impuissant au naufrage du pétrolier
Torrey Canyon causant une pollution énorme sur les côtes bretonnes.
Les années 70 apportent leur lot d’explosions chimiques et nucléaires catastrophiques avec
notamment celle de l’usine de Flixborough près de Londres en 1974, causant le décès de 28
personnes. Deux ans plus tard c’est en Italie que l’on assiste à l’explosion d’une usine
chimique IC mésa, à Seveso, provoquant le déplacement de 37000 personnes. Les Etats-Unis
déplorent un accident nucléaire lié à la fusion d’un réacteur dans la centrale de Three Miles
Island, en 1979.
Les années 80 ne sont pas en reste, avec, par exemple, l’explosion de l’usine chimique
d’Union Carbide à Bhopal (Madhya Pradesh), en 1984. La fusion du réacteur de Tchernobyl,
en Ukraine, en 1986, irradiant plus de 155000 km2 constitue l’une des plus grandes pollutions
nucléaires et reste une référence lorsqu’on évoque les catastrophes nucléaires. On peut
également citer le naufrage d’un pétrolier en Alaska en 1989 (Flipo 2008).
D’autres catastrophes environnementales se produiront au fil du temps. Soulignons que, pour
chacune d’elles, les coûts économiques et humains sont exorbitants : les premiers sont
souvent incalculables et les seconds traversent les générations. C’est le cas par exemple de la
pollution de Tchernobyl dont les chiffres vont de 80 milliards à plusieurs centaines de
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milliards d’euros5. Cet accident nucléaire a libéré des quantités énormes de radio activité
déposées dans les écosystèmes et dont la contamination s’étend sur toute la chaine alimentaire
et dans les cellules humaines de génération en génération, occasionnant des cancers et autres
déformations. Une pollution difficile à évacuer et à contrôler car mouvante, insidieuse,
changeante, non perceptible et partout à la fois.
Nous n’oublions et ne sous-estimons pas les pollutions locales ayant elles aussi concouru à
l’appauvrissement de la couche d’ozone, à l’accroissement des catastrophes naturelles et aux
changements climatiques.
Ces catastrophes ont contribué à la recherche de compromis et donc aux rencontres
diplomatiques et à l’essor du développement durable.
Cet historique permet de montrer l’accroissement de la place accordée au développement
durable au fil des années et de la prise de conscience qu'il entraîne. Preuve que l’idée d’un
développement pouvant réduire la pression sur l’environnement a fait son chemin.
2. Définitions
2.1. Définition du développement
Avant de définir clairement le concept de développement durable, donnons un bref aperçu de
la notion de développement.
Le développement est un processus de croissance, mais aussi un processus d’amélioration du
bien-être humain qui englobe des bouleversements importants tels que les valeurs, les normes
et les structures sociales. C’est une totalité complexe qui désigne un « changement social »
mobilisant ainsi diverses approches, économiques, sociales, structurelles, politiques,
culturelles, institutionnelles et j’ajouterai psychologiques. Ce concept s’enracine dans une
croyance occidentale (Rist, 2001) pouvant se révéler étrangère aux sociétés dites
traditionnelles (Jacquemot, 2015, p. 132).
Il repose sur six piliers que sont : 5 Selon Flipo, 2008 page 78
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- Le capital physique : ce sont les infrastructures de base (transports, eau, énergie)
- Le capital humain : augmentation de la population via l’amélioration de la santé, de
l’éducation, de l’emploi et des connaissances organisationnelles
- Le capital financier : ressources stables (épargne intérieure, aide, transferts …)
- Le capital naturel : préservation des richesses naturelles
- Le capital social : relations sociales solidaires, règles et droits sûrs et garantis
- Le capital public : rôle de l’état, gestion des biens publics, régulations des monopoles
naturels, la sécurité et les aspects institutionnels.
2.2. Définition du développement durable
Traduit de l’anglais « sustainable development », le développement durable est généralement
défini comme : « un développement susceptible de satisfaire les besoins de la génération
actuelle sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs »
(Rapport Brundtland, 1987). C’est classiquement cette définition de la Commission mondiale
sur l’environnement et le développement qui est utilisée.
Comme nous le montre l’historique, le développement durable est la réponse que l’homme
cherche à apporter à différentes crises, tout d’abord environnementales, puis économiques et
sociétales. En effet, dès la fin des années 60, la prise de conscience des problèmes
écologiques causés par les activités humaines émerge sur la scène publique. La multiplication
d'évènements catastrophiques (marées noires, pluies acides, etc.) révèle la capacité
destructrice de l'homme vis-à-vis de son environnement. Ces préoccupations sont rapidement
doublées de la montée d'un discours très critique envers la société industrielle basée sur la
croissance économique. Ainsi, c’est pour apporter des réponses aux questions fondamentales
que sont : Comment concilier progrès économique et social sans mettre en péril l’équilibre
naturel de la planète ? Comment répartir les richesses entre les pays riches et ceux moins
développés ? Comment donner un minimum de richesses à ces millions d’hommes, de
femmes et d’enfants encore démunies à l’heure où la planète semble déjà asphyxiée par le
prélèvement effréné de ses ressources naturelles ? Et surtout, comment faire en sorte de léguer
une terre en bonne santé à nos enfants ? Que nait le concept de développement durable.
De nombreuses disciplines ont défini le développement durable (l’économie, l’écologie, la
philosophie…). Cependant toutes se retrouvent autour d’éléments communs que sont la
durabilité et la prise en compte des facteurs environnementaux, économiques et sociaux.
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D’un point de vue économique, le développement durable peut être défini comme une
conception de croissance qui a pour objectif de répondre aux besoins des générations actuelles
et futures sans porter atteinte aux aspects écologiques de notre planète. Dans la pratique, cela
signifie que l'homme peut utiliser les éléments naturels qui l'entourent tout en les préservant et
en assurant leur renouvellement. Ce qui conduit les auteurs du rapport Brundtland à définir
des notions de développement et de durabilité :
a. Le développement est un processus conduisant à l'amélioration du bien-être des
humains. Son objectif est de satisfaire les besoins et aspirations de l’homme
.L'activité économique et le bien-être matériel demeurent essentiels mais la santé,
l'éducation, la préservation de l'environnement, l'intégrité culturelle par exemple le
sont tout autant.
b. L'adjectif « durable » insiste sur la notion de temps, se référant ainsi à une
amélioration sur le long terme du bien-être de tous.
Le développement durable est conçu comme une rupture avec d'autres modes de
développement qui ont conduit, et conduisent encore, à des dégâts sociaux et écologiques
considérables, tant au niveau mondial que local. Il conçoit que les besoins essentiels de tous
sont satisfaits, y compris celui de satisfaire leurs aspirations à une vie meilleure (Rapport
Brundtland, 1987).
Selon Zana (2009), il constituerait un moteur de croissance et de compétitivité, mais
aussi une force de changement puissante, la mieux placée pour impulser des changements
positifs sur les activités humaines. Agissant en agitateur de consciences et en accélérateur des
responsabilités, il vise à établir un cercle vertueux entre un développement économique
soutenable et écologiquement soutenable.
Plus précisément, Allemand (2007) dira que le développement durable est plus qu’une autre
conception du mode de développement des sociétés contemporaines, « c’est aussi une
nouvelle approche des enjeux contemporains, caractérisé par le souci de prendre
simultanément en compte leurs dimensions économiques, sociales, environnementales et
mêmes culturelles » (Allemand, 2007 p.13).
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Sous l’angle écologique, on insiste sur la nécessité de protéger la diversité des gènes, des
espèces et de l’ensemble des écosystèmes naturels terrestres et aquatiques, et ce, notamment,
par les mesures de protection de la qualité de l’environnement, par la restauration,
l’aménagement et le maintien des habitats essentiels aux espèces, ainsi que par la gestion
durable de l’utilisation des populations animales et végétales exploitées. Ce qui rejoint la
conception résumée au strict minimum présentée dans le rapport Brundlandt, où le
développement durable est vu comme cette volonté à « ne pas mettre en danger les systèmes
naturels qui nous font vivre à savoir l’atmosphère, l’eau, les sols, les êtres vivants ».
En d’autres termes, les processus d’évolution de nos sociétés doivent s’inscrire dans la durée
sans altérer les capacités des écosystèmes qui subviennent à leurs besoins, pour laisser aux
générations futures un capital intact. L’objectif du développement durable est donc de définir
des schémas viables et conciliant l’efficacité, la rentabilité économique, la responsabilité
sociale et environnementale.
De manière générale, la préservation de l’environnement doit être accompagnée de la
« satisfaction des besoins essentiels en ce qui concerne l’emploi, l’alimentation, l’énergie,
l’eau, la salubrité ». Cela étant, on se heurte à une difficulté, qui est de définir ce que sont les
besoins des générations présentes et ce que seront les besoins des générations futures. On
pourrait par exemple retenir les besoins élémentaires comme se nourrir, se loger.
Cette définition fait ainsi apparaitre deux concepts en liens étroits avec le développement
durable : le concept de « besoin » et celui de « capacité de l’environnement à répondre aux
besoins actuels et avenirs ». Cette définition est un appel au changement où les techniques
d’exploitation des ressources naturelles, les organisations sociales et économiques, les
institutions doivent être gérées et dirigées de telle sorte qu'elles soient cohérentes avec les
besoins présents et futurs.
Le développement durable est une réponse de tous les acteurs culturels et sociaux du
développement (Etats, acteurs économiques, sociétés civiles) face à l’urgence de la crise
écologique et sociale qui se manifeste désormais de manière mondialisée avec ses
changements climatiques, la raréfaction des ressources naturelles, les écarts entre pays
développés et pays sous-développés, l’insécurité alimentaire, la perte drastique de la
biodiversité, la croissance de la population mondiale, les catastrophes naturelles et
industrielles etc.
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Il s’agit aussi, en s’appuyant sur de nouvelles valeurs universelles (responsabilité,
participation écologique, partage, précaution, débat…) d’affirmer une approche double:
Dans le temps : nous avons le droit d’utiliser les ressources naturelles, mais nous avons
aussi le devoir d’en assurer la pérennité pour les générations futures.
Dans l’espace : chaque humain a le même droit aux ressources de la terre. Ce qui est un
principe de destination universelle des biens.
Pour la philosophie, le développement durable n’est pas un concept car né de la conjonction
de catastrophes environnementales et de rencontres diplomatiques ; il est un compromis, une
problématique, c’est-à-dire un ensemble de problèmes liés entre eux sans solution évidente.
C’est un principe d’action autant qu’un horizon nominatif (Flipo, 2007, p. 52), un espoir face
aux inquiétudes qui gagnent l’humanité. Il est« un ensemble de débats guidés par un souci
d’action » (Flipo, 2007, p. 64).
Sous l’angle de la psychologie environnementale, l’approche en terme de développement
durable replace l’homme au centre des préoccupations développementistes (Béal, V.,
Gauthier, M., & Pinson, G. 2011, p. 37). Elle permet ainsi de dépasser la représentation
antagoniste des rapports homme/nature. En effet, dans cette perspective, la nature n’est pas
une donnée différente de l’humain mais une réalité façonnée par les hommes à travers leurs
activités et qui s’exprime par la diversité des paysages. La durabilité désignerait alors « des
types de comportements ou d’interactions sociales induits par une prise de conscience
généralisée des incertitudes, des risques, du caractère fini du monde et des ressources qu’il
recèle ; ces comportements et interactions sont caractérisés par une forme d’éthique
conséquentialiste générée par une prise de conscience des incertitudes, des risques et du
caractère fini du monde et des ressources » (Béal et al, 2011, p. 14)6
Ces diverses définitions qui, dans le fond, tendent à se rejoindre, font la richesse du
développement durable dans la mesure où elles permettent une appropriation originale par les
différents acteurs pouvant favoriser l’échange de pratiques. Cependant elles peuvent
constituer une faiblesse liée au flou que ces définitions et à la difficulté d’expliquer en
quelques mots ce qu’est le développement durable à des peuples qui ne possèdent pas
d’équivalent linguistique à ces termes.
6 Vincent Béal, Mario Gauthier & Gilles Pinson (2011) le développement durable changera- t-il la ville ?: le
regard des sciences sociales. Saint Etienne : Publications de l’université de Saint Etienne
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2.3. Schémas du développement durable
Actuellement représenté par un schéma appelé les « trois piliers », le développement durable a
pour objectif de définir des procédés durables qui concilient les trois enjeux (économique,
social et écologique) des activités humaines et pour finalité de trouver un équilibre cohérent et
viable à long terme entre ces trois sphères (Da Cunha, 2005 ; Mancebo, 2006 ; Veyret, 2007).
Figure 1. Le schéma des trois piliers
Ce schéma a souvent été pris en compte par les collectivités comme par les entreprises et les
individus.
Les approches plus récentes du développement durable mettent l’accent sur le fait que les
activités humaines doivent permettre d’aboutir à de meilleures conditions de vie ou de
développement, d’un point de vue économique, social et culturel. L’objectif étant de définir
des modes de fonctionnement viables qui concilient les trois aspects économique, social, et
environnemental des activités humaines. Le terme écologique ayant été trouvé restrictif, il
s’est vu par la suite remplacé par celui d’environnemental.
A ces trois piliers s’ajoute un quatrième, transversal : la gouvernance. Celle-ci doit assurer la
mise en œuvre des priorités politiques, sociales et économiques fondées sur un large
consensus dans la société. Elle suppose donc la participation de tous les acteurs au processus
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de décision. Selon l’IT Gouvernance Institute, la gouvernance a « pour but de fournir
l’orientation stratégique, de s’assurer que les objectifs sont atteints, que les risques sont gérés
comme il faut et que les ressources sont utilisées dans un esprit responsable ». Elle veille en
priorité au respect des intérêts des citoyens, pouvoirs publics, partenaires, actionnaires et à
faire en sorte que leurs voix soient entendues dans la conduite des affaires.
En découle le schéma ci-dessous.
Figure 2. Le schéma transversal du développement durable
Le développement durable n’est pas un état statistique d’harmonie, mais un processus de
transformation dans lequel l’exploitation des ressources naturelles, le choix des
investissements, l‘orientation des changements techniques et institutionnels sont rendus
cohérents avec l’avenir comme avec les besoins du présent.
Dans son acception la plus large, le développement durable est la conjugaison de quatre
préoccupations : la viabilité économique, le progrès social, la soutenabilité environnementale
et la diversité culturelle. L’articulation de ces quatre sphères est supposée conduire à la mise
en place d’une démarche globale vertueuse. La hausse des revenus doit ralentir la croissance
démographique, contribuer à éliminer la pauvreté et l’injustice, et par conséquent constituer
un moyen efficace de lutte contre les dégradations environnementales qui font des habitants
économiquement défavorisés les principales victimes. La culture fait partie intégrante de
l’écosystème de la durabilité et la démocratie en est le levier transversal. Le développement
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durable peut alors être synthétisé par le schéma des préoccupations du développement durable
proposé par Jacquemot (2015, p. 133) ci-dessous :
Figure 3. Le schéma des préoccupations du développement durable
2.4. Controverses sur le concept de développement durable
Bien que de plus en plus utilisé depuis 1987, le concept de développement durable,
comme tous les concepts renvoyant à une idéologie, est sujet à des critiques et le constat de
ses limites a été fait. On l’a souvent critiqué en le considérant comme une notion abstraite et
floue (Allemand, 2007). Luc Ferry dira d’ailleurs à ce propos « je sais que l’expression est de
rigueur, mais je la trouve si absurde, ou plutôt si floue qu’elle ne dit rien de déterminé ». Ces
Développement durable
viabilité économique
progrès social
Diversité
culturelle
soutenabilité environnement
ale
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critiques proviennent de chercheurs issus de diverses disciplines, allant de l’économie, de la
sociologie à la philosophie et à la psychologie.
En se référant à la traduction (en anglais « sustainable development »), le terme de
« développement soutenable » peut être préféré à celui de développement durable. Mais au-
delà d’un simple choix de traduction, la préférence pour l’une ou l’autre des terminologies
renvoie à une vraie question idéologique : le développement durable se confondrait trop
souvent avec la volonté affirmée d’avoir durablement, c'est-à-dire à long terme, un
développement maximal des biens matériels. Comme le souligne Moser (2009), la référence
aux besoins humains dans la définition donnée par le rapport de Brundtland semble insister
sur l’importance du bien-être individuel et collectif, et par conséquent sur les facteurs qui
contribuent à la qualité de vie. Mais ces besoins sont mal identifiés et renvoient à un ensemble
très flou qui peut concerner aussi bien les besoins de survie, de confort moderne ou post
moderne, que les besoins toujours croissants de surconsommation (Weiss et Girandola, 2010).
Ainsi, « il faut garder à l’esprit qu’une qualité de vie élevée est obtenue en grande partie
par une utilisation non durable des ressources » (Moser, 2009, p. 352). Or, une croissance
nécessitant une consommation de plus en plus importante ne peut pas être durable. Le
développement durable est, de fait, considéré par certains comme une antinomie (Latouche,
2006, cité par Weiss et Girandola, 2010) et par d’autres comme étant dépassé dans sa
définition première même. En effet il ne s’agit plus de viser, comme dans le passé, la
satisfaction des besoins lointains des générations futures, puisque la satisfaction actuelle est
maintenant compromise par les crises environnementales et sociales que nous connaissons de
plus en plus fréquemment. Il ne s’agit plus d’anticiper les problèmes, mais de les résoudre. Le
développement durable pourrait alors laisser place à la notion de développement « désirable ».
Le terme soutenable correspondrait alors mieux à l’idée d’un développement à la fois durable
dans le temps et supportable à tout moment.
Par ailleurs, certains auteurs voient dans cette notion une « arnaque » des gouvernants
capitalistes de ce monde qui, malgré la recrudescence des catastrophes et des signes
annonciateurs de la phase de non-retour dans laquelle l’humanité est entrée (épidémies,
canicules en France en 2003 ; inondations à la Nouvelle Orléans en 2005 ; guerres des
matières premières en IRAK et en Lybie ; fonte des glaces des pôles, augmentation des crises
sociales dues aux inégalités etc.), n’ont pas la réelle volonté de relever ce défi. Pour Kempt
(2007), le « développement durable » est un ensemble de démarches de lobbies en quête de
nouveaux marchés qui concrètement ne saurait ne serait-ce qu’infléchir le cours des choses. A
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titre illustratif, citons le mitage des paysages par des éoliennes, la relance du nucléaire, la
culture des biocarburants, l’investissement socialement responsable… Le développement
durable constituerait une arme sémantique pour évacuer le mot « écologie » et n’aurait « pour
fonction que de maintenir les profits et d’éviter le changement des habitudes en modifiant, à
peine, le cap. Or ce sont les profits et les habitudes qui nous empêchent de changer de cap »
(Kempt, 2007, p. 33).
Finalement si le terme de soutenable parait plus approprié, c’est celui de durable qui reste le
plus utilisé dans les pays francophones, aussi bien dans le langage courant, dans les medias
que dans les discours officiels. Le concept de développement soutenable étant plutôt réservé
au domaine de l’économie. C'est pourquoi nous avons préféré utiliser le concept de
développement durable tout au long de cette étude.
3. Liens privilégiés avec la psychologie environnementale.
Dans ce paragraphe, il s’agira de cerner le lien qui existe entre psychologie environnementale
et développement durable. Ceci nécessite de donner un bref aperçu de ce qu’est
l’environnement, la psychologie environnementale, ses objets d’études et son développement.
3.1. L’environnement et ses composantes
Le Dictionnaire Larousse (2015) donne plusieurs définitions du terme Environnement :
- L’ensemble des éléments objectifs (qualité de l'air, bruit, etc.) et subjectifs (beauté d'un
paysage, qualité d'un site, etc.) constituant le cadre de vie d'un système défini (individu,
espèce…).7
- L’ensemble, des éléments, naturels ou artificiels, qui entourent un système défini, que ce soit
un individu, une espèce, une entité spatiale, un site de Production.
7 Le larousse .fr du 29/10/2015
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- L’ensemble des échanges ou interactions (prélèvements, rejets, …) entre un
anthroposystème et les écosystèmes du milieu considéré.
Le terme Environnement regroupe donc une multitude d’aspects, de domaines et donc de
niveau différents d’intervention.
Le développement durable traite des interactions entre l’humanité et son environnement et
c’est l’opérationnalisation de cette relation dans les politiques nationales et internationales qui
est traduit pas ce concept (Lazarre, 2010). Or, la relation individu-environnement a depuis
longtemps été étudiée par la psychologie (par exemple, Baker 1968 ; Gibson, 1979 ; Getzel,
1975), ces recherches ayant conduit à la création d’une nouvelle branche de cette discipline
qui en a fait son objet d’étude : la psychologie environnementale (Moser, 2003). En d’autres
termes, il s’agit pour cette discipline d’étudier les processus qui régulent et médiatisent la
relation à l’environnement, sur la base des perceptions, évaluations, valeurs, attitudes et
comportements individuels et sociaux (Fleury-Bahi, 2010).
3.2. Psychologie environnementale et développement durable
L’intérêt pour les questions environnementales remonte aux années 1940, époque où Lewin
(1944) a utilisé le terme de « psychologie écologique » pour faire référence à l’importance du
milieu dans la compréhension du comportement humain. Dans le même ordre d’idées, Moser
(2003) dira presque 60 ans plus tard que « la notion d’environnement n’est pas objectivable
sans la présence humaine » (p. 11). La psychologie environnementale correspond à la prise en
compte de l’individu dans son environnement comme unité globale d’analyse, ce qui souligne
ainsi indirectement l’impact que peut avoir l’homme sur son milieu par les diverses
dégradations environnementales dont il est le principal responsable. Cette référence à
l’écologie reste très présente dans les travaux actuels en psychologie environnementale,
qu’ils soient théoriques ou appliqués (Winkel, Saegert et Evans, 2009). La préoccupation
croissante pour l’environnement, associée à l’influence croissante de l’écologie dans tous les
domaines de la vie sociale, a entrainé une évolution de la psychologie environnementale avec
un glissement des intérêts des chercheurs d’une perspective inscrite au départ dans un cadre
circonscrit (bâtiments, villes, sites comportementaux) vers une perspective plus large : celle
d’un environnement global. On est passé de l’étude de comportements dans des espaces
donnés à celle de comportements se produisant dans l’environnement global. Citons par
exemple les études portant sur la connaissance des valeurs aidant ou entravant l'adoption de
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comportements pro-environnementaux (Félonneau, 2010 ; Milfont et Duckitt, 2010 ; Rioux,
2011). La psychologie environnementale a été dès les années 80 définie comme « l’étude du
comportement et du bien-être de l’individu en relation avec l’environnement socio-physique »
(Stokols & Altman, 1987, p.1). Il n’est alors pas étonnant que cette discipline traite des
questions de développement durable dans la mesure où ce dernier tend à l’amélioration du
bien-être humain et de tout ce qui l’entoure.
Aujourd’hui, en ayant élargi l’échelle de la relation homme-environnement, la psychologie
environnementale s’intéresse aux quatre différents niveaux de références spatiales de ces
relations : Le Microenvironnement qui renvoie aux espaces privés, à l’habitat, le « chez-soi »,
et à l’identité; le Méso-environnement qui fait référence au partage des espaces de proximité
et des espaces ouverts au public, en un mot au quartier ou voisinage ; le Macro-
environnement qui fait allusion au cadre bâti, à la ville, au sentiment d’appartenance, à
l’appropriation de la citoyenneté, à l’exposition aux nuisances et enfin l’Environnement
global qui concerne la planète et l’engagement dans des comportements compatibles avec un
développement durable (Moser, 2003).
Ainsi, pour comprendre les perceptions, attitudes, valeurs et comportements humains dans
leurs manifestations quotidiennes, la prise en compte de la dimension environnementale
s’avère cruciale. La référence aux attitudes, croyances, et valeurs des individus semble
nécessaire pour mieux comprendre les types de comportements environnementaux et leur
possible généralisation. Or l’importance des problèmes environnementaux exige un
changement de comportement humain collectif. Le défi de la psychologie environnementale
dans une perspective de durabilité est d’explorer dans quelle mesure les comportements
durables et non durables résultent de processus cognitifs, émotionnels, et motivationnels. Les
connaissances issues de recherches dans ce domaine peuvent alors être appliquées pour
induire ou encourager le développement durable (Weiss et Girandola, 2010, p. 30).
Ainsi, en prenant en compte l’aspect humain, la psychologie sociale et environnementale
contribue de façon innovante au champ du développement durable et fonctionne ainsi par
rapport à quatre niveaux de références spatiales qui sont les micros environnements, les
environnements de proximité, les environnements publics et l’environnement global (Weiss et
Moser, 2003). Et c’est dans le cadre de l’environnement global que s’inscrit le développement
durable.
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Au terme de ce qui précède, on comprend aisément que le développement durable et ses
attributs font bien partie des champs d’étude de la psychologie environnementale.
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Chapitre 2 : Les valeurs
Le mot « valeur » descend du latin valere qui veut dire à la fois « être en bonne santé »
et « être fort, puissant » (Morfaux, 1990). Il est apparu pour la première fois au dix-septième
siècle. Précisément en 1694 dans le « Dictionnaire de l’Académie ». Selon Morchain (2009a,
2009b, 2009c), il signifie alors soit la qualité (par exemple la générosité est une valeur), soit la
personne qui en est dotée (une personne généreuse est une personne de « valeur »). Il passera
du langage courant au langage technique et finira par être associé aux objets en économie
(1705), en musique (1740), en peinture (1792) et en mathématiques (1845).
Les valeurs doivent être différenciées d’autres notions dont elles sont proches :
- la culture. La culture est un ensemble plus global dont dérivent les valeurs et qui est
défini comme « un ensemble lié de manières de penser, de sentir et d'agir plus ou moins
formalisées qui, étant apprises et partagées par une pluralité de personnes, servent, d'une
manière à la fois objective et symbolique, à constituer ces personnes en une collectivité
particulière et distincte »(Rocher, 1992, p.5.). Et bien souvent, les valeurs sont apprises au
sein d’une société (socialisation) ou entre sociétés (acculturation).
- les normes sociales. Selon Merton (1942), les valeurs sont « un ensemble d’idéaux, de
buts et d’intérêts propres à la culture d’une société et qui sont considérés comme des fins
légitimes » alors que les normes sont « les moyens acceptables pour poursuivre ces fins »
(Merton, 1942, p.38). Elles sont donc différentes des normes qui se réfèrent à un
comportement souhaité socialement, dans un contexte bien particulier.
- les styles de vie. Les valeurs ne sont pas non plus des styles de vie qui sont constitués par
les activités, centre d’intérêts et opinions.
- la morale. Bien que très proche de la valeur, la morale a une fonction d’orientation des
conduites, elle se réfère aux mœurs qui sont « des actions et les jugements coutumiers
d’une société et d’une époque » (Blondel, 1999, p.56).
- l’éthique. En fait, l’éthique est conçue comme une élaboration consciente du bien et du
mal et sous-tendue par les valeurs, la morale et par les normes (Baechler, 1976).
Dans ce chapitre nous évoquerons la place des valeurs dans les sciences humaines et sociales
puis nous présenterons plus précisément les théories et modèles en psychologie.
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1. Le concept de valeur dans les sciences humaines et sociales
Le concept de valeur a notamment été exploré en philosophie (Rickert, 1892 ; Blanquart,
1992), en anthropologie (Redfield, 1949 ; Kluckohm, 1951) et en sociologie (Pearsons, 1968 ;
Williams, 1980).
1.1. La notion de valeur en philosophie
On attribue généralement l’origine de la notion de valeur en philosophie aux travaux de
Platon (380 Av JC). Ainsi, selon Lavelle (1950), les valeurs fondamentales forment une
triade, issue de la philosophie platonicienne : le Vrai (valeur intellectuelle), le Beau (valeur
esthétique), le Bien (valeur morale). Pour Platon, elles sont orientatrices des conduites. Au
XVIIème siècle, Spinoza (1980) considéra que les valeurs renvoient à la justification. Ces
deux auteurs lient ainsi les valeurs au désir, qui lui est le moteur des conduites.
Il faut néanmoins souligner que la plupart des philosophes s’accordent à considérer
comme repère essentiel l’œuvre de Montesquieu. Par sa proposition du concept de « mœurs »
dans L'esprit des lois (1748), l’auteur signe un tournant majeur dans la vision même qu’on a
des valeurs. Ce concept de « mœurs » recouvre ce qui plus tard sera appelé « les valeurs
traditionnelles », c’est-à-dire les manières de se conduire héritées du passé et liées à une
société aristocratique. Imposées par la société dans laquelle on vit, elles ne doivent pas être
transgressées car elles sont des référents moraux incontournables dans une culture donnée
(Bakita, 2012).
Ainsi, dans le développement de la pensée philosophique, les valeurs sont d’abord ce
qui vaut socialement et sur quoi repose l’entente d’une communauté humaine (Blanquart
(1992). Elles renverraient à une utilité sociale (Beauvois, 1995 ; Robert, Tarquinio, Le Manio
et Guingouain, 1998) et sont considérées comme centrales dans l’activité humaine. Dans la
mesure où toute société définit en effet ce qui est « bien » ou « mal », « beau » et « laid »,
etc. une valeur est ce sur quoi on s’entend (Blanquart, 1992). De même, Château (1985)
précise « une valeur, c’est plus qu’une simple motivation, c’est un appel entendu et
accepté(…) une ligne que l’on se donne, un devoir, une consigne morale. Qui parle de valeur
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parle de conscience morale et sociale, de rites et de cérémonie » (p.22). Dans ces définitions,
par ailleurs très larges, la notion de « devoir » est centrale et les valeurs sont conçues
éminemment pro-sociales : provenant d’un consensus, elles régulent les rapports sociaux
(Moscovici & Doise, 1992). Cependant, sous un autre regard, les valeurs renvoient également
au conflit. En effet, elles peuvent être discutées voire rejetées au sein des groupes; les valeurs
sur lesquelles s’entendent les membres d’un groupe peuvent s'opposer à celles d’un autre
groupe (Tostain, 1999).
A partir des valeurs on peut ainsi distinguer une société d’une autre et en saisir ses
particularités. C’est cette vision que partagent les auteurs de l’anthropologie.
1.2. LA NOTION DE VALEUR EN ANTHROPOLOGIE
Pour les anthropologues, les valeurs constituent un indicateur majeur servant à décrire une
société et ses principales caractéristiques (Bakita, 2012). Elles donnent une vision du monde
(Redfield, 1949) car elles ont pour rôle premier le maintien des systèmes culturels, dans la
mesure où elles peuvent être considérées comme le résultat d’une confrontation entre les
désirs des individus et les contraintes liées à leur environnement de vie et constituent donc des
principes partagés dans une communauté concernant ce qui est désirable, ce qui guide et
coordonne les actions de ses membres (Kluckohn, 1951).
L’anthropologie va étudier les particularités des valeurs. Kluckohn (1951) relève ainsi
différentes caractéristiques :
(a) sa modalité. Elle renvoie à la distinction entre valeurs positives et valeurs négatives,
en d’autres termes à une évaluation par l’individu du bien et du mal
(b) sa dimension de contenu. Elle correspond aux différents niveaux de réalités que
peuvent contenir une valeur, de la réalité cognitive (facultés intellectuelles) ou
expressive (expression) à la réalité morale (conduites)
(c) sa fonction instrumentale. Dans ce cadre, les valeurs sont vues comme moteurs
impulsant les conduites, permettant d’atteindre des buts, des objectifs personnels ou de
groupe
(d) son caractère plus ou moins général. Une valeur peut s’appliquer à la fois à un panel
de situations, de milieux et de contextes culturels divers.
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(e) Son intensité. Elle donne plus ou moins de force à une valeur dans un contexte donné.
Une valeur forte est une valeur qu’il est interdit de transgresser sous peine de sanction
par le groupe alors qu’une valeur peu forte n’occasionnerait pas de sanctions graves si
elle venait à être outrepassée. Par exemple, dans la société gabonaise, un enfant qui
manque de respect à un adulte sera sanctionné, puni car la valeur « Respect » est une
valeur forte et importante dans cette société.
(f) sa nature explicite. Cela fait référence à l’importance de nommer la valeur afin de la
rendre claire pour tous.
(g) l’étendue de son champ d’action. Il s’agit ici du fait que certaines valeurs peuvent
s’appliquer sur un plan individuel (valeurs idiosyncratiques) et d’autres plus vastes sur
un plan universel (valeurs partagées) car elles transcendent les réalités culturelles pour
s’imposer comme des « vérités » d’ordre supérieur (Bakita 2012).
Par son ancrage dans les réalités sociales et parce qu’elle contribue à distinguer les sociétés et
à déterminer leurs particularités, le concept de valeur va également intéresser la sociologie.
1.3. LA NOTION DE VALEUR EN SOCIOLOGIE
A la fin du XIXe siècle, en sociologie, Weber et Durkheim définirent les valeurs comme
l’« axiologie ». Le terme « axiologie » signifie étude ou théorie de ce qui vaut, de ce qui peut
être digne d’estime (axion), de ce qui peut être objet d’un jugement de valeur (Feertchak,
1996). L’axiologie s'est développée à la suite des travaux de Rickert en 1892 et s’est
notamment intéressée à l’origine des valeurs et à la relation entre le jugement d’évaluation et
la valeur. Elle s’est aussi tournée vers la recherche de l’origine des valeurs en cherchant à
savoir si les valeurs sont créées par l’individu ou si ce dernier adopte celles de sa société
(Blanquart, 1992)
Pour de nombreux auteurs (Tocqueville, Weber, Durkeim), les valeurs expliquent
l’organisation et le changement au niveau sociétal et individuel. Elles sont ainsi utilisées pour
caractériser les individus ou les sociétés, pour comprendre les changements individuels,
groupaux ou sociétaux et pour expliquer les motivations qui sous-tendent les attitudes et les
comportements. On découvre alors que les valeurs sont à l’origine des lois, des règles, des
conventions et des coutumes qui régissent les groupes et les relations entre les individus qui
les composent (Brée, 1994).
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En se référant au courant fonctionnaliste, les valeurs sont vues, au même titre que les
normes, comme des facteurs explicatifs de la stabilité des sociétés humaines dans le temps
(Merton, 1942 ; Parsons, 1973). Ce sont ainsi des principes qui guident, orientent les
conduites, la vie des personnes dans une direction souhaitée par une société donnée. En
d’autres termes, elles sont « dépositaires des directions d’orientation désirables au sein d’une
société » (Parsons, 1965, p.73). Ces valeurs sont réfléchies, conscientes et choisies par les
membres qui y adhèrent et deviennent ainsi des « représentations collectives » qui définissent
des types préférables de système social (Parsons, 1971, p.9).
Sur le plan intra individuel, la sociologie définit les valeurs comme un mélange
d'affects ou d'émotions et de concepts ou de représentations abstraites, des schémas cognitifs
qui expriment des motivations (Williams, 1979). Pour cet auteur, les valeurs sont inter
connexionnistes, produisent des effets informatifs ou directionnels, ont toujours un contenu
culturel et deviennent spécifiques en fonction des contraintes et des opportunités de
l'environnement biologique, physique et social (Bakita, 2012).
1.4. LA NOTION DE VALEUR EN PSYCHOLOGIE
La psychologie s’est détachée de la philosophie et s’est développée comme science autonome
à la fin du XIXe siècle. Cependant elle y reste très liée et y demeure encore à ce jour
fortement influencée. Il n’est donc pas surprenant qu’en psychologie aussi, le terme de valeur
soit polysémique (Rohan, 2000). On retrouve cet étayage non seulement dans la définition des
valeurs mais aussi dans différents modèles explicatifs, en particulier dans le champ de la
perception sociale
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2. DEFINITIONS ET CARACTERISTIQUES DES VALEURS
En psychologie, les valeurs sont vues comme des croyances qui guident les agissements des
personnes dans une société donnée et à trois composantes: cognitives, affectives et
comportementale (Rokeach, 1973).
Selon Triandis (1979), le fait qu’un évènement soit consistant avec les valeurs du sujet le rend
plaisant. Or les évènements plaisants tendent à augmenter la probabilité des actes perçus
comme à l’origine de ces évènements et entretiennent donc les valeurs de la communauté ou
du groupe.
Pour Jones et Gérard (1967), le concept de valeur exprime une relation entre les sentiments
d’une personne et certaines catégories cognitives. Cette relation, renvoyant à l’affect, est liée
à l’action (Trandis, Vassiliou, Tanaka et Shanmugan, 1972, cité par Trandis, 1979). Les
valeurs seraient donc en partie affectives, en partie cognitives. Pour Rezsohazy (2006) les
valeurs représenteraient ce que les hommes apprécient, estiment, désirent obtenir,
recommandent, voire propose comme idéal.
Dans le cadre de la catégorisation sociale, la notion de valeur renvoie d’une part aux termes
qui ont une valeur connotative (bon vs mauvais par exemple) et d’autre part au fait que les
catégories diffèrent les unes des autres. Les valeurs sont parfois perçues comme des
motivations dans le sens où elles sont conçues comme étant à l’origine des conduites. Dans ce
sens, pour Feather (1982), elles peuvent être considérées comme un type de « motivation »
qui pousse les individus à effectuer des actes qu’ils pensent devoir être réalisés. L’auteur
pense que les valeurs de l’individu l’influencent dans le choix de ses buts, et par conséquent,
affectent sa motivation à les atteindre. En d’autres termes une personne aura d’autant plus de
chances de s’engager dans une activité à laquelle elle accorde de la valeur qu’elle croit en ses
chances de réussite (Bourgeois, 2008).
Selon Hammer et Wach (2006), le concept de valeur s’articule autour de quatre dimensions :
- L’objet de la valeur, qui est valorisé ou déprécié. Par exemple, la nation, la famille, le
travail, etc. ;
- la valence de la valeur. Par exemple, bonne ou mauvaise, utile ou inutile, etc. ;
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- le caractère plus ou moins normatif de la valeur. Par exemple, être patriote, être fidèle,
etc. ;
- les porteurs de la valeur : acteurs individuels (parents) ou collectifs (partis politiques,
groupes sociaux).
Les valeurs sont des constructions cognitives qui servent à expliquer les choix des sujets
(Renner, 2003). Selon Baechler (1976), elles peuvent être considérées comme des buts très
larges autour desquels s’organisent diverses structures d’attitudes. Contrairement aux fins et
aux buts qui sont toujours concrets et singuliers, les valeurs sont abstraites et générales
(Morchain, 2009, p.30). Cette conception des valeurs est très proche de celle développée par
Schwartz (1994) dont le modèle sera évoqué dans le point suivant.
2.1. A QUOI SERVENT LES VALEURS ?
Comme mentionné précédemment, les valeurs jouent un rôle important dans les conduites
humaines de manière générale, tant au niveau individuel que groupal. Pour Levesque (2009),
elles remplissent au moins quatre fonctions ou principes dans les sociétés : un principe de
rassemblement, un principe d’évaluation, un principe de distribution et un principe
d’argumentation. Ces principes sont identifiables lorsqu’on examine des aspects
psychologiques tels que la perception et le jugement social, l’orientation des conduites et les
processus de justification chez les individus.
2.2. Valeurs, perception et jugement social
Parce qu’elles contribuent à l’élaboration de conduites coopératives (Kluckohn, 1951), les
valeurs servent de lien social. Selon Rokeach (1973), elles permettent à l’individu de
maintenir et d'augmenter l’estime de soi dans une société où perception et jugement ont une
place importante sur les relations entre individus et les décisions qu’ils vont adopter.
Par ailleurs, Forgas (1985) affirme que les valeurs déterminent les stratégies cognitives
adoptées par les personnes quand elles ont à juger autrui. Il précise ainsi que « la formation
d’impressions ne peut pas être réduite à un simple traitement cognitif de l’information, mais
est certainement profondément affecté par les valeurs, les critères et les normes de la culture
environnante » (p.124). On voit ici comment les valeurs affectent la formation d’impressions
qui à leur tour vont affecter le jugement et donc le classement d’un individu ou d’un élément
Page 36
dans une catégorie plutôt que dans une autre. Les valeurs ont donc une place importante dans
les processus de catégorisation sociale (Tajfel, 1972, Leyens, Aspeel & Marques, 1987).
Selon Tajfel (1972), le rôle des valeurs dans la catégorisation est double : au niveau de la
formation des catégories et sur le plan du maintien des catégories. Ainsi elles jouent un rôle
important dans la formation des préjugés et des stéréotypes. Ce constat peut s’opérer dans la
définition même qu’on donne à ces deux notions. En effet, le préjugé est clairement défini
comme un jugement de valeurs, (Gardner, 1994). Pour Rokeach, le préjugé résulterait de la
congruence des croyances, de la perception du fait que d’autres personnes possèdent des
systèmes de croyances incompatibles avec le nôtre. Les stéréotypes, quant à eux, réfèrent à un
ensemble de traits, de comportements, attribués à l’ensemble des membres d’un groupe et
sont donc en relation avec les valeurs par leur contenu. De plus, même s’ils ne sont pas
forcément liés à des réactions négatives (Secord, 1959), ils colorent les évaluations que nous
faisons d’autrui, expliquent pourquoi des groupes diffèrent et nous amènent à justifier nos
prises de positions et nos conduites. On voit donc apparaitre les valeurs dans le contenu des
stéréotypes. Même si elles ne sont pas, loin s'en faut, le seul facteur impliqué, les valeurs
peuvent être considérées comme à l’origine des préjugés et des stéréotypes.
2.3. Valeurs et orientation des conduites
En psychologie, les valeurs sont conçues comme orientatrices des choix, jouant à un niveau
conscient : le choix entre différentes valeurs amène les sujets et les collectivités à décider que
certains modèles sont plus conformes que d’autres à leur vision du monde, à leur idéal de vie,
à l’idée qu’ils se font de l’homme et de sa destinée, etc. (Morchain, 2009). Elles seraient,
selon Levesque (1999), un principe de rassemblement pour un groupe, une communauté qui,
grâce à elles, définissent ce qui est important pour eux, ce qui doit servir de normes pour gérer
leur « vivre ensemble ».
En fait, une valeur est une règle pour une coexistence. Elle renvoie donc à un « nous
voulons » et non à un seul « je veux ».Elle se situe d’abord dans l’ordre de l’idéal, et non dans
celui du concret, même si elle s’exprime dans les actions concrètes et si elle peut être inférée.
Elle renvoie aux idées, on la désire, elle est une projection. En ce sens et comme déjà spécifié,
les valeurs contribuent à l’intégration sociale des personnes : elles sont partagées par les
membres d’une collectivité, et l’adhésion aux valeurs communes est la condition de leur
participation à la collectivité (Rocher, 1968, tomes I et III). Cette intégration passe par des
Page 37
jugements et par des conduites. Mais d’une part les valeurs peuvent être conçues comme
guide des conduites, d’autre part elles peuvent en découler, consécutivement à un processus
de rationalisation, de justification. C’est ainsi que pour Château (1985), l’acte crée et désigne
la valeur.
Par ailleurs les valeurs affectent les intentions d’agir avec autrui. Par exemple, Sagiv et
Schwartz (1995) ont montré dans une étude menée auprès d'étudiants juifs israéliens et
d'étudiants Arabes israéliens, que le fait de privilégier les valeurs d’universalisme corrèle
positivement avec l’intention de rentrer en contact avec les membres de l’autre groupe. Tandis
que le fait de privilégier les valeurs de sécurité et de tradition corrèle négativement.
Le lien entre valeurs et comportements a été mis en évidence dans plusieurs études. Le cas des
« justes » de Chambon-sur-Lignon est un exemple historique présenté par Rochat et
Modigliani (1995) : des réfugiés juifs ont été épargnés de la déportation et protégés par des
français grâce à l’appel des pasteurs à un retour aux valeurs chrétiennes. Valeurs qui ont joué
un rôle déclencheur des comportements de protection des individus de cette commune envers
leurs voisins juifs et ce, malgré les pressions. Schwartz (1996) a montré pour sa part
l’existence d’un lien entre valeur et comportements de coopération.
2.4. Valeurs et justification
La justification renvoie à la question des relations intergroupes et permet de légitimer les
rapports sociaux (Jost et Banaji, 1994). La référence explicite ou implicite aux valeurs permet
à une personne de justifier ses actes ; ou à un groupe de justifier sa position par rapport aux
autres groupes. Au niveau individuel, Bilsky et Schwartz (1994) ont noté que le fait pour une
personne d’attribuer une plus grande importance aux valeurs découle de la réalisation des buts
associés ; à l’inverse, les mêmes personnes réduisent l’importance accordée à ces valeurs
quand elles ne peuvent atteindre ces buts. Le mécanisme psychologique en jeu est la
rationalisation.
Quand la situation est inhabituelle, quand elle pose problème ou qu’il faut expliquer une
décision, les personnes recherchent des explications et justifient leurs jugements ou leurs
comportements. Pour cela elles font bien souvent appel aux valeurs. Dans le cas des conflits
intergroupes, la fonction de justification est évidente : il s’agit de définir l’autre groupe
comme moins bon ou comme inhumain.
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3. Les principales théories et modélisations des valeurs
Il s’agit ici de présenter les théories et/ou modèles qui ont été développés autour du
concept de valeur. Trois seront abordées: l’inventaire des valeurs de Rokeach, celui de Kahle
et la théorie des valeurs universelles de Schwartz.
3.1. L’INVENTAIRE DES VALEURS DE ROKEACH
La conception de Rokeach est basée sur une approche individuelle des valeurs. Elle est
présentée dans The nature of Human Values (1973) et s’articule autour de cinq postulats de
base :
Le nombre total de valeurs qu’une personne possède est relativement faible ;
Tous les individus possèdent les mêmes valeurs mais à différents degrés ;
Les valeurs sont organisées en systèmes et sont également hiérarchisées ;
Les antécédents des valeurs humaines viennent de la culture, de la société et de ses
institutions et de la personnalité du sujet.
Les conséquences des valeurs humaines se manifestent dans à peu près tous les
phénomènes étudiés en sciences sociales.
Selon Rokeach, une valeur est un type de croyance centrale dans un système de croyances
individuelles. Elle porte sur la manière dont on devrait se comporter, ou sur les finalités de
l’existence qu’on se doit d’atteindre.
Les valeurs sont des idéaux abstraits, positifs ou négatifs, non reliés spécifiquement à un objet
d’attitude ou à une situation, qui représentent les croyances des sujets sur les modes idéaux de
conduite et sur les finalités idéales (Rokeach, 1968, p.124). Précisons qu’un mode idéal de
conduite peut être, par exemple, de rechercher la vérité, de se conduire avec honnêteté alors
qu’une finalité idéale peut être l’égalité. Les modes idéaux se situent donc à un niveau plus
concret que les finalités idéales. Plus généralement pour Rokeach (1973, cité par Doise,
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1999), « une valeur est une croyance persistante qu’une manière spécifique de se conduire ou
qu’un but final à atteindre dans la vie est personnellement et socialement préférable à une
forme opposée ou inversée de conduite ou de but final dans l’existence. Un système de valeur
est une organisation durable de croyances quant à l’importance relative de formes de
conduites ou de buts finaux ».
Cette définition évoque le lien entre les valeurs et l’action, mais souligne aussi que chaque
sujet compare les valeurs les unes aux autres. Une valeur pouvant être appréhendée à deux
niveaux (individuel et social), un conflit de valeurs peut se produire, soit au niveau individuel,
soit au niveau social.
Selon Rokeach, les valeurs sont stables dans le temps, ce qui permet d’assurer le maintien des
personnes et des sociétés dans lesquelles elles vivent. Quatre critères leur confèrent cette
stabilité :
- elles sont apprises au sein d’une société ou par transfert entre les sociétés ;
- elles sont partagées au sein d’un même ensemble social ;
- elles sont à la fois stables et dynamiques,
- leur évolution se produit sur un cycle souvent long.
Cependant, cette stabilité des valeurs est relative. On peut citer le cas du Gabon où l’on
entend souvent les anciens se plaindre d’une perte des valeurs ancestrales par les nouvelles
générations, qui adoptent des valeurs venues d’ailleurs. Ces changements de valeurs
s’opèrent entre autres à travers l’école, les médias, l’internet, au contact des autres cultures,
les messages des leaders religieux et artistiques, les politiques, que l’on qualifie souvent de
«transmetteurs de valeurs» ou leaders d'opinion. Ainsi les valeurs qui étaient les plus
importantes pour les anciens ont perdu de leur importance. Rockeach (1973) précise que
malgré leur stabilité, les valeurs sont susceptibles d’être modifiées pour permettre aux
individus et aux sociétés de changer et parce qu’elles sont façonnées par des hommes et des
institutions qui changent, se renouvellent, comme ceux qui les créent, les valeurs ne sont pas
des principes impersonnels éternels et donc immuables.
Compte tenu de leur hiérarchie, l’auteur retient 36 valeurs qu’il distingue en deux
types :
Les valeurs terminales ou buts de l’existence. Ce sont les buts ou les finalités de
l’action qui se réfèrent aux valeurs personnelles ou aux valeurs sociales. Leur violation
susciterait du remord. On peut les repartir en valeurs ayant trait à :
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o L’absence de conflits internes et externes : le plaisir (une vie agréable et menée
sans hâte), la sécurité nationale (protection contre les attaques), l’harmonie intime
(absence de conflits intérieurs), le bonheur (satisfaction), une vie confortable (vie
aisée, prospère), le salut (vie sauve, éternelle) ;
o L’universalisme sociétal : l’égalité (fraternité, égalité des chances pour tous), un
monde en paix (un monde sans guerre ni conflit), un monde de beauté (beauté de
la nature et de arts) ;
o L’accomplissement adulte : un sentiment d’accomplissement (contribution
durable, sentiment d’avoir réussi), un statut social reconnu (respect, admiration),
le respect de soi (estime de soi, dignité personnelle), la sagesse (une
compréhension réfléchie de la vie) ;
o Des liens sincères : amitié authentique (camaraderie étroite), plénitude amoureuse
(intimité sexuelle et spirituelle) ;
o Une définition individuelle intrinsèque : une vie passionnante (une vie active,
stimulante, excitante), la liberté (indépendance, libre choix), la sécurité familiale
(prendre soin de ceux qu’on aime) ;
Les valeurs instrumentales ou modes de comportement pour atteindre les buts.
Ces modes de comportements sont de deux ordres, l’exemple des valeurs morales et
des valeurs de compétence. Leur violation susciterait de la honte. On peut les repartir
en valeurs ayant trait :
o A la compétence : idées larges (ouvert d’esprit), indépendant (autonome),
courageux, imaginatif (créatif, audacieux), logique (rationnel) ;
o Au conformisme contraignant : poli (courtois, qui a de bonnes manières), propre
(rangé, ordonné), ambitieux (travailleur), maître de soi (retenu, auto- discipliné),
capable (compétent), obéissant (respectueux, soumis) ;
o A l’intérêt sociétal : indulgent (qui pardonne aux autres), serviable (travaillant
pour le bien-être des autres), responsable (digne de confiance, sérieux),
intellectuel (intelligent, réfléchi), honnête (sincère, véritable), gentil (aimant,
affectueux, tendre), de bonne humeur (au cœur léger, joyeux).
Soulignons que cet inventaire a été construit en se basant sur la société américaine
alors que nous savons qu’il varie selon les pays et les cultures (Kamakura et Mazzon, 1991)
Page 41
3.2. L’inventaire LOV (List Of Values) de Kahle (1983)
Cet inventaire issu du marketing est important car, contrairement à l’inventaire des valeurs de
Rokeach, il met en relief la place de la personne. En effet, les valeurs répertoriées par Kahle
sont orientées vers la personne alors que celles de Rokeach sont plutôt orientées vers la
société. L’approche de Kahle s’articule autour du postulat suivant : les individus s’adaptent à
certains rôles dans la vie, en partie en fonction de leurs valeurs.
Cet inventaire a une forme plus condensée que celui de Rokeach et ne comprend que des
valeurs terminales :
Le sens de l’appartenance ;
Le besoin d’excitation ;
L’amusement et la joie de vivre ;
Des relations chaleureuses avec les autres ;
L’épanouissement personnel ;
Un sentiment d’accomplissement ;
Etre respecté ;
La sécurité ;
Le respect de soi.
Les six premières valeurs sont des valeurs internes, provenant de l’individu alors que
les trois dernières sont des valeurs externes. Cet inventaire met en avant les personnes dans
l’accomplissement des valeurs. Les valeurs pouvant être réalisées à travers les relations
interpersonnelles (interactions et échanges avec les autres, relations chaleureuses), des
facteurs personnels (respect de soi, être respecté, l’accomplissement personnel) ou des
aspirations personnelles (sentiment d’accomplissement, sécurité, amusement et joie de vivre).
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3.3. Le modèle des valeurs universelles de Schwartz.
Il est nécessaire de souligner ici que l’approche de Schwartz s’appuie sur les travaux de
Rokeach. Cependant, l’auteur propose un modèle de la structure psychologique universelle
des valeurs humaines comportant 56 valeurs regroupées en 10 « valeurs de base » ou
« domaines motivationnels ».
Comme évoqué précédemment, pour l’auteur, les valeurs sont des concepts ou des croyances
qui se rapportent à des fins ou des comportements désirables. Elles transcendent des situations
spécifiques et sont l’expression de motivations destinées à atteindre des objectifs particuliers
comme la sécurité, l’accomplissement, l’autonomie, etc. Elles guident les choix et permettent
l’évaluation de comportements envers des personnes et des évènements. Elles sont ordonnées
selon leur importance relative en tant que principes qui guident la vie.
Par ailleurs, les valeurs répondent à trois types de besoins qui sont :
Les besoins biologiques : le besoin sexuel de l’individu peut être transformé en
valeurs telles que l’intimité ou l’amour ;
Le besoin d’une interaction sociale coordonnée : ce type de besoin peut par exemple
être transformé en valeurs telles que l’honnêteté ou l’égalité ;
Les besoins de survie et de bien-être au sein des groupes : ce besoin peut par
exemple être transformé en valeurs telles que la sécurité nationale ou la paix mondiale.
Cette théorie traite des valeurs de base que les individus reconnaissent comme telles dans
toutes les cultures. Elle définit dix grands groupes de valeurs selon la motivation qui sous-
tend chacune d’entre elles et décrit la dynamique des oppositions et des compatibilités entre
elles. En effet, certaines valeurs sont en opposition avec d’autres (par exemple la
bienveillance s’oppose au pouvoir) tandis que d’autres vont de pair (par exemple la
conformité et la sécurité).
Schwartz définit chacune des dix valeurs de base par l’objectif global qu’elle exprime, précise
de quelle(s) nécessité(s) universelle(s) elle découle et recense les valeurs qui s’y réfèrent.
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Tableau 1. Récapitulatif des dix valeurs de base de Schwartz
Valeurs Objectif global Nécessité universelle
Valeurs s’y
référant
Autonomie indépendance de la
pensée et de l’action,
choisir, créer, explorer.
ancrée dans les besoins vitaux de
contrôle et de maitrise et les exigences
d’interactions nécessaires à
l’autonomie et à l’indépendance
Créativité, liberté,
indépendant
Stimulation enthousiasme,
nouveauté et défis à
relever dans la vie
découlent du besoin vital de variété et
de stimulation ; elles permettent de
maintenir un niveau d’activité optimal
et positif tout en écartant la menace
qu’amènerait un niveau trop élevé de
stimulation.
Vie varié et vie
passionnante
Hédonisme plaisir ou gratification
sensuelle personnelle.
Les valeurs d’hédonisme proviennent
des besoins vitaux de l’être humain et
du plaisir associé à leur satisfaction
Se faire plaisir
Réussite le succès personnel
obtenu grâce à la
manifestation de
compétences
socialement reconnues
Etre performant dans la création ou
l’accès à des ressources est une
nécessité pour la survie des individus;
aussi indispensable pour l’atteinte des
objectifs par les groupes ou les
institutions.
Capable, ayant du
succès
reconnaissance
sociale
Pouvoir statut social prestigieux,
contrôle des ressources
et domination des
personnes
dimension domination/ soumission
apparaît que ce soit à l’intérieur d’une
même culture ou entre les cultures
différentes. concerne le fait d’atteindre
ou de conserver une position
dominante à l’intérieur d’un système
social plus global, pour le bon
fonctionnement des institutions parfois
le pouvoir doit être traité comme une
valeur pour que les membres du
groupe l’acceptent. peuvent aussi
découler des aspirations individuelles
au contrôle et à la domination.
Autorité
Sécurité sureté, harmonie et
stabilité de la société,
des relations entre les
groupes et entre les
individus, et de soi-
même
Les valeurs de sécurité découlent des
nécessités fondamentales du groupe et
de l’individu. Il y a deux sortes de
valeurs de sécurité. Certaines
concernent avant tout des intérêts
individuels (propre), d’autres
concernent surtout des intérêts
collectifs (sécurité nationale). Toutes
liés, à un objectif de sécurité pour soi-
même ou pour ceux auxquels on
s’identifie.
sureté
Conformité modération des actions,
des goûts, des
préférences et des
impulsions susceptibles
de déstabiliser ou de
blesser les autres, ou
encore de transgresser
Les valeurs de conformité proviennent
de la nécessité pour les individus
d’inhiber ceux de leurs désirs qui
pourraient contrarier ou entraver le bon
fonctionnement des interactions et du
groupe
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les attentes ou les
normes sociales
Tradition. respect, engagement et
acceptation des
coutumes et des idées
soutenues par la culture
ou la religion auxquelles
on se rattache
Partout les groupes développent des
pratiques, des symboles, des idées et
des croyances qui représentent leur
expérience et leur destin commun et
deviennent ainsi les coutumes et les
traditions du groupe, qui leur accorde
beaucoup de valeur. Ces coutumes et
traditions deviennent l’expression de la
solidarité du groupe, expriment sa
valeur singulière et contribuent à sa
survie. Elles prennent souvent la forme
de rites religieux, de croyance, et de
norme de comportement
Respect des us et
coutumes.
Bienveillance la préservation et
l’amélioration du bien-
être des personnes avec
lesquelles on se trouve
fréquemment en contact
(« l’endogroupe »)
nécessité pour le groupe de
fonctionner de manière harmonieuse et
du besoin d’affiliation de l’individu
entant qu’organisme. Les relations au
sein de la famille ou de l’autre groupe
sont ici cruciales.
met l’accent sur le souci du bien-être
des autres.
Sens dans la vie,
bien être des
autres
Universalisme compréhension, estime,
tolérance et protection
du bien-être de tous et
de la nature
Les valeurs d’universalisme
proviennent du besoin de survie des
individus et des groupes. Elles peuvent
être divisées en deux sous- catégories,
celles qui concernent les êtres humains
et celles qui concernent la nature.
Largesse d’esprit,
unité avec la
nature.
« La structure » des valeurs rend compte de ces relations d’opposition et de compatibilité
entre les valeurs, et non pas de leur importance relative. Cette structure provient du fait que
lorsque l’on agit selon une valeur, quelle qu’elle soit, cela a des conséquences sur d’autres
valeurs : elle entre en conflit avec certaines valeurs et sont compatibles avec d’autres. Par
exemple, la recherche de la réussite entre la plupart du temps en conflit avec les valeurs de
bienveillance. En effet, la quête du succès personnel a tendance à entraver les actions visant à
améliorer le bien-être de ceux qui auraient besoin de notre aide. Mais rechercher à la fois la
réussite et le pouvoir est généralement compatible. Si la structure des valeurs est similaire
dans des groupes appartenant à des cultures différentes, cela permet de penser qu’il existe une
organisation universelle. Cependant, les individus se distinguent nettement les uns des autres
quant à l’importance relative qu’ils attribuent à leurs différentes valeurs. En d’autres termes,
les personnes et les groupes ont différentes « hiérarchies » ou « priorités » de valeurs.
En effet, quand nous pensons à nos valeurs, nous pensons à ce qui nous semble important
dans la vie. Chacun de nous accorde des degrés d’importance divers à de nombreuses valeurs
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(exemple : la réussite, la sécurité, la protection de la nature). Une valeur particulière peut être
très importante pour une personne et sans importance pour une autre.
Cette théorie des valeurs développée par Schwartz attribue aux valeurs six caractéristiques
principales.
1. les valeurs sont des croyances associées de manière indissociable aux affects.
Quand les valeurs sont « activées », elles se combinent aux sentiments. Ainsi les
personnes pour qui l’indépendance est une valeur importante sont en état d’alerte si
leur indépendance est menacée, désespérées quand elles ne parviennent pas à la
préserver, et heureuses quand elles peuvent l’exercer.
2. Les valeurs ont trait à des objectifs désirables qui motivent l’action.
Les personnes pour qui la liberté, la protection et la nature et l’égalité sont des valeurs
importantes sont motivées pour poursuivre ces objectifs.
3. Les valeurs transcendent les actions et les situations spécifiques.
L’obéissance et l’honnêteté, par exemple, sont des valeurs qui peuvent être pertinentes
au travail ou à l’école, dans la pratique d’un sport, dans les affaires, en politique, au
sein de la famille, avec les amis ou les étrangers. Cette caractéristique permet de
distinguer les valeurs des concepts plus restreints comme les normes ou les attitudes,
qui ont trait généralement à des actions, des objets ou des situations particulières
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4. Les valeurs servent d’étalon ou de critères.
Les valeurs guident la sélection ou l’évaluation des actions, des politiques, des
personnes et des évènements. On décide de ce qui est bon ou mauvais, justifié ou
illégitime, de ce qui vaut la peine d’être fait ou de ce qui doit être évité en fonction des
conséquences possibles pour les valeurs que l’on affectionne. Mais l’impact des
valeurs sur les décisions de tous les jours est rarement conscient. Les valeurs
deviennent conscientes quand les actions ou les jugements que l’on envisage
conduisent à des conflits entre différentes valeurs que l’on affectionne.
5. Les valeurs sont classées par ordre d’importance les unes par rapport aux autres.
Les valeurs d’une personne peuvent être classées par ordre de priorité, et cette
hiérarchie est caractéristique de cette personne. Le fait que les valeurs soient
hiérarchisées chez un individu permet aussi de les distinguer des normes et des
attitudes. Dans le même ordre d’idées, Levesque (2009) apporte une définition des
valeurs dans une relation ou une dualité, où une valeur serait alors une priorité donnée
à l’un des termes du couple (de valeurs qui s’opposent). Valoriser la liberté c’est lui
donner une priorité dans le couple liberté/contrainte. La contrainte n’en est pas pour
autant éliminée. Même si elle sert de repoussoir, elle a sa place, seconde mais
indispensable. La valeur en tant que priorité variant au regard des situations du milieu
et de l’époque ne doit pas devenir une exclusivité. Aussi pour la mise en œuvre d’une
valeur, l’auteur préconise trois étapes : d’abord on pose une dualité, puis on pose la
priorité (valeur) et, en troisième lieu, on propose un ou plusieurs troisièmes termes
permettant de gérer concrètement la priorité retenue.
6. L’importance relative de multiples valeurs guide l’action. Toute attitude, tout
comportement, implique nécessairement plus d’une valeur. Par exemple cultiver un
champ peut impliquer et promouvoir des valeurs comme la tradition, la conformité et
la sécurité alimentaire, au détriment des valeurs de stimulation. L’arbitrage entre des
valeurs pertinentes et rivales est ce qui guide les attitudes et les comportements. Les
valeurs contribuent à l’action dans la mesure où elles sont pertinentes dans le contexte
(donc susceptibles d’être activées) et importantes pour celui qui agit.
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Ces six caractéristiques concernent toutes les valeurs quelle que soit la culture qui les
promeut. Selon Schwartz, ce qui distingue une valeur d’une autre est le type d’objectif ou de
motivation que cette valeur exprime. Il considère qu’il est probable que les valeurs soient
universelles parce qu’elles trouvent leur source et répondent à au moins une des trois
nécessités de l’existence humaine (satisfaire les besoins biologiques des individus, permettre
l’interaction sociale, et assurer le bon fonctionnement et la survie des groupes). Les individus
ne peuvent pas réussir à répondre seuls à ces trois nécessités de l’existence humaine. Ils
doivent exprimer des objectifs permettant tout à la fois d’y faire face, de communiquer avec
les autres à leur sujet et d’obtenir la collaboration des autres dans leur démarche. Les valeurs
sont les concepts, socialement désirables, que l’on utilise pour représenter ces objectifs au
niveau mental, et en même temps elles forment l’ensemble des mots utilisés par chaque
groupe pour parler de ces objectifs dans les interactions sociales.
Conclusion
Au terme de tout ce qui précède, nous retenons que plusieurs auteurs en psychologie ont
traité de la question des valeurs. Leurs travaux ont permis de définir les valeurs, leurs rôles
et leurs modes de fonctionnement. Ces auteurs ont pu montrer que, bien que de nombreux
facteurs interviennent dans la compréhension des comportements, le rôle des valeurs est
indéniable notamment parce que ces dernières influent et orientent les conduites humaines.
Ainsi, en agissant sur les valeurs du développement durable, il pourrait être possible de
prévoir ou modifier les comportements en faveur de l’environnement et donc du bien-être
humain et du développement durable
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Chapitre 3 : Valeurs et développement durable
Le développement durable est une thématique abordée par la plupart des disciplines
scientifiques et tout particulièrement par la psychologie. Les chercheurs s’accordent à
considérer qu’il nécessite des changements de comportements de la part de tous. A ce propos,
Maldague (1979) avance que « le principal obstacle à la résolution des controverses
environnementales c'est que l'humain doit changer sa vision des choses, son sens des valeurs,
ses attitudes et son comportement » (p.5). Conscients de l’urgence d’impulser des
changements de comportements dans la population, les décideurs politiques et sociaux ont
défini les principes fondateurs du développement durable et énoncé des valeurs qui devront
servir de guide aux sociétés dans leur ensemble et que chacun, des gouvernements aux
individus, en passant par les organisations, devra s’approprier dans toutes les sphères, privées
et professionnelles.
Ce chapitre présentera tout d’abord les valeurs du développement durable préconisées par
l’ONU (I), puis les valeurs du développement durable dans les organisations (II), les valeurs
dans les sociétés africaines et notamment au Gabon (III).
1. L’ONU et les valeurs du développement durable
Les valeurs du développement durable ont été énoncées par l’Organisation des Nations Unies
(ONU). L’ONU est une organisation internationale regroupant actuellement 193 Nations
résolues à préserver les générations futures du fléau de la guerre, à proclamer leur foi dans les
droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans
l'égalité de droits des hommes et des femmes ; ces Nations, grandes et petites, s’engagent à
créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect des obligations nées des
traités et autres sources du droit international, à favoriser le progrès social et à instaurer de
meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande.
En 1942, l’ONU comprenait 50 États. D’autres Etats l’ont progressivement rejointe en signant
et en ratifiant la Charte qui la sous-tend et dont les buts et les principes ont une valeur
éternelle et universelle. Cette Charte, instrument constitutif de l'Organisation des Nations
Unies, fixe les droits et les obligations des Nations Membres et porte création des organes et
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des procédures. Elle codifie les grands principes des relations internationales, depuis l'égalité
souveraine des Nations jusqu'à l'interdiction d'employer la force dans ses relations.
Depuis sa création et plus encore actuellement, l’ONU est l’institution internationale de la
mondialisation par excellence. Elle est constituée d’organes qui favorisent le déploiement de
ses actions : une Assemblée générale, un Conseil de sécurité, un Conseil économique et
social, un Conseil de tutelle, une Cour Internationale de Justice (CIJ) et un Secrétariat. Elle est
à même de contraindre les Etats membres à pratiquer la tolérance, à vivre en paix, à unir leurs
forces pour maintenir la paix et la sécurité internationales, à accepter des principes et instituer
des méthodes garantissant qu'il ne sera pas fait usage de la force des armes, sauf dans l'intérêt
commun et à recourir aux institutions internationales pour favoriser le progrès économique et
social de tous les peuples.
Dans ce chapitre, il s’agira de présenter les valeurs du développement durable, l’histoire de
leur apparition avec la déclaration du Millénaire (1) puis de les définir précisément (2), de
préciser les objectifs qui les accompagnent (3), ainsi que les limites et perspectives de l’ONU
(4).
1.1. Historique et déclaration
En septembre 2000, à l’aube d’un nouveau millénaire, les chefs d’État et de gouvernement de
147 Nations du monde se rassemblent au siège de l’Organisation des Nations Unies pour
réaffirmer leur foi dans l’Organisation et dans sa Charte, porteuse des fondements
indispensables d’un monde plus pacifique, plus prospère et plus juste. Ils reconnaissent leurs
responsabilités au niveau mondial dans la défense de la dignité humaine, de l’égalité et de
l’équité.
Soucieux de faire en sorte que la mondialisation devienne une force positive pour l’humanité
tout entière, ils prennent la ferme résolution d’instaurer une paix juste et durable dans le
monde entier conformément aux buts et aux principes inscrits dans la Charte.
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Cette charte stipule que l’Organisation des Nations Unies doit tout faire pour assurer l’égalité
souveraine de tous les États, le respect de leur intégrité territoriale et de leur indépendance
politique, le règlement des différends par des voies pacifiques et, conformément aux principes
de la justice et du droit international, le droit à l’autodétermination des peuples qui sont
encore sous domination coloniale ou sous occupation étrangère, la non-ingérence dans les
affaires intérieures des États, le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales,
le respect de l’égalité des droits de tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de
religion et une coopération internationale en vue du règlement des problèmes internationaux à
caractère économique, social, culturel ou humanitaire.
L’Organisation des Nations Unies rédige ainsi la déclaration du Millénaire qui identifie pour
la première fois les valeurs fondamentales du développement durable: liberté, égalité,
solidarité, tolérance, respect de la nature et partage de responsabilité (Leiserowitz, 2006) ainsi
que des objectifs permettant de traduire ces valeurs en actes. Elle souligne l’importance de
promouvoir des valeurs qui facilitent un type de consommation écologique et auquel chacun
peut raisonnablement adhérer. Ces valeurs étant présentes dans plusieurs pays et cultures du
monde, elles devraient aisément être préconisées.
Pour parvenir à un développement durable, la prise en compte de ces valeurs est indispensable
(Leiserowitz, 2006). Pour des auteurs tels que Latouche (2002), Caillé et Duclot (2007),
l’intérêt économique et technique doit pouvoir trouver des bornes dans la préconisation
civique et en quelque sorte s’appuyer sur des valeurs telles que l’amour de la nature, la
responsabilité, le respect du prochain etc., sans quoi il est autodestructeur.
1.2. Définition
Shepherd, Kuskova et Patzelt (2009) s’appuient sur la déclaration du Millénaire pour
définir les valeurs fondamentales du développement durable :
La liberté : les hommes et les femmes ont le droit de vivre leur vie et d’élever leurs
enfants dans la dignité, libre de faim, de peur, de violence, d’oppression ou d’injustice.
La démocratie et la gouvernance participative basée sur le bien-être des peuples et de
leur devenir doivent assurer ces droits.
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L’égalité : aucun individu, aucune Nation ne doit être empêchée de l’opportunité de
bénéficier du développement. L’égalité des droits et opportunités des hommes et des
femmes doit être assurée.
La solidarité : Des défis mondiaux doivent être gérés dans une perspective de
distribution impartiale des coûts et des bénéfices, conformément aux principes de base
d'équité et de justice sociale. Un soutien mutuel et une entraide doit s’instaurer entre
ceux qui souffrent ou qui profitent le moins, et ceux qui profitent le plus.
La tolérance : Les gens doivent se respecter, dans toute leur diversité de croyance, de
culture et de langage. On ne devrait ni craindre ni réprimer les différences entre les
sociétés, mais les chérir comme un atout précieux de l'humanité. Une culture de paix
et de dialogue entre toutes les civilisations devrait être activement promue.
Le respect de la nature : On doit montrer de la prudence dans la gestion de toutes les
espèces vivantes et des ressources naturelles, conformément aux préceptes du
développement durable. C’est seulement de cette façon que nous pourrons préserver la
richesse incommensurable fournie par la nature et penser à nos descendants. Les
modèles de production et de consommation non durables actuels doivent être changés
dans l'intérêt de notre bien-être futur et celui de nos descendants.
Le partage des responsabilités : pour gérer le développement économique et social
dans le monde entier, aussi bien que des menaces à la paix internationale et la sécurité,
la responsabilité doit être partagée entre les Nations du monde et exercée
multilatéralement. En tant qu’organisation la plus universelle et la plus représentative
dans le monde, l’Organisation des Nations Unies doivent jouer le rôle central.
1.3. Les objectifs
Les objectifs définis ici accompagnent la mise en action de ces valeurs communes. Ils sont
regroupés en sept objectifs majeurs.
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Paix, sécurité et désarmement
Les Etats membres s’engagent à tout mettre en œuvre pour délivrer leurs peuples du fléau des
guerres de toute nature, qu’il s’agisse des guerres civiles ou des guerres entre États, ainsi que
d’éliminer les dangers posés par les armes de destruction massive. Cela passe par exemple
par :
- le respect de la mise en application des règles et les décisions de la Cour Internationale de
Justice, conformément à la Charte des Nations Unies, dans les litiges auxquels ils sont parties
prenantes. L’accroissement de l’efficacité de l'Organisation des Nations Unies dans le
maintien de la paix et de la sécurité, en lui donnant les moyens et les outils dont elle a besoin
pour mieux assurer la prévention des conflits, le règlement pacifique des différends, le
maintien de la paix, la consolidation de la paix et la reconstruction après les conflits .
- la prise de mesures concertées pour lutter contre le terrorisme international.
- l’adhésion à toutes les conventions internationales pertinentes, la lutte contre la drogue, la
criminalité, la traite des humains etc.
Développement et élimination de la pauvreté
Cet objectif concerne l’engagement des Nations membres de l’ONU à faire du droit au
développement une réalité pour tous et à mettre l’humanité entière à l’abri du besoin. Pour ce
faire, tous les efforts doivent être consentis pour délivrer les hommes, femmes et enfants de la
misère qui touche actuellement plus d’un milliard de personnes.
En conséquence, un climat propice au développement et à l’élimination de la pauvreté doit
être créé au niveau tant national que mondial. La réalisation de ces objectifs passe par
l’instauration d’une bonne gouvernance et la transparence des systèmes financier, monétaire
et commercial dans chaque pays ainsi que sur le plan international. Il s’agit par exemple de :
- mettre en place un système commercial et financier multilatéral ouvert, équitable,
fondé sur le droit, prévisible et non discriminatoire.
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- prendre en compte les besoins et les obstacles auxquels se heurtent les pays les
moins avancés ou pays en développement, dans la mobilisation des ressources
nécessaires pour financer leur développement durable.
- alléger ou l’annuler la dette des pays pauvres très endettés s’ils démontrent en
contrepartie leur volonté de lutter contre la pauvreté.
- augmenter l’aide au développement aux pays qui font un effort clairement établi
pour utiliser leurs ressources à la réduction de la pauvreté.
- réduire de moitié, d’ici à 2015, la proportion de la population mondiale dont le
revenu est inférieur à un dollar par jour, celle des personnes qui souffrent de la
faim ou qui n’ont pas accès à l’eau potable.
- améliorer l’égalité d’accès à tous les niveaux d’éducation entre filles et garçons.
- réduire de trois quarts de la mortalité maternelle et de deux tiers de la mortalité des
enfants de moins de 5 ans.
- arrêter la propagation du VIH/sida et la maîtrise du paludisme et des autres grandes
maladies qui affligent l’humanité.
- promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, en tant que moyen
efficace pour combattre la pauvreté, la faim et la maladie, et de promouvoir un
développement réellement durable.
Protéger notre environnement commun
Tous les efforts doivent être consentis pour éviter à l’ensemble de l’humanité, et surtout à ses
enfants et petits-enfants, d’avoir à vivre sur une planète irrémédiablement dégradée par les
activités humaines et dont les ressources ne peuvent plus répondre à leurs besoins. Cet
objectif réaffirme le soutien de l’ONU aux principes du développement durable énoncés dans
l’Action 21 de l’Agenda 218, qui ont été adoptés lors de la Conférence des Nations Unies sur
l’environnement et le développement. Ainsi la décision est prise d’adopter dans toutes les
actions ayant trait à l’environnement une nouvelle éthique de conservation et de sauvegarde.
A cet effet, les mesures sont prises comme par exemple :
8 L’Agenda 21 est le Plan d’action de développement durable pour le XXIe siècle adopté par 173 chefs d’Etats
lors du sommet de Rio(1992). Il sera défini plus en détails en (II) portant sur les valeurs de développement dans
les organisations.
Page 54
- ne ménager aucun effort pour que le Protocole de Kyoto entre en vigueur de
préférence avant le dixième anniversaire de la Conférence des Nations Unies sur
l’environnement et le développement en 2002, et commencer à appliquer les
réductions prescrites des émissions des gaz à effet de serre.
- intensifier l’action commune pour la gestion, la préservation et le développement
durable de tous les types de forêt.
- insister sur l’application intégrale de la Convention sur la diversité biologique et de
la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification dans les pays
gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification, en particulier en
Afrique.
- mettre fin à l’exploitation irrationnelle des ressources en eau, en formulant des
stratégies de gestion de l’eau aux niveaux régional, national et local, permettant
notamment d’assurer aussi bien un accès équitable qu’un approvisionnement
adéquat.
- intensifier la coopération en vue de réduire le nombre et les effets des catastrophes
naturelles et des catastrophes dues à l’homme.
- assurer le libre accès à l’information relative au génome humain.
Droits de l’homme, démocratie et bonne gouvernance
Les Nations s’engagent à faire des efforts pour promouvoir la démocratie et renforcer l’État
de droit, ainsi que le respect de tous les droits de l’homme et libertés fondamentales reconnus
sur le plan international, y compris le droit au développement.
Par conséquent, il s’agit par exemple :
- de respecter et de faire appliquer intégralement la Déclaration universelle des
droits de l’homme.
- de chercher à assurer, dans tous les pays, la promotion et la protection intégrale des
droits civils et des droits politiques, économiques, sociaux et culturels de chacun.
- de renforcer, dans tous les pays, les capacités nécessaires pour appliquer les
principes et pratiques de la démocratie et du respect des droits de l’homme, y
compris les droits des minorités.
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- de lutter contre toutes les formes de violence faites aux femmes et d’appliquer la
Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des
femmes.
- de prendre des mesures pour assurer le respect et la protection des droits
fondamentaux des migrants, des travailleurs migrants et de leur famille, pour
mettre fin aux actes de racisme et de xénophobie dont le nombre ne cesse de
croître dans de nombreuses sociétés et pour promouvoir une plus grande harmonie
et une plus grande tolérance dans toutes les sociétés.
- de travailler ensemble à l’adoption dans tous les pays de processus politiques plus
égalitaires, qui permettent la participation effective de tous les citoyens à la vie
politique.
- d’assurer le droit des médias de jouer leur rôle essentiel et le droit du public à
l’information.
Protéger les groupes vulnérables
L’ONU s’engage à apporter l’assistance et la protection nécessaires aux enfants et à toutes les
populations civiles qui souffrent de façon disproportionnée des conséquences de catastrophes
naturelles, d’actes de génocide, de conflits armés et autres situations d’urgence humanitaire
afin qu’ils puissent reprendre au plus vite une vie normale.
Il s’agit par exemple :
- d’élargir et de renforcer la protection des civils dans les situations d’urgence
complexes, conformément au droit international humanitaire.
- de renforcer la coopération internationale, y compris en partageant le fardeau des
pays qui accueillent des réfugiés et en coordonnant l’assistance humanitaire,
d’aider tous les réfugiés et toutes les personnes déplacées à rentrer volontairement
chez eux, en toute sécurité et dignité, et à se réinsérer harmonieusement dans la
société à laquelle ils appartiennent.
- d’encourager les nations à la ratification et la mise en œuvre intégrale de la
Convention relative aux droits de l’enfant, ainsi que de ses protocoles facultatifs
concernant l'implication d’enfants dans les conflits armés, la vente d’enfants, la
prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.
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Répondre aux besoins spéciaux de l’Afrique
Il s’agit pour les pays membres de soutenir la consolidation de la démocratie en Afrique et
d’aider les Africains dans la lutte qu’ils mènent pour instaurer une paix et un développement
durables et pour éliminer la pauvreté, afin d’intégrer le continent africain dans l’économie
mondiale. Pour ce faire il s’agit par exemple:
- d’appuyer pleinement les structures politiques et institutionnelles des démocraties
naissantes en Afrique.
- d’encourager et de soutenir les mécanismes régionaux et sous régionaux de
prévention des conflits et de promotion de la stabilité politique, et d’assurer un
financement régulier aux opérations de maintien de la paix menées sur le
continent.
- de prendre des mesures spéciales pour relever les défis que sont l’élimination de la
pauvreté et la réalisation du développement durable en Afrique, y compris
l’annulation de la dette, l’amélioration de l’accès aux marchés, l’accroissement de
l’aide publique au développement et des flux d’investissement étrangers directs,
ainsi que des transferts de technologie.
- d’aider l’Afrique à se doter des capacités voulues pour freiner la propagation de la
pandémie du VIH/sida et d’autres maladies infectieuses.
Renforcer l’Organisation des Nations Unies
Ce dernier objectif concerne l’efficacité de l’Organisation des Nations Unies afin d’en faire
un instrument plus efficace aux fins de réalisation des objectifs prioritaires que sont la lutte
pour le développement de tous les peuples du monde, la lutte contre la pauvreté, l’ignorance
et la maladie, la lutte contre l’injustice, la lutte contre la violence, la terreur et la criminalité et
la lutte contre la dégradation et la destruction de la planète.
Par conséquent l’atteinte de cet objectif nécessite de :
- Réaffirmer le rôle central de l’Assemblée générale en tant que principal organe
délibérant et représentatif de l’Organisation des Nations Unies, lui permettant de
s’acquitter efficacement de ses missions.
- redoubler d’efforts pour réformer les procédures du Conseil de sécurité sous tous
leurs aspects.
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- renforcer le Conseil économique et social, afin qu’il puisse être en mesure de
remplir le rôle qui lui est confié dans la Charte tel que celui d’effectuer ou
provoquer des études et des rapports sur des questions internationales dans les
domaines économique, social, de la culture intellectuelle et de l'éducation, de la
santé publique et de faire des recommandations en vue d'assurer le respect effectif
des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous.
- renforcer les pouvoirs de la Cour Internationale de Justice, afin d’assurer la justice
et le régime du droit dans les affaires internationales.
- faire en sorte que l’Organisation dispose, en temps voulu et de façon prévisible,
des ressources nécessaires pour s’acquitter de ses mandats.
- favoriser le respect de la Convention sur la sécurité du personnel des Nations
Unies et du personnel associé.
- renforcer la coopération entre l’Organisation des Nations Unies et les parlements
nationaux, représentés par leur organisation mondiale, l’Union interparlementaire,
dans divers domaines, notamment la paix et la sécurité, le développement
économique et social, le droit international et les droits de l’homme, la démocratie
et la parité entre les sexes.
- impliquer davantage le secteur privé, les organisations non gouvernementales et la
société civile en général dans la réalisation des objectifs et programmes de
l’Organisation.
En somme, par ces valeurs et objectifs, l’ONU se réaffirme solennellement comme le lieu de
rassemblement de l’humanité tout entière pour la concrétisation de ces aspirations dites
universelles à la paix, à la coopération et au développement durable. En s’engageant à
accorder un soutien indéfectible à la réalisation de ces objectifs communs et en déclarant leur
résolution à les atteindre.
1.4. Limites et perspectives de L’ONU
Bien que les résolutions, principes, valeurs et missions de l’ONU soient reconnues comme
utiles pour l’accès à un monde meilleur, il n’en demeure pas moins que ses actions restent
controversées et ne cadrant pas toujours avec les valeurs et principes qu’elle s’était fixée à
l’origine de sa création. Pour Berthelot (1995)9, l’opinion publique est déçue car les Nations
9 http://www.regards.fr/acces-payant/archives-web/l-onu-entre-critiques-et-espoirs,103 Yves Berthelot
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Unies ne sont à même ni d’imposer la paix et le respect des principes qu’elles ont elles-
mêmes édictés, ni de trouver les moyens d’un développement plus équitable.
En effet, comme le souligne Corten (2005), malgré leur rigueur, les règles introduites par la
Charte n’ont pas empêché le déclenchement de nombreuses guerres en dehors des
mécanismes prévus par la charte de l’ONU10
. Des guerres sont souvent commises au nom de
« justes causes ». On note à titre d’exemples les guerres en Hongrie (1956), Tchécoslovaquie
(1968), Afghanistan (1979), Cuba (1961), Grenade (1983) ou Panamá (1989) menées par
l’Union soviétique et les Etats-Unis.
Corten (1995) pointe également les faiblesses institutionnelles de l’ONU qui, selon lui,
expliqueraient en partie son échec relatif. Il cite l’exemple de la Cour Internationale de Justice
qui a été très peu sollicitée depuis 1945 et celui du Conseil de Sécurité qui peut parfois se
subdiviser en conseils de sécurité divisés, décidant ainsi sans tenir compte de l’avis de tous.
Un des évènements mémorables de l’échec de l’ONU s’est déroulé en 2003 quand les Etats-
Unis, avec le soutien du Royaume-Uni, se sont appuyés sur un Conseil de sécurité divisé pour
obtenir que la guerre soit déclarée contre l’Irak (Power, 2005). Pour cette l’auteure, les
imperfections du système onusien furent manifestes dès sa fondation, dans la mesure où il
donnait une voix égale aux dictatures et aux démocraties.
Berthelot (1995), dans une analyse au magazine Regards, considère qu’il est néanmoins
important de reconnaitre les actions positives de l’ONU. Cette dernière a par exemple tant
bien que mal fait progresser les droits de l’homme en organisant des débats sur leur contenu et
leur application. Elle a également fait reconnaitre que les droits fondamentaux des femmes
sont « partie intégrante, inaliénable et indivisible des droits de la personne » et, bien que ces
droits ne soient pas partout mis en pratique, elle a fait adopter une plate-forme d’actions pour
que les principes passent dans les faits. Ainsi, les valeurs et principes de l’ONU ne sont pas
inutiles dans la mesure où ils servent de référence aux gouvernements qui ne souhaitent pas
10 A l’exemple de l’article qui stipule qu’ « afin d'assurer l'action rapide et efficace de l'Organisation, ses
Membres confèrent au Conseil de sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité
internationales et reconnaissent qu'en s'acquittant des devoirs que lui impose cette responsabilité le Conseil de
sécurité agit en leur nom. Ce que n’a pas respecté les Etats Unis en déclarant la guerre à l’IRAK en 2004 et en
s’engageant en son propre nom.
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trop se démarquer des principes que la communauté internationale a adoptés et à tous ceux qui
militent pour leur application effective.
Corten (1995) évoque l’irresponsabilité des gouvernements qui bien souvent accusent l’ONU
de leurs propres erreurs : « que les gouvernements n’oublient pas que les Nations Unies sont
une organisation intergouvernementale qui ne peut faire, et même vouloir, que ce qu’eux-
mêmes veulent ou sont prêts à faire ; mais, comme il est parfois commode de disposer d’un
bouc émissaire, ils blâment l’Organisation pour leurs erreurs ou pour cacher leurs promesses
non tenues sans réformer l’instrument qu’ils ont façonné et qu’ils tiennent en main » (p.103).
Ainsi, s’il est nécessaire de de souligner ses mérites et les faiblesses de l’ONU, il s’avère
primordial de proposer des pistes pour sa modernisation, pour une représentativité de tous les
pays. Pour que du bilan de ses actions, il soit possible de tirer des leçons pour le futur.
Pour ce faire, l’organisation devrait faire partager ses valeurs, faciliter le dialogue et créer les
conditions d’un développement économique respectueux de l’environnement. Aussi, « il est
besoin de dialogue entre les pays, de principes et de règles pour gouverner leurs relations et
de moyens de résoudre les conflits économiques ou militaires qui les opposent ainsi que la
coordination pour mieux répartir les tâches ou pour tirer avantage des divers éclairages
donnés d’un même sujet par divers organes des Nations unies. . Il faut, aussi, que les plus
faibles puissent faire entendre leur voix, respecter leurs droits et bénéficier de la solidarité de
la communauté internationale » (Corten, 1995, p.103). De plus, il faut davantage informer les
citoyens et les acteurs de la vie politique et économique des résultats des travaux de l’ONU.
Si son rôle et sa force sont de faire progresser la conscience de la société mondiale, d’attirer
l’attention sur les menaces, de faire connaître les expériences réussies, les Nations Unies
doivent disposer de moyens efficaces de communication, de dissémination et de formation.
Par ailleurs, le fait que la plupart des décisions relatives aux normes, règles et objectifs sont
adoptées par consensus, a le mérite qu’aucune d’entre elles n’est prise sans l’accord des
principaux contributeurs et que des efforts sont faits pour prendre en compte les
préoccupations des petits pays. Mais cela pose également un problème de mise en œuvre et
d’obligation du respect des règles. En effet, les décisions sont souvent formulées de telle
façon qu’elles offrent une échappatoire à qui n’a pas l’intention de les suivre et l’ONU n’a ni
les moyens, ni le pouvoir d’imposer le respect des décisions, voire des conventions, à des
gouvernements souverains.
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En somme, comme le précise Berthelot (1995), le bon fonctionnement de l’Organisation des
Nations Unies dépend bien plus de la volonté des Etats membres que des réformes de la
machinerie des réunions ou du Secrétariat, même si celles-ci sont nécessaires. Cette volonté
doit notamment se manifester dans les moyens donnés à l’organisation.
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2. Les valeurs et les principes du développement durable dans les
organisations
Les différentes préconisations établies par l’Organisation des Nations Unis sont porteuses de
valeurs sensées impulser une dynamique de développement durable. Leur mise en place
nécessite de s’intéresser à tous les niveaux de la société, du plus général au plus particulier.
Des outils ont donc été élaborés à chaque niveau afin de faciliter l’adoption de cette
démarche. Les principes concernent les Etats, organismes et individus (1), l’agenda 21 les
collectivités locales (2) et la norme de responsabilité sociale des organisations est en direction
des organisations (3).
Le principe « est une proposition normative de grande généralité (c’est-à-dire avec un
important secteur de la réalité couvert par son champ normatif) et donc assez vague, à
laquelle font défaut une définition plus précise des conditions d’application ainsi que des
effets juridiques » (Bydlinski, 1988, p.121 et 124). Il s’agit d’une norme qui ne fixe qu’un but
sans préciser les moyens (Penski, Rechtsgrundsätze et Rechtsregeln, 1989). Ce principe a une
relation directe avec les valeurs, la justice, l’idée du droit (…). Il est la cause rationnelle et le
fondement des règles « exprime avant tout des valeurs juridiques, éthiques ou sociales »
(Esser et Grundsatz, 1974, p.222).
C’est durant la conférence de Rio (1992) que les principes du développement durable ont été
définis par l’Organisation des Nations Unis. Ils illustrent les valeurs partagées par les Nations
s'engageant sur la voie d'un développement durable (Didier, 2012). Au départ au nombre de
27, ils sont souvent résumés à 15. Ces principes sont pris en compte dans l’élaboration des
politiques de développement durable et sont porteurs de valeurs car ils tiennent compte des
trois dimensions indissociables de développement durable que sont les dimensions sociale,
environnementale et économique. Ils constituent la boussole qui guide chaque organisation
dans ses actions, activités et missions, et s’appliquent à tous les secteurs (Didier, 2012). Ils
sont énoncés ci-dessous
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2.1. Santé et qualité de vie
Il s’agit pour chaque organisation de mettre au centre de ses préoccupations les personnes, la
protection de leur santé, l’amélioration de leur qualité de vie. Car toute personne a le droit de
bénéficier d’une vie saine et productive et de vivre en harmonie avec la nature. Sur le plan
concret, cela passe par exemple par :
- la sensibilisation du personnel aux bénéfices d’un mode de vie équilibré se
traduisant par une répartition équitable du temps entre travail, famille, loisirs, etc. ;
- l’amélioration de la qualité des aménagements pour une meilleure qualité de vie au
travail ;
- la surveillance de la qualité des menus dans les cantines scolaires et d’entreprises
etc.
A titre d’exemple, nous pouvons souligner les mesures juridiques prises par l’Etat gabonais
portant sur les modifications apportées aux horaires de travail. La journée de travail était
comprise entre 7h et 17h et a été déplacée de 8h à 15h il y a quelques années. L’objectif est le
bien-être des personnes, en leur permettant de profiter de leur famille et de mener d’autres
activités et loisirs en deuxième partie d’après-midi pour un meilleur épanouissement. Notons
également le cas des aménagements d’espaces sportifs par certaines entreprises, à l’exemple
de la société gabonaise de raffinage (SOGARA) qui dispose d’un centre sportif et sanitaire
auquel les salariés et leur famille ont accès pour un coût réduit.
2.2. Équité et solidarité sociales
Elle concerne l’égale répartition des coûts et bénéfices tant intra qu’inter générationnelle et de
genre. Il s’agit de la prise en compte par les organisations d’un souci d’équité, d’éthique, de
solidarité et de justice sociale dans la mise en œuvre de ses actions. Aussi, il faut tisser des
liens de solidarité entre les peuples, les pays, les générations. Partager les ressources de la
Terre entre tous, tout en pensant aux générations futures. La distribution équitable des fruits
du développement doit se faire entre les Etats, les populations et les personnes, et les
programmes et les politiques économiques doivent être conçus en tenant compte de cet
impératif. Le rapport Brundtland le stipule clairement quand il affirme que « Le droit au
développement doit être réalisé de façon à satisfaire équitablement les besoins relatifs au
Page 63
développement et à l'environnement des générations présentes et futures » (Bourdages, 1997,
page ?). Ainsi, de manière concrète, cela renvoie au fait d’adopter un code éthique au travail,
d’instaurer des mesures d’aides aux démunis, d’économiser les matières premières pour que le
plus grand nombre en bénéficie. Citons l’exemple du gouvernement gabonais qui a mis en
place une caisse d’assurance maladie et d’allocations familiales depuis 2011 : les personnes
en activité cotisent et les taux de prise en charge dépendent du niveau de revenus, du statut
social et des charges comme le nombre d’enfants. Cela permet à tous, même aux les plus
démunis, d’être couverts et de bénéficier d’une prise en charge. Nous pouvons également
évoquer l’engagement à contribuer par une partie de PIB à l’aide publique au développement
(APD) pris par les pays riches dits du Nord envers les pays moins riches dits du Sud.
2.3. Efficacité économique
Partout, l’économie doit être performante, porteuse d’innovation, favorable au progrès social
et respectueuse de l’environnement. Il s’agit pour chaque structure de favoriser la
consommation de biens et de services moins dommageables pour l’environnement. Cela se
traduit dans les actions par exemple par le fait de :
- privilégier le plus possible l’achat de produits locaux, afin de contribuer à la santé
économique des collectivités et des régions ;
- acquérir de préférence des produits durables ayant le moins d’emballages possible
et recyclables ou réutilisables ;
- réviser et améliorer les processus organisationnels afin de les rendre plus efficaces.
2.4. Participation, engagement et droit à l’information
La participation et l’engagement sont des principes nécessaires pour définir une vision
concertée du développement, tant de la part des citoyens que des groupes qui les représentent.
A ce propos, ce principe est clairement énoncé dans l’agenda 21 en ces termes : « L'un des
principaux éléments indispensables à la réalisation du développement durable est une large
participation du public à la prise de décisions » (Agenda 21, chapitre 8). Il permet d’assurer
la durabilité du développement sur les plans environnemental, social et économique. Chacun,
quel que soit son statut social, sa profession, son genre, doit prendre part aux actions afin
d’assurer une réussite aux initiatives durables. De plus, l’importance de la participation des
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femmes, des enfants et des jeunes, des peuples autochtones, des organisations non
gouvernementales, des collectivités locales, des travailleurs et des syndicats, du commerce et
de l’industrie, de la communauté scientifique et technique, et des agriculteurs est reconnue par
l’Agenda 21.
Ce principe en sous-tend un autre qui lui est étroitement lié : le droit à l’information.
Pour inciter les membres d’une société donnée à adopter ce double principe, il convient de les
sensibiliser et de les informer afin de susciter leur participation et leur engagement dans les
activités diverses qu’elle réalise. Cela passe par exemple par la tenue de séances
d’information et de consultation publique, par la mise en place de comités-conseils, etc.
Le droit à l'information se définit comme le fait qu'une personne doive être informée des faits
ou décisions qui la concernent, de façon à ce qu'elle puisse agir en conséquence dans son
propre intérêt ou dans l'intérêt collectif. Ce principe est un des fondements de la démocratie
participative qui considère que la participation citoyenne « éclairée » est une des conditions
de la construction d'un développement durable. Le dixième principe de la déclaration de Rio
explicite le droit à l'information comme un moyen d'encourager la participation citoyenne aux
processus de décisions concernant la vie collective (Bourdages, 1997).
Ainsi, la déclaration de Rio stipule clairement que : « La meilleure façon de traiter les
questions d'environnement est d'assurer la participation de tous les citoyens concernés, au
niveau qui convient. Au niveau national, chaque individu doit avoir dûment accès aux
informations relatives à l'environnement que détiennent les autorités publiques, y compris aux
informations relatives aux substances et activités dangereuses dans leurs collectivités, et
avoir la possibilité de participer aux processus de prise de décision. Les États doivent
faciliter et encourager la sensibilisation et la participation du public en mettant les
informations à la disposition de celui-ci » (p.2)11
.
Il est donc nécessaire de faciliter la participation de tous en rendant les règles les plus claires
possible et les processus transparents et flexibles, en faisant attention à la représentativité de
tous les groupes, en utilisant les technologies de l’information et de la communication.
Sur le plan concret il s’agira, par exemple, pour une collectivité, de veiller à la participation
des parties prenantes dans les processus d’évaluation et d’amélioration. Lors de l’évaluation
11
http://www.un.org/french/events/rio92/rio-fp.htm
Page 65
pour l’acquisition d’un label Développement durable, la ville de Nanterre a mis en place des
réunions d’informations et des actions impliquant toutes les parties prenantes telles que les
associations, les universités, les entreprises, la région île de France, les employés, les
fournisseurs etc.
Un autre exemple est le système de mise en place de mesures de reconnaissance et de soutien
pratiqué par certaines entreprises (primes, bons d’achats, chèques cadeaux…) à l’égard des
employés qui font du bénévolat et par certaines universités envers les étudiants qui
s’investissent dans l’associatif et le bénévolat (bonus, points, ECTS).
2.5. Accès au savoir
Toute organisation doit permettre à ses membres d’accéder au savoir et de le renouveler tout
au long de sa vie. De plus, elle doit encourager les mesures favorisant l’éducation, l’accès à
l’information et la recherche de manière à stimuler l’innovation et ainsi améliorer la
sensibilisation et la participation du public à la mise en œuvre du développement durable.
L’accès au savoir peut se traduire, pour une entreprise donnée, par la création d’activités telles
que des conférences, des séminaires et ateliers de formation. Ou, pour une collectivité,
l’intégration, dans les programmes scolaires ou autres situations d’apprentissage, de modules
d’acquisition de connaissances traitant du développement durable et de ses principes.
Il passe aussi par le fait d’encourager la mise en place de communautés de pratiques qui ont
pour but d’améliorer les méthodes pédagogiques. C’est le cas d’un collège français, en 2015,
dans lequel les enseignants se sont s’appuyés sur les personnages de la Saga Star wars pour
améliorer et conforter l’apprentissage de l’histoire, de l’art, de l’informatique, des sciences
physiques et des mathématiques auprès de jeunes collégiens.
2.6. La Subsidiarité
Ce principe concerne la délégation de pouvoirs et de responsabilités à des niveaux d’autorité
correspondant aux lieux de décision les plus proches des citoyens et des communautés
concernées.
Page 66
Pour Jacquemot (2015), cela suppose que la question de l’efficacité soit réglée au niveau où
elle se pose, et non à un niveau supérieur sauf en cas d’incapacité. L’auteur ajoute que la
subsidiarité concerne les questions de décentralisation, de délégation et de déconcentration.
Elle suppose un transfert de compétences, par exemple, des Etats aux collectivités
territoriales. Elle fait appel aux règles de coopération entre différentes échelles de
gouvernance impliquant un fonctionnement en réseau plutôt que hiérarchique.
De manière concrète, ce principe peut se traduire, pour une direction, par le fait de préciser les
rôles et responsabilités des différents niveaux d’autorité ; de faire connaître les rôles respectifs
et de favoriser le partage des responsabilités entre les différentes parties prenantes ; de
promouvoir une approche de gestion axée sur l’autonomie et la transparence.
2.7. Partenariat et coopération intergouvernementale
Un partenariat est défini comme « une alliance entre deux ou plusieurs intervenants qui, tout
en maintenant leur autonomie, acceptent de mettre en commun leurs efforts en vue de réaliser
un projet dans lequel, en vertu de leur mission respectives, ils ont un intérêt, une
responsabilité, une motivation, voire une obligation » (Jacquemot, 2015, p. 339). Il repose sur
l’équilibre de la relation entre les parties, un diagnostic partagé, des règles acceptées, des
capacités respectivement complémentaires et l’équitable répartition des risques à prendre.
C’est à ces conditions qu’un partenariat peut donner des résultats positifs et créer une réelle
synergie (Groupe Initiatives12
, 2014). Il est la voie privilégiée de la coopération internationale
dans des domaines comme l’aide au développement.
La coopération intergouvernementale suppose l’établissement de relations bilatérales de long
terme entre gouvernements des pays du monde. Elle joue souvent un rôle important dans le
renforcement des capacités techniques et institutionnelles par le partage de connaissances, la
lutte contre le terrorisme et pour des problématiques communes telles que les questions
d’immigration, de changement climatique, etc. (Jacquemot, 2015). Les gouvernements
12
Collectif membre de Coordination SUD créé en novembre 1993, il rassemble dix associations professionnelles
de solidarité internationale et d’appui au développement, réunies afin d’unir et partager leurs expériences et leurs
savoir-faire : Apdra pisciculture paysanne, AVSF, Ciedel, Essor, Geres, Gevalor, Grdr, Gret, ID, Iram. Il est une
force de proposition de services et d’innovations en matière de coopération et de développement : études et
évaluations, conduite de projets, contribution aux politiques, recherche-action, formation.il agit avec les acteurs
du Sud, en privilégiant la dignité du citoyen à l’assistanat, le renforcement des capacités à la substitution, la
contribution aux politiques publiques au recyclage de modèles inadaptés, le travail avec les secteurs politiques et
économiques à l’opposition stérile.
Page 67
doivent collaborer afin de rendre durable le développement sur les plans environnemental,
social et économique. Les actions entreprises sur un territoire donné doivent prendre en
considération leurs impacts à l’extérieur de ce territoire.
Dans ce principe il s’agit de manière concrète de déterminer, par exemple, si des partenaires
appartenant à d’autres paliers de gouvernement sont concernés en vertu d’ententes, de lois,
d’habitudes, de champs d’action, etc. ; de tenir des rencontres d’échanges entre les élus de
différents paliers de gouvernement qui œuvrent sur un même territoire ; d’établir des ententes
de partage de l’équipement collectif entre la commission scolaire et la municipalité dans les
domaines du loisir, du sport, du transport, etc.
2.8. Prévention
Pour Boudages (1997), ce principe se définit par la notion de prudence. Il s'applique pour
toute situation à risque connue et comportant des dommages prévisibles. La prévention est un
des moyens d'intervention privilégiés de l'action publique, notamment dans les domaines de
l'environnement, de la santé, de la sécurité routière ou de l'action sociale. On peut citer à titre
illustratif la prévention des risques naturels et technologiques souvent mise en place par les
politiques des ministères en charge de l'environnement, et, pour une entreprise, le fait
d’afficher les procédures de maniement d’un matériel et d’évacuation afin de prévenir les
risques d’accident de travail.
Le principe de prévention concerne également chacun d’entre nous au quotidien, dans les
situations où nous faisons preuve de prudence afin d'éviter un accident domestique ou encore
pour des raisons sanitaires.
Il peut correspondre à des interdictions (par exemple, l’interdiction de fumer dans un avion,
de rejeter des déchets ou des substances polluantes dans la nature) et des incitations des
citoyens. Ainsi, la résidence du Groupe Espacil Habitat de Maisons Laffitte est à l’initiative
d’affichages incitant les locataires à la collecte sélective des déchets. On peut également citer
les réductions dans le prix d’achat de véhicules moins polluants.
En présence d’un risque connu, des actions de prévention, d’atténuation et de correction
doivent être mises en place, en priorité à la source.
Page 68
Pour ce faire, il faut repérer les facteurs de risques, les caractériser et augmenter notre niveau
de connaissances ; identifier les groupes vulnérables en fonction des facteurs de risque ;
élaborer et mettre en œuvre des stratégies de prévention efficaces.
Au Gabon, c’est dans le cadre du principe de prévention que le Ministère de la santé initie
depuis plus d’une décennie des campagnes de sensibilisation et de prévention à la pandémie
du VIH-SIDA. Celles-ci passent par des distributions de préservatifs, l’encouragement des
jeunes à retarder le plus tard possible le début de l’activité sexuelle etc. Le Ministère de la
santé distribue également des moustiquaires imprégnées d’anti-moustiques dans les maternités
et autres services sanitaires aux familles économiquement faibles afin de prévenir le
paludisme. Dans le cadre du travail, les entreprises de transport fluvial ont l’obligation de
fournir des gilets de sauvetage, tant pour les clients que pour leur personnel, afin de prévenir
des risques de noyade.
2.9. Précaution
Alors que la prévention concerne des situations à risque avéré comportant des dommages
prévisibles, la précaution concerne des situations à risque potentiellement grave et irréversible
pour lesquelles les preuves scientifiques ne sont pas nécessairement disponibles.
Ce principe soutient que lorsqu’il y a un risque de dommage grave ou irréversible, l’absence
de certitude scientifique ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de
mesures efficaces visant à prévenir une dégradation de l’environnement. Il précise qu’il ne
faut pas s’abstenir lorsqu’il existe des raisons suffisantes de croire qu’une activité ou une
décision risque de causer des dommages graves et irréversibles à grande échelle. Ce principe a
deux domaines d’action privilégiés, la santé et l’environnement (Jacquemot, 2015)
Soulignons que ce principe de précaution relève, en premier lieu, des autorités publiques et
s'applique dans des situations précises pour faire face à des risques importants. La déclaration
de RIO précise ce principe : « Pour protéger l'environnement, des mesures de précaution
doivent être largement appliquées par les États selon leurs capacités. En cas de risque de
dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas
servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir
la dégradation de l'environnement ».
Page 69
A titre d’exemple, la France a interdit la commercialisation des produits contenant des OGM13
dans le cadre d’une mesure de précaution.
Là où on parlera de prévention nucléaire dans la mesure où les risques et les méfaits pour la
santé humaine et pour l’environnement sont avérés, on évoquera la précaution concernant les
OGM, parce que, actuellement, les risques associés aux OGM ne le sont pas encore prouvés.
Pour ce faire, il est indispensable d’évaluer les effets de l’action et déterminer la nature des
risques, et, le cas échéant, d’élaborer des mécanismes permettant de mieux informer la
population et de déterminer des critères d’attribution de subventions qui permettent de
considérer les risques identifiés.
2.10. Protection du patrimoine culturel
La protection du patrimoine culturel est un principe qui découle de la conférence générale de
l’UNESCO14
datant de octobre-novembre 1972. Ces recommandations proviennent du constat
selon lequel le patrimoine culturel et naturel est menacé de disparition à cause des
dégradations traditionnelles mais aggravé par l’évolution de la vie sociale et économique.
Cette disparition constituerait un appauvrissement considérable, néfaste pour tous les peuples
du monde car le patrimoine culturel et naturel est un bien universel, porteur de valeurs
universelles. Il est donc du ressort de la collectivité internationale toute entière de participer à
sa préservation. Sa protection passe par l’octroi d’une assistance collective qui complètera
efficacement les actions des Etats se sentant concernés par les dégradations.
Le patrimoine culturel, constitué de biens, de lieux, de paysages, de traditions et de savoirs,
reflète l’identité d’une société. Ce sont par exemple les monuments (œuvres architecturales,
de sculpture ou de peinture monumentales, structures à caractère archéologique, inscriptions,
grottes et groupes d’éléments qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de
l’histoire, de l’art ou de la science), les ensembles (groupes de constructions isolées ou
réunies qui, en raison de leur architecture, de leur unité, ou de leur intégration dans le
paysage, ont une valeur universelle historique, artistique ou scientifique), les sites (œuvres de
l’homme ou œuvres conjuguées avec la nature, et zones incluant des sites archéologiques qui
ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue esthétique, ethnographique,
13
Organismes génétiquement modifiés 14
United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization
Page 70
anthropologique ou historique). Le patrimoine culturel transmet les valeurs d’une société de
génération en génération et sa conservation favorise le caractère durable du développement. Il
importe d’assurer son identification, sa protection et sa mise en valeur, en tenant compte des
composantes de rareté et de fragilité qui le caractérisent.
Pour une entreprise, cela peut se traduire par le fait d’intégrer des critères de protection et de
valorisation du patrimoine culturel dans les grilles d’analyse de projets, comme la
revitalisation du patrimoine bâti, l’accessibilité des sites patrimoniaux aux populations
avoisinantes. Ou le fait d’adopter une approche de concertation entre les citoyens, les
employés, les élèves et les groupes communautaires dans des projets de conservation ou de
valorisation du patrimoine culturel. C’est ainsi qu’au Gabon les entreprises pétrolières qui
s’installent sur la baie d’Odimba, s’engagent, en concertation avec les populations locales, à
veiller à la restauration de l’église de Sainte Anne d’Odimba située dans la province de
l’Ogooué Maritime, plus spécifiquement au Fernand Vaz. Cette église est un monument
classé dans le patrimoine culturel gabonais et site protégé par la convention de l’UNESCO.
2.11. Protection de l’environnement, Préservation de la biodiversité
et conservation des ressources
Les organisations sont incitées à mettre en place des moyens permettant de protéger
l’environnement et de diminuer les nuisances. En d’autres termes il s’agit pour elles
d’élaborer des politiques qui réduisent leur empreinte écologique. Concrètement par exemple
une organisation peut diminuer sa consommation d’énergie et de produits à base d’énergies
fossiles, éviter les pollutions par le tri, le recyclage et la réutilisation des objets, etc.
Cette protection passe également par la préservation de la biodiversité. Encore appelée
diversité biologique, la biodiversité représente la pluralité des espèces vivantes animales et
végétales. Celle-ci se définit à trois niveaux : la diversité des espèces, la diversité génétique et
la diversité des écosystèmes (Jacquemot, 2015). Elle constitue donc un système complexe et
dynamique qui réagit au développement humain et auquel s’adaptent les systèmes humains
(Ostrom, 2005). Nous nous devons de la conserver pour les générations actuelles et futures.
En effet, le maintien des espèces, des écosystèmes et des processus naturels, qui entretiennent
la vie est essentiel pour assurer la qualité de vie des citoyens. La biodiversité est un
patrimoine et aussi un savoir commun. Elle est à la fois une ressource locale et un bien public
Page 71
commun. Elle a toujours permis la pratique des activités comme la pêche, l’agriculture, la
pharmaceutique, activités qui aujourd’hui se retrouvent menacées par les activités humaines
qui intensifient les agressions de type dérèglement climatique, dégradation des milieux
naturels aquatiques, terrestres et forestiers, surexploitation des ressources naturelles,
intensification agricole, pollutions et urbanisation.
L’importance de ce principe a encore été affirmée en 2010, lors de la convention sur la
diversité biologique qui a défini des objectifs précis sur l’utilisation des ressources génétiques
de la planète, les connaissances traditionnelles associées à ces ressources et aux bénéfices ou
avantages découlant de leur usage (Jacquemot, 2015).
Concrètement, ce principe peut se traduire par le fait d’identifier des espèces menacées ou
vulnérables et de prendre des mesures pour leur protection. Ainsi, au Gabon, depuis quelques
années, quinze nouvelles espèces ont intégré la liste des vingt-cinq animaux intégralement
protégés. De ce fait, leur chasse, leur capture, leur détention, leur commercialisation et leur
transport sont interdits. Ce sont l’éléphant, la baleine à bosse, l’hylochère, le buffle, le
mandrill, le drill, le picatharte à cou gris, la tortue luth, la tortue verte, la tortue olivâtre, la
tortue imbriquée, le crocodile du Nil, le crocodile nain et le faux gavial.
Nous pouvons aussi citer les actions de sensibilisation des élèves, des enseignants et des
employés à la valeur écologique de la biodiversité et des écosystèmes dans leur milieu de vie.
Par exemple, l’entreprise Total Gabon mène des campagnes de sensibilisation à l’importance
de la biodiversité et de sa préservation dans les écoles, les villages et en direction de ses
employés. Elle a à cet effet effectué des études de recensement de certaines espèces animales
et végétales rares.
Comme le souligne Bourdages (1997), la concrétisation du développement durable suppose
que l'on puisse préserver la diversité biologique, maintenir les processus écologiques et les
systèmes entretenant la vie et utiliser de façon durable les espèces et les écosystèmes. Un
développement durable doit donc être basé sur la conservation des ressources et recourir à des
mesures énergiques qui permettront de protéger la structure, les fonctions et la diversité des
systèmes naturels dont dépend la vie.
Ces mesures doivent viser les trois dimensions de la biodiversité (espèces, patrimoine
génétique et écosystèmes). Par conséquent, la capacité de renouvellement des ressources
naturelles telles que les sols, les espèces sauvages et domestiques, les forêts, les pâturages et
Page 72
les terres agricoles, les eaux douces et les écosystèmes marins étant limitée, elle ne doit pas
être compromise. Et, dans le cas des ressources non renouvelables, il faut s’assurer de
prolonger leur durée de vie en développant et en utilisant des technologies plus performantes
et plus propres et en privilégiant les techniques de réutilisation et de recyclage.
Au niveau individuel, cela nécessite un changement dans les comportements, les attitudes, les
valeurs des individus. Il s’agira pour les collectivités et les entreprises de fournir à chacun les
moyens véritables de mieux le gérer. Au niveau des États, cela nécessite la mise en place
d’approches qui intègrent le développement durable et la conservation des ressources, en
s’appuyant sur les informations et les connaissances scientifiques dont on dispose et sur les
instruments juridiques et institutionnels de chaque Etat. Enfin, au plan international, il faut
favoriser l'élaboration, l'adoption et la mise en œuvre de conventions et protocoles relatifs à
l'environnement et aux ressources naturelles.
2.12. Production et consommation responsables
Le principe de production et consommation responsable vise à apporter des changements dans
les modes de production et de consommation pour les rendre plus viables et plus responsables.
Ces changements doivent s’opérer notamment sur les plans social et environnemental par
l’adoption d’une approche d’éco efficience, qui évite le gaspillage et qui optimise l’utilisation
des ressources. Ce principe est énoncé en s’appuyant sur le constat selon lequel la production
et la consommation de biens et de services sont parmi les causes majeures de la dégradation
de l’environnement et du changement climatique. La production responsable et la
consommation responsable sont en étroite interaction. La production responsable se
caractérise par la prise en compte des aspects sociaux et environnementaux des produits tout
au long de leur cycle de vie (production, distribution, utilisation, traitement). C’est à dire de
leur conception à leur fin de vie.
La consommation responsable pose la question du sens éthique et de l’utilité sociale. Comme
stipulé dans le site internet Ventura, le consommateur doit adopter une démarche réfléchie et
responsable ; il doit se poser la question de l’utilité et de la nécessité de l’achat d’un produit et
réfléchir sur les conséquences sociale et environnementale de ses actes. Il devient ainsi un
éco-consommateur, voire un consom’acteur, c’est-à-dire quelqu’un qui n’est plus passif dans
ses actes de consommation ; il impulse des changements non seulement dans ses propres
Page 73
comportements et ceux de son entourage mais aussi, à plus large échelle, dans les pratiques
des entreprises de production et sur la nature et la qualité des produits.
Ainsi va-t-il par exemple s’informer sur la provenance des produits et sur les méthodes mises
en place pour leur fabrication ainsi que sur les impacts socio-environnementaux de la chaine
de fabrication de ces produits (fabrication très polluante, pratiques de production peu
scrupuleuses comme le fait de faire travailler des enfants…) et encourager les bonnes
pratiques environnementales en sensibilisant son entourage. Il va également avoir une
préférence pour les produits naturels et Bio issus du commerce équitable, dénoncer les
mauvaises pratiques et boycotter les produits et entreprises qui ne respectent pas les valeurs
de développement durable dans leurs pratiques.
2.13. Internalisation des coûts
L’internalisation des coûts est un principe qui stipule que la valeur des biens et des services
doit refléter l’ensemble des coûts que ces biens occasionnent à la société durant tout leur cycle
de vie, de leur conception jusqu’à leur consommation et leur utilisation finale. Il découle du
concept d’externalité introduit en 1932 par Pigou pour corriger l’incapacité du marché à
prendre en charge les problèmes liés à la dégradation de l’environnement et à la répartition
des revenus. Pigou le définit comme « un effet de l’action d’un agent économique sur un
autre qui s’exerce en dehors du marché » (cité par Crozet, 1997, p. 191).
On parle d’externalité de coûts lorsqu’une activité induit des coûts. C’est le cas par exemple
de la pollution dont le coût n’est généralement pas pris en compte dans le prix final du
produit. De même, le prix du blé ne comprend pas le coût de la pollution des nappes
phréatiques par le lisier des élevages industriels. On parle alors d’externalité négative. En
d’autres termes, dans l’activité d’une entreprise, l’externalité négative renvoie à la prise en
compte dans les calculs d’opportunité des coûts associés à la dépollution ou à la dégradation
de l’environnement (Breuil, 2001). Dans le cas des bénéfices qu’une entreprise investit dans
la recherche-développement, on parle d’externalité positive dans la mesure où ces
investissements seront source d’innovations, de procédés et autres biens nouveaux.
Les entreprises peuvent adopter des mesures de compensation des externalités pour limiter
des impacts environnementaux qu’elles génèrent. Par exemple, elles peuvent planter des
arbres afin de compenser la consommation de papier.
Page 74
2.14. Pollueur payeur
Le principe du pollueur-payeur à la source est un concept économique qui a été adopté par
l’OCDE en 1972, avec pour objectif d'imputer dans les coûts des services et produits, les
coûts associés à la lutte contre la pollution. Il est un des principes essentiels qui fondent les
politiques environnementales des pays développés. Encore appelé principe de Pigou, il
consiste à faire payer les coûts des dégradations ou les mesures nécessaires pour les éliminer
par les entreprises qui les engendrent (Jacquemot, 2015). Ces dégradations sont dues aux
activités des entreprises et sont aussi nommées « externalités » (Pigou, 1920, cité par Crozet,
1997). En d’autres termes, les personnes, physiques ou morales, qui génèrent de la pollution
ou dont les actions dégradent de quelque manière que ce soit l’environnement doivent
assumer leur part de responsabilité en payant les coûts des mesures de prévention, de
réduction et de contrôle des atteintes liées à la qualité de l’environnement et la lutte contre ces
atteintes. Ce principe est à la base par exemple de l’écotaxe et de la taxe carbone.
Ce principe concerne les activités publiques ou privées, les entreprises, les ménages et chacun
d'entre nous.
Pour sa prise en compte il convient de mettre en place des mesures de réduction de la
pollution déjà existante, de sensibiliser au principe de pollueur payeur et d’intégrer dans les
appels d’offres des critères de prévention de la pollution en cas d’accident ou de négligence.
En somme, les autorités nationales devraient s'efforcer de promouvoir l'internalisation des
coûts de protection de l'environnement et l'utilisation d'instruments économiques, en vertu du
principe selon lequel c'est le pollueur qui doit, en principe, assumer le coût de la pollution.
2.15. Le principe de gouvernance en faveur du développement
durable humain dit « de bonne gouvernance »
La « bonne gouvernance » est un principe qui est apparu plus tardivement. C’est un
paradigme du développement durable des années 2000 (Jacquemot, 2015). La Déclaration de
New Delhi118, dans son principe 6, considère la bonne gouvernance comme essentielle au
développement progressif et à la codification du droit international relatif au développement
durable. Ce principe est défini comme un cadre règlementaire, institutionnel et des pratiques15
15
Et notamment en fixant des limites et les procédures des incitations concernant les individus, les organisations et les entreprises
Page 75
(Rapport Mondial sur le développement Humain, 1999). Conçu comme un processus au cœur
des politiques du développement durable, il fait ainsi référence à la gouvernance
démocratique (Miesel et Aoudia, 2008), définie comme un mélange complexe d’arrangements
institutionnels entre l’Etat, les entreprises, les communautés, la société civile à différentes
échelles, tant locale, régionale, que nationale, qui fournit des complémentarités et des
synergies facilitant la mise en application d’une bonne gestion ou du bon fonctionnement
(Ostrom, 1990).
Les caractéristiques indispensables à la « bonne » gouvernance sont stipulées dans la
définition proposée par le PNUD16
(1997) dans laquelle la gouvernance en faveur du
développement durable humain est « l’exercice de l’autorité politique, économique et
administrative dans le cadre de la gestion des affaires d’un pays à tous les niveaux. Elle
comprend les mécanismes, les processus, les relations au moyen desquels les citoyens et les
groupes articulent leurs intérêts, exercent leurs droits et assument leurs obligations et
auxquels ils s’adressent pour régler leurs différends. La bonne gouvernance se caractérise
notamment par la participation, la transparence et la responsabilité. Elle favorise la primauté
du droit. La gouvernance englobe le secteur privé et la société civile ». (Rapport PNUD, p.
119).
Au-delà des aspects institutionnels, une « bonne » gouvernance intègre l’ensemble des
mécanismes de coordination sociale qui participe à l’action politique. Selon Châtaigner et
Magro (2007), il s’agit d’aider une société à repenser son propre mode d’action collective afin
de mettre en place les modalités de réponse les plus adaptées aux défis auxquels elle doit faire
face. En pratique cela consiste à assurer une participation effective des populations à la
définition et à la mise en œuvre des politiques publiques.
En résumé, la bonne gouvernance signifie « efficacité de l’action publique » (Jacquemot,
2015, p. 233).
Ce principe de bonne gouvernance est lié au principe de participation ainsi qu’au principe
d’équité, dans la mesure où il incite les Etats et les organisations internationales signataires à
adopter des procédures de prises de décision démocratiques et transparentes. Les Etats qui ont
signé la charte de l’Organisation des Nations Unies sur les droits et les responsabilités des
pays dans le domaine de l’environnement et du développement durable s’engagent à respecter
16
Programme des Nations Unies pour le Développement
Page 76
les règles régissant la responsabilité financière, à lutter contre la corruption officielle, à
respecter la légalité dans leurs procédures et la primauté du droit et des droits de l’homme.
Enfin, les Etats et les organisations internationales signataires de la charte des Nations Unies
sur les droits et les responsabilités des pays dans le domaine de l’environnement et du
développement durable sont encouragés à mettre en place un système de passation des
marchés publics conforme au Code des Marchés Publics de l’OMC17
. De même, les
entreprises sont incitées à se référer au code de l’OMC, pour respecter les règles concernant la
responsabilité sociale des entreprises et les investissements socialement responsables.
2.16. L’agenda 21
L’agenda 21 voit le jour lors du sommet de la Terre encore appelé sommet de Rio (3-14 Juin
1994) et pose les bases du développement durable en termes de progrès social, économique et
environnemental (Flipo, 2007). Il concerne les plans locaux en matière d’environnement et de
développement durable que les autorités locales (territoires, collectivités, villes,
départements…) doivent mettre en place au moyen d’un processus de consultation publique
en veillant particulièrement à la participation des femmes et des jeunes. Il joue ainsi un rôle
essentiel au niveau le plus proche des populations, notamment dans l’éducation, la
mobilisation et la prise en compte des points de vue du public ; il souligne l’importance des
collectivités locales et s’avère être un document stratégique, partagé et évolutif dans la mise
en place d’un développement durable et responsable (Zana, 2009).
C’est un programme d’action pour le XXIème siècle reflétant un consensus entre 173 pays et
un engagement politique sur la coopération en matière de développement et d’environnement.
Ses objectifs sont définis en quatre sections traitant de l’économie, des ressources, des
moyens et des groupes sociaux (Bürgenmeier, 2008). Ces sections sont réparties ainsi :
- Section 1 : Les questions sociales et économiques comme la lutte contre la pauvreté,
le changement dans les modes de consommation, la santé publique, la dynamique
démographique, la coopération internationale.
- Section 2 : La conservation et la gestion des ressources pour aboutir à un
développement comme la lutte contre la désertification, le déboisement et la
17
Organisation Mondiale du Commerce
Page 77
sécheresse, la protection de l’atmosphère, la promotion d’une agriculture et un
développement rural durables, la conservation et la protection de la biodiversité, des
ressources des eaux douces et des océans et la bonne gestion des produits chimiques
toxiques et des déchets dangereux.
- Section 3 : Le renforcement du rôle de ce que Flipo nomme les « grands
groupes » (Flipo, 2007, p. 53). Il s’agit des groupes que forment les femmes, les
enfants et les jeunes, les peuples autochtones et leurs collectivités, les ONG, les
autorités locales, les travailleurs et leurs syndicats, les agriculteurs, les entreprises et
industries, la communauté scientifique et technologique.
- Section 4 : Les moyens d’exécution constitués par les ressources et les moyens
financiers, la promotion de l’éducation, de la sensibilisation et de la formation du
public, le transfert des écotechnologies, les dispositions internationales avec les
instruments et mécanismes juridiques internationaux et l’information pour la prise de
décisions.
L’agenda 21 constitue aujourd’hui l’instrument privilégié et le plus usuel des politiques
territoriales en matière de développement durable. Ce choix se justifie par deux raisons :
- d’une part il permet à une collectivité donnée de préétablir les grandes orientations à
suivre à moyen et long terme. Ces orientations bien souvent inspireront les différentes
politiques locales.
- d’autre part il impulse une dynamique porteuse de valeurs telles que la valeur de
partage, d’implication de tous, en s’appuyant sur une démarche participative et un
diagnostic partagé. En effet, il renforce la participation directe des citoyens dans
l’élaboration des projets et la prise de décision au travers d’une forme de démocratie
participative. Il permet également l’évaluation régulière des progrès accomplis par les
différentes structures.
Page 78
2.17. Les normes porteuses de valeurs de développement durable :
exemple de l’ISO 26000.
Dans le cadre organisationnel, le développement durable correspond à l’intégration des
préoccupations sociales, économiques et environnementales dans les activités des entreprises.
Développement durable et responsabilité des sociétés sont donc étroitement liées.
A l’inverse d’une réglementation qui est l’expression d’une loi, d’un règlement relevant des
pouvoirs publics et dont l’application est imposée, une norme est un document de référence
approuvé par un institut de normalisation (exemple de l’AFNOR18
) définissant des caractères
et des règles volontaires applicables aux activités et fruits d’un consensus entre l’ensemble
des parties prenantes d’un secteur d’activité et concernant tout type d’organisation (Groupe
AFNOR, 2011).
L’ISO 26000 est la norme internationale de responsabilité sociétale. Elle est définie comme
« la responsabilité d'une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et activités sur la
société et sur l'environnement, se traduisant par un comportement éthique et transparent qui
contribue au développement durable, y compris à la santé et au bien-être de la société; prend
en compte les attentes des parties prenantes; respecte les lois en vigueur tout en étant en
cohérence avec les normes internationales de comportement; est intégré dans l'ensemble de
l'organisation et mis en œuvre dans ses relations » (Norme Française ISO 26000, 2010, p.
23). Elle traduit donc la responsabilité des organisations vis-à-vis des effets qu’elles exercent
sur la société (Commission Européenne, 10/2011) ; les entreprises se doivent ainsi de
recenser, prévenir et atténuer les effets négatifs potentiels qu’elles pourraient avoir
(Jacquemot, 2015). Ce qui n’est pas sans avantage pour les organisations puisque l’adoption
de la norme ISO 26000 permet l’innovation (Porter, 1991) et renforce l’adhésion, en interne et
avec les collaborateurs externes, aux valeurs éthiques de développement durable.
L’ISO 26000 fournit des lignes directrices sur la responsabilité sociétale pour tout type
d’organisation, quelle que soit sa taille ou sa localisation. Elle définit les termes, les principes,
les pratiques et les questions centrales de la responsabilité sociétale ainsi que la façon de
l’intégrer dans l’organisation. Elle a vocation à aider les organisations à contribuer au
développement durable en les encourageant à aller au-delà du respect de la loi de leur pays;
elle permet également de promouvoir une compréhension commune dans le domaine de la
18
Association Française de Normalisation
Page 79
responsabilité sociétale et de compléter les autres instruments et initiatives de responsabilité
sociétale, mais non de les remplacer.
Lors de son application, l'organisation se doit de prendre en considération les différences
sociétales, environnementales, juridiques, culturelles, politiques du milieu dans lequel elle est
implantée ; elle doit également tenir compte de la diversité des secteurs d’activité qu’elle
implique ainsi que des différences de conditions économiques entre ces secteurs. Elle se doit
enfin de veiller à la cohérence de ses procédures avec les normes internationales de
comportement telles que, par exemple, celles exprimées dans la Déclaration universelle des
droits de l'Homme, la Déclaration de Johannesburg sur le développement durable.
L’adoption d’une démarche de responsabilité sociétale par une organisation a ainsi pour
principal objectif de maximiser sa contribution au développement durable (Rapport ISO
26000).
Une entreprise qui fait de la RSE19
prônera des valeurs telles que :
- la protection de la nature en participant à la gestion durable des forêts pour mieux
préserver cette ressource dont elle aura besoin ultérieurement ;
- la solidarité en prenant en charge la santé de son personnel et en mettant en place des
dispositifs de soutien aux salariés en difficultés ;
- l’égalité en traitant les femmes et les hommes de la même manière et en éliminant les
discriminations de genre.
En d’autres termes, une entreprise qui s’engage dans une démarche RSE doit se soucier à la
fois de sa rentabilité et de sa croissance, et de ses impacts environnementaux et sociaux ; elle
doit être attentive aux préoccupations des parties prenantes (salariés, actionnaires, clients,
fournisseurs, la société civile, les ONG…). Cela qui a l’avantage de lui permettre de réduire
l’écart qui peut exister entre les valeurs personnelles des salariés (le respect des droits de
l’homme, de l’environnement, la solidarité…) et les valeurs de l’organisation, dans un
contexte où les attentes des salariés et leurs relations à l’entreprise prennent des formes
nouvelles (Zana, 2009).
Dans une interview pour le magazine Durabilis20
, Roger Nifle de l’Institut Cohérences,
Institut d'Humanisme Méthodologique montre un lien de cohérence entre la Responsabilité
19
Responsabilité Sociale des Entreprises 20
MAGAZINE COOPÉRATIF : ENVIRONNEMENT, DÉVELOPPEMENT DURABLE & EMPOWERMENT
JUIN 2007 - N°2 Page 14
Page 80
Sociale des Entreprises, le système de valeurs de l’organisation et les différentes pratiques
d’évaluation au quotidien permettent de piloter des actions.
3. Les valeurs de développement durable en Afrique cas du Gabon
La question des valeurs de développement durable pose celle de la prise en compte de la
diversité versus de l’universalisme des valeurs. Le développement durable dans sa démarche
globalisante tend à nier une fois encore cette question de diversité, notamment celle qui
prévaut dans les pays d’Afrique. Ces pays, à l’exemple du Gabon, ont été bouleversés par des
valeurs occidentales qui n’ont pas toujours prévalu chez eux. Les politiques de développement
d’alors, remises en cause aujourd’hui, ont apporté leur lot de changements et n’ont dans leur
ensemble connu que des échecs. Des valeurs telles que la démocratie ont été imposées comme
facteur clé de développement. On a omis volontairement la question de la singularité de
chaque peuplade, de son environnement de vie et de ses pratiques.
Les règles de civilité prédéfinies par l’Occident devaient s’appliquer en Afrique car les règles
des pays africains étaient comprises comme l’expression d’une incivilité et donc de
barbarisme. Les valeurs et pratiques étant dès lors considérées comme inférieures, arriérées,
dépassées et devant à tout prix être abandonnées. Les savoirs locaux qui, pour beaucoup,
étaient respectueux de l’environnement ont été dénigrés. Par exemple, le lien privilégié avec
la forêt et les espèces animales a été considéré comme d’un autre temps. La vie en milieu
rural est devenue de plus en plus dévalorisée et signe d’une non civilisation. Aujourd’hui
encore on peut entendre le terme « villageois » qui, pour un Gabonais, ne qualifie pas « celui
qui vit dans un village » mais est le plus souvent employé comme une injure pour qualifier
une personne qui est restée par ses comportements attachée à une manière de vivre d’un autre
temps et considérée aujourd’hui comme « sauvage ». Nzamudjo (2010), à ce propos, dit
qu’au-delà des aspects positifs, l’Afrique d’aujourd’hui est en péril, passant de plus en plus
d’une richesse sous-développée à une pauvreté développée et évoque l’importance de la
valeur lucidité, seule voie permettant de participer en acteur à l’histoire réelle. Les causes
d’une telle situation sont extérieures (colonisation et néo-colonialisme, mainmise de
l’Occident etc.) mais aussi et surtout internes. On peut citer le manque de conscience du bien
commun et l’égoïsme des leaders politiques, le manque de dynamisme et de responsabilité de
Page 81
la population. Nzamudjo souligne aussi une mentalité pessimiste dans les pays de l’Afrique
francophone qui reflète un manque de confiance en soi. Cela consiste à considérer que les
autochtones ne sont rien et que c’est l’occidental qui peut tout, une philosophie de fuite et
d’autodénigrement qui bat en brèche les valeurs de confiance en soi, de courage, et bien
d’autres qui pourtant primaient auparavant (Nzamudjo, 2010). L’auteur note également une
faible préoccupation écologique due à la lutte pour la survie qui pousse les populations à mal
ou à surexploiter les ressources dont elles disposent, ce qui, par voie de conséquence,
occasionne des dommages environnementaux importants et la raréfaction des ressources.
Selon Nzamudjo, il ne s’agit pas d’idéaliser les valeurs passées en excluant les nouvelles
valeurs importées mais plutôt de tirer parti des deux types de valeurs pour intégrer le
développement durable dans les communautés. Cela devrait favoriser la diversité, le droit à
l’autodétermination et à une culture propre, car chaque culture a une manière particulière de
pratiquer le monde (Flipo, 2007).
Notons enfin que, ainsi que le souligne Allemand (2007), le développement durable n’est
peut-être pas vraiment une innovation dans la mesure où il s’appuie sur des pratiques
traditionnelles.
Page 82
CHAPITRE 4 : MODELES FORMALISANT LES LIENS ENTRE
VALEURS ET COMPORTEMENTS DURABLES
La place et l’importance des valeurs dans l’adoption des comportements favorables à
l’environnement a depuis longtemps été démontrée. Des théories comme celle de Weber
(1971) mettent en lumière l’importance des valeurs, non pas simplement comme un facteur de
passage à l’action, mais surtout comme une condition préalable pour l’acceptabilité de cette
action (Bozonnet, 2007). Cette théorie sociologique voit le partage de valeurs par les citoyens
d’un groupe ou société donnée comme une condition indispensable au bon fonctionnement et
à l’existence durable de tout type d’organisation. Elle conduit à considérer qu’il existe des
liens entre les valeurs, les pratiques individuelles et les politiques publiques. Ainsi, Weber
(1971) pense que, pour s’appliquer, les décisions d’un gouvernement doivent s’inscrire dans
la légitimité d’un système de valeurs. D’autres modèles comme la théorie culturelle et le
l’humanisme méthodologique vont également s’attacher à montrer l’influence des valeurs
dans les comportements durables individuels et d’entreprises mais surtout l’importance du
contexte socioculturel dans lequel elles sont définies, partagées et prennent tout leur sens et
qui souvent n’est pas universellement partagé.
Dans le champ de la psychologie, de nombreuses études et modèles (Maloney et Ward, 1973 ;
Schmuck & Schultz, 2002) ont mis l’accent sur les valeurs ou « visions du monde »
susceptibles de favoriser les comportements pro-environnementaux définis comme « les
comportements adoptés par un individu qui décide, de façon consciente, de minimiser ses
impacts négatifs sur les milieux naturel et construit » (Kollmus et Agyeman, 2002, p. 240).
Citons le travail de Vlek, Skolnik et Gattersleben (1998) qui a modélisé les conditions
d’engagement dans les comportements favorables à l’environnement en fonction des valeurs.
Ce chapitre présentera la théorie culturelle issue de la sociologie (1), puis la théorie de
l’humanisme méthodologique provenant de plusieurs domaines théoriques et pratiques
conjoints comme la philosophie, la méthodologie et la gestion des entreprises (2) et enfin
quelques modèles issus de la psychologie (3).
Page 83
I. La théorie culturelle
La théorie culturelle a été développée par Douglas dans les années 1970. Elle porte sur le rôle
de la culture dans la fabrication de l’ordre social et sur ce qui, dans la culture, guide et nourrit
les actions des individus. L’apport spécifique de l’analyse culturelle réside dans sa prise en
compte des croyances et des valeurs, dans la production du comportement ou de l’action. Ces
croyances et ces valeurs constitueraient une cosmologie implicite que les individus mobilisent
quand ils engagent des échanges et des transactions (Calvez, 2006). En définissant la culture
comme « la collection publiquement partagée de principes et de valeurs utilisés à chaque
moment pour justifier les conduites » (Douglas, 1986, p.67, cité par Calvez, 2006, p. 6),
Douglas insiste sur l’idée que le contexte culturel doit être pris en compte pour comprendre
les actions humaines. Par exemple, concernant la saleté et la souillure, il stipule qu’elles « ne
peuvent pas être uniquement analysées en tant que représentations, mais doivent être
rapportées aux contextes sociaux dans lesquels elles se déploient et analysées dans leur
contribution à la stabilisation des manières de faire qui les caractérisent » (p. .3).
La culture est ainsi un cadre de référence pour les individus d’une société donnée, qui la
façonnent et la transforment par leurs interactions. Dans ces échanges, ils mobilisent des
valeurs et des principes qui leur permettent d’agir avec les autres et de justifier leurs actions
selon des modalités qui peuvent être comprises et acceptées par tous (Clavez, 2006).
Ainsi, dans le cadre des comportements en lien avec l’environnement, la disposition à
s’engager dans des comportements écologiques dépend des valeurs et notamment des mythes
de la nature auxquels les individus adhèrent (Douglas et Wildavsky, 1982 ; Poortinga, Steg, et
Vlek, 2002 ; Thompson, Ellis et Wildavsky, 1990). La théorie culturelle distingue quatre
conceptions :
- la conception individualiste qui voit dans la nature un système robuste et
résilient, autrement dit inoffensif.
- la conception fataliste dans laquelle la nature est perçue comme imprévisible et
versatile.
- la conception hiérarchiste qui conçoit la nature comme tolérante et quelque peu
vulnérable.
- la conception égalitaire considérant la nature comme éphémère, fragile et
précaire.
Page 84
Les personnes se référant aux deux premières conceptions seraient peu enclines à s’engager
dans des comportements de protection de l’environnement. Celles défendant la troisième
conception auraient tendance à s’en remettre aux actions des autorités. Seules les personnes
adhérant à la dernière conception auraient une conscience environnementale élevée et
adopteraient plus facilement des comportements écologiques conséquents.
II. L’humanisme méthodologique
L’humanisme méthodologique est une théorie de la pensée par l’action issue de plusieurs
disciplines parmi lesquelles la philosophie, la psychologie sociale et l’anthropologie
culturelle. C’est une anthropologie philosophique, existentielle, humaniste, méthodologique et
appliquée. Ainsi, elle traite des questions relatives à l’homme et sa nature, à son existence, au
monde et à la réalité. Elle vise à comprendre le monde en tant que phénomène humain c’est-à-
dire ensemble d’expériences d’humanité partagées entre les hommes. En d’autres termes cette
théorie conçoit le monde comme régi par des expériences de recherche de consensus.
Elle s’appuie sur le concept de Sens et d’Existence. Nifle définit le Sens comme « le
principe qui s’actualise sous plusieurs modalités de sens » (Nifle, 2013,
www.journal.cohérences.com). C’est la disposition d’être de la personne à toujours
rechercher et à cultiver le bien21
, tant sur le plan personnel que collectif, et toute l’existence
de l’homme est tournée vers cette quête du bien. Parce que l’existence personnelle avec tous
ses enjeux est liée à l’existence collective, le Sens devient une instance plurielle rassemblée
en cohérences partagées.
L’Existence, quant à elle, peut être définie comme l’ensemble de toutes les situations vécues,
en fonction des expériences humaines tant affectives, comportementales que mentales.
Par ailleurs, l’auteur évoque la notion de Sens du bien commun)22
en tant qu’« indicateur
d’intérêt général et modalité de développement en vue de l’accomplissement de l’humanité
commune à un groupe » (Nifle, 2013, www.journal.cohérences.com). Ce Sens du bien
commun est un sens d’accomplissement humain et est lié au Sens et à l’Existence. Dans
l’expression « Sens du bien commun », le « bien » fait référence à ce qui est consensuel dans
un groupe. Ainsi, le Sens du bien commun implique qu’il y ait une “communauté de
21
Intérêt consensuel commun 22
Voir http://journal.coherences.com/article440.html
Page 85
référence” se basant sur le “meilleur Sens” social, culturel, humain, communautaire de cette
communauté, c’est-à-dire celui de son développement, de son empowerment, de sa vocation,
de ses ambitions, de ses compétences et son intelligence collective. Cette théorie conçoit
l’humain comme un être de Sens ; autrement dit, comme quelqu’un qui se réalise en mettant
en avant l’intérêt commun à travers des consensus partagés ou des expériences avec les autres
passant par un consensus. Ainsi, l’humanité de l’être humain se révèle lorsqu’il vit ses
expériences ou les réalités qu’il expérimente avec d’autres, en les confrontant à d’autres
réalités, et en recherchant un consensus. Ce sont ces expériences partagées et cette recherche
perpétuelle de consensus qui vont contribuer à la construction de son existence et le former à
faire face à ces réalités partagées. (Nifle, 2013). Pour l’auteur, qu’on soit en entreprise ou
dans un cadre social plus large, ces réalités partagées reposent ou devraient reposer sur le sens
du bien commun. C’est la recherche de ce dernier qui donne un sens à l’existence de
l’homme et qui est le fondement de l’organisation des projets et de l’existence humaine au
sein des communautés.
Cette théorie analyse les phénomènes qu’elle considère comme humains sous trois angles :
l’épistémologie (sur le plan de la connaissance), la praxéologie (sur le plan de la réalisation)
et l’axiologie (sur le plan des valeurs). C’est ce dernier angle que nous développerons dans
cette partie.
Les travaux de Nifle, et notamment son analyse de la notion de valeurs, ont permis
l’élaboration de la MRVP (Méthode des Référentiels de Valeurs Partagées). Les valeurs sont
les indicateurs du Sens du bien commun aux membres d’une communauté. Ce sont des
repères qui soutiennent la personne dans sa démarche, dans chaque situation vécue et
partagée. Elles sont donc relatives à une culture et toujours propres à une communauté. La
communauté étant un ensemble de parts d’humanité, elle représente en quelque sorte
l’universalité. Ainsi, si les valeurs sont relatives à une part de l’humanité, c’est donc qu’elles
sont quelque part universelles. L’auteur ajoute qu’en qualité d’indicateurs, les valeurs doivent
s’exprimer dans des termes significatifs non seulement de chaque culture, non seulement de
son Sens du bien commun mais aussi des circonstances et domaines dans lesquels elles
s’appliquent. Elles seront par conséquent politiques, éducatives, économiques et relatives à
toutes les modalités de la vie collective.
Par exemple la notion d’égalité peut prendre des sens différents selon les niveaux de maturité
des personnes ; il serait donc difficile voire ambiguë de l’appliquer de manière uniforme à
des humains tous différents et à des communautés infiniment variées. Il n’y aura d’égalité
Page 86
qu’en fonction d’une échelle de valeurs donnée, c’est-à-dire choisie comme référence
indicatrice du Sens du bien commun donné à cette notion d’égalité.
Ainsi, les valeurs doivent s’évaluer sur des échelles ; elles doivent être considérées comme
des référentiels partagés, mais également comme des vecteurs et des critères de valorisation
et d’évaluation.
Pour l’auteur, le système de valeurs intervient sur la question de l’évaluation. Dans la mesure
où une évaluation peut être considérée comme un jugement de pertinence, on va se demander
si cela va dans le « bon Sens », en d’autres termes dans le sens partagé par un groupe. C’est
aussi un diagnostic de cohérence qui permet au sujet de se poser la question de savoir si tout
concourt de façon rationnelle aux buts fixés par la collectivité. Mais c’est aussi une mesure de
performance selon des critères pertinents du “bon” Sens. Au travers de ces critères ou
référentiels de valeurs qui seront admis comme appropriés, une communauté pourra définir
ses valeurs et ces dernières pourront être partagées par tous. Ce sont ces critères de valeurs qui
vont servir à toute évaluation, tant personnelle que commune, et qui vont permettre de mieux
maitriser la conduite de projets personnels et ou collectifs et d’établir des échelles de valeurs
communes. Ces échelles vont à leur tour servir de guide dans l’amélioration des conditions,
modalités et réalisations de l’existence communautaire et de la participation de chacun.
Ainsi, le fait d’évaluer un travail, des compétences, une équipe, une situation, des
potentialités, une stratégie, un marché, une activité, etc..., revient à les confronter à une
échelle de valeurs. L'enjeu de l’évaluation étant la maîtrise individuelle et collective, le
professionnalisme, la capacité d’ajuster, d’améliorer, de progresser, il va de soi que sans
référentiel de valeurs il n’y a pas d’évaluation.
Au-delà des déclarations, intentions proclamées ou bonnes volontés, le partage des valeurs
est nécessaire pour que l’évaluation soit fructueuse sous peine de détruire les repères. Par
ailleurs, l’auteur souligne l’importance du contexte culturel et donc de la prise en compte des
valeurs partagées par un groupe donné dans la mise en œuvre d’une démarche RSE ou
démarche de développement durable. Selon lui, il faut que les référentiels soient adaptés aux
langages et aux contextes particuliers. Il précise également qu’on ne bâtit pas une
responsabilité sociale sur de grandes déclarations et des critères tellement universels qu’ils
ignorent la singularité, l’identité, la réalité concrète et humaine des situations locales.
Autrement dit, les valeurs ont une légitimité qui dépend de la communauté de référence sur
laquelle elles se fondent. Elles s’expriment ensuite selon des termes que les acteurs et les
Page 87
parties prenantes se sont appropriés, sauf à rester de pures abstractions ou, pire, des vecteurs
d’aliénation.
Ainsi, la responsabilité sociale de l’entreprise serait au fond son engagement dans le Sens du
bien commun de la “communauté de référence” où elle fonde sa légitimité et sa vocation. De
ce fait, elle ne s’exerce pas “à côté” de l’activité mais au travers de l’activité selon un système
de valeurs et d’évaluation cohérent ; elle est ancrée dans une communauté de référence
donnée.
La responsabilité sociale de l’entreprise est par conséquent indissociable de la responsabilité
économique et des enjeux politiques de développement, et notamment d’empowerment. Par
exemple la notion d’économie n’a de sens que dans un contexte communautaire, dans la
mesure où l'économie des “biens” et “services” ne s’évalue qu’en référence au Sens du bien
commun. Ainsi, il n’y a d’économie que communautaire.
En somme c’est à chacun de se tourner vers les valeurs propres, locales, singulières de la ou
des communautés de référence dans lesquelles il peut agir. Dans ce cadre, chacun peut trouver
des consensus sur le Sens du bien commun ; et la Responsabilité Sociale de l’Entreprise ou la
mise en œuvre d’une démarche développement durable au sein d’une entreprise a un Sens, le
sens qu’il faut, le bon23
.
Ces travaux issus de l’humanisme méthodologique vont dans le sens de la thèse que nous
soutenons selon laquelle le développement durable doit être contextualisé.
III. Quelques modèles issus de la psychologie
Ce n’est qu’à partir des années soixante-dix que les chercheurs se sont rendus compte que,
pour atteindre la durabilité, des changements étaient nécessaires au niveau des structures
sociétales mêmes. Une approche de type déterministe va prévaloir à cette époque dans les
travaux notamment en psychologie environnementale. Celle-ci considère que l’environnement
a un impact sur les individus et les groupes et que cet impact conditionne la perception,
l’évaluation, ainsi que les comportements que les personnes auront vis-à-vis de
l’environnement (Moser, 2003).
23
Bon sens dans la mesure où il est partagé par tous et fait office de valeur sociale
Page 88
De nombreux modèles (Hines, Hungerford et Tomera 1986 ; Boershig et DeYoung, 1993 ;
Hungerford et Volk, 1990) ont fourni des preuves empiriques convaincantes de l'utilité des
variables psychosociales dans la prédiction d’un comportement environnemental. Ces études
se sont souvent tournées vers l’intention d’agir comme facteur déterminant. Ainsi, selon
Flannery et May (2000), il est essentiel de saisir l’intention comportementale pour
appréhender les changements nécessaires à l’adoption d’un comportement durable.
D’autres modèles vont, quant à eux, voir dans les valeurs un facteur-clé explicatif des
comportements pro-environnementaux. Dans ce chapitre nous verrons plus particulièrement le
modèle des valeurs-croyances-normes proposé par Stern, Dietz, Abel, Guagnano et Kalof
(1999) et celui de Kollmuss et Agyeman (2002). Nous avons choisi de présenter ces modèles
parce que, non seulement ils mettent en exergue le lien entre la psychologie environnementale
et le développement durable à travers des recherches qu’ils ont initiées s, mais ils montrent
l’importance et la place des valeurs dans l’adoption de comportements plus respectueux de
l’environnement et donc dans le changement vers un comportement durable.
IV. Le modèle des valeurs-Convictions-Normes de Stern et
al(1999)
En se basant sur l’hypothèse d’un lien direct entre les valeurs et les croyances qui influeraient
sur les normes personnelles, lesquelles à leur tour seraient prédictrices de comportements pro-
environnementaux, Stern et al. (1999) proposent un modèle théorique inspiré du modèle de
l’activation de la norme de Schwartz (1977). Leur modèle stipule que l’intérêt pour
l’environnement est en lien avec nos valeurs, ce qui suscite une prise de conscience des
conséquences nuisibles du non-respect de l’environnement (Bakita, 2012, p. 41). Il relie
notamment valeurs environnementales et intérêt environnemental (Stern et Dietz, 1994) et
affirme que nos dispositions envers l’environnement résultent de valeurs personnelles. Dans
ce modèle des valeurs-convictions-normes (« Value Belief Norm Theory »), les valeurs
fonctionneraient comme des filtres entre les informations que nous recevons de nos attitudes
et de nos convictions, lesquelles influenceraient nos comportements (Stern, Dietz, Kalof, &
Guagnano, 1995). Stern et al. (1999) ont mis en évidence l’impact positif des valeurs
universelles et altruistes dans l’adoption de comportements pro-environnementaux ; a
contrario, les valeurs individualistes et égoïstes auraient un impact négatif. Ainsi, les valeurs
altruistes telles que le dépassement de soi sont positivement corrélées à l’adoption de
Page 89
comportements pro-environnementaux alors que les valeurs égoïstes telles que les valeurs
d'affirmation de soi sont, quant à elles, en lien négatif. Ces auteurs montrent ainsi que le plus
souvent les valeurs de développement durable sont des valeurs altruistes.
V. Le Modèle de Kollmuss et Agyeman (2002)
Le modèle intégrateur de Kollmuss et Agyeman (2002) synthétise les différents travaux et
facteurs influant sur les comportements pro-environnementaux. Il s’appuie sur deux types de
recherches :
- Celles à situer dans le prolongement des travaux de Rokeach et Schwartz que nous venons
de détailler. On peut notamment citer celles issues de la théorie des valeurs-convictions-
normes (Stern, P. C., Dietz, T., Abel, T. D., Guagnano, G. A., & Kalof, L. (1999).) qui
différencie trois types de valeurs : universelles ou altruistes, individualistes ou égoïstes et
biosphériques (Stern, et al., 1995 ; Stern, et al., 1999 ; Stern, et al., 1993). Ce modèle
tripartite stipule par ailleurs que le comportement environnemental est basé sur la
croyance que notre action individuelle a des conséquences sur les objets auxquels nous
sommes attachés, qu’il s’agisse de soi-même, des autres ou de l'environnement. Il a été
confirmé par d’autres auteurs tels que Schultz (2001).
- Celles issues de la psychologie sociale et notamment des modèles s’appuyant sur la
théorie de l’action raisonnée (« Theory of Reasoned Action ») de Ajzen et Fishbein et sur
la théorie du comportement planifié (« Theory of Planned Behavior ») de Ajzen.
Le modèle de Kollmuss et Agyeman fait émerger deux types de déterminants du
comportement respectueux de l’environnement :
- les déterminants externes : ce sont essentiellement les facteurs économiques et
culturels.
- les déterminants internes : ce sont les facteurs qui peuvent avoir des dominantes
diverses tels que les facteurs à dominante psychologique (par exemple, la motivation,
les traits de personnalités, l’impression de la facilité de la tâche), les facteurs à
dominante sociale (les normes sociales), les facteurs à dominantes cognitive (le niveau
de connaissance, l’intention d’agir), les facteurs à dominante environnementale (le
Page 90
sentiment d’engagement et de responsabilité personnelle) ou les facteurs à dominante
éthique (les valeurs). Les valeurs font donc partie des facteurs internes.
Kollmuss et Agyeman proposent par ailleurs une structure complexe de facteurs internes
regroupant les connaissances environnementales, l’implication émotionnelle dans les
comportements environnementaux et les valeurs et attitudes à l’égard de ces comportements.
Ces facteurs sont en interaction avec les facteurs externes (facteurs sociaux et culturels,
situation économique)
Appliqué à une étude menée auprès d’élèves de collège en France, ce modèle a montré que
certaines valeurs universelles telles que la stimulation, l’autonomie, la quête du savoir,
constituent des prédicteurs du tri des piles usagées (Rioux, 2011).
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CHAPITRE 5 : LE GABON FACE AU DEVELOPPEMENT
DURABLE
L'histoire nous enseigne que le Gabon dans son espace territorial actuel et en tant qu'entité
politique n'existe que depuis le dix-neuvième siècle. Cependant sur ce territoire vivaient déjà,
depuis des millénaires, des humains organisés en sociétés plus ou moins structurées (Meteghe
N'nah, 2006). Ces derniers ont transmis aux générations qui les ont suivis un héritage culturel.
L'histoire des valeurs culturelles et des pratiques au Gabon a connu selon les auteurs
(Meteghe N'nah, 2006, Ambourouet Avaro, 1986) une évolution à plusieurs paliers et marquée
par trois événements majeurs à savoir l'arrivée des peuples de langue Bantu à partir du VIII
siècle avant notre ère environ, l’arrivée des Européens en 1471 et l'établissement de la
domination coloniale à partir de 1839.
La première période ou période préhistorique demeure très peu connue.
La seconde qui va du VIIIème siècle avant Jésus Christ jusqu'en 1470 est la période antique.
Celle de l'ipang'ilungu défini par Ambourouet Avaro comme une période de propagation de
l'industrie du fer, de la pratique de l'agriculture et de l'apparition des organisations
villageoises.
La troisième qui va de 1471 à 1839 est la période des temps modernes marquée par une
prégnance de plus en plus importante de l'influence occidentale avec l'établissement de
l'économie marchande et l'enclenchement d'une nouvelle dynamique sociale. Avaro la nomme
période de l'ipang'ignona.
De 1839 à nos jours, c'est l'époque contemporaine caractérisée par la domination des valeurs
coloniales, puis capitalistes avec l'émergence d'une nouvelle société et la naissance de l'Etat
Gabon moderne dominé par des valeurs néocoloniales.
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1. Présentation
1.1. Situation
Situé sur la corne du continent Africain, en Afrique centrale au centre ouest, le Gabon est un
petit pays tropical de 267 667 km2 de superficie. Il est traversé par l’équateur d’est en ouest.
Il est limité au nord par le Cameroun, au nord-ouest par la Guinée équatoriale, au sud par la
République Démocratique du Congo et à l’ouest par l’océan atlantique (ONU, 2013).
Le Gabon a un climat équatorial chaud et humide et, une flore riche et luxuriante. La forêt
occupe plus de 80% du territoire national (PNUE24
, 2008) et fait partie du Bassin du Congo,
le deuxième poumon mondial après l’Amazonie. Les essences multiples qui le peuplent sont
d’une diversité étonnante. L’okoumé, l’izingo, le mbilinga qui sont exploitées et ne sont plus à
présenter, mais il en existe de nombreuses autres moins connues comme le kevazingo25
et le
Padouk. La forêt y est encore bien préservée et regorge d’une biodiversité très importante qui
est, selon Wilks (1990), l’une des plus élevée de la planète. On dénombre 13 parcs nationaux
qui concourent à la préservation de cette biodiversité. Selon l’UNESCO, la faune gabonaise
est l’une des plus riches et des plus variées d’Afrique. On y trouve, parmi tant d’autres
espèces, des Gorilles, des chimpanzés, des buffles, des éléphants, des singes, des oiseaux en
tout genre et des espèces rares comme le pangolin.
Cette forêt est un écosystème vivant et riche qui a toujours permis aux populations locales de
vivre dans la quiétude, leur fournissant, entre autres, le bois nécessaire pour se chauffer, la
résine pour s’éclairer, une terre fertile à cultiver, de la viande variée et en abondance, des
essences pour se soigner, des fibres pour se vêtir (Raphia), des fruits en toutes saisons et une
connexion à l’univers spirituel. Les habitants de ces contrées y ont toujours vécu en parfaite
harmonie (Bourobou, 2004).
De nombreux cours d’eaux traversent le territoire, avec l’Ogooué comme principal bassin
hydrographique. Ceci donne au pays une richesse considérable en faune aquatique, avec des
espèces de poissons rares et abondantes. La pêche est pratiquée le plus souvent de manière
artisanale.
La richesse du Gabon ne se limite pas qu’à sa faune et sa flore. En effet, son sous-sol regorge
de ressources minières et pétrolières importantes. Les plus exploitées officiellement étant le
24
Programme des Nations Unies pour l’Environnement. 25
Bois précieux qui fait l’objet de toutes les convoitises et souvent exploité clandestinement pour sa valeur
Page 93
pétrole, le manganèse, le fer. Le Gabon est l’un des plus grands exportateurs de pétrole en
Afrique.
Malgré toutes ces richesses et la faible densité de la population qui est de 1,705 336 millions
d’habitants environ (Statistique mondiale, 2015), plus d’un tiers de la population gabonaise
demeure démunie et fait face à une précarité criante. (Banque mondiale, 2005).
1.2. Culture et société traditionnelle
Le Gabon est une ancienne colonie de la France qui a conservé le français comme langue
nationale. Il fait partie du grand ensemble linguistique bantu dont l’étendue va du sud du
Cameroun jusqu’en Afrique du Sud. Cependant il reste un pays ayant ses propres cultures.
Celles-ci sont multiples. On relève par exemple plus d’une quarantaine d’ethnies réparties en
groupes ethniques qui cohabitent depuis des milliers d’années. Ces groupes coexistaient en
sociétés plus ou moins organisées et subdivisées en clans (chaque clan était composé
d’individus ayant un même totem26
) et en lignages (des individus descendants d’un même
ancêtre. Le groupe social était fondé principalement sur la communauté de sang et donnait à
l’homme toute sa valeur et des droits privilégiés. Les « sang pur 27
» c’est-à-dire ceux dont le
père et la mère étaient libres, de même ethnies ou d’ethnies différentes, bénéficiaient d’une
égalité en droits que n’avaient pas les membres issus de parents esclaves (prisonniers de
guerre) ou coupables de fautes graves qui, bien qu’intégrés au clan, ne bénéficiaient pas des
mêmes avantages sociaux.
Parmi les groupes culturels gabonais, nous avons les pygmées : il s’agit de l’un des premiers
groupes d’hommes ayant peuplé cette région, un groupe fier qui jusqu’à nos jours a su
conserver sa culture. Il entretient depuis toujours un rapport harmonieux avec la nature et la
forêt dans laquelle il vit et a inspiré ce mode de vie à d’autres ethnies. Il se contente de
l’essentiel et présente un certain détachement vis-à-vis des biens matériels. Ainsi, de tous les
peuples du Gabon, le peuple pygmée est le seul à avoir conservé un mode de vie très proche
de celui de l’homme préhistorique gabonais (Methegue N’Nah, 2006).
D’autres peuples sont également présents sur le territoire. On peut citer les Fangs, les Guisirs,
les Myènès, qui, eux, sont arrivés bien plus tard. Et c’est sur ce dernier groupe que portent nos
recherches.
26
Animal, ou plante référent passant souvent pour avoir rendu un service particulièrement important au groupe
ou à l’ancêtre du clan par exemple sauver la vie (N’Nah, 2006) 27
Les myènès les appellent « awo-ntché »
Page 94
Les traditions et les croyances des peuples gabonais sont transmises de génération en
génération essentiellement par l’oralité. Celles-ci reposent sur la connaissance des mystères
de la vie, la recherche de Dieu28
, les rites, les récits mythiques, les proverbes et les langues
archaïques. Les processus d’initiation ont souvent été les vecteurs privilégiés de ces richesses
culturelles et ont ainsi contribué à les perpétuer au fil du temps. Ces processus initiatiques
sont le fondement des valeurs, de l’organisation sociale et politique, de la vie en générale. En
effet, c’est durant l’initiation qu’était révélé à la jeune personne son rôle dans la société, son
histoire, les valeurs qu’elle devait préserver, ses liens de parentés, son totem, etc. En somme,
la voie à suivre tout au long de sa vie.
Ces traditions culturelles reposent sur des principes qui bien souvent se retrouvent dans la
quasi-totalité des ethnies du Gabon, ce qui en fait une des caractéristiques de leur
ressemblance. Ce sont par exemple le culte des ancêtres qui scelle une alliance entre les
vivants et leurs aïeux partis dans l’au-delà. Ces derniers sont régulièrement consultés pour les
décisions importantes, préviennent les vivants des dangers qui les guettent, aiguillent les tradi-
thérapeutes dans la recherche de traitements adaptés en cas de maladies, aident à instaurer la
justice sociale, par exemple en désignant un coupable. Bref ils aident à faire respecter et
perpétuer les traditions culturelles. Plusieurs reliques, masques, fards, danses accompagnent et
renforcent le pouvoir de ces rites. Le sort de chaque humain y étant lié et dépendant de la
nature des rapports entretenus avec le milieu naturel, social et spirituel. Il était admis que les
hommes (morts ou vivants) et les génies étaient à l’origine de tout ce qui se produisait sur
terre.
Politiquement parlant, les peuples gabonais d’antan étaient organisés en petites unités
politiques indépendantes les unes des autres. Ces unités pouvaient être constituées d’un
village ou d’une agglomération de villages et de territoires, ce que Metegue N’Nah appelle
« villages-Etats » (Metegue N’Nah, 1979, p. 17-18). Ndombet (2009) pour paraphraser
Ambourouet Avaro, parle d’entités politiques à pouvoir diffus et à voie de centralisation à la
fois, de petites chefferies claniques ou lignagères au fonctionnement différent du modèle de
l’Etat colonial métropolitain où la parenté, le politique, le religieux et le culturel
s’imbriquaient. Les villages regroupaient des membres d’une même communauté de destin
d’un ou plusieurs clans. A ce propos et concernant la tradition politique du groupe Myènè, le
pasteur Ogoula M’Bèye souligne que « les liens qui unissaient les habitants d’un même
28
Un être tout puissant créateur du monde, d’après l’analyse des contes gabonais. L’appellation de cet être porte
la même racine dans plusieurs ethnies du Gabon, Anyambyè chez les Myènè, Manyambyè pour les Evia Nzembi
chez les Dzèbi etc. (Metegue N’Nah, 2006, P. 44)
Page 95
village dépassaient parfois ceux de la famille ou du clan » (1978, p.95). Ainsi l’appartenance
à un village créait un esprit de patriotisme qui pouvait aller au-delà de la parenté. Ogoula
M’Bèye ajoute « que les voisins viennent attaquer le village, on oubliait toute parenté, toute
amitié pour ne plus voir que le salut, l’honneur du village. Ainsi on pouvait sacrifier ses
proches pour sauver le village » (1978, p.95). L’appartenance à un village était dès lors
certifiée par la possession d’une case, faisait bénéficier de certains avantages telle que la
solidarité « le chasseur qui venait de la brousse savait faire bénéficier tout le monde du fruit
de de sa chasse. Il donnait de la viande à tout le village. Mais il était entendu qu’on ne
donnait ainsi qu’à ceux qui possédaient une case dans le village. On pouvait être marié, mais
tant que l’on n’avait pas construit, aucune part de viande ne vous était réservée » (Ogoula
M’Bèye, 1978, p. 95). L’autorité était familiale, généralement entre les mains d’un chef de
famille, souvent le plus âgé (l’âge étant considéré comme un signe de sagesse) qu’assistait un
conseil de sages, d’anciens. Le chef de village vivait comme tous les autres membres et se
comportait en père de famille. Il maîtrisait la coutume et le culte des ancêtres, fondement de la
cohésion familiale et clanique (Metegue N’Nah, 2006).
Le bien-être dans la société traditionnelle était avant tout communautaire. L’intérêt général
passant avant l’intérêt personnel.
En somme, les rites et les croyances culturelles traditionnelles gabonaises passées étaient des
institutions sociales. Ils assuraient un rôle d’éducation à la citoyenneté des jeunes. C’était le
cas notamment des rites initiatiques tels que l’okukwè des Galwa pour les jeunes garçons, le
Djèmbè chez les Orungu pour les jeunes filles, le Mongala chez les Aduma. Ils avaient
également un rôle de forces de protection de la nature (par exemple, le mwiri, le ndjobi).
Ainsi, bien que les systèmes de croyances passées comportassent aussi des aspects négatifs,
Metegue N’Nah, (2006) souligne qu’ils apparaissaient indubitablement comme l’un des
fondements essentiels de la cohésion sociale de ces temps immémoriaux. Dans la mesure où
l’homme Gabonais d’avant ne recherchait son salut que dans ce monde où il devait composer
avec ses semblables vivants ou morts et avec les forces de la nature. Seul il ne pouvait et
n’était rien. C’est seulement lorsqu’il s’intégrait à son milieu social et restait solidaire de ses
congénères, qu’avec ces derniers il atteignait le bonheur.
Outre les croyances, on note également une richesse artisanale et artistique impressionnante.
Celle-ci restait néanmoins liée aux croyances (par exemple la sculpture des masques pour les
cérémonies rituelles) et aux besoins d’usage (par exemple la vannerie qui consistait à la
Page 96
fabrication des paniers pour le transport d’aliments). On note également d’autres activités
artisanales telles que la céramique, l’industrie du fer, le tissage d’étoffes dont la matière
première était le raphia ; la teinture qui consistait à donner des couleurs aux étoffes grâces à
des essences végétales ; le travail du bois qui contribuait à la fabrication des objets du
quotidiens comme les couteaux en bois, les cuillères, les pilons et mortiers, tabourets et bancs,
pirogues, pagaies etc.
En ce qui concerne la production, les peuples antiques gabonais pratiquaient des activités très
variées qui leur permettaient une autosuffisance économique. En effet, ils travaillaient non
seulement dans la collecte des produits naturels, mais également dans l’agriculture et la
fabrication d’objets de la vie courante. Le travail de collecte consistait le plus souvent en la
cueillette de produits de la forêt (fruits sauvages en tout genre, racines, etc.). Quant à
l’agriculture, elle était essentiellement itinérante sur brûlis. Elle durait toute l’année et
occupait une majeure partie du temps. Elle donnait lieu à des réjouissances collectives au
début de la période des récoltes. Selon Raponda Walker (1940)29
, il s’agissait de la fête des
prémices dont le jour était fixé par le chef du village. A son signal les femmes allaient
ensemble faire les premières récoltes, cuisinaient de grandes quantités de vivres qui étaient
réparties en quatre parts : une pour les ancêtres, une pour les hommes, une part pour les
femmes et enfin une dernière part pour les enfants. Un « pillage » en règle était alors de
vigueur, il consistait pour chaque individu à emporter le plus des mets exposés possible. Le
travail du fer ayant été intégré bien des siècles auparavant. L’usage des outils en fer comme la
machette, la hache, la houe était courant. Les plantes cultivées qui aujourd’hui encore font
partie des usages alimentaires des Gabonais, étaient le manioc, la banane, l’igname,
l’arachide, la canne à sucre, le maïs, la patate, et autres légumes divers. Ces plantes souvent
d’espèces diversifiées étaient particulièrement adaptées à l’écosystème forestier et
répondaient efficacement aux besoins des populations. Les rôles des hommes et des femmes
dans les pratiques agricoles étaient immuables et sont d’ailleurs les mêmes encore
aujourd’hui,. Les hommes s’occupaient de la déforestation, et plus précisément du défrichage
des espaces à cultiver, et le reste du travail revenaient aux femmes. Les hommes avaient
néanmoins d’autres activités telles que la construction et l’entretien des cases, la chasse. Les
produits de la forêt et de la chasse servaient à la fabrication d’objets et de parures. Par
exemple les jeunes pousses de paille servaient à créer le raphia qui était soit tissé en vêtement,
soit en parure pour les rites initiatiques. La peau de l’éléphant était transformée en bouclier et
29
Revue de Botanique appliquée et d’Agriculture tropicale, n°s 230-231, Oct-Nov.1940, P.730.Cité par Metegue
N’Nah, (2006) p.55
Page 97
en sandales pour les guerriers, celle de l’antilope servait à recouvrir les tams-tams et celles
des singes et panthère à confectionner des habits. Les dents, plumes et autres parties du corps
des animaux servaient souvent d’ornements. Parmi les quelques activités avaient un caractère
mixte, on peut évoquer la pêche qui assurait une grande partie des vivres aux populations et
était, pour certaines, notamment celles bordant les cours d’eau, une des activités dominantes.
Les techniques là aussi étaient diverses et habiles. On peut citer la pêche à la sagaie, la pêche
à la nasse, la pêche au filet, la pêche à la ligne ou à la canne, la pêche aux stupéfiants qui
consistait à empoisonner les eaux d’une partie d’un cours d’eau, etc. (Metegue N’Nah, 2006).
D’autres inventions venaient agrémenter le vécu de ces hommes. Nous pensons ici au sel
obtenu grâce à des techniques d’ébullition-évaporation mais aussi à bon nombre de boissons,
alcoolisées ou non, comme le vin de palme, la bière de banane, le vin de canne à sucre,
l’hydromel, l’alcool de maïs etc. (Ambouroue Avaro, 1981).
Ces inventions nous conduisent à évoquer la vie intellectuelle et artistique des peuples du
Gabon antique. En effet, la vie des personnes de l’antiquité ne se limitait pas aux activités
contribuant à la satisfaction du niveau 1 de la pyramide des besoins de Maslow (1943) c’est-à-
dire des besoins physiologiques primaires et concrets liés directement à la survie des individus
ou des espèces (faim, soif, sexualité etc.). Les activités participaient également à la production
des idées, des pensées et de l’art. Selon Metegue N’Nah(2006), l’activité intellectuelle de ces
peuples était intense et se traduisait par d’une part la création de technologies novatrices, et
d’autre part le développement des arts plastiques, musicaux, et une importante production de
littérature orale. Cette dernière avait presque toujours une fonction didactique et reposait sur
différents genres tels le conte qui était le plus courant et dont les formes les plus usuels étaient
la fable, la légende et l’épopée. Les fables étaient souvent contées le soir autour du feu et
mettait en scène des animaux dont les vertus s’opposaient aux défauts et dont la moralité de
fin était riche d’enseignements sur une valeur précise qu’il fallait transmettre, comme la
solidarité, la patience, le courage, l’intelligence. A l’exemple de la tortue, petite mais maligne
était souvent opposé au lion fort, grand mais stupide. Et dans ces face à face, la tortue sortait
souvent vainqueur. Les légendes mettaient en scène des personnes humaines aux
caractéristiques extraordinaires et mêlaient vécu et imaginaire ; elles étaient un vecteur de
l’histoire des familles et du clan. Elles étaient souvent contées lors des cérémonies solennelles
telles que les mariages ou retraits de deuil. Elles étaient agrémentées de chants, danses et
Page 98
d’instruments des arts très populaires et très appréciés. On peut citer à titre illustratif le
Mvett30
.
Quant à l’art plastique, il reposait majoritairement sur la gravure et la sculpture. La première
étant pratiquée sur les parois rocheuses, les grottes et sur les objets en céramique et en argile
fabriqués par les potiers. Cet art a longtemps été ignoré et ce n’est qu’en 1987 qu’ont été
notamment découvertes les gravures rupestres du monolithe d’Elarmekora31
.
Ainsi, depuis la préhistoire jusqu’au XV siècle de notre ère, les peuples antiques qui
résidaient sur le territoire du Gabon avaient su vivre selon une organisation sociale
harmonieuse qui était basée sur l’exploitation de la nature. Ils avaient su inventer des
techniques d’adaptation propices à leurs communautés et à l’environnement. Les sociétés
connaissaient un équilibre, une autosuffisance et l’art était florissant. Les valeurs et pratiques
traditionnelles étaient transmises d’une génération à l’autre de manières diverses et efficaces.
Cependant, ce progrès va être altéré par un fait nouveau, l’arrivée des occidentaux.
1.3. Les valeurs dans la culture Gabonaise au contact des occidentaux
La culture gabonaise a connu plusieurs bouleversements comme mentionné ci-dessus. La
société antique qui était marquée par des croyances autochtones a dû, au contact d’autres
cultures, intégrer des changements. Ces changements vont se faire en deux temps principaux :
- une ouverture aboutissant à une nouvelle forme de société, une société hybride
reposant sur l’économie marchande.
- un retour aux systèmes culturels ancestraux découlant de l’arrêt d’un des facteurs de
l’activité commerciale qu’était le commerce des esclaves.
Ainsi verrons-nous successivement (1) l’ouverture et les changements culturels, et (2) le
retour aux sources.
30
Instrument qui accompagne le conteur mais désigne également tout le cérémonial de la légende chez les Fangs
du Gabon. On le retrouve également au Cameroun et en Guinée équatoriale 31
Ce site est Situé dans la moyenne vallée de l’Ogowè dont les gravures datent de plusieurs milliers d’années.
Page 99
L’ouverture et les changements culturels
Les premiers occidentaux sont arrivés sur la côte gabonaise au quinzième siècle, précisément
en 1471. Cela marque le début de relations des populations locales qui vont s’ouvrir vers
l’extérieur. Avec ces contacts, les sociétés traditionnelles vont connaître une mutation
accélérée, liée entre autres au développement de l’activité de la traite des Noirs. Ces derniers
vont ainsi perdre progressivement le contrôle des évènements et de leur propre destin. Bien
qu’il y eût des résistances, l’Occident va réussir au fil du temps et des siècles, insidieusement,
à s’imposer et à imposer sa domination. Comme le souligne Metegue N’Nah (2006), « à
partir de 1839, le vent colonialiste qui soufflait de l’Europe des révolutions industrielles et
techniques les enferma peu à peu dans un carcan colonial qui, tout en apportant certains
avantages au pays, réduisit les populations à l’état de bêtes de somme » (p.73).
En effet, au-delà de la chute démographique que connurent les populations de ces contrées, un
bouleversement culturel important s’est produit. Les hommes qui hier étaient prêts à livrer un
membre de leur famille pour l’honneur de leur village, ont été désormais prêts à vendre les
leurs. Les valeurs sociales se détériorèrent. L’intérêt personnel commença à prendre le pas sur
l’intérêt communautaire. L’influence occidentale pénétra les cultures locales et enclencha un
processus d’acculturation progressif, brisant les fondements des sociétés autochtones dans
plusieurs régions, et notamment au sein des régions côtières. Le développement de
l’économie marchande avec les occidentaux (Anglais, Portugais, Hollandais, Espagnols et
Français) tua celui de l’industrie locale, à cause de la préférence pour les produits
manufacturés et prisés par les Occidentaux. Cela fit perdre aux Gabonais leurs valeurs
d’antan. Une nouvelle mentalité gagnait les sociétés locales, de plus en plus gangrénées par le
goût du luxe occidental et la recherche du profit et donc un esprit individualiste.
L’égalitarisme et le communautarisme diminua grandement. Les liens du sang qui étaient le
seul critère de classification et dont la force promouvait le partage et la solidarité vont se voir
défier par les critères de richesse économique. La fortune donnait désormais à l’individu un
nouveau pouvoir, celui de pouvoir se procurer tout ce qu’il voulait et de bénéficier en sus de
la considération à l’intérieur comme à l’extérieur de sa communauté. Et cela quelle que fut
son origine sociale, clanique ou lignagère. L’insécurité causée par la traîte négrière constitua
un frein à l’évolution artisanale mais aussi l’abondance des marchandises européennes qui
étaient de plus en plus prisées par les populations autochtones. Cela occasionna une
dépendance sur le plan économique du Gabon envers l’Occident. Les relations entretenues
avec les Occidentaux eurent aussi des répercussions sur le plan artistique. Bien que moindres
Page 100
certaines pratiques artistiques s’enrichirent de nouveaux thèmes inspirés des scènes de la
traite négrière. Les relations entre les peuples évoluèrent, certains peuples côtiers, à l’exemple
des myènès, vont désormais se considérer comme civilisés32
, au-dessus des autres et s’en
enorgueillir, adoptant et mimant les manières occidentales. Par exemple, on peut citer le port
du costume dans une certaine classe sociale. Ce changement vestimentaire est, selon Metegue
N’Nah(2006), le signe d’un phénomène d’acculturation plus profond en terme de goûts, de
mentalités et de comportements qui s’opérait chez les autochtones du Gabon au contact des
valeurs cultivées en Occident. Ce changement a été observé par Du Chaillu (1868)33
qui,
après avoir visité l’arrière-pays de l’Eliwe Nkomi34
constata, en revenant quelques années plus
tard, que les Gisir35
avaient abandonné le port de leurs jolis tissus de bonne qualité au profil
de ceux venus de l’Occident. Preuve, selon lui, que dans la société utilitaire le futile
commençait à gagner du terrain.
On assista par ailleurs au niveau linguistique à une incorporation de nombreux mots des
langues européennes dans les langues locales. Ambourouet Avaro (1981), Metegue N’Nah
(2006) soulignent que durant cette période s’amorça un chamboulement progressif des
échelles de valeurs dans les sociétés autochtones de l’époque. L’ordre des valeurs établi dans
ces sociétés tendirent à céder le pas à celui qui prévalait en Occident. Une lutte entre la
tendance communautaire habituelle et la tendance individualiste nouvelle s’opérait. Et à
travers elles, les anciennes et les nouvelles valeurs sociales s’affrontaient. Certaines
populations s’en inquiétèrent et créèrent des danses pour rappeler à tous la substance des
sociétés d’antan. C’est le cas de la danse Ipanga36
chez les myènès qu’Avaro qualifie de danse
sociale. L’étude de cette danse par Ambourouet Avaro (1981) mettra en lumière cette lutte des
valeurs culturelles au travers d’un personnage nouveau (Oga) représentant la société nouvelle
de la futilité et des apparences basée sur les privilèges de la fortune, opposée au personnage
ancien (Akaga) symbole de l’égalitarisme et de la sobriété.
Les classes sociales voyaient petit à petit le jour, surtout dans les régions côtières comme dans
le groupe myènè et notamment et spécifiquement chez les Pongwè. Mais cette nouvelle
organisation sociale qui s’observait sur la côte du Gabon resta embryonnaire et n’atteignit pas
32
Ayogo en langue myene 33
Du Chaillu, P. (1868) L’Afrique sauvage. Lévy Frères, Paris .p .105 34
Actuel lac du Feran-vaz 35
Ethnie du Gabon 36
Le terme désigne une danse mais signifie aussi loi sociale. Avaro la décrit comme un livre ouvert de la vie des
anciens, une danse des sociétés humaines retraçant la place, le rôle de chacun de ses membres avant et après le
contact avec les blancs (Ambourouet Avaro, 1981)
Page 101
l’ensemble du territoire gabonais et plus particulièrement l’intérieur des terres. Elle épousait
cependant les contours de l’ancienne structure, les marchands préférant commercer avec les
chefs coutumiers à qui ils accordaient plus de crédit. Les privilèges dus à la fortune
renforçaient en quelque sorte ceux du sang ou de la naissance (Metegue N’Nah, 2006).
On vit naitre des entités politiques nouvelles telles que des royautés, à l’exemple des
chefferies de la Région de l’estuaire du Como, du fernan-vaz et du delta de l’Ogowè. Mais
aussi des conquêtes territoires, des guerres et de nouvelles formations linguistiques : les
vaincus de ces conquêtes étaient désormais sous la domination des vainqueurs. Les Nkomi qui
assiégèrent les Ngubi et les Vili dans la lagune du Fernan-vaz et dont le premier grand chef
était un grand marchand d’esclaves nommé Renima et communément appelé Regondo, en
sont un exemple. Grâce à cette nouvelle société émergente, un peuple qui n’était jusqu’alors
qu’une simple association de clans groupés autour d’un patriarche devint l’un des plus grands
royaumes sur le delta de l’Ogowe et ses alentours.
Par ailleurs, le développement de l’activité commerciale occasionna de grands mouvements
de populations de l’intérieur du pays vers les côtes et aux abords des cours d’eau. Il modifia
ainsi leurs façons de faire, de vivre non seulement à cause des nouveaux environnements,
mais aussi à cause des contacts avec d’autres ethnies. Les mélanges et les emprunts de
pratiques devinrent courants.
Tous ces changements et ces bouleversements vont conduire à de nouvelles règles, valeurs,
juridictions et normes sociales. Ce qu’Ambourouet Avaro nomme « ipang’ignyona37
» chez
les Myènè. Cependant, ces manières de vivre qui reposaient sur le commerce et notamment
celui des esclaves et qui déjà s’ancraient chez les peuples vont connaitre un autre
bouleversement : l’abolition de l’esclavage.
Le retour vers la culture traditionnelle.
Les premiers contacts avec les blancs et l’intégration des activités commerciales dans les
habitudes des Gabonais d’antan ont occasionné des changements importants au sein des
sociétés autochtones, notamment au niveau des valeurs. On a assisté à une ambigüité née de
l’adoption de valeurs occidentales qui cohabitaient avec les valeurs locales.
37
L’auteur le qualifie de structure d’accueil de la marchandise et du confort greffant une économie de consommation autour d’un personnage Roi instigateur des lois.
Page 102
Cependant une des marchandises de poids sur laquelle reposait l’économie marchande va être
interdite : le commerce des esclaves.
En effet, vers 1850, l’abolition de l’esclavage avec son corollaire, l’interdiction du commerce
des esclaves, impulsée par les puissances britanniques a occasionné une crise économique de
grande envergure. Les villages et les ethnies qui détenaient le monopole de ce commerce et
qui s’en étaient enrichi vont connaître un déclin. Plusieurs royaumes ont subi une décadence.
C’est le cas par exemple du Royaume Orungu et de ses villages-capitales phares Apomande,
Izambe, Osengantaga qui seront désertés à grande échelle, perdant de leur renommée et de
leur importance sur le domaine du commerce avec les occidentaux38
. La misère s’installe et,
avec elle, les plaintes. Ces hommes, guerriers qui s’étaient habitué à la facilité, sont pris au
piège de l’économie monétaire : se pose alors la question de savoir si un retour à la terre, à la
force, à la forêt, aux pratiques ancestrales et aux valeurs d’antan est envisageable. Ont-ils le
choix ? A ce propos, Avaro rapporte le récit de Souriau (1862) qui signifie clairement cette
désespérance en ces termes « depuis que la traite a cessé, la population est assez
misérable ; …habituée aux produits européens, la privation leur en est très douloureuse »
(Souriau, 1862, p.184 cité par Avaro, 1981, p.153). Par ailleurs des habitudes difficiles à
délaisser (tabac, alcool, etc.) vont avoir de grandes conséquences sur l’avenir du Gabon. Les
Rois, en manque de produits, vont signer des traités qu’ils avaient jusqu’alors refuser en
échange de ces produits. Des accords officiellement de protectorat avec les Occidentaux, mais
dont ils ignoraient les contenus réels, ont également été établis. Comme dit Avaro « qui
contracte des habitudes se crée une seconde nature et se condamne vis-à-vis de la nature »
(Ambouroue Avaro, 1981, p.154).
Face à toute ces difficultés et malgré la résistance des notables qui ne souhaitaient pas perdre
leurs privilèges, la majorité du peuple décide d’un repli vers la forêt riche de terres fertiles et
de renouer avec leurs pratiques passées de chasse et de culture (Sauriau, 1862, cité par Avaro,
1981). Deux groupes vont ainsi apparaître dans des ethnies comme les Orungu : d’une part les
hommes forts, de caractère, les anome-nyama39
qui ont su revenir à l’ancienne société, et ainsi
assurer par eux-mêmes leur survie et leur destinée ; et d’autre part, les hommes, moins
nombreux, qui sont restés aux abords des cours d’eau et de la mer, et ne peuvent plus vivre
sans le soutien de l’Occident. Ils sont restés dépendants des habitudes de confort et espèrent le
retour des blancs qui les aideront à reprendre le commerce de l’alcool et du tabac.
38
Serval(1862), AAE Afrique, t.58, pp.175-176 ; cité par Avaro 1981, p.152-155 39
Les hommes de force et de caractère qui savent faire face au réel et à la nature hostile et qui arrivent à la
dompter, les hommes de l’ipang’ilugu d’après Avaro(1981).
Page 103
Ainsi, le retour vers les cultures locales va favoriser l’éclosion de pratiques ancestrales, le
retour des valeurs communautaires ou du moins leur suprématie sur l’individualisme.
Des années plus tard on assistera à nouveau à la reprise du commerce initié par les
Occidentaux et les côtiers sous des accords nouveaux. Il s’agira de commerce ordinaire et
donc d’échanges de vivres issus ou favorisant les pratiques locales. Par ailleurs on verra une
nouvelle forme de résistance chez les peuples autochtones fidèles à leur culture malgré les
relations d’affaires renouées avec les Occidentaux. Les côtiers devenus cette fois des
intermédiaires avec les peuples retournés à l’intérieur des terres. Ce retour fut salvateur pour
les générations qui suivirent et leur permit de conserver le plus longtemps possible les
richesses de leurs cultures.
Cependant malgré cet effort de préservation des valeurs, de la culture, d’autres facteurs tels
que la colonisation ont conduit à d’autres changements dont les conséquences se poursuivent
de nos jours. Ainsi le contraste entre les valeurs autochtones et occidentales est un héritage
qui fait du Gabon un pays multiculturel et aux cultures parfois distinctes avec une présence
marquée de l’héritage traditionnel, parfois imbriquées. Cela s’observe pour les premières dans
les milieux ruraux et pour les secondes dans les milieux citadins. Cette dichotomie nous
conduit à évoquer les valeurs sociales dans le Gabon actuel.
Valeurs et pratiques dans la Gabon actuel
Après plusieurs décennies d’occupation coloniale française, en 1960 le Gabon accède à la
souveraineté internationale en qualité d’Etat. « La colonisation qui avait apporté son lot de
transformations administratives et fonctionnelles laissait également derrière elle une
mentalité particulière chez le colonisé caractérisé par le mépris des valeurs culturelles
traditionnelles de son milieu d’origine et la tendance à singer l’Européen » (Metegue N’Nah,
2006. p.157). La colonisation avait ainsi apporté des transformations socio-culturelles
importantes.
En effet, l’instauration de l’alphabétisation par les missionnaires catholiques et protestants et
le développement de l’activité économique enrichissent la région de nouveaux services qui
nécessitaient des postes de subalternes créant ainsi des nouveaux rôles sociaux, de nouvelles
catégories sociales dont les divisions se faisaient toujours sur la base du critère de la naissance
mais surtout sur celui de la fortune et du niveau d’instruction. On avait ainsi chez les
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autochtones une classe de Bourgeois autochtones qualifiés d’ « évolués » qui étaient
composés par des chefs indigènes, des juges coutumiers, des exploitants forestiers, de petits
commerçants, des planteurs et des travailleurs intellectuels, et une classe ouvrière composée
d’ouvriers travaillant dans les différents chantiers coloniaux et vivant rudement et de paysans
ou villageois.
Ainsi pendant la domination coloniale française, l’école fut un des vecteurs dominants et
efficaces de la propagation et de l’intégration de la culture occidentale parmi les Gabonais.
Grâce aux systèmes d’internats qui créaient une rupture entre les enfants et leur milieu
familial et aux contenus des enseignements qui reposaient sur une conception du monde, des
modes de pensée, de vie, de comportements autres que ceux prônées dans les traditions, elle
modelait les esprits de ces jeunes qui apprenaient loin des leurs à être de culture française sans
jamais être Français.
A l’action de l’école s’associe celle de l’église qui combattait les croyances locales et
enseignait la religion jusque dans les régions les plus reculées. Elle parlait ainsi de salut
personnel, de statut de pécheur, d’être humain maudit dont l’expression visible de cette
malédiction serait la couleur sombre de la peau40
et contribuait ainsi comme le dit Metegue
N’Nah (2006) « au développement de l’esprit individualiste et aux bouleversements des
valeurs éducationnelles dans le milieu autochtone » (p.121).
L’urbanisation a elle aussi favorisé l’influence de la culture française en coupant les individus
des berceaux de cultures autochtones que sont les environnements villageois et en aménageant
dans les villes des espaces de diffusion culturelle français.
On observait aussi des signes d’acculturation des peuples du Gabon : des changements
vestimentaires avec de nouveaux styles, linguistiques avec un usage de plus en plus fréquent
du français, artistiques avec l’adoption d’instruments nouveaux (l’accordéon, la guitare…),
d’arts nouveaux (théâtre, poésie) et de danses nouvelles dont les implications culturelles ont
entraîné une perte d’identité culturelle.
Soulignons cependant que, malgré l’hégémonie de la culture française, la colonisation va
contribuer par certains aspects à la préservation de l’identité culturelle locale et à ralentir le
processus d’acculturation (Metegue N’Nah, 2006). En effet, l’organisation du circuit de
commercialisation a permis de fixer la majeure partie de la population à la campagne (environ
40
Cette malédiction serait issue de l’ancêtre Cham qui, selon les évangiles, fut maudit par Dieu
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85% en 1960). Cela limita l’exode rural et contribua à l’animation des villages, berceaux des
cultures et des traditions.
Actuellement, les milieux ruraux qui auraient pu contribuer au bien-être des populations par la
richesse des produits dont ils regorgent, la fertilité des sols et la qualité de vie, ont depuis
plusieurs décennies, connus un exode des habitants vers les villes sans précédent. Ainsi 87%
des gens vit en milieu urbain de nos jours. Les bidonvilles se sont très vite agrandis et côtoient
les constructions modernes, entraînant des problèmes d’aménagement, d’insalubrité et
l’inflation des maladies liées à ces conditions de vie ou maladies opportunes. Plus de 38% des
habitants des villes y résident (Statistiques mondiale 2005). Les explications sont multiples et
à rechercher, non seulement dans l’inégale répartition des richesses par les pouvoirs
politiques, l’anarchie du développement illustrée par l’aménagement et les constructions
anarchiques des quartiers populaires au sein des grandes villes et le sous-développement, mais
aussi dans une crise socio-culturelle et identitaire qui remonte à la période coloniale et qui
s’est accentuée avec l’ouverture au monde au travers les médias et l’accès à internet. A ce
propos, Nzewe- Angoue (2010) souligne dans son étude sur les Kotas41
du Gabon que le
principal obstacle à tout projet de développement durable en Afrique, en général, et au Gabon,
en particulier, est un problème de valeurs culturelles. Ce problème porte sur la difficulté à
faire le lien entre le modèle occidental de développement introduit en Afrique par le
colonisateur, les missions religieuses, et la vision et la sagesse traditionnelles locales existant
depuis les temps anciens.
Ainsi, les disparités observées au sortir de la colonisation se sont accentuées. Une mentalité
auto-dévalorisante s’est développée surtout dans les milieux urbains et chez une jeunesse de
plus en plus détachée de son milieu rural. Les valeurs et les pratiques ancestrales sont en
grande perdition. Il est urgent d’agir dans un monde de plus en plus perméable et de remettre
au goût du jour les valeurs et les pratiques positives et durables afin que les nouvelles
générations se les approprient. Car si la présence des influences extérieures est actuellement
inévitable, il devient également indispensable de s’ancrer, de planter profondément ses racines
dans le sol culturel afin de pouvoir offrir aux mondes des fruits aux saveurs différentes. Tout
développement durable s’inscrit dans un contexte et doit intégrer, voire se faire, en tenant
compte des réalités du milieu local.
41
Ethnie du Gabon
Page 106
2. Le développement durable au Gabon
Depuis les années 2000, le Gabon s’est inscrit dans une démarche de développement durable.
Cela se concrétise sur le plan environnemental par la création de sites protégés, de lois de
protection des espèces etc. Cette démarche a été clairement énoncée par la nouvelle équipe
gouvernementale dans un plan de développement durable mis en œuvre à partir de 2009. Un
ministère dénommé « Ministère du développement durable, de l'économie, de la promotion
des investissements et de la prospective » avec une direction spéciale développement durable,
a été créé. Sur le plan social, la protection et le système d’assurance maladie ont été renforcés.
Certaines filiales de groupes étrangers sont contraintes depuis 2010 de créer un service
« développement durable ». Au-delà de ces effets d’annonce, observons dans les faits ce qui
se passe en termes de développement durable au Gabon. Quelles places sont accordées aux
valeurs de développement durable de l’ONU ? Quel développement durable est mis en œuvre
sur le plan rural et urbain notamment dans les entreprises ?
2.1. Les valeurs du développement durable au Gabon depuis
l’indépendance
Au Gabon, comme dans tous les pays africains ayant connu à la fois la colonisation et des
civilisations culturelles autochtones variées, définir les valeurs de développement durable
telles qu’énoncées par l’ONU s’avère délicat. De plus les transitions politiques et sociales qui
s’en suivirent compliquent l’analyse. Reprenons successivement chacune de ces six valeurs.
L’ONU cerne la valeur Liberté par ces termes : « les hommes et les femmes ont le droit de
vivre leur vie et d’élever leurs enfants dans la dignité, libre de faim, de peur, de violence,
d’oppression ou d’injustice. La démocratie et la gouvernance participative basée sur le bien-
être des peuples et de leur devenir doivent assurer ces droits ».
La liberté était déjà une des valeurs-clés qui a poussé les peuples à revendiquer leur
indépendance et à sortir du joug de la domination française. Aussi quand elle fut proclamée,
cette indépendance fut d’une certaine manière synonyme de liberté. Plusieurs partis politiques
se sont créés durant le premier septennat, amorçant un jeu démocratique sur la scène
nationale. Ce fut notamment le cas de la liberté d’expression prônée par la nouvelle élite qui
avait soif de liberté. Le pays alors dirigé par Léon Mba42
se retrouva dans une crise politico-
42
Premier président de la République Gabonaise à partir de 1960.
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sociale qui déboucha sur un coup d’état pacifique orchestré par l’armée avec l’appui de
l’opposition, la nuit du 17-18 février 1964. Ce coup d’état déboucha sur la destitution du
président Léon Mba, désavoué par le peuple et accusé d’être un dictateur au service de la
France (Methegue N’Nah, 2006). Mais cette situation ne durera que quelques heures car la
France intervint pour remettre Léon Mba au pouvoir, démontrant ainsi que le Gabon n’était
pas si libre que ça. Ainsi commença un musèlement des libertés avec des arrestations et la
dissolution de nombreux partis politiques de l’opposition. Cela se poursuivit pendant la
seconde république avec Albert Bernard Bongo et l’instauration de son parti unique, même si,
au début de son premier mandat on assista à une amélioration dans l’expression de la liberté
avec la création de tribunes d’échanges entre les populations afin d’encourager le dialogue.
Ces tribunes furent rapidement suspendues avec l’avènement du monopartisme qui exigea
l’exclusion de toute contradiction et qui « confisqua toutes les libertés démocratiques »
(Methegue N’Nah, 2006 ; p. 200). Les abus perpétrés par ce pouvoir ont suscité une
opposition de plus en plus vive à partir de 1985 et qui, associés aux effets de la crise
économique, vont contraindre ce régime à plus de souplesse, au retour du multipartisme et à
davantage de démocratie.
La valeur Egalité est évoquée par l’ONU de la manière suivante : « aucun individu, aucune
nation ne doit être empêchée de l’opportunité de bénéficier du développement. L’égalité des
droits et opportunités des hommes et des femmes doit être assurée ». Bien qu’il y eût quelques
exceptions, le gouvernement de Léon Mba et ses collaborateurs se montra « respectueux du
bien public » (Methegue N’Nah, 2006, p.181). En effet, selon l’historien, il contribua à la
qualité de vie des Gabonais avec un taux de scolarisation qui dépassa les 80%, la scolarité
étant gratuite pour tous. De même, les soins de santé se sont améliorés et demeurèrent gratuits
pour les populations. Ainsi les femmes purent accéder à des métiers à l’origine réservés aux
hommes et à des postes de responsabilités dans l’administration, concrétisant une certaine
égalité des chances pour les deux sexes. De même, l’armée a recruté des jeunes filles.
Cependant cette égalité va connaitre un recul durant la première moitié de la deuxième
république, et surtout à l’époque du monopartisme. Les femmes et les jeunes étaient alors
fréquemment cantonnés à la seule fonction d’animateur dans des groupes de danses pour
distraire des hommes politiques et notamment le président de la république.
En ce qui concerne la valeur Solidarité, l’ONU précise : « Des défis mondiaux doivent être
gérés dans une perspective de distribution impartiale des coûts et des bénéfices,
conformément aux principes de base d'équité et de justice sociale. Un soutien mutuel et une
Page 108
entraide doit s’instaurer entre ceux qui souffrent ou qui profitent le moins, et ceux qui
profitent le plus ». Bien que des infrastructures furent construites au fil du temps, le système
égalitaire et solidaire initié par le premier président Léon Mba et basé surla gratuité et le
partage équitable des richesses, se perdit au fil du temps. En effet, les soins hospitaliers,
l’école et les services publics perdirent en qualité et se laissèrent dépasser par les services
privés qui, bien souvent, étaient la propriété des dirigeants politiques ou des personnes de leur
entourage. La solidarité ne se cultivait bien souvent qu’entre membres appartenant à une
obédience politique, occulte…. On assistait à une recrudescence des détournements de fonds
publics et à la corruption faisait fi des besoins des plus démunis. La richesse ne se partageait
plus qu’entre ceux qui étaient en charge des affaires et l’enrichissement de cette classe sociale
allait créer un écart entre les populations. De plus, le regroupement des populations dans les
zones urbaines et les conditions de vie difficiles incitèrent à l’individualisme, au « chacun
pour soi ». Cet accentuation des valeurs individualistes et égoïstes, a occasionné un
relâchement des liens familiaux surtout entre la classe des nouveaux parvenus et celle des
démunis vivant pour la plupart dans des bidonvilles jouxtant les grandes bâtisses modernes
(Methegue N’Nah, 2006). Cependant entre les membres d’un même quartier, d’une même
communauté surtout parmi les plus démunis, la solidarité perdurait. Les habitants se
soutenaient et s’échangeaient des choses simples comme le sel, le sucre, les allumettes, l’huile
etc. Dans les milieux ruraux, la solidarité restait une valeur centrale reposant sur les traditions
ancestrales. La valeur Tolérance est définie par l’ONU par ces termes : « les gens doivent se
respecter, dans toute leur diversité de croyance, de culture et de langage. On ne devrait ni
craindre ni réprimer les différences entre les sociétés, mais les chérir comme un atout
précieux de l'humanité. Une culture de paix et de dialogue entre toutes les civilisations
devrait être activement promue ». Cette culture de tolérance a toujours existé dans les
traditions gabonaises, dans la quasi-totalité des ethnies, par un dialogue ouvert en cas de
problème (les pourparlers), chaque famille ou clan disposant presque toujours d’un orateur.
C’est le cas par exemple chez les myene. Cette culture de dialogue et de tolérance est d’autant
plus effective que le Gabon est un pays multiculturel où cohabitent depuis toujours des
peuples et groupes ethniques divers. Là où d’autres pays africains ont connu des guerres, le
Gabon n’a connu aucun conflit ethnique majeur, en dehors des conflits de conquête de
territoire datant de l’introduction des royautés et causés par des intérêts économiques
nouveaux, au XIIV siècle. Les cercles de parole et d’échange créés juste après les
indépendances ont, même s’ils ont rapidement disparu, favorisé la mise en œuvre de la
tolérance. D’ailleurs c’est sur le slogan « Dialogue, Tolérance, Paix » et pour prévenir les
Page 109
divisions ethniques qu’Omar Bongo a réussi à installer un parti unique qui se voulait
unificateur. Bien entendu cela n’a pas réellement été le cas car tous ceux qui pensaient
autrement n’étaient plus tolérés, mais considérés comme des ennemis de l’Etat (Methegue
N’Nah, 2006). Comme si le parti unique induisait une pensée unique. Cependant la politique
d’intégration ethnique consistant à nommer au gouvernement des ressortissants de chaque
groupe ethnique « Géopolitique » a contribué à préserver la paix et la tolérance, même si elle
a développé l’exaltation du « ressenti ethnique », le favoritisme, la promotion, non plus que la
base des compétences mais de l’appartenance, et donc non garante de la compétence. Ainsi,
pouvons-nous dire que de Léon Mba à nos jours, ce sont les gouvernants, les hommes
politiques qui se sont succédés, qui ont accentué les phénomènes d’intolérance au Gabon :
emprisonnements illégaux, assassinats des opposants ou simplement de personnes pensant
autrement. Citons, par exemple, l’assassinat de Germain Mba (1971), de Ndouna Dépénaud
(1977), de Luang Robert (1979), de Fanguinoveny Pierre (1980), de Redjambé Joseph (1990)
etc. Jusqu’à nos jours et malgré l’implication du Gabon dans la guerre du Biafra dès 1968, les
démêlés frontaliers concernant l’île Mbanié avec la Guinée Equatoriale…, Omar Bongo reste
une figure emblématique de la culture de paix, de dialogue et de tolérance, tant en interne que
dans toute l’Afrique.
Le respect de la nature fait référence selon l’ONU à la prudence qu’on doit montrer dans la
gestion de toutes les espèces vivantes et des ressources naturelles, conformément aux
préceptes du développement durable. C’est seulement de cette façon que nous pourrons
préserver la richesse incommensurable fournie par la nature et penser à nos descendants. Les
modèles de production et de consommation non durables actuels doivent être changés dans
l'intérêt de notre bien-être futur et celui de nos descendants.
Cette valeur de respect de la nature fait partie intégrante des traditions gabonaises. En effet, la
nature et les éléments qui la constituent sont proches de l’homme. La forêt qui couvre 85% du
territoire national regorge de biodiversité ; elle est ainsi une richesse pour les peuples
(Bourobou, 2006) qui s’en servent pour leur survie et bien souvent de manière rationnelle, en
évitant de modifier en profondeur les écosystèmes naturels et en préservant l’essentiel de ses
caractéristiques. Nous parlons ici surtout des habitants du milieu rural, des paysans ou
villageois. Ainsi « de génération en générations s’édifie un système de production qui imite
autant que possible l’écosystème naturel de la région considérée » (Bourobou, 2006, p.4).
Bien que sa forêt connaisse une exploitation depuis des siècles, le Gabon reste un pays vert,
qui a souvent contribué de manière active à la protection de la nature. Cette valeur
Page 110
s’inculquait tant au sein du noyau familial qu’à l’école durant les cours d’instruction civique
et de travaux pratiques. Malheureusement cette instruction s’est perdue au fil des
modifications des programmes. Pourtant le Gabon a ratifié de nombreux protocoles
internationaux de défense et de protection de la nature et de la biodiversité comme le
protocole de Kyoto. Dès 2002 il consacre 11,5% de son territoire à cette préservation en
créant 13 parcs nationaux. Des espèces animales et arboricoles sont protégées et interdites de
chasse. Une régulation des saisons de chasse et de pêche est instaurée afin de diminuer et de
prévenir le prélèvement abusif et le braconnage à outrance. Depuis 2009, un des piliers du
projet du gouvernement de l’émergence du président Ali Bongo Ondimba43
se fait appeler le
« Gabon vert » et repose sur la diversification de l’économie au travers de l’exploitation des
richesses naturelles de la filière bois, de l’agriculture, de l’environnement et de l’écotourisme.
Cette politique a pour ambition de sensibiliser la population sur les problèmes
environnementaux, écologiques qui minent les populations, surtout des milieux citadins, afin
de favoriser la salubrité, le traitement des déchets et diminuer la production de gaz à effet de
serre. « Il s’agissait également de dynamiser la filière bois par l’accroissement d’une
production locale; de promouvoir l’écotourisme par l’investissement et le développement des
zones touristiques vertes ainsi que de lutter contre le braconnage en renforçant les pouvoirs
des institutions chargées de gérer les parcs nationaux » (Collectif des Jeunes
Démocrates, 2014). Ce projet s’est accompagné de grandes mesures interdisant l’exportation
des grumes (5 Novembre 2009) afin de favoriser une industrie locale de transformation ; la
vente de sacs plastiques dans les commerces afin de lutter contre la pollution au plastique et
protéger la nature ; l’importation de véhicules d’occasion de plus de trois ans afin de lutter
contre la pollution aux gaz toxiques et limiter la production de gaz à effet de serre ; la vente
d’armes à feu destinées à la chasse.
Malgré toutes ces interdictions, les villes restent insalubres. La protection de la nature et de
l’environnement n’est pas totalement effective. En effet, on constate malgré tout une
exploitation en sourdine de la forêt par ces mêmes autorités : alors que l’interdiction
d’exporter des grumes date de 2009, un bateau plein de 3700 tonnes de grumes en provenance
du Gabon vient de s’échouer sur les côtes françaises, ce 29 janvier 201644
). La mesure sur
l’importation de vieux véhicules a été réduite aujourd’hui à deux véhicules par personne et
par an. Les sacs et autres plastiques jonchent toujours les rues, quand ils n’obstruent pas les
canalisations. Les services de voiries sont inefficaces, insuffisants et le tri n’est effectif nulle
43
Président de la République Gabonaise depuis 2009 qui a succédé à son père feu Omar Bongo Obimba 44
France 2 journal du 30 janvier
Page 111
part, même pas par ces derniers. L’action des associations et ONG reste insuffisante et la
faible sensibilisation faite au travers des spots télévisés et radios restent sans effet face aux
réalités et à l’inexistence de services de suivi et d’accompagnement dans les changements de
comportements. Comme le montre Bakita (2012), même s’ils veulent changer de
comportement et malgré leur attachement à leur quartier, les Gabonais se retrouvent face à
l’insuffisance des actions des services des voiries. Par exemple, pourquoi trier les déchets si
les services des voiries les regroupent avec d’autres déchets en fin de processus ? Aussi
pensons-nous qu’il ne s’agit pas uniquement d’un désintérêt ou d’une absence de prise de
conscience de nos concitoyens concernant les questions environnementales mais aussi d’une
inexistence ou d’une inefficacité des structures adéquates pour accompagner ces mesures.
Par ailleurs, un problème culturel perdure : les comportements de gestion hérités des
traditions rurales et reproduits en ville sont inadaptés car la nature des produits, et donc des
déchets notamment ménagers, a changé. Ainsi même si cette valeur est ancrée dans la culture
gabonaise, se pose le problème des actions permettant sa mise en œuvre ; les programmes de
changement doivent intégrer les pratiques culturelles pour que la modification des
comportements soit effective. Pour paraphraser Hulot (1997) qui écrit que « l'écologie est
aussi et surtout un problème culturel. Le respect de l'environnement passe par un grand
nombre de changements comportementaux » ; je dirais : « le développement durable est aussi
et surtout une démarche culturelle ».
Aucun gouvernement ne peut gagner la bataille de la protection et la préservation de notre
écosystème sans y intégrer l’action citoyenne, sans sensibiliser et éduquer la population.
Le partage des responsabilités est présenté par l’ONU de la manière suivante : « pour gérer
le développement économique et social dans le monde entier, aussi bien que des menaces à la
paix internationale et la sécurité, la responsabilité doit être partagée entre les nations du
monde et exercée multilatéralement. En tant qu’organisation la plus universelle et la plus
représentative dans le monde, les Nations unies doivent jouer le rôle central ». Dans les
traditions gabonaises, il s’agit d’une valeur complexe, ambigüe et dont la place a connu un
recul considérable depuis la colonisation.
En effet, cette ambigüité s’explique par le fait que la responsabilité était associée aux rôles
assignés par chaque entité, chaque communauté, chaque individu. Ainsi, comme nous l’avons
évoqué ci-dessus, dans les croyances des peuples autochtones traditionnels, la responsabilité
du destin humain, et donc le sort de chaque humain, reposait sur celles des autres humains,
Page 112
des esprits des défunts, de la nature et des entités spirituels qui la peuplaient tels que les
génies (Metegue N’Nah, 2006) mais était également sous sa propre responsabilité. Cependant
la part attribuée à la responsabilité personnelle a eu tendance à diminuer, notamment avec
l’arrivée des missionnaires : l’introduction de l’évangile chrétienne enseignait que Dieu était à
l’origine de tout et que tout ce qui se produisait était sa volonté ou l’action du diable. Cette
vision a amplifié la tendance à la déresponsabilisation des individus qui s’est alors encore
avec la colonisation. Désormais toutes les responsabilités des destins des Gabonais étaient
attribuées aux Blancs.
Aujourd’hui encore, bien des décennies après, alors même que les institutions et la gestion de
l’Etat est entre les mains de Nationaux les dirigeants ont encore tendance à accuser ce passé
colonial. Pourtant ce sont eux qui ont du mal à tenir leurs promesses, qui détournent les fonds
en interne et qui n’arrivent pas à répondre aux besoins des populations, alors que le Gabon est
un pays riche et peu peuplé. Même si l’impact du néocolonialisme n’est pas négligeable, il
convient de le relativiser car les responsabilités sont et doivent être partagés.
L’état des lieux des valeurs de développement durable contribue à mieux comprendre la
conception du développement durable au Gabon et à répondre à la question de la mise en
œuvre du développement durable dans les organisations gabonaises.
Page 113
CHAPITRE 6 : LA PRE-ENQUETE
Le développement durable est une question d’actualité au Gabon, les discours politiques en
témoignent. Cependant, peu de recherches ont été initiées en milieu gabonais alors que les
traditions regorgent de pratiques durables et que les organisations gabonaises, et surtout celles
de type entreprises filiales de grands groupes occidentaux, doivent faire face aux exigences
internationales. En effet, dans la mesure où les maisons mères s’engagent dans la mise en
œuvre d’une démarche de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) et donc de
développement durable, elles veillent aussi à son respect et à son application par leurs parties
prenantes.
Notre pré-enquête se propose de faire un état des lieux du développement durable dans les
organisations gabonaises. Plus précisément, elle se propose de répondre à la question « « le
développement durable et ses valeurs sont-ils connus au Gabon, tant en milieu rural que
urbain? ».
Ainsi, un rappel du contexte géographique et culturel du Gabon et plus précisément (1) de la
province de l’Ogooué- Maritime, sera réalisé. Puis, en deux grandes études, nous traiterons du
développement durable. (2) Dans un premier temps en contexte organisationnel traditionnelle
villageois par des entretiens. Dans un second moment (3) en organisations modernes de type
entreprises dans lesquelles des entretiens seront associées à une observation participante
menée dans le cadre d’un Stage.
I. La présentation du cadre des études
Dans cette partie nous traiterons de la province de l’Ogooué Maritime, région dans laquelle
s’est déroulée notre pré-enquête. Il s’agira d’évoquer sa situation géographique et ce qui en
fait un lieu spécifique dans le Gabon.
1.1. Le Gabon : la province de l’Ogooué Maritime
Page 114
Notre cadre d’étude est la province de l’Ogooué- Maritime, lieu dans lequel vivent nos
sujets.
Elle est la huitième province du Gabon et abrite la capitale économique qui est Port-Gentil,
ville assez cosmopolite au sein de laquelle se côtoient toutes les ethnies du Gabon. Sa
population est estimée à 82.200 habitants (PNUD, 1993) et actuellement à plus de 100 000
habitants avec un tiers d’expatriés de diverses nationalités. Port-Gentil est qualifiée de
poumon économique du pays pour ses richesses pétrolières surtout.
La province représente 8,6% du territoire national avec ses 22 890 km2. Bordée à l’Ouest par
l’océan atlantique, au Nord Est par la province de l’Estuaire, de l’Est au Sud par les provinces
du Moyen-Ogooué, de la Ngounié et de la Nyanga, cette région connait comme le reste du
pays un climat chaud et humide de type équatorial avec des températures tournant autour de
26, 5°C.
La province de l’Ogooué-Maritime possède un relief assez diversifié constitué de plaines dont
la largeur varie entre 30 et 250m,Bassins et plaines côtières et de petits monts ou plaines
surélevées d’altitude plus ou moins moyenne (réserve de Wonga-Wongué, 250m de haut,
mont Igoumbi 820 m de hauteurs).
La richesse forestière de cette province n’est plus à démontrer tant par la présence d’espèces
végétales, diverses et ancestrales telles que Ozouga qui est l’unique représentant africain
d’essence du genre « sacoglottis » et est considérée comme une formation relique, survivance
contemporaine d’un monde végétal ancestral (Programme ART PNUD, 2007, p.7), que par la
diversité des espèces et de la biodiversité animale qui peuple ces forêts. Ces forêts sont bien
souvent de types denses, humides, marécageux et sempervirents. Celles–ci jouent un rôle
important dans la vie et les activités des riverains.
La vie forestière est nourrie par un réseau hydraulique impressionnant où océan, mer, lagunes,
rivières, fleuves, lacs, marigots sont interconnectés. Parmi ce réseau se trouve le fleuve
Ogooué qui est le plus important et au bord duquel se situe le village Yombe 2.
Sur le plan politico- administratif, la province est divisée en trois départements subdivisés à
leur tour en huit cantons, comme l’indique le tableau ci-dessous.
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Tableau 2 : Découpage administratif de l’Ogooué-Maritime45
départements Communes et chef-lieu cantons
Bendjé Port-Gentil Océan – Ogooué Lac Anengué
Etimboué Omboué Lagune nkomi Orembo-nkomi Lagune-ngowe
Ndougou Gamba 3 Lagune-ndougou Rembo-bongo Basse-nyanga
Concentrée majoritairement dans les communes (Port-Gentil, Gamba, Omboué), la population
de la province est plutôt citadine à l’exception du département d’Etimboué, dont la population
est majoritairement rurale, à environ 79%.
La population de la province est constituée par les groupes ethniques autochtones et d’autres
installés plus tardivement.
Tableau 3 : groupes ethniques de l’Ogooué Maritime
Groupes ethniques autochtones Autres groupes présents
Myènès Fangs
Vilis Mériè (Punu Eschira Varama)
Loumbous Sango
Ngowés
Le potentiel environnemental de la Province est énorme et repose sur son Océan, ses fleuves
riches en poissons divers, ses lagunes qui abritent des populations importantes de lamantins,
ses lacs, etc. De plus, la province de l’Ogooué Maritime comprend les complexes d’aires
protégées dont le parc national de loango, qui intègre la réserve d’iguéla d’une superficie de
1550 km2, des animaux telles que les éléphants, buffles, hippopotames, gorilles et panthères
45
Source: CGAT
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qui peuplent les plages du parc et qui souvent s’y baignent. Le parc national de Moukalaba-
doudou où se mêlent des types de forêts diversifiés (forêts tropicales humides, savanes
arbustives, mosaïques, prairies, formations karstiques, immenses marécages à papyrus) est
tout aussi époustouflant. D’une superficie de 4500 km2, il favorise par ses différents habitats
une grande diversité d’espèces d’oiseaux et compte par endroit les densités de gorilles les plus
élevées du Gabon. Tous ces éléments font de ce lieu un site unique au monde.
Un cadre institutionnel a été établi afin de veiller à la préservation de cet environnement.
Celui-ci fixe les grandes lignes de la politique du Gabon en matière d’environnement telle que
la loi n°1/82 du 22 juillet 1982 dite «loi d’orientation en matière des eaux et forêts» ; la «lettre
de politique générale pour la forêt et l’environnement» du 1er juin 1992; la loi n°16/93 du 26
août 1993 relative à la protection et à l’amélioration de l’environnement, dite « code de
l’environnement » etc. Un service provincial de l’environnement a vu le jour il y a peu. Il a
pour rôle de veiller à : la préservation et l’utilisation durable des ressources naturelles, la lutte
contre les pollutions et les nuisances, l’amélioration et la protection du cadre de vie, la
promotion des nouvelles valeurs et activités génératrices de revenus liées à la protection de
l’environnement et l’harmonisation du développement avec la sauvegarde du milieu naturel.
Citons aussi le service des eaux et forêts dont les missions s’articulent autour de la gestion
rationnelle des écosystèmes forestiers et fauniques dans le but de favoriser la reproduction des
espèces animales et halieutiques au travers de la lutte contre le braconnage et les coupes
illégales et anarchiques de bois par tous (populations comme entreprises). Ce service a bien
entendu en charge la gestion des parcs, aires et espèces protégées. Cependant, malgré
l’existence de cette réglementation et de ces services, des efforts considérables restent à faire.
Dans le domaine de la gestion des déchets tant ménagers qu’industriels, la province de
l’Ogooué Maritime fait face à de grandes difficultés. Ce qui fait de cette problématique un
problème important de santé publique et une entrave au bien-être des populations. Un peu
partout on observe des pratiques d’évacuation de déchets anarchiques chez les opérateurs
industriels. Cela est occasionné en partie par l’absence criante de décharges publiques
répondant aux normes requises en matière de traitement de déchets en tout genre. Par ailleurs
les budgets insuffisants alloués aux collectivités locales sont un frein supplémentaire à une
éventuelle amélioration. Ainsi, déjà sableuses, les villes connaissent une récurrence des
inondations en saison des pluies, situation que favorisent l’ensablement des caniveaux et des
Page 117
fosses d’évacuation ainsi que les comportements irrespectueux des populations. La ville de
Port-Gentil par exemple connait une érosion progressive des côtes, un arrêt de la politique de
viabilisation des quartiers depuis les années 1980 et un enclavement des quartiers du fait du
caractère sablonneux des voies d’accès. Malgré l’abondance des pluies et la présence des
cours d’eau, l’abonnement à l’eau potable a un coût relativement élevé.
On note également une insuffisance des investissements pour étendre le réseau d’adduction
d’eau. Les pompes publiques qui existaient ont été toutes fermés au cours des années 2000,
laissant ainsi les populations les plus démunies dans la précarité et l’endettement. En effet,
elles sont obligées de puiser l’eau dans le voisinage à un prix souvent très élevé, ce qui
occasionne souvent par ailleurs des conflits de voisinage. La situation en terme de fourniture
en électricité est quasi identique avec des installations anarchiques qui mettent les populations
en danger permanent et ont déjà causé plusieurs morts par électrocution.
Les zones rurales pouvant généralement être ralliées par voies fluviales connaissent les
mêmes difficultés et une pénurie en moyens de transport. Les tarifs des billets des rares
pirogues et bateaux ont augmenté de près de 200 % en quelques décennies.
Les populations qui ont toujours vécu de pêche et de chasse de subsistance font face
désormais aux interdictions juridiques souvent abusives et à une justice à deux vitesses qui
octroie des permis de pêche à des sociétés étrangères qui pratiquent la pêche industrielle
illicite et font de la surpêche, sans aucun respect pour les zones de reproduction. Alors que
sont désormais lésés les petits pêcheurs.
On observe en outre le développement d’un tourisme anarchique, des risques de pollution
pétrolière très élevés (marées noires), une surexploitation forestière et du braconnage à
l’intérieur des parcs, et l’octroi de permis d’exploration pétrolière dans les aires protégées.
Tout cela perturbe la vie des êtres vivants dans cette zone.
Comme nous pouvons le constater, les problèmes environnementaux et sociaux de cette
province pourtant au fort potentiel sont multiples et nécessiteraient une réflexion concertée
pour la mise en œuvre d’un réel développement responsable et durable.
Page 118
Carte 1.Carte détaillée de L’Ogooué Maritime.
1.2. Le développement durable dans les organisations Gabonaises
Dans ce paragraphe, nous verrons successivement les définitions données à l’organisation (1),
les types d’organisations en présence au Gabon (2) et enfin la situation du développement
durable dans les organisations Gabonaises (3).
Définitions d’une organisation
Dans le langage courant, l’organisation fait référence à l’action d’organiser c’est-à-dire
structurer, agencer, articuler (Livian, 2000). Pour les sciences de gestion, l’organisation peut-
être définie comme « un ensemble de personnes entreprenant une action collective à la
poursuite d’une action commune »46
(Mintzberg, 1998, cité par Duigou, Guillet, Maucourt,
Leaou et Mulic, 2014, p.10). De même, elle est décrite comme « un ensemble de personnes
46
CABIN P., Comprendre les organisations, Entretien avec Henri MINTZBERG, Sciences Humaines Hors-série N°20, Mars/Avril 1998
Page 119
qui ont entre elles des relations en partie régulières et prévisibles, dans lequel il existe des
critères de valeur pour les résultats de l’organisation, des unités et/ou des individus »
(Duigou et al, 2014, p.10-11). Ces définitions s’appuient sur les éléments qui composent une
organisation.
Ainsi, en Sciences humaines, on considère classiquement qu’une organisation se compose
d’une Structure (physique et sociale) d’une Culture et d’une Technologie.
L’organisation en tant que structure.
La structure renvoie aux relations entre les éléments d’un tout organisé. Les auteurs de ces
théories des organisations vont s’intéresser généralement à deux types de structures qui
composent selon eux une organisation : la structure physique et la structure sociale, les deux
étant étroitement liées.
La structure physique renvoie aux éléments spatiaux et temporels de l’organisation. Ainsi, une
entreprise peut se définir comme un ensemble d’espaces, de bâtiments, bureaux, etc., et leur
localisation géographique. La structure physique a été plus précisément analysée par certains
théoriciens des organisations, notamment les modernistes et les interprétativiste-symboliques.
Pour les premiers, une organisation relève du concret, du palpable et prend toute son
importance grâce à la structure physique dans laquelle vont s’exprimer les comportements.
Pour les seconds, les humains associent des expériences à des lieux précis. Et ce sont les
structures physiques, notamment les espaces construits, qui suscitent du sens pour leurs
occupants. Ainsi, les structures physiques sont d’importants symboles organisationnels qui
imprègnent de significations les relations interpersonnelles. Les espaces construits peuvent
alors se lire comme des textes où est inscrite l’expression des relations de pouvoir. Par
exemple la qualité du bureau et sa situation peuvent donner des indications sur le pouvoir de
son occupant. Les interprétativistes-symboliques partagent d’ailleurs cette idée avec les
théoriciens des organisations se référant au post-modernisme.
Les éléments constituant la structure physique d’une organisation sont principalement la
géographie organisationnelle, l’aménagement spatial, l’aménagement paysager, le design et la
décoration. Ils sont fortement liés à la structure sociale, à la culture et aux techniques et donc
à l’identité (Hatch et Cunliffe, 2009).
Page 120
La structure sociale désigne les relations entre les gens qui assurent les rôles dans
l’organisation (Hatch et Cunliffe, 2009). En effet, une organisation se définit comme un
ensemble de relations interpersonnelles, de responsabilités, de pouvoirs permettant d’établir
une politique, des buts ou objectifs et de les atteindre (ISO 9000, 2005). Selon Weber (1900),
cette structure sociale se compose de trois éléments :
- la division du travail qui se définit par la distribution des responsabilités, la répartition
des tâches, chacun réalisant un élément de l’ensemble.
- une hiérarchie d’autorité qui fait référence à la distribution de l’autorité et du pouvoir
dans l’organisation, celle-ci étant souvent liée au poste ou à la place occupée. la
formalisation des règles et procédures qui fait référence au fait de rendre plus claires,
plus explicites les règles et les procédures organisationnelles. Par exemple en
établissant des programmes, des modes d’emploi, un règlement écrit etc.
Plusieurs champs disciplinaires (sociologie des organisations, psychologie des organisations,
management, sciences de gestion) définissent l’organisation comme un ensemble d'individus
ou de groupes d'individus en interaction, ayant un but collectif, mais dont les préférences, les
informations, les intérêts et les connaissances peuvent diverger. On peut citer, à titre
illustratif, une entreprise, une administration publique, un syndicat, un parti politique, une
association, etc. L’organisation désigne également un lieu privilégié de l’action collective
organisée et de communications c’est-à-dire un « lieu d’activation des structures culturelles »
où chacun agit en contexte (Belin, 2007).
Ainsi, selon Belin (2007), en tant qu’espaces de communication « par excellence », les
organisations sont le théâtre d’interactions entre approches et courants divers (qualitatifs,
constructifs, pratiques…) et où les projets collectifs et la culture commune partagée (valeurs,
normes, positionnement des acteurs) sont exacerbés. C’est aussi un lieu de contextualisation
et de définition des situations.
Pour la sociologie des organisations, c’est un lieu où s’exerce le pouvoir. Généralement, le
pouvoir est défini comme « la faculté et la possibilité dont un ou plusieurs individus ou
groupes d’individus disposent pour appliquer, faire accepter, faire exécuter ou imposer […]
des décisions […] à un ou plusieurs individus ou groupes d’individus […] »47
.Ces individus
acteurs pouvant être des acteurs internes ou externes à l’entreprise (Mintzberg, 1990).
47
http://www.olats.org/schoffer/defpouv.htm, lien actif le 17/01/2007. Cité par Belin(2007)
Page 121
L’organisation peut dès lors être appréhendée à partir du concept de pouvoir dans la mesure
où ce dernier permet d’analyser les phénomènes organisationnels et les différentes dimensions
de l’organisation comme les dimensions relationnelle, communicationnelle etc. Pour Crozier
et Friedberg (1977) c’est le pouvoir qui permet de fixer officiellement certaines normes,
lesquelles orientent et organisent à leur tour l’action collective. Or, sans fixation de règles, il
ne peut y avoir d’action collective organisée. Ces relations de pouvoir doivent être
considérées comme paritaires dans la mesure où aucun acteur n’est « jamais totalement
démuni face à l’autre » (p. 60-61). Le pouvoir repose sur différentes sources comme
l’expertise, la connaissance de l’environnement, la maîtrise des réseaux d’informations et la
maîtrise des règles de l’organisation (Belin, 2007).
L’organisation en tant que culture
Au-delà du pouvoir qui permet de comprendre l’organisation, les auteurs vont relever un autre
facteur déjà mentionné précédemment : la culture. En effet, pour Livian (2000), le pouvoir et
la culture sont les deux leviers de l’action collective organisationnelle. Cette culture
s’exprime, par exemple, au travers de la communication. Ainsi communiquer serait l’action
d’« activer sa structure culturelle » (Birdwhistell, Bateson, Goffman, Hall, Jackson, Schlefen,
Sigman, Watzlawick, 1981).
La culture dans une organisation peut être définie comme l’ensemble des certitudes tacites de
base portant sur la perception du monde dans ce qu’il est et doit être qu’un groupe de
personnes partage. Cela détermine leur manière de percevoir les choses, leurs pensées, leurs
sentiments et leurs comportements manifestes (Schein, 1996). La culture, c’est la façon dont
les membres d’une communauté vivent, se perçoivent et travaillent ensemble. Parce qu’elle
porte en elle des facteurs décisifs de différenciation (Duigou & al. 2014), « La culture, c’est
ce qui fait que chaque entreprise est unique. Deux entreprises peuvent suivre la même
stratégie, avoir les mêmes structures, recourir aux mêmes techniques de gestion, elles ont
néanmoins leur propre culture et c’est ce qui peut être à l’origine du succès de l’une et de
l’échec de l’autre1 ». (Delavallée, Joly & Yoldjian, 2002).
La culture comprend :
- les Artefacts c’est-à-dire les symboles physiques, comportementaux, linguistiques
observables comme la manière de s'habiller, les blagues… en somme les aspects
visibles de la culture ;
- les valeurs c’est-à-dire les stratégies, objectifs, buts et philosophies de fonctionnement
et de vie qui sont choisies de façon consciente et diffusées au sein de l’organisation ;
- les prémisses c’est-à-dire des éléments qui opèrent de manière inconsciente telles que
les croyances, les convictions, et normes qui sont l'essence de la culture
organisationnelle (Schein, 1992, 1996).
Page 122
Ainsi une étude de l’organisation IBM (Hofstede, 1997) montre que l’organisation peut être
envisagée à la fois comme une culture à part entière, comme un ensemble de sous-cultures et
comme une sous-culture d’une culture plus vaste.
L’organisation en tant que culture renvoie à l’idée de communauté dans laquelle les valeurs
sont partagées de manière intersubjective. Une communauté de pratiques et de langage
partagés. Selon les interprétativistes-symboliques, la culture peut être définie comme un
contexte de production de sens et d’interprétations dans lequel les membres d’une
organisation forment leur identité, leur expérience et leur activité (Wenger et Lave, 1991),
c’est-à-dire un groupe de personnes liées de manière informelle par des intérêts communs et
des répertoires linguistiques et expressifs, des valeurs, des routines et qui sont auto-organisés
et autogérés. L’organisation est alors perçue comme des réseaux émergents d’interactions
sociales entre les individus et les groupes. Et comme une communauté en termes d’objectifs,
selon les modernistes.
Ainsi, la culture d’une organisation va influencer le choix des techniques qui seront mises en
œuvre.
L’organisation en tant que technique
Un autre facteur de compréhension des organisations est la technique. Celle-ci participe à la
construction progressive d’une situation commune partagée en faisant référence à deux
réalités que sont (a) les propriétés physiques des objets et (b) leurs propriétés sociales à savoir
les valeurs et la signification de ces objets (Birdwhistell, Bateson, Goffman, et al, 1981). «
Les objets ne sont pas neutres », ils sont porteurs de proposition d’interaction et donc de
significations ou « d’affordances » (Mucchielli, 2000, p.173). Les objets techniques et les
dispositifs techniques renvoient alors à un ensemble de normes, de positionnements, de
qualités de relations, de valeurs, lesquels forment un contexte dans lequel l’action se produit.
De ces différentes définitions, il apparait que l’organisation est définie par un ensemble de
caractéristiques que Bernoux (1985) synthétise en cinq traits principaux :
La division des tâches : toute organisation définit de manière précise les tâches qui
permettent d’atteindre ses objectifs. Ces derniers sont associés aux rôles qui vont être
assignés à chacun de ses membres.
La distribution des rôles : les rôles définissent la manière dont chaque membre réalise
sa tâche. Cette tâche est souvent particulière et adaptée à chaque membre de
l’organisation.
Le système d’autorité : il correspond aux mécanismes des relations de pouvoirs qui
s’exercent dans un groupe, ce pouvoir étant un élément central dans la structuration
des relations. Le système d’autorité permet d’assurer une adéquation entre
comportements individuels et buts de l’organisation ou du groupe. L’organisation
Page 123
étant, comme le souligne Anzieu et Martin (1968), un lieu où on travaille en groupe et
le groupe étant un paradigme de relations de pouvoirs.
Le système de communications : Il traite de la circulation des informations au sein du
groupe et assure ainsi le maintien et la mise en relations entre les individus
appartenant à l’organisation.
Le système de contribution-rétribution : il définit l’apport de chaque individu à
l’organisation et ce que l’individu doit recevoir en conséquence. Par exemple, fournir
un travail et percevoir un salaire comme rétribution.
Les types d’organisations gabonaises choisies
Notre étude portera sur deux types d’organisations coexistant au Gabon : les organisations de
type traditionnelles majoritairement présentes en milieu rural et les organisations modernes
plus actuelles, le plus souvent implantées en milieu urbain.
Les organisations traditionnelles
Le milieu rural gabonais regorge d’organisations s’appuyant sur le modèle des organisations
traditionnelles gabonaises. Bien qu’elles présentent certaines différences dues à des systèmes
des valeurs, des milieux naturels et une histoire différentes, les organisations traditionnelles
gabonaises ressemblent aux autres organisations traditionnelles des sociétés africaines ; on
peut ainsi répertorier cinq structures sociales : la famille, le clan, la tribu, l’ethnie et le
royaume (Cissé, 1982). Dans chaque structure, la vie et le travail sont régulés par un ensemble
de rôles et de tâches qui sont assignés à chaque membre de la société. Au Gabon actuellement
on retrouve quatre d’entre elles : la famille, le clan, la tribu et l’ethnie.
- La famille représente la cellule de base de l’organisation sociale. Elle doit être
considérée dans le sens élargi du terme et comprend non seulement toutes les personnes
apparentées vivant sous le même toit (père, mère, enfants, grands-parents, oncles ou tantes),
mais également tous les parents éloignés et les alliés (certains membres de la tribu, du clan,
du voisinage, amis de la famille etc.).
- Le clan représente un ensemble plus ou moins étendu des autres membres de la
communauté qui sont unis par des liens de sang et qui se considèrent comme descendants
d’un même ancêtre. Ils ont souvent le même totem.
- La tribu représente un ensemble un peu plus vaste de personnes qui fondent leur
solidarité sur une parenté ethnique ou culturelle. Cette parenté peut être réelle ou supposée.
Page 124
- L’ethnie représente une communauté linguistique, c’est-à-dire un ensemble de
personnes qui partagent la même langue ou certains caractères linguistiques. Ainsi, le
groupe ethnique myènè comprend les Pongwè, les Galoa, les Nkomi, les Orungu ; tous ces
groupes ont beaucoup de caractères linguistiques similaires et peuvent donc se comprendre.
L’organisation traditionnelle gabonaise, comme celle d’autres sociétés africaines, repose
aujourd’hui encore sur un système ancien que Mbah & Igariwey (1997) nomment le
communalisme. Il s’agit d’un mode de production découlant des sociétés de chasseurs-
cueilleurs, reposant sur un collectivisme égalitaire et autogéré, et donc sur une indépendance
quasi inconditionnelle des différentes communautés, avec une implication directe ou indirecte
de tous les membres à la prise de décision et à la gestion des affaires communautaire à tous
les niveaux.
Ce système est basé sur une économie solidaire. En effet les sociétés traditionnelles rurales
ont une économie de subsistance basée sur le partage et le troc de biens et services et de non
gaspillage mettant les personnes à l’abri du besoin et de la faim. Ainsi, on pouvait échanger
du sel contre du fer, du poisson contre de la viande ou du manioc, un panier contre une
pagaie. Ces échanges de produits permettaient de combler le manque et de gérer les
excédents, mais aussi d’encourager la diversité, de stimuler la spécialisation dans certains
domaines. Cela permit également le développement d’une symbiose entre des groupes
gagnant leur vie de différentes manières et échangeant des produits à leur avantage mutuel. A
ce propos, Rodney (1972) dira que « De cette façon, l’industrie du sel d’une localité serait
stimulée, tandis que l’industrie du fer serait encouragée dans une autre. Dans une zone
côtière, de lac ou de rivière, le poisson séché pouvait devenir profitable, tandis que le yams et
le millet poussaient très bien ailleurs, ce qui donnait une base solide d’échange » (Rodney
(1972) cité par Mbah & Igariwey, 1997, p.2)48
. Dans ce système d’organisation
communaliste, la gestion du pouvoir était de structure horizontale, c’est-à-dire reposant sur un
leadership découlant d’un consensus, d’un commun accord ou d’un besoin mutuellement
ressenti et sur les bases des liens de fraternité familiale, caractérisées par un haut niveau de
diffusion des fonctions et du pouvoir. Ce pouvoir ou leadership développé sur la base des
liens de la famille et de la fraternité, de la reconnaissance confraternelle n’était conféré que
par l’âge. L’âge est un facteur clé en Afrique en général et au Gabon en particulier : il est
synonyme de sagesse et de jugement rationnel. Cette sagesse confère aux Anciens une
autorité sans supériorité. En effet, ces derniers n’avaient aucun avantage particulier, dans la
48
tps://resistance71.wordpress.com/tag/afrique-du-colonilaisme-au-neo-colonialisme/
Page 125
mesure où ils partageaient le travail avec le reste de la communauté et recevaient la même
part ou valeur que les autres. Ils avaient la particularité de régler les litiges et les affaires de la
communauté avec finesse et humilité et surtout en qualité de père de famille. Donc sans
jamais faire prévaloir un quelconque sens de “supériorité”, la communauté étant d’abord une
famille qui a des intérêts communs (Mbah & Igariwey, 1997).
Ainsi, le leadership reposait sur ces intérêts communautaires plutôt que sur l’autorité sur ses
membres, ce qui induisait ainsi un sentiment d’égalité profond parmi les membres de la
communauté.
Cette posture a permis le développement d’une communication fluide au sein de ces sociétés
et un équilibre des rapports de forces dans la coordination des activités empêchant ainsi
l’émergence de rôles dominants et une division de travail et donc des personnes. Mais elle
favorisait aussi une justice sociale et une responsabilisation individuelle. En effet, les Anciens
étaient assistés dans leur administration générale de représentants spécifiques selon la nature
du problème, les décisions ne reposant pas sur des lois écrites mais sur un système de valeurs
partagées, de croyances traditionnelles, de respect mutuel, des principes indigènes de la loi
naturelle et de la justice. Aussi, les sanctions découlant des transgressions d’un individu
entachaient son honneur et surtout celui de toute la famille. Cette dernière en souffrait
terriblement et en avait honte. Cela était une source de responsabilisation individuelle et
collective car les actions individuelles n’engageaient pas seulement l’individu seul, elles
impliquaient toute la famille voire au-delà.
De nos jours, on retrouve encore plusieurs caractéristiques de ces organisations de type
traditionnel en milieu rural. Cependant, ces caractéristiques cohabitent avec d’autres plus
modernes. En effet, dans les villages du Gabon, les chefs sont nommés par l’administration
publique et reçoivent une rétribution pour leur travail. Cependant, bien souvent, ces chefs sont
choisis à l’unanimité car déjà représentants d’une autorité clanique. Le critère « âge » est
toujours primordial mais doit être associé à un minimum d’instruction moderne, bien qu’à
moindre échelle.
C’est donc le système d’organisation traditionnelle communaliste qui prédomine dans les
zones rurales gabonaises.
Page 126
2. Etude des valeurs du développement durable dans les
organisations traditionnelles villageoises
Le travail sur les valeurs en organisation traditionnelle villageoise portera sur un échantillon
des habitants du village Yombe 2. Cette étude sera subdivisée en deux grands points : un
premier portant sur la méthode choisie (2.1) et un second rapportera les résultats issus des
analyses de contenu (2.2).
2.1 Méthode
Cette partie Méthode présentera le terrain, les participants, le matériel choisi et la procédure
utilisée.
2.1.1. Présentation du terrain
La pré-enquête en organisation villageoise a eu lieu durant la période des vacances d’été
2013, dans la province de l’Ogooué Maritime, plus précisément dans le village de Yombe 2
situé au bord du fleuve Ogooué, à environ 200 kilomètres de Port-Gentil, la capitale
économique du Gabon. Ce village est présenté comme ayant le code de région Africa/Middle
East, situé à 6 mètres d'altitude.
Ses coordonnées géographiques sont 0°58'0" S et 9°25'60" E en DMS (degrés, minutes,
secondes) ou -0.966667 et 9.43333 (en degrés décimaux). La position UTM est ND49 et la
référence Joint Opération Graphics est SA32-0349
.
Comme d’autres villages de la région, Yombe 2 a vu sa population baisser de plus de la moitié
en deux décennies. Cela peut être attribué aux nombreux décès survenus, mais aussi à l’exode
rural qui a vu le déplacement vers les villes des nouvelles générations à la recherche d’un
emploi, pour la poursuite de leurs études supérieures ou la fuite de ce qu’on appelle au Gabon
« les vampireux50
». Ainsi, malgré les efforts consentis par le conseil départemental de
Bendje51
, au début des années 2000, qui avait, grâce à la mise en œuvre d’une politique de
développement rural, réussi à inverser la tendance, le village se retrouve peu peuplé en
49
http://fr.getamap.net/cartes/gabon/ogooue-maritime/_yombeii/ 50
Personnes de mauvaise foi ayant des pouvoirs occultes destructeurs et souvent accusées à tort ou à raison de
causer la mort. 51
Département dont fait partie le village de Yombe 2.
Page 127
période de saison des pluies. Il ne retrouve son effectif d’antan que durant la saison sèche
lorsque enfants et petits-enfants viennent passer les vacances, aider les parents et grands-
parents aux travaux champêtres etc.
2.1.2.Les participants
Notre échantillon comprend 15 personnes (8 femmes et 7 hommes), âgées de 15 à 80 ans
environ. Nous avons choisi cette étendue d’âge afin de respecter la diversité générationnelle
qui prévaut dans ce milieu. En effet, la présentation du terrain nous a montré que l’âge était
une variable clivante. Nous avons donc choisi un échantillon composé de 8 anciens (>30ans)
et 7 jeunes (au plus 30 ans).
Les anciens ont toujours vécu dans ce village. Ils vivent d’agriculture, de chasse, de pêche et
de diverses autres activités connexes ainsi que de quelques denrées envoyées régulièrement
par leurs proches résidant en ville. Certains sont veufs ou veuves et vivent de manière alternée
entre le village et la ville où résident leurs enfants. Attachés au village et à leurs travaux
champêtres, ils refusent de partir, bien qu’ayant perdu leur conjoint avec qui ils ont toujours
vécu.
Les plus jeunes sont pour la plupart des enfants issus de parents originaires de ce village et y
ayant grandi. Ils étudient ou travaillent en ville et viennent pour aider les leurs dans la
réalisation des travaux champêtres, pour travailler dans la pêche en saison d’ouverture qui
cadre avec la période des vacances scolaires, ou pour passer les vacances dans un cadre sain et
reposant loin du tumulte de la ville. Certains résidents alternent entre le village et la ville. Ce
sont des personnes exerçant une activité de commerce et qui se rendent régulièrement en ville
pour écouler leurs marchandises, ou des salariés de la fonction publique, enseignants ou
infirmiers, qui travaillent au sein des infrastructures publiques du village et qui font des allers-
retours en ville. On y trouve également des jeunes sans activité précise et vont de la ville au
village et vice-versa à la recherche de leur subsistance.
Tous les sujets sont attachés au village et ils parlent et comprennent très bien le français.
Le profil de chaque participant est présenté dans le tableau ci-dessous.
Page 128
Tableau 4 : présentation des sujets.
Sujets Age Sexe Profession Lieu de résidence
S1 74 F paysan Village/ville
S2 80 M paysan village
S3 33 F paysan village
S4 15 F Elève Ville
S5 20 M Etudiant Ville
S6 27 F sans Village/ville
S7 36 M Salarié/ enseignant
Village/ville
S8 17 M Elève Ville
S9 53 M Paysan Village
S10 47 M Paysan/ pêcheur
Village/ville
S11 25 F Etudiant Ville
S12 65 F paysan village
S13 68 F paysan village
S14 20 M Salarié Ville
S15 30 F commerçante Village/ville
2.1.3. Le matériel
Pour conduire cette étude, nous avons opté pour une approche qualitative et avons choisi de
procéder à des entretiens. L’entretien permet une analyse du sens que les sujets donnent à
leurs comportements, ressentis, émotions, pratiques et aux événements qu’ils vivent, à leurs
systèmes de valeurs mais aussi aux interprétations qu’ils font des situations qui leur
permettent de relater les évènements passés (Lefebre, 2010).
Les entretiens que nous avons choisi de mener sont de nature exploratoire et de type semi-
directif. Comme le souligne Lefebre (2010), ils aident à dégager des thèmes et des points
d’approche sur l’objet. Ils permettent de tâter le terrain et apprennent à se repérer dans le
Page 129
milieu enquêté, à prendre des marques et des repères. Ils servent aussi à repérer les thèmes
récurrents dans le discours du sujet. Ils conduisent également au recueil d’un certain nombre
de données liées au terrain ou de contacts qui pourront être utiles pour notre recherche. Par
ailleurs, « ces entretiens sont donc souvent utilisés en parallèle des premières lectures pour
mettre au jour la problématique et définir de manière plus précise l’objet à l’étude ».
(Lefebre, 2010, p.1.)
Le choix de ce type d’entretien se justifie par le fait qu’il permet une certaine liberté de
parole, tant du côté du chercheur que de celui du sujet. Bien qu’un guide d’entretien soit
préparé, le chercheur n’est pas obligé de suivre l’ordre des questions préétablies. Il relance le
sujet et l’aide à centrer son discours sur les thèmes à aborder. Ainsi le chercheur peut mieux
cerner la complexité de l’objet étudié et obtenir des informations qui seraient peut-être
passées inaperçues avec un autre outil.
Nous avons construit un guide d’entretien comprenant des questions portant sur les valeurs, le
développement durable et les valeurs de développement durable.
La première question qui servait de consigne de départ était ainsi formulée :
- « On parle souvent des valeurs de nos jours, qu’en pensez-vous ? ».
Cette question que nous avons volontairement décidée large permettait d’entrée d’installer un
climat propice aux échanges car il s’agit d’un sujet de société ouvert et sur lequel chacun de
nos participants pouvait avoir une opinion. Cette question poussait également nos intervenants
à aborder les différences entre le contexte traditionnel et le contexte moderne.
La première partie portait sur les valeurs et comprenait trois questions :
« quelles sont selon vous les 5 valeurs les plus importantes pour le village ? »
« quelles sont les 5 valeurs les plus importantes pour vous ? »
« je vais vous citer quelques valeurs, que pensez-vous d’elles ? »
Ces questions permettaient d’appréhender dans un premier temps les valeurs qui prévalaient
au sein du village afin de comprendre si ce dernier était plutôt moderniste ou conservait des
valeurs traditionnalistes. Dans un second moment il s’agissait de voir comment le sujet se
Page 130
positionnait face à la communauté et notamment s’il était en phase avec le village et
partageait la vision d’ensemble qui y prévaut. Ces questions permettaient aussi de voir si
certaines valeurs de développement durable existaient, étaient mises en avant et partagées au
sein du village ou étaient individuelles, c’est-à-dire portées par les individus seuls.
La dernière question de cette première partie « je vais vous citer quelques valeurs, que
pensez-vous d’elles ? » visait à faire ressortir les opinions des sujets sur les valeurs du
développement durable : les connaissaient-ils et quelle importance avaient-elles pour eux.
Plus précisément, il s’agissait de citer les valeurs établies par l’Organisation des Nations
Unies(ONU) comme étant les valeurs de base du développement durable qui n’étaient pas
apparues précédemment dans le discours des sujets.
La deuxième partie était centrée sur le développement durable et ses valeurs. Elle comprenait
3 questions :
- « Actuellement on parle de développement qu’en pensez-vous ? »
- « pensez-vous qu’il existe un lien entre vos valeurs, celles que je vous ai citées et le
développement durable ? »
- « S’il fallait rendre le monde meilleur pour les hommes et l’environnement quelles
valeurs proposeriez-vous ? ».
La première question « Actuellement on parle de développement qu’en pensez-vous ? »
induisait une réponse ouverte et riche permettant de savoir si les sujets avaient une
connaissance ou ont simplement entendu parler du développement durable. Ainsi l’objectif
était non seulement de mesurer leur niveau de connaissance sur cette thématique, mais aussi
de les pousser à faire un état des lieux du développement durable, à situer la thématique sur le
plan local, national voire international. Leur implication nous permettait d’évaluer leur degré
d’implication dans cette problématique considérée comme nouvelle.
2.1.4. Procédure
Les entretiens ont été menés durant le mois d’aout 2013 au village Yombe2. Les personnes
abordées ont toutes répondu favorablement et de manière volontaire à la proposition de
participer à cette étude. Nous les avions sans un premier temps contactées pour avoir leur
accord et leur expliquer les modalités de l’entretien. Cependant, vues les tensions politiques
Page 131
dans le pays, la plupart des participants se sont montrés réticents l’idée d’être enregistrés,
aussi avons-nous opté pour une prise de note que nous réalisions à la main. Pour être sûr
d’avoir le plus fidèlement possible retranscrit la pensée des répondants, nous leur relisions nos
notes, ce qui leur permettait parfois d’apporter quelques compléments ou reformulations.
Les entretiens ont duré de 45mn à 1h. Ils se déroulaient au domicile du sujet, en début de
soirée car c’est la période de la journée la plus tranquille au village et les personnes sont
détendues après les travaux champêtres. C’est ainsi le moment propice aux échanges.
L’entame se faisait sur des échanges sur leur quotidien comme prendre des nouvelles de la
journée, de la santé de la personne. Puis nous expliquions l’importance qu’avait cet échange
pour nous dans le cadre de nos études et son apport dans l’enrichissement des savoirs culturels
locaux. Nous insistions sur le caractère anonyme que revêtait l’entretien, le fait qu’il n’y avait
aucune évaluation et donc pas de mauvaises réponses. Ces précisions contribuaient à installer
un climat de confiance et mettaient à l’aise les participants.
Nous faisions des relances afin de les aider à approfondir leurs idées, à apporter plus
d’éclaircissements sur certains de leurs points de vue énoncés.
Les entretiens ont ensuite été retranscrits à la main le soir même puis sur ordinateur à notre
retour en France.
2.2. Résultats
Analyse de contenu
Nous avons procédé à une analyse de contenu catégorielle thématique. Ce paragraphe
présentera les résultats et les interprétations par question.
Question 1. « On parle souvent des valeurs de nos jours, qu’en pensez-vous ? ».
L’analyse de contenu thématique catégorielle fait émerger trois catégories (un constat
d’ensemble de bouleversement des valeurs, les facteurs à l’origine de ces bouleversements et
les conséquences observées au sein de la société) se subdivisant en dimensions.
La catégorie « Constat d’ensemble de bouleversement des valeurs »
Les résultats de l’analyse sont regroupés dans le tableau ci-dessous.
Page 132
Tableau 5 : La catégorie « Constat sur l’état des valeurs »
Constat sur l’état des valeurs
Sujets S1 S2 S3 S4 S5 S6 S7 S8 S9 S10 S11 S12 S13 S14 S15 T
Age
Genre
Profession
Lieu
77
F
P
V/v
80
M
P
V
33
F
El
v
15
F
El
v
20
M
Et
V
27
F
Sa
V/
v
36
M
En
V/ v
17
M
El
v
53
M
P
V
47
M
Pp
V/ v
25
F
Et, v
65
F
P
V
68
F
P
V
20
M
Sa
v
30
F
Co
V/v
Importance des
valeurs
x x x x X x x x x X x x x x x 15
Conservation
des valeurs
traditionnelles
villages
x x x x X x x x x X x x x x x 15
Bouleversement
dans les
systèmes de
valeurs
x x x x X x x x x X x x x x x 15
Présence de
nouvelles
valeurs
x x x X x x x x X x x x x x 14
Perte des
valeurs
traditionnelles
en ville
x x X x x x X x x x x 11
Coexistence
entre anciennes
et nouvelles
valeurs
x x x x x X x x x x x 11
Genre : M ou F
Profession : p : paysan ; El : Elève ; Et : Etudiant ; En : Enseignant ; Co : Commerçant
Lieu : V : village ; v : ville
Les 15 sujets évoquent l’« Importance des valeurs », la « Conservation des valeurs
traditionnelles villages » et le « Bouleversement dans les systèmes de valeurs ».
En effet, pour tous nos sujets, les valeurs sont importantes pour la construction de la personne
et pour vivre en société.
Page 133
« ce qu’on inculque aux enfants quand ils sont petits ce sont les valeurs pour que demain ils
apprennent à vivre avec les autres et les respecter, par exemple si on n’enseigne pas à son
enfant que le respect c’est important, il va être impoli avec tout le monde et faire ce qu’il
veut, donc c’est important les valeurs… » (Sujet 11, étudiante de 25ans vivant en ville,).
« les choses ont changé et c’est normal avec la modernité, forcement on a d’autres valeurs
mais c’est important quand même de garder les valeurs traditionnelles, moi quand je repars à
Port-Gentil et même à l’école on me dit que je ne suis pas comme les autres, par exemple
j’aime aider les grands même si je suis en tenue (allusion à l’uniforme scolaire) et avec mes
copines, si je vois une vielle à la pompe entrain de puiser de l’eau je vais aller l’aider même
si les autres rient. Je ne peux pas par exemple mal parler au professeur en classe comme les
autres qui pense que parce qu’on a grandi en ville on doit être impoli. Le respect c’est
obligatoire(…) au village ici on apprend les bonnes valeurs d’avant » (sujet 4, lycéenne, 15
ans, vivant en ville).
Tous nos sujets s’accordent à dire que ces valeurs sont en bouleversement.
« Les valeurs mais tout est embrouillé tu ne peux pas comprendre, tu ne vois pas le boucan
partout partout là ? Les gens font maintenant n’importe quoi même les choses interdites, on
fait. Tu penses que je viens souvent au village pour faire quoi ? Pour me ressourcer. Ici ton
frère c’est ton tout le monde tu ne peux pas mourir de faim les vielles-là vont te donner à
manger, un frère va te donner le vin de palme cadeau, mais en ville tu peux mourir comme ça
si tu n’as pas l’argent, oui l’argent c’est la nouvelle valeur(…) tu es quelqu’un que quand tu
as l’argent sinon on te prend pour un chien. Alors qu’ici même les vieux me respectent tu
comprends ! » (Sujet 10, paysan pêcheur de 47 ans, vivant entre le village et la ville)
Notons que certains sujets jeunes ne parlent ni de perte des valeurs traditionnelles en ville, ni
de coexistence entre anciennes et nouvelles valeurs alors que tous les sujets âgés évoquent ces
deux dimensions.
« que les valeurs, est-ce que les jeunes d’aujourd’hui connaissent ce que ça veut dire ? Ils ne
respectent plus personne, tu envoies un enfant il refuse de partir(…) les valeurs sont perdues
ma fille, en tout cas c’est le désordre tu vas voir un enfant élever la voix, de notre temps on
avait vu ça où ? Même ton père tu ne devais le regarder dans les yeux, mais aujourd’hui tout
ça c’est fini surtout en dans vos villes là-bas, ici encore (en parlant du village) ça va, ce n’est
Page 134
pas encore comme ça, ha ma fille tout a changé ho ! » (Sujet 13, paysanne de 68 ans vivant au
village).
Outre le changement de valeurs, nombre de sujets pointent aussi la différence entre les villes
et les villages où ils pensent que les changements sont plus exacerbés et s’opèrent davantage
chez les jeunes.
« Aujourd’hui on ne comprend plus rien ho, on dirait que les enfants ne sont plus éduqués, tu
parles comme si tu ne parles pas. Tu vas voir deux frères qui se battent à cause d’une bière,
mes propres petits-fils hein, si ton frère a pris la bière ce n’est pas grave c’est ton frère ! Tu
vas dire à un enfant ne fait pas ça, ne mange pas ça, rien il n’obéit plus. Il va te parler le gros
français qu’on vous enseigne à l’école. L’autre jour j’ai demandé au maitre (en parlant de
l’enseignant du village) que votre école là enseigne quoi aux enfants ? Hé c’est zéro !...) ».
La catégorie « Facteurs à l’origine des bouleversements des valeurs »
Tableau 6 : Facteurs ayant un impact sur le bouleversement des valeurs
Facteurs à l’origine des bouleversements des valeurs
Sujets S1 S2 S3 S4 S5 S6 S7 S8 S9 S10 S11 S12 S13 S14 S15 T
Age
Genre
Profession
Lieu
77
F
P
V/v
80
M
P
V
33
F
El
v
15
F
El
v
20
M
Et
v
27
F
Sa
V/
v
36
M
En
V/
v
17
M
El
v
53
M
P
V
47
M
Pp
V/ v
25
F
Et, v
65
F
P
V
68
F
P
V
20
M
Sa
v
30
F
Co
V/v
L’école X x x x x x x x X x x x x x x 15
Les médias X x x x x x x x X x x x x x x 14
Les intérêts
financiers
X x x x x x x x x x x 11
Education
familiale
X x x x X x x x x x x 11
Les groupes
sociaux
x x x x x x x x x x 10
Les nouvelles
religions et sectes
x x x x X x x 7
Les politiques x x x x x 5
Genre : M ou F
Profession : p : paysan ; El : Elève ; Et : Etudiant ; En : Enseignant ; Co : Commerçant
Lieu : V : village ; v : ville
Page 135
On constate que tous les sujets évoquent l’école.
Les médias, les intérêts financiers, l’éducation familiale sont cités par respectivement 14, 11
et 11 sujets.
« je pense que ce sont les parents aussi qui déconnent, (...) il y a aussi l’école, et puis on veut
copier tout ce qu’on voit à la télé ; regarde au lycée toutes les filles veulent faire la Rihanna52
même quand ce n’est pas bien avec toi… » (Sujet 11, étudiante de 25 ans résidente en ville).
« L’argent est roi aujourd’hui, c’est l’argent, tu as de l’argent tu peux tout faire (…) après les
enfants sont mal éduqués hein ! »(Sujet 10, paysan pêcheur de 47 ans habitant entre la ville et
le village)
« …quand ils vont à l’école là ils écoutent encore les gens, ils écoutent leurs gens et la télé,
(…) et puis l’enfant est impoli les parents regardent » (Sujet 13, paysanne de 68 ans vivant au
village).
« Il y a trop d’églises qui racontent les bêtises et les gens croient, tu entends surtout les
femmes dire ho je m’en fous des gens j’aime Dieu il m’aime et c’est suffisant, ça divise les
familles ici. Parce que tu pries tu ne respectes même plus la tradition. Et avec les sectes-là
qui gèrent tout (…) A l’école on te dit des choses, la télé on te dit des choses, et avec internet
là c’est grave… » (Sujet 14, jeune salarié de 20 ans vivant en ville).
La majorité des jeunes font mention de deux autres facteurs qui ne sont pas évoqués par les
anciens. Ce sont les groupes sociaux (sujets 4, 5, 8, 11, 14, 15) et les politiques (sujets 8,
11,15).
« …avec les politiciens sans valeurs que l’intérêt, ils foutent le bordel et on ne sait même plus
quoi faire ». (Sujet 14, jeune salarié de 20 ans vivant en ville).
La catégorie « Conséquences individuelles et collectives»
L’analyse de cette catégorie est présentée dans le tableau ci-dessous.
52
Style de coiffure d’une star de la chanson américaine RIHANNA
Page 136
Tableau 7. Conséquences du bouleversement des valeurs
Conséquences individuelles et collectives
Sujets S1 S2 S3 S4 S5 S6 S7 S8 S9 S10 S11 S12 S13 S14 S15 T
Age
Genre Profession
Lieu
77
F P
V/v
80
M P
V
33
F El
v
15
F El
v
20
M Et
v
27
F Sa
V/ v
36
M En
V/ v
17
M El
v
53
M P
V
47
M Pp
V/ v
25
F Et, v
65
F P
V
68
F P
V
20
M Sa
v
30
F Co
V/v
Perdition des
valeurs
traditionnelles
x x x x X x x x X x x x x x x 15
Abondons des
coutumes et
traditions
x x x x X x x x x x 10
Disparition des
villages
x x x X x x X x x x 10
Pertes des
langues
x x x x X x x x x 9
Présences des
nuisances et
violences
x x x x X x x x x 9
Perte de repère x X x x x x x 7
Genre : M ou F
Profession : p : paysan ; El : Elève ; Et : Etudiant ; En : Enseignant ; Co : Commerçant
Lieu : V : village ; v : ville
La troisième catégorie intitulée « Conséquences individuelles et collectives » porte sur les
conséquences que ces bouleversements engendrent sur le plan familial, national mais aussi
international. L’une de ces conséquences évoquée par tous est la « Perdition des valeurs
traditionnelles ».
« une choses est sûr ici au Gabon avec l’arrivée de la télé de l’internet et tout bien entendu
nous avons été colonisé et c’est depuis là qu’on a commencé à perdre les valeurs et les
éléments importants de notre tradition, mais ces derniers temps cela s’est accéléré et ce n’est
pas qu’un problème qui concerne notre village notre pays c’est une problème qui touche toute
l’Afrique,(…) nous sommes de plus en plus déraciné c’est un fait » (Sujet7, Enseignant, 36
ans vivant entre le village et la ville.
Page 137
Nos sujets soulignent les conséquences suivantes : l’abandon des coutumes et traditions, la
disparition des villages, la perte des langues et d’autres changements.
En effet, les bouleversements sur le plan familial entrainent selon eux une désobéissance des
enfants aux règles édictées par les parents, une division au sein des familles, des actes
violents,
« Mais après tout , tout va disparaitre même seulement le myènè, tu penses que pourquoi les
gens ne s’entendent plus aujourd’hui ? C’est parce que tout est embrouillé, mélangé
mélangé » (Sujet 1, une paysanne de 74ans vivant entre le village et la ville).
« Les gens qui n’ont pas de valeurs sont dangereux puisqu’ils ne respectent rien et personne,
avec tout ça même les valeurs-là vont disparaitre si vous ne les enseignez pas à vos enfants…
dans la société ça va être le désordre les gens vont se tuer comme ils font déjà ….même parler
les langues et faires nos choses tout ça qui perd c’est nous, moi je suis vieux, c’est vous »
(sujet 2, un paysan de 80 ans vivant au village).
Les plus jeunes (5 sujets) soulignent une perte de repères. Lorsque l’individu perd ses valeurs
où lorsque celles-ci se mélangent avec d’autres il y a une perte de repères.
« parce que les valeurs d’ici sont mélangées avec celles qui viennent de l’extérieur, nous les
jeunes on perd nos repères, on ne sait plus trop qu’est -ce qu’il faut choisir » (Sujet 5, un
étudiant de 20 ans vivant en ville),
« à force de suivre la télé et tout on perd le nord » (sujet 11, étudiante de 25 ans vivant en
ville).
Question 2 :
L’analyse de contenu porte sur les réponses de nos sujets à la question : « quelles sont selon
vous les 5 valeurs les plus importantes pour le village ? ».
Le tableau ci-dessous présente les résultats de nos sujets.
Page 138
Tableau 8 : valeurs du village
Valeurs
importantes
du village
S1 S2 S3 S4 S5 S6 S7 S8 S9 S10 S11 S12 S13 S14 S15 T
Age
Genre
Profession Lieu
77
F
P V/v
80
M
P V
33
F
El v
15
F
El v
20
M
Et v
27
F
Sa V/ v
36
M
En V/ v
17
M
El v
53
M
P V
47
M
Pp V/ v
25
F
Et, v
65
F
P V
68
F
P V
20
M
Sa v
30
F
Co V/v
Amour x x x x x x x x X x x x x x x 15
Fraternité x x x x x x x x X x x x x x x 15
Respect x x x x x x x x X x x x x x x 15
Unité x x x x x x X x x x x x x 13
Solidarité x x x x x x X x x x x x x 13
Partage x x x X x x x 7
Entraide x x x x x x 6
Justice x x 2
Travail x x 2
Prospérité x 1
Genre : M ou F
Profession : p : paysan ; El : Elève ; Et : Etudiant ; En : Enseignant ; Co : Commerçant
Lieu : V : village ; v : ville
Comme l’indique le tableau 5, il apparait que les cinq valeurs communautaires partagées,
donc les plus importantes pour ce village, sont les valeurs Amour, Fraternité, Respect, et à un
moindre degré, Unité et Solidarité.
En effet, les trois premières valeurs sont citées par tous les sujets et considérées comme
indispensables à la vie en communauté.
« à Yombe 2 on enseigne à nos enfants depuis qu’ils sont petits de s’aimer les uns les autres
et d’aimer ce village. Car si on n’aime pas un endroit on ne peut pas rester avec la ville qui
attire tout le monde. Et puis pour supporter les gens il faut avoir l’amour dans son cœur,
(Itonda séré monda )» (Sujet 1, paysanne de 74ans vivant entre le village et la ville).
Page 139
« le respect c’est important et ça toujours été comme ça ici. Même si aujourd’hui on ne
corrige plus les enfants. Avant on avait notre gendarme qui corrigeait les enfants impolis.
On apportait les enfants. Et souvent on n’avait pas besoin de les lui apporté Lui-même il se
chargeait de les punir même quand nous les parents on n’était pas là. Oui on était tranquille
(...) les jeunes comme les vieux doivent se respecter, un enfant qui manque de respect à une
personne âgé va se faire corriger par n’importe qui dans le village. Et puis le respect ce n’est
pas seulement entre nous on respecte aussi les étrangers, les choses de la vie, la forêt et tout
ça ». (sujet 13, paysanne de 68 ans vivant au village).
Les termes « Communion fraternelle » (Sujet 6), ou « Union » (Sujets 5, 6, 9, 11) ont été
regroupé sous l’intitulé Unité. Ils sont cités par 13 sujets.
Le sujet 6 a fait référence à une des chansons clé du village scandée en toute occasion « gwa
zélé panhoin gwa zélé nkomi 53
» pour dire qu’il n’y a ni fang ni nkomi, il n’y a que des
enfants de ce village. La valeur Fraternité, tout comme la valeur Unité, font partie de la devise
et sont clairement mentionnées dans un passage de l’hymne de ce village : « Yombe 2 terre de
nos ancêtres, village cosmopolite, notre héritage commun, sa devise force : Unité,
Fraternité… ».
53
Il n’y a pas de Fang ni de Nkomi, c’est-à-dire de différence ethnique, tous étant frère.
Page 140
Question 3 : « quelles sont les 5 valeurs les plus importantes pour vous ? »
Tableau 9 : les valeurs individuelles
Valeurs individuelles
Sujets S1 S2 S3 S4 S5 S6 S7 S8 S9 S10 S11 S12 S13 S14 S15 T
Age Genre
Profession
Lieu
77 F
P
V/v
80 M
P
V
33 F
El
v
15 F
El
v
20 M
Et
V
27 F
Sa
V/ v
36 M
En
V/ v
17 M
El
v
53 M
P
V
47 M
Pp
V/ v
25 F
Et, v
65 F
P
V
68 F
P
V
20 M
Sa
v
30 F
Co
V/v
Amour x x x x X x x x x x x x x x x 15
Respect x x x x x x x x x x x 11
Fraternité x x x x x x x x x 9
Partage x x X x x x x x 8
Travail x x x x x x x 7
Solidarité x x x X x x x x 7
Unité x x x x x x 6
Prospérité/
Réussite
X x x x x x 6
Justice x x x 3
Richesse X x x 3
Famille x x 2
Genre : M ou F
Profession : p : paysan ; El : Elève ; Et : Etudiant ; En : Enseignant ; Co : Commerçant
Lieu : V : village ; v : ville
Comme l’indique le tableau ci-dessus, l’analyse de contenu des entretiens montre que les
sujets ont des valeurs individuelles proches de celles de leur village, surtout en ce qui
concerne la valeur amour et la valeur respect. Cela s’observe davantage chez les anciens.
Quant aux jeunes, bien qu’ayant certaines valeurs personnelles proches de celles du village,
Page 141
ils portent néanmoins des valeurs plutôt tournées vers leurs ambitions notamment la réussite
et la richesse.
Nous constatons que nos sujets, tout comme l’ont montré les réponses à la première question,
font peu allusion aux valeurs de développement durable de l’ONU. Ils n’en font mention que
pour certaines valeurs telles que la solidarité et le respect.
Question 3 :« je vais vous citer quelques valeurs, que pensez-vous d’elles ? ». Liberté,
égalité, solidarité, tolérance, respect de la nature et partage des responsabilités.
Liberté :
Pour tous nos sujets la valeur est importante pour se réaliser.
« si on est pas libre on subit les ordres des autres, on est esclave donc on ne peut pas faire
ce qu’on veut » (Sujet 6, femme, 27 ans sans profession, vivant entre le village et la ville)
Egalité :
Cette valeur semble dépendre du contexte. En effet, pour beaucoup de nos sujets elle n’est
importante que dans certains cadres comme l’éducation des enfants, la gestion de la société
par les chefs qui, selon eux, ne doivent pas faire de différences en privilégiant certaines
personnes. Mais quand il s’agit du couple, pour presque tous nos anciens, la femme et
l’homme ne peuvent pas être égaux sous le même toit. L’homme étant considéré comme le
chef de famille. Si la femme devient l’égale de l’homme, cela occasionnera des
désorganisations
« si on parle d’égalité dans le travail oui, sinon dans le mariage ce n’est pas du tout bon »
(Sujet12, Paysanne, 65 ans vivant au village).
« En tout cas une femme ne peut pas être l’égal de l’homme sinon c’est elle qui portera le
pantalon alors que dans nos coutume c’est l’homme qui est le chef de la famille et de la
Page 142
femme, bon dehors car entre les murs souvent c’est la femme le chef… » (sujet 10, Paysan /
pécheur, 47 ans vivant entre le village et la ville)
« lorsqu’on est un chef on doit traiter tout le monde pareil, même quand on éduque les
enfants il ne faut pas faire de différence. Mais dans le mariage une femme doit être soumise
même Dieu le dit » (Sujet13, Paysanne, 68ans vivant au village)
Et certains la voit comme une valeur occidentale, surtout dans le cadre de l’égalité de genre
« ce sont les valeurs qu’on copie chez les autres et après ça fait le désordre ici, regardez les
jeunes couples aujourd’hui » (Sujet 9, paysan, 53 ans vivant au village)
« ce sont les choses que les blancs nous ont amenés » (Sujet 10, Paysan / pécheur, 47 ans
vivant entre le village et la ville).
Solidarité :
Cette valeur fait partie de celles mentionnées par nos sujets lors de la question précédente.
Pour eux c’est une évidence, la solidarité est une valeur de base dans leur milieu et au sein de
leur village.
« La solidarité c’est vitale sinon comment j’allais vivre-moi si je n’avais pas mes parents,
mes frères pour m’aider ? »(Sujet 6, Femme, 27ans sans profession vivant entre le village et
la ville).
Tolérance
Pour nos sujets leur village est un exemple de tolérance car tous entretiennent de bonnes
relations les uns avec les autres malgré parfois une différence ethnique.
« à Yombe 2 on est frère donc il y a la tolérance. Même avec les travailleurs étrangers qu’il y
a ici, ils font leurs choses mais on ne les juges pas ils sont bien reçu » (Sujet 13, Paysanne,
68ans vivant au village)
« c’est une valeur importante car quand y a pas la tolérance les problèmes commencent »
(sujet 4, fille, élève, 15ans vivant en ville).
Page 143
Respect de la nature :
Cette valeur est centrale car la nature est pourvoyeuse de nourriture et de tout ce qui leur
permet de vivre
« c’est la nature qui nous donne tout » (Sujet 7, 36ans, Enseignant vivant entre le village et la
ville),
« si on respecte les gens et les choses de la nature on ne peut que respecter les hommes, de
toutes façon les arbres et tous les animaux ont aussi une vie, donc tu ne peux pas tuer un
animal qui ne t’a rien fait et surtout si tu ne le mange pas » (Sujet 5, homme, 20ans étudiant
vivant en ville)
« c’est important de respecter la nature parce qu’elle est Dieu, oui vous voulez voir Dieu il
faut regarder la nature comment c’est bien fait et parfait et donc forcément vous allez
respecter » (Sujet 15, commerçante, 30ans vivant entre la ville et le village).
Partage de responsabilité
Pour nos sujets il est important que chacun ait ses responsabilités et qu’ainsi elles soient
partagées.
« Si chacun assume ses responsabilité tout est facile…la mère ou le chef ne peut pas tout
assumer sinon ça devient trop lourd à porter alors que si c’est partagé même pour les enfants
cela va alléger tout le monde. Par exemple la responsabilité de la vaisselle, de l’eau aux
enfants, le repas pour la maman, le poisson et la viande pour le papa, comme ça si une chose
n’a pas été faite on sait qui devait le faire » (Sujet 3, Paysanne, 33ans vivant au village)
Cependant certains pensent que tout dépend du type de responsabilités
« car un chef ne peut pas partager ses responsabilités avec tous les autres sinon ce n’est plus
le chef, si c’est sur une petite chose à régler oui mais pas sur tout » (Sujet 14, homme, 20 ans
salarié vivant en ville),
« partager c’est bien mais les responsabilités je ne sais pas trop hein, ça peut être difficile
quand même » (Sujet 6, Femme, 27ans sans profession vivant entre le village et la ville)
Page 144
Nos sujets reconnaissent l’importance des valeurs du développement durable de l’ONU dans
la vie en société.
Question 4 : - « Actuellement on parle de développement qu’en pensez-vous ? »
L’analyse de contenu de cette question fait émerger trois catégories : la connaissance du
concept de développement durable, la source d’information et son importance.
Concernant la première catégorie relative à la connaissance sur le développement durable,
quatre sous catégories ont été repérées :
Tableau 10. Connaissance du développement durable
Connaissance du développement durable
Sujets S1 S2 S3 S4 S5 S6 S7 S8 S9 S10 S11 S12 S13 S14 S15 T
Age Genre
Profession
Lieu
77 F
P
V/v
80 M
P
V
33 F
El
V
15 F
El
v
20 M
Et
v
27 F
Sa
V/ v
36 M
En
V/ v
17 M
El
v
53 M
P
V
47 M
Pp
V/ v
25 F
Et, v
65 F
P
V
68 F
P
V
20 M
Sa
v
30 F
Co
V/v
Aucune
connaissance
x X X x x x 6
entendu parler x X x x x x x x x 9
Référence à
l’environnement
x x x x x 5
Référence à la
politique
x X x x x x x x x 9
Démarche de
progrès vers un
monde meilleur
x x 2
Genre : M ou F
Profession : p : paysan ; El : Elève ; Et : Etudiant ; En : Enseignant ; Co : Commerçant
Lieu : V : village ; v : ville
Page 145
Comme le montre le tableau, six sujets n’ont aucune connaissance de ce qu’est le
développement durable et sont pour la majorité des anciens (Sujets 2, 3, 9, 12, 13 et 15). Ils
n’en ont même jamais entendu parler
« c’est quoi ? » (sujet 2 Paysan de 80 ans vivant au village),
« non je ne connais pas ça » (sujet 13 paysanne de 68ans vivant au village).
Qu’ils soient jeunes ou vieux, ceux qui en ont entendu parler font référence à la politique.
« j’ai entendu (…), Ali qui parlait de ça mais je n’avais pas compris ce qu’il avait dit, leurs
choses de politique là » (sujet 10, paysan pêcheur de 47 ans vivant entre le village et la ville)
« ce n’est pas l’affaire qu’on a interdit de vendre le bois là ?en tout cas j’ai entendu parler
mais bon j’avoue que je ne connais pas plus » (Sujet 4, fille, élève, 15ans vivant en ville).
Seuls les jeunes scolarisés et le salarié font référence à l’environnement.
« Je sais que ça concerne l’environnement » (Sujet 14, salarié de 20 ans vivant en ville)
« c’est pour la protection de l’environnement, ne plus trop couper le bois et tout ça » (Sujet 5,
Etudiant de 20 ans vivant en ville).
Lorsqu’ils ont entendu parler du développement durable, les sujets évoquent spontanément la
source d’information.
« J’ai entendu ça à la télé …» (sujet 10 paysan pêcheur de 47 ans vivant entre le village et la
ville)
« ha on avait parlé de ça durant un cours à l’université(…) on en parle souvent avec les
amis …» (sujet 5, Etudiant de 20 ans vivant en ville)
Page 146
Tableau 11. Sources d’information sur le développement durable
Source d’information
Sujets S1 S2 S3 S4 S5 S6 S7 S8 S9 S10 S11 S12 S13 S14 S15 T
Age
Genre Profession
Lieu
77
F P
V/v
80
M P
V
33
F El
V
15
F El
v
20
M Et
v
27
F Sa
V/ v
36
M En
V/ v
17
M El
V
53
M P
V
47
M Pp
V/ v
25
F Et, v
65
F P
V
68
F P
V
20
M Sa
v
30
F Co
V/v
Aucune x x X x x x 6
Les médias x x x x X x x x 8
Formation/
Etude/ Travail
x x 2
Les groupes
sociaux
x x x x x 5
Genre : M ou F Lieu : V : village ; v : ville Profession : p : paysan ; El : Elève ; Et : Etudiant ; En : Enseignant ; Co : Commerçant
La dernière catégorie traite de « l’importance du développement durable ».
Les sujets qui avaient une idée de ce qu’est le développement durable évoquaient son
importance et la situation de la planète comme l’indique le tableau ci-dessous.
Page 147
Tableau 12 : l’importance du développement durable
Importance du développement durable
Sujets S1 S2 S3 S4 S5 S6 S7 S8 S9 S10 S11 S12 S13 S14 S15 T
Age
Genre
Profession Lieu
77
F
P V/v
80
M
P V
33
F
El V
15
F
El v
20
M
Et v
27
F
Sa V/v
36
M
En V/ v
17
M
El V
53
M
P V
47
M
Pp V/ v
25
F
Et, v
65
F
P V
68
F
P V
20
M
Sa v
30
F
Co V/v
environnemental x x x x x 5
village /pays x x x x x x 6
Monde x x x x x 5
hommes x x x 3
Générations
futures
x 1
Lien avec les
pratiques
ancestrales
x 1
Genre : M ou F
Profession : p : paysan ; El : Elève ; Et : Etudiant ; En : Enseignant ; Co : Commerçant
Lieu : V : village ; v : ville
Un seul sujet sait ce qu’est le développement durable et en donne même la définition du
rapport Brundtland : c’est notre sujet enseignant qui, en ayant entendu parler dans les médias,
a fait une recherche sur internet.
« à plusieurs reprises j’ai entendu parlé du développement durable à la télé et après
l’interdiction faites par le président d’exporter les grumes, alors en tant qu’enseignant je me
devais d’aller chercher un peu plus sur la question. Et j’ai quand même été surpris car au
début je pensais que cela ne concernait que l’environnement mais en réalité c’est l’avenir de
la vie sur la planète et celui de nos enfants. De toute façon, même d’ici, on sent bien que le
climat a changé, les saisons ne sont plus les mêmes (…) donc oui je sais de quoi il s’agit.
C’est un développement qui doit satisfaire nos besoins actuels sans compromettre la chance
pour les générations futures de satisfaire les leurs. C’est pourquoi c’est important de prendre
Page 148
en compte à la fois l’environnement, l’homme et la nature, la société et l’économie surtout
(…) de toute façon cela nous concerne tous, même ici au village » (Sujet 7, enseignant de 36
ans vivant entre le village et la ville).
Ce sujet est aussi le seul qui fait un lien avec les pratiques traditionnelles :
« quand tu regardes de près c’est carrément une sorte de retour vers ce qui se faisait dans le
passé et qui se fait encore ici, nos manières de faire en fait. Les occidentaux ont compris
qu’ils sont allés trop loin maintenant ils veulent revenir sur leur pas ».
En somme cette analyse de contenu nous permet d’affirmer que de manière globale, bien que
le développement durable soit de plus en plus évoqué, il n’est pas réellement connu des
populations.
Question 5 : « Pensez-vous qu’il existe un lien entre vos valeurs, celles que je vous ai citées
et le développement durable ? »
Page 149
Tableau 13. Valeurs en lien avec le développement durable
Valeurs en lien avec le développement durable
Sujets S1 S2 S3 S4 S5 S6 S7 S8 S9 S10 S11 S12 S13 S14 S15 T
Age Genre
Profession
Lieu
77 F
P
V/v
80 M
P
V
33 F
El
V
15 F
El
v
20 M
Et
v
27 F
Sa
V/ v
36 M
En
V/ v
17 M
El
v
53 M
P
V
47 M
Pp
V/ v
25 F
E
v
65 F
P
V
68 F
P
V
20 M
Sa
v
30 F
Co
V/v
Respect de la
nature
x x x x x 4
Travail x x x 3
Solidarité x x 2
Partage x x 2
Prospérité/
Réussite
x x 2
Respect x 1
Egalité x 1
Tolérance x 1
Partage de
responsabilité
x 1
Fraternité
Amour
Unité
Liberté
Justice
Richesse
Famille
Genre : M ou F / Profession : p : paysan ; El : Elève ; Et : Etudiant ; En : Enseignant ; Co :
Commerçant / Lieu : V : village ; v : ville
Page 150
Comme l’indique le tableau ci-dessus, très peu de sujets ont répondu à la question sur le lien
entre valeurs et développement durable.
Aussi tous les sujets qui ont donné un avis ont évoqué un lien entre la valeur « Respect de la
nature » et le développement durable. Rappelons que pour eux le développement durable
faisait référence à l’environnement (Sujets, 5, 7, 8, 11, 14).
« Puis que le développement durable c’est protéger la nature je pense que cette valeur est en
lien, c’est en respectant la nature qu’on peut la protéger » (sujet 8 élève de 17 ans vivant en
ville),
« Oui la valeur respect de la nature a un lien c’est logique ça va de soit environnement /
respect de la nature… » (Sujet 5 étudiant de 20 ans vivant en ville).
La deuxième valeur qui pour nos sujets est en lien avec le développement durable est la valeur
Travail
« il faudra se mettre au travail pour atteindre les objectifs d’un monde meilleur » (Sujet 7
Enseignant de 36 ans vivant entre le village et la ville).
Les autres valeurs qui sont citées sont le partage, la réussite, la solidarité, le partage de
responsabilités et la tolérance.
Bien que connues, les valeurs de développement durable, exceptée la valeur « Respect de la
nature », ne sont pas mises en lien avec le développement durable.
Page 151
sQuestion 6 : « S’il fallait rendre le monde meilleur pour les hommes et l’environnement
quelles valeurs proposeriez-vous ? ».
Les résultats à l’analyse de contenu de cette question sont présentés dans le tableau ci-dessous
Tableau 14. Les valeurs pour un monde meilleur
Valeurs en lien avec le développement durable
Sujets S1 S2 S3 S4 S5 S6 S7 S8 S9 S10 S11 S12 S13 S14 S15 T
Age
Genre
Profession
Lieu
77
F
P
V/v
80
M
P
V
33
F
El
V
15
F
El
v
20
M
Et
v
27
F
Sa
V/ v
36
M
En
V/ v
17
M
El
V
53
M
P
V
47
M
Pp
V/ v
25
F
Et
v
65
F
P
V
68
F
P
V
20
M
Sa
v
30
F
Co
V/v
Amour x x X x x x X x x x x x x 13
Respect x x x x x X x x x x 10
Justice x X x X x x x x x x 10
Protection
de la nature
x X x x x x x x 8
Fraternité x x x X x x x x 8
Partage x x x x x x 6
Travail x x x x x 5
Pardon x x x x 4
Solidarité X x x 3
Tolérance X X 2
Egalité x x 2
Famille x x 2
Liberté x 1
Unité x
Genre : M ou F
Profession : p : paysan ; El : Elève ; Et : Etudiant ; En : Enseignant ; Co : Commerçant
Lieu : V : village ; v : ville
Lorsqu’on leur demande de proposer cinq valeurs qui contribueraient chacune à améliorer le
monde pour les humains et la nature, les résultats indiquent que nos sujets proposent
majoritairement les valeurs Amour, Respect, Justice, Protection de la nature, Fraternité.
Page 152
D’autres valeurs comme : Partage, Travail, Pardon, Solidarité obtiennent une adhésion plus
modérée.
« je mets l’amour en premier parce que si les gens s’aiment, ils peuvent se supporter,
partager les choses, travailler ensemble » (Sujet12, paysanne, 65 ans vivant au village) ;
« le Respect c’est important, parce que dans ce monde tous les gens ne peuvent pas s’aimer
mais au moins s’ils se respectent c’est gagné, quelqu’un qu’on respecte on ne peut pas lui
faire du mal ou des choses bizarres » (sujet 2, Paysan, 80ans vivant au village),
« quand je dis Amour et Respect ce n’est pas seulement pour les humains, c’est aussi pour les
choses, les animaux, comme aimer son village beaucoup de village sont abandonné nous si on
revient toujours ici c’est par amour de notre village, tu vois ? C’est au sens large… » (Sujet
10, paysan pêcheur, 47ans vivant entre le village et la ville).
Pour certains de nos sujets, la valeur Fraternité engloberait celle de solidarité et d’unité qui
ont été peu mentionnées en tant que telles.
« si on considère quelqu’un comme un frère, on va l’aider, lui tendre la main quand il a un
problème(…) les frères c’est comme les cinq doigts de la main, un seul ne peut pas laver le
visage mais ensemble, comme on le dit (…) l’Union fait la force quoi ! »(Sujet 6, Femme,
27ans sans profession vivant entre le village et la ville
Conclusion partielle
Cette première partie de notre pré-enquête portait sur les valeurs du développement durable
en milieu rural. L’analyse de contenu catégorielle thématique a pu montrer que les cinq
valeurs les plus importantes pour nos sujets sont l’Amour, le Respect, la Fraternité au sens le
plus large des termes dans la mesure où elles intègrent toute vie tant humaine, animale que
végétale, le Partage et le Travail. Les participants soulignent des impacts négatifs liés à une
certaine perturbation des valeurs actuelles. La notion de développement durable est
méconnue ou reliée à l’environnement et à la politique. Les valeurs de l’ONU sont pourtant
citées comme des valeurs importantes dans la société gabonaise. Cependant nos sujets
proposent plusieurs autres valeurs telles l’Amour, le Respect (mentionnées comme valeurs
importantes) et la Justice.
Page 153
3. Etude des valeurs du développement durable dans les
organisations modernes
Cette deuxième étude porte sur les valeurs du développement durable dans les organisations
modernes de type entreprise et est subdivisée en deux sous-parties : la présentation des
organisations modernes (3.1), les deux études menées sur le terrain (3.2)
3.1. Présentation des organisations modernes
Ce que nous qualifierons d’organisations modernes sont les organisations de travail héritées
de la société occidentale, des processus d’instruction, en somme ce qui est généralement
qualifié de « travail du blanc ». Ces organisations de travail sont notamment les entreprises,
les administrations publiques et privées telles que les écoles, les universités etc. Notre pré-
enquête portera sur l’entreprise.
Depuis l’indépendance du Gabon, plusieurs organisations modernes se sont établies sur le
territoire gabonais. Elles sont généralement regroupées au sein des grandes agglomérations.
L’introduction progressive de cette nouvelle forme de travail axée sur le revenu financier a
occasionné un exode rural sans précédent et un agrandissement des villes devenues parfois un
univers hybride concentrant de grandes et belles bâtisses modernes qui jouxtent des
bidonvilles créés de manière anarchique. Ces derniers sont le résultat de l’exode des
populations venues des zones rurales à la recherche d’un emploi.
En effet, dès les années 60- 70, le Gabon va connaitre de grandes mutations. Commencées
avec la colonisation, ces changements vont s’accroitre avec le progrès du modernisme,
l’industrialisation pétrolière et minière ainsi que le commerce de masse. L’ambition d’un
développement économique impulsée par le deuxième président Omar Bongo va, grâce au
boom pétrolier, voir le jour. Le sol et le sous-sol gabonais regorge de richesses de tout genre,
ce qui va favoriser l’essor d’une nouvelle industrialisation basée sur une ouverture vers le
travail de type occidental avec pour appui l’ancien colonisateur. L’exploitation du bois qui
avait depuis plus d’un demi-siècle été la richesse d’exportation du Gabon et qui avait
jusqu’alors maintenu les populations dans les zones forestières va connaitre un recul face à
aux exploitations des richesses minières (manganèse, uranium) et pétrolières (Metegue
N’Nah, 2006).
Page 154
Bien que les conceptions de l’organisation du travail aient évolué depuis la théorie classique
(Taylor, 1911), passant notamment par l’école des ressources humaines (Mayo, 1947), les
approches psychosociologiques des besoins de l'homme au travail (Maslow, 1943) et de sa
motivation (Herzberg, Mausner & Snyderman, 1959), il reste indéniable qu’une organisation
de travail de type entreprise a pour objet de fabriquer et de commercialiser des produits ou
services. Elle doit avoir le souci de faire face et de respecter les exigences de compétitivité
dues aux changements continuels qui affectent son environnement tant sur les plans
technologique que économique et socioculturel.
Pour continuer à vivre, toute entreprise doit s'adapter. Ainsi, les caractéristiques essentielles
des organisations modernes sont la flexibilité, la qualité du produit, l’amélioration de la
productivité, l’innovation au travers de l'introduction de nouvelles technologies, de la
formation du personnel ainsi qu’une gestion financière rigoureuse. Actuellement une autre de
ces caractéristiques est le respect des normes de responsabilités sociétales et
environnsementales telles que définies dans l’ISO 26000.
Pourtant, parce qu’elles cherchent à faire face aux exigences internationales, certaines
entreprises gabonaises, filiales de grands groupes occidentaux ont des systèmes de gestion et
de fonctionnement bien souvent calqués sur ceux des maisons mères et ne tiennent pas
particulièrement compte des réalités et du contexte local.
C’est sur deux de ces filiales que nous avons axé notre pré enquête afin d’analyser la place du
développement durable dans les organisations gabonaises.
3.2. Deux recherches complémentaires
Pour mener à bien cette étude, nous avons opté pour deux recherches complémentaires :
(3.2.1) une enquête par entretiens avec des responsables de services « Développement
durable » et (3.2.2.) une observation participante en contexte de stage de recherche.
Page 155
3.2.1. L’enquête par entretiens exploratoires
Dans ce point il s’agira de relater les échanges que nous avons eus avec des responsables de
services de développement durable d’entreprises. Cela portera sur : (3.2.1.1) la présentation
de la méthode utilisée, puis (3.2.1.2.) des résultats de l’analyse de contenu des entretiens.
3.2.1.1. Méthode
Cette partie présentera le terrain d’étude, les participants, le matériel ayant servi dans ce
travail et la procédure utilisée.
3.2.1.2. Le terrain d’études
Il existe plusieurs types d’organisations au Gabon. Celles sur lesquelles vont porter cette pré-
enquête sont des entreprises pétrolières filiales des grands groupes pétroliers internationaux.
Le choix de ces structures se justifie par le fait que ce sont celles qui, au Gabon, ont su mettre
en place une politique de développement durable par la création d’un service dédié au sein de
l’entreprise. Ces structures suivent l’évolution du marché mondial et les grands changements.
Ainsi dans le cadre de la mise en œuvre d’une démarche de responsabilité sociale et le respect
des normes de responsabilité (ISO 26000), les entreprises mères doivent veiller à impliquer
leurs filiales et parties prenantes aux respects de ces normes.
En effet, l’ISO 26000 qui est la norme de responsabilité sociale pour tout type d'organisation
soucieuse d’assumer la responsabilité des impacts de ses décisions et activités et d’en rendre
compte, présente des lignes directrices majeures pour arriver au plus proche de cet objectif
(www.AFNOR.org). Elle évoque la question de la responsabilité sociétale comme un
comportement transparent et éthique qui contribue au développement durable, à la santé et au
bien-être de la société tout en prenant en compte les attentes des parties prenantes, le respect
des lois en vigueur et des normes internationales. Tout ceci doit être intégré au sein de
l’ensemble de l’organisation et mis en œuvre dans ses relations ou filiales. Le périmètre de
responsabilité sociétale d’une organisation ne s’arrête donc pas à sa structure, il est étendu au
sein de sa sphère d’influence et de ses parties prenantes.
Page 156
Ainsi, notre étude a porté sur les services Développement durable de Total Gabon et Perenco
Gabon, deux filiales de grands groupes pétroliers étrangers dont les sièges sont situés à Port-
Gentil, la capitale économique du Gabon.
Total Gabon : Il s’agit de l’une des plus anciennes compagnies pétrolières installées au
Gabon à l’aube des indépendances. C’est un groupe français d’exploitation offshore et
onshore. A sa création, le30 juillet 1949, il est nommé la Société des Pétroles d’Afrique
Equatoriale Française (SPAEF), puis devient SPAFE le 26 février 1960, puis Elf SPAFE en
1968 et Elf Gabon le 18 juillet 1973. C’est seulement le 18 septembre 2003, à la suite de la
fusion des Groupes Elf et Total Fina, que cette société devient Total Gabon. Elle exploite
plusieurs gisements de pétrole, parmi lesquels Ozouri, Pointe Clairette, M’Béga, Lopez Sud,
Torpille, Grondin, Rembo Kotto, Batanga Anguille54
etc.
Carte 2. Sites miniers d’exploitation de Total au Gabon
54
: http://www.total.ga/historique-3#sthash.BuxHM0i3.dpuf
Page 157
Dans le cadre du développement durable, Total Gabon « figure au premier rang des
partenaires du développement durable au Gabon par une action soutenue dans les domaines
de l'éducation, de la santé, de la culture, de la diversification économique et de
l'écotourisme »55
. Pour cette entreprise « la sécurité des personnes et des biens ainsi que le
respect et la préservation de l'environnement sont des priorités permanentes dans l'exercice
de ses activités » (Total Gabon, 2016, www.total.ga/historique, p.3). Cette démarche est donc
portée par la direction.
Le développement durable au sein de Total Gabon concerne ainsi majoritairement l’aspect
social. On peut lire dans la partie Développement durable de son rapport annuel que les points
traités portent sur l’éducation et la formation, la santé et la recherche médicale, les
infrastructures, le développement agricole et la biodiversité. Les points portant sur la sécurité
et l’hygiène, les ressources humaines sont traités séparément, comme si le développement
durable n’intégrait pas tous ces aspects.
Ainsi, en ce qui concerne ce que Total Gabon nomme « développement durable », plusieurs
actions sociétales ont été entreprises. Par exemple dans le cadre de la formation, l’entreprise a
construit un nouvel établissement de formation, l’Institut du pétrole et gaz (IPG) de Port-
Gentil, la livraison de ces nouveaux bâtiments s’étant effectuée en 2013. Cet établissement
offre des formations du niveau brevet opérateur à celui de master 2. Un soutien financier est
également apporté au Centre de Spécialisation Professionnelle (CSP) de Port-Gentil, et des
offres de stage sont proposées aux étudiants. Ce soutien concerne également les classes
préparatoires du lycée Léon Mba de Libreville, avec la prise en charge de professeurs et de
formateurs, et au lycée Victor Hugo de Port-Gentil avec la prise en charge d’enseignants et
des frais de scolarité de jeunes gabonais dans le programme des classes d’excellence. Des
organisations non gouvernementales, à l’exemple de l’Agence de consolidation des
technologies de l’éducation (Acte) dont l’objet est la promotion des sciences et des nouvelles
technologies de l’information et de la communication envers la communauté scolaire au
Gabon, sont aussi aidées financièrement. Un programme de bourses de l’enseignement
supérieur a été initié depuis 2010.
Dans le cadre de la santé, l’entreprise apporte son soutien financier au Centre international de
recherches médicales de Franceville (CIRMF), intervient dans les domaines de la recherche
médicale, de la formation et de l’appui à la santé publique, des contrats de prestation de
55
See more at: http://www.total.ga/lentreprise/propos#sthash.Vr1JEWey.dpuf
Page 158
service dans le domaine du diagnostic pour la recherche de légionellose et pour les analyses
microbiologiques de l’eau ; elle apporte aussi un appui médical au personnel au travers d’un
contrat signé avec des entreprises locales. Elle participe aux enseignements de l’école
doctorale régionale (Franceville) et au comité technique d’élaboration des termes de référence
de la politique nationale de recherche de santé au Gabon.
En ce qui concerne les infrastructures, Total contribue au financement et à la maîtrise
d’ouvrage du projet de rénovation, de modernisation et d’extension de l’aéroport de Port-
Gentil afin de lui permettre d’accueillir le trafic aérien international.
Pour ce qui est du développement agricole, l’entreprise aide financièrement l’Institut gabonais
d’appui au développement (IGAD) pour le programme de développement des cultures
maraîchères et le développement du Centre d’application agropastoral de Franceville.
Concernant la biodiversité, des nouveaux projets ont été financés en 2013 pour d’une part, la
valorisation et la préservation des ressources halieutiques du Gabon, et d’autre part,
l’aménagement de l’arboretum de Raponda Walker et l’édition d’ouvrages sur la nature au
Gabon.
Quelques autres points traités en dehors du cadre développement durable rentrent néanmoins
en compte comme la sécurité, l’hygiène, l’environnement.
En effet, bien qu’il existe un service Hygiène, Sécurité et Environnement, il est étonnant de
constater que ce service est clairement dissocié de celui du développement durable. Ainsi,
dans leur bilan de 2013 on peut noter que sur le plan Hygiène, sécurité et environnement,
l’entreprise enregistre des améliorations.
En effet, on note une légère amélioration de la sécurité des salariés au travail : réduction du
nombre d’accidents de quatre en 2013 contre six en 2012, diminution du taux de fréquence
des accidents avec arrêt de travail (LTIF1) de 0,26 en 2013 contre 0,40 en 2012; également,
concernant les incidents à haut potentiel (HPI) 61 ont été recensés en 2013 contre 62 en
2012.). Dans le cadre du volet Hygiène, le plan prévention à l’exposition au benzène a été
entièrement revu avec notamment la mise à disposition d’équipements de protection
individuelle adaptés (EPI) sur certains sites tels que le cap Lopez et une révision des
procédures opérationnelles Nous constatons que ces améliorations sont infimes.
Page 159
Concernant l’aspect environnemental, l’entreprise enregistre une réduction de l’intensité des
émissions de gaz à effet de serre (GES) qui s’élève à 104,3 kt équivalent CO2/Mbep en 2013,
contre 118,6 kt équivalent CO2/Mbep en 2012. La pollution des eaux par les hydrocarbures
connait également une diminution avec par exemple une teneur moyenne en hydrocarbures
des eaux de production de 14,4 mg/l sur le site du cap Lopez en 2013, contre 29 mg/l en 2012
(Rapport financier annuel de Total Gabon, 2013). Malgré ces diminutions, on constate que la
pollution reste néanmoins importante.
En somme, les activités de diversification et de développement durable de Total Gabon
concernent essentiellement des organismes ou des projets d’intérêt général, principalement
dans les domaines des infrastructures, de la santé, de la biodiversité et de l’éducation.
PERENCO GABON : Perenco est une compagnie franco-britannique fondée par Hubert
Perrodo en 1975 et dont les activités, initiées à Singapour par les services maritimes pour
l'industrie du pétrole, vont s’étendre de l'exploration à la production du pétrole et de ses
dérivés. Cette entreprise s’est installée à Port-Gentil dans les années 199256
et va
progressivement acquérir une place de plus en plus importante dans le paysage
organisationnel et économique Gabonais. L’entreprise possède 36 permis en mer (offshore) et
à terre (onshore)57
et produit actuellement environ 58 000 barils par jour. Ce qui fait d’elle le
troisième producteur de pétrole au Gabon derrière SHELL et Total Gabon.
56
http://www.perenco-gabon.com/ 57
http://www.tresor.economie.gouv.fr/10211_le-secteur-petrolier-au-gabon-2013 (4/4/16)
Page 160
Carte 3. Sites d’exploitation de Penrenco Gabon.
Dans le cadre du développement durable, l’entreprise s’est engagée dans une démarche de
responsabilité sociale portée par la direction. Ainsi, on peut lire, sur son site et sur ses
documents officiels, que l’entreprise que partout où elle opère, des efforts sont faits pour
améliorer la qualité de vie des habitants en préservant les cultures traditionnelles et les valeurs
locales. Un accent est mis sur la promotion du travail social de proximité, en embauchant une
main d’œuvre locale.
Les objectifs sont clairement énoncés en ces termes :
- Faire une contribution positive aux communautés locales,
- Respecter des cultures différentes et les droits d'individus
- Promouvoir et maintenir l'honnêteté, l'intégrité et l’éthique
- Tout Perenco et le personnel et ses parties prenantes doivent considérer la
Responsabilité Sociale dans toutes leurs activités et intervenir quand ces buts sont
compromis
Page 161
- Assurer la conformité de notre Responsabilité Sociale Parce que nos gens sont notre
atout le plus précieux, la sécurité professionnelle et la santé sont une priorité
constante.
- Aucun mal ne doit être fait aux gens
- Un environnement de travail sûr et sain pour tout le personnel
- Aucun impact sur la santé et la sécurité de nos voisins
- Aucun accident
- Perenco le personnel est engagés à atteindre ces buts.
- Les directeurs (managers) sont responsables et responsables de la Santé et la
Sécurité.
- Tout Perenco et le personnel d'entrepreneurs et de contractuels doivent intervenir en
conditions risquées ou non conformes et rester responsables tant pour leur propre
santé que pour leur sécurité et celles des autres.
- Assurer la conformité de notre Santé et Politique de sécurité (http://www.perenco-
gabon.com/)
Tous ses partenaires doivent mettre en place un système de Santé et de Gestion de la Sécurité
en conformité avec les dispositions réglementaires et les standards de l'industrie pétrolière.
L’entreprise s'attend aussi à ce que tous ses salariés conduisent leurs activités de manière
impartiale et éthique afin de :
- Promouvoir et maintenir l'honnêteté, l'intégrité et des normes d’éthique
- Empêcher des dégâts financiers et de réputation à Perenco et son personnel
Pour assurer la conformité de leur Éthique et la Politique d'Intégrité d’affaires, Perenco tient à
faire respecter et respecter toutes les lois tant nationales qu’internationales régissant Perenco
et ses opérations aussi bien que des politiques internes à Perenco.
Dans le domaine de l’Environnement, l’entreprise, en tant que citoyen du monde, est engagée
dans le développement et l'application des meilleures pratiques environnementales au niveau
de toute son industrie. Elle énonce les buts suivants :
- Réduire au minimum notre empreinte
- Promouvoir la bonne gestion environnementale dans notre voisinage
Page 162
- Tout le Perenco et le personnel d'entrepreneurs et de contractuels restent
responsables de leur impact sur l'environnement. Ils doivent intervenir quand ils
rencontrent des situations écologiquement fragiles et non conformes.
Dans le but de contribuer au bien-être des populations environnant ses sites d’exploitation, et
ainsi respecter une démarche de responsabilité sociale, l’entreprise Perenco Gabon a procédé
à l'électrification de certains villages. Il s’agit indirectement de compenser les nuisances
occasionnées par l’entreprise. C’est par exemple le cas du village Batanga qui a également
bénéficié de la construction d’un centre médico-social en 2008. De plus, les personnes qui
subissent les impacts négatifs liés aux activités de production obtiennent des allocations et des
dédommagements, ce qui permet de maintenir des bonnes relations avec les collectivités
locales.
Notons enfin que suite à des études conduites par l'Agence Nationale des Parcs naturels (
l'ANPN), la Société National Geographic, l'Institut Waitt et la Société de Conservation de
Faune et flore58
, un Protocole d'accord d’une durée de trois ans a été signé entre Perenco et
ces organismes. Ce protocole a pour but de mener des études sur la protection de ces
écosystèmes dans le contexte de production de pétrole et au moment de la mise hors service
de ces plates-formes59
.
Soulignons cependant que ces informations sont publiées par les deux entreprises dans leurs
rapports annuels et sont souvent amplifiées et très en-dessous de ce que ces organisations
pourraient entreprendreIl reste beaucoup à faire.
3.2.1.3. Procédure et participants
Pour les besoins de cette étude, nous avons souhaité interroger les responsables des services
« Développement durable », tant du secteur public que privé, d’entreprises et institutions.
Cependant après plusieurs recherches infructueuses nous avons réalisé que la création de
services dédiés au développement durable est rare au sein des entreprises. L’intégration du
développement durable dans les politiques organisationnelles au Gabon, spécifiquement au
sein de la province de l’Ogooué maritime, n’est pas encore largement répandue et n’est
58
Cette étude a révélé que les plateformes pétrolières fournissent un environnement favorisant able pour le
développement de la biodiversité de récif artificielle, préservée grâce à la présence d'une zone de sécurité autour
des plates-formes offshores. Démontrant ainsi la richesse de la vie marine entourant les plateformes pétrolières 59
http://www.perenco-gabon.com/
Page 163
effective que dans peu de structures. Seules certaines structures comme nous l’avons noté
précédemment, filiales des groupes internationaux, ont entrepris cette démarche.
Soulignons qu’il est difficile d’intégrer les deux structures sur lesquelles a porté cette étude.
La première (Total) dans laquelle nous devions au départ faire un stage n’a pas souhaité
donner suite à notre demande. Cependant nous avons néanmoins pu échanger avec nos deux
sujets qui ont accepté de répondre à nos questions. La seconde structure, après plusieurs mois
d’attente, nous a ouvert ses portes afin d’y mener un stage de recherche et d’observation pour
une période d’un mois. Nous avons pu notamment y mener deux entretiens.
Ainsi quatre sujets, réticents au départ, ont accepté de répondre à nos questions quand ils ont
su que ces entretiens répondaient aux besoins de notre travail de doctorat. Cependant, pour
que leur anonymat soit préservé, nous ne présenterons pas le profil de ces participants.
Nous les avons rencontrés dans leurs milieux de travail, au sein de leurs bureaux respectifs.
La date et les horaires d’échanges ont été fixés par chacun d’eux, en fonction de leur
disponibilité et en tenant compte de leurs contraintes de travail. Pour tous nos sujets les
rencontres se sont déroulées en première partie de journée, généralement entre 10h30 et 12h.
A Perenco, nous avons choisi de mener les entretiens avant le début de notre stage afin
d’éviter les biais liés à d’éventuelles affinités qui auraient pu se créer mais surtout et avant
tout, à la connaissance de l’entreprise et de ses actions susceptibles d’être acquises au cours
de stage. Cela aurait très probablement modifié le sens et le contenu des échanges.
Un des sujets ayant dû s’absenter, nous n’avons mené que trois entretiens.
Ils ont duré entre 45mn et 1h. Nos sujets étaient à l’aise lors des échanges et ont pris des
précautions afin que nous ne soyons pas dérangés.
Les questions ont été bien comprises et les différentes relances faites ont généralement portées
sur les explications ou une demande d’éclaircissement par rapport à certaines réponses des
sujets. Ainsi des relances telles que « qu’entendez-vous par là ? » ou « pouvez-vous nous
donner des exemples illustratifs ? » ont été formulées à la réponse « nous faisons beaucoup
dans le social ».
Page 164
3.2.1.4. Le matériel
Les entretiens nous ont semblé l’outil le plus adapté pour analyser la problématique des
valeurs du développement durable et ses enjeux dans ces deux entreprises. Ainsi que les
différentes parties en présence et comment la démarche développement durable s’illustrent en
actions. Ce choix se justifie par le fait que les entretiens permettent entre autres de mettre en
lumière les systèmes de valeurs et les normes en vigueur dans un contexte social spécifique,
au travers du sens que les individus donnent à leurs pratiques, aux événements auxquels ils
sont confrontés et à leurs interprétations des situations vécues (Lefèvre, 2012).
De plus, l’entretien permet de recueillir des données et de mettre en exergue les questions les
plus pertinentes qui permettront de choisir et/ ou de construire l’outil le plus adapté pour la
suite du travail ainsi que de mieux formuler nos hypothèses.
Le matériel choisi est un guide d’entretien semblable à celui utilisé dans la première pré-
enquête. Cependant certaines questions ont été orientées vers l’entreprise en tant qu’exemple
d’organisation moderne du travail. Nous avons ainsi un ensemble de questions portant sur les
valeurs en entreprise, le développement durable et les valeurs de développement durable en
entreprise.
La première interrogation traitait des valeurs. Comme dans la première pré-enquête, elle
servait de question de départ. Elle a été volontairement choisie assez ouverte, afin de
permettre d’entrée d’aborder et d’instaurer un climat de confiance et de sérénité dans la
mesure où elle constitue un sujet de société sur lequel n’importe qui peut se positionner. Son
objectif était d’appréhender l’importance et la place des valeurs au sein d’une société en
général et de l’entreprise en particulier. Elle était formulée comme suit :
« On parle souvent des valeurs de nos jours, qu’en pensez-vous ? ».
La deuxième question « Les valeurs au sein de votre entreprise, pouvez-vous nous en
parler ? », permettait de repérer les valeurs de l’entreprise perçues et de voir si elles sont en
accord avec les valeurs personnelles du participant et celles de leur environnement social.
La troisième question traitait du développement durable.
« Actuellement on parle de développement durable qu’en pensez-vous ? »
Page 165
Cette question conduisait nos participants à aborder leur connaissance, la place du
développement durable dans le paysage mondial des affaires et sur le plan national.
« Le développement durable dans votre entreprise, pouvez-vous nous en parler ? »
Cette quatrième question portant sur le développement durable en général mais aussi au sein
de l’entreprise permettait de fournir les détails qui justifient de l’intégration ou non d’une
politique développement durable au sein de leur structure de travail, d’évoquer les actions en
cours et le niveau d’implication de l’entreprise.
La cinquième question visait à repérer les opinions des sujets sur les valeurs du
développement durable de l’ONU mais aussi de les situer dans le cadre de l’entreprise.
« Les valeurs de développement durable dans votre entreprise, pouvez-vous nous en parler »
Comme dans la recherche précédente, il s’agissait d’analyser les connaissances sur les valeurs
établies par l’Organisation des Nations Unies (ONU) comme étant les valeurs de base du
développement durable et de voir si celles-ci sont en vigueur au sein des entreprises.
La dernière question intitulée « S’il fallait rendre le monde meilleur pour les hommes et
l’environnement quelles valeurs proposeriez-vous ? » laissait une ouverture afin de permettre
à chacun des participants de proposer des valeurs qui, selon lui, seraient à même de contribuer
à induire des comportements susceptibles d’être responsables. Cette question permettait
également de voir si les valeurs proposées étaient en accord avec celles déjà dictées par
l’ONU ou si elles reposaient davantage sur des caractéristiques culturelles telles que définies
dans la première pré-enquête en milieu villageois. En d’autres termes si les valeurs du
développement durable proposées par nos sujets sont toutes autres ou les mêmes que celles de
l’ONU.
3.2.2. Analyse de contenu
Ce point présente les résultats et les interprétations par question aux analyses de contenu
catégorielles thématiques que nous avons menées.
Question 1. « On parle souvent des valeurs de nos jours, qu’en pensez-vous ? ».
Page 166
L’analyse de contenu fait ressortir trois grandes catégories. Nos sujets font (a) un constat
d’ensemble de l’importance des valeurs et évoquent unanimement des changements. Puis ils
traitent de (b) l’origine de ces changements et de (c) leurs conséquences.
- (a) La première catégorie qui a trait au « constat d’ensemble des valeurs » concerne
l’importance des valeurs dans la société et dans la vie d’un individu. Les valeurs sont
perçues comme guide des actions humaines.
« Les valeurs sont le pilier de tout groupe, ce sont elles qui vont faire en sorte qu’une
personne agisse d’une manière plutôt que d’une autre. Quelqu’un qui aime la justice agira
souvent de manière juste et le jour où il ne va pas le faire, il se sentira mal, »
Les sujets constatent un changement dans les valeurs de la société gabonaise et notent que
tous les individus ne partagent pas forcément les mêmes valeurs, même étant issus de la
même société, du même milieu voire de la même famille.
« En tout cas on peut dire que les valeurs du Gabon de nos parents ne sont plus celles
d’aujourd’hui, il y a un grand changement, on peut même le voir en regardant seulement le
village et la ville, si tu compares les deux ce n’est pas la même chose(…) même selon les
quartiers, les gens de la sablière60
pourtant ils sont riches et ont les moyens mais ne se
partage même pas le bonjour. Alors que dans les matitis61
les gens portent les valeurs de
solidarité ce qui les poussent à agir dans ce sens, à se partager le pain, les allumettes l’huile
etc.) Vous voyez on peut être dans le même pays et avoir des valeurs différentes selon
l’endroit où on habite, où on travaille. Et même encore dans ces endroits-là chacun a ses
propres valeurs, c’est tellement complexe tout ça » (Sujet 3).
Pour eux il y a également une différence de valeurs selon le milieu dans lequel la personne
vit.
(b) La deuxième catégorie évoque « les facteurs à l’origine des changements de
valeurs ». En effet, pour nos sujets, plusieurs facteurs sont la source des changements
observés dans les valeurs. Ils citent l’éducation familiale, l’école, les médias, les contacts
entre les peuples de cultures différentes, le travail en entreprise, mais aussi les différents
60
Quartier riche de la capitale Gabonaise Libreville 61
Autre appellation des bidonvilles, usuelle dans le langage courant gabonais
Page 167
contextes ou situations auxquels la personne est confrontée, ses intérêts personnels et son lieu
de vie.
« Vous avez raison de demander ce qui cause ces changements, il y a tellement de choses,
l’éducation à la maison, aujourd’hui les parents travaillent et les enfants vont à l’école, on
n’a même plus le temps d’inculquer nos valeurs à nos enfants comme il faut où comme cela se
faisait avant. La télé, l’internet et tout le reste le font à notre place. Parfois tu as grandi avec
d’autres valeurs et le travail ou la société t’en donne d’autres que tu es obligé de respecter
pour ne pas avoir de problème… »
(c) Lorsqu’on évoque la troisième catégorie qui émerge de cette analyse et que nous
avons appelée Conséquences des changements, les réponses des sujets renvoient à des
conséquences plus ou moins positives telles que les changements sociaux, les changements de
comportements et manières d’agir,
« si les valeurs d’une société changent cela va jouer aussi sur les manières de faire des gens
de cette société, donc leurs comportements aussi vont changer. Et quand les choses changent
certaines sont appelées à disparaitre. C’est le cas ici, si on ne fait pas attention les valeurs
familiales qui étaient tant importantes pour nos aïeux vont disparaitre. Par exemple avant
quand on disait la famille c’était au plan large, alors qu’aujourd’hui c’est papa, maman et
les enfants »,
la disparition des valeurs et pratiques culturelles traditionnelles et, le progrès.
« dans tous les cas on sait que nos valeurs traditionnelles sont en train de disparaitre ainsi
que les manières de faires, les traditions, les initiations et tout ça. Mais bon c’est normal c’est
aussi ce qui fait avancer les sociétés, on ne peut pas rester éternellement au même niveau, on
progresse, on pense autrement, on agit autrement on s’habille autrement même ce qu’on
mange a été modifié… »,
Ces changements sont perçus comme perturbants et demandent une certaine capacité
d’adaptation à des situations diverses et nouvelles
Page 168
« Tous ces changements embrouillent les gens surtout quand tu n’es pas bien enraciné ou
bien rodé, car parfois il y a des entreprises qui ont des valeurs contraires aux tiennes et là on
va te demander de faire quelque chose il faut savoir faire la part des choses et s’adapter, ce
qui n’est pas facile cas les gens ont des sentiments et une conscience et c’est ça peut être
vraiment difficile. Dans tous les cas plus les valeurs vont changer, plus on apprend à
développer sa capacité à s’adapter aux imprévus et aux ordres qui ne cadrent pas avec nos
valeurs personnelles »
Question 2 : « Les valeurs au sein de votre entreprise, pouvez-vous nous en parler ? »
De l’analyse de contenu découle deux principales grandes catégories (a) l’importance des
valeurs au sein de l’entreprise et, (b) les valeurs de développement durable prise en compte au
sein de l’entreprise.
(a) La première a trait à l’importance des valeurs au sein de l’entreprise.
En effet, pour nos sujets, les valeurs sont essentielles au sein d’une entreprise et font même
partie du système de management. Cette importance s’exprime au travers de :
- le renforcement des liens entre salariés et entre les salariés et leur hiérarchie. A
ce propos, l’un des sujets dira :
« Je peux déjà souligner l’importance que les valeurs ont au sein de notre entreprise et je
pense dans les autres aussi, dans la mesure où elles font en sortent que les personnes venant
de partout puissent avoir une base commune et former une famille, car ce n’est pas toujours
facile, c’est même tout un système de management qui est de plus en plus recommandé, le
management par les valeurs ».
- le développement du sentiment d’appartenance à l’organisation ainsi que
l’attachement à l’entreprise.
« les valeurs renforcent les liens entre les salariés, et même entre les salariés et les dirigeants
de l’entreprise, les gens se sentent plus soudés et plus attachés à leur entreprise, c’est
important pour une entreprise d’énoncer ses valeurs, quand les salariés s’y reconnaissent ils
ont du mal à partir de l’entreprise même quand parfois on leur propose un meilleur salaire,
ils restent fidèles et s’attachent à l’entreprise et aux relations qu’ils tissent. C’est comme une
Page 169
deuxième famille, une société même dans la société, ce n’est pas pour rien qu’on appelle
aussi les entreprises société ».
- l’orientation des énergies productives et des comportements au travail. Nos
sujets pensent que les valeurs orientent les conduites en entreprise, tout comme elles le
font dans la société en général. Elles y sont d’autant plus importantes que des résultats
en termes de rendement sont attendus.
« les valeurs donnent souvent une direction à suivre pour tout le monde dans l’entreprise du
haut jusqu’au bas, mais il faut dire que certaines valeurs ne sont pas souvent claires et
chacun peut les interpréter à sa manière, je pense à l’une de nos valeurs clé l’Aventure, même
moi je me demande ce que ça veut dire concrètement dans notre milieu, peut-être le fait qu’on
est amené à voyager ou explorer (rire)…».
- le développement de l’implication des salariés dans leurs tâches ou missions de
travail. Nos participants pensent que les valeurs communes d’une entreprise favorisent
l’implication et le dévouement des personnes.
« Parfois les valeurs peuvent conduire les personnes à être plus motivées, plus actives, plus
efficaces dans leur travail, en gros plus impliquées, bon si elles adhèrent à cette valeur, mais
j’avoue que pour beaucoup le salaire y est pour quelque chose (rire) »
- Et la contribution des valeurs à créer une identité unique et à distinguer les
salariés d’une structure d’une autre.
« un salarié de x est un salarié de x on ne va pas le confondre avec celui d’une autre
entreprise, nos valeurs font notre particularité et fondent l’identité x, bien entendu il n’y a pas
que les valeurs. Et il faut dire qu’après les restructurations que nous venons de traverser il
faut ré communiquer sur les valeurs ».
(b) La deuxième catégorie présente les valeurs de l’entreprise vues par chaque sujet.
Ainsi pour le premier sujet, plusieurs valeurs régissent l’entreprise et se différencient par leur
fonction ou l’objectif visé. Certaines sont tournées vers l’extérieur et concourent à l’image de
l’entreprise. D’autres contribuent à orienter les conduites des salariés.
« bon il faut dire que nous avons plusieurs valeurs et ça dépend de vers qui elles s’adressent.
Les premières valeurs sont plus générales et qualifient un peu ce que nous sommes et ce que
Page 170
nous faisons dans notre société, elles participent surtout à montrer notre image à l’extérieur,
vous pouvez les trouver sur notre site et dans nos rapports, ce sont les valeurs comme : la
responsabilité, l’éthique, la diversité, l’équité, le dialogue, l’égalité des chances. Puis il y a
les valeurs qui concernent plus les salariés et toutes les personnes qui sont recrutées chez
nous elles constituent la « total attitude » et doivent être mises en pratique dans les
comportements de travail de tous les jours, ce sont : la solidarité, l’écoute, l’audace et la
transversalité, j’espère que je n’en oublie pas (rire) ».
Deux sujets n’évoquent pas de différence entre les valeurs, ce sont les mêmes pour tous.
« Nos valeurs sont : la responsabilité, l’aventure, la communication, l’enthousiasme »,
Enfin, un sujet ajoute la valeur Travail.
(c) La dernière catégorie traite des impacts que peuvent avoir les valeurs sur la vie
du salarié et du collectif au sein de l’entreprise. En effet, les valeurs peuvent fonctionner
comme des lois et leur non-respect peut entrainer des sanctions. Certaines valeurs peuvent
rentrer en conflit avec les valeurs personnelles des salariés et créer de la démotivation.
Nos sujets évoquent aussi les conflits au sein de l’entreprise. Mais lorsqu’elles sont
comprises et partagées au sein d’une entreprise, les valeurs permettent d’améliorer la
motivation, la fidélité des salariés et la productivité.
« Ce qui est bien c’est quand les salariés sont d’accord avec les valeurs de l’entreprise et les
énoncent fièrement cela montre qu’ils sont attaché à la société et va les motiver à donner le
meilleur d’eux-mêmes, à créer une ambiance familiale au sein de l’entreprise. C’est pourquoi
il faut toujours rappeler les valeurs de l’entreprise pour que les gens ne s’en éloignent pas
car le milieu du travail est aussi un monde de compétition où les uns cherchent à marcher sur
les autres ».
Page 171
Question 3 : « Actuellement on parle de développement durable qu’en pensez-vous ? »
Cette question a permis de repérer trois catégories de réponses : (a) la définition du
développement durable par les sujets, (b) l’importance du développement durable et (c) les
problèmes que pose le développement durable dans son application sur le plan local.
(a) La première catégorie qui découle de l’analyse de contenu traite de la définition du
développement durable.
Les trois sujets présentent le développement durable comme un défi mondial, un nouveau
plan de gouvernance mondial, un changement global vers un monde meilleur pour les vivants
actuels et les générations futures, la conciliation du social, de l’environnemental et de
l’économie.
« Le développement durable c’est un ensemble de recherche de solutions pour nous tirer
d’affaire car nous les hommes avons détruits et continuons à détruire notre planète et si ça
continu on risque de disparaitre comme sont déjà en train de le faire les animaux et autres
espèces vivantes. On ressent déjà les changements climatiques partout, par exemple la
montée des eaux ici à port- Gentil est visible, la chaleur et tout. Donc nous avons intérêt à
réagir. Bien entendu en Afrique nous subissons les dégradations de l’occident, il faut aussi
qu’ils comprennent qu’ils ne peuvent plus continuer à consommer comme ils font et nous ne
devons pas chercher à faire comme eux, à produire des choses parfois inutiles et qui donnent
des maladies. Au Gabon nous avons encore la chance d’avoir notre forêt quasi intacte mais
pour combien de temps ? »;
Soulignons que nos trois sujets ont reçu des formations avant et pendant leur intégration dans
les services développement durable et que ces formations sont relativement récentes. Ainsi ce
sont des personnes sensibilisées à la Problématique du développement durable.
(b) La deuxième catégorie parle de l’importance du développement durable de manière
générale.
Tous nos sujets jugent le développement durable comme très important et mettent en avant la
vie sur terre et le bien-être des hommes et de la nature.
Page 172
Deux sujets ajoutent que le DD est important pour l’Afrique et pour le présent et le futur.
« Ce qui est certain c’est que le développement durable est très important pour tous qu’on
pollue ou pas, qu’on soit victime ou acteur de la destruction de la planète nous sommes tous
dans le même bateau. Encore plus les pays Africains qui ont la chance de ne pas être au
niveau de dégradation de certains pays occidentaux. On doit être avertis car de toute façon
on subira les impacts et les décisions prise par les pays développer ce fut le cas pour le
développement, le capitalisme et là pour le développement durable. Les normes du marché
international changent et même les sous-traitants dans le cadre de la RSE sont obligés de les
respecter s’ils veulent continuer à travailler et vivre (…) c’est indispensable pour toute vie
sur terre, pour nous comme pour la nature, les animaux et tout ».
(c) La troisième catégorie traite des problèmes inhérents au développement durable
surtout au Gabon et aux limites de son application sur le plan local.
Sept aspects principaux émergent de l’analyse de contenu : la compréhension, la formation, la
sensibilisation populaire, secteurs spécifiques, la différence entre modèles théoriques et
pratiques réelles, l’adaptation locale et la réticence due à la perception du développement
durable comme un programme venu de l’occident et imposé à nouveau.
Pour tous les sujets qui sont chaque jour confrontés aux réalités du terrain, se pose un
problème de compréhension du développement durable qui, selon eux, n’est pas toujours clair
et évident à comprendre, notamment dans les termes utilisés car les formations sont souvent
destinées aux cadres de l’entreprise,
« Trop de gens ne comprennent pas ce qu’est le développement durable et il n’est pas facile
de le leur expliquer, on ne trouve pas toujours les termes adéquats. En plus les formations ne
sont pas destinés au plus grand nombre pour le moment ce qui fait que beaucoup pensent que
c’est un truc qui concerne encore les pays développés et qu’on veut nous imposer, ils n’ont
pas forcément tort de le penser quand on voit parfois ce qui se fait et souvent comment on
applique en tant que filiale d’un groupe les décisions qui viennent d’en haut. Comment
expliquer à notre villageois d’Omboué ce qu’est le développement durable? Il n’y a même pas
de mots en langue vernaculaire, souvent nous sommes obligé de jongler ».
Page 173
Se pose également le problème de la formation, de la sensibilisation du plus grand nombre de
salariés
« Les gens ne sont pas encore assez sensibilisés ; souvent on pense que c’est la politique
tellement les politiciens utilisent ça dans leur émergence, ou que ça ne concerne que le
département développement durable. La majorité des salariés n’est pas sensibilisé et ne
comprend pas toujours pourquoi certaines décisions sont prises, par exemple pourquoi nous
construisons une école etc. ».
Par ailleurs la séparation des services et le fait qu’on a l’impression que le développement
durable ne concerne que le secteur pétrolier est considérée comme grave.
Nos sujets soulignent aussi la différence entre les formations théoriques venant souvent de
l’occident avec des formateurs de l’occident et la réalité sur le terrain. Ainsi que la prise en
compte des cultures locales. Cet écart laisse souvent les intervenants désarmés face à certaines
situations et cela peut entrainer des conflits et un retard dans la réalisation des chantiers.
« un chef de village nous avait écrit pour se plaindre de la direction de forage qui aurait
ordonné le début des travaux sans respecter les délais dans la réalisation d’un rituel pour la
faveur des esprits aux opérations de forage afin d’éviter les incidents et répercussions sur la
population, comment répondre à ce Monsieur et éviter les conflits? Est-ce qu’on nous
enseigne comment gérer ce genre de situation ? Non tu es obligé de faire appel à tes
connaissances traditionnelles et si tu n’en a pas le chantier est bloqué ». .
Question 4 : « Le développement durable dans votre entreprise, pouvez-vous nous en
parler? »
L’analyse de contenu de cette question fait ressortir deux catégories qui sont : (a) la place du
développement durable dans l’entreprise et (b) les actions menées en faveur du
développement durable.
(a) Les réponses montrent la place particulière qu’occupe le service Développement
durable et les actions qui lui sont dévolues au sein de l’entreprise,
Page 174
« Quand on dit développement durable on pense à notre service qui est souvent vu comme
tous les autres services mais bien que nouveau il marque quand même l’importance de
l’intégration du développement durable dans nos démarches d’exploitation, très peu
d’entreprise ont un service DD aujourd’hui ».
Son application en entreprise, la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), est souvent
plus connue que celui de développement durable
« Le développement durable en entreprise c’est la mise en place de la RSE dites RSE les gens
au travail en ont entendu parler et développement durable on vous orientera vers le service
alors que c’est presque la même chose, la RSE c’est le développement durable dans
l’entreprise ».
Mais tous considèrent que « faire du développement durable » améliore l’image de
l’entreprise et est indispensable pour mettre en place les standards internationaux. Car les
grands groupes internationaux comme les groupes internationaux pétroliers, doivent impliquer
toutes leurs filiales dans leurs démarches de responsabilités.
« il faut dire que le développement durable est mis en place dans les entreprises beaucoup
sous la pressions des règlementations internationales et des normes ISO, vu la concurrence il
faut faire de son mieux pour agir de manière responsable et éthique et quand on regarde bien,
les décisions d’ouvrir des services dédiés au développement durable sont pour le moment
prises plus haut au sein des directions générales de nos maisons mères pour que toutes les
filiales soient en phase ce qui est tout à fait normal mais parfois mal vécu »
Cette mise en œuvre du développement durable est donc décidée par les directions
internationales.
(b) Pour nos sujets, les actions du service Développement durable sont surtout
tournées vers le social et les relations avec les parties prenantes et
« Le développement durable dans notre service peut être présenté au travers des actions que
nous menons, nous soutenons par exemples les associations, nous participons à la prise en
charge du transport fluvial des populations des zones où nous exploitons et cela gratuitement,
nous construisons des écoles, installons les groupes électrogènes dans certains village qui
Page 175
n’ont pas accès à l’électricité, on accompagne aussi les centre de formations au travers de
bourses d’études que nous offrons sur critère de mérite. Nous sommes presqu’en finition d’un
centre de formation en hydrocarbure. C’est nous qui nous chargeons également de réunir les
différents intervenants lors des études d’impacts depuis les démarches de diagnostic jusqu’au
processus finaux… ».
Cela peut limiter la perception que les gens ont du développement durable en
entreprise
« le développement durable chez nous concerne plus les missions à caractère social, les
réunions avec les autorités locales, les associations, l’aides aux communautés dans lesquelles
on travaille et les gens peuvent penser que c’est seulement ça le développement durable, alors
qu’il intègre tout , le service Hygiène, sécurité environnement, le service social et du
personnel et tout depuis la direction, mais depuis que le service est mis en place on peut
penser que développement durable c’est social »
En effet, pour les trois sujets, les actions en faveur du développement durable concernent
aussi la formation des cadres, les partenariats locaux, la mise en place de réunions de
concertations avec les partenaires, les dédommagements en cas de conséquence néfaste des
actions de production dans la vie des autochtones et les études d’impacts environnementales.
« Nous travaillons beaucoup dans le cadre des œuvres sociales et avec les partenaires
locaux encore appelés parties prenantes, et souvent chez nous le développement durable
planche sur l’action sociale par exemple la construction des école, l’aide aux populations
vivant autours de nos sites d’exploitations, le financement de formations et autres bourses
d’études, le soutien aux associations, l’emploi des jeunes etc.».
Question 5 : « Les valeurs de développement durable dans votre entreprise, pouvez-vous
nous en parler »
La réponse à cette question a permis de mettre en lumière la place des valeurs du
développement durable au sein de leur entreprise.
Les sujets évoquent tous les valeurs Responsabilité et Protection de la nature. Deux sujets
parlent aussi de Solidarité et de Diversité.
Page 176
« je pense qu’il y a deux valeurs qui sont directement en lien avec le développement durable
que je peux citer c’est la protection de la nature et la responsabilité, ce n’est pas qu’il n’y a
pas ‘autres valeurs mais celles –ci ne sont pas forcément directement lié comme l’audace, le
respect, l’entraide qui ont des valeurs que nous portons mais qui ne sont pas forcément celles
qui sont écrites dans l’affichage de l’entreprise ».
Question 6 :
« S’il fallait rendre le monde meilleur pour les hommes et l’environnement quelles valeurs
proposeriez-vous ? »
Lorsqu’on leur demande de proposer six valeurs qui permettraient de rendre le monde
meilleur, les sujets énoncent quatre valeurs communes :
Le respect
« je pense que le respect doit être même la valeur première de la vie sur terre, se respecter
soi-même, respecter les autres, respecter la vie de manière générale c’est ne pas par exemple
tuer un animal quand on n’a pas l’intention de le manger, c’est respecter la différence et les
croyances des autres. Si on part sur cette base du respect je pense que les choses irait mieux
dans ce monde »
L’amour
« C’est le moteur de la vie l’amour, je ne sais pas si quelqu’un peut vivre sans amour sur
cette terre. Franchement quand on aime ce qu’on fait on le fait bien, quand on s’aime on aime
aussi les autres, on se pardonne et on pardonne ainsi les fautes des autres. Tout le monde
devrait s’aimer à défaut se respecter simplement mais quand même c’est l’amour qui fait
qu’on reste attacher à son pays par exemple et on a envie de le développer ce que beaucoup
de nos dirigeants en Afrique n’ont pas. Quand on a l’amour on veut faire plaisir aux autres,
donner, protéger ceux qu’on aime. On ne se rend pas compte à quel point l’amour est
puissant »,
Page 177
La protection de la nature
« Protéger la nature est indispensable à notre vie, ça doit même être un devoir. Tout ce que
nous mangeons, viens de la nature, nos vêtements, nos maisons, l’air que nous respirons sans
les arbres pas d’oxygène, tout et tout même ce qu’on a transformé vient à la base de la
nature. Alors on a intérêt à la préserver, à la protéger, sinon c’est un suicide collectif,
La responsabilité
« La responsabilité fait que chacun mesure la portée de ses actes et réfléchit à ne pas prendre
des risques inutiles qui mettraient la vie des autres en danger. Si chacun doit assumer la
responsabilité de ses actes, les gens feraient moins n’importe quoi. Même avec l’éducation
des enfants, quand tu responsabilise un enfant il a tendance à moins faire de bêtises, donc oui
c’est aussi une valeur importante selon moi pour avoir un monde meilleur ».
Deux sujets ajoutent la Justice
« La justice permet d’établir l’ordre et de punir les malfaiteurs. Vu la nature humaine je
pense qu’il serait aussi indispensable d’avoir la justice comme valeur pour éviter les abus.
Mais surtout que les gens sachent que s’ils font du mal ils seront sanctionné et qu’ils n’ont
pas à faire aux autres ce qu’ils n’aimeraient pas qu’on leur fasse et souvent c’est toujours
bien de le rappeler »
Enfin les valeurs Partage, Travail, Solidarité et Tolérance sont citées une fois
« c’est par le travail que nous avons ce que nous avons et que nous arrivons à faire des
choses à améliorer notre existence et à lui donner un sens, bien entendu il ne s’agit pas du
travail en abus qui devient presqu’un esclavage où les gens sont obligés de faire des choses
pour survivre (…) la solidarité c’est le fait de pouvoir s’entraider, se donner un coup de main
et compter sur les autres en cas de, et ça fait du bien. Cette solidarité devrait même traverser
les frontières et se faire entre pays et continent, bon ça se fait déjà mais on doit plus le
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développer dans tous les domaines. Si les gens dans les familles, entre les pays sont solidaires
les uns envers les autres il y aurait moins de conflits, d’immigration, de pauvreté, de jalousie
de haine ».
Conclusion partielle
Dans cette deuxième pré-enquête qui avait pour objectif de connaitre l’opinion de
responsables de service Développement durable sur les questions des valeurs et du
développement durable, nous retenons en somme que le développement durable est en
train de s’installer dans les entreprises gabonaises, à l’exemple des filiales de grands
groupes pétroliers internationaux. Les personnes interviewées soulignent l’importance des
valeurs en général, dans la vie et le fonctionnement de leur organisation. Mais il apparait
que seules quelques valeurs de développement durable sont prises en compte au sein de
leur entreprise, à l’exemple de la responsabilité et de la protection de la nature.
3.3 L’observation participante en contexte de stage de recherche
Cette recherche est une observation participante menée en contexte de stage en entreprise,
L’objectif du stage que nous avons effectué était d’observer la place qu’occupent le
développement durable et ses valeurs au sein d’une structure organisationnelle de travail et
de confronter les discours des personnes interrogées à la réalité.
Ce stage s’est tenu dans l’une des structures dans laquelle se sont déroulés les entretiens
analysés précédemment. Il a duré un mois, en immersion au sein de la structure.
3.3.1. Méthode, Procédure et missions
Dans cette partie nous traiterons de (3.3.1.1.) la méthode d’étude choisie, de (3.3.1.2) la
procédure utilisée et (3.3.1.2) des missions que nous avons remplies durant ce stage.
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3.3.1.1. La méthode
Ce stage reposait sur la méthode de l’observation participante semi ouverte. En effet, nous
étions connus en qualité d’observateur extérieur par nos recruteurs et non par les salariés.
Comme le souligne Bastien(2007), « L’observation participante implique de la part du
chercheur une immersion totale dans son terrain, pour tenter d’en saisir toutes les subtilités,
(…). L’avantage est cependant clair en termes de production de données : cette méthode
permet de vivre la réalité des sujets observés et de pouvoir comprendre certains mécanismes
difficilement décryptables pour quiconque demeure en situation d’extériorité. En participant
au même titre que les acteurs, le chercheur a un accès privilégié à des informations
inaccessibles au moyen d’autres méthodes empiriques » (p. 128). Ainsi nous avons pensé
nécessaire de nous plonger dans l’univers de l’entreprise afin de mieux cerner la place et le
fonctionnement du développement durable dans la structure.
3.3.1.2. La procédure
La procédure utilisée reposait sur une présence en entreprise, des échanges réguliers et subtils
avec les salariés, nos responsables de stage, et certains membres parties prenantes présentes.
En effet, il s’agissait de prendre en note les différentes observations provenant des missions
auxquelles nous avons pris part. En d’autres termes d’assister les responsables dans leur
tâches quotidiennes au sein et hors de la structure.
3.3.1.3. Missions
Nos missions portaient essentiellement sur la réalisation de comptes rendus après les
rencontres et autres réunions avec les parties prenantes auxquelles nous étions invités en
qualité d’assistant stagiaire.
Ainsi, au-delà des tâches administratives de préparation du rapport d’activité annuel, nous
avons pu suivre nos responsables sur différentes missions. Les plus importantes étant une
réunion de concertation encore appelée meeting ou concertation publique d’exploitation dans
le cadre du suivi d’un chantier de construction d’un établissement scolaire et d’une étude
d’impact social et environnemental des activités de l’entreprise.
Page 180
3.3.2. Observations
Nos observations ont porté sur deux niveaux : en (3.3.2.1) interne sur le site de l’organisation
et en (3.3.2.2) externe dans la gestion de ses relations avec ses parties prenantes(b).
3.3.2.1 Développement durable en interne
- Des bâtiments écoresponsables dus au hasard
La structure physique de l’organisation est en grande partie réalisée en matériaux recyclés,
notamment en conteneurs aménagés,
Agréablement surpris par ce constat, nous avons questionné trois responsables sur les raisons
de ces constructions. Tous trois ont répondu que les raisons sont essentiellement économiques
et en lien avec la mobilité et il ne sera pas fait mention de raisons écologiques
« On économise où on peut et ces conteneurs sont pratiques à déplacer, nous les utilisons
déjà dans nos chantiers »,
« C’est pour économiser c’est moins cher que des bâtiments en béton et en plus on peut les
déplacer facilement ».
- Une coordination défaillante
Le service dédié ne travaille pas en partenariat avec les autres services qui pourtant œuvrent
ou devraient œuvrer ensemble, comme le service qualité/ hygiène/ sécurité / environnement.
Ce qui est totalement paradoxal. Par exemple, lors de la rédaction du rapport annuel, chaque
service rédige et fait son bilan avant de le mettre en commun à la fin. Peut-être que cela est dû
au fait que de ce dernier est récent.
- Un plan tri et une gestion des déchets inexistante
Aucun tri ou recyclage n’est réalisé, que ce soit en termes de papier, de gobelets plastiques ou
tout autre matériau. Une des personnes chargées du ménage nous répondra :
Page 181
« On les jette à la poubelle, même si on le trie cela ne changera pas grand-chose, ils iront
tout de même à la poubelle centrale puisque l’entreprise de collecte d’ordures ne dispose pas
d’équipement de tri ou de recyclage des déchets ».
- une sensibilisation des salariés au développement durable inexistante.
En discutant avec les salariés, il apparait que nombreux n’ont jamais bénéficié d’une
sensibilisation ou d’une formation en lien avec le développement durable. Les formations
dédiées sont limitées et, quand elles existent, sont uniquement ouvertes aux cadres supérieurs,
« Je n’ai jamais entendu parler du développement durable ici, en tout cas on n’a jamais une
un séminaire où un truc du genre pour les salariés c’est réservé aux chefs et aux gens qui
travaillent dans ça ».
Lorsqu’on demande aux salariés s’ils ont entendu parler de valeurs de développement durable,
la réaction est l’étonnement
« Valeurs de quoi ? Non je ne connais pas de quoi il s’agit, je sais que l’entreprise à des
valeurs mais de développement durable là je n’en sais rien ».
3.3.2.2. Le développement durable en externe
Nous avons pu durant ce stage réaliser que le développement durable au sein de cette structure
était essentiellement axé sur les actions sociales
- Un suivi de chantier de reconstruction d’une école
Nous avons suivi la livraison du chantier de reconstruction d’une école. Cette école vieille de
près de 50 ans a été détruite par un violent orage en début d’année scolaire laissant ses
occupants dehors. L’entreprise a répondu à l’appel de détresse lancé par les fondateurs et
l’association des parents d’élèves dont les enfants se sont vus privés d’activités et de cours.
Ainsi cette construction menée dans l’urgence nécessitait un suivi permanent afin d’obliger
les entreprises ayant répondu à l’appel d’offres à livrer le chantier dans les délais prévu. Nous
avons pu mener à bien cette mission et le chantier a été livré juste à temps.
- Une consultation publique relative à l’ouverture d’une nouvelle exploitation
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Cette consultation publique a réuni les autorités administratives de la localité (conseil
municipal et départemental et chefs de cantons), le ministère des hydrocarbures, des
sociologues, des anthropologues, des bureaux d’études d’impact sociaux et
environnementaux, les habitants de la localité concernée, les associations dont un collectif de
Des inquiétudes ont été soulevées par les habitants de la localité environnant la nouvelle cible
d’exploitation. Inquiétudes nées des dommages déjà occasionnés par l’entreprise et des
impacts à venir. De même les promesses d’emploi envers les jeunes de cette localité n’ont
pas été tenues, car les recrutements se sont sur la base d’affinités au détriment de la
compétence et du lieu de résidence comme convenu au départ.
D’autres inquiétudes portant sur les méthodes utilisées ont été pointées, notamment liées au
dynamitage qui détruirait les zones de reproduction de la faune aquatique, et dont la pollution
sonore ferait fuir les poissons vers des zones plus profondes. Cela a un impact considérable
sur la vie des pêcheurs. En effet, pour compenser leur perte d’ activité, ils doivent pêcher en
haute mer avec tous les risques d’accident que cela comporte ; ils doivent aussi supporter les
dépenses occasionnées par la délocalisation des zones de pêche désormais plus éloignées et
nécessitant l’achat de nouveau matériel plus adapté et un surcout en carburant. Les pêcheurs
déplorent également la destruction de leur matériel de pêche par les installations sous-marines
souvent non visibles. Ces problèmes se répercutent sur les familles et les personnes
travaillant dans le secteur de la pêche telles que les commerçants poissonniers, mais aussi la
population en général qui assiste impuissant à la hausse rapide des prix.
Les pêcheurs ont souligné le retard des dédommagements prévus.
D’autres problèmes de pollutions environnementales furent évoqués tels que ceux
occasionnés par les méthodes de sismique nomade.
A ce propos relevons l’intervention de l’expert géologue du ministère des hydrocarbures à ces
inquiétudes qui affirme « qu’il y a une meilleure densité de faune marine dans les zones
d’exploitation que dans les zones libres. Cela serait dû à la libération de microorganismes
dont les poissons seraient friands et que ces problèmes seraient vite résolus.» Selon le Maire
de la commune, rassurant sa population, « l’évolution des techniques amoindrirait bientôt les
dégâts ».
Un des participants a relié ce problème à un autre qui a lui aussi des répercussions sur la vie
aux abords de la réserve, notamment dans le parc national iguela. En effet, il a évoqué la
Page 183
protection des animaux dans cette zone bordant la lagune qui a obligé les habitants à limiter
leur pratique de la chasse et à se tourner vers la pêche et la livraison de poissons fumés ou
salés. Mais la pénurie de poissons a poussé certains d’entre eux à reprendre la chasse, chasse
qu’ils avaient déjà eu beaucoup de mal à abandonner puisqu’il s’agissait d’une chasse de
subsistance, et non de braconnage. Des habitants se retrouvent ainsi parfois emprisonnés pour
avoir chassé un animal protégé ou aux abords d’une zone protégée. Cependant leurs
plantations sont dévastées par les animaux en surpopulation dans la réserve et ses alentours.
Un des participants souligna :
« les animaux ont le droit de détruire nos plantations, nous ne retrouvons sans rien à
manger et c’est encore nous qu’on met en prison. Depuis toujours nous avons péché et chassé
ici sans qu’il n’y ait disparition d’animaux. Aujourd’hui on protège les animaux et on nous
met en danger. En plus ces parcs ont été installés sans tenir compte qu’on vivait là depuis
toujours. Alors je vous demande on fait comment ? On vit comment maintenant ? ».
Les populations ont le sentiment que l’Etat protège davantage les animaux que les citoyens.
Un autre présent a fait cette remarque en s’adressant au président du conseil départemental et
au chef de canton :
« on doit nous donner l’autorisation pour tuer pour manger sinon nous on va mourir »,
Insistant ainsi sur le fait que l’administration publique devrait autoriser une chasse de
subsistance et interdire les abus et chasses à but commercial.
Au travers ces exemples nous pouvons constater à quel point les conséquences découlant de la
question du développement durable sont multiples et imbriquées.
Ils montrent également l’impact des productions pétrolières sur la vie sociale et
environnementale locale mais aussi sur les populations vivant aux alentours des parcs
nationaux qui ont toujours vécus de la chasse et d’une agriculture traditionnelle de rente. La
survie de ses populations est menacée car elles sont piégées d’un côté par les installations
d’entreprises et de l’autre par les réglementations en vigueur.
Page 184
Conclusion partielle
En somme, nous pouvons constater que les entreprises gabonaises qui ont mis en place une
démarche de développement durable dans le secteur pétrolier vont axer leurs actions dans le
cadre social par un soutien aux associations, par quelques constructions d’infrastructures
sanitaires et scolaires par exemple. Mais lorsqu’on prête attention aux études d’impacts
sociaux et environnementaux, on constate que les actions déclarées par les entreprises en
terme de développement durable sont loin d’être suffisantes et ne contribuent que très
modestement à l’amélioration des conditions de vie des habitants. Au contraire, elles
contribuent à renforcer un autre problème tout aussi déplorable : l’exode rural.
4. Conclusion Générale
Cette pré-enquête avait pour objectif de dresser un état des lieux du développement durable et
de ses valeurs, dans différents contextes organisationnels, traditionnels et modernes. Elle était
structurée en deux parties. La première portait sur des entretiens avec les populations des
villages. Et la seconde sur des entretiens avec des responsables de services développement
durable d’entreprises modernes et une observation participante réalisée lors d’un stage de
recherche. En milieu rural, l’étude a permis de mettre en lumière la méconnaissance par les
populations rurales villageoises de ce nouveau concept qu’est le développement durable et qui
bien souvent est associé aux discours politiques, quand bien même les pratiques qu’il soutend
sont en vigueur. Les valeurs de développement durable, quant à elles, bien que connues, n’ont
pas tous la même considération chez nos sujets villageois. C’est le cas notamment de la valeur
Egalité qui soulève des débats quand on évoque l’égalité des genres. Les valeurs Respect et
Amour sont considérées dans un sens large de respect de la vie de tout être vivant. Sachant
que le développement durable est une démarche d’amélioration du monde, nous avons
demandé à nos sujets de proposer des valeurs qui contribueraient à construire un monde
meilleur. Les sujets ne proposent aucune des valeurs préconisées par l’ONU. Celles qui
reviennent souvent le plus sont l’Amour, le Respect et la Justice.
Page 185
La deuxième partie qui concernait la situation du développement durable dans les entreprises
a pu montrer, au travers des entretiens avec des responsables de services dédiés, que le
développement durable est connu par une catégorie de personnes en entreprise, notamment les
cadres supérieurs qui ont le privilège d’accéder à certaines formations. Les valeurs de
développement durable sont généralement utilisées à titre publicitaire sur les sites de ces
entreprises. Seules quelques-unes sont réellement prises en compte comme la Responsabilité.
Les actions en développement durable sont majoritairement d’ordre social comme la
construction d’école, l’aide apportée aux associations. Lorsqu’on leur demande de proposer
des valeurs pour un monde meilleur (sous-entendu de développement durable), les sujets
responsables de services proposent des valeurs presqu’identiques à celles des sujets villageois,
à l’exemple du Respect, de l’Amour, la Justice, la Protection de la nature, la Solidarité etc.
Cependant, lorsqu’on observe les actions sur le terrain, les dommages sociaux et
environnementaux occasionnés par ces entreprises du secteur pétrolier sont sans aucune
commune mesure avec les actions menées par ces entreprises qui, même en interne, ne
mènent ni campagne de sensibilisation, ni gestion responsable de leurs déchets industriels. Il
est vrai que nous ne sommes qu’au début de la mise en place du développement durable au
sein des entreprises, mais beaucoup reste à faire.
Vue la méconnaissance du développement durable, il apparait indispensable de réfléchir à des
méthodes adaptées pouvant être comprises de tous et permettant d’atteindre les objectifs,
surtout en ce qui concerne le cadre traditionnel.
Page 186
Chapitre 7 : Problématique et hypothèses
Dans cette partie sera présentée (1) la problématique de recherche et (2) les hypothèses.
1. La problématique
Avec la colonisation, le modernisme et l’ouverture à la mondialisation, le Gabon, comme de
nombreux pays du continent noir, connait un bouleversement de ses valeurs de vie. Ces
changements sont significatifs sur l’ensemble du territoire gabonais mais sont moins observés
dans les populations vivant en milieu rural car le lien avec la nature a été conservé. En
revanche, celles vivant en milieu urbain subissent davantage l’influence occidentale et ont
souvent adopté les comportements occidentaux. Cela donne souvent lieu à une dévalorisation
des comportements d’origine, pourtant parfois favorables au Développement durable, ou à
une ambigüité comportementale plus nette qu’en milieu rural, signe d’une sorte de
désorientation des populations, surtout parmi les jeunes. Le terme « villageois » est désormais
utilisé pour qualifier des comportements considérés comme attardés et dépassés voire
sauvages et néfastes. Il renvoie à des manières de parler, différentes de celle imposée par le
contexte culturel socio-occidental et vue par certains comme évoluée et « civilisée ». Ce terme
est même devenu une injure, un dénigrement de la personnalité. Comment dans ce contexte
demander aux populations, urbaines ou rurales, d’adopter à nouveau des comportements
qu’elles considèrent comme négatifs et dévalorisants ?
Dans le domaine organisationnel et du travail, les modèles qui ont souvent dominé ont suivi
cette même logique destructrice. C’est le cas du modèle du multiculturalisme qui, au lieu de
valoriser les savoirs de toutes les cultures, n’a fait qu’imposer une culture dominante souvent
importée au détriment des cultures locales présentes dans les pays africains (Bubazi, 2009),
accentuant ainsi le processus d’acculturation observé dans de nombreux pays d’Afrique noire
et altérant les valeurs d’antan et les comportements qu’elles sous -tendent.
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Certains travaux ont montré que les occidentaux sont tournés vers des valeurs plus
individualistes (orientées vers l’individu lui-même) tandis que les Africains sont plus
collectivistes (orientés vers le groupe, les autres) (Triandis et Suh, 2002). Cependant, on
observe que cette tendance au collectivisme qui caractérise les pays communautaires
africains, et donc du Gabon, s’altère progressivement. Les Gabonais s’orientent de plus en
plus vers une occidentalisation et prônent des valeurs individualistes (Bakita, 2012). Citons
l’exemple de la solidarité gabonaise : On observe aujourd’hui des changements considérables
dans l’importance accordée à cette valeur qui était l’une des composantes de base même de
cette société. La famille élargie fait place à la famille restreinte. Des nouveaux phénomènes
de précarisation (personnes sans domicile et sans abri par exemple) s’observent dans les rues
des villes. L’entraide repose de plus en plus sur l’intérêt ou le lien direct de sang.
Ces constats sont soulevés dans notre pré enquête par les sujets qui notent un bouleversement
dans les valeurs attribuées au modernisme, à l’école, aux médias et internet, à l’éducation
familiale etc. Ces changements ont à leur tour un impact bien plus négatif que positif sur les
comportements, surtout de la nouvelle génération, et sur les aspects culturels tels que la perte
de certaines pratiques ancestrales, les langues, voire la disparition des villages.
De nouvelles valeurs de vie ont été imposées ou se sont imposées. Un phénomène normal qui
s’opère dans tout groupe en contact avec un autre mais amplifié dans ces pays. Certains des
sujets interrogés vont dans ce sens et parlent de progrès de la société. Donnez un exemple
pour ne pas être constamment dans le négatif. D’autres le déplorent. Sur le plan de
l’alimentation par exemple, les comportements alimentaires sont complètements perturbés.
Les habitudes traditionnelles de consommation souvent saines sont laissées pour compte. Pour
certains, manger frais et à petit prix n’est pas digne d’un salarié d’une grosse firme
internationale qui se respecte. Il doit se rendre dans un hypermarché et acheter des denrées
alimentaires surgelées. Cadi plein, bien en évidence afin de vanter et d’affirmer son statut
social. Il n’est pas rare d’entendre des jeunes dans les lycées et collèges, voire en primaire, se
vanter avoir mangé queue de cheval, riz, pizza alors qu’en réalité ils ont mangé, manioc,
banane, poisson ou autres produits locaux. Pourtant la consommation de produits frais locaux
reste répandue.
Ces exemples confortent les résultats de la première partie de notre pré-enquête qui montrent
comment, au Gabon, valeurs et pratiques traditionnelles sont altérées et de plus en plus
imbriquées avec les valeurs modernes.
Page 188
Pourtant, bien que modernisé, ce pays reste attaché à ses valeurs et pratiques ancestrales. Les
milieux urbain et rural et leurs modes de vie se côtoient, se mêlent et se différencient. Ainsi,
les populations des villes viennent généralement du milieu rural et de ses constituantes
(villages et campements). Cette mixité pourtant prégnante est rarement prise en compte dans
les études réalisées par les chercheurs. C’est pour ces raisons qu’il nous a paru pertinent
d’articuler milieu rural et urbain. Car si l’on considère le proverbe japonais qui dit « c’est en
connaissant l’ancien que nous connaissons le nouveau » il est important ici de souligner que
les connaissances actuelles découlent de connaissances plus anciennes. Alors peut-on parler
de valeurs actuelles sans chercher leur ancrage dans les traditions ancestrales ?
Actuellement, en occident, que l’on soit dans la rue ou en entreprise, il n’est pas rare
d’entendre parler de développement durable. Le développement durable est donc
incontestablement l’une des préoccupations du siècle présent. Comme mentionné dans la
partie théorique, il nait de la conjonction de nombreux facteurs principalement scientifiques,
environnementaux et politiques.
En effet, sur le plan scientifique, les recherches des climatologues, écologues, spécialistes de
la santé, économistes, juristes, sociologues etc. ont joué et continuent à jouer un rôle essentiel.
Elles ont permis depuis les années 1900, de développer une prise de conscience des enjeux de
la vie sur terre, en démontrant le danger encouru par la planète et occasionné par les actions
humaines dans une recherche de croissance économique sans limite en terme d’épuisement
des ressources, de surpopulation, de pollutions qui en découlent et d’exploitation abusive des
éléments de la nature. Comme exemple, on peut citer les travaux du club de Rome (1968).
Comme le souligne le rapport sur le groupe de travail Recherche et développement durable
(2003, p.5)62
« Ce sont bien souvent les communautés scientifiques climatologues, écologues,
spécialistes de la santé, économistes, juristes, etc. qui ont été à l’origine des constats, des
analyses et des mises en garde qui se sont insérées dans la perspective plus large du
développement durable et lui ont donné toute sa pertinence ».
Sur le plan environnemental, de nombreuses catastrophes vont interpeler les acteurs de la
société. Nous pouvons citer les catastrophes industrielles telles que l’explosion de l’usine
Chisso (1932), le naufrage du pétrolier Torrey Canyon, Seveso (1976), Bhopal (1984),
62
Rapport du groupe de travail sur la recherche au service du développement durable installé par Claudie
Haigneré, ministre déléguée à la Recherche et aux Nouvelles Technologies, et Tokia Saïfi, secrétaire d’Etat au
Développement durable, le 16 janvier 2003, et présidé par Roger Guesnerie. Rapporteur : Pierre-Cyrille
Hautcoeur
Page 189
Tchernobyl (1986), Exxon Valdez (1989) etc. qui ont occasionné des dégâts importants, tant
pour l’environnement que pour la santé publique.
Sur le plan politique, les rencontres intra et intergouvernementales ont contribué à l’essor du
développement durable. On note parmi tant d’autres les sommets de Stockholm(1972),
Nairobi(1985) et Rio de Janeiro (1992), qui ont abouti respectivement à la mise en place de
l’Agenda 21, à la convention sur la biodiversité et le climat. On peut également signaler
Kyoto (1997) avec la signature d’un protocole sur le changement climatique, Johannesburg
(2002), sommet mondial sur le développement durable etc.
Ainsi, face aux considérables détériorations dont l’homme est le principal responsable et après
les constats d’échec des différents types de développement initiés jusqu’ici, il est évident que
le monde ne peut plus continuer sur cette voie. Le développement durable est alors envisagé
comme la porte de sortie vers un monde meilleur économiquement, socialement,
envionnementalement et du point de vue de la gouvernance. Il serait envisagé comme ce
développement capable de « répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité
des générations futures à satisfaire les leurs ». (Rapport Brundtland, 1987).
Cela renvoie donc à l’idée de durabilité, de prise en compte des différentes sphères sociale,
environnementale et économique. C’est autour de ces facteurs que les disciplines qui les ont
défini (l’économie, l’écologie, la philosophie, la psychologie environnementale …) se
rencontrent.
Mais, alors même que le développement durable est bien connu et présent dans les pays
comme la France, il apparait, au sortir de notre pré-enquête, que cela n’est pas le cas au
Gabon, surtout dans les populations rurales qui, pour certaines, l’associent à la politique pour
l’avoir entendu mentionner dans les discours. En entreprise, le développement durable ne
serait connu que d’une certaine élite, les cadres supérieurs qui auraient le privilège de
bénéficier de formations, et ne serait axé que sur quelques actions sociales.
Avec le développement durable, l’homme réalise qu’un changement dans ses agissements
s’impose. Celui-ci passe par un changement des valeurs sociétales qui avaient prévalu depuis
les trente glorieuses et au fil des transformations de la société. Pour Dartiguepeyrou (2013), il
est plus que jamais nécessaire que la prise de conscience permette de prendre définitivement
la mesure des risques écologiques et conduise à une évolution des modes de pensée, mais
aussi des systèmes de valeurs qui régissent le fonctionnement actuel de nos sociétés. Ainsi, le
Page 190
développement durable se construit -il, comme le souligne Dartiguepeyrou (2013, p 17) « à
l’occasion de la Conférence des Nation unies de Rio de Janeiro en 1992, sur des principes
internationaux, puis nationaux, qui actualisaient les grandes valeurs humanistes consacrées
par la Charte des Nations unies, en y adjoignant le droit à la préservation de
l’environnement ». Cette charte de l’ONU énumère 6 valeurs fondamentales qui sont : la
liberté, l’égalité, la solidarité, la tolérance, le respect de la nature et le partage de
responsabilité.
Actuellement, avec la montée en puissance de la responsabilité sociale des entreprises (RSE),
le discours sur les valeurs a gagné en importance et est de plus en plus partagé. Il n’est pas
rare de lire une référence aux valeurs de développement durable sur les sites internet des
entreprises. L’humanité prend de plus en plus conscience que, pour parvenir à un
développement durable, la prise en compte de ces valeurs est indispensable (Leiserowitz,
2006). Ces valeurs faciliteraient une consommation écologique et chacun pourrait
raisonnablement y adhérer. Elles seraient présentes dans plusieurs pays et cultures du monde,
et donc devraient aisément être préconisées. Mais est-ce le cas au Gabon ?
Les travaux réalisés dans le cadre de notre pré-enquête montrent que, bien que présentes, ces
valeurs ne sont pas forcément celles qui régissent la société, et encore moins celles que nos
sujets préconiseraient pour l’amélioration du monde donc pour un développement durable.
Nos sujets qui conservent des pratiques que nous pouvons qualifier de responsables et
durables héritées des ancêtres, proposent d’autres valeurs telles que le respect, l’Amour, la
Justice, la fraternité etc.
Or les valeurs sont considérées comme fondatrices de l’identité culturelle d’un groupe
social en ce qu’elles maintiennent les systèmes culturels en qualité de principes partagés dans
une communauté concernant ce qui est désirable, ce qui guide et coordonne les actions de ses
membres et les résultats du lien entre désirs individuels, collectifs et contraintes liées à
l’environnement (Kluckohn, 1951). Ce sont des principes fondamentaux qui guident les
actions des hommes d’une communauté donnée ayant trois composantes: cognitive, affective
et comportementale (Rokeach, 1973). De nombreux auteurs montrent que les valeurs
influencent les attitudes et les comportements (Fishebein & Ajzen, 1972 ; Spash, 2002 ;
Thogersen & Olander, 2002), certains les considèrent même à la base, au moins partiellement,
des attitudes et comportements (Olson et Zana, 1993).
Page 191
Ainsi, le fait qu’un évènement coïncide avec les valeurs d’un sujet procure du plaisir. Et les
évènements plaisants tendent à augmenter la probabilité de production des actes perçus
comme découlant de ces évènements, ce qui entretient donc les valeurs de la communauté ou
du groupe (Triandis, 1979 ; Jones et Gérard 1967).
L’influence des valeurs sur les attitudes et les comportements s’exercerait avec plus de force
dans le champ environnemental que dans d’autres domaines (Becker et Félonneau, 2009),
dans la mesure où les sujets sont confrontés plus qu’ailleurs à des conflits entre intérêts
individuels et intérêts collectifs (Dawes, 1980°; Karp, 1996°; Kortenkamp et Moore, 2001).
Les valeurs sont ainsi importantes, tant pour orienter les actions durables des individus que
pour réguler et identifier un groupe, en reliant l’être humain à la société (Breton-Kueny,
2009). Cette assertion est confirmée par les affirmations des sujets dans notre pré-enquête.
Qu’elles aient été contactées en milieu rural (les villages) ou urbain (les entreprises), les
personnes interrogées pensent que les valeurs sont importantes car elles orientent les
comportements et la vie des personnes en société et dans tout groupe ou communauté. La
majorité de nos sujets dénoncent, dans la société gabonaise, un changement des valeurs
ancestrales dû au modernisme et aux failles de l’éducation, de l’exposition aux médias et aux
nouvelles technologies etc. Ce constat rejoint la pensée populaire selon laquelle le
changement de comportement est envisagé comme une conséquence directe du changement
d’attitude, de motivation ou de valeurs chez les personnes.
Si les systèmes de valeurs nous permettent d’appréhender le changement de conscience aux
niveaux individuel et collectif, qu’ils sont propres à un groupe et une culture donnée et que
l’on commence à comprendre que la question écologique est avant tout culturelle (Pastore-
Reiss, 2013), n’est-il pas judicieux, dans une démarche de développement durable, de prendre
en compte les valeurs du milieu dans lequel on agit ? Surtout dans certaines cultures où les
actions sont pro durables ?
Car tout comme la majorité des politiques de développement menées en Afrique, qui ont
toujours été importées et n’ont souvent pas pris en compte les réalités locales, le
développement durable risque lui aussi d’être imposé de l’extérieur. D’ailleurs, notre pré–
enquête en entreprise nous a permis de constater que les stratégies développement durable
mises en place dans les structures gabonaises sont importées des directions occidentales.
Page 192
On pourrait penser qu’il suffirait de mener des campagnes de sensibilisation tirées des
modèles occidentaux pour changer les comportements. Mais, certaines études présentées dans
notre revue de travaux montrent que ces campagnes ne conduisent pas toujours à un
changement vers des comportements pro-environnementaux. Ainsi, dans ses travaux sur le
lien entre sentiment de responsabilité et comportement pro environnemental, Bickman (1972)
a montré que 95% des personnes interrogées dans son étude expriment des sentiments de
responsabilité personnelle par rapport à la propreté de l’environnement et se disent prêts, par
exemple, à ramasser les papiers qui trainent par terre. Cependant, en observant les individus
en situation, les résultats indiquent que moins de 2% les ramassent effectivement. De même,
l’étude de Magnusson, Arvola, Hursti, Aberg et Sjoden (2001) sur l’effet des campagnes
d’information sur les comportements d’achat des produits biodégradables, a montré qu’en
moyenne 56% des individus se déclaraient prêts, après une campagne de sensibilisation, à
acheter des produits biodégradables. Or les résultats indiquent que seulement 16% en
moyenne en achètent quotidiennement. On peut en conclure que, le plus souvent, les
croyances pro-environnementales ne prédisent pas les comportements pro-environnementaux
(Bonnefoy, Weiss et Moser, 2005).
D’où l’intérêt de s’intéresser aux valeurs comme facteurs efficaces de changements de
comportements.
Des études sur les valeurs et leur lien avec les comportements pro –environnementaux, et
donc avec le développement durable, ont été menées en occident. On peut citer à titre
illustratif, Stern et Dietz (1999) qui ont élaboré une nouvelle échelle de mesure à partir de
celle de Schwartz.
Mais à l’heure où le développement durable est à la mode dans le monde, on recense très peu
de travaux réalisés pour étudier les valeurs qu’il prône de manière générale et encore moins en
milieu africain. Alors qu’on sait pourtant que les valeurs sous-tendent les comportements
(Schwartz,1994) et qu’une nécessité de changement comportemental s’impose face aux
nombreux problèmes environnementaux, sociétaux, économiques et de gouvernance que
connaissent les pays africains, et notamment le Gabon, on se demande pourquoi si peu
d’intérêt est porté aux valeurs.
Dans le milieu de l’entreprise, on sait que la responsabilité sociale contraint de plus en plus
les entreprises à la mise en place de pratiques vertueuses et à la vulgarisation des valeurs de
développement durable, d’éco innovation et de respect des cultures locales des milieux
Page 193
d’implantation. Cependant la deuxième étude de notre pré-enquête indique que le modèle
politique de développement durable est importé et qu’il y a un écart entre les actions publiées
sur les bilans annuels des sites et la réalité sur le terrain. Ainsi les impacts négatifs sociaux,
économiques et environnementaux sur les populations locales sont bien plus importants que
les impacts positifs. De plus, le développement durable n’est pas vulgarisé en interne au sein
des entreprises et est encore réservé aux cadres supérieurs. Enfin, les démarches choisies ne
tiennent pas compte de tous les piliers du développement durable mais tendent à seulement
effleurer le pilier social par quelques actions sur le plan éducatif, un petit soutien financier
aux associations et quelques constructions d’infrastructures sanitaires et scolaires.
En nous appuyant sur ces observations, nous nous sommes demandé comment l’Afrique
pourrait mieux tirer parti de sa richesse culturelle dans le cadre du développement durable.
Autrement dit, face à la mondialisation et à la nécessité d’assurer un développement durable,
quelles spécificités africaines en général et gabonaises en particulier, pourraient être prises en
compte dorénavant dans l’élaboration de stratégies de développement durable adaptées au
contexte tant au sein des organisations de travail modernes que traditionnelles ?
Comment pourrait-on mieux concilier les traditions et les mentalités gabonaises avec les
apports des autres cultures et des autres continents ?
Alors que les pratiques pro-environnementales sont traditionnellement présentes au Gabon,
les valeurs de développement durable définies par l’ONU sont-elles connues par les gabonais
et ce, quel que soit leur milieu (rural, urbain) ? Si non, s’agit-il de valeurs différentes ou sont-
ce les mêmes mais nommées différemment ? En existent-ils d’autres ? Si oui, comment les
intégrer dans les politiques et stratégies d’ensemble et des organisations de travail sans faire
un pâle placage occidental dans un contexte culturel différent comme cela a été trop souvent
le cas ? En d’autres termes comment tenir compte de l’aspect socio-culturel dans la mise en
place du développement durable au Gabon ?
Pour mener à bien ce travail, nous avons émis des hypothèses que nos études confirmeront ou
infirmeront.
Page 194
2. Les hypothèses
Pour l’ONU les valeurs de développement durable (liberté, égalité, solidarité, tolérance,
respect de la nature et partage de responsabilité) sont universelles, faciliteraient la
consommation écologique et chacun pourrait raisonnablement y adhérer. Elles seraient
présentes dans plusieurs pays et cultures du monde, et donc devraient aisément être
préconisées. Ce qui nous conduit à poser comme première hypothèse générale :
H1 : les valeurs de développement durable existent au sein des sociétés traditionnelles et
rurales gabonaises et sont donc plus anciennes que le concept de développement durable
A partir de cette première hypothèse générale, nous posons les hypothèses opérationnelles
suivantes :
H1.1 : les valeurs de développement durable existent dans les traditions du Gabon, et
notamment celles des Myènè du Bas Ogooué
H1.2 : Il existe un équivalent en langue locale de chacune des valeurs de
développement durable prônée par l’ONU.
H1.3.les valeurs de développement durable sont connues par les populations rurales
Si l’on admet avec Château (1985) que les valeurs peuvent à la fois être conçues comme
guide des conduites, et en découler, et donc que l’acte crée et désigne la valeur, et que le
développement durable n’est peut-être pas vraiment une innovation dans la mesure où il
s’appuie sur des pratiques traditionnelles (Allemand, 2007), nous pouvons émettre la
deuxième hypothèse générale suivante :
H2 : Les populations rurales gabonaises portent des valeurs de développement durable
au regard de leurs pratiques qui sont différentes de celles de l’ONU.
H2.1. les pratiques traditionnelles des populations rurales gabonaises sont durables et
responsables.
H2.2. Les populations rurales portent d’autres valeurs en lien avec ces pratiques
H2.3. Le nouveau concept de « développement durable » est inconnu des populations
rurales.
Page 195
Selon la théorie des valeurs universelles de Schwartz (1994), les valeurs sont classées par
ordre d’importance les unes par rapport aux autres et ce classement est caractéristique de
chaque personne. Le fait que les valeurs soient hiérarchisées chez un individu permet aussi de
les distinguer des normes et des attitudes. De plus, toute attitude, tout comportement,
implique nécessairement plus d’une valeur et ces valeurs prennent sens dans un contexte
déterminé. Et c’est l’importance relative de multiples valeurs qui guide l’action. Par exemple
cultiver un champ peut impliquer et promouvoir des valeurs comme la tradition, la conformité
et la sécurité alimentaire, au détriment des valeurs de stimulation. L’arbitrage entre des
valeurs pertinentes et rivales est ce qui guide les attitudes et les comportements. Les valeurs
contribuent à l’action dans la mesure où elles sont pertinentes dans le contexte et importantes
pour celui qui agit. De plus elles représenteraient ce que les hommes apprécient, estiment,
désirent obtenir, recommandent, voire proposent comme idéal (Rezsohazy, 2006).
La théorie culturelle et l’humanisme méthodologique montrent également l’influence des
valeurs dans les comportements durables individuels et d’entreprise mais surtout l’importance
du contexte socioculturel dans lequel elles sont définies, partagées et prennent tout leur sens.
Nous émettons alors l’hypothèse suivante
H3 : Les valeurs prioritaires pour les populations gabonaises sont différentes de celles
de l’ONU
H3.1. Les valeurs prioritaires des étudiants sont différentes de celles de l’ONU
H3.2. Les étudiants proposent des valeurs de développement durable différentes de
celles prônées par l’ONU
H3.3. Les valeurs prioritaires des salariés sont différentes de celles de l’ONU
H3.4. Les salariés proposent d’autres valeurs de développement durable
Page 196
CHAPITRE 8 : L’ENQUETE DE TERRAIN
L'enquête de terrain désigne l'ensemble des interventions pratiques du chercheur dans un
milieu donné destinées à saisir empiriquement l'objet de son étude (Dufour, Fortin et Hamel,
1991). Elle regroupe les procédures concrètes dans la préparation, l'organisation et la conduite
d'une recherche.
L’objectif de cette enquête est d’étudier les valeurs du développement durable au Gabon dans
différents contextes organisationnels. Le but étant de montrer que les valeurs traditionnelles
en lien avec les pratiques traditionnelles qu’on peut considérer comme durables peuvent être
actualisées afin d’impulser un développement durable efficace.
Pour vérifier les hypothèses émises dans le chapitre précédent, nous nous sommes tournées
vers deux types de populations, rurale et urbaine, caractéristiques des contextes traditionnels
pour la première et modernes pour la seconde.
Notre pré-enquête nous a permis de comprendre que la méthode de présentation par études
serait la plus appropriée car, bien qu’ayant le même objectif, nos travaux mettent en lumière
des aspects différents et complémentaires. Par ailleurs nous avons choisi une démarche à la
fois qualitative (analyse documentaire, entretiens, observation participante) que quantitative
(enquête par questionnaire).
Le tableau ci-dessous présente les six études et les hypothèses qu’elles visent à démontrer.
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Tableau 15. Résumé études et hypothèses
Etudes Méthodes Hypothèses
H1 : les valeurs de développement durable existent au sein des sociétés traditionnelles et rurales
gabonaises et sont donc plus anciennes que le concept de développement durable.
Etude 1 Enquête documentaire h1.1 Il existe un équivalent en langue locale
(Myènès du Bas Ogooué) de chacune des valeurs de
développement durable prônée par l’ONU.
Etude 2 Entretiens avec les orateurs h1.2 les valeurs de développement durable existent
dans les traditions du Gabon, et notamment celles
des Myènès du Bas Ogooué.
H2 : Les populations rurales gabonaises portent des valeurs de développement durable au
regard de leurs pratiques qui sont différentes de celles de l’ONU
Etude 3 Enquête documentaire h2.1 par les pratiques traditionnelles durables des
populations rurales gabonaises on peut déduire des
valeurs durables
Etude 4 Analyse photographique h2.2 Les pratiques traditionnelles existent encore en
milieu rurales.
H3 : Les valeurs prioritaires pour les populations gabonaises sont différentes de celles de l’ONU
Etude 5 Enquête par questionnaire h3.1. Les valeurs prioritaires des étudiants sont
différentes de celles de l’ONU
h3.2. Les étudiants proposent des valeurs de
développement durable différentes de celles prônées
par l’ONU
Etude 6 Enquête par questionnaire h3.3. Les valeurs prioritaires des salariés sont
différentes de celles de l’ONU.
h3.4. Les salariés proposent d’autres valeurs de
développement durable
Page 198
ETUDE 1 : Recensement des valeurs de développement durable
Ce travail se propose de répondre à l’hypothèse selon laquelle :
H1.1. Chacune des valeurs préconisées par l’ONU a un équivalent en langue Nkomi
du groupe Myènè, langue parlée dans cette partie de la rive gauche de l’Ogooué.
Deux méthodes seront utilisées :
- 1.1. une étude documentaire sera réalisée à partir des dictionnaires Français/Myènè écrits
depuis l’avènement de l’écriture au Gabon jusqu’à nos jours.
- 1.2. une analyse d’entretiens effectués auprès d’orateurs locaux maîtrisant la langue et les
traditions nous permettra de présenter une traduction plus actuelle de ces valeurs.
On ne saurait faire l’étude d’une langue, sans faire référence au peuple qui la parle.
Ainsi, dans les lignes qui suivent, nous présenterons brièvement(1) le peuple Myènè. Puis (2)
la méthode et enfin(3) les résultats.
1. Le peuple Myènè
1.1.Situation du Groupe
Les Myènès sont un groupe socio-culturel qui se désigne sous le nom de Ngwè-Myènès63
ou
sous celui de Myènès, la dénomination administrative de plus en plus employée. Cet ensemble
regroupe les Mpongwès de l’estuaire du Gabon, les Nkomis, les Galwas, les Adyumbas et les
Enéngas du Bas-Ogooué (Ambourouet, 2007).
"Ce groupe couvre une forte unité sociologique, tant et si bien qu’on a confondu le nom de la
langue (mye ne : je dis) avec le nom de l’ancêtre, assimilant a priori langue et race ou langue
et ethnie64
"
63
« Mère de Myènès » cité par Ambouroue 2007 64
AMBOUROUE-AVARO J., 1981, Un peuple gabonais à l’aube de la colonisation : le Bas-Ogowe au XIXe
siècle, Paris, Karthala, pp. 50-51.
Page 199
Le Myènè-orungu est la variante en usage dans la région de Port-Gentil, chef-lieu de la
province de l’Ogooué-Maritime, et dans quelques villages au bord de l’Ogooué, tels que le
village Abélogo1 (Ambourouet, 2007) Yombe 2, d’où nous sommes native.
1.2. Localisation et démographie
Les Ngwè-Myènès, peuple côtier et lacustre, occupent une large partie de la côte ouest du
Gabon allant de Libreville jusqu’au Fernan-Vaz, qui regroupe les provinces de l’Estuaire, de
l’Ogooué-Maritime et du Moyen-Ogooué. Installés à Libreville et à la Pointe Denis, sur les
rives droite et gauche de l’Estuaire, les Mpongwès constituent la partie septentrionale du
groupe. En longeant la côte vers le sud, on trouve successivement les Orungus du Cap Lopez
et les Nkomis du Fernan-Vaz. Au niveau du delta de l’Ogooué, entre Omboué et Port-Gentil,
en remontant le fleuve, on trouve les Galwas dans la région des lacs et à Lambaréné, les
Adyumbas au lac Azingo et les Enénga au lac Zilè.
« Le pays des Orungu ou Eliwa-Bendje est un pays maritime. Il comprend l’île Mandji
proprement dite, mais aussi et surtout les pays de la baie de Nazareth (Orembogange) avec
ses nombreuses criques, la côte jusqu’à Osengatanga. La limite théorique avec les terres des
Mpongwè au nord est la rivière Awanyè et le lieudit Lyanyè. On y trouve de vieux sites et
d’anciens villages comme Apomandé, Mbilapè, Abunawiri et Wézè dans les parages de
l’Orembogange, Izambè ou Mpémbé, Osengatanga sur la côte nord. Mais le "Cap Lopez "
historique s’étend aussi en profondeur sur la rive droit de l’Ogowe jusqu’à "Dambo" »65
.
1.3. Organisation sociale
Le mode de vie des anciens, leur organisation sociale et politique étaient étroitement liés à
leur niveau technique. Mais ces techniques, élaborées par les hommes au moment de leur
fixation, ont considérablement évolué jusqu’à disparaître complètement aujourd’hui. Elles ont
été plus ou moins remplacées par des techniques importées. Pourtant le type d’organisation
sociale et politique qui en dépendait n’a pas encore tout à fait disparu. Ainsi, la société Ngwè-
Myènès (excepté les Mpongwè) est matrilinéaire, comme la quasi-totalité des sociétés
gabonaises. Elle se rattache au type de sociétés segmentaires où les relations claniques,
lignagères et parentales jouent un rôle fondamental.
65
Ambourouet Avaro p 104
Page 200
1.4. Organisation politique66
L’organisation politique était de nature patriarcale. Le pouvoir était détenu par une minorité
de vieux et le chef était assisté par l’assemblée des anciens. A l’époque où ces systèmes ont
été créés, il était normal qu’il en fût ainsi car la connaissance reposait sur l’expérience directe
et l’âge était le critère de la connaissance. On parlera à juste titre de gérontocratie. Ainsi donc
la société traditionnelle Myènè se caractérisait par l’absence d’Etat et même, à la limite,
d’organisation politique spécialisée, l’autorité oscillant entre trois formes emboîtées :
- la chefferie de village et de lignage, circonscrite à la case et dont l’autorité représente une
forme politique mineure, est assumée par l’aîné du lignage, l’aîné de la famille paternelle
étendue.
- la chefferie de clan est basée sur la propriété terrienne. Le chef de clan a pour mission
l’organisation de l’espace et l’administration des choses.
- la chefferie d’ethnie ou royaume est la forme supérieure du pouvoir. Le royaume inclut
l’ensemble des clans parmi lesquels on choisit le chef. Traditionnellement, le roi avait pour
mission de veiller à la cohésion interne des clans et à la protection de ceux-ci contre les
agressions externes.
2. Bref historique des Traductions linguistiques
Au Gabon, les travaux sur la traduction des langues locales en Français remontent à l’arrivée
des premiers missionnaires en 184467
. L’objectif de ces traductions était clairement religieux
et servait à l’extension et la vulgarisation du christianisme catholique. Nous pouvons le voir
en préface du dictionnaire Français/ Pongouè dans une lettre de A. Delarme à Monseigneur
Gaume où il est clairement mentionné : « …vous faire hommage de ce dictionnaire
Français/pongouè. Il a été composé principalement dans le but de faciliter aux
66
AMBOUROUE-AVARO J., op cit, p.67-70
67
http://www.luminpdf.com/files/11223503/Dictionnaire_Francais_Mpongwe_RapondaWalker_ByGoogle_in2010jun25.pdf
Page 201
missionnaires, dans ces régions lointaines, l’enseignement chrétien … ». Par ailleurs, ces
écrits furent aussi d’une grande utilité pour le commerce, la science et l’industrie dans la
mesure où le Gabon, en tant que pays côtier, était une voie d’accès vers l’intérieur du centre
de l’Afrique ; la langue Pongoué était l’une des langues les plus usuelles et donc les plus
importantes à cette période. En effet, pour pouvoir commercer, plusieurs autres tribus
(aujourd’hui ethnies) ont été amenées à employer l’idiome des Pongoués. Ces derniers avaient
autrefois le monopole presque exclusif du trafic avec tous leurs voisins de l’intérieur. Ces
voisins ont appris leur langue et, à leur tour, l’ont importée dans les tribus auxquelles ils
allaient revendre les marchandises venues du Gabon. A ce propos, un des explorateurs de
l’Afrique équatoriale, M. le Marquis de Compiègne, écrivait : « la langue Pongoué est d’une
importance capitale pour les voyageurs qui se préparent à pénétrer par le fleuve Ogooué ou
les régions situées sous l’équateur, jusqu’au cœur même de l’Afrique. Cette langue dont se
servent habituellement huit tributs et dont se servent à notre connaissance 11 autres(…) Avec
cette seule langue, nous pourrions nous faire comprendre de plus de vingt (20) peuples
différents »68
.
Un premier essai de vocabulaire en langue Myènè et précisément en Pongoué, fut réalisé par
Monseigneur Bessieux (1847).
Plus tard, en 1873, le R.P. le Berge fit paraître une grammaire et un catéchisme Pongoué.
C’est avec Monseigneur André Raponda Walker (1877) que les premiers dictionnaires de
traduction de cette langue vont être édités. Il a ouvert la voie à plusieurs recherches similaires
dans cette ethnie comme par exemple des études de la grammaire de la langue Pongoue
(Gautier, M. 1912), étendues au groupe tout entier. Nous pouvons citer des études sur les
Myènès du bas Gabon (Hausser, 1954), une méthode pratique de son apprentissage (Teissieres
et Dubois, 1957) et sa structure phonologique et morphologique (Jacquot, 1976), mais aussi
dans d’autres groupes ethniques gabonais à l’exemple des Tékés (Adam, 1954), des Fangs
(Alexandre et Binet, 1958).
3. Méthode
68
Afrique équatoriale, par le Marquis de Compiègne. Paris, Plon 1876. Cité dans préface IX.
Page 202
Dans cette étude, nous avons opté pour la méthode de l’enquête documentaire. Il sera présenté
(1) la définition de la méthode choisie pour mener à bien cette étude, (2) le matériel utilisé et
(3) la procédure.
3.1. Définition de la méthode choisie
L’enquête documentaire est une des méthodes classiques utilisées par les sciences sociales et
notamment la psychologie. Elle porte sur un ensemble d’éléments pouvant servir de source
utile au chercheur. Cette méthode se différencie des autres méthodes par le fait qu’il n’y a pas
de contact immédiat entre l’observateur et la réalité. C’est une observation qui s’effectue à
travers un élément médiateur, les documents. Le terme de document est pris ici dans un sens
large : tout élément matériel, toute "trace" en rapport avec l’activité des hommes vivant en
société et qui, de ce fait, constitue indirectement une source d’informations sur les
phénomènes sociaux. Ainsi, pour l’étude d’une manifestation, des articles de presse, des
photos, des tracts, une banderole sont des sources documentaires dans lesquelles le chercheur
peut aller puiser des informations (Loubet des Bayles, 2000, p167).
Les documents utilisables dans les sciences sociales sont très nombreux et très divers.
Il est difficile d’en établir un catalogue exhaustif (Loubet des Bayles, 2000, op cit). Cependant
il existe quelques catégories de documents pouvant être particulièrement importantes. Ce
sont :
- La documentation Directe (qualifiée aussi de documentation primaire)
- La documentation Indirecte (appelée également documentation secondaire).
Ces catégories comprennent différents types de documents à l’usage du chercheur.
La documentation directe
Elle regroupe tout ce qui constitue la trace directe d’un phénomène social, tout ce qui résulte
directement de l’existence de celui-ci. Ainsi, un article de presse rendant compte de tel ou tel
événement, les statuts d’un parti politique, la loi organisant le divorce dans un pays donné, les
mémoires d’un chef d’Etat sont, parmi bien d’autres, des documents de ce type. Ils sont
susceptibles de fournir des informations sur les caractéristiques du phénomène qui en a
provoqué l’existence (Loubet, 2000, p.168). En d’autres termes, la documentation directe est
l’ensemble des éléments ou des informations laissés par un phénomène donné. Cette
Page 203
empreinte peut être de deux types : écrite ou non écrite. C’est la première qui constitue la
source documentaire la plus importante pour les sciences sociales.
La documentation indirecte
La documentation indirecte, dite parfois "secondaire", est constituée par le résultat des
recherches qui ont pu déjà avoir été entreprises sur le phénomène auquel on s’intéresse ou sur
des questions connexes. Ainsi, pour l’étude d’une manifestation, tout ce qui a déjà été écrit à
propos de cette manifestation. Pour l’étude d’un parti, tout ce qui a déjà été écrit à propos de
ce parti ou de phénomènes politiques voisins, etc. (Loubet, 2000, p.169). Elle s’apparente à la
recherche bibliographique.
Ainsi nous avons opté pour l’enquête documentaire par l’analyse de documents de type
indirect.
3.2. Matériel d’enquête
Nous avons choisi de travailler à partir de dictionnaires. En tant que « un recueil des mots
d’une langue ou d’un domaine de l’activité humaine, réunis selon une nomenclature
d’importance variable et présentés généralement par ordre alphabétique, fournissant sur
chaque mot un certain nombre d’informations relatives à son sens et à son emploi et destiné à
un public défini°»69
le dictionnaire nous a paru le document essentiel pour mener à bien notre
recherche sur l’existence de ces valeurs en langue locale.
Par ailleurs, il est daté puisqu’il concerne des mots utilisés à une période donnée, la
description de plusieurs réalités en inscrivant les mots ou expressions dans leurs différents
contextes.
Enfin, il est un répertoire ordonné de mots, ce qui facilite la recherche des termes visés et de
leur traduction ainsi que l’explication du vocabulaire. Son importance et sa facilité d’usage
n’est plus à démontrer dans l’histoire du progrès de la pensée, d’où l’acception « Rien
n'importe au progrès de l'esprit humain autant qu'un bon dictionnaire qui explique
tout (France, Le Génie latin, 1909, p. 66).
Nous avons opté pour les dictionnaires et sites de traductions de la langue Myènè.
69
Internet 15/4/15 : http://www.cnrtl.fr/definition/dictionnaire.
Page 204
Ces ouvrages, pourtant courants, ont été relativement difficiles à se procurer. Ainsi, notre
recherche au Gabon s’est avérée infructueuse. Cela nous a semblé étonnant pour des auteurs
connus tels que Raponda mais aussi pour des auteurs plus actuels. A notre retour à Paris nous
avons pu trouver:
André Raponda Walker, Dictionnaire Mpongwè-Français, Fondation Mgr Raponda
Walker, Les Classiques Africains, Libreville, 1934, 1995.
André Raponda Walker, Dictionnaire Français-Mpongwè, Fondation Mgr Raponda
Walker, Les Classiques Africains, Libreville, 1961, 1995.
Dictionnaire en ligne : Missionnaires de la Congrégation du Saint-Esprit et du Saint-
Cœur de Marie : Dictionnaire français-pongouè, Raponda Walker(1877) Mission du
Gabon, Paris Maisonneuve et Cie.
« parlons Myènès facilement » (Hombouhiry, 2012)
« Arondo la petite écolière » du même auteur
Ainsi que des sites internet de promotion de la langue et d’aide à l’apprentissage de la langue
(www.languesduGabon.com, www.awanawitche.com).
Les deux derniers ouvrages traduisent les objets du quotidien et certains mots mais ne font pas
mention des mots et valeurs qui nous intéressent.
.Nous avons donc choisi les trois premiers dictionnaires qui correspondent à deux volumes
(pongouè-français/ français - pongouè) et à une révision faite par l'auteur avant sa mort.
4. Les résultats
Nous avons choisi de procédé à une analyse de contenu classique par valeur, en recherchant
les différentes significations dans l’index alphabétique français.
4.1. Solidarité : Le terme traduit dans ce dictionnaire est solidaire. Raponda dans ses
définitions l’insère dans différents contextes où il peut signifier à la fois « avoir un lien » ou
« répondre les uns des autres », c’est-à-dire « Anouedou ta ». Ces définitions font référence
aux valeurs prônées par ces peuples qui se considéraient liés les uns aux autres et donc ayant
une obligation de s’entraider les uns des autres.
Page 205
4.2.Tolérance ou Tolérer qui est traduit par « Sendya, omporoue ». Cela veut dire « souffrir
ce que l’on désapprouve. Shindina ou accepter, supporter ». cette définition renvoi en
d’autre termes au fait d’accepter l’autre ou des situations même quand elle ne rentre pas
dans nos centre d’intérêt ou d’appréciation.
4.3.Partage de Responsabilité : Le terme traduit en langue Myènè est « Responsable » et
l’auteur, sans préciser sa signification exacte, donne des exemples. Pour dire « il est
responsable de cette affaire » on dira en pongouè « Are gou’ewondjo j’osaon mewono »
ou « osaon mewono wi re ewodjo na yè ». le terme responsabilité en lui-même n’est pas
évoqué. Par ailleurs il est important de souligner qu’à l’époque où Raponda mène cette
étude, plusieurs termes ou expressions n’ont pas encore trouvé leur véritable
correspondance dans la langue française. Celle-ci se fera au cours du temps. Les mots ou
expressions traduites sont ceux qui sont les plus usuels et permettent des échanges directs
et facilités. Ainsi on utilisait plus facilement l’expression « être responsable de » plutôt
que « responsabilité ».
Quant à la notion de partage dans la responsabilité aucune mention n’en est faite. Le mot
partage étant défini comme : Igero au singulier et Agero au pluriel.
4.4.Egalité : Omo, Imo, Mo signifie, dans le dictionnaire de Raponda en page 136,
« uniformiser » ; en d’autres termes pour dire « identique à », « tel que », « pareil à »,
« de même que ». Et non dans le sens de la valeur liberté prônant une certaine équité.
Nous trouvons « logique » de ne retrouver que ce sens dans un dictionnaire de cette
époque. Dans la mesure où ces traductions apparaissent dans un contexte colonial où le
colonisé est considéré comme un sous-homme, comme un primitif n’ayant aucunement les
mêmes droits et les mêmes opportunités que ses maîtres. Avoir traduit différemment cette
valeur ou lui avoir ajouté son autre synonyme nous aurait beaucoup étonnés. Le sens
qu’on lui appose fait référence à ce que nous pouvons appeler « les termes du faire » c’est-
à-dire liés à l’action de ces hommes, à la vie pratique.
4.5.Liberté : comme pour la valeur égalité, ce terme est pris également dans le sens de
l’action. Il est traduit comme le « pouvoir d’agir ou de ne pas agir », « avoir le pouvoir
Page 206
de choisir » : « Ngoulou yi… » ce qui ne va pas très clairement ou totalement dans le
sens de la valeur liberté telle que définie en français comme l’état de quelqu’un qui n’est
pas soumis à un maitre. Et donc de faire référence à une absence de soumission à une
situation, individu ou système. Pouvoir d’agir selon ses choix sans aucune oppression.
Cette liberté dont disposaient les hommes avant l’arrivée des Blancs et de la colonisation.
4.6.Respect de la nature. cette valeur étant constituée de deux mots nous n’avons pu la
retrouver comme telle dans le dictionnaire. Nous avons donc procédé à une recherche par
terme : respect puis nature.
Le terme respect est défini en langue Myènè comme « idouba, nkomba, Ndoubini,
nkombini ». Les deux premiers termes signifient respect et ceux qui les suivent en « INI »
veulent dire « respectueux(se) » ou « ce qui témoigne du respect ». Doubiè, si doubiè au
pluriel parlant de « respectueusement ». Pour dire d’une personne qu’elle est respectueuse on
écrira par exemple : « Om’ore doubiè » ou « Oma wi doubiè » (un homme de respect). Quand
il s’agit de dire d’une personne qu’« elle respecte les autres très bien » on dira « Oma wi
douba amori mbiambié ». « Il est très respectueux envers les gens » sera traduit par « Are
doubiè mpolou n’anaga » ou « Are oyaleyale ompolou n’anaga ». Dans ce dictionnaire, le
respect est toujours en lien avec une personne et non avec d’autres éléments tels que la nature.
Quant au terme nature, il n’est pas défini dans le cadre de l’environnement mais plutôt en
faisant état à une personne. L’auteur l’interprète comme une organisation particulière, une
disposition de l’âme : mpagini.
C’est selon lui l’essence d’un être. Il cite un proverbe qui dit que « chaque être a sa nature »
en pongouè « Ejomiedou jire ni mpagini yè ».
Seul le mot naturel est associé à la terre. Ici la terre est vue comme le lieu d’où nous sommes
originaires, comme par exemple un pays (l’habitant originaire d’un pays) « Onwo-ntyè ou
awantyè au pluriel ».
Les définitions faites par Raponda de ces deux termes, permettent difficilement de les associer
pour en déduire une valeur. Même si nous pensons que l’existence de cette valeur est possible
mais que l’auteur n’avait peut-être pas encore la distance et les éléments nécessaires pour le
présenter dans ses écrits.
Page 207
Conclusion de l’étude 1
Cette étude documentaire de la langue Myènè montre que, dans l’ensemble, les mots associés
à nos valeurs sont bien présents et définis dans les dictionnaires que nous avons choisis. Ce
qui prouve bien leur existence dans cette langue, à une période bien antérieure à la nôtre. On
note ainsi une trace de leur place dans les traditions des peuples passés. Cependant, ces
définitions sont basiques et reflètent l’objectif de traduction simple ayant guidé l’auteur.
Elles ne vont pas en profondeur. La traduction et les exemples choisis sont fortement
influencés par le contexte dans lequel ce travail a été élaboré, à savoir durant la période
coloniale et dans un contexte religieux où l’on est d’ores et déjà dans une campagne de
rabaissement de l’homme noir et par la même occasion de promotion du christianisme. On
peut comprendre dès lors qu’on ne peut traduire l’égalité et la liberté qu’en faisant allusion à
des objets, et pas à des personnes. Rappelons que l’homme noir de cette époque est considéré
comme un esclave, un indigène et un sous-homme. Partant de ce constat d’incomplétude de
nos termes par les dictionnaires, il s’avère donc important d’interroger des anciens ou
détenteurs de la langue pour en savoir plus sur nos valeurs de développement durable. Par
ailleurs, la présence d’expressions qui qualifient ces valeurs au sein de la langue et dans le
plus ancien des dictionnaires de ce groupe ethnique nous amène à conclure que notre
hypothèse qui affirme que les valeurs du développement durable existent dans les traditions
Myènès est vérifiée.
Page 208
ETUDE 2 : ENTRETIENS AVEC LES ORATEURS
Cette deuxième étude a pour objectif d’apporter des éléments complémentaires à la première
hypothèse opérationnelle et de répondre à la seconde hypothèse opérationnelle
H1.2. les valeurs de développement durable existent dans les traditions du Gabon, et
notamment celles des Myènès du Bas Ogooué.
Dans l’étude précédente, nous avons montré que ces valeurs étaient bien présentes dans les
dictionnaires qui remontent à l’époque coloniale. Cependant, cette étude s’est avérée un peu
décevante car les traductions des valeurs données par le dictionnaire de Raponda (1961, 1995)
nous ont semblé incomplètes. Pour des raisons sociales et historiques, les significations que
l’ONU donnent à ces valeurs ne s’y retrouvaient pas toutes. Il nous a paru nécessaire de
compléter notre recherche en nous tournant vers des personnes que nous pensions susceptibles
de nous apporter des éléments complémentaires. Et ainsi, non seulement appuyer la première
hypothèse opérationnelle mais également vérifier la deuxième.
Dans cette étude il s’agira donc de prolonger notre démonstration en utilisant un autre outil
d’analyse: l’entretien avec des détenteurs des savoirs linguistiques locaux. La langue, en tant
que vecteur de culture, a souvent été transmise de manière orale depuis des générations. Nous
pensons donc pouvoir obtenir davantage d’informations par ses héritiers que dans les écrits.
Ainsi, dans cette étude sera présentée tour à tour (1) la méthode et (2) la présentation et
l’interprétation des résultats issus des analyses de contenu.
1. Méthode
Nous présenterons successivement (1) la démarche d’entretien, (2) les participants, (3) le
guide d’entretien et (4) la procédure.
1.1. La démarche d’entretien en phase d’enquête.
L’entretien ou interview est, dans les sciences sociales, le type de relation interpersonnelle
que le chercheur met en œuvre avec une personne dont il attend des informations en rapport
Page 209
avec le phénomène qu’il étudie (Loubet et al., 2000). En d’autres termes, c’est un échange
méthodique, une démarche préparée durant laquelle le chercheur essaie d’obtenir des
informations précises et pertinentes sur un thème donné. Cet exercice est régi par des règles
rigoureuses limitant autant que faire se peut l’influence de l’enquêteur sur l’enquêté et
favorisant ainsi une certaine objectivité, gage de la validité des informations collectées. Il
trouve son utilité à tous les niveaux d’une recherche : au début lorsque le chercheur a peu
d’informations sur sa thématique (on parle d’entretien exploratoire), lorsque la problématique
et les hypothèses sont clairement formulées (il sert d’outil principal de recueil de données),
mais aussi pour obtenir un complément d’informations venant éclairer les résultats d’une
recherche déjà effectuée (Barbillon et Le Roy, 2012). C’est le dernier cas de figure qui est
effectif dans cette étude.
Selon les objectifs des chercheurs, il existe différents types d’entretien reposant sur des
critères divers :
- l’objet de la recherche : On distingue (a) les entretiens au cours desquels le chercheur
s’intéresse à ce que sont les sujets en essayant de mettre à jour des réactions
passagères face à un phénomène donné (entretien d’opinion), des attitudes ou des
comportements (entretien de recherche), ou des dispositions de la personnalité
(entretien de personnalité) et (b) les entretiens au cours desquels le chercheur se tourne
vers ce que savent les sujets. C’est ce deuxième type d’entretien documentaire qui
cadre avec l’objectif de notre étude. En effet, il est souvent utilisé en sciences sociales
en complément d’une recherche sur documents pour combler certaines lacunes
(Loubet et al., 2000).
- les personnes interrogées : on distingue (a) les entretiens où les sujets sont choisis
par le chercheur pour leur anonymat, et non pour les caractéristiques spécifiques de
leur personnalité, et on parle alors d’entretiens d’anonymes et (b) les entretiens
auxquels participent des personnes précisément identifiées, choisies pour leurs
caractéristiques individuelles et personnelles, comme, par exemple, en raison de leurs
responsabilités ou connaissances particulières, de leurs compétences, de leur notoriété,
donc en raison de leur spécificité. Ce sont les entretiens d’individualités. Ces
entretiens peuvent être des entretiens d’opinion, ce peut être aussi des entretiens
documentaires lorsque l’on interroge des personnalités parce qu’elles ont été les
acteurs ou les témoins de certains événements ou des détenteurs d’un certain savoir.
C’est le cas de nos sujets choisis parmi la population parce qu’ils possèdent des
Page 210
connaissances de la langue particulières et un niveau de savoirs intellectuels ne
nécessitant pas de traducteurs lors de nos échanges.
- la profondeur de l’entretien : On distinguera les entretiens extensifs et intensifs. Les
entretiens extensifs ou superficiels sont des entretiens qui visent à recueillir des
renseignements simples, standardisés. L’entretien ne va pas en profondeur, ne cherche pas
à connaître la personnalité du sujet interrogé qui est envisagé plutôt comme le reflet d’un
groupe et se limite à un nombre réduit de questions. En général, les entretiens extensifs
s’appliquent à un nombre élevé de personnes et leur intérêt n’apparaît que par l’addition
des résultats individuels. Les entretiens en profondeur, que l’on qualifie d’intensifs,
sont, eux, davantage centrés sur la personne ; ils visent à recueillir un grand nombre
d’informations précises, nuancées et aussi complètes que possible. Cela nécessite, en
général, davantage de questions que l’entretien extensif. Le plus souvent aussi, ces
entretiens intensifs sont limités à un nombre réduit de personnes et l’on peut tirer profit
des résultats de chaque entretien envisagé séparément (Loubet et al., 2000). C’est dans le
cadre de ce deuxième type d’entretien que nous nous inscrivons.
En somme, nous pouvons clairement dire que, pour cette étude, nous avons procédé à des
entretiens semi-directifs, documentaires, d’individualité et intensifs.
1.2. Les participants.
Les trois sujets interviewés dans cette étude sont tous des ressortissants de la contrée de la
petite rive de l’Ogooué. Ils ont été choisis en raison de leur maîtrise de la langue Myènès et de
leur niveau de formation supérieur au baccalauréat afin qu’ils aient une bonne connaissance
des notions évoquées tant en langue locale qu’en français
Le tableau ci-dessous présente de manière résumée les caractéristiques de nos sujets
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Tableau 16. Caractéristiques des sujets
sujets 1.. Orateur,
parolier, chef de
famille et de clan
2. Apprenti Orateur
traditionnel. Fils
d’orateur, parolier
3. Professeur en linguistique ;
travail sur la structure linguistique
du myène-orungu
Langue
maternelle
Myene orungu-
nkomi
Myene orungu séké Myene-orungu
Niveau
myene
Excellent
Excellent
Excellent
Niveau
instruction
BAC+ BAC+ BAC+
Village
d’origine
Abelogo1,
Mpaga
Egnogua
Abelogo 1, Mpaga Abelogo1
sexe Masculin Masculin Féminin
Age 55-60 35-40 ans 45-50
Lieu de vie Gabon Gabon Gabon /France/Belgique
Parmi les personnes pressenties, nous n’avons pas retenu :
- des traditionnalistes détenteurs des savoirs ancestraux mais n’ayant pas une instruction à
l’occidentale élevée et ne maniant pas bien le Français. Mener un entretien aurait nécessité
de prendre un traducteur avec tous les risques de déformation que cela comporte.
- des nouveaux intellectuels détenteurs de diplômes et du savoir moderne mais n’ayant
souvent plus d’assise dans leur culture ancestrale car s’étant acculturé ou ayant perdu par
le manque de pratique la maitrise de la langue. Ils parlent très mal voire ne parle plus du
tout leur langue maternelle qu’ils ont remplacée par le français et l’anglais.
Nous avons pu rencontrer trois personnes (deux hommes et une femme), des « êtres
hybrides » qui, bien qu’ouverts au modernisme et à l’instruction, ont les pieds bien ancrés
dans leur culture et maîtrisent la langue de cette culture.
- Le premier sujet est cadre dans une société pétrolière de la capitale économique, chef-lieu
de la province autochtone Myènès. Il est également orateur parolier traditionnel, c’est-à-
dire qu’il est habilité à traiter les palabres, à célébrer les mariages et régler d’autres conflits
Page 212
ou alliances d’ordre traditionnel et clanique Myènè. C’est une sorte de griot dont
l’apprentissage débute depuis le jeune âge. Ces orateurs sont choisis en raison d’aptitudes
particulières détectées par l’orateur précédent. Ils sont rares et élus parmi les enfants du
même clan. L’orateur est souvent amené à utiliser la langue, connait son histoire ainsi que
celle des origines de son peuple qu’il conte régulièrement. Il sait faire usage du français et
des traductions dans les deux sens. Il en a besoin lors d’échanges avec des personnes
d’autres ethnies (par exemple un mariage coutumier avec une autre ethnie) et dans le cadre
de son travail moderne.
- Le second est un jeune cadre qui a toujours baigné dans sa langue. Son père, grand chef
de clan et de famille, est également un orateur et parolier traditionnel. Il l’assiste lors de
ses interventions. On peut le considérer comme un futur orateur tant il suit les traces de
son père.
- Le troisième est une professeur d’université en philosophie linguistique ayant travaillé sur
sa langue maternelle, le Myènè-orungu. Elle en a étudié la morphologie et la structure
phonologique et est actuellement en cours d’écriture d’un dictionnaire Français/ Orungu.
1.3. Le guide d’entretien
Parce qu’il permet de cadrer le discours des sujets tout en laissant une souplesse dans les
interventions de l’enquêteur et de l’enquêté, l’entretien semi-directif et individuel nous a
semblé la méthode la plus adaptée et a donc été préférée.
Pour ce faire, un guide d’entretien a été élaboré sur la base de nos hypothèses. Rappelons que
le guide d’entretien est un « mémento » des thématiques à aborder permettant ainsi de
relancer le sujet sur des aspects qui n’ont pas été abordés spontanément ou qui ont été trop
peu développés. Les données qu’il permet de recueillir constituent le matériel de base
nécessaire pour alimenter les analyses qui s’en suivront (Barbillon et Le Roy, 2012).
Ainsi, notre guide se composait d’une consigne de présentation de l’étude qui nous permettait
de rappeler le cadre et l’objet de la recherche ainsi que les règles d’éthique. Elle était la
suivante :
Page 213
Présentation d’usage : « Bonjour, je suis NANDA Naelle étudiante en psychologie
environnementale à l’université Paris 10. Je vous remercie d’ores et déjà d’avoir accepté
d’échanger avec moi »
Cadre et objet de la recherche : «Dans le cadre de ma formation, je réalise une étude portant
sur les valeurs dans les traditions Myènès raison pour laquelle j’ai souhaité cet échange avec
vous ».
Les règles éthiques : « Le cadre de ce travail garantit l’anonymat et la confidentialité des
réponses données qui ne seront utilisées que pour cette recherche universitaire. Accepterez-
vous de participer à un entretien enregistré d’une heure environ ?
Puis nous passions à la question de départ formulée comme suit : « qu’est-ce que les valeurs
évoquent pour vous ? ».
Cette question volontairement ouverte et large permettait de situer la notion de valeur et son
importance.
La deuxième question portait sur la connaissance des valeurs. Elle était formulée comme suit.
« je vais vous citer six valeurs : liberté, solidarité, égalité, tolérance, partage de
responsabilité, et respect de la nature. Les connaissez-vous ? Celle-ci permettait de faire le
point sur ces valeurs de l’ONU et de les introduire.
La troisième question, quant à elle, permettait de répondre à l’hypothèse selon laquelle ces
valeurs existent dans les traditions gabonaises Myènès. Elle se formulait comme suit :
« pensez-vous qu’elles existent dans les traditions Myènès ? ».
Les réponses affirmatives données permettaient d’enchaîner avec la question suivante qui
consistait à traduire l’une après l’autre les valeurs. Cette question était posée de la manière
suivante : « pensez-vous qu’elles existent dans les traditions et comment traduit-on alors la
valeur liberté ? »
Le sujet répondait en détaillant parfois de manière spontanée en expliquant comment se
manifestait cette valeur ou parfois nous posions des questions de relance en leur demandant
par exemple de justifier leur propos « pouvez-vous donner des exemples qui prouve que cette
valeur existait ? » ou encore « existent-ils des proverbes ou anecdotes en lien où y faisant
allusion ? ».
Page 214
Nous passions ainsi en revue toutes les valeurs. L’avant-dernière question concernait le lien
que les sujets étaient susceptibles de faire entre ces valeurs et le développement durable. Nous
leur demandions alors « pensez-vous qu’il existe un lien entre ces valeurs et le développement
durable ? ».
La dernière question permettait de repérer d’autres valeurs de développement durable dans les
traditions Myènès et visait à répondre à l’hypothèse selon laquelle : « il existe d’autres valeurs
de développement durable dans les traditions gabonaises Myènès ». Pour le savoir, la question
que nous posions dans notre guide était la suivante : « pensez-vous qu’il existe d’autres
valeurs importantes dans vos traditions qui n’auraient pas été citées ici ? ». Quand le sujet ne
répondait pas clairement, nous le relancions en lui demandant de les citer et d’étayer son
propos à l’aide d’exemples vécus ou de pratiques.
En somme notre guide d’entretien se composait de six questions générales, de relances et de
reformulations. Toutes les questions en italiques ont été posées de la même manière à nos
sujets.
1.4. La procédure
Les entretiens ont été menés dans un cadre propice à l’échange, sur le lieu de vie du
participant : il s’agissait généralement d’une pièce séparée (salon et bureau), évitant ainsi
d’être interrompus ou distraits par le passage d’autres personnes. L’aménagement de ces
espaces permettait tant à nous chercheur qu’aux participants de s’y sentir à l’aise. De plus,
pour ne pas courir le risque de tomber à un moment peu propice à l’entretien, nous avons
demandé aux sujets de choisir la tranche horaire qu’ils trouvaient appropriée. C’est ainsi que,
pour les personnes du Gabon, nous avons été reçus en fin d’après-midi, le week-end. Le
participant vivant en France nous a proposé d’échanger en milieu de matinée. Les sujets se
sentaient à l’aise et ont montré un réel intérêt pour ces échanges. Les entretiens ont duré entre
une heure et une heure trente minutes pour chaque sujet.
Deux des trois sujets ont été rencontrés au Gabon précisément à Port-Gentil. Et une autre à
Villejuif, au sein de son laboratoire d’études.
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Tableau 17. Récapitulatif de la procédure
Sujets 1. Orateur, parolier,
chef de famille et de
clan
2. Apprenti Orateur
traditionnel. Fils
d’orateur, parolier
3. Professeur en
linguistique ; travail
sur la structure
linguistique
dumyène-orungu
Prise de contact
Date et lieu de
l’entretien
10/08/13 au Gabon 23/08/14 au Gabon 15/01/15 en France
Modalités Face à face Face à face Par email
Durée de la prise de
contact
30mn 30mn
Entretien principal
Date et lieu de
l’entretien
14/9/13 20/9/14 15/01/15
Modalités Face à face Face à face Face à face
Type de recueil des
données
Prise de notes
intégrale
Prise de notes
intégrale
Prise de notes et
enregistrement
Durée de ce premier
entretien
1h 1h 1h30mn
Echanges complémentaires
Nombre d’entretiens
complémentaires
1 1 0
Dates des échanges 22/03/2014 26/11/2014
Modalités Par email Par email Par email
Retours emails 1 3 1
Durée totale 1H 30 1H30 1H30
Page 216
Nous avons dû nous adapter aux disponibilités et à la situation du pays pour mener nos
entretiens, ce qui explique des procédures un peu différentes.
La prise de contact a eu lieu entre l’été 2013 et l’été 2014. Pour les deux orateurs contactés au
Gabon, ce premier contact a duré environ 30 mn. L’interviewer a notamment présenté les
thèmes afin que les orateurs puissent s’en imprégner et aient le temps de réfléchir à leur
réponse de manière plus structurée. Cette procédure s’est avérée indispensable. L’entretien
principal a été mené au mois de septembre et a duré environ 1h pour chacun d’eux. Il a été
complété par des échanges d’e-mails. Cette procédure a permis ainsi aux sujets de compléter
les informations fournies en allant parfois rencontrer d’autres informateurs pour appuyer leurs
réponses. C’est le cas par exemple du plus jeune des interviewés qui nous a demandé
l’autorisation de rencontrer son père et d’échanger avec lui.
Notons que ces entretiens menés aux Gabon n’ont pu être enregistrés. Le contexte politique
dans lequel se trouvait le pays créait un climat de suspicion et donc un malaise pour ce genre
de pratique. Depuis 2009 le Gabon connait une tension politique et sociale comme jamais
auparavant. Les sujets ayant refusé de se faire enregistrer et vu le temps dont nous
disposions, nous n’avons pas eu d’autres choix que de prendre des notes. Cette pratique qui
oblige à ralentir le rythme des interventions pour pouvoir noter intégralement leur contenu a
eu l’avantage de donner le temps à nos sujets de mieux construire leur propos et souvent de
les reformuler en les rendant plus clairs. Cela imposait également de circonscrire les échanges
et de ne pas s’éloigner des thèmes.
Le troisième orateur devait elle aussi être rencontré au Gabon. Cependant elle est enseignante
dans trois universités, au Gabon, en France et en Belgique, et nous n’avons pas pu la
rencontrer malgré nos efforts durant les deux étés auxquels nous avons consacrés cette
recherche de terrain. Nous avons décidé de la joindre par email et, à sa demande, nous lui
avons envoyé les questions de notre grille d’entretien. A son arrivée en France, elle a pu nous
recevoir pour un échange en face à face d’une heure et trente minutes. Pour cet entretien, nous
avons pu utiliser un enregistreur conjointement à la prise de notes.
Il est important de souligner ici que les thèmes et les questions, bien que déterminées au
préalable, n’étaient pas posés suivant un ordre fixe mais suivaient le discours des sujets. De
même, d’autres questions non prévues pouvaient être posées pour éclaircir ou étayer une
réponse donnée par le sujet.
Page 217
Les entretiens des trois interviewés se sont achevés par une synthèse nous permettant de
vérifier que nous n’avions pas déformé les propos recueillis. Nous les avons remercié d’avoir
accepté de consacrer du temps à notre étude et nous avons mis , un terme à l’échange en leur
donnant la possibilité de nous faire parvenir par email des informations complémentaires et
autres éléments qu’ils trouveraient intéressant d’ajouter.
2. Présentation et interprétation des résultats
Les réponses à chaque question seront analysées successivement.
2.1. Analyse de contenu de la question 1
Présentation : « qu’est-ce que les valeurs évoquent pour vous ? ».
Tableau 18. Présentation des réponses des sujets sur les valeurs
Sujets Corpus Thèmes Sous thèmes
1 C’est la base de la société. Les valeurs
c’est important pour bien se
comporter. Les valeurs ça nous donne
de la valeur. . Lorsqu’on vit avec les
autres il faut avoir les mêmes valeurs
sinon c’est la loi de la jungle où
chacun fait ce qui lui plait. Il est
important aussi de s’adapter aux
valeurs des autres, car chaque société à
ses valeurs, surtout quand on va à
l’étranger »
Place des valeurs
dans la société
Définition des
valeurs
Absence de valeurs
et impact
occasionné
Différences des
valeurs selon les
sociétés
Base de la société
Important
Guide de bonne conduite
Donne de la valeur
2 « sans valeurs on a pas de principes et
ce sont les principes qui guide nos
comportements et nos actions. Oui ces
valeurs sont importantes pour les
Myènès les valeurs de partage, vivre
Liens entre valeurs
et principes
Définition des
valeurs
Prédominance de
Valeurs : base de principes
de vie
Principe : guide de
conduites
Importance de partager les
Page 218
ensemble sont très présentes ; il y a
des millénaires que notre culture prône
l’humanisme, l’écologie, le culte de
Dieu
la valeur solidarité
par le partage et le
vivre ensemble
mêmes valeurs
Absence de valeurs
partagées=incompréhension
+ désordre
Valeurs=spécificités
sociétales
Adaptation aux valeurs des
autres
3 Les valeurs sont le fondement de
l’éducation d’un homme, depuis son
enfance. Des lois qui guident la vie en
société. Un homme sans valeur est un
animal qui fait n’importe quoi. Quand
on a les mêmes valeurs on se
comprend mieux. Elles nous aident à
agir dans la droiture surtout quand on a
de bonnes valeurs.
Définition des
valeurs
Place des valeurs
dans la société
Fondement de l’éducation
Lois guidant la vie en
société
Font l’humain
Partage des valeurs
Facilite la compréhension
Guide de bonnes conduites
Page 219
2.2. Interprétation
Le tableau 1 présente les réponses des sujets à la question introductive. Ces derniers ont
répondu en définissant les valeurs comme
« la base d’une société » (sujet 1),
« le fondement de l’éducation d’un homme depuis son enfance, un homme sans
valeur est un animal qui fait n’importe quoi » (sujet 3).
Pour eux, les valeurs sont liées aux principes, en insistant sur l’importance de partager les
mêmes valeurs lorsqu’on vit en société et de les respecter, ou de les adapter lorsqu’on va à la
rencontre d’autres personnes ayant d’autres valeurs
« Sans valeurs on n’a pas de principes et ce sont les principes qui guide nos
comportements et nos actions. Lorsqu’on vit avec les autres il faut avoir les mêmes
valeurs sinon c’est la loi de la jungle où chacun fait ce qui lui plait. Il est important
aussi de s’adapter aux valeurs des autres, car chaque société à ses valeurs, surtout
quand on va à l’étranger » (sujet 2).
Ces définitions de la notion de valeur vont dans le sens des théories qui ont été élaborées par
les divers auteurs qui se sont intéressés à ce thème (Rokeash, Schwartz…).
Elles montrent que nos sujets connaissent clairement ce qu’est une valeur et l’importance que
celle-ci peut avoir, tant dans la société que dans la conduite des individus. Citons par exemple
le sujet 1 qui définit les valeurs comme un ensemble de lois guidant la vie en société et le
sujet 2 qui les qualifie de principe guidant la vie. Les définitions de nos trois orateurs vont
dans le sens de celle de Schwartz (1994) pour qui les valeurs constituent un ensemble
d'idéaux et de principes moraux, une instance évaluative qui oriente les choix
comportementaux et de vie des individus.
De même, l’importance de partager les mêmes valeurs au sein d’un même groupe a été
soulignée par le sujet2. Cet échange de valeurs favorisant la compréhension des actions entre
les membres et donc la cohésion sociale en son sein. Par ailleurs, le sujet 3 nous rappelle que
les valeurs peuvent être différentes selon qu’on soit dans une société ou dans une autre. Et
qu’au contact des autres, pour être intégré, il faut s’adapter aux valeurs de la société d’accueil
(cas de séjour à l’étranger). Tous ces points de vue sur les valeurs rejoignent les éclairages
apportés par les travaux qui ont depuis longtemps été menés sur le concept de valeur et rejoint
Page 220
la théorie de Rokeach (1973) pour qui l'individu se fixe des règles qui deviennent des
référents de conduite pour tous, donc des valeurs.
2.3. Analyse de contenu de la question 2
Présentation de la question 2 : Je vais vous citer 6 valeurs, les connaissez-vous ?
Tableau 19 : Connaissance par les orateurs des valeurs de développement durable
Sujet Liberté Egalité Tolérance Solidarité Partage de
responsabilité
Respect
de la
nature
1 Oui Oui oui oui Oui oui
2 Oui Oui oui oui Oui oui
3 Oui Oui oui oui Oui oui
2.4. Interprétation question 2
Le tableau 2 indique les trois sujets connaissent les valeurs de développement durable de
l’ONU, ce qui nous conforte dans le choix de notre échantillon.
2.5. Analyse de contenu de la question 3
Présentation question 3 : Pensez-vous qu’elles existent dans les traditions Myènès et
comment les traduit-on en langue locale ?
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Tableau 20. Présentation des équivalents linguistiques des valeurs de développement
durable de l’ONU.
Sujet Liberté Egalité Tolérance Solidarité Partage de
Responsabilité
Respect de
la Nature
1 Oyangayanga IMO, puis selon
le contexte Ntèrè
mo, Ngulu ou
Igoni mo
ISindina
Ota,
Egongo, ou
Inungwana
Iruana Ibimbia sy
nte(tche)
2 Oyangayanga Imo, Omo ISindina Inungwana Iruano Ibimbia sy
nte
3 Oyangayanga Selon le
contexte : ngou
Mpaguinimo
Idjivira inungwana Iruano Idouba sy
nte
2.6. Interprétation question 3
Comme nous pouvons le voir dans le tableau 3, tous nos sujets pensent que les valeurs de
développement durable sont présentes dans les traditions linguistiques Myènès. Elles ont
chacune un équivalent en langue locale, à l’exception de la valeur « égalité » dont la
traduction du mot prend un sens différent selon le contexte dans lequel elle est utilisée et qui a
du mal à être résumée en une seule et même expression. Cependant la souche de traduction
qui renvoie à l’égalité, que ce soit notamment dans le cadre de la mesure ou de la
catégorisation, reste « Imo(sg) ou Omo(p. l) ». Ce qui ne signifie pas qu’elle n’existe pas dans
les traditions. Mais au contraire cela témoigne de la diversité de cette langue et de ses
particularismes. Les autres valeurs ont leur équivalent et parfois même un synonyme. C’est le
cas par exemple de la valeur « solidarité » qui veut dire à la fois « OTA », « Inugwana »,
« Egongo ». Tous ces termes ont la même signification mais avec des nuances différentes :
Ota a plutôt le sens d’unité, Inugwana celui d’entraide et Egongo celui de force d’ensemble.
La valeur « respect de la nature » se traduit en de Myenè (myenè-orungu) par « iduba sy nte »
et en (Myènès –Nkomi) par « ibimbia sy nte ». La responsabilité, quant à elle, est perçue
comme le fait de « supporter une charge » et traduite par « Iruano ».
Pour nos interlocuteurs, toutes ces valeurs existent au sein de la culture Myènès, même si elles
ne sont pas valorisées de la même manière. C’est ainsi que des valeurs comme la solidarité et
Page 222
le respect de la nature étaient plus valorisés qu’une valeur comme l’égalité. On les enseignait
depuis le plus jeune âge et on rappelait leur importance dans les pratiques quotidiennes.
« on enseignait la solidarité au enfant, le respect des autres et de la nature et toute la vie de
l’homme, dans tout, on vous le rappelait » (Sujet 2, voir Annexe).
Et bien entendu cette valorisation dépendait du contexte.
2.7. Analyse de contenu de la question 4
Présentation de la Question 4 : Pouvez-vous nous donner des exemples en lien avec
chacune d’elle?
Page 223
Tableau 21. Exemple de vécus en lien avec les valeurs.
sujet Liberté Egalité Tolérance Solidarité Partage de
Responsabilité
Respect de la
Nature
1 Oui je pense qu’elle
existe. Puisqu’il y
avait des esclaves, des
prisonniers. Les gens
étaient libres de
circuler. Et de faire
plusieurs choses.
Il n’y a pas un terme
qui traduit l’égalité en
réalité ça dépend du
contexte. Quand on
mesure par exemple la
taille. Mais je pense que
d’une certaine manière
il y avait une égalité
entre les gens mais
selon la case où on est
rangé. Un homme qui
avait plusieurs femmes
par exemple
s’arrangeait à ce
qu’elles soient toutes
égales à ses yeux même
s’il avait une préférée il
Oui la tolérance
est une valeur
qui avait de
l’importance.
On acceptait les
opinions des
autres, le djèmbè
et les rites des
hommes comme
l’okuyi
cohabitait dans
les mêmes
villages. Chacun
respectait
l’autre.
L’étranger était
reçu comme un
Proverbe :« omen’o
mori ere
djovun’ozo ko
nkongo ko
nkongo » (Un seul
doigt ne peut pas
laver la figure. Il
faut être solidaire)
Cette maxime
faisait qu’on se
donnait un coup de
main pour réaliser
des tâches (les
femmes attachaient
le manioc
ensemble) ou pour
partager des fruits
Ça dépendait, parce
qu’un chef de
famille par exemple
en cas de faute d’un
des sien devait
assumer. Mais
quand il se déplaçait
il laissait la
responsabilité à
quelqu’un d’autre.
Chacun avait ses
responsabilités et
quand il y avait un
problème entre deux
personnes les fautes
et les responsabilité
étaient partagées
On ne blaguait pas
avec la nature. il
fallait être en
communion avec
elle. c’est elle
donnait à manger.
Les esprits des
ancêtres y
demeuraient. il y
avait plusieurs
interdictions qui
poussaient les gens
à respecter tout ça.
Pour nos ancêtres la
nature était la vie et
donnait la vie. On
trouvait tout ce dont
Page 224
ne le montrait pas. Dieu. de la chasse ou de
la pêche.
on avait besoin
2 Elle fait référence plus
à la liberté dans la
prise de parole, les
actes et le sentiment de
totale liberté suite à
une délivrance.
Pourtant les Myènès de
l’époque étaient libre
de circuler,
d’entreprendre dans le
commerce étant une
des premières
communautés à avoir
échangé avec les
blancs
Il existait une liberté
mais celle-ci était
quand même
conditionnée par les
Il est délicat de parler
d’égalité dans nos
traditions. Si l’on prend
juste l’homme et la
femme, je préfère parler
de complémentarité.
Mais chez les enfants
on le s mettait tous au
même niveau. On les
traitait pareillement
qu’ils soient les nôtres
ou ceux de nos frères et
sœurs. L’égalité
n’intervient que pour
parler de deux
personnes de même
rang dans le droit
coutumier de la
famille(2frères,
Mon père m’a
raconté que dans
certains coins ils
y avaient
différentes
ethnies et même
quand les Sékés
sont arrivés ils
ont eu des
relations
pacifiques.
Mais il y avait
quand même
une intolérance
envers les Fang
surtout jusqu’à
pas longtemps le
mariage avec
eux étaient
La solidarité est
l’une des valeurs
intrinsèques dans le
vivre ensemble des
communautés
Myènès et le
fondement de la
société
traditionnelle. On
se partageait
presque tout et
s’entraidait.
Chacun n’étant pas
à l’abri du besoin.
Le « nèno no miè
mènè no wè »
résumait tout. Cela
signifie
littéralement
Je pense qu’on
enseignait cette
valeur et donc elle
existait. Quand on te
donner la
responsabilité de
quelque chose il
fallait assurer
jusqu’au bout.
Les enfants et les
parents n’avaient pas
les mêmes
responsabilités d’où
le proverbe « Nkavi
ékanizo n’owega »
pour dire que la
responsabilité doit
être proportionnelle
à la personne. Mais
L’Africain et donc
le Myènès étant
animistes, sa
tradition donne une
existence presque
Mystique à ce qui
l’entoure. Il
considère les autres
êtres de la nature
comme ayant la
même valeur que
lui. La vie de
chacun ne peut être
ôté que pour les
bonnes raisons par
exemple tuer une
bête pour la manger.
C’est pourquoi il
existe beaucoup de
Page 225
interdits et les
croyances. Il faut dire
aussi que les hommes
avaient plus de liberté
que les femmes
2soeurs) Si on parle en
termes de chance et
d’opportunité l’histoire
nous montre que les
hommes avaient plus
d’opportunité que les
femmes. cette valeur
n’était pas assez vivace
dans notre culture voir
même recalé. Les us et
les coutumes enfermant
les uns et les autres
dans des rôles bien
précis. L’exclusion
survient si la personne
ne se conforme pas.
L’égalité est très
présente dans la
comparaison des choses
interdit. Mais
nul n’est
parfait !
« aujourd’hui c’est
moi, demain c’est
toi » pour dire à
chacun son tour
dans tous les
évènements de la
vie. Alors il ne
servait à rien d’être
individualiste.
les gens se
partageaient les
responsabilités des
choses. La femme
tous ce qui est
aliments, les enfants
les travaux d’enfants
(balayer, laver la
vaisselle, l’eau ) le
père les travaux plus
difficile et tout ce
qui est moral .
règles pour protéger
la nature. par
exemple ne pas tuer
un femelle qui a un
petit.
3 Bien que toute liberté
était cadrée, chacun
Elle existe mais il n’y a
pas de terme qui la
La tolérance
(Idjivira) est une
Elle se manifestait
à différents
Chacun avait son
rôle à jouer et donc
Oui elle existait on
peut le voir par
Page 226
pouvait s’exprimer
mais dans le respect
des autres. Par
exemple les femmes
avaient la liberté
d’entreprendre.
Cependant on peut dire
que les hommes
avaient plus de liberté
que les femmes par
exemple dans le choix
du conjoint etc.
Oui, elle existe. Les
personnes
bénéficiaient d’une
grande liberté, même
les femmes bien que
celle –ci avait des
limites qu’il fallait
respecter. On pouvait
parler, s’exprimer
traduit en tant que
valeur. La traduction du
mot est liée au contexte
dans lequel il est utilisé.
Bien que le
terme « imo » qui
signifie « idem »,
« égal » est joint aux
autres. Comme dans la
majorité des sociétés il
n'en existe pas de réelle
égalitaire entre les
individus. Cependant
entre les personnes de
même âge, lors d’une
situation de jugement
l’égalité prévaut. Il en
est de même pour les
opportunités.
Est-ce qu’il existe une
société où les gens sont
valeur existante
dans les
traditions
Myènès. Les
sociétés secrètes
se côtoyaient
avec une
certaine
perméabilité, les
personnes de
différentes
origines
également, le
mariage
exogamique en
est un des
exemples
niveaux, les
travaux champêtres
en sont un exemple
palpable, lors de
l’avènement de
l’école, les parents
confiaient leurs
enfants à d’autres
parents sans
contrepartie et vice
versa.
ses responsabilités.
Par exemple
l’éducation des
enfants était l’affaire
de tous. Une mère ne
pouvais pas laisser
l’enfant d’une autre
faire une bêtise elle
se sentait
responsable de lui. Il
faut dire que les
responsabilités
dépendaient des
rôles de chacun et de
ses taches.
l’exemple des
pratiques agricoles
(la jachère)la pêche
les prises étaient
contrôlées. Même
pour la médecine
traditionnelle,
l’esprit de la forêt
était consulté pour
prélever des écores
et les arbres ensuite
recevaient un
pansement
Page 227
librement mais il y
avait la manière de le
faire. Un enfant par
exemple ne pouvait
pas se mêler de tous
les sujets. En tout cas
le respect avait une
place importante dans
la question de la
liberté.
égaux ? même ici en
occident. Si on parle
d’égalité de chance oui.
Aussi l’égalité existait
qu’entre les personnes
de même catégorie.
Entre enfant, entre
femme. Un homme et
une femme n’étaient
pas égaux l’homme
étant le chef. Mais
chacun avait son rôle à
jouer.
Nos sujets mettent en lumière plusieurs vécus dans lesquels les valeurs s’étalaient, se transmettaient permettant ainsi de démontrer leur
existence.
Page 228
2.8. Interprétation
A la lecture des opinions de nos orateurs (Tableau 22), nous y notons l’importance et la place
qu’occupaient les valeurs dans la société traditionnelle. Apparaissent également les contextes
dans lesquelles elles étaient mises en avant, les lois qui étaient élaborées de manière tacite pour
les faire respecter. C’est par exemple le cas de la valeur « respect de la nature » dont l’une des
lois de chasse était de ne pas tuer une femelle ayant une portée. Par ailleurs, on peut relever
également la place de la transmission de ces valeurs entre les générations. On peut y déterminer
comment certaines valeurs étaient inculquées au travers des pratiques : exemple de la solidarité
où les membres d’une famille partageaient le même plat, mangeaient ensemble. Des proverbes
souvent rappelaient ces valeurs. Plusieurs exemples ont ainsi éclairé sur l‘existence et la place
qu’avaient les valeurs dans les traditions Myènès.
2.9.Analyse de contenu de la question 5
Pensez-vous qu’il existe un lien entre chacune de ces valeurs et le développement durable ?
Page 229
Tableau 22. Lien entre les valeurs et le développement durable
sujet Liberté Egalité Tolérance Solidarité Partage de
Responsabilité
Respect de la
Nature
1 Oui il existe un lien,
aucune famille aucun
pays ne peut se
développer s’ils sont
esclaves. C’est aussi ce
qui a retardé les pays
africains l’esclavage
économique physique
et aujourd’hui c’est une
forme d’esclavage
intellectuel où tout ce
qui vient de chez nous
est considéré comme
mauvais. J’espère que
vous les jeunes qui avez
vu chez les autres
changerez les choses
Il Ya un lien mais pas
si important, si c’est en
terme d’opportunité et
de devoir ok. Mais
quand on regarde
même dans les sociétés
occidentales qu’on dit
le plus développées les
gens ne sont pas égaux.
chacun a sa place et
c’est comme ça DIEU a
créé les choses. Il ne
faut juste pas
promouvoir les
inégalités la violence et
les brimades. Si chacun
a ce qu’il veut c’est
l’idéal même si les
… les gens
s’entretuent c’est par
manque de tolérance.
comment voulez-
vous qu’un Etat se
développe avec des
gens qui ne se
supportent pas et
n’accepte pas la
différence, la
diversité et des
pensées différentes ?
le développement
durable doit être
aussi l’acceptation
mutuelle(…)
acceptation au sens
large hein depuis la
(Rire) si on n’était pas
solidaire ici, il y a
longtemps qu’on aurait
disparu. Ça ne veut pas
dire qu’on est développé,
ça c’est un autre débat
parce que pour moi
l’occident n’est pas un
exemple sur ce plan-là je
pense qu’ils ne sont pas
du tout développé. C’est
chacun pour soi la bas ton
frère peut mourir tu le
regarde et nous c’est ce
qu’on est en train de
copier. Regardez les
fourmis, que peut faire
une fourmi seule ? mais
Partager les
responsabilités c’est
comme partager les
taches et ça soulage
tout le monde. En
entreprise on parle de
déléguer. Ça allège
tout le monde et on y
arrive plus vite. Si
chacun assume ses
responsabilités on ne
peut qu’aller vers le
développement
durable. Ce qui n’est
pas la cas quand
quelqu’un supporte
toute la charge seule.
si on détruits la
nature qui nous
entoure on nuit à
l’homme, on aura
pénurie de
nourriture par
exemple, la chaine
alimentaire sera
rompu et beaucoup
d’espèce vont
disparaitre et donc
pas de
développement
durable
Page 230
gens ne gagnent pas
pareils.
peau jusqu’à la
manière de penser et
de faire
regardez leur travail dans
nos plaines, vous voyez
les châteaux qui sortent
de terre (ipingo) les
fourmilières. Ça doit nous
servir d’exemple tout ça.
Ce n’est pas pour rien
que nos ancêtres étaient
liés à la nature, elle nous
enseigne beaucoup !
2 Oui il y a un lien entre
le développement
durable et la liberté. Ce
n’est pas pour rien que
la France a mis cette
valeurs dans sa devise
(rire) C’est juste un
exemple mais là où les
gens sont libres se
développe les idées, la
technologie, et même
de nouvelles manières
L’égalité chez nous
n’était pas une valeur
mise en avant parce
qu’on considère que
chacun est unique et les
gens sont
complémentaires. Je
pense bien entendu
qu’il y a un lien avec le
développement durable
mais surtout quand on
parle de chance et de
Ho que oui, si on ne
s’accepte pas c’est le
désordre qui prendra
le pas, ce n’est pas
pour rien que dans
nos traditions on se
considère tous
comme des frères
même les étranger.
Car un frère on
l’accepte avec ses
défauts et ses
quand il n’y a pas de
solidarité c’est chacun
pour soi, après on
s’entretue et personne ne
peut se développer dans
ces conditions et de
manière durable. Qui peut
agir seul et vivre seul ? ce
n’est pas pour rien que
les autres existent car
nous sommes
interdépendants les uns
Le partage de
responsabilité c’est
aussi une forme de
solidarité, si on se
partage les charges
c’est mieux que de les
laisser sur les épaules
d’une seule personne.
C’est comme un
homme qui soulève
une grosse pierre tout
seul. Si on le regarde
Ici c’est tellement
évident, que peut
l’homme sans la
nature ? si on ne
protège pas cette
nature de quoi
allons-nous nous
développer ? si vous
regardez bien tout
repose sur les
éléments de la
nature, tout ce que
Page 231
de faire issues des
anciens modèles. Si on
était totalement libre on
aurait pas perdu autant
nos savoirs faires et
être …donc oui il y a
un lien
droit, oui on doit avoir
les mêmes chances, un
enfant de pauvre qui a
la même formation
qu’un enfant de riche
doit avoir les mêmes
chances d’obtenir un
même poste par
exemple. Dans ce
cadre-là oui.
qualités, on peut se
disputer mais jamais
on ne doit s’entretuer
même quand on a
des opinions
différentes. Un pays
ou un village où on
n’accepte pas les
autres ne peut se
développer du moins
les gens ne peuvent
être heureux ; je
n’aime pas trop le
mot développement.
des autres. Les plus forts
doivent aider les plus
faibles, les plus nantis
doivent soutenir les
moins nantis etc. et c’est
comme ça qu’on avance
tous
il peut mourir sous le
poids de la pierre.
Mais si chacun coupe
un morceau de cette
pierre cela paraitra
moins lourd pour lui
et sera plus facile à
transporter. Même
dans une famille on se
partage les
responsabilités : la
femme a les siennes,
l’homme aussi et
même les enfants et
c’est ce qui fait
avancer la société
l’homme fabrique
vient de la nature, il
a donc intérêt à la
protéger. Oui, oui,
ho que oui cette
valeur comme les
autres et bien plus
est très liée au
développement
durable.
3 « est-il possible d’avoir
le bonheur et le bien-
être de tous dans un
monde où la majorité
de personne vivent dans
l’oppression et ne peut
Oui il y a un lien entre
l’égalité et le
développement durable
mais ce lien- là n’est
pas aussi fort que celui
du respect, de la
S’agissant de la
tolérance oui cette
valeur a un grand
lien avec le
développement
durable surtout
Oui je vois un lien
important entre cette
valeur et le
développement durable
bien entendu il faut que le
développement durable
Heureusement que les
responsabilités sont
souvent partagés
quand il s’agit des
missions par exemple
au travail cela permet
(sourire) cette
valeur est à cent
pour cent en lien
avec le
développement
durable. Je ne sais
Page 232
entreprendre, ni
s’exprimer librement ?
Je ne pense pas !
tolérance de l’amour de
la protection de la
nature car on le voit
même en occident ici
l’égalité n’existe pas en
tant que tel si l’on
compare les salaires,
l’occupation de certains
postes, et bien d’autres
non, mais en terme
d’opportunité, de droit
oui une égalité est
nécessaire.
actuellement. même
dans le cadre du
travail où l’on
travaille un peu
partout et avec des
gens de différents
pays il faut de la
tolérance pour bien
avancer, un pays
comme le GABON
qui a tant d’ethnies
sans tolérance les
gens s’entretueraient
et nous savons tous
que les pays en
conflits ne
connaissent pas un
développement
soit différent de ce qu’on
a appelé depuis
« développement ». en
tout cas chez nous la
solidarité a fait ses
preuves et sait combien
elle fait du bien quand on
est dans le besoin et la
détresse et je pense
qu’un société solidaire,
plus solidaire doit être
même un idéal à
atteindre.
d’alléger les charges
de chacun et de
fructifier le travail.
Mais quand il s’agit
de catastrophes et de
mauvaise action là
rarement les
responsabilités le
sont. Il faut que cela
se fassent plus. Quand
il s’agit d’éducation et
bien d’autre ce serait
bien aussi donc oui il
y a un lien avec une
société durable.
même pas si c’est
nécessaire après tout
ce qu’on a dit
d’apporter d’autres
preuves. Toute notre
vie est liée à la
nature tout même la
technologie.
Regardez votre
téléphone portable
tous ces éléments
viennes de la terre et
bien entendu de
l’intelligence
humaine mais c’est
parce que la nature
lui offre tous les
éléments pour ça.
Page 233
2.10. Interprétation
Pour chacun de nos sujets il existe un lien entre chacune de ces valeurs et le développement durable. L’un d’eux nous dira à ce propos que « si on détruits
la nature qui nous entoure on nuit à l’homme, on aura pénurie de nourriture par exemple, la chaine alimentaire sera rompu et beaucoup d’espèce vont
disparaitre et donc pas de développement durable » (Sujet 1). Pour le sujet 2 le manque de solidarité entraine l’égoïsme et tous les maux comme la guerre
et la violence « quand il n’y a pas de solidarité c’est chacun pour soi, après on s’entretue et personne ne peut se développer dans ces conditions et de
manière durable » ; le sujet3 posait la question de savoir « est-il possible d’avoir le bonheur et le bien-être de tous dans un monde où la majorité de
personne vivent dans l’oppression et ne peut entreprendre, ni s’exprimer librement ? Je ne pense pas ! ». Ces différents discours montrent combien ces
valeurs sont vues par nos orateurs comme étroitement liées au développement durable. Certaines ayant un impact moins considérable que d’autres mais
tout autant liées. C’est le cas par exemple de l’égalité qui parait être moins décisive comparativement à une valeur comme la solidarité, le respect de la
nature et la tolérance, gage d’acceptation mutuel évitant les conflits.
2.11. Analyse de contenu de la question 6
Présentation : Pensez-vous qu’ils existent d’autres valeurs importantes dans les traditions Myènès que celles que nous avons citées ici ?
Page 234
Tableau 23. Valeurs dans les traditions Myènès
Sujet Valeur 1 Valeur 2 Valeur 3
1 Le Respect était primordial avant. Quand on
se respectait on ne pouvait pas agir d’une
manière néfaste et s’en foutre des représailles.
Le respect était lié à l’honneur de la famille. Et
l’honneur valait plus que l’or et l’argent.
Respecter les autres et les plus âgés étaient
aussi source de bénédictions. Et je pense qu’il
faut l’ajouter car on le peut pas parler des
traditions Myènès et oublier le respect. On
pouvait être libre mais on agissait en
respectant les autres. L’impolitesse et toute
marque de respect étaient sévèrement punies.
La patience. Et la persévérance. Ces deux valeurs
liées font la force d’un homme ou d’une femme.
Nos ancêtres disaient que dans la vie chaque chose
arrive en son temps. Un proverbe dit « togolo re
bonda gue gombé gani » c’est-à-dire que le piment
ne muri pas en une période qui ne lui soit pas
propice. Et que petit à petit on atteint son but.
« nkoula mori mori e djonoz’otondo » c’est une par
une qu’on remplit de noix un panier. Ces valeurs
sont en train d’être oubliées le gens veulent gagner
vite et sont impatients ce qui conduit à la
dégradation de notre environnement et à nuire aux
autres.
La communication
Voilà une autre valeur importante. Dans le
passé les gens se parlaient, par le regard, par
les gestes, mais toujours est-il qu’ils se
parlaient. Les couples par exemple étaient
solides. Les gens communiquaient entre eux,
avec les esprits, avec la nature et ils
vivaient en communion, en harmonie. Ce
qui se perd au fur et à mesure que le temps
passe. On enseignait la manière de dire et
l’importance des choses. Les nouvelles
n’étaient pas annoncées dans le désordre, il
y avait une préparation.
2 Respect
Je pense qu’on peut ajouter le respect. C’est
une des valeurs qu’on inculquait aux enfants.
Il s’agissait du respect en termes de politesse,
mais aussi du respect de son corps, des autres
et des choses. Concernant son corps et sa santé
un proverbe dit « Okuw’ébimbio » rappelant
Fraternité
La fraternité que les Myènès ont enseignée à leurs
enfants et à leurs descendants ne concernait pas que
les liens de sang. Son voisin de même village était
considéré comme un frère. Une personne d’une
autre ethnie mais du même clan était considéré
comme un frère. Enseigner la fraternité permettait
Le Dialogue
« onemè ne djona à wè ke ne toliza » c’est
un des proverbes qui est souvent utilisé dans
les palabres. Cela revient à dire que la
langue, par la parole peut tuer et peut
également sauver. En elle réside tant de
pouvoir. C’est pourquoi le peuple Myènè est
Page 235
qu’un corps se respecte, ne pas aller au-delà de
ses limites. Respecter les choses d’autrui,
respecter les autres et les ainés, ses parents
était primordial et essentiel.
de tisser des liens d’amour et de protection
mutuelle et d’éviter les conflits. Cela poussait les
gens à s’aider et à partager plus facilement car se
sentant liés, frère. Et ça nous devons continuer à
l’apprendre à nos enfants. Ce sont des valeurs qui
sont de plus en plus oublié et pousse à cultiver
l’individualisme et l’égoïsme
un peuple de dialogue. Dans chaque
évènement il y a une séance de palabre que
ce soit une naissance, un deuil, un mariage,
ou autre. La parole bien manié évite les
conflits et les rancœurs et par là les guères et
la violence. Il est donc important de
dialoguer que ce soit dans les familles, dans
le couple, entre les sociétés ou juste entre
des personnes. L’homme est différents des
animaux en ce qu’il a la parole et donc peut
tout régler par elle s’il sait le faire et veut le
faire. C’est donc une valeur qu’il faut
noter … Oui communiquer c’est important.
3 L’Amour devrait être la valeur de base même
du développement durable. Nos parents nous
enseignaient que l’amour était la base de tout,
quand on aime on ne détruit pas, on pardonne,
on aide et les gens sont heureux. Pour moi
c’est une valeur fondamentale. Aimer, s’aimer
et aimer les autres comme soi-même. Si on
aime les animaux, on le va pas les décimer, si
on aime la nature on le va pas la détruire pour
Le Respect est aussi une valeur très importante
dans nos traditions. Tout y est associé. En parlant
de liberté par exemple si un jeune ne pouvait pas
répondre à un vieux même quand il avait raison
devant lui c’était plus par respect que par manque
de liberté. Et respecter son rôle et sa place aussi
pouvait être vu comme de l’inégalité. En fait toutes
les actions étaient liées au respect. Oublier cette
valeur occasionne le désordre, la violence, brise les
L’Union fait la force. Il y a un proverbe qui
dit qu’ « un seul doigt ne peut laver la
figure ». s’il y a une autre valeur qu’on nous
enseigne dès l’enfance c’est l’union, l’unité,
une famille uni personne ne peut la détruire.
Et moi je pense que pour être uni il faut là
encore qu’il y ait beaucoup d’amour.
Page 236
de l’argent etc.
liens entre les générations et plein de choses
malsaines.
Dans ce tableau, nous avons pu découvrir qu’il existe d’autres valeurs importantes dans les traditions gabonaises qui sont associées aux valeurs de l’ONU et
qui ont une grande importance. Ce sont par exemple la valeur Respect qui implique le respect de soi et des autres, la valeur Fraternité, la valeur Amour et
la valeur Unité.
2.12. Interprétation question 6
Comme le tableau (5) l’indique, nos interlocuteurs pensent qu’ils existent d’autres valeurs qu’on pourrait ajouter comme valeurs de développement durable
présentes dans les traditions gabonaises Myènès. Ce sont les valeurs : Respect, Amour, Dialogue, Fraternité, Union, Patience et Persévérance.
La valeur Respect (Ibimbia) revient chez nos trois orateurs et en première position. Pour eux cette valeur était une des valeurs de base des sociétés et qui
permettait aux gens de vivre en parfaite harmonie. Il s’agit du respect de soi et des autres, des ainés aux plus petits. Cette valeur empêchait la violence et les
débordements. Par exemple en cas d’échange avec un plus âgé, par respect on ne lui répondait pas. Par respect les femmes prenaient rarement la parole en
public. Cette valeur était centrale. Par respect de soi on évitait de faire du mal. Cette notion était associée à celle d’honneur. Le respect de la parole donnée
par exemple. Cette valeur de respect, et notamment de respect mutuel, ainsi que la tolérance sont vus par le philosophe Hans Jonas comme valeurs clés pour
maintenir non pas la terre, mais les possibilités de la vie sur la planète70
.
D’autres valeurs aussi importantes sont proposées comme l’Amour (itonda). Cette valeur qui est selon notre interlocutrice à la base de tout et sur laquelle
tout repose. Il faut dire que c’est une femme qui l’a proposée. Les femmes étant celles qui portaient l’image de l’amour et qui était les vectrices de ce genre
70
Hans JONAS, cité par Herve KEMPF(2007) comment les riches détruisent la planète. (p. 10)
Page 237
de valeurs qu’elles enseignaient à leurs enfants. Nous ne sommes pas étonnés que, pour les
Myènès, l’amour est à l’origine de la tolérance, du partage, de la fraternité, du pardon et de tout.
C’est par amour pour les siens qu’on entreprend des choses contribuant à leur bien-être. C’est
par amour pour sa terre qu’on évitera de la détruire.
La Communication ou le Dialogue (ikamba) étant aussi une des valeurs fortes traditionnelles
qui pourrait être ajoutée comme valeurs de développement. Il s’agissait d’une communication
étendue entre homme/homme, homme/ nature, homme/ femme etc. Cette communication, signe
d’écoute et d’échange, évite ainsi les conflits et autres maux, et contribue ainsi au bien-être de
l’humain et à la cohésion tant dans l’espace de vie qu’avec les autres. Elle est proposée par
deux de nos sujets. C’est ainsi qu’on retrouvait des orateurs qui représentaient à la fois des
médiateurs, des historiens griots, portes paroles et de négociateurs (Ikambi). Sachant manier la
langue ils pouvaient changer une injure en politesse, trouver les mots pour calmer un conflit
(cas de deuil), négocier la valeur d’une dot (cas des mariages) etc. ces orateurs étaient formés
depuis l’enfance et assistaient leur initiateurs partout et dans différentes situations. Ils n’étaient
pas choisis au hasard. C’était des enfants qui souvent avaient des facultés de mémorisation,
d’attention et d’observation élevées. D’une intelligence d’analyse également. L’importance du
dialogue dans les sociétés traditionnelles était très prégnante. Ainsi, Avaro, dans son étude des
Myènès du bas ogowe, note en parlant de l’organisation villageoise que « la vie de relation du
village est assurée par la parole » (Avaro 1981, p. 84). Cette communication va au-delà du
simple échange de parole entre êtres humains, elle touche la nature et tout ce qui la compose,
les esprits des ancêtres et des lieux. L’auteur souligne dans son analyse de la loi ancienne
« ipangilungu » que l’Orungu de cette période est « un être réel, extrêmement vivant qui
communique avec tous les êtres vivants, avec les autres hommes et avec les autres forces de la
nature que sont le milieu et l’environnement réel » (p.111)
La Fraternité (iyano) en aussi une valeur fondamentale. Celle-ci s’inculquait dès la tendre
enfance par exemple par le fait de manger dans le même plat, et se cultivait tout au long de la
vie. Il était strictement interdit de se battre avec un frère ou une sœur. Aucune colère, aucune
querelle ne pouvait justifier le fait d’en arriver aux mains. Ce genre d’acte était puni
sévèrement. Ainsi un frère n’était pas seulement celui avec qui on partageait les mêmes parents
et les liens génétiques. Cette fraternité renforçait les liens, encourageait la solidarité et
l’entraide mutuelle.
Page 238
L’Union (Ota, kongô), quant à elle, était une valeur fortement associée à l’Amour et à la
Fraternité. Les proverbes et les contes ne manquaient pas pour enseigner les bienfaits de
l’union. « omen’omori are djovun’ozo » pour dire « qu’un seul doigt ne peut laver un visage ».
L’union faisant la force. Une famille, un peuple uni étant plus fort face à l’ennemi, pouvant
aller plus vite et donc gage d’essor et de durabilité.
La Patience et la Persévérance sont pour nos orateurs des valeurs clés qui vont de pair. Ces
valeurs qui étaient inculquées par différents procédés : chez le petit garçon par la pratique de la
pêche, de la chasse, des activités manuelles de tissage et de sculpture, par exemple la pêche à la
ligne de fond, le tissage de filet, la fabrication de pirogue… ; chez la petite fille lors des rites
initiatiques, la pratique de l’agriculture, les conseils dans la gestion du foyer. La patience étant
signe de sagesse, elle empêche de laisser place à l’emportement, à la colère. Elle est un signe de
maturité et de maitrise de soi et des situations. Aussi cette vertu était considérée comme
nécessaire pour la vie en communauté dans la société traditionnelle Myènè. Celle-ci découle
directement de l’amour et de la fraternité. Il en est de même pour la persévérance qui empêchait
l’envie, le découragement et donc de s’adonner aux pratiques facilitatrices et nuisibles pour soi
et pour les autres. Une philosophie du positivisme. C’est ainsi que rares étaient les situations où
les gens abandonnaient. C’est par exemple une des raisons pour lesquelles des femmes qui
subissaient tromperies, humiliations et violences restaient et ne quittaient que très rarement le
bateau du couple et vice versa.
3. Conclusion de l’étude 2
L’étude des équivalences en langue locale des valeurs de développement durable a été menée
par des entretiens auprès des orateurs de cette langue. Elle a permis de montrer que les
traditions gabonaises Myènès font référence aux valeurs de développement durable
mentionnées par l’Organisation des Nations Unies (ONU). Ces valeurs sont connues de nos
orateurs qui ont pu démontrer leur existence à travers des exemples de vécus dans lesquels
ces valeurs étaient enseignées et utilisées dans les comportements au quotidien. Nous
pouvons alors conclure que l’hypothèse H1.2 postulant l’existence d’un équivalent en langue
locale des valeurs de développement durable de l’ONU est vérifiée.
Page 239
Pour vérifier l’hypothèse H2 « Les populations rurales gabonaises portent des valeurs de
développement durable au regard de leurs pratiques qui sont différentes de celles de l’ONU ».
Deux études ont été menées relatives à chacune des hypothèses opérationnelles qui en
découlent.
L’étude 3 concerne l’hypothèse H2.1 et s’appuie sur une analyse documentaire. L’étude 4
concerne l’hypothèse H2.2., au travers d’une analyse photographique.
ETUDE 3 : LES VALEURS VUES A TRAVERS LES PRATIQUES ET LES
VECUS DURABLES TRADITIONNELS
Cette troisième étude a pour objectif de repérer les valeurs de développement durable de l’ONU
en analysant les pratiques passées. Elle se propose de répondre à l’hypothèse h2.1 qui postule
que « par les pratiques traditionnelles durables des populations rurales gabonaises on peut
déduire des valeurs durables ».
Pour cela, une analyse documentaire passera en revue les écrits sur le « patrimoine »
traditionnel des habitants, le patrimoine définissant « pour une population donnée ce qu’elle
investit comme valeur essentielle dans son rapport à la nature et aux hommes »71
. Un premier
point (1) décrira la méthode (matériel et procédure). Le second (2) portera sur les résultats
regroupés par valeur avant de conclure.
71
Rédaction de la revue des sciences de l’homme, avant-propos.
Page 240
1. La méthode
1.1. Le matériel
Nous nous appuierons sur des documents gabonais ayant étudié la vie des ancêtres gabonais et
plus spécifiquement ceux de la contrée de l’Ogooué. Ainsi nous nous référerons aux œuvres de
Raponda Walker (1934)72
en passant par Ambourouet Avaro (1981)73
, jusqu’à tout récemment
l’ouvrage de « référence » (2004) 74
comme le souligne Koumba Zaou, portant sur les formes
traditionnelles de gestion des écosystèmes. Celui-ci renvoie non seulement aux
communications enregistrées par le Laboratoire Universitaire de la Tradition Orale (LUTO) à
l’occasion d’un séminaire spécialisé, mais fait aussi le bilan de différents travaux menés autour
de cette thématique. Il balaie diverses problématiques liées à la question du développement
durable comme, par exemple, le patrimoine botanique (la protection, la préservation et la
gestion de la forêt, les savoirs traditionnels sur les plantes…). Ces études nous seront
précieuses car elles renvoient notamment à la valeur « Respect de la nature ».
1.2. La procédure.
L’analyse consiste à revisiter, à partir des écrits retraçant la vie, tant sociale, politique,
économique qu’environnementale de nos ancêtres gabonais, les usages et les pratiques en lien
avec chacune des valeurs préconisées par l’ONU dans le cadre du développement durable.
72
André Raponda Walker, "Notes d'histoire du Gabon", Mémoires de l'Institut d'Etudes Centrafricaines, n° 9,
Brazzaville, 1960.
André Raponda Walker, Dictionnaire Français-Mpongwè, Fondation Mgr Raponda Walker, Les Classiques
Africains, Libreville, 1961, 1995.
André Raponda Walker, Dictionnaire Mpongwè-Français, Fondation Mgr Raponda Walker, Les Classiques
Africains, Libreville, 1934, 1995.
André Raponda Walker(1955) les idiomes gabonais, similitude et divergences, BIEC, N°10, Brazzaville, PP.123-
236 73
André Raponda Walker(1924) les tributs su Gabon, BRC, N°4, PP 55-101. 74
Il est intitulé : Revue Gabonaise des sciences de l’homme : actes du séminaire les formes traditionnelles de
gestion des écosystèmes au Gabon.
Page 241
2. Résultats
2.1. A propos de la valeur respect de la nature
Le rapport Brundtland cite cette valeur en préconisant de montrer de la prudence dans la
gestion de toute espèce de vie et des ressources naturelles, conformément aux préceptes du
développement durable.
L’observation des relations qualitatives existant entre les Gabonais en particulier, et les
Africains en général, et la nature intéresse les scientifiques depuis le début du siècle dernier. Un
des points de vue marquant est celui du botaniste français Auguste Chevalier qui affirmait dans
son ouvrage intitulé «Les rapports des noirs avec la nature » que « L’homme d’Afrique avant
l’arrivée des blancs, au moins dans l’intérieur de la forêt, vivait dans un véritable équilibre
biologique avec tous les êtres végétaux et animaux, qu’il connaissait et qu’il savait utiliser, ou
dont il pouvait se défendre sans aller jusqu’à l’abus et jusqu’à la destruction »( Chevalier, -
1934, p. 123). Au cours de ses divers voyages en Afrique noire, il a pu souvent constater
combien les indigènes de toutes les peuplades primitives étaient en rapports étroits avec la
nature, combien était grande leur connaissance de tous les êtres de la faune et de la flore de leur
pays, et combien ils savaient tirer parti d'êtres et de choses souvent insignifiantes pour les
civilisés (…). Pour l’auteur l’homme noir est en vérité un grand protecteur de la nature ; loin de
l'asservir à ses fantaisies, il n'occupe parmi les autres êtres qu'une place raisonnable. Au
moment où certains organismes cherchent à organiser la protection de la nature, l’auteur a
voulu montrer que les peuplades primitives savaient souvent la respecter tout en tirant parfois
un parti très judicieux de ses productions. Selon Avaro (1987), la forêt et les animaux ont
longtemps constitué un système auquel l’homme était intégré, ils formaient tous ensemble une
totalité. Il écrit ainsi « L’homme Gabonais est le parent des animaux, il les appelle ses frères, il
mène la même vie que les animaux les imitant voire les admirant. Il les tue par nécessité » (p.
89-90). L’importance qu’a cette valeur de protection de l’environnement peut s’observer dans
les différentes pratiques et croyances de gestion de l’environnement mises en place par
l’homme. C’est ce que nous allons démontrer en nous penchant sur les pratiques et activités des
Gabonais que sont : l’exploitation des ressources, les interdits et forêts sacrées, les rites
initiatiques, la tradi-thérapeutie, les totems et tabous, la chasse et la pêche de subsistance.
Page 242
L’exploitation raisonnée des ressources
En milieu rural gabonais, les personnes ont toujours entretenu un lien étroit et de bonne facture
avec leur environnement. Le respect pour cette nature nourricière et vitale a toujours été très
important. Toute espèce vivante appartenant à cette nature est dotée d’un esprit qui peut entrer
en communication avec les humains, conçus comme une espèce vivante parmi d’autres. Cette
relation de presque qu’égal à égal et donc harmonieuse a permis un développement des
comportements de préservation, de gestion raisonnée et donc plus que positive entre les
écosystèmes et leurs habitants. Le proverbe Myènè « onomé nyama » qui peut se traduire
littéralement par « l’homme est un animal » l’illustre bien. Non seulement dans le sens de la
force, mais aussi celui où l’homme comme l’animal se nourrissent de ce qui les entourent s’en
inspirent et donc adoptent les mêmes gestes. L’homme étant le semblable de l’animal et des
autres êtres de la nature, tous ayant un esprit, une vie qu’il faut respecter et réserver. Ce constat
est confirmé par les études réalisées par le département d’Anthropologie de l’université Omar
Bongo du Gabon. Ces dernières relèvent que pour les Gabonais, la biodiversité est une richesse.
Au Gabon, le paysan ne cherche pas à transformer profondément et définitivement
l’écosystème naturel. Il préfère le modifier en douceur, par couches de biomasse, de diversité
génétique, de structure verticale et horizontale. Même quand il abat et brûle des arbres, il ne fait
qu’un accroc dont il sait qu’il cicatrisera. Il ne substitue pas son ordre à celui des choses
naturelles, son fils fera de même et son petit- fils après lui. Ainsi de générations en générations,
s’édifie un système de production qui imite autant que possible l’écosystème naturel de la
région considérée (Bourobou, 2004, p.4). C’est fort de ces considérations que l’exploitation des
ressources naturelles s’est faite de manière rationnelle jusqu’à ce jour. Ainsi :
- La recherche du bois de chauffage se limitait essentiellement au bois mort
- La collecte de fruits se limitait au ramassage.
- L’exploitation des plantes médicinales se limitait à la récolte des écorces, des racines,
de feuilles. Les arbres étaient recouverts de terre sur les parties blessées après extraction
des écorces pour aider à la régénération. Toute précaution était prise pour que l’arbre ne
subisse aucun dommage.
- Pour l’extraction du miel, les arbres n’étaient pas abattus, le miel était extrait sur l’arbre
à l’aide de pâte d’écorce de Caloncoba welwischii (Flacourtiaceae) qui endormait au
Page 243
préalable les abeilles. Cette pratique est très connue des pygmées Bakola de Mékambo
et encore en usage chez ces peuples.
- Pour les cultures sur brûlis, pendant les opérations de défrichement, de nombreux arbres
fruitiers n’étaient pas abattus mais plutôt préservés : Gambeya lacourtiana (abam,
bambou), Coula edulis (coula)…
- Le matériau de construction était prélevé en général dans la forêt secondaire où les
gaulis75
étaient coupés et les écorces destinées à la confection des cloisons prélevées.
Les liens traditionnels existant entre les Gabonais et leur environnement ont conduit les
habitants à développer des modes de gestion particuliers qui ont été transmis de générations
en générations au travers de différentes techniques et astuces, tant à explications
rationnelles que spirituelles pouvant être qualifiées d’irrationnelles. Ces modes de gestion
ont permis de protéger la nature et de conserver la biodiversité.
Interdits et forêts sacrées
Pour la majorité des populations gabonaises, la terre n’est pas un bien marchand. Elle
appartient à Dieu, aux ancêtres, au lignage, au clan, à la famille76
. Lorsqu’une forêt était
considérée comme sacrée parce qu’abritant par exemple un centre d’initiation, cette forêt était
interdite à toute personne étrangère et non initiée tant en termes de fréquentation que d’activité
de tout genre. Tel est le cas des forêts consacrées au rite djèmbè77
dont l’iwega78
en est
l’exemple concret. Cela permettait aux espèces animales et végétales de s’y reproduire et
d’être préservées en toute sécurité.
Ainsi il y avait une préservation des espèces animales et végétales dans la mesure où la force
des croyances mystiques locales empêchait toutes personnes extérieures, ainsi que les
braconniers de s’y rendre et de se livrer à la sur chasse et à leur tendance destructrice des
espèces rares.
Par ailleurs, il existait des interdits liés au sexe, à l’âge, à l’état physiologique contribuant à leur
manière, aussi infime soit-elle, à la préservation de la biodiversité de la faune et de la flore.
75
Tiges très hautes mais de faible diamètre 76
Page 23 77
Rite initiatique Myènè réservé à l’origine aux femmes. Quelques rares hommes sont acceptés. Il se passe entre
forêt et village et le lieu sacré est l’iwenga ; 78
Lieu consacré et sacré de l’initiation du rite djèmbè
Page 244
Les rites initiatiques
L’ « ivanga » chez les Myènès est un exemple, parmi tant d’autres, de rite initiatique, de
liturgie qui permet de reconnaitre et d’honorer les principes qui constituent l’essence des êtres
et des choses de la nature (Avaro, 1981, p.231) ; et donc qui magnifie l’interaction entre
l’humain et son environnement pris dans sa globalité. La vision du monde ou l’horizon de sens
chez ce groupe ethnique du Gabon est caractérisé par le principe de continuité entre les êtres et
les choses (Onanga Opape, 2004, p.230). Ce rite impose le respect de la nature et des êtres
vivants qui le peuplent, allant de la plante à l’animal, du visible à l’invisible.
La tradi- thérapeutie
Pour se soigner, les populations villageoises connaissent plusieurs applications médicinales à
base de flore de la forêt. Dans les pratiques traditionnelles de médecine locale, le détenteur du
savoir ne prélevait que ce qui lui était nécessaire pour constituer son breuvage et les organes
étaient prélevés sur l’arbre de manière rationnelle ; une écorce pouvait suffire comme
ingrédient. Toutes les précautions étaient prises pour que l’arbre ne subisse aucun dommage :
on prenait soin, par exemple, de mettre un peu de terre pour l’aider à se régénérer (Mounzeo,
2004, p.12-13). La transmission du savoir en matière de pharmacopée se faisait toujours en
étroite harmonie avec l’environnement, aucun organe du végétal ne pouvait être prélevé sans
rituel préalable. Et ce, dans la mesure où on attribuait aux plantes une âme, un esprit, en tant
qu’être vivant qu’il faut respecter et à qui on ne doit pas ôter la vie pour rien. Ce savoir se
retrouve également dans la pensée du Docteur Albert Schweitzer dans son étude intitulée « Les
grands penseurs de l’inde79
« on ne doit tuer, ni maltraiter, ni injurier, ni tourmenter, ni
pourchasser aucune sorte d’être vivant, aucune espèce de créature, aucune espèce d’animal, ni
aucun être d’aucune sorte » (Schweitzer, 1936, p.65). Cette manière de procéder contribuait
ainsi à la gestion de l’écosystème, car dans un village il n’y avait pas plusieurs tradipraticiens ;
on les comptait sur les doigts d’une main
Page 245
Totems et tabous
Le totem animal est selon Mboumba-Moulambo, Elloue-Engoune, Ivanga et Ndjoyi (2004)
« un porteur d’affinités naturelles. Il peut permettre à l’homme d’orienter sa vie psychique et
émotive dans un milieu et à un rythme favorables à son destin » (p. 31). Les liens
qu’entretiennent l’homme avec son totem lui interdisent de le chasser, de consommer sa
viande, de lui infliger tout traitement négatif, de le couper, de l’écorcher lorsqu’il s’agit d’un
arbre, comme par exemple l’arbre ibula chez les kota et Kwélé. Il lui doit reconnaissance dans
la mesure où généralement, dans l’histoire des totems, l’animal ou l’arbre totem l’est devenu
parce qu’il aurait apporté une aide vitale à l’un des membres d’un clan. En remerciement, ce
dernier consent à lui procurer tout soin et à le protéger lui et toute sa descendance. Exemple
d’histoire Aghedjé à qui l’ancêtre doit la vie à un perroquet. Pendant qu’il se faisait attaqué par
des tueurs qui lui demandèrent s’il était seul. Il répondu non. Les brigands lui exigèrent de
lancer un appel à ces compagnons. Ce dernier désespéré, lança un appel qui eut un écho
favorable chez les perroquets gris qui ensemble répondirent ce qui effraya les bandits. En retour
les perroquets exigèrent de lui d’apporter à ses descendants tout soins et attentions favorables,
de ne jamais leur faire de mal et même de ne point marcher sur leurs excréments. Ce qui fut fait
et jusqu’à ce jour, les membres de ce clan protègent les perroquets et ne marchent pas sur leur
excréments cela pouvant occasionner la mort de cette bête). Le totem est ainsi une puissance
naturelle qui met en équilibre l’homme ou son clan tout entier. Et gare à celui qui viole cette
règle de protection car les répercussions peuvent aller des affections corporelles, mystiques,
psychiques à la mort.
Chez les Myènès, sociétés reposant plutôt sur des structures parentales (Avaro, 1981 p.61), le
clan (nbuwé), pierre angulaire de ce système, regroupe des individus se réclamant d’un ancêtre
commun très souvent mythique métissé, hybride, association organique homme-animal ou
homme-végétal. Ce métissage contribue ainsi à la protection de l’animal ou du végétal associé
et par voie de conséquence à la protection et à la promotion de la diversité biologique végétale
et animale puisque le totem n’est pas le même pour tous les clans (sanglier, silure, éléphant,
perroquet, panthère etc).
79
Walter Henriette, 1937, Les grands penseurs de l’Inde, Payot, Paris, 208P.
Page 246
La chasse et la pêche de subsistance
Dans les sociétés traditionnelles, la chasse et la pêche ont une importance capitale. En effet, la
survie des populations en est étroitement dépendante car leur permettant de se nourrir.
La place centrale de la chasse traditionnelle dans la vie des populations africaines a depuis
longtemps été démontrée par les chercheurs. C’est le cas de Murdock (cité par Houben et al,
1999, p.78) qui, bien avant les années 1958, a dressé un inventaire de la chasse en Afrique. Sur
740 ethnies considérées, près de 83% dépendent au moins partiellement des ressources
sauvages et 62% d’entre elles pratiquent la chasse.
Cela l’a conduit à affirmer que « l’Afrique est le continent où la faune revêt la plus grande
importance pour les populations. La chasse traditionnelle se pratique pour des raisons
alimentaires » (Murdock, 1995). Les pratiques traditionnelles permettent aux espèces de se
renouveler. En effet, dans les sociétés traditionnelles, tout le monde ne pouvait pas se prévaloir
chasseur. En effet, il fallait, avant l’intronisation en qualité de chasseur, un apprentissage
minutieux d’un savoir-faire respectueux de la vie animale, des zones praticables et accessibles,
d’une parfaite maitrise des interdits (animaux tabous, totems, forêts sacrées, etc) et d’un savoir
être.
L’utilisation d’armes rustiques (chez les Myènès du bas ogowè, par exemple, la chasse se faisait
au piège « orambo », à la sagaie, puis au filet) et l’absence de technique de conservation des
produits de la chasse ou de la pêche empêchaient les prélèvements excessifs.
Ainsi les traditions gabonaises transmises par voie orale ont contribué de génération en
génération à la protection de la nature. Cette valeur transmise au travers de rites initiatiques,
Par exemple, de techniques de pêche et de chasse et de prélèvements des espèces, de
l’intégration des espèces de la nature comme êtres vivants à part entière au même titre que
l’homme, est bien connu par les populations.
2.2. A propos de la valeur solidarité
Les peuples Gabonais comme la quasi-totalité des peuples d’Afrique sont reconnus pour leur
sens de la solidarité. Ceci se manifeste tant envers les personnes de la même famille, du même
clan, de la même ethnie, du même village, que des personnes venues d’ailleurs. Il est d’ailleurs
Page 247
rare de voir en milieu rural gabonais des personnes dans la rue ou sans domicile, sauf quand il
s’agit de malades mentaux.
Cette solidarité peut s’observer chez les peuples Myènès et remonte à bien longtemps. A
l’époque de l’ipangilugu80
, (bien avant l’arrivée des occidentaux). Par exemple, le travail
s’opérait de manière collective, chacun contribuant à l’effort commun. Les activités agricoles,
la construction des cases réunissaient tous les membres valides de la famille et du village.
(Ogoula Mbeye, cité par Avaro, p.119).
Lorsque survenait un deuil, la solidarité était effective et agissante, aidant ainsi les personnes
éprouvées à surmonter la douleur et la tentation du désespoir. Les gens venaient de très loin
pour assister, parents, amis etc.
Par ailleurs, les liens unissant les personnes, qu’ils fussent sanguins ou ethno-claniques,
passaient souvent au-dessus des préjugés et autres appréhensions des différences. Il était rare
d’entendre des termes comme « cousin, demi-frère », le terme le plus communément utilisé
étant celui de « frère ». Toute personne en âge d’être notre mère était plutôt appelée « Maman »
et « Papa » pour les hommes. Ces appellations qui tendent à réduire la distance à l’autre
augmentent le sentiment de fraternité et de solidarité. Partager et aider son prochain est l’un
des principes de base inculqué dès la tendre enfance. C’est ainsi que la nourriture étaient mises
dans un plat commun afin d’apprendre aux individus à penser aux autres, à partager. Les
proverbes en lien avec cette philosophie de la solidarité sont nombreux dans les ethnies du
Gabon ; citons à titre d’exemple un proverbe en Myènès qui dit « ezaguo ézaguo ékéraguero
évolo’égno’anka » qui se traduit par « le peu se partage et le grand se consomme seul »
(Ombouhiry, 2012), présupposant que si l’on apprend à partager quand on a peu, il sera
impossible de ne pas le faire quand on aura beaucoup.
Les systèmes parentaux et claniques
Traditionnellement, la solidarité en milieu gabonais allait au-delà de l’entraide la plus simple et
la plus primaire, du partage d’objet ou de repas. Elle pouvait atteindre le bien inestimable
qu’était l’humain. Dans le groupe Myènès par exemple, Avaro illustre comment la solidarité et
l’énergie des systèmes parentaux et claniques régissait et entretenait la vie sociale des sociétés
80
L’ancienne société régie par une norme sociale avant l’arrivée des premiers occidentaux
Page 248
rurales. Elles s’exprimaient avec force dans les échanges et dons des êtres humains, dans la
mesure où ceux-ci représentaient l’unique valeur. C’est le cas par exemple de deux sœurs dont
l’une était stérile. L’autre lui donnait un de ses enfants. Dans ce contexte, donner était une force
inséparable de la générosité (Avaro, 1981, p.66).
Il était également fréquent de voir une femme allaiter l’enfant d’une autre, absente pour des
raisons de santé ou pour des occupations champêtres.
De plus, lors des récoltes, chasse, pêches, cueillettes, les produits étaient partagés entre voisins
et selon la taille de la famille de manière plus ou moins équitable.
Les travaux champêtres étaient l’occasion où l’entraide étaient la plus manifeste. On entamait
le débroussage d’une plantation ensemble et l’on passait à la suivante, ce qui allégeait la tâche
de chacun et réduisait les délais. Identique pour la phase d’abattage à laquelle les hommes s’y
adonnaient ensemble et les femmes ensemble préparaient des met copieux et divers que tous
partageaient autour de discussions animées. On se donnait des coups de main pour semer,
récolter, construire une case, ce qui évitait notamment les dépenses et la recherche de main
d’œuvre. On se prêtait des objets (pirogues, pagaies etc.) et le problème de l’un était le
problème des autres.
La valeur « solidarité » est une des valeurs clé de la société gabonaise. Un exemple typique est
celui du groupe « Ngwè-Myènès », groupe sur lequel porte cette étude, qui considère que la
nature a des lois et des valeurs qui la régissent. Ainsi, lorsque la compétition prend le pas sur la
coopération et la concorde, c’est un signal de rupture avec les lois de l’écosystème qui sont
gérées par la nécessité de la solidarité (Onanga-opape, 2004, p.222). Cette solidarité s’explique
par le fait que la société traditionnelle gabonaise, à l’exemple des Myènès, était une société
collectiviste. Cependant ce collectivisme était de nature différente avant et après l’arrivée de
l’homme blanc et l’instauration des Rois et autres formes de gouvernance. Avant l’arrivée de
l’homme blanc, il s’agissait dans l’ipang’ilungu de ce que Triandis et al. (2002) ont nommé la
culture collectiviste horizontale, celle qui met l’accent sur l’empathie, le fait d’être sociable et
la coopération (Triandis et Gelfand, 1998). Elle est tout à fait différente du collectivisme qui
s’est instauré avec l’arrivée de l’homme blanc qu’on peut qualifier avec Bond et Smith (1996)
de collectivisme vertical, c’est-à-dire mettant l’accent sur les traditions, la cohésion et le
respect des normes du groupe et des directives des autorités.
Page 249
2.3. La tolérance
Si l’on considère la tolérance telle que définie dans le rapport Brundtland (1987) qui prône le
respect que doivent avoir les gens, dans toute leur diversité de croyance, de culture et de
langage81
, on peut aisément considérer le Gabon comme un pays où la tolérance est une valeur
centrale dans la société et qui tient particulièrement à cœur aux populations. Cette manière
d’agir, de s’accepter tout en acceptant l’autre dans sa différence, remonte au passé traditionnel
des populations de ces pays. Ainsi, Il n’était pas rare de voir au sein du même village des
ethnies différentes qui vivaient et continuent de vivre dans une parfaite harmonie.
En effet, ce pays a une diversité culturelle et linguistique importante puisqu’il a en son sein
plus de 56 ethnies divisées en groupes puis sous-groupes.
Malgré cette multitude de groupes ethniques, il est rare de voir des problèmes graves survenir
entre deux ou plusieurs sujets, pour des raisons ethniques. Cette nation n’a jamais connu de
guerre ethnique ou raciale. Cette tolérance remonte à un passé lointain de chez hommes, à
l’exemple des peuples Myènès pour qui le genre humain apparait sans frontières, ils ignorent la
notion d’étranger. Il concevait la société de la façon la plus large possible, l’humain étant le
frère de l’humain, et même des animaux (Avaro, 1981). Cette parenté transcende les liens
sanguins et ethniques pour atteindre ceux de l’esprit au travers des rites initiatiques. Aussi,
l’existence chez les peuples gabonais d’un univers de sens qui rattache chaque être et chaque
chose à un signifié au travers des rites initiatiques (à l’exemple de l’ ivanga), tout cela lié
jusqu’ au signifié ultime, le génie et l’ancêtre (une porosité à l’imaginal-communautaire-relié
codé par les ancêtres dans la nomination des espaces éco systémiques, fruit de la métamorphose
de l’espace extérieur en un espace imaginal) va créer une tolérance très large permettant à son
tour l’existence dans le même espace de personnes et de familles ou de lignées d’êtres et de
choses qui cohabitent constituant des ensembles tellement cohérents (Avaro, 1981, p. 231).
Cependant, l’existence de certains principes de base ne doivent pas se confondre avec de
l’intolérance. C’est le cas par exemple du principe « d’Ikumuna 82
» dont la traduction littérale
peut s’en approcher mais qui, en réalité, permet de respecter les différences et les cultive même
de manière outrancière (Opape, 2004, p 230).
81
Et la non crainte et non réprimande des différences entre les sociétés, qui au contraire doivent être chéries
comme un atout précieux de l'humanité, promouvant activement une culture de paix et le dialogue parmi toutes les
civilisations 82
La différenciation,
Page 250
L’analyse de l’ipanga (ipangilugu)83
faite par Avaro semble plus claire en ce qui concerne
cette valeur de solidarité. L’auteur souligne que, pour comprendre la vie des anciens de cette
contrée avant l’arrivée des blancs et au sortir de la forêt, il suffit de regarder l’ipanga84
. Il la
qualifie de livre ouvert, une danse clanique par excellence, une danse sociale. Il voit en elle la
danse de la société humaine retraçant le vécu de la société passée. Cette dernière contribue à
l’intégration et l’acceptation de tous : elle réunit les deux sexes, hommes et femmes en font
partie. Tous les métiers, tous les rôles, toutes les couleurs sont représentées. Signifiant ainsi
que, quels que fut leur travail, leur personnalité, leur couleur, tous les êtres humains faisaient
partie de la société et s’y sentaient à l’aise. Ils y avaient leur mot à dire, ils y étaient écoutés et
acceptés. L’auteur voit en cette danse le reflet d’une société à très faible différenciation sociale
où certaines activités n’entrainaient pas le mépris et l’exclusion des autres.
Comme nous venons de le voir, la tradition gabonaise et spécifiquement Myènè, prône la
tolérance tout en respectant et en promouvant les différences comme une richesse et un moyen
d’identification propre de chacun, de chaque groupe avec ses spécificités. Tolérance parce que
toutes les formes de vie et d’intelligence, qu’il s’agisse d’hommes, d’animaux, d’arbres ou de
rochers, n’ont qu’une seule origine (p.228). Lorsqu’on reconnait et qu’on honore les principes
qui constituent l’essence des Etres et des choses de la nature par le biais d’une liturgie comme
« l’ivanga », on devient plus attentif à l’altérité (p.231). Dès lors s’instaure une tolérance. Et
comme le souligne l’auteur, c’est cette tolérance très large qui permet l’existence dans le même
espace de personnes, de familles ou de lignées d’êtres qui cohabitent en formant un ensemble
cohérent. Cela va induire des attitudes envers les partenaires de la vie sociale qui sont alors
considérés comme solidaires car tous frères.
2.4. A propos de la valeur Egalité
Bien que l’égalité soit vue en termes d’opportunité et de droit (aucun individu, aucune nation
ne doit être empêché de l’opportunité de bénéficier du développement. L’égalité des droits et
opportunité des hommes et des femmes doit être assurée), parler d’égalité dans en milieu rural
et dans le cadre traditionnel est délicat. Si l’on considère les différents travaux portant sur les
rites initiatiques et autres, l’égalité est souvent reliée à la question du genre, et des rôles à jouer
83
Ipanga = discipline, ipangilugu = discipline ancienne, mais une discipline librement consentie, sans contrainte
selon P.V.POUNAH cité par AVARO p.111 84
Il s’agit ici de la danse rituelle traditionnelle
Page 251
dans la société. Ainsi traditionnellement les us et coutumes gabonaises ne parlent pas d’égalité
dans la mesure où les opportunités dépendent des variables socio-biographiques des individus
(sexe, âge et statut que la personne occupe au sein du village ou de la contrée). Soulignons que
cette vision découle de travaux et d’observations des traditions après l’arrivée des blancs. Ce
qui suppose une modification. En effet, Avaro qui s’est intéressé à la vie des Myènès avant
l’arrivée des blancs évoque une égalité antérieure qui aurait été altérée par l’arrivée des intérêts
économiques. Sur la question du mariage et de ce qu’il a appelé ipangilugu85
. Par ailleurs
l’auteur voit dans la danse ipanga, « le reflet d’une société égalitaire dans son principe et
démocratique » (p.112) qui ne connait pas les différences fondées sur les apparences, les
artifices et l’utilisation d’éléments extérieurs à l’homme. Une société sans politique où les
hommes y sont considérés pour eux –mêmes sans les éléments matériels et intellectuels que
leur donne la société. Un ensemble cohérent qui concilie diversité et énergie, individualisme et
société. Un des signes extérieurs de cette égalité serait le port de l’uniforme.
a. La question de l’égalité des genres
Un homme n’a pas les mêmes droits, les mêmes devoirs qu’une femme. Par exemple,
concernant les travaux champêtres, le débroussaillage et l’abattage reviennent aux hommes
quand le reste des tâches d’entretien de la plantation (l’ensemencement, le nettoyage ou
désherbage, la récolte…) revient aux femmes. Les travaux ménagers, quant à eux, sont
réservés aux femmes.
Sur le plan alimentaire, certaines parties de gibier, généralement les meilleures, et certains mets
sont réservés aux hommes. Les interdits et rites contribuent à promouvoir cette inégalité.
L’homme et la femme, bien qu’entretenant un rapport de complémentarité, restent inégaux,
l’un étant sous l’autorité de l’autre. L’homme est considéré comme le chef de la famille et de la
femme. Ces inégalités clairement établies sont même reprises par la loi de la république
gabonaise. A titre d’exemple : « L’homme est le chef de famille (article 253 du Code civil).
L’épouse lui doit obéissance (article 252 du Code civil). Il choisit le lieu de résidence et la
femme est obligée d’habiter avec lui (articles 114 et 254 du Code civil). L’homme, quel que soit
le régime matrimonial choisi lors du mariage, peut changer d’option en cours de mariage
(article 232 du Code civil)…
Pourtant, lorsqu’on revisite avec Avaro l’histoire du peuple Myènè au travers de la danse
Ivanga issue de l’Ipangilugu, on peut entrevoir une société égalitaire dans laquelle le chef est
85
Dans la règle de l’exogamie sous clanique, en d’autres termes qualifié de mariage en dehors du clan
Page 252
souvent une femme. Ce miroir de la société traditionnelle d’un lointain passé montre que les
hommes, à l’inverse des traditions courantes et de la loi actuelle, sont complémentaires par leur
contribution aux travaux de force (le service d’ordre, la police au sens physique) et pour les
travaux matériels. Ils aident les femmes en qualité d’exécutants. Les véritables responsables,
tant de l’ordre que de la morale, sont des femmes. Les chefs sont les femmes, ce qui va à
l’encontre de la loi énoncée précédemment. Ce changement serait intervenu avec les
modifications de l’ipanga après l’abolition de l’esclavage. Dans l’ipang’inyona (la nouvelle loi,
norme sociétale) ce sont les hommes qui désormais profitent de tous les avantages et en
premier plan les dirigeants. Chaque être n’a plus la liberté d’expression qui lui était dûe dans
l’ipang’ilungu. « Seuls les hommes politiques s’expriment dans cette nouvelle société. Les
fonctions représenté dans le nouvel ipanga sont exclusivement politiques, patriarcales ; les
métiers quotidiens, ceux qui exprimaient la vie dans l’ipang’ilungu ont disparu.
L’ipang’inyona est une société fermée, une société secrète, la société des notables » (Avaro,
1981, p 190). Cette nouvelle norme favorise les inégalités sociales et culturelles. La place de la
femme se détériore devenant au même titre que les animaux et les végétaux une catégorie
« inférieure ». L’introduction de l’école par les missionnaires va contribuer à empirer ces
inégalités faisant fi de la loi clanique de l’égalité des conditions, des chances, du partage égal
des biens matériels et culturels en priorisant une élite masculine. Cet enseignement a eu les
mêmes conséquences que la religion, en retirant l’homme du milieu naturel et en l’orientant
vers l’abstraction (p. 235). Nous partageons l’analyse de l’auteur qui voit dans cette nouvelle
société une société masculine dans laquelle la force publique est au service des chefs devenus
des antisociaux. Une société proposant à l’homme un idéal de vie dont l’aboutissement est
l’annihilation de lui-même, axé sur les inégalités, la mollesse et le loisir ; l’initiative étant
désormais interdite avec l’obligation de passer par le canal de la loi politique.
b. L’égalité générationnelle
Un jeune et un vieux ne peuvent avoir les mêmes opportunités et les mêmes droits. En effet,
dans les traditions gabonaises, la place accordée à une personne âgée est prépondérante et
importante. Par exemple, lors d’une visite chez une famille voisine, la première chaise sera
offerte en priorité à la personne âgée. Par ailleurs, lors des conseils de famille ou de clan, il
n’est pas poli pour un jeune de prendre la parole au milieu des vieux, même si celui-ci détient
(p. 65), l’égalité d’accès aux biens était la source majeure de cette législation
Page 253
davantage de connaissances. Il partagera son opinion à un de ses proches qui se fera un plaisir
de la transmettre. De même la parole d’un vieux n’a pas la même importance, le même poids et
la même valeur que celle d’un jeune. On dit souvent que « quand les grands parlent, les enfants
écoutent et se taisent ». La jeunesse étant souvent associée à l’immaturité et la vieillesse à la
sagesse. Ce véto imposé par le critère « âge » s’observe également dans le cadre de la
consommation où certains mets, généralement les plus délicieux, ou certaines parties
d’animaux étaient réservés aux personnes âgées. C’est pourquoi les opportunités ne pouvaient
être les mêmes. Par exemple, s’il arrivait un accrochage ou un conflit entre un jeune et un
vieux, aucun médiateur ne pouvait donner raison au jeune, même si le vieux était en tort. On
pouvait lui donner raison de manière officieuse et jamais en public. Ces actes qui semblent faire
montre d’injustice et d’inégalité étaient posés dans un souci de maintien du respect. Ce dernier
étant une valeur clé dans les sociétés traditionnelles.
c. L’égalité due au statut
De même que pour l’âge et pour le sexe, le statut occupé dans la société jouait un rôle
important. Les cultures gabonaises plus récentes n’accordent pas de place équitable aux
différentes composantes de la société.
En effet, le chef de famille ou du clan ne peut être un membre au même titre que les autres. Sa
place est prépondérante dans le village et aux yeux de tous. Il en est de même pour un tradi-
praticien ou pour une guérisseuse. On leur réservera le meilleur des choses. Dans un partage de
biens, ils bénéficieront des objets de plus grande valeur. Dans le cadre du travail, les
opportunités sont d’abord offertes au chef et ensuite aux autres. Un chef reste un chef et à
chacun sa place et ses chances. Par exemple un enfant né hors mariage ou pas reconnu par son
père ne bénéficiait pas du même statut et des mêmes droits qu’un enfant reconnu ou
« racheté ». Cette vision déterministe de la société s’est imposée lors de l’implantation de la
sédentarisation qui a conduit à l’intronisation des royautés, chefferies et autres pouvoirs d’ordre
politique. Elle est donc très postérieure à l’ipang’ilugu (Avaro, 1981). Cependant, ces
inégalités dues au statut, bien que prenant une autre forme, sont en train de se modifier avec le
modernisme qui permet à chacun d’évoluer grâce à l’école et d’avoir les mêmes chances et les
mêmes opportunités.
Page 254
2.5. A propos de la valeur liberté
La liberté en tant que valeur définie par l’ONU consiste en ce que les hommes et les femmes
aient le droit de vivre leur vie et d’élever leurs enfants dans la dignité, libre de faim, de peur de
violence, d’oppression ou d’injustice. La démocratie et la gouvernance participative basées sur
le bien-être des peuples et sur leur devenir doivent assurer ces droits. Dans cette perspective
nous pouvons dire que le milieu rural est un milieu où la liberté a toute sa place.
Ainsi, il suffit de remonter dans l’histoire du Gabon (Avaro, 1981) pour comprendre la place
importante qu’avait la liberté. On note, dans les mariages traditionnels Myènès, que le bien par
excellence, à savoir l’Etre l’humain, ne devait pas être l’objet d’une possession exclusive,
égoïste. Sa circulation restait libre. Ainsi, bien que mariée, la femme gardait des liens forts avec
sa famille et son clan. Elle pouvait leur rendre visite pour diverses raisons (assister un parent
malade, après un accouchement, pour se mettre à l’abri des brutalités d’un mari ou aller
simplement les voir). Du reste, le droit de visite à la famille biologique était un droit naturel
pour la femme et les enfants, ce qui contribuait à harmoniser les relations essentielles entre
parents et beaux-parents.
Cependant, il est important de souligner que la liberté des populations était régie par un
ensemble de lois de respect des rites et interdits imposé par les croyances qui constituait une
sorte de police. Cela instaurait une certaine peur des représailles qui régissait la vie, les
comportements et les actions des personnes. Par exemple, lors de la période d’empoisonnement
des eaux86
, il était et est toujours interdit aux femmes de se laver dans le fleuve sous peine de
prendre le risque de pourrir vivante. Les femmes, bien qu’ayant envie de se laver, n’avaient pas
la liberté de le faire par peur. Il semblerait que ces interdits soient en fait liés à un souci
d’hygiène et de sécurité. Il en est de même pour les forêts sacrées. Une balade en forêt était
ainsi conditionnée au respect de limites qu’il ne fallait pas dépasser. Certaines personnes
auraient disparu en les transgressant, notamment dans des forêts réservées aux rites initiatiques
djèmbè. Un chant du rite initiatique djèmbè stipule à ce propos « iga gnér’ikawo n’ikawo » ce
qui veut dire que, dans la forêt, il existe des limites dont certaines ne doivent être franchies sous
aucun prétexte.
86
C’est une période de l’année de Novembre à décembre durant laquelle les eaux s’empoisonnent dans la petite
rive de l’Ogooué. Ce mystère n’a pas encore été résolu scientifiquement. Toujours est-il que les poissons
s’étourdissent, meurent et sont pêchés à la main, au harpon.
Page 255
2.6.A propos de la valeur Partage de responsabilités.
Le partage de responsabilité était une valeur étroitement liée au contexte de vie. Nous voyons
avec un exemple de l’ipang’ilugu qu’un maître avait le devoir de répondre de la faute de son
esclave en payant « épenga » (une compensation matérielle). Il en était de même pour un père
qui portait sur lui la responsabilité de son fils, responsabilité qui impliquait aussi parfois tout le
clan (p. 229). Cette tendance au partage de responsabilité conduisait les individus à bien se
comporter, le déshonneur de l’un étant celui de toute une famille, de tout un village ou de tout
un clan, une tribu.
3. Conclusion étude 3
En somme, lorsqu’on opère un retour dans les traditions gabonaises, à l’exemple des
traditions Myènès du bas de l’Ogowé au travers de l’ipangilugu décrypté par Avaro, on
réalise que la société traditionnelle gabonaise connait les valeurs que prône le développement
durable actuellement. Cette société d’avant l’arrivée des blancs, est une société égalitaire,
ouverte vers l’extérieur, tolérante. Elle combat la différenciation sociale en intégrant chacun
et en faisant participer tous ses membres hommes, femmes et enfants à l’effort commun.
C’est une société de liberté et de considération mutuelle. Dont l’entraide et la solidarité
étaient des valeurs porteuses de sens et coulant de source. D’où on peut conclure de
l’existence de ces valeur et que notre hypothèse h2.1 est vérifiée.
Page 256
ETUDE 4 : ANALYSE DES VECUS ACTUELS EN MILIEU RURAL.
Cette étude a pour objectif de montrer que les ruraux actuels ont hérité des pratiques de leurs
ancêtres et de répondre à l’hypothèse H 2.2 (Les pratiques traditionnelles existent encore en
milieu rurales). En effet, au Gabon, les milieux ruraux sont les greniers des traditions
ancestrales. Bien que de plus en plus ouvert au modernisme, la majorité des savoirs faires sont
issus des ancêtres, et donc très liés aux traditions. Ainsi, les manières de cultiver restent de type
traditionnel. La pêche encore pratiquée reste une pêche de subsistance. Les objets en matériaux
naturels sont devenus rares en ville mais demeurent à usage quotidien dans les villages. Les
pratiques de recyclages sont ancrées dans les habitudes des villageois. Rien ou presque rien
n’est jeté, tout se réutilise.
Dans cette étude nous feuillèterons quelques images prises par nos soins qui montrent que les
villages du Gabon restent attachés à des pratiques traditionnelles durables.
Ce travail sera structuré en deux grands points que sont (1) la méthode et, (2) L’analyse
photographique.
1. La Méthode.
Dans cette partie sera présenté (1.1) le lieu de prise des images et (1.2) le matériel
photographique.
1.1. Lieu de prise des images
Les images qui vont être présentées ci-dessous ont été prises au village Yombe 2 (dans lequel a
également été menée notre pré-enquête) et dans les campements alentours, notamment un
campement de pêche et de plantations. Elles montrent des activités et des produits du quotidien
des populations, hérités de leurs ancêtres. Ces activités sont pour beaucoup porteuses de valeurs
respectueuses de la nature et des êtres.
Page 257
1.2. Le matériel : les photographies
Avant les années 1990, la photographie a été utilisée dans les sciences de terrain comme
l’archéologie afin de faciliter la prise de notes et d’attester de l’existence des faits observés.
Elle a été introduite dans des années 1925 dans les sciences telles que l’ethnologie avec les
travaux de Mauss (1969) et l’anthropologie avec les travaux de Malinowski (1922), Bateson et
Mead (1942) et plus récemment dans les sciences sociales en général avec les travaux de
Collier et Collier (1986) et Wallendorf (1987).
Au-delà d’être une simple preuve, une matière à témoignage, la photographie devient avec
Bateson et Mead (1942), un véritable matériau de recherche à part entière. Pour ces auteurs, ce
qui est important, ce n’est pas la photo mais son analyse. Si la photo est souvent utilisée comme
une illustration, c’est que, le plus souvent, elle a été prise de telle sorte à permettre au chercheur
d’illustrer le comportement qu’il cherchait à démontrer (Worth, 1980 cité par Dion et Ladwien,
2005).
Elle est donc un outil de recueil d’informations, au même titre que l’entretien individuel ou
l’observation. Cependant elle présente d’autres avantages. Ainsi, elle permet à l’observateur de
faire de multiples lectures de « l’objet photographique » en tant qu’objet matériel, support ou
trace. Contrairement à une situation d’observation classique, l’analyste peut revenir à l’image
aussi souvent qu’il le souhaite, en examiner tous les détails et faire diverses hypothèses sur le
tableau spatio-temporel qu’il est en train d’exploiter. En ce sens, Barthes (1980) souligne que la
photo « livre tout de suite ses « détails » » (p.52) et qu’elle « permet d’accéder à un infra-
savoir » (Dion et Ladwien, 2005, p. 54). Elle offre au chercheur une puissance analytique
certaine.
Ainsi seront présentées l’analyse de quelques images en lien avec des pratiques à leur tour en
lien avec les valeurs durables.
2. L’analyse photographique
Dans cette partie sera effectuée une analyse des images. Celle-ci portera sur deux types
d’images ancrées dans les traditions et reflétant : (2.1) les pratiques qui contribuent à la
protection de l’environnement et des espèces, puis, (2.2) les activités favorables au bien-être
humain social.
Page 258
2.1. Les images de pratiques qui contribuent à la protection de l’environnement et des
espèces.
Les habitants du village yombe2 perpétuent les pratiques ancestrales qui ont jusqu’ici contribué
non seulement à la protection de l’environnement mais aussi à la préservation des espèces
animales et végétales. En effet, ils ne prélèvent dans leur environnement que le strict nécessaire
à leur survie et de manière responsable. Ces manières de faire reflètent la place et l’importance
des valeurs de développement durable telles que les valeurs « protection de la nature » et
« respect ».
Pour en attester, quatre images seront décrites. Elles ne couvrent pas bien entendu l’ensemble
des pratiques actuelles durables utilisées dans ce village mais ont été choisies parce qu’elles
constituent des éléments illustratifs ayant du sens.
Image 1 : pêche traditionnelle de subsistance et conservation à l’ancienne
La première image montre du poisson salé laissé à sécher en exterieur dans un espace amenagé.
Ces poissons sont étalés sur un perchoir fabriqué en cœur de bambou. Nous sommes ici en
saison sêche, période de pêche propice et considérée par décret récemment par les autoritér
Page 259
locales comme « période où la pêche est autorisée ». Le respect des périodes de pêche favorise
la reproduction des poissons. Pour pallier les pénuries durant la période d’empoisonnement87
et
de post empoisonnement des eaux, les habitants créent des campements de pêche périodique
pendant la saison sêche afin de constituer leurs vivres.
Les seuls moyens de conservation utilisés sont le salage et le fumage des poissons. Les
poissons sont prélevés à l’aide de filet dont la taille n’exède pas 30 mètres et les mailles sont
assez grandes pour épargner les plus petits poissons. Il s’agit plus généralement d’une pêche
familiale ; les produits de la pêche sont distribués entre les membres de la famille et une petite
part est parfois vendue afin d’acheter d’autres biens de consommation quotidiens tels que le
savon, l’huile, les allumettes etc. Cette manière de procéder a traversé les générations.
87
Dans cette partie de l’Ogooué il y a une période de grande marée (Décembre, Janvier, Février) durant laquelle
les eaux s’empoisonnent naturellement, ce qui provoque la fuite ou la mort des poissons. Cela entraine une
pénurie, une disette durant quelques mois. Les populations ont appris à prévenir et ainsi à constituer des vivres en
poissons salés et fumés, les seuls moyens de conservation efficaces.
Page 260
Page 261
Image 2 : La chasse de subsistance et Partage
La deuxième image montre un homme en train de dépecer un gibier, fruit de sa chasse. En effet
les populations gabonaises rurales vivent encore de pêche et de chasse comme à l’époque de
leurs ancêtres. La faune dans cette région est riche et diversifiée. Il ne s’agit que d’un seul
gibier car la chasse reste une chasse de subsistance effectuée de manière raisonnable. On ne tue
que ce qu’on va manger. Cette chasse n’est pas pratiquée par tous. En effet, elle s’effectue au
moyen d’un piège, mais de plus en plus souvent d’un fusil. Or, peu de personnes disposent d’un
fusil et très peu savent et/ou ont le courage de le manier. Le gibier est traditionnellement
dépecé au bord de l’eau afin de faciliter son nettoyage et de fournir aux poissons les restes des
animaux. Il sera distribué entre toutes les familles proches du village.
Image 3 : L’agriculture traditionnelle
Nous sommes ici dans une plantation qui peut être considérée comme un potager. Celle-ci se
situe juste à l’arrière des maisons. C’est la plantation de secours qui est implantée là où était
Page 262
aménagé le fumier88
. Y sont semés les légumes (aubergines, piments, tomates, oseilles etc), les
bananiers de différentes espèces douces et plantains. Et un peu plus loin le manioc, la patate
douce et bien d’autres plantes de l’alimentation quotidienne. Cette manière de procéder
contribue à préserver certaines semences, à enrichir les sols naturellement sans besoin en sus
d’engrais chimiques et à disposer de nourriture à portée de main.
On y plante aussi des arbres fruitiers comme les manguiers, les attangatiers etc. Les produits
récoltés sont de très bonne qualité (voir annexe). Ces plantations sont un pilier du partage, de
l’échange et de l’accueil convivial. Ils sont utiles lorsqu’on reçoit tardivement ou à l’improviste
des voyageurs de passage.
Image 4 : Recyclage et réutilisation des objets
88
Poubelle à ciel ouvert où ne sont jetés que les déchets biodégradables dont les restent alimentaires, les
épluchures, la cendre des foyers etc. c’est un véritable composteur. Qui pour des raison que nous estimons être
d’hygiène et de sécurité comportait des interdits non seulement pour certains déchets mais aussi certains gestes
comme s’y soulager, le fréquenter sans raisons valable etc.
Page 263
Sur cette image on voit des grilles de ventilateurs à l’intérieur desquels des poissons ont été
fumés puis posés sur un foyer encore allumé. En milieu rural et depuis bien longtemps, les
populations font preuve d’une capacité d’adaptation notable en termes de réutilisation des
objets. Cela protège les aliments des animaux domestiques comme les chats et les poules. Bien
entendu d’autres objets sont ainsi presque automatiquement recyclés. C’est le cas des boites
vides qui sont percés à l’aide d’une pointe afin de faire des râpes, des pots en verre qui servent
de verres, des fûts vides aplatis servant de grandes poêles pour griller le farine de manioc (gari)
etc. (voir Annexe)… Ces objets sont partagés au sein du village, facilitent la vie de tous les
habitants et jouent un rôle non négligeable dans la consolidation des liens relationnels. Ainsi,
tous ces comportements sont durables parce qu’ils participent au bien être environnemental
mais aussi humain et social.
2.2. Les activités favorables au bien-être humain social.
Pour leur bien-être physique et social, les populations rurales ont depuis longtemps appris à
observer et à se servir du milieu qui les environne, créant ainsi une symbiose entre la nature et
les êtres. Dans ce paragraphe sera analysé une série de quatre images retraçant des scènes de
pratiques quotidiennes utiles et favorables au bien-être humain et aux relations
communautaires. Elles balaient l’artisanat et l’alimentation naturelle jusqu’au transport.
Page 264
Image 5 : l’artisanat durable
Alors même qu’en ville l’usage des sacs plastiques est de plus en plus courant pour transporter
les aliments, en milieu rural gabonais on trouve encore certains objets de l’artisanat local et
fabriqués à l’aide de la liane locale. Citons notamment les paniers. Cette image montre deux
femmes dans un champ de manioc. La première a un panier sur le dos et la seconde deux
paniers empilés portés à l’épaule. Ces paniers servent au transport. Ils permettent de garder une
bonne posture, évitent les maux de dos et sont utiles pour transporter plusieurs vivres de la
plantation vers le village grâce à une ceinture. La ceinture de maintien peut être portée à la tête
ou aux épaules. Mais dans ce village elle est généralement portée sur la tête. Les paniers
servent aussi à la pêche. Et quand ils sont vieux et usagés, ils servent à tremper les tubercules
Page 265
de manioc dans les rivières tout en les protégeant des nuisibles. Ce sont aussi des objets
partagés entre les membres du village. Il est courant de se les passer. L’usage de ces paniers par
les habitants favorise la conservation d’un savoir-faire ancestral qui se raréfie, préserve la santé
physique et favorise le partage et la consolidation des bonnes relations.
Image 6 : L’alimentation naturelle et locale.
Cette image nous présente une scène de préparation de l’un des aliments les plus consommés
au Gabon et spécifiquement dans cette région : le manioc. D’un côté la pâte de manioc attachée
en bâtons. Et d’un autre des tubercules de manioc qui ont été au préalable trempés dans l’eau et
cuisinés à la vapeur (Ipotis). Cette manière de cuisiner en se servant des feuilles est ingénieuse.
Elle découle des connaissances transmises de générations en générations. Il s’agit de feuilles de
paille tissées entre elles à l’aide de fines tiges de bambou. Parfois tressées avec des ficelles en
papyrus, on retrouve de plus en plus des ficelles en plastiques issus des sacs d’emballage de
Page 266
riz. Un mélange de tradition et de modernisme. Après la cuisson, là encore ce manioc sera
partagé.
Image 7 : L’alimentation naturelle et locale suite.
Les populations villageoises mangent des produits issus de leur environnement, donc ayant une
empreinte écologique insignifiante. Comme on peut le voir sur cette image, presque tout ce qui
est dans cette assiette est prélevé et préparé sur place. Il s’agit d’une assiette de machoiron89
péché sur place à d’odika90
accompagné de tubercules de manioc d’une espèce jaune douce et
sucrée. Cette alimentation saine et naturelle contribue au bien-être et surtout à la santé des
personnes.
89
Poisson sans écaille de la famille des silures qu’on retrouve en eau douce au Gabon. 90
Souvent appelé chocolat indigène, il est issu des noyaux d’une mangue « sauvage » ou amandes riches en huile
et en nutriments.
Page 267
Image 8 : le transport et déplacement
La dernière image de cette série concerne le transport. On peut y voir un homme sur une
pirogue, pagaie à la main. Les pirogues sont un élément important pour le bien-être des
populations rurales de ce village. Elles sont de fabrication manuelle à l’ancienne. Elles
supposent tout un art allant du choix de la bille à transformer, jusqu’à la fabrication. Pour aller
au champ, à la pêche, partout on utilise le plus souvent la pirogue. Comme elle, la pagaie est
aussi sculptée dans le bois. Toute deux sont indispensables à la vie quotidienne de ces gens.
Elles marquent aussi les relations entre les personnes. Bien qu’il en existe de plus modernes à
moteur hors-bord, les pirogues de fabrication traditionnelle restent très présentes et très utiles.
Elles sont économiques (on n’a pas besoin d’acheter du carburant), moins polluantes (elles ne
font pas de bruit), pratiques pour les rivières et marigots et même très maniables pour remonter
le fleuve et avancer face au courant.
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3. Conclusion étude 4
En somme, lorsqu’on regarde les images reflétant certaines pratiques des populations rurales de la
zone de l’Ogooué, et particulièrement du village Yombe 2, on peut aisément dire que ces populations
restent attachées aux savoirs traditionnels hérités de leurs ancêtres. Donc on peut conclure que notre
hypothèse H2.2 qui affirme que les pratiques traditionnelles existent encore en milieu rural est
vérifiée.
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ETUDE 5 : LES ETUDIANTS FACE AU DEVELOPPEMENT DURABLE
Cette cinquième étude permettra de répondre aux deux premières hypothèses opérationnelles de
cette troisième hypothèse H3 : « Les valeurs prioritaires pour les populations gabonaises sont
différentes de celles de l’ONU ». Celles-ci stipulent que :
• H3.1. Les valeurs prioritaires des étudiants sont différentes de celles de l’ONU
• H3.2. Les étudiants proposent des valeurs de développement durable différentes de
celles prônées par l’ONU.
Ce travail a porté sur les étudiants résidants au sein du campus universitaire Omar Bongo de
Libreville. Celui –ci s’est déroulé durant la période de décembre 2013 à janvier 2014. Il
présente (1) la méthode et (2) le traitement des résultats.
1. La méthode
Dans cette partie, seront abordés les points relatifs au choix du (1.1) cadre d’étude, de (1.2) la
population d’étude, (1.3) du matériel et (1.4) de la procédure.
1.1. Le cadre d’étude
Le cadre d’étude désigne généralement à l’environnement dans lequel l’enquête a été menée. Il
renvoie au terrain d’enquête, au lieu où existent les faits, où l’on recueille les informations et
les données nécessaires au travail scientifique (Lacombe, 1992).
Notre travail a été mené au sein de l’université Omar Bongo de Libreville. Cette université est
la plus grande et la plus ancienne du pays. Elle est la première université gabonaise créée en
1970 à la suite de l'éclatement de la Fondation pour l'Enseignement Supérieur en Afrique
Centrale (F.E.S.A.C.) qui existait depuis la période de l'indépendance des territoires d'Afrique
Equatoriale Française (A.E.F.). Cette université a donné naissance, par décentralisations et
Page 270
privatisations, à la plupart des autres institutions d’enseignement et concentre le plus grand
nombre d’étudiants au Gabon.
A l’origine nommée « Université Nationale du Gabon », elle sera rebaptisée «Université Omar
BONGO» (UOB) en 1978 par le président de la république de cette époque et porte ce nom
jusqu’à ce jour. Cette université ne compte plus que deux facultés depuis 2002. Ce sont la
Faculté de Lettres et des Sciences Humaines et la Faculté de Droit et des Sciences
Economiques. Ainsi à la suite de plusieurs décentralisations successives, des universités,
instituts et grandes écoles ont vu le jour. Tel est le cas de l'Université des Sciences et
techniques de Masuku (U.S.T.M.) à Franceville (1985), de l'Université des Sciences de la Santé
(U.S.S.) à Owendo, de l’Institut National des Sciences de Gestion, de l’Institut Supérieur de
Technologique, de la Faculté de Médecine et des Sciences de la Santé, de l’Ecole Nationale
Supérieure de Secrétariat; de l’Ecole Normale Supérieure, de l’Ecole Normale Supérieure de
l'Enseignement Technique...., qui progressivement ont obtenu un statut moral, une autonomie
administrative et financière.
Depuis plusieurs années, quelques établissements privés ont aussi vu le jour. Nous pouvons
citer l’exemple de l'Université Polytechnique de Kougouleu (UPK) qui est un établissement
privé d'enseignement supérieur tourné vers le monde du travail et de l’Université Africaine des
sciences, de l’AFRAM etc.
Mais certaines activités de ces structures se déroulent au sein de l’université Omar Bongo car
elle dispose du plus grand campus universitaire de la capitale et des amphithéâtres de plus
grandes tailles. L’université Omar Bongo offre ainsi un espace d’accueil lors des concours ou
d’autres évènements tels que les réunions d’informations de rentrée scolaire. C’est au cours de
l’une d’entre elles que nous avons pu contacter des étudiants de l’enseignement supérieur privé
et public.
Situation de l’enseignement au Gabon
Lorsqu’on parle de développement durable, l’éducation et la formation sont des facteurs clés. Il
est donc essentiel de se pencher la situation de l’enseignement supérieur au Gabon pour mieux
comprendre l’intérêt d’une démarche de durabilité dans ce pays. Nous n’en soulignerons que
quelques aspects même si la complexité des problèmes à la fois économiques, sociaux et
culturels demanderait une analyse plus poussée. En effet, le nombre d'étudiants n'a pas cessé
Page 271
d'augmenter depuis ces dernières années dans les universités entrainant des conditions de
travail et de formation de plus en plus difficiles (Amvane, 2010)91
. De plus, l’absence d’un
troisième cycle contraint les étudiants gabonais à se rendre obligatoirement à l'étranger pour
poursuivre leurs études, ce qui conduit à des dépenses exorbitantes de l’Etat. . En effet; il offre
à ses étudiants des bourses pour aller étudier à l'étranger au-delà de des bourses nationales.
Eyeghe Ndong dira à ce propos que «chaque année, l'Etat dépense, à l'extérieur du pays, plus de
40 milliards de francs pour la formation des jeunes gabonais » (voir. le journal « l'Union » du 4
avril 2007 cité par Amvane, 2010). Bien qu’étant l’un des pays les plus riches d'Afrique et
faiblement peuplé (environ 1,6 millions d’habitants), le Gabon n’a pas suffisamment investi en
termes d'universités modernes.
L’attribution des bourses, bien que basée sur des critères au départ louables92
tel que le mérite
(la moyenne obtenue) et le critère social (qui permet à une diversité d'enfants de financer leurs
études dans une formation supérieure, quelles que soient leurs conditions sociales, et qui
détermine le lieu de poursuite des études), devient problématique aussi bien pour l'Etat que
pour les étudiants. Elle entraine sur le long terme une dévalorisation du système éducatif local
et par voie de conséquence, des compétences des étudiants qui sont restés étudier au Gabon. De
plus, on constate une perte des étudiants les plus prometteurs qui s’explique par les difficultés
qu’ils rencontrent à l’étranger dans la poursuite de leurs études. En effet, bien souvent, ces
derniers perçoivent des bourses bien en deçà du minimum vital, et sont obligés de travailler au
péril de leurs études afin de boucler les fins de mois. A ce propos Amvane (2010) révèle que «
de tous les boursiers gérés par le CNOUS français les jeunes Gabonais ont la bourse d'étude la
plus faible, pour faire preuve d'euphémisme. La bourse d'un étudiant d'un quelconque autre
pays inscrit en première année d'université peut ainsi payer celle de deux doctorants Gabonais,
le jeune de première année restant encore avec un peu d'argent pour payer une chambre en
cité universitaire et sa nourriture du mois. Cette situation est tellement dégradante que le
Gouvernement français a dû déroger à une de ses lois qui interdit de cumuler Bourse d'études
91
http://archives-lepost.huffingtonpost.fr/article/2010/02/11/1935951_les-etudes-superieures-au-gabon-les-
nouvelles-universites.html 92
L'Arrêté 000105/MFEBP/DGBS du 25 mars 1996 portant fixation des taux de bourses d'entretien et d'allocation
aux élèves et étudiants boursiers au Gabon et à l'étranger, le Précis d'information de la Direction générale des
bourses et stages et la pratique de cette direction dégagent les principaux critères suivants : Pour bénéficier de la
bourse de l'Etat gabonais, il faut être de nationalité gabonaise, être titulaire d'un baccalauréat ou un diplôme
équivalent, être âgé de moins de 22 ans, avoir obtenu une moyenne supérieure ou égale à 10 sur 20. Sur ce dernier
point, il existe une certaine progressivité.
- De 10 à 12/20, le nouveau bachelier peut prétendre à une bourse nationale, mais à partir de 11/20, il peut se
rendre dans un pays africain de son choix, en dehors l'Afrique du sud.
- De 12 à 14/20, il peut se rendre en Afrique du sud, en Europe, et dans certaines autres régions du monde
- A partir de 14/20, il peut aller poursuivre ses études au Canada ou aux Etats-Unis.
Page 272
et petits jobs pour les étudiants étrangers résidant en France. On peut la lire comme suit : il est
interdit aux boursiers étrangers résidant en France de cumuler leurs bourses avec une
quelconque autre rémunération d'un job d'étudiant exercé sur le Territoire français, exception
faite aux boursiers Gabonais. Et même, les boursiers Gabonais bénéficient d'une préférence
dans l'attribution des chambres en cité universitaire, vu que leur bourse ne leur permet pas de
payer un loyer en appart. ».
Bien que des réflexions aient été menées depuis quelques années pour apporter des réformes,
les actions restent insuffisantes. En somme, le système éducatif gabonais actuel est loin d’être
responsable et durable au vu de ces quelques éléments.
Peut-on alors parler de valeurs de développement durable dans ce pays sans s’intéresser à la
population étudiante qui constitue une part importante de la société ? Quand on sait que la
jeunesse représente le présent et l’avenir et que les étudiants d’aujourd’hui sont les dirigeants et
des salariés de demain ?
1.2. Les caractéristiques de l’échantillon
La composition de notre échantillon est présentée ci-dessous
Tableau 24. Caractéristiques socio biographiques des sujets
Effectif % Moyenne Ecart-type
Sexe
Homme
Femme
503
235
268
46,71%
53,28%
Age 503 23.14
ans
3.95 ans
Situation matrimoniale
Célibataires
Mariés
Fiancés
Union libre
divorcés
50.69 %
14.51%
4.77%
30.02%
1%
Nombre d’enfants
Page 273
0
1
2+
73.76 %
16.10%
10.14%
Type de structure universitaire
Université
Grande école
81.11%
18.89%
Diplôme préparé
Licence
Master
64.21%
35.79 %
Activités pratiquées
Groupe
Individuelle
aucune
52.29%
29.42%
17.49%
Fréquentation Village
Jamais
1à 3 fois
4+
30.02
60.44%
9.15%
Notre échantillon comprend 503 étudiants dont 46,71 % d’hommes. Cette répartition va dans le
sens de celle de la population gabonaise dans laquelle les femmes représentent une tranche plus
importante que les hommes. Cela indique aussi que le Gabon, à l’inverse de nombreux pays
d’Afrique, a un taux élevé de scolarisation de femmes dans le supérieur. Il épouse les
statistiques générales de l’UNICEF93
qui montrent qu’au Gabon le taux d’alphabétisation des
femmes (15-24 ans) entre 2007 et 2012 97%. Ce qui est à encourager.
L’âge varie entre 17 ans et 40 ans. L’âge moyen étant de 23,14 ans pour un écart-type de 3,97
ans, ce qui indique une dispersion assez étendue autour de la moyenne.
Lorsqu’on prend en compte les caractéristiques familiales telles que le statut matrimonial et le
nombre d’enfants, il apparait que les célibataires représentent plus de la moitié de l’échantillon
(50.69 %). Les unions libres sont de plus en plus courantes (30.02%), preuve que les jeunes
sont de plus en plus libres dans leur choix matrimoniaux. Seuls moins d’un quart de cet
93
http://www.unicef.org/french/infobycountry/gabon_statistics.html
Page 274
échantillon est engagé avec 14.51% d’étudiants mariés (mariage coutumier et civil y compris)
contre 4.77% de personnes fiancées.
Le tableau des résultats indiquent que près des ¾ des étudiants n’ont pas d’enfant (73.76 %).
Cela va dans le sens du constat national attestant que plus on poursuit des études, moins on a
d’enfants. 16.10 % des participants ont un enfant et 10.14% on deux enfants ou plus. Notre
échantillon comprend 81.11% d’étudiants en université, pour seulement 18.89% en grandes
écoles.
. Le lieu de passation étant l’université Omar Bongo, de plus la plus grande du pays, peut
aisément expliquer ce résultat. 64.21% ont un niveau licence (première, deuxième ou troisième
année) et 35.79 % un niveau master (première ou deuxième année). Les Gabonais comme les
Africains, accordent une grande place à la communauté. Il n’est pas rare de voir se constituer
des groupes de travail afin de créer une dynamique de travail de groupe, de solidarité mutuelle
et de partage de connaissance. Ils aiment en général pratiquer des activités sportives, artistiques
etc. en commun ; cependant certains préfèrent faire ces mêmes activités seuls ou ne pas faire
d’activités. Nos résultats reflètent cette tendance puisque 52.29% pratiquent une activité de
groupe contre 29.42% qui mènent des activités individuelles et 17.49% qui n’en pratiquent
aucune.
30.02% ne se rendent jamais au village, 60.44% 1 à 3 fois par an et 9.15% au moins 4 fois.
1.3. Matériel
Le questionnaire est composé de cinq parties :
- Le questionnaire des valeurs de Stern, Dietz, Abel, Guagnano et Kalof (1999). Il permet
d’évaluer le niveau d’importance que les individus accordent aux valeurs. Il comporte
quinze items (par exemple, un monde en paix et une vie excitante)
Nous avons ajouté 5 items issus de la préenquête (par exemple, Amour et fraternité) et
avons modifié quelque peu la consigne.
Ainsi, la consigne« Indiquez le degré d’importance que vous accordez à chacune de ces
valeurs » est devenue « Quelles sont les 6 valeurs les plus importantes pour vous ?
Classez- les par ordre d’importance en leur attribuant un chiffre à partir de (1, 2, 3, 4,
Page 275
5,6), de la plus importante à la moins importante pour vous ». Cela obligeait les sujets à
hiérarchiser leur choix.
- Le questionnaire « Sustainable Developement Values » (SDV) de Shepherd, Kuskova et
Patzelt (2009). Il a été traduit en français, en utilisant la méthode de la traduction
inversée préconisée par Vallerand (1989), et testé auprès d’un échantillon d’étudiants et
de professionnels gabonais. Il comprend 20 items répartis en 6 dimensions
correspondant aux 6 valeurs en lien avec le développement durable : liberté, égalité,
solidarité, tolérance, respect de la nature, partage de responsabilité (Leiserowitz, 2006).
La consigne consiste à cocher le degré d’accord avec chacun des items sur une échelle
de réponses en 7 points, allant de (1) « pas du tout d’accord », à (7) « tout à fait d’
accord ».
Exemple d’item pour la valeur solidarité
7. L’argent gagné n’a pas à
être redistribué aux autres
1 2 3 4 5 6 7
Ceux qui gagnent le plus
doivent apporter une aide à
ceux qui gagnent le moins
- Le troisième questionnaire est celui de Schultz (2005) qui comporte 13 items et mesure
les préoccupations pour les questions environnementales liées au changement
climatique et ses conséquences. Pour l’auteur, la préoccupation pour les questions
environnementales est en lien avec les valeurs de la personne. La consigne était :
« Donnez votre avis sur les items suivant de 1 (pas important) à 7 (très important) en
réponse à la question : Je me sens préoccupé(e) par le problème du réchauffement
climatique à cause de ses conséquences sur … ».
Par exemple,
« Je me sens préoccupé(e) par le problème du réchauffement climatique à cause de ses
conséquences sur :
Les générations futures
Page 276
3. Pas préoccupé(e) 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 Très préoccupé(e) »
- le quatrième questionnaire a été construit pour les besoins de l’enquête. Composé de 9
items, il repère les connaissances générales que les sujets ont du développement durable
et de ses valeurs, et cerne également leurs propres valeurs.
Par exemple, « Selon vous le développement durable traite de :
L’environnement Du social L’économie
La gouvernance Aucun des quatre Tous les quatre
La dernière partie regroupe les données signalétiques et est adaptée au type de population
(étudiants, salariés).
1.4. Procédure
Pour rencontrer nos étudiants, nous nous sommes rendus dans différents départements de
l’université et avons rencontré des responsables de communication des formations afin
d’obtenir des autorisations d’accès aux réunions d’information. Ces rencontres réunissent des
étudiants de tous les niveaux et de tous les milieux, issus des grandes écoles ou de l’université.
Nous avons assisté à toutes les réunions qui se déroulaient dans les amphithéâtres de
l’université. A la fin de chaque réunion, le responsable enseignant nous présentait, ce qui a
facilité l’implication des étudiants et leur participation. Nous leur expliquions que cette
recherche était menée dans le cadre de notre étude doctorale. En qualité d’ancienne étudiante
Page 277
de cette université, les étudiants manifestaient une bienveillance et nous encourageaient à
poursuivre. Ils ont tous pris avec sérieux cette étude.
Aidée d’une amie de l’université, nous avons distribué les questionnaires. Puis nous leur
énoncions les consignes à suivre pour chacune des échelles constituant le questionnaire. Nous
avons souligné que l’anonymat des réponses et l’importance de répondre à toutes les questions.
Cependant, une dizaine de questionnaires nous ont été retournés incomplets. Nous avons pu
recueillir 503 questionnaires.
2. Les résultats
Dans les lignes qui vont suivre seront présentés les résultats de notre étude.
2.1.Analyse descriptive des résultats relatifs à l’importance accordée aux valeurs.
Rappelons que les participants devaient attribuer un chiffre de 1 à 6 aux six valeurs qui lui
paraissaient les plus importantes, 6 correspondant à la valeur la plus importante.
Tableau 25. Les six valeurs les plus importantes
Valeur citée Valeur citée en 1er Score
pondéré*
Score % Score %
Monde en paix 449 89.26% 67 13.32% 1684
Solidarité 401 79.72% 141 28.03% 1783
Justice sociale 342 68% 51 10.14% 1200
Protection de
l’environnement
332 66.00% 46 9.15% 1262
Amour 283 56.26% 46 9.15% 885
Tolérance 230 46% 35 6.96% 807
Unité 184 36.58% 23 4.57% 636
Fraternité 160 31.81% 34 6.76% 640
Respect de la terre 145 28.83% 18 3.58% 504
Egalité 92 18.29% 15 2.99% 287
Liberté 90 18% 5 0.01% 216
Richesse 87 17.30% 5 0.01% 213
Auto discipline 82 16.30% 2 0.004% 199
Sécurité familiale 59 11.73% 0 0% 149
Page 278
Honorer ses
parents
35 6.96% 1 0.002% 73
Partage de
responsabilités
26 5.17% 0 0% 73
Vie excitante 25 4.98% 0 0% 38
Influant 16 3.18% 0 0% 18
Solidarité à la terre 4 3.12% 0 0% 6
Vie diversifiée 4 3.12% 0 0% 6
Curieux 0 0% 0 0% 0
Autorité 0 0% 0 0% 0
Les résultats indiquent que sur 20 valeurs, 5 d’entre elles sont citées par plus de 50 % des
participants (Monde en paix, Solidarité, Justice sociale, Protection de l’environnement,
Amour). Ces valeurs sont également celles qui sont le plus souvent citées en tant que valeur
primordiale. Elles obtiennent aussi le plus grand score pondéré. Elles proviennent, pour
certaines, de la théorie des valeurs de Schwartz (Monde en paix, Solidarité, Justice sociale,
Protection de l’environnement) et pour l’une d’elles (Amour) des résultats de la pré-enquête,
On souligne également que deux de ces valeurs ne sont jamais citées (Curieux et Autorité) et 8
ne sont jamais citées en premier. Les réponses des sujets semblent relativement consensuelles.
2.2.Résultats descriptifs des résultats obtenus à l’échelle de Shepherd.
Nous avons calculé les moyennes et écarts-types de chaque valeur liée au développement
durable. Rappelons que les scores varient entre 1 (pas du tout d’accord) et 7 (pour tout à fait
d’accord).
Tableau 26. Moyennes et écarts-types des valeurs liées au développement durable
Effectif Moyenne Ecart-type.
Liberté 503 5.51 0.88
Q1. Droit d’être à l’abri de la faim 503 5,53 0,89
Q2. Droit de vivre sans violence 503 5,52 0,92
Q3. Droit à une justice de qualité 503 5,48 0,77
Egalité 503 5.51 0.86
Page 279
Les résultats présentés sur le tableau ci-dessus indiquent que toutes les valeurs obtiennent des
moyennes supérieures à la moyenne théorique de 4 et ne sont pas significativement différentes
(p<.05).
Q5. Accès égal de chaque nation au développement économique 503 5,52 0,87
Q6. Partage équitable 503 5,52 0,87
Q4. .Accès égal aux bénéfices économiques 503 5,49 0,78
Solidarité 503 5.51 0.85
Q7. 7. Redistribution et aide 503 5,52 0,90
Q9. Répondre aux souffrances 503 5,52 0,86
Q8. Aide aux plus démunis 503 5,50 0,82
Tolérance 503 5.52 0.86
Q11. Paix sociale et ouverture 503 5,56 0,86
Q12. Respect des différences 503 5,50 0,88
Q10. Respect des croyances 503 5,50 0,83
Respect de la nature 503 5.51 0.87
Q14. Sensibilité à la production 503 5,53 0,86
Q13. Non sacrifice des ressources 503 5,51 0,87
Q16. Protection de l’environnement 503 5,51 0,86
Q15. Changements des comportements individuels 503 5,49 0,89
Partage des responsabilités 503 5.51 0.86
Q18. Amélioration du bien-être 503 5,54 0,86
Q17. Garantie de liberté 503 5,53 0,88
Q20. Fin des injustices 503 5,50 0,88
Q19. Responsabilité face à autrui 503 5,46 0,84
Page 280
Par ailleurs on constate que les écarts-types sont très faibles, ce qui tend à accréditer l’idée que
le questionnaire de Shepherd n’est pas discriminant dans notre échantillon d’étudiants
gabonais. Il ne parait donc pas adapté à notre échantillon.
2.3.Résultats descriptifs au questionnaire de changement climatique
Nous avons souhaité savoir si nos sujets étaient préoccupés par la problématique du
changement climatique et pour quelles raisons. Certaines prémices sont déjà observables, les
populations se plaignant au Gabon de l’augmentation de la chaleur par exemple. L’échelle de
mesure allait de 1 pas préoccupé(e) à 7 très préoccupé(e). Les résultats sont présentés dans le
tableau qui suit.
Page 281
Tableau27. Moyenne et écarts-types des réponses portant sur les préoccupations climatiques
Effectif Moyenne Ecart-type
Préoccupations orientées vers soi 503 4.77 1.12
E8. Ma prospérité 503 5,75 0,91
E10. Ma santé 503 5,52 0,95
E11. Moi 503 5,28 0,89
E7. Mon futur 503 5,22 1,32
E1. Mon style de vie 503 2,08 1,05
Préoccupations orientées vers les autres humains 503 5.38 .90
E13. L’humanité 503 5,91 0,86
E4. Les enfants 503 5,90 0,95
E3. Les générations futures 503 5,35 0,82
E9. Les concitoyens 503 4,37 0,85
Préoccupations orientées vers l’environnement 503 4.57 1.53
E12. Les plantes, les arbres 503 5,52 1,06
E2. Les animaux et oiseaux 503 5.16 2.93
E6. Les mammifères marins 503 4,23 1,04
E5. La vie sous-marine 503 3,36 1,49
Les résultats obtenus aux préoccupations tournées vers les autres humains (5.38) ont une
moyenne plus importante que celles tournées vers soi (4.77) et vers l’environnement (4.57)
(p<.05).
Plus précisément, le tableau des résultats indique que les moyennes des items varient entre 2.08
pour l’item 2 sur le style de vie (« je suis préoccupe(e) par le réchauffement climatique à
cause de ses conséquences sur mon style de vie ») et 5,91 pour l’item 13 portant sur la
préoccupation pour l’humanité.
On constate que seuls deux items recueillent des moyennes inférieures à la moyenne théorique
de 4. Ce sont les items portant sur le style de vie (E1) et la vie sous-marine (E5).
Page 282
Nos sujets sont donc assez préoccupés par le réchauffement climatique et ses conséquences,
cette préoccupation concernant plus particulièrement les autres êtres humains.
2.4.Résultats descriptifs de la partie « Connaissance du développement durable »
Cette partie du questionnaire avait pour objectif d’évaluer les connaissances des étudiants sur le
développement durable et les valeurs de développement durable. Les résultats indiquent que
tous (100%) ont déjà entendu parler de développement durable. Plus de la moitié en ont
entendu parler dans les médias (72.96%), 11.73% via internet et 13.72% lors d’un cours et
1.59% lors d’une formation. Preuve que le développement durable n’est pas encore assez
intégré dans les formations universitaires au Gabon. Notons par ailleurs qu’aucun des sujets
n’en a entendu parler lors d’une campagne de sensibilisation.
Lorsqu’on leur demande plus précisément de quoi traite le développement durable les sujets
répondent ainsi :
Tableau 28. Domaines dont traite le développement durable
Le Développement Durable traite de :
L’environnement 70.97%
L’économie 6.96%
La Gouvernance 1.79%
Du social 1.78%
Aucun des quatre 0.40%
Tous les quatre 18.09%
Près des trois quarts des étudiants pensent que le développement durable traite de
l’environnement (70.97%). Cela est en concordance avec le pourcentage de sujets qui en a
entendu parler dans les médias, lesquels ont l’habitude de véhiculer des informations souvent
environnementales lorsqu’ils parlent de développement durable. En d’autres termes en
concordance avec leur perception du développement durable comme traitant de
l’environnement(r=.38, p<.5)
Seuls 18.09% ont su répondre que le développement durable traite de ces quatre piliers.
Page 283
2.5.Connaissances sur les valeurs du développement durable
Bien que tous nos sujets aient entendu parler de développement durable, on observe que
certains (18.49%) n’ont jamais entendu parler de ses valeurs. De plus, ceux qui répondent par
l’affirmative en ont entendu parler dans les médias (73.08%). Les autres cochent, soit internet
(17.55%), soit un cours (8.89%) ou une campagne de sensibilisation 0.48%. Aucun des
interviewés n’évoque une formation (0%). De plus, 1/5ème des participants n’ont pas répondu
(20.91%)
Par ailleurs, lorsqu’on demande aux sujets s’ils connaissent ces valeurs, les résultats indiquent
67.17% de réponses affirmatives contre 22.97 % de réponses négatives. Le taux de non-
réponses est de 9.86%.
Tableau 29. Identification des valeurs du développement durable
Effectif
Nombre de
sujets
%
DD respect de la nature 503 482 95,83
DD protection de l'environnement 503 482 95,83
DD solidarité 502 198 39,44
DD justice sociale 503 105 20,87
DD monde en paix 503 103 20,48
DD égalité 503 36 7,16
DD partage de Responsabilités 503 21 4,17
DD sécurité familiale 502 17 3,39
DD liberté 503 12 2,39
DD Richesse 503 12 2,39
DD Tolérance 503 0 0
DD vie excitante 503 0 0
DD Auto discip 503 0 0
DD Influant 503 0 0
DD Curieux 503 0 0
DD autorité 503 0 0
Lorsqu’on leur demande d’identifier les valeurs de développement durable parmi un ensemble
de valeurs, les participants cochent majoritairement les valeurs qui traitent d’environnement
telles que le respect de la nature et la protection de l’environnement. Par contre des valeurs de
développement durable telles que la tolérance ne sont pas du tout cochées. Cela est en
Page 284
concordance avec leur perception du développement durable comme traitant de
l’environnement.
Même s’ils considèrent qu’il manque des valeurs au listing proposé, nos sujets n’en proposent
pas.
A la question : « S’il fallait rendre le monde meilleur pour les hommes et l’environnement
quelles valeurs proposeriez-vous ? », tous les participants proposent les valeurs « Respect » et
« Protection de l’environnement ». Ces valeurs font partie des valeurs du développement
durable de l’ONU
Les résultats sont indiqués dans le tableau qui suit.
Tableau 30. Valeurs pour un monde meilleur.
Valeurs proposées Nombre
de sujets %
Respect 503 100,00
protection environnement/nature 503 100,00
Solidarité 355 70,58
Amour 331 65,81
Fraternité 280 55,67
Tolérance 242 48,11
Partage 240 47,71
Justice 225 44,73
Pardon 221 43,94
Travail 132 26,24
Page 285
3. Conclusion étude 5
L’étude 5 avait pour objectif de vérifier les deux premières hypothèses opérationnelles
H3.1. « Les valeurs prioritaires des étudiants sont différentes de celles de l’ONU »
H3.2. « Les étudiants proposent des valeurs de développement durable différentes de celles
prônées par l’ONU » de l’hypothèse générale H3 qui stipule que « les valeurs prioritaires
pour les populations gabonaises sont différentes de celles de l’ONU ».
Les résultats ont pu montrer que l’hypothèse opérationnelle H3.1 n’était que partiellement
vérifiée. En effet, les sujets choisissent autant de valeurs de développement durable de l’ONU
et de valeurs n’en faisant pas partie. L’hypothèse opérationnelle H3.2 est vérifiée : sur un
nombre de 10 valeurs proposées par les sujets, seules trois valeurs sont des valeurs de
développement durable de l’ONU, par ailleurs très peu citées par les sujets.
Page 286
ETUDE 6 : LES VALEURS DU DEVELOPPEMENT DURABLE DES SALARIES
GABONAIS
Cette sixième et dernière étude tente de vérifier les deux dernières hypothèses opérationnelles
de la troisième hypothèse générale H3 : « Les valeurs prioritaires pour les populations
gabonaises sont différentes de celles de l’ONU ». Ce sont :
• H3.3. « Les valeurs prioritaires des salariés sont différentes de celles de l’ONU ».
• H3.4. « Les salariés proposent d’autres valeurs de développement durable »
La recherche sera subdivisée en deux parties (1) la méthode et (2) le traitement des résultats.
1. La Méthode
Dans cette partie, nous évoquerons (1.1) la population et (1.2) la procédure.
1.1.La population d’étude
Cette étude a été menée auprès de salariés de la ville de Port-Gentil et de Libreville, durant la
période d’Aout 2013 à janvier 2014. Dans ce point nous traiterons (1.1.1) des salariés gabonais
et (1.1.2) des caractéristiques de l’échantillon.
1.1.1. Les salariés gabonais
Généralement un salarié est défini comme une personne qui travaille, sous les termes d’un
contrat, en échange d’un salaire ou d’une rétribution équivalente.
Au Gabon la population active, inégalement répartie sur le territoire, représente
approximativement 30 % de la population totale (annuaire du recensement de 2009-2010)94
.
Libreville et Port-Gentil considérées respectivement comme la capitale politique et la capitale
économique regroupent à elles deux la moitié de cette population (43 % à Libreville et 7 % à
Port-Gentil (Soiron-Fallut, 2012).
Page 287
L’Etat est le premier employeur du pays, malgré la présence d’entreprises privées.
Ainsi, les agents de la fonction publique, permanents et contractuels, sont estimés à environ 20
% de la population active.15 % des salariés se répartit dans les grandes entreprises privées.
Les statistiques nationales présentent les chiffres suivants :
Tableau 31. Statistique nationales de la population active
Ces salariés représentent la classe moyenne, celle qui cherche tant bien que mal à se distinguer
des plus pauvres. C’est à eux qu’incombe la satisfaction des besoins primaires de la famille et
souvent des besoins éducatifs. Cela les conduit à mettre en place d’autres activités afin de
pouvoir supporter ces charges. Ainsi la possibilité d’être rémunéré à un salaire fixe et garanti
permet de subvenir à ces besoins de base, d’entretenir une famille élargie, d’investir dans un
petit commerce et, par conséquent, de consommer plus ; mais aussi d’asseoir sa situation et de
ce fait, de soutenir l’économie de marché (Soiron-Fallut, 2012). L’auteure décrit très bien la
réalité des salariés gabonais et leur poly activité en donnant trois exemples.
« La poly activité peut être illustrée par trois exemples de personnes appartenant à la fonction
publique librevilloise. Celui d’une jeune femme diplômée en France, embauchée dans une
entreprise publique grâce à son origine régionale et ses relations au sein de celle-ci. Elle vit
seule, loue un petit appartement dans un nouveau quartier, éloigné du centre-ville, où l’eau est
souvent coupée, et revend de manière informelle du maquillage importé. Après avoir longtemps
94
Annuaire statistique du Gabon 2009, direction générale de la statistique, Libreville, Gabon, 2011, p. 7.
Page 288
cherché du travail dans son domaine de prédilection, elle a finalement opté pour un poste
stable dans cette grande entreprise publique.
Elle part en vacances à l’étranger et circule en taxi. Celui d’un agent comptable dans
l’administration, qui éduque ses enfants et ceux de ses frères et sœurs. Il investit dans la
construction d’un bar et dans le bois. Ou encore, celui d’une autre femme travaillant dans un
ministère. Elle est aussi en charge d’une famille élargie et fait venir des fruits de l’intérieur du
territoire pour les revendre à Libreville» (P.83). Ainsi, au Gabon, un salarié répond à ses
besoins primaires, finance l’éducation à ses enfants, peut obtenir un terrain ou payer le loyer,
assure le paiement des transports, dispose d’un téléphone mobile et consomme des biens
importés.
Les salariés sont donc à la fois des acteurs sociaux, économiques, éducatifs etc. Dans une
perspective psycho environnementale appliquée au travail, il est donc important de connaitre
leur opinion car ils peuvent être des acteurs efficaces du développement durable.
1.1.2. Les caractéristiques de l’échantillon
L’échantillon de cette étude est composé de 264 sujets dont l’âge varie entre 20ans et 52 ans.
La moyenne d’âge est ainsi de 32.31 ans pour un écart-type de 6.25 ans. Cela correspond à la
tranche d’âge la plus active au Gabon, les personnes commençant généralement le travail vers
20ans et partant en retraite vers 50 ans, souvent de manière anticipée. En effet, l’âge de la
retraite est fixé à 60 ans mais peut être ramenée à 55 ans (article 62 du code du travail
Gabonais).
Notre échantillon est constitué de 55.18% d’hommes et de 44.82% de femmes. Cela va dans le
sens des statistiques nationales qui montrent que le nombre de salariés est supérieur au nombre
de salariées au Gabon.
Les résultats indiquent que les sujets sont majoritairement soit célibataires soit en union libre,
les pourcentages étant respectivement de 39.02% et de 35.98%. Les personnes légalement ou
traditionnellement engagées représentent de 24.62% des participants. Il n’y a qu’un seul sujet
divorcé.
32.95% des participants ont un enfant et plus de 45% au moins 2. Seuls 21.21% qui n’en ont
pas.
Page 289
Plus de 50% ont un niveau d’études au moins égal à la licence.
La moitié travaille dans le secteur privé et leur ancienneté dans le poste est faible puisque plus
de 70% ont moins de 5ans d’ancienneté dans leur emploi. Cela est tout à fait en accord avec la
relative jeunesse de notre échantillon (M=32.31 ans; ET= 6.25 ans) et le fait que seuls12.02%
des sujets occupent un poste à responsabilités.
38.64% ne se rendent jamais au village, 50% s’y rendent 1 à 3 fois par an et 11.36% s’y rendent
plus de 4 fois par an. Remarquons que plus le participant est jeune et moins il se rend au village
(r = .33, p<.01).
Le résumé des différentes caractéristiques socio-biographiques des sujets se trouve dans le
tableau suivant.
Tableau 32. La composition de notre échantillon
Effectif % Moyenne Ecart-type
Sexe
Homme
Femme
264
147
117
55.18%
44.82%
Age 264 32.31 ans 6.25 ans
Situation matrimoniale
Célibataires
Mariés
Fiancés
Union libre
Divorcés
264
103
44
21
95
1
39.02%
16.67%
7.95%
35.98%
.38%
Nombre d’enfants
0
1
2
3
4 ou plus
264
56
48
27
16
17
21.21%
32.95%
18.56%
10.22%
17.02%
Niveau d’études
Lycée
Bac
Licence
Master
Doctorat
264
44
82
79
57
2
16.67%
31.06%
29.92%
21.59%
0.76%
Vous rendez-vous encore au village ?
Jamais
1 à 3 fois/an
Plus de 3 fois
264
102
132
30
38.64%
50%
11.36%
Statut
Privé
Public
264
135
129
51.14%
48.86%
Page 290
Ancienneté
1an
2-5 ans
6-10 ans
Plus de 10 ans
264
82
103
49
30
31.06%
39.01%
18.65%
11.36%
Poste à responsabilité
Non
Oui
264
227
37
87.98%
12.02%
1.2. Le matériel et la procédure
Dans cette partie il sera question de rappeler (1.2.1) le matériel utilisé, puis de traiter de (1.2.2)
la passation du questionnaire.
1.2.1. Le Matériel
Le matériel utilisé pour recueillir nos données est le même questionnaire que celui présenté
précédemment dans l’étude 5. Seule la partie signalétique a été modifiée : elle comprend
également les variables « statut », « ancienneté dans le poste » et « responsabilités dans le
poste ».
1.2.2. La passation du questionnaire
Nous avons rencontré nos sujets dans la ville de Port-Gentil et Libreville. Après avoir essuyé
plusieurs refus d’administrations publiques et d’entreprises privées dont les procédures
d’autorisation étaient par ailleurs très longues, nous avons choisi de solliciter les salariés de
notre entourage, en dehors de membres de notre famille. Il s’agissait ainsi de personnes
habitant le quartier et les quartiers voisins, d’amis et collègues de nos connaissances, parfois de
personnes rencontrées dans un taxi, à la sortie du bureau, au marché etc.
La procédure de passation se faisait en deux étapes : une prise de rendez-vous et la passation du
questionnaire. Deux à 10 jours plus tard, nous nous sommes rendus au domicile de la personne
et avons été reçus dans un lieu tranquille, presque toujours au salon, en fin de soirée ou en
après-midi le week-end. La passation se faisait en face à face et durait environ 20 à 30mn. Les
sujets n’ont pas posé de questions de compréhension, ce qui laisse à penser que les items
étaient clairs pour eux. Nous numérotions le questionnaire après les avoir remerciés et
Page 291
rentrions. C’est ainsi que, malgré des rendez-vous manqués, nous avons pu recueillir 264
questionnaires.
2. Les Résultats
2.1. Les résultats descriptifs
Dans cette partie seront présentés les résultats obtenus aux différents questionnaires.
2.1.1. Analyse descriptive des résultats relatifs à l’importance accordée aux valeurs.
Les résultats indiquent que 4 valeurs sur 20 sont citées par plus de 50 % des participants
(Monde en paix, Solidarité, Justice sociale, Protection de l’environnement). Mais, ces valeurs
ne sont pas toutes celles qui sont le plus souvent citées en premier puisque la valeur Amour
obtient le pourcentage de 11.74%. Elles obtiennent cependant les plus grands scores pondérés.
Elles proviennent toutes les quatre du questionnaire des valeurs de Schwartz
On note aussi que six de ces valeurs ne sont jamais citées et 8 ne sont jamais citées en premier.
Tableau 33: Choix de 6 valeurs les plus importantes
Valeur citée Valeur citée en 1er Score
pondéré*
Score % Score % Score
Monde en paix 197 74.62% 25 9.54% 839
Solidarité 194 73.48% 21 7.95% 741
Justice sociale 146 55.30% 32 12.12% 487
Protection de
l’environnement
146 55.30% 20 7.58% 557
Amour 134 50.76% 31 11.74% 408
Tolérance 112 42.42% 15 5.68% 390
Unité 102 38.64% 16 6.06% 357
Respect de la
terre
90 34.09% 10 3.79% 353
Fraternité 87 32.95% 1 .38% 357
Egalité 87 32.95% 22 8.33 270
Liberté 75 28.41% 18 6.82% 197
Auto discipline 65 24.62% 12 4.54% 185
Page 292
Partage de
responsabilités
64 24.24% 11 4.17% 213
Sécurité
familiale
54 20.45% 12 4.54% 160
Richesse 52 19.70% 16 6.06% 125
Vie excitante 2 7.58% 2 .76% 2
Honorer ses
parents
0 0% 0 0% 0
Influant 0 0% 0 0% 0
Solidarité à la
terre
0 0% 0 0% 0
Vie diversifiée 0 0% 0 0% 0
Curieux 0 0% 0 0% 0
Autorité 0 0% 0 0% 0
2.1.2. Résultats descriptifs des résultats obtenus à l’échelle de Shepherd.
Nous avons calculé les moyennes et écarts-types de chaque valeur liée au développement
durable. Rappelons que les scores varient entre 1 (pas du tout d’accord) et 7 (pour tout à fait
d’accord).
Tableau 34. Moyennes et écarts-types des valeurs liées au développement durable.
Effectif Moyenne Ecart-type.
Liberté 264 5.52 0.95
Q1. Droit d’être à l’abri de la faim 264 5,57 0,95
Q2. Droit de vivre sans violence 264 5,52 0,98
Q3. Droit à une justice de qualité 264 5,48 0,80
Egalité 264 5.55 0.90
Q5. Accès égal au dév économique de nation 264 5,57 0,95
Q6. Partage équitable 264 5,55 0,96
Q4. .Accès égal aux bénéfices économiques 264 5,53 0,80
Solidarité 264 5.53 0.94
Q7. 7. Redistribution et aide 264 5,51 0,99
Q9. Répondre aux souffrances 264 5,56 0,92
Q8. Aide aux plus démunis 264 5,52 0,88
Tolérance 264 5.52 0.92
Q11. Paix sociale et ouverture 264 5,58 0,91
Page 293
Le tableau des résultats présenté ci-dessus montre que les moyennes obtenues à toutes les
valeurs de développement durable varient entre 5,52 et 5,55 et sont supérieures à la moyenne
théorique de 4. Les différences entre elles ne sont pas significatives (p<.05). Par ailleurs,
lorsqu’on regarde les écarts-types, on remarque qu’ils sont très faibles (les scores varient entre
.90 et .95), ce qui montre que le questionnaire n’est pas discriminant dans notre échantillon de
salariés Gabonais. Le questionnaire de Shepherd ne parait pas adapté à notre échantillon. Dans
la mesure où il
Q12. Respect des différences 264 5,51 0,95
Q10. Respect des croyances 264 5,48 0,89
Respect de la nature 264 5.53 0.94
Q14. Sensibilité à la production 264 5,55 0,92
Q13. Non sacrifice des ressources 264 5,52 0,91
Q16. . Protection de l’environnement 264 5,52 0,96
Q15. Changements des personnes 264 5,48 1,02
Partage des responsabilités 264 5.52 0.95
Q18. . Amélioration du bien-être 264 5,56 0,95
Q17. 17. Garantie de liberté 264 5,53 0,95
Q20. Fin des injustices 264 5,55 0,98
Q19. Responsabilité face à autrui 264 5,45 0,93
Page 294
2.1.3. Résultats relatifs à l’échelle des problèmes climatiques de Schultz
Nous avons souhaité savoir si les salariés étaient préoccupés par la problématique du
changement climatique et si oui, pour quelles raisons. Rappelons que l’échelle de mesure allait
de 1 pas préoccupé(e) à 7 très préoccupé(e). Les résultats sont présentés dans le tableau qui
suit.
Tableau 35. Moyennes et écarts-types des réponses portant sur les préoccupations
climatiques
Effectif Moyenne Ecart-type
Préoccupations orientées vers soi 264 4.85 0.98
E8. Ma prospérité 264 5,66 0,93
E10. Ma santé 264 6,11 0,93
E11. Moi 264 5,39 0,96
E7. Mon futur 264 5,30 1,13
E1. Mon style de vie 264 1.81 0.92
Préoccupations orientées vers les autres humains 264 5.71 0.95
E13. L’humanité 264 6,12 0,91
E4. Les enfants 264 6,07 0,80
E3. Les générations futures 264 5,68 0,97
E9. Les concitoyens 264 4,96 1,05
Préoccupations orientées vers l’environnement 264 5.09
1.24
E12. Les plantes, les arbres 264 6,13 0,80
E2. Les animaux et oiseaux 264 5,73 1,00
E6. Les mammifères marins 264 4,42 1,22
E5. La vie sous-marine 264 4,10 1,78
Page 295
Les résultats obtenus aux préoccupations orientées vers soi (4.85) ont une moyenne moins
importante que celles tournées vers l’environnement (5.09) et vers les autres humains (5.71)
(p<.05).
Plus précisément, le tableau des résultats indique que les moyennes des items varient entre 1.81
pour l’item 2 sur le style de vie (« je suis préoccupe(e) par le réchauffement climatique à
cause de ses conséquences sur mon style de vie ») et 6,13 pour l’item 13 portant sur la
préoccupation pour les plantes.
On constate que seul un item recueille une moyenne inférieure à la moyenne théorique de 4.
C’est l’item portant sur le style de vie (E1).
Nos sujets sont donc assez préoccupés par le réchauffement climatique et ses conséquences,
cette préoccupation concernant plus fortement les autres êtres humains et l’environnement.
2.1.4. Résultats relatifs à l’échelle des connaissances en développement durable.
100% des salariés ont déjà entendu parler de développement durable. 79.54% des participants
en a entendu parler dans les médias, 6.06% via internet, 1.89% lors d’un cours et 12.50% lors
d’une formation. Mais aucun lors d’une campagne de sensibilisation.
Lorsqu’on leur demande à quoi renvoie le développement durable, 70.08% d’entre eux
évoquent l’environnement. Ce pourcentage est corrélé avec ceux qui ont entendu parler de
développement durable via les médias (r = .30, p<.5) qui évoquent essentiellement, on le sait,
l’aspect environnemental. Un pourcentage non négligeable (23.11%) trouve néanmoins que le
développement durable traite des quatre piliers du développement durable que sont
l’environnement, la gouvernance, l’économie et le social.
La synthèse est présentée dans le tableau ci-dessous :
Page 296
Tableau 36. Domaines du développement durable
Le Développement Durable traite de :
L’environnement 70.08%
L’économie 3.79%
La Gouvernance 1.51%
Du social .37%
Aucun des quatre 1.14%
Tous les quatre 23.11%
82.20% ont entendu parler des valeurs de développement durable. Parmi eux, 79.54% en ont
entendu parler dans les médias, 12.50% lors d’une formation, 6.06% sur internet, 1.89% dans
un cours et aucun lors d’une campagne de sensibilisation. 82.20% disent connaitre les valeurs
de développement durable.
Les salariés considèrent que les valeurs de développement durable sont surtout celles qui sont
liées à l’environnement (Respect de la nature et Protection de l’environnement pour tous les
sujets). Sept valeurs ne sont jamais évoquées. Aucun sujet n’a rajouté de valeur sur cette liste.
Le tableau ci-dessous présente ces résultats.
Tableau 37. Valeurs de développement durable
Effectif
Nombre de
sujets
%
DD respect de la nature 264 204 100%
DD protection de l'environnement 264 204 100%
DD solidarité 264 78 29.54%
DD monde en paix 264 40 15.15%
DD justice sociale 264 39 14.77%
DD égalité 264 20 7.58%
DD liberté 264 12 4.54%
DD Richesse 264 8 3.03%
DD partage de Responsabilités 264 7 2.65%
DD sécurité familiale 264 7 2.65%
DD Tolérance 264 0 0%
DD vie excitante 264 0 0%
DD Auto discip 264 0 0%
DD Influant 264 0 0%
DD Curieux 264 0 0%
DD autorité 264 0 0%
Page 297
2.1.5. Résultats relatifs à aux propositions de valeurs
Lorsqu’on demande aux sujets de proposer des valeurs pour un monde meilleur, les salariés
évoquent tous la valeur « Justice ». Les valeurs « Protection de la nature » et « Solidarité » sont
également très souvent citées. Le résumé des résultats est présenté dans le tableau ci-dessous :
Tableau 38. Valeurs pour un monde meilleur
3. Conclusion étude 6
Cette étude 6 portait sur la vérification des deux dernières hypothèses opérationnelles H3.3
« Les valeurs prioritaires des salariés sont différentes de celles de l’ONU » et H3.4 « Les
salariés proposent d’autres valeurs de développement durable » de l’hypothèse générale H3
« Les valeurs prioritaires pour les populations gabonaises sont différentes de celles de
l’ONU ».
L’hypothèse opérationnelle H3.3 est vérifiée. En effet, parmi les valeurs que les salariés citent
comme étant les plus importantes, 3 valeurs sont des valeurs de développement durable.
L’hypothèse opérationnelle H3.4 est partiellement vérifiée dans la mesure où certaines
valeurs de développement durable de l’ONU font partie des valeurs suggérées par des
participants.
Valeurs proposées
Effectif Nombre
de
réponses
%
Justice 264 264 100%
protection environnement/nature 264 262 99.24%
Solidarité 264 185 70.08%
Fraternité 264 175 66.29%
Respect 264 172 65.15%
Amour 264 171 64.77%
Tolérance 264 120 31.68%
Partage 264 115 43.56%
Travail 264 106 40.15%
Page 298
CHAPITRE 9 : DISCUSSION-CONCLUSION
Arrivés au terme de ce travail, il nous faut désormais en faire le bilan. Celui-ci suppose de
relever les résultats qui apparaissent à la lumière de ces études, leur intérêt, leurs richesses,
leurs limites, tant du point de vue de la recherche que du point de vue appliqué.
Cette recherche avait pour objectif de montrer qu’un pays a tout intérêt à s’appuyer sur les
valeurs de ses habitants pour mettre en place des démarches de développement durable
efficaces. Pour ce faire, nous avons choisi de nous centrer sur l’exemple du Gabon.
Notre travail se proposait ainsi de cerner les valeurs du développement durable dans différents
contextes organisationnels gabonais (traditionnels et modernes). Plus précisément, il s’agissait
de relever les valeurs durables traditionnelles à travers les opinions et les pratiques des
habitants, de montrer leur présence dans les organisations modernes gabonaises et de les
confronter aux valeurs de développement durable définies par l’ONU.
Nous avons émis différentes hypothèses. Pour les vérifier, nous nous sommes tournées vers
deux types de populations (rurale et urbaine), caractéristiques des contextes traditionnels pour
la première et moderne pour la seconde.
Pour ce faire, une pré-enquête a été menée qui, articulée avec les éléments théoriques dont nous
disposons, a permis l’élaboration de trois hypothèses générales : H1. « Les valeurs de
développement durable existent au sein des sociétés traditionnelles et rurales gabonaises et
sont donc plus anciennes que le concept de développement durable »
H2. « Les populations rurales gabonaises portent des valeurs de développement durable au
regard de leurs pratiques qui sont différentes de celles de l’ONU ».
H3. « Les valeurs prioritaires pour les populations gabonaises sont différentes de celles de
l’ONU ».
Nous discuterons (1) la méthode que nous avons choisie pour la réalisation des six études (2)
les résultats obtenus à nos trois hypothèses générales.
1. Discussion autour de la pré-enquête et du choix de la méthode
Les valeurs ont depuis longtemps été étudiées en psychologie. Les différents travaux ont permis
de montrer leur impact sur les attitudes et les comportements, et plus récemment les
comportements pro-environnementaux. Certains auteurs ont essayé de mettre en place des
Page 299
modèles centrés sur les conditions d’engagement dans les comportements favorables à
l’environnement en fonction des valeurs (par exemple, Vlek, Skolnich et Gattersleben, 1998).
D’autres s’appuient sur la théorie culturelle (Douglas et Wildavsky, 1982 ; Poortinga, Steg et
Vlek, 2002 ; Thompson, ellis et Wildavsky, 1990) pour affirmer que les valeurs, en tant que
facteurs culturels, déterminent, avec les mythes et les croyances, la disposition à s’engager dans
les comportements pro-environnementaux. Dans la perspective d’une psychologie du
développement durable, de nombreuses études se sont centrées sur les valeurs susceptibles de
favoriser les comportements pro environnementaux (Schultz et Schmuck, 2002). Il a souvent
été mis en lumière l’importance des valeurs altruistes, opposées à des valeurs individualistes et
égoïstes (Stern, Dietz, Abel, Guagnano et Kalof, 1999). Mais peu ont réalisé la démarche
inverse : partir des pratiques durables pour repérer les valeurs qui les sous-tendent.
Notre pré-enquête a attiré notre attention sur la nécessaire difficulté de choisir la méthode la
plus adaptée à la spécificité de notre recherche. A ce titre, Baumard et Ibert (2003) soulignent
que « l’un des choix essentiels que le chercheur doit opérer est celui d’une approche et de
données adéquates avec sa question de recherche. Il s’agit bien entendu d’une question à
double entrée. D’une part, il y’a la finalité poursuivie : explorer, construire, tester, améliorer
ce qui est connu, découvrir ce qui ne l’est pas. D’autre part, il y’a l’existant, ce qui est
disponible et accessible, ce qui est faisable et qui a déjà été fait et ce qui ne l’est pas ». (p. 82)
De même, Huberman et Miles (2003, p. 8) avancent « qu’aucune étude ne se conforme
exactement à une méthodologie standard ; tout le monde demande au chercheur d’aménager la
méthodologie en fonction des particularités du contexte ».
Voulant cerner les différentes facettes de notre objet d’étude, nous avons choisi une méthode de
présentation par étude. Notre démarche a été à la fois qualitative (analyse documentaire,
entretiens, observation participante) et quantitative (enquête par questionnaires). Adoptant une
perspective plus émique que étique (De Sardan, 1998), nous n’avons pas comparé entre eux les
résultats de chaque étude. Ce choix peut être perturbant pour les lecteurs, mais c’est celui qui
nous a paru le plus pertinent.
Par ailleurs, en nous demandant comment le Gabon peut profiter de sa double richesse
culturelle, traditionnelle et moderne, il s’agissait de traiter des valeurs de développement
durable comme facteurs d’impulsion vers des changements pour le bien-être humain et
environnemental. Cette démarche nous a amenés à revisiter l’histoire de ces populations au
travers des vécus et des pratiques durables passées. Considérant qu’ils pouvaient être
révélateurs des valeurs durables. Cette démarche s’inscrit clairement dans le champ de la
psychologie environnementale. Comme le souligne Moser (2009, p.75), « la psychologie
environnementale fonctionne de manière inductive, et par conséquent les exigences de terrain
conditionnent les processus heuristiques (…). Le chercheur en psychologie environnementale
a comme tâche comme tâche de reconstruire la relation individu-environnement en combinant
des données sur l’individu et sur l’environnement et utilise de ce fait plusieurs méthodes ».
Le développement durable et ses valeurs s’inscrivent dans le cadre de l’environnement
considéré dans sa globalité, ce que la psychologie environnementale nomme la macro sphère. A
ce niveau de la relation homme-environnement et dans une perspective interdisciplinaire, il
Page 300
s’agissait de réfléchir à la mise en place des conditions optimales, tant sociales
qu’environnementales, pouvant favoriser les comportements pro-environnementaux voire
responsables et durables, basés sur l’intégration des savoirs au croisement de la psychologie
environnementale, de la psychologie sociale, de la sociologie, de l’anthropologie etc. La
connaissance des particularités des contextes est donc indispensable car elle permet de trouver
des solutions adaptées, mais aussi d’adapter les solutions déjà existantes aux différentes
situations et à leurs caractéristiques particulières (Moser 2009).
De plus, l’étude du développement durable exige une approche globale et transversale qui
considère les relations existant entre des systèmes ou entre les éléments d’un système, ce
système pouvant être la ville, un pays, la biosphère etc. Ainsi, une approche systémique est
importante, d’autant qu’elle prend en compte les particularités et le tout. Dans notre cas, les
différents contextes, les différentes populations qui le constitue. Comme le souligne Flipo
(2007, p. 54), le développement durable, parce qu’il nait de projets issus d’une vision large, ne
peut être saisi que par des études intersectorielles.
2. discussion autour de la première hypothèse générale
La première hypothèse H1 stipulait que « les valeurs de développement durable existent au sein
des sociétés traditionnelles et rurales gabonaises et sont donc plus anciennes que le concept de
développement durable ». Cette hypothèse a pu être vérifiée grâce à deux études
complémentaires.
Pour cette démonstration il s’agissait de faire le recensement des valeurs rurales de
développement durable et de tenter de démontrer l’existence d’un équivalent en langue locale
Myènè des valeurs de l’ONU (hypothèse H1.1.). Cette recherche a commencé par une étude des
dictionnaires existant depuis l’avènement de l’écriture dans ce pays. Au travers d’une analyse
documentaire, nous avons pu montrer qu’il existait des traces écrites de ces valeurs mais
qu’elles étaient insuffisantes et ne pouvaient que partiellement nous permettre de valider notre
hypothèse opérationnelle. Plusieurs raisons ont pu être avancées. Tout d’abord, il n’existe
qu’un seul dictionnaire dont l’écriture remonte à l’époque coloniale, une période où l’homme
noir et sa culture ne sont pas mis en valeur. Une seconde raison peut être attribuée au contexte
dans lequel cet ouvrage est écrit, notamment celui de la mission « civilisatrice » de l’Occident,
de l’évangélisation, c’est-à-dire de l’introduction du christianisme qui a essayé par tous les
moyens, y compris le contenu des dictionnaires, de déshabiller le colonisé de sa culture, de ses
pratiques et croyances considérées comme primitives et inférieures. Ce dictionnaire avait aussi
pour objectif de faciliter l’échange et le commerce et donc de faire connaitre les mots les plus
usuels. C’est pourquoi il n’analyse pas en profondeur les définitions des mots et les différents
contextes de leur utilisation. De plus il est écrit dans une des versions du Myènè, le pongoué,
qui a des différences avec le versant Myènè-Orungu pratiqué dans la zone rurale où se situe
notre étude.
Une seconde étude s’est donc avérée nécessaire. Le Gabon, comme beaucoup de pays
d’Afrique, a une culture de tradition orale. Nous avons pensé indispensable de nous adresser
Page 301
aux détenteurs des savoirs linguistiques ancestraux afin d’en savoir un peu plus sur ces valeurs.
Cette seconde étude traite donc de ces échanges. Les résultats des entretiens confirment
l’hypothèse générale en montrant que les valeurs de développement durable de l’ONU existent
dans les traditions gabonaises Myènès et qu’elles coexistent avec d’autres valeurs telles que le
Respect, l’Amour, la Fraternité, le Dialogue, la Patience et la Persévérance. Mais cela ne
signifie pas que ces valeurs ont le même poids. Les orateurs ont pu, en s’appuyant sur des
exemples, nous montrer comment se manifestaient ces valeurs. Ils ont témoigné que ces valeurs
gagneraient à être prises en compte car elles ont toujours régi la vie des populations
traditionnelles gabonaises qui ont vécu jusqu’à ce jour en étroite relation avec l’environnement.
Ces travaux sur la langue Myènès en qualité de vecteur de cultures et de valeurs nous ont donné
un aperçu de l’histoire du peuple. Nous sommes conscients, et c’est une limite de cette étude,
qu’un échantillon plus grand nous aurait peut-être permis de cerner d’autres significations et de
mettre en lumière d’autres valeurs. Mais nous n’avons pas pu rencontrer davantage de sujets
maitrisant la langue et ses subtilités ainsi que le français. De plus la population oratrice est peu
nombreuse car être détenteur des savoirs traditionnels demande un apprentissage long et
minutieux.
3. discussion autour de la deuxième hypothèse générale
La deuxième hypothèse H2 affirmait que « les populations rurales gabonaises portent des
valeurs de développement durable au regard de leurs pratiques qui sont différentes de celles de
l’ONU ».
Il était ainsi indispensable de revisiter ces pratiques traditionnelles. Les moyens pertinents pour
connaitre le passé d’un peuple sont notamment les écrits historiques et les récits des
populations. L’étude 3 en réponse à l’hypothèse opérationnelle H2.1 « Les pratiques
traditionnelles durables des populations rurales gabonaises permettent de déduire des valeurs
durables » a utilisé l’enquête documentaire et a pu être vérifiée. L’étude 4, en réponse à la
seconde hypothèse opérationnelle H2.2 « Les pratiques traditionnelles existent encore en
milieu rural », s’est appuyée sur une étude photographique. Celle-ci a également été vérifiée.
Une des limites de ce travail est de ne pas avoir enrichi l’étude des photographies par des
entretiens informels. Cela aurait permis de compléter voire de confronter l’étude
photographique qui peut être parfois biaisée par la subjectivité du chercheur aux opinions des
sujets qui vivent ces pratiques. Nous l’assumons car nous avons pensé qu’un biais plus
important aurait pu en découler : certaines personnes, surtout quand elles n’accomplissent plus
certaines pratiques culturelles traditionnelles issues de leurs ancêtres, ont tendance à déclarer le
contraire voire à enjoliver, afin de montrer leur attachement à la tradition et à leur aïeux.
De plus, le fait que les pratiques culturelles traditionnelles existent encore en milieu rural ne
veut pas dire que le modernisme n’y a pas fait son entrée. Comme on peut le voir sur l’image 7,
l’assiette dans laquelle sont servis les mets locaux est en porcelaine. Le Gabon n’en fabrique
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pas et, dans le passé, les assiettes étaient en terre cuite ou on se servait de feuilles. On peut
également citer les objets en plastique comme le transparent recouvrant la table dans l’image 6.
4. discussion autour de la troisième hypothèse
L’hypothèse H3 « Les valeurs prioritaires pour les populations gabonaises sont différentes de
celles de l’ONU » a été mise à l’épreuve à travers à 4 hypothèses opérationnelles. Deux
hypothèses concernaient les étudiants et les deux autres les salariés.
H3.1 « Les valeurs prioritaires des étudiants sont différentes de celles de l’ONU » et H3.2
« Les étudiants proposent des valeurs de développement durable différentes de celles prônées
par l’ONU » ont été testées par l’étude 5. Les résultats ont pu montrer que l’hypothèse
opérationnelle H3.1 n’était que partiellement vérifiée car les sujets ont choisi autant de valeurs
de développement durable de l’ONU que de valeurs n’en faisant pas partie.
Les valeurs de développement durable sont présentes et existent bien dans les traditions
gabonaises. Cela va dans le sens de la théorie des valeurs universelles de Schwartz (1994) qui
stipule que les valeurs sont présentes dans toutes les cultures du monde. Cependant une analyse
fine de ces résultats reste probablement à effectuer. Ainsi, la valeur « Solidarité » est très citée
mais les scores, dispersés sur d’autres valeurs qui lui sont proches (Solidarité, Unité, Fraternité
et Partage), ne la placent pas toujours en première place. Il serait alors intéressant de connaitre
la différence faite par les participants entre ces valeurs qui sont très liées dans leur quotidien.
Ainsi le fait de considérer une personne comme son frère va nous pousser à être solidaire avec
elle, à partager avec elle ce que nous gagnons et donc à être unies. Autrement dit, un
regroupement de valeurs est-il possible ?
De plus, cette étude a permis de recenser les connaissances sur le développement durable en
milieu universitaire et de montrer qu’il est relativement méconnu. La perception du
développement durable reste liée à l’aspect environnemental véhiculé par les médias. Les
étudiants, en qualité d’élites et futurs dirigeants du pays, devraient bénéficier d’une
sensibilisation et de formations consacrées au développement durable afin d’être à même de
faire face aux défis actuels et de demain. Pour que le pays soit en marche vers un
développement durable. Mandela disait à ce propos que « L’éducation est l’arme la plus
puissante pour changer le monde ».
L’hypothèse opérationnelle H3.2 « Les étudiants proposent des valeurs de développement
durable différentes de celles prônées par l’ONU » a été vérifiées : sur un nombre de 10 valeurs
proposées par les sujets, seules trois valeurs sont des valeurs de développement durable de
l’ONU par ailleurs très peu citées par les sujets. On peut peut-être suggérer que les valeurs de
développement durable préconisées par l’ONU ne reflètent pas vraiment celles auxquelles les
Gabonais se réfèrent.
Les deux dernières hypothèses H3.3 « Les valeurs prioritaires des salariés sont différentes de
celles de l’ONU » et H3.4 « Les salariés proposent d’autres valeurs de développement durable
que celles de l’ONU » ont été vérifiées par l’étude 6.
A l’heure où les entreprises gabonaises clament toutes mettre en place des démarches de
responsabilité sociétale, donc de développement durable, il apparait que leurs salariés restent
très peu sensibilisés sur la question. Le pourcentage des sujets ayant entendu parler de
développement durable est très élevé, notamment via les médias, mais peu savent citer les
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valeurs qui y sont associées. Ce constat corrobore les résultats de la pré-enquête en milieu de
travail et les constats faits sur le terrain montrant que seuls les cadres supérieurs ayant des
postes de responsabilités bénéficient de formations en développement durable.
Si l’entreprise gabonaise doit faire face à la concurrence, répondre aux normes du marché
international et relever les défis actuels et de demain, les salariés devraient, dans une démarche
de responsabilité sociale, être les premiers à être formés et informés car ils sont des acteurs
majeurs de l’entreprise. Une équité en termes d’opportunité de formation, un droit à
l’information comme le stipule la norme de responsabilité sociale ISO 26000, doit réellement
être appliquée. Car le développement durable est l’affaire de tous les secteurs et pans de la
société.
De plus les entreprises sont les premiers pollueurs du Gabon. Leurs impacts sociaux et
environnementaux sont importants. On souligne que les propositions de valeurs faites par les
salariés intègrent la valeur « justice », ce qui va dans le sens de cette préoccupation.
Les autres valeurs proposées pour un développement durable sont des valeurs très liées aux
traditions. Il semble alors pertinent de suggérer que les démarches de développement durable
devraient alors à la fois reposer sur les préconisations Onusiennes et prendre en compte les
réalités locales, donc les valeurs culturelles et plus largement la culture.
Les valeurs orientent les conduites des individus d’une communauté et permettent la cohésion
entre ses membres (Moscovici & Doise, 1992). Elles sont des éléments essentiels de culture et
de progrès. Certaines d’entre elles permettent d’aller vers un monde plus durable. L’ONU en a
édicté six qui seraient universelles. Pourtant, bien que présentes dans tous les pays, ces valeurs
ne sont pas mises en avant de la même manière par tous. Leur interprétation peut aussi différer
d’une communauté à une autre. C’est en tout cas ce que nous pouvons conclure dans le cadre
gabonais.
Ainsi, l’intérêt de s’intéresser aux valeurs locales d’une communauté, pour un développement
durable, est majeur. En effet, nous partageons l’avis de Moser (2009) : « sans un tissu social
bien établi et solide et la présence d’une identité sociale et spatiale, le développement durable
ne peut être assuré » (p. 221). Une démarche de développement durable ne peut être efficace
que si elle s’appuie sur une communauté ayant une identité sociale. En effet, chaque
communauté génère ses propres symboles qui permettent, parmi tant d’autres, une meilleure
participation et un sentiment de responsabilité partagé par tous (Garcia, Giuliani et Wiesenfeld,
1994 cité par Moser, 2009).
Le rapport Brundland, texte de référence du développement durable, ne fait quasiment pas
mention de la nécessaire prise en compte de la culture. La seule mention qui y est faite peut être
extrapolée à partir du Chapitre 2, de la section 1 : « La notion de besoins est certes socialement
et culturellement déterminée ; pour assurer un développement durable, il faut toutefois
promouvoir des valeurs qui faciliteront un type de consommation dans les limites du possible
écologique et auquel chacun peut raisonnablement prétendre ».
Cependant, depuis quelques années, une réflexion parallèle s’est amorcée sur le thème de la
culture et du développement durable. On relève le rapport de la Commission mondiale de la
culture et du développement95
(1996) et la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la
diversité culturelle (2001). Progressivement, la dimension culturelle devient un élément central
des discours sur le développement durable, au point d’être présentée par certains comme le
quatrième pilier du développement durable aux côtés des piliers économique, social et
environnemental (Nurse & Philippson, 2006).
Cette dimension serait, pour certains analystes, incontournable dans toute politique de
développement durable dans la mesure où, d’un point de vue méthodologique, « c’est le sens de 95
UNESCO (1995). Le rapport Pérez de Cuéllar, Notre diversité créatrice
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la durabilité dans les différents contextes dans lesquels elle est appliquée qui devrait être
l’objet de préoccupation principal » (Jacob, 1997, p. 241, traduction personnelle).
Mais alors que les pays occidentaux prennent de plus en plus conscience de l’importance de la
culture dans la mise en place des démarches de développement durable, les pays africains sont
toujours dans une approche multiculturaliste, donc sans réelle valorisation des richesses
culturelles de chaque pays.
Notre travail de doctorat défend la thèse que les valeurs de développement durable préconisées
par l’ONU doivent se décliner en fonction des contextes culturels. Ainsi, en Afrique, et plus
spécifiquement au Gabon, les valeurs en lien avec les pratiques traditionnelles qu’on peut
considérer comme durables doivent être intégrées et articulées avec celles retenus par l’ONU
afin d’y impulser un développement durable véritable. Autrement dit, qu’il serait souhaitable de
prolonger ce travail par la construction d’une échelle de mesure des valeurs de développement
durable adapté à la culture gabonaise.
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Page 322
Page 323
T AB L E D E S M AT I E R E S
........................................................................................................ 3 DEDICACES
............................................................................................ 4 REMERCIEMENTS
.............................................................................................................. 5 RESUME
........................................................................................................... 6 ABSTRACT
SOMMAIRE ......................................................................................................... 8
........................................................................ 10 INTRODUCTION GENERALE
...................................................... 12 CHAPITRE 1 : LE DEVELOPPEMENT DURABLE
1. Historique du développement durable ..................................................................... 12
1.1. De la science à la diplomatie ............................................................................................. 13
1.2. Les dégâts environnementaux ........................................................................................... 15
2. Définitions .................................................................................................................. 16
2.1. Définition du développement .................................................................................................. 16
2.2. Définition du développement durable ..................................................................................... 17
2.3. Schémas du développement durable ..................................................................................... 21
2.4. Controverses sur le concept de développement durable ....................................................... 23
3. Liens privilégiés avec la psychologie environnementale. ...................................... 25
3.1. L’environnement et ses composantes .................................................................................... 25
3.2. Psychologie environnementale et développement durable .................................................... 26
..................................................................................... 29 Chapitre 2 : Les valeurs
1. Le concept de valeur dans les sciences humaines et sociales .............................. 30
1.1. La notion de valeur en philosophie .................................................................................... 30
1.2. LA NOTION DE VALEUR EN ANTHROPOLOGIE ........................................................................ 31
1.3. LA NOTION DE VALEUR EN SOCIOLOGIE ............................................................................... 32
2. DEFINITIONS ET CARACTERISTIQUES DES VALEURS....................................................... 34
3. Les principales théories et modélisations des valeurs ............................................ 38
3.1. L’INVENTAIRE DES VALEURS DE ROKEACH .............................................................................. 38
3.2. L’inventaire LOV (List Of Values) de Kahle (1983) ................................................................. 41
3.3. Le modèle des valeurs universelles de Schwartz. .................................................................. 42
................................................ 48 Chapitre 3 : Valeurs et développement durable
1. L’ONU et les valeurs du développement durable .................................................... 48
1.1. Historique et déclaration .................................................................................................... 49
1.2. Définition ............................................................................................................................ 50
1.3. Les objectifs ....................................................................................................................... 51
1.4. Limites et perspectives de L’ONU ...................................................................................... 57
2. Les valeurs et les principes du développement durable dans les organisations . 61
2.1. Santé et qualité de vie ........................................................................................................ 62
2.2. Équité et solidarité sociales ................................................................................................ 62
2.3. Efficacité économique ........................................................................................................ 63
Page 324
2.4. Participation, engagement et droit à l’information .............................................................. 63
2.5. Accès au savoir .................................................................................................................. 65
2.6. La Subsidiarité.................................................................................................................... 65
2.7. Partenariat et coopération intergouvernementale .............................................................. 66
2.8. Prévention .......................................................................................................................... 67
2.9. Précaution .......................................................................................................................... 68
2.10. Protection du patrimoine culturel ....................................................................................... 69
2.11. Protection de l’environnement, Préservation de la biodiversité et conservation des
ressources ...................................................................................................................................... 70
2.12. Production et consommation responsables ....................................................................... 72
2.13. Internalisation des coûts .................................................................................................... 73
2.14. Pollueur payeur .................................................................................................................. 74
2.15. Le principe de gouvernance en faveur du développement durable humain dit « de bonne
gouvernance » ............................................................................................................................... 74
2.16. L’agenda 21........................................................................................................................ 76
2.17. Les normes porteuses de valeurs de développement durable : exemple de l’ISO 26000. 78
3. Les valeurs de développement durable en Afrique cas du Gabon ......................... 80
CHAPITRE 4 : MODELES FORMALISANT LES LIENS ENTRE VALEURS ET
............................................................................... 82 COMPORTEMENTS DURABLES
I. La théorie culturelle ................................................................................................... 83
II. L’humanisme méthodologique ................................................................................. 84
III. Quelques modèles issus de la psychologie ......................................................... 87
IV. Le modèle des valeurs-Convictions-Normes de Stern et al(1999) ...................... 88
V. Le Modèle de Kollmuss et Agyeman (2002) ............................................................. 89
........................... 91 CHAPITRE 5 : LE GABON FACE AU DEVELOPPEMENT DURABLE
1. Présentation ............................................................................................................... 92
1.1. Situation ............................................................................................................................. 92
1.2. Culture et société traditionnelle .......................................................................................... 93
1.3. Les valeurs dans la culture Gabonaise au contact des occidentaux ................................. 98
2. Le développement durable au Gabon ..................................................................... 106
2.1. Les valeurs du développement durable au Gabon depuis l’indépendance ..................... 106
........................................................................ 113 CHAPITRE 6 : LA PRE-ENQUETE
I. La présentation du cadre des études ..................................................................... 113
1.1. Le Gabon : la province de l’Ogooué Maritime .................................................................. 113
1.2. Le développement durable dans les organisations Gabonaises ..................................... 118
2. Etude des valeurs du développement durable dans les organisations
traditionnelles villageoises ............................................................................................ 126
3. Etude des valeurs du développement durable dans les organisations modernes 153
....................................................... 186 Chapitre 7 : Problématique et hypothèses
1. La problématique ..................................................................................................... 186
2. Les hypothèses ........................................................................................................ 194
Page 325
.............................................................. 196 CHAPITRE 8 : L’ENQUETE DE TERRAIN
Tableau 15. Résumé études et hypothèses ................................................................................ 197
ETUDE 1 : Recensement des valeurs de développement durable............................... 198
2. Bref historique des Traductions linguistiques ...................................................................... 200
3. Méthode ............................................................................................................................... 201
4. Les résultats ......................................................................................................................... 204
.................................................................... 208 ETUDE 2 : ENTRETIENS AVEC LES ORATEURS
1. Méthode ................................................................................................................................... 208
2. Présentation et interprétation des résultats ............................................................................. 217
ETUDE 3 : LES VALEURS VUES A TRAVERS LES PRATIQUES ET LES VECUS DURABLES
.................................................................................................................. 239 TRADITIONNELS
1. La méthode .............................................................................................................................. 240
2. Résultats .................................................................................................................................. 241
3. Conclusion étude 3 .............................................................................................................. 255
ETUDE 4 : ANALYSE DES VECUS ACTUELS EN MILIEU RURAL. .............................................. 256
1. La Méthode. ......................................................................................................................... 256
2. L’analyse photographique ........................................................................................................ 257
3. Conclusion étude 4 .............................................................................................................. 268
ETUDE 5 : LES ETUDIANTS FACE AU DEVELOPPEMENT DURABLE .......................................... 269
1. La méthode .............................................................................................................................. 269
2. Les résultats ......................................................................................................................... 277
3. Conclusion étude 5 .............................................................................................................. 285
ETUDE 6 : LES VALEURS DU DEVELOPPEMENT DURABLE DES SALARIES GABONAIS .............. 286
1. La Méthode .............................................................................................................................. 286
3. Conclusion étude 6 .............................................................................................................. 297
CHAPITRE 9 : DISCUSSION-CONCLUSION ........................................................... 298
BIBLIOGRAPHIE.............................................................................................................. 306
........................................................................................................ 326 ANNEXES
Page 326
ANNEXES
Guide d’entretien préenquête village
Salutations et échanges d’ouvertures (5mn)
Question d’ouverture
On parle souvent des valeurs de nos jours, qu’en pensez-vous ?
Première partie
1. Quelles sont selon vous les 5 valeurs les plus importantes pour le village ?
2. Quelles sont les 5 valeurs les plus importantes pour vous ?
3. Je vais vous citer quelques valeurs, que pensez-vous d’elles ?
Deuxième partie
4. Actuellement on parle de développement qu’en pensez-vous ?
5. Pensez-vous qu’il existe un lien entre vos valeurs, celles que je vous ai citées et le
développement durable ?
6. S’il fallait rendre le monde meilleur pour les hommes et l’environnement quelles
valeurs proposeriez-vous ?
Page 327
Guide d’entretien pré-enquête entreprises
Salutations et échanges d’ouvertures (5mn)
Question d’ouverture
1. On parle souvent des valeurs de nos jours, qu’en pensez-vous ?
2. Les valeurs au sein de votre entreprise, pouvez-vous nous en parler ?
3. Actuellement on parle de développement durable qu’en pensez-vous ?
4. Le développement durable dans votre entreprise, pouvez-vous nous en parler ?
5. Les valeurs de développement durable dans votre entreprise, pouvez-vous nous en parler ?
6. S’il fallait rendre le monde meilleur pour les hommes et l’environnement quelles valeurs
proposeriez-vous ?
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Guide d’entretien étude 2 Orateurs
Salutations et Présentation
Bonjour, je suis NANDA Naelle étudiante en psychologie environnementale à l’université Paris
10. Je vous remercie d’ores et déjà d’avoir accepté d’échanger avec moi
Dans le cadre de ma formation, je réalise une étude portant sur les valeurs dans les traditions
Myènès raison pour laquelle j’ai souhaité cet échange avec vous.
Le cadre de ce travail garantit l’anonymat et la confidentialité des réponses données qui ne
seront utilisées que pour cette recherche universitaire. Accepterez-vous de participer à un
entretien enregistré d’une heure environ ?
Qu’est-ce que les valeurs évoquent pour vous ?
Je vais vous citer six valeurs : liberté, solidarité, égalité, tolérance, partage de responsabilité, et
respect de la nature. Les connaissez-vous ?
Pensez-vous qu’elles existent dans les traditions Myènès ?
Pensez-vous qu’elles existent dans les traditions ?
Comment traduit-on alors la valeur liberté ?
Pouvez-vous donner des exemples qui prouvent que cette valeur existait ?
Quelle est la traduction de la valeur solidarité ?
Pouvez-vous donner des exemples qui prouvent que cette valeur existait ?
Comment traduit-on alors la valeur égalité ?
Pouvez-vous donner des exemples qui prouvent que cette valeur existait ?
Comment traduit-on alors la valeur tolérance ?
Pouvez-vous donner des exemples qui prouvent que cette valeur existait ?
Comment traduit-on alors la valeur partage de responsabilité ?
Page 329
Pouvez-vous donner des exemples qui prouvent que cette valeur existait ?
Comment traduit-on alors la valeur respect de la nature ?
Pouvez-vous donner des exemples qui prouvent que cette valeur existait ?
Existent-ils des proverbes ou anecdotes en lien où y faisant allusion ?
Pensez-vous qu’il existe un lien entre ces valeurs et le développement durable ? ».
Pensez-vous qu’il existe d’autres valeurs importantes dans vos traditions qui n’auraient pas été
citées ici ?
Remercier le participant pour sa participation
Page 330
Suites d’images de produits issus de l’agriculture naturelle.
Mangues
Page 331
Mangues
Page 332
Aubergines Blancs
Jeunes pousses d’Attangats
Page 333
Ce questionnaire s’inscrit dans le cadre d’une étude Doctorale.
Nous souhaitons connaitre votre avis sur différentes questions. Ainsi, n’y a pas de bonne
ou mauvaise réponse.
La participation à ce questionnaire est anonyme et vos réponses aux questions resteront
strictement confidentielles.
Répondez bien à toutes les questions.
Nous vous remercions d’avance pour votre participation. Naelle Sandra NANDA ([email protected])
I. Quelles sont les 6 valeurs les plus importantes pour vous ? Classez- les par ordre
d’importance en leur attribuant un chiffre à partir de (1, 2, 3, 4, 5,6) De la plus
importante à la moins importante pour vous.
………..Liberté ………..Egalité
……Un monde en paix
………..Tolérance ………. .Respect de la nature
………...Curieux
………...Justice sociale ………...Protection de l’environnement
………..Auto discipline
………...Solidarité à la terre ………..Une vie excitante
…………Autorité
………..Sécurité familiale ………...Richesse
………Honorer nos parents
………...Influant ……….Solidarité
………Une vie diversifiée
……Partage des responsabilités
….Honorer ses parents
Autres valeurs précisez ci-dessous
…………………………………………
…………………………………………………………
……………………………………………….
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Page 335
II. Encerclez le chiffre qui correspond le mieux à votre réponse.
Répondez bien à toutes les questions.
Pas du tout Tout
à fait
d'accord
d'accord
1.Dans certains cas, des parents doivent 1 2 3 4 5 6
7 Tous les parents sont en droit d'attendre
s'attendre à ce que eux-mêmes ou
à ce qu'eux-mêmes et leurs enfants soient
leurs enfants soient confrontés à la faim
à l'abri de la faim
2.Parfois, la menace de la violence 1 2 3 4 5 6
7 Tous les peuples ont le droit absolu de vivre
est nécessaire pour le bien de tous
leur vie sans crainte d'une quelconque violence
3.Dans certains cas, certaines gens 1 2 3 4 5 6
7 Tout le monde devrait pouvoir bénéficier
méritent une justice de moindre qualité
d'une justice de qualité.
1 2 3 4 5 6 7
Tout à fait
D’accord
Pas du
tout
D’accord
Page 336
4.Ceux qui ont le plus contribué au 1 2 3 4 5 6 7 Les gens doivent avoir un accès égal aux bénéfices
développement économique méritent d'en générés par le développement économique,
profiter davantage que les autres indépendamment de savoir si elles ont contribué
à ce développement ou non
5.Les nations qui favorisent le développement 1 2 3 4 5 6 7 Toutes les nations doivent pouvoir autant bénéficier
économique mondial méritent de davantage du développement économique
en profiter
5.Les citoyens les plus responsables de la 1 2 3 4 5 6 7 Les retombées de l'économie mondiale devrait être
prospérité économique devrait en bénéficier partagées équitablement entre toutes les nations.
davantage que les autres
7.L'argent gagné n'a pas à être redistribué 1 2 3 4 5 6 7 Ceux qui gagnent le plus doivent apporter
aux autres une aide à ceux qui gagnent le moins
8.Ce n'est parce que les changements mondiaux 1 2 3 4 5 6 7 Ceux qui supportent un lourd tribut
ont un coût qu'il faut aider les pays qui en aux changements mondiaux devraient recevoir
supportent le plus lourd tribut une aide de ceux qui en supportent moins
Page 337
Pas du tout Tout à fait
d'accord d'accord
Nous devons d'abord répondre à la souffrance 1 2 3 4 5 6 7 Ceux qui souffrent le plus méritent davantage d'aide
de nos proches avant de nous préoccuper que les autres
de celle de s autres
Certaines personnes ont des croyances 1 2 3 4 5 6 7 Nous devons respecter les croyances de chacun,
qui ne méritent pas le respect quelle qu'elles soient
La paix sociale passe par la défense 1 2 3 4 5 6 7 La paix sociale passe par une ouverture
d'un mode de vie traditionnelle vers d'autres modes de vie
Il est quelquefois nécessaire de combattre 1 2 3 4 5 6 7 On ne devrait pas combattre les différences
les différences entre les pays entre les pays
Il est parfois nécessaire de sacrifier certaines 1 2 3 4 5 6 7 Toutes les précautions doivent être prises
ressources naturelles pour pouvoir nous pour protéger les ressources naturelles
développer susceptibles de pâtir de notre développement
Les modes de production actuels ne nécessitent 1 2 3 4 5 6 7 Les modes de production actuels
que des ajustements mineurs pour que doivent être sensiblement modifiés pour que
l'environnement soit respecté l'environnement naturel soit protégé
Les gens ont besoin d'effectuerdes changements 1 2 3 4 5 6 7 Les gens ont besoin d'effectuerdes changements
mineurs dans leur mode de consommation majeurs dans leur mode de consommation
pour que l'environnement soit respecté. pour que l'environnement soit respecté.
Dans une certaine mesure, l'environnement 1 2 3 4 5 6 7 Il est du devoir d'une société de protéger
naturel va se réguler de lui-même au bénéfice vigoureusement l'environnement naturel pour
des générations futures le bénéfice des générations futures
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Nous devons veiller à ce que la liberté 1 2 3 4 5 6 7 Nous devons veiller à ce que la liberté
soit garantie pour tous dans notre pays mais nous soit garantie pour tous dans tous les pays
n'avons pas à le faire pour les autres pays
Pas du tout Tout à fait
d'accord d'accord
Un pays doit contribuer à l’amélioration du 1 2 3 4 5 6 7 Les pays doivent contribuer ensemble
bien-être de ses citoyens les moins aisés, à l’amélioration du bien-être des citoyens
mais n'est pas responsable du bien-être des les moins aisés dans le monde
citoyens d'un autre pays
Nous sommes responsables lorsque les membres 1 2 3 4 5 6 7 Nous sommes tous responsables lorsque des
de pays proches de nous ne tolèrent pas les personnes ne tolèrent pas les différences culturelles
différences culturelles, mais pas du comportement et ce, quel que soit le pays dans lequel elles vivent
des personnes vivant dans des pays plus éloignés.
Chaque pays doit se pencher sur les injustices 1 2 3 4 5 6 7 Les pays se doivent de travailler ensemble
existant à l’intérieur de ses propres frontières pour mettre fin à l'injustice mondiale
et ne pas m’immiscer dans les affaires
des autres pays
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Donnez votre avis sur les items suivant de 1 (pas important) à 7 (très important) en réponse à
la question : Je me sens préoccupé(e) par le problème du réchauffement climatique à
cause de ses conséquences sur …………………………………
III. Je me sens préoccupé(e) par le problème du réchauffement climatique à cause de
ses conséquences sur :
Mon style de vie
Pas préoccupé(e) 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 Très préoccupé(e)
Les animaux et oiseaux
Pas préoccupé(e) 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 Très préoccupé(e)
Les générations futures
Pas préoccupé(e) 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 Très préoccupé(e)
Les enfants
Pas préoccupé(e) 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 Très préoccupé(e)
La vie sous-marine
Pas préoccupé(e) 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 Très préoccupé(e)
Les mammifères marins
Pas préoccupé(e) 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 Très préoccupé(e)
Mon futur
Pas préoccupé(e) 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 Très préoccupé(e)
Ma prospérité
Pas préoccupé(e) 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 Très préoccupé(e)
Les concitoyens
Pas préoccupé(e) 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 Très préoccupé(e)
Ma santé
Pas préoccupé(e) 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 Très préoccupé(e)
Moi
Pas préoccupé(e) 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 Très préoccupé(e)
Les plantes, les arbres
Pas préoccupé(e) 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 Très préoccupé(e)
L’humanité
Pas préoccupé(e) 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 Très préoccupé(e)
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IV. Le développement durable et vous :
1. Avez-vous déjà entendu parler de développement durable ? Oui Non
2. Si oui, où en avez-vous entendu parler ? Dans les médias
Sur internet
Lors d’une campagne de sensibilisation
Lors d’un cours
Lors d’une formation
3. Selon vous le développement durable traite de :
L’environnement Du social L’économie
La Gouvernance Aucun des quatres Tous les
quatres
4. Avez –vous entendu parler de valeurs de développement durable Oui Non
5. Si oui, où en avez-vous en entendu parler : Dans les médias
Sur internet
Lors d’une campagne de sensibilisation
Dans un cours
Lors d’une formation
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6. Les connaissez –vous ? Oui Non
7. Si oui, cochez les valeurs que vous pensez être celles du développement durable
Liberté Egalité Solidarité Tolérance
Respect de la nature Partage des responsabilités Justice sociale
Protection de l’environnement Un monde en paix Solidarité à la terre
Egalité pour tous Curieux Sécurité familiale Une vie excitante
Auto discipline Influant Richesse Autorité
8. Si vous pensez qu’il en manque ajoutez en 3 maximums …………………………………………………………………………………………………
……………………………………
9. S’il fallait rendre le monde meilleur pour les hommes et l’environnement quelles
valeurs proposeriez-vous ?
Citez-en 6.
………………………………………………………………………………………………
V. Profil Socio biographique :
Sexe : homme femme
Age : ……………
Niveau d’étude : Lycée Bac licence master Doctorat
Situation matrimoniale:
Nombre d’enfants à charge
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Quelles activités pratiquez- vous en dehors de vos études ou du travail? :
Aucune
Individuelle.
Précisez…………………………………………………………………………………………
…
De groupe.
Précisez…………………………………………………………………………………………
…………
Vous rendez-vous encore au village ?
Jamais 1 à 3 fois ans 4 et +
Vous êtes étudiants en :
Université Grandes écoles
Vous êtes Salarié dans le secteur
Privé public
Ancienneté
-1ans ; 2 à 5ans ; 6 à10ans ; 11ans et +
Occupez-vous un poste à responsabilités ?
Oui Non
Si oui, lequel ? Précisez.
…………………………………………………………………………………………….
Vous êtes étudiant- salarié
Répondez aux deux rubriques.
Merci pour votre participation