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Académie Aix-Marseille Mutation du transport aérien. Entre low cost et nouveaux opérateurs Long Courrier, les compagnies traditionnelles peinent à s’adapter. Mémoire en vue de l’obtention du Master Management de l’Information Stratégique (Jury rectoral) Auteur : Jean-Marc QUATTROCHI Année universitaire : 2014 - 2015

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Académie Aix-Marseille

Mutation du transport aérien.

Entre low cost et nouveaux opérateurs Long Courrier, les compagnies traditionnelles peinent à s’adapter.

Mémoire en vue de l’obtention du

Master Management de l’Information Stratégique

(Jury rectoral)

Auteur : Jean-Marc QUATTROCHI

Année universitaire : 2014 - 2015

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Les opinions exprimées dans ce mémoire sont propres à leur auteur.

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« Celui qui détient les convictions les plus rigides sur l’avenir est la personne la moins prête à l’affronter ».

Watts Wacker (dans « les 100 règles d’or du management, 2007)

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REMERCIEMENTS

En tout premier lieu, mes remerciements vont à Carole pour son soutien de tous les

jours au cours de ce parcours et plus simplement pour sa présence à mes côtés

toutes ces belles années.

Merci à mes enfants Victor, Arthur et Marie d’avoir supporté un papa plongé trop

longtemps dans une pile de documents.

Merci tout autant à mes collègues de promotion pour cette belle cohésion.

Stéphanie, Cécile, Sawsane, Patrick, Yannick, Yann, Mohamed, Thierry, Eric,

Claude, Jean-Claude, Cyril, Alain, Michael et Christophe. Merci également à Julie

notre ex-déléguée de classe.

Merci aux personnalités qui m’ont accordé une interview et en particulier à

Monsieur le député Bruno LE ROUX pour son investissement constant dans la

défense du transport aérien français.

Merci à Mme Céline LE CORROLLER pour son soutien, ainsi qu’à toute l’équipe

pédagogique pour leurs enseignements enrichissants.

Merci à Pascal et Corinne pour leurs conseils avisés.

Merci à mes amis pour leur soutien et leur relecture.

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Table des abréviations AJPAE : Association des Journalistes Professionnels de l'Aéronautique et de l'Espace. CCI : Chambre de Commerce et de l’Industrie CDEC : Commission Départementale d’Equipement Commercial. CEAC : Conférence Européenne de L’Aviation Civile. CSAC : Conseil Supérieur de l’Aviation Civile. DfT : Department for Transport (GB). DGAC : Direction Générale de l’Aviation Civile. DPCA : Dongfeng Peugeot Citroën Automobile EASA : European Aviation Safety Agency. FAA : Federal Aviation Administration. (USA). FNAM : Fédération Nationale de L’Aviation Marchande. GDS : Global Distribution System, IAG : International Airlines Group IATA : International Air Transport Association JAA : JAA : Joint Aviation Authorities (Conseil des autorités conjointes de l’aviation). JV : Joint Venture. LC : Long Courrier. LME : Loi de Modernisation de l’Économie. MC : Moyen Courrier. MDD : Marque De Distributeur. OACI : Organisation de l’Aviation Civile Internationale. (ICAO). OCLTI : Office Central de Lutte contre le Travail Illégal. OIT : Organisation Internationale du Travail. ONG : Organisation Non Gouvernementale. ONU : Organisation des Nations Unies. PDM : Part De Marché. PKT : Passagers par Kilomètre Transporté. PKP : Passagers par Kilomètre Payant. PNC : Personnel Navigant Commercial. PNT : Personnel Navigant Technique. PS : Personnel Sol. R&D : Recherche et Développement. RLAF : Réseau des Lignes Aériennes Françaises. RSKO : Revenu par Siège Kilomètre Offert. SCARA : Syndicat des Compagnies AéRiennes Autonomes. SGACC : Secrétariat Général à l’Aviation Civile et Commerciale. SKO : Siège Kilomètre Offert. TBC : Transporteurs à Bas Coût. UTA : Union des Transports Aériens (groupe Chargeurs réunis). VFR : Visit Friends and Relatives : visiter les amis et connaissances. Il s’agit d’un segment de clientèle.

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SOMMAIRE

 

PROLEGOMENES  ................................................................................................................  1  

INTRODUCTION  ..................................................................................................................  3  

PARTIE  1  ...........................................................................................................................  17  

LE  LOW  COST,  UNE  TENDANCE  LOURDE  ET  GENERALISEE  A  TOUS  LES  SECTEURS  D’ACTIVITE  ?  .....................................................................................................................  17  

1.1   Le hard discount alimentaire précurseur du modèle low cost. ................................................................ 19  

1.2   Les différents secteurs conquis par le modèle .......................................................................................... 33  

PARTIE  2  ...........................................................................................................................  51  

LE  TRANSPORT  AERIEN  .....................................................................................................  51  

2.1 Historique et état des lieux des acteurs traditionnels du transport aérien ................................................ 53  

2.2 Les acteurs du transport aérien. ................................................................................................................... 81  

2.3 Analyse environnementale du transport aérien ......................................................................................... 117  

PARTIE  3  .........................................................................................................................  127  

CONSEQUENCES  ET  STRATEGIES  D’ADAPTATION  DES  DIFFERENTS  ACTEURS.  .................  127  

3.1 Stratégies d’adaptation des compagnies aériennes .................................................................................... 131  

3.2 Perception des acteurs .................................................................................................................................. 141  

3.3 Intérêts et responsabilités des acteurs institutionnels. .............................................................................. 157  

3.4 Les atténuateurs envisageables (préconisations). ...................................................................................... 167  

CONCLUSION  ..................................................................................................................  175  

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PROLÉGOMÈNES

Nous étudierons dans un premier temps l’émergence et la progression du modèle low cost

dans différents secteurs d’activités afin de vérifier s’il s’agit d’une tendance lourde, voire

incontournable. Nous identifierons les stratégies adoptées par les différents acteurs installés

pour les comparer avec les ripostes qui se mettent en place dans le transport aérien

particulièrement exposé à l’offensive des nouveaux entrants. Nous nous appuierons

notamment sur les analyses de macro-économistes et d’économistes ou sociologues ayant une

vision plus ciblée sur cette problématique.

À la suite d’un état des lieux des différents acteurs du transport aérien, nous étudierons les cas

qui caractérisent une nouvelle donne qui modifie notre perception du « Yalta » aérien que tous

les experts imaginaient à la sortie d’une phase de mutation.

Au travers notamment d’une grille PESTEL d’analyse du macro-environnement, nous

chercherons à identifier les craintes et stratégies des différents acteurs de cette industrie. Nous

synthétiserons cet état des lieux à l’aide des 5 forces de Michael Porter et d’un SWOT

(Strengths, Weaknessees, Oppotunities, Threats 1 ) centré sur les compagnies aériennes

classiques. Afin d’affiner notre analyse, nous confronterons également les résultats de certains

rapports parlementaires et ministériels (rapport BEIGBEDER, rapport GRASSINEAU,

rapport ABRAHAM, rapport BOCQUET, rapport LE ROUX) à différents intervenants au

dossier. Nous estimons qu’il est éclairant de partager l’analyse de parlementaires, du chef de

mission du droit du travail et des affaires sociales de la Direction Générale de l’Aviation

Civile (DGAC), de nous plonger dans les comptes rendus l’Office Central de Lutte contre le

Travail Illégal (OCLTI), d’interroger des cabinets d’audit, des représentants d’entreprises ou

de syndicats patronaux du transport aérien (FNAM ou SCARA), ainsi que des salariés, ou des

représentants des salariés de différentes compagnies aériennes, historiques comme low cost.

Afin d’appréhender la perception globale des salariés des compagnies aériennes, nous avons

mené une enquête sous la forme d’un questionnaire pour lequel nous avons recueilli 394

réponses provenant des trois métiers du secteur : Le Personnel Sol, Le Personnel Navigant

Commercial et le Personnel Navigant Technique d’au moins six compagnies différentes.

L’actualité concourant aux métamorphoses du monde du transport aérien étant

particulièrement abondante, nous avons établi une veille stratégique large. 1 Forces, Faiblesses, Opportunités, Menaces.

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Outre les classiques alertes ayant pour mots clé : Hard discount, Low cost, Air France,

Ryanair, Esayjet, lufthansa, IAG (International Airlines Group)… nous suivons la revue de

presse quotidienne du cabinet PROGEXA, spécialisé dans l’actualité du monde de l’aérien et

du tourisme.

Nous avons également identifié les journalistes spécialisés les plus pertinents du secteur dont

nous suivons les fils d’actualités Twitter et linkedin. Il s’agit de :

Fabrice GLYSINSKI : Rédacteur en chef adjoint à La Tribune. Spécialisé aéronautique

transports.

Bruno TREVIDIC : Journaliste aux Echos, spécialisé dans le transport aérien, aviation,

aéronautique civile.

Guy DUTHIEIL : Journaliste au Monde, spécialisé dans l’actualité des transports aériens.

Ainsi que le fil Twitter de l’AJPAE. Il s’agit de l’ Association des Journalistes Professionnels

de l'Aéronautique et de l'Espace qui est constituée de110 journalistes français et étrangers.

Nous suivons également les publications de liaisons sociales quotidien et de liaisons sociales

Europe qui nous donneront notamment une vision des évolutions législatives et sociales au-

delà du monde de l’aérien en France et en Europe.

Nous avons participé à des conférences traitant de l’aérien, comme le séminaire OMNES des

2 et 3 février 2015 : « Quelle compétitivité pour Air France ? ». Ce séminaire nous a

notamment donné l’occasion de prendre contact avec le député Bruno LE ROUX, Président

du groupe de travail parlementaire sur le transport aérien qui nous a par la suite accordé un

entretien.

Nous avons également participé au colloque DGAC2 - CSAC3 du 4 mai 2015 : D’une

concurrence réglementée à une concurrence loyale. Nous avons ainsi pu écouter et échanger

nos points de vue avec d’éminents spécialistes de notre champ de recherche, chercheurs,

représentants de différentes compagnies aériennes, de grandes plates-formes aéroportuaires,

des représentants de différents États européens, des députés nationaux et européens, Mme

Violetta BULC la Commissaire Européenne aux transports ainsi que M. Alain VIDALIES,

Secrétaire d’État en charge des Transports …

2 Direction Générale de L’Aviation Civile. 3 Conseil Supérieur de l’Aviation Civile.

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INTRODUCTION

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Depuis le décollage qui a suivi les guerres mondiales, l’économie suivait son plan de vol à

une altitude de croisière confortable. Le survol des trente glorieuses4 fut relativement paisible,

stable, prévisible. La croissance se partageait conformément à un plan logique, sinon établi.

Dans chaque secteur d’activité, les marchés s’ouvraient et l’offre s’adaptait à la demande ou

la générait. La consommation se segmentait en trois niveaux parfaitement identifiables. Les

produits et services de luxe avaient pour cible les classes supérieures. Un large panel de

produits et services de milieu de gamme visait les classes moyennes fortement

consommatrices et des produits et services d’entrée de gamme répondaient à la

démocratisation des marchés, offrant aux populations les moins aisées l’accès aux joies de la

consommation de masse. Secteur par secteur, le marché se structurait autour de ces trois

piliers. Peu à peu, les entreprises trouvaient leur place dans différents théâtres adaptés à leur

production avec des spécificités géographiques, technologiques, culturelles… Leurs salariés

rejoignaient tel ou tel groupe de consommateurs avec pour ambition de s’élever et d’offrir à

leurs enfants l’opportunité d’embarquer dans l’ascenseur social. La vision partagée de

l’époque correspond à la théorie de Simon Kuznets : « il suffit d’être patient et d’attendre un

peu pour que la croissance bénéficie à tous ». Une expression anglo-saxonne résume la

philosophie du moment : « groth is a rising tide that lifts all boats » (la croissance est une

vague montante qui porte tous les bateaux)5.

Pour autant, nous ne prétendons pas que durant cette période tout fut facile pour tout le

monde. Mais, globalement, l’horizon était dégagé et le chemin à parcourir, si difficile qu’il

soit, était clairement identifiable. La concurrence entre entreprises se jouait dans une

acception partagée des contraintes d’un marché en expansion qui possédait des bases

structurelles solides. La croisière de l’économie des pays industrialisés s’effectuait à l’altitude

des certitudes, largement alimentée d’un pétrole facile et bon marché dont elle était très

dépendante.

Le premier trou d’air survient, à la suite de la guerre de Kippour entre Israël et ses voisins

arabes, avec la crise pétrolière de 1973. Rapidement suivie d’un second choc pétrolier en

1979 dû à la crise iranienne. La croissance s’effondre et le chômage augmente entrainant les

principaux états européens dans une crise de l’État providence qui n’a plus les moyens de ses

4  Expression de Jean FOURASTIE désignant la période de prospérité qu’ont connu la plupart des pays industrialisés de la fin de la seconde guerre mondiale au premier choc pétrolier en 1973. 5 PIKETTI Thomas, Le Capital au XXIe siècle, 2013, P30.

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ambitions économiques et sociales. Les krachs succèdent aux crises à un rythme de plus en

plus soutenu : 1982 crise de la dette des pays en voie de développement, 1987 krach du

marché obligataire puis des marchés d’actions, 1989 explosion de la bulle spéculative

japonaise, 1992 crise du système monétaire européen, crise mexicaine 1994, asiatique 1997

et russe 1998, éclatement de la bulle internet en 2000, Krach boursier de 2001… Les

turbulences sont si fortes que l’économie mondiale quitte l’altitude des certitudes. Après

l’effondrement économique de l’Argentine et l’installation d’une crise permanente introduite

par la crise des subprimes de 2007, les propos du professeur Albert Jacquard s’imposent

comme une évidence : « Nous ne vivons pas une crise. Nous vivons une mutation de notre

monde. Les jeunes auront à bâtir ce nouveau monde et non perpétuer l’ancien »6.

Ce bouleversement des certitudes, sans doute couplé aux effets de concentration du capital7

décrits par Thomas PIKETTI, a entrainé un changement du plan vol de l’économie mondiale

comportant une profonde redéfinition du marché qui tend vers une bipolarisation. L’avenir

étant moins clair, la confiance étant en berne, c’est une consommation moins structurée et

plus réfléchie qui s’impose.

L’émergence de gammes de produits et services discount, hard discount, low cost, élargit

considérablement les marchés dans quasiment tous les secteurs. De nouveaux consommateurs

s’ouvrent à l’achat de produits et services jusque-là réservés à une frange aisée de la

population. Si les classes moyennes n’ont pas (encore) disparu, elles consomment

différemment. Désireuses de s’offrir certains produits Premiums, « haut de gamme », voire de

luxe, elles choisissent de s’en donner les moyens en optant pour des choix low cost sur une

autre partie de leur « panier ». Inspirées et décomplexées par cette consommation smart,

intelligente, les classes supérieures recourent également à une ventilation de leurs achats entre

ces deux extrêmes. De fait, les produits de milieu de gamme ne trouvent plus que

difficilement leur place sur le marché. Certains services, certains produits, sont devenus des

commodités sans grande valeur. « La préférence est donnée à la valeur d’usage dans de

nombreux secteurs. Les achats statutaires reculent8 ». 6 JACQUARD Albert, humaniste français à la conférence Partageons nos regards sur nous et notre planète, le 4 novembre 2008, Laval, Québec, Canada. 7 PIKETTI Thomas, Le Capital au XXIe siècle. 2013 8 PERRI, Pascal. Toujours moins cher: low cost, discount & Cie.: essai. 2006

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Figure 1. Les mutations de la structure de la consommation individuelle.

Il convient ici de définir clairement ce qui se trouve derrière cet anglicisme : low cost. « Il serait tentant de partir du sens littéral en anglais pour en cerner la nature : low cost

désignerait alors toute activité économique fondée sur la baisse des coûts. Si l’on retient cette

acception large, une entreprise qui délocalise sa production (outsourcing) ou une entreprise

qui réorganise ses méthodes de production (par le lean management9 par exemple) pour

réaliser des gains de productivité seront qualifiées de low cost »10. Une telle définition est trop

imprécise. Elle ne s’intéresse qu’au mode de production et ne considère pas la nature même

du produit. Lorsque deux offres strictement identiques sont produites dans deux pays

différents avec des coûts du travail différents, nous ne pouvons pas qualifier l’offre fabriquée

à meilleur marché de « low cost » en fonction de son seul lieu de production.

Une autre erreur serait de « définir le low cost en partant des niveaux de prix. Le low cost

serait d’abord une pratique de prix bas (low fare). Le low cost n’est pas toujours synonyme de

bas prix. Il n’a pas aboli la loi de l’offre et de la demande. Même avec des coûts

d’exploitation faibles, une compagnie aérienne low cost vend son billet à un prix élevé…

quand la demande est forte ».

Le low cost est une recomposition de l’offre. Il s’agit d’une différenciation par l’épuration.

Une entreprise low cost produit une offre dépouillée de certaines des caractéristiques de

l’offre de référence à un coût et souvent à un prix de vente plus faible. Le prix plus bas est

alors la première motivation d’achat. Il s’agit d’une simplification à l’extrême visant à revenir à la fonctionnalité première d’un produit ou service. C’est « le consommateur qui 9 Le lean management consiste à réduire les coûts cachés dans le processus de production, notamment en gérant mieux les temps morts et l’organisation du facteur travail. 10 COMBE Emmanuel, le low cost, 2011, P 4 et 5.

Source : Boston Consulting Group 2009

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choisit les attributs qu’il souhaite rajouter. Le low cost est en quelque sorte l’antimodèle de la

gratuité : tout a un prix, donc tout se paye11 ».

Le low cost peut également correspondre à une limitation de l’offre. L’entreprise cible alors

un segment particulier du marché pour lequel certaines caractéristiques de l’offre de référence

sont superflues. La suppression de ces caractéristiques n’entraine aucune dégradation de la

valeur perçue par le segment de marché auquel elle est destinée12.

Dans le cas de l’épuration, le caractère spécifique de l’offre concerne l’ensemble du marché.

Cette stratégie a pour effet de déplacer une partie de la demande existante ou même de

générer une demande nouvelle. Dans le cas de la limitation, l’offre conçue par l’entreprise

vise un segment du marché identifié a priori.

Dans quasiment tous les secteurs d’activités, les entreprises classiques ont vu émerger de

nouveaux opérateurs parfaitement adaptés à cette nouvelle offre. Si un temps, les sociétés

installées ont cru à un marché de niche, elles ont aujourd’hui compris son aspect transverse et

cherchent à s’adapter à cette nouvelle donne qui remet en cause leur modèle.

Selon le sociologue Jean Baudrillard, le pouvoir de la société de consommation est énorme. Il

est à la fois destructeur et créateur13. En ce, il rejoint le processus schumpétérien de

« destruction créatrice » à l’œuvre dans les économies. Joseph Schumpeter décrit de

nombreux déclencheurs de ce processus14, dont l’émergence de nouveaux marchés, de

nouvelles formes d’organisation et de management, de nouvelles méthodes de marketing ou

de moyens de communication, de nouveaux moyens financiers ou logistiques, des

changements législatifs, voire de nouveaux moyens de fraude… qui sont autant d’innovations

concomitantes qui participent, de nos jours, à l’émergence d’un modèle low cost.

De nombreux observateurs, tant syndicaux que patronaux, associatifs ou politiques, estiment

que le processus de « lowcostisation » en marche dans une économie mondialisée comporte

un risque « anti-schumpétérien » ; un risque de création destructrice. La « créature

monstrueuse » remettrait en cause l’économie mondiale et ses fragiles équilibres. Selon eux,

l’affirmation du modèle low cost nous ferait entrer dans un cercle vicieux qui s’autoalimente

en produisant des salariés low cost, qui à leur tour seront contraints de consommer low cost. 11 idem 12 LEHMANN-ORTEGA Laurence, Stratégor 6ème édition, 2013,P109 13 BAUDRILLARD Jean, La société de consommation. 1986 14 SCHUMPETER Joseph, Capitalisme, socialisme et démocratie, traduction 1951.

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Le secteur du transport aérien, particulièrement confronté à cette nouvelle concurrence, fait

face à une réelle recomposition du ciel notamment en Europe. Les opérateurs historiques sont

plongés dans des crises structurelles qui mettent en péril leur survie, tandis que les nouveaux

entrants, « souvent qualifiés de « no frill airlines », compagnies sans chichi15 », sont, dès leur

conception, parfaitement adaptés à ce segment et aux réalités d’un marché mondialisé. Agiles,

ils savent profiter de la moindre opportunité.

Outre la nécessité d’un repositionnement sur le marché, les grandes compagnies aériennes

doivent faire face à une distorsion concurrentielle induite notamment par un défaut

d’harmonisation des réglementations européennes en matière sociale et fiscale, voire, ici ou

là, par l’absence même de règles ou de normes nationales. Alors que certains nouveaux

opérateurs, tout à fait respectables, mais champions de l’optimisation, s’immiscent dans

chaque interstice légal ou règlementaire, d’autres semblent ne pas hésiter à contourner les lois

et ne rechignent pas à recourir à de la fraude caractérisée.

Le modèle de transport aérien low cost a longtemps, trop longtemps, été considéré comme un

épiphénomène par les grandes compagnies, quasi institutionnelles, qui ont observé son

développement avec condescendance. Ces grandes entreprises, juchées sur leur nuage, ont

pris un retard considérable dans leur nécessaire adaptation aux mutations profondes du

marché. Elles ont laissé une longueur d’avance aux nouveaux entrants qui ont eu le temps de

s’établir durablement au sein du marché.

Toutes les compagnies majors européennes sortent peu à peu de leur primo-réactions

défensives pour adopter des stratégies radicalement offensives. Jouant de leurs atouts, elles

réinventent leur modèle d’opérateurs globaux en insérant une donne low cost au niveau de

leur business strategy16 tout en l’intégrant dans une corporate strategy17 jusque-là hors de

portée de ces nouveaux concurrents.

15 PERRI Pascal, Toujours moins cher : low cost, discount & Cie. 2006, p 8. 16 « La business strategy, également appelée stratégie concurrentielle est la stratégie de l’entreprise dans une activité particulière » (LEHMANN-ORTEGA Laurence, Stratégor, 6ème édition, 2013, p 11). Ici il s’agit du transport court ou moyen courrier point à point. 17 « La corporate strategy s’intéresse aux synergies entre les différents métiers et à la cohérence du portefeuille d’ensemble » de la compagnie ou du groupe voire de l’alliance concerné (LEHMANN-ORTEGA Laurence, Stratégor, 6ème édition, 2013, p 10).

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Pour autant, comme nous le verrons dans les deux premières parties de ce mémoire, si ces

stratégies se rapprochent des ripostes d’autres secteurs d’activité, à priori plus efficaces, elles

semblent ici plus aléatoires, incertaines, insuffisantes… Les pronostics vitaux de toutes les

compagnies aériennes majors européennes ou américaines restent engagés. Les leviers

qu’elles actionnent remplissent, ou sont sur le point de remplir, bel et bien leurs offices, mais

l’écart avec certains nouveaux acteurs ne se réduit pas. Il augmente.

Plus inquiétant encore, d’autres fronts s’ouvrent face à des opérateurs à priori plus classiques :

les compagnies du Golfe. Et là aussi les adaptations stratégiques ne suffisent pas à combler le

fossé concurrentiel qui se creuse.

Comment éviter « casse sociale » et faillites de sociétés dans le transport aérien, alors

que les compagnies majors, confrontées à une concurrence low cost décomplexée, tentent

de s’adapter à une bipolarisation du marché?

1. Quels sont les axes d’adaptation stratégique des compagnies majors ?

2. Quelles sont les ripostes possibles des compagnies low cost ? Le low cost est-il un modèle

transitoire d’adaptation ou s’est-il inscrit dans le paysage pour durer ?

3. Le long courrier est-il le dernier sanctuaire des compagnies traditionnelles ?

4. Quels sont les facteurs qui amènent certains acteurs à penser que la mutation du transport

aérien est in fine génératrice de plus de destruction que de création ?

5. Existe-t-il une autre « innovation » qui se cache derrière le paravent du low cost ?

6. Quelles protections pouvons-nous imaginer pour les entreprises et les salariés du transport aérien dans une industrie mondialisée ? Nous étudierons dans la première partie de ce mémoire l’émergence et la progression du

modèle low cost dans différents secteurs d’activités afin de vérifier s’il s’agit d’une tendance

lourde, voire incontournable.

Nous commencerons par là où tout a commencé : le hard discount alimentaire. C’est dans ce

secteur qu’est né le modèle low cost au sortir de la seconde guerre mondiale. Les premières

craintes et limites inhérentes à ce modèle s’y sont rapidement exprimées quant à la qualité des

produits, les effets sur la concurrence ainsi que les impacts sociaux sur les salariés concernés

et sur l’emploi plus généralement. Les bénéfices pour le consommateur ont également fait

évoluer le marché. Nous verrons combien les similitudes sont nombreuses avec le transport

aérien, nous explorerons également les différences entre ces deux secteurs. Il sera

particulièrement intéressant de se pencher sur les stratégies de riposte des acteurs traditionnels

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du secteur pour rechercher d’éventuels leviers transposables dans le transport aérien. Dans un

second temps, nous observerons la propagation du modèle low cost ou hard discount dans

d’autres secteurs, comme l’automobile, la coiffure, la jardinerie, les salles de sport, la banque

en ligne, les assurances, etc. Cette diffusion large semble démontrer que l’essor du low cost

est un fait de société. Il s’agit d’une évolution des marchés, quelles que soient leurs

spécificités, qui correspond à celle des mentalités et au-delà, à une évolution des cultures.

Nous tenterons de vérifier cette assertion. Il sera alors intéressant d’identifier en quoi le

transport aérien semble particulièrement sensible à l’émergence de ce nouveau modèle dans

son périmètre.

La seconde partie de ce texte sera consacrée à l’étude approfondie de l’environnement du

transport aérien. Nous détaillerons un état de l’art ciblé sur cette industrie18. Après un

historique, nous suivrons notamment un modèle PESTEL d’analyse de son macro

environnement. Nous verrons comment ce secteur stratégique, à l’origine extrêmement

structuré et règlementé a vu s’affirmer des acteurs majeurs que l’on pensait incontournables.

Suite à une dérèglementation brutale, la fragilité du secteur a été mise en évidence.

Extrêmement sensibles à des éléments extérieurs : (géopolitiques, terrorisme, guerres, crises

financières, etc.) des « monstres sacrés » que tout le monde pensait « too big to fail », trop

gros pour chuter, ont complètement disparu en des temps extrêmement courts.

Nous verrons que ce secteur est également sensible à des innovations multiples et variées. Si

les bonds technologiques dans le secteur aéronautique ont des effets évidents, nous verrons

comment des innovations qui ne relèvent pas directement du secteur peuvent avoir des effets

tout aussi puissants. Les évolutions des systèmes de communication font porter leurs effets à

la fois sur la demande et sur la production au sens large. Des nouvelles méthodes de

marketing ou de pricing, (définition des prix de vente) peuvent également révolutionner le

secteur aussi sûrement que l’essor de nouveaux modes d’organisation. C’est avec les

mutations sociologiques du marché que nous connaissons aujourd’hui, que le modèle

« traditionnel » se trouve réellement remis en cause. Couplées au développement de nouveaux

moyens financiers et d’optimisation fiscale, ainsi que pour quelques-uns, à de nouvelles

pratiques de fraude, l’ensemble de ces innovations constitue un terreau fertile sur lequel de

nouveaux acteurs ont jeté les bases du modèle low cost aérien. Nous étudierons de plus près

18 Nous utilisons ici le mot « industrie » dans son acception américaine synonyme de « secteur ».

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ces nouveaux opérateurs qui ont rapidement pris l’ascendant sur les compagnies majors19 pour

les dessertes moyens courriers.

Nous verrons comment, dans les années passées, certains acteurs ont tenté, sans succès,

d’installer ce modèle sur les vols longs courriers. Plus récemment, de nouvelles compagnies

reviennent sur ce segment. En les observant, nous examinerons les raisons qui laissent penser

que la viabilité de telles aventures est différente aujourd’hui.

La troisième partie de notre mémoire sera le fruit d’un travail de recherche qui s’intéressera

aux conséquences économiques et sociales de l’avènement de l’ère low cost. Nous verrons

que, quels que soient les observateurs directement intéressés, représentants des entreprises ou

salariés et leurs représentants, les conséquences envisagées sont potentiellement lourdes, voire

périlleuses. Les changements prescrits sont à la hauteur des bouleversements du marché. Un

consensus relatif de tous les acteurs au sein et autour de chaque compagnie semble

indispensable à la mise en œuvre et à la réussite des stratégies d’adaptation envisagées. Les

grèves des pilotes de Lufthansa et Germanwings 20 depuis avril 2014, d’Air France en

septembre 2014, ou celle de ceux de Norwegian Air Shuttle 21 en mars 2015… nous

démontrent que les indispensables équilibres sociaux sont difficiles à atteindre ou à maintenir.

Nous identifierons les stratégies d’adaptation qui semblent se mettre en place dans les

compagnies traditionnelles. Quel que soit le processus de réflexion22 dont elles sont le fruit,

les solutions envisagées s’articulent autour de trois leviers principaux : La baisse des coûts, la

montée en gamme et l’intégration d’une donne low cost dans les corporates strategies. Nous

verrons comment chaque major européenne23 règle ces trois curseurs en fonction de sa

stratégie propre.

Nous observerons également l’évolution des stratégies des compagnies low cost qui à leur

tour doivent s’adapter aux premières ripostes organisées des compagnies majors. Doivent-

19 Une compagnie aérienne « major » ou « legacy » est une entreprise qui est un acteur majeur de l’industrie. Ici il s’agit des grandes compagnies traditionnelles, comme Air France, British Airways, United Airlines ou Lufthansa. 20 Grève Germanwings  : de nombreux vols perturbés en Allemagne - Information voyageurs www.easyvoyage.com 21 Norwegian  : préavis de grève des pilotes dès dimanche, www.air-journal.fr 22 Typologie des écoles de pensée stratégique selon Henry MINTZBERG 23 Air France-KLM, Lufthansa group et IAG (pour British Arways et Iberia)

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elles, peuvent-elles rester des pures low cost ? Le chemin vers un modèle hybride est-il

possible ?

Doivent-elles, peuvent-elles rester des low cost moyen-courrier point à point ? L’ouverture

vers le long courrier semble tentante, mais nous verrons qu’elle implique un changement

radical de modèle. Les recettes du succès de compagnies comme Ryanair ou Easyjet ne sont

pas toutes transposables dans ce domaine. Nous chercherons à savoir s’il existe un marché et

une différenciation possible sur les vols longues distances.

Toutes ces stratégies, celles des majors comme celles des compagnies low cost, sont fragiles

car cette industrie, éminemment internationale, voire transnationale, évolue dans un milieu de

forte distorsion concurrentielle.

L’émergence et la croissance fulgurante des compagnies du Golfe interrogent. « Alors que la

croissance mondiale du secteur est de l’ordre de 5 à 6% par an, celles de compagnies comme

Qatar Airways, Emirates et Etihad sont plus de dix fois supérieures. Selon Regula

DETTLING-OTT, Vice Présidente aux affaires européennes de Lufthansa24, un tel différentiel

ne saurait reposer sur les seules performances de production, d’organisation ou commerciales

de ces entreprises. D’autres forces sont à l’œuvre ». Tout comme pour certains opérateurs low

cost européens, la « santé arrogante » de ces compagnies qui se bâtit au détriment du reste de

l’industrie, ne semble pas être le fruit exclusif de l’excellence de ces acteurs dans le seul

champ du transport aérien. Comme pour Ryanair, une part non négligeable des résultats de

ces compagnies dépasse l’activité purement aérienne de ces entreprises. Nous étudierons ces

singularités qui rapprochent des modèles différents et qui procurent à leurs utilisateurs un

avantage concurrentiel insurmontable de manière autonome pour le reste de l’industrie.

La bataille qui se livre dans le ciel mondial n’est pas le domaine réservé des compagnies

aériennes. Le transport aérien ayant une dimension stratégique, des acteurs institutionnels

suivent de près l’évolution de ce dossier, gèrent la régulation et la réglementation, mènent des

actions, organisent et accompagnent la mutation. Nous étudierons les intérêts, responsabilités

et les perceptions de ces différents acteurs que sont l’OACI (Organisation de l’Aviation Civile

Internationale) et la communauté internationale, l’EASA (European Aviation Safety Agency)

et l’Union Européenne ainsi que la DGAC et l’Etat Français. Nous verrons également qu’au

24 Propos recueillis lors du colloque organisé par la DGAC et le CSAC, D’une concurrence réglementée à une concurrence loyale, Paris, le 4 mai 2015.

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niveau local, les collectivités territoriales adoptent des positions parfois schizophréniques vis-

à-vis du transport aérien low cost.

D’autre part, l’absence d’harmonisation fiscale communautaire plébiscite certaines

implantations de sièges sociaux. La compétition entre les états membres de l’Union

Européenne pour attirer investisseurs et entreprises ouvre des trous béants dans tous les

systèmes de protection des entreprises comme des salariés.

Nous tenterons enfin d’identifier des atténuateurs de friction envisageables pour traverser ce

grand chamboulement, cette redéfinition du marché du transport aérien et ses conséquences

économiques et sociales.

En premier lieu, nous nous intéresserons à la prévention de ces fraudes qui se jouent à la

frontière de l’optimisation fiscale et sociale. Nous chercherons à dégager des pistes pour

améliorer la lutte contre les fraudes.

Au-delà des fraudes, ce sont les effets de l’optimisation légale qui, sans doute, sont les plus

gros générateurs de distorsion concurrentielle. Nous étudierons les failles de la règlementation

dans le transport aérien. Certaines régions du monde, comme l’Europe, se contraignent à

l’application scrupuleuse de règles de concurrence loyale conçues pour un marché fini. Ces

règles sont certes élargies à la taille d’un marché continental, mais la perméabilité de ce

dernier nous rappelle que l’économie se joue aujourd’hui dans un village mondial. Quelles

corrections pouvons-nous envisager ?

Le transport maritime a mis en place la première expérience de régulation internationale de

branche de la dimension sociale de la mondialisation au travers de la Convention

Internationale du Travail Maritime. Si un tel dispositif de régulation peut inspirer une réponse

adaptée aux mutations du transport aérien, nous en étudierons les limites et les aménagements

nécessaires.

Le consensus social est au cœur du processus d’adaptation des compagnies aériennes à leur

marché. Sans une confiance minimale des salariés, toutes stratégies d’entreprise semblent

vouées à l’échec. Il n’y a pas de confiance sans qu’une direction d’entreprise ne donne du

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sens à son action. Le nœud du partage de ce sens réside dans la difficulté qu’a une entreprise

cotée à communiquer de la même voix en interne et en externe.

« L’innovation est l’un des principaux facteurs-clefs de succès des entreprises. Sans innover,

la firme voit sa concurrence la dépasser et prendre ses parts de marché. Si l’innovation est

bien la matrice de l’expansion, nous devons examiner à quelles conditions l’alchimie peut

fonctionner »25.

25 ARCHER, Jean-Yves. Crise et Libres Contributions Economique, 2013, P.113

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PARTIE 1

Le low cost, une tendance lourde et

généralisée à tous les secteurs

d’activité ?

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1.1 Le hard discount alimentaire précurseur du modèle low cost.

1.1.1 ALDI jette les bases du Hard Discount.

En 1913, Anna Albrecht ouvre une petite épicerie à Essen, dans la Ruhr. Ce petit magasin

devient vite un lieu d’achat apprécié et prospère. À la fin de la seconde guerre mondiale, entre

1946 et 1948, ses deux fils Karl et Théo, qui étaient prisonniers de guerre des alliés retrouvent

une Allemagne exsangue, anéantie et qui s’est vue infliger une lourde dette à l’issue du traité

de Versailles. Paradoxalement, c’est cette situation qui permettra l’essor de l’entreprise

familiale. Ils reprennent alors la boutique de leur mère afin de la transformer en chaine de

supermarchés. L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais les deux frères inventent un concept qui

va sensiblement modifier l’approche de la grande distribution : le discount. L’idée consiste à

proposer un choix limité de produits de consommation courante à des prix défiants toute

concurrence, en limitant le processus d’intermédiation et les frais de mise en avant. Ils

adoptent une approche minimaliste de l’acte de vente. La stratégie commerciale est donc

recentrée sur l’acte d’achat du produit lui-même, plutôt que sur le service avant ou après

l’achat. L’idée des frères Albrecht est que certains consommateurs, soit par contrainte de

revenu, soit par choix, sont prêts à renoncer à une bonne présentation des produits en rayon,

au conseil du vendeur, à une grande variété de l’assortiment, en échange de prix plus faible,

du moment où une qualité minimale du produit est assurée. La population allemande,

empêtrée dans les difficultés de cette époque réagit très positivement à cette nouvelle offre.

Rapidement, Karl et Théo ouvrent une suite de points de vente dont l’expansion est

extrêmement rapide. Dès 1954, ils inaugurent leur cinquantième magasin. L’enseigne est

rebaptisée ALDI pour Albrecht discount. Le principe tient en trois chiffres : 850 références,

100% de marques en propre sur une surface de 650 m². La règle n’a presque pas changé d’un

iota depuis la création de l’enseigne ; pas plus que la promesse publicitaire de la chaîne : « la

meilleure qualité au meilleur prix »26.

En 1960 alors qu’il existe déjà plus de 300 magasins ALDI sur le territoire allemand, la

florissante entreprise familiale se scinde en deux groupes indépendants: ALDI SUD et ALDI

NORD. Théo a pris la direction de la division d'Aldi-Nord, Karl celle d'Aldi-Sud.

« Légalement, les deux sociétés sont complètement indépendantes, bien que les initiés de

26 « Qui sont Karl et Théo Albrecht  ? Leur biographie » actufinance.fr

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l'industrie disent que les deux frères travaillaient en étroite collaboration quand il s'agissait de

développer des lignes de produits27 ».

ALDI SUD transpose très rapidement à l'étranger son concept tourné vers le client. Dès 1968,

la chaine de commerce de détail autrichienne Hofer intègre le ALDI SUD. En 1976, le groupe

traverse l'Atlantique et possède désormais plus de 800 magasins aux États-Unis. Au cours des

années 1980, c'est l'ouverture des premiers magasins en Grande-Bretagne et en Irlande, en

France et en Australie…

En 2012, le chiffre d’affaire mondial du groupe atteint 57 milliards d’euros dont 25,52

milliards pour la seule Allemagne où les trois quarts de la population reconnaissent faire

régulièrement leurs courses chez Aldi. 20 pays sont couverts par plus de 8200 magasins28.

Figure 2. Implantation internationale d’Aldi Süd et Nord

27 LEVEQUE, Emilie. « Theo Albrecht, le père du hard discount, est mort ». L’express L’expansion, 28 juillet 2010. 28 Sources ALDI

Sources : ALDI

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1.1.2 L’affirmation d’un modèle.

Inspirés par le succès d’ALDI, d’autres réseaux de hard discount se développent en

Allemagne dans les années 1960 et 1970, les principaux étant Lidl et Norma. Le format hard

discount a rapidement occupé une position prééminente outre-Rhin sur les bases d’une

réduction drastique des coûts.

Ainsi, plusieurs leviers sont mobilisés par le hard discount (Figure 3) :

• Un assortiment restreint de produits : Alors que pour un hypermarché on peut compter

jusque 50 000 références, un magasin hard discount en compte généralement moins de

1000. L’effet recherché est de limiter le coût de gestion des stocks et d’augmenter le

pouvoir de négociation de l’enseigne face à ses fournisseurs.

• Un nombre de fournisseurs limité : Cela augmente le niveau de commande en gros et

renforce le pouvoir de négociation tout en limitant l’effectif nécessaire des équipes

d’acheteurs. Avec des quantités livrées plus importantes et moins de fournisseurs, les

frais de logistique et de gestion des entrepôts décroissent.

• Un service austère : l’aménagement des magasins et la présentation des produits sont

minimalistes. Les frais de décoration et d’animation des rayons sont réduits au

maximum. Les produits sont souvent présentés dans leurs cartons empilés sur leurs

palettes de livraison.

• Des magasins de taille réduite : Ce sont des surfaces inférieures à 1000 m2 qui sont

privilégiées alors qu’un hypermarché peut atteindre jusqu’à 12 000 m2. Couplé à une

implantation dans les périphéries des centres-villes, ces petites tailles permettent de

contenir le prix du foncier au plus bas.

• Une gestion du personnel très serrée : Les magasins ne comptent que cinq à six

salariés extrêmement polyvalents. Chargé d’une multitude de tâches qui ailleurs

seraient confiées à des employés spécifiques, le salarié du hard discount est soumis à

une tension de tous les instants. Le management est strict, le contrôle permanent.

Frédéric Brunnquell, parle dans son reportage 29 d’un management par le stress qui

aurait été inspiré aux frères Albrecht par l’encadrement qu’ils ont subi lors de leur

détention à la fin de la guerre.

• Des dépenses publicitaires minimales : L’outil de communication premier auprès des

consommateurs reste le prix.

29 Frédéric BRUNNQUELL, Nos vies discount, France 2, 2012.

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Figure 3. Leviers de baisse des couts dans le hard discount.

1.1.3 L’expansion. Un modèle de distribution similaire était également présent en France depuis le milieu des

années 1970, essentiellement en région parisienne avec l’enseigne « Ed l’épicier ». Mais sa

position est restée marginale jusqu’aux années 1990, dans un paysage dominé par les formats

de vente traditionnels de la grande distribution que sont les hypermarchés (plus de 2500 m2

de surface de vente), les supermarchés (de 400 m2 à 2500 m2) et les supérettes (de 120 m2 à

400 m2)30.

La fin des années 1980 a marqué le début de l’expansion des entreprises de hard discount

allemandes en France. Le marché allemand n’offrant plus de perspectives de développement

pour les réseaux de hard discount, ceux-ci se sont tournés vers les marchés voisins. En 1988,

Aldi ouvrait son premier magasin à Croix, dans le Nord, et Lidl à Colmar, en Alsace. Norma

suivait ce mouvement dès 1989 en ouvrant un magasin à Riedisheim, également en Alsace,

tirant parti des infrastructures logistiques implantées à proximité des frontières françaises.

L’expansion de ces réseaux a été progressive, mais régulière et au final massive : à la fin des

années 2000, la plus grande partie du territoire français est maillée par les deux plus grands

réseaux de hard discount allemands. Les acteurs allemands du hard discount ont des réseaux

intégrés, aucun des deux n’a recours à la franchise pour favoriser son expansion. La tête de

réseau exerce un contrôle total sur l’ensemble du réseau. Nous noterons néanmoins que 30 BISCOURP, Pierre, La concurrence du hard discount : Quel effet sur les prix et l’emploi, 2015, P.4

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l’expansion de Lidl a été moins concentrée géographiquement, mais avec un maillage presque

complet du territoire français, ce qui n’est pas le cas d’Aldi moins implanté à l’ouest. Ainsi,

le réseau Lidl semble avoir fait le choix d’une stratégie d’expansion plus rapide que celle

d’Aldi, avec une couverture de l’ensemble du territoire plus rapide. Cette expansion se traduit

par l’ouverture de plateformes logistiques plus nombreuses et plus dispersées sur le territoire.

Il est probable que l’enseigne ait supporté des coûts plus élevés avec une montée en charge

rapide de son infrastructure logistique.

Figure 4. Déploiement des réseaux Aldi et Lidl en France

Source : INSEE E 2015/1

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La Figure 4 montre que les deux « hard discounters » allemands sont passés d’une présence

très faible et géographiquement très concentrée dans les années 1990 à une présence massive

sur l’ensemble du territoire au début des années 2010.

Cette expansion a été un choc important pour l’industrie de la grande distribution. Le

monopole initial de la grande distribution alimentaire classique s’est vu largement contesté

par le modèle entrant, le hard discount. En France, les grands distributeurs installés, dominés

principalement par deux grandes enseignes (Carrefour et E. Leclerc)31 ont réagi relativement

rapidement, ce qui a contribué à contenir leur perte de parts de marché alors qu’à l’échelle

mondiale les deux marques allemandes, Lidl et Aldi, occupent respectivement les 6ème et 8ème

rangs mondiaux des groupes de grande distribution selon le Top 25 du site

supermarketnews.com en 201332.

Figure 5. Panorama des acteurs de la grande distribution alimentaire en France en 2012

31 DGCCRF éco n°25, février 2014. 32 DGCCRF éco n°22, novembre 2013.

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1.1.4 Ripostes des grands distributeurs installés. L’offre du hard discount alimentaire est essentiellement une offre de substitution, voire une

offre complémentaire à celle des acteurs initialement présents sur le marché.

• Substitution : En matière alimentaire, « un

consommateur qui avait l’habitude d’aller au

supermarché substituera un panier «hard discount»

au panier de son supermarché, afin de dégager un

pouvoir d’achat. La demande de substitution

concerne en particulier les ménages à faibles

revenus, qui n’ont d’autres choix pour libérer du

pouvoir d’achat que de se reporter sur les enseignes

«hard discount». Une partie des clients utilise le

«hard discount» comme un substitut aux enseignes

traditionnelles33 ».

• Complémentarité : Le consommateur qui achète

des produits dans les réseaux traditionnels va

également compléter son approvisionnement avec

des produits achetés dans les magasins hard discount

pour une partie de son panier.

Ces deux types d’offres portées par les nouveaux entrants sont éminemment constitutifs d’une

situation de concurrence frontale. Le troisième type d’entrée possible est l’offre d’induction

où le consommateur s’oriente vers le produit hard discount alors qu’il ne consommait pas le

type de bien visé auparavant. Or dans la distribution alimentaire, l’induction est très faible

puisque l’intégralité du marché a un besoin impérieux de se nourrir. L’induction peut

néanmoins être présente pour certains produits alimentaires dont la consommation, dans une

certaine frange du marché, est ponctuelle et souvent liée à des moments « festifs » ou

exceptionnels. (foie gras, saumon …).

33 Rapport BEIGBEDER 2007 P.96

Figure 6. Substitution et complémentarité

Sources BEIGBEDER 2007

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Globalement, les grands distributeurs installés sont contestés sur leur cœur de marché. Ils ont

mis en œuvre différentes ripostes stratégiques qui, au regard du panorama des acteurs

exposé sur la figure 5, semblent avoir rencontré une certaine efficacité. Nous étudierons par la

suite, dans quelle mesure ces stratégies sont transposables dans d’autres secteurs confrontés à

une émergence concurrentielle de type « low cost » et plus particulièrement dans le transport

aérien.

• Stratégie de mimétisme tarifaire : Les opérateurs installés ont développé des

gammes de produits centrées sur les prix bas et les ont intégrées dans les rayons de

leurs surfaces de vente traditionnelles sous forme notamment de produits de Marques

De Distributeurs (MDD) et de produits « premier prix ». Dans le même temps, c’est la

variable prix qui a été mise au centre de la communication des grandes surfaces. Une

signalétique adaptée est généralement développée au sein des rayons où chaque

enseigne voit fleurir sa marque dédiée : Carrefour Discount chez Carrefour, Eco+ chez

Leclerc, Bien vu chez Système U, Top budget chez Intermarché… Cette stratégie

semble particulièrement pertinente comme riposte à l’offre complémentaire du hard

discount. Le consommateur est en capacité de ventiler ses achats, à partir du critère

prix, sans avoir à changer de surface de vente, donc sans avoir à rallonger le temps

qu’il consacre à son approvisionnement alimentaire.

• Stratégie de dédoublement : Il s’agit dans ce cas d’affronter le hard discount sur son

propre terrain. Chaque enseigne réactive ou développe des filiales discount. Carrefour,

par exemple, réactive Ed puis rachète et développe Dia, Intermaché fait de même avec

Netto et le groupe Casino relance sa filiale LeaderPrice. Généralement, ces filiales

adoptent des positionnements soft dicount où MDD et marques nationales se partagent

les rayons. Le nombre de références est sensiblement supérieur à l’assortiment

restreint des hard discounters tout en restant inférieur aux surfaces de vente

traditionnelles. Le positionnement prix est quant à lui extrêmement proche de celui des

nouveaux entrants. C’est ici le hard discount de substitution qui est confronté à une

riposte en « sandwich qui permet à la firme établie de concurrencer directement sa

rivale sur le segment inférieur du marché, tout en préservant le positionnement haut de

gamme de l’offre pionnière destinée aux clients moins sensibles aux prix »34.

• Stratégie de mimétisme de taille et de localisation : « Les distributeurs ont multiplié

les ouvertures de magasins de petit format, souvent à proximité de leur concurrent

34 Rapport BEIGBEDER 2007 P.25

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hard discount. Ainsi Carrefour a transformé ses magasins Champion en Carrefour

Market »35. Avec cette stratégie, il s’agit de contester le nouvel entrant sur son terrain

géographique en répondant à son offre de substitution aussi bien que de

complémentarité.

• Stratégie d’évitement par la différenciation : La différenciation prend plusieurs

formes dans la distribution alimentaire. D’une part, nous observons une différenciation

verticale, avec une montée en gamme de certains points de vente. Ainsi, à l’image de

U Express, de Carrefour City et de DailyMonop, une myriade de petits magasins avec

un haut niveau de service s’installe dans les centres-villes. Ils proposent des produits

frais, des plats cuisinés, un service de livraison, des horaires d’ouverture tardifs… Les

enseignes misent ici sur le capital de la marque et jouent de leur capacité de riposte en

réseau. Afin de mieux matérialiser cet effet réseau et de capter sa clientèle, chaque

enseigne développe dans le même temps son propre système de fidélisation. Les points

se capitalisent de la même manière que l’achat soit effectué en supermarché, en

hypermarché, dans les magasins de proximité… à l’exception des filiales discount de

dédoublement afin d’éviter au maximum l’effet de cannibalisation interne de la

clientèle.

D’autre part, une stratégie de différenciation par l’innovation prend une place prépondérante

dans les ripostes des différents distributeurs. Jouant sur la rapidité des courses, l’un des

ressorts du succès du hard discount, les grands distributeurs installés ont introduit sur le

marché une nouvelle manière de faire ses courses : le drive.

Figure 7. Panorama du drive en France, 2014

« Imaginé par le groupe Auchan en 2000, puis repris par Leclerc en 2007, le drive est 35 COMBE Emmanuel, Le low cost : anatomie et perspectives d'un modèle, éditions la Découverte, Paris, 2011. P.76

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aujourd’hui au cœur des stratégies de toutes les enseignes. Le client commande sur internet et

récupère ses achats deux heures après. Sur place les enseignes s’engagent (presque) toutes sur

une attente maxi de cinq minutes pour charger le coffre du client »36. Avec ce modèle, c’est le

client qui supporte le coût du dernier kilomètre ce qui participe à afficher des prix

particulièrement attractifs. Alors que le véritable essor du drive ne date réellement que depuis

2010, Kantar Worldpanel anticipe une part de marché de 6,1% à fin 2015 et 4,5 millions de

clients dont 50% de visiteurs réguliers37. Le drive est à considérer comme un nouveau canal.

Il est complémentaire du magasin et devrait donc contribuer à réinventer l’hypermarché. Avec

cette « arme fatale», le succès des grandes enseignes est foudroyant. « le drive permet de

gagner du temps et de maîtriser ses dépenses, souligne Frédéric Vallette de Kantar

Wolrdpanel. Des atouts qui rappellent ceux du hard discount, aujourd’hui pénalisé par cette

nouvelle forme de distribution38 ».

Le potentiel de cannibalisation interne des hypermarchés par leur drive, pourtant redouté par

les grandes enseignes elles-mêmes, ne semble pas se vérifier au regard de la Figure 8 qui

démontre que si les résultats des hard discounters sont à la baisse, que le nombre de

supermarchés reste stable, les hypermarchés, eux, ne semblent pas souffrir dans cette période.

Au contraire, les hypermarchés affichent des résultats en hausse sur tous les critères.

Figure 8. Évolution par type de circuit :

36 SIAL, Drive, enjeu du marché alimentaire en France, Paris ,2014 - SIAL Paris 37 VALETTE Frédéric, Kantar worldpanel. 38 SCEMMA, Corinne, et MILCENT Blandine, Pourquoi le hard discount est à bout de souffle, L’Express L’Expansion, 2015

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Ce constat sur l’année 2012-2013, se vérifie avec la tendance

constatée sur la Figure 9 où nous pouvons noter un net recul

des parts de marché du hard discount depuis 2008. En réalité

l’origine de ce décrochage pourrait être défini à partir de 2005.

La crise de 2007-2008 biaise l’observation en ce qu’elle a

fortement impacté le pouvoir d’achat des Français générant un

rebond de la consommation en hard discount utilisée par les

ménages comme un amortisseur de la dégradation de leur

pouvoir d’achat.

Les stratégies de riposte des grands distributeurs installés ont

stoppé le développement fulgurant des nouveaux entrants. Un

reflux du modèle commence à apparaître. La hiérarchie des

grands acteurs historiques du secteur n’aura pas été

fondamentalement perturbée. (Figure 10). L’adaptation aura néanmoins nécessité une

profonde mutation du secteur de la grande distribution alimentaire.

Face à de telles ripostes, alors que les consommateurs affichent, de surcroit, une volonté de

favoriser la qualité en stoppant leurs sacrifices sur les dépenses alimentaires, les pionniers du

hard discount sont contraints de s’adapter à cette nouvelle donne. Le modèle pur et dur né du

concept des frères Albrecht doit s’adoucir. Ainsi des gammes de produits plus sophistiquées

font leur apparition avec Bio chez Leader Price ou DeLuxe chez Lidl. Les paiements par

carte de crédit sont dorénavant autorisés chez tous les hard discounters et les grandes marques

Figure 9 : évolution de la PDM du Hard Discount

Figure 10 : PDM selon les enseignes, en 2013 Source : Kantar Worldpanel « Loi de modernisation de l’économie »

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nationales sont introduites dans de plus en plus de rayons. Dès 2008, Lidl élargissait son offre

de plus de 200 références dont Vittel, Panzani ou encore Activia. Aldi, lui-même, fait une

entorse majeure au modèle qu’il a créé. Depuis octobre 2013, Coca Cola a trouvé sa place

dans les linéaires de ses magasins ainsi que Fanta, les bonbons Haribo, le Nutella, la crème

Nivea et les chocolats Ferrero. « Avec 43,4% du marché outre-Rhin, le discount plafonne et a

même vu sa part reculer de 0,2% en 2011. Les habitudes des consommateurs ont changé. En

effet, comme les Français, les Allemands font leurs courses moins souvent, remplissent

davantage leur Caddie chaque fois et rechignent à se rendre dans plusieurs magasins. Aldi

vise à devenir un one stop shop, (un magasin à arrêt unique) explique Matthias Queck de

Planet retail. C’est une réaction défensive39 ». Les hard discounters considèrent que cette

entorse au modèle est la seule solution pour endiguer le retour des consommateurs vers les

hypermarchés.

Le message est brouillé. Alors que l’image prix de Lidl était excellente, elle s’est à ce point

dégradée que Leclerc est considéré aujourd’hui comme meilleur marché. Selon Philippe

MOATI, de l’Observatoire société et consommation, cette mutation vers le « plus soft » est

une erreur. Les maxidiscompteurs « vont ressembler étrangement à des supermarchés

traditionnels » et ils ne sont pas taillés pour supporter la comparaison avec les poids lourds du

secteur. Pour s’en sortir ils devront soit changer de nature en une mue incertaine qui leur ferait

perdre leur âme soit faire machine arrière et se repositionner en hard discounter pure player

(conforme au modèle). Quelle que soit la voie, le rêve de s’emparer de 20% du marché

français n’est plus.

1.1.5 Les conditions extérieures qui ont contribué au succès des ripostes. Plusieurs facteurs ont facilité le déploiement des ripostes stratégiques des grandes enseignes

en France. Certes, la préférence culturelle des consommateurs français pour une offre vaste et

variée a joué un rôle dans la capacité de riposte, mais c’est surtout une abondante législation

sur l’urbanisme commercial qui a permis de temporiser l’offensive des hard discounters.

Restrictive tant sur la liberté tarifaire, avec la définition de seuils de revente à perte, ou sur la

non-négociabilité tarifaire, elle l’est également sur les conditions d’accès au marché.

39 SCEMMA, Corinne, et MILCENT Blandine. « Pourquoi le hard discount est à bout de souffle - L’Express L’Expansion », 2015.

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31

La loi Royer de 1973 instaure un régime d’autorisation préalable à l’installation de tout

nouveau magasin de 1000 à 1500 m2. Cette autorisation est délivrée par une Commission

Départementale d’Equipement Commercial (CDEC). La loi Raffarin a abaissé la surface

minimale de présentation en commission à 300 m2 en 1996. Cette disposition restrictive visait

clairement le format du hard discount dont la surface est généralement de l’ordre de 900 m240.

Présenté à l’origine pour protéger le petit commerce, ce dispositif a déclenché la polémique au

niveau européen tant il semblait spécialement dessiné pour les champions français. « Cette

législation malthusienne a bridé l’entrée de nouveaux acteurs, compte tenu de la lenteur des

procédures, de l’incertitude de leur issue et de leur coût financier41 ».

« La composition des commissions régionales est également très règlementée. Elle doit

inclure vingt membres votants. Neuf doivent être des commerçants ou des représentants des

artisans dont sept doivent être des indépendants. Deux membres représentent les intérêts des

consommateurs. Les neuf derniers sont des élus locaux, des maires la plupart du temps42 ». La

composition même des CDEC donnerait une orientation aux décisions d’autorisation selon

Marianne BERTRAND et Francis KRAMARZ. Ils tendent à démontrer que le taux

d’approbation des projets d’implantation présentés par les grandes enseignes traditionnelles

est supérieur, toutes choses égales par ailleurs, à celui des hard discounters, du fait de leur

présence dans les CDEC au travers des présidents de chambre des métiers et de chambre du

commerce. Ces derniers seraient ainsi à même d’influer sur les décisions des commissions.

Pour l’essentiel, les extensions de surfaces ou les ouvertures de magasins ont profité aux

chaines installées qui en outre ont racheté des concurrents. Nous pouvons constater qu’il en

résulte une grande concentration de la distribution alimentaire au niveau national. Les hard

discounters, largement handicapés par ce cadre, ont dû appliquer des stratégies de

contournement pour se soustraire au passage en CDEC. Durant cette période, ils ont restreint

leurs surfaces de nouveaux magasins à 299 m2.

40 ASKENAZY, Philippe, et WEIDENFELD Katia. Les soldes de la loi Raffarin: le contrôle du grand commerce alimentaire. Collection du CEPREMAP 7. Paris: Rue d’Ulm-presses de l’école normale supérieure, 2007. 41 COMBE Emmanuel, Le low cost : anatomie et perspectives d'un modèle, éditions la Découverte, Paris, 2011. P.75 42 BERTRAND Marianne et KRAMARZ Francis, Does entry regulation hinder job creation ? Evidence from the french retail industry, Quaterly Journal of Economics, Cambridge, 2001. P.10 Traduit par l’auteur : « The composition of the regional board is also heavily regulated. It must include 20 voting members. Nine of these must be shopkeepers and craftmen representatives. Seven of these nine members must be self –employed. Two members represent consumers’ interest. The last nine members are locally elected politicians, mostly city mayors ».

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En 2005, la Commission européenne a dénoncé cette législation qu’elle jugeait incompatible

avec le principe de liberté d’établissement de l’article 43 du traité CE. En 2008, la LME (Loi

de Modernisation de l’Économie) ramenait le seuil de surface au niveau de la loi de 1973, soit

1000 m2. Les critères d’autorisation ont été réévalués pour les recentrer sur des

problématiques d’aménagement du territoire, d’urbanisme et de développement durable. Mais

surtout, les CDEC ont été remplacées par des CDAC où les élus locaux ont concentré les

pouvoirs tout en excluant les représentants des entreprises.

Ces barrières à l’entrée ont laissé le temps aux distributeurs installés d’identifier la

menace constituée par les discounters puis d’élaborer, de coordonner et de déployer des stratégies qui s’avèrent, in fine, efficaces.

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1.2 Les différents secteurs conquis par le modèle Au-delà du secteur de la distribution alimentaire, les consommateurs sont séduits par

l’économie low cost. Selon une étude de Cetelem de 2006, le consommateur français est sujet

à une grande perméabilité aux produits et services low cost.

Figure 11. Perméabilité au hard discount (low cost) et concessions au bas prix.

« Au-delà d’un contexte économique favorable, au-delà d’une

légitime recherche de prix compétitif, ces résultats jettent un éclairage éloquent sur la

nouvelle motivation de ces consommateurs avisés : l’envie de payer moins cher sans pour

autant renoncer à la qualité. Car, contrairement aux stéréotypes répandus, les achats en hard

discount ne sont désormais plus perçus comme un pis-aller ou un choix par défaut. Au

contraire, il s’agit le plus souvent d’un arbitrage raisonné par le consommateur, bien décidé à

concilier prix bas et qualité d’un circuit qui représente aujourd’hui une vraie alternative de

consommation43 ».

43 ROUSSARIE Pascal, Le low cost à la française. Même à bas prix la qualité nous est chère, direction de la communication Cetelem, Levallois-Perret, 2006.

Source : Cetelem 2006

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Depuis 2006, cette perception du low cost s’est accentuée. Le low cost n’est plus considéré

comme un segment réservé aux plus pauvres et il n’est plus synonyme de faible qualité. « Il

est un choix incontournable pour ravir les classes moyennes des économies émergentes

comme des pays développés, dans un contexte économique morose. Les consommateurs

veulent plus que jamais payer le juste prix et ils s’accommodent, même pour les plus aisés

d’entre eux, d’offres à bas prix quand elles répondent bien à leurs attentes44 ». Le terme

« radin » a évolué au point d’être souvent directement associé au qualificatif de « malin ».

Dans tous les secteurs, le consommateur « radin-malin » force chaque industrie à s’adapter.

Le low cost est partout, dans les biens comme les services, à l’exception près « du luxe ou des

produits technologiques à forte image de marque45 ».

1.2.1 Les produits Low cost.

1.2.1.1 L’automobile.   L’automobile est souvent le deuxième budget des familles. C’est presque fortuitement que le

low cost a fait son apparition dans ce secteur.

En 2005, Renault lançait la Logan sous la marque Dacia. Cette voiture de grande taille à

moins de 8000€ visait à l’origine un public d’Europe de l’Est aux capacités de paiement

limitées. Le succès de ce modèle a très largement dépassé sa cible et a rapidement conquis

l’ensemble du marché européen avec 400 000 exemplaires vendus dès 2007. « La gamme

Dacia est déclarée la plus impressionnante réussite sur le marché de l’automobile français.

Le concept de Dacia est simple : fabriquer des véhicules à bas coût offrant pourtant tous les

équipements que le client valorise. Alors que le marché automobile actuel incite à monter en

gamme, Dacia cherche à réaliser des économies dans tous les domaines : production,

logistique et marketing. Tous les modèles de la marque répondent à trois conditions

incontournables du concept choisi par Renault pour la marque Dacia :

• Faire des volumes

• Avoir une portée internationale

• Être en rupture avec le marché (d’environ 30% en Europe)

44 LAMORIL Juliette, 5 ans après… Les bouleversements du monde, 5 ans après la chute de Lehman Brothers, Communiqué de presse : The Boston Consulting Group, Paris, 2013. 45 COMBE Emmanuel, Le low cost : anatomie et perspectives d'un modèle, éditions la Découverte, Paris, 2011. P.69.

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Anciennement décrite comme « voiture pour ringard », les voitures Dacia ont su conquérir les

consommateurs, au-delà de l’argument prix, grâce à leur fiabilité (classée devant BMW)46 ».

Afin de réduire les coûts dans ce secteur, il convient de standardiser l’offre au maximum. Si

une offre sur-mesure reste possible, ce ne sera qu’au travers d’options payantes. Cela permet

de jouer sur les volumes et les économies d’échelle.

Par définition, les modèles sont simplifiés à l’extrême, jusqu’aux fonctions essentielles

attendues pour un véhicule : sécurité et fiabilité.

Les processus de production seront optimisés notamment en piochant dans la « banque

d’organes » et en s’appuyant sur le haut niveau d’expertise de la maison mère, le groupe

Renault. La moindre économie est traquée, ainsi, la marque a « privilégié la réduction des

coûts d’emboutissage des panneaux de carrosserie plutôt que l’esthétique de la voiture … De

même, on a choisi d’installer sur la Logan des vitres latérales plates moins onéreuses à

fabriquer47 ».

Une pression continue sera maintenue sur les prix des différents fournisseurs (équipement,

matière première) dont l’implantation sera choisie en fonction de la proximité de l’usine afin

de réduire également les coûts de logistique.

Les lieux d’implantation des usines sont déterminants dans cette recherche constante de

compression des coûts. C’est l’arbitrage coût du transport/ coût du travail (corrigé de la

productivité) qui préside aux choix de localisations. Ainsi la production en Roumanie ou au

Maroc à Tanger concilie ces deux paramètres.

« Dans le même temps, la conception des voitures se déplace progressivement à l'étranger.

Alors que la première génération de la Logan était sous la responsabilité des ingénieurs de

Guyancourt, les véhicules suivants sont davantage conçus dans le centre d'ingénierie de

Bucarest, qui se dote même d'une piste d'essai à Titu. Les contenus deviennent, eux aussi, plus

locaux48. »

46 OLLIVIER Marius et POIRIER Julien, Analyse du low cost à travers l’étude du modèle DACIA, Rapport GE20 A12, Université de Technologie de Compiègne, Compiègne, 2012. 47 LEHMANN - ORTEGA Laurence, LE ROY Frédéric, GARRETTE Bernard et DUSSAUGE Pierre, Strategor - 6e édition - Toute la stratégie d'entreprise , édition Dunod, Paris, 2013. P.107 48 FEUERSTEIN, Ingrid, Une stratégie enviée mais jamais copiée, Industrie & Services, Les échos, Paris, 2015.

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Les coûts de publicité et de marketing sont réduits en jouant essentiellement sur l’argument

« prix » et en ayant recours aux coups médiatiques qui concentrent l’audience sans augmenter

les frais.

Nous verrons que cette recette est très largement utilisée dans le transport aérien par

Michael O’LEARY, le turbulent président de Ryanair.

Figure 12. Leviers de baisse des coûts dans l’automobile.

La particularité de l’industrie automobile tient dans le fait que c’est l’un des opérateurs

majeurs du secteur qui a introduit le modèle dans le champ. Cette introduction semble avoir

surpris l’ensemble des acteurs, si bien que 10 ans après, il n’existe pas encore de véritables

concurrents sur le segment, à l’exception de quelques opérateurs indiens et asiatiques (Tata,

Suzuki…). Ces derniers proposent des véhicules low cost de petite taille qui ne sont pas en

concurrence directe avec Dacia Renault (également vendu sous la marque Nissan en Asie).

Tata, la marque indienne, a « tenté une révolution en 2009 avec la Nano à 1500€49 ». Cette

tentative de l’ultra low cost automobile s’est soldée par un échec et le produit a dû être

repositionné.

L’arrivée de nouveaux entrants « pure players » (100% low cost créés ex nihilo) est peu

probable du fait de puissantes barrières à l’entrée. Au-delà de la réglementation en constante

49 GUILLEMOLES Alain, La Tata Nano a manqué sa cible, La Croix – Economie, 2015

Sources : BEIGBEDER 2007

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évolution, notamment pour ce qui concerne la sécurité ou les normes d’émission de CO2, les

frais d’investissement sont très lourds et les réseaux de distribution en Europe sont quasi

exclusivement constitués de concessions physiques de marques qui se doivent d’être au plus

près du client. Ni la grande distribution ni internet ne sont dimensionnés de manière optimale

pour accueillir le commerce de véhicules.

Ce sont donc les acteurs traditionnels européens qui aujourd’hui tentent de rejoindre le

segment en suivant le même concept que Renault Dacia. Peugeot sera le premier à riposter en

2015 avec la L60 produite chez son partenaire chinois Dongfeng et vendue sous la marque

Fengshen spécialisée dans le low cost. DPCA (Dongfeng Peugot Citroën Automobile) affirme

que ce modèle n’est pas destiné au marché européen. Mais comme nous l’avons vu au début

de ce chapitre, la Logan de Dacia était pensée pour se cantonner aux pays émergents de

l’Europe de l’Est… Selon la presse du secteur, Volkswagen et Fiat seraient en marche vers

l’eldorado low cost50. Ce sont des stratégies de mimétisme tarifaire et par les coûts qui

sont ici poursuivies, ainsi que de dédoublement au travers de filiales comme Fengshen.

Le groupe Renault n’entend cependant pas se laisser rattraper. La firme a « franchi une

nouvelle étape en se lançant dans l’ultra low cost : le prix de Kwid (le véhicule est produit à

98% en Inde et sera mis en vente à partir de l’automne 2015), lui, a été fixé à 4200€. Pour

l’instant, il n’est pas prévu que la Kwid roule sur les routes européennes. La voiture sera

d’abord vendue en Inde puis au Brésil et en Afrique du nord. « Le marché décidera » a

indiqué le PDG de Renault Nissan, Carlos GHOSN, laissant toutes les portes ouvertes51 ».

1.2.1.2 Ameublement.   L’un des pionniers du low cost européen, Ingvar KAMPRAD, fit de ce modèle sa marque de

fabrique en mettant, dès 1955, la réduction des coûts au centre de la stratégie de son

entreprise : IKEA. Jusqu’aujourd’hui, chaque nouveau manager de l’enseigne reçoit lors de

son embauche un opuscule signé de sa main rappelant que le succès de la marque est

directement lié à une réduction systématique des coûts. Le titre de ce livret est évocateur :

« Le testament d’un négociant en meuble52 ». Il affirme le positionnement de l’enseigne, en

rupture avec l’offre traditionnelle. Le credo d’IKEA y est clairement exposé : « Nous devrons

proposer une vaste gamme d’articles d’ameublement, esthétiques et fonctionnels, à de si bas

50 RIC, Didier. Dacia Logan VS Fengshen L60  : le match du low-cost, L’argus, 2015. 51 GUILLEMOLES, Alain. Comment Renault a conçu sa voiture à 4 000 €, La Croix – Economie, 2015 52 KAMPRAD Ingvar, The testament of a furniture dealer, Inter IKEA Systems, Älmhult, 1976-2007.

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prix que le plus grand nombre pourra les acheter… Aucune peine ne devra être épargnée afin

de maintenir ces prix aux niveaux les plus bas53 ». Le principal levier utilisé par la firme pour

contenir les coûts est la simplification des produits pour pouvoir les vendre en pièces

détachées. Une partie du coût de production est ainsi reportée sur le consommateur. Et comme

c’est le client lui-même qui transporte son meuble conditionné dans un paquet plat,

l’économie porte également sur le prix de livraison. « Principale innovation d’IKEA, ce

système de vente en kit permet à l’entreprise de comprimer ses dépenses du stade de la

production jusqu’à celui de la distribution, règle de base du low cost54 ».

Malgré une image de marque bâtie sur le fait qu’elle est une marque suédoise, vendant des

produits portant des noms scandinaves, l’essentiel de la production a été précocement

délocalisé afin de rechercher le coût du travail le plus avantageux afin de pouvoir produire en

série, à moindre coût. L’entreprise est aujourd’hui mondialisée. Elle compte 1220

fournisseurs établis dans 55 pays.

Les magasins eux-mêmes suivent une charte d’implantation et d’agencement très précise.

Tous implantés en périphérie des grandes villes, quitte à ne pas être accessibles en transport

en commun, ils sont conçus pour que le client déambule en étant obligé de passer par tous les

rayons avant de pouvoir sortir. Ainsi le prix du mètre carré est maitrisé et les opportunités

d’achat sont optimisées.

Le management se targue d’être « convivial » et participatif. Pourtant ce postulat est contredit

par un recours croissant aux CDD (Contrat à Durée Déterminée), à l’intérim, à des contrats à

horaire modulable pour les étudiants et à une large sous-traitance.

Pourtant l’entreprise, consacre un budget important à sa communication éthique. Championne

du green washing (restauration de l’image écoresponsable), la firme multiplie les plans

médiatiques mettant en avant ses initiatives en faveur de l’environnement, ou pour la lutte

contre le travail des enfants. Depuis 2000, IKEA a largement affiché « Iway », un code de

conduite inspiré des conventions de l’OIT (Organisation Internationale du Travail). Pour

Jérôme CHAPLIER, directeur politique de l’ONG (Organisation Non Gouvernementale)

Oxfam-Magasin du monde, alors qu’IKEA refuse de communiquer la liste de ses

fournisseurs, cet investissement semble étonnamment superflu. Il ne correspondant pas au

modèle de maitrise des coûts de l’entreprise. Il suggère que la firme cherche à détourner les

regards d’un autre levier utilisé par l’enseigne : l’évasion fiscale.

53 Idem 54 NAHAPETHIAN Naïri, Ikea : un modèle low cost, Alternatives économiques, Paris, 2010.

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Nous verrons dans le chapitre suivant que ce même type d’accusation est porté à

l’encontre de nouveaux entrants dans le transport aérien. Non cotée en bourse, IKEA ne

publie pas ses comptes. La société appartient à une fondation caritative néerlandaise, IKEA

Service, qui elle-même serait détenue par des sociétés situées dans des paradis fiscaux. Ainsi

la firme aux fortes valeurs éthiques « préfère ne pas être soumise à la fiscalité de son pays

natal55 ».

Figure 13. Leviers de baisse des coûts dans l’ameublement.

Malgré la fulgurante réussite d’IKEA avec son offre complémentaire, mais également

d’induction et de substitution, les quelques enseignes qui dominent le marché ont su prendre

les devants en adoptant des stratégies de mimétisme par les coûts, d’évitement par la

différenciation et de mimétisme de taille et de localisation d’implantation. Cette capacité

de réaction est avant tout permise par les cycles de consommation longs de ce secteur.

« Même si les meubles ne sont plus des objets qui se transmettent de génération en génération,

même si leur prix toujours plus bas permet d’envisager sans complexes un renouvellement

plus fréquent, leur achat n’est vraiment pas régulier. Seulement 41% des français déclarent

avoir acheté des articles dans les 18 derniers mois. Une fréquence qui laisse le temps de

55 Idem.

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mettre en place des actions efficaces pour coller aux attentes des consommateurs ... Dans leur

esprit, le meuble reste un produit qui doit être remarquable et remarqué pour sa pérennité56 ».

Au travers de cet exemple, il nous semble, important de prendre en considération le facteur

« Temps » qui conditionne l’efficacité de la riposte des acteurs implantés. Nous verrons comment ce facteur a lourdement handicapé les stratégies de riposte des opérateurs

traditionnels du transport aérien.

1.2.1.3  Blanc,  brun,  gris57.  

Dans ce domaine, on peut distinguer deux types d’offres assimilables à des stratégies low

cost. La première portant sur le produit lui-même. La seconde étant plus particulièrement liée

au mode de distribution.

De nombreuses Marques de produits blancs, bruns, gris viennent élargir la palette de l’offre.

Ainsi Meizu, Wiko, ZTE ou Huawei sont venus enrichir le marché des smartphones avec des

prix défiant toute concurrence. Sangha, Galanz, High One ou Haier ont fait de même dans le

domaine de l’électroménager. En matière d’informatique, ce sont des marques comme Asus,

Acer ou Lenovo qui proposent des produits de performances et de qualités très proches de

leurs équivalents de grandes marques installées à des prix pourtant 30 à 60% moins chers.

Laura DIACONOU explique « qu’ils fabriquent des produits standardisés, dépensant moins

en matière de Recherche et Développement, laissant le soin à d’autres d’innover sur des idées

de nouveaux produits qu’ils peuvent imiter et produire à grande échelle avec des coûts très

bas58 ». Cette stratégie très efficace flirte souvent avec la légalité et notamment avec la

protection des brevets. Ce sont souvent des entreprises établies dans les zones de production

des marques traditionnelles. Parfois, leurs produits sortent des mêmes usines ou d’usines

voisines de celles qui produisent et assemblent les standards des grandes marques comme

Apple, Miele, Toshiba, Samsung ou Nokia.

56 Cetelem 2006. 57 Electroménager (blanc), TV/Hi-Fi, vidéo et téléphonie (brun), micro-informatique (gris) 58 DIACONU Laura, Strategic options of the low-cost companies, 2009. P.81 Traduit par l’auteur : « they make standardized products, spending less “on R&D and advertising than differentiators” and they are “market followers, allowing others to innovate new product ideas, which they can imitate and produce in large volumes at very low costs ».

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Cette proximité renforce le doute sur la légalité de certaines de ces offres. Les acteurs installés

ont tout d’abord organisé leurs ripostes autour de stratégies de contestation. Les actions en

justice pour contrefaçon se sont multipliées à l’image de la firme nippone Toshiba

qui « protège ses investissements, et réagit fermement à l’utilisation non autorisée de sa

technologie brevetée. Aussi, Toshiba a intenté une action devant le tribunal en propriété

intellectuelle de Taïwan contre la Powerchip Technology Corporation de Taïwan et 3 autres

entreprises : Powerflash Technology Corporation, Zentel Electronics Corporation, et CTC.

Co. Ltd., dans le cadre d'une violation commune des brevets de Toshiba à Taïwan en matière

de mémoire flash 59 ».

Pour autant, il serait réducteur de considérer que l’ensemble de ces offres relève peu ou prou

du domaine de la contrefaçon. L’exemple de Lenovo met en lumière une stratégie très

élaborée qui a permis à cette marque née en 1984 de devenir le numéro un mondial des PC

(Personal Computer) et le numéro trois des smartphones en 2014. À l’origine concentrés sur

le marché chinois, les fondateurs de la marque rencontrent leur premier succès, suite à

l’informatisation progressive du pays, avec « leur système de traitement des caractères chinois

sur PC. Conscients que le marché chinois est une manne encore difficilement exploitable pour

les sociétés étrangères, ils s’imposent dans leur pays d’origine60» en imitant et adaptant, à

moindre coût, les produits phares du marché. Leaders du marché en Chine dès 1996, ils lèvent

des fonds à la bourse de Hong Kong et entreprennent leur conquête des marchés étrangers. Ils

se lancent alors dans une campagne d’intégration horizontale par le rachat de la division PC

d’IBM en 2005. Dès lors, profitant de l’expertise de la marque acquise, les performances de

leurs ordinateurs rivalisent avec les plus hauts standards du marché. En 2011, ils créent une

coentreprise avec le japonais Nec et rachètent Médion, le numéro trois du marché allemand.

Après s’être imposé comme numéro un mondial des PC, Lenovo s’est tourné vers les produits

mobiles seuls porteurs de forte croissance. « Jusque-là, la marque a mené une politique

tarifaire particulièrement agressive se forgeant une image de marque low cost. Le rachat des

mobiles Motorola lui permet de se positionner plus rapidement que prévu sur des smartphones

59 SAINTPIERRE, Alexandra. Toshiba : intente une action en justice suite à la violation de brevets de mémoire flash à Taïwan, boursier.com, 2014. 60 RUSSEL, Géraldine. Lenovo, le chinois devenu géant technologique, Le Figaro, 2014.

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moyen de gamme. Une étape essentielle avant de pouvoir aller chercher Apple et Samsung sur

leur terrain61 ».

Les investissements permettant un tel degré d’intégration sont énormes. Nous notons que

« l’actionnaire majoritaire de Lenovo est Legend, lui-même contrôlé par l’Académie de

Sciences chinoise62 » et donc par l’état chinois. Nous verrons que cette relation entre

investissement démesuré et liens avec l’Etat présente quelques similitudes avec des éléments à l’œuvre dans la mutation en cours du transport aérien.

La marque opère aujourd’hui une montée en gamme sensée lui permettre de s’installer à la

première place. Lenovo s’éloigne peu à peu du modèle low cost qui a permis son essor avec la

création de neuf centres de R&D extrêmement performants. De même, nous verrons qu’afin

de devenir des acteurs majeurs du transport aérien, des entrants comme Ryanair ou Easyjet empruntent une trajectoire qui les éloigne du modèle qui a fait leur succès.

1.2.2 Les services Low cost.

1.2.2.1  Le  commerce  en  ligne  

L’étude Cetelem de 2006 démontre que dans le secteur blanc, brun, gris un autre type d’offre

low cost révolutionne l’industrie. Le circuit de distribution est le vecteur de moindre coût

plébiscité par le consommateur.

Ici, à cheval entre produits et service, le low cost profite pleinement de la désintermédiation

(suppression du magasin physique) permise par un recours massif au commerce en ligne.

« Plus que dans n’importe quel autre secteur étudié, Internet en tant que mode de distribution

a réussi une percée significative avec 25 % des achats réalisés63 » dès 2006. Pour le

consommateur, le double avantage de ce vecteur d’achat est la quête de la meilleure affaire

avec la possibilité de comparer rapidement les prix ainsi que l’aspect purement pratique de

l’achat en ligne. Il n’est plus nécessaire de se déplacer, d’arpenter des rayons aux produits peu

différenciés pour le profane et où le conseil n’est généralement pas aisé et pas toujours

pertinent.

61 Idem 62 LEHMANN-ORTEGA Laurence, Stratégor 6ème édition, 2013, P385. 63 ROUSSARIE Pascal, Le low cost à la française. Même à bas prix la qualité nous est chère, direction de la communication Cetelem, Levallois-Perret, 2006.

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Grâce au haut débit et avec l’intégration de la 3D (3 dimensions), sans quitter son salon, le

consommateur peut profiter de mises en scène du produit, de vidéos, de fiches techniques

complètes. Il a accès au conseil rapide via des hot lines (liaison directe qui peut notamment

prendre en charge l’appel du client sur une sollicitation par un simple clic). Il peut effectuer

son paiement en ligne, suivre sa commande et sa livraison de A à Z. Jean-Emile

ROSENBLUM, directeur général de Pixmania, l’un des leaders européens des sites de vente

en ligne, précise : « Oui, ça change tout. Il est possible par exemple d’avoir des vidéos sur

chaque produit qui permettent des présentations dynamiques, de la mise en ambiance. Dans

un magasin physique, il y a généralement trois lignes sur le produit, et ce dernier est présenté

de façon statique. Il est donc le plus souvent nécessaire d’aller à la recherche d’un vendeur,

d’ailleurs pas toujours au courant des dernières évolutions techniques du matériel qu’il

vend… Nous sommes quant à nous passés de la notion de “sites listing” à celle de “sites pro-

actifs”. De plus, nous avons un avantage très clair par rapport au commerce traditionnel ; celui

d’avoir 98 % des produits proposés en stock. Concernant les accessoires et consommables,

l’offre est également des plus complètes. Par exemple, nous en proposons une centaine pour

un appareil photo numérique. Et tout ceci est possible grâce à un unique centre logistique64 ».

Le prix a été l’argument principal des pionniers de la distribution en ligne. Ces derniers ont

intégré toutes les étapes systématiquement afin de maitriser la chaine à 100%. La réduction du

nombre d’intermédiaires outre son intérêt économique qui permet d’avoir un positionnement

tarifaire agressif a permis d’assurer un meilleur suivi de la qualité. La vente en ligne permet

également et surtout de s’affranchir de certains coûts de la distribution en magasin. Il s’agit en

particulier des coûts de l’immobilier (loyers et construction). Une centralisation de la

logistique permet de faire des économies d’échelle importantes. Les coûts organisationnels

sont également réduits par la centralisation des équipes.

64 Idem

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44

Figure 14 : Leviers de baisse des coûts dans le commerce en ligne.

Les entreprises installées dans le secteur ont rapidement mis en place des stratégies de mimétisme tarifaire et de localisation virtuelle. Elles se sont adaptées en créant leur propre

site marchand tout en les adossant à leurs magasins physiques. Chez Boulanger par exemple

(enseigne High Tech et électroménager du groupe Mulliez), il est possible de commander un

produit sur le site marchand et de le retirer le jour même dans un des magasins de la marque.

Le second volet de la riposte des acteurs installés repose sur une Stratégie d’évitement par la différenciation. Comme dans la distribution alimentaire, la proximité est mise en avant.

Les magasins se réimplantent en centre-ville, comme à Lyon en 2015 avec un magasin de 4

étages au beau milieu du quartier des Cordeliers ou à Paris où l’ouverture d’un magasin est

prévue avant la fin 2015 dans le quartier de l’Opéra. Mais, la montée en gamme porte

particulièrement sur les services associés. Ainsi, toujours chez Boulanger, une gamme de

services à domiciles baptisée B-dom est proposée pour venir en aide au client, pour

l’installation du matériel, le dépannage, et même la formation65.

Dans ce secteur, comme dans la distribution alimentaire ou, comme nous le verrons,

dans le transport aérien, certains acteurs pionniers du low cost comme Pixmania adoptent un modèle hybride de type soft low cost en évolution à mi-chemin des

opérateurs traditionnels et des low cost pure players qui proposent un service parfois de

moins bonne qualité, mais avec une communication très agressive exclusivement axée sur les prix.

65 Sources : sites officiels des marques

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1.2.2.2  La  coiffure.   Dans ce domaine où l’activité est fortement intensive en main-d’œuvre avec de potentiels

gains de productivité à priori très faibles, le pari du low cost semblait audacieux. Pourtant

depuis quelques années, plusieurs acteurs typiquement low cost se sont lancés sur le marché et

rencontrent un certain succès. Ils se nomment Tchip Coiffure, Beauty Bubble, Self Coiff’ ou

Fun Look. Ils pratiquent des prix imbattables, entre 40% et 50% inférieurs aux prix habituels

du marché. Pour atteindre un tel niveau de prix, ces enseignes actionnent plusieurs leviers de

baisse des coûts.

• Un choix très minutieux des lieux d’implantation, privilégiant la proximité des zones

de chalandise tout en évitant les loyers dispendieux des centres-ville ou des centres

commerciaux. Nous retrouverons ce souci de proximité à moindre coût dans les

choix de plates-formes aéroportuaires de certains opérateurs du transport aérien.

Beauty Bubble se distingue avec un concept à part. « C'est un mélange de "time is

money (le temps c’est de l’argent) et de pop-up store" (magasin éphémère) " explique

Patrick Langer, responsable du développement de l'enseigne. Pas plus de 15 minutes

par clients, plus de 100 personnes par jour, » dans des salons individuels installés dans

les gares, métros, aéroports voire au cœur des rayons cosmétiques des grandes

surfaces, « ouvert de 7h30 à 19h30, pas de shampoing donc pas d'eau (coupes sur

cheveux propres), des gestes millimétrés (la technique a été importée de Grande-

Bretagne). Taylor n'en reviendrait pas ! Le jeune créateur ne cache pas d'ailleurs que

son modèle absolu en la matière est EasyJet66 ».

• Une organisation en réseau de franchise qui permet de dégager de substantielles

économies d’échelle notamment pour la négociation avec les fournisseurs.

• Une simplification de l’offre, réduite à quelques gestes standards (coupe, soin,

coloration… mais pas de changement radical de couleur par exemple), sans services

annexes ( rendez-vous, boisson, journaux…).

66 SALENTEY, Patricia, Tendance low cost  : le salon de coiffure express dans les lieux publics, L’Express L’Entreprise, Paris, 2011.

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• Des méthodes de coupe standardisées qui éliminent le moindre geste superflu et

génèrent de forts gains de productivité. Self Coiff’ pousse cette simplification jusqu’à

laisser la cliente se sécher les cheveux elle-même. « Ce concept permet au salon de

coiffer en moyenne 800 clients par journée67 ». C’est clairement plus une politique de

volume que de marge qui est poursuivie.

• Une politique salariale incitative où les coiffeuses sont rémunérées pour partie sur le

chiffre d’affaire et sur les ventes de produits complémentaires au service (shampooing,

couleur…). Des marges importantes sont réalisées sur ces ventes et contribuent

largement à la rentabilité du modèle.

Figure 15 : Leviers de baisse des coûts dans la coiffure.

Confrontés à cette offensive low cost, les coiffeurs indépendants sont les moins bien armés

pour résister dans cette compétition. Faute de centrales d’achat capables d’inverser le rapport

de force avec les fournisseurs, ils ne peuvent rivaliser sur les tarifs sans compromettre leur

marge d’équilibre. Malgré quelques tentatives de regroupements de circonstances, la seule

67 DELUZARCHE, Céline, 15 idées de business dans le low cost, Journal Du Net, 2015.

Sources : BEIGBEDER 2007

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issue semble être la montée en gamme par la personnalisation du service et la relocalisation en

centre-ville.

Les chaines de franchises traditionnelles ripostent également par la différenciation verticale,

haut de gamme voire de luxe. La taille considérable des franchises, Jacques DESSANGE

représente par exemple quelques 1022 salons 68 , donne une puissance de négociation

inégalable vis-à-vis des fournisseurs de matériel. Poursuivant une politique d’intégration

verticale d’envergure, la plupart des grands groupes ont de plus créé leurs propres lignes de

cosmétiques et de produits spécifiques pour la coiffure. Maitrisant l’ensemble de la chaine des

produits et services, les grandes enseignes comme Jacques DESSANGE et Jean-Louis

DAVID ont une grande facilité à piloter une marge optimale. Une forme de dédoublement est également mise en place au travers de salons « express » aux tarifs et services allégés.

1.2.2.3 La  banque  directe  

Dans le secteur de la banque, comme nous avons pu le voir dans l’automobile et c’est

également le cas de l’assurance, ce sont les grands groupes installés qui ont introduit le

modèle low cost au sein de leur activité via des filiales. Ils ont recouru au dédoublement

avant même que de nouveaux entrants potentiels ne viennent les contester sur leur marché.

Cette politique est à la fois défensive et offensive. Elle est certes défensive vis-à-vis

d’hypothétiques banques directes crées ex nihilo. Mais l’émergence de tels acteurs est fort peu

probable en regard des puissantes barrières à l’entrée constituées par une législation

draconienne et par la confiance nécessaire aux yeux du client qui ne saurait confier son argent

à une banque dont la réputation n’est pas établie ou associée à un groupe de renommée

incontestable. La banque directe est en réalité une innovation qui concoure dans la

compétition entre les grands groupes du secteur. Elle permet de s’affranchir des larges

réseaux physiques des banques traditionnelles pour aller contester un nouveau marché

étranger ou de défendre une implantation nationale. Ainsi, sur le marché français, les

principales enseignes de banque directe sont Boursorama, filiale de la Société Générale,

Monabanq liée à Cetelem et aux 3 Suisses, Fortuneo qui appartient au Crédit Mutuel et le

principal entrant sur le marché national est ING Direct, filiale du groupe néerlandais ING qui

68 DESSANGE, Jacques, MOLL, Geneviève. Soixante-dix mille femmes par jour, édition Jean-Claude Gawsewitch, Paris, 2009.

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résulte de la fusion de NMB Postbank Groep principal groupe bancaire hollandais et de

l’assureur Nationale Nederlanden.

« Le pari de la banque directe est de rompre radicalement avec le modèle dominant de la

banque de détail, fondé sur un maillage étroit du territoire grâce à un réseau dense d’agences.

Elle prend l’exact contre-pied du modèle classique : elle fait d’Internet le canal principal, si ce

n’est exclusif69 ». L’objectif premier de ces enseignes est d’utiliser les services bancaires, tels

que la gestion de compte ou l’offre de moyen de paiement à des tarifs très attractifs, comme

produit d’appel pour commercialiser des produits financiers dont la forte valeur ajoutée est

déterminante.

Figure 16 : Leviers de baisse des coûts dans la banque directe.

La Banque directe ne devrait cependant pas conquérir une part significative du marché

malgré une communication agressive vis-à-vis des circuits traditionnels. « Si elles ne pèsent

pour le moment que 1% de l'encours total d'épargne des Français, Boursorama, ING Direct et

autres Fortuneo multiplient les offres en assurance-vie, marchés financiers et crédits

immobiliers. À moindres frais70 ». Mais le client reste très attaché au modèle rassurant des

banques traditionnelles.

1.2.2.4  Autres  services   Rapidement, comme pour les produits, le modèle low cost s’est répandu dans toutes les

activités de service. De l’hôtellerie, au fitness (salles de gym), en passant par la téléphonie

mobile et les transports, jusqu’au funéraire71, les offres low cost se multiplient et trouvent un

public de consommateurs séduits. Les leviers de réduction des coûts sont adaptés à chaque

type de service, mais comportent tous une composante de simplification.

69 COMBE Emmanuel, Le low cost : anatomie et perspectives d'un modèle, éditions la Découverte, Paris, 2011. P.79. 70 ERRARD, Jean-Denis, Finances personnelles: ces banques en ligne qui soignent votre épargne, Les Echos, Paris 2015. 71 BAILLY, Guillaume, Comment lutter contre un devis de pompe funèbre low cost. Funéraire info, 2015.

Sources : BEIGBEDER 2007, COMBE 2011

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Figure 17 : Leviers de baisse des coûts dans les activités de services.

Sources : voir note de bas de page72, réalisation par l’auteur

Le low cost se rend « partout légitime tout en demeurant, hormis sur l’aérien et

l’alimentaire - ses secteurs historiques dont il détient respectivement 20 et 14% en France –

un segment de niche. « Une offre confidentielle » note Emmanuel COMBE, vice-président de

l’Autorité de Concurrence. Pourquoi, alors, s’y précipiter ? Tout simplement parce que ce

n’est pas le poids de ce segment qui fait sa dimension stratégique, mais l’impact qu’il a

72 BEIGBEDER 2007 - COMBE 2011 - DANIAU, Mychele. Avec des prix cassés, les autos écoles en ligne se faufilent sur le marché, Dépêche AFP, 2015. - Site des marques - site lelowcost.fr - BARROUX, David, Au secours, le low cost marque des points, Editos & Analyses, Les échos 2015.

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sur les comportements des consommateurs et, de ce fait, sur les stratégies des

entreprises. Que celles-ci le pratiquent ou le subissent73 ». Force est de constater qu’il existe aujourd’hui, au-delà de l’offre, une réelle demande low

cost. Elle permet « à chacun de choisir l’essentiel sur un poste afin de pouvoir s’offrir le

superflu sur d’autres74 ». La fonctionnalité déterminant l’acte d’achat, le low cost est utilisé

par le consommateur comme un outil de libre-choix et donc d’arbitrage des dépenses du

ménage. Il a démocratisé et donc élargi les marchés. Loin du marché de la misère que l’on

imaginait en suivant ses premiers pas, ce modèle a quelque peu bousculé la pyramide de

MASLOW. Il devient primordial pour l’individu consommateur de se réaliser par le loisir, la

marque, son propre sentiment de « monter en gamme ». Quel que soit le secteur, le client a la

possibilité de ventiler ses achats d’un extrême à l’autre. Dans le même temps, il peut

totalement désacraliser un produit ou service qui à ses yeux ne compte que par sa

fonctionnalité et s’attacher à l’aspect particulièrement statutaire d’un autre.

Nous retrouvons, dans tous les secteurs, « des enseignements d’études marketing qui

démontrent que nous sommes passés d’une structure de consommation en losange

(consommation massive de produits de gamme moyenne) à une structure de consommation en

sablier (consommation polarisée sur le luxe abordable et les premiers prix75 ». (Voir figure1).

Cette modification de la structure de consommation est renforcée par l’incertitude de

l’économie qui conduit à de nouvelles émotions et comportement que les consommateurs

adoptent pour faire face intelligemment. Sortir du milieu de gamme est incontournable.

(« Uncertainty drives new emotion and behaviors as consumers adopt clever ways to cope.

De-averaging is a must76»).

Cette restructuration de la consommation, de par sa définition, est relativement lissée

d’un secteur à l’autre. L’alimentaire et l’aérien connaissent des taux de pénétration particulièrement importants. Si les enseignes traditionnelles du secteur alimentaire

s’inscrivent dans une mutation maîtrisée, les majors du transport aérien semblent avoir

le plus grand mal à sortir de leur chrysalide. Nous étudierons, dans la deuxième partie de ce mémoire, les causes de cette difficulté.

73 CASTETS Caroline, De quoi le low cost est-il le nom ?, Le nouvel Economiste, Paris, 26 avril 2013. 74 Idem. 75 COMBE Emmanuel, 2011, op. cit. 76 ROCHE Catherine, J.SILVERSTEIN Michael, DUCASSE Patrick, CHARPILO Natalia, Winning consumers Through the downturn, BCG Report on consumers sentiment, Boston, 2009.

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PARTIE 2

Le transport aérien

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2.1 Historique et état des lieux des acteurs traditionnels du transport aérien

2.1.1 Naissance d’une industrie stratégique. Dès ses débuts, ce sont les états qui ont organisé le transport aérien. Les gouvernements

contrôlaient de près l’accès au marché, certes pour garantir la sécurité des vols, mais surtout

pour protéger les intérêts économiques et politiques de chaque pays.

C’est à la fin du XIXème siècle que l’avion a été inventé, mais c’est la première guerre

mondiale qui l’a mis sur une trajectoire de progrès continu. Au sortir du conflit, les premières

lignes de transport aérien commercial de passagers sont créées. Ces premières liaisons sont

internationales, entre l’Allemagne, l’Angleterre, la Belgique, la France et les Pays-Bas. C’est

ainsi qu’une des toutes premières compagnies aériennes au monde voit le jour en cette fin

1919. Il s’agit de KLM dont le premier vol relie Amsterdam et Londres.

Dès octobre 1919, la première convention de réglementation de la navigation aérienne est

signée à Paris. La souveraineté de chaque État est internationalement reconnue non seulement

sur son territoire, mais également sur le ciel qui surplombe ses terres et ses eaux territoriales.

Chaque pays régit librement son trafic aérien. Ce schéma va donner l’orientation majeure du

transport aérien mondial, basé sur des ententes entre États pour règlementer une exploitation

aérienne internationale tout en protégeant le territoire de chaque pays. Rapidement, la sécurité

est considérée comme une priorité et la gestion du ciel est donnée à des agences

gouvernementales.

Alors que les compagnies pionnières sont la propriété de constructeurs d’avions, d’industriels

ou d’entrepreneurs, c’est par fusions et prises de participations des États que les grandes

compagnies nationales sont créées partout dans le monde, reprenant les couleurs et, le plus

souvent, une référence au pays dans leur nom. « Ces compagnies sont un symbole de la

souveraineté des nations77 ». C’est ainsi qu’en 1923 nait la belge SABENA, suivie de la

britannique Impérial airways en 1924, puis de Deutsche Lufthtansa en 1926. Cette dernière

« manifeste aussitôt une activité de premier plan : tous les pays européens sauf l’URSS et la

77 ABRAHAM Claude, Les compagnies aériennes européennes sont-elles mortelles. Perspectives à vingt ans, Paris, 2013.

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Turquie sont très vite reliés à l’Allemagne. En 1927, la Pan American Airways débute son

activité par du transport postal entre Cuba et les USA. De la fusion de deux anciennes

compagnies suisses va naitre en 1931 la SWISSAIR, qui va ouvrir l’année suivante, avec des

appareils américains, le service, alors le plus rapide d’Europe entre Zurich et Vienne. L’idée

d’une compagnie unique s’impose en France. Il apparaît en effet nécessaire de regrouper les

moyens aériens pour faire face à la concurrence étrangère : allemande et anglaise en

particulier 78». Air France est donc créée en 1933 par la loi, avec une participation de l’État

français à hauteur de 25% de son capital. Quatre compagnies sont fusionnées en son sein.

Rapidement, une vaste intégration horizontale s’opère, si bien qu’entre 1933 et 1939 la

compagnie opère une centaine d’avions, tous français, ouvrant des routes régulières vers

l’Amérique du sud et l’Extrême-Orient. À côté d’Air France, cinq compagnies sont autorisées

par le gouvernement. L’assentiment de l’État était « nécessaire avant la mise en service de

toute ligne aérienne. Il s’était réservé le droit de contrôler et de diriger la politique générale de

ces sociétés. Un statut juridique approprié à la mission particulière de chacune d’elles leur est

donné79 ».

Durant la seconde guerre mondiale, l’aviation de transport joue un rôle prépondérant dans la

logistique militaire. En Angleterre comme aux États Unis, le matériel et le personnel des

compagnies aériennes sont réquisitionnés pour servir l’effort de guerre et un pont aérien est

établi entre les deux pays. En France, la réquisition a lieu dès 1939, mais Air France est

démembrée avec l’occupation allemande. Ce n’est qu’à la libération, toujours sous réquisition

que le transport aérien français se restructure sous le nom de RLAF (Réseau des Lignes

Aériennes Française). Le transport aérien français est nationalisé en juin 1945, mais la

réquisition n’est levée qu’en 1946 alors que la société reprend le nom d’Air France. Ce n’est

qu’en 1948 que le statut de la Compagnie Nationale Air France est défini.

Jusqu’aux années soixante et l’essor des avions à réaction, le transport aérien reste seulement

accessible aux classes les plus aisées ou à des professionnels. Ce n’est qu’avec la

généralisation de cette innovation que la démocratisation du transport aérien peut commencer.

En France, Air France reste le pivot de la politique nationale du transport aérien. Dans la

dernière décennie du XXème siècle, elle finit par absorber les autres compagnies d’envergure

qui existaient sur le territoire, UTA (Union des Transports Aériens) et Air Inter.

78 Etudes et conjoncture, Le transport aérien en France. - Union française / Economie française, 5e année, N°3, 1950. pp. 23-104. 79 Idem

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2.1.2 Une industrie très structurée et règlementée. 2.1.2.1  Organisation  internationale. Comme nous l’avons vu, la première régulation de la navigation aérienne date de 1919 avec la

convention de Paris. Il s’agissait alors d’établir le principe de souveraineté nationale. En

décembre 1944, au lendemain de la libération de l’Europe, une nouvelle convention est signée

par 52 états à Chicago. La réglementation de l’aviation civile internationale prenait sa forme

encadrée par la définition des 5 libertés de l’air (qui d’ailleurs sont plus des contraintes que

des libertés). Voir Annexe 1.

• « Première liberté : le droit ou privilège accordé par un État à un autre ou plusieurs autres,

de survoler son territoire, sans y atterrir.

• ���Deuxième liberté: le droit ou privilège accordé par un État à un ou plusieurs autres

d’atterrir sur son territoire pour des raisons non commerciales. • Troisième liberté: « le droit ou privilège accordé par un État à un autre État de débarquer,

dans le territoire du premier État, du trafic en provenance de l’État dont le transporteur a la

nationalité. ���

• Quatrième liberté: le droit ou privilège accordé par un État à un autre État, d’embarquer,

dans le territoire du premier État, du trafic à destination de l’État dont le transporteur a la

nationalité. ���

• Cinquième liberté : le droit ou privilège accordé par un État à un autre État de débarquer et

d’embarquer, dans le territoire du premier État, du trafic en ���provenance ou à destination

d’un État tiers.

Les autres libertés de l’air ne figurent pas officiellement dans la convention de Chicago et ses

annexes, mais L’OACI (Organisation de L’Aviation Civile Internationale) précise qu’elles

peuvent être prévues dans des accords particuliers et elle en précise la définition :

• Sixième liberté : le droit ou le privilège de transporter, en passant par l’État dont le

transporteur a la nationalité, du trafic entre deux autres États.

• Septième liberté: le droit ou le privilège, accordé par un État à un autre de ���transporter du

trafic entre l’État qui accorde ce droit ou privilège et un troisième État quelconque sans

obligation d’inclure dans cette opération un point du territoire de l’État bénéficiaire. ���

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• Huitième liberté (cabotage consécutif) : le droit ou le privilège de transporter du trafic de

cabotage entre deux points du territoire de l’État qui accorde le droit ou privilège au moyen

d’un service qui commence ou se termine dans le territoire de l’État dont le transporteur

étranger a la nationalité, ou (en rapport avec la septième liberté de l’air), à l’extérieur du

territoire de l’État qui accorde le droit ou privilège. ���

• Neuvième liberté (cabotage « autonome ») : droit ou privilège de transporter du trafic de

cabotage de l'État qui accorde ce droit ou privilège au moyen d'un service effectué

entièrement à l'intérieur du territoire de cet État80… »���.

« La première et la deuxième liberté (droit de survol et d’escale technique) sont

automatiquement échangées de façon multilatérale entre les pays signataires de

la ���Convention. Les autres libertés ne peuvent être accordées que sur la base d’une autorisation

ou permission accordée de façon bilatérale. L’article 6 de la Convention précise en effet qu’«

aucun service aérien international régulier ne peut être exploité au-dessus du territoire d’un

État contractant ou à l’intérieur de celui-ci, sauf avec une permission spéciale ou toute autre

autorisation dudit État et à condition de se conformer aux termes de ladite permission ou

autorisation ». Sur cette base bilatérale, chaque État contractant à l’OACI accorde aux autres

contractants les troisièmes, quatrièmes et cinquièmes libertés de l’air reconnues officiellement

par l’institution.

La Convention de Chicago admet un certain multilatéralisme à travers la création de

l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale (OACI), institution permanente rattachée

à l’ONU81 » en 1947 avec 55 états membres. Elle en compte aujourd’hui 19082. « Cependant,

la Convention érige surtout en principe le bilatéralisme à l’échelle des échanges de droits

de trafic et du fonctionnement économique des services aériens ».

Les tarifs étaient fixés jusqu’à la dérèglementation de 1978 par l’International Air Transport

Association (IATA) et devaient être approuvés par les gouvernements. IATA est une

organisation commerciale internationale de transporteurs aériens qui a été fondée en 1945.

Son siège social est situé à Montréal et l’association regroupe aujourd’hui près de 250

compagnies aériennes, ce qui représente environ 85% du trafic aérien mondial de passagers.

80 OACI, Manuel de la réglementation du transport aérien international, deuxième édition, Organisation de l’aviation civile internationale, Montréal, 2004. 81 PAPY Romain, l’aviation commerciale et le droit antitrust, Université Montesquieu Bordeaux IV, 2011 82 Liste officielle : http://www.icao.int/cgi/goto_m_f.pl?cgi/statesDB4.pl?fr

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« Sa fonction est d’édicter des règles concernant la détermination des conditions de transport

à la fois des passagers, des marchandises et des bagages. IATA organise des conférences

régionales de trafic couvrant respectivement l’Amérique, l’Afrique, le Moyen-Orient,

l’Europe, le reste de l’Asie, l’Océanie et le Pacifique avec un système tarifaire pour chaque

zone géographique. Ses décisions ont un statut de recommandation et non pas d’obligation.

Elles sont publiées par l’IATA».83

Le Régime de Varsovie est constitué par un ensemble de documents internationaux de droit

aérien qui régit la responsabilité des transporteurs en ce qui concerne les passagers et les

consignataires. Il traite de la responsabilité des transporteurs aériens, des règles relatives aux

titres de transport, aux paiements internationaux ou encore au fret postal… Ce régime est

refondu en 1999 dans la Convention de Montréal.

De nombreuses autres conventions internationales touchent ou régissent certains aspects du

transport aérien, allant des droits de propriété, acquisition ou possession d’aéronefs, aux droits

des personnes au sol subissant un dommage causé par un aéronef ou à la définition des actes

illicites visant le domaine du transport aérien.

Il existe également une organisation multilatérale à vocation régionale. Le Conseil de

l’Europe a crée en 1955, la Conférence Européenne de L’Aviation Civile (CEAC). Basée à

Paris, et regroupant 44 États membres, elle collabore étroitement avec l’OACI. Son rôle est

d’élaborer des recommandations et des résolutions pour « promouvoir le développement d'un

système de transport aérien européen sûr, efficace et durable. » Dans cette perspective, la

CEAC cherche d’une part à harmoniser les politiques et les pratiques de ses États membres

dans le domaine de l’aviation civile et d’autre part à rapprocher les positions politiques de ses

États membres avec celles d’autres pays non européens, notamment en Afrique, en Amérique

latine ou dans les pays arabes. En tant qu’organisation européenne, la CEAC collabore avec

diverses institutions européennes comme le Conseil de l’Europe, le Parlement européen ainsi

qu’avec Eurocontrol qui est en charge de la navigation aérienne européenne civile et

militaire et l’EASA (European Aviation Safety Agency) l’agence européenne responsable de

la sécurité aérienne .

Enfin, un autre organe important associé à la CEAC est le Conseil des autorités conjointes 83 ROSSIGNOL Denis, Air France, mutation économique et évolution statutaire, édition l’Harmattan, Paris, 2009.

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de l’aviation (JAA : Joint Aviation Authorities). Il veille à la mise en œuvre des accords

entre États membres pour le développement, l’acceptation et l’application de normes et

procédures communes de sécurité. Le JAA dispense également des formations en matière de

sécurité aérienne.

2.1.2.2  Règlementation  bilatérale.  

Les accords bilatéraux classiques sont généralement contractés entre deux États, l’une des

parties peut être un groupe d’États (il peut exister des accords bilatéraux entre deux

compagnies, mais de portée restreinte). Leur objectif est de « conclure, mettre en œuvre ou

proroger quelque type d’accord ou d’entente intergouvernementale sur les services aériens

entre les territoires des deux parties84 ». Ils précisent que les compagnies concernées doivent

être désignées, contrôlées et établies par le pays visé. Ils interdisent généralement les 6ème et

9ème libertés aériennes qui d’ailleurs ne sont pas reconnues officiellement par l’OACI. Ils

définissent des clés de répartition des capacités et régulent les tarifs. Si la réglementation

bilatérale n’a pas de structure organisationnelle, elle possède cependant une structure étendue

de réglementation juridique, constituée de plusieurs milliers d’accords et d’ententes

bilatéraux. Les accords bilatéraux classiques ont constitué une base normative relativement

stable et équilibrée à partir de laquelle le système de transport aérien international a connu une

croissance constante jusqu’au mouvement de libéralisation initié aux États-Unis à la fin des

années 1970.

Les accords bilatéraux libéraux (de ciel ouvert ou « Open skies ») ont vu le jour dans les

années 1970-80 et se sont généralisés à partir des années 1990. Ces derniers ont éliminé la

majeure partie des restrictions portant sur les capacités et la tarification, mais également sur

l’accès au marché. L’une des difficultés principales de ces nouveaux accords réside dans les

fortes divergences de vues entre États quant aux niveaux souhaitables de protection, de concurrence et de coopération au sein de l’industrie. Dans un premier temps, cette

problématique n’était pas (suffisamment) prise en compte, même si certains accords

mentionnaient des principes en matière de concurrence voire des engagements « à éviter » les

pratiques prédatrices ou inéquitables. Ces dernières années, l’application de lois sur la

concurrence dans le transport aérien s’est non seulement retrouvée plus fréquemment dans les

accords, mais elle a aussi englobé un nombre grandissant de questions, depuis les fusions et

84 OACI, Manuel de la réglementation du transport aérien international, 2004

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alliances, l’immunité antitrust, le dumping de capacité et la tarification, l’abus de position

dominante, les ventes et le marketing prédateurs, jusqu’aux redevances et taxes d’aéroport,

aux aides publiques et aux garanties de prêts…

Nous verrons dans la suite de cette recherche que la loyauté de la concurrence est au cœur des difficultés rencontrées par ce secteur en pleine mutation.

Ces accords bilatéraux peuvent prendre plusieurs formes. « Si le type le plus fréquent de

négociation internationale sur les services aériens est la négociation bilatérale entre deux États

souverains » (Type 1), la multiplication des unions d’États ou des communautés économiques

régionales, implique une évolution certaine de la structure de ces accords ainsi que de leur

type de négociation.

Nous verrons comment cette évolution peut jouer un rôle dans les difficultés

concurrentielles que vivent aujourd’hui les compagnies européennes qui évoluent dans un marché aux allures de village mondial.

Figure 18 : négociation bilatérale de type 1

 

2.1.2.3  Règlementation  bilatérale  complexe  et  multilatérale.  

Vu la variété de formes des modes d’organisations entre États, il est nécessaire d’établir une

typologie des modes de négociations. L’OACI décrit précisément les types de négociations

possibles. Voir figure 18 et 19.

Source : manuel OACI 2004

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La négociation de type 2 est une négociation bilatérale conjointe. Elle est peu caractéristique

puisqu’elle concerne les cas où des entretiens bilatéraux conjoints permettent la conclusion

d’accords distincts, mais similaires. C’est notamment le cas quand des États ont la même

compagnie aérienne comme le Danemark, la Norvège et la Suède avec la compagnie SAS.

Au-delà des types 1 et 2, les plus simples, toute une série de types de négociation implique un

nombre d’acteurs variable avec des interactions plus ou moins complexes entre États, groupes

d’États, organisations d’États…(types 3 à 8) Les Types 9a, 9b et 9c sont des variantes

d’élaboration d’une nouvelle forme d’accord, qui se trouvent entre la négociation bilatérale

type1 et de la négociation multilatérale (Type 10).

Figure 19. Différents types de négociations internationales.

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Source : manuel OACI 2004

L’Union européenne et les États qui la composent sont particulièrement exposés à cette

complexité architecturale des accords. Selon Margrethe VESTAGER, responsable du

portefeuille de la Concurrence à la Commission européenne, « quand il s’agit de politique de

la concurrence, il y a nécessairement un choc d’intérêts divergents ». Face à l’attractivité de

l’Union, la Commission est de plus en plus interventionniste. « Face à une tentative de fausser

la concurrence, ma responsabilité comme commissaire, va jusqu’à saisir une cour de justice si

nécessaire. Devant les tribunaux, les arguments politiques n’auront aucun poids. Les juges

examinent les faits et les preuves au regard des textes de loi85 » explique-t-elle.

Alors que des règles de concurrence sont influencées, au sein de l’Union, par le principe de

libre circulation des biens et services, une grande diversité d’accords aériens bilatéraux entre pays membres et pays extérieurs existe et ne comporte pas forcément les mêmes

obligations de loyauté de la concurrence que celles qui s’appliquent au sein de l’Union.

Ce défaut d’harmonisation légale et règlementaire rend difficile, voire dans certains cas

impossible, les interventions juridiques de la Commission en matière de transport aérien.  Définir les pratiques normales et les pratiques anticoncurrentielles ou les distinguer entre elles

est un défi majeur. Les efforts se poursuivent aux échelons nationaux et internationaux pour

élaborer des lignes directrices sur la concurrence, mais on s’en remet dans une large mesure à

des analyses et à l’élaboration de normes selon une approche au cas par cas. L’OACI a établi

85 DEMETZ Jean-Michel, PAQUETTE Emmanuelle, la concurrence n’est pas une arme politique, l’Express n°3338 du 24 juin, paris, 2015.

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une liste indicative de pratiques anticoncurrentielles possibles. Les États peuvent utiliser le

Doc 958786 de l’OACI pour identifier les comportements inacceptables sur le marché et

étudier des mesures de réglementation appropriées.

2.1.2.4  Organisation  nationale. En vertu de l’article premier de la convention de Chicago : « La réglementation nationale du transport aérien est établie par un État à l’intérieur de son territoire, dans l’exercice de sa

souveraineté sur ce territoire et l’espace aérien qui s’y rattache ». Elle s’applique donc aux

services aériens domestiques comme internationaux et aux transporteurs nationaux comme

étrangers. Nous noterons que pour les services aériens internationaux, la réglementation

nationale doit prendre en compte l’ensemble des accords bilatéraux ou multilatéraux que

l’État concerné a contracté.

Chaque État poursuit des buts particuliers au travers de sa réglementation nationale du

transport aérien international, en fonction de sa propre politique économique, sa politique

intérieure, sa politique des affaires étrangères, la géographie de son territoire… En règle

générale, elle couvre, de manière adaptée à la réalité de chaque État, des champs assez

similaires. Selon l’OACI, les principaux buts sont les suivants :

1. Satisfaire les besoins en transport du commerce avec l’étranger.

2. Promouvoir certains secteurs de services (par exemple, le tourisme).

3. Créer des emplois.

4. Obtenir des devises étrangères.

5. Répondre aux besoins des services postaux.

6. Créer les conditions nécessaires à un secteur du transport aérien sain et viable.

7. Contribuer au développement national.

8. Être utile à la défense nationale.

9. Répondre aux besoins de secours en cas de catastrophe.

Chaque pays a son organisation propre qui agit en coordination avec les organisations

internationales, régionales et les organisations des autres pays. Il existe des différences

significatives selon les pays en ce qui concerne les structures administratives en charge de

l’aviation civile. Dans la plupart des États européens, les fonctions de régulateur, d’opérateur

86 OACI, Politique et éléments indicatifs sur la réglementation du transport aérien international, Doc 9587, OACI, troisième édition, Montréal, 2008.

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de navigation aérienne et très souvent d’autorité de surveillance sont clairement dissociées,

alors qu’aux États-Unis et en France, ces fonctions sont assurées par la même entité.

Nous nous intéressons ci-après à l’organisation française du transport aérien

« Sur une initiative parlementaire, le ministère français des Travaux publics ébauche le volet

civil de l’aviation. Un arrêté du 19 novembre 1909 crée une commission d’étude débouchant

sur le décret du 21 novembre 1911, premier texte réglementant la navigation aérienne. En

1917, une commission interministérielle est présidée par le député d’Aubigny ; celui –ci

déclare que la paix revenue, l’aviation doit devenir une industrie de transport 87 ».

Depuis 1928, le ministère de l’air gérait le transport aérien civil comme militaire. C’est en

septembre 1946 le Secrétariat Général à l’Aviation Civile et Commerciale (SGACC) est créé

(voir annexe 2). À l’occasion de la disparition des secrétaires généraux dans l’administration,

le Secrétariat général à l'aviation civile est supprimé pour devenir la Direction générale de

l'aviation civile (DGAC).

La DGAC est aujourd’hui rattachée au « Ministère de l’Écologie, du Développement durable

et de l’Énergie. Elle est chargée de préparer et de mettre en œuvre la politique de l’État en

matière d’aviation civile dans les domaines techniques et économiques. Elle traite de

l’ensemble des composantes de l’aviation civile : développement durable, sécurité, sûreté,

contrôle aérien, régulation économique, soutien à la construction aéronautique, aviation

générale, formation aéronautique. Prestataire de services des compagnies aériennes, elle

assure la gestion de la circulation aérienne, élabore et fait appliquer la réglementation de

l’ensemble des activités qui concernent l’aviation civile. Elle veille au respect du droit des

passagers ainsi qu’à l’aménagement et au développement du territoire. Conseil et partenaire

de l’industrie, la DGAC soutient la recherche et le développement des grands programmes

aéronautiques. Elle se fixe l’objectif de concourir aux diminutions des pollutions de toute

nature générées par le trafic aérien88 ». Elle comprend 6 directions principales :

87 DGAC, Les archives historiques de la DGAC, Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer, Paris, 2009.

88 DGAC, Observatoire de l’aviation civile - Tome 1 – Analyses, Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, Paris, 2014.

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• La Direction du transport aérien (DTA) élabore les politiques publiques du

transport aérien. Elle détermine le cadre dans lequel évoluent tous les acteurs.

• Le Secrétariat général gère la formation aéronautique (notamment l’ENAC : École

Nationale de l’Aviation Civile), le réseau d'informatique les taxes aéroportuaires, les

systèmes d’information et de modernisation, l'ingénierie aéroportuaire, soutient le

pilotage de la politique immobilière.

• La Direction des services de la navigation aérienne (DSNA) est en charge des

services de navigation aérienne.

• La Direction de la sécurité de l'aviation civile (DSAC) exerce essentiellement des

missions de contrôle et de surveillance de l’application de la réglementation.

• La Mission aviation légère, générale et des hélicoptères est chargée de coordonner

l'action des services de la Direction générale de l'aviation civile à l'égard de ses

usagers, de mesurer l'impact des évolutions réglementaires et de s'assurer que les

spécificités de leurs opérations sont dûment prises en compte.

• L’Organisme du contrôle en vol (OCV) conseille le directeur général et ses services

sur les problèmes posés par la conduite des aéronefs de transport et participe aux

commissions et conseils concernant la formation des personnels navigants.

Figure 20 : Organigramme de la DGAC

Source : DGAC

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Aux États-Unis, comme en France, c’est une administration centrale qui est en charge de tout

ce qui concerne le domaine de l’aviation civile, la FAA (Federal Aviation Administration),

navigation aérienne comprise. À noter cependant que la sûreté dépend aux États-Unis d’une

administration spécifique, la Transportation Security Administration (TSA) - administration

de la sûreté des transports -, compétente pour tous les modes de transport et dépendante du

Department of Homeland Security ; le rôle de l’assistant administrateur de la FAA en charge

de la sûreté et des matières dangereuses est, pour ce qui concerne la sûreté, limité à celle des

personnels et des équipements de la FAA.

Au Royaume-Uni, la gestion du transport aérien repose sur trois administrations distinctes. Le

département des transports (Department for Transport DfT), sous l’autorité du secrétaire

d’État aux transports, est en charge des aspects stratégiques des transports aériens comme

routiers ou maritimes. Il représente notamment le Royaume-Uni pour négocier les accords

bilatéraux avec les autres États. La Civil Aviation Authority (CAA) s’occupe de la régulation

économique des transporteurs, du suivi de la législation européenne, des aéroports et des

contrôles de sécurité. Le National Air Traffic Service (NATS), organisme en partenariat

public-privé, est l’opérateur de navigation aérienne.

En Allemagne, le transport aérien relève également de plusieurs entités. L’autorité fédérale

de l’aviation (LuftfahrtBundesamt - LBA) est en charge de certaines fonctions stratégiques

(production de la réglementation technique, régulation économique), mais est surtout

l’organisme chargé du contrôle de la sécurité (certification, réglementation) et de l’inspection

des transporteurs, du personnel navigant et des constructeurs. L’opérateur de navigation

aérienne est la DFS (Deutsche Flug Sicherung Gmbh). C’est la société pour la sécurité

aérienne allemande. Les 16 régions allemandes ont également des responsabilités en matière

de transport aérien. Elles sont notamment responsables de la certification et des mesures de

sûreté des aérodromes établis sur leur territoire, mais également de la mise en œuvre de la

législation contre le bruit.

En Italie, c’est l’ENAC, un établissement public sous l’autorité du ministre des Transports,

qui se charge d’élaborer la réglementation technique, des relations avec les organisations

internationales, du contrôle de la sécurité et de la sûreté. La Navigation aérienne est quant à

elle opérée par l’ENAV (Ente nazionale per l’assistenza al volo).

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L’organisation de l’aviation civile espagnole a été réorganisée en 2008 avec la création de

l’AESA (Agencia Estatal de Seguridad Aérea) qui est dorénavant l’autorité de surveillance et

de contrôle de la sécurité aérienne. La DGAC (Direccion General de Aviacion Civil)

rattachée au ministère du développement se charge de la planification de la politique

aéronautique civile, des relations internationales et de la régulation économique. L’AENA

(Aeropuertos Españoles y Navegación Aérea) est l’opérateur de navigation aérienne, mais

également l’exploitant des plus grands aéroports espagnols.

Cette grande diversité d’organisation et de statuts des structures en charge du transport

aérien, (voir cartographie des acteurs annexe 3) particulièrement au sein de l’Union Européenne, peut engendrer des difficultés de coordination de la « défense » du

transport aérien européen dans un contexte de mutation du secteur.

2.1.3 Un marché monopolistique (1945 – 1978) De la fin de la seconde guerre mondiale jusqu’à la veille des années 1980, le marché du

transport aérien, en croissance constante, a permis aux entreprises pionnières du secteur de

s’établir durablement et de prospérer à l’abri de lourdes barrières à l’entrée et d’accords

bilatéraux quasi monopolistiques.

L’un des marchés les plus porteurs de l’époque était celui entre le Royaume-Uni et les États-

Unis. Les deux États signèrent, aux Bermudes, un premier accord bilatéral sur le transport

aérien dès 1946. Cet accord qui décidait quelles compagnies étaient autorisées à exploiter des

lignes entre les deux pays ne sera remplacé par l’accord Bermudes 2 qu’en 1977. Le partage

de capacité était clairement défini pour chaque compagnie et l’encadrement de ce marché

allait jusqu’à définir la fréquence des vols, les routes aériennes et les escales commerciales et

techniques. C’est donc dans un contexte particulièrement protégé que des compagnies comme

BOAC (British Overseas Airways Corporation), l’ancêtre de British Airways, La Pan

American Airways, ou la TWA ont pu s’installer aux toutes premières places du secteur, sans

être exposées à la concurrence.

Cet accord servit de modèle à de très nombreux autres. Ainsi, de 1945 à 1978, ce sont plus de

trois mille accords, inspirés de Bermudes 1, qui furent signés entre différents États.

Inévitablement, ces accords eurent pour conséquence l’instauration d’un marché

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monopolistique où chaque compagnie désignée pouvait effectuer ses liaisons sans se soucier

réellement de leur compétitivité.

Durant cette période, la coordination tarifaire sous l’égide internationale de l’IATA limitait

les risques sur la rentabilité des compagnies. Dans chacun des pays où la demande était

suffisante, un ou des acteurs majeurs s’installaient et se développaient.

« À la fin des années 1950, la Sabena figure parmi les toutes premières compagnies

aériennes mondiales. En 1958, pour les vols internationaux, elle ne cède le pas qu’à Air

France, la KLM, la BOAC, la SAS ainsi qu’aux deux géants américains, la TWA et Pan

Am89 ». À partir des années 1960, des compagnies comme British European Airways (qui

fusionnera avec BOAC en 1974 pour devenir British Airways), Lufthansa, l’australienne

Qantas, Swissair, Alitalia, Japan Airlines ou Iberia ont des taux de croissance très

importants et enregistrent toutes des bénéfices.

À partir de 1959 les appareils à réaction permettent de voler à 900 km/h, ce saut

technologique permet de traverser l’Atlantique en à peine 8 heures alors qu’il en fallait encore

15 en 1955. Il devient possible de faire un aller-retour entre deux villes d’Europe dans la

même journée. La clientèle d’affaire est conquise. Ces clients, dont le coupon est de loin le

plus rémunérateur pour les Compagnies aériennes, se détournent de la concurrence maritime

et ferroviaire pour adopter l’avion comme moyen de transport privilégié. À l’entrée dans les

années 1970, les grandes Compagnies réussissent le développement des très gros porteurs à

réaction (3 à 400 places) et font entrer le transport aérien mondial dans une ère de

démocratisation. Les avancées techniques sont spectaculaires et entrainent dans leur sillage

une forte progression des trafics aériens. La sécurité est en amélioration constante. Le vecteur

aérien s’impose comme le moyen de transport le plus sûr, le plus rapide, le plus pratique. Les

prix deviennent abordables pour une part de la population de plus en plus vaste. Le transport

aérien se transforme en marché de masse.

L’ascension de l’industrie et des acteurs qui se sont imposés semble constituer un ordre établi.

Le marché se développe partout dans le monde à partir de deux grands pôles économiques :

Les États-Unis et l’Europe. Les deux cœurs de l’économie mondiale injectent du trafic aérien

de plus en plus loin, de plus en plus vite. Ce sont des pompes aspirantes et refoulantes qui

alimentent les économies américaine et européenne. Le transport aérien devient le flux vital 89 VANTHEMSCHE Guy, La Sabena : l’aviation commerciale belge 1923-2001 : des origines au crash, édition De Boeck Université, Bruxelles, 2002

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qui perfuse le monde. Les cœurs battent à un rythme régulier et rassurant jusqu’au premier

choc pétrolier de 1973. Les grandes compagnies aériennes accusent le coup avec un prix du

kérosène qui bondit et remet en cause la rentabilité de certaines entreprises. La limitation de

la concurrence directe, même si elle reste encore la règle, est de plus en plus contestée,

particulièrement aux États-Unis. Sous la présidence de Jimmy CARTER qui prônait une

économie libérale, le système de tarification par les conférences de trafic encadrées par IATA

apparait trop sévère. En 1977, des tensions entre IATA et les États-Unis apparaissent, lesquels

se retirent du système tarifaire décidé à la Convention de Chicago. Ainsi, un transporteur non

régulier, Laker Airways, lança un vol entre New York et Londres à moitié prix. Il démontra

ainsi que le voyage en avion n’était pas réservé aux plus aisés et que si l’on supprimait le

monopole des grandes compagnies nationales, le transport aérien deviendrait accessible à de

nombreux autres Citoyens américains. « De nombreux économistes prônent les vertus de la

concurrence90 ».

2.1.4 La dérèglementation (deregulation) L’Histoire du transport aérien prend un virage prépondérant avec l’avènement de la

déréglementation. Le terme deregulation en anglais, est moins ambigu que sa traduction

française qui sous-entend une absence totale de règle. Or, seules celles relatives aux tarifs et

aux droits de trafic sont concernées. La réglementation technique reste extrêmement

rigoureuse. La deregulation débute aux États-Unis à la fin des années soixante-dix et ne sera

adoptée que plus tard en Europe. Elle s’est donc développée différemment dans ces deux

zones géographiques. Les conséquences sur l’organisation du transport aérien sont

nombreuses. La principale étant l’entrée d’un nouveau concept qui jusque là était presque

inconnu pour la plupart des compagnies aériennes : la concurrence.

2.1.4.1  Deregulation  américaine  (1978  à1984)   Dès 1977, le gouvernement de Jimmy CARTER libère le trafic intérieur de fret aux États-

Unis. Et le 24 octobre 1978, la loi 95-504 « Airline Deregulation Act » redéfinit la

réglementation du trafic aérien américain. L’objectif affiché est de libérer les forces

concurrentielles du marché pour donner aux services aériens domestiques un souffle nouveau

en terme de variété, de qualité et de prix. Une période de transition de 5 ans est mise en place

notamment pour généraliser l’application de la 5ème liberté (liaison entre deux pays) à toutes 90 ABRAHAM Claude, 2013, op. cit.

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les Compagnies américaines. Il s’agit de passer d’un modèle de concertation et d’accords

bilatéraux entre États à un modèle de libre concurrence en entreprises. Les gouvernements

européens n’adhèrent pas à cette nouvelle philosophie… du moins pas tout de suite.

Dès lors, de nouvelles compagnies aériennes peuvent entrer sur le marché américain. Toutes

les compagnies, libres de fermer ou d’ouvrir les lignes qu’elles désirent peuvent ainsi

réorganiser leurs réseaux. Les prix sont dorénavant modulés en fonction de la demande, des

coûts réels d’exploitation, de la capacité des avions exploités sur chaque ligne ou de

l’intensité de la concurrence sur une liaison donnée, voire des horaires que l’exploitant a la

liberté de choisir.

Rapidement, de nombreuses compagnies sont créées et définissent elles-mêmes leur offre

commerciale : politique tarifaire, ciblage clientèle, dimensionnement et coordination du

réseau…

Dans une première phase, « le nombre d’opérateurs augmente fortement. En 1978, il y avait

36 compagnies aux USA. Ce chiffre bondit à 123 en 1984 alors qu’aucune compagnie

d’envergure internationale n’avait été créée depuis 1938. De nombreuses petites compagnies

arrivent sur le marché, les coûts et les prix réels baissent, mais la qualité de service également.

La guerre des tarifs crée de fortes distorsions : elle se caractérise par des tarifs promotionnels

sur les axes à fort trafic (82% des ventes en 1984, 38% en 1978) et des augmentations de prix

de 15 % sur les axes à trafic très faible91 ».��� Face à cette guerre tarifaire, Delta airlines invente

le yield management (gestion fine) en 1984 afin d’optimiser les recettes en fonction de la

typologie de la clientèle et de l’évolution de la demande. Les tarifs sont pilotés en temps réel.

Une autre conséquence a suivi avec la suppression des lignes les moins fréquentées et les

moins rentables. Il y a en fait eu plus de suppressions que de créations de liaisons. Cette

évolution était prévisible, puisque, très logiquement, en retrouvant le choix d’opérer les

liaisons qu’elles désirent, les compagnies se sont retirées des lignes les plus coûteuses, ne

répondant pas à un réel besoin et donc les moins rentables. Nous noterons que ces retraits

n’ont pas été sans effet sur la desserte des régions enclavées. Enfin, en ayant l’opportunité

d’optimiser leurs réseaux, les grandes compagnies s’éloignent du point à point pour organiser

des réseaux en étoile. Le système du hub and spoke (faisant référence au moyeu et aux rayons

d’une roue de vélo) s’impose progressivement. Les vols courts et moyens courriers des 91 BALDIN Edith, La dérèglementation du transport aérien aux Etats-Unis et en Europe, OEST, Paris 1994.

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compagnies servent en complément de trafic d’apport vers le ou les hubs de la Compagnie à

partir desquels elle concentre les arrivées et départs de ses vols longs courriers.

« Dans une deuxième phase, on assiste à la disparition des entreprises les plus fragiles et à des

concentrations. Les nouvelles venues ne vont pas pouvoir résister aux majors, qui elles aussi,

baissent leurs coûts et leurs tarifs tout en maintenant la qualité de service92 ». Les nouvelles

entrantes, ne pouvant profiter d’un réseau installé et des économies d’échelles dont jouissent les majors, doivent trouver des nouvelles stratégies pour s’accrocher au

marché.

Joel BLEEKE a mené une étude sur les comportements stratégiques dans le transport aérien

aux États-Unis sur une période de dix ans de dérégulation. Il dégage quatre typologies de

compagnies performantes :

• « les grandes entreprises généralistes, offrant une large gamme de produits et services

sur une aire géographique étendue,

• les nouveaux venus opérant à faibles coûts qui se sont peu à peu spécialisés,

• les spécialistes d’un marché très précis qui offrent un service de haute qualité à un prix

assez élevé, ou visent une clientèle spécifique,

• enfin, les prestataires de services qui s’adressent aux nombreuses entreprises d’un

secteur 93».

• Dans le même esprit, D. O’REILLY94 applique les théories de Porter sur la nécessité

de choix d’une stratégie concurrentielle dans un transport aérien en dérégulation. Ses travaux

démontrent la nécessité d’un choix stratégique. Il décrit le succès des compagnies qui ont

suivi les trois stratégies génériques préconisées par Porter : la focalisation – spécialisation ;

la différenciation par la marque ; la stratégie de domination par les coûts et les

économies d’échelle. « Une quatrième stratégie étant celle qui revient à ne pas choisir de

stratégie : stuck in the middle (« coincée au milieu »). Dans un contexte difficile, les

entreprises les plus performantes sont plutôt celles qui ont fait le choix clair d’une stratégie

générique. Les firmes « coincées au milieu » sont, dans l’ensemble, les moins

92 idem 93 BLEEKE Joel, Quatre stratégies pour affronter l’Europe ouverte, Harvard L’Expansion, 1991, p. 99-108 94 O’REILLY D., Classical competitive strategy in newly deregulated industries-Does it apply?, International Review of Strategic Management, vol. 6, 1995, p. 123-146.

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performantes95 ».

Le marché américain est alors en pleine croissance. Certains nouveaux concurrents, exposés à

une guerre des prix qui ne leur permet pas d’offrir la même qualité de service que les majors

font le choix de mener une offensive drastique sur les coûts d’exploitation. Ils inventent un

modèle qui deviendra une référence pour les vols courts et moyens courriers : les compagnies Low cost.

Nous reviendrons, au chapitre 2.2, sur cette innovation majeure du transport aérien.

2.1.4.1    Dérèglementation  européenne  (1987  à  1997)   A la suite d’une vague de concentration, les compagnies américaines ont constitué de robustes

fiefs sur leur territoire. Elles ont naturellement cherché des sources de profit à l’extérieur.

Ayant acquis une expérience certaine pour évoluer dans un milieu concurrentiel, elles

souhaitaient étendre la dérégulation aux vols internationaux. L’Europe les a particulièrement

attirées. En effet dans les années 1980, le marché européen hors Russie représentait déjà plus

de 200 millions de passagers par an96. Les États-Unis entendaient bien convaincre d’autres

États ou groupes d’États à adopter une libéralisation du transport aérien. Pour développer leur

trafic transatlantique et desservir les villes européennes, les Américains ont dénoncé les

restrictions de capacité dans les accords bilatéraux qui les liaient aux pays européens, pour les

renégocier de manière moins limitative. Ils se sont appuyés sur l’accord des Bermudes

contracté avec le Royaume-Uni qui était plus libéral que les accords classiques. Il prévoyait

notamment que les capacités devaient être en rapport avec le potentiel de trafic, sans pour

autant les prédéterminer. Premier à renégocier, le Royaume-Uni est le seul pays européen à

réussir à équilibrer le trafic sur l’Atlantique Nord. Il faut bien reconnaître que les autres

renégociations d’accords bilatéraux avec les États-Unis ont plutôt défavorisé les transporteurs

européens pour qui le marché intérieur américain n’a jamais été ouvert. « Le trafic a

largement doublé enter 1982 et 1993, avec une croissance particulièrement forte sur la France,

au profit des compagnies américaines, faute pour Air France de s’être préparée à affronter la

concurrence97.

95 DUQUESNOIS Franck et al. , Stratégies concurrentielles dans une industrie en crise. Le cas de l'industrie vitivinicole en Languedoc-Roussillon, Revue française de gestion 2010/4 (n°203), Paris, 2010, p. 41-56. 96 FAYOLLE Corinne, La dérégulation du transport aérien en Europe. (1987-1997), Guerres mondiales et conflits contemporains, 2003/1 (n° 209), p. 75-89.���

97 ABRAHAM Claude, 2013, op.cit.

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En Europe, le grand marché intérieur européen, institué par l’Acte unique de 1985, ne

concernait que les biens et les services privés marchands, à l’exclusion des activités de réseau.

En ce qui concerne le transport aérien, les préoccupations d’équité sociale ou territoriale sont

plutôt moins sensibles que dans d’autres secteurs (poste et énergie notamment). Il n’est donc

pas surprenant que le transport aérien ait été la première activité en réseau totalement

libéralisée98 ». La dérégulation s’est étalée sur 10 ans, de 1987 à 1997. Ainsi, le transport

aérien européen a été libéralisé en quatre phases. Il s’agit des fameux « paquets » de

libéralisation:

• La première étape a commencé à partir de 1987 où les conditions tarifaires sont

assouplies, et certaines lignes ouvertes à la concurrence par application de la cinquième

liberté.

• En 1990, on accentua largement ces mesures en levant les restrictions liées à la

nationalité de la compagnie sur les liaisons intracommunautaires.

• En 1992, c’est la loi de la concurrence qui prédomine. Ainsi, plusieurs transporteurs

sont nommés sur la même liaison. La cinquième liberté est généralisée et les liaisons

domestiques dans un pays étranger (huitième liberté) deviennent autorisées.

• Enfin, le 1er avril 1997, le droit de cabotage (huitième liberté, il s’agit de la possibilité

pour les transporteurs d’effectuer des trajets intérieurs dans un pays tiers) devient

généralisé.

L’institution du marché unique au 1er janvier 1993 était déjà un premier pas vers la

restructuration du ciel européen qui a fini par dessiner trois tendances lourdes : l’émergence

de Transporteurs à Bas Coût (TBC) (EasyJet en Grande-Bretagne, Air One en Italie), la

mise en place des politiques d’alliances et de rachat (TAT et Air Liberté par British

Airways), puis la constitution de grands groupes, dotés d’une stratégie d’organisation de leurs

réseaux autour de structures de plates-formes de correspondance, les hubs and spokes.

98 FAYOLLE Corinne, 2003, op. cit.

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2.1.5 Consolidation au niveau mondial et disparition de certains acteurs.

2.1.5.1  Développement  et  concentration   L’entrée du transport aérien dans une économie de marché soumise au jeu concurrentiel a

considérablement modifié les équilibres établis. « Cette évolution sans précédent du régime de

régulation du transport aérien porte en elle, comme pour toute ouverture de marché à la

concurrence, deux dynamiques opposées en termes de volume de l'offre et de couverture

territoriale. D'une part, une dynamique de croissance est rendue possible par les nouvelles

libertés mises à disposition : développement de l'offre par les compagnies existantes ou par de

nouveaux entrants sur le marché. D'autre part, une dynamique de décroissance —

rationalisations, voire faillites — peut être imposée par la quasi-interdiction des aides d'État,

par l'incapacité à devenir rentable ou par la concurrence accrue 99 ». Du fait de la

dérèglementation, de nombreuses compagnies ont été créées, d’autres ont disparu. Ce fut le

cas de plusieurs nouveaux entrants qui n’étaient pas en capacité de rivaliser avec les grandes

compagnies traditionnelles qu’ils tentaient d’affronter frontalement. Les disparitions ont été

nombreuses chez les jeunes concurrents, par exemple en France, avec Air Outre-Mer,

Minerve, AOM French airlines, Air liberté, Air Littoral ou encore d’Air Lib. Mais les

disparitions ont également touché des opérateurs historiques qui ont rencontré des difficultés à

s’adapter aux nouvelles conditions du marché. Des « monstres sacrés » que tout le monde

pensait trop gros pour mourir (too big to fail) ont été frappés. Pan Am qui était une des leaders

mondiales depuis sa création en 1926 fit faillite en 1991. Ce fut également le cas d’Eastern

Airlines la même année. Ainsi disparurent SwissAir, Braniff International, Sabena, Varig ou

Olympic Airways … tandis que de nouveaux entrants au profil très différent s’imposaient peu

à peu aux tout premiers rangs de l’échiquier mondial. Il s’agit de Southwest Airlines, Jet

Blue, EasyJet ou encore Ryanair dont nous étudierons le modèle si particulier au chapitre 2.2.

2.1.5.2.  Relations  entre  les  compagnies  aériennes   Dans ce grand chamboulement, il devint indispensable de renforcer la coopération entre les

grands acteurs. Paul CHIAMBARETTO, enseignant chercheur en marketing à la Montpellier

99 DOBRUSZKES Frédéric, Élargissement européen et réseaux aériens à bas prix. À la conquête de l'Est ou de l'Ouest ? (European enlargement and low-price airline networks. Winning the East or the West ?), Bulletin de l'Association de géographes français, 86e année, 2009. L'Italie à la croisée des chemins / Mutations du transport aérien et des systèmes aéroportuaires. pp. 459-471.

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Businness School parle de « coopétition100 ». Il emprunte ce néologisme, mot-valise issu de

coopération et de compétition à Ray Noora pour décrire les écosystèmes d’entreprises qui

coopèrent sur certaines activités et sont en concurrence sur d’autres. Il s’agit « d’une relation

paradoxale entre deux acteurs ou plus qui sont simultanément impliqués dans des interactions

de coopération et de concurrence, indépendamment de leur dimension horizontale

ou verticale101 ». Les accords bipartites102 se multiplient entre les compagnies aériennes et

peuvent prendre des formes très diverses. Les plus importantes relations bipartites sont

apparues dès les années 80 et leur nombre n’a cessé d’augmenter depuis. « En juillet 1994, on

dénombrait plus de 280 alliances entre 136 compagnies aériennes. Onze ans plus tard, en

septembre 2005, ce chiffre a atteint plus de 500 alliances pour 120 compagnies. D’un point de

vue historique, avant l’ouverture du ciel aérien, ces arrangements ont pris la forme d’accords

de coopération dans le transport de passagers et de fret, d’accords avec l’industrie du voyage,

de regroupements et de location complète ou partielle d’avions avec équipage, de contrats de

franchise, de coentreprises… Chemin faisant, après la déréglementation, les arrangements ont

évolué suite au mouvement de mondialisation de l’économie, laissant les alliances apparaître

comme un moyen de contourner la législation sur l’interdiction des fusions, de développer des

synergies afin de multiplier à moindres frais la rentabilité de leur réseau respectif et de

contribuer à l’élargissement des zones géographiques desservies. Elles ont alors pris la forme

d’accords commerciaux, de filiales communes, de prises de participations croisées, de

coopération sur le terrain des achats au travers de plates-formes virtuelles (pour la

maintenance et l’ingénierie, le carburant, la restauration et le service à bord, l’assistance

aéroportuaire, les achats généraux…), de partages de code et des programmes communs de

fidélisation103 ». Les liens de coopération ou coopétition entre les compagnies aériennes sont

très variés et peuvent se jouer à différents niveaux. Nous pouvons les classer en trois grandes

catégories : les coopérations ordinaires, les coopérations tactiques et les alliances stratégiques.

Terence FAN propose un tableau synthétique afin d’appréhender la complexité de ces

interactions :

100 Colloque DGAC-CSAC, D’une concurrence réglementée à une concurrence loyale, 4 mai 2015, Paris 101 BENGTSSON M, KOCK S, Coopetition—Quo vadis? Past accomplishments and future challenges. Industrial Marketing Management, s.l, 2014 P. 180–188. 102 On qualifie de « bipartites » des accords entre deux compagnies et de « bilatéraux » des accords en États. 103 SAGLIETTO Laurence et LEVY Denise, Étude morphologique du réseau des alliances stratégiques aériennes, Flux, Paris, 2006/3 (n° 65), p. 17-32.

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Figure 21 : Relation de coopération dans le transport aérien.

La forme la plus importante de ces relations de coopération est l’Alliance Stratégique. Ce

mode d’organisation constitue une innovation majeure du transport aérien mondial. La croissance tant interne qu’externe des Compagnies aériennes présente des inconvénients

que les alliances peuvent permettre de contourner. Pour faire de la croissance interne, le

processus d’investissement est long alors que l’objectif est d’augmenter les parts de marché

par le jeu classique de la concurrence. La croissance externe ayant recours à la fusion

acquisition est également risquée du fait de ses coûts et de son caractère irréversible. De fait,

les alliances sont des outils stratégiques pour la course aux marchés mondiaux. Dans le

transport aérien international, les avantages des alliances sont d’autant plus importants

qu’elles sont un moyen de pallier les difficultés liées aux droits de trafic et aux règles de

propriété des compagnies aériennes qui empêchent les fusions intercontinentales. Trois

Alliances Stratégiques se partagent près de 80% du trafic aérien mondial.

La première à avoir vu le jour est Star Alliance qui fut crée en 1997. Elle compte aujourd’hui

27 compagnies membres dont United et Lufhtansa sont les piliers. Puis vint Oneworld, en

1999, bâtie autour d’American Airlines et British Airways. Et enfin Skyteam en 2000 dont

Delta Airlines et Air France-KLM sont les leaders.

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Figure 22. Composition des Alliances Stratégiques en juillet 2015.

Sources : Sites internet des différentes alliances au 18/07/2015

Les alliances stratégiques, bien que techniquement et juridiquement réversibles,

demanderaient à la compagnie qui souhaiterait s’en soustraire d’abandonner d’importantes

ressources mises en commun. Nous pouvons donc définir les alliances stratégiques comme

étant des alliances se positionnant entre les coopérations tactiques réversibles et la fusion-

acquisition irréversible. Il s’agit « d’accords entre entreprises ayant pour objet la mise en

œuvre d’actions concertées et dans lesquelles les parties agissent sur un pied d’égalité, sur la

base d’un respect mutuel de leur identité […] Les accords de coopération interentreprises

supposent la mise en commun des ressources qu’elles soient humaines, technologiques,

productives, informationnelles ou financières104 »

Les trois alliances travaillent en permanence au renforcement de leurs réseaux globaux. Elles

recherchent activement de nouveaux partenaires afin d’assurer une couverture globale

efficace. Les régions à forte croissance sont particulièrement investiguées.

104 URBAN Sabine, et VENDEMINI Serge. Alliances stratégiques coopératives européennes. Edition De Boeck Université, Bruxelles, 1994.

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Pour autant, l’appartenance à une alliance n’interdit pas les accords bipartites ou multipartites

entre compagnies partenaires d’alliances différentes. Les coopérations tactiques ou ordinaires

ont continué à se multiplier par-delà les frontières des alliances. En 2008, Amadeus, le

principal GDS105 (Global Distribution System) européen, « a réalisé plus de 1400 accords

d’interligne entre compagnies aériennes, ce qui signifie que leurs passagers peuvent acheter

un seul et même billet pour l’ensemble d’un itinéraire même s’il comporte plusieurs

compagnies aériennes prédésignées 106 ». Cependant ce type d’accord a perdu de son

importance au profit des accords de partage de codes qui représentent à présent plus de 95%

des accords bipartites. Par le biais d’un accord de partage de code (code-share), « un

transporteur aérien autorise un autre transporteur à utiliser pour un vol son code

d'identification, ou par laquelle deux transporteurs partagent pour un vol le même code

d'identification107 ».

Des relations beaucoup plus intégrées permettent à des compagnies de se comporter sur les

marchés comme une entité unique. Il s’agit des JV ou Joint Venture (entreprises communes).

Elles consistent principalement à gérer en commun les capacités, les programmes, le prix, le

yield management, les forces de ventes et à partager les recettes sur des routes déterminées.

Naturellement, les premières JV sont apparues entre les compagnies « piliers » des différentes

alliances stratégiques sous forme de JV transatlantiques. Depuis, de nombreuses JV ont vu le

jour avec des périmètres variés. (Voir JV maintenance entre Air France et Royal Air Maroc

sur la cartographie en annexe 5).

La forme ultime de coopération entre compagnies aériennes est la fusion-acquisition. « La

fusion d’Air France et de KLM en 2004 a constitué la première véritable fusion

internationale. Aux États-Unis, Delta et Northwest ont fusionné en 2008, suivies, en 2010, de

United et Continental, qui ont ainsi donné naissance à la plus grande compagnie aérienne du

monde. En Europe, Lufthansa a racheté des compagnies plus petites, à savoir Swiss, Austrian

Airlines et 45% de Brussels Airlines. En Amérique latine, LAN (Chili) et TAM (Brésil) ont

fusionné entre 2010 et 2012 pour créer le groupe LATAM, qui représente à lui seul près de

105 Les GDS sont des plates-formes électroniques créées à l’origine par les compagnies aériennes pour simplifier et automatiser la gestion des réservations. Ils permettent aux agences de voyages de connaître l'état du stock des différents fournisseurs de produits touristiques (compagnies aériennes, chaînes d'hôtels, sociétés de location de voiture, tour operators...) et de faire des réservations à distance. Aujourd'hui, on dénombre une quinzaine de GDS dont les plus importants sont les américains : Sabre, Galileo et Worldspan ainsi que l'européen Amadeus créé par Air France, Iberia et Lufthansa. 106 Communiqué de Presse du 28 avril 2008. http://www.amadeus.com/fr/x125356.html 107 OACI, circulaire C269-AT/110 de 1997 : « Incidences du Partage de Codes entre Compagnies Aériennes ».

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35% de l’ensemble du trafic passager en Amérique latine. En 2011, British Airways, Iberia et

BMI (British Midland International) ont formé International Airlines Group (IAG), qui est

désormais la société mère, les trois compagnies continuant d’opérer séparément108 ». Dès lors,

dans le transport aérien, la consolidation a pris des formes plus classiques liées à la structure

capitalistique et au régime de propriété. Ces fusions-acquisitions n’ont pu avoir lieu que dans

un contexte juridique international qui a évolué. Pour exemple, la libéralisation européenne a

substitué une « identité européenne » à l’« identité nationale », contournant ainsi les

restrictions relatives aux investissements étrangers.

Les interactions entre compagnies aériennes sont de nature extrêmement variée, nombreuses et parfois fluctuantes. Nous avons tenté d’en dresser une cartographie

détaillée en annexes 5 et 6. Mais nous devons reconnaître que la précision de ces

photographies n’est valable qu’à l’instant où elles sont réalisées. Elles donnent cependant une vision fidèle des équilibres globaux du transport aérien et de la

complexité des relations sur lesquels ils reposent.

108 OIT, Genève: BIT, 2012, op.cit.

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2.2 Les acteurs du transport aérien. Au travers du chapitre précédent et plus particulièrement avec la figure 22, nous avons pu

constater que près de 75% du trafic aérien mondial était assuré par les compagnies membres

des alliances stratégiques. Il serait une erreur de penser que l’ensemble des compagnies non-

partenaires d’une alliance globale, devant se partager les quelques 25% restant, sont

forcément classées après les premières dans la hiérarchie mondiale du transport aérien.

Il convient d’autre part de préciser à quelle hiérarchie nous nous intéressons. En effet, il serait

plus juste de parler des hiérarchies du transport aérien. Nous nous devons d’observer les

compagnies qui transportent le plus de passagers en nombre de têtes. Celles qui transportent le

plus de Passagers par Kilomètre Transporté (PKT) ou Payant (PKP). Cela permet d’observer

la fréquentation d’une compagnie indépendamment de l’effet réseau. Toutes choses égales par

ailleurs, une compagnie n’opérant que sur des étapes courtes peut transporter plus de

passagers dans un même temps défini qu’une compagnie ne desservant que des lignes long-

courriers. La hiérarchie peut également être observée sous le prisme des résultats

économiques des compagnies, de la taille et de la diversité de leur flotte ou en encore de leur

taux de croissance. Figure 23. Principales compagnies au monde en 2011, selon le nombre de passagers-kilomètres payants (PKP) et le nombre de passagers

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Lorsque nous observons les compagnies aériennes en fonction du nombre de Passagers par

Kilomètre Payant ou en nombre de passagers purs, nous constatons qu’un certain nombre de

compagnies non adhérentes à une des alliances globales sont classées dans les toutes

premières places du classement. Au-delà des grandes compagnies traditionnelles qui occupent

encore les avant-postes109, Southwest Airlines se classe en 2011 à la 7ème place mondiale PKP

et à la seconde en nombre total de passagers. Dans les 28 premières compagnies, les autres

compagnies non alliées sont Emirates Airline, EasyJet, Ryanair et Gol. Il est à noter que

Qatar Airways, également présente parmi les 28 premières du classement 2011 ne faisait pas

encore partie de Oneworld à cette époque. Elle n’a rejoint l’alliance qu’à la fin de l’année

2013.

Ces compagnies sont représentatives de deux groupes caractéristiques que nous

étudierons plus précisément, tant leurs particularités sont remarquables dans la

mutation du transport aérien en cours.

Nous remarquons, sur la cartographie en annexe 5, que ces deux groupes de compagnies

se distinguent également par le type de relations qu’elles entretiennent avec le reste de l’industrie. Nous avons cerclé, sur la carte, deux singularités dans le mode de relations

intercompagnies.

Dans le cercle nous retrouvons des compagnies comme Ryanair, EasyJet ou Wow Air

(nous aurions pu y inclure Southwest, JetBlue…) qui entretiennent peu, voire pas, de relation

commerciale ou stratégique avec leurs concurrentes. Ces compagnies qui font l’économie

d’une organisation de la coopération sont les Transporteurs à Bas Coût (TBC) que l’on

appelle également compagnies low cost.

Dans le cercle , des compagnies comme Emirates, Qatar Airways et Etihad se distinguent

par une absence d’intégration dans les alliances globales (ou très récente pour Qatar Airways)

et par un fort et brusque mouvement de prise de participations dans des compagnies

principalement européennes. Ces compagnies qui adoptent un comportement que l’on pourrait

qualifier de prédateur sont les compagnies du Golfe.

109 Selon l’édition 2015 de l’Observatoire de l’Aviation Civile, Air France-KLM reste le premier transporteur aérien mondial pour le trafic de PKT à l’international devant Emirates et le groupe Lufthansa. Pour le trafic total de PKT (trafic domestique et international), il se situe au troisième rang mondial ; les deux premières places sont occupées par les deux groupes américains Delta Airlines et United Airlines.

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2.2.1 Les transporteurs à bas coût (TBC) low cost.

Southwest Airlines, EasyJet, Ryanair et Gol sont des Transporteurs à Bas coût (TBC) que

l’on appelle également des compagnies low cost. Ce sont des compagnies récentes que nous

considérons comme de nouveaux entrants qui ont largement participé à l’ouverture du marché

en se positionnant généralement dans la partie basse de la nouvelle structure de la

consommation individuelle (figure 1). Nous retrouverons dans ce groupe des compagnies

comme : JetBlue, Wizzair, Norwegian, Allegiant, Vueling, Wow, Transavia, Volotea, Air

Berlin, Air Arabia, Germanwings, Air Asia, Scoot, FlyBe110 ou encore Pegasus. Elles opèrent

sur des structures de réseaux organisés en « point à point ».

Nous retrouvons dans le modèle de transport aérien low cost des recettes de compression des

coûts, assez voisines de celles que nous avons étudiées dans le hard discount alimentaire (§

1.1.2) ou dans les services (§ 1.2.2) et qui sont adaptées au secteur.

• Une standardisation de l’offre : Généralement les TBC ne proposent qu’une seule

classe de voyage et un service allégé. Ces compagnies ne recourent pas à l’attribution

de siège. Outre l’économie de gestion du « seating » (attribution de siège) cela a

également un effet sur la ponctualité. Chaque client essaye d’être le premier à bord

pour choisir son siège. Il n’y a ni restauration ni presse gratuite à bord. La politique

tarifaire est centrée sur un yield management où le prix s’adapte à la demande en

fonction du temps plutôt qu’à la typologie des clients.

• Des offres optionnelles : Tous les services au-delà du transport en lui-même sont

optionnels (quand ils existent). Ainsi les rafraichissements et la restauration, à la

demande, sont payants. Au-delà du transport lui-même, tout se facture, allant de

l’enregistrement à l’aéroport à la politique bagages, de l’embarquement prioritaire à

l’assurance annulation. « Ces revenus supplémentaires représentent 25% des recettes

des TBC. « Ryaniar parvient ainsi à engendrer en moyenne 10€ de revenus

auxiliaires par passager, ce qui est le montant le plus élevé du monde111 ». Ces

entreprises n’offrent pas un prix bas uniquement parce qu’elles maitrisent leurs coûts, 110 Flybe, la régionale britannique qui portait le nom de British European jusqu’en 2002 n’est pas une low cost stricto sensu puisque sa flotte n’est pas homogène, mais le rachat en 2006 de la branche régionale de British Airways fait d’elle un opérateur à part. 111 RYANS Adrian B. Beating low cost competition: how premium brands can respond to cut-price rivals beating the competition. Chichester, England  ; Hoboken, NJ: John Wiley & Sons, 2008.

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mais également parce qu’elles forcent leurs passagers qui souhaitent un meilleur

confort à le payer spécifiquement (par exemple, chaque boisson ou nourriture a un

prix, de plus dans le cas de certaines compagnies – comme chez Wizzair – il faut payer

une taxe supplémentaire pour le bagage de cabine, quel que soit le poids de ce

dernier112 ).

• Économie d’échelle : Les flottes sont généralement jeunes et homogènes. Elles sont

constituées d’un seul type d’avion. Cela permet d’alléger considérablement les coûts

de maintenance, mais donne également un poids considérable sur le pouvoir de

négociation vis-à-vis des fournisseurs. Les coûts de formation des équipages sont

également ainsi maitrisés.

• Un allègement des coûts organisationnels : Les TBC déploient un réseau

principalement en « point à point ». « Il est possible de dresser un bilan comparatif

sommaire du réseau point à point avec le réseau hub-and-spoke afin de dresser ses

particularités. Tout d’abord, les réseaux point à point permettent des économies de

coût. En effet, les réseaux en étoile caractéristiques du réseau hub-and-spoke

nécessitent des investissements d’infrastructure et de logistique lourds sur la

plateforme de correspondance principale. Le fait d’opérer sur un réseau point à point

permet de positionner des avions et d’effectuer des rotations entre l’aéroport d’origine

et l’aéroport de destination sans avoir à coordonner les horaires et les

correspondances. Le passager est lui même responsable de ses correspondances

éventuelles, de ses transferts et du transfert de ses bagages. Cela allège les coûts

nécessaires de personnel au sol et les risques de litiges pour pertes de bagages. Les

réseaux point à point permettent également des gains de temps. Contrairement au

réseau hub-and-spoke qui nécessite que certains avions attendent que les derniers

passagers en correspondance embarquent, les avions opérant dans un réseau point à

point peuvent assurer plus de rotations journalières et améliorer leur ponctualité. Cela

permet de la même façon d’améliorer l’efficacité économique et la rentabilité des

avions.

En revanche, le réseau point à point n’est pas organisé pour capter des passagers en

correspondance ce qui peut constituer un handicap pour le remplissage des avions.

112 DIACONU Laura, Strategic options of the low-cost companies, 2009. P.82 Traduit par l’auteur : « These firms offer services at low prices not on ly because they are cutting costs, but also because they are forcing the passengers that want a superior comfort to make an extra payment (for example, any drink or food has a price and, moreover, in the case of some airlines – such as Wizzair – it has to be paid an additional tax for the cabin luggage, no matter what is their weight) ».

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Contrairement aux compagnies opérant en réseau hub-and-spoke, les compagnies

point à point ne peuvent pas compter sur la rationalisation de leur réseau pour pouvoir

embarquer à la fois des passagers point à point et des passagers en correspondance.

C’est la raison pour laquelle les compagnies low cost adoptent une politique

commerciale agressive pour la gestion des sièges vides. Ces dernières préféreront

proposer des sièges bradés ou gratuits tout en assurant une communication

promotionnelle d’envergure plutôt que de faire décoller des avions avec des sièges

vides 113».

• La désintermédiation : Elle permet de supprimer les intermédiaires comme les GDS

ou de s’affranchir d’un réseau d’agences. Le vecteur d’achat privilégié est le site

internet de la compagnie. La majeure partie des tâches dévolues au personnel sol des

compagnies traditionnelles sont réalisées en ligne par le client lui-même.

(Organisation du voyage avec éventuellement recherche de la meilleure

correspondance, réservation, paiement, enregistrement, impression de la carte d’accès

à bord et des étiquettes bagages…).

• Densification des cabines : Comme pour le hard discount, où c’est le produit qui

compte, peu importe la simplicité du magasin. Ici, le produit est un service : celui

d’être transporté en avion d’un point A à un point B en toute sécurité. Le confort n’est

pas primordial. Les cabines sont densifiées en réduisant au maximum l’espace entre

les sièges. Certaines compagnies optimisent encore la capacité en supprimant des

toilettes. Les TBC en retirent une économie de coût d’aménagement des cabines (sans

chichis) et surtout une optimisation de la recette de chaque vol avec un nombre de

passagers plus important. Le coût marginal d’un passager supplémentaire par rapport à

l’aménagement cabine d’une compagnie classique étant relativement faible (il s’agit

principalement du coût du carburant nécessaire au transport du poids moyen d’un

passager et des taxes qui lui sont liées), chaque place gagnée se traduit rapidement en

recette supplémentaire.

• Usage intensif des avions : Un avion ne rapporte de l’argent que lorsqu’il vole. Dès

qu’il est au sol, il coûte de l’argent. Les avions moyen et court-courriers des TBC

volent jusqu’à 11 heures par jour, au lieu des 8 à 9 heures des compagnies classiques.

Tout est mis en œuvre pour réduire les temps d’escale (généralement moins de 30 113 PAPY Romain, 2011, op. cit.

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minutes pour un TBC contre 45 minutes à une heure pour une compagnie

traditionnelle). Le ménage est généralement réduit à un simple « rafraichissement » de

la cabine effectué par le personnel de bord lui-même alors que les passagers n’ont pas

encore fini de débarquer et que les passagers suivants commencent à embarquer. Pour

ce faire, les compagnies low cost utilisent généralement des escaliers mobiles

positionnés à l’avant et à l’arrière des appareils. Le débarquement se fait par l’avant

tandis que l’embarquement du vol suivant débute par l’arrière.

• Politique de localisation : « Une caractéristique fondamentale des compagnies low

cost réside dans la typologie des aéroports desservis. Typiquement, les low cost

s’installent – au départ plus par contrainte que par choix délibéré – dans des aéroports

dits secondaires, qui se distinguent des grandes plateformes aéroportuaires 114 ».

L’objectif est de payer les redevances les plus faibles et de permettre des demi-tours

rapides sur une plate-forme non congestionnée.

• Politique d’externalisation : Les TBC cherchent à externaliser le maximum de coûts

fixes. Il en va ainsi du recrutement des équipages, de leur formation, de l’entretien des

appareils et de presque tous les services au sol. Cela permet aux compagnies low cost

d’être très flexibles. Elles peuvent ouvrir ou fermer une liaison en fonction de sa

rentabilité sans avoir à assumer des coûts fixes de personnel ou de structure en période

creuse.

• Management du personnel : La productivité des salariés est au centre du modèle

économique des TBC. « L’absence de repas servis à bord permet d’ajuster les effectifs

des personnels navigants commerciaux (PNC) au minimum requis pas la

réglementation. (…) La politique de rémunération des personnels navigants techniques

(PNT) et commerciaux fait également une place importante à la rémunération variable

indexée sur des indicateurs de performance. Chez Ryanair la part de rémunération

variable peut atteindre jusqu’à 50% de la rémunération totale115 ». Généralement, le

taux de syndicalisation des personnels est assez faible. Certains TBC adoptent des

positions antisyndicales assumées et virulentes.

Dotées d’un modèle adapté pour séduire un segment de clientèle en pleine croissance, les

compagnies low cost ont rapidement pris des parts importantes dans un marché qu’elles ont

114 BEIGBEDER Charles, 2007, op.cit. 115 COMBE Emmanuel, 2011, op.cit.

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elles-mêmes largement participé à élargir avec leur offre d’induction. Alors qu’elles ne

représentaient que 4%du trafic européen en 1996, en 2011, elles atteignent selon les pays

entre « 15 et 40% du marché des vols sans correspondance116 ». Cependant, les spécialistes du

monde de l’aérien estiment peu probable que les TBC finissent par contester la totalité du

marché européen face aux compagnies traditionnelles. « La part de marché du low cost en

Europe est sans doute amenée à se stabiliser autour de 50% du marché117 ». Avec une telle

pénétration du marché, il apparaît nettement que l’offre low cost se fait à la fois d’induction,

de complémentarité et de substitution.

Depuis 1974 date de lancement du Skytrain, la toute première expérience malheureuse118 en

ce domaine, de très nombreuses compagnies low cost ont vu le jour. La plupart ont disparu.

Mais quelques-unes sont devenues des acteurs majeurs du transport aérien mondial.

Figure 25. Trafic de passagers des principales compagnies à bas coûts (en millions de passagers)

Nous nous intéresserons particulièrement aux trois premières compagnies de ce classement

qui, de par leurs différentes déclinaisons du modèle, sont tout à fait caractéristiques des

différences de l’offre low cost à travers le monde.

2.2.1.1  Southwest  airlines.   Southwest Airlines est la toute première compagnie low cost au monde. Aujourd’hui, première

compagnie low cost dans tous les classements, elle fut également la première dans l’histoire à

116 PERRI, Pascal. Air France  : du monopole pur et dur à la concurrence des low cost, Atlantico.fr, 2011 117 BORDES-PAGES Gilles, Vers un nouvel équilibre entre compagnies aériennes low cost et majors, Espaces n°282, p 29-33, 2010. 118 Cette première expérience s’appelait le skytrain et proposait des vols long-courriers entre New York et Londres à des prix défiant toute concurrence. Les billets se vendaient le jour même du décollage selon les places disponibles, il n’y avait pas de service gratuit à bord. L’entreprise comptait sur un effet volume important pour compenser la faible marge réalisée sur le prix du billet. Le skytrain posa les premiers jalons de l’aviation low cost mais ne réussit pas à suffisamment se différencier sur un segment long-courrier où les options de réduction des coûts n’étaient pas assez nombreuses. L’expérience tourna court assez rapidement.

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rencontrer un succès durable. Pourtant, c’est de manière assez fortuite qu’Herb KELLEHER,

son charismatique premier Président, engagea la compagnie sur un segment qui n’existait pas

encore réellement. Créée en 1971 aux USA, Southwest Airlines n’était pas une compagnie low

cost. Cantonnée sur trois escales texanes, San Antinio, Austin et Dallas, la compagnie avait

toutes les difficultés du monde pour se maintenir sur un marché dominé par les compagnies

traditionnelles. Face au risque de faillite qui la guettait, elle fut contrainte de réduire sa flotte

de 4 à 3 Boeings 737. KELLEHER tente alors, avec succès, le pari de maintenir son

programme de vol avec un appareil en moins. Il adopte certaines recettes du skytrain, et

invente certains principes qui aujourd’hui définissent le modèle low cost du transport aérien

(voir § 2.2.1.)

Rapidement, Southwest retrouve la rentabilité. À la faveur de la dérèglementation américaine,

à partir de 1978, elle enregistre des taux de croissance jusque-là inédits. Partie à l’origine des

3 destinations texanes, elle dessert en juin 2015 sa 96ème escale et se lance dans une expansion

internationale en reliant plusieurs destinations au Mexique, aux Antilles néerlandaises, au

Bélize, au Costa Rica et en République Dominicaine. « Elle opère aujourd’hui un total de

3.600 fréquences par jour et transporte plus de 100 millions de passagers annuellement (…)

L’année dernière, elle a publié son 42ème exercice bénéficiaire consécutif 119».

Face à ce succès hors du commun, de nombreuses compagnies low cost ont tenté de

reproduire sa réussite qu’ils ont souvent attribuée (à tord) aux trois principes suivants: des

court-courriers uniquement, des liaisons point à point et l’absence de syndicats

traditionnels. Ce troisième principe est une fausse interprétation due au fait que Southwest

Airlines « se distingue des autres compagnies aériennes américaines par le plus petit nombre

de médiations, de procédures d’arbitrage et de grèves (…) Les éléments clés de cette réussite

sont en fait, l’esprit d’initiative, une forte culture d’entreprise et le travail d’équipe. Southwest

a su mieux que d’autres gérer les relations entre les différents groupes de salariés, et cette

bonne coordination au niveau relationnel est son meilleur atout. En outre, la compagnie a

appliqué une stratégie de croissance plutôt prudente, et ses réserves financières lui ont permis

d’éviter les licenciements. Elle présente en réalité un taux de syndicalisation de 88%, un

record à l’échelle du secteur. Southwest a toujours réussi à enregistrer, à peu de cas près, les

plus faibles coûts unitaires totaux des États-Unis, et ce malgré un coût du travail supérieur à

119 LE BARON, Romain, Southwest poursuit son expansion internationale, Air Info, 2015

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celui de presque tous ses concurrents120 ». Les bas coûts de Southwest ne résultent pas de

bas salaires. Les salariés de la compagnie sont payés à des niveaux se situant dans la

moyenne haute de l’industrie, parfois même supérieurs à ceux de certaines compagnies

traditionnelles. La capacité de Southwest à proposer des tarifs bas réside en grande partie dans

la haute productivité de ses ressources. (Avions et salariés). En 1995, dans son « message to

the Field », KELLEHER expliquait à ses salariés qu’il voulait réduire tous les coûts, sauf les

salaires, les bénéfices et l’intéressement. C’est le choix de compétition de Southwest,

contrairement aux autres qui voient baisser leurs salaires et leurs bénéfices. (« We want to

reduce all off our costs, except our wages and benefits and our profit sharing. This is the

Southwes’st way of competing, unlike others who lower their wages and benefits 121»).

Une des particularités de Southwest Airlines qu’aucune autre compagnie, low cost ou

traditionnelle122, n’a réellement tenté ou réussi à mettre en place réside dans sa culture d’entreprise basée sur le management relationnel. Elle pourrait se résumer en une phrase

slogan, citée par tous les salariés comme les dirigeants de la compagnie, comme étant un

facteur clé du succès de Southwest : « These relationships are characterized by shared goals,

shared knowledge, and mutual respect123 » (ces relations se caractérisent par des buts

partagés, une connaissance partagée et un respect mutuel.) Nous retrouvons ce credo de la

firme à chaque niveau de l’entreprise. Il constitue un avantage opérationnel certain

notamment dans la résolution de problèmes. Ce qui est primordial quand une compagnie

aérienne place la ponctualité au plus haut niveau de ses priorités et que la rapidité des demi-

tours est un élément clé de son modèle. Le but partagé est de faire décoller l’avion à l’heure

en toute sécurité. La connaissance partagée des contraintes de chaque acteur de la touchée

120 GITTELL, Jody Hoffer. The Power of Relationships to Achieve High Performance, lors de sa présentation à la conférence annuelle du Lean Advancement Initiative du MIT, le 23 avril 2008. 121 KELLEHER Herb, Message to the Field, internal Southwest press, Dallas, 1995 122 Excepté JetBlue Airways, la seconde compagnie low cost des USA qui décline également un management relationnel basé sur les fondamentaux de Herb KELLEHER. Le fait que JetBlue a été fondé en 1999 par David NEELEMAN n’est sans doute pas étranger à cette sensibilité au management relationnel. Il était le Président de Morris Air quand cette dernière a été rachetée par Southwest en 1993. Il est resté membre du comité exécutif de Southwest avant de se relancer notamment avec JetBlue. Une des premières mesures emblématiques prise par NEELEMAN en 2002 ( c’est à dire l’année suivant les attentats du 11 septembre 2001) a été de reverser l’intégralité de son salaire et de ses bonus de l’année au fond de crise des équipages de JetBlue. Ce don symbolique est un acte fondateur de la culture d’entreprise que NEELEMAN tente d’implanter chez JetBlue afin de reproduire le haut niveau de management relationnel qu’il a expérimenté chez Southwest Airlines. (WADE James, O'REILLY Charles, POLLOCK Timothy, Overpaid CEOs and Underpaid Managers: Fairness and Executive Compensation, Organization Science n°7 , September–October, 2006.) 123 GITTELL Jody Hoffer. The Southwest Airlines Way: Using the Power of Relationships to Achieve High Performance, édition McGraw-Hill, New York, 2005.

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aide à trouver la solution la plus pertinente et la plus rapide. Le respect mutuel fait gagner un

temps précieux qui ailleurs est consacré à rechercher et blâmer celui qui sera désigné

responsable du retard. Chez Southwest, dès la connaissance d’un problème, tous les acteurs,

de l’agent de piste au commandant de bord en passant par le Personnel Navigant Commercial,

sont focalisés sur sa résolution. La performance ou la contre-performance est toujours

considérée collectivement. Un agent commercial de porte d’embarquement de Southwest

résume cet état d’esprit ainsi : « You can always count on the next guy standing there. No one

department is any more important than another. » (Vous pouvez toujours compter sur le gars

d’à côté. Aucun service n’est plus important qu’un autre).

2.2.1.2  EasyJet.   La compagnie britannique EasyJet est lancée en 1995 au milieu de la dérèglementation du ciel

européen. C’est à cette époque que la cinquième liberté est généralisée et les liaisons

domestiques dans un pays étranger (huitième liberté) deviennent autorisées. EasyJet s’inspire

très largement des recettes de Southwest. Elle opère des vols points à point avec un service

gratuit minimum. Tous les services auxiliaires sont proposés « à la carte ». Ainsi

rafraichissements et restauration (on parle plutôt de snacking) sont optionnels tout comme les

ventes à bord de cosmétiques, parfums et divers accessoires, à l’identique de la pratique des

« ventes » des compagnies traditionnelles. Le bagage en soute et la modification du billet sont

également facturés en sus du prix du simple voyage d’un point A à un point B.

La flotte est rationalisée sur le modèle de Southwest. À ses débuts, la compagnie ne possède

même pas les deux Boeing 737 qu’elle exploite à partir de sa base principale de l’aéroport

secondaire de Londres Luton.

La croissance de la compagnie est fulgurante. Sa flotte de Boeings 737 s’étoffe rapidement en

achetant des appareils de seconde main, puis se modernise par des commandes d’avions

neufs. Afin d’atteindre une masse critique, la compagnie recourt à une large intégration

horizontale. Elle rachète en 1998 la compagnie suisse TEA Basel et crée EasyJet Switzerland.

Puis vint le tour de l’achat de Go Fly, la filiale à bas coût de British Airways. En 2002

EasyJet renouvelle entièrement sa flotte en passant une commande monstre historique à

Airbus portant sur 120 A319 plus 120 autres options d’achat. Peu à peu les Boeing sont

remplacés par une flotte homogène et moderne d’Airbus A319 et A320 (même formation et

même maintenance générale pour les deux appareils). La politique d’intégration se poursuit

avec l’achat de GB Airways et EasyJet vient se positionner sur le second aéroport londonien

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de Gatwick. Déjà présente en Suisse, EasyJet ouvre des bases sur tout le continent européen,

en France, en Espagne, en Allemagne, en Italie… D’où elle projette en 2015, une flotte de

241 appareils. 157 autres avions sont en commande.

La particularité des compagnies low cost européennes est qu’elles profitent de la libéralisation

paneuropéenne. Ce qui leur donne un libre accès à un marché presque aussi vaste que

leurs devancières américaines. C’est un marché qui leur offre également des opportunités nouvelles. Les législations fiscales et sociales européennes ne sont pas

harmonisées. Il est donc facile d’intégrer une stratégie d’optimisation en choisissant

minutieusement les lieux d’implantation des sièges sociaux ou des filiales, voire des bases

elles-mêmes. La société mère d’Easyjet, Easygroup, est basée à Jersey, une île anglo-

normande jouissant d’une exception fiscale avantageuse. EasyJet double le modèle de

Southwest d’un véritable schéma financier optimisé. Les recettes transitent ou sont

consolidées dans des « paradis fiscaux ». Le procédé étant rentable, il est tentant d’appliquer

cette recette à l’ensemble des législations européennes, en choisissant la plus avantageuse

dans chaque domaine visé pour en tirer un profit maximum, quel que soit le lieu

d’implantation d’une base. Ainsi EasyJet a, un temps, prétendu pouvoir appliquer les

législations fiscales et sociales britanniques à ses salariés basés en France. Elle a été

condamnée par la justice française en novembre 2010 pour « travail dissimulé, entraves aux

organes de représentation du personnel et défaut d'immatriculation » pour avoir fait

travailler ses salariés basés à Orly sous contrat de travail anglais124.

Contrainte par une série de condamnations, notamment en France et en Italie, EasyJet

entreprend de se mettre en conformité avec les législations fiscales et sociales et le droit du

travail de chacun des pays où sont implantées ses 27 bases d’affectation à travers l’Europe125

(dont 5 en France : Orly depuis 2003, Roissy CDG et Lyon depuis 2008, Nice et Toulouse

depuis 2012). Le modèle débridé de ses débuts est rapidement revu afin de garantir une image

respectable de la compagnie. Elle prévoit une maturité du marché européen à court /moyen

terme et entend capter une partie du trafic d’affaire plus fortement rémunérateur. Le modèle

d’Easyjet est en pleine évolution. Il s’éloigne du pur low cost.

124 Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 11 mars 2014, 11-88.420, 125 Site internet d’Easyjet, Nos Locaux, easyJet Careers. » Consulté le 28 juillet 2015.

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2.2.1.3  Ryanair.   Nous nous attarderons sur le cas de Ryanair étant donné que ce dernier TBC comporte

des spécificités, ou en tout cas, focalise certaines caractéristiques qui semblent participer aux difficultés de mutation du secteur.

2.2.1.3.1  Historique   Ryanair fut créée en 1985 à Dublin, en Irlande, par Thomas Anthony « Tony » Ryan. Le site

internet de la compagnie entretient la légende : « Ryanair is set up by the Ryan family with a

share capital of just £1, and a staff of 25. We launch our first route in July with daily flights

on a 15-seater Bandeirante aircraft, operating daily from Waterford in the southeast of

Ireland to London Gatwick126 ». (Ryanair est fondée par la famille Ryan avec un capital de

départ de juste une livre irlandaise, et 25 salariés. Nous avons lancé notre première route avec

un Bandeirante, un avion de 15 places, qui volait quotidiennement entre Waterford dans le

sud de l’Irlande et Londres). Dans les années suivantes, le nombre de passagers ne cesse

d'augmenter, la flotte se diversifie, mais la compagnie n’est toujours pas rentable. Il est alors

décidé en 1990 de faire appel au jeune (il a alors 30 ans) et dynamique Michael O'LEARY

pour faire de Ryanair une compagnie aérienne dégageant des profits. Dès sa prise de fonction,

il se serait rendu auprès de KELLEHER pour s’inspirer du modèle de Southwest Airlines. Il

impose un rythme de rotation plus élevé des avions, la suppression de la classe business,

l'utilisation d'un seul modèle d'appareil, la suppression des prestations non indispensables

comme la réservation des sièges et la distribution de boissons gratuites. Il préconise enfin

l'usage des aéroports secondaires.

Dès 1991, la compagnie enregistre ses premiers profits. La dérégulation du ciel européen

entre 1992 et 1999 facilite l’expansion de Ryanair qui ouvre successivement des routes vers la

Suède, la Norvège, la France et la Belgique et établit des « plaques tournantes127 » sur des

aéroports secondaires comme Sandefjord se situant à 110 km au sud d'Oslo, Beauvais à 96 km

de Paris ou Charleroi distante d’à peine 49 km de Bruxelles. La compagnie recentre

également sa politique de flotte par l’usage exclusif de Boeings 737 pour lesquels elle passe

une commande de 45 appareils. Il s’agissait alors d’une commande hors du commun.

126 Site internet de Ryanair, History of Ryanair, Ryanair.com. Consulté le 28 juillet 2015. 127 Il s’agit ici d’un hub technique dont la fonction (contrairement au hub and spokes des compagnies traditionnelles) n’est pas d’optimiser les correspondances des passagers, ce qui compromettrait les possibilités de demi-tour rapide, mais de permettre une rotation plus rapide des appareils d’une ligne à l’autre.

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L’expansion se poursuit jusqu’aujourd’hui (juin 2015) où Ryanair dessert 190 destinations à

partir de 74 bases avec 324 B737-800. 180 autres appareils sont en commande et la

compagnie annonce, sur son site, atteindre les 500 avions d’ici 2019.

Ryanair revendique être « l’unique compagnie ultra low cost d’Europe (…). La compagnie est prête à faire tout ce qui est en son pouvoir pour réduire ses coûts128 » .Nous notons

que ce préfixe « ultra » recoupe plusieurs réalités. Michael O’LEARY est, pour le moins,

fidèle à ce jusqu’au-boutisme affiché dans tous les domaines qui touchent à la réduction des

coûts et l’optimisation des recettes de Ryanair. Qu’il s’agisse de la productivité de ses

salariés, des frais de marketing, du pouvoir de négociation envers ses fournisseurs, qui peut

aller jusqu’au quasi-chantage ou de l’optimisation fiscale et sociale, Ryanair va loin ; parfois

trop loin.

2.2.1.3.2  Ryanair,  le  rapport  de  force.  

« La cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé, mardi 28 octobre 2014, la culpabilité de la

compagnie aérienne irlandaise Ryanair pour travail dissimulé sur l’aéroport de Marseille-

Provence entre 2007 et 2010. Ryanair a toujours contesté le décret129 du 21 novembre 2006

soumettant les personnels navigants des compagnies étrangères installées en France au droit

français. Elle estime que ses avions ne se posent que temporairement sur le sol français et que

le personnel prend ses consignes auprès du siège de Dublin130». La réponse de Ryanair avait

stupéfait l’opinion publique quand, en octobre 2010, elle avait mis en exécution sa menace de

fermeture de sa base marseillaise en raison de sa mise en examen. Le rapport de force est un

outil très souvent utilisé par Ryanair. Ainsi, en 2008, la compagnie n’a pas hésité à fermer sa base de Valence en Espagne se disant « déçue du manque d’enthousiasme des autorités

locales pour supporter son développement ». Elle estimait insuffisantes les subventions

qu’elle percevait de la communauté valencienne. De même, « Ryanair a annoncé vendredi (3

juillet 2015) qu'elle allait retirer du Danemark son seul appareil basé à l'aéroport de

Copenhague après une décision de la justice danoise qui exige qu’une convention collective

128 Site internet de Ryanair, Qui sommes nous ?, 29 juillet 2015 https://www.ryanair.com/ma/about/ 129 Ce décret prévoit que le code du travail français s'applique aux entreprises de transport aérien disposant en France d'une base d'exploitation, mais Ryanair invoquait "un simple entretien" des appareils installés à Marignane. La compagnie n'avait ainsi jamais déclaré son activité à l'aéroport de Marseille-Marignane, au registre du commerce ou à l'Urssaf (recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales). 130 AFP, et Reuters. Ryanair condamnée en appel à verser 8,3 millions d’euros de dommages et intérêts pour “travail dissimulé, Le Monde, 28/10/2014.

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danoise s’applique pour ses pilotes et son personnel de bord employés au Danemark. En

outre, les salariés sont autorisés à faire grève contre Ryanair131 ».

2.2.1.3.3  Relation  de  travail  et  droit  social.  

« Ryanair est résolument hostile aux syndicats132 ». Aux antipodes du management relationnel

de KELLEHER, Michael O’LEARY ne manque pas une occasion de fustiger la représentation

des salariés. Chaque tentative d’implantation d’un syndicat dans l’entreprise est

systématiquement contestée. C’est un climat de peur qui est installé pour dissuader des

salariés de constituer une organisation représentative du personnel. Nous notons qu’une

association de pilotes, le RPG (Ryanair Pilot Group) rencontre la plus grande difficulté à

officialiser son statut syndical. Elle se revendique être un syndicat « anonyme », alors que ses

responsables craignent de révéler leurs noms. « Le RPG refuse encore de révéler les noms de

ses adhérents, prétextant protéger ses adhérents de licenciements abusifs. Quand on sait que la

compagnie a entamé des poursuites judiciaires pour obtenir les données personnelles de

pilotes sur un forum, on peut légitimement comprendre la précaution133 ». Un commandant de

bord de la compagnie a rédigé un livre de révélation sur les dessous de Ryanair, mais lui aussi

tient à son anonymat. Il signe son livre du nom du célèbre mutin anglais Christian

FLETCHER. Dès les premières pages, il explique sa crainte : « Le patron de Ryanair,

Michael O’LEARY, est puissant… Il mettra tout en œuvre pour me retrouver et je le payerai

au prix fort134 ». À plusieurs reprises dans son livre, FLETCHER insiste sur le fait que les

équipages ont « peur ». Ils acceptent notamment des conditions d’hébergement indignes.

L’auteur cite un exemple édifiant : « Nous dormirons quelques heures, habillés de nos

uniformes Ryanair, à même le sol, dans l’agence de handling de Gênes. La compagnie ne

nous fournira aucune compensation financière, et bien entendu ni repas ni boissons. À cause

d’une fin de service tardive, notre période de repos obligatoire s’est rallongée. Par

conséquent, la plupart d’entre nous ne pourra pas assumer les vols prévus le lendemain. La

conséquence immédiate est une sanction financière. En effet, en tant que contractants, nous

ne sommes pas rémunérés si nous ne volons pas… »

Cette notion de « contractant » nous interpelle. Nous la retrouvons quand la compagnie vante

131 REUTERS, Ryanair quitte l’aéroport de Copenhague après une décision de justice, 03/07/2015. 132 BARRETT S.D. Ryanair and the low-cost revolution, 2011, p. 113-128. 133 BERNIER, Roman. Réseaux sociaux  : Ryanair fait fermer les comptes du syndicat des pilotes anonymes, Miroir Social, Paris, 2013. 134 FLETCHER Christian, et OTELLI Jean-Pierre. Ryanair low cost mais à quel prix  ? Levallois-Perret: Ed. Altipresse, 2013.

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l’hyper productivité de ses salariés. « En 2008, elle affichait fièrement que le taux de

passagers par salarié a atteint 9 679 pour Ryanair, contre 6 152 pour EasyJet, 1 172 pour

Lufthansa et 690 pour KLM Royal Dutch Airlines/Air France135 ». Un tel différentiel ne saurait

s’expliquer par la seule productivité des salariés. Nous noterons que, faute de se faire sur une

valeur PKT ou PKP, la comparaison est ici biaisée par la longueur moyenne des étapes.

Néanmoins la différence entre les deux TBC, opérant sur des réseaux similaires, est pourtant

notable. « Afin de contourner la réglementation européenne et les incidences salariales de la

notion de base d’affectation, certaines compagnies ont généralisé le recrutement de

travailleurs indépendants pour composer leurs équipages (…) Ryanair est sans doute

l’entreprise qui a le plus développé ce système. 70 % de ses 3 200 pilotes seraient recrutés

sous ce statut. (60 % des personnels de cabine). La compagnie irlandaise a mis en place une

filière complexe lui permettant de ne pas apparaitre comme l’employeur de ses propres pilotes

(les pilotes indépendants sont appelés contract pilots, pilotes contractants) ou de ses

équipages de cabine136 ». Le comparatif du nombre de passagers par salarié est largement

biaisé par le recours massif à ces « externalisations ». Ryanair tire plusieurs bénéfices du

recours à ce statut. En premier lieu, cela permet à la compagnie de s’exonérer des charges

sociales et patronales. Autre avantage non négligeable, le contractant louant ses services à

Ryanair, doit assumer, seul, les périodes de baisse d’activité quand la compagnie ne lui

demande pas de produire des heures de vol. Avec une clientèle majoritairement orientée vers

le voyage de loisir, la saisonnalité de l’activité est importante et il suffit de ne pas donner

d’heures de vol aux contractants pour réduire les charges fixes en proportion. Le mécanisme

mis en place par Ryanair est très élaboré. Un arrêt du 26 juillet 2013 de la County Court de

Londres décrit précisément comment le recrutement des pilotes ou des personnels de cabine

est assuré par des sociétés indépendantes comme Brookfield Aviation International Ltd,

Crewlink ou Workforce. Une fois les sélections achevées, ces entreprises d’intérim orientent

les candidats retenus vers des cabinets d’experts comptables irlandais qui leur demandent

d’intégrer des microsociétés de 3 à 5 personnes comme gérants. Bien évidemment, ces

microsociétés dépendent du droit social et du droit du travail irlandais quel que soit le lieu de

résidence du « gérant ». Ryanair fait appel à ces microsociétés à qui elle ne rémunère que les

heures de vol qu’elle lui confie, … quand, et seulement quand, elle en a besoin. « Aucune base d’affectation n’est bien sûr signifiée au pilote, Ryanair ayant mis au point le

135 BARRETT S.D. 2011, op. cit. 136 BOCQUET Eric, Le dumping social dans les transports européens, Commission des affaires européennes, Rapport d’information du Sénat, Paris, 2014.

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principe de « base flottante » (floating base), évoluant au gré des plannings137 ». C’est au

salarié de rejoindre par ses propres moyens les aéroports où il doit prendre son service d’un

bout à l’autre du continent. Ainsi nous avons pu retrouver des équipages Ryanair hébergés

dans un camping proche de l’étang de Berre. Leurs mobil-homes sont au plus près de

l’aéroport Marseille Provence… La fameuse base fermée suite à la mise en examen de

Ryanair. « Nos équipages perçoivent tous des indemnités de logement et sont libres de

décider comment et où ils dépensent ces indemnités, a fait savoir Ronan O'KEEFFE, le porte-

parole de la compagnie aux journalistes de La Provence. Nous comprenons que leur solution

préférée de logement est à l'hôtel et en location d'appartement, mais certains choisissent aussi

des chalets de vacances, ce qui relève entièrement de leur choix138 ».

Nous verrons que la crainte de ces pratiques participe au sentiment de rejet du modèle

low cost ou de solutions intégrant une donne low cost au sein des populations de salariés des entreprises traditionnelles en cours de mutation.

D’autre part, les salariés employés directement par Ryanair ont un contrat précaire de droit

irlandais, y compris pour quasiment tous les personnels basés dans tous les pays d’Europe et

d’Afrique du Nord. La compagnie s’ingénie à contourner la nouvelle règle européenne sur les

bases d’affectation139 qui définit qu’un personnel navigant aérien doit dorénavant cotiser à la

sécurité sociale et a droit aux prestations dans le pays où il prend et achève son service, c’est-

à-dire sa «base d’affectation», plutôt que dans le pays où la compagnie aérienne est établie.

Ryanair ne salarie aucun personnel au sol en dehors d’Irlande. Les 230 employés qui

travaillent pour Ryanair à Beauvais, par exemple, sont des salariés de la Chambre de

Commerce et des collectivités locales. Ce schéma se retrouve dans tous les aéroports

desservis par Ryanair.

Dans sa course effrénée pour réduire les coûts et augmenter les profits, les salariés sont mis

sous pression. Les personnels navigants techniques et commerciaux payent, leurs uniformes,

leurs frais de déplacement et même leur badge ainsi que leurs formations (2000 à 3000€ pour

un PNC et jusqu’à 13 000 € pour la formation d’adaptation d’un PNT).

137 idem 138 GALLET, Martine. Marseille Etang de Berre  : les employés de Ryanair dorment au camping, La Provence, Marseille, 12 juin 2015. 139 Réglementation européenne( CE) n° 883/2004 et (CE) n° 987/2009, modifiées le 28 juin 2012.

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2.2.1.3.4.  Sécurité  des  vols.   Selon Christian FLETCHER, l’obsession de la réduction des coûts est telle que les pilotes ont

pour obligation de « dégager » la piste le plus vite possible pour gagner du temps au sol. Les

escales sont limitées à 25 minutes et gare à l’équipage qui ne tiendrait pas le délai : c’est tout

simplement la sanction. La sanction menace également les pilotes alors qu’ils calculent

l’emport de carburant nécessaire. Les directives sont claires, la compagnie irlandaise stipule la

quantité de carburant que doivent charger les avions et obligent les pilotes à procéder à un

ravitaillement minimum et à justifier par écrit tout excédent. Ainsi, « Les autorités aériennes

espagnoles ont ouvert une enquête sur la compagnie irlandaise à bas coût Ryanair après que

cette dernière a demandé en juillet 2012 à faire atterrir en urgence trois de ses avions faute de

kérosène140. » Une seconde série de « Mayday fuel » (appel d’urgence en limite de carburant)

a défrayé la chronique durant l’été 2013. FLETCHER relate de manière très détaillée des

dizaines de dérives susceptibles de mettre en cause la sécurité : des pressions de la direction

de la compagnie pour atterrir coûte que coûte malgré une météo exécrable, des réparations

truquées, des incidents non déclarés … Michael O’LEARY précise que Ryanair n’a jamais

connu d’accident grave. La course à la réduction des coûts n’a donc pas eu d’impact sur la

sécurité des vols… jusqu’ici.

2.2.1.3.5.  Marketing.  

Dans la première partie de ce mémoire, nous avons évoqué la technique de « coup

médiatique » pratiqué par DACIA pour faire parler d’elle à moindres frais. Michael

O’LEARY est passé maître en la matière. Il n’hésite pas à recourir à la provocation pour faire

la une des journaux. Ainsi, il multiplie les annonces les plus farfelues pour maintenir Ryanair

au centre de toutes les attentions.

« Le patron de Ryanair, au goût affiché pour la provocation, avait annoncé le 27 février 2009,

sur les ondes de la BBC qu'il envisageait de faire payer à ses passagers 1 livre (1,12 euro)

pour l'usage des toilettes dans les avions141 ». Il avait précisé réfléchir sérieusement à équiper

les portes des toilettes d’une fente pour qu’à l’avenir les passagers aient à déposer 1 livre

« pour aller faire pipi ». Bien entendu, une fois cette information ayant focalisé l’attention des

médias, il précisa qu’il s’agissait d’une blague.

140AFP. Enquête sur Ryanair après des atterrissages d’urgence. Le Monde.fr. Le 16 août 2012. 141 LE FIGARO, Ryanair ne ferait pas payer les toilettes. Le Figaro, 12 mars 2009. http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2009/03/12/01011-20090312FILWWW00530-ryanair-ne-ferait-pas-payer-les-toilettes.php.

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Quelques mois plus tard, il rééditait la tactique en confirmant la mise à l’étude d’une taxe

pour les passagers en surpoids et profitait des regards tournés vers Ryanair pour annoncer la

suppression des comptoirs d’enregistrement dans les aéroports.

Régulièrement la compagnie utilise la technique du buzz médiatique (rumeur ayant un large

retentissement) qui va jusqu’à annoncer la suppression des sièges passagers pour densifier au

maximum ses cabines. Bien entendu, aucun de ces projets n’a vu le jour. Peu importe l’image

véhiculée par les propos du moment, l’essentiel est de voir écrit « Ryanair » en grand dans les

titres de tous les médias. Les techniques de buzz utilisées ont parfois un goût douteux. Elles

peuvent être carrément grossière (voir annexe 8 : Ryanair pisse sur la concurrence) ou avoir

des conséquences judiciaires pesées. « Pour avoir utilisé à des fins publicitaires une photo les

représentant, le TGI de Paris a condamné, le 5 février, la compagnie Ryanair à verser 1 €  au

président Sarkozy et 60 000 € pour dommage patrimonial et moral à Mme Carla Bruni142 ».

La compagnie engrange également des revenus marketing. Les avions deviennent des

supports publicitaires ainsi que le site internet de la compagnie. (Annexe 8 bis)

2.2.1.3.6  Influence.  

Il nous paraît important de noter qu’un poste de dépenses particulier ne souffre d’aucune

réduction de coûts. Ce poste représente près de 10% des coûts de Ryanair alors que chez

les autres TBC il est significativement plus faible, voire inexistant. Il s’agit des dépenses

lobbying, de cabinets d’avocats spécialisés (notamment ceux chargés dans les paradis

fiscaux des enregistrements des sociétés offshore). Certains recrutements attirent également

l’attention des associations de salariés et de syndicats. C’est notamment le cas d’un« membre

du Conseil d’administration, M. Mc CREEVY qui outre ses fonctions antérieures dans trois

gouvernements irlandais, a surtout été commissaire européen à Bruxelles de 2004 à 2010 à la

Commission du marché intérieur et des services. Il a rejoint Ryanair en mai 2010, dès sa fin

de mandat. Le cas de M. Juliusz KOMOREK interroge également. Il est entré chez Ryanair

comme directeur juridique en 2004 après avoir travaillé à la Direction générale de la

concurrence à Bruxelles. Ce dernier est notamment connu pour ses menaces systématiques de

traduire en justice pour diffamation tout journaliste ou tout homme politique qui s’opposerait

de manière trop virulente à l’image de Ryanair143.

142 AVRIL Pierre et GICQUEL Jean, Chronique constitutionnelle française. (1er janvier – 30 avril 2008), Pouvoirs 2008/3 (n° 126), p. 181-216. ���

143APNA, Ryanair, les voies secrètes du succès, APNA mag’ Hors série, Roissy, Juin 2015

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La réussite quasi insolente de Ryanair repose sur deux principes, certes sur la réduction des

coûts, mais également sur l’optimisation sociale et fiscale et sur sa faculté à trouver des

sources de revenus partout ailleurs que dans la vente de billets d’avion. C’est sans doute sur

ce second volet que les dépenses de lobbying et de cabinets spécialisés trouvent leur

justification.

2.2.1.3.7.  Optimisation  fiscale.  

« Il existe chez Ryanair des orfèvres de la finance offshore qui savent comment construire les

meilleurs véhicules financiers et pratiquer avec brio l’optimisation fiscale144 ». Au-delà des

activités déclarées en Irlande, pays qui bénéficie du taux de fiscalité des sociétés le plus bas

d’Europe (12,5%)145, Ryanair possède de nombreuses filiales basées dans des « paradis

financiers » comme le Luxembourg, l’île de Man, la Lituanie, la Suisse, Chypre, le Delaware,

les îles Caïman, les Pays-Bas, Jersey, le Panama… Aviation Finance and Leasing, Aviation

Promotion, Leading Verge, Netherill, Airport Marketing Service, Delaware Statutory Trust,

Willis Administration Trust, Capita Fidiciary Luxembourg, Capita Fiduciary Hollande,

Coinside Ltd, AFL Freienbach, …autant de filiales basées dans des paradis fiscaux dans le but

d'optimiser l'impôt, dont le taux réel payé, selon le cabinet anglais Air Scoop146 s'élevait pour

la période 2010-2014 à 2,94%, soit bien en dessous du taux de 12,5% réglementaire en

Irlande, qui est déjà le plus bas d’Europe147. La multiplication des structures orphelines148 et

des sociétés-écran a pour avantage d’être le cheminement le plus discret possible pour

dissimuler toute trace, notamment de subventions.

« Ryanair est un joyau de la finance et de l'Europe libérale, mais qui tire une grande partie de

ses bénéfices...de subventions publiques149 ».

144 idem 145 IDA Ireland, Guide de la fiscalité en Irlande, National Department Plan, Dublin, 2010 146 Air Scoop, Ryanair’s Facts behind figures : A comprehensive analysis of Ryanair strcuture and business model, Londres, septembre 2014. 147 NOUVEL OBS, Ryanair  : un maître du temps prêt à tout pour écraser ses concurrents, le Plus, Paris, Le 15 juin 2015, Consulté le 23 juin 2015. http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1385547-ryanair-un-maitre-du-temps-pret-a-tout-pour-ecraser-ses-concurrents.html. 148 Il s’agit d’une société qui a sa propre personnalité juridique, sans pour autant avoir ni actionnaire, ni associé, ni membre. 149 NOUVEL OBS, 15 juin 2015, op.cit.

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2.2.1.3.8.  Subventions.   Les différents rapports d’Air Scoop, de la Commission Européenne150, du Conseil Général de

L’Environnement et du Développement Durable151 sont recoupés par l’APNA dans son

magazine N°10152 de l’automne 2014 et dans le hors série de juin 2015 de l’association. Ils

laissent apparaître de 800 millions à 1,2 milliard de subventions annuelles versées à

Ryanair par l’ensemble des pays européens par le biais de collectivités locales.

« Pour exemple, depuis 2003, la compagnie aérienne « low cost » Ryanair avait ainsi

bénéficié de subventions de l’ordre de 1,5 million d’euros de la chambre de commerce et

d’industrie de Strasbourg, pour 40 %, et pour le solde de la communauté urbaine de

Strasbourg, du département et de la région. La société Britair, filiale d’Air France, a estimé

que l’octroi de ces subventions était illégal parce que violant les règles de concurrence

loyale 153». Ce système de perception de subventions via des sociétés-écran pour la promotion

du tourisme (il ne s’agit en fait que d’un lien hypertexte sur le site internet de Ryanair) est

généralisé à toute l’Europe. En juillet 2014 Bruxelles condamne Ryanair à rembourser pour

10 millions d’aides constituant un avantage économique injustifié, faussant la concurrence

dans le marché unique. « Mais La Commission européenne a annoncé le 27 juillet 2015 avoir

traduit la France devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour ne pas avoir

récupéré les aides incompatibles avec le marché intérieur aux aéroports de Pau, de Nîmes et

d’Angoulême 154 ». Cette « timidité » à recouvrer ses droits met en relief une certaine

schizophrénie des pouvoirs publics français, mais également des autres pays européens,

vis-à-vis des aides et autres subventions consenties à des compagnies comme Ryanair. La

Commission européenne, elle-même rencontre parfois certaines frilosités à condamner

Ryanair. Dans un arrêt de 2004, elle condamne la compagnie à rembourser « des rabais

accordés de façon discriminatoire sur les taxes d’atterrissage et les redevances d’assistance

par le gouvernement de Wallonie pour la desserte de l’aéroport de Charleroi. En revanche,

d’autres aides versées à une société de promotion associant l’aéroport et Ryanair seront 150 COMMISSION EUROPEENNE, Aides d'État SA.33960 (2012/C) (2012/NN) – France Aéroport de Beauvais Tillé, Bruxelles, 2012. 151 GRASSINEAU Jean-François, l’ajustement des charges des compagnies aériennes françaises, rapport d’étape du Conseil Général de L’Environnement et du Développement Durable : Paris, 2012 152 APNA, Le mouton noir irlandais trait la vache à lait française, APNA Mag n°10, Paris, 2014, P.16-17 153 DELION André G. et DURUPTY Michel, Chronique du secteur public économique, Revue française d'administration publique 2003/4 (n 108), p. 655-669. ��� 154 BRETON, Pascal. Aides d’Etat à Ryanair et Transavia  : la France traduite devant la CJUE. LE MONDE DU DROIT  : le magazine des professions juridiques, Paris, 30 juillet 2015.

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autorisées si elles sont nécessaires à l’ouverture des lignes et ne couvrent que la moitié des

frais de leur lancement et sont limitées à une durée de 3 ans155 ». Les pouvoirs publics de

nombreux États européens sont impliqués dans ce système de contrats marketing. Le 30 avril

2014, 24 communes italiennes et la Chambre de commerce de Trapani ont décidé de verser 2

millions € à Ryanair par an pendant 3 ans. Les contrats sont passés avec Airport Marketing

Service (AMS) détenue à 100% par Ryanair et dirigée par Eddie WILSON, le directeur du

personnel de Ryanair. Mais les comptes d’AMS n’étant pas consolidés avec ceux de sa

holding il sera très difficile de faire émerger ces subventions dans les écritures comptables de

la compagnie.

Polymorphe et polysémique, en mouvement permanent, la galaxie financière de Ryanair ne

peut être cernée qu’à un instant précis, comme une photo qu’il faudrait reprendre tous les

semestres.

2.2.1.3.9.  Politique  d’achat  d’avions.   La compagnie a mis en place un dispositif financier impressionnant pour acheter des avions

qu’en fait elle ne détient pas. Elle a expliqué clairement qu’elle ne possède pas stricto sensu

ses appareils. En vertu des normes IFRS156, elle peut les ajouter à son bilan comptable. Ce qui

gonfle son actif. La compagnie récolte des fonds issus des crédits d’opérations de titrisation

dissimulés dans ses « instruments financiers ».

« Par le passé, les avions étaient domiciliés au Delaware pour des raisons fiscales par le biais

d’une SPV (Special Purpose Vehicle ou véhicule de titrisation), une structure orpheline qui

détenait, sur le papier, des avions... opérés par Ryanair. La manœuvre était habile et soutenue

par la toute-puissante ExIm Bank, un établissement bancaire américain chargé d’accorder des

crédits d’État d’aide à l’export aux compagnies aériennes qui souhaitent acheter des Boeing157.

Et comme toujours avec Ryanair le résultat est affolant : 6 milliards de dollars de

subventions à l’export offerts sur 10 ans selon les chiffres officiels de l’ExIm Bank158 ».

155 DELION André G. et DURUPTY, 2003/4, op.cit. 156 Il s’agit des normes internationales d'information financière. 157 Réciproquement, les acquisitions d’Airbus bénéficient du soutien d’agences pour le crédit à l’export comme la Coface en France. 158 APNA, Ryanair : le beurre et l’argent d’Uber, APNA Mag n°11, Paris, 2014 P.14-17

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Ryanair est la compagnie la plus subventionnée par les États-Unis. La manœuvre est

parfaitement légale, mais elle fait grincer des dents la plupart des compagnies traditionnelles

qui se plaignent de la distorsion de concurrence liée à ces aides publiques. En effet, les

compagnies basées dans des pays où des constructeurs fabriquent des avions ne sont pas

éligibles à ces subventions. Ainsi, Air France, British Airways, Lufthansa, Iberia, EasyJet ou

Vueling, pas plus que toutes les compagnies américaines, ne peuvent bénéficier du même

traitement. Toutes ces compagnies voient donc leurs principaux concurrents (Irlande, Golfe

ou Asie) bénéficier de subventions versées par leurs propres États pour financer les flottes qui

viendront les concurrencer

Figure 25. Aides à l’export

Source : airinfo.org

Selon le NOUVEL OBS, cette aide de 6 milliards de dollars représente à elle seule huit années de bénéfices de Ryanair. Mais ce n’est pas tout, l’avantage de ce crédit à l’export

permet à Ryanair, par un système de structure orpheline et de fonds communs de créances

basé au Delaware (Delaware Statutory Trust, DST), de louer ses appareils sans payer le

moindre impôt.

Ce montage peut paraître extrêmement juteux. Mais Rayanair ne s’en contente pas. Selon le

journal belge, l’Écho, la dernière commande géante de Boeing 737 (175 exemplaires) est

passée via le tout nouveau centre financier d’achats basé au Luxembourg (Aviation Finance

and Leasing : AFL). En achetant ses avions depuis le Luxembourg, Ryanair profite d’une

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exemption totale de TVA, d’une absence de droits de douane à l’importation et il est

possible de ramener les dividendes directement en Irlande sans taxes. Ryanair n’est pas coupable d’utiliser au mieux un système qui lui profite. Mais le régime du

crédit-export pour l’acquisition d’aéronefs, tel qu’il est défini par une série de traités

internationaux signés dans les années 1980, est aujourd’hui devenu constitutif d’une

distorsion de concurrence.

Nous retrouvons ici un véritable bijou d’ingénierie financière comparable à celui que nous

avions évoqué au chapitre 1.2.1.2 avec IKEA comme l’a dévoilé l’enquête du Consortium of

Investigative Journalists, à l’origine des LuxLeaks.

Derrière le paravent du low cost se trouve la véritable innovation majeure introduite par Ryanair dans le transport aérien.

Cette innovation ne porte pas tant sur sa structure de coûts, mais sur la nature de ses

revenus. La vente de billets d’avion n’est pas la source de revenus principale. Elle n’est que le support d’une ingénierie financière savamment orchestrée.

Toutes les compagnies low cost ne suivent pas ce modèle, mais leur image prend ombrage du

comportement de quelques-uns. D’autres opérateurs, que nous aborderons au § 2.2.2.2, ont

également une structure de revenus qui s’éloigne du simple transport de passager.

2.2.1.4  Autres  TBC.   Aux USA, le marché à maturité laisse une première place incontestée à Southwest qui possède

quatre fois plus d’appareils que JetBlue sa suivante. Hormis ces têtes d’affiche, la plupart des

compagnies low cost américaines rencontrent des difficultés financières. En Europe, le succès

de compagnies comme Ryanair et EasyJet et l’opportunité de suivre leur exemple expliquent

la multiplication des TBC. La crise mondiale économique et financière de 2007 a cependant

amorcé un mouvement de concentration. Dans le même temps, les grandes compagnies

nationales développent leurs propres modèles de low cost à l’instar de Transavia pour Air

France – KLM, de Vueling pour IAG et de Germanwings /Eurowings pour Lufthansa.

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Figure 26. Expansion et contraction du nombre de TBC desservant la France.

Dans le monde des transporteurs à bas coût européens, Ryanair et Easyjet se démarquent

nettement. La première s’est positionnée sur des liaisons qui ne sont pas ou peu desservies par

les compagnies historiques et par l’utilisation d’aéroports secondaires. Easyjet se concentre

plutôt sur les grandes plates-formes comme les hubs des compagnies historiques. Air Berlin

le troisième opérateur TBC se fait de plus en plus distancer. Il s’agit d’une ancienne

compagnie charter allemande qui évolue entre le modèle généraliste et le modèle low cost.

Son offre comprend des prestations classiques pour le service en vol et les bagages.

KLM et British Airways ont tenté de créer des filiales low cost dès la fin des années 1990 et

au tout début 2000 avec l’anglaise Go et la batave Buzz. Rapidement ces essais ont été

absorbés respectivement par EasyJet et Ryanair. De nombreuses tentatives de TBC

indépendantes ont vu le jour, mais la majorité de ces entreprises ont été acculées à la faillite

soit à cause de leur sous-capitalisation soit du fait d’un mauvais positionnement stratégique.

À l’écart du théâtre ultra concurrentiel de l’Europe de l’ouest, la Hongroise Wizz Air a eu le

temps de constituer un réseau et une flotte suffisamment fournis pour avoir la prétention de

s’ancrer dans le paysage TBC européen avec une prétention d’envergure conséquente.

« Les nombreuses créations et faillites de compagnies low cost démontrent le dynamisme, mais aussi la fragilité du marché159 ».

D’autres compagnies low cost plus modestes sont très agressives pour conquérir leur part du

gâteau. On retrouve dans ce dernier groupe des compagnies comme l’italienne Wind Jet,

l’espagnole Volotea, la lituanienne Small Planet ou la polonaise Enter Air. Dans un contexte

de concurrence exacerbée, elles s’inspirent du modèle de Ryanair pour tirer avantage de

subventions qu’elles encaissent de la part d’aéroports secondaires et ont pour la plupart

recours au contournement de la législation européenne et des incidences salariales de la

159 ABRAHAM Claude, Les compagnies aériennes européennes sont-elles mortelles. Perspectives à vingt ans, 2013.

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notion de base d’affectation par le recrutement de travailleurs indépendants ou le recours à

des sociétés d’intérim. Certaines filiales low cost d’opérateurs historiques ont également été

épinglées dans cette pratique de contournement des règles. C’est notamment le cas de

l’espagnole Vueling pour ce qui concerne les « faux indépendants » et pour avoir fait jouer à

tort la directive européenne « n°96/71 relative au détachement des travailleurs pour s’exonérer

des charges sociales qu’elles auraient dû verser pour des personnels qui exerçaient pourtant

principalement leur activité depuis la France160 ».

Norwegian est une véritable exception. C’est effectivement la seule compagnie, jusqu’ici, à

avoir fait mentir l’adage « on naît low cost, on ne le devient pas ». Elle est à ce jour le seul

exemple de reconversion réussie d’une compagnie régionale traditionnelle mue en véritable

low cost en 2002. Classée parmi les tout premiers TBC d’Europe, son succès semble être dû

l’acquisition de FlyNordic (filiale de Finair) qui lui a permis de devenir la plus grande

compagnie low cost scandinave et de développer des relations particulières avec Finair. Ayant

atteint une taille critique nécessaire à la survie d’une low cost, Norwegian a dernièrement

attiré tous les regards en passant l’une des commandes les plus importantes d’Europe avec

200 Boeings 737 plus 150 options supplémentaires. S’il faut certes tempérer cette annonce par

le fait qu’une partie des 66 appareils actuels doivent être renouvelés et que les livraisons sont

prévues jusqu’au-delà de 2020, cette annonce marque la sérieuse volonté d’expansion de la

compagnie.

« Le cas de Norwegian air international constitue un cas d’école. Son immatriculation en

Irlande répond à un double objectif : éviter que le droit du travail norvégien ne s’impose à ses

personnels navigants et dans, le même temps, bénéficier des droits de trafics étendus à

destination des États-Unis dans le cadre de l’accord Open sky. La compagnie norvégienne

n’entend pas pour autant faire de Dublin sa base d’affectation, mais maintenir le système

qu’elle a mis en place jusque-là, à savoir la domiciliation de ses personnels navigants en

Thaïlande, leur contrat étant signé avec la filiale singapourienne de Norwegian. (Extrait d’un

contrat Norwegian en annexe 9).

L’absence de norme européenne claire sur le statut des personnels navigants des

compagnies immatriculées au sein de l’Union européenne et sur la notion de base d’exploitation favorise ce type de contournement.161 »

160 BOCQUET Eric, Le dumping social dans les transports européens, 2014, op.cit. 161 idem

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Norwegian est une compagnie innovante. Elle va encore plus loin que Ryanair et explore de

nouvelles frontières de l’optimisation. Elle est la première à mettre en place un système qui

s’approche des pavillons de complaisance connus dans le domaine maritime. Nous verrons

dans le chapitre suivant que Norwegian envisage d’aller plus loin encore.

2.2.2 Le Long Courrier. Progressivement une réelle division des marchés semble s’installer avec des low costs

dominant celui des courts et moyens courriers et les grandes compagnies historiques opérant

sur du long courrier. Pour autant, le Long Courrier peut-il être considéré comme un sanctuaire

où les compagnies traditionnelles peuvent jouir d’une relative hégémonie ?

2.2.2.1.  Les  Low  costs  Long  Courrier.   Régulièrement, des opérateurs low cost tentent d’installer leur modèle sur le segment long-

courrier. Nous avons déjà abordé au 2.2.1 le cas du Skytrain qui dès 1974 se lançait sur le

long Courrier avec une politique novatrice qui donna des idées à Herb KELLEHER pour

imaginer le modèle de Southwest. Il est vrai que l’aventure n’avait pas duré plus de cinq ans,

mais il faut se rappeler que Skytrain avait tout de même conquis près de 20% du marché entre

Londres et les États-Unis. De nombreux entrepreneurs gardent ces chiffres en tête et

régulièrement tentent d’embarquer vers des pays lointains.

« Si le modèle low cost moyen-courrier est désormais omniprésent dans le monde, c'est un

fait, il est difficile à adapter aux vols longue distance. Parmi d'autres, Air Madrid en 2007,

Oasis Hong Kong Airlines en 2008, la canadienne Zoom Airlines en 2008 ou Viva Macau en

mars 2010, ont toutes tenté l'aventure avant de devoir fermer boutique162 ».

Malgré ces échecs, le modèle se précise et semble trouver un souffle nouveau en Asie. « En

réponse à l'offensive d'Air AsiaX163, la filiale long-courrier de la low-cost malaisienne Air Asia

lancée en 2007, plusieurs compagnies traditionnelles de la zone Asie-Pacifique ont riposté en

lançant, elles aussi, des filiales du même type. C'est le cas de l'australienne Qantas avec

Jetstar, mais aussi de Singapore Airlines avec Scoot, lesquelles ont respectivement débuté

leurs opérations en 2008 et 2011164 ».

162 RICHARD Raphaël. Vols transatlantiques  : intox Ryanair et vrai low cost long courrier - L’actualité de votre prochaine destination. Easyvoyage.com, 26 mars2015. 163 Air Asia X a trouvé son rythme de croisière entre Kuala Lumpur et plusieurs villes australiennes 164 GLISZCZYNSKI Fabrice. Low-cost sur le long-courrier, la nouvelle donne du transport aérien? La tribune, 26 mai 2015.

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Au-delà du trafic Moyen/Long courrier asiatique qui connaît un essor important, nous

retrouvons Norwegian qui tente de développer le modèle en Europe. Elle a mis en place une

filiale Long-Courrier qui dessert déjà la Thaïlande, Dubaï et les États-Unis depuis la Norvège.

Elle entend relier l’Union Européenne et les USA dans les prochains mois, mais Washington

s’oppose à ces liaisons en raison d’une contestation des conditions d’emploi des salariés.

En mars 2015, Lufthansa a annoncé le lancement de sa filiale low cost Eurowings qu’elle

consolidera avec l’apport de Germanwings (la filiale low cost Moyen-court Courrier, MC).

Ainsi l’intégralité de l’offre low cost de Lufthansa sera proposée sous une seule marque. Des

vols long-courriers low cost sont au programme, « au départ de Cologne-Bonn à l’aide de 3

A330-200 à destination de la Floride, l’Afrique de l’Ouest et l’Océan Indien. Configurés en 2

classes pour 310 passagers, les 3 Airbus pourraient être rejoints rapidement par 4 autres

appareils semblables en cas de succès. C’est ce qu’espère évidemment le management de

Lufthansa qui annonce des tarifs d’appels de 99,99 euros l’aller simple (Smart) pour une

prestation minimale (un bagage, espacement de siège réduit et repas payants). Les vols seront

ainsi opérés sous la marque Eurowings, mais sous certificat d’opérateur de SunExpress, une

filiale commune de Lufthansa et Turkish Airways. Une initiative qui pourrait réveiller les

appétits des concurrents. Si Air France a déjà fait savoir à maintes reprises qu’elle n’y croyait

pas, Ryanair a quant à elle déjà fait part de ses intentions dans ce domaine, alors que

Norwegian essaye toujours d’obtenir l’agrément des autorités américaines pour lancer ses

premiers vols entre l’Angleterre et les États-Unis avec un certificat d’opérateur Irlandais165 ».

Ryanair n’a de cesse depuis plus de sept ans d’évoquer la possibilité de lancer une filiale

Long-Courrier qui relierait les États-Unis pour quelques dizaines d’euros. Jusque-là, elle ne

passe pas à l’acte n’arrivant pas à dupliquer son modèle low cost sur le LC (Long Courrier).

En effet, toute la question du Low cost LC repose sur la capacité à se différencier sur la productivité des avions LC sachant que c’est cette dernière qui est à la clé de la réussite du

low cost Moyen Courrier avec ses demi-tours très courts. « Si la recette peut s'appliquer sur

du «court long-courrier», c'est à dire des vols d'une durée de 5h30 environ (très nombreux en

Asie par exemple), elle aura beaucoup plus de mal à fonctionner sur des routes plus longues

sur lesquelles la productivité des avions est déjà élevée, autour de 17 heures chez Air France

165 GILSON Benoit. Lufthansa se lance dans le long-courrier low-cost , Air et Cosmos, Paris, 8 mars 2015 Consulté le 11 mars 2015.

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par exemple. L'arrêt rapide des vols entre Kuala Lumpur et Paris et Londres d'Air AsiaX en

2011 a conforté tous les sceptiques166 ».

Certains observateurs affirment que les low cost finiront par percer sur le LC avec un

écart de coût avec les opérateurs classiques qui restera néanmoins moins important que sur le

MC. Air AsiaX prévoit déjà de retenter l’aventure européenne.

Les destinations très touristiques, comme les Caraïbes, où il existe encore un marché charter,

semblent les plus exposées à cette pénétration. Norwegian a annoncé en juin 2015, qu’elle

desservirait les Antilles françaises depuis New York Baltimore-Washington ou Boston dès cet

hiver. De même, il n’est pas étonnant que ce soit le groupe Dubreuil, maison mère d’Air

Caraïbes qui soit la première en France à annoncer en juin 2015 qu’elle allait se lancer dans

l’aventure low cost Long Courrier au départ de Paris. Elle créera une filiale avec une structure

de coûts encore plus légère que celle d'Air Caraïbes, déjà reconnue pour sa forte productivité

et sa rigueur de gestion. « Compte tenu des performances de l'A350167 et compte tenu du fait

que nous ne voyons pas nos concurrents (Air France, Corsair, XL Airways,) se moderniser,

nous avons décidé d'accélérer », a déclaré Marc ROCHET, le président du directoire d’Air

Caraïbes, à La Tribune et au Monde. La compagnie qui répond encore au nom de code de

« Sunline » partira de Paris Orly. « Nous allons essayer d'en faire une low-cost long-courrier,

mais je veux être clair, n'écrivez pas qu'on a trouvé le Graal, car une vraie low-cost long-

courrier, personne ne sait exactement ce que c'est. En tout cas, on va essayer d'avoir des prix

plus bas pour vendre des billets moins chers », prévient Marc ROCHET. « Air Caraïbes

sortira de sa zone pour explorer de nouveaux territoires. Un peu comme l'imaginait le groupe

Dubreuil lorsqu'il planchait sur la reprise de Corsair. Selon un observateur, les États-Unis ou

le Canada ont le potentiel pour être desservis par ce type d'opérateurs168 ». Pour les destinations très touristiques lointaines, de nombreuses interrogations subsistent.

« Les plans de cabine sont extrêmement denses, il faut voir si les passagers peuvent tenir sans

166 GLISZCZYNSKI Fabrice. Low-cost sur le long-courrier, la nouvelle donne du transport aérien? 2015, op.cit 167 L’Airbus A 350 ou le Boeing 787, avions de nouvelle génération, devraient consommer 10% de kérosène en moins sur une liaison transatlantique par rapport au appareils actuels. 168 GLISZCZYNSKI Fabrice. Air Caraïbes défie Air France en créant une low-cost long-courrier, La Tribune, 24 juin 2015. http://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/air-caraibes-defie-air-france-en-creant-une-low-cost-long-courrier-486515.html.

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excès d’agressivité sur un vol transatlantique ou un vol de plus de dix heures vers la

Thaïlande. Il reste encore des inconnus, comme le prix du kérosène169… »

Une autre option low cost Long Courrier est de se concentrer sur un marché de niche. Ainsi la

compagnie française « l’Avion » lança de Paris Orly son premier vol en 2007 à destination de

New York avec un appareil Boeing 757 équipé uniquement de classe affaire. Dès 2008 la

compagnie fut rachetée par British Airways. Rebaptisée Openskies la compagnie adhéra à

Oneworld en 2012 et une petite classe Premium économie fut introduite. Le produit se situe

entre la classe « économique » et la classe « Affaire » des compagnies classiques. Il est

proposé à un prix inférieur à cette dernière.

L’idée de relier la côte est américaine et l’Europe fait son chemin chez l’islandaise Wow Air

et la canadienne WestJet. Ces deux compagnies low cost relient l’Amérique du nord et le

vieux continent depuis un peu moins d’un an avec une escale intermédiaire : Reykjavik pour

la première, Halifax pour la seconde. Il est encore trop tôt pour juger du succès potentiel de ce

concept qui s’affranchit du vol low cost direct et propose des tarifs tout de même autour de

250 € l’aller simple.

D’autres « nouveaux entrants » sur le marché du Long Courrier abandonnent volontiers le

concept du vol sans escale. L’offre des compagnies du Golfe remet en cause les équilibres

précaires qui subsistent dans le transport aérien mondial.

2.2.2.2.  Les  nouveaux  prétendants  LC  (Les  Compagnies  du  Golfe)    Les compagnies aériennes implantées au Moyen-Orient ont connu une croissance rapide.

« Les bons résultats des compagnies du Golfe ont de quoi donner des sueurs froides aux

compagnies traditionnelles européennes. Notamment à Air France-KLM et Lufthansa170 ».

Emirates et Qatar sont des singularités dans le monde de l’aérien avec des taux de croissance

très élevés, elles caracolent en tête des classements alors qu’elles sont très récentes (voir

169 LEBAS, Alain. Eurowings  : low cost long-courrier, est-ce viable  ?, Air Journal, 23 mars 2015, Consulté le 25 mars 2015. 170 DAMOUR, Pauline, Comment les compagnies du Golfe surclassent leurs rivales européennes , Challenges.fr, Paris, 29 mai 2015

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figures 28 et 29). Nous nommerons compagnies du Golfe ce groupe de nouveaux entrants en

y rajoutant Etihad Airlines et Turkish Airlines. (Même si cette dernière ne correspond pas à

une définition géographique du groupe). L’offre de ce groupe de compagnie est plutôt tournée

vers la partie haute de la nouvelle structure de la consommation individuelle. La Qualité de

service de leur offre est rapidement devenue une référence haut de gamme. Jouissant d’un

positionnement géographique avantageux entre l’Europe, voire dans une moindre mesure les

États-Unis et L’Asie, mais également tournées vers le marché africain, elles opèrent des

trafics principalement long-courriers de et vers leurs hubs respectifs. (Dubaï, Doha, Abou

Dabi et Istanbul).

Figure 28. Taille en SKO (Siège Kilomètre Offert) en 2013 (Milliards)

Source : DICKO HD, AFKLM performance 2014, rapports annuels des compagnies 171

171 DAL : Delta Airlines, UAL : United Airlines, AAG : American Airlines group, IAG : International Airlines Group, AFKL : Air France- KLM, LHG : Lufthansa Group, THY : Turkish Airlines, ETD : Etihiad, UAE : Emirates airlines, SIA : Singapore Airlines, CPA : Cathay Pacific Airlines, JAL : Japan Airlines, ANA : All Nippon airways. Les compagnies américaines apparaissent en vert, les compagnies européennes en bleu, les compagnies du Golfe en jaune, les compagnies asiatiques en rouge et japonaises en rose. Nous notons une certaine similitude régionale. Nous voyons dans cette relative uniformité des impacts certes géographiques, mais également historiques, politiques et stratégiques.

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Figure 28. Croissance SKO 2010 – 2013

Source : DICKO HD, AFKLM performance 2014, rapports annuels des compagnies.

Emirates de Dubaï, qui a été créée en 1985, figure aujourd’hui parmi les compagnies

aériennes les plus importantes au monde. Selon l’OIT172 (L’organisation Internationale du

Travail), la société est exonérée d’impôts. Elle dispose d’un programme performant de

couverture contre la hausse du prix du kérosène. La règlementation de l’aéroport de Dubaï lui

permet des atterrissages et décollages à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. Et des

investissements publics massifs dans les aéroports ont contribué de manière décisive à attirer

des vols. Qatar Airways, née en 1994 et Etihad Airways créée en 2003 sont deux autres

compagnies aériennes de la région, également en pleine expansion. Les commandes massives

d’avions de ces compagnies témoignent également de leur dynamisme. Elles bénéficient d’un

important soutien de leurs États. « Le fort appui politique dont bénéficient les compagnies du

Golfe et les soupçons de distorsion de concurrence (charges salariales et redevances

aéroportuaires faibles, voire inexistantes par exemple) sont également largement dénoncés par

les grandes compagnies européennes173 » et américaines. American Airlines, Delta et United

ont mené une enquête internationale sur les sources de financement de Qatar Airways, Etihad,

et Emirates. D'après ces investigations, ces trois dernières auraient bénéficié de près de 42

milliards de dollars (37 milliards d'euros) de subventions en 10 ans. Les trois plus grandes

compagnies des États-Unis viennent de conclure une enquête d'un an et demi afin de chiffrer

précisément ces subventions. « Selon l'étude, ces subventions prennent des formes différentes:

172 OIT, Global Dialogue Forum on the Effects of the Global Economic Crisis on the Civil Aviation Industry, Genève: BIT, 2012 173 ABRAHAM Claude, Les compagnies aériennes européennes sont-elles mortelles. Perspectives à vingt ans, Paris, 2013.

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prêts sans intérêts, avances des actionnaires, fournitures non facturées… D'après les calculs

des enquêteurs, qui s'appuient notamment sur des documents publics communiqués par des

États tiers (Singapour, Irlande, Royaume-Uni…), sur les 17,5 milliards de dollars reçus par

Qatar Airways, 6,8 milliards correspondent au montant d'intérêts jamais versés pour des prêts

et d'avances non remboursées. Selon les cabinets d'audit qui ont eu accès aux comptes, la

compagnie qatarienne ne serait pas viable sans ses subventions. «Malgré les milliards injectés,

Qatar Airways perd toujours de l'argent dix-huit ans après sa création», assurent les

dirigeants américains. La situation d'Etihad, la compagnie nationale des Émirats arabes unis,

serait pire. Ses pertes cumulées atteindraient 4 milliards de dollars en dix ans, alors que

6,2 milliards de fonds propres ont été injectés.174 » Emirates qui est la seule à publier ses

comptes depuis 12 ans a transféré à son gouvernement ses contrats de couverture carburant

quand la baisse du pétrole les a rendus contre-productifs. Ce seul transfert a permis

d’économiser 2,3 milliards de dollars.

Figure 29. Les subventions des compagnies du Golfe.

Outre cette polémique sur le subventionnement démesuré des compagnies du Golfe, les

relations sociales au sein de ces entreprises sont particulièrement décriées. Le personnel

de ces trois sociétés n’est pas syndiqué. À Doha et Abu Dabhi, le syndicalisme est proscrit. À

174 COLLET Valérie, Emirates, Qatar Airways, Etihad  : les subventions astronomiques des compagnies du Golfe. » Le Figaro, 26 février 2015.

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Dubaï, les syndicats sont autorisés certes depuis 2006, mais seulement pour les nationaux, or

90% des navigants, pilotes comme personnel de cabine d’Emirates sont de nationalité

étrangère. « Ces travailleurs migrants peuvent faire l’objet de discriminations et ne pas

bénéficier d’une protection sociale, notamment d’un accès adéquat à la sécurité sociale175 ».

Le magazine Society a consacré un dossier spécial à une revue de détail du management quasi

féodal de Qatar Airways. Nous y apprenons que les quelques 8000 hôtesses et stewards,

recrutés en grande partie en Europe subissent une pression de tous les instants de la part de

leur hiérarchie. Au-delà d’un rythme de travail très au-dessus des standards occidentaux, soit

une centaine d’heures de vol par mois, le règlement est imposé même à domicile. (Le

logement à Doha est fourni par la compagnie). Et ce règlement est particulièrement exigeant.

Il est formellement interdit de découcher. Les hôtesses et stewards sont tenus de passer toutes

leurs nuits à domicile où il est interdit d’accueillir des visiteurs entre 22 heures et 7 heures.

Les PNC doivent rester chez eux pendant les 12 heures qui précèdent un vol. Une hôtesse

précise que puisqu’elle fait jusqu’à 4 vols de nuits de suite, cela revient à rester enfermé chez

soi une semaine complète. Les tatouages, la consommation d’alcool à domicile et fumer sont

interdits. Aucun écart n’est toléré. Les logements sont régulièrement fouillés par des gardes.

Les faits et gestes des salariés sont pistés par caméra et badges. « Le concept même de vie

privée est très relatif. Le règlement interdit de fait toute relation amoureuse. Le simple fait de

monter en voiture avec un homme n’est pas autorisé. Pour se marier, une hôtesse doit d’abord

recevoir l’autorisation de son patron qui souvent refuse176 ». Même la sortie du territoire n’est

possible que sous autorisation… La Fédération Internationale des ouvriers du Transport (ITF)

a déposé plainte devant l’OIT pour discrimination. Et même si l’OIT a tranché en faveur des

salariés, cette dernière n’a aucun moyen réel de rétorsion vis-à-vis de Qatar Airways. Un

pilote déclare : « Tout le monde sait déjà que Qatar traite mal ses employés, alors le droit des

femmes, vous pensez ! ». Akbar AL BAKER, le patron de la compagnie, est souvent qualifié

de tyran colérique. Il déclara lors d’un passage en France en 2015 : « Si vous n’aviez pas les

syndicats, vous n’auriez pas de tels problèmes de chômage en Occident. »

Les distorsions sont multiples. Face à une absence de charges salariales, de charges

aéroportuaires et d’impôt, face à un niveau de soutien des États hors du commun, au

contournement de toutes les règles sociales et une politique de flotte qui sature les marchés

175 OIT, 2012, op. cit. 176 SOCIETY, Bienvenue chez Qatar Airways, magazine Society n° 9, juin/juillet 2015.

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associés à une politique tarifaire très agressive, les compagnies classiques européennes et

américaines se trouvent face à des difficultés qui les dépassent.

Depuis 2013, les compagnies du Golfe prennent les devants en investissant dans le capital de

leurs concurrentes. Ainsi Qatar Airways détient désormais 9,99% d’IAG et Etihad 49,9%

d’Alitalia dans laquelle elle vient d’investir 700 millions d’euros, mais aussi dans Air Berlin,

Jet Airways, Virgin Australia, Air Serbia… Les Compagnies du Golfe « perturbent le jeu des

alliances quand elles parviennent à casser des partenariats historiques comme Emirates l'a fait

en s'alliant avec Qantas, obligeant celle-ci à mettre fin à son alliance avec British Airways (et

comme le fait Etihad entre Air France-KLM et Alitalia), mais aussi le processus de

consolidation lorsque Etihad (toujours) maintient en vie à coups d'injection de cash des

compagnies qui étaient condamnées comme Alitalia ou Air Berlin177 ».

Elles troublent également la vision que les experts pensaient avoir du transport aérien de

demain: un monde aérien structuré autour d'une douzaine de groupes de taille mondiale (3

Américains, autant d’Européens, quelques Indiens et Chinois et un Japonais) fonctionnant

avec des partenariats très puissants (joint-venture) entre membres de l'une des trois alliances

mondiales. Ce tableau était la suite logique de la libéralisation du secteur du fait de la

généralisation des accords de ciel ouvert et de la levée progressive des règles de propriété qui

empêchent les transporteurs de passer sous contrôle d'investisseurs étrangers. Le principe

reste valable, mais les acteurs risquent d’être sensiblement différents. Il y a fort à parier que

les trois compagnies du Golfe ainsi que Turkish airlines qui suit un développement analogue

fassent partie du jeu.

« Ce sont les premiers acteurs mondiaux avec une marque mondiale et du personnel venant de

tous les horizons, contrairement aux compagnies historiques qui restent des acteurs

multinationaux à fort ancrage national », reconnaissait Alexandre de Juniac, le PDG d'Air

France-KLM lors du forum DGAC DSAC du 4 mai 2015.

Il n’est pas étonnant alors de voir le front jusqu’alors constitué par les compagnies

européennes se fragiliser.

177 GLISZCZYNSKI Fabrice, Air France, Etihad, Emirates…, quel Yalta pour le transport aérien?, La Tribune, 20 mai 2015.

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En désaccord avec Air France – KLM et Lufthansa qui mènent une lutte contre la concurrence

des compagnies du Golfe qu’elles jugent déloyale, British Airways, Iberia, Alitalia et Air

Berlin, ont décidé de quitter l’AEA (Association of European Airlines). Toutes ces

compagnies, à divers niveaux, ont reçu des capitaux des compagnies visées.

British Airways et Iberia rejoignent la ELFAA (European Low Fare Airlines Association)

pour exercer leurs actions de lobbying au niveau européen.

Le long Courrier des compagnies classiques se retrouve confronté à une concurrence à

deux niveaux. Le low cost tente une percée sur les marchés touristiques tandis que les

compagnies du Golfe visent la clientèle haut de gamme et affaire.

Le Long courrier ne saurait donc avoir de vertu de sanctuaire pour les compagnies

traditionnelles. Elles doivent ici aussi s’adapter à une bipolarisation du marché LC.

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2.3 Analyse environnementale du transport aérien Pour mieux appréhender l’environnement du transport aérien, nous synthétiserons son

analyse environnementale à l’aide de 3 outils de diagnostic couramment utilisés. Le PESTEL,

les 5 forces de PORTER et le SWOT178.

2.3.1 PESTEL Cet outil de diagnostic stratégique aborde les aspects suivants : Figure 30. PESTEL

Réalisé par l’auteur

2.3.1.1  Politique.   Nous avons exposé au chapitre 2.1.1 l’aspect stratégique du transport aérien. « Le transport

aérien reste encore, malgré la mondialisation de l’activité, le porte-drapeau d’une nation, le

vecteur des liaisons entre États souverains et l’expression du savoir-faire de ses ressortissants.

Aucun Etat qui veut tenir une place de premier rang dans le concert mondial ne peut voir

disparaître ses compagnies aériennes sans tenter d’y remédier179 ». Selon les régions du

monde, certains États sont clairement interventionnistes afin de défendre leur(s) compagnie(s)

par des politiques protectionnistes notamment sur les ouvertures de droit de trafic. D’autres

participent au développement des compagnies de leur nationalité par des aides publiques sous

forme de subventions ou en prenant en charge des frais d’infrastructures ou de missions

ailleurs dévolues aux entreprises. « Dans l’aviation civile internationale, contrairement à

d’autres secteurs commerciaux, la participation est escomptée, ce que l’on pourrait mettre en 178 LEHMANN ORTEGA, Laurence, LE ROY Frédéric, GARRETTE Bernard et DUSSAUGE Pierre, Strategor, 2013, op.cit. 179 LE ROUX Bruno, Rapport du groupe de travail compétitivité du transport aérien français, Paris, 2014.

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rapport avec l’article 44 de la Convention de Chicago, qui charge l’OACI d’ « Assurer le

respect intégral des droits des États contractants et une possibilité équitable pour chaque État contractant d’exploiter des entreprises de transport aérien international,

ceci étant un des objectifs de l’Organisation. ». Pour une compagnie aérienne, la capacité de

mener ses opérations durablement et de continuer à participer au transport aérien international

ne dépend pas uniquement du coût de ses facteurs de production et de sa rentabilité relative

dans différentes circonstances de marché, mais elle est aussi, souvent, soutenue par diverses

aides publiques directes, indirectes ou implicites180 ». Toute la difficulté réside dans le fait que

les interventions d’États sont susceptibles de générer de très fortes distorsions

concurrentielles. Nous avons pu voir les effets extrêmement importants de ce type

d’intervention avec le cas Lenovo évoqué au chapitre 1.2.1.3.

L’impact d’instabilités politiques dans une quelconque partie du globe se fait ressentir sur

l’ensemble de l’industrie. Les attentats de 2001 aux États-Unis ont eu des répercussions

directes ou indirectes sur l’ensemble des dessertes mondiales. La croissance phénoménale du

secteur s’est trouvée un temps bloquée. Les réseaux ont dû se restructurer quelques années et

la prédominance du trafic transatlantique n’a pas retrouvé la suprématie absolue qu’il

connaissait avant ces évènements. Des troubles plus localisés sont susceptibles d’avoir des

effets importants sur le transport aérien.

2.3.1.2  Économique.   Comme nous l’avons démontré, le marché du transport aérien s’est considérablement ouvert

du fait de la modification de la structure de la consommation, associée à l’augmentation du

pouvoir d’achat notamment des classes moyennes au niveau mondial. Le budget des ménages

est redistribué en fonction de priorités nouvelles et d’une faculté à ventiler ses choix de

consommation. Les attentes du consommateur ont évolué et sont devenues polymorphes.

Dans le village mondial, les communications se font sur une échelle plus vaste et les

transports ont connu un essor particulier. Le transport aérien s’est franchement démocratisé

sur les dessertes Moyen Courrier et devient accessible au plus grand nombre sur le Long

Courrier. La percée de classes moyennes dans les pays émergents contribue à la forte

croissance mondiale (autour 5 à 6% par an) attendue pour les 10 prochaines années dans le

transport aérien.

180 Manuel  OACI  ,  2004,    op.cit.  P  2.3.7  

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2.3.1.3  Social.   Avec l’élévation générale du niveau d’éducation, les populations sont globalement plus

ouvertes à la communication. L’envie de découvrir le monde que l’on observe via la petite

lucarne de la télévision ou que l’on découvre sur internet, dans les livres, devient plus

prégnante et incite au voyage. Avec un apprentissage des langues plus généralisé, les touristes

peuvent se débrouiller partout dans le monde. Dans le même temps, l’organisation du travail a

évolué, laissant plus de temps disponible pour partir à la découverte. La peur de l’avion recule

avec sa démocratisation et ne constitue plus que rarement un véritable frein à son emploi.

Dans le monde du travail, les relations internationales, voire intercontinentales se sont

multipliées si bien que les voyages d’affaires sont monnaie courante.

Une forte émigration vers les pays à haut niveau de vie augmente les flux de passagers que ce

soit en raison de l’immigration elle-même ou des visites familiales ou de connaissances ayant

émigré.

La mobilité générale augmente, tirant la croissance du transport aérien tant de passagers que

de fret.

Alors que l’économie se joue à un niveau global, l’absence d’harmonisation des lois sociales

tant du point de vue mondial que régional laisse le champ libre à des pratiques d’optimisation

que d’aucuns n’hésitent pas à qualifier de dumping. En occident, l’évolution du style de vie

allant vers de plus en plus d’individualisme n’incite pas naturellement à réguler les conditions

d’emploi d’une collectivité que l’on a infiniment plus de difficultés à définir.

2.3.1.4  Technologique.   Le transport aérien jouit de nombreuses innovations technologiques, tant dans la construction

aéronautique que dans d’autres domaines qui de prime abord paraissent bien éloignés.

La variété d’avions aujourd’hui sur le marché permet d’adapter sa flotte au plus près de

l’efficacité recherchée pour le réseau de chaque compagnie. Du monocouloir turbopropulsé au

très gros porteur à long rayon d’action toutes les variantes existent et servent les dessins de

chaque transporteur. Les dernières innovations en la matière portent sur l’introduction à

grande échelle des matériaux composites dans la construction aéronautique. Ainsi allégés, des

appareils comme le Boeing 787 et l’Airbus A350 permettent aux premières compagnies qui

en sont dotées de réaliser des économies susceptibles de leur donner un avantage

concurrentiel important. La recherche aéronautique et spatiale travaille déjà sur les avions de

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la décennie prochaine. De nouveaux modes de propulsions ou de carburant sont envisagés et

pourraient bien dans les années à venir révolutionner le transport aérien.

Internet et les évolutions de l’informatique sont en train de refaçonner la manière dont on

envisage le voyage aérien. Ce sont notamment les progrès de l’informatique qui permettent de

coordonner efficacement les vagues de départ et d’arrivées des hubs de correspondance.

« Chacune des liaisons qui constituent ce réseau est en interaction avec les autres pour assurer

d’éventuelles correspondances. Cependant, la majeure partie des compagnies est agencée en

réseau étoilé, c’est-à-dire avec des liaisons (spokes) à destination ou en partance d’un aéroport

pivot (hub)181 ». Chaque minute gagnée ayant sont importance, la coordination de ces réseaux

et de plus en plus fine.

Des systèmes embarqués, à la réservation, en passant par les technologies de pricing comme

un yield management de plus en plus fin, chaque évolution ouvre des perspectives nouvelles.

2.3.1.5  Environnemental.   Les nuisances environnementales générées par le trafic aérien représentent une préoccupation

de premier plan. Trois sujets majeurs mettent le transport aérien au cœur des problématiques

de développement durable :

- Les nuisances sonores autour des aérodromes.

- L’impact du transport aérien sur le changement climatique.

- Sa contribution à la pollution atmosphérique.

Les progrès environnementaux de l’aviation sont largement orientés par les travaux et

discussions conduits au niveau mondial, au sein de l’OACI, où des méthodologies et décisions

contraignantes sont conçues. D’ailleurs l’annexe 16 de la Convention de Chicago est

exclusivement consacrée à ce sujet.

Alors que le trafic aérien est en croissance constante, il est devenu indispensable de modérer

ses émissions de CO2. En France, « entre 1990 et 2012, le nombre de passagers- kilomètres-

transportés a augmenté de 159% tandis que la croissance des émissions de CO2 a été limitée à

62%. Les émissions de transport aérien international (16,3 millions de tonnes de CO2)

représentent 76% des émissions totales du transport aérien en France et sont quant à elles, en

progression de 12,4% par rapport à 2000 (14,5 millions de tonnes), pour un trafic en

181 BILLETTE DE VILLEMEUR Étienne, Comment réguler le secteur aérien ? Structure optimale de l'offre de services, Revue économique 2004/3 (Vol. 55), p. 533-542.

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croissance de 53% en termes de passagers-kilomètres-transportés182 ». Les efforts en la

matière sont certes efficaces, mais le volume global d’émission ne cesse de croître. Sa

maitrise restera encore pour les années à venir un enjeu de taille.

2.3.1.6  Légal.  

Bien que très encadré du point de vue technique au niveau international, le transport aérien

mondial est soumis par certains aspects à des normes, lois ou directives nationales ou

communautaires de niveaux très dissemblables. Il existe bien un organe de coordination,

l’OACI. Mais ce dernier n’aborde ni les aspects sociaux ni fiscaux, ni les règles de

concurrence « loyale ». Dans ce méandre législatif, certains acteurs sont très habiles pour

choisir les règles qui les contraignent le moins comme s’ils faisaient leurs courses. Cette

métaphore, le « rule shopping », nous a été livrée par M. Keld LUDVIGSEN, le Directeur

Général adjoint de l’Autorité de Transport Danois au cours d’un bref entretien que nous avons

pu avoir en marge du colloque DGAC-DSAC du 4 mai 2015. En substance, il nous

confiait183 :

« Le dumping social dans l'aviation résulte des différences entre la législation et d'autres

réglementations des États membres de l'Union Européenne au sujet des conditions d'emploi,

des droits des travailleurs, des obligations des employeurs, des droits sociaux... Il en va de

même pour la mise en œuvre, différente selon les États, des directives et de l'interprétation de

chacun sur l'application même, des règlements et des directives. Y contribuent également les

différences de vue des États membres sur, par exemple, la responsabilité de l'employeur et le

concept de l'employeur en matière de sécurité sociale et fiscale.

182 DGAC, Observatoire de l’aviation civile 2014-2015 - Tome 1 – Analyses, Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, Paris, 2015 183 Traduction de l’anglais par l’auteur des propos échangés avec Monsieur Keld LUDVIGSEN, Directeur Général adjoint de l’Autorité de Transport Danois (Trafikstyrelsen Danish Transport Authority) en marge du colloque du 4 mai à Paris (DGAC-DSAC : D’une concurrence réglementée à une concurrence loyale. Ci-après, ces propos en anglais : « Social dumping in aviation is the result of differences in the legislation and other regulations of EU Member States in relation to employment conditions, workers’ rights, employer obligations, social rights, etc., as well as both the different implementation of directives, and the interpretation and administration of regulations and directives, including different views of the Member States on, for example, employer responsibility and the concept of the employer in relation to social security and tax. Social dumping in aviation mostly occurs, therefore, when EU airlines organize employment models, terms of employment, and company structures to take advantage of differences between the rules of Member States, including the implementation, understanding, and administration of the EU regulatory framework, meaning that it can be described more accurately as “rule shopping”.

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Le « dumping social » dans l'aviation se produit la plupart du temps, donc, lorsque les

compagnies aériennes de l'UE organisent leurs modèles d'emploi, les conditions d'emploi, et

les structures de la société afin de tirer parti des différences entre les règles des États

membres, y compris pour la mise en œuvre, la compréhension et l'administration du cadre

réglementaire de l'UE. Ce qui signifie que le dumping social peut être décrit avec plus de

précision comme faire du « shopping de règles ».

2.3.2 Les 5 forces de PORTER. Cette méthode permet une analyse de la concurrence, en ne se limitant pas aux autres acteurs

du secteur, mais en l’étendant à tout agent économique susceptible de réduire les profits de la

société concernée. Ici, nous ne considèrerons pas une société, mais l’ensemble des

compagnies classiques, comme Air France, British Airways ou Lufthansa.

Nous rajouterons une sixième force communément admise, qui représente les contraintes

légales imposées par les États ou leur degré d’intervention.

L’analyse est donc ramenée au schéma suivant :

Figure 31. Les 5 forces de Michael Porter + 1

2.3.2.1  Intensité  concurrentielle.  3,5/5   La rivalité entre les concurrents classiques est assez importante, bien qu’elle soit pondérée par

de nombreux accords de « coopétition » comme nous l’avons vu au paragraphe 2.1.5.2.

D’autre part les grandes compagnies classiques conservent un ancrage national important qui

limite la compétition entre les grands acteurs traditionnels. Néanmoins la compétition peut

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être frontale sur certains axes ou sur certains segments de clientèle comme les passagers

originaires de pays n’ayant pas ou plus de compagnies « nationales » d’envergure.

2.3.2.2  Menace  des  produits  de  substitution.  2/5  

Les produits de substitution au transport aérien peuvent être redoutables, mais leur portée se

limite au trafic Court Courrier sur des destinations pouvant être ralliées en moins de 3 heures

par un autre mode de transport. À ce jour, même si la majorité des déplacements domestiques

s’effectuent en voiture personnelle, le plus efficace des produits de substitution est le Train à

Grande Vitesse (TGV en France, Eurostar en France et Angleterre, AVE Talgo en Espagne,

ICE en Allemagne, Thalys…). Il ne concerne principalement que des destinations

domestiques bien desservies par ce moyen de transport. En France, le réseau est

particulièrement développé. Le groupe Air France adapte son réseau en fonction des

ouvertures de lignes TGV. En 2014 la part de marché d’Air France est « tombée à moins de

10  % sur le marché total des déplacements intérieurs, de l’ordre de 90  millions de passagers,

contre 65  % pour la voiture et 25  % pour le train184 ». La concurrence sur ce segment

particulier est rude, mais les résultats du Moyens Courriers et du Long Courriers restent hors

d’atteinte du TGV.

D’autres produits de substitution sont tout à fait récents sur le marché français, mais déjà

présents dans d’autres pays européens. Il s’agit du covoiturage (Blablacar pour la firme

française la plus avancée) et « des autocaristes qui sont dans les starting-blocks pour déferler

dans l'Hexagone une fois en vigueur la Loi Macron qui libéralise ce secteur185 ». Néanmoins,

même s’il est encore trop tôt pour faire des constats, ces nouveaux entrants semblent être une

préoccupation bien plus importance pour le transport ferroviaire que pour le transport aérien.

2.3.2.3  Pouvoir  de  négociation  des  clients.  4/5  

Le risque est moyen à élevé au niveau des intermédiaires de la distribution. Les contrats

peuvent avoir un impact important dans les relations transporteur/intermédiaires (notamment

les GDS). Le risque est sensiblement plus important au niveau du client final du fait du

recours de plus en plus fréquent aux comparateurs de prix.

184 TREVIDIC Bruno. Air France part à la reconquête de son marché intérieur sous la marque Hop  !, Tourisme – Transport, Les échos, 2 avril 2015. 185 GLISZCZYNSKI Fabrice, Blablacar, HOP Air France, Eurolines... à l’assaut de la SNCF. La Tribune., le 30 avril 2015. Consulté le 6 août 2015. http://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/blablacar-hop-air-france-eurolines-a-l-assaut-de-la-sncf-473014.html.

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2.3.2.4  Pouvoir  de  négociation  des  fournisseurs.  4/5   La marge de manœuvre vis-à-vis des aéroports est quasi nulle puisque ce sont souvent les

États qui fixent le niveau des redevances aéroportuaires et autres taxes liées. En France, les

dernières décisions d’augmentations des redevances ont généré beaucoup d’émoi. Aéroports

de Paris « (ADP) jouit de la captivité de ses clients, en premier desquels on trouve Air France.

La compagnie génère plus de 50 % du trafic avec sa flotte de près de 230 appareils. On le sait,

les redevances aéroportuaires sont calculées en fonction du nombre de touchées

(décollage/atterrissage), du temps et du type de stationnement (passerelle ou parking au

large). En plus d'être le principal contributeur en nombre de touchées, Air France l'est

également en termes de temps de stationnement186. »

Le prix du pétrole est également règlementé et les systèmes de couverture font que le pouvoir

de négociation des fournisseurs ne s’exerce pas de manière continue. Il n’en est pas moins

important.

Les autres fournisseurs ont un pouvoir de négociation réduit, ils sont pour la plupart filiales

des transporteurs ou dépendants de ces derniers. (Restauration à bord, nettoyage…).

2.3.2.5  Menace  des  nouveaux  entrants.  5/5   Nous avons pu le voir au chapitre précédent, la menace est extrêmement lourde. Les

nouveaux entrants sont spécialement calibrés pour s’attaquer à certains segments de la

clientèle. En l’occurrence les low costs constituent une réelle menace sur le transport Moyen

trajet point à point, mais handicapent également pour partie la rentabilité du trafic d’apport

vers le Long Courrier.

Le LC est lui même largement contesté par les compagnies du Golfe et Turkish Airlines qui

ont réussi à installer leurs propres hubs extrêmement compétitifs.

Sur les deux segments porteurs, la menace est très sérieuse. Elle nécessite des adaptations

structurelles profondes chez tous les transporteurs classiques qu’on appelle encore des majors.

2.3.2.6  Contraintes  règlementaires  et  interventions  des  pouvoirs  publics.  4/5  

Les règles de libre circulation des personnes, des biens et services de l’Union Européenne ne

s’appliquent qu’aux transporteurs ressortissant d’un État membre de l’Union et ne sont pas

assorties de règles de concurrence loyale efficaces. Ce qui rend le marché européen perméable

à de nouveaux entrants communautaires ou non. L’interventionnisme démesuré des États du 186 PRAQUIN Antoine. Air France-ADP  : la vision court-termiste du gouvernement. lesechos.fr. le 2 août 2015.

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Golfe nous démontre l’impact du soutien qu’ils peuvent apporter à leurs compagnies. Les

contraintes règlementaires et fiscales de chaque État sont potentiellement génératrices de

distorsions concurrentielles logiquement en défaveur des transporteurs implantés dans des

pays à forte préoccupation sociale. Les pays des transporteurs classiques sont généralement

plus respectueux de certaines normes sociales qui grèvent les budgets des États et rendent

difficile des allègements de charges sur un secteur particulier d’activité. Les concurrents

nouveaux entrants sur LC sont originaires de pays moins vertueux du point de vue social,

comme les pays du Golfe, et bien plus concernés par le soutien à leurs entreprises. Les

nouveaux entrants MC et bientôt sur LC, les TBC, s’accommodent d’une législation

polymorphe qu’elle considère comme un centre commercial où l’on peut s’adonner au

« shopping règlementaire » en quête du montage le plus avantageux.

2.3.3 SWOT du transport aérien classique. Une des manières de synthétiser l’analyse externe et interne est d’utiliser le modèle dit SWOT

pour Strengths, Weaknesses, Opportunities and Threats (Forces, Faiblesses, Opportunités et

Menaces). Les forces et faiblesses tiennent de l’analyse interne tandis que les opportunités et

menaces relèvent de l’analyse externe. Figure 32. SWOT des compagnies traditionnelles

Réalisé par l’auteur

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PARTIE 3

Conséquences et stratégies

d’adaptation des différents acteurs.

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La transformation en cours du transport aérien est profonde. Le marché change dans ses

habitudes de consommation comme dans son périmètre. La technologie évolue dans tous les

domaines. De nouveaux acteurs prennent une place de plus en plus importante. Les alliances

et partenariats sont fragiles. Les rapports de forces sont perturbés. La communauté

internationale ne parvient pas réguler une activité mondialisée dans les domaines sociaux et

fiscaux. L’opportunisme des plus hardis se joue de la vertu affichée des acteurs installés.

Les éléments extérieurs à l’industrie (prix du carburant, équilibres géopolitiques, crises

sanitaires…) accentuent toujours l’incertitude des lendemains.

Les équilibres d’hier ne sont pas garantis et ceux qui ne s’adapteront pas à ce nouveau monde auront la plus grande difficulté à se maintenir à une place significative, voire à

une place tout court.

Cette nécessité d’adaptation ne concerne pas uniquement les compagnies aériennes.

L’ensemble de l’industrie du transport aérien est concernée, de la construction aéronautique,

aux aéroports en passant par les systèmes de réservation (GDS). Les États et la communauté

internationale, chacune à leur niveau, devront également prendre leur part dans ce grand

chamboulement. Faute de maintenir une organisation relativement stable, le visage du monde,

bien au-delà du transport aérien sera remis en cause. Les conséquences de cette mutation

pèseront sur l’économie mondiale. Nous y reviendrons dans cette troisième partie de notre

recherche. Si ce sont bien les compagnies aériennes, installées comme nouvelles entrantes, qui

seront les premières à subir ces conséquences, elles ne seront sans doute que les premières.

Leurs stratégies doivent être adaptées avec réactivité dans un monde en mouvement. Les

compagnies traditionnelles doivent prendre en compte leur nouvel environnement et sortir de

leur immobilisme en défiant leur inertie naturelle. Les compagnies low cost, ainsi que les

compagnies du Golfe doivent, quant à elles, rester attentives aux réactions des majors dont la

capacité de remise en question ne doit pas être sous-estimée.

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3.1 Stratégies d’adaptation des compagnies aériennes

3.1.1 Les Compagnies Majors

3.1.1.1  Les  Corporates  strategies.   Afin d’appréhender le process de construction d’une stratégie d’adaptation d’une compagnie

major, nous avons rencontré M. David Hamassala DICKO, Directeur Corporate Strategy et

innovation d’Air France187. L’amorce de ce processus est assez proche d’un SWOT où tous les

acteurs sont questionnés pour identifier forces et faiblesses afin de dégager toutes les options

réalisables. Ces dernières sont ensuite confrontées à un large travail de prospective sur les

tendances du marché, dont la fiabilité est éprouvée. Ce sont les comités exécutifs qui arbitrent

entre les options stratégiques. Dans chacun des trois grands groupes européens, nous notons

que les stratégies s’articulent autour de différents « métiers » (2 à 3) des compagnies

aériennes. Le découpage se fait en « business units » correspondant aux attentes clients. Afin

d’être plus lisibles et plus efficaces, peu à peu, ces stratégies sont identifiées par un travail sur

les marques du groupe. Chez Air France – KLM, 3 marques (transposées dans chacune des

entités du groupe) ciblent une part de clientèle et sont plus ou moins opérationnellement

coordonnées. Les 3 segments qui proposent une offre spécifique sont :

• Le cœur de métier, constitué par le Long Courrier et son trafic d’apport, est vendu

sous les marques Air France et KLM.

• Le point à point VFR (Visit Friends and Relatives : visiter les amis et connaissances)

est vendu sous les marques Hop Air France et Cityhopper. Il ne s’agit pas ici d’une

offre low cost.

• le point à point Loisir est vendu sous les marques low cost Transavia France et

Transavia Hollande. (Une troisième marque est envisagée pour créer un réseau

transversal européen. Il s’agit de Transavia Europe qui jusqu’ici provoque un émoi

social qui ne permet pas son développement).

Lufthansa suivait à peu près le même schéma, mais vient d’entreprendre une rationalisation

un peu différente avec une intégration sous deux marques au lieu de trois. Le cœur de métier

(Long Courrier et trafic d’apport) reste sous les couleurs de Lufthansa tandis que l’ensemble

du point à point VFR ou Loisir passe sous le pavillon unifié d’Eurowings. Il en va de même

pour le Loisir Long Courrier. « Rappelons qu’au début de la saison hivernale, Eurowings

« avalera » 55 des routes point-à-point de Germanwings, cette dernière ayant déjà récupéré 187 Entretien du 15 avril 2015 au siège d’Air France – KLM à Roissy. Nous avons retranscrit la quasi intégralité de cet entretien en annexe 11 tant cet échange a été riche d’enseignements.

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l’intégralité du réseau court et moyen-courrier de Lufthansa hormis celui alimentant les hubs

de Francfort et Munich. Lufthansa va rassembler d’ici la fin de l’année sous cette marque

Eurowings (et code EW) toute son activité low cost, Germanwings, Eurowings et le long-

courrier inclus, l’ensemble de la flotte étant fournie par Airbus et bénéficiant d’une nouvelle

livrée. Selon la compagnie de Star Alliance, la nouvelle Eurowings est une « réponse

innovante » au défi de la concurrence féroce des low cost sur le moyen-courrier, et à plus long

terme sur le long-courrier188 ».

IAG poursuit une stratégie légèrement différente puisqu’elle a sorti le trafic d’apport de son

cœur de métier. Le long Courrier est assuré par British Airways et Iberia et l’ensemble du

Moyen Courrier, VFR, Loisir et Trafic d’apport est principalement assuré par Vueling. Ce qui

implique pour cette dernière d’assumer des coûts liés à la connectivité189.

Une autre différence entre les trois groupes réside dans la manière dont les entités ont été

constituées. IAG et Lufthansa group ont procédé par intégration et adaptation de compagnies

préexistantes alors que Transavia France a été crée ex nihilo.

Au-delà de ces différences, nous constatons que ces trois stratégies partent de l’attente

client et non plus de l’héritage des structures des compagnies qui jusqu’ici reposaient sur des

découpages géographiques ou plus récemment sur les structures réseaux (long, moyen et court

courrier). Ce recentrage stratégique tend à démontrer la prise en compte de la

prépondérance de la modification de la structure du marché.

Comme pour les ripostes des opérateurs installés de la distribution alimentaire, évoqués au

§1.1.4, nous retrouvons dans les trois groupes des stratégies de dédoublement visant à

affronter les low costs sur leur propre terrain. Ce qui implique également au travers des

filiales low cost une Stratégie de mimétisme tarifaire et de coûts.

3.1.1.2.  La  montée  en  gamme.    Afin de compléter ces corporates strategies basées sur les structures, il est devenu primordial

d’accentuer la différenciation de ces offres. Les cabines sont très régulièrement repensées

188 DUCLOS François. Lufthansa veut envoyer Eurowings en Floride, Air Journal, 27 juillet 2015. 189 Voir entretien avec M. DICKO et notamment : L’un des éléments d’intégration possible des low cost adossées aux legacies« est la connectivité du réseau. Là aussi il faut être très vigilant sur le delta coût. Vueling a fait ce choix. A Air France ce sujet soulève également une problématique sociale. L’étanchéité du réseau garantit l’absence de concurrence avec notre propre réseau MC. »

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avec un souci premier de qualité. C’est le cas notamment chez Air France avec le produit

« Best and beyond » où les classes business et Première reçoivent des sièges d’un confort

inégalé. Lufthansa travaille également sur un projet de cabine grand luxe avec les équipes de

design de Mercedes-Benz. La compagnie allemande équipe également la totalité de sa flotte

d’une toute nouvelle classe « Premium Economy ». « Les premiers retours des clients

démontrent un « haut niveau de satisfaction », précise la compagnie de Star Alliance, « le

confort du siège, le service et l’excellent rapport qualité-prix étant particulièrement bien

notés190 ». Les salons en aéroport rivalisent de luxe et de commodité. Les services annexes

sont également plus nombreux et plus personnalisés allant de l’offre de magazines

dématérialisés téléchargeables avant le vol à l’accueil dès le trottoir de l’aéroport et prise en

charge des bagages. La relation de service est mise au cœur de la politique d’accueil des

compagnies.

Les trois compagnies poursuivent également une politique d’innovation que l’on retrouve

dans les divertissements à bord ou le WiFi embarqué. Mais cette quête de l’innovation se

retrouve également dans l’efficience opérationnelle des hubs où tout est mis en œuvre pour

avoir une performance qui soit robuste en termes de ponctualité, de bagages, de transferts et

de connexion. Autant de dimensions qui permettent de faire progresser la productivité des

compagnies tout en améliorant l’expérience de voyage des clients. Le digital est au cœur de la

politique de commercialisation des compagnies aériennes. Les plates-formes de ventes se

doivent d’être toujours plus pratiques et conviviales. Cette convivialité est également

entretenue par le biais des réseaux sociaux. Air France a notamment 5 millions de fans sur

Facebook. Ce qui lui permet d’une part de renforcer la proximité avec ses clients et d’être

plus attentif à leurs demandes.

Les actions commerciales sont déployées sur tous les segments de clientèle. C’était déjà le cas

depuis des années sur les clients « grands comptes » qui sont démarchés régulièrement. Ces

actions se développent de nos jours envers les petites et moyennes entreprises. L’accent est

également mis sur les programmes de fidélisation qui offrent de plus en plus d’avantages dans

et hors les services de transport aérien.

La montée en gamme du cœur de métier des compagnies traditionnelles sert un double

objectif. Elle suit l’évolution de la structure en sablier de la consommation individuelle.

Elle constitue d’autre part, une véritable Stratégie d’évitement par la différenciation. Pour

autant, en situation de distorsion de concurrence, « les écarts de prix entre produits en

190 DUCLOS François. Lufthansa: la Premium sur la moitié des avions, Air Journal, 13 mai 2015.

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compétition peuvent être tels qu’il devient très difficile de les compenser par des écarts de

valeur ajoutée 191 ». La différenciation par la qualité et par l’innovation est donc

particulièrement recherchée.  

3.1.1.3  Consolidation  et  développement  des  partenariats.    La croissance de la demande dans le transport aérien ouvre, du point de vue géographique, des

perspectives nouvelles. Il est nécessaire de bâtir des partenariats locaux afin de pénétrer ces

nouveaux marchés en profondeur. Les marchés chinois, brésiliens, indiens, africains sont en

plein essor. Il n’est pas envisageable pour les compagnies majors de développer en propre des

réseaux locaux à même de couvrir de telles étendues pour ramener cette clientèle potentielle

vers les hubs régionaux qu’ils relient à l’Europe et au monde. Les accords locaux ou les joint

ventures ainsi que toutes formes de partenariats solides ont une importance considérable dans

les stratégies des compagnies européennes qui doivent trouver des partenaires pour acheminer

un trafic d’apport en bout de ligne pour nourrir (feeder) les vols internationaux. Ces

partenariats permettent également de proposer des offres sur des destinations

complémentaires aux réseaux des opérateurs traditionnels. C’est notamment le cas de la joint

venture Air France- KLM /Kenya Airways ou des derniers accords entre la Compagnie franco-

néerlandaise et GOL au Brésil. Il est nécessaire d’ouvrir également de nouvelles lignes pour

se poser en partenaire crédible et d’en concéder certaines autres en code-share. (code de

partage)

 

3.1.1.4  La  réduction  des  coûts.  

Ouvrir des lignes, améliorer le service rendu aux clients, renouveler les flottes représente des

investissements lourds. « Mais pour cela il faut de la capacité à financer. Et donc l’objectif de

départ passe, du coup, par du cost cutting. (Réduction des coûts)192 ».

British Airways a été la première compagnie aérienne européenne à entreprendre une

restructuration d’ampleur. Touchée de plein fouet par la baisse du trafic transatlantique du

début des années 2000 et confrontée à une concurrence low cost importante au départ de son

territoire, la compagnie a largement eu recours à une stratégie d’évitement par la sortie. Peu à

peu, les lignes non rentables ont été coupées afin de pouvoir se repositionner sur les lignes

non ou moins contestées. Ces lignes déficitaires, par exemple le Paris-Glasgow, représentaient

191 COUTURE Roland, Croissance, crises et mutations économiques, Edition l’Harmattan, Paris, 2011. 192 Entretien avec M. DICKO annexe 11.

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un coût trop important. British Airways, mais également Air France se sont retirés de cette

ligne au profit de Ryanair. À la fin de cette longue période d’attrition, British Airways avait

réduit son réseau Moyen Courrier au point de le rendre quasi inexistant.

Face aux compagnies du Golfe, d’autres replis ont lieu. « Delta cessera de desservir Bombay à

partir de l’année prochaine, ajoutant son nom à la liste des compagnies aériennes qui mettent

fin à leur service vers l’Inde, tandis les transporteurs du Golfe mènent l’offensive sur ce

marché193 ».

Au mois de juin 2015, c’est Air France qui annonçait couper les principales liaisons

déficitaires de son réseau et envisageait de poursuivre cette attrition à défaut de trouver

d’autres moyens de réduction de ses coûts. « Air France, qui a supprimé 20% de son offre

court-courrier, a déjà annoncé, le 15 juin, la fermeture à l’hiver prochain de quatre lignes non

rentables (Stavanger, Vérone, Vigo et Kuala Lumpur), ainsi que des réductions de fréquences

sur le Japon, le Brésil et la Russie. Ce qui correspond déjà à une réduction de capacité

supérieure à celle de KLM. Toutefois, sachant que la moitié des lignes long-courriers est

aujourd’hui dans le rouge et que la fermeture de l’une peut entraîner le déclin de l’autre, Air

France est encore loin du compte et ne peut s’en tenir à cette solution194 ». « La viabilité d’une

telle stratégie de retrait n’est possible que si l’enjeu financier de la liaison abandonnée reste

faible par rapport au marché global de l’entreprise195 ». Une attrition large serait difficilement

supportable par les compagnies traditionnelles.

Inévitablement, le traitement des compagnies européennes passe aussi et surtout par des

mesures d’économies conjoncturelles et structurelles. Les compagnies majors recherchent

continuellement à augmenter leur productivité. Faute d’un retour de croissance interne, ces

gains de productivité se traduisent par des réductions d’effectifs. Dans chacune d’entre elles,

des accords avec les syndicats sont nécessaires alors que les tensions entre ces derniers et les

directions se font de plus en plus fortes. (Voir les grèves à répétition chez Lufthansa depuis

mi-2014 ou le bras de fer en cours entre pilotes et direction chez Air France).

3.1.2 Les compagnies low cost. Adaptation du modèle. Bien qu’en grandes difficultés, nous l’avons vu, les compagnies traditionnelles développent

des ripostes de grande ampleur et n’hésitent plus à contester le modèle low cost sur son

193 RENAUD Jérôme, Delta quitte Bombay, ou comment les compagnies du Golfe font reculer les autres, Air Info, 19 novembre 2014. 194 TREVIDIC Bruno. Air France et KLM vont tailler dans leur offre cet hiver, Les échos, Tourisme – Transport, 16 juin 2015. 195 BEIGBEDER, 2007, op.cit.

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terrain. Face à un tel déferlement, les TBC ne peuvent rester figés sur leur modèle sans le faire

évoluer pour à leur tour séduire le segment très rémunérateur de la clientèle « affaire ».

Nous notons des évolutions non négligeables, mais pas forcément conformes aux pronostics

initiaux.

« La structure reine dans le domaine du transport aérien déréglementé, la plus efficace, est

celle de l’étoile, mais qu’il ne faut pas limiter au « hub and spokes ». Elle permet d’optimiser

au maximum les correspondances si la compagnie qui l’a adoptée entend les favoriser avec un

système de vagues ou pulsations. Sinon, dans le cas d’une stratégie « point à point », elle

permettra la rotation la plus rapide des appareils d’une ligne à l’autre (on parlera alors de base

ou de « hub technique »). C’est le cas de Southwest. On peut également exploiter des étoiles

sans offrir de fortes fréquences : les compagnies low cost européennes montrent que ce n’est

en rien antinomique, avec des fréquences moyennes comprises entre 0,83 et 4,84 allers-

retours par jour ouvrable196 ». Les bases les plus importantes de Ryanair ou d’EasyJet se

transforment en hubs techniques. Nous observons des concentrations de liaisons sans cesse

plus importantes sur les aéroports comme Charleroi ou Beauvais Tillé chez Ryanair, mais

c’est chez EasyJet que la transformation est plus marquée. Les hubs techniques de cette

dernière sont implantés directement sur les plates-formes de hubs de correspondance des

compagnies traditionnelles. Moins dépendante que l’irlandaise aux subventions des

collectivités territoriales, c’est à partir d’aéroports principaux comme Paris Charles de Gaule

ou Orly qu’EasyJet projette dorénavant son réseau. Plus surprenant encore est le dernier

revirement de position de Ryanair. « En demandant des slots (créneaux de décollage et

atterrissage) à Orly, Ryanair met la pression sur Air France et Transavia. Le message est très

clair : Paris intéresse la compagnie irlandaise. Et si la porte d'Orly reste trop longtemps

fermée, Ryanair pourrait très bien décider, tôt ou tard, de se poser à Roissy, où il n'y a pas de

contraintes de créneaux197 ». Selon le coordinateur des créneaux d'atterrissage et de décollage

de l'aéroport d’Amsterdam Schipol, Ryanair opèrera neuf vols par jour au départ de la

capitale hollandaise dès cet hiver.

Cette position nouvelle cadre certes avec la volonté de la compagnie de séduire le client

affaire, mais la multiplication des attaques judiciaires qu’elle subit sur ses prises de

subventions souvent critiquables contribue grandement à ce changement stratégique. Ces

196 ZEMBRI Pierre, Structure des réseaux de transport et déréglementation, Flux, Paris 2005/4 (n° 62), p. 21-30.

197 GLISZCZYNSKI Fabrice. Ryanair demande des créneaux de décollage à Orly. La Tribune, 23 juin 2015.

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subventions adossées à des aéroports de second niveau constituent jusqu’ici une part non

négligeable des revenus de la compagnie.198

Afin de réagir à la croissance plus lente des revenus additionnels chez leur clientèle habituelle

composée de voyageurs de loisir, Ryanair et EasyJet ont élargi leur stratégie pour attirer les

voyageurs d’affaires, qui présentent un rendement plus élevé. Ryanair a modifié de façon

significative son modèle commercial en augmentant la fréquence de certains trajets, en créant

un tarif non restrictif plus adapté aux voyages d’affaires et en allant jusqu’à cibler les

voyageurs d’affaires dans une campagne publicitaire. De nouveaux horizons s’ouvrent aux

yeux de Michael O’LEARY. « Il a réaffirmé sa conviction qu'il existe un potentiel pour

Ryanair d’ouvrir des routes long-courriers à bas coût via une compagnie aérienne filiale si

cela se fait progressivement. Ryanair est également ouvert au partage de codes avec d'autres

compagnies aériennes, alors que cela était boudé dans le passé. Ce n’est pas dans nos plans

immédiats, mais c’est sur la liste des choses que nous avions dit que nous ne ferions jamais et

que nous sommes en train de penser à mettre en œuvre. Nous retrouvons également sur cette

liste, ce nouveau business plan, la volonté d'offrir un meilleur service à la clientèle199 ».

Le modèle hard low cost pure player de Ryanair ne semble plus lui convenir. Elle converge

vers le soft low cost d’EasyJet qui à son tour migre vers un modèle hybride. Cette dernière

signe des accords avec d’autres compagnies comme Emirates qui va jusqu’à proposer

d’utiliser ses points de fidélisation sur le réseau de la britannique.

La prise de distance avec le modèle low cost d’origine est encore plus marquée chez Vueling,

la troisième compagnie étrangère en France. Linda MOREIRA, sa directrice commerciale

France affirme : « Plus aucune compagnie aérienne n’est véritablement low cost aujourd’hui. 198 Voir notamment le rapport de la commission européenne : COMMISSION EUROPEENNE, Aides d'État SA.33960 (2012/C) (2012/NN) – France Aéroport de Beauvais Tillé, Bruxelles, 2012. D’autres aéroports français défrayent la chronique du fait de leur aides marketing servies à la compagnie Ryanair (Montpellier, Dole Jura, Toulon…). L’aéroport de Charleroi est également visé par la justice belge. En Italie les poursuites sont également plus nombreuses et laissent penser que le système de subventionnement qu’affectionne la compagnie irlandaise ne pourra, plus assurer le flot de revenu qui constitue l’essentiel de ses bénéfices.

199 BALDWIN Mary-Anne, Ryanair looks at long-haul and codeshares, Airline Fleet Management, Londres, 2015. Traduit par l’auteur :« He reaffirmed his belief that there is potential for Ryanair to add low-cost long-haul routes through a subsidiary airline if it's "doing it to scale." Ryanair « is also open to codesharing with other airlines, something it had stayed away from in the past. "It's not in the immediate plans but it is on the list of things we said we'd never do and we're now thinking about doing." Also on that list is the aim to deliver better customer service though its new business plan ».

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138

Même Ryanair drague les agents de voyages en intégrant les GDS, s’éloignant ainsi du

concept originel ». Sa clientèle utilise depuis longtemps des coupe-files, des billets flexibles

et des accès aux salons. Avec un taux de voyageurs d’affaires établi à 40% Vueling a franchi

le pas. Elle proposera prochainement une véritable cabine affaire à l’avant de ses avions. Son

hub technique de Barcelone est devenu un véritable hub de correspondance d’où elle propose

11 000 connexions dès le mois d’août 2015. Son appartenance au groupe IAG engendre

également des partages de code avec Iberia et British Airways. Avec cette évolution

spectaculaire, de nombreux observateurs n’hésitent plus à dire que Vueling n’est plus une

low cost200.

De son côté, EasyJet diversifie son offre et ne se contente plus du transport aérien. « Le

groupe EasyGroup a développé une marque et un savoir-faire dans la mise en œuvre de

modèles low-costs à partir de son expérience dans le transport aérien (EasyJet) que la holding

décline depuis une dizaine d’années. L’entreprise s’est lancée avec plus ou moins de succès

dans la location de voiture, la location de DVD, la livraison de pizzas, les croisières,

l’hôtellerie, l’assurance, la téléphonie mobile et bien d’autres activités201 ».

Les lignes bougent. Les ripostes des compagnies majors et les multiples remises en causes

judicaires de certaines pratiques des compagnies ultra low cost ont semble-t-il amorcé un

mouvement de convergence des modèles, à mi-chemin entre les Transporteurs à Bas Coût et les compagnies traditionnelles. La donne low cost s’est inscrite profondément

dans le transport aérien.

Mais au-delà d’une certaine taille de compagnie, le modèle low cost pure player semble

n’avoir été qu’un moyen transitoire qui a permis d’installer un modèle hybride.

Nous observons que seules des compagnies de taille plus modeste (Volotea par exemple) peuvent se permettre de rester fidèles en tout point au modèle ultra low cost. Dès qu’une

compagnie tente de sortir d’un marché de niche, nous constatons qu’elle fait des concessions sur le modèle.

200 CHOLEZ Laury-Anne. Aérien  : pourquoi Vueling n’est plus une low-cost... TourMag, le 29 mai 2015. Consulté le 29 mai 2015. http://www.tourmag.com/Aerien-pourquoi-Vueling-n-est-plus-une-low-cost_a74185.html. 201 DEMIL Benoît et LECOCQ Xavier, (Re)penser le développement des organisations. Les apports du modèle économique, Revue française de gestion, 2008.

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La mutation du transport aérien n’est pas achevée, low costs comme legacies doivent

poursuivre des stratégies lourdes pour construire le transport aérien de demain.

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3.2 Perception des acteurs Si les directions des compagnies aériennes doivent être imaginatives dans le domaine des

stratégies, un consensus global au sein des compagnies sera primordial pour mener à bien les

changements nécessaires.

Nous nous attacherons dans les pages qui suivent à vérifier l’une des bases nécessaires à ce

consensus : un constat partagé.

3.2.1 Le point de vue des représentants des entreprises.  « Dans les 20 prochaines années, le marché aérien sera un monde de géants en croissance où

il n’y aura pas de place pour les acteurs de seconde division. La volonté d’Air France et du

groupe Air France- KLM est d’être un acteur majeur de ce marché en recomposition, d’être à

l’initiative de ces mouvements pour ne pas en être exclu ou les subir. Pour cela, il nous faut

aller chercher la croissance là où elle se trouve. Car la croissance fait la taille, et la taille

favorise la croissance.202 » C’est par ces mots que commence une communication interne de la

compagnie qui introduit les grandes lignes d’une stratégie de « reconquête ». Ces quelques

mots sont lourds de signification. En tout premier lieu, cela signifie qu’Air France, une des

toutes premières compagnies mondiales, a besoin de « reconquérir » une place qu’elle sait

perdue. Plus inquiétante est l’allusion aux « acteurs de seconde division » qui rappelle le pire

scénario du rapport de Claude ABRAHAM203 de 2013 pour le Commissariat Général à la

Stratégie et à la Prospective intitulé : « les compagnies aériennes européennes sont elles

mortelles ? »

• Le scénario 4 de ce rapport prévoit que la plupart des compagnies aériennes

européennes historiques ne subsistent pas face à la concurrence des low costs, des

compagnies américaines et des pays émergents. Le MC serait l’exclusivité des

compagnies low cost non affiliées à des compagnies historiques, tandis que des

compagnies majoritairement non européennes règneraient sur le LC.

• Le scénario 3 décrit un Moyen Courrier intégralement capté par des compagnies low

cost, affiliées ou non et des compagnies historiques européennes en forte concurrence

avec des compagnies étrangères.

202 GAGEY Frédéric et LAURENT Gilles, Une stratégie de reconquête, Communication interne Air France, Roissy, juillet 2015. 203 ABRAHAM Claude, 2013, op.cit.

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• Le scénario 2 évoque des fusions entre grandes compagnies historiques européennes

pour rechercher des économies d’échelle et se maintenir sur les marchés MC et LC.

• Le scénario 1, le plus optimiste, suppose que les transformations en cours dans les

compagnies historiques, à périmètre constant, leur permettent d’assurer leur

profitabilité et leur pérennité industrielle.

La problématique posée par Frédéric GAGEY et Gilles LAURENT, (respectivement PDG et

Directeur Général Adjoint aux Opérations Aériennes d’Air France) semble donc concerner

l’ensemble des compagnies aériennes historiques européennes. Les conséquences les plus

graves sont envisagées et la presse se fait l’écho de plans de restructurations d’envergures

dans chacune des compagnies européennes. Les menaces principales correspondent aux

« attaques » subies sur les deux segments porteurs du marché que nous avons identifiés dans

la partie précédente :

En haut du marché, les compagnies du Golfe, qui ont crû à un rythme phénoménal dans de nombreuses zones (Chine, Japon, Corée, Inde, Australie) et qui détiennent aujourd’hui 31 %

du marché Europe-Asie du Sud-Est. Ces compagnies vont continuer de croître avec plus de

180 nouveaux avions bicouloirs dans les 5 prochaines années.

De l’autre côté du marché, les compagnies low cost, dont la force réside dans un business

model où le prix bas affiché attire des clients auxquels le marketing s’emploie ensuite à faire

acheter des options. Elles représentent 45 % du marché intra-Europe et réalisent plus de 12 %

de croissance avec une rentabilité supérieure à 10 %204. Les TBC menacent non seulement le

trafic point à point de ces entreprises, mais également le trafic d’apport vers les hubs. Ce

Moyen Courrier de pré ou post acheminement LC est bien plus coûteux que l’offre low cost

puisque, par vocation, il doit subir les contraintes de l’organisation des correspondances. Afin

de maintenir une performance économique au plus près de l’équilibre pour ce type de vol, une

part de trafic point à point doit compléter les recettes. Or cette dernière est confrontée aux low

costs qui de plus en plus, à l’image d’EasyJet, progressent sur les grandes plates-formes.

Au cœur du marché, nous retrouvons de nouveaux entrants comme Turkish Airlines et

tous les concurrents traditionnels, dont certains ont fait des progrès considérables grâce à

des transformations profondes. C’est notamment le cas des grandes compagnies américaines.

En Europe, certaines compagnies sont plus avancées que d’autres.

204 Source : Air France

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Ainsi, British Airways à travers le groupe IAG consolide des compagnies comme Iberia,

Vueling et bientôt l’irlandaise Aer Lingus. Principalement (et historiquement) centré sur le

trafic transatlantique, le groupe est moins exposé à la concurrence du Golfe. Mais le

transatlantique a été particulièrement perturbé suite aux attentats de 2001, et le trafic

domestique britannique a été un des premiers contesté par les low costs. British Airways a

donc entrepris sa transformation dès le début des années 2000. Aujourd’hui, le groupe IAG a

retrouvé une forte rentabilité (de 10 % à 14 % selon les compagnies) et veut faire de Vueling,

sa low cost, une machine à faire de la croissance paneuropéenne.

Le groupe Lufthansa, en dépit de résultats constamment positifs, s’est engagé pour sa part dans un programme de réduction de coûts. Regula DETTLING-OTT, la Vice Présidente de

Lufthansa aux affaires européennes, nous confia, lors de notre entretien, être particulièrement

« préoccupée par le dumping social et les prix prédateurs pratiqués par les compagnies du

Golfe. La croissance des liaisons Europe-Golfe se situe entre 65 et 80% sur les dernières

années alors que l’ensemble de l’industrie ne croit que de 5% annuellement. C’est assez

inhabituel. Tous les chiffres indiquent un développement de ce marché sans précédent. Les

transporteurs du Golfe croissent toujours très au-dessus du marché. Le problème est qu’il

s’agit d’une croissance largement subventionnée. Il devient indispensable de renforcer les

règles de concurrence dans le village mondial. Il y a urgence ! Le libre accès au marché et le

recours aux subventions sont incompatibles. Tout spécialement quand vous produisez en

dessous des coûts. Nous avons un bon marché dans l'Union, mais nous perdons des parts de

marché sur les vols intercontinentaux. Nous devons aborder la façon d'être compétitif dans

d'autres marchés ; et la lutte contre le dumping social en fait partie205 ». En substance, elle

nous explique que bien que toujours bénéficiaire Lufthansa observe la dégradation générale

des recettes unitaires, dont souffre également l’ensemble des compagnies, avec inquiétude.

Sans restructuration, sans adaptation du modèle, la compagnie rencontrera rapidement des

difficultés majeures. Selon Christophe FRANZ, PDG de Lufthansa il s’agit pour les

compagnies du Golfe de délocaliser le nœud aérien européen au Moyen-Orient. 205 Entretien ouvert avec Mme DETTLING OTT réalisé le 4 mai en marge du colloque DGAC DSAC, dans les locaux de la DGAC à Paris. (extrait) : « Social dumping and predatory pricing of the Gulf carrriers concern us. In the last few years, the growth of routes between EU and the Gulf raised over 65 to 80%. As the global industry’s growth is average 5% yearly, this is rather unusual ! Facts and figures indicate unprecedented market developments: Gulf carriers consistently grow far above the market. The main problem is that it’s a heavily subsidized growth. We definitely need to enforce the competitive rules in the global village. It’s an emergency ! Free market access and subsidies are incompatible. Especially if you are producing below cost. We have a good internal aviation market in the EU, but we are losing the share on intercontinental flights. We need to address how to be competitive in other markets, and social dumping is part of it, ».

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Air France-KLM est le 5ème groupe mondial en terme de chiffre d’affaire, mais la 70ème

compagnie en termes de résultats nets. Elle vient de vivre 6 années consécutives de pertes

d’exploitation. Les capitaux propres d’Air France sont négatifs. Ce qui entraine une obligation

légale de les restaurer sous deux ans. De surcroit, la compagnie souffre toujours d’un

endettement supérieur à 4 milliards d’euros. Déjà en difficulté, Air France partage

l’inquiétude de Lufthansa quant à la baisse de la recette unitaire qu’elle attribue à « une

économie poussive, à des crises géopolitiques à travers le monde et surtout à une compétition

acharnée entre les compagnies sur certaines zones émergentes. La concurrence féroce des

compagnies du Golfe entraîne une forte baisse des prix, notamment sur l’Asie, accentuée par

la diminution des coûts de carburant que certains concurrents, en bonne santé financière,

répercutent intégralement sur le prix de leur billet206 ». Sur le marché européen, la concurrence

avec les low costs entraine également les recettes vers le bas.

Clairement, les directions des 3 groupes majeurs du transport aérien européen sont

convaincues de la nécessité de changer de modèle. Chacune à son rythme, elles ont entrepris

de grandes réformes structurelles qui, ici et là, déclenchent des réactions sociales parfois

violentes. (Grève des pilotes d’Air France en septembre 2014, des pilotes de Lufthansa et

Germanwings tout au long des années 2014 et 2015, mais également chez leurs concurrents

qui sont également en mouvement, comme chez Norwegian, TAP Air Portugal, EasyJet …)

« Les relations du travail ont une incidence sur les résultats des compagnies. De bonnes

relations, attestées par une culture d’entreprise positive, semblent se traduire par une bonne

qualité de services et des niveaux de productivité élevés tant du travail que des appareils, ce

qui contribue à accroître la viabilité du secteur. Les salariés ont un rôle crucial à jouer dans

l’amélioration de la productivité des appareils et des portes d’embarquement ainsi que des

services fournis et de la satisfaction des clients207 ». Si en période nominale, la coopération au

sein des entreprises est un gage de croissance, la qualité de ces relations apparait

particulièrement importante au cœur de cette mutation.

206 GAGEY Frédéric et LAURENT Gilles, 2015, op.cit. 207 BAMBER G.J., GITTELL J.H., KOCHAN T.A. et VON NORDENFLYCHT A., Up in the air: How airlines can improve performance by engaging their employees , Ithaca, Cornell University Press, New York, 2009

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En 2007, Pierre-Henri GOURGEON, alors PDG d’Air France confiait : « Toute activité de

transport est ce qu’il y a de plus compliqué à manager au plan social. C’est donc la première

priorité en termes de management. Dans ce métier en évolution permanente, il faut bien sûr

innover sans cesse, tout en simplifiant l’activité pour diminuer les coûts, sinon on se fait

dépasser. Nous exerçons une pression continue dans ce sens, mais une pression comprise et

acceptée par l’ensemble de l’entreprise208 ».

La « violence » des restructurations envisagées rencontre-t-elle aujourd’hui cette

compréhension partagée ?

208 GOURGEON Pierre-Henri, Les secrets du redécollage d'Air France, Le journal de l'école de Paris du management, 2007/1 (N°63), p. 8-16.

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3.2.2 Le point de vue des salariés et de leurs représentants.

3.2.2.1  Enquête  sur  la  perception  des  salariés.   Afin de vérifier si des convergences de vue (à minima sur les constats) existent, entre les

salariés et leurs directions, nous avons mis en place une enquête qui, pour des raisons

pratiques, s’est concentrée sur la perception du phénomène low cost chez les salariés des

compagnies françaises ou ayant des bases officielles en France. (Questionnaire en annexe 10).

Cette enquête a été réalisée entre le 26 mars et le 26 avril 2015. Il est probable que la

perception des salariés, notamment du groupe Air France, ait un peu évolué suite aux

communications de la direction du groupe sur son plan de restructuration Perform 2020.

Néanmoins nous estimons que cette photographie est éclairante sur le niveau de

compréhension partagée.

Nous avons reçu 394 réponses à cette enquête.

Figure 33 : Panel de l’enquête.

L’analyse du panel laisse apparaître une sous-réponse des PNT par rapport à ce que représente cette population dans le transport aérien français. Ce que nous interprétons comme une réticence naturelle dans un contexte post-grève des pilotes où des tensions subsistent entre les personnels. Le fort taux de réponse des PNC s’explique quant à lui par les réseaux de contacts que nous avons utilisés pour solliciter l’avis des salariés. Nous tiendrons compte de ces participations dans nos analyses. La répartition des réponses par compagnie est relativement conforme à la ventilation des salariés dans les entreprises décrite dans le rapport de l’observatoire de l’aviation civile produit par la DGAC en 2015. Nous notons néanmoins un taux de réponse relativement important des salariés de Corsair. L’observation par compagnie semble la plus pertinente pour notre analyse. La répartition par tranche d’âge recoupe l’âge moyen des salariés de l’industrie qui se situe entre 41 et 42 ans. Nous tenterons d’identifier des différences générationnelles de perception.

Les graphiques de l’enquête sont réalisés par l’auteur.

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Dans un premier temps nous comparerons les degrés de confiance des salariés des différentes

compagnies selon 3 axes. La confiance dans l’avenir de son entreprise, la confiance dans

l’avenir de son propre emploi et la confiance dans l’avenir des conditions de son emploi. Afin

d’avoir une vue d’ensemble de la confiance des salariés, nous avons réalisé des cartes

perceptuelles sous forme « radars ». Nous avons rassemblé les réponses des salariés en 4

groupes, en fonction de la typologie de leurs entreprises. Les salariés d’Air France, les salariés

des compagnies low cost : EasyJet et Transavia, les salariés des compagnies régionales :

Hop ! et Air corsica et enfin ceux des compagnies charter ou indépendantes : Corsair et

autres.

Figure 34 : Confiance des salariés

Air France EasyJet et Transavia

Hop ! et Air Corsica Corsair et autres

En premier lieu, nous constatons que, quelle que soit la compagnie, la première cause

d’inquiétude porte sur les conditions de l’emploi. Il est naturel que les salariés aient ce type de

préoccupation alors que les directions affichent leur quête de gains de productivité.

Nous notons que la perception des salariés d’Air France et celle des salariés de Hop et Air

Corsica sont en tout point identique. (Autour de 53% de confiance en l’entreprise, 55% sur

l’emploi et 39% sur les conditions d’emploi). Cette similitude s’explique par le fait que

l’activité des 3 entreprises est intimement liée. Il est remarquable de retrouver des résultats si

proches, qui révèlent des destins liés, alors que le questionnaire porte sur des perceptions

individuelles. Dans ces trois cas, l’inquiétude pour l’entreprise et l’emploi touche près de 45 à

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47% des salariés. Ce qui tendrait à démontrer qu’une majorité, certes faible, des salariés n’est

pas convaincue par les discours alarmistes des directions. Par contre une large majorité (61%)

craint pour la qualité de ses conditions d’utilisations.

Sans surprise, la confiance des salariés des TBC est largement supérieure aux autres

entreprises (84,29% pour l’entreprise, 81,43% pour l’emploi et tout de même 70% pour les

conditions de l’emploi). Ils pensent que le modèle de leur entreprise est mieux adapté aux

réalités du marché et que les marges de progression de leur productivité sont limitées.

Nous notons une confiance plus faible à tous les niveaux chez les salariés des compagnies

indépendantes ou charters comme Corsair et autres. (45,6% en l’entreprise, 44% sur l’emploi

et 37,6% sur les conditions). Cette inquiétude plus importante contribue certainement au taux

de réponse important des salariés de Corsair. Les salariés semblent conscients que leur

modèle d’entreprise, s’il ne change pas radicalement risque bien de rester « coincé au

milieu209 ».

Nous notons que chez les plus jeunes (18-30 ans) l’inquiétude des salariés d’Air France est

sensiblement plus importante, notamment sur l’emploi (60,5%), que dans le reste de la

population. Ce sentiment laisse penser que cette tranche d’âge se sent susceptible d’être plus

particulièrement ciblée par un Plan de Sauvegarde de l’Emploi. Inversement chez les TBC,

cette même tranche d’âge est beaucoup plus confiante que le reste de l’entreprise. Seuls

14,4% des plus jeunes expriment une inquiétude. La population étant globalement plus jeune

ce différentiel de confiance peut être interprété comme de l’insouciance ou une plus grande

conscience des mutations du marché.

Dans la série de questions suivantes, nous nous sommes intéressé justement à la conscience de

la transformation du marché. Nous notons un fort décalage de perceptions d’une entreprise à

l’autre. Les enseignements de notre propre vie de consommateur dans d’autres secteurs ne

semblent pas pénétrer de manière égale notre conscience de la réalité de notre secteur

d’activité.

La première question de cette série porte sur la motivation d’une entreprise à proposer une

offre low cost dans son panel de produits. Nous avons proposé 3 types de motivation.

• Une adaptation à la réalité du marché

• Un choix stratégique de l’entreprise pour capter de la croissance.

• Un choix des investisseurs visant à optimiser leurs dividendes.

209 Voir §2.1.4.1 p.68

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Figure 35 : Perception des salariés sur l’offre low cost. Air France EasyJet et Transavia

Hop ! et Air Corsica Corsair et autres

La perception de la transformation du marché est beaucoup plus prégnante dans les

compagnies dont l’activité exclusivement Court et Moyen Courrier est directement concernée

par l’offre des low costs. (Soit parce que les salariés y contribuent, soit par ce qu’ils y sont

quotidiennement confrontés, EasyJet et Transavia (78,57%) d’une part, Hop et Air Corsica

(66,67%) de l’autre). Le restant de ces populations opte pour une « stratégie d’entreprise » qui

correspond à la réalité des salariés des 2 TBC ou un « choix des investisseurs » chez Hop et

Air Corsica dont les salariés ne semblent pas convaincus de l’autonomie de leurs directions

respectives. Se sentant dépendants du choix d’Air France, la stratégie semble être un concept

extérieur qui ne profite pas directement à l’entreprise ou à ses salariés.

Naturellement pour les employés des TBC, l’offre low cost est « nécessaire à la survie »

(43%) ou une opportunité pour l’entreprise (50%) comme pour l’emploi (71,43%). Alors que

chez Hop et Air corsica, cette offre est « nécessaire à la survie » de l’entreprise (50%, le reste

de la population ne se prononçant pas sur les autres options « inutile » ou « opportunité »).

Elle est perçue comme un danger pour l’emploi et ses conditions par 50% de la population et

comme une opportunité par 33%.

Connaisseurs du modèle, les salariés des compagnies low cost sont assez sceptiques sur le

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développement TBC sur le Courrier (42,86% seulement pensent la transposition possible).

Alors que 100% des réponses des salariés d’Hop et Air Corsica craignent cette intrusion. Peu

connaisseurs du LC, ils pensent le modèle assurément transposable.

Chez Air France, Corsair et autres, la population travaillant majoritairement sur Long

Courrier, la perception de ce changement qui touche jusqu’ici principalement le MC est

relativement mitigée. (51,16% chez Air France, 44% chez Corsair et autres). Chez Corsair les

réponses s’orientent plus largement qu’ailleurs sur « le choix des investisseurs » (36%). Cela

peut s’expliquer par le contexte de l’entreprise au moment de l’enquête où le rachat de

l’entreprise par Air Caraïbes était en discussion. 52% des salariés trouvent l’offre low cost

« inutile » chez Corsair et autre. Elle représenterait « un danger » pour l’emploi et les

conditions de l’emploi pour 92% des salariés. Alors que chez les salariés d’Air France ce type

d’offre serait « nécessaire à la survie » pour 50% ou une « opportunité » pour l’entreprise à

31,4%. Mais cette hypothèse est considérée comme un danger par 63,95% des salariés qui

craignent pour leur emploi ou pour les conditions de leur emploi. 70,93% des salariés d’Air

France craignent même de voir surgir les low costs sur le Long Courrier, alors que chez

Corsair ils ne sont que 52% à le penser.

Au regard des résultats de cette enquête, avec toutes les réserves que nous pouvons émettre sur l’évolution des perceptions des salariés depuis sa réalisation et sur la finesse

du panel, nous notons un delta important entre les constats des directions et ceux des salariés. Le bien-fondé de la nécessité de transformation ne nous semble pas

suffisamment partagé pour envisager une acceptation sans heurts, principalement chez

Corsair et Air France. Chez Hop ou Air Corsica, c’est le sentiment de subir une remise en cause des acquis dans le but de servir le bénéfice d’éléments extérieurs qui pourrait

handicaper les schémas d’adaptation. Toutes compagnies confondues, 80,15% des salariés de

l’aérien considèrent que l'encadrement légal ou

conventionnel de leur métier est insuffisant pour sécuriser

leur emploi. Nous notons d’autre part qu’une certaine

confusion règne quant à la pertinence de ces deux niveaux

de protection.

Ce sentiment de fragilité des protections légales ou

conventionnelles renforce les craintes des salariés et nous paraît susceptible de durcir les positions si un rapport de force devait s’installer.

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3.2.2.2  Les  syndicats  représentatifs  des  salariés   « Le secteur du transport aérien se caractérise par une fragmentation des relations

professionnelles, une compagnie concluant en règle générale des conventions collectives

distinctes avec les différents groupes de salariés, ce qui peut engendrer de nombreux

problèmes dans le secteur210. » Ainsi dans quasiment toutes les compagnies du monde, les

négociations sont généralement découpées en 3 secteurs « catégoriels ». Les PNT (Personnels

Navigants Techniques, en d’autres termes, les pilotes), Les PNC (Personnels Navigants

Commerciaux, hôtesses, stewards et chefs de cabine) et les PS (Personnels au Sol). Ce dernier

ensemble peut être subdivisé en autant de strates que de métiers : mécaniciens, agents

commerciaux, personnel de piste…). Il pourrait être tentant pour une direction de contourner

ce morcellement pour éviter la difficulté d’une négociation à plusieurs étages. Cependant cette

répartition est le fruit de la complexité des règles qui régissent chaque type de salarié. Il nous

semble important de préciser que la réalité du quotidien des salariés d’une compagnie

aérienne diffère en tout. Le temps de travail par exemple ne peut être régi par des règles

communes entre des PS qui peuvent être relevés à tout moment de leur journée et des PN qui

peuvent effectuer des vols de plus de 12 heures avec un temps de travail dépassant les 14

heures sans possibilité de relève. Une fois les portes de l’avion fermées, l’équipage n’a pas

d’autres choix que d’aller jusqu’à la destination du vol. Il en va de même pour le temps de

repos qui pour les uns peut se prendre à domicile alors que pour les autres une partie du repos

ne peut être pris qu’en escale, souvent à des milliers de kilomètres de chez soi. Les conditions

de travail sont également très diverses entre des PNC debout en cabine et des PNT assis dans

le poste de pilotage. Des spécificités règlementaires pour chaque catégorie jouent également

un rôle important dans la différenciation. De fait chaque catégorie, dans toutes les compagnies, est viscéralement attachée à la représentation par ses pairs, ceux qui

partagent les mêmes contraintes, les mêmes spécificités. Toute tentative de contournement de

cette représentation « éclairée » des réalités du quotidien serait vécue comme une cause

supplémentaire de tension. Dans le cadre de restructurations majeures, il nous semble risqué

de rajouter, chez le salarié, un potentiel sentiment d’être bradé par une représentation centrale

extérieure à ses préoccupations. En France, afin d’éviter cet écueil, le législateur a reconnu un

collège électif catégoriel spécifique pour les PNT de toutes les compagnies de plus de vingt

PNT et un collège PN dans lequel on retrouve les PNC pour la compagnie Air France.

210 OIT, 2012 op. cit.

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C.J BAMBER classe les compagnies aériennes en fonction des rapports qu’elles

entretiennent, d’une part, avec leurs salariés et, d’autre part, avec les syndicats. « Dans celles

où est appliquée une méthode directive, les salariés reçoivent des consignes précises sur les

objectifs à atteindre et la manière d’y parvenir. Dans celles où est privilégiée une approche

participative, la direction cherche à recueillir l’adhésion des salariés en leur expliquant quels

sont les objectifs et les intérêts de la compagnie pour les inciter à agir en conséquence. Cette

approche fait davantage appel au travail en équipe et la description des postes est moins

rigide. Une compagnie aérienne peut choisir de s’opposer à la constitution de syndicats ou

d’affaiblir ceux qui sont déjà constitués (stratégie d’évitement), en offrant parfois des

salaires et des avantages élevés, ou bien elle peut accepter la constitution de syndicats avec

lesquels elle établit une relation contractuelle (stratégie d’accommodement). Une troisième

stratégie consiste à nouer avec les syndicats des partenariats formels ou informels plus solides

(stratégie de partenariat)211 ». Ryanair et les compagnies du Golfe pratiquent l’évitement au

sens le plus strict du terme. Les grandes compagnies européennes ou américaines

traditionnelles recourent plutôt à l’accommodement. Southwest est l’exemple type de la

compagnie qui a réussi à mettre en place un véritable partenariat.

Dans un contexte d’accommodement ou dans un partenariat, la difficulté majeure d’une

négociation d’envergure, d’une restructuration par exemple, se trouve dans le niveau de

confiance qui peut exister entre une direction et les syndicats représentatifs des salariés. Ce

climat propice à une négociation optimale, pour un bord comme pour l’autre, est plus

facilement atteignable dans un partenariat bien établi. Mais ce dernier ne se décrète pas, il se

construit avec le temps. Dans tous les cas, les constats doivent être sincèrement partagés. La

stratégie envisagée doit être expliquée et acceptable. Pour être acceptée, elle doit de surcroit

être porteuse de suffisamment d’espoirs de succès pour que les efforts demandés ne se transforment pas en sacrifices inutiles.

Chez British Airways, les réformes des années 2000 ont été puissantes. De nombreux emplois

ont été détruits et cette phase a été hautement conflictuelle.

Chez Air France et Lufthansa des réformes lourdes sont en négociation pour dégager des

équilibres nécessaires à l’adaptation des modèles de ces compagnies. Ni chez l’une, ni chez

211 BAMBER G.J., GITTELL J.H., KOCHAN T.A. et VON NORDENFLYCHT A., Up in the air: How airlines can improve performance by engaging their employees , Ithaca, Cornell University Press, New York, 2009

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l’autre, le climat de confiance évoqué plus haut ne semble établi au regard des conflits de

2014 et de 2015. Une part de l’explication de cette méfiance des syndicats tient à la

communication des entreprises. En effet, ces dernières étant cotées en bourses, elles ont

tendance à chercher à rassurer les marchés financiers dans leur communication externe. Mais

dans le même temps, elles peignent un tableau infiniment plus sombre dans les

communications internes et notamment lorsqu’elles s’adressent aux syndicats. Pour peu

qu’elles adoptent des stratégies de négociation basée sur « l’échelle de perroquet212 », leurs

prétentions finissent de noircir l’œuvre et c’est le rapport de force qui s’installe.

Geoffroy BOUVET213, Président de l’APNA (Association des Professionnels Navigants de

l’Aviation), Commandant de Bord à Air France et ex-Président du SNPL (Syndicat National

des Pilotes de Ligne) nous confiait lors de notre entretien : « Quand je dis à De JUNIAC

(PDG d’Air France-KLM) qu’il ne dit pas la vérité aux salariés sur l’état de l’entreprise, il

répond : mais si je l’ai dit à telle ou telle occasion. Je lui réponds que quand il dit neuf fois

que ça va mal et qu’il dit une fois dans la presse qu’on va faire 400 millions de REX (résultat

d’exploitation) et qu’on a 2 milliards de crédit devant nous, que croit-il que les salariés

retiennent ? Les pilotes d’Air France n’ont pas conscience de la vraie réalité de l’entreprise.

On ne leur a pas donné les éléments qui leur permettraient de réellement en prendre

conscience. La pédagogie nécessaire n’a pas été mise ne œuvre ».

Depuis peu, des deux côtés du Rhin, les communications internes et externes des entreprises

semblent s’harmoniser. Les actions des syndicats, notamment le CIS214 chez Air France,

semblent prendre en considération pour partie la gravité de la situation dépeinte par les

compagnies. Si la confiance est encore loin d’être restaurée, les constats semblent mieux

partagés.

Néanmoins les stratégies des compagnies ne semblent pas à ce stade ouvrir des voies

suffisamment stables pour que les syndicats s’engagent. La prudence des syndicats s’explique

quand on observe le résultat des restructurations achevées aux États-Unis.

« Au cours de la deuxième moitié des années quatre-vingt-dix, le voyage en avion en

Amérique du Nord a suivi un rythme de croissance soutenu. Rentable, le secteur a créé 97 000

212 L’expression fait référence à des négociations où une direction demande 50 dans l’espoir d’obtenir 10 quand en retour les syndicats consentent 3 quand ils pourraient aller jusqu’à 7. 213 Entretien réalisé le 21 juillet 2015 à Roissy. 214 Il s’agit du Comité Inter Syndical regroupant toutes les organisations sol, PNT et PNC de la compagnie, qui a participé au groupe de travail du Député Bruno LE ROUX et que l’on retrouve dans son rapport sous l’acronyme CISTAF.

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emplois entre janvier 1995 et janvier 2000. Après le 11 septembre 2001, les volumes de

passagers sont repartis à la hausse dès 2002 et avaient progressé de 24% en 2005. Cet essor du

voyage en avion dans la région ne s’est pas accompagné de créations d’emplois, comme

l’illustre la figure 36 ; bien au contraire, environ 80 000 emplois ont été supprimés dans le

secteur, ce qui s’est traduit par une augmentation spectaculaire de la productivité: celle-ci a

progressé de 50% environ entre 2001 et 2005215 »

Figure 36. Évolution de l’emploi dans les compagnies aériennes et des passagers-miles payants aux États-Unis, 1990-2010

Ce schéma illustre les raisons qui amènent les représentants des salariés à penser que la

mutation du transport aérien dissimule une « créature destructrice » anti-

schumpetérienne.

La mutation du transport aérien aux États-Unis a généré une forte croissance du nombre de

passagers tout en détruisant un nombre considérable d’emplois. La productivité des salariés a

fait un bond phénoménal, les conditions de l’emploi se sont donc dégradées. Le mouvement

de mutation en Europe produit les mêmes effets. Du point de vue des représentants des salariés des compagnies traditionnelles la mutation du transport aérien apparaît in fine

génératrice de plus de destruction que de création.

215 OIT, 2012 op.cit

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Afin d’appréhender la perception des représentants des salariés des compagnies low cost, nous

avons rencontré Mme Laetitia OULAITOH216, Cabin manager chez EasyJet et M. Eric

CUNNAC217, délégué syndical et élu CE (Comité d’Entreprise) de EasyJet en France. Selon

M. CUNNAC, le repositionnement d’EasyJet sur le segment « affaire » et la mutation vers un

modèle hybride ne sont pas des réactions de la compagnie aux ripostes des majors. Cette

évolution était inéluctable à partir du moment où la compagnie atteignait une taille critique.

« Cette évolution de l’orientation de la compagnie a porté une amélioration des conditions de

travail, mais également une plus grande satisfaction à l’effectuer au travers d’une relation

clientèle de meilleure qualité » nous confie-t-il. « Du point de vue règlementaire, nos

conditions d’emploi sont soumises pour partie à la règlementation européenne, pour partie à la

règlementation française. De plus en plus, nous essayons de remonter ce socle au travers de

règles conventionnelles négociées ». M.CUNNAC se dit relativement confiant sur l’avenir de

l’emploi à EasyJet. La croissance du réseau est très forte et des passagers non européens,

toujours plus nombreux, utilisent des compagnies traditionnelles pour leur parcours Long

Courrier puis organisent la continuation de leur voyage en Europe en utilisant largement

EasyJet. D’autre part, de plus en plus de salariés envisagent de faire une carrière dans

l’entreprise alors que jusqu’ici, le turn-over était important. C’est sans doute cette nouvelle

relation à l’emploi qui permet l’amélioration conventionnelle des conditions de travail et de

rémunération. Le fait syndical est maintenant une réalité chez EasyJet et les revendications se

font plus nombreuses, notamment en France en Allemagne et même en Angleterre, mais

surtout en Italie. « Par contre dans les petites bases comme au Portugal les relations sociales

ressemblent plus à du chantage à l’emploi digne de Ryanair. » Il exprime également une

crainte vis-à-vis de certaines pratiques de compagnies comme Volotea (« on voit des PNC

basés France, à Nantes par exemple, être payés 900€par mois sans protection sociale ») qui

continue à contourner les règles européennes sur les bases d’affectation.

Mme OULAITOH note également une évolution dans les relations de travail où une certaine

distance entre les salariés s’installe ; particulièrement entre les strates hiérarchiques ou entre

les PNT et les PNC. « La performance individuelle prend le pas sur la performance collective.

Du coup la qualité de vie au travail se dégrade. On s’éloigne du modèle de Southwest ».

Du point de vue des relations sociales avec les syndicats ou des relations interpersonnelles

EasyJet semble se rapprocher du fonctionnement des compagnies traditionnelles. 216 Entretien réalisé à Roissy Charles de Gaule le 15 juin 2015. 217 Entretien réalisé à Roissy Charles de Gaule le 22 avril 2015.

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Nous notons que les préoccupations des syndicats d’EasyJet, comme ceux des majors,

portent également sur le dumping social de sociétés de tailles plus modestes qui continuent à

contourner les règles et normes françaises ou européennes.

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3.3 Intérêts et responsabilités des acteurs institutionnels.

Nous avons vu au § 2.1.2.4 que le transport aérien était depuis sa création considéré comme

un secteur d’activité stratégique pour les états. Les réglementations nationales ont comme

premiers buts fondamentaux définis par l’OACI de satisfaire les besoins en transport du

commerce avec l’étranger et d’assurer la promotion de certains secteurs de services. Il

est donc important pour un État ou une communauté d’États de maîtriser le transport aérien

qui dessert son territoire et de préserver la connectivité de ces centres économiques.

Les échanges commerciaux, économiques et culturels d’un État supposent un transport aérien

performant218.

3.3.1 Les États et collectivités territoriales.

Dans un pays comme la France, le poids économique de l’aviation civile est important. Il

représente plus de 2% du PIB. Après prise en compte de la construction aéronautique et de

l’activité de tourisme rendu possible, la contribution de l’aviation atteint 3,2% du PIB et 784

000 emplois. Nous retrouvons des chiffres similaires pour l’Allemagne et assez proches pour

le Rouyaume-Uni219. Si l’on élargit l’impact du transport aérien aux échanges commerciaux,

économiques et culturels, ces chiffres déjà impressionnants prendraient une dimension

démesurée. « Dans la concurrence très vive à laquelle se livrent les grandes métropoles

internationales, les plates-formes aéroportuaires occupent une place essentielle. L’insertion de

ces métropoles dans l’économie mondiale dépend en effet très largement de la fréquence et de

la multiplicité de leurs liaisons aériennes avec les autres pôles de cette économie. Il en va de

leur attractivité, de leur capacité à obtenir l’implantation sur leur sol de nouvelles entreprises,

de sièges sociaux, mais aussi d’équipements logistiques, à attirer congrès internationaux,

foires professionnelles et simples touristes220 ».

À défaut de visions communes, les intérêts particuliers des différents acteurs au sein des États

peuvent desservir l’intérêt collectif. Des compagnies comme Ryanair, Wizzair ou Volotea ont

fait de ce besoin des collectivités territoriales un véritable fond de commerce.

218 LE ROUX Bruno, Rapport du groupe de travail compétitivité du transport aérien français, Paris, 2014. 219 Oxford Economics: Economic benefits from air transport in France, 2011. Oxford Economics: Economic benefits from air transport in Gernany, 2011 et Oxford Economics: Economic benefits from air transport in UK, 2011. Rapports économiques téléchargeables à partir du site internet de l’IATA. 220 SUBRA Philippe, Quelle desserte pour les grandes plates-formes aéroportuaires ? L'exemple de Roissy-Charles de Gaulle et du projet du CDG Express, L'Information géographique, Paris 2008 (Vol. 72), p. 32-45.

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Alors que la majorité des compagnies, legacy comme low cost vendent des billets d’avion

à des passagers, ces entreprises vendent des passagers aux régions ou aux villes. Ces dernières investissent dans le développement des infrastructures des aéroports

secondaires et vont jusqu’à se substituer au transporteur pour la réalisation de certaines

tâches. Pour exemple, c’est la Chambre de Commerce et de l’Industrie (CCI) de l’Oise qui a

assuré la vente des billets de Ryanair à l’aéroport de Beauvais Tillé de 1997 à 2002. Sur la

période 2001-2006, Ryanair aurait reçu, à Beauvais, 5 millions d'euros au titre d'aides

marketing. Ces aides ont toujours été niées par les autorités locales françaises, mais les

comptes des exploitants successifs de l’aéroport font bien état de « paiements Ryanair » à

partir de 2001. D’autre part, « des courriers échangés entre la SAGEB (l’exploitant de

l’aéroport de Beauvais) et Ryanair en février 2010 et juillet 2010 révèlent que l'exploitant a

consenti à la compagnie aérienne, d'une part , une diminution des redevances aéroportuaires et

d'autre part un intéressement au développement du trafic, sous la forme d'une contribution par

passager pour les années 2010 et 2011. De plus, Ryanair a bénéficié de la gratuité de la

redevance pour assistance en escale. La Chambre régionale des comptes de Picardie observe

que "le centre de coût assistance aéroportuaire est largement déficitaire (1.344M€ en 2004 et

1.411M€ en 2005)" et que "la gratuité des prestations de base accordées à Ryanair en est en

grande partie responsable". La Commission considère que les ressources ayant servi à

financer les mesures en cause constituent des ressources d'État221 ».

Ce type de schéma se reproduit sur la quasi-totalité des aéroports européens desservis par ces

compagnies. Plus encore que leur modèle de production, c’est leur structure de revenus qui

n’a rien à voir avec une compagnie aérienne normale. La source de revenus principale n’est

pas le passager.

Ces aides diverses et variées constituent un vecteur important de distorsion

concurrentielle.

Considérant ces aides aux compagnies low cost sous un autre angle, elles pourraient

représenter, plus ou moins, ce que ne font plus les États européens pour les compagnies

traditionnelles ; soit par ce que cela est interdit par la réglementation européenne et

l’autorité de concurrence ; soit par ce que les États européens n’en ont plus les moyens.

221 COMMISSION EUROPEENNE, Aides d'État SA.33960 (2012/C) (2012/NN) – France Aéroport de Beauvais Tillé, Bruxelles, 2012.

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Hors de l’Europe, les règles de concurrence ne sont pas identiques, certains pays adoptent des

politiques de soutien au transport aérien et pratiquent des investissements massifs. Ils

recourent également à l’intégration verticale des activités de compagnie aérienne,

d’exploitant d’aéroport, de services d’assistance en escale, voire du contrôle aérien comme le

font les pays du Golfe ou la Turquie. Selon Stephen PERKINS, Chef économiste de

l’International Transport Forum à l’OCDE, cette problématique des aides d’États est centrale.

« Certaines subventions peuvent être tolérables. D’autres sapent la concurrence et l’efficacité

sur le long terme. Délivrer des subventions n’est tolérable que dans certaines circonstances

très spécifiques. Nous avons besoin de transparence et surtout d’un cadre international

approuvé par l’OACI. Détourner du trafic de nos hubs locaux vers des hubs éloignés

dégrade la connectivité globale de l’Europe 222».

Le sujet des aides publiques dans le transport aérien est complexe. Les soutiens sont encore

monnaie courante à l'échelle planétaire. La notion d'aides d'État reste floue. Elle se heurte au

principe de souveraineté des États. Les aides d'État se retrouvent sous des formes diverses et

variées. Rapidement nous nous retrouvons confrontés à des questions de fiscalité qui relèvent

des politiques nationales. Il n’existe pas de règles mondiales sur les aides d'État.

Rien n'empêche les États d'aider leur compagnie en créant un écosystème favorable au

transport aérien. Le point central de cette problématique est que les États du Golfe considèrent

le transport aérien comme une activité hautement stratégique. Ils ont donc investi

massivement dans les infrastructures et ont mis en place un cadre réglementaire et juridique

très favorable au développement de leur transport aérien. Ce niveau d’investissement dans les

infrastructures couplé à un niveau de subventions extrêmement élevé (42 milliards de dollars

voir §2.2.2.2) extraient les compagnies du Golfe du terrain de jeu concurrentiel équitable.

(level playing field).

Selon Bruno LE ROUX, Président du groupe SRC à l’Assemblée Nationale et rédacteur du

rapport sur la compétitivité du transport aérien français223, « là où Air France est mise en

difficulté, c’est face aux compagnies qui veulent faire de leur pays le centre du monde. Si

222 Traduit de notre entretien réalisé à Paris le 4 mai 2015 avec M. Stephen PERKINS, Chef économiste de l’International Transport Forum (OCDE) : « Some subcidies may be tolerable, some others undermine competition and efficiency in the long run. Operating subcidies is tolerable only in very specific cricumstances. We need transparancy and international ICAO endorsed framework. Diverting traffic from our local hubs to far away hubs undermine our overall connectivity. » 223 Extrait de notre entretien avec M. Bruno LE ROUX, député de Seine-Saint-Denis. Président du groupe SRC à l’Assemblée Nationale, Rédacteur du Rapport sur la Compétitivité du Transport Aérien Français, réalisé à l’assemblée Nationale à Paris, le 22 juin 2015.

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des compagnies comme Qatar, Emirates ou Etihad étaient simplement des compagnies qui

volent dans le monde en étant un peu plus aidées que les nôtres, ça irait très bien. Mais toutes leurs stratégies sont des stratégies d’État plutôt que des stratégies de compagnies. Et la

stratégie de ces États est de remplacer leur rente pétrolière par une rente, à minima,

touristique. Si on les laisse prendre pied, plus qu’il ne faut, d’abord dans nos aéroports puis

dans nos compagnies, la connectivité de la France et de l’Europe passera par les hubs du

Golfe. Et là, ça pose un problème majeur d’attractivité. Ces compagnies très aidées ont profité

du fait que les majors européennes, n’ayant pas su se réformer, étaient en position de

faiblesse. Un autre problème est que tout le monde a l’impression que le transport aérien est

un secteur qui se porte bien ; que c’est un secteur de riche. Oui, les avions d’Air France

continueront à voler. Le problème c’est qui contrôlera leur capital et qui leur dira où aller. Le

jour où on déplacera les centres de gravité du transport aérien vers le Golfe, on va

s’apercevoir des répercussions que ça a ici sur les emplois directs ET indirects. On manque de

réflexion globale également sur les aéroports224, les ouvertures de capital… à traiter au coup

par coup pour faire rentrer de l’agent, on va en arriver à faire des « conneries ». Aux États-

Unis, c’est l’État qui est propriétaire de toutes les infrastructures aéroportuaires, mais le

pendant est qu’il y aurait des problèmes d’investissement et de mise à niveau des aéroports. Il

faut trouver le bon modèle parce que si demain on vend aux qatari Lyon, ça va devenir la base

sur laquelle ils vont développer le Paris-Doha avec une offre couplée à la SNCF. Face aux

rentrées financières, l’État a encore une jumelle un peu trop courte et les élus locaux ont un

comportement schizophrène. On a des raisonnements à très court terme sur un secteur où l’on

refuse de voir ce qui peut se passer à une échéance pourtant elle aussi très courte ».

Ici, le transport aérien est utilisé comme une arme de « guerre économique ». Il n’est plus la

finalité de compagnie aérienne, mais un moyen pour des États de déplacer les cœurs

économiques.

L’OACI a identifié ce risque dans son manuel.   «  Les aides/subventions publiques, qui

confèrent aux transporteurs aériens nationaux des avantages financiers et ne sont pas

disponibles pour les concurrents sur les mêmes marchés internationaux, pourraient fausser le

commerce des services aériens internationaux et risquent de constituer ou d’appuyer des

pratiques concurrentielles déloyales. Si le transporteur aérien national utilisait ses subventions

pour proposer constamment des prix moins élevés sur des routes où il est un concurrent

224 En référence aux dernières prises de capitaux chinois dans l’aéroport de Toulouse.

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important, cela aurait des incidences négatives pour les transporteurs aériens concurrents225 ».

Les compagnies du Golfe agissent clairement dans ce cadre. Dispensées de dépenses ailleurs

assurées par les compagnies, profitant d’une manne pléthorique de subventions, elles

pratiquent une stratégie d’éviction par les prix. Elles vendent leurs prestations de transport à

des prix déraisonnablement faibles pour atteindre un objectif à long terme. Plus précisément,

elles sacrifient leurs bénéfices pour une période donnée. En agissant ainsi, elles comptent

évincer leurs concurrents du marché, les mettre au pas ou les mettre suffisamment en

difficulté pour entrer dans leur capital. (cf. Qatar/IAG ou Etihad/Alitalia).

« L’éviction hors prix implique généralement la réalisation d’investissements excessifs ayant

pour seul objet et pour effet probable d’affaiblir ou d’éliminer les concurrents226 ». Les

investissements à des fins d’éviction semblent ici réalisés à des fins qui dépassent le transport

aérien.

Philippe GERVAIS227, directeur associé de SECAFI, tempère cette vision de la « guerre

économique ». Le but ultime d’un déplacement de cœur économique est d’attirer les sièges

des grandes entreprises internationales. « Or les entreprises ont tendance à positionner leurs

sièges là où le marché va se développer le plus vite. C’est en Asie ; pas dans le Golfe. Mais il

y a une logique des pays du Golfe qui se jouent sur deux tableaux. D’une part, ils créent un

business pour générer de l’argent (pour l’instant seul Emirates gagne un peu d’argent). Ça

c’est une logique d’entreprise. D’autre part, il y a une vraie logique d’État actionnaire qui est

de se dire que le transport aérien c’est un vecteur de flux. Donc ça amènera forcément des

affaires et du tourisme. Mais c’est exactement pour les mêmes raisons que les Occidentaux

ont développé des compagnies aériennes. Si Air France et Lufthansa existent, c’est parce qu’à

l’origine les États considéraient que pour conquérir des marchés il faut pouvoir s’y rendre

sans y passer 3 jours. La Hollande est le leader de la fleur coupée en Europe. C’est un produit

qui voyage par avion. Sans KLM ce positionnement serait impossible. Dans le Golfe,

effectivement il y a une très forte intervention de l’État actionnaire. Mais il y a 40 ans, en

France, le transport aérien était également guidé par des intérêts publics. C’est juste une

question de politique industrielle des pays. À part le fait que dans ces pays il y a confusion

entre intérêt public et propriété individuelle, c’est juste une politique de soutien à l’industrie

225 Manuel  OACI    §  2.3.7  226 WEST Jeremy, « 2. Note de référence », Revue sur le droit et la politique de la concurrence, édition de l’OCDE, 2007/1 (Vol. 9), p. 109-175. 227 Entretien du 22 juillet 2015, à Paris avec Philippe GERVAIS, Directeur associé à SECAFI (société d’expertise comptable, diagnostic et stratégie d’emploi chargée de plusieurs audits et rapports du CCE d’Air France, du CE d’AirMed, du CE d’EasyJet…, Paris, le 22 juillet 2015.

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qui n’existe plus chez nous ».

3.3.2 l’Union Européenne L’Union européenne est confrontée à la même problématique de connectivité qui est vitale

pour maintenir le positionnement de ses États dans l’économie mondiale. Mais les perceptions

selon les états ne sont pas uniformes. Trois nations hébergent des acteurs majeurs du transport

aérien mondial. L’Allemagne, la France et le Royaume-Uni (dans une moindre mesure du fait

du réseau de British Airways) jouissent encore d’une certaine indépendance pour rallier

n’importe quel point du globe. Pour les autres États, la connectivité repose sur des systèmes

d’accords avec une des trois compagnies membres d’une alliance globale afin de projeter

leurs forces commerciales à partir des hubs allemands, français (hollandais également) et

britanniques. Lorsque des opérateurs extérieurs à l’Union leur proposent de rallier leur

capitale à un hub éloigné, ces autres États ne perçoivent pas forcément de menace particulière

sur leur connectivité. Néanmoins, l’idée de « guerre économique » dans un « village »

mondialisé pose maintenant la question d’un protectionnisme européen mesuré.

Ce que l’Union Européenne combat et règlemente à l’échelon national des États membres,

elle est de plus en plus susceptible de l’appliquer à son niveau propre. Face aux risques de

comportements prédateurs extérieurs, « la Commission européenne elle-même est prise dans

un dilemme consistant à reprocher un certain protectionnisme aux États membres tout en

menaçant de reproduire le même comportement face à l’extérieur. Il reste donc à se demander

si un certain patriotisme économique européen pourrait se substituer aux patriotismes

économiques nationaux. La Commission envisage par exemple de contrôler les achats

d'entreprises européennes par des fonds d'investissement étrangers dotés de capitaux publics,

craignant que l'investissement de ces fonds par des pays comme la Chine (ou les pays du

Golfe) ne soit motivé par des considérations politico-stratégiques et non économiques. Le

développement des fonds souverains risque également de modifier substantiellement la vision

de la concurrence traditionnelle. Les fonds souverains détenus par des États détenant des

fortes réserves en dollars (Chine, Pays du Golfe, Russie ou Norvège…) ont progressivement

redirigé une part croissante de leurs investissements, des obligations d'État, vers des actions

des entreprises considérées comme stratégiques228 ». L’Union reste incapable jusqu’ici de

mettre en place des mesures de protectionnisme mesurées paneuropéennes. Les actions de

lobbying au niveau des instances européennes se multiplient ces dernières années à l’initiative 228 PAPY Romain, 2012, op.cit.

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des compagnies (ou même de certains États France et Allemagne particulièrement). Elles

demandent un renforcement protectionniste certes, mais surtout la mise en œuvre de tout

moyen pour réduire la distorsion concurrentielle. Cela passe par le coût des infrastructures

aéroportuaires, mais également par l’unification du contrôle aérien européen qui permettrait

des routes plus directes et plus économiques. L’intervention conjointe229 des cinq présidents

des principaux groupes aériens européens (Air France, British Airways, EsayJet, Lufthansa et

Ryanair) pour exposer leur plate-forme commune de revendications à l'intention de la

Commission européenne et de sa nouvelle commissaire aux Transports, Violeta BULC, nous

semble particulièrement caractéristique de la période récente. Les deux low costs et les trois

majors se rejoignent pour parler de la même voix. Cela semble signifier que nous sommes en

train de changer de période. Nous passons d’une période où les low costs (soutenus par

l’Europe afin d’ouvrir le marché) s’attaquaient au majors à une nouvelle ère où la bagarre se

joue vis-à-vis d’acteurs non Européens : Les compagnies du Golfe et Turkish Airlines qui

n’ont durablement pas les mêmes règles du jeu. Cette conférence de presse est également une

reconnaissance officielle de la qualité d’acteurs majeurs pour les deux low costs. D’autre part, au sein même de l’Union, le défaut d’harmonisation sociale et fiscale génère des

comportements d’optimisation qui parfois sont à la limite de la légalité et qui s’appuient sur

des montages et transits de capitaux entre différents États membres (Voir le § 2.2.1.3.7 relatif

à l’optimisation). « Le risque de délocalisation « intracommunautaire » est très réel, du fait de

l’existence d’un marché unique et de la libre circulation en son sein. Il sera de plus en plus

tentant, pour une compagnie aérienne, ���d’installer son siège au Royaume-Uni ou en Irlande, où

les salaires sont plus bas, la législation sociale moins favorable, etc. Le risque est accru du fait

des disparités existantes sur ces différents points au sein de l’Union européenne. En matière

d’harmonisation sociale au sein de l’Union européenne, les progrès sont lents. Les disparités,

selon les pays, les entreprises et les modes de transport, apparaissent extrêmement

importantes230 ». Ce n’est que très récemment que l’Union a adopté une définition commune

des bases d’affectation et il reste encore à traiter des interprétations diverses et variées quant

aux obligations sociales liées à ce statut.

De même, dans la gestion des contentieux juridiques noués autour des aides versées par les

229 Conférence de presse commune des cinq présidents de groupe aérien européen le 18 juin 2015. 230 FAYOLLE Corinne, La dérégulation du transport aérien en Europe. (1987-1997), Guerres mondiales et conflits contemporains, 2003/1 (n° 209), p. 75-89.��� DOI 10.3917/gmcc.209.0075

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gestionnaires d’aéroports secondaires aux compagnies aériennes low cost, se posent le

problème de la compatibilité des politiques publiques locales avec l’encadrement

communautaire des aides publiques. Ces aides doivent, bien entendu, être envisagées sous le

prisme de la légalité, mais également de leur pertinence économique en regard de leur

vocation de promotion de l’attractivité des territoires. « Les entreprises (ici certaines

compagnies aériennes) se comportent comme les « contribuables » du modèle de THIEBOUT

(1956), « votant avec leurs pieds », c’est-à-dire délocalisant et relocalisant leurs activités au

gré des variations marginales du couple pression fiscale/offre de services publics231 ».

L’encadrement européen limite drastiquement le recours à ces aides. « La légitimité de

l’action publique n’est que subsidiaire vis-à-vis du marché, l’aide publique, comme toute

intervention directe ne se justifie que dans la mesure où elle permet de pallier une défaillance

de marché. De façon générale, l’article 87 du traité de Rome considère comme incompatible

avec le marché commun toute aide susceptible de fausser la concurrence au profit de certaines

entreprises ou productions. La Commission jouit d’un pouvoir discrétionnaire d’appréciation

quant à la qualification de l’aide et à l’évaluation des contreparties en fonction desquelles elle

peut accepter ou refuser, une aide qualifiée d’aide d’État232 ». Pour autant, malgré cette

réglementation qui se veut exemplaire, la faiblesse des condamnations subies par Ryanair

dans les affaires des aéroports d’Ostende, Manchester et Charleroi « marquerait la volonté de

la Commission de moins s’attacher aux principes de la concurrence parfaite pour favoriser le

développement de nouveaux opérateurs. Des écarts au modèle de la concurrence pure

pourraient, dès lors, être tolérés en arguant de leur efficacité concurrentielle sur le long

terme ».

3.3.3 La communauté internationale.

Le transport aérien ne connait pas d'arbitre sur les aides d’État au niveau mondial. Il est régi

par l’OACI et se retrouve donc hors du champ de compétences de l'OMC (l'organisation

mondiale du commerce). Aucune instance internationale n’est réellement prévue pour

trancher les différends du transport aérien. L'OACI, qui ne brille pas par son dynamisme sur

ce sujet, travaille sur la définition de règles concurrentielles équitables. Elle devrait présenter

sa copie lors de la prochaine assemblée générale de l'OACI en 2016. Mais eu égard à la

complexité du dossier, il est peu probable qu'elle y parvienne ; en tous cas pas de manière

231 MARTY Frédéric, Politiques d'attractivité des territoires et règles européennes de concurrence. Le cas des aides versées par les aéroports aux compagnies aériennes, Revue de l'OFCE, 2005/3 no 94, p. 97-125. 232 Idem.

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satisfaisante par rapport aux attentes des Européens. Il est donc urgent de régler la question

par le jeu de la négociation par le biais d'accords bilatéraux comme tente de le faire Bruxelles.

« Pour autant, vu la longueur des débats, mais aussi la puissance économique et diplomatique

des pays du Golfe qui ont toujours su mettre en balance les droits de trafic pour leurs

compagnies dans une négociation commerciale et diplomatique globale, l'essor des

compagnies du Golfe ne semble pas prêt de s'enrayer233 ». Suite à la vente du Rafale au Qatar,

la France s’est engagée à accorder des droits de trafic supplémentaires à Qatar Airways au

départ de certaines villes de province. Aux États-Unis, malgré l'intense lobbying des

compagnies américaines, Washington n'a toujours pas bougé non plus.

Les difficultés financières actuelles du vieux continent comme des États-Unis risquent

bien de se payer au prix fort. Celui d’une connectivité sous tutelle extérieure ou à minima extrêmement menacée. Les conséquences d’un défaut d’indépendance quant à

la connectivité d’un État lui fait courir de lourds risques pour son économie.

Si ce défaut d’indépendance venait à toucher un ou plusieurs continents majeurs, c’est un nouvel ordre mondial qui serait établi.

233 GLISZCZYNSKI Fabrice, Air France, Etihad, Emirates…, quel Yalta pour le transport aérien?, La Tribune, 20 mai 2015.

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3.4 Les atténuateurs envisageables (préconisations). « Le transport aérien reste encore, malgré la mondialisation de l’activité, le porte-drapeau

d’une nation, le vecteur de liaisons entre États souverains et l’expression du savoir-faire de

ses ressortissants. Aucun Etat qui veut tenir une place de premier rang dans le concert

mondial, ne peut voir disparaître ses compagnies aériennes sans tenter d’y remédier 234».

Cette introduction du Rapport LE ROUX démontre clairement que si les entreprises du

transport aérien doivent, quoi qu’il en soit, se réformer pour s’adapter aux mutations du

marché, leur seule puissance sera insuffisante face à des concurrents qui ne jouent pas sur le

même terrain.

3.4.1 Les Fraudes et optimisations fiscales.

3.4.1.1  Vérification  de  l’application  des  règles   En tout premier lieu, il convient au niveau de chaque État de renforcer les moyens de lutte

contre les fraudes vis-à-vis des règlements existants en prenant en compte les spécificités du

transport aérien (recours abusif au détachement de salariés, application des règles sociales et

fiscales…). Dans la plupart des pays européens, les services de répression des fraudes sont

centralisés. Pour exemple en France, la vérification de l’application des règles sociales est

confiée à l’OCLTI (l’Office Central de Lutte contre le Travail Illégal créé en 2005). « Cet

office central est composé d’une trentaine de personnes issues de la gendarmerie nationale (20

militaires) ainsi que des autres ministères impliqués dans cette action : police nationale

(plusieurs policiers dont un commissaire adjoint au chef d'Office), ministère du Travail

(inspecteur URSSAF), ministère de l'Économie et des Finances (inspecteurs Impôts et

Douanes), ministère des Transports (attaché des transports terrestres)235 ». Cet office central

de police judiciaire a pour domaine de compétence la lutte contre les infractions relatives au

travail illégal sous toutes ses formes et dans tous les secteurs d’activité.

• Afin que des effectifs puissent être affectés aux spécificités du transport aérien, une

cellule de coordination permanente des administrations chargées des différents

contrôles (Affaires sociales, Travail, Police, Gendarmerie, Fisc et Douanes) pourrait

être mise en place au sein de chaque autorité nationale du transport aérien (DGAC en

234 Bruno LE ROUX, 2014, op.cit. 235 Site internet de la Gendarmerie Nationale - Travail illégal (OCLTI).

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France, LBA en Allemagne, CAA au Royaume-Uni, ENAC en Italie…). Même si

toutes les compagnies fautives sont déjà sous le coup d’actions judiciaires, le

renforcement des organes de contrôle et de veille permanente nous semble

indispensable.

• Afin d’avoir une coordination européenne de ces contrôles, une cellule du même type

pourrait être rattachée à l’EASA sous l’autorité de l’Union Européenne.

• La plus grande vigilance doit être portée sur les subventions publiques. Il ne nous

semble pas tolérable que des États, ouvertement en lutte contre les paradis fiscaux,

laissent des collectivités territoriales ou des chambres de commerce (sous leur

autorité) opérer des versements à des sociétés-écrans habilement hébergées. À cette

fin, la transparence absolue sur les subventions publiques nous semble devoir être de

mise. Nous suggérons qu’une directive européenne impose la publication de toute

subvention de ces organismes, classées par secteur d’activité, sur un site centralisé et

accessible au public le plus large. Faute d’atteindre le consensus nécessaire à

l’adoption d’une telle directive, une obligation de publication sur un site dédié peut

être mise en place au niveau de chaque État volontaire.

3.4.1.2  Précision  de  certaines  règles  ou  élaboration  de  nouvelles  règles.   Les encadrements nationaux ou communautaires ne prennent pas suffisamment en compte les

nouvelles pratiques de certains acteurs, comme le recours aux « faux » indépendants. En

France, le code des transports reconnaît dans son article L.6521-1236 le statut du personnel

navigant travailleur indépendant, mais les obligations de ce dernier ne sont pas clairement

définies.

• Chaque État de l’Union pourrait se doter d’outils législatifs afin d’interdire le recours

au « faux » travailleurs indépendants. Des clauses de requalification du contrat

commercial en contrat de travail doivent être élaborées sur la base d’existence de liens

de subordination notamment. La DGAC française travaille déjà sur ce sujet237.

M.RUCAY, Chef de mission du droit du travail et des affaires sociales de la DGAC,

suggère de plutôt porter ce sujet au niveau communautaire, même si un projet est déjà

sur la table en France et est discuté au niveau interministériel. Ce statut doit être

précisément défini dans la réglementation européenne.

236 Code des transports - Article L6521-1 | Legifrance. 237 Entretien réalisé le 8 juin 2015 à Paris au siège de la DGAC avec M. Gérard RUCAY, Chef de mission du droit du travail et des affaires sociales de la Direction Générale de l’Aviation Civile.

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• Le concept de bases flottantes (les floating bases évoquées dans les cas de Ryanair ou

Norwegian) doit également être encadré. Le recours à ces montages, liés ou non à

l’emploi de « faux » indépendants participe à l’émergence de « pavillons de

complaisance » dans le transport aérien.

3.4.2 Mesures de portée internationales

3.4.2.1  Harmonisation  communautaire.  

De nombreuses taxes et diverses redevances portent sur le transport aérien. Selon les pays

européens, cette pression sur les compagnies est plus ou moins intense. Nous avons vu que

certaines législations fiscales ou sociales sont clairement calibrées et promues pour faire de

pays comme le Royaume-Uni, ou plus encore l’Irlande, de véritables aspirateurs à

implantation de sociétés. Cette distorsion importante de niveaux de charges incite certaines

entreprises comme Norwegian à essayer de profiter de véritables pavillons de complaisance.

Dans les années 1930, Franklin Roosevelt avait combattu le « tourisme fiscal » des entreprises

américaines quand celles-ci ne cessaient de changer d’état pour profiter des niveaux

d’imposition sur les bénéfices les plus bas. Il mit en place un impôt fédéral sur les bénéfices

des sociétés. Au niveau de construction européenne où nous en sommes, il serait utopique

d’espérer mettre en place une politique communautaire sociale ou fiscale unifiée. Néanmoins

la survie de certaines compagnies traditionnelles ne pourra se satisfaire très longtemps de tels

décalages.

• Faute d’être en capacité de lisser les niveaux de taxes en Europe, il revient à chaque

État d’alléger la pression sur les transporteurs les plus pénalisés. Nous sommes

pleinement conscients de la situation des finances publiques de la plupart des pays.

Néanmoins une intervention des États sera indispensable pour écarter certains

transporteurs de la situation de réel danger dans laquelle ils sont en train de s’installer.

Une réflexion sur la nature et le niveau des taxes de chaque État doit être déployée

d’urgence. En France par exemple, un prélèvement comme la Taxe de solidarité (aussi

appelée taxe Chirac) ne peut continuer à reposer sur le seul transport aérien. D’autres

taxes perdurent alors que leur objectif premier semble atteint. La taxe sur les nuisances

sonores aériennes (TNSA) a été créée pour financer l’isolation phonique des

habitations des riverains des aéroports. Elle aurait donc vocation à s’éteindre à mesure

de l’équipement des foyers. Or, faute de maitrise du développement urbain des zones

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concernées, le nombre d’ayants droit ne cesse d’augmenter alors que les dernières

implantations se font en toute connaissance de cause des nuisances.

• Selon les États les dépenses liées aux mesures de sûreté sont plus ou moins réparties

entre État et transporteurs. Bien qu’il s’agisse d’une mission éminemment régalienne,

certains pays, comme la France, font porter sur les seules épaules des transporteurs la

charge de cette mission (« dépenses liées aux mesures propres du transporteur, mais

également 100% des services et matériels mis en œuvre par les exploitants

d’aéroport238 »). Nous estimons qu’un rééquilibrage entre transporteurs et État serait

important tant en terme d’efficacité qu’en terme de compétitivité pour les

transporteurs.

• Certains présidents de groupes aériens réclament la mise en place d’un système de

charges sociales pour les navigants inspiré de l’exception des travailleurs mobiles du

transport maritime (statut européen du shipping). En France, La Loi n°2005-412 du 3

mai 2005, dite Loi RIF crée un Second Registre d’immatriculation des navires de

commerce exonéré de certaines charges sociales. Outre le fait que cette mesure éveille

l’inquiétude de représentants des salariés de l’aérien quant au nombre de destructions

d’emploi qu’a connu le secteur de la mer, cet allègement de cotisation nécessiterait de

trouver des sources de compensation afin de ne pas handicaper les organismes

sociaux. Nous estimons néanmoins que cette piste mérite d’être étudiée.

• Les taxes aéroportuaires comprennent l’alimentation de fonds de péréquation entre

plates-formes principales et secondaires. Nous estimons que cette péréquation doit être

repensée au regard notamment des aides marketing versées par certains aéroports

secondaires à des compagnies low cost. En effet, les plates-formes principales sont

généralement desservies par des compagnies traditionnelles ou même low cost dont

l’activité d’ingénierie financière ne repose pas sur des flux de subventions. Ces

dernières participent donc indirectement au financement de leurs concurrents.

• Alors que les compagnies aériennes sont en difficulté, les gestionnaires d’aéroports

affichent une santé qui semble inébranlable. Les tarifs de redevances aéroportuaires en

Europe sont unanimement jugés trop élevés. Un rééquilibrage de la chaine de valeur

du transport aérien nous semble nécessaire. La démarche commune des cinq patrons

de l’aérien Européen évoquée plus haut poursuit notamment cet objectif.

238 Rapport LE ROUX, 2014. P.39

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• Également réclamée par les Présidents de compagnie, la mise en place du ciel unique

dans le contrôle aérien permettrait de faire des économies significatives sur les routes

employées et donc sur la consommation de carburant.

• Les entreprises réclament également l’alignement des règlementations nationales en

terme de conditions d’emploi des salariés navigants sur la réglementation

communautaire FTL (Flight Time Limitation – Limitation de temps de vol). Si cette

solution peut permettre de limiter les distorsions de productivité, elle rencontre une

vive inquiétude chez les représentants des salariés. Nous estimons que sur les

problématiques de l’emploi et de ses conditions, la voie conventionnelle est préférable

en ce qu’elle est, a priori, potentiellement moins conflictuelle.

3.4.2.2  Gestion  de  la  concurrence.  

Nous avons vu dans le chapitre 3.3 que les stratégies de certaines compagnies (Golfe, Turkish

Airlines…) correspondent à des stratégies d’État. Les aides démesurées que reçoivent ces

transporteurs ne s’inscrivent pas dans le cadre d’une concurrence loyale.

• Toute nouvelle attribution de droit de trafic à ces compagnies devrait être conditionnée

« au respect de règles sociales et fiscales équivalentes à celles s’imposant aux

transporteurs européens239 ». La Commission européenne a ouvert une concertation

avec les pays du Golfe la transparence et la préservation d’une concurrence loyale

entre transporteurs. Les États devraient s’appuyer s’adosser à l’échéance de ce

dialogue avant d’autoriser toute nouvelle attribution de fréquences aux compagnies

visées.

• L’OACI doit présenter un projet de réglementation de la concurrence en 2016. En cas

d’insuccès de ces travaux, l’aviation civile devrait intégrer le champ de compétence de

l’OMC afin que cette dernière puisse trancher les différends.

3.4.3 Restructuration et champ conventionnel. Le transport maritime a été très lourdement frappé par la concurrence de nations dont les

niveaux de protection sociale sont extrêmement bas et parfois inexistants. Les pavillons de

complaisance se sont multipliés afin de profiter des implantations les moins distantes

socialement et fiscalement. Les ripostes des États plus sociaux, trop tardives et souvent mal

calibrées, ont laissé filer des pans entiers de cette industrie. Des quotas de nationalité ont été

239 LE ROUX, 2014.

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introduits pour les gens de mer embarqués sur les navires battant pavillon d’un pays membre

de l’Union européenne. Mais ce système de quota, trop tardif, n’a pu encadrer que les

officiers. Le personnel d’exécution, particulièrement pour le transport de marchandises est

aujourd’hui quasi exclusivement constitué de matelots non ressortissants de l’Union. Les

emplois européens, à ce niveau, avec des salaires et conditions d’emploi non concurrentiels,

ont été purement et simplement détruits. Afin de tenter de pallier cette dégradation générale

des conditions d’emploi, la communauté internationale s’est mobilisée pour mettre en place la

première expérience de régulation internationale de branche de la dimension sociale de la

mondialisation au travers de la Convention Internationale du Travail Maritime. Cette

convention de l’OIT est entrée en vigueur en France le 28 février 2014 suite à un travail de

plus d’une décennie.

• Un tel encadrement conventionnel pour le transport aérien nous semble souhaitable.

Néanmoins, les délais nécessaires pour une négociation de cette ampleur ne nous

semblent pas compatibles avec l’urgence de la situation du transport aérien. De plus

une convention internationale se doit de prendre en compte les réalités de toutes les

compagnies du monde. Le niveau de protection d’un tel texte ne serait donc pas

suffisant pour gommer les effets du dumping social actuel. Ce texte pourrait tout de

même limiter les prétentions de certains entrepreneurs dont l’imagination en matière

de moins-disant social paraît sans bornes.

• Afin de donner du sens à cette démarche, elle devrait être assortie de différentes strates

de protection conventionnelles régionales et nationales. En France, une convention

collective nationale des PNT est en cours de négociation. Du côté PNC, les syndicats

salariés sont partisans d’un texte du même niveau et les syndicats patronaux (FNAM

et SCARA) n’y semblent pas opposés. Nous avons questionné M.RUCAY sur la

pertinence et les chances de réussites de ces démarches devant mener à des

Conventions collectives nationales PNT et PNC. Il reconnaît que sur certains thèmes il

y a un intérêt pour les deux parties (profession240 et salariés) et de telles conventions

peuvent constituer un socle social qui aurait valeur de filet de sécurité. Mais vu le

climat général, vu la situation des compagnies, vu l’effet de la grève PNT de

240 Profession au sens de l’ensemble des entreprises de la profession.

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septembre 2014, il pense que la profession va avoir du mal à avoir des vrais mandats

de négociation. « L’exercice serait donc compliqué, mais intéressant241 ».

• C’est également sur des bases conventionnelles que les restructurations des

compagnies traditionnelles doivent s’opérer. Ces dernières doivent rechercher de

nouveaux équilibres avec les représentants des salariés pour restaurer leur

compétitivité. Les efforts demandés par les compagnies sont importants, ils ne

pourront éventuellement être acceptés que s’ils sont porteurs de fruits.

Or l’efficacité de ces efforts est conditionnée à la prise en main effective par les États des

problématiques de distorsion de concurrence. Salariés comme entreprises ont besoin de signes forts pour s’engager dans le nouvel environnement du transport aérien mondial.

En France, les derniers signaux envoyés par l’État ne sont pas rassurants. Certaines ouvertures

de lignes seraient consenties à Qatar Airways en marge du contrat commercial des Rafales

vendus à l’État qatari. Les derniers arbitrages du gouvernement qui vont permettre de

nouvelles augmentations de redevances aéroportuaires ont amené M. Laurent MAGNIN,

Président de XL Airways France à sortir de ses gonds. « Tout le monde s'en fout ! L'État

français vient de signifier aux 100 000 salariés des compagnies aériennes françaises qu'ils

n'existaient pas, qu'il était inutile de faire des efforts de productivité qui tomberaient dans le

budget de l'état. Nous sommes la vache à lait dans ce pays. 80% des compagnies aériennes

dans le monde sont soutenues d'une manière directe ou indirecte par leur gouvernement parce

que l'outil aérien est un outil essentiel au développement économique. Le gouvernement a

prouvé avec cette décision qu'il se "foutait" de la situation et du sort des compagnies aériennes

françaises ! Les enfants de ce pays ne travailleront pas dans des compagnies aériennes

françaises ! Il n'y aura pas de pavillon français dans les 10 ans à venir !242 »

Cette tension extrême que nous sentons dans les propos de M. MAGNIN symbolise

l’inquiétude de tous les acteurs qui se débattent dans un monde de l’aérien en pleine mutation.

Les éléments concourants à cette mutation sont multiples, multiformes et proviennent de

diverses origines (économiques, technologiques, politiques, sociales, légales, culturelles,

241 Entretien réalisé le 8 juin 2015 à Paris au siège de la DGAC avec M. Gérard RUCAY, Chef de mission du droit du travail et des affaires sociales de la Direction Générale de l’Aviation Civile. 242 Déclaration de Laurent MAGNIN, Augmentation des redevances ADP, FRANCE INFO le 3 août 2015

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géographiques...). La complexité des interactions de ces éléments augmente la part aléatoire

de l’efficacité des trajectoires d’adaptations. Ce n’est que par leur conjonction que les

préconisations présentées dans ce chapitre pourraient participer à éviter casse sociale et

faillites de sociétés.

L’issue de cette nécessaire métamorphose est incertaine. Toutes les chrysalides ne

s’ouvriront sans doute pas sur un nouveau papillon prêt à voler sous ses propres couleurs.

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CONCLUSION

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L’équilibre d’un marché repose sur la dualité demande et offre. L’innovation de l’offre

contribue à modifier le comportement du consommateur. La modification de la structure de la

demande implique nécessairement une adaptation de l’offre. Les fluctuations de l’offre et de

la demande sont naturelles. Il est donc logique qu’en permanence, les entreprises doivent

maintenir cet équilibre dynamique. Lorsque l’amplitude de cette fluctuation se fait soudaine et

importante, il faut reconsidérer la situation. Il peut s’agir d’une crise si un retour à la situation

ante se profile ou envisager une réelle mutation en cas de changement de paradigme. Le Pôle

Interministériel des Mutations Economiques définit une mutation comme étant « une inflexion

nette ou progressive des tendances en cours, en tout état de cause un changement structurel

important, irréversible à court terme, qui affecte une majorité d’acteurs, qu’aucun agent

économique ne pourra arrêter et auquel tous devront s’adapter243 ».

Le losange de la consommation, où les biens et services de milieux de gamme étaient

plébiscités, a muté en une structure en sablier qui fait la part belle aux deux segments

extrêmes du marché (figure 1. Page 5). Nous avons constaté que cette transformation de la

structure individuelle de la consommation touchait l’ensemble des secteurs marchands. Cette

bipolarisation quasi globale de la demande exige une refondation de l’offre. Jeremy RIFKIN,

économiste américain, spécialiste de la prospective, considère qu’une 3ème révolution

industrielle est en marche. Selon lui « Nous sommes actuellement à l'aube d'un nouveau

paradigme économique 244 ». Certains bonds technologiques modifient en profondeur le

comportement des consommateurs. Si les solutions qu’il propose sont abondamment

critiquées par des économistes, des historiens, des socioanthropologues, il n’en reste pas

moins que son constat de départ se vérifie dans tous les secteurs. La mutation de l’économie mondiale est en marche et il s’agit d’une mutation d’une ampleur rare.

Nous avons vu que l’adaptation de la plupart des entreprises dans presque tous les secteurs est

en marche. Elle est plus ou moins douloureuse selon les cas. Ici et là, des entreprises peuvent

chuter. Ici et là, de nouveaux opérateurs prennent place. Le transport aérien semble quant à lui cloué au sol.

243 COUTURE Roland, 2011, op.cit. 244 HUSSON Laure-Emmanuelle Jeremy, Rifkin: Le capitalisme va devoir vivre avec l’économie collaborative, Challenges. Le 20 juillet 2015.

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Toutes les orientations stratégiques ne sont pas encore arrêtées par les compagnies

traditionnelles. Cette incertitude est l’une des difficultés que nous avons rencontrées au cours

de notre recherche. La tension sociale est forte chez Air France comme chez Lufthansa.

Toutes les options finales restent ouvertes. Les compagnies continuent à afficher un travail sur

des « plans B » d’attrition de leur programme, voire de leurs réseaux, au cas où un minimum

de consensus social ne pourrait être atteint. Ce consensus est d’autant plus difficile à atteindre

dans la mesure où toute l’ingéniosité des stratégies d’adaptation des compagnies

traditionnelles semble vaine ou pour le moins inefficace. Les solutions envisagées sur le

papier semblent pourtant pertinentes face à la mutation de la demande. Face aux autres

compagnies traditionnelles, face à l’essor des compagnies asiatiques, face à l’émergence des

compagnies low cost comme Southwest, JetBlue ou EasyJet, techniquement, les ripostes

semblent cohérentes et porteuses d’espoir.

Nous avons fait le constat que deux types d’agents perturbateurs viennent mettre en échec les

efforts de transformation du modèle des compagnies majors. Ces deux agents prennent l’habit

du transport aérien pour servir d’autres fins. La rentabilité des entreprises porteuses de ces

intrusions dans le transport aérien ne repose justement pas sur le transport de passagers ou de

fret par avion. (Quand elles sont rentables ! Ce n’est pour l’instant le cas que de Ryanair et

d’Emirates dans une moindre mesure).

D’une part, la perturbation tient à la finalité d’ingénierie financière d’acteurs comme Ryanair.

Souvent à la frontière entre optimisation fiscale et fraude avérée, le métier de ces acteurs n’est

pas de vendre des billets d’avion à des passagers. Ils vendent des passagers à des collectivités

territoriales et en tire des subventions. Ils vendent des avions qu’ils ont pu acheter dans des

conditions inédites, là aussi épaulés par des subventions importantes. Le véritable métier de

ces acteurs est de faire fructifier les sommes acquises par le biais des subventions. Les circuits

d’optimisation de ces fonds sont extrêmement sophistiqués et en mouvement constant. Les

solutions face à cet intrus sont connues, mais difficiles à mettre en place tant il faut les adapter

en permanence aux montages financiers dont la géométrie varie régulièrement.

L’inachèvement de la construction européenne participe à cette difficulté du fait du défaut

d’harmonisation sociale et fiscale entre les États membres. Néanmoins l’espoir de juguler cet

agent perturbateur semble atteignable. La prise de conscience de ce jeu déloyal est maintenant

générale. De jour en jour des nouvelles barrières sont posées par les États, l’Union

européenne, les instances internationales, pour endiguer cette démarche éminemment anti

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concurrentielle. Nous constatons que l’attribution de subventions des collectivités territoriales

constitue une ressource de plus en plus incertaine pour ces compagnies. Les lignes directives

des États encadrent mieux ces subventionnements. La lutte contre les fraudes se fait plus

incisive. Notre recherche semble nous indiquer que Ryanair tendrait à rejoindre la voie de

« l’hybridation » suivie par EasyJet. Contraints à une rentabilité découlant de sa seule

excellence dans le transport aérien, la montée en gamme, la desserte des aéroports principaux

et le respect des clients seraient ses nouvelles priorités. Mais, la capacité de contournement

de Ryanair étant importante, il ne serait pas étonnant que ses légions de juristes nous

démontrent rapidement le contraire. Un autre élément nous amène à pondérer notre espoir de

voir ces pratiques financières reléguées au rang de souvenirs. Même si des voix s’élèvent

contre les politiques d’achat d’avions subventionnés (décrites au paragraphe 2.2.1.3.9),

jusqu’ici le système imaginé par Ryanair continue de se développer. Sans cesse, de nouvelles

compagnies s’adonnent à des montages similaires. Chez Airbus comme chez Boeing, les

commandes records d’avions, succèdent aux commandes records.

La seconde perturbation est le fait d’incursions de stratégies d’États dans l’industrie. Certaines

compagnies, comme celles des pays du Golfe ou de la Turquie, reçoivent un soutien étatique

phénoménal sous forme de subventions démesurées et d’investissements en infrastructures.

Ces aides sont si impressionnantes qu’il est difficile d’imaginer un possible retour sur

investissement par le produit du seul transport aérien. Avec 42 milliards de dollars d’aides sur

dix ans, une compagnie comme Air France rembourserait ses dettes dès la première année.

Ensuite, sans encaisser un seul dollar par le fruit de son activité, elle pourrait dégager 4

milliards de dollars de bénéfices sur chacune des neuf années suivantes.

Jacques ATTALI distingue dans l’Ordre marchand, un cœur, un centre et un extérieur245. Il

explique comment le marché mondialisé donnera (est en train de donner) naissance à un

nouvel Ordre marchand polycentrique. Selon lui, l’un des moyens de déporter un centre

d’économie est de maitriser les routes de navigation commerciale. De nombreux observateurs,

comme Bruno LE ROUX, estiment que les soutiens d’État aux compagnies aériennes comme

Qatar, Etihad, Emirates ou encore Turkish Airlines ont pour objectif de faire de leur pays

« des centres du monde ». L’enjeu majeur en la matière porte sur la connectivité des États

plus que sur la rentabilité de ces compagnies, qui serait d’une importance secondaire.

245 ATTALI Jacques, Une brève histoire de l’avenir, éditions Fayard, Paris, 2006.

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Un État qui héberge un hub aérien majeur, raccordé à de multiples destinations de par le

monde, décuple son attractivité. Il attire l’implantation de sièges à minima régionaux

d’entreprises. De nouvelles sociétés s’implantent sur son sol. Il attire également des congrès

internationaux, des foires professionnelles, de simples touristes et sans doute des évènements

sportifs de premier rang, comme la coupe du monde de football par exemple. Ces objectifs

dépassent de loin le champ du transport aérien. Cette nouvelle donne génère de fortes

distorsions concurrentielles pour le reste de l’industrie pour qui le terrain de jeux équitable

(level playing field) devient illusoire.

Plus que de simples interventions d’États, nous sommes face à de véritables stratégies de

guerre économique. L’avenir du transport aérien européen passe par une prise en compte de

cette réalité. Si les transformations internes des compagnies restent indispensables pour

répondre aux attentes des consommateurs, les États européens et la communauté

internationale auront, en retour, un rôle à jouer pour assurer la pérennité des compagnies

aériennes européennes et de leurs emplois.

Ce constat met en évidence une porosité nouvelle entre secteurs marchands et non marchands.

Cette porosité est à double sens. Si des États s’intéressent ou s’immiscent dans l’économie

des entreprises, la mutation de l’économie fait porter ses effets sur les secteurs non

marchands, jusque dans les missions régaliennes des États, comme la défense.

L’économie emprunte depuis des décennies un vocabulaire guerrier (« conquêtes de parts de

marché », « stratégie d’entreprise », « front concurrentiel », « guerre économique »…).

Comme par un juste retour des choses, le concept de guerre low cost vient s’opposer à un

schéma high cost de guerres ultra technologiques. « Cette notion de gamme de guerres met en

exergue des facteurs d’adaptation qui dépassent largement l’approche économique pour

aborder le problème du temps. Gamme de la guerre et valeur militaire impliquent une guerre

des coûts246 ». Olivier KEMPF, Maître de conférence à Sciences-Po Paris, envisage la guerre

comme un marché où s’échange de la « force volontaire ». Le produit est la force et le

marketing, la volonté 247 . Il explique comment les armées d’aujourd’hui opposent « la

technologie et une ressource humaine rare et formée à leurs adversaires low cost qui utilisent

246 DOSSE Stéphane, Les guerres low-cost, éditions L’esprit du livre, Paris, 2010. 247 KEMPF Olivier, Gammes de la guerre et valeur militaire, éditons L’esprit du livre, Paris, 2010, les guerres low-cost, P.22-33.

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peu de technologie (même si on recycle activement les technologies accessibles) et beaucoup

de ressources humaines de faible qualité. Comme nous avons pu le voir dans des secteurs

comme le transport aérien ou la grande distribution, les armées ont recours à une forme de

stratégie de dédoublement. En ayant recours à des supplétifs locaux, elles abaissent leurs

coûts en délocalisant leur production. « Pareillement, une force spéciale n’est pas une force

bas de gamme, mais elle cherche à trouver les avantages de la guerre bas de gamme : furtivité,

souplesse, mobilité, ciblage individuel248, … ». Certains États, Royaume-Uni ou États-Unis,

n’hésitent pas à confier certaines missions de combat à des sociétés militaires privées (SPM).

Ces organismes civils privés se retrouvent impliqués, au travers de leurs contractants, dans

des opérations ou des appuis militaires et participent de fait à une forme de privatisation de la

défense. Le scandale Blackwater de 2007 en Irak (rebaptisée Xe, il s’agit d’une de ces SPM

les plus importantes avec Dyncorp) a mis en lumière de nombreuses zones d’ombre liées au

statut légal, à la gestion et au contrôle des forces militaires sous contrat privé. De nombreux

comportements inacceptables sur le champ de bataille ont été dénoncés pour ces sociétés

privées depuis 2003.

Le jusqu’au-boutisme économique dans certains secteurs, à priori non marchand, interroge.

Quelle est la responsabilité d’un État qui externalise ses missions régaliennes ?

Nous estimons qu’il serait particulièrement intéressant de cibler une nouvelle recherche sur

l’économie de la défense et les conséquences de sa privatisation partielle.

248 idem

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INDEX ALPHABÉTIQUE

Acteurs du transport aérien ……………………………..…………………………………………….81 Accords bilatéraux………….………………………………………………………………………….58 Adaptation des compagnies majors….……………………………………………………………….131 Adaptation des compagnies low cost……………………………………………...………………….135 Air France …………………………………………………………………………………………..…54 ALDI……………….……………....………………………………………………………..…………19 Alliances stratégiques …....……………………………………………………………..……………..76 Automobile…………………...……………………………………………..…………………………34Ameublement………………………………………………………………………..…………………37 Blanc, brun, gris ………….…………….…………………………………………..…………………40 Cartographie des acteurs du transport aérien …………………………………………...Annexe 3 : 207 Cartographies des transporteurs aériens dans le monde…………………………………Annexe 5 : 209 Cartographie des transporteurs aérien en Europe…………………………………..……Annexe 6 : 210 Coiffure……………………….………………………………………………………..…………….. 45 Commerce en ligne ………………………………………………………………..…………………..42 Communauté internationale ………………………………………………………………………….164 Compagnies du Golfe………………………………………………………………..…………...…..109 Contrat pilote Norwegian Air International…………………………………………...…Annexe 9 : 213 Coopération/coopétition………………………………………………………………………………..75 Défnition du low cost ……………………………………………………………………….………….7 Dérèglementation européenne ……………………………………………….……..…………………72 Dérégulation américaine ……………………….…………………………………..………………….69 Désintermédiation………………………………………………………………………………...……42 EasyJet……………………………………………...…………………………………………………90 Enquête sur la perception des salariés de l’aérien ……………………..………………..…………..146 État et collectivités territoriales…………………………………………………………...………….157 Evolution du cadre réglementaire du transport aérien………………………………..….Annexe 4 : 208 Force de PORTER ………………………………………………………………..…………………122 Fusion acquisition……………………………………………………………………………….……..78 Guerre économique ………………………………………………………………………………….160 Hard discount alimentaire précurseur du modèle low cost ………………………...…….…...………19 Historique du transport aérien…………………………………...……………………………………..53 Industrie stratégique…………………...………………………………………………………………53 Joint Venture…………………………………………………..………………………………………78 Lenovo………..…………………………………………………………………………………….…41 Libertés de l’air……………………………………………………………………..……Annexe 1 : 205 Liens avec un État…………………………………………………………………..……….……..42/11 Low cost Long Courrier………………………………………..…………………………………….106 Low cost dans les services ………………………………………….…………………………………42 Marketing………………………………………………………………………………………….36/97 Modèle hybride……………………………………………………………...…………………….44/137 Montée en gamme …………………………………………………..………………………………..132 Offre de complémentarité, d’induction et de substitution…………….………………………………25 Optimisation fiscale ……………………………………………………...…….…………………..38/99 Organigramme du SGACC…………………………………………………………....... Annexe 2 : 206 Organisation internationale du transport aérien.…………...…………………………………..………55 Organisation nationale du transport aérien……………………………...……………………………..63

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Partage de code……….……………………………………………………………………………….78 Partenariats……………………………………………………………………………………………134 Perception des salariés des compagnies low cost………………………………………………….....155 PESTEL …………………………………………………………………………..……………...…..117 Politique d’achat d’avions…………………………………………………………………………....101 Préconisations…………………………………………………………..…………………………….167 Problématique………………………………………………………………………………………….10 Publicité Ryanair sur son site officiel …………………………………………...………Annexe 8 : 212 Questionnaire sur la perception des salariés………….…………………………..……Annexe 10 : 214 Questions de recherche……………..……………………………………………………..………..…10 Réduction des coûts ……………………...………………………………………………………….134 Relations sociales…………………………………………………………………………………….112 Réponse à la question de recherche 1…….…………………..………………………………………131 Réponses à la question de recherche 2 ……………………...……………………..…………………135 Réponse à la question de recherche 3 …………………...…………………………..……………….115 Réponse à la question de recherche 4 ………………………...………………..…………………….154 Réponse à la question de recherche 5………………….…………………..………………...……….103 Réponse à la question de recherche 6……………………………..………………………..………...167 Ripostes stratégiques :

Contestation……………………………….…………………………………………………..41 Dédoublement / mimétisme tarifaire/ localisation et taille………...…………………………26 Evitement par la différenciation……………………………….………………………………27

Ryanair ………………………………………………………………………………………………..92 Southwest………………………………………………………..…………………………………….87 Stratégies des compagnies majors……………………………………..……………………………..131 Structure de la consommation individuelle………………..……………………………………………7 Structure de coûts/ Valeur ajoutée fractionnée………………….………………………. Annexe 7 : 211 Subventions compagnies du Golfe………………………………….…………………………....…..112 Subventions Ryanair…………………………………………………….....…………………..…….100 Supports publicitaires Ryanair…………………..…………………………………..Annexe 8 bis : 212 SWOT des compagnies traditionnelles ……………………………………………….……………...125 Syndicats représentatifs des salariés…………………....…………………………….……....………151 Transporteur à bas coût…………………..……………………………………………………………81 Union Européenne ………………………..………………………………………………………….162

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PERSONNES AUDITIONNÉES ET

CONTRIBUTEURS EXTERNES.

Ce mémoire s’est nourri d’entretiens avec des spécialistes du mode de l’aérien. Leurs remarques, conseils et observations ont été pris en compte, mais ce mémoire n’engage pas les personnes consultées.

M. BOUVET Geoffroy, Président de l’APNA (Association des Professionnels Navigants de l’Aviation), Commandant de Bord Air France, Roissy, le 21 juillet 2015. Les relations sociales à Air France, la vision des PNT. L’ingénierie financière de Raynair. M. CUNNAC Eric, Délégué Syndical PNC à EasyJet, Roissy, le 22 avril 2015. Stratégie d’adaptation d’EasyJet, la vision des représentants du personnel. Mme DETTLING-OTT Regula, Vice présidente de Lufthansa aux relation UE, Paris, le 4 mai 2015. Perception de Lufthansa de la concurrence internationale. M. DICKO Hamassala David, Directeur corporate strategy & innovation à Air France-KLM, Roissy, le 15 avril 2015. Comment se construit une stratégie de riposte. M. GERVAIS Philippe, Directeur associé à Sécafi (société d’expertise comptable, diagnostic et stratégie d’emploi chargée de plusieurs audits et rapports du CCE d’Air France, du CE d’AirMed, du CE d’EasyJet…, Paris, le 22 juillet 2015. Prospective du transport aérien. M. LE ROUX Bruno, député de Seine-Saint-Denis. Président du groupe SRC à l’Assemblée Nationale, Rédacteur du Rapport sur la Compétitivité du Transport aérien Français, Paris, le 22 juin 2015. La prise de conscience des représentants de l’État. M. LUDVIGSEN Keld, Trafikstyrelsen Danish Transport Authority (Autorité du Transport Danois) Directeur Général Adjoint, Paris, le 4 mai 2015. L’harmonisation européenne. Mme OULAITOH Laetitia, Cabin Manager EasyJet, Roissy, le 15 juin 2015. Les relations de travail à EasyJet et leur évolution. PERKINS Stephen, Chef économiste de l’International Transport Forum (OCDE), Paris, le 4 mai 2015. Subventions et aides d’État. M. RUCAY Gérard, Chef de mission du droit du travail et des affaires sociales de la Direction Générale de l’Aviation Civile, Paris, le 8 juin 2015. Évolution des règlementations française et européenne.

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LE  MONDE   AFP,http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/08/16/enquete-sur-ryanair-apres-des-atterrissages-d-urgence_1746463_3234.html. Consulté le 30 juillet 2015. AFP et Reuters, http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/10/28/ryanair-condamne-a-200-000-euros-d-amende-en-appel-pour-travail-dissimule_4513827_3234.html. Consulté le 30 juillet 2015.

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200

LES  ÉCHOS   BARROUX David, http://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/02180589185-au-secours-le-low-cost-marque-des-points-1121226.php Consulté le 26 mai 2015. ERRARD Jean-Denis, http://www.lesechos.fr/enjeux/les-plus-denjeux/enjeux-et-je/02196014859-finances-personnelles-ces-banques-en-ligne-qui-soignent-votre-epargne-1124915.php Consulté le 4 juin 2015. FEUERSTEIN Ingrid, http://www.lesechos.fr/journal20150521/lec2_industrie_et_services/02179629183-une-strategie-enviee-mais-jamais-copiee-1121322.php Consulté le 26 mai 2015. PRAQUIN Antoine, http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-136396-air-france-adp-la-vision-court-termiste-du-gouvernement-1141520.php#Xtor=AD-6000. Consulté le 3 août 2015. TREVIDIC Bruno, http://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/021182007419-air-france-et-klm-vont-tailler-dans-leur-offre-cet-hiver-1133915.php Consulté le 3 juillet 2015. TREVIDIC Bruno, http://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/0204276142033-air-france-part-a-la-reconquete-de-son-marche-interieur-sous-la-marque-hop-1107938.php. , Consulté le 13 avril 2015.

L’EXPANSION   LEVEQUE Emilie, http://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/theo-albrecht-le-pere-du-hard-discount-est-mort_1367597.html SCEMMA Corinne, et MILCENT Blandine, http://lexpansion.lexpress.fr/entreprises/pourquoi-le-hard-discount-est-a-bout-de-souffle_1404530.html Consulté le 30 mai 2015.

L’EXPRESS  L’ENTREPRISE   SALENTEY Patricia, http://lentreprise.lexpress.fr/creation-entreprise/idees-business/tendance-low-cost-le-salon-de-coiffure-express-dans-les-lieux-publics_1519783.html Consulté le 26 juin 2015.

NOUVEL  OBS   http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1385547-ryanair-un-maitre-du-temps-pret-a-tout-pour-ecraser-ses-concurrents.html Consulté le 23 juin 2015.

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201

PERSEE   ETUDES ET CONJONCTURE, http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/estat_1149-3720_1950_num_5_3_8515

REUTERS   http://fr.reuters.com/article/idFRL8N0ZJ28220150703 Consulté le 30 juillet 2015.

TOURMAG   CHOLEZ Laury-Anne, http://www.tourmag.com/Aerien-pourquoi-Vueling-n-est-plus-une-low-cost_a74185.html.

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202

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203

ANNEXES

Annexe 1 : Les 9 libertés de l’air. ...................................................................................... 205  

Annexe 2 : Organigramme du SGACC (1946) .................................................................. 206  

Annexe 3 : Cartographie des acteurs 1. .............................................................................. 207  

Annexe 4 : Évolution du cadre règlementaire .................................................................... 208

Annexe 5 : Cartographie des acteurs 2 (compagnies mondiales) ………………………. 209

Annexe 6 : Cartographie des acteurs 3 (compagnies Européennes) .................................. 210  

Annexe 7 : Structure de coûts/ Valeur ajoutée fractionnée ................................................ 211  

Annexe 8 : Publicité Ryanair sur son site officiel. ............................................................. 212  

Annexe 8bis : support de revenus publicitaires .................................................................. 212  

Annexe 9. Contrat pilote Norwegian Air International. .................................................... 213  

Annexe 10. Enquête perception des salariés ..................................................................... 214  

Annexe 11. Entretien avec M. Hamassala David DICKO, directeur corporate strategy et

innovation d’Air France. .................................................................................................... 217  

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204

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205

Annexe 1 : Les 9 libertés de l’air.

Source : OACI

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206

Annexe 2 : Organigramme du SGACC (1946)

DIRECTION GENERALE ET SERVICES RATTACHES

GUIDE DES ARCHIVES DE LA DGAC - page 11 -

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207

Annexe 3 : Cartographie des acteurs 1.

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208

Annexe 4 : Évolution du cadre règlementaire

Source : DRAST 2006

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209

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210

Annexe 6 : Cartographie des acteurs 3 (compagnies Européennes)

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211

Annexe 7 : Structure de coûts/ Valeur ajoutée fractionnée

Source : DIC

KO

, 2014

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212

Annexe 8 : Publicité Ryanair sur son site officiel.

Annexe 8bis : support de revenus publicitaires

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Annexe 9. Contrat pilote Norwegian Air International.

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214

Annexe 10. Enquête perception des salariés

Le modèle low cost dans le transport aérienDans le cadre d'une recherche de Master2 à Science Po Aix, ce questionnaire vise à appréhender la

perception des salariés du transport aérien face aux mutations économiques du secteur.

Notre étude porte particulièrement sur l'émergence du modèle low cost, son avenir et les conséquencesqu'implique son développement pour l'ensemble de l'industrie.

Mieux vous connaître

Quelques éléments statistiques sont nécessaires pour étudier votre perception.

* T1: Genre

Veuillez sélectionner SEULEMENT UNE réponseFemmeHomme

* T3: Quel est votre âge ?

Veuillez sélectionner SEULEMENT UNE réponse18 à 30 ans31 à 40 ans40 à 50 ans51 ans et plus

* T2: A quelle catégorie de Personnel appartenez vous ?

Veuillez sélectionner SEULEMENT UNE réponsePersonnel au SolPersonnel Navigant Commercialpersonnel Navigant Technique

* T4: Situation de famille

Veuillez sélectionner SEULEMENT UNE réponseCélibataireCélibataire avec enfant(s)En coupleEn couple avec enfant(s)

www.mon-enquete-enligne.fr http://www.mon-enquete-enligne.fr/admin/admin.php?action...

1 sur 4 26/03/2015 11:12

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* T5: Dans quelle Compagnie travaillez-vous ?

Veuillez sélectionner SEULEMENT UNE réponseAir CorsicaAir FranceCorsairEasyJetHop!Transaviaautre

Votre perception

Ce qui nous intéresse ici est votre sentiment personnel sur les questions suivantes.

* Q1: Sur une échelle de 1 à 5 quelle est votre confiance dans l'avenir de votre entreprise ? (1 correspondant àune forte inquiétude et 5 à une confiance forte)

Choisissez la réponse appropriée pour chaque élément :

avenir de l'entreprise 1 2 3 4 5

* Q2: Sur une échelle de 1 à 5 quelle est votre confiance dans l'avenir de votre emploi ? (1 correspondant àune forte inquiétude et 5 à une confiance forte)

Choisissez la réponse appropriée pour chaque élément :

avenir de votre emploi 1 2 3 4 5

* Q3: Sur une échelle de 1 à 5 quelle est votre confiance dans l'avenir de vos conditions d'emploi ? (1correspondant à une forte inquiétude et 5 à une confiance forte)

Choisissez la réponse appropriée pour chaque élément :

avenir de vos conditions d'emploi 1 2 3 4 5

* Q4: Pensez-vous que l'offre low cost dans le transport aérien Moyen et Court Courrier est plutôt :

Veuillez sélectionner SEULEMENT UNE réponseUn choix de stratégie d'entreprise visant à optimiser sa rentabilitéUn choix des investisseurs visant à optimiser des dividendesUne réalité de l'évolution du marché (le choix des clients)

Q5: Pensez-vous que le modèle low cost pourrait s'implanter dans le segment Long Courrier ?

Veuillez sélectionner SEULEMENT UNE réponseOuiNon

Q6: Pensez-vous que pour votre entreprise ou votre groupe, une offre low cost est :

Veuillez sélectionner SEULEMENT UNE réponseinutile voire contre-productiveune opportunité de développementnécessaire à sa survie

www.mon-enquete-enligne.fr http://www.mon-enquete-enligne.fr/admin/admin.php?action...

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Q7: Pensez-vous que pour votre emploi et ses conditions, une offre low cost dans votre entreprise ou votregroupe représente plutôt :

Veuillez sélectionner SEULEMENT UNE réponseune opportunité de sécurisation ou de développementun danger ou une fragilisationaucun impact

Q9: Pensez-vous, que l'encadrement légal ou conventionnel de votre métier est suffisant pour sécuriser votreemploi ?

Veuillez sélectionner SEULEMENT UNE réponseOuiNon

Q8: Selon vous, quels encadrements sont nécessaires à la sécurisation de votre emploi et de votre entreprise.Merci de les classer dans l'ordre qui vous parait le plus important pour la sécurisation de votre emploi.(cliquer sur le plus protecteur pour le classer au rang 1, et ainsi de suite)

Numérotez chaque case dans l'ordre de vos préférences de 1 à 5 Texte légal communautaire (règlement Européen)

Une Convention internationale du travail(aujourd'hui n'existe que pour le maritime)

Texte légal national (code des transports ex code de l'aviation civile)

Convention collective nationale (PS/PNT en construction/PNC en réflexion)

Convention ou Accord collectifs d'entreprise ou d'établissement

Q10: Selon vous, quels encadrements sont nécessaires à la sécurisation de vos conditions d'emploi. Merci deles classer dans l'ordre qui vous parait le plus important pour la sécurisation de votre emploi. (cliquer sur leplus protecteur pour le classer au rang 1, et ainsi de suite)

Numérotez chaque case dans l'ordre de vos préférences de 1 à 5 Texte légal communautaire (règlement Européen)

Texte légal national (code des transports ex code de l'aviation civile)

Conventions ou Accords collectifs d'entreprise ou d'établissement

Convention internationale du travail (n'existe à ce jour que pour le maritime)

Convention collective nationale (PS/PNT en cours/PNC en réflexion)

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Les résultats de ce questionnaire seront intégrés à notre mémoire. A l'issue de sa soutenanceet en fonction des autorisations (IEP, ISIS, Université d'Aix Marseille...) Ce travail seraconsultable en ligne.

Votre participation étant indispensable à cette recherche, un lien vers le site de publication decette recherche vous sera communiqué si vous le souhaitez.

C: Merci de nous communiquer le mail sur lequel vous souhaitez être prévenu de la mise en ligne de notremémoire.

Écrivez votre réponse ici :

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3 sur 4 26/03/2015 11:12

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Annexe 11. Entretien avec M. Hamassala David DICKO, directeur corporate strategy et innovation d’Air France. Entretien réalisé le15 avril 2015 au siège d’Air France – KLM à Roissy Comment bâtir une stratégie d’adaptation cohérente ?

M. DICKO : « Il ne s’agit pas réellement de faire un SWOT. Dans un premier temps, nous

interviewons tous les secteurs opérationnels pour identifier nos forces et nos faiblesses et

mieux comprendre quelles sont les options réalisables. Puis il y a un énorme pan sur les

prospectives, sur les tendances du marché à 5 ans, à dix ans. Et comme ce travail est fait

régulièrement, on peut vérifier la fiabilité de nos prévisions au fil du temps. Et globalement ça

marche assez bien. On définit donc une vision sur la stratégie du groupe avec différentes

options stratégiques que l’on recommande au comité exécutif dont la décision est souveraine.

Ensuite, ça suit sa route dans un road map (plan de route), un plan d’implémentation qui

découle des choix retenus. Perform 2020 (le projet de restructuration d’Air France) par

exemple, c’est réduire les coûts de façon intelligente, endroit par endroit pour générer la

croissance. C’est notamment générer de la croissance sur la maintenance et investir sur le

Long courrier. Mais pour cela il faut de la capacité à financer. Et donc l’objectif de départ

passe, du coup, par du cost cutting. (Réduction des coûts). Ce qui n’est pas très mobilisateur,

mais nécessaire. Il faut donc rendre cette nécessité compréhensible ».

Quelle est, dans ce cadre, l’utilité de positionner chaque activité dans une business unit

particulière ?

M. DICKO : « Avant même de penser à la réduction des coûts, l’objectif est clarifier les

marques au sein d’Air France pour le client et même en interne. Exemple : « Hop Air

France » est un business spécifique VFR (visit friends and relatives : visiter les amis et

relations). Il faut une marque spécifique, sur laquelle le client peut s’identifier ce qui permet

de clarifier l’offre yeux du client. Sur Moyen Courrier, le point clé c’est de bien identifier le

positionnement de Hop Air France par rapport à Transavia vis-à-vis du point à point loisir et

de Air France pur vis-à-vis du feeding du hub. (Trafic d’apport LC). C’est également un

système d’optimisation du réseau. Ce qui nous rend plus libres d’optimiser les modules (type

avion) sur les différentes dessertes ».

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On retrouve le même type de découpage du côté hollandais du groupe (Transavia

Hollande, Cityhoppper, KLM). Les synergies entre les deux composantes nationales sont-elles renforcées ?

M. DICKO : Entre Cityhopper et Hop Air France, pas encore. Il faut d’abord dégager les

meilleures synergies au sein d’Hop Air France. Mais ce serait logique. Il y a en effet une

cohérence de miroir entre les deux structures. Entre les deux Transavia, oui. Il y une grosse

volonté de centraliser tout ce qui est centralisable. La marche se fait à petits pas. C’est déjà le

cas du RM (revenue management), des supports, des achats. Suivra le système informatique

aéroportuaire spécifique aux low cost qui permet de jalonner le parcours du client. EasyJet et

Ryanair ont déjà ça. La question se pose encore pour le CCO (Centre de Contrôl des

Opérations). Les outils de planning sont déjà centralisés, pas les agents. Aller au bout, vers

une intégration totale est compliqué. Transavia Hollande fait partie du groupe KLM,

Transavia France de groupe Air France. Les centraliser signifierait les mettre au corporate

(holding AF-KLM) ce qui à ce stade pose des problèmes de gouvernance et pose la question

du pouvoir des airlines vis-à-vis de la holding. Maintenant, au-delà d’avoir une structure

juridique unique, dans les faits on est capable d’avancer.

Quand on regarde EasyJet, on peut se demander s’ils sont encore une low cost. Il y a

visiblement un repositionnement en cours, notamment avec une ébauche de système de fidélisation. Transavia est-elle plus avancée en la matière ?

M. DICKO : Il existe effectivement deux éléments évidents d’intégration des deux Transavia

avec leurs maisons mères : La fidélisation, avec la difficulté qu’elle augmente certes la

« customer willingness to pay » (volonté de payer du client), mais si on introduit les éléments

de fidélisation dans le sens capitalisation de miles (unité de fidélisation) sur Transavia et

utilisation sur Air France, on a un coût certain sans être sûr du delta de retour en termes de

gains. La réflexion est en cours, mais il faudrait l’adosser à un réseau transversal européen.

Pour Emirates ça a un intérêt certain. Comme on les bloque en Europe, un accord de

fidélisation avec EasyJet permet de pénétrer le marché européen en profondeur. Ils font la

même chose avec JetBlue aux États-Unis.

Le second élément, c’est la connectivité du réseau. Là aussi il faut être très vigilant sur le

delta coût. Vueling a fait ce choix. À Air France ce sujet soulève également une

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problématique sociale. C’est un marqueur d’étanchéité. L’étanchéité du réseau garantit

l’absence de concurrence avec notre propre réseau MC.

Y a-t-il une place pour du low cost LC ?

M. DICKO : Norwegian a connu une chute spectaculaire de résultat opérationnel. Leur marge

opérationnelle est passée de 5 à 6% à -5 à -6% d’une année sur l’autre avec l’introduction du

LC. En LC on peut faire des économies sur la partie coût, mais le vrai challenge est sur la

partie revenus. Sur MC une low cost peut faire -40 à -60% par rapport aux coûts d’une legacy

airline et elle peut faire du revenu sur le taux de remplissage supérieur aux légacies. (70%

contre 90%) tout en ayant en plus densifié les cabines. Sur du low cost LC on peut baisser les

coûts, mais le levier pour augmenter les revenus n’est pas évident alors que les remplissages

legacy LC sont déjà très élevés. La baisse de yield ne permet pas de faire la marge de recette

du MC. Pour l’instant toutes les low cost LC ou les parties LC des low costs sont déficitaires

(Air AsiaX, Scoot, Norwegian…). Open skies, « l’Avion » retente l’aventure dans sa version

orientée business. On y est attentif.

Mais quelle est la définition du low cost LC ?

M. DICKO : Le contour est flou. Nos vols caraïbes sont-ils low cost ? Composition

d’équipage allégée, service spécifique… de fait c’est une stratégie low cost… Si on prend le

problème dans l’autre sens. Côté passagers, qu’est ce que le low fare ? Le prix du coupon ?

Les compagnies du Golfe sont-elles low cost ? Au sens structurel non. Mais pour le passager,

c’est bien du low fare si on étudie leur yield moyen. Les charters (XL, Air Austral, TUI,

Corsair…) sont perçues comme des low costs, avec leurs cabines densifiées. Nous-mêmes

avec nos 777 densifiés le sommes aussi. Plus les low cost pure players (Norwegian et Air Asia

X) et celles rattachées à des legacies comme Scoot attachée à Singapore Airlines, Eurowings

à Lufthansa, Jetstar à Qantas… ça fait 5 ensembles assez différents.

- Les compagnies du Golfe sont low fare (à bas prix) avec une structure legacy, d’autres

moyens leur permettent de baisser les prix.

- Les charters et spécialisés ne font pas vraiment de croissance et sont en difficulté alors qu’ils

sont depuis longtemps sur le créneau des cabines densifiées, sans connections, avec un produit

ultra simplifié, sans fidélisation… sur l’aspect coûts ils sont proches d’EasyJet à ses débuts.

Mais ça fait un moment qu’ils sont sur ce créneau là.

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Les pures players (Norwegian) partent sur des structures très originales pour réduire les coûts

de personnel et pour l’instant la réussite n’est pas au rendez-vous.

Les innovations ne changent-elles pas la donne ? (A350, B787)

M. DICKO : Certes, mais est-ce que ça constitue un avantage compétitif ? Toutes les

compagnies legacies peuvent faire de même et adapter leurs flottes. Des coûts moindres

peuvent générer de la demande et permettre de remplir les avions. Mais remplir les avions à

prix bas ne suffit pas à résoudre l’équation qui est plus sur les revenus. Est-ce qu’un nouvel

acteur sera en capacité de faire une innovation des business models telle que Ryanair a réussit

à la faire. Il faut reconnaître à Ryanair une réelle innovation. Sur la structure de coût ils ont

fait la même chose qu’EasyJet, mais à l’extrême. Mais la vraie révolution n’est pas là. La

révolution c’est leur structure de revenus qui n’a rien à voir avec une compagnie aérienne

normale. La source de revenus principale n’est pas le passager, si on pouvait lui faire le billet

à 0 on le ferait. Il fallait quand même le faire de se dire « à la place de vendre des billets à mes

passagers, je vais vendre des passagers à des régions. » C’est une innovation majeure du

business model. Mais ça ne leur suffit pas, ils font de l’ingénierie financière pour revendre des

avions qu’ils achètent en gros dans des conditions optimales puis finissent par les revendre au

détail.

Vous ne faites pas le même métier.

M. DICKO : Oui, mais (Rire) en attendant, ils captent toute la croissance européenne. Quoi

qu’on en dise, ils sont en train de nous croquer en ayant fait une innovation de business model

dans une industrie qui n’en a pas fait depuis très longtemps. La question c’est : est-ce qu’une

Low cost LC arrivera à introduire une innovation du business model sur la partie revenus qui

soit capable de trouver des revenus auxiliaires potentiellement en dehors des revenus

passagers qui soit capable de supporter une pression faible sur le yield. S’ils résolvent cette

équation là, alors ce sera un vrai problème. Il faudra tous y passer. Le jour où Norwegian

arrivera à se faire payer par New York pour amener des passagers qui ne seraient pas venus

autrement, là ce sera extrêmement problématique. Mais l’équation est compliquée.

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Mais alors pourquoi Eurowings s’engage sur le chemin du LC ?

M. DICKO : Eurowings c’est la déclinaison d’un modèle qui existe déjà. La low cost adossée

à une legacy. C’est la prochaine étape pour travailler sur des coûts plus faibles. Notamment du

point de vue social. C’est une tentative, je pense, de Lufthansa, pour profiter du poids de la

maison mère en terme de fidélisation et probablement de connexions pour pouvoir garder des

yields qui sont plus importants que ce que les autres n’ont été capables de faire. Les frais de

personnel peuvent baisser. Sur le global d’un vol, les frais de personnel c’est 25% à 30% . En

augmentant la productivité de 15% ça fait 5% de gains de coûts. S’ils arrivent à aller chercher

5 % ailleurs, on est à 10. Mais arriveront-ils à limiter la perte de RSKO à 10%. Le delta n’est

pas énorme et le pari est là.

Au-delà de la réduction des coûts, quand on veut d’autre part monter en gamme, et améliorer son image de marque, n’a-t-on pas intérêt à différencier par la marque son

offre Loisir ?

M. DICKO : Oui c’est sûr. Ça a du sens. Mais la grosse question, c’est peut-on le faire sans

perdre de l’argent à court terme? Sachant que le bénéfice serait stratégique à moyen terme. Il

faudrait garder de la connexion et un certain nombre d’éléments pour que le yield ne s’écrase

pas. Mais l’avantage est de clarifier son offre pour le client.

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TABLE DES ILLUSTRATIONS

Figure 1 : Les mutations de la structure de la consommation individuelle. p.7 Figure 2 : Implantation internationale d’Aldi Süd et Nord. p.20 Figure 3 : Leviers de baisse des coûts dans le hard discount. p.22 Figure 4 : Déploiement des réseaux Aldi et Lidl en France. p.23 Figure 5 : Panorama des acteurs de la grande distribution en France, 2012. p.24 Figure 6 : Offres de substitution et de complémentarité. p.25 Figure 7 : Panorama du drive en France, 2014. p.27 Figure 8 : Evolution par type de circuit, 2013. p.28 Figure 9 : Évolution de la part de marché du hard discount. p.29 Figure 10 : Part de marché selon les enseignes, 2013. p.29 Figure 11 : Perméabilité au hard discount (low cost) et concessions au bas prix. p.33 Figure 12 : Leviers de baisse des coûts dans l’automobile. p.36 Figure 13 : Leviers de baisse des coûts dans l’ameublement. p.39 Figure 14 : Leviers de baisse des coûts dans le commerce en ligne. p.44 Figure 15 : Leviers de baisse des coûts dans la coiffure. p.46 Figure 16 : Leviers de baisse des coûts dans la banque directe. p.48 Figure 17 : Leviers de baisse des coûts dans les activités de service. p.49 Figure 18 : Négociation bilatérales de type 1. p.59 Figure 19 : Les différents types de négociations internationales. p.60 Figure 20 : Organigramme de la DGAC. p.65 Figure 21 : Relations de coopération dans le transport aérien. p.76 Figure 22 : Composition des alliances stratégiques en juillet 2015. p.77 Figure 23 : Principales compagnies au monde en 2011 selon le nombre de passager par Kilomètre payant (PKP) et par nombre de passagers. p.81 Figure 24 : Trafic de passagers des principales compagnies à bas coût. p.87 Figure 25 : Principales compagnies touchant des aides à l’export. p.102 Figure 26 : Expansion et contraction du nombre de TBC desservant la France. p.104 Figure 27 : Taille des compagnies en SKO, 2013. p.110 Figure 28 : Croissance des compagnies en SKO. p.111 Figure 29 : Les subventions des compagnies du Golfe. p.112 Figure 30 : PESTEL. p.117 Figure 31 : Les 5 forces de PORTER + 1. p.122 Figure 32 : SWOT des compagnies traditionnelles. p.125 Figure 33 : Panel de l’enquête salariés. p.146 Figure 34 : Confiance des salariés. p.147 Figure 35 : Perception des salariés sur l’offre low cost. p.149 Figure 36 : Évolution de l’emploi dans les compagnies aux États-Unis 1990 à 2010. p.154

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TABLE DES MATIÈRES

SOMMAIRE  .......................................................................................................................  IX  

PROLEGOMENES  ................................................................................................................  1  

INTRODUCTION  ..................................................................................................................  3  

PARTIE  1:  LE  LOW  COST,  UNE  TENDANCE  LOURDE  ET  GENERALISEE  A  TOUS  LES  SECTEURS  D’ACTIVITE  ?  .....................................................................................................................  17  

1.1   Le hard discount alimentaire précurseur du modèle low cost. ................................................................ 19  1.1.1 ALDI jette les bases du Hard Discount. ................................................................................................... 19  1.1.2 L’affirmation d’un modèle. ....................................................................................................................... 21  1.1.3 L’expansion. ............................................................................................................................................. 22  1.1.4 Ripostes des grands distributeurs installés. .............................................................................................. 25  1.1.5 Les conditions extérieures qui ont contribué au succès des ripostes. ..................................................... 30  

1.2   Les différents secteurs conquis par le modèle .......................................................................................... 33  1.2.1  Les produits Low cost. .............................................................................................................................. 34  

1.2.1.1  L’automobile. .................................................................................................................................... 34  1.2.1.2  Ameublement. ................................................................................................................................... 37  1.2.1.3 Blanc, brun, gris. ............................................................................................................................... 40  

1.2.2  Les services Low cost. .............................................................................................................................. 42  1.2.2.1  Le commerce en ligne ....................................................................................................................... 42  1.2.2.2  La coiffure. ........................................................................................................................................ 45  1.2.2.3  La banque directe .............................................................................................................................. 47  1.2.2.4 Autres services .................................................................................................................................. 48  

PARTIE  2  :  LE  TRANSPORT  AERIEN  ....................................................................................  51  

2.1 Historique et état des lieux des acteurs traditionnels du transport aérien ................................................ 53  2.1.1 Naissance d’une industrie stratégique. ...................................................................................................... 53  2.1.2 Une industrie très structurée et règlementée. ............................................................................................ 55  2.1.3 Un marché monopolistique (1945 – 1978) ............................................................................................... 67  2.1.4 La dérèglementation (deregulation) ......................................................................................................... 69  

2.1.4.1 Deregulation américaine (1978 à1984) ............................................................................................ 69  2.1.4.1 Dérèglementation européenne (1987 à 1997) .................................................................................. 72  

2.1.5 Consolidation au niveau mondial et disparition de certains acteurs. ........................................................ 74  2.1.5.1 Développement et concentration ....................................................................................................... 74  2.1.5.2. Relations entre les compagnies aériennes ........................................................................................ 74  

2.2 Les acteurs du transport aérien. ................................................................................................................... 81  2.2.1 Les transporteurs à bas coût (TBC) low cost. ........................................................................................... 83  

2.2.1.1 Southwest airlines. ............................................................................................................................ 87  2.2.1.2 EasyJet. ............................................................................................................................................. 90  2.2.1.3 Ryanair. ............................................................................................................................................. 92  

2.2.1.3.1 Historique .................................................................................................................................. 92  2.2.1.3.2 Ryanair, le rapport de force. ...................................................................................................... 93  2.2.1.3.3 Relation de travail et droit social. ............................................................................................. 94  2.2.1.3.4. Sécurité des vols. ...................................................................................................................... 97  2.2.1.3.5. Marketing. ................................................................................................................................ 97  

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La compagnie engrange également des revenus marketing. Les avions deviennent des supports publicitaires ainsi que le site internet de la compagnie. (Annexe 8 bis) ................................................. 98  2.2.1.3.6 Influence. ................................................................................................................................... 98  2.2.1.3.7. Optimisation fiscale. ................................................................................................................ 99  2.2.1.3.8. Subventions. ........................................................................................................................... 100  2.2.1.3.9. Politique d’achat d’avions. ..................................................................................................... 101  

2.2.1.4 Autres TBC. .................................................................................................................................... 103  2.2.2 Le Long Courrier. ................................................................................................................................... 106  

2.2.2.1. Les Low costs Long Courrier. ........................................................................................................ 106  2.2.2.2. Les nouveaux prétendants LC. (Les Compagnies du Golfe) ......................................................... 109  

2.3 Analyse environnementale du transport aérien ......................................................................................... 117  2.3.1 PESTEL .................................................................................................................................................. 117  

2.3.1.1 Politique. ......................................................................................................................................... 117  2.3.1.2 Économique. ................................................................................................................................... 118  2.3.1.3 Social. .............................................................................................................................................. 119  2.3.1.4 Technologique. ................................................................................................................................ 119  2.3.1.5 Environnemental. ............................................................................................................................ 120  2.3.1.6 Légal. .............................................................................................................................................. 121  

2.3.2 Les 5 forces de PORTER. ....................................................................................................................... 122  2.3.2.1 Intensité concurrentielle. 3,5/5 ........................................................................................................ 122  2.3.2.2 Menace des produits de substitution. 2/5 ........................................................................................ 123  2.3.2.3 Pouvoir de négociation des clients. 4/5 ........................................................................................... 123  2.3.2.4 Pouvoir de négociation des fournisseurs. 4/5 ................................................................................. 124  2.3.2.5 Menace des nouveaux entrants. 5/5 ................................................................................................ 124  2.3.2.6 Contraintes règlementaires et interventions des pouvoirs publics. 4/5 ........................................... 124  

2.3.3 SWOT du transport aérien classique. ..................................................................................................... 125  

PARTIE  3  :  CONSEQUENCES  ET  STRATEGIES  D’ADAPTATION  DES  DIFFERENTS  ACTEURS.  .  127  

3.1 Stratégies d’adaptation des compagnies aériennes .................................................................................... 131  3.1.1 Les Compagnies Majors ......................................................................................................................... 131  

3.1.1.1 Les Corporates strategies. ............................................................................................................... 131  3.1.1.2. La montée en gamme. .................................................................................................................... 132  3.1.1.3 Consolidation et développement des partenariats. .......................................................................... 134  3.1.1.4 La réduction des coûts. ................................................................................................................... 134  

3.1.2 Les compagnies low cost. Adaptation du modèle. .................................................................................. 135  

3.2 Perception des acteurs .................................................................................................................................. 141  3.2.1 Le point de vue des représentants des entreprises. ................................................................................ 141  3.2.2 Le point de vue des salariés et de leurs représentants. ............................................................................ 146  

3.2.2.1 Enquête sur la perception des salariés. ........................................................................................... 146  3.2.2.2 Les syndicats représentatifs des salariés ......................................................................................... 151  

3.3 Intérêts et responsabilités des acteurs institutionnels. .............................................................................. 157  3.3.1 Les États et collectivités territoriales. ..................................................................................................... 157  3.3.2 l’Union Européenne. ............................................................................................................................... 162  3.3.3 La communauté internationale. ............................................................................................................... 164  

3.4 Les atténuateurs envisageables (préconisations). ...................................................................................... 167  3.4.1 Les Fraudes et optimisations fiscales. ..................................................................................................... 167  

3.4.1.1 Vérification de l’application des règles .......................................................................................... 167  3.4.1.2 Précision de certaines règles ou élaboration de nouvelles règles. ................................................... 168  

3.4.2 Mesures de portée internationales ........................................................................................................... 169  3.4.2.1 Harmonisation communautaire. ...................................................................................................... 169  3.4.2.2 Gestion de la concurrence. .............................................................................................................. 171  

3.4.3 Restructuration et champ conventionnel. ................................................................................................ 171  

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CONCLUSION  ..................................................................................................................  175  

INDEX  ALPHABETIQUE  ....................................................................................................  183  

PERSONNES  AUDITIONNEES  ET  CONTRIBUTEURS  EXTERNES.  ..........................................  185  

BIBLIOGRAPHIE  ..............................................................................................................  187  Manuels ....................................................................................................................................................... 187  Universitaire et recherche ........................................................................................................................... 187  Ouvrages ..................................................................................................................................................... 189  

Sources premières. ........................................................................................................................................... 190  Cour de cassation criminelle, Chambre criminelle, 11 mars 2014, 11-88.420. ............................................... 190  

Rapports parlementaires et ministériels. ..................................................................................................... 191  Rapports de la Commission européenne. .................................................................................................... 191  

Revues et Articles de spécialité ....................................................................................................................... 191  Articles de presse généraliste. .......................................................................................................................... 192  Articles de communication interne des entreprises. ........................................................................................ 194  Filmographie .................................................................................................................................................... 194  Webographie .................................................................................................................................................... 195  

INDEX  DE  LIENS  ..............................................................................................................  197  AFM.AERO ........................................................................................................................................... 197  AFP ........................................................................................................................................................ 197  AIR&COSMOS ..................................................................................................................................... 197  AIR INFO ............................................................................................................................................... 197  AIR JOURNAL ...................................................................................................................................... 197  CAIRN INFO ......................................................................................................................................... 197  CHALLENGES ...................................................................................................................................... 198  IATA.ORG ............................................................................................................................................. 198  LA CROIX ............................................................................................................................................. 198  LA PROVENCE .................................................................................................................................... 198  LA TRIBUNE ........................................................................................................................................ 198  L’ARGUS .............................................................................................................................................. 199  LE FIGARO ........................................................................................................................................... 199  LEGIFRANCE.FR ................................................................................................................................. 199  

Cour de cassation criminelle ............................................................................................................................ 199  LE MONDE ........................................................................................................................................... 199  LE MONDE DU DROIT.FR ................................................................................................................. 199  LES ÉCHOS ........................................................................................................................................... 200  L’EXPANSION ..................................................................................................................................... 200  L’EXPRESS L’ENTREPRISE .............................................................................................................. 200  NOUVEL OBS ....................................................................................................................................... 200  PERSEE ................................................................................................................................................. 201  REUTERS .............................................................................................................................................. 201  TOURMAG ............................................................................................................................................ 201  

ANNEXES  ........................................................................................................................  203  

TABLE  DES  ILLUSTRATIONS  .............................................................................................  223  

TABLE  DES  MATIERES  .....................................................................................................  225  

Page 238: Mutation du transport aerien · Stéphanie, Cécile, Sawsane, Patrick, Yannick, Yann, Mohamed, Thierry, Eric, Claude, Jean-Claude, Cyril, Alain, Michael et Christophe. Merci également

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Résumé - Mots clés : Transport aérien, stratégie, concurrence loyale, subventions.

Le plan de vol de l’économie mondiale a conduit la structure de la consommation individuelle à prendre une nouvelle trajectoire. La cohorte démesurée de produits de milieu de gamme qui, hier encore, était au centre du marché ne trouve plus de destinations. Dans tous les secteurs, les entreprises doivent s’adapter à une demande bipolarisée où le haut de gamme, voire le luxe, s’oppose directement au low cost ou au hard discount. L’attrition du milieu de gamme a laissé place à un trou d’air que les entreprises s’évertuent à éviter pour ne pas rester coincées au milieu. Ce travail de recherche s’intéressera particulièrement au transport aérien qui peine à se stabiliser tant il est tiraillé, balloté, entre ces deux courants principaux. La première partie étudiera les autres secteurs d’activité afin d’identifier des similitudes de symptômes et de s’inspirer des remèdes mis en place ici et là pour envisager des transpositions dans cette industrie stratégique. La deuxième partie abordera les spécificités du marché du transport aérien. La revue des acteurs en présence (compagnies aériennes, aéroports, États, instances internationales…) mettra en lumière la complexité des interactions qui perturbent les adaptations. Enfin nous traiterons des conséquences de cette turbulence généralisée du secteur. Nous étudierons les stratégies des compagnies aériennes et tenterons d’identifier des routes à emprunter susceptibles de reprendre une croisière plus apaisée.

Abstract – Key words: Air Transport, strategy, fair competition, subsidies.

The global economy flight plan has blown the structure of individual consumption on a new path. The midrange product disproportionate cohort which led the market till now doesn’t reach its destination any more. In all sectors, businesses need to adapt to face a dually polarized demand, where upscale, luxury products are directly opposed to low cost and hard discount. Attrition of midrange goods and services left an air pocket that companies are struggling to avoid, not to get stuck in the middle.

This research is of particular interest to air transport, which is struggling to stabilize, as it is torn, tossed, between these two main streams. The first part will consider other sectors to identify similarities of symptoms, to take inspiration from remedies set up here and there, in order to consider transpositions to the airline strategic industry. The second part will address the specificities of the air transport market. The review of the actors involved (airlines, airports, States, international institutions…) will enlighten the complexity of the interactions that disrupt adaptations. Finally we will discuss the consequences of this widespread sector turbulence. We will study the strategies of airlines and try to identify the routes likely to lead to calmer cruising.