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5 La dimmension PME dans l’apprentissage et l’enseignement professionnel L A C O M M U N I C A T I O N E N D É B A T S

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N°5

La dimmension PME dans l’apprentissage et l’enseignement professionnel

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LA REVUE EN 3 DIMENSIONS N°5La Communication en débats

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ÉDITO

La communication est à la base de nombreuses facettes de notre vie, que ce soit dans notre quotidien professionnel, dans notre sphère privée et pour les plus jeunes d’entre nous, dans leurs lieux de formation. Et elle prend forme sous tellement de supports…

Dès 1674, Nicolas BOILEAU nous en donnait une définition : « ce qui se conçoit bien, s’énonce clairement – Et les mots pour le dire arrivent aisément. »

Normalement, nous aurions peut-être pu nous arrêter là, mais cela aurait été trop simple… Le champ de la communication est également celui du débat. Et il est important de se dire que la vraie communication est une belle chose et qu’elle s’oppose à la propagande et à certaines formes faciles de rhétorique de séduction… Elle suppose qu’on ait quelque chose à trans-mettre… C’est un métier.

Et quand on parle de transmission et de lieux de formation, Etablissement ou Entreprise, on ne peut s’empêcher de pen-ser à tous nos acteurs de l’enseignement professionnel dont le premier travail est de donner goût à nos jeunes de travailler dans nos entreprises grâce à des méthodes pédagogiques qui n’existeraient pas sans communication.

Bernard CAPRONPrésident d’AGEFA PME

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SOMMAIRE

DOSSIER : La communication en débatsEntre attentes et incertitudes…........................8

Communication : doit-on garder nos distances ? par Jean Claude CASTAGNEYROL.........................................9… la communication a-t-elle toujours été un idéal social, culturel et individuel ? Il ne sera donc pas inutile de se rappeler comment la communication est devenue une norme, un idéal.

Développer sa créativité pour mieux communiquer : par Philippe SÉCHET................................................................20Le mot créativité n’a qu’un passé bref, alors qu’il nous paraît déjà familier. Cette nouveauté n’est sans doute pas due au hasard, car le développement exponentiel de ce concept est lié à l’accélération du changement et de l’innovation au XXIe siècle.

Enseignement professionnel et communication : par Thierry SAUSSEZ..............................................................32L’enseignement passe par la communication, l’écoute, la compré-hension, la parole, la transmission de connaissances. La profession-nalisation implique les mêmes dispositions, en plus opérationnel. Il s’agit de se former à un métier, d’acquérir un savoir-faire sans omettre le savoir-être qui est à la base de toute réussite profession-nelle.

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NOTES DE LECTURE par l’équipe d’AGEFA PME Prospective...............................................39

L’éducation réinventée par Salman KHAN.....................40La très récente publication et traduction en français du livre de son fondateur Salman KHAN, avec pour titre L’Education réinventée, une école grande comme le monde, va désormais permettre de se faire enfin une idée de cette nouvelle école qui dit « n’exclure personne, être accessible à tous » et prétend bouleverser le monde de l’enseignement.

Sociologie de la communication politique par Philippe RIUTORT............................................................................57Mais savons-nous ce que le poids des médias a changé en s’empa-rant de l’espace politique, et mesurons-nous à quel point le monde politique en a été changé ?

La parole manipulée par Philippe BRETON...................63Il convient de partir de la définition que l’auteur nous propose de la manipulation : « Manipuler consiste bien à construire une image du réel qui a l’air d’être le réel » (page 18 de l’ouvrage cité). Il faut donc que l’image soit convaincante, davantage qu’elle ne nous donne l’impression d’être plus réelle que le réel lui-même. Mais comment la manipulation s’y prend-elle, comment parvient-elle à neutraliser nos résistances et à étouffer notre discernement ?

FOCUS par Jean Claude CASTAGNEYROL..77

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Pourquoi faut-il réhabiliter la rhétorique ?..................78Si vous cherchez à approfondir l’histoire de la communication : comment elle a commencé, comment elle a évolué, comment elle s’est transformée, vous rencontrerez certainement la question de la rhétorique, et vous serez peut-être tenté de ne pas vous y arrêter, car la rhétorique semble bien dévalorisée aujourd’hui, au point que le mot est surtout employé, pas du tout comme un compliment, mais comme une mention négative : « ce n’est que de la rhétorique » ou « c’est le discours d’un rhéteur », pour signifier que le dis-cours est vide, ou que les effets recherchés comptent plus que la vérité.

Quelles sont les sciences de la communication ?.......83Il n’est pas facile de s’y retrouver dans les sciences qui, de près ou de plus loin, prennent la communication comme objet d’étude, et encore moins facile de déterminer celles qui sont les plus essen-tielles et qui font avancer les connaissances sur la communication, sa nature, ses limites et ses potentialités.

BONUS sur la Khan Academy par l’équipe d’AGEFA PME ProspectiveLes Moocs de Salman KHAN et sa stratégie de communication.................................................86

La fondation Orange et la Khan Academy....................87

Bill Gates et la Khan Academy.........................................91

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DOSSIER: LA COMMUNICATION EN DÉBATS

Entre attentes et incertitudes…

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COMMUNICATION :DOIT-ON GARDER NOS DISTANCES ?

Comment en sommes-nous arrivés là ? Comment la communication, qui est une valeur que personne ne peut contester et qui est indispensable à notre vie sociale, en est-elle venue à produire des sondages tronqués, à organiser des campagnes de presse men-songères et à élaborer toutes ces stratégies de mani-pulation de l’opinion publique ? La communication ne semble plus servir des valeurs, mais des intérêts. Mais pourquoi ? Comment cette dérive, cette manipulation de la communication s’est-elle produite ?

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Dominique WOLTON (directeur de recherches au CNRS sur les rapports entre la communication, la so-ciété, la culture et la politique, et directeur de la re-vue Hermès), dans l’introduction de son livre Penser la Communication (éditions Champs essais), un livre dense qui approfondit toutes les questions se posant au sujet de la communication, rend bien compte de ce malaise :

« D’où vient alors ce malaise allant de pair avec ce qui devrait constituer une légitime fierté, à l’égard de l’un des avancements les plus tangibles de ce siècle, par ailleurs si douteux ? Sans doute du fait qu’il y a tout, et trop de choses, dans la communication. Certes les possibilités d’échanges sont décuplées, à la mesure des libertés indi-viduelles sans limites, mais elles se réalisent par le biais d’industries “culturelles ”, dont la puissance économique et financière est souvent opposée à toute idée de culture et de communication.… Et la liste des “ambiguïtés”pourrait être poursuivie. Car tel est le mot qui vient immédiatement à l’esprit. Ce siècle voit le triomphe de la communication, mais les ambiguï-tés qui l’accompagnent sont au moins aussi fortes que les progrès, expliquant les doutes et les interrogations que l’on devine déjà pour le siècle prochain. » (Dominique WOL-TON, Penser La Communication, éditions Champs es-sais, page 13)

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Il faut d’abord essayer d’y voir un peu plus clair dans ce qu’on appelle les dérives actuelles de la communi-cation : quelles sont ces dérives et que faussent-elles ?

Mais cet indispensable regard critique ne doit pas nous faire perdre de vue la dimension normative de la com-munication. Mais la communication a-t-elle toujours été un idéal social, culturel et individuel ? Il ne sera donc pas inutile de se rappeler comment la communi-cation est devenue une norme, un idéal.

Le terrain sera alors déblayé pour examiner comment il convient, comment il est possible, et même urgent, de recentrer la communication sur sa véritable desti-nation.

LES DÉRIVES DE LA COMMUNICATION

Les reproches que l’on peut faire à ce qui se présente sous l’appellation de « communication » sont nom-breux, et on ne peut pas être étonné du fait que beau-coup concernent le monde de la politique qui, en effet, use et abuse de la communication.

On ne peut pas reprocher à la politique de faire appel à la communication (avec ses experts et ses bureaux

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d’études) pour informer de ses décisions, justifier ses choix et mettre en valeur un programme. Il en est de même des candidats à une élection : il est normal qu’ils se fassent connaître et fassent connaître leurs orien-tations et leur programme. Tout cela est légitime et ne pose pas de problème, tant que c’est la politique, clai-rement et rationnellement présentée, qui s’impose à la communication. Mais que se passe-t-il quand c’est tout le contraire qui se produit ? C’est-à-dire non pas la po-litique qui s’impose à la communication, mais la com-munication, avec ses multiples opérations médiatiques sans cesse renouvelées, qui s’impose à la politique ? Que provoque donc cette pression des médias ?

« Les hommes politiques des pays occidentaux sont élus pour une courte durée, avec une marge de manœuvre faible, dans des sociétés bureaucratisées, où la souverai-neté nationale est fortement écornée par l’Europe et la mondialisation. Ils doivent néanmoins donner le sentiment qu’ils savent où ils vont et qu’ils voient le long terme… La radio et la télévision, en les forçant à répondre rapidement, sans trop de langue de bois, accélèrent leur relatif discré-dit… De plus, l’homme politique subit la pression de l’évé-nement et celle du cortège des journalistes. Ceux-ci com-mentent au jour le jour, trouvent des significations cachées à des stratégies improbables, mettent facilement en cause la capacité d’action des hommes politiques, qui sont alors

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obligés de courir d’émissions de radio en plateaux de télé-vision, pour répondre aux rumeurs, en confirmer certaines, en démentir d’autres, se démarquer des concurrents… C’est une véritable sociologie de l’homme politique broyé par la communication qu’il faudrait faire aujourd’hui. Mais il ne faut pas compter pour cela sur l’aide des responsables politiques : ils n’osent pas dire la vérité, de même que les journalistes, d’ailleurs…On est donc loin du schéma idéal de l’homme politique qui se nourrit de l’information et de l’opinion publique, évalue l’action menée et fait connaître la hiérarchie des problèmes qui lui paraissent importants pour l’avenir. Si seulement la réalité ressemblait à cette image d’Epinal. Les acteurs politiques, malgré leur fanfaronnade sont donc en réalité les perdants de cette hypermédiatisation… » (Dominique WOLTON, ouvrage cité, pages 147 à 149)

RÉSISTER À LA COMMUNICATION

Vous pouvez estimer que les politiques sont plus res-ponsables de cette situation que les professionnels de la communication. Vous n’avez pas tort, mais peut-être pensez-vous aussi que la communication a des effets globalement positifs, en dehors du monde de la poli-tique, dans le monde de la culture et de l’éducation ?Il faut y regarder de plus près.

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Quelle est donc la réalité ? La communication utilise tous les moyens à sa disposition : la radio, la télévision et internet, et on constate une abondance d’informa-tions et, à la limite, de la saturation.Ce qui est à notre disposition, ce sont des informa-tions éparses, décousues, où les rumeurs semblent avoir autant d’importance que les vérités et les secrets divulgués, mais sont invérifiables, autant que les faits constatés. Or ce n’est pas ce qui enrichit la culture, ni augmente les connaissances des jeunes. Ce qui en-richit la culture et augmente les connaissances, c’est l’effort d’analyse et de réflexion, ce n’est pas la com-munication.

«…Pourquoi résister à ce qui est neuf, beau et prometteur? Pourquoi bouder son plaisir ? Pourquoi les universitaires seraient-ils plus clairvoyants sur les enjeux, les mutations, que les journalistes, les hommes politiques, les entrepre-neurs ? Les élites culturelles sont évidemment en partie responsables de ce vide, dans la mesure où elles ont large-ment refusé de réfléchir sur ce secteur… Aussi n’ont-elles pas contribué à créer ce “matelas de connaissances” sur lequel prendre appui pour relativiser les promesses inces-santes…» (Dominique WOLTON, ouvrage cité, p. 61)

Mais comment comprendre ce fait, massif, que la com-munication fascine à ce point, et cela malgré ses dé-

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rives et, quelquefois, une certaine pauvreté dans les messages ?

Sans doute apparaît-elle comme un modèle, et même le modèle du meilleur moyen de s’exprimer et de se valoriser ; le narcissisme est le meilleur support de la communication.

La communication politique n’est pas qu’une dimen-sion de la communication, qui a investi pratiquement tous les autres secteurs de la vie individuelle et so-ciale, et même les domaines les plus intimes, elle en est le « verre grossissant » et le prototype. Le verre grossissant, car c’est bien la communication politique qui met au grand jour toutes les dérives de l’hyper-médiatisation : l’accessoire mis sur le même plan que l’essentiel, et les intérêts mis sur le même plan que les valeurs. Un prototype aussi, car elle sait faire oublier ses échecs et ses ratages (dans ses pronostics électo-raux, par exemple), pour apparaître comme un modèle de réussite, mais ce n’est qu’une illusion.

C’EST PAR LA COMMUNICATION QUE LES MONDES FERMÉS SE SONT OUVERTS

Cependant, toutes ces dérives ne doivent pas faire perdre de vue le fait que c’est bien à la communica-

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tion, que l’on doit les plus grands progrès, pas seule-ment techniques : plus de facilité pour informer ; mais économiques : plus de moyens pour échanger, et aussi sociaux et culturels : toujours plus de moyens pour s’ouvrir aux autres et échanger des idées.

« Ce qu’on appelle modernité, est l’aboutissement du lent processus commencé au XVIIe siècle, et caractérisé par l’ouverture progressive des frontières, de toutes les fron-tières, et d’abord des frontières mentales et culturelles. Ou-verture qui sera la condition d’émergence du concept de l’individu, ensuite de l’économie de marché, enfin au XVIIIe siècle, des principes de la démocratie. Et la communication a été l’artisan de ce mouvement. C’est par elle que les mondes fermés se sont ouverts les uns aux autres, qu’ils ont commercé, pour échanger des biens et des services, puis des idées, des arts et des lettres. Bref, l’ouverture à l’autre, condition de la communication, a trouvé dans la va-leur communicationnelle, les outils symboliques, puis cultu-rels, et enfin techniques, permettant cette mutation. Celle-ci ne s’est pas faite sans violence, ni guerres, mais elle n’au-rait pu avoir lieu si préalablement, du côté des catégories mentales et des représentations du monde, ne s’était pro-duite cette révolution visant à admettre et à organiser les rapports à l’autre… La poste, la librairie, puis la presse, et simultanément le commerce terrestre et maritime, ont été les instruments de cette ouverture, accentuée évidemment

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par le chemin de fer, le téléphone et toutes les techniques du XXe siècle. » (Dominique WOLTON, ouvrage cité, pages 31 et 32)

TROP DE FAUX DÉBATS

Les dérives qui concernent la communication ali-mentent trop de faux débats, soit qu’ils sont mal conduits, ou aboutissent à des constats non fondés ou à des remèdes pires que le mal. Par exemple, c’est le pire des procès que d’accuser la communication de perversité ; ses dérives ne doivent pas faire oublier qu’elle reste un idéal, et tous les projets de réglemen-tation ne feraient que restreindre la liberté d’expres-sion et d’échanges, mais sans faire obstacle aux mani-pulations toujours possibles.

Une plus grande attention à l’expérience humaine nous prouve assez vite que les dangers sont moins grands que nous pourrions le craindre, et parce que tout ce qu’il y a de plus important dans une existence humaine ne correspond pas à ce qui se passe dans un schéma de communication. Par exemple, la communi-cation est de plus en plus instantanée, mais l’action hu-maine ne l’est jamais ; elle exige toujours le temps de la réflexion, de la préparation et de la mise en œuvre. De même, si nos moyens de communication sont de

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plus en plus performants, il ne faut pas oublier que la performance est un critère relatif qui s’applique peu, et mal, à l’expérience humaine qui ne progresse que par ses échecs et avec lenteur.

Il ne faut donc pas exagérer l’impact, le pouvoir de la communication, qui reste superficiel et éphémère. Tout individu a en lui tous les moyens de garder ses distances, et s’il ne le fait pas, c’est le temps qui le fera, car le temps réel de nos vies ne correspond pas au temps en court-circuit, le temps compressé d’internet. Le vrai temps de nos vies, c’est un temps en relief, un temps de la mémoire qui ne « zappe » pas, car c’est le temps de la durée.

Nous avons donc toutes les raisons de penser que le monde « multimédia » d’aujourd’hui, malgré ses dérives, ne conduit pas à une catastrophe sociale ou culturelle. Mais il reste vrai que l’éducation devrait ap-prendre à garder ses distances, plus vite et mieux.

« … Dans un cybercafé, la difficulté ne consiste pas à se brancher sur le “net’’, mais à être capable de parler à son voisin.Depuis trente ans, on remarque dans les écoles, l’existence d’une fuite en avant dans les systèmes techniques de com-munication supposés mieux ‘‘préparer’’ les enfants à vivre dans le monde moderne. Après la mode de la télévision

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qui devait ‘‘familiariser’’ les enfants au monde de demain, on en est aujourd’hui à l’installation, dans la plus grande urgence, de l’informatique et du multimédia, avec le même argument qui s’est avéré inopérant hier pour la télévision. A savoir que c’est en familiarisant les jeunes aux techniques de la communication de « notre temps » qu’ils seraient plus adaptés au monde de demain. Mais l’on oublie de dire que la plupart du temps, ces mêmes enfants disposent déjà à domicile de toutes les techniques de la communication ; ils n’en sont donc pas privés, et en sont plutôt des utilisa-teurs opiniâtres. Il n’est donc pas certain que leur meilleure préparation à l’intégration au monde moderne consiste à amplifier l’usage de services et de techniques auxquels ils sont déjà familiarisés.Le meilleur moyen de préparer au monde multimédia de demain ne consiste pas à suréquiper les établissements scolaires de téléviseurs, consoles, supports et claviers inte-ractifs, mais plutôt à valoriser ce qui concerne la communi-cation directe. A commencer par le livre et l’échange direct avec un professeur, mais aussi le théâtre qui fut, dans l’his-toire de l’humanité, la première forme de représentation et de distanciation par rapport à la réalité… » (Dominique WOLTON, ouvrage cité, pages 287 et 288)

Article rédigé par Jean Claude CASTAGNEYROLConsultant – AGEFA PME Prospective

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DÉVELOPPER SA CRÉATIVITÉ POUR MIEUX COMMUNIQUER

LE CERVEAU OÙ JAILLIT LA LUMIÈRE

Si les scientifiques n’ont pas encore localisé de « zone de créativité » dans notre cerveau, ils privilégient ce-pendant l’hémisphère droit. Il est spécialisé dans la musique, la reconnaissance de formes, l’intuition et tout ce qui relève de l’analogie et des émotions, tandis que l’hémisphère gauche prédomine pour le langage, le calcul et la logique. Ce qui compte en créativité, c’est le dialogue entre les deux hémisphères et non leur séparation.

L’INVENTION DU BRAINSTORMING

Le publicitaire Alex OSBORN, fondateur de l’Agence BBDO, a conçu le brainstorming pour venir au secours de ses « créatifs » à court d’idées.Il s’est rapidement rendu compte de l’intérêt de cette pratique de la créativité et cette méthode est devenue un moyen efficace pour communiquer et promouvoir avec succès son agence et le service de communica-tion de ses clients.

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Dans un livre paru en 1948, il dévoile la recette et les quatre règles de base du brainstorming :• 1ère règle : exclure la critique et l’autocritique,• 2ème règle : construire sur les idées des autres,• 3ème règle : rechercher d’abord la quantité, • 4ème règle : oser des idées imaginatives, voire des idées

folles, peu importe qu’elles soient réalisables.

De plus, au cours de la séance, il faut noter toutes les idées, c’est fondamental pour faire un tri et une sélec-tion dans un second temps.Le brainstorming est l’image même de la pensée diver-gente qui est le siège de nombreuses techniques créa-tives : l’analogie, la métaphore, l’utilisation d’images, les mots piochés au hasard, les jeux de rôle, l’incubation… C’est au nombre de ces techniques que l’on mesure l’habileté du formateur.Ensuite, pour revenir à la réalité nous allons introduire la pensée convergente, c’est-à-dire faire des combinai-sons et des sélections en utilisant les différents élé-ments produits. S’il le désire, le communicateur pourra sortir du brainstorming (s’il est inspiré) en rédigeant un récit où son imagination stimulée va colorer son écriture.Donc, pour développer sa créativité et devenir un ex-cellent communicateur, il faut apprendre à naviguer dans la pensée divergente, puis après ce détour faire

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des choix originaux et pertinents. C’est à ce moment final que se révèle le talent du créatif ou de l’inventeur.

LA GENÈSE DE LA FORMATIONÀ LA CRÉATIVITÉ PRATIQUE

La première orientation a été donnée par l’invention du brainstorming par Alex OSBORN. Avec l’aide de Sidney PARNES, la recherche d’idées a évolué vers la recherche de solutions à des problèmes, le « creative problem solving » dans les années 50. C’est à cette époque que l’université de Buffalo est devenue « La Mecque » de la créativité heuristique. Mais Alex OSBORN, qui était un auteur humaniste, va s’intéresser au rôle de l’imagination et à des ap-plications tournées vers le développement personnel. D’ailleurs, les grands psychologues contemporains, Carl ROGERS et Abraham MASLOW, vont s’intéres-ser à la créativité personnelle qui, selon eux, est une ressource essentielle.Une deuxième voie sera initiée par le psychologue William JJ GORDON qui abordera l’étude scienti-fique de la créativité en choisissant de travailler sur les ‘‘groupes’’, là où la communication s’exprime plus facilement par rapport au monologue individuel. GORDON démontre que la créativité se manifeste

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dans le cadre de la « pensée divergente » et il va même jusqu’à utiliser « la personnalité comme un simple instrument qui va au-delà des démarches intel-lectuelles ».Par la suite, dans les années 80, la formation à la créati-vité dans les pays anglo-saxons intéresse les plus hautes sphères du pouvoir, de l’économie et de la technique. Les chercheurs en créativité deviennent des person-nages éminents, ce sont des auteurs, des conférenciers, des inventeurs et des communicateurs et la mode de la formation à la créativité s’installe dans la plupart des universités américaines.Par ailleurs, il existe des liens entre ce type de connais-sances et la psychologie sociale (avec des recherches en communication et même en cybernétique) issue du célèbre mouvement de l’Ecole de Palo Alto. Les grands inventeurs des moyens numériques qui sont les fonda-teurs de Microsoft, Apple, Atari… ont entretenu des rapports avec ce type de préparation mentale. Au-jourd’hui, le relais de ces pensées et travaux scienti-fiques se retrouve dans la Silicon Valley. Standford Uni-versity a repris le flambeau de la ‘‘créativité inventive’’ en veillant à entretenir des rapports humains interper-sonnels d’un certain style.En France, les techniques de la créativité, made in USA, ce sont surtout développées dans les sphères de la publicité et de la communication. Les ‘‘communicants’’

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qui tirent les ficelles de notre ‘‘petit théâtre politique’’ ont en général fait un parcours complet pour déve-lopper leur créativité autant que leur stratégie. Un exemple résume les autres, celui de Jacques SEGUELA.

AU FAIT, C’EST QUOI LA CRÉATIVITÉ ?

Le mot créativité n’a qu’un passé bref, alors qu’il nous paraît déjà familier. Cette nouveauté n’est sans doute pas due au hasard, car le développement exponentiel de ce concept est lié à l’accélération du changement et de l’innovation au XXIe siècle. Dans une économie de concurrence, la firme qui progresse est « celle qui ar-rive à se trouver, pendant un laps de temps, en position de monopole ». L’avenir appartient donc aux innova-teurs et, pour cela, il faut trouver l’idée qui permet de prendre de l’avance sur le peloton, d’où la nécessi-té d’utiliser au mieux les ressources de l’imagination, source de créativité, pour avoir à disposition un grand nombre de propositions. Attention aux visions uniques imposées par des décisionnaires enfermés dans leur tour d’ivoire !Sur Wikipédia, la définition du mot créatif tient en huit pages pleines, faites-en l’expérience. Ces dernières années, il faut noter un fait nouveau : l’Europe utilise le mot créativité pour ses projets de développement, par exemple pour orienter un style pédagogique. Par

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contre, les institutionnels français ignorent l’emploi du mot créatif, pourquoi ? Ce mot fait-il peur ? Est-il ré-servé aux arts plastiques et au design ? Ou pour les humoristes ?Une chose est certaine, vous ne trouverez le mot créa-tivité dans aucun référentiel de formation de l’Educa-tion nationale, pas plus que dans les différents plans de développement proposés par les institutionnels du ‘‘millefeuille’’ à la française.En communication, il ne faut pas être avare de l’emploi du mot créativité, même si nous avons du mal à le défi-nir, sinon en le situant au cœur d’un champ sémantique

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d’espoir. Créatif, rappelons-le, sert d’adjectif à des no-tions qui tracent notre avenir : innovation, création, invention, découverte, solutions, artistes, chercheurs, talent, créative, compétitivité…Pour faciliter la formation en créativité, on a l’habitude de séparer, d’une part, la créativité d’expression, celle des artistes, du design et, d’autre part, la créativité d’idées et de solutions (l’heuristique) qui est appréciée des entreprises.Pourquoi est-il plus difficile de développer sa créativi-té lorsque l’on est un communicant ?Parce que, s’ils ont des dispositions, les communica-teurs doivent aller plus loin, toujours plus loin… Mais aussi parce qu’il leur faudra progresser, tant sur le plan de l’expression (l’écriture, l’image, la composition) que sur le plan heuristique, en apportant sans cesse de nouvelles idées et des propositions de solutions ori-ginales. Notons que les communicateurs font de bons formateurs en créativité, car la créativité est source de communication et vice versa.

LE DÉFI POSÉ À LA FORMATIONÀ LA CRÉATIVITÉ :

TROUVER DES IDÉES EN GROUPE,MAIS POURQUOI FAIRE ?

Au sein de la classe, on fait de l’enseignement, tandis

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que l’établissement et à l’extérieur, on communique. Mais la dynamique de groupe et les bonnes pratiques se cultivent au niveau de l’atelier ou de la demi-classe. Cependant, il faut reconnaître qu’un bon discours ou une belle diapo devant une classe reste le moyen prin-cipal pour transmettre les savoirs. Le rôle de la forma-tion à la créativité relève d’une autre dimension…Quelle est la taille idéale d’un groupe pour faire de l’animation à la créativité ? Nous dirions 11 partici-pants, comme pour le football, 5 comme au basket, c’est court, et 15 comme au rugby, c’est presque la taille d’une classe. Le choix du développement indi-viduel, avec les mêmes outils qu’en groupe, est égale-ment une possibilité.Ce qui est conseillé, c’est le fonctionnement en groupe avec un animateur expérimenté qui apporte ses tech-niques, sa personnalité et ses convictions dans une salle en U avec un paperboard. Introduire des formations à la créativité dans un établissement scolaire, même en séances courtes (1 à 2 heures) et de manière intermit-tente, peut être comparable à la mise en place d’une ‘‘démarche en innovation participative’’ qui, de fait, se révèle plus contraignante.En aidant et en stimulant les jeunes à trouver des idées positives, cela les pousse à les diffuser et ce seront les idées constructives et productrices qui modifieront la mentalité de l’entourage.

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Progressivement, l’esprit créatif des jeunes va faire naître chez eux le goût du progrès et de l’amélioration continue. En découvrant leur potentiel créatif, ils se sentiront confiants pour résoudre les problèmes qui se présentent à eux. En effet, les jeunes qui participent en groupe à des séances de brainstorming avec des exercices de créativité seront plus aptes à trouver des gains de productivité ou d’amélioration du comporte-ment : soigner ses contacts avec les autres (maturité), vivre en groupe, positiver les problèmes, repérer et re-produire ce qui marche, faire des économies d’énergie, dialoguer librement avec son chef ou son professeur…Désormais, le professeur ou le tuteur peut dire : « j’ai parfaitement compris ton problème, qu’est-ce que tu proposes comme solution ? » et être compris ! C’est en libérant la parole pendant les séances de créativité que l’on peut amorcer ce type de dialogue et ouvrir à la communication créative entre les individus.Le défi ainsi posé à la formation à la créativité sera atteint en utilisant le fonctionnement du « processus de base en créativité » : formulation du problème, tra-vail en pensée divergente qui est la phase créative, re-tour à la pensée convergente, sélection et rédaction de fiches idées… De plus, ce travail se fait dans une enceinte où la critique des idées des autres et de soi-même est interdite, où le droit à l’erreur existe, et où les idées produites vont être évaluées, analysées afin

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de les rendre opérationnelles. On positive les situa-tions en donnant les mêmes chances aux nombreuses hypothèses découvertes. En même temps, ce travail amène le groupe a une bonne cohésion et maintient l’attention de chacun.Ce travail en créativité dans l’esprit de l’innovation par-ticipative induit une première conséquence : on donne le FEU VERT à l’esprit d’initiative et, progressivement, les jeunes acceptent la vision de l’amélioration conti-nue du réel, en particulier en développant le dialogue avec les adultes, ce qui donne des résultats mesurables dans leurs motivations et dans une participation plus mature à la vie de la classe. Je participe, j’ai confiance en moi, car maintenant j’ai des idées !Comme dans les pédagogies actives, les idées sont comprises et assimilées et ces exercices donnent du sens et de l’attractivité à l’enseignement.Un problème cependant : pour mettre en œuvre ces formations à la créativité pratique…… il y a peu de formateurs expérimentés en France à des prix concurrentiels. Il faudra donc relancer cette façon de faire et d’être, qui demande une culture plu-ridisciplinaire assortie d’une bonne culture générale.La solution est donc de promouvoir la formation de formateurs à cette spécialité par des stages d’un jour ou deux, afin qu’ils puissent introduire eux-mêmes dans leur communication actuelle des séances de

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brainstorming avec des exercices associés. Au départ, il faut stimuler le volontariat.Etant donné la qualité des enseignants des lycées pro-fessionnels et des CFA (matières générales et ma-tières professionnelles), il est préférable de former nos propres ressources humaines à l’animation d’ate-liers ou de séances courtes pour influencer les péda-gogies actuelles qui sont très structurées. Aujourd’hui, nous allons étudier la mise en place de stages de for-mation de formateurs sur le plan expérimental, dans cette spécialité.En conclusion, soyons créatif, poète et innovateur.

Dans les groupes de créativité, la recherche d’idées de-mande de l’empathie et l’absence de critique, aussi je vous propose quelques textes à choisir pour conclure vous-même :

• L’élan créateur naît en général d’une insatisfaction. « Les plus créatifs sont souvent ceux qui ont le plus manqué et qui n’ont pas encore trouvé l’endroit où ils voudraient aller. Ils ne sont pas encore accomplis et sont toujours à la recherche d’un au-delà d’eux-mêmes.» (interview de Juliette BINOCHE).

• « La créativité, c’est un état d’esprit, une attitude inté-rieure, c’est la huitième couleur de l’arc-en-ciel…». Cer-

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taines personnes savent rebondir sur les événements et les opportunités de la vie. C’est en communiquant que l’on construira son propre roman.

• « Apprendre à penser différemment. La créativité, c’est faire feu de tout bois, c’est oser s’ouvrir à l’inconnu, au jamais vu. Il faut se méfier d’un esprit trop scolaire, no-tamment parce qu’il n’y a pas qu’une réponse et qu’il faut s’autoriser à faire des erreurs, à tâtonner, à faire des coups pour rien. »

• La créativité n’est pas régulière : « Qu’est-ce que je fais si je n’ai pas d’inspiration ? Je travaille ! » (Picasso)

Article rédigé par Philippe SECHETconsultant – AGEFA PME Prospective

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ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL ET COMMUNICATION

Les trois dimensions du titre de cet article sont évi-demment étroitement imbriquées.

COMMUNICATION ET PROFESSIONNALI-SATION

L’enseignement passe par la communication, l’écoute, la compréhension, la parole, la transmission de connais-sances. La professionnalisation implique les mêmes dis-positions, en plus opérationnel. Il s’agit de se former à un métier, d’acquérir un savoir-faire sans omettre le savoir-être qui est à la base de toute réussite profes-sionnelle.

La communication est un défi permanent à tous les stades de notre vie, dans tous les domaines person-nels, professionnels, collectifs. La plupart des difficultés que nous rencontrons au quotidien sont liées à un problème de communication. Avec notre famille, nos proches, nos employeurs, nos salariés, nos collègues etc..

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QUELQUES RÈGLES À METTRE EN ŒUVRE

40 ans de vie professionnelle m’ont permis de défi-nir quelques règles qu’il peut être utile de méditer et même de mettre en œuvre !

Il n’y a pas de chance, il n’y a que du rythme. Ceux qui ont prétendument de la chance sont ceux qui, le plus souvent, prennent plus d’initiatives que les autres, libèrent plus d’énergie. Ils vont, comme disait MACHIAVEL, à la rencontre de la bonne fortune et trouvent plus facilement l’âme sœur, l’appartement, le job.

Je suis un grand admirateur de René CHAR et géné-ralement en accord avec lui. Néanmoins je ne partage pas son analyse selon laquelle il faut agir en primitif et prévoir en stratège. La conception doit être libre, débridée, créative. On peut s’y mettre en déséquilibre comme un artiste, envisager les hypothèses les plus folles. C’est tout l’esprit de l’invention. L’application, la mise en œuvre doivent être implacables, hyper-pro-fessionnelles. Le diable est dans le détail. Vous remar-querez d’ailleurs que la plupart des erreurs que nous avons commises viennent souvent d’une conception trop étroite ou traditionnelle et d’une application trop légère.

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Soyons clair sur la perception que les autres ont de nous, qu’il s’agisse de notre vie personnelle ou profes-sionnelle. Nous sommes d’abord jugés au travers de la communication non verbale, notre apparence, notre tenue, les couleurs, le regard, la gestuelle. On peut en être choqué mais je fais remarquer qu’il y a au moins autant de vérité dans un regard ou en geste que dans un mot. Nous sommes ensuite jugés sur ce qu’exprime notre voix, ce qu’elle traduit d’autorité, de spontanéité, de chaleur humaine, d’authenticité, à l’encontre de ce qui est appris par cœur. Et, enfin, seulement sur ce que nous disons et dont l’essentiel sera aussitôt oublié, à part les émotions, les éléments de vécu, les anecdotes, les propos vraiment marquants.

PLUS DE CHOIX OUVERTS

Nous sommes passés de la société du OU à la société du ET.J’appartiens à une génération pour laquelle il fallait hiérarchiser, se concentrer sur la priorité, s’insérer d’abord dans la vie professionnelle puis s’occuper de sa vie personnelle.Nous sommes aujourd’hui dans la société du ET, celle de la diversité des besoins des jeunes. Leur univers est pluriel, les technologies les ouvrent au monde, leur niveau d’information et de relation est instantané. Ils

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sont connectés, en réseau. Leurs attentes s’en trouvent multipliées. Ils veulent ET le job ET le temps libre, ET le revenu ET les copains, ET s’accomplir en même temps professionnellement et personnellement.L’heure est à moins de choix binaire et plus de choix ouvert.

On peut toujours se lamenter face à l’évolution des temps et se réfugier dans la nostalgie de l’âge d’or, ce passé qui ne reviendra jamais. Mieux vaut entendre la jeunesse, investir nous aussi le monde des nouvelles technologies. Cet univers des technologies, et en particulier du net,

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est effectivement paradoxal. Telle la langue d’Esope, il abrite le meilleur et le pire. Le meilleur c’est la relation, la connaissance, le réseau, l’ouverture aux autres. Et le pire, je l’ai déjà évoqué, c’est l’instantanéité et la mul-tiplication des attentes, un présentéisme sans passé ni perspectives. Je pense, en particulier, à la décontextua-lisation. A certains moments, sur bien des forums, on ne sait plus de quoi on parle, quel est le sujet. C’est, comme disait Louis Pauwels, la communauté réduite aux caquets !

Mais cet univers change le monde, la communication, la consommation, l’enseignement, les relations de tra-vail. Ne nous plaignons pas si nous laissons la scène à des acteurs ou des pratiques marginales voire dégra-dantes. A nous d’investir le système pour le tirer vers le haut. Si l’on ne comprend pas la demande, il n’est pas pos-sible d’ajuster l’offre, de la placer dans un contexte le plus efficace possible.

NE PAS SE TROMPER D’OBJECTIF

Cette analyse sur la société d’aujourd’hui explique, se-lon moi, l’attrait exercé auprès des jeunes par la for-mation en alternance. Elle offre ET l’enseignement ET le diplôme ET la formation ET, le plus souvent, un em-ploi.

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C’est pourquoi j’ai toujours été dubitatif sur l’objec-tif déclaré de certaines campagnes de communication visant à changer l’image, la rénover ou à rompre avec la perception de l’apprentissage ou de la voie profes-sionnelle. Cela n’est pas la vraie question. La formation en alter-nance est plébiscitée par les jeunes, les entrepreneurs, l’opinion.

Le véritable enjeu c’est l’image des métiers en parti-culier manuels. C’est là qu’il faut une grande stratégie de communication. Comme on l’a fait, de manière trop ponctuelle, pour les métiers de la santé ou l’industrie. Comme on le fait dans le bâtiment. Comme il faut le faire absolument pour la restauration ! Je propose même que cet axe d’intérêt général donne lieu régulièrement à de grandes campagnes de com-munication publique. Elles pourraient être cofinancées par les pouvoirs publics et les branches profession-nelles.

L’autre enjeu est bien sûr de sanctuariser, une fois pour toutes, les avantages accordés par l’Etat et même de les améliorer. La moindre crainte ou annonce impru-dente démobilise les acteurs de l’alternance.Avant de lancer de nouveaux dispositifs dont l’effica-cité s’avère bien incertaine, convenons qu’il est préfé-

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rable de s’appuyer sur ceux qui ont fait leurs preuves.A ces conditions, l’enseignement professionnel et la formation en alternance resteront une chance irrem-plaçable pour la France, sa jeunesse et ses entreprises.

Article rédigé par Thierry SAUSSEZ, Conseil en communication etAncien délégué interministériel à la communication

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NOTES DE LECTURE

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Salman KHAN - L’éducation réinventéeéditions « J-C LATTES », Septembre 2013305 pages

LA KHAN ACADEMY

L’Académie Khan (Khan Academy) est une association à but non lucratif fondée en 2006 par Salman Khan. Sur le principe de « fournir un enseignement de grande qualité à tous, partout », le site web publie en ligne un ensemble gratuit de plus de 2 200 mini-leçons, via des tutoriels vidéo stockés sur YouTube, abordant les mathématiques, l’informatique, l’histoire, la finance, la physique, la chimie, la biologie, l’astronomie, l’art pic-tural et l’économie…

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Selon son fondateur, la charte pédagogique de son tra-vail est la suivante : « Ceci pourrait être l’ADN d’une école dans le monde réel où les étudiants passeraient 20 pour cent de leur journée à regarder des vidéos et s’exercer à leur rythme, et le reste de leur temps à construire des robots, peindre des tableaux, composer de la musique ou toutes sortes d’autres choses. »

La Khan Academy, pratiquée par plus de 6 millions d’élèves aux Etats-Unis et en Amérique du Sud, n’est pas encore bien connue en France, malgré son exis-tence à l’adresse suivante : http://www.khan-academy.fr/. Depuis peu, la « fondation Orange » en assure la promotion, mais seulement à destination de pays afri-cains.

La très récente publication et traduction en français du livre de son fondateur Salman KHAN, avec pour titre ‘‘L’Education réinventée’’, une école grande comme le monde, va désormais permettre de se faire enfin une idée de cette nouvelle école qui dit « n’exclure per-sonne, être accessible à tous » et prétend bouleverser le monde de l’enseignement. Mais la publication de ce livre va aussi, n’en doutons pas, relancer en France le vieux débat entre les conservateurs et les réforma-teurs du système d’enseignement ! Il se pourrait bien cependant, que ce livre déboute les uns et les autres,

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les réformateurs comme les conservateurs, car il per-mettrait de comprendre pourquoi l’école française n’est pas (ou n’est plus) réformable, pire encore, que les différentes réformes tentées depuis plus de trente ans, n’ont fait qu’en aggraver les défauts, les insuffi-sances et les injustices.« Le vieux modèle de la salle de classe ne correspond plus à nos besoins… Ce modèle consiste à regrouper des élèves du même âge, pour leur faire suivre un programme unique, en espérant qu’ils en retiendront quelque chose. S’il était peut-être efficace il y a cent ans (et cela reste à prouver), ce n’est certainement plus le cas aujourd’hui. Les nouvelles technologies nous font entrevoir d’autres manières d’en-seigner et d’apprendre, mais elles engendrent également la confusion, voire la peur ; trop souvent, elles ne consti-tuent qu’une façade. Parler d’éducation et placer l’école au centre de nos préoccupations est une bonne chose, mais malheureusement, ça n’aboutit jamais à rien. Les décisions politiques, nécessaires au changement, peuvent faire au-tant de mal que de bien … » (Salman KHAN, ouvrage cité, pages 11 à 13)

Pourquoi donc le système scolaire marche-t-il si mal, et même en ce qui concerne ce qu’il est convenu d’ap-peler les « bons élèves » ?

« Dès le départ, j’ai été troublé, voire stupéfait, de consta-

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ter que la plupart de mes élèves (pourtant tous motivés et brillants) n’avaient qu’une connaissance approximative des bases, particulièrement en maths. De nombreux concepts leur échappaient. Par exemple, ils pouvaient définir lux comme un nombre premier (nombre divisible uniquement par lui-même ou par un), mais ils ne reliaient pas cette no-tion à l’idée plus générale du plus petit commun multiple. En résumé, ils connaissaient les formules, avaient mémo-risé le mécanisme, mais il leur manquait des connexions. Les liens intuitifs n’avaient pas été faits… Par conséquent, ces gamins ne connaissaient pas vraiment les maths… » (Ouvrage cité, pages 159 et 160)

DES ÉVALUATIONS QUI N’ÉVALUENT PASOU

LA FICTION D’UN SYSTÈME ÉQUITABLE

Pour Salman KHAN, la faiblesse de nos formations scolaires peut clairement se voir dans nos procédures d’évaluation qui sont censées, non seulement contrô-ler les connaissances des élèves, repérer leur niveau, identifier leurs lacunes, mais aussi mesurer leur capa-cité de compréhension. C’est bien ce que l’on dit et ce que l’on attend des évaluations, mais qu’en est-il vraiment ?« Qu’est-ce que les évaluations évaluent réellement ? Il

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semble qu’on puisse répondre ceci : les évaluations me-surent approximativement la mémoire d’un élève et éven-tuellement sa compréhension sur quelques notions d’un sujet plus vaste, et ce, à un moment donné.C’est un résultat assez piètre, pourtant ce sont les seules données dont on dispose… Ce qui est sûr, c’est qu’on ne mesure pas de manière significative, le potentiel d’un élève. Ce que nous faisons alors - très efficacement –, c’est cata-loguer les élèves, leur coller une étiquette, les définir et, bien souvent, limiter leurs perspectives. » (Pages 113 et 114 de l’ouvrage cité)

« Nous le voyons, cette critique de Salman Khan rejoint bien des analyses de sociologues français, dont le plus connu est Bourdieu. Les évaluations n’auraient pas de fonction intellectuelle, mais une impitoyable fonction sociale ; leur but serait de sélectionner les élèves et, comme le souligne Salman Khan, de distinguer « les gens promis aux carrières les plus prestigieuses et les mieux rémunérées, de ceux qui le seraient à des travaux de service et à un statut social inférieur.» (Page 114)

Et c’est sans doute pour parvenir à ce résultat, la sé-lection, que tout est divisé, fragmenté ; la journée en heures de cours, les élèves en classes, et les disciplines en « matières ». Mais comment expliquer une telle organisation ; d’où vient-elle, quelle est son origine ?

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LA PRUSSE ET SES SOLDATS MARCHANT AU PAS

« Les novices en la matière seront peut-être surpris d’ap-prendre que ces idées furent inspirées par la Prusse du XVIIIe siècle. La Prusse, avec ses barbes drues, ses cha-peaux rigides et ses soldats marchant au pas, est celle qui a inventé notre modèle éducatif. L’instruction publique obligatoire et gratuite était considérée comme un outil po-litique, autant que pédagogique. Le but n’était pas de déve-lopper l’esprit critique, mais de former des citoyens loyaux et malléables ayant appris à se soumettre à l’autorité des parents, des professeurs, de l’Eglise et en dernier lieu, du roi. Le philosophe et théoricien politique prussien Johann GOTTLIEB FICHTE, personnage-clé du développement de ce système, n’en dissimulait pas les objectifs : « Si vous vou-lez influencer quelqu’un, vous ne devez pas vous contenter de lui parler, vous devez le former d’une telle façon qu’il ne désirera pas autre chose que ce que vous souhaitez qu’il désire. » (Ouvrage cité, pages 94 et 95).

C’est vrai que nous sommes un peu surpris et que nous n’attendions pas une telle explication ! Mais que l’influence de ce modèle « prussien » ait été directe ou indirecte, l’explication de Salman KHAN possède une grande part de vérité, car c’est vrai que les systèmes

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éducatifs en Europe et aux Etats-Unis avaient un but politique autant que pédagogique, et c’est vrai aussi qu’il y avait une volonté d’endoctrinement des élèves, nous disons aujourd’hui de « formatage ».

« … Il ne fallait surtout pas que les élèves puissent réflé-chir à un sujet hors-programme ou prendre le temps de discuter entre eux d’idées non orthodoxes, potentiellement dangereuses. La cloche sonnait et ils n’avaient pas d’autre choix que d’interrompre la conversation pour passer à la leçon suivante. L’ordre écrasait sciemment la curiosité ; la discipline l’emportait sur l’initiative. » (Ouvrage cité, pages 95 et 96)

Il faut noter que Salman KHAN ne reconnaît pas que des défauts à ce modèle prussien ; il a aussi été inno-vant et égalitaire, et c’est lui qui a favorisé le dévelop-pement des classes moyennes et de l’industrialisation. On pourrait aussi objecter à Salman KHAN que dès le début, et en France, ce modèle est entré en conflit avec un autre modèle : celui qui prenait son inspiration dans la Philosophie des Lumières et qui avait pour ob-jectif de fonder la République, sur et avec des citoyens libres et éclairés. Pour ce modèle Républicain, l’obéis-sance, la docilité, la discipline, passent au second plan et la curiosité, la réflexion, la pensée libre et l’esprit critique, passent au premier plan.

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On pourrait aussi montrer que ces 2 systèmes, le système du «formatage » et le système de la pensée libre et éclairée coexistent dans le système français ! Coexistent ? Pas vraiment, car ils sont toujours en conflit, ne parviennent que rarement à la suspension des hostilités, encore plus rarement à des accords, et suscitent de nombreuses tensions. Jamais l’un des sys-tèmes n’a pu définitivement l’emporter, et jamais non plus aucun des deux n’a été définitivement vaincu ! Et c’est sans doute pourquoi il est si difficile, et peut-être même impossible, de faire évoluer le système français !

On l’aura compris, ce système « prussien » a produit tout ce qu’il pouvait produire ; il est maintenant à bout de souffle ; il ne peut plus être réformé ni amendé, car il n’est pas capable - il ne l’a jamais été - de donner à tous et partout, une culture de qualité ; il n’est pas capable de promouvoir une école qui n’exclurait per-sonne.

Que nous propose donc Salman KHAN pour combler les failles du système actuel ? Comment sortir du mo-dèle prussien ?

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MÊME AU CLUB MICKEY, ON MÉLANGE LES ÂGES.

Salman KHAN considère qu’il faut remettre en cause la répartition des élèves selon les âges, car c’est cette organisation qui a « permis la mise en place de pro-grammes fixes et d’exigences arbitraires concernant les connaissances à acquérir à tel ou tel niveau. » (Page 231)« Il va sans dire qu’il n’y a rien de naturel à séparer les élèves de la sorte. Ce n’est pas comme cela que s’organise une famille ; ça ne reflète pas la réalité et ça va à l’encontre du fonctionnement des enfants. Même au club Mickey on mélange les âges ! Tous ceux qui ont côtoyé les enfants vous le diront : les jeunes et les plus âgés bénéficient de ce mélange. Les plus grands deviennent responsables des plus petits… Les plus jeunes admirent et stimulent les plus grands. Tout le monde agit de façon plus adulte. Les grands et les petits se montrent à la hauteur. » (Page 232 de l’ouvrage cité)

Nous le voyons, ce que Salman KHAN attend de ce mélange des âges, c’est un plus grand sens des respon-sabilités ; les plus grands élèves doivent se sentir res-ponsables des plus jeunes, et ils approfondissent même leurs connaissances en les expliquant aux plus jeunes.

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«… Nous avons donc créé une classe mélangée qui utilisait les leçons filmées et le logiciel de la Khan Academy, et où l’enseignant s’adressait à tous les élèves de tous niveaux…Au moment où j’écris ce livre, cette classe fonctionne depuis six mois, et tout porte à croire que l’expérience est merveil-leuse. Des élèves de cinquième côtoient des terminales… Elles apprennent davantage et se sentent moins stressées. J’ai entendu dire que le plus gros problème, c’était que d’autres filles se plaignaient de ne pas faire partie de cette classe. » (Pages 234 et 235 de l’ouvrage cité)

On peut même aller plus loin, et mélanger aussi les jeunes et les adultes ; c’est ce que Salman KHAN ap-pelle : l’andragogie.

L’ANDRAGOGIE

Il est de plus en plus nécessaire, tout le monde au-jourd’hui en convient, que l’éducation par les connais-sances dure toute la vie, mais il ne faut plus infantiliser les adultes en leur servant une sorte de copie de l’en-seignement des collèges et des lycées.

« … La Khan Academy répond exactement aux inclina-tions des apprenants adultes. Ces derniers sont, avant tout, motivés ; les leçons filmées disponibles sur Internet néces-sitent une telle motivation. Le fait qu’elles s’effectuent selon

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le rythme de chacun, respecte le sens des responsabilités des adultes : ils progressent en fonction de leurs capacités. Ils peuvent adapter leurs leçons à un emploi du temps sur-chargé… » (Page 212 de l’ouvrage cité)

Il ne faut pas considérer ces propositions de Salman KHAN comme des inventions farfelues, car en fait, les principes et les normes qui inspirent la Khan Academy sont classiques au plus haut point : ce sont les valeurs de maîtrise, de responsabilité, la soif de connaissances, le respect des personnes (les enfants sont des per-sonnes). Salman KHAN est, si on veut, révolutionnaire au niveau des moyens, mais pas du tout au niveau des objectifs ; on peut même parier que des philosophes de la grande tradition humaniste, comme CONDOR-CET ou ALAIN, lui auraient donné raison.Et il faut alors changer radicalement les méthodes et l’organisation de l’enseignement….Et de ce point de vue, on paye certainement très cher, en temps et en argent, la longue coupure des « grandes vacances ».

REDÉFINIR L’ÉTÉ

« De toutes les idées et les coutumes démodées qui ont rendu les pratiques éducatives si inefficaces et inadaptées

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à nos besoins, les grandes vacances sont les plus embléma-tiques. Elles sont l’héritage d’un monde qui n’existe plus, logique rurale dans un monde urbanisé. C’était normal en 1730, quand la plupart des gens vivaient dans des fermes. Les familles avaient besoin d’être nourries avant de se sou-cier d’envoyer leurs enfants à l’école. Les jeunes de tout âge, filles et garçons, aidaient aux champs… Aucun péda-gogue n’a remarqué que, dans les pays industrialisés au moins, ce mode de vie a disparu il y a un siècle ou deux ?Dans l’état actuel des choses, les grandes vacances re-présentent une perte d’argent et de temps monumentale. Partout dans le monde, on investit des dizaines voire des centaines de milliards de dollars en infrastructures sco-laires qui restent vacantes, ou au mieux extrêmement peu utilisées. Les enseignants n’enseignent pas et les équipes administratives n’administrent rien. Mais le pire, c’est que les élèves n’apprennent rien. Si les grandes vacances ne constituaient qu’une pause dans leur apprentissage, ce se-rait déjà néfaste car la continuité serait brisée.En réalité toutefois, le plus gros inconvénient des grandes vacances n’est pas que les enfants arrêtent d’apprendre, c’est qu’ils commencent presque instantanément à désap-prendre…Donnez à un gamin dix semaines de vacances, et ce n’est pas une métaphore de dire que ses connaissances en algèbre auront disparu. La triste vérité est qu’en termes d’apprentissage, la grande majorité des heures d’été est

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perdue. Les enfants regardent la télé ou jouent à des jeux vidéo… Certains lisent des livres mais ils sont rares… Les écoles sont fermées. Les cerveaux sont en veille. » (Pages 246 à 250 de l’ouvrage cité)

Pour mettre plus de clarté, nous avons choisi de vous présenter d’abord les critiques et les propositions les plus radicales de Salman KHAN afin de mieux com-prendre comment fonctionne la Khan Academy

TOUT A COMMENCÉ PAR DES LEÇONS DE MATHÉMATIQUES SUR YOUTUBE

C’est pour aider sa jeune cousine Nadia qui avait raté un contrôle de maths à la fin de sa classe de sixième, que Salman KHAN commence par rechercher pour-quoi, pourtant bonne élève, elle avait raté ce contrôle ; le sujet n’était pas très difficile : il s’agissait de la conver-sion des unités.

« J’ai été surpris. Ce concept - qui consiste à calculer à combien de centimètres équivalent dix kilomètres, ou à combien de grammes, dix kilos - était une notion assez simple. Il suffisait d’apprendre quelques repères (un kilo vaut mille grammes, un kilomètre, mille mètres). A partir de là, il ne restait plus qu’à multiplier ou diviser. Nadia avait maîtrisé des problèmes bien plus complexes que cela.

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Alors pourquoi n’avait-elle pas saisi les conversions d’uni-tés? Elle n’en savait rien, et moi non plus. Essayons d’envi-sager les différentes raisons qui pourraient l’expliquer.Peut-être qu’elle était absente le jour où on l’avait étudié en classe ; ou peut-être était-elle physiquement présente mais distraite. Elle avait peut-être sommeil, mal au ventre, ou était fâchée de s’être disputée avec sa mère la veille. Ou bien elle avait un contrôle à l’heure suivante et révisait au lieu d’écouter le cours de maths. Ou alors, elle était amoureuse d’un garçon de sa classe et rêvassait. Peut-être aussi que son professeur était pressé de passer à la suite et n’avait pas pris le temps d’expliquer correctement. » (Pages 31 et 32 de l’ouvrage cité).

Etre absent, distrait, dormir un peu à un cours, avoir mal au ventre, ce n’est pas dramatique et ne devrait pas avoir de grandes conséquences ! Etre amoureuse, ce n’est pas du tout dramatique ! Mais comment se fait-il que ces causes, et parfois une seule d’entre elles, deviennent un jour fatales et ne pardonnent pas ?Salman KHAN considère que tous les élèves - même ceux qu’on appelle les « bons » élèves - ont des connais-sances très fragiles, et qu’ils peuvent rapidement deve-nir désemparés ! Pourquoi ? Les explications pendant les cours ont été insuffisantes - il ne suffit pas d’expli-quer, il faut réexpliquer.

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« L’exemple du bon élève qui décroche tout à coup parce que ses acquis ne sont pas aussi solides qu’on le pensait est un phénomène courant. Nous avons tous eu des cama-rades dans cette situation, et nous sommes nous-mêmes passés par là. Observons les matières dans lesquelles (même des élèves jusqu’alors très brillants) se retrouvent classiquement dans l’impasse. L’une d’elles est la chimie organique, une matière qui a poussé des générations de futurs étudiants en médecine à se réorienter en fac d’an-glais.» (Pages 105 et 106)

Les connaissances en effet ne se découpent pas comme les heures de cours et les années, ni comme les ma-tières enseignées ; toute connaissance présuppose les connaissances qui l’ont précédée, la chimie organique présuppose la chimie inorganique, qui présuppose elle-même la chimie minérale, et comme l’analyse al-gébrique présuppose la trigonométrie. Or l’enseigne-ment, avec son organisation et son apprentissage « en gruyère », est incapable de donner cette connaissance synthétique.

A partir de là, Salman KHAN a conçu des logiciels (disponibles sur Youtube) expliquant comment ré-soudre un problème de maths, mais aussi permettant de suivre les élèves, leurs erreurs, leur progression, et de leur donner de prochaines tâches afin de réussir à

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100%.

« J’avais le sentiment qu’en général, éducateurs et en-seignants manquaient cruellement d’ambition pour leurs élèves ; or cette attitude condescendante était contagieuse. En voyant la barre placée aussi bas, les enfants remet-taient en cause leurs propres capacités ou acceptaient la médiocrité. Je suis parvenu à la conclusion que mes élèves (et avec eux tous les élèves) avaient besoin qu’on revoie nos ambitions à la hausse. Obtenir quatre-vingts ou quatre-vingt-dix pour cent de bonnes réponses était acceptable, mais je voulais qu’ils travaillent jusqu’à obtenir dix bonnes réponse d’affilée… Certes, c’est exigeant. Mais cela ne pousse pas les élèves à l’échec ; au contraire, cela les mène à la réussite, parce qu’ils peuvent essayer jusqu’à ce qu’ils y arrivent.J’ai la conviction que si on lui fournit les outils et l’aide adaptée, chaque élève peut atteindre ce niveau en maths et en science… » (Ouvrage cité pages, 164 et 165)

UN LIVRE VIVIFIANT

Ce livre de Salman KHAN est en effet vivifiant, et il appelle « un chat, un chat » ; il nous dit les choses scolaires telles qu’elles sont, ou telles qu’elles sont de-venues !

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« Regardez tous ces jeunes diplômés en littérature com-parée, histoire ou sciences politiques, qui ont décroché des postes haut placés dans la finance, le droit, la médecine ou le consulting. Se souviennent-ils des classiques ? En lisent-ils seulement ? Parmi ceux que je connais, la plupart n’ont pas ouvert un livre depuis la fac. » (Ouvrage cité page 282)

Mais ne nous y trompons pas ! Salman KHAN est un humaniste classique qui se réfère aux valeurs les plus classiques : le travail bien fait, le sens de la méthode, le sens des responsabilités, la maîtrise des connaissances. Espérons que cela n’échappera pas à nos pédagogues, et qu’ils ne prendront pas en lisant ce livre, l’acces-soire pour l’essentiel. Vous pouvez lire aussi notre « focus » consacré à la stratégie de communication de la Khan Academy.

Si vous n’avez jamais rien compris aux maths, nous vous recommandons de charger sur votre ordinateur ou votre tablette, l’application « Maths Vidéos » : des leçons de 15 à 25 minutes sur toutes les notions es-sentielles, de la 6e à la 1re S, des leçons que l’on peut se repasser, et des exercices que l’on peut faire ou pas. Vous comprendrez tout et vous pourrez enfin aider vos enfants ou vos petits-enfants à faire leurs devoirs ! Un modèle de vraie pédagogie, et en plus c’est gratuit.

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Philippe RIUTORTSociologie de la Communication PolitiqueEditions « Repères », 107 pages.

Avec la publicité, la communication dans le domaine de la politique nous est familière, souvent envahissante, et pas seulement pendant les périodes électorales.Mais savons-nous ce que le poids des médias a changé en s’emparant de l’espace politique, et mesurons-nous à quel point le monde politique en a été changé ?

Pour y voir plus clair, ce petit livre (107 pages) de Philippe RIUTORT (Professeur de sciences sociales et chercheur au laboratoire de communication poli-

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tique au CNRS), édité dans la collection « Repères » peut être recommandé, même si sa lecture n’en est pas toujours facile, car c’est un livre dense qui ana-lyse l’industrie des sondages, l’influence de la presse, le poids d’internet, mais aussi les travaux, anglo-saxons et français, qui ont été consacrés à la communication politique.

MAIS QUELLE EST DONC L’IDÉE CENTRALE DE CETTE ÉTUDE ?

Pour Philippe RIUTORT, du fait du poids de la com-munication et de ses techniques, la vie politique est devenue un cercle politique, avec ses initiés, ses rites, ses secrets, un cercle fermé qui tourne en rond.

« Le paradoxe qui gouverne “les démocraties d’opinion” contemporaines est le suivant : alors que le recours des pro-fessionnels de la vie politique, à la médiation des conseils en communication se justifie aujourd’hui par le souci des élus de se rapprocher des attentes des électeurs, la multi-plication des intermédiaires s’interposant entre eux, contri-bue à renforcer l’autoréférentialité du jeu politique… La vie politique contemporaine s’apparente ainsi à un “cercle politique” reliant professionnels de la politique, aidés dans leur stratégie de valorisation de soi par des conseillers en communication, agissant sous le regard de sondeurs, prêts

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à évaluer en quasi-temps réel leurs ‘‘performances’’, et ob-servés par des journalistes politiques, soucieux de décoder et de démonter les “coups médiatiques ” » (ouvrage cité, page 92)

Ainsi, dans ce cercle politique, il semblerait que la com-munication n’est pas vraiment à l’écoute de l’opinion publique pour en dégager les attentes ou les tendances, elle opère un montage, elle fabrique un modèle d’opi-nion publique, bien éloigné de la réalité. Philippe RIUTORT fait remarquer que c’est depuis les années 70, que concernant les sondages, ceux-ci soient devenus des arguments, voire presque des preuves ; désormais, les journalistes politiques ne commentent plus des faits ni des idées ; ils commentent des son-dages à longueur d’émissions, et tout ce qui ne cadre pas bien avec les sondages est habituellement passé sous silence.

« Les “politologues médiatiques”, parfois assimilés aux sondeurs, en raison de la porosité des frontières, peuvent revendiquer leurs titres et positions universitaires pour in-tervenir régulièrement dans la presse, exercer une activité (professionnelle) complémentaire, et cautionner, par leur crédit scientifique, toute opération journalistique, à la ma-nière des hit-parades mêlant des sportifs, des personnes de la société civile fortement consensuelles (mesurant le

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degré de sympathie de la cause défendue) et des politiques évalués selon des critères explicitement non politiques. Les débats politiques, à l’image des face-à-face télévisés, font à leur tour l’objet d’évaluations instantanées (qui a gagné ?) : les verdicts des sondages ne peuvent que s’imposer et mo-deler les commentaires journalistiques, afin d’épouser ce qui est perçu comme l’opinion majoritaire… » (Ouvrage cité, pages 97 et 98).

CETTE SITUATION POSE LE PROBLÈME DU JOURNALISME POLITIQUE : QU’EST-IL DE-

VENU AUJOURD’HUI ?

Pendant longtemps, le journalisme politique s’est consacré à rendre compte des débats parlementaires et politiques ; il en faisait l’analyse, et son commentaire était engagé en fonction de son orientation idéolo-gique. Le lecteur savait donc à quoi s’en tenir ; il sa-vait qu’il avait affaire à un journaliste, et non pas à un prétendu expert. Or, dépendant désormais de la com-munication et abusant, sans doute trop, des sondages, le journalisme politique prétend désormais dominer toute la vie politique.

« L’évolution contemporaine du journalisme politique peut être, dans un premier temps, décrite comme un désaligne-ment progressif à l’égard du champ politique, et un glisse-

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ment vers une “analyse politologique ”, prenant appui sur l’interprétation des sondages d’opinion (la figure du “jour-naliste politologue” émerge véritablement en France vers la décennie 1970), et dans un deuxième temps, comme le démontage des “ coups médiatiques ” des politiques et de leurs conseillers en communication, en s’intéressant autant aux coulisses qu’à la scène (les dessous d’une prise de po-sition, les raisons d’un changement de “look” d’un candidat, les préparatifs d’un meeting ou la disposition des caméras lors d’un débat télévisé... » (Ouvrage cité, pages 92 et 93)

Cette étude, certes datant déjà de 2007, de Philippe RIUTORT nous permet donc de comprendre com-ment un excès de communication peut pervertir tout l’espace politique, et c’est sans doute vrai dans tous les autres espaces. Comment l’éviter, comment remettre la communication dans des limites raisonnables ?

Philippe RIUTORT ne nous donne pas de réponse ! Peut-être pense-t-il qu’il n’y a pas de solution, et que la vie politique est devenue définitivement « un cercle politique », et un cercle dérisoire qui ne s’intéresse qu’aux coulisses de la politique ?

Mais on peut être plus exigeant, et ce n’est pas très difficile ; il suffit de poser deux questions aux commu-nicants : que voulez-vous nous communiquer et dans

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quel but ?Reconnaissons cependant que cette question du contenu et de la finalité de la communication est hélas absente des débats actuels.

« La communication politique est devenue, dans les ré-gimes politiques contemporains, une activité ordinaire et annexe du métier politique… La communication politique ne saurait, dès lors, se réduire à un monde plein de félicité, où les problèmes de communication entre le peuple et ses représentants, seraient enfin résolus, mais pas davantage à un univers factice, au sein duquel la politique serait ir-rémédiablement frappée de dégénérescence. » (Ouvrage cité, page 105)

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Philippe BRETONLa Parole Manipuléeéditions « La découverte/poche », 220 pages.

Vous n’avez plus besoin qu’on vous apprenne que la parole est manipulée, donc menteuse ; vous le savez. Mais savez-vous que cette parole menteuse s’insinue partout, pas seulement dans la publicité, dans les dis-cours politiques, mais aussi dans toutes les dimensions de notre vie quotidienne ? Ceux qu’on appelle et qui aiment s’appeler les « communicants » nous mentent, mais les autres aussi, tous ceux qui veulent exercer une influence sur nous, modifier notre comportement. En a-t-il toujours été ainsi, le mensonge est-il aussi vieux que le monde ?Dans un livre qui se lit facilement, un livre couronné par le prix de « Philosophie Morale » de L’Académie des Sciences Morales et Politiques, Philippe BRETON, un des meilleurs spécialistes des techniques de com-munication, nous dit tout sur les techniques de mani-pulation de la parole.Philippe BRETON est l’auteur de nombreux ouvrages : Une Histoire de l’Informatique, l’Explosion de la Com-munication, l’Utopie de la Communication, Histoire des Théories de la Communication, Le Culte de l’Internet, Convaincre sans manipuler, et dans tous ses ouvrages, il met en cause ce qu’il appelle le mythe de l’efficacité,

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car c’est ce mythe qui est au cœur de la manipulation et qui la motive. Il nous invite à être plus conséquents, plus responsables : « Notre société découvre chaque jour un peu plus, que l’on ne peut pas tout faire, criti-quer les méthodes manipulatoires et propagandistes chez le voisin, au sein de régimes politiques honnis, et les appliquer soi-même dans l’univers de la consom-mation, de la santé, de la vie publique. » (Page 209 de La parole manipulée)

COMMENT SE FAIT-IL DONC QUE NOUS ACCEPTIONS CELA, QUE NOTRE VIE

QUOTIDIENNE SOIT AINSI MANIPULÉE ?POURQUOI NOS RÉSISTANCES SONT-ELLES

SI FAIBLES ?

Nous allons d’abord suivre Philippe BRETON dans son analyse des techniques de manipulation, et nous verrons qu’elles sont de deux sortes : celles qui inter-viennent sur nos sentiments, et celles qui truquent le message lui-même.A partir de là, nous comprendrons mieux pourquoi la manipulation de la parole occupe autant de place dans nos sociétés, jusque dans ce qui touche à notre santé et à ce qui nous est le plus intime.Nous le verrons, toutes ces critiques que Philippe BRETON adresse à la manipulation de la parole, c’est

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au nom d’une parole plus vraie et d’une communica-tion plus digne, qu’il le fait ; cette parole digne, respec-tueuse de la vérité, il l’appelle l’argumentation. Nous aurons plaisir à suivre l’auteur dans cet éloge de l’ar-gumentation, qui est aussi un éloge de la rhétorique, et qu’il a raison de réhabiliter.

COMMENT ON NOUS PIÈGE…

Il convient de partir de la définition que l’auteur nous propose de la manipulation : « Manipuler consiste bien à construire une image du réel qui a l’air d’être le réel » (page 18 de l’ouvrage cité). Il faut donc que l’image soit convaincante, davantage qu’elle ne nous donne l’im-pression d’être plus réelle que le réel lui-même. Mais comment la manipulation s’y prend-elle, comment parvient-elle à neutraliser nos résistances et à étouffer notre discernement ?Philippe BRETON a raison de souligner que le phé-nomène n’est pas nouveau ; dans l’Antiquité, cela s’ap-pelait la démagogie, mais ce qui est nouveau, ce sont les nouveaux moyens inventés pour nous convaincre, nous faire accepter ce qui ne le serait pas autrement. «La manipulation est une communication contraignante» (page 75 de l’ouvrage cité). Quels sont donc ces moyens ?

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La manipulation peut utiliser deux techniques : soit intervenir sur nos sentiments ; c’est ce que l’auteur appelle « la manipulation des affects », soit intervenir sur le message lui-même ; ce que l’auteur appelle « la manipulation cognitive. »

La technique de manipulation des sentiments est facile à comprendre. Elle vise à paralyser notre esprit critique en utilisant ce qui peut nous séduire, par exemple en publicité, les jeunes et jolies filles. « Ainsi, il y a quelques années, une publicité française avait beaucoup frappé l’imagination par son caractère délibérément provocateur sur le plan sexuel. Une ancienne marque de petits bonbons à la réglisse inventée par un pharmacien toulousain, cher-chait à prendre pied sur le vaste marché des produits de masse. Il fallait pour cela qu’elle se débarrasse de l’image un peu vieillotte qui l’accompagnait, celle d’un produit de province, dont le nom même - Cachou Lajaunie - évoquait plutôt l’austérité.Les publicitaires consultés décidèrent apparemment de ne pas y aller par quatre chemins. Ils conçurent un mes-sage, destiné à être diffusé d’abord à la télévision, qui se contentait de montrer le produit - il s’agissait d’une boîte de cachous - et de mettre en scène une jeune femme au décolleté opulent. Le mannequin bougeait le torse de façon à provoquer un mouvement des seins à forte connotation érotique, évoquant peut-être, le mouvement des cachous

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dans la boîte. Le message ne montrait rien de plus. » (Pages 91 et 92 de l’ouvrage cité)

La séduction par l’image n’est pas le seul moyen utilisé, il y en a d’autres, et disons que tous les moyens sont bons, pourvu qu’ils nous conditionnent. L’auteur cite parmi ces moyens « l’appel aux sentiments », l’utilisa-tion de « la peur », l’argument « d’autorité », « l’amal-game », « l’effet fusionnel ». Nous ne pouvons pas, dans les limites de cet article, analyser toutes ces techniques de manipulation, mais arrêtons-nous sur un procédé qui est fréquemment utilisé : le conditionnement par la répétition, dont le but est de finir par nous faire accepter ce qui risquerait de nous apparaître comme étrange ou anormal.

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« La publicité commerciale, mais aussi la propagande poli-tique, utilisent la répétition incessante et massive de mêmes formes, slogans, etc. En les accompagnant surtout d’exci-tations lumineuses, de couleurs criardes, de sonorités ryth-mées obsédantes, elles créent un état de fatigue mentale qui est propice à l’assujettissement à la volonté de celui qui exerce cette publicité tapageuse. Cette “fatigue mentale” désigne le phénomène d’abandon de la conscience critique, qui finit par se persuader qu’elle s’est exercée dans le pas-sé et que, en quelque sorte puisqu’il est répété, le message a déjà été justifié. » (Pages 94 et 95 de l’ouvrage cité)

Cependant, cette manipulation des affects n’est jamais, ni totalement, ni définitivement, assurée de son succès, car il y a toujours le risque que notre conscience cri-tique, notre faculté de raisonner, reprennent le dessus et s’aperçoivent que le message est truqué, faux ou mensonger. Il faut donc que le message lui-même soit manipulé pour déjouer notre esprit critique, et c’est ce que Philippe BRETON appelle « la manipulation co-gnitive ». Comment fonctionne-t-elle ?

La manipulation cognitive utilise deux techniques, plus exactement deux astuces, le « cadrage manipulateur » et « l’amalgame ».Le cadrage manipulateur, on en parle beaucoup et vous le connaissez, c’est la désinformation, c’est-à-dire

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le fait de fausser la réalité en faisant passer pour vrai ce qui, en réalité, est faux ; par exemple en masquant une partie des faits, et c’est pourquoi on parle de ca-drage. Pendant les guerres, le cadrage manipulateur est considérablement utilisé : de fausses informations sont divulguées aux ennemis pour les induire en erreur.« La seconde guerre mondiale fournit de nombreux autres exemples de cadrage menteur. Dans certaines opérations, les alliés n’hésitèrent pas à sacrifier, par exemple, plusieurs agents secrets ou membres de réseaux de résistance, pour renforcer la crédibilité de fausses informations… La dé-sinformation est bien une arme meurtrière, dont les bilans macabres s’établissent en termes de gains et de pertes globaux. » (Page 104 de l’ouvrage cité)

La manipulation vise toujours à faire accepter un mes-sage, c’est-à-dire une croyance fausse ou une opinion abusive, que nous refuserions, si on nous les présen-tait ouvertement et telles quelles. Il faut donc endor-mir notre esprit critique, et l’amalgame qui consiste à associer des mots ou des images qui n’ont pourtant aucun rapport entre eux, en est le meilleur moyen. Par exemple, c’est l’amalgame qui a été utilisé par la campagne de publicité des cigarettes « Malboro » en parlant de « cigarettes au goût masculin », et donc en associant la virilité et le goût d’une cigarette.« Il importe ici de rappeler qu’il n’y a aucun rapport entre,

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d’une part la masculinité et la virilité, et d’autre part la texture, la composition ou le goût des cigarettes “Malboro ”… Le cow-boy rustique et viril a bien survécu à l’usure du temps. Il s’est en particulier, très bien adapté au nouveau goût pour la nature. Solitaire devant un feu de bois, en pleine nature sauvage, il incarne particulièrement bien les nouvelles tendances, mais la cigarette qu’il fume est tou-jours aussi peu en rapport avec cette image. Le tabac qui la compose n’a, en lui-même, rien de viril… » (Page 125, ouvrage cité)

Il y a donc différentes techniques de manipulation, fi-nalement pas très compliquées dans leur conception, mais très efficaces. Mais quelle est donc la cause de cette efficacité ? Comment, avec des moyens aussi pauvres, aussi grossiers, parvient-on à nous tromper ? Il nous faut maintenant suivre Philippe Breton dans les réponses qu’il nous propose, et qui sont aussi des analyses de toutes nos faiblesses face à la manipulation.

POURQUOI NOUS LAISSONS-NOUSENVOUTER ?

Il est incontestable que la manipulation prend de plus en plus de place dans notre société, pas seulement dans la publicité, mais dans les discours politiques, et aussi dans les médias ; comme le dit si justement Philippe

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BRETON, « il nous faut donc chercher à comprendre cette faible résistance de nos sociétés à une pratique de la parole dont les effets peuvent être dévastateurs.»Trois causes principales sont repérées par l’auteur :1) Une absence de réflexion, 2) La prédominance accordée aujourd’hui à l’efficacité, et dans tous les domaines, 3) Le rôle joué par les « spécialistes de la communica-tion ».

Pour Philippe BRETON, nous ne réfléchissons pas, ou pas assez, aux moyens que la manipulation utilise. Mais pourquoi ? L’auteur met ici en cause tout le système scolaire et universitaire de nos sociétés qui ont depuis longtemps négligé d’enseigner ce qu’est l’art de l’argu-mentation.

« Par quelque côté que l’on prenne nos systèmes éduca-tifs contemporains, on n’y trouve pas d’enseignement sys-tématique qui sensibilise les élèves ou les étudiants aux ressources de la parole pour convaincre. Les lois de l’argu-mentation, du débat, la pratique du décodage du discours, la prévention de la manipulation, ne font l’objet d’aucun apprentissage. Il faut la claire conscience de certains en-seignants pour que cela soit abordé, dans certains cas, tou-jours à travers d’autres disciplines et à leurs marges. » (Page 169 de l’ouvrage cité)

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La deuxième cause, selon l’auteur, réside dans la re-cherche de l’efficacité dans tous les domaines, et par tous les moyens, dont le principal, la manipulation. Cette pratique trouve sa source dans une conception instrumentale de l’être humain, qui est bien peu res-pectueuse de sa dignité. Et cette conception est en fait un « “bric-à-brac” de la théorie de PAVLOV sur les réflexes conditionnés, de ce qu’il y a de pire dans le freudisme, et aussi de ce qu’il y a de moins fondé dans les théories du comportement humain. Nous pouvons le remarquer, les manipulateurs ont besoin de cautions scientifiques pour leurs extrapolations ! Jean-Pierre LE GOFF décrit ainsi les multiples “stages de formation ” auxquels sont massive-ment soumis les personnels des entreprises, à base d’ana-lyses transactionnelles et autres méthodes, où se diffuse cette culture de l’instrumentalisation, si propice au dévelop-pement de la manipulation et de ses techniques» (pages 182 et 183 de l’ouvrage cité).

Mais ce qui est sans doute le plus déterminant, c’est le rôle joué aujourd’hui par les spécialistes de la commu-nication. Il y a, certes une bonne pratique de la com-munication, celle qui cherche à établir les meilleurs moyens du dialogue, celle qui essaye de comprendre tout ce qui fausse le sens des mots, et qui ainsi em-pêche les échanges entre les hommes. Mais ce n’est pas du tout ce qui intéresse les spécialistes actuels de

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la communication ; ce qui les intéresse, c’est seulement de savoir ce qu’on peut dire à un individu, le message qu’on peut lui faire passer pour avoir une prise sur lui et le faire agir à son insu.

« L’objectif de ces professionnels d’un nouveau genre est clair… Le travail de ces spécialistes en persuasion a été très bien mis en lumière par le président du syndicat des relations publiques d’Amérique, lorsqu’il déclara, au cours d’une allocution à ses collègues : ce à quoi nous travaillons, c’est fabriquer des esprits. » (Page 178, ouvrage cité)

« CONVAINCRE SANS MANIPULER »

Les commentateurs ont eu raison de le souligner, ce livre de Philippe BRETON est passionnant ; il répond aux questions que nous nous posons sur la manipu-lation, il nous en démonte les différentes techniques, et il met en évidence nos faiblesses face aux paroles mensongères.Il a aussi raison de souligner que toutes les pratiques manipulatoires « atteignent les fondements de la digni-té humaine ».Mais elles portent aussi atteinte à la dignité de la pa-role. On pourrait longtemps s’interroger sur la pré-tendue efficacité de ces techniques, et on a toutes les raisons de penser que leur efficacité est très relative

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et ne dure pas longtemps, car on ne peut pas tromper trop longtemps les êtres humains. Mais il y a un résul-tat qui ne cesse de s’amplifier et de s’aggraver, c’est le discrédit qui, par ces techniques, est jeté sur toutes les paroles, et à un point tel, que nous sommes désor-mais sur le point de soupçonner toutes les paroles, tous les messages et de n’en plus croire aucun. Mais si nous ne croyons plus aucune parole, si toutes nous semblent mensongères, il n’y a plus de communication possible, et c’est la violence qui risque de s’imposer. La seule alternative à la violence, c’est bien en effet la pa-role, la discussion, le débat, la persuasion qui cherche à convaincre, mais comment est-ce possible sans ma-nipuler ?

Il faut d’abord savoir analyser les messages et apprendre à déceler les manipulations. Or « notre système sco-laire et universitaire ne nous aide pas, pour l’instant, dans cette tâche pourtant essentielle. Il nous manque ce qu’on pourrait appeler une “culture de l’analyse du message”. Son absence est d’autant plus regrettable que, d’une façon générale, comme on ne cesse de nous le dire, la communi-cation est devenue un élément incontournable des sociétés modernes, et notre environnement social est aujourd’hui saturé de messages les plus divers, qui s’interposent le plus souvent entre nous et le monde. » (Page 195 de l’ouvrage cité)

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Mais sur quel critère fonder une communication qui ne soit pas mensongère ou truquée ? Il y a bien un cri-tère, mais il ne se trouve pas dans la forme de ce que l’on dit, c’est-à-dire dans les moyens que nous utilisons pour argumenter, il se trouve dans le contenu de notre discours, dans ce que nous voulons signifier. Et Philippe BRETON ne cesse de souligner tout au long de son étude : le critère est éthique. Mais qu’est-ce que cela signifie ?

Cela signifie qu’il y a des sujets qui ne méritent pas d’être argumentés, et d’autres qui sont impossibles à développer d’une façon sensée, or ce sont ces sujets qui font précisément l’objet de manipulations. Il y donc manipulation et risque de manipulation, toutes les fois que le message, ou bien n’est pas vrai, ou bien n’est pas digne.

« La construction de normes qui garantiraient la liberté de réception relève donc fondamentalement d’une réflexion vivante qui ne peut avoir lieu qu’au sein de la culture, c’est-à-dire aussi bien des systèmes d’éducation, d’enseignement et de recherche. C’est bien au bout du compte, parce que le fait de convaincre s’est développé en dehors de la culture, qu’il a pu connaître les dérives actuelles. La norme, quelle qu’elle soit d’ailleurs, est bien toujours l’intégration dans la culture des hommes, d’une exigence fondamentale qui les fait progresser dans leur manière d’être ensemble. »

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(Pages 206 et 207 de l’ouvrage cité).

Nous sommes convaincus que les lecteurs de cet ou-vrage passionnant seront sensibles à ce rappel des exi-gences éthiques qui, seules, peuvent fonder une vraie communication.

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FOCUS

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FAUT-IL RÉHABILITERLA RHÉTORIQUE ?

Si vous cherchez à approfondir l’histoire de la commu-nication : comment elle a commencé, comment elle a évolué, comment elle s’est transformée, vous rencon-trerez certainement la question de la rhétorique, et vous serez peut-être tenté de ne pas vous y arrêter, car la rhétorique semble bien dévalorisée aujourd’hui, au point que le mot est surtout employé, pas du tout comme un compliment, mais comme une mention né-gative : « ce n’est que de la rhétorique » ou « c’est le discours d’un rhéteur », pour signifier que le discours est vide, ou que les effets recherchés comptent plus que la vérité.

Faut-il donc réduire la rhétorique à n’être qu’un art de bien parler, mais pour ne rien dire, rien de vrai, rien de juste, rien de vraiment convaincant ? N’est-elle pas beaucoup plus que cela, et ce « plus » qu’elle repré-sente, ne manque-t-il pas aujourd’hui, paradoxalement, dans les discours de nos communicants, et plus parti-culièrement dans les discours politiques ?

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COMMENT LA RHÉTORIQUE A-T-ELLE ÉTÉ DÉFINIE,QUAND ET POURQUOI ?

Si vous vous intéressez à la rhétorique, vous irez faire un petit tour dans le passé gréco-latin de notre culture et vous rencontrerez alors deux grands auteurs :

ARISTOTE(384-322 avJC) et CICÉRON(106-43 avJC)

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Cicéron ne fut pas seulement un théoricien de la rhé-torique, mais aussi celui qui a le mieux compris sa né-cessité, car dans le domaine de la politique, il n’y a que la rhétorique, l’art de l’argumentation, qui puisse faire sortir l’humanité de la violence. Il n’y a que la rhéto-rique pour nous donner des « mots contre les armes».

Lucien JERPHAGNON, en 2011, dans son si beau et si instructif livre sur « l’Histoire de la Rome Antique », avec le très suggestif sous-titre « les armes et les mots », nous fait comprendre tout ce que représente Cicéron :

« … Quant à l’éloquence qu’il cultive avec délectation, elle doit être l’instrument de la paix civique. Elle doit permettre de faire l’économie des coups fourrés et des bagarres de rues. Et c’est pourquoi il ne se gêne pas d’en user, en bon avocat qu’il est. Le balancement harmonieux des périodes, dont l’auditeur sous le charme attend la chute, le raccourci qui coupe le souffle, les mots drôles et qui font mouche, bref, les effets oratoires, tout cela n’a d’autre finalité que l’avènement de la raison, le logos des Grecs, là où la pas-sion laissée à elle-même déchaînerait l’empoignade et fe-rait sortir les couteaux. » (Lucien JERPHAGON, ouvrage cité, collection « pluriel », page 151)

C’est bien Cicéron qui nous a appris que la rhétorique était efficace contre les coups fourrés, les empoignades

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et les combats de rues !

Cette rhétorique, qui finalement prouve que l’élo-quence peut « payer », c’est le philosophe Aristote qui en a fait la théorie. Il nous dit en effet, que nous avons à notre disposition deux sortes de discours : les discours logiques qui démontrent et les discours rhé-toriques qui argumentent.

Quand nous avons affaire à des vérités mathématiques ou scientifiques, nous n’avons pas besoin d’effets ora-toires, il suffit de démontrer la vérité pour la montrer, mais quand nous nous prononçons sur des sujets dont la vérité n’est pas démontrable, et qui restent donc incertains - et tous les problèmes politiques sont ain-si – c’est là qu’il nous faut argumenter, faute de pou-voir démontrer. Mais comment allons-nous pouvoir convaincre, comment nos discours peuvent-ils empor-ter l’adhésion ?

Il nous faut d’abord un fil conducteur qui donne une cohérence à tout notre discours ; c’est ce qu’Aristote appelle « L’INVENTIO ». Mais il nous faut aussi mettre en ordre et en forme nos arguments ; cela, Aristote l’appelle la « DISPOSITIO ». Et pour donner vie et chaleur à l’ensemble, il nous faut enfin utiliser des images, se servir de gestes, et afin, comme le disait

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Cicéron, que « les armes cèdent devant la toge », « cedant arma togae » ; toute cette éloquence, Aristote l’appelle « L’ELOCUTIO ».

Les gestes éloquents ne suffisent donc pas, ni les mi-miques, ni les bons mots, il faut aussi un fil conducteur et une solide argumentation. C’est ce que nous ap-prend la rhétorique, et aucun orateur, aucun homme politique, ne devrait l’ignorer.

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QUELLES SONT LES SCIENCES DE LA COMMUNICATION ?

Il n’est pas facile de s’y retrouver dans les sciences qui, de près ou de plus loin, prennent la communica-tion comme objet d’étude, et encore moins facile de déterminer celles qui sont les plus essentielles et qui font avancer les connaissances sur la communication, sa nature, ses limites et ses potentialités.Parmi ces multiples sciences, on peut surtout retenir la philosophie, l’histoire, la linguistique, la sociologie, la

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psychologie, l’anthropologie, le droit, l’économie poli-tique et la géographie.On peut cependant établir une classification en fonc-tion de l’aspect ou du problème étudié concernant la communication.

1) La communication peut être étudiée dans son as-pect philosophique : comment faut-il la définir ? Quels sont ses moyens et ses enjeux ?2) Son aspect psychologique : comment fonctionne-t-elle chez un individu ? Quelles facultés met-elle en œuvre ? Quel est son rapport avec le langage ?3) Son aspect sociologique : quel rôle joue-t-elle dans une société ? Quelles influences exerce-t-elle ?4) Son aspect technique : quels moyens, quels outils utilise-t-elle ?

La communication n’est donc pas, comme la physique ou la chimie, une science autonome : les problèmes qu’elle pose ont été déjà étudiés par d’autres sciences et continuent de l’être. Elle ne peut donc être étudiée qu’en faisant appel aux autres sciences.Mais ce qui rend difficile toute étude de la communica-tion, c’est que ce même mot désigne à la fois un idéal et une réalité.

Comme idéal, la communication représente ce que pourraient être des individus, dans une société qui au-

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rait renoncé à la violence pour résoudre ses conflits. Ce serait une société de réciprocité et d’échanges, qui mettrait en relation des individus capables de s’expri-mer librement.

Mais dans la réalité d’aujourd’hui, la communication représente toutes les informations, tous les messages que nous recevons par la presse, la radio, la télévision et internet. Or la question se pose de la pertinence de ces messages et de la vérité de ces informations.Comme idéal, la communication n’est pas critiquable ; elle est même un impératif. Mais dans la réalité des so-ciétés, la communication réalise, peu ou mal, cet idéal, et bien souvent elle le défigure.

Il est donc toujours indispensable de savoir de quelle communication il est question dans les études que nous pouvons lire à son sujet : s’agit-il de la commu-nication comme idéal d’échanges, de réciprocité et de partage ? Ou de la communication dans la réalité des médias, des informations, des sondages etc. ? Laquelle est si souvent une communication faussée, manipulée, et qui nous montre tous les jours que la communica-tion fonctionne mal, qu’elle n’est pas ce qu’elle devrait être ?

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BONUSLes Moocs de Salman KHAN

et sa stratégie de communication

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LA FONDATION ORANGEET LA KHAN ACADEMY

C’est en 2007 que fut créée la fondation « Orange », mais ce ne fut pas une véritable création, seulement une transformation de la fondation «France Telecom», qui datait de 1987.La fondation « France Telecom » avait deux objectifs au moment de sa création : 1) Favoriser la communication pour tous, 2) Promouvoir le développement de la musique et de la gymnastique.

En 2001, la fondation, sans renoncer à ses deux pre-miers objectifs, va se pencher sur le drame de l’autisme qui n’est pas encore une priorité nationale. Il faut rap-peler qu’à cette époque, les familles sont bien seules pour affronter la maladie de leur enfant. La fondation organise alors les premières journées de l’autisme.En 2004, la fondation élargit son intervention dans le domaine des déficiences visuelles et auditives et se fixe alors trois nouveaux objectifs : 1) La lutte contre l’illettrisme, 2) L’éducation des filles dans les pays en voie de déve-loppement, 3) Le développement du mécénat international.

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Qu’est-ce que la transformation de la fondation « France Telecom » en fondation « Orange » en 2007, va changer ?

UN RENFORCEMENT DES ACTIONS ENGA-GÉES

Ainsi, la fondation « Orange » favorise la création de structures adaptées pour le traitement de l’autisme, elle soutient la recherche de traitements et elle conti-nue d’aider les familles.

La communication pour tous, et plus particulièrement pour les plus défavorisés, reste un objectif majeur de la fondation, mais l’accent est désormais mis sur la ré-duction de la fracture numérique, et c’est dans ce but que la fondation a créé la structure « Orange Solidari-té Numérique », qui retient environ 300 à 400 projets chaque année, sur les 3000 qui lui sont présentés. 5 millions d’euros sont attribués pour soutenir les pro-jets retenus.

C’est dans ce cadre que la fondation « Orange » s’est intéressée à la « Khan Academy », perçue comme un excellent outil pour réduire, à la fois la fracture nu-mérique et l’illettrisme, dans les pays en voie de dé-veloppement. C’est pourquoi la fondation a, dans un premier temps, diffusé la « Khan Academy » au Ca-

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meroun et en Côte d’Ivoire, dans le cadre du projet « Bibliothèque sans frontières ». Ce programme devrait être étendu à l’ensemble de l’Afrique francophone.3000 vidéos de cours en ligne étaient mises à la dispo-sition des élèves, au départ des cours de maths, puis progressivement des cours d’histoire, d’économie, etc. Chaque cours dure environ 10 minutes.

Une bonne nouvelle : depuis le mois de septembre, les cours d’arithmétique, d’algèbre et de géométrie de « la Bibliothèque sans frontières » de la « Khan Academy » sont disponibles pour le public français, et l’objectif est de mettre en ligne 800 cours. Les leçons les plus regardées concernent – c’est un peu étonnant - les additions et les soustractions (15177 vues) et la géo-métrie Euclidienne (5835 vues).

Dans l’esprit de la pédagogie de la « Khan Academy », nous pouvons vous conseiller sur internet l’excellent Maths-Vidéos, tout le programme de maths de la 6ème à la 1ère, totalement gratuit. Et si vous voulez vous mettre - ou vous remettre - au latin, le « latin, niveau1 » (ce n’est pas gratuit, mais ce n’est pas cher).Concernant les Moocs « universitaires, nous vous re-commandons également:https://www.france-universite-numerique-mooc.fr

Malgré toutes ces excellentes initiatives, pouvons-nous

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dire que les Moocs sont devenus un objet éducatif in-dispensable ? Leur avantage, et cela, sans comparaison, est qu’il soit accessible à partir du plus significatif sup-port de « COM » actuel…

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BILL GATES ET LA KHAN ACADEMY

En 2010, la fondation de Bill Gates, la « Gates Fon-dation », avait versé un million et demi de dollars à la Khan Academy, puis un peu plus tard, 4 millions de dollars ; ce qui avait permis de financer la location de bureaux et de recruter plusieurs salariés.

Google qui ne voulait pas être en reste, allait verser à son tour 2 millions de dollars, et après avoir sélec-tionné les projets de la Khan Academy, développer une bibliothèque et la diffusion de la méthode en plusieurs langues, parmi 150 000 candidatures.

Il faut dire que ces versements tombaient bien, car Sal-man KHAN avait dépensé toutes ses économies pour produire ces vidéos pédagogiques sur You Tube.Mais ce que Salman KHAN ne savait pas, c’est que Bill Gates connaissait sa méthode, qu’il en parlait publi-quement, et plus encore, qu’il en disait du bien :« … Bill Gates était sur la scène du Aspen Ideas Festival : il disait qu’il était fan de la Khan Academy et l’avait utilisée avec ses enfants… » (Page 190 de L’éducation réinven-tée)

La suite allait se précipiter, car ce fut Bill Gates qui prit l’initiative d’une rencontre, et qui fixa un rendez-vous à Salman Khan dans ses bureaux de Seattle :

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« La rencontre a eu lieu le 22 août, dans les bureaux de Bill à Kikland, dans l’Etat de Washington… J’attendais dans la salle de réunion, muni de mes traditionnelles diapos, en compagnie de plusieurs membres de la “Gates Fonda-tion”. Je devais avoir l’air stressé car ils m’ont rassuré en me disant : “Bill est un type comme les autres, il est cool.” Quelques minutes plus tard, tout le monde a soudainement affiché un air sérieux. Bill Gates était entré et il se tenait derrière moi. Ouais, un type comme les autres, c’est ça…» (Ouvrage cité, page 191)

Salman KHAN allait bien sûr lui présenter ses objectifs et sa méthode, mais Bill Gates était déjà convaincu :« Il m’a posé quelques questions, puis a simplement com-menté : “C’est super.” Deux jours plus tard, le magazine Fortune publiait un article sur la Khan Academy. Il s’in-titulait : “Le prof préféré de Bill Gates”. » (Page 192 de l’ouvrage cité)

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PublicationAGEFA PME

Juin 2014

Directeur de la publicationBernard Capron

Comité de Rédaction par ordre alphabétiqueÉmilie Bellanger

Jean-Claude CastagneyrolHélène Cénat

Jean-Jacques DijouxThierry SaussezPhilippe Séchet

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42-48 Quai de Dion Bouton - 92800 PUTEAUX