mutation du transport aerien · stéphanie, cécile, sawsane, patrick, yannick, yann, mohamed,...
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Académie Aix-Marseille
Mutation du transport aérien.
Entre low cost et nouveaux opérateurs Long Courrier, les compagnies traditionnelles peinent à s’adapter.
Mémoire en vue de l’obtention du
Master Management de l’Information Stratégique
(Jury rectoral)
Auteur : Jean-Marc QUATTROCHI
Année universitaire : 2014 - 2015
II
III
Les opinions exprimées dans ce mémoire sont propres à leur auteur.
IV
« Celui qui détient les convictions les plus rigides sur l’avenir est la personne la moins prête à l’affronter ».
Watts Wacker (dans « les 100 règles d’or du management, 2007)
V
REMERCIEMENTS
En tout premier lieu, mes remerciements vont à Carole pour son soutien de tous les
jours au cours de ce parcours et plus simplement pour sa présence à mes côtés
toutes ces belles années.
Merci à mes enfants Victor, Arthur et Marie d’avoir supporté un papa plongé trop
longtemps dans une pile de documents.
Merci tout autant à mes collègues de promotion pour cette belle cohésion.
Stéphanie, Cécile, Sawsane, Patrick, Yannick, Yann, Mohamed, Thierry, Eric,
Claude, Jean-Claude, Cyril, Alain, Michael et Christophe. Merci également à Julie
notre ex-déléguée de classe.
Merci aux personnalités qui m’ont accordé une interview et en particulier à
Monsieur le député Bruno LE ROUX pour son investissement constant dans la
défense du transport aérien français.
Merci à Mme Céline LE CORROLLER pour son soutien, ainsi qu’à toute l’équipe
pédagogique pour leurs enseignements enrichissants.
Merci à Pascal et Corinne pour leurs conseils avisés.
Merci à mes amis pour leur soutien et leur relecture.
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Table des abréviations AJPAE : Association des Journalistes Professionnels de l'Aéronautique et de l'Espace. CCI : Chambre de Commerce et de l’Industrie CDEC : Commission Départementale d’Equipement Commercial. CEAC : Conférence Européenne de L’Aviation Civile. CSAC : Conseil Supérieur de l’Aviation Civile. DfT : Department for Transport (GB). DGAC : Direction Générale de l’Aviation Civile. DPCA : Dongfeng Peugeot Citroën Automobile EASA : European Aviation Safety Agency. FAA : Federal Aviation Administration. (USA). FNAM : Fédération Nationale de L’Aviation Marchande. GDS : Global Distribution System, IAG : International Airlines Group IATA : International Air Transport Association JAA : JAA : Joint Aviation Authorities (Conseil des autorités conjointes de l’aviation). JV : Joint Venture. LC : Long Courrier. LME : Loi de Modernisation de l’Économie. MC : Moyen Courrier. MDD : Marque De Distributeur. OACI : Organisation de l’Aviation Civile Internationale. (ICAO). OCLTI : Office Central de Lutte contre le Travail Illégal. OIT : Organisation Internationale du Travail. ONG : Organisation Non Gouvernementale. ONU : Organisation des Nations Unies. PDM : Part De Marché. PKT : Passagers par Kilomètre Transporté. PKP : Passagers par Kilomètre Payant. PNC : Personnel Navigant Commercial. PNT : Personnel Navigant Technique. PS : Personnel Sol. R&D : Recherche et Développement. RLAF : Réseau des Lignes Aériennes Françaises. RSKO : Revenu par Siège Kilomètre Offert. SCARA : Syndicat des Compagnies AéRiennes Autonomes. SGACC : Secrétariat Général à l’Aviation Civile et Commerciale. SKO : Siège Kilomètre Offert. TBC : Transporteurs à Bas Coût. UTA : Union des Transports Aériens (groupe Chargeurs réunis). VFR : Visit Friends and Relatives : visiter les amis et connaissances. Il s’agit d’un segment de clientèle.
VIII
IX
SOMMAIRE
PROLEGOMENES ................................................................................................................ 1
INTRODUCTION .................................................................................................................. 3
PARTIE 1 ........................................................................................................................... 17
LE LOW COST, UNE TENDANCE LOURDE ET GENERALISEE A TOUS LES SECTEURS D’ACTIVITE ? ..................................................................................................................... 17
1.1 Le hard discount alimentaire précurseur du modèle low cost. ................................................................ 19
1.2 Les différents secteurs conquis par le modèle .......................................................................................... 33
PARTIE 2 ........................................................................................................................... 51
LE TRANSPORT AERIEN ..................................................................................................... 51
2.1 Historique et état des lieux des acteurs traditionnels du transport aérien ................................................ 53
2.2 Les acteurs du transport aérien. ................................................................................................................... 81
2.3 Analyse environnementale du transport aérien ......................................................................................... 117
PARTIE 3 ......................................................................................................................... 127
CONSEQUENCES ET STRATEGIES D’ADAPTATION DES DIFFERENTS ACTEURS. ................. 127
3.1 Stratégies d’adaptation des compagnies aériennes .................................................................................... 131
3.2 Perception des acteurs .................................................................................................................................. 141
3.3 Intérêts et responsabilités des acteurs institutionnels. .............................................................................. 157
3.4 Les atténuateurs envisageables (préconisations). ...................................................................................... 167
CONCLUSION .................................................................................................................. 175
X
PROLÉGOMÈNES
Nous étudierons dans un premier temps l’émergence et la progression du modèle low cost
dans différents secteurs d’activités afin de vérifier s’il s’agit d’une tendance lourde, voire
incontournable. Nous identifierons les stratégies adoptées par les différents acteurs installés
pour les comparer avec les ripostes qui se mettent en place dans le transport aérien
particulièrement exposé à l’offensive des nouveaux entrants. Nous nous appuierons
notamment sur les analyses de macro-économistes et d’économistes ou sociologues ayant une
vision plus ciblée sur cette problématique.
À la suite d’un état des lieux des différents acteurs du transport aérien, nous étudierons les cas
qui caractérisent une nouvelle donne qui modifie notre perception du « Yalta » aérien que tous
les experts imaginaient à la sortie d’une phase de mutation.
Au travers notamment d’une grille PESTEL d’analyse du macro-environnement, nous
chercherons à identifier les craintes et stratégies des différents acteurs de cette industrie. Nous
synthétiserons cet état des lieux à l’aide des 5 forces de Michael Porter et d’un SWOT
(Strengths, Weaknessees, Oppotunities, Threats 1 ) centré sur les compagnies aériennes
classiques. Afin d’affiner notre analyse, nous confronterons également les résultats de certains
rapports parlementaires et ministériels (rapport BEIGBEDER, rapport GRASSINEAU,
rapport ABRAHAM, rapport BOCQUET, rapport LE ROUX) à différents intervenants au
dossier. Nous estimons qu’il est éclairant de partager l’analyse de parlementaires, du chef de
mission du droit du travail et des affaires sociales de la Direction Générale de l’Aviation
Civile (DGAC), de nous plonger dans les comptes rendus l’Office Central de Lutte contre le
Travail Illégal (OCLTI), d’interroger des cabinets d’audit, des représentants d’entreprises ou
de syndicats patronaux du transport aérien (FNAM ou SCARA), ainsi que des salariés, ou des
représentants des salariés de différentes compagnies aériennes, historiques comme low cost.
Afin d’appréhender la perception globale des salariés des compagnies aériennes, nous avons
mené une enquête sous la forme d’un questionnaire pour lequel nous avons recueilli 394
réponses provenant des trois métiers du secteur : Le Personnel Sol, Le Personnel Navigant
Commercial et le Personnel Navigant Technique d’au moins six compagnies différentes.
L’actualité concourant aux métamorphoses du monde du transport aérien étant
particulièrement abondante, nous avons établi une veille stratégique large. 1 Forces, Faiblesses, Opportunités, Menaces.
2
Outre les classiques alertes ayant pour mots clé : Hard discount, Low cost, Air France,
Ryanair, Esayjet, lufthansa, IAG (International Airlines Group)… nous suivons la revue de
presse quotidienne du cabinet PROGEXA, spécialisé dans l’actualité du monde de l’aérien et
du tourisme.
Nous avons également identifié les journalistes spécialisés les plus pertinents du secteur dont
nous suivons les fils d’actualités Twitter et linkedin. Il s’agit de :
Fabrice GLYSINSKI : Rédacteur en chef adjoint à La Tribune. Spécialisé aéronautique
transports.
Bruno TREVIDIC : Journaliste aux Echos, spécialisé dans le transport aérien, aviation,
aéronautique civile.
Guy DUTHIEIL : Journaliste au Monde, spécialisé dans l’actualité des transports aériens.
Ainsi que le fil Twitter de l’AJPAE. Il s’agit de l’ Association des Journalistes Professionnels
de l'Aéronautique et de l'Espace qui est constituée de110 journalistes français et étrangers.
Nous suivons également les publications de liaisons sociales quotidien et de liaisons sociales
Europe qui nous donneront notamment une vision des évolutions législatives et sociales au-
delà du monde de l’aérien en France et en Europe.
Nous avons participé à des conférences traitant de l’aérien, comme le séminaire OMNES des
2 et 3 février 2015 : « Quelle compétitivité pour Air France ? ». Ce séminaire nous a
notamment donné l’occasion de prendre contact avec le député Bruno LE ROUX, Président
du groupe de travail parlementaire sur le transport aérien qui nous a par la suite accordé un
entretien.
Nous avons également participé au colloque DGAC2 - CSAC3 du 4 mai 2015 : D’une
concurrence réglementée à une concurrence loyale. Nous avons ainsi pu écouter et échanger
nos points de vue avec d’éminents spécialistes de notre champ de recherche, chercheurs,
représentants de différentes compagnies aériennes, de grandes plates-formes aéroportuaires,
des représentants de différents États européens, des députés nationaux et européens, Mme
Violetta BULC la Commissaire Européenne aux transports ainsi que M. Alain VIDALIES,
Secrétaire d’État en charge des Transports …
2 Direction Générale de L’Aviation Civile. 3 Conseil Supérieur de l’Aviation Civile.
3
INTRODUCTION
4
5
Depuis le décollage qui a suivi les guerres mondiales, l’économie suivait son plan de vol à
une altitude de croisière confortable. Le survol des trente glorieuses4 fut relativement paisible,
stable, prévisible. La croissance se partageait conformément à un plan logique, sinon établi.
Dans chaque secteur d’activité, les marchés s’ouvraient et l’offre s’adaptait à la demande ou
la générait. La consommation se segmentait en trois niveaux parfaitement identifiables. Les
produits et services de luxe avaient pour cible les classes supérieures. Un large panel de
produits et services de milieu de gamme visait les classes moyennes fortement
consommatrices et des produits et services d’entrée de gamme répondaient à la
démocratisation des marchés, offrant aux populations les moins aisées l’accès aux joies de la
consommation de masse. Secteur par secteur, le marché se structurait autour de ces trois
piliers. Peu à peu, les entreprises trouvaient leur place dans différents théâtres adaptés à leur
production avec des spécificités géographiques, technologiques, culturelles… Leurs salariés
rejoignaient tel ou tel groupe de consommateurs avec pour ambition de s’élever et d’offrir à
leurs enfants l’opportunité d’embarquer dans l’ascenseur social. La vision partagée de
l’époque correspond à la théorie de Simon Kuznets : « il suffit d’être patient et d’attendre un
peu pour que la croissance bénéficie à tous ». Une expression anglo-saxonne résume la
philosophie du moment : « groth is a rising tide that lifts all boats » (la croissance est une
vague montante qui porte tous les bateaux)5.
Pour autant, nous ne prétendons pas que durant cette période tout fut facile pour tout le
monde. Mais, globalement, l’horizon était dégagé et le chemin à parcourir, si difficile qu’il
soit, était clairement identifiable. La concurrence entre entreprises se jouait dans une
acception partagée des contraintes d’un marché en expansion qui possédait des bases
structurelles solides. La croisière de l’économie des pays industrialisés s’effectuait à l’altitude
des certitudes, largement alimentée d’un pétrole facile et bon marché dont elle était très
dépendante.
Le premier trou d’air survient, à la suite de la guerre de Kippour entre Israël et ses voisins
arabes, avec la crise pétrolière de 1973. Rapidement suivie d’un second choc pétrolier en
1979 dû à la crise iranienne. La croissance s’effondre et le chômage augmente entrainant les
principaux états européens dans une crise de l’État providence qui n’a plus les moyens de ses
4 Expression de Jean FOURASTIE désignant la période de prospérité qu’ont connu la plupart des pays industrialisés de la fin de la seconde guerre mondiale au premier choc pétrolier en 1973. 5 PIKETTI Thomas, Le Capital au XXIe siècle, 2013, P30.
6
ambitions économiques et sociales. Les krachs succèdent aux crises à un rythme de plus en
plus soutenu : 1982 crise de la dette des pays en voie de développement, 1987 krach du
marché obligataire puis des marchés d’actions, 1989 explosion de la bulle spéculative
japonaise, 1992 crise du système monétaire européen, crise mexicaine 1994, asiatique 1997
et russe 1998, éclatement de la bulle internet en 2000, Krach boursier de 2001… Les
turbulences sont si fortes que l’économie mondiale quitte l’altitude des certitudes. Après
l’effondrement économique de l’Argentine et l’installation d’une crise permanente introduite
par la crise des subprimes de 2007, les propos du professeur Albert Jacquard s’imposent
comme une évidence : « Nous ne vivons pas une crise. Nous vivons une mutation de notre
monde. Les jeunes auront à bâtir ce nouveau monde et non perpétuer l’ancien »6.
Ce bouleversement des certitudes, sans doute couplé aux effets de concentration du capital7
décrits par Thomas PIKETTI, a entrainé un changement du plan vol de l’économie mondiale
comportant une profonde redéfinition du marché qui tend vers une bipolarisation. L’avenir
étant moins clair, la confiance étant en berne, c’est une consommation moins structurée et
plus réfléchie qui s’impose.
L’émergence de gammes de produits et services discount, hard discount, low cost, élargit
considérablement les marchés dans quasiment tous les secteurs. De nouveaux consommateurs
s’ouvrent à l’achat de produits et services jusque-là réservés à une frange aisée de la
population. Si les classes moyennes n’ont pas (encore) disparu, elles consomment
différemment. Désireuses de s’offrir certains produits Premiums, « haut de gamme », voire de
luxe, elles choisissent de s’en donner les moyens en optant pour des choix low cost sur une
autre partie de leur « panier ». Inspirées et décomplexées par cette consommation smart,
intelligente, les classes supérieures recourent également à une ventilation de leurs achats entre
ces deux extrêmes. De fait, les produits de milieu de gamme ne trouvent plus que
difficilement leur place sur le marché. Certains services, certains produits, sont devenus des
commodités sans grande valeur. « La préférence est donnée à la valeur d’usage dans de
nombreux secteurs. Les achats statutaires reculent8 ». 6 JACQUARD Albert, humaniste français à la conférence Partageons nos regards sur nous et notre planète, le 4 novembre 2008, Laval, Québec, Canada. 7 PIKETTI Thomas, Le Capital au XXIe siècle. 2013 8 PERRI, Pascal. Toujours moins cher: low cost, discount & Cie.: essai. 2006
7
Figure 1. Les mutations de la structure de la consommation individuelle.
Il convient ici de définir clairement ce qui se trouve derrière cet anglicisme : low cost. « Il serait tentant de partir du sens littéral en anglais pour en cerner la nature : low cost
désignerait alors toute activité économique fondée sur la baisse des coûts. Si l’on retient cette
acception large, une entreprise qui délocalise sa production (outsourcing) ou une entreprise
qui réorganise ses méthodes de production (par le lean management9 par exemple) pour
réaliser des gains de productivité seront qualifiées de low cost »10. Une telle définition est trop
imprécise. Elle ne s’intéresse qu’au mode de production et ne considère pas la nature même
du produit. Lorsque deux offres strictement identiques sont produites dans deux pays
différents avec des coûts du travail différents, nous ne pouvons pas qualifier l’offre fabriquée
à meilleur marché de « low cost » en fonction de son seul lieu de production.
Une autre erreur serait de « définir le low cost en partant des niveaux de prix. Le low cost
serait d’abord une pratique de prix bas (low fare). Le low cost n’est pas toujours synonyme de
bas prix. Il n’a pas aboli la loi de l’offre et de la demande. Même avec des coûts
d’exploitation faibles, une compagnie aérienne low cost vend son billet à un prix élevé…
quand la demande est forte ».
Le low cost est une recomposition de l’offre. Il s’agit d’une différenciation par l’épuration.
Une entreprise low cost produit une offre dépouillée de certaines des caractéristiques de
l’offre de référence à un coût et souvent à un prix de vente plus faible. Le prix plus bas est
alors la première motivation d’achat. Il s’agit d’une simplification à l’extrême visant à revenir à la fonctionnalité première d’un produit ou service. C’est « le consommateur qui 9 Le lean management consiste à réduire les coûts cachés dans le processus de production, notamment en gérant mieux les temps morts et l’organisation du facteur travail. 10 COMBE Emmanuel, le low cost, 2011, P 4 et 5.
Source : Boston Consulting Group 2009
8
choisit les attributs qu’il souhaite rajouter. Le low cost est en quelque sorte l’antimodèle de la
gratuité : tout a un prix, donc tout se paye11 ».
Le low cost peut également correspondre à une limitation de l’offre. L’entreprise cible alors
un segment particulier du marché pour lequel certaines caractéristiques de l’offre de référence
sont superflues. La suppression de ces caractéristiques n’entraine aucune dégradation de la
valeur perçue par le segment de marché auquel elle est destinée12.
Dans le cas de l’épuration, le caractère spécifique de l’offre concerne l’ensemble du marché.
Cette stratégie a pour effet de déplacer une partie de la demande existante ou même de
générer une demande nouvelle. Dans le cas de la limitation, l’offre conçue par l’entreprise
vise un segment du marché identifié a priori.
Dans quasiment tous les secteurs d’activités, les entreprises classiques ont vu émerger de
nouveaux opérateurs parfaitement adaptés à cette nouvelle offre. Si un temps, les sociétés
installées ont cru à un marché de niche, elles ont aujourd’hui compris son aspect transverse et
cherchent à s’adapter à cette nouvelle donne qui remet en cause leur modèle.
Selon le sociologue Jean Baudrillard, le pouvoir de la société de consommation est énorme. Il
est à la fois destructeur et créateur13. En ce, il rejoint le processus schumpétérien de
« destruction créatrice » à l’œuvre dans les économies. Joseph Schumpeter décrit de
nombreux déclencheurs de ce processus14, dont l’émergence de nouveaux marchés, de
nouvelles formes d’organisation et de management, de nouvelles méthodes de marketing ou
de moyens de communication, de nouveaux moyens financiers ou logistiques, des
changements législatifs, voire de nouveaux moyens de fraude… qui sont autant d’innovations
concomitantes qui participent, de nos jours, à l’émergence d’un modèle low cost.
De nombreux observateurs, tant syndicaux que patronaux, associatifs ou politiques, estiment
que le processus de « lowcostisation » en marche dans une économie mondialisée comporte
un risque « anti-schumpétérien » ; un risque de création destructrice. La « créature
monstrueuse » remettrait en cause l’économie mondiale et ses fragiles équilibres. Selon eux,
l’affirmation du modèle low cost nous ferait entrer dans un cercle vicieux qui s’autoalimente
en produisant des salariés low cost, qui à leur tour seront contraints de consommer low cost. 11 idem 12 LEHMANN-ORTEGA Laurence, Stratégor 6ème édition, 2013,P109 13 BAUDRILLARD Jean, La société de consommation. 1986 14 SCHUMPETER Joseph, Capitalisme, socialisme et démocratie, traduction 1951.
9
Le secteur du transport aérien, particulièrement confronté à cette nouvelle concurrence, fait
face à une réelle recomposition du ciel notamment en Europe. Les opérateurs historiques sont
plongés dans des crises structurelles qui mettent en péril leur survie, tandis que les nouveaux
entrants, « souvent qualifiés de « no frill airlines », compagnies sans chichi15 », sont, dès leur
conception, parfaitement adaptés à ce segment et aux réalités d’un marché mondialisé. Agiles,
ils savent profiter de la moindre opportunité.
Outre la nécessité d’un repositionnement sur le marché, les grandes compagnies aériennes
doivent faire face à une distorsion concurrentielle induite notamment par un défaut
d’harmonisation des réglementations européennes en matière sociale et fiscale, voire, ici ou
là, par l’absence même de règles ou de normes nationales. Alors que certains nouveaux
opérateurs, tout à fait respectables, mais champions de l’optimisation, s’immiscent dans
chaque interstice légal ou règlementaire, d’autres semblent ne pas hésiter à contourner les lois
et ne rechignent pas à recourir à de la fraude caractérisée.
Le modèle de transport aérien low cost a longtemps, trop longtemps, été considéré comme un
épiphénomène par les grandes compagnies, quasi institutionnelles, qui ont observé son
développement avec condescendance. Ces grandes entreprises, juchées sur leur nuage, ont
pris un retard considérable dans leur nécessaire adaptation aux mutations profondes du
marché. Elles ont laissé une longueur d’avance aux nouveaux entrants qui ont eu le temps de
s’établir durablement au sein du marché.
Toutes les compagnies majors européennes sortent peu à peu de leur primo-réactions
défensives pour adopter des stratégies radicalement offensives. Jouant de leurs atouts, elles
réinventent leur modèle d’opérateurs globaux en insérant une donne low cost au niveau de
leur business strategy16 tout en l’intégrant dans une corporate strategy17 jusque-là hors de
portée de ces nouveaux concurrents.
15 PERRI Pascal, Toujours moins cher : low cost, discount & Cie. 2006, p 8. 16 « La business strategy, également appelée stratégie concurrentielle est la stratégie de l’entreprise dans une activité particulière » (LEHMANN-ORTEGA Laurence, Stratégor, 6ème édition, 2013, p 11). Ici il s’agit du transport court ou moyen courrier point à point. 17 « La corporate strategy s’intéresse aux synergies entre les différents métiers et à la cohérence du portefeuille d’ensemble » de la compagnie ou du groupe voire de l’alliance concerné (LEHMANN-ORTEGA Laurence, Stratégor, 6ème édition, 2013, p 10).
10
Pour autant, comme nous le verrons dans les deux premières parties de ce mémoire, si ces
stratégies se rapprochent des ripostes d’autres secteurs d’activité, à priori plus efficaces, elles
semblent ici plus aléatoires, incertaines, insuffisantes… Les pronostics vitaux de toutes les
compagnies aériennes majors européennes ou américaines restent engagés. Les leviers
qu’elles actionnent remplissent, ou sont sur le point de remplir, bel et bien leurs offices, mais
l’écart avec certains nouveaux acteurs ne se réduit pas. Il augmente.
Plus inquiétant encore, d’autres fronts s’ouvrent face à des opérateurs à priori plus classiques :
les compagnies du Golfe. Et là aussi les adaptations stratégiques ne suffisent pas à combler le
fossé concurrentiel qui se creuse.
Comment éviter « casse sociale » et faillites de sociétés dans le transport aérien, alors
que les compagnies majors, confrontées à une concurrence low cost décomplexée, tentent
de s’adapter à une bipolarisation du marché?
1. Quels sont les axes d’adaptation stratégique des compagnies majors ?
2. Quelles sont les ripostes possibles des compagnies low cost ? Le low cost est-il un modèle
transitoire d’adaptation ou s’est-il inscrit dans le paysage pour durer ?
3. Le long courrier est-il le dernier sanctuaire des compagnies traditionnelles ?
4. Quels sont les facteurs qui amènent certains acteurs à penser que la mutation du transport
aérien est in fine génératrice de plus de destruction que de création ?
5. Existe-t-il une autre « innovation » qui se cache derrière le paravent du low cost ?
6. Quelles protections pouvons-nous imaginer pour les entreprises et les salariés du transport aérien dans une industrie mondialisée ? Nous étudierons dans la première partie de ce mémoire l’émergence et la progression du
modèle low cost dans différents secteurs d’activités afin de vérifier s’il s’agit d’une tendance
lourde, voire incontournable.
Nous commencerons par là où tout a commencé : le hard discount alimentaire. C’est dans ce
secteur qu’est né le modèle low cost au sortir de la seconde guerre mondiale. Les premières
craintes et limites inhérentes à ce modèle s’y sont rapidement exprimées quant à la qualité des
produits, les effets sur la concurrence ainsi que les impacts sociaux sur les salariés concernés
et sur l’emploi plus généralement. Les bénéfices pour le consommateur ont également fait
évoluer le marché. Nous verrons combien les similitudes sont nombreuses avec le transport
aérien, nous explorerons également les différences entre ces deux secteurs. Il sera
particulièrement intéressant de se pencher sur les stratégies de riposte des acteurs traditionnels
11
du secteur pour rechercher d’éventuels leviers transposables dans le transport aérien. Dans un
second temps, nous observerons la propagation du modèle low cost ou hard discount dans
d’autres secteurs, comme l’automobile, la coiffure, la jardinerie, les salles de sport, la banque
en ligne, les assurances, etc. Cette diffusion large semble démontrer que l’essor du low cost
est un fait de société. Il s’agit d’une évolution des marchés, quelles que soient leurs
spécificités, qui correspond à celle des mentalités et au-delà, à une évolution des cultures.
Nous tenterons de vérifier cette assertion. Il sera alors intéressant d’identifier en quoi le
transport aérien semble particulièrement sensible à l’émergence de ce nouveau modèle dans
son périmètre.
La seconde partie de ce texte sera consacrée à l’étude approfondie de l’environnement du
transport aérien. Nous détaillerons un état de l’art ciblé sur cette industrie18. Après un
historique, nous suivrons notamment un modèle PESTEL d’analyse de son macro
environnement. Nous verrons comment ce secteur stratégique, à l’origine extrêmement
structuré et règlementé a vu s’affirmer des acteurs majeurs que l’on pensait incontournables.
Suite à une dérèglementation brutale, la fragilité du secteur a été mise en évidence.
Extrêmement sensibles à des éléments extérieurs : (géopolitiques, terrorisme, guerres, crises
financières, etc.) des « monstres sacrés » que tout le monde pensait « too big to fail », trop
gros pour chuter, ont complètement disparu en des temps extrêmement courts.
Nous verrons que ce secteur est également sensible à des innovations multiples et variées. Si
les bonds technologiques dans le secteur aéronautique ont des effets évidents, nous verrons
comment des innovations qui ne relèvent pas directement du secteur peuvent avoir des effets
tout aussi puissants. Les évolutions des systèmes de communication font porter leurs effets à
la fois sur la demande et sur la production au sens large. Des nouvelles méthodes de
marketing ou de pricing, (définition des prix de vente) peuvent également révolutionner le
secteur aussi sûrement que l’essor de nouveaux modes d’organisation. C’est avec les
mutations sociologiques du marché que nous connaissons aujourd’hui, que le modèle
« traditionnel » se trouve réellement remis en cause. Couplées au développement de nouveaux
moyens financiers et d’optimisation fiscale, ainsi que pour quelques-uns, à de nouvelles
pratiques de fraude, l’ensemble de ces innovations constitue un terreau fertile sur lequel de
nouveaux acteurs ont jeté les bases du modèle low cost aérien. Nous étudierons de plus près
18 Nous utilisons ici le mot « industrie » dans son acception américaine synonyme de « secteur ».
12
ces nouveaux opérateurs qui ont rapidement pris l’ascendant sur les compagnies majors19 pour
les dessertes moyens courriers.
Nous verrons comment, dans les années passées, certains acteurs ont tenté, sans succès,
d’installer ce modèle sur les vols longs courriers. Plus récemment, de nouvelles compagnies
reviennent sur ce segment. En les observant, nous examinerons les raisons qui laissent penser
que la viabilité de telles aventures est différente aujourd’hui.
La troisième partie de notre mémoire sera le fruit d’un travail de recherche qui s’intéressera
aux conséquences économiques et sociales de l’avènement de l’ère low cost. Nous verrons
que, quels que soient les observateurs directement intéressés, représentants des entreprises ou
salariés et leurs représentants, les conséquences envisagées sont potentiellement lourdes, voire
périlleuses. Les changements prescrits sont à la hauteur des bouleversements du marché. Un
consensus relatif de tous les acteurs au sein et autour de chaque compagnie semble
indispensable à la mise en œuvre et à la réussite des stratégies d’adaptation envisagées. Les
grèves des pilotes de Lufthansa et Germanwings 20 depuis avril 2014, d’Air France en
septembre 2014, ou celle de ceux de Norwegian Air Shuttle 21 en mars 2015… nous
démontrent que les indispensables équilibres sociaux sont difficiles à atteindre ou à maintenir.
Nous identifierons les stratégies d’adaptation qui semblent se mettre en place dans les
compagnies traditionnelles. Quel que soit le processus de réflexion22 dont elles sont le fruit,
les solutions envisagées s’articulent autour de trois leviers principaux : La baisse des coûts, la
montée en gamme et l’intégration d’une donne low cost dans les corporates strategies. Nous
verrons comment chaque major européenne23 règle ces trois curseurs en fonction de sa
stratégie propre.
Nous observerons également l’évolution des stratégies des compagnies low cost qui à leur
tour doivent s’adapter aux premières ripostes organisées des compagnies majors. Doivent-
19 Une compagnie aérienne « major » ou « legacy » est une entreprise qui est un acteur majeur de l’industrie. Ici il s’agit des grandes compagnies traditionnelles, comme Air France, British Airways, United Airlines ou Lufthansa. 20 Grève Germanwings : de nombreux vols perturbés en Allemagne - Information voyageurs www.easyvoyage.com 21 Norwegian : préavis de grève des pilotes dès dimanche, www.air-journal.fr 22 Typologie des écoles de pensée stratégique selon Henry MINTZBERG 23 Air France-KLM, Lufthansa group et IAG (pour British Arways et Iberia)
13
elles, peuvent-elles rester des pures low cost ? Le chemin vers un modèle hybride est-il
possible ?
Doivent-elles, peuvent-elles rester des low cost moyen-courrier point à point ? L’ouverture
vers le long courrier semble tentante, mais nous verrons qu’elle implique un changement
radical de modèle. Les recettes du succès de compagnies comme Ryanair ou Easyjet ne sont
pas toutes transposables dans ce domaine. Nous chercherons à savoir s’il existe un marché et
une différenciation possible sur les vols longues distances.
Toutes ces stratégies, celles des majors comme celles des compagnies low cost, sont fragiles
car cette industrie, éminemment internationale, voire transnationale, évolue dans un milieu de
forte distorsion concurrentielle.
L’émergence et la croissance fulgurante des compagnies du Golfe interrogent. « Alors que la
croissance mondiale du secteur est de l’ordre de 5 à 6% par an, celles de compagnies comme
Qatar Airways, Emirates et Etihad sont plus de dix fois supérieures. Selon Regula
DETTLING-OTT, Vice Présidente aux affaires européennes de Lufthansa24, un tel différentiel
ne saurait reposer sur les seules performances de production, d’organisation ou commerciales
de ces entreprises. D’autres forces sont à l’œuvre ». Tout comme pour certains opérateurs low
cost européens, la « santé arrogante » de ces compagnies qui se bâtit au détriment du reste de
l’industrie, ne semble pas être le fruit exclusif de l’excellence de ces acteurs dans le seul
champ du transport aérien. Comme pour Ryanair, une part non négligeable des résultats de
ces compagnies dépasse l’activité purement aérienne de ces entreprises. Nous étudierons ces
singularités qui rapprochent des modèles différents et qui procurent à leurs utilisateurs un
avantage concurrentiel insurmontable de manière autonome pour le reste de l’industrie.
La bataille qui se livre dans le ciel mondial n’est pas le domaine réservé des compagnies
aériennes. Le transport aérien ayant une dimension stratégique, des acteurs institutionnels
suivent de près l’évolution de ce dossier, gèrent la régulation et la réglementation, mènent des
actions, organisent et accompagnent la mutation. Nous étudierons les intérêts, responsabilités
et les perceptions de ces différents acteurs que sont l’OACI (Organisation de l’Aviation Civile
Internationale) et la communauté internationale, l’EASA (European Aviation Safety Agency)
et l’Union Européenne ainsi que la DGAC et l’Etat Français. Nous verrons également qu’au
24 Propos recueillis lors du colloque organisé par la DGAC et le CSAC, D’une concurrence réglementée à une concurrence loyale, Paris, le 4 mai 2015.
14
niveau local, les collectivités territoriales adoptent des positions parfois schizophréniques vis-
à-vis du transport aérien low cost.
D’autre part, l’absence d’harmonisation fiscale communautaire plébiscite certaines
implantations de sièges sociaux. La compétition entre les états membres de l’Union
Européenne pour attirer investisseurs et entreprises ouvre des trous béants dans tous les
systèmes de protection des entreprises comme des salariés.
Nous tenterons enfin d’identifier des atténuateurs de friction envisageables pour traverser ce
grand chamboulement, cette redéfinition du marché du transport aérien et ses conséquences
économiques et sociales.
En premier lieu, nous nous intéresserons à la prévention de ces fraudes qui se jouent à la
frontière de l’optimisation fiscale et sociale. Nous chercherons à dégager des pistes pour
améliorer la lutte contre les fraudes.
Au-delà des fraudes, ce sont les effets de l’optimisation légale qui, sans doute, sont les plus
gros générateurs de distorsion concurrentielle. Nous étudierons les failles de la règlementation
dans le transport aérien. Certaines régions du monde, comme l’Europe, se contraignent à
l’application scrupuleuse de règles de concurrence loyale conçues pour un marché fini. Ces
règles sont certes élargies à la taille d’un marché continental, mais la perméabilité de ce
dernier nous rappelle que l’économie se joue aujourd’hui dans un village mondial. Quelles
corrections pouvons-nous envisager ?
Le transport maritime a mis en place la première expérience de régulation internationale de
branche de la dimension sociale de la mondialisation au travers de la Convention
Internationale du Travail Maritime. Si un tel dispositif de régulation peut inspirer une réponse
adaptée aux mutations du transport aérien, nous en étudierons les limites et les aménagements
nécessaires.
Le consensus social est au cœur du processus d’adaptation des compagnies aériennes à leur
marché. Sans une confiance minimale des salariés, toutes stratégies d’entreprise semblent
vouées à l’échec. Il n’y a pas de confiance sans qu’une direction d’entreprise ne donne du
15
sens à son action. Le nœud du partage de ce sens réside dans la difficulté qu’a une entreprise
cotée à communiquer de la même voix en interne et en externe.
« L’innovation est l’un des principaux facteurs-clefs de succès des entreprises. Sans innover,
la firme voit sa concurrence la dépasser et prendre ses parts de marché. Si l’innovation est
bien la matrice de l’expansion, nous devons examiner à quelles conditions l’alchimie peut
fonctionner »25.
25 ARCHER, Jean-Yves. Crise et Libres Contributions Economique, 2013, P.113
16
17
PARTIE 1
Le low cost, une tendance lourde et
généralisée à tous les secteurs
d’activité ?
18
19
1.1 Le hard discount alimentaire précurseur du modèle low cost.
1.1.1 ALDI jette les bases du Hard Discount.
En 1913, Anna Albrecht ouvre une petite épicerie à Essen, dans la Ruhr. Ce petit magasin
devient vite un lieu d’achat apprécié et prospère. À la fin de la seconde guerre mondiale, entre
1946 et 1948, ses deux fils Karl et Théo, qui étaient prisonniers de guerre des alliés retrouvent
une Allemagne exsangue, anéantie et qui s’est vue infliger une lourde dette à l’issue du traité
de Versailles. Paradoxalement, c’est cette situation qui permettra l’essor de l’entreprise
familiale. Ils reprennent alors la boutique de leur mère afin de la transformer en chaine de
supermarchés. L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais les deux frères inventent un concept qui
va sensiblement modifier l’approche de la grande distribution : le discount. L’idée consiste à
proposer un choix limité de produits de consommation courante à des prix défiants toute
concurrence, en limitant le processus d’intermédiation et les frais de mise en avant. Ils
adoptent une approche minimaliste de l’acte de vente. La stratégie commerciale est donc
recentrée sur l’acte d’achat du produit lui-même, plutôt que sur le service avant ou après
l’achat. L’idée des frères Albrecht est que certains consommateurs, soit par contrainte de
revenu, soit par choix, sont prêts à renoncer à une bonne présentation des produits en rayon,
au conseil du vendeur, à une grande variété de l’assortiment, en échange de prix plus faible,
du moment où une qualité minimale du produit est assurée. La population allemande,
empêtrée dans les difficultés de cette époque réagit très positivement à cette nouvelle offre.
Rapidement, Karl et Théo ouvrent une suite de points de vente dont l’expansion est
extrêmement rapide. Dès 1954, ils inaugurent leur cinquantième magasin. L’enseigne est
rebaptisée ALDI pour Albrecht discount. Le principe tient en trois chiffres : 850 références,
100% de marques en propre sur une surface de 650 m². La règle n’a presque pas changé d’un
iota depuis la création de l’enseigne ; pas plus que la promesse publicitaire de la chaîne : « la
meilleure qualité au meilleur prix »26.
En 1960 alors qu’il existe déjà plus de 300 magasins ALDI sur le territoire allemand, la
florissante entreprise familiale se scinde en deux groupes indépendants: ALDI SUD et ALDI
NORD. Théo a pris la direction de la division d'Aldi-Nord, Karl celle d'Aldi-Sud.
« Légalement, les deux sociétés sont complètement indépendantes, bien que les initiés de
26 « Qui sont Karl et Théo Albrecht ? Leur biographie » actufinance.fr
20
l'industrie disent que les deux frères travaillaient en étroite collaboration quand il s'agissait de
développer des lignes de produits27 ».
ALDI SUD transpose très rapidement à l'étranger son concept tourné vers le client. Dès 1968,
la chaine de commerce de détail autrichienne Hofer intègre le ALDI SUD. En 1976, le groupe
traverse l'Atlantique et possède désormais plus de 800 magasins aux États-Unis. Au cours des
années 1980, c'est l'ouverture des premiers magasins en Grande-Bretagne et en Irlande, en
France et en Australie…
En 2012, le chiffre d’affaire mondial du groupe atteint 57 milliards d’euros dont 25,52
milliards pour la seule Allemagne où les trois quarts de la population reconnaissent faire
régulièrement leurs courses chez Aldi. 20 pays sont couverts par plus de 8200 magasins28.
Figure 2. Implantation internationale d’Aldi Süd et Nord
27 LEVEQUE, Emilie. « Theo Albrecht, le père du hard discount, est mort ». L’express L’expansion, 28 juillet 2010. 28 Sources ALDI
Sources : ALDI
21
1.1.2 L’affirmation d’un modèle.
Inspirés par le succès d’ALDI, d’autres réseaux de hard discount se développent en
Allemagne dans les années 1960 et 1970, les principaux étant Lidl et Norma. Le format hard
discount a rapidement occupé une position prééminente outre-Rhin sur les bases d’une
réduction drastique des coûts.
Ainsi, plusieurs leviers sont mobilisés par le hard discount (Figure 3) :
• Un assortiment restreint de produits : Alors que pour un hypermarché on peut compter
jusque 50 000 références, un magasin hard discount en compte généralement moins de
1000. L’effet recherché est de limiter le coût de gestion des stocks et d’augmenter le
pouvoir de négociation de l’enseigne face à ses fournisseurs.
• Un nombre de fournisseurs limité : Cela augmente le niveau de commande en gros et
renforce le pouvoir de négociation tout en limitant l’effectif nécessaire des équipes
d’acheteurs. Avec des quantités livrées plus importantes et moins de fournisseurs, les
frais de logistique et de gestion des entrepôts décroissent.
• Un service austère : l’aménagement des magasins et la présentation des produits sont
minimalistes. Les frais de décoration et d’animation des rayons sont réduits au
maximum. Les produits sont souvent présentés dans leurs cartons empilés sur leurs
palettes de livraison.
• Des magasins de taille réduite : Ce sont des surfaces inférieures à 1000 m2 qui sont
privilégiées alors qu’un hypermarché peut atteindre jusqu’à 12 000 m2. Couplé à une
implantation dans les périphéries des centres-villes, ces petites tailles permettent de
contenir le prix du foncier au plus bas.
• Une gestion du personnel très serrée : Les magasins ne comptent que cinq à six
salariés extrêmement polyvalents. Chargé d’une multitude de tâches qui ailleurs
seraient confiées à des employés spécifiques, le salarié du hard discount est soumis à
une tension de tous les instants. Le management est strict, le contrôle permanent.
Frédéric Brunnquell, parle dans son reportage 29 d’un management par le stress qui
aurait été inspiré aux frères Albrecht par l’encadrement qu’ils ont subi lors de leur
détention à la fin de la guerre.
• Des dépenses publicitaires minimales : L’outil de communication premier auprès des
consommateurs reste le prix.
29 Frédéric BRUNNQUELL, Nos vies discount, France 2, 2012.
22
Figure 3. Leviers de baisse des couts dans le hard discount.
1.1.3 L’expansion. Un modèle de distribution similaire était également présent en France depuis le milieu des
années 1970, essentiellement en région parisienne avec l’enseigne « Ed l’épicier ». Mais sa
position est restée marginale jusqu’aux années 1990, dans un paysage dominé par les formats
de vente traditionnels de la grande distribution que sont les hypermarchés (plus de 2500 m2
de surface de vente), les supermarchés (de 400 m2 à 2500 m2) et les supérettes (de 120 m2 à
400 m2)30.
La fin des années 1980 a marqué le début de l’expansion des entreprises de hard discount
allemandes en France. Le marché allemand n’offrant plus de perspectives de développement
pour les réseaux de hard discount, ceux-ci se sont tournés vers les marchés voisins. En 1988,
Aldi ouvrait son premier magasin à Croix, dans le Nord, et Lidl à Colmar, en Alsace. Norma
suivait ce mouvement dès 1989 en ouvrant un magasin à Riedisheim, également en Alsace,
tirant parti des infrastructures logistiques implantées à proximité des frontières françaises.
L’expansion de ces réseaux a été progressive, mais régulière et au final massive : à la fin des
années 2000, la plus grande partie du territoire français est maillée par les deux plus grands
réseaux de hard discount allemands. Les acteurs allemands du hard discount ont des réseaux
intégrés, aucun des deux n’a recours à la franchise pour favoriser son expansion. La tête de
réseau exerce un contrôle total sur l’ensemble du réseau. Nous noterons néanmoins que 30 BISCOURP, Pierre, La concurrence du hard discount : Quel effet sur les prix et l’emploi, 2015, P.4
23
l’expansion de Lidl a été moins concentrée géographiquement, mais avec un maillage presque
complet du territoire français, ce qui n’est pas le cas d’Aldi moins implanté à l’ouest. Ainsi,
le réseau Lidl semble avoir fait le choix d’une stratégie d’expansion plus rapide que celle
d’Aldi, avec une couverture de l’ensemble du territoire plus rapide. Cette expansion se traduit
par l’ouverture de plateformes logistiques plus nombreuses et plus dispersées sur le territoire.
Il est probable que l’enseigne ait supporté des coûts plus élevés avec une montée en charge
rapide de son infrastructure logistique.
Figure 4. Déploiement des réseaux Aldi et Lidl en France
Source : INSEE E 2015/1
24
La Figure 4 montre que les deux « hard discounters » allemands sont passés d’une présence
très faible et géographiquement très concentrée dans les années 1990 à une présence massive
sur l’ensemble du territoire au début des années 2010.
Cette expansion a été un choc important pour l’industrie de la grande distribution. Le
monopole initial de la grande distribution alimentaire classique s’est vu largement contesté
par le modèle entrant, le hard discount. En France, les grands distributeurs installés, dominés
principalement par deux grandes enseignes (Carrefour et E. Leclerc)31 ont réagi relativement
rapidement, ce qui a contribué à contenir leur perte de parts de marché alors qu’à l’échelle
mondiale les deux marques allemandes, Lidl et Aldi, occupent respectivement les 6ème et 8ème
rangs mondiaux des groupes de grande distribution selon le Top 25 du site
supermarketnews.com en 201332.
Figure 5. Panorama des acteurs de la grande distribution alimentaire en France en 2012
31 DGCCRF éco n°25, février 2014. 32 DGCCRF éco n°22, novembre 2013.
25
1.1.4 Ripostes des grands distributeurs installés. L’offre du hard discount alimentaire est essentiellement une offre de substitution, voire une
offre complémentaire à celle des acteurs initialement présents sur le marché.
• Substitution : En matière alimentaire, « un
consommateur qui avait l’habitude d’aller au
supermarché substituera un panier «hard discount»
au panier de son supermarché, afin de dégager un
pouvoir d’achat. La demande de substitution
concerne en particulier les ménages à faibles
revenus, qui n’ont d’autres choix pour libérer du
pouvoir d’achat que de se reporter sur les enseignes
«hard discount». Une partie des clients utilise le
«hard discount» comme un substitut aux enseignes
traditionnelles33 ».
• Complémentarité : Le consommateur qui achète
des produits dans les réseaux traditionnels va
également compléter son approvisionnement avec
des produits achetés dans les magasins hard discount
pour une partie de son panier.
Ces deux types d’offres portées par les nouveaux entrants sont éminemment constitutifs d’une
situation de concurrence frontale. Le troisième type d’entrée possible est l’offre d’induction
où le consommateur s’oriente vers le produit hard discount alors qu’il ne consommait pas le
type de bien visé auparavant. Or dans la distribution alimentaire, l’induction est très faible
puisque l’intégralité du marché a un besoin impérieux de se nourrir. L’induction peut
néanmoins être présente pour certains produits alimentaires dont la consommation, dans une
certaine frange du marché, est ponctuelle et souvent liée à des moments « festifs » ou
exceptionnels. (foie gras, saumon …).
33 Rapport BEIGBEDER 2007 P.96
Figure 6. Substitution et complémentarité
Sources BEIGBEDER 2007
26
Globalement, les grands distributeurs installés sont contestés sur leur cœur de marché. Ils ont
mis en œuvre différentes ripostes stratégiques qui, au regard du panorama des acteurs
exposé sur la figure 5, semblent avoir rencontré une certaine efficacité. Nous étudierons par la
suite, dans quelle mesure ces stratégies sont transposables dans d’autres secteurs confrontés à
une émergence concurrentielle de type « low cost » et plus particulièrement dans le transport
aérien.
• Stratégie de mimétisme tarifaire : Les opérateurs installés ont développé des
gammes de produits centrées sur les prix bas et les ont intégrées dans les rayons de
leurs surfaces de vente traditionnelles sous forme notamment de produits de Marques
De Distributeurs (MDD) et de produits « premier prix ». Dans le même temps, c’est la
variable prix qui a été mise au centre de la communication des grandes surfaces. Une
signalétique adaptée est généralement développée au sein des rayons où chaque
enseigne voit fleurir sa marque dédiée : Carrefour Discount chez Carrefour, Eco+ chez
Leclerc, Bien vu chez Système U, Top budget chez Intermarché… Cette stratégie
semble particulièrement pertinente comme riposte à l’offre complémentaire du hard
discount. Le consommateur est en capacité de ventiler ses achats, à partir du critère
prix, sans avoir à changer de surface de vente, donc sans avoir à rallonger le temps
qu’il consacre à son approvisionnement alimentaire.
• Stratégie de dédoublement : Il s’agit dans ce cas d’affronter le hard discount sur son
propre terrain. Chaque enseigne réactive ou développe des filiales discount. Carrefour,
par exemple, réactive Ed puis rachète et développe Dia, Intermaché fait de même avec
Netto et le groupe Casino relance sa filiale LeaderPrice. Généralement, ces filiales
adoptent des positionnements soft dicount où MDD et marques nationales se partagent
les rayons. Le nombre de références est sensiblement supérieur à l’assortiment
restreint des hard discounters tout en restant inférieur aux surfaces de vente
traditionnelles. Le positionnement prix est quant à lui extrêmement proche de celui des
nouveaux entrants. C’est ici le hard discount de substitution qui est confronté à une
riposte en « sandwich qui permet à la firme établie de concurrencer directement sa
rivale sur le segment inférieur du marché, tout en préservant le positionnement haut de
gamme de l’offre pionnière destinée aux clients moins sensibles aux prix »34.
• Stratégie de mimétisme de taille et de localisation : « Les distributeurs ont multiplié
les ouvertures de magasins de petit format, souvent à proximité de leur concurrent
34 Rapport BEIGBEDER 2007 P.25
27
hard discount. Ainsi Carrefour a transformé ses magasins Champion en Carrefour
Market »35. Avec cette stratégie, il s’agit de contester le nouvel entrant sur son terrain
géographique en répondant à son offre de substitution aussi bien que de
complémentarité.
• Stratégie d’évitement par la différenciation : La différenciation prend plusieurs
formes dans la distribution alimentaire. D’une part, nous observons une différenciation
verticale, avec une montée en gamme de certains points de vente. Ainsi, à l’image de
U Express, de Carrefour City et de DailyMonop, une myriade de petits magasins avec
un haut niveau de service s’installe dans les centres-villes. Ils proposent des produits
frais, des plats cuisinés, un service de livraison, des horaires d’ouverture tardifs… Les
enseignes misent ici sur le capital de la marque et jouent de leur capacité de riposte en
réseau. Afin de mieux matérialiser cet effet réseau et de capter sa clientèle, chaque
enseigne développe dans le même temps son propre système de fidélisation. Les points
se capitalisent de la même manière que l’achat soit effectué en supermarché, en
hypermarché, dans les magasins de proximité… à l’exception des filiales discount de
dédoublement afin d’éviter au maximum l’effet de cannibalisation interne de la
clientèle.
D’autre part, une stratégie de différenciation par l’innovation prend une place prépondérante
dans les ripostes des différents distributeurs. Jouant sur la rapidité des courses, l’un des
ressorts du succès du hard discount, les grands distributeurs installés ont introduit sur le
marché une nouvelle manière de faire ses courses : le drive.
Figure 7. Panorama du drive en France, 2014
« Imaginé par le groupe Auchan en 2000, puis repris par Leclerc en 2007, le drive est 35 COMBE Emmanuel, Le low cost : anatomie et perspectives d'un modèle, éditions la Découverte, Paris, 2011. P.76
28
aujourd’hui au cœur des stratégies de toutes les enseignes. Le client commande sur internet et
récupère ses achats deux heures après. Sur place les enseignes s’engagent (presque) toutes sur
une attente maxi de cinq minutes pour charger le coffre du client »36. Avec ce modèle, c’est le
client qui supporte le coût du dernier kilomètre ce qui participe à afficher des prix
particulièrement attractifs. Alors que le véritable essor du drive ne date réellement que depuis
2010, Kantar Worldpanel anticipe une part de marché de 6,1% à fin 2015 et 4,5 millions de
clients dont 50% de visiteurs réguliers37. Le drive est à considérer comme un nouveau canal.
Il est complémentaire du magasin et devrait donc contribuer à réinventer l’hypermarché. Avec
cette « arme fatale», le succès des grandes enseignes est foudroyant. « le drive permet de
gagner du temps et de maîtriser ses dépenses, souligne Frédéric Vallette de Kantar
Wolrdpanel. Des atouts qui rappellent ceux du hard discount, aujourd’hui pénalisé par cette
nouvelle forme de distribution38 ».
Le potentiel de cannibalisation interne des hypermarchés par leur drive, pourtant redouté par
les grandes enseignes elles-mêmes, ne semble pas se vérifier au regard de la Figure 8 qui
démontre que si les résultats des hard discounters sont à la baisse, que le nombre de
supermarchés reste stable, les hypermarchés, eux, ne semblent pas souffrir dans cette période.
Au contraire, les hypermarchés affichent des résultats en hausse sur tous les critères.
Figure 8. Évolution par type de circuit :
36 SIAL, Drive, enjeu du marché alimentaire en France, Paris ,2014 - SIAL Paris 37 VALETTE Frédéric, Kantar worldpanel. 38 SCEMMA, Corinne, et MILCENT Blandine, Pourquoi le hard discount est à bout de souffle, L’Express L’Expansion, 2015
29
Ce constat sur l’année 2012-2013, se vérifie avec la tendance
constatée sur la Figure 9 où nous pouvons noter un net recul
des parts de marché du hard discount depuis 2008. En réalité
l’origine de ce décrochage pourrait être défini à partir de 2005.
La crise de 2007-2008 biaise l’observation en ce qu’elle a
fortement impacté le pouvoir d’achat des Français générant un
rebond de la consommation en hard discount utilisée par les
ménages comme un amortisseur de la dégradation de leur
pouvoir d’achat.
Les stratégies de riposte des grands distributeurs installés ont
stoppé le développement fulgurant des nouveaux entrants. Un
reflux du modèle commence à apparaître. La hiérarchie des
grands acteurs historiques du secteur n’aura pas été
fondamentalement perturbée. (Figure 10). L’adaptation aura néanmoins nécessité une
profonde mutation du secteur de la grande distribution alimentaire.
Face à de telles ripostes, alors que les consommateurs affichent, de surcroit, une volonté de
favoriser la qualité en stoppant leurs sacrifices sur les dépenses alimentaires, les pionniers du
hard discount sont contraints de s’adapter à cette nouvelle donne. Le modèle pur et dur né du
concept des frères Albrecht doit s’adoucir. Ainsi des gammes de produits plus sophistiquées
font leur apparition avec Bio chez Leader Price ou DeLuxe chez Lidl. Les paiements par
carte de crédit sont dorénavant autorisés chez tous les hard discounters et les grandes marques
Figure 9 : évolution de la PDM du Hard Discount
Figure 10 : PDM selon les enseignes, en 2013 Source : Kantar Worldpanel « Loi de modernisation de l’économie »
30
nationales sont introduites dans de plus en plus de rayons. Dès 2008, Lidl élargissait son offre
de plus de 200 références dont Vittel, Panzani ou encore Activia. Aldi, lui-même, fait une
entorse majeure au modèle qu’il a créé. Depuis octobre 2013, Coca Cola a trouvé sa place
dans les linéaires de ses magasins ainsi que Fanta, les bonbons Haribo, le Nutella, la crème
Nivea et les chocolats Ferrero. « Avec 43,4% du marché outre-Rhin, le discount plafonne et a
même vu sa part reculer de 0,2% en 2011. Les habitudes des consommateurs ont changé. En
effet, comme les Français, les Allemands font leurs courses moins souvent, remplissent
davantage leur Caddie chaque fois et rechignent à se rendre dans plusieurs magasins. Aldi
vise à devenir un one stop shop, (un magasin à arrêt unique) explique Matthias Queck de
Planet retail. C’est une réaction défensive39 ». Les hard discounters considèrent que cette
entorse au modèle est la seule solution pour endiguer le retour des consommateurs vers les
hypermarchés.
Le message est brouillé. Alors que l’image prix de Lidl était excellente, elle s’est à ce point
dégradée que Leclerc est considéré aujourd’hui comme meilleur marché. Selon Philippe
MOATI, de l’Observatoire société et consommation, cette mutation vers le « plus soft » est
une erreur. Les maxidiscompteurs « vont ressembler étrangement à des supermarchés
traditionnels » et ils ne sont pas taillés pour supporter la comparaison avec les poids lourds du
secteur. Pour s’en sortir ils devront soit changer de nature en une mue incertaine qui leur ferait
perdre leur âme soit faire machine arrière et se repositionner en hard discounter pure player
(conforme au modèle). Quelle que soit la voie, le rêve de s’emparer de 20% du marché
français n’est plus.
1.1.5 Les conditions extérieures qui ont contribué au succès des ripostes. Plusieurs facteurs ont facilité le déploiement des ripostes stratégiques des grandes enseignes
en France. Certes, la préférence culturelle des consommateurs français pour une offre vaste et
variée a joué un rôle dans la capacité de riposte, mais c’est surtout une abondante législation
sur l’urbanisme commercial qui a permis de temporiser l’offensive des hard discounters.
Restrictive tant sur la liberté tarifaire, avec la définition de seuils de revente à perte, ou sur la
non-négociabilité tarifaire, elle l’est également sur les conditions d’accès au marché.
39 SCEMMA, Corinne, et MILCENT Blandine. « Pourquoi le hard discount est à bout de souffle - L’Express L’Expansion », 2015.
31
La loi Royer de 1973 instaure un régime d’autorisation préalable à l’installation de tout
nouveau magasin de 1000 à 1500 m2. Cette autorisation est délivrée par une Commission
Départementale d’Equipement Commercial (CDEC). La loi Raffarin a abaissé la surface
minimale de présentation en commission à 300 m2 en 1996. Cette disposition restrictive visait
clairement le format du hard discount dont la surface est généralement de l’ordre de 900 m240.
Présenté à l’origine pour protéger le petit commerce, ce dispositif a déclenché la polémique au
niveau européen tant il semblait spécialement dessiné pour les champions français. « Cette
législation malthusienne a bridé l’entrée de nouveaux acteurs, compte tenu de la lenteur des
procédures, de l’incertitude de leur issue et de leur coût financier41 ».
« La composition des commissions régionales est également très règlementée. Elle doit
inclure vingt membres votants. Neuf doivent être des commerçants ou des représentants des
artisans dont sept doivent être des indépendants. Deux membres représentent les intérêts des
consommateurs. Les neuf derniers sont des élus locaux, des maires la plupart du temps42 ». La
composition même des CDEC donnerait une orientation aux décisions d’autorisation selon
Marianne BERTRAND et Francis KRAMARZ. Ils tendent à démontrer que le taux
d’approbation des projets d’implantation présentés par les grandes enseignes traditionnelles
est supérieur, toutes choses égales par ailleurs, à celui des hard discounters, du fait de leur
présence dans les CDEC au travers des présidents de chambre des métiers et de chambre du
commerce. Ces derniers seraient ainsi à même d’influer sur les décisions des commissions.
Pour l’essentiel, les extensions de surfaces ou les ouvertures de magasins ont profité aux
chaines installées qui en outre ont racheté des concurrents. Nous pouvons constater qu’il en
résulte une grande concentration de la distribution alimentaire au niveau national. Les hard
discounters, largement handicapés par ce cadre, ont dû appliquer des stratégies de
contournement pour se soustraire au passage en CDEC. Durant cette période, ils ont restreint
leurs surfaces de nouveaux magasins à 299 m2.
40 ASKENAZY, Philippe, et WEIDENFELD Katia. Les soldes de la loi Raffarin: le contrôle du grand commerce alimentaire. Collection du CEPREMAP 7. Paris: Rue d’Ulm-presses de l’école normale supérieure, 2007. 41 COMBE Emmanuel, Le low cost : anatomie et perspectives d'un modèle, éditions la Découverte, Paris, 2011. P.75 42 BERTRAND Marianne et KRAMARZ Francis, Does entry regulation hinder job creation ? Evidence from the french retail industry, Quaterly Journal of Economics, Cambridge, 2001. P.10 Traduit par l’auteur : « The composition of the regional board is also heavily regulated. It must include 20 voting members. Nine of these must be shopkeepers and craftmen representatives. Seven of these nine members must be self –employed. Two members represent consumers’ interest. The last nine members are locally elected politicians, mostly city mayors ».
32
En 2005, la Commission européenne a dénoncé cette législation qu’elle jugeait incompatible
avec le principe de liberté d’établissement de l’article 43 du traité CE. En 2008, la LME (Loi
de Modernisation de l’Économie) ramenait le seuil de surface au niveau de la loi de 1973, soit
1000 m2. Les critères d’autorisation ont été réévalués pour les recentrer sur des
problématiques d’aménagement du territoire, d’urbanisme et de développement durable. Mais
surtout, les CDEC ont été remplacées par des CDAC où les élus locaux ont concentré les
pouvoirs tout en excluant les représentants des entreprises.
Ces barrières à l’entrée ont laissé le temps aux distributeurs installés d’identifier la
menace constituée par les discounters puis d’élaborer, de coordonner et de déployer des stratégies qui s’avèrent, in fine, efficaces.
33
1.2 Les différents secteurs conquis par le modèle Au-delà du secteur de la distribution alimentaire, les consommateurs sont séduits par
l’économie low cost. Selon une étude de Cetelem de 2006, le consommateur français est sujet
à une grande perméabilité aux produits et services low cost.
Figure 11. Perméabilité au hard discount (low cost) et concessions au bas prix.
« Au-delà d’un contexte économique favorable, au-delà d’une
légitime recherche de prix compétitif, ces résultats jettent un éclairage éloquent sur la
nouvelle motivation de ces consommateurs avisés : l’envie de payer moins cher sans pour
autant renoncer à la qualité. Car, contrairement aux stéréotypes répandus, les achats en hard
discount ne sont désormais plus perçus comme un pis-aller ou un choix par défaut. Au
contraire, il s’agit le plus souvent d’un arbitrage raisonné par le consommateur, bien décidé à
concilier prix bas et qualité d’un circuit qui représente aujourd’hui une vraie alternative de
consommation43 ».
43 ROUSSARIE Pascal, Le low cost à la française. Même à bas prix la qualité nous est chère, direction de la communication Cetelem, Levallois-Perret, 2006.
Source : Cetelem 2006
34
Depuis 2006, cette perception du low cost s’est accentuée. Le low cost n’est plus considéré
comme un segment réservé aux plus pauvres et il n’est plus synonyme de faible qualité. « Il
est un choix incontournable pour ravir les classes moyennes des économies émergentes
comme des pays développés, dans un contexte économique morose. Les consommateurs
veulent plus que jamais payer le juste prix et ils s’accommodent, même pour les plus aisés
d’entre eux, d’offres à bas prix quand elles répondent bien à leurs attentes44 ». Le terme
« radin » a évolué au point d’être souvent directement associé au qualificatif de « malin ».
Dans tous les secteurs, le consommateur « radin-malin » force chaque industrie à s’adapter.
Le low cost est partout, dans les biens comme les services, à l’exception près « du luxe ou des
produits technologiques à forte image de marque45 ».
1.2.1 Les produits Low cost.
1.2.1.1 L’automobile. L’automobile est souvent le deuxième budget des familles. C’est presque fortuitement que le
low cost a fait son apparition dans ce secteur.
En 2005, Renault lançait la Logan sous la marque Dacia. Cette voiture de grande taille à
moins de 8000€ visait à l’origine un public d’Europe de l’Est aux capacités de paiement
limitées. Le succès de ce modèle a très largement dépassé sa cible et a rapidement conquis
l’ensemble du marché européen avec 400 000 exemplaires vendus dès 2007. « La gamme
Dacia est déclarée la plus impressionnante réussite sur le marché de l’automobile français.
Le concept de Dacia est simple : fabriquer des véhicules à bas coût offrant pourtant tous les
équipements que le client valorise. Alors que le marché automobile actuel incite à monter en
gamme, Dacia cherche à réaliser des économies dans tous les domaines : production,
logistique et marketing. Tous les modèles de la marque répondent à trois conditions
incontournables du concept choisi par Renault pour la marque Dacia :
• Faire des volumes
• Avoir une portée internationale
• Être en rupture avec le marché (d’environ 30% en Europe)
44 LAMORIL Juliette, 5 ans après… Les bouleversements du monde, 5 ans après la chute de Lehman Brothers, Communiqué de presse : The Boston Consulting Group, Paris, 2013. 45 COMBE Emmanuel, Le low cost : anatomie et perspectives d'un modèle, éditions la Découverte, Paris, 2011. P.69.
35
Anciennement décrite comme « voiture pour ringard », les voitures Dacia ont su conquérir les
consommateurs, au-delà de l’argument prix, grâce à leur fiabilité (classée devant BMW)46 ».
Afin de réduire les coûts dans ce secteur, il convient de standardiser l’offre au maximum. Si
une offre sur-mesure reste possible, ce ne sera qu’au travers d’options payantes. Cela permet
de jouer sur les volumes et les économies d’échelle.
Par définition, les modèles sont simplifiés à l’extrême, jusqu’aux fonctions essentielles
attendues pour un véhicule : sécurité et fiabilité.
Les processus de production seront optimisés notamment en piochant dans la « banque
d’organes » et en s’appuyant sur le haut niveau d’expertise de la maison mère, le groupe
Renault. La moindre économie est traquée, ainsi, la marque a « privilégié la réduction des
coûts d’emboutissage des panneaux de carrosserie plutôt que l’esthétique de la voiture … De
même, on a choisi d’installer sur la Logan des vitres latérales plates moins onéreuses à
fabriquer47 ».
Une pression continue sera maintenue sur les prix des différents fournisseurs (équipement,
matière première) dont l’implantation sera choisie en fonction de la proximité de l’usine afin
de réduire également les coûts de logistique.
Les lieux d’implantation des usines sont déterminants dans cette recherche constante de
compression des coûts. C’est l’arbitrage coût du transport/ coût du travail (corrigé de la
productivité) qui préside aux choix de localisations. Ainsi la production en Roumanie ou au
Maroc à Tanger concilie ces deux paramètres.
« Dans le même temps, la conception des voitures se déplace progressivement à l'étranger.
Alors que la première génération de la Logan était sous la responsabilité des ingénieurs de
Guyancourt, les véhicules suivants sont davantage conçus dans le centre d'ingénierie de
Bucarest, qui se dote même d'une piste d'essai à Titu. Les contenus deviennent, eux aussi, plus
locaux48. »
46 OLLIVIER Marius et POIRIER Julien, Analyse du low cost à travers l’étude du modèle DACIA, Rapport GE20 A12, Université de Technologie de Compiègne, Compiègne, 2012. 47 LEHMANN - ORTEGA Laurence, LE ROY Frédéric, GARRETTE Bernard et DUSSAUGE Pierre, Strategor - 6e édition - Toute la stratégie d'entreprise , édition Dunod, Paris, 2013. P.107 48 FEUERSTEIN, Ingrid, Une stratégie enviée mais jamais copiée, Industrie & Services, Les échos, Paris, 2015.
36
Les coûts de publicité et de marketing sont réduits en jouant essentiellement sur l’argument
« prix » et en ayant recours aux coups médiatiques qui concentrent l’audience sans augmenter
les frais.
Nous verrons que cette recette est très largement utilisée dans le transport aérien par
Michael O’LEARY, le turbulent président de Ryanair.
Figure 12. Leviers de baisse des coûts dans l’automobile.
La particularité de l’industrie automobile tient dans le fait que c’est l’un des opérateurs
majeurs du secteur qui a introduit le modèle dans le champ. Cette introduction semble avoir
surpris l’ensemble des acteurs, si bien que 10 ans après, il n’existe pas encore de véritables
concurrents sur le segment, à l’exception de quelques opérateurs indiens et asiatiques (Tata,
Suzuki…). Ces derniers proposent des véhicules low cost de petite taille qui ne sont pas en
concurrence directe avec Dacia Renault (également vendu sous la marque Nissan en Asie).
Tata, la marque indienne, a « tenté une révolution en 2009 avec la Nano à 1500€49 ». Cette
tentative de l’ultra low cost automobile s’est soldée par un échec et le produit a dû être
repositionné.
L’arrivée de nouveaux entrants « pure players » (100% low cost créés ex nihilo) est peu
probable du fait de puissantes barrières à l’entrée. Au-delà de la réglementation en constante
49 GUILLEMOLES Alain, La Tata Nano a manqué sa cible, La Croix – Economie, 2015
Sources : BEIGBEDER 2007
37
évolution, notamment pour ce qui concerne la sécurité ou les normes d’émission de CO2, les
frais d’investissement sont très lourds et les réseaux de distribution en Europe sont quasi
exclusivement constitués de concessions physiques de marques qui se doivent d’être au plus
près du client. Ni la grande distribution ni internet ne sont dimensionnés de manière optimale
pour accueillir le commerce de véhicules.
Ce sont donc les acteurs traditionnels européens qui aujourd’hui tentent de rejoindre le
segment en suivant le même concept que Renault Dacia. Peugeot sera le premier à riposter en
2015 avec la L60 produite chez son partenaire chinois Dongfeng et vendue sous la marque
Fengshen spécialisée dans le low cost. DPCA (Dongfeng Peugot Citroën Automobile) affirme
que ce modèle n’est pas destiné au marché européen. Mais comme nous l’avons vu au début
de ce chapitre, la Logan de Dacia était pensée pour se cantonner aux pays émergents de
l’Europe de l’Est… Selon la presse du secteur, Volkswagen et Fiat seraient en marche vers
l’eldorado low cost50. Ce sont des stratégies de mimétisme tarifaire et par les coûts qui
sont ici poursuivies, ainsi que de dédoublement au travers de filiales comme Fengshen.
Le groupe Renault n’entend cependant pas se laisser rattraper. La firme a « franchi une
nouvelle étape en se lançant dans l’ultra low cost : le prix de Kwid (le véhicule est produit à
98% en Inde et sera mis en vente à partir de l’automne 2015), lui, a été fixé à 4200€. Pour
l’instant, il n’est pas prévu que la Kwid roule sur les routes européennes. La voiture sera
d’abord vendue en Inde puis au Brésil et en Afrique du nord. « Le marché décidera » a
indiqué le PDG de Renault Nissan, Carlos GHOSN, laissant toutes les portes ouvertes51 ».
1.2.1.2 Ameublement. L’un des pionniers du low cost européen, Ingvar KAMPRAD, fit de ce modèle sa marque de
fabrique en mettant, dès 1955, la réduction des coûts au centre de la stratégie de son
entreprise : IKEA. Jusqu’aujourd’hui, chaque nouveau manager de l’enseigne reçoit lors de
son embauche un opuscule signé de sa main rappelant que le succès de la marque est
directement lié à une réduction systématique des coûts. Le titre de ce livret est évocateur :
« Le testament d’un négociant en meuble52 ». Il affirme le positionnement de l’enseigne, en
rupture avec l’offre traditionnelle. Le credo d’IKEA y est clairement exposé : « Nous devrons
proposer une vaste gamme d’articles d’ameublement, esthétiques et fonctionnels, à de si bas
50 RIC, Didier. Dacia Logan VS Fengshen L60 : le match du low-cost, L’argus, 2015. 51 GUILLEMOLES, Alain. Comment Renault a conçu sa voiture à 4 000 €, La Croix – Economie, 2015 52 KAMPRAD Ingvar, The testament of a furniture dealer, Inter IKEA Systems, Älmhult, 1976-2007.
38
prix que le plus grand nombre pourra les acheter… Aucune peine ne devra être épargnée afin
de maintenir ces prix aux niveaux les plus bas53 ». Le principal levier utilisé par la firme pour
contenir les coûts est la simplification des produits pour pouvoir les vendre en pièces
détachées. Une partie du coût de production est ainsi reportée sur le consommateur. Et comme
c’est le client lui-même qui transporte son meuble conditionné dans un paquet plat,
l’économie porte également sur le prix de livraison. « Principale innovation d’IKEA, ce
système de vente en kit permet à l’entreprise de comprimer ses dépenses du stade de la
production jusqu’à celui de la distribution, règle de base du low cost54 ».
Malgré une image de marque bâtie sur le fait qu’elle est une marque suédoise, vendant des
produits portant des noms scandinaves, l’essentiel de la production a été précocement
délocalisé afin de rechercher le coût du travail le plus avantageux afin de pouvoir produire en
série, à moindre coût. L’entreprise est aujourd’hui mondialisée. Elle compte 1220
fournisseurs établis dans 55 pays.
Les magasins eux-mêmes suivent une charte d’implantation et d’agencement très précise.
Tous implantés en périphérie des grandes villes, quitte à ne pas être accessibles en transport
en commun, ils sont conçus pour que le client déambule en étant obligé de passer par tous les
rayons avant de pouvoir sortir. Ainsi le prix du mètre carré est maitrisé et les opportunités
d’achat sont optimisées.
Le management se targue d’être « convivial » et participatif. Pourtant ce postulat est contredit
par un recours croissant aux CDD (Contrat à Durée Déterminée), à l’intérim, à des contrats à
horaire modulable pour les étudiants et à une large sous-traitance.
Pourtant l’entreprise, consacre un budget important à sa communication éthique. Championne
du green washing (restauration de l’image écoresponsable), la firme multiplie les plans
médiatiques mettant en avant ses initiatives en faveur de l’environnement, ou pour la lutte
contre le travail des enfants. Depuis 2000, IKEA a largement affiché « Iway », un code de
conduite inspiré des conventions de l’OIT (Organisation Internationale du Travail). Pour
Jérôme CHAPLIER, directeur politique de l’ONG (Organisation Non Gouvernementale)
Oxfam-Magasin du monde, alors qu’IKEA refuse de communiquer la liste de ses
fournisseurs, cet investissement semble étonnamment superflu. Il ne correspondant pas au
modèle de maitrise des coûts de l’entreprise. Il suggère que la firme cherche à détourner les
regards d’un autre levier utilisé par l’enseigne : l’évasion fiscale.
53 Idem 54 NAHAPETHIAN Naïri, Ikea : un modèle low cost, Alternatives économiques, Paris, 2010.
39
Nous verrons dans le chapitre suivant que ce même type d’accusation est porté à
l’encontre de nouveaux entrants dans le transport aérien. Non cotée en bourse, IKEA ne
publie pas ses comptes. La société appartient à une fondation caritative néerlandaise, IKEA
Service, qui elle-même serait détenue par des sociétés situées dans des paradis fiscaux. Ainsi
la firme aux fortes valeurs éthiques « préfère ne pas être soumise à la fiscalité de son pays
natal55 ».
Figure 13. Leviers de baisse des coûts dans l’ameublement.
Malgré la fulgurante réussite d’IKEA avec son offre complémentaire, mais également
d’induction et de substitution, les quelques enseignes qui dominent le marché ont su prendre
les devants en adoptant des stratégies de mimétisme par les coûts, d’évitement par la
différenciation et de mimétisme de taille et de localisation d’implantation. Cette capacité
de réaction est avant tout permise par les cycles de consommation longs de ce secteur.
« Même si les meubles ne sont plus des objets qui se transmettent de génération en génération,
même si leur prix toujours plus bas permet d’envisager sans complexes un renouvellement
plus fréquent, leur achat n’est vraiment pas régulier. Seulement 41% des français déclarent
avoir acheté des articles dans les 18 derniers mois. Une fréquence qui laisse le temps de
55 Idem.
40
mettre en place des actions efficaces pour coller aux attentes des consommateurs ... Dans leur
esprit, le meuble reste un produit qui doit être remarquable et remarqué pour sa pérennité56 ».
Au travers de cet exemple, il nous semble, important de prendre en considération le facteur
« Temps » qui conditionne l’efficacité de la riposte des acteurs implantés. Nous verrons comment ce facteur a lourdement handicapé les stratégies de riposte des opérateurs
traditionnels du transport aérien.
1.2.1.3 Blanc, brun, gris57.
Dans ce domaine, on peut distinguer deux types d’offres assimilables à des stratégies low
cost. La première portant sur le produit lui-même. La seconde étant plus particulièrement liée
au mode de distribution.
De nombreuses Marques de produits blancs, bruns, gris viennent élargir la palette de l’offre.
Ainsi Meizu, Wiko, ZTE ou Huawei sont venus enrichir le marché des smartphones avec des
prix défiant toute concurrence. Sangha, Galanz, High One ou Haier ont fait de même dans le
domaine de l’électroménager. En matière d’informatique, ce sont des marques comme Asus,
Acer ou Lenovo qui proposent des produits de performances et de qualités très proches de
leurs équivalents de grandes marques installées à des prix pourtant 30 à 60% moins chers.
Laura DIACONOU explique « qu’ils fabriquent des produits standardisés, dépensant moins
en matière de Recherche et Développement, laissant le soin à d’autres d’innover sur des idées
de nouveaux produits qu’ils peuvent imiter et produire à grande échelle avec des coûts très
bas58 ». Cette stratégie très efficace flirte souvent avec la légalité et notamment avec la
protection des brevets. Ce sont souvent des entreprises établies dans les zones de production
des marques traditionnelles. Parfois, leurs produits sortent des mêmes usines ou d’usines
voisines de celles qui produisent et assemblent les standards des grandes marques comme
Apple, Miele, Toshiba, Samsung ou Nokia.
56 Cetelem 2006. 57 Electroménager (blanc), TV/Hi-Fi, vidéo et téléphonie (brun), micro-informatique (gris) 58 DIACONU Laura, Strategic options of the low-cost companies, 2009. P.81 Traduit par l’auteur : « they make standardized products, spending less “on R&D and advertising than differentiators” and they are “market followers, allowing others to innovate new product ideas, which they can imitate and produce in large volumes at very low costs ».
41
Cette proximité renforce le doute sur la légalité de certaines de ces offres. Les acteurs installés
ont tout d’abord organisé leurs ripostes autour de stratégies de contestation. Les actions en
justice pour contrefaçon se sont multipliées à l’image de la firme nippone Toshiba
qui « protège ses investissements, et réagit fermement à l’utilisation non autorisée de sa
technologie brevetée. Aussi, Toshiba a intenté une action devant le tribunal en propriété
intellectuelle de Taïwan contre la Powerchip Technology Corporation de Taïwan et 3 autres
entreprises : Powerflash Technology Corporation, Zentel Electronics Corporation, et CTC.
Co. Ltd., dans le cadre d'une violation commune des brevets de Toshiba à Taïwan en matière
de mémoire flash 59 ».
Pour autant, il serait réducteur de considérer que l’ensemble de ces offres relève peu ou prou
du domaine de la contrefaçon. L’exemple de Lenovo met en lumière une stratégie très
élaborée qui a permis à cette marque née en 1984 de devenir le numéro un mondial des PC
(Personal Computer) et le numéro trois des smartphones en 2014. À l’origine concentrés sur
le marché chinois, les fondateurs de la marque rencontrent leur premier succès, suite à
l’informatisation progressive du pays, avec « leur système de traitement des caractères chinois
sur PC. Conscients que le marché chinois est une manne encore difficilement exploitable pour
les sociétés étrangères, ils s’imposent dans leur pays d’origine60» en imitant et adaptant, à
moindre coût, les produits phares du marché. Leaders du marché en Chine dès 1996, ils lèvent
des fonds à la bourse de Hong Kong et entreprennent leur conquête des marchés étrangers. Ils
se lancent alors dans une campagne d’intégration horizontale par le rachat de la division PC
d’IBM en 2005. Dès lors, profitant de l’expertise de la marque acquise, les performances de
leurs ordinateurs rivalisent avec les plus hauts standards du marché. En 2011, ils créent une
coentreprise avec le japonais Nec et rachètent Médion, le numéro trois du marché allemand.
Après s’être imposé comme numéro un mondial des PC, Lenovo s’est tourné vers les produits
mobiles seuls porteurs de forte croissance. « Jusque-là, la marque a mené une politique
tarifaire particulièrement agressive se forgeant une image de marque low cost. Le rachat des
mobiles Motorola lui permet de se positionner plus rapidement que prévu sur des smartphones
59 SAINTPIERRE, Alexandra. Toshiba : intente une action en justice suite à la violation de brevets de mémoire flash à Taïwan, boursier.com, 2014. 60 RUSSEL, Géraldine. Lenovo, le chinois devenu géant technologique, Le Figaro, 2014.
42
moyen de gamme. Une étape essentielle avant de pouvoir aller chercher Apple et Samsung sur
leur terrain61 ».
Les investissements permettant un tel degré d’intégration sont énormes. Nous notons que
« l’actionnaire majoritaire de Lenovo est Legend, lui-même contrôlé par l’Académie de
Sciences chinoise62 » et donc par l’état chinois. Nous verrons que cette relation entre
investissement démesuré et liens avec l’Etat présente quelques similitudes avec des éléments à l’œuvre dans la mutation en cours du transport aérien.
La marque opère aujourd’hui une montée en gamme sensée lui permettre de s’installer à la
première place. Lenovo s’éloigne peu à peu du modèle low cost qui a permis son essor avec la
création de neuf centres de R&D extrêmement performants. De même, nous verrons qu’afin
de devenir des acteurs majeurs du transport aérien, des entrants comme Ryanair ou Easyjet empruntent une trajectoire qui les éloigne du modèle qui a fait leur succès.
1.2.2 Les services Low cost.
1.2.2.1 Le commerce en ligne
L’étude Cetelem de 2006 démontre que dans le secteur blanc, brun, gris un autre type d’offre
low cost révolutionne l’industrie. Le circuit de distribution est le vecteur de moindre coût
plébiscité par le consommateur.
Ici, à cheval entre produits et service, le low cost profite pleinement de la désintermédiation
(suppression du magasin physique) permise par un recours massif au commerce en ligne.
« Plus que dans n’importe quel autre secteur étudié, Internet en tant que mode de distribution
a réussi une percée significative avec 25 % des achats réalisés63 » dès 2006. Pour le
consommateur, le double avantage de ce vecteur d’achat est la quête de la meilleure affaire
avec la possibilité de comparer rapidement les prix ainsi que l’aspect purement pratique de
l’achat en ligne. Il n’est plus nécessaire de se déplacer, d’arpenter des rayons aux produits peu
différenciés pour le profane et où le conseil n’est généralement pas aisé et pas toujours
pertinent.
61 Idem 62 LEHMANN-ORTEGA Laurence, Stratégor 6ème édition, 2013, P385. 63 ROUSSARIE Pascal, Le low cost à la française. Même à bas prix la qualité nous est chère, direction de la communication Cetelem, Levallois-Perret, 2006.
43
Grâce au haut débit et avec l’intégration de la 3D (3 dimensions), sans quitter son salon, le
consommateur peut profiter de mises en scène du produit, de vidéos, de fiches techniques
complètes. Il a accès au conseil rapide via des hot lines (liaison directe qui peut notamment
prendre en charge l’appel du client sur une sollicitation par un simple clic). Il peut effectuer
son paiement en ligne, suivre sa commande et sa livraison de A à Z. Jean-Emile
ROSENBLUM, directeur général de Pixmania, l’un des leaders européens des sites de vente
en ligne, précise : « Oui, ça change tout. Il est possible par exemple d’avoir des vidéos sur
chaque produit qui permettent des présentations dynamiques, de la mise en ambiance. Dans
un magasin physique, il y a généralement trois lignes sur le produit, et ce dernier est présenté
de façon statique. Il est donc le plus souvent nécessaire d’aller à la recherche d’un vendeur,
d’ailleurs pas toujours au courant des dernières évolutions techniques du matériel qu’il
vend… Nous sommes quant à nous passés de la notion de “sites listing” à celle de “sites pro-
actifs”. De plus, nous avons un avantage très clair par rapport au commerce traditionnel ; celui
d’avoir 98 % des produits proposés en stock. Concernant les accessoires et consommables,
l’offre est également des plus complètes. Par exemple, nous en proposons une centaine pour
un appareil photo numérique. Et tout ceci est possible grâce à un unique centre logistique64 ».
Le prix a été l’argument principal des pionniers de la distribution en ligne. Ces derniers ont
intégré toutes les étapes systématiquement afin de maitriser la chaine à 100%. La réduction du
nombre d’intermédiaires outre son intérêt économique qui permet d’avoir un positionnement
tarifaire agressif a permis d’assurer un meilleur suivi de la qualité. La vente en ligne permet
également et surtout de s’affranchir de certains coûts de la distribution en magasin. Il s’agit en
particulier des coûts de l’immobilier (loyers et construction). Une centralisation de la
logistique permet de faire des économies d’échelle importantes. Les coûts organisationnels
sont également réduits par la centralisation des équipes.
64 Idem
44
Figure 14 : Leviers de baisse des coûts dans le commerce en ligne.
Les entreprises installées dans le secteur ont rapidement mis en place des stratégies de mimétisme tarifaire et de localisation virtuelle. Elles se sont adaptées en créant leur propre
site marchand tout en les adossant à leurs magasins physiques. Chez Boulanger par exemple
(enseigne High Tech et électroménager du groupe Mulliez), il est possible de commander un
produit sur le site marchand et de le retirer le jour même dans un des magasins de la marque.
Le second volet de la riposte des acteurs installés repose sur une Stratégie d’évitement par la différenciation. Comme dans la distribution alimentaire, la proximité est mise en avant.
Les magasins se réimplantent en centre-ville, comme à Lyon en 2015 avec un magasin de 4
étages au beau milieu du quartier des Cordeliers ou à Paris où l’ouverture d’un magasin est
prévue avant la fin 2015 dans le quartier de l’Opéra. Mais, la montée en gamme porte
particulièrement sur les services associés. Ainsi, toujours chez Boulanger, une gamme de
services à domiciles baptisée B-dom est proposée pour venir en aide au client, pour
l’installation du matériel, le dépannage, et même la formation65.
Dans ce secteur, comme dans la distribution alimentaire ou, comme nous le verrons,
dans le transport aérien, certains acteurs pionniers du low cost comme Pixmania adoptent un modèle hybride de type soft low cost en évolution à mi-chemin des
opérateurs traditionnels et des low cost pure players qui proposent un service parfois de
moins bonne qualité, mais avec une communication très agressive exclusivement axée sur les prix.
65 Sources : sites officiels des marques
45
1.2.2.2 La coiffure. Dans ce domaine où l’activité est fortement intensive en main-d’œuvre avec de potentiels
gains de productivité à priori très faibles, le pari du low cost semblait audacieux. Pourtant
depuis quelques années, plusieurs acteurs typiquement low cost se sont lancés sur le marché et
rencontrent un certain succès. Ils se nomment Tchip Coiffure, Beauty Bubble, Self Coiff’ ou
Fun Look. Ils pratiquent des prix imbattables, entre 40% et 50% inférieurs aux prix habituels
du marché. Pour atteindre un tel niveau de prix, ces enseignes actionnent plusieurs leviers de
baisse des coûts.
• Un choix très minutieux des lieux d’implantation, privilégiant la proximité des zones
de chalandise tout en évitant les loyers dispendieux des centres-ville ou des centres
commerciaux. Nous retrouverons ce souci de proximité à moindre coût dans les
choix de plates-formes aéroportuaires de certains opérateurs du transport aérien.
Beauty Bubble se distingue avec un concept à part. « C'est un mélange de "time is
money (le temps c’est de l’argent) et de pop-up store" (magasin éphémère) " explique
Patrick Langer, responsable du développement de l'enseigne. Pas plus de 15 minutes
par clients, plus de 100 personnes par jour, » dans des salons individuels installés dans
les gares, métros, aéroports voire au cœur des rayons cosmétiques des grandes
surfaces, « ouvert de 7h30 à 19h30, pas de shampoing donc pas d'eau (coupes sur
cheveux propres), des gestes millimétrés (la technique a été importée de Grande-
Bretagne). Taylor n'en reviendrait pas ! Le jeune créateur ne cache pas d'ailleurs que
son modèle absolu en la matière est EasyJet66 ».
• Une organisation en réseau de franchise qui permet de dégager de substantielles
économies d’échelle notamment pour la négociation avec les fournisseurs.
• Une simplification de l’offre, réduite à quelques gestes standards (coupe, soin,
coloration… mais pas de changement radical de couleur par exemple), sans services
annexes ( rendez-vous, boisson, journaux…).
66 SALENTEY, Patricia, Tendance low cost : le salon de coiffure express dans les lieux publics, L’Express L’Entreprise, Paris, 2011.
46
• Des méthodes de coupe standardisées qui éliminent le moindre geste superflu et
génèrent de forts gains de productivité. Self Coiff’ pousse cette simplification jusqu’à
laisser la cliente se sécher les cheveux elle-même. « Ce concept permet au salon de
coiffer en moyenne 800 clients par journée67 ». C’est clairement plus une politique de
volume que de marge qui est poursuivie.
• Une politique salariale incitative où les coiffeuses sont rémunérées pour partie sur le
chiffre d’affaire et sur les ventes de produits complémentaires au service (shampooing,
couleur…). Des marges importantes sont réalisées sur ces ventes et contribuent
largement à la rentabilité du modèle.
Figure 15 : Leviers de baisse des coûts dans la coiffure.
Confrontés à cette offensive low cost, les coiffeurs indépendants sont les moins bien armés
pour résister dans cette compétition. Faute de centrales d’achat capables d’inverser le rapport
de force avec les fournisseurs, ils ne peuvent rivaliser sur les tarifs sans compromettre leur
marge d’équilibre. Malgré quelques tentatives de regroupements de circonstances, la seule
67 DELUZARCHE, Céline, 15 idées de business dans le low cost, Journal Du Net, 2015.
Sources : BEIGBEDER 2007
47
issue semble être la montée en gamme par la personnalisation du service et la relocalisation en
centre-ville.
Les chaines de franchises traditionnelles ripostent également par la différenciation verticale,
haut de gamme voire de luxe. La taille considérable des franchises, Jacques DESSANGE
représente par exemple quelques 1022 salons 68 , donne une puissance de négociation
inégalable vis-à-vis des fournisseurs de matériel. Poursuivant une politique d’intégration
verticale d’envergure, la plupart des grands groupes ont de plus créé leurs propres lignes de
cosmétiques et de produits spécifiques pour la coiffure. Maitrisant l’ensemble de la chaine des
produits et services, les grandes enseignes comme Jacques DESSANGE et Jean-Louis
DAVID ont une grande facilité à piloter une marge optimale. Une forme de dédoublement est également mise en place au travers de salons « express » aux tarifs et services allégés.
1.2.2.3 La banque directe
Dans le secteur de la banque, comme nous avons pu le voir dans l’automobile et c’est
également le cas de l’assurance, ce sont les grands groupes installés qui ont introduit le
modèle low cost au sein de leur activité via des filiales. Ils ont recouru au dédoublement
avant même que de nouveaux entrants potentiels ne viennent les contester sur leur marché.
Cette politique est à la fois défensive et offensive. Elle est certes défensive vis-à-vis
d’hypothétiques banques directes crées ex nihilo. Mais l’émergence de tels acteurs est fort peu
probable en regard des puissantes barrières à l’entrée constituées par une législation
draconienne et par la confiance nécessaire aux yeux du client qui ne saurait confier son argent
à une banque dont la réputation n’est pas établie ou associée à un groupe de renommée
incontestable. La banque directe est en réalité une innovation qui concoure dans la
compétition entre les grands groupes du secteur. Elle permet de s’affranchir des larges
réseaux physiques des banques traditionnelles pour aller contester un nouveau marché
étranger ou de défendre une implantation nationale. Ainsi, sur le marché français, les
principales enseignes de banque directe sont Boursorama, filiale de la Société Générale,
Monabanq liée à Cetelem et aux 3 Suisses, Fortuneo qui appartient au Crédit Mutuel et le
principal entrant sur le marché national est ING Direct, filiale du groupe néerlandais ING qui
68 DESSANGE, Jacques, MOLL, Geneviève. Soixante-dix mille femmes par jour, édition Jean-Claude Gawsewitch, Paris, 2009.
48
résulte de la fusion de NMB Postbank Groep principal groupe bancaire hollandais et de
l’assureur Nationale Nederlanden.
« Le pari de la banque directe est de rompre radicalement avec le modèle dominant de la
banque de détail, fondé sur un maillage étroit du territoire grâce à un réseau dense d’agences.
Elle prend l’exact contre-pied du modèle classique : elle fait d’Internet le canal principal, si ce
n’est exclusif69 ». L’objectif premier de ces enseignes est d’utiliser les services bancaires, tels
que la gestion de compte ou l’offre de moyen de paiement à des tarifs très attractifs, comme
produit d’appel pour commercialiser des produits financiers dont la forte valeur ajoutée est
déterminante.
Figure 16 : Leviers de baisse des coûts dans la banque directe.
La Banque directe ne devrait cependant pas conquérir une part significative du marché
malgré une communication agressive vis-à-vis des circuits traditionnels. « Si elles ne pèsent
pour le moment que 1% de l'encours total d'épargne des Français, Boursorama, ING Direct et
autres Fortuneo multiplient les offres en assurance-vie, marchés financiers et crédits
immobiliers. À moindres frais70 ». Mais le client reste très attaché au modèle rassurant des
banques traditionnelles.
1.2.2.4 Autres services Rapidement, comme pour les produits, le modèle low cost s’est répandu dans toutes les
activités de service. De l’hôtellerie, au fitness (salles de gym), en passant par la téléphonie
mobile et les transports, jusqu’au funéraire71, les offres low cost se multiplient et trouvent un
public de consommateurs séduits. Les leviers de réduction des coûts sont adaptés à chaque
type de service, mais comportent tous une composante de simplification.
69 COMBE Emmanuel, Le low cost : anatomie et perspectives d'un modèle, éditions la Découverte, Paris, 2011. P.79. 70 ERRARD, Jean-Denis, Finances personnelles: ces banques en ligne qui soignent votre épargne, Les Echos, Paris 2015. 71 BAILLY, Guillaume, Comment lutter contre un devis de pompe funèbre low cost. Funéraire info, 2015.
Sources : BEIGBEDER 2007, COMBE 2011
49
Figure 17 : Leviers de baisse des coûts dans les activités de services.
Sources : voir note de bas de page72, réalisation par l’auteur
Le low cost se rend « partout légitime tout en demeurant, hormis sur l’aérien et
l’alimentaire - ses secteurs historiques dont il détient respectivement 20 et 14% en France –
un segment de niche. « Une offre confidentielle » note Emmanuel COMBE, vice-président de
l’Autorité de Concurrence. Pourquoi, alors, s’y précipiter ? Tout simplement parce que ce
n’est pas le poids de ce segment qui fait sa dimension stratégique, mais l’impact qu’il a
72 BEIGBEDER 2007 - COMBE 2011 - DANIAU, Mychele. Avec des prix cassés, les autos écoles en ligne se faufilent sur le marché, Dépêche AFP, 2015. - Site des marques - site lelowcost.fr - BARROUX, David, Au secours, le low cost marque des points, Editos & Analyses, Les échos 2015.
50
sur les comportements des consommateurs et, de ce fait, sur les stratégies des
entreprises. Que celles-ci le pratiquent ou le subissent73 ». Force est de constater qu’il existe aujourd’hui, au-delà de l’offre, une réelle demande low
cost. Elle permet « à chacun de choisir l’essentiel sur un poste afin de pouvoir s’offrir le
superflu sur d’autres74 ». La fonctionnalité déterminant l’acte d’achat, le low cost est utilisé
par le consommateur comme un outil de libre-choix et donc d’arbitrage des dépenses du
ménage. Il a démocratisé et donc élargi les marchés. Loin du marché de la misère que l’on
imaginait en suivant ses premiers pas, ce modèle a quelque peu bousculé la pyramide de
MASLOW. Il devient primordial pour l’individu consommateur de se réaliser par le loisir, la
marque, son propre sentiment de « monter en gamme ». Quel que soit le secteur, le client a la
possibilité de ventiler ses achats d’un extrême à l’autre. Dans le même temps, il peut
totalement désacraliser un produit ou service qui à ses yeux ne compte que par sa
fonctionnalité et s’attacher à l’aspect particulièrement statutaire d’un autre.
Nous retrouvons, dans tous les secteurs, « des enseignements d’études marketing qui
démontrent que nous sommes passés d’une structure de consommation en losange
(consommation massive de produits de gamme moyenne) à une structure de consommation en
sablier (consommation polarisée sur le luxe abordable et les premiers prix75 ». (Voir figure1).
Cette modification de la structure de consommation est renforcée par l’incertitude de
l’économie qui conduit à de nouvelles émotions et comportement que les consommateurs
adoptent pour faire face intelligemment. Sortir du milieu de gamme est incontournable.
(« Uncertainty drives new emotion and behaviors as consumers adopt clever ways to cope.
De-averaging is a must76»).
Cette restructuration de la consommation, de par sa définition, est relativement lissée
d’un secteur à l’autre. L’alimentaire et l’aérien connaissent des taux de pénétration particulièrement importants. Si les enseignes traditionnelles du secteur alimentaire
s’inscrivent dans une mutation maîtrisée, les majors du transport aérien semblent avoir
le plus grand mal à sortir de leur chrysalide. Nous étudierons, dans la deuxième partie de ce mémoire, les causes de cette difficulté.
73 CASTETS Caroline, De quoi le low cost est-il le nom ?, Le nouvel Economiste, Paris, 26 avril 2013. 74 Idem. 75 COMBE Emmanuel, 2011, op. cit. 76 ROCHE Catherine, J.SILVERSTEIN Michael, DUCASSE Patrick, CHARPILO Natalia, Winning consumers Through the downturn, BCG Report on consumers sentiment, Boston, 2009.
51
PARTIE 2
Le transport aérien
52
53
2.1 Historique et état des lieux des acteurs traditionnels du transport aérien
2.1.1 Naissance d’une industrie stratégique. Dès ses débuts, ce sont les états qui ont organisé le transport aérien. Les gouvernements
contrôlaient de près l’accès au marché, certes pour garantir la sécurité des vols, mais surtout
pour protéger les intérêts économiques et politiques de chaque pays.
C’est à la fin du XIXème siècle que l’avion a été inventé, mais c’est la première guerre
mondiale qui l’a mis sur une trajectoire de progrès continu. Au sortir du conflit, les premières
lignes de transport aérien commercial de passagers sont créées. Ces premières liaisons sont
internationales, entre l’Allemagne, l’Angleterre, la Belgique, la France et les Pays-Bas. C’est
ainsi qu’une des toutes premières compagnies aériennes au monde voit le jour en cette fin
1919. Il s’agit de KLM dont le premier vol relie Amsterdam et Londres.
Dès octobre 1919, la première convention de réglementation de la navigation aérienne est
signée à Paris. La souveraineté de chaque État est internationalement reconnue non seulement
sur son territoire, mais également sur le ciel qui surplombe ses terres et ses eaux territoriales.
Chaque pays régit librement son trafic aérien. Ce schéma va donner l’orientation majeure du
transport aérien mondial, basé sur des ententes entre États pour règlementer une exploitation
aérienne internationale tout en protégeant le territoire de chaque pays. Rapidement, la sécurité
est considérée comme une priorité et la gestion du ciel est donnée à des agences
gouvernementales.
Alors que les compagnies pionnières sont la propriété de constructeurs d’avions, d’industriels
ou d’entrepreneurs, c’est par fusions et prises de participations des États que les grandes
compagnies nationales sont créées partout dans le monde, reprenant les couleurs et, le plus
souvent, une référence au pays dans leur nom. « Ces compagnies sont un symbole de la
souveraineté des nations77 ». C’est ainsi qu’en 1923 nait la belge SABENA, suivie de la
britannique Impérial airways en 1924, puis de Deutsche Lufthtansa en 1926. Cette dernière
« manifeste aussitôt une activité de premier plan : tous les pays européens sauf l’URSS et la
77 ABRAHAM Claude, Les compagnies aériennes européennes sont-elles mortelles. Perspectives à vingt ans, Paris, 2013.
54
Turquie sont très vite reliés à l’Allemagne. En 1927, la Pan American Airways débute son
activité par du transport postal entre Cuba et les USA. De la fusion de deux anciennes
compagnies suisses va naitre en 1931 la SWISSAIR, qui va ouvrir l’année suivante, avec des
appareils américains, le service, alors le plus rapide d’Europe entre Zurich et Vienne. L’idée
d’une compagnie unique s’impose en France. Il apparaît en effet nécessaire de regrouper les
moyens aériens pour faire face à la concurrence étrangère : allemande et anglaise en
particulier 78». Air France est donc créée en 1933 par la loi, avec une participation de l’État
français à hauteur de 25% de son capital. Quatre compagnies sont fusionnées en son sein.
Rapidement, une vaste intégration horizontale s’opère, si bien qu’entre 1933 et 1939 la
compagnie opère une centaine d’avions, tous français, ouvrant des routes régulières vers
l’Amérique du sud et l’Extrême-Orient. À côté d’Air France, cinq compagnies sont autorisées
par le gouvernement. L’assentiment de l’État était « nécessaire avant la mise en service de
toute ligne aérienne. Il s’était réservé le droit de contrôler et de diriger la politique générale de
ces sociétés. Un statut juridique approprié à la mission particulière de chacune d’elles leur est
donné79 ».
Durant la seconde guerre mondiale, l’aviation de transport joue un rôle prépondérant dans la
logistique militaire. En Angleterre comme aux États Unis, le matériel et le personnel des
compagnies aériennes sont réquisitionnés pour servir l’effort de guerre et un pont aérien est
établi entre les deux pays. En France, la réquisition a lieu dès 1939, mais Air France est
démembrée avec l’occupation allemande. Ce n’est qu’à la libération, toujours sous réquisition
que le transport aérien français se restructure sous le nom de RLAF (Réseau des Lignes
Aériennes Française). Le transport aérien français est nationalisé en juin 1945, mais la
réquisition n’est levée qu’en 1946 alors que la société reprend le nom d’Air France. Ce n’est
qu’en 1948 que le statut de la Compagnie Nationale Air France est défini.
Jusqu’aux années soixante et l’essor des avions à réaction, le transport aérien reste seulement
accessible aux classes les plus aisées ou à des professionnels. Ce n’est qu’avec la
généralisation de cette innovation que la démocratisation du transport aérien peut commencer.
En France, Air France reste le pivot de la politique nationale du transport aérien. Dans la
dernière décennie du XXème siècle, elle finit par absorber les autres compagnies d’envergure
qui existaient sur le territoire, UTA (Union des Transports Aériens) et Air Inter.
78 Etudes et conjoncture, Le transport aérien en France. - Union française / Economie française, 5e année, N°3, 1950. pp. 23-104. 79 Idem
55
2.1.2 Une industrie très structurée et règlementée. 2.1.2.1 Organisation internationale. Comme nous l’avons vu, la première régulation de la navigation aérienne date de 1919 avec la
convention de Paris. Il s’agissait alors d’établir le principe de souveraineté nationale. En
décembre 1944, au lendemain de la libération de l’Europe, une nouvelle convention est signée
par 52 états à Chicago. La réglementation de l’aviation civile internationale prenait sa forme
encadrée par la définition des 5 libertés de l’air (qui d’ailleurs sont plus des contraintes que
des libertés). Voir Annexe 1.
• « Première liberté : le droit ou privilège accordé par un État à un autre ou plusieurs autres,
de survoler son territoire, sans y atterrir.
• ���Deuxième liberté: le droit ou privilège accordé par un État à un ou plusieurs autres
d’atterrir sur son territoire pour des raisons non commerciales. • Troisième liberté: « le droit ou privilège accordé par un État à un autre État de débarquer,
dans le territoire du premier État, du trafic en provenance de l’État dont le transporteur a la
nationalité. ���
• Quatrième liberté: le droit ou privilège accordé par un État à un autre État, d’embarquer,
dans le territoire du premier État, du trafic à destination de l’État dont le transporteur a la
nationalité. ���
• Cinquième liberté : le droit ou privilège accordé par un État à un autre État de débarquer et
d’embarquer, dans le territoire du premier État, du trafic en ���provenance ou à destination
d’un État tiers.
Les autres libertés de l’air ne figurent pas officiellement dans la convention de Chicago et ses
annexes, mais L’OACI (Organisation de L’Aviation Civile Internationale) précise qu’elles
peuvent être prévues dans des accords particuliers et elle en précise la définition :
• Sixième liberté : le droit ou le privilège de transporter, en passant par l’État dont le
transporteur a la nationalité, du trafic entre deux autres États.
• Septième liberté: le droit ou le privilège, accordé par un État à un autre de ���transporter du
trafic entre l’État qui accorde ce droit ou privilège et un troisième État quelconque sans
obligation d’inclure dans cette opération un point du territoire de l’État bénéficiaire. ���
56
• Huitième liberté (cabotage consécutif) : le droit ou le privilège de transporter du trafic de
cabotage entre deux points du territoire de l’État qui accorde le droit ou privilège au moyen
d’un service qui commence ou se termine dans le territoire de l’État dont le transporteur
étranger a la nationalité, ou (en rapport avec la septième liberté de l’air), à l’extérieur du
territoire de l’État qui accorde le droit ou privilège. ���
• Neuvième liberté (cabotage « autonome ») : droit ou privilège de transporter du trafic de
cabotage de l'État qui accorde ce droit ou privilège au moyen d'un service effectué
entièrement à l'intérieur du territoire de cet État80… »���.
« La première et la deuxième liberté (droit de survol et d’escale technique) sont
automatiquement échangées de façon multilatérale entre les pays signataires de
la ���Convention. Les autres libertés ne peuvent être accordées que sur la base d’une autorisation
ou permission accordée de façon bilatérale. L’article 6 de la Convention précise en effet qu’«
aucun service aérien international régulier ne peut être exploité au-dessus du territoire d’un
État contractant ou à l’intérieur de celui-ci, sauf avec une permission spéciale ou toute autre
autorisation dudit État et à condition de se conformer aux termes de ladite permission ou
autorisation ». Sur cette base bilatérale, chaque État contractant à l’OACI accorde aux autres
contractants les troisièmes, quatrièmes et cinquièmes libertés de l’air reconnues officiellement
par l’institution.
La Convention de Chicago admet un certain multilatéralisme à travers la création de
l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale (OACI), institution permanente rattachée
à l’ONU81 » en 1947 avec 55 états membres. Elle en compte aujourd’hui 19082. « Cependant,
la Convention érige surtout en principe le bilatéralisme à l’échelle des échanges de droits
de trafic et du fonctionnement économique des services aériens ».
Les tarifs étaient fixés jusqu’à la dérèglementation de 1978 par l’International Air Transport
Association (IATA) et devaient être approuvés par les gouvernements. IATA est une
organisation commerciale internationale de transporteurs aériens qui a été fondée en 1945.
Son siège social est situé à Montréal et l’association regroupe aujourd’hui près de 250
compagnies aériennes, ce qui représente environ 85% du trafic aérien mondial de passagers.
80 OACI, Manuel de la réglementation du transport aérien international, deuxième édition, Organisation de l’aviation civile internationale, Montréal, 2004. 81 PAPY Romain, l’aviation commerciale et le droit antitrust, Université Montesquieu Bordeaux IV, 2011 82 Liste officielle : http://www.icao.int/cgi/goto_m_f.pl?cgi/statesDB4.pl?fr
57
« Sa fonction est d’édicter des règles concernant la détermination des conditions de transport
à la fois des passagers, des marchandises et des bagages. IATA organise des conférences
régionales de trafic couvrant respectivement l’Amérique, l’Afrique, le Moyen-Orient,
l’Europe, le reste de l’Asie, l’Océanie et le Pacifique avec un système tarifaire pour chaque
zone géographique. Ses décisions ont un statut de recommandation et non pas d’obligation.
Elles sont publiées par l’IATA».83
Le Régime de Varsovie est constitué par un ensemble de documents internationaux de droit
aérien qui régit la responsabilité des transporteurs en ce qui concerne les passagers et les
consignataires. Il traite de la responsabilité des transporteurs aériens, des règles relatives aux
titres de transport, aux paiements internationaux ou encore au fret postal… Ce régime est
refondu en 1999 dans la Convention de Montréal.
De nombreuses autres conventions internationales touchent ou régissent certains aspects du
transport aérien, allant des droits de propriété, acquisition ou possession d’aéronefs, aux droits
des personnes au sol subissant un dommage causé par un aéronef ou à la définition des actes
illicites visant le domaine du transport aérien.
Il existe également une organisation multilatérale à vocation régionale. Le Conseil de
l’Europe a crée en 1955, la Conférence Européenne de L’Aviation Civile (CEAC). Basée à
Paris, et regroupant 44 États membres, elle collabore étroitement avec l’OACI. Son rôle est
d’élaborer des recommandations et des résolutions pour « promouvoir le développement d'un
système de transport aérien européen sûr, efficace et durable. » Dans cette perspective, la
CEAC cherche d’une part à harmoniser les politiques et les pratiques de ses États membres
dans le domaine de l’aviation civile et d’autre part à rapprocher les positions politiques de ses
États membres avec celles d’autres pays non européens, notamment en Afrique, en Amérique
latine ou dans les pays arabes. En tant qu’organisation européenne, la CEAC collabore avec
diverses institutions européennes comme le Conseil de l’Europe, le Parlement européen ainsi
qu’avec Eurocontrol qui est en charge de la navigation aérienne européenne civile et
militaire et l’EASA (European Aviation Safety Agency) l’agence européenne responsable de
la sécurité aérienne .
Enfin, un autre organe important associé à la CEAC est le Conseil des autorités conjointes 83 ROSSIGNOL Denis, Air France, mutation économique et évolution statutaire, édition l’Harmattan, Paris, 2009.
58
de l’aviation (JAA : Joint Aviation Authorities). Il veille à la mise en œuvre des accords
entre États membres pour le développement, l’acceptation et l’application de normes et
procédures communes de sécurité. Le JAA dispense également des formations en matière de
sécurité aérienne.
2.1.2.2 Règlementation bilatérale.
Les accords bilatéraux classiques sont généralement contractés entre deux États, l’une des
parties peut être un groupe d’États (il peut exister des accords bilatéraux entre deux
compagnies, mais de portée restreinte). Leur objectif est de « conclure, mettre en œuvre ou
proroger quelque type d’accord ou d’entente intergouvernementale sur les services aériens
entre les territoires des deux parties84 ». Ils précisent que les compagnies concernées doivent
être désignées, contrôlées et établies par le pays visé. Ils interdisent généralement les 6ème et
9ème libertés aériennes qui d’ailleurs ne sont pas reconnues officiellement par l’OACI. Ils
définissent des clés de répartition des capacités et régulent les tarifs. Si la réglementation
bilatérale n’a pas de structure organisationnelle, elle possède cependant une structure étendue
de réglementation juridique, constituée de plusieurs milliers d’accords et d’ententes
bilatéraux. Les accords bilatéraux classiques ont constitué une base normative relativement
stable et équilibrée à partir de laquelle le système de transport aérien international a connu une
croissance constante jusqu’au mouvement de libéralisation initié aux États-Unis à la fin des
années 1970.
Les accords bilatéraux libéraux (de ciel ouvert ou « Open skies ») ont vu le jour dans les
années 1970-80 et se sont généralisés à partir des années 1990. Ces derniers ont éliminé la
majeure partie des restrictions portant sur les capacités et la tarification, mais également sur
l’accès au marché. L’une des difficultés principales de ces nouveaux accords réside dans les
fortes divergences de vues entre États quant aux niveaux souhaitables de protection, de concurrence et de coopération au sein de l’industrie. Dans un premier temps, cette
problématique n’était pas (suffisamment) prise en compte, même si certains accords
mentionnaient des principes en matière de concurrence voire des engagements « à éviter » les
pratiques prédatrices ou inéquitables. Ces dernières années, l’application de lois sur la
concurrence dans le transport aérien s’est non seulement retrouvée plus fréquemment dans les
accords, mais elle a aussi englobé un nombre grandissant de questions, depuis les fusions et
84 OACI, Manuel de la réglementation du transport aérien international, 2004
59
alliances, l’immunité antitrust, le dumping de capacité et la tarification, l’abus de position
dominante, les ventes et le marketing prédateurs, jusqu’aux redevances et taxes d’aéroport,
aux aides publiques et aux garanties de prêts…
Nous verrons dans la suite de cette recherche que la loyauté de la concurrence est au cœur des difficultés rencontrées par ce secteur en pleine mutation.
Ces accords bilatéraux peuvent prendre plusieurs formes. « Si le type le plus fréquent de
négociation internationale sur les services aériens est la négociation bilatérale entre deux États
souverains » (Type 1), la multiplication des unions d’États ou des communautés économiques
régionales, implique une évolution certaine de la structure de ces accords ainsi que de leur
type de négociation.
Nous verrons comment cette évolution peut jouer un rôle dans les difficultés
concurrentielles que vivent aujourd’hui les compagnies européennes qui évoluent dans un marché aux allures de village mondial.
Figure 18 : négociation bilatérale de type 1
2.1.2.3 Règlementation bilatérale complexe et multilatérale.
Vu la variété de formes des modes d’organisations entre États, il est nécessaire d’établir une
typologie des modes de négociations. L’OACI décrit précisément les types de négociations
possibles. Voir figure 18 et 19.
Source : manuel OACI 2004
60
La négociation de type 2 est une négociation bilatérale conjointe. Elle est peu caractéristique
puisqu’elle concerne les cas où des entretiens bilatéraux conjoints permettent la conclusion
d’accords distincts, mais similaires. C’est notamment le cas quand des États ont la même
compagnie aérienne comme le Danemark, la Norvège et la Suède avec la compagnie SAS.
Au-delà des types 1 et 2, les plus simples, toute une série de types de négociation implique un
nombre d’acteurs variable avec des interactions plus ou moins complexes entre États, groupes
d’États, organisations d’États…(types 3 à 8) Les Types 9a, 9b et 9c sont des variantes
d’élaboration d’une nouvelle forme d’accord, qui se trouvent entre la négociation bilatérale
type1 et de la négociation multilatérale (Type 10).
Figure 19. Différents types de négociations internationales.
61
62
Source : manuel OACI 2004
L’Union européenne et les États qui la composent sont particulièrement exposés à cette
complexité architecturale des accords. Selon Margrethe VESTAGER, responsable du
portefeuille de la Concurrence à la Commission européenne, « quand il s’agit de politique de
la concurrence, il y a nécessairement un choc d’intérêts divergents ». Face à l’attractivité de
l’Union, la Commission est de plus en plus interventionniste. « Face à une tentative de fausser
la concurrence, ma responsabilité comme commissaire, va jusqu’à saisir une cour de justice si
nécessaire. Devant les tribunaux, les arguments politiques n’auront aucun poids. Les juges
examinent les faits et les preuves au regard des textes de loi85 » explique-t-elle.
Alors que des règles de concurrence sont influencées, au sein de l’Union, par le principe de
libre circulation des biens et services, une grande diversité d’accords aériens bilatéraux entre pays membres et pays extérieurs existe et ne comporte pas forcément les mêmes
obligations de loyauté de la concurrence que celles qui s’appliquent au sein de l’Union.
Ce défaut d’harmonisation légale et règlementaire rend difficile, voire dans certains cas
impossible, les interventions juridiques de la Commission en matière de transport aérien. Définir les pratiques normales et les pratiques anticoncurrentielles ou les distinguer entre elles
est un défi majeur. Les efforts se poursuivent aux échelons nationaux et internationaux pour
élaborer des lignes directrices sur la concurrence, mais on s’en remet dans une large mesure à
des analyses et à l’élaboration de normes selon une approche au cas par cas. L’OACI a établi
85 DEMETZ Jean-Michel, PAQUETTE Emmanuelle, la concurrence n’est pas une arme politique, l’Express n°3338 du 24 juin, paris, 2015.
63
une liste indicative de pratiques anticoncurrentielles possibles. Les États peuvent utiliser le
Doc 958786 de l’OACI pour identifier les comportements inacceptables sur le marché et
étudier des mesures de réglementation appropriées.
2.1.2.4 Organisation nationale. En vertu de l’article premier de la convention de Chicago : « La réglementation nationale du transport aérien est établie par un État à l’intérieur de son territoire, dans l’exercice de sa
souveraineté sur ce territoire et l’espace aérien qui s’y rattache ». Elle s’applique donc aux
services aériens domestiques comme internationaux et aux transporteurs nationaux comme
étrangers. Nous noterons que pour les services aériens internationaux, la réglementation
nationale doit prendre en compte l’ensemble des accords bilatéraux ou multilatéraux que
l’État concerné a contracté.
Chaque État poursuit des buts particuliers au travers de sa réglementation nationale du
transport aérien international, en fonction de sa propre politique économique, sa politique
intérieure, sa politique des affaires étrangères, la géographie de son territoire… En règle
générale, elle couvre, de manière adaptée à la réalité de chaque État, des champs assez
similaires. Selon l’OACI, les principaux buts sont les suivants :
1. Satisfaire les besoins en transport du commerce avec l’étranger.
2. Promouvoir certains secteurs de services (par exemple, le tourisme).
3. Créer des emplois.
4. Obtenir des devises étrangères.
5. Répondre aux besoins des services postaux.
6. Créer les conditions nécessaires à un secteur du transport aérien sain et viable.
7. Contribuer au développement national.
8. Être utile à la défense nationale.
9. Répondre aux besoins de secours en cas de catastrophe.
Chaque pays a son organisation propre qui agit en coordination avec les organisations
internationales, régionales et les organisations des autres pays. Il existe des différences
significatives selon les pays en ce qui concerne les structures administratives en charge de
l’aviation civile. Dans la plupart des États européens, les fonctions de régulateur, d’opérateur
86 OACI, Politique et éléments indicatifs sur la réglementation du transport aérien international, Doc 9587, OACI, troisième édition, Montréal, 2008.
64
de navigation aérienne et très souvent d’autorité de surveillance sont clairement dissociées,
alors qu’aux États-Unis et en France, ces fonctions sont assurées par la même entité.
Nous nous intéressons ci-après à l’organisation française du transport aérien
« Sur une initiative parlementaire, le ministère français des Travaux publics ébauche le volet
civil de l’aviation. Un arrêté du 19 novembre 1909 crée une commission d’étude débouchant
sur le décret du 21 novembre 1911, premier texte réglementant la navigation aérienne. En
1917, une commission interministérielle est présidée par le député d’Aubigny ; celui –ci
déclare que la paix revenue, l’aviation doit devenir une industrie de transport 87 ».
Depuis 1928, le ministère de l’air gérait le transport aérien civil comme militaire. C’est en
septembre 1946 le Secrétariat Général à l’Aviation Civile et Commerciale (SGACC) est créé
(voir annexe 2). À l’occasion de la disparition des secrétaires généraux dans l’administration,
le Secrétariat général à l'aviation civile est supprimé pour devenir la Direction générale de
l'aviation civile (DGAC).
La DGAC est aujourd’hui rattachée au « Ministère de l’Écologie, du Développement durable
et de l’Énergie. Elle est chargée de préparer et de mettre en œuvre la politique de l’État en
matière d’aviation civile dans les domaines techniques et économiques. Elle traite de
l’ensemble des composantes de l’aviation civile : développement durable, sécurité, sûreté,
contrôle aérien, régulation économique, soutien à la construction aéronautique, aviation
générale, formation aéronautique. Prestataire de services des compagnies aériennes, elle
assure la gestion de la circulation aérienne, élabore et fait appliquer la réglementation de
l’ensemble des activités qui concernent l’aviation civile. Elle veille au respect du droit des
passagers ainsi qu’à l’aménagement et au développement du territoire. Conseil et partenaire
de l’industrie, la DGAC soutient la recherche et le développement des grands programmes
aéronautiques. Elle se fixe l’objectif de concourir aux diminutions des pollutions de toute
nature générées par le trafic aérien88 ». Elle comprend 6 directions principales :
87 DGAC, Les archives historiques de la DGAC, Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer, Paris, 2009.
88 DGAC, Observatoire de l’aviation civile - Tome 1 – Analyses, Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, Paris, 2014.
65
• La Direction du transport aérien (DTA) élabore les politiques publiques du
transport aérien. Elle détermine le cadre dans lequel évoluent tous les acteurs.
• Le Secrétariat général gère la formation aéronautique (notamment l’ENAC : École
Nationale de l’Aviation Civile), le réseau d'informatique les taxes aéroportuaires, les
systèmes d’information et de modernisation, l'ingénierie aéroportuaire, soutient le
pilotage de la politique immobilière.
• La Direction des services de la navigation aérienne (DSNA) est en charge des
services de navigation aérienne.
• La Direction de la sécurité de l'aviation civile (DSAC) exerce essentiellement des
missions de contrôle et de surveillance de l’application de la réglementation.
• La Mission aviation légère, générale et des hélicoptères est chargée de coordonner
l'action des services de la Direction générale de l'aviation civile à l'égard de ses
usagers, de mesurer l'impact des évolutions réglementaires et de s'assurer que les
spécificités de leurs opérations sont dûment prises en compte.
• L’Organisme du contrôle en vol (OCV) conseille le directeur général et ses services
sur les problèmes posés par la conduite des aéronefs de transport et participe aux
commissions et conseils concernant la formation des personnels navigants.
Figure 20 : Organigramme de la DGAC
Source : DGAC
66
Aux États-Unis, comme en France, c’est une administration centrale qui est en charge de tout
ce qui concerne le domaine de l’aviation civile, la FAA (Federal Aviation Administration),
navigation aérienne comprise. À noter cependant que la sûreté dépend aux États-Unis d’une
administration spécifique, la Transportation Security Administration (TSA) - administration
de la sûreté des transports -, compétente pour tous les modes de transport et dépendante du
Department of Homeland Security ; le rôle de l’assistant administrateur de la FAA en charge
de la sûreté et des matières dangereuses est, pour ce qui concerne la sûreté, limité à celle des
personnels et des équipements de la FAA.
Au Royaume-Uni, la gestion du transport aérien repose sur trois administrations distinctes. Le
département des transports (Department for Transport DfT), sous l’autorité du secrétaire
d’État aux transports, est en charge des aspects stratégiques des transports aériens comme
routiers ou maritimes. Il représente notamment le Royaume-Uni pour négocier les accords
bilatéraux avec les autres États. La Civil Aviation Authority (CAA) s’occupe de la régulation
économique des transporteurs, du suivi de la législation européenne, des aéroports et des
contrôles de sécurité. Le National Air Traffic Service (NATS), organisme en partenariat
public-privé, est l’opérateur de navigation aérienne.
En Allemagne, le transport aérien relève également de plusieurs entités. L’autorité fédérale
de l’aviation (LuftfahrtBundesamt - LBA) est en charge de certaines fonctions stratégiques
(production de la réglementation technique, régulation économique), mais est surtout
l’organisme chargé du contrôle de la sécurité (certification, réglementation) et de l’inspection
des transporteurs, du personnel navigant et des constructeurs. L’opérateur de navigation
aérienne est la DFS (Deutsche Flug Sicherung Gmbh). C’est la société pour la sécurité
aérienne allemande. Les 16 régions allemandes ont également des responsabilités en matière
de transport aérien. Elles sont notamment responsables de la certification et des mesures de
sûreté des aérodromes établis sur leur territoire, mais également de la mise en œuvre de la
législation contre le bruit.
En Italie, c’est l’ENAC, un établissement public sous l’autorité du ministre des Transports,
qui se charge d’élaborer la réglementation technique, des relations avec les organisations
internationales, du contrôle de la sécurité et de la sûreté. La Navigation aérienne est quant à
elle opérée par l’ENAV (Ente nazionale per l’assistenza al volo).
67
L’organisation de l’aviation civile espagnole a été réorganisée en 2008 avec la création de
l’AESA (Agencia Estatal de Seguridad Aérea) qui est dorénavant l’autorité de surveillance et
de contrôle de la sécurité aérienne. La DGAC (Direccion General de Aviacion Civil)
rattachée au ministère du développement se charge de la planification de la politique
aéronautique civile, des relations internationales et de la régulation économique. L’AENA
(Aeropuertos Españoles y Navegación Aérea) est l’opérateur de navigation aérienne, mais
également l’exploitant des plus grands aéroports espagnols.
Cette grande diversité d’organisation et de statuts des structures en charge du transport
aérien, (voir cartographie des acteurs annexe 3) particulièrement au sein de l’Union Européenne, peut engendrer des difficultés de coordination de la « défense » du
transport aérien européen dans un contexte de mutation du secteur.
2.1.3 Un marché monopolistique (1945 – 1978) De la fin de la seconde guerre mondiale jusqu’à la veille des années 1980, le marché du
transport aérien, en croissance constante, a permis aux entreprises pionnières du secteur de
s’établir durablement et de prospérer à l’abri de lourdes barrières à l’entrée et d’accords
bilatéraux quasi monopolistiques.
L’un des marchés les plus porteurs de l’époque était celui entre le Royaume-Uni et les États-
Unis. Les deux États signèrent, aux Bermudes, un premier accord bilatéral sur le transport
aérien dès 1946. Cet accord qui décidait quelles compagnies étaient autorisées à exploiter des
lignes entre les deux pays ne sera remplacé par l’accord Bermudes 2 qu’en 1977. Le partage
de capacité était clairement défini pour chaque compagnie et l’encadrement de ce marché
allait jusqu’à définir la fréquence des vols, les routes aériennes et les escales commerciales et
techniques. C’est donc dans un contexte particulièrement protégé que des compagnies comme
BOAC (British Overseas Airways Corporation), l’ancêtre de British Airways, La Pan
American Airways, ou la TWA ont pu s’installer aux toutes premières places du secteur, sans
être exposées à la concurrence.
Cet accord servit de modèle à de très nombreux autres. Ainsi, de 1945 à 1978, ce sont plus de
trois mille accords, inspirés de Bermudes 1, qui furent signés entre différents États.
Inévitablement, ces accords eurent pour conséquence l’instauration d’un marché
68
monopolistique où chaque compagnie désignée pouvait effectuer ses liaisons sans se soucier
réellement de leur compétitivité.
Durant cette période, la coordination tarifaire sous l’égide internationale de l’IATA limitait
les risques sur la rentabilité des compagnies. Dans chacun des pays où la demande était
suffisante, un ou des acteurs majeurs s’installaient et se développaient.
« À la fin des années 1950, la Sabena figure parmi les toutes premières compagnies
aériennes mondiales. En 1958, pour les vols internationaux, elle ne cède le pas qu’à Air
France, la KLM, la BOAC, la SAS ainsi qu’aux deux géants américains, la TWA et Pan
Am89 ». À partir des années 1960, des compagnies comme British European Airways (qui
fusionnera avec BOAC en 1974 pour devenir British Airways), Lufthansa, l’australienne
Qantas, Swissair, Alitalia, Japan Airlines ou Iberia ont des taux de croissance très
importants et enregistrent toutes des bénéfices.
À partir de 1959 les appareils à réaction permettent de voler à 900 km/h, ce saut
technologique permet de traverser l’Atlantique en à peine 8 heures alors qu’il en fallait encore
15 en 1955. Il devient possible de faire un aller-retour entre deux villes d’Europe dans la
même journée. La clientèle d’affaire est conquise. Ces clients, dont le coupon est de loin le
plus rémunérateur pour les Compagnies aériennes, se détournent de la concurrence maritime
et ferroviaire pour adopter l’avion comme moyen de transport privilégié. À l’entrée dans les
années 1970, les grandes Compagnies réussissent le développement des très gros porteurs à
réaction (3 à 400 places) et font entrer le transport aérien mondial dans une ère de
démocratisation. Les avancées techniques sont spectaculaires et entrainent dans leur sillage
une forte progression des trafics aériens. La sécurité est en amélioration constante. Le vecteur
aérien s’impose comme le moyen de transport le plus sûr, le plus rapide, le plus pratique. Les
prix deviennent abordables pour une part de la population de plus en plus vaste. Le transport
aérien se transforme en marché de masse.
L’ascension de l’industrie et des acteurs qui se sont imposés semble constituer un ordre établi.
Le marché se développe partout dans le monde à partir de deux grands pôles économiques :
Les États-Unis et l’Europe. Les deux cœurs de l’économie mondiale injectent du trafic aérien
de plus en plus loin, de plus en plus vite. Ce sont des pompes aspirantes et refoulantes qui
alimentent les économies américaine et européenne. Le transport aérien devient le flux vital 89 VANTHEMSCHE Guy, La Sabena : l’aviation commerciale belge 1923-2001 : des origines au crash, édition De Boeck Université, Bruxelles, 2002
69
qui perfuse le monde. Les cœurs battent à un rythme régulier et rassurant jusqu’au premier
choc pétrolier de 1973. Les grandes compagnies aériennes accusent le coup avec un prix du
kérosène qui bondit et remet en cause la rentabilité de certaines entreprises. La limitation de
la concurrence directe, même si elle reste encore la règle, est de plus en plus contestée,
particulièrement aux États-Unis. Sous la présidence de Jimmy CARTER qui prônait une
économie libérale, le système de tarification par les conférences de trafic encadrées par IATA
apparait trop sévère. En 1977, des tensions entre IATA et les États-Unis apparaissent, lesquels
se retirent du système tarifaire décidé à la Convention de Chicago. Ainsi, un transporteur non
régulier, Laker Airways, lança un vol entre New York et Londres à moitié prix. Il démontra
ainsi que le voyage en avion n’était pas réservé aux plus aisés et que si l’on supprimait le
monopole des grandes compagnies nationales, le transport aérien deviendrait accessible à de
nombreux autres Citoyens américains. « De nombreux économistes prônent les vertus de la
concurrence90 ».
2.1.4 La dérèglementation (deregulation) L’Histoire du transport aérien prend un virage prépondérant avec l’avènement de la
déréglementation. Le terme deregulation en anglais, est moins ambigu que sa traduction
française qui sous-entend une absence totale de règle. Or, seules celles relatives aux tarifs et
aux droits de trafic sont concernées. La réglementation technique reste extrêmement
rigoureuse. La deregulation débute aux États-Unis à la fin des années soixante-dix et ne sera
adoptée que plus tard en Europe. Elle s’est donc développée différemment dans ces deux
zones géographiques. Les conséquences sur l’organisation du transport aérien sont
nombreuses. La principale étant l’entrée d’un nouveau concept qui jusque là était presque
inconnu pour la plupart des compagnies aériennes : la concurrence.
2.1.4.1 Deregulation américaine (1978 à1984) Dès 1977, le gouvernement de Jimmy CARTER libère le trafic intérieur de fret aux États-
Unis. Et le 24 octobre 1978, la loi 95-504 « Airline Deregulation Act » redéfinit la
réglementation du trafic aérien américain. L’objectif affiché est de libérer les forces
concurrentielles du marché pour donner aux services aériens domestiques un souffle nouveau
en terme de variété, de qualité et de prix. Une période de transition de 5 ans est mise en place
notamment pour généraliser l’application de la 5ème liberté (liaison entre deux pays) à toutes 90 ABRAHAM Claude, 2013, op. cit.
70
les Compagnies américaines. Il s’agit de passer d’un modèle de concertation et d’accords
bilatéraux entre États à un modèle de libre concurrence en entreprises. Les gouvernements
européens n’adhèrent pas à cette nouvelle philosophie… du moins pas tout de suite.
Dès lors, de nouvelles compagnies aériennes peuvent entrer sur le marché américain. Toutes
les compagnies, libres de fermer ou d’ouvrir les lignes qu’elles désirent peuvent ainsi
réorganiser leurs réseaux. Les prix sont dorénavant modulés en fonction de la demande, des
coûts réels d’exploitation, de la capacité des avions exploités sur chaque ligne ou de
l’intensité de la concurrence sur une liaison donnée, voire des horaires que l’exploitant a la
liberté de choisir.
Rapidement, de nombreuses compagnies sont créées et définissent elles-mêmes leur offre
commerciale : politique tarifaire, ciblage clientèle, dimensionnement et coordination du
réseau…
Dans une première phase, « le nombre d’opérateurs augmente fortement. En 1978, il y avait
36 compagnies aux USA. Ce chiffre bondit à 123 en 1984 alors qu’aucune compagnie
d’envergure internationale n’avait été créée depuis 1938. De nombreuses petites compagnies
arrivent sur le marché, les coûts et les prix réels baissent, mais la qualité de service également.
La guerre des tarifs crée de fortes distorsions : elle se caractérise par des tarifs promotionnels
sur les axes à fort trafic (82% des ventes en 1984, 38% en 1978) et des augmentations de prix
de 15 % sur les axes à trafic très faible91 ».��� Face à cette guerre tarifaire, Delta airlines invente
le yield management (gestion fine) en 1984 afin d’optimiser les recettes en fonction de la
typologie de la clientèle et de l’évolution de la demande. Les tarifs sont pilotés en temps réel.
Une autre conséquence a suivi avec la suppression des lignes les moins fréquentées et les
moins rentables. Il y a en fait eu plus de suppressions que de créations de liaisons. Cette
évolution était prévisible, puisque, très logiquement, en retrouvant le choix d’opérer les
liaisons qu’elles désirent, les compagnies se sont retirées des lignes les plus coûteuses, ne
répondant pas à un réel besoin et donc les moins rentables. Nous noterons que ces retraits
n’ont pas été sans effet sur la desserte des régions enclavées. Enfin, en ayant l’opportunité
d’optimiser leurs réseaux, les grandes compagnies s’éloignent du point à point pour organiser
des réseaux en étoile. Le système du hub and spoke (faisant référence au moyeu et aux rayons
d’une roue de vélo) s’impose progressivement. Les vols courts et moyens courriers des 91 BALDIN Edith, La dérèglementation du transport aérien aux Etats-Unis et en Europe, OEST, Paris 1994.
71
compagnies servent en complément de trafic d’apport vers le ou les hubs de la Compagnie à
partir desquels elle concentre les arrivées et départs de ses vols longs courriers.
« Dans une deuxième phase, on assiste à la disparition des entreprises les plus fragiles et à des
concentrations. Les nouvelles venues ne vont pas pouvoir résister aux majors, qui elles aussi,
baissent leurs coûts et leurs tarifs tout en maintenant la qualité de service92 ». Les nouvelles
entrantes, ne pouvant profiter d’un réseau installé et des économies d’échelles dont jouissent les majors, doivent trouver des nouvelles stratégies pour s’accrocher au
marché.
Joel BLEEKE a mené une étude sur les comportements stratégiques dans le transport aérien
aux États-Unis sur une période de dix ans de dérégulation. Il dégage quatre typologies de
compagnies performantes :
• « les grandes entreprises généralistes, offrant une large gamme de produits et services
sur une aire géographique étendue,
• les nouveaux venus opérant à faibles coûts qui se sont peu à peu spécialisés,
• les spécialistes d’un marché très précis qui offrent un service de haute qualité à un prix
assez élevé, ou visent une clientèle spécifique,
• enfin, les prestataires de services qui s’adressent aux nombreuses entreprises d’un
secteur 93».
• Dans le même esprit, D. O’REILLY94 applique les théories de Porter sur la nécessité
de choix d’une stratégie concurrentielle dans un transport aérien en dérégulation. Ses travaux
démontrent la nécessité d’un choix stratégique. Il décrit le succès des compagnies qui ont
suivi les trois stratégies génériques préconisées par Porter : la focalisation – spécialisation ;
la différenciation par la marque ; la stratégie de domination par les coûts et les
économies d’échelle. « Une quatrième stratégie étant celle qui revient à ne pas choisir de
stratégie : stuck in the middle (« coincée au milieu »). Dans un contexte difficile, les
entreprises les plus performantes sont plutôt celles qui ont fait le choix clair d’une stratégie
générique. Les firmes « coincées au milieu » sont, dans l’ensemble, les moins
92 idem 93 BLEEKE Joel, Quatre stratégies pour affronter l’Europe ouverte, Harvard L’Expansion, 1991, p. 99-108 94 O’REILLY D., Classical competitive strategy in newly deregulated industries-Does it apply?, International Review of Strategic Management, vol. 6, 1995, p. 123-146.
72
performantes95 ».
Le marché américain est alors en pleine croissance. Certains nouveaux concurrents, exposés à
une guerre des prix qui ne leur permet pas d’offrir la même qualité de service que les majors
font le choix de mener une offensive drastique sur les coûts d’exploitation. Ils inventent un
modèle qui deviendra une référence pour les vols courts et moyens courriers : les compagnies Low cost.
Nous reviendrons, au chapitre 2.2, sur cette innovation majeure du transport aérien.
2.1.4.1 Dérèglementation européenne (1987 à 1997) A la suite d’une vague de concentration, les compagnies américaines ont constitué de robustes
fiefs sur leur territoire. Elles ont naturellement cherché des sources de profit à l’extérieur.
Ayant acquis une expérience certaine pour évoluer dans un milieu concurrentiel, elles
souhaitaient étendre la dérégulation aux vols internationaux. L’Europe les a particulièrement
attirées. En effet dans les années 1980, le marché européen hors Russie représentait déjà plus
de 200 millions de passagers par an96. Les États-Unis entendaient bien convaincre d’autres
États ou groupes d’États à adopter une libéralisation du transport aérien. Pour développer leur
trafic transatlantique et desservir les villes européennes, les Américains ont dénoncé les
restrictions de capacité dans les accords bilatéraux qui les liaient aux pays européens, pour les
renégocier de manière moins limitative. Ils se sont appuyés sur l’accord des Bermudes
contracté avec le Royaume-Uni qui était plus libéral que les accords classiques. Il prévoyait
notamment que les capacités devaient être en rapport avec le potentiel de trafic, sans pour
autant les prédéterminer. Premier à renégocier, le Royaume-Uni est le seul pays européen à
réussir à équilibrer le trafic sur l’Atlantique Nord. Il faut bien reconnaître que les autres
renégociations d’accords bilatéraux avec les États-Unis ont plutôt défavorisé les transporteurs
européens pour qui le marché intérieur américain n’a jamais été ouvert. « Le trafic a
largement doublé enter 1982 et 1993, avec une croissance particulièrement forte sur la France,
au profit des compagnies américaines, faute pour Air France de s’être préparée à affronter la
concurrence97.
95 DUQUESNOIS Franck et al. , Stratégies concurrentielles dans une industrie en crise. Le cas de l'industrie vitivinicole en Languedoc-Roussillon, Revue française de gestion 2010/4 (n°203), Paris, 2010, p. 41-56. 96 FAYOLLE Corinne, La dérégulation du transport aérien en Europe. (1987-1997), Guerres mondiales et conflits contemporains, 2003/1 (n° 209), p. 75-89.���
97 ABRAHAM Claude, 2013, op.cit.
73
En Europe, le grand marché intérieur européen, institué par l’Acte unique de 1985, ne
concernait que les biens et les services privés marchands, à l’exclusion des activités de réseau.
En ce qui concerne le transport aérien, les préoccupations d’équité sociale ou territoriale sont
plutôt moins sensibles que dans d’autres secteurs (poste et énergie notamment). Il n’est donc
pas surprenant que le transport aérien ait été la première activité en réseau totalement
libéralisée98 ». La dérégulation s’est étalée sur 10 ans, de 1987 à 1997. Ainsi, le transport
aérien européen a été libéralisé en quatre phases. Il s’agit des fameux « paquets » de
libéralisation:
• La première étape a commencé à partir de 1987 où les conditions tarifaires sont
assouplies, et certaines lignes ouvertes à la concurrence par application de la cinquième
liberté.
• En 1990, on accentua largement ces mesures en levant les restrictions liées à la
nationalité de la compagnie sur les liaisons intracommunautaires.
• En 1992, c’est la loi de la concurrence qui prédomine. Ainsi, plusieurs transporteurs
sont nommés sur la même liaison. La cinquième liberté est généralisée et les liaisons
domestiques dans un pays étranger (huitième liberté) deviennent autorisées.
• Enfin, le 1er avril 1997, le droit de cabotage (huitième liberté, il s’agit de la possibilité
pour les transporteurs d’effectuer des trajets intérieurs dans un pays tiers) devient
généralisé.
L’institution du marché unique au 1er janvier 1993 était déjà un premier pas vers la
restructuration du ciel européen qui a fini par dessiner trois tendances lourdes : l’émergence
de Transporteurs à Bas Coût (TBC) (EasyJet en Grande-Bretagne, Air One en Italie), la
mise en place des politiques d’alliances et de rachat (TAT et Air Liberté par British
Airways), puis la constitution de grands groupes, dotés d’une stratégie d’organisation de leurs
réseaux autour de structures de plates-formes de correspondance, les hubs and spokes.
98 FAYOLLE Corinne, 2003, op. cit.
74
2.1.5 Consolidation au niveau mondial et disparition de certains acteurs.
2.1.5.1 Développement et concentration L’entrée du transport aérien dans une économie de marché soumise au jeu concurrentiel a
considérablement modifié les équilibres établis. « Cette évolution sans précédent du régime de
régulation du transport aérien porte en elle, comme pour toute ouverture de marché à la
concurrence, deux dynamiques opposées en termes de volume de l'offre et de couverture
territoriale. D'une part, une dynamique de croissance est rendue possible par les nouvelles
libertés mises à disposition : développement de l'offre par les compagnies existantes ou par de
nouveaux entrants sur le marché. D'autre part, une dynamique de décroissance —
rationalisations, voire faillites — peut être imposée par la quasi-interdiction des aides d'État,
par l'incapacité à devenir rentable ou par la concurrence accrue 99 ». Du fait de la
dérèglementation, de nombreuses compagnies ont été créées, d’autres ont disparu. Ce fut le
cas de plusieurs nouveaux entrants qui n’étaient pas en capacité de rivaliser avec les grandes
compagnies traditionnelles qu’ils tentaient d’affronter frontalement. Les disparitions ont été
nombreuses chez les jeunes concurrents, par exemple en France, avec Air Outre-Mer,
Minerve, AOM French airlines, Air liberté, Air Littoral ou encore d’Air Lib. Mais les
disparitions ont également touché des opérateurs historiques qui ont rencontré des difficultés à
s’adapter aux nouvelles conditions du marché. Des « monstres sacrés » que tout le monde
pensait trop gros pour mourir (too big to fail) ont été frappés. Pan Am qui était une des leaders
mondiales depuis sa création en 1926 fit faillite en 1991. Ce fut également le cas d’Eastern
Airlines la même année. Ainsi disparurent SwissAir, Braniff International, Sabena, Varig ou
Olympic Airways … tandis que de nouveaux entrants au profil très différent s’imposaient peu
à peu aux tout premiers rangs de l’échiquier mondial. Il s’agit de Southwest Airlines, Jet
Blue, EasyJet ou encore Ryanair dont nous étudierons le modèle si particulier au chapitre 2.2.
2.1.5.2. Relations entre les compagnies aériennes Dans ce grand chamboulement, il devint indispensable de renforcer la coopération entre les
grands acteurs. Paul CHIAMBARETTO, enseignant chercheur en marketing à la Montpellier
99 DOBRUSZKES Frédéric, Élargissement européen et réseaux aériens à bas prix. À la conquête de l'Est ou de l'Ouest ? (European enlargement and low-price airline networks. Winning the East or the West ?), Bulletin de l'Association de géographes français, 86e année, 2009. L'Italie à la croisée des chemins / Mutations du transport aérien et des systèmes aéroportuaires. pp. 459-471.
75
Businness School parle de « coopétition100 ». Il emprunte ce néologisme, mot-valise issu de
coopération et de compétition à Ray Noora pour décrire les écosystèmes d’entreprises qui
coopèrent sur certaines activités et sont en concurrence sur d’autres. Il s’agit « d’une relation
paradoxale entre deux acteurs ou plus qui sont simultanément impliqués dans des interactions
de coopération et de concurrence, indépendamment de leur dimension horizontale
ou verticale101 ». Les accords bipartites102 se multiplient entre les compagnies aériennes et
peuvent prendre des formes très diverses. Les plus importantes relations bipartites sont
apparues dès les années 80 et leur nombre n’a cessé d’augmenter depuis. « En juillet 1994, on
dénombrait plus de 280 alliances entre 136 compagnies aériennes. Onze ans plus tard, en
septembre 2005, ce chiffre a atteint plus de 500 alliances pour 120 compagnies. D’un point de
vue historique, avant l’ouverture du ciel aérien, ces arrangements ont pris la forme d’accords
de coopération dans le transport de passagers et de fret, d’accords avec l’industrie du voyage,
de regroupements et de location complète ou partielle d’avions avec équipage, de contrats de
franchise, de coentreprises… Chemin faisant, après la déréglementation, les arrangements ont
évolué suite au mouvement de mondialisation de l’économie, laissant les alliances apparaître
comme un moyen de contourner la législation sur l’interdiction des fusions, de développer des
synergies afin de multiplier à moindres frais la rentabilité de leur réseau respectif et de
contribuer à l’élargissement des zones géographiques desservies. Elles ont alors pris la forme
d’accords commerciaux, de filiales communes, de prises de participations croisées, de
coopération sur le terrain des achats au travers de plates-formes virtuelles (pour la
maintenance et l’ingénierie, le carburant, la restauration et le service à bord, l’assistance
aéroportuaire, les achats généraux…), de partages de code et des programmes communs de
fidélisation103 ». Les liens de coopération ou coopétition entre les compagnies aériennes sont
très variés et peuvent se jouer à différents niveaux. Nous pouvons les classer en trois grandes
catégories : les coopérations ordinaires, les coopérations tactiques et les alliances stratégiques.
Terence FAN propose un tableau synthétique afin d’appréhender la complexité de ces
interactions :
100 Colloque DGAC-CSAC, D’une concurrence réglementée à une concurrence loyale, 4 mai 2015, Paris 101 BENGTSSON M, KOCK S, Coopetition—Quo vadis? Past accomplishments and future challenges. Industrial Marketing Management, s.l, 2014 P. 180–188. 102 On qualifie de « bipartites » des accords entre deux compagnies et de « bilatéraux » des accords en États. 103 SAGLIETTO Laurence et LEVY Denise, Étude morphologique du réseau des alliances stratégiques aériennes, Flux, Paris, 2006/3 (n° 65), p. 17-32.
76
Figure 21 : Relation de coopération dans le transport aérien.
La forme la plus importante de ces relations de coopération est l’Alliance Stratégique. Ce
mode d’organisation constitue une innovation majeure du transport aérien mondial. La croissance tant interne qu’externe des Compagnies aériennes présente des inconvénients
que les alliances peuvent permettre de contourner. Pour faire de la croissance interne, le
processus d’investissement est long alors que l’objectif est d’augmenter les parts de marché
par le jeu classique de la concurrence. La croissance externe ayant recours à la fusion
acquisition est également risquée du fait de ses coûts et de son caractère irréversible. De fait,
les alliances sont des outils stratégiques pour la course aux marchés mondiaux. Dans le
transport aérien international, les avantages des alliances sont d’autant plus importants
qu’elles sont un moyen de pallier les difficultés liées aux droits de trafic et aux règles de
propriété des compagnies aériennes qui empêchent les fusions intercontinentales. Trois
Alliances Stratégiques se partagent près de 80% du trafic aérien mondial.
La première à avoir vu le jour est Star Alliance qui fut crée en 1997. Elle compte aujourd’hui
27 compagnies membres dont United et Lufhtansa sont les piliers. Puis vint Oneworld, en
1999, bâtie autour d’American Airlines et British Airways. Et enfin Skyteam en 2000 dont
Delta Airlines et Air France-KLM sont les leaders.
77
Figure 22. Composition des Alliances Stratégiques en juillet 2015.
Sources : Sites internet des différentes alliances au 18/07/2015
Les alliances stratégiques, bien que techniquement et juridiquement réversibles,
demanderaient à la compagnie qui souhaiterait s’en soustraire d’abandonner d’importantes
ressources mises en commun. Nous pouvons donc définir les alliances stratégiques comme
étant des alliances se positionnant entre les coopérations tactiques réversibles et la fusion-
acquisition irréversible. Il s’agit « d’accords entre entreprises ayant pour objet la mise en
œuvre d’actions concertées et dans lesquelles les parties agissent sur un pied d’égalité, sur la
base d’un respect mutuel de leur identité […] Les accords de coopération interentreprises
supposent la mise en commun des ressources qu’elles soient humaines, technologiques,
productives, informationnelles ou financières104 »
Les trois alliances travaillent en permanence au renforcement de leurs réseaux globaux. Elles
recherchent activement de nouveaux partenaires afin d’assurer une couverture globale
efficace. Les régions à forte croissance sont particulièrement investiguées.
104 URBAN Sabine, et VENDEMINI Serge. Alliances stratégiques coopératives européennes. Edition De Boeck Université, Bruxelles, 1994.
78
Pour autant, l’appartenance à une alliance n’interdit pas les accords bipartites ou multipartites
entre compagnies partenaires d’alliances différentes. Les coopérations tactiques ou ordinaires
ont continué à se multiplier par-delà les frontières des alliances. En 2008, Amadeus, le
principal GDS105 (Global Distribution System) européen, « a réalisé plus de 1400 accords
d’interligne entre compagnies aériennes, ce qui signifie que leurs passagers peuvent acheter
un seul et même billet pour l’ensemble d’un itinéraire même s’il comporte plusieurs
compagnies aériennes prédésignées 106 ». Cependant ce type d’accord a perdu de son
importance au profit des accords de partage de codes qui représentent à présent plus de 95%
des accords bipartites. Par le biais d’un accord de partage de code (code-share), « un
transporteur aérien autorise un autre transporteur à utiliser pour un vol son code
d'identification, ou par laquelle deux transporteurs partagent pour un vol le même code
d'identification107 ».
Des relations beaucoup plus intégrées permettent à des compagnies de se comporter sur les
marchés comme une entité unique. Il s’agit des JV ou Joint Venture (entreprises communes).
Elles consistent principalement à gérer en commun les capacités, les programmes, le prix, le
yield management, les forces de ventes et à partager les recettes sur des routes déterminées.
Naturellement, les premières JV sont apparues entre les compagnies « piliers » des différentes
alliances stratégiques sous forme de JV transatlantiques. Depuis, de nombreuses JV ont vu le
jour avec des périmètres variés. (Voir JV maintenance entre Air France et Royal Air Maroc
sur la cartographie en annexe 5).
La forme ultime de coopération entre compagnies aériennes est la fusion-acquisition. « La
fusion d’Air France et de KLM en 2004 a constitué la première véritable fusion
internationale. Aux États-Unis, Delta et Northwest ont fusionné en 2008, suivies, en 2010, de
United et Continental, qui ont ainsi donné naissance à la plus grande compagnie aérienne du
monde. En Europe, Lufthansa a racheté des compagnies plus petites, à savoir Swiss, Austrian
Airlines et 45% de Brussels Airlines. En Amérique latine, LAN (Chili) et TAM (Brésil) ont
fusionné entre 2010 et 2012 pour créer le groupe LATAM, qui représente à lui seul près de
105 Les GDS sont des plates-formes électroniques créées à l’origine par les compagnies aériennes pour simplifier et automatiser la gestion des réservations. Ils permettent aux agences de voyages de connaître l'état du stock des différents fournisseurs de produits touristiques (compagnies aériennes, chaînes d'hôtels, sociétés de location de voiture, tour operators...) et de faire des réservations à distance. Aujourd'hui, on dénombre une quinzaine de GDS dont les plus importants sont les américains : Sabre, Galileo et Worldspan ainsi que l'européen Amadeus créé par Air France, Iberia et Lufthansa. 106 Communiqué de Presse du 28 avril 2008. http://www.amadeus.com/fr/x125356.html 107 OACI, circulaire C269-AT/110 de 1997 : « Incidences du Partage de Codes entre Compagnies Aériennes ».
79
35% de l’ensemble du trafic passager en Amérique latine. En 2011, British Airways, Iberia et
BMI (British Midland International) ont formé International Airlines Group (IAG), qui est
désormais la société mère, les trois compagnies continuant d’opérer séparément108 ». Dès lors,
dans le transport aérien, la consolidation a pris des formes plus classiques liées à la structure
capitalistique et au régime de propriété. Ces fusions-acquisitions n’ont pu avoir lieu que dans
un contexte juridique international qui a évolué. Pour exemple, la libéralisation européenne a
substitué une « identité européenne » à l’« identité nationale », contournant ainsi les
restrictions relatives aux investissements étrangers.
Les interactions entre compagnies aériennes sont de nature extrêmement variée, nombreuses et parfois fluctuantes. Nous avons tenté d’en dresser une cartographie
détaillée en annexes 5 et 6. Mais nous devons reconnaître que la précision de ces
photographies n’est valable qu’à l’instant où elles sont réalisées. Elles donnent cependant une vision fidèle des équilibres globaux du transport aérien et de la
complexité des relations sur lesquels ils reposent.
108 OIT, Genève: BIT, 2012, op.cit.
80
81
2.2 Les acteurs du transport aérien. Au travers du chapitre précédent et plus particulièrement avec la figure 22, nous avons pu
constater que près de 75% du trafic aérien mondial était assuré par les compagnies membres
des alliances stratégiques. Il serait une erreur de penser que l’ensemble des compagnies non-
partenaires d’une alliance globale, devant se partager les quelques 25% restant, sont
forcément classées après les premières dans la hiérarchie mondiale du transport aérien.
Il convient d’autre part de préciser à quelle hiérarchie nous nous intéressons. En effet, il serait
plus juste de parler des hiérarchies du transport aérien. Nous nous devons d’observer les
compagnies qui transportent le plus de passagers en nombre de têtes. Celles qui transportent le
plus de Passagers par Kilomètre Transporté (PKT) ou Payant (PKP). Cela permet d’observer
la fréquentation d’une compagnie indépendamment de l’effet réseau. Toutes choses égales par
ailleurs, une compagnie n’opérant que sur des étapes courtes peut transporter plus de
passagers dans un même temps défini qu’une compagnie ne desservant que des lignes long-
courriers. La hiérarchie peut également être observée sous le prisme des résultats
économiques des compagnies, de la taille et de la diversité de leur flotte ou en encore de leur
taux de croissance. Figure 23. Principales compagnies au monde en 2011, selon le nombre de passagers-kilomètres payants (PKP) et le nombre de passagers
82
Lorsque nous observons les compagnies aériennes en fonction du nombre de Passagers par
Kilomètre Payant ou en nombre de passagers purs, nous constatons qu’un certain nombre de
compagnies non adhérentes à une des alliances globales sont classées dans les toutes
premières places du classement. Au-delà des grandes compagnies traditionnelles qui occupent
encore les avant-postes109, Southwest Airlines se classe en 2011 à la 7ème place mondiale PKP
et à la seconde en nombre total de passagers. Dans les 28 premières compagnies, les autres
compagnies non alliées sont Emirates Airline, EasyJet, Ryanair et Gol. Il est à noter que
Qatar Airways, également présente parmi les 28 premières du classement 2011 ne faisait pas
encore partie de Oneworld à cette époque. Elle n’a rejoint l’alliance qu’à la fin de l’année
2013.
Ces compagnies sont représentatives de deux groupes caractéristiques que nous
étudierons plus précisément, tant leurs particularités sont remarquables dans la
mutation du transport aérien en cours.
Nous remarquons, sur la cartographie en annexe 5, que ces deux groupes de compagnies
se distinguent également par le type de relations qu’elles entretiennent avec le reste de l’industrie. Nous avons cerclé, sur la carte, deux singularités dans le mode de relations
intercompagnies.
Dans le cercle nous retrouvons des compagnies comme Ryanair, EasyJet ou Wow Air
(nous aurions pu y inclure Southwest, JetBlue…) qui entretiennent peu, voire pas, de relation
commerciale ou stratégique avec leurs concurrentes. Ces compagnies qui font l’économie
d’une organisation de la coopération sont les Transporteurs à Bas Coût (TBC) que l’on
appelle également compagnies low cost.
Dans le cercle , des compagnies comme Emirates, Qatar Airways et Etihad se distinguent
par une absence d’intégration dans les alliances globales (ou très récente pour Qatar Airways)
et par un fort et brusque mouvement de prise de participations dans des compagnies
principalement européennes. Ces compagnies qui adoptent un comportement que l’on pourrait
qualifier de prédateur sont les compagnies du Golfe.
109 Selon l’édition 2015 de l’Observatoire de l’Aviation Civile, Air France-KLM reste le premier transporteur aérien mondial pour le trafic de PKT à l’international devant Emirates et le groupe Lufthansa. Pour le trafic total de PKT (trafic domestique et international), il se situe au troisième rang mondial ; les deux premières places sont occupées par les deux groupes américains Delta Airlines et United Airlines.
1
2
83
2.2.1 Les transporteurs à bas coût (TBC) low cost.
Southwest Airlines, EasyJet, Ryanair et Gol sont des Transporteurs à Bas coût (TBC) que
l’on appelle également des compagnies low cost. Ce sont des compagnies récentes que nous
considérons comme de nouveaux entrants qui ont largement participé à l’ouverture du marché
en se positionnant généralement dans la partie basse de la nouvelle structure de la
consommation individuelle (figure 1). Nous retrouverons dans ce groupe des compagnies
comme : JetBlue, Wizzair, Norwegian, Allegiant, Vueling, Wow, Transavia, Volotea, Air
Berlin, Air Arabia, Germanwings, Air Asia, Scoot, FlyBe110 ou encore Pegasus. Elles opèrent
sur des structures de réseaux organisés en « point à point ».
Nous retrouvons dans le modèle de transport aérien low cost des recettes de compression des
coûts, assez voisines de celles que nous avons étudiées dans le hard discount alimentaire (§
1.1.2) ou dans les services (§ 1.2.2) et qui sont adaptées au secteur.
• Une standardisation de l’offre : Généralement les TBC ne proposent qu’une seule
classe de voyage et un service allégé. Ces compagnies ne recourent pas à l’attribution
de siège. Outre l’économie de gestion du « seating » (attribution de siège) cela a
également un effet sur la ponctualité. Chaque client essaye d’être le premier à bord
pour choisir son siège. Il n’y a ni restauration ni presse gratuite à bord. La politique
tarifaire est centrée sur un yield management où le prix s’adapte à la demande en
fonction du temps plutôt qu’à la typologie des clients.
• Des offres optionnelles : Tous les services au-delà du transport en lui-même sont
optionnels (quand ils existent). Ainsi les rafraichissements et la restauration, à la
demande, sont payants. Au-delà du transport lui-même, tout se facture, allant de
l’enregistrement à l’aéroport à la politique bagages, de l’embarquement prioritaire à
l’assurance annulation. « Ces revenus supplémentaires représentent 25% des recettes
des TBC. « Ryaniar parvient ainsi à engendrer en moyenne 10€ de revenus
auxiliaires par passager, ce qui est le montant le plus élevé du monde111 ». Ces
entreprises n’offrent pas un prix bas uniquement parce qu’elles maitrisent leurs coûts, 110 Flybe, la régionale britannique qui portait le nom de British European jusqu’en 2002 n’est pas une low cost stricto sensu puisque sa flotte n’est pas homogène, mais le rachat en 2006 de la branche régionale de British Airways fait d’elle un opérateur à part. 111 RYANS Adrian B. Beating low cost competition: how premium brands can respond to cut-price rivals beating the competition. Chichester, England ; Hoboken, NJ: John Wiley & Sons, 2008.
84
mais également parce qu’elles forcent leurs passagers qui souhaitent un meilleur
confort à le payer spécifiquement (par exemple, chaque boisson ou nourriture a un
prix, de plus dans le cas de certaines compagnies – comme chez Wizzair – il faut payer
une taxe supplémentaire pour le bagage de cabine, quel que soit le poids de ce
dernier112 ).
• Économie d’échelle : Les flottes sont généralement jeunes et homogènes. Elles sont
constituées d’un seul type d’avion. Cela permet d’alléger considérablement les coûts
de maintenance, mais donne également un poids considérable sur le pouvoir de
négociation vis-à-vis des fournisseurs. Les coûts de formation des équipages sont
également ainsi maitrisés.
• Un allègement des coûts organisationnels : Les TBC déploient un réseau
principalement en « point à point ». « Il est possible de dresser un bilan comparatif
sommaire du réseau point à point avec le réseau hub-and-spoke afin de dresser ses
particularités. Tout d’abord, les réseaux point à point permettent des économies de
coût. En effet, les réseaux en étoile caractéristiques du réseau hub-and-spoke
nécessitent des investissements d’infrastructure et de logistique lourds sur la
plateforme de correspondance principale. Le fait d’opérer sur un réseau point à point
permet de positionner des avions et d’effectuer des rotations entre l’aéroport d’origine
et l’aéroport de destination sans avoir à coordonner les horaires et les
correspondances. Le passager est lui même responsable de ses correspondances
éventuelles, de ses transferts et du transfert de ses bagages. Cela allège les coûts
nécessaires de personnel au sol et les risques de litiges pour pertes de bagages. Les
réseaux point à point permettent également des gains de temps. Contrairement au
réseau hub-and-spoke qui nécessite que certains avions attendent que les derniers
passagers en correspondance embarquent, les avions opérant dans un réseau point à
point peuvent assurer plus de rotations journalières et améliorer leur ponctualité. Cela
permet de la même façon d’améliorer l’efficacité économique et la rentabilité des
avions.
En revanche, le réseau point à point n’est pas organisé pour capter des passagers en
correspondance ce qui peut constituer un handicap pour le remplissage des avions.
112 DIACONU Laura, Strategic options of the low-cost companies, 2009. P.82 Traduit par l’auteur : « These firms offer services at low prices not on ly because they are cutting costs, but also because they are forcing the passengers that want a superior comfort to make an extra payment (for example, any drink or food has a price and, moreover, in the case of some airlines – such as Wizzair – it has to be paid an additional tax for the cabin luggage, no matter what is their weight) ».
85
Contrairement aux compagnies opérant en réseau hub-and-spoke, les compagnies
point à point ne peuvent pas compter sur la rationalisation de leur réseau pour pouvoir
embarquer à la fois des passagers point à point et des passagers en correspondance.
C’est la raison pour laquelle les compagnies low cost adoptent une politique
commerciale agressive pour la gestion des sièges vides. Ces dernières préféreront
proposer des sièges bradés ou gratuits tout en assurant une communication
promotionnelle d’envergure plutôt que de faire décoller des avions avec des sièges
vides 113».
• La désintermédiation : Elle permet de supprimer les intermédiaires comme les GDS
ou de s’affranchir d’un réseau d’agences. Le vecteur d’achat privilégié est le site
internet de la compagnie. La majeure partie des tâches dévolues au personnel sol des
compagnies traditionnelles sont réalisées en ligne par le client lui-même.
(Organisation du voyage avec éventuellement recherche de la meilleure
correspondance, réservation, paiement, enregistrement, impression de la carte d’accès
à bord et des étiquettes bagages…).
• Densification des cabines : Comme pour le hard discount, où c’est le produit qui
compte, peu importe la simplicité du magasin. Ici, le produit est un service : celui
d’être transporté en avion d’un point A à un point B en toute sécurité. Le confort n’est
pas primordial. Les cabines sont densifiées en réduisant au maximum l’espace entre
les sièges. Certaines compagnies optimisent encore la capacité en supprimant des
toilettes. Les TBC en retirent une économie de coût d’aménagement des cabines (sans
chichis) et surtout une optimisation de la recette de chaque vol avec un nombre de
passagers plus important. Le coût marginal d’un passager supplémentaire par rapport à
l’aménagement cabine d’une compagnie classique étant relativement faible (il s’agit
principalement du coût du carburant nécessaire au transport du poids moyen d’un
passager et des taxes qui lui sont liées), chaque place gagnée se traduit rapidement en
recette supplémentaire.
• Usage intensif des avions : Un avion ne rapporte de l’argent que lorsqu’il vole. Dès
qu’il est au sol, il coûte de l’argent. Les avions moyen et court-courriers des TBC
volent jusqu’à 11 heures par jour, au lieu des 8 à 9 heures des compagnies classiques.
Tout est mis en œuvre pour réduire les temps d’escale (généralement moins de 30 113 PAPY Romain, 2011, op. cit.
86
minutes pour un TBC contre 45 minutes à une heure pour une compagnie
traditionnelle). Le ménage est généralement réduit à un simple « rafraichissement » de
la cabine effectué par le personnel de bord lui-même alors que les passagers n’ont pas
encore fini de débarquer et que les passagers suivants commencent à embarquer. Pour
ce faire, les compagnies low cost utilisent généralement des escaliers mobiles
positionnés à l’avant et à l’arrière des appareils. Le débarquement se fait par l’avant
tandis que l’embarquement du vol suivant débute par l’arrière.
• Politique de localisation : « Une caractéristique fondamentale des compagnies low
cost réside dans la typologie des aéroports desservis. Typiquement, les low cost
s’installent – au départ plus par contrainte que par choix délibéré – dans des aéroports
dits secondaires, qui se distinguent des grandes plateformes aéroportuaires 114 ».
L’objectif est de payer les redevances les plus faibles et de permettre des demi-tours
rapides sur une plate-forme non congestionnée.
• Politique d’externalisation : Les TBC cherchent à externaliser le maximum de coûts
fixes. Il en va ainsi du recrutement des équipages, de leur formation, de l’entretien des
appareils et de presque tous les services au sol. Cela permet aux compagnies low cost
d’être très flexibles. Elles peuvent ouvrir ou fermer une liaison en fonction de sa
rentabilité sans avoir à assumer des coûts fixes de personnel ou de structure en période
creuse.
• Management du personnel : La productivité des salariés est au centre du modèle
économique des TBC. « L’absence de repas servis à bord permet d’ajuster les effectifs
des personnels navigants commerciaux (PNC) au minimum requis pas la
réglementation. (…) La politique de rémunération des personnels navigants techniques
(PNT) et commerciaux fait également une place importante à la rémunération variable
indexée sur des indicateurs de performance. Chez Ryanair la part de rémunération
variable peut atteindre jusqu’à 50% de la rémunération totale115 ». Généralement, le
taux de syndicalisation des personnels est assez faible. Certains TBC adoptent des
positions antisyndicales assumées et virulentes.
Dotées d’un modèle adapté pour séduire un segment de clientèle en pleine croissance, les
compagnies low cost ont rapidement pris des parts importantes dans un marché qu’elles ont
114 BEIGBEDER Charles, 2007, op.cit. 115 COMBE Emmanuel, 2011, op.cit.
87
elles-mêmes largement participé à élargir avec leur offre d’induction. Alors qu’elles ne
représentaient que 4%du trafic européen en 1996, en 2011, elles atteignent selon les pays
entre « 15 et 40% du marché des vols sans correspondance116 ». Cependant, les spécialistes du
monde de l’aérien estiment peu probable que les TBC finissent par contester la totalité du
marché européen face aux compagnies traditionnelles. « La part de marché du low cost en
Europe est sans doute amenée à se stabiliser autour de 50% du marché117 ». Avec une telle
pénétration du marché, il apparaît nettement que l’offre low cost se fait à la fois d’induction,
de complémentarité et de substitution.
Depuis 1974 date de lancement du Skytrain, la toute première expérience malheureuse118 en
ce domaine, de très nombreuses compagnies low cost ont vu le jour. La plupart ont disparu.
Mais quelques-unes sont devenues des acteurs majeurs du transport aérien mondial.
Figure 25. Trafic de passagers des principales compagnies à bas coûts (en millions de passagers)
Nous nous intéresserons particulièrement aux trois premières compagnies de ce classement
qui, de par leurs différentes déclinaisons du modèle, sont tout à fait caractéristiques des
différences de l’offre low cost à travers le monde.
2.2.1.1 Southwest airlines. Southwest Airlines est la toute première compagnie low cost au monde. Aujourd’hui, première
compagnie low cost dans tous les classements, elle fut également la première dans l’histoire à
116 PERRI, Pascal. Air France : du monopole pur et dur à la concurrence des low cost, Atlantico.fr, 2011 117 BORDES-PAGES Gilles, Vers un nouvel équilibre entre compagnies aériennes low cost et majors, Espaces n°282, p 29-33, 2010. 118 Cette première expérience s’appelait le skytrain et proposait des vols long-courriers entre New York et Londres à des prix défiant toute concurrence. Les billets se vendaient le jour même du décollage selon les places disponibles, il n’y avait pas de service gratuit à bord. L’entreprise comptait sur un effet volume important pour compenser la faible marge réalisée sur le prix du billet. Le skytrain posa les premiers jalons de l’aviation low cost mais ne réussit pas à suffisamment se différencier sur un segment long-courrier où les options de réduction des coûts n’étaient pas assez nombreuses. L’expérience tourna court assez rapidement.
88
rencontrer un succès durable. Pourtant, c’est de manière assez fortuite qu’Herb KELLEHER,
son charismatique premier Président, engagea la compagnie sur un segment qui n’existait pas
encore réellement. Créée en 1971 aux USA, Southwest Airlines n’était pas une compagnie low
cost. Cantonnée sur trois escales texanes, San Antinio, Austin et Dallas, la compagnie avait
toutes les difficultés du monde pour se maintenir sur un marché dominé par les compagnies
traditionnelles. Face au risque de faillite qui la guettait, elle fut contrainte de réduire sa flotte
de 4 à 3 Boeings 737. KELLEHER tente alors, avec succès, le pari de maintenir son
programme de vol avec un appareil en moins. Il adopte certaines recettes du skytrain, et
invente certains principes qui aujourd’hui définissent le modèle low cost du transport aérien
(voir § 2.2.1.)
Rapidement, Southwest retrouve la rentabilité. À la faveur de la dérèglementation américaine,
à partir de 1978, elle enregistre des taux de croissance jusque-là inédits. Partie à l’origine des
3 destinations texanes, elle dessert en juin 2015 sa 96ème escale et se lance dans une expansion
internationale en reliant plusieurs destinations au Mexique, aux Antilles néerlandaises, au
Bélize, au Costa Rica et en République Dominicaine. « Elle opère aujourd’hui un total de
3.600 fréquences par jour et transporte plus de 100 millions de passagers annuellement (…)
L’année dernière, elle a publié son 42ème exercice bénéficiaire consécutif 119».
Face à ce succès hors du commun, de nombreuses compagnies low cost ont tenté de
reproduire sa réussite qu’ils ont souvent attribuée (à tord) aux trois principes suivants: des
court-courriers uniquement, des liaisons point à point et l’absence de syndicats
traditionnels. Ce troisième principe est une fausse interprétation due au fait que Southwest
Airlines « se distingue des autres compagnies aériennes américaines par le plus petit nombre
de médiations, de procédures d’arbitrage et de grèves (…) Les éléments clés de cette réussite
sont en fait, l’esprit d’initiative, une forte culture d’entreprise et le travail d’équipe. Southwest
a su mieux que d’autres gérer les relations entre les différents groupes de salariés, et cette
bonne coordination au niveau relationnel est son meilleur atout. En outre, la compagnie a
appliqué une stratégie de croissance plutôt prudente, et ses réserves financières lui ont permis
d’éviter les licenciements. Elle présente en réalité un taux de syndicalisation de 88%, un
record à l’échelle du secteur. Southwest a toujours réussi à enregistrer, à peu de cas près, les
plus faibles coûts unitaires totaux des États-Unis, et ce malgré un coût du travail supérieur à
119 LE BARON, Romain, Southwest poursuit son expansion internationale, Air Info, 2015
89
celui de presque tous ses concurrents120 ». Les bas coûts de Southwest ne résultent pas de
bas salaires. Les salariés de la compagnie sont payés à des niveaux se situant dans la
moyenne haute de l’industrie, parfois même supérieurs à ceux de certaines compagnies
traditionnelles. La capacité de Southwest à proposer des tarifs bas réside en grande partie dans
la haute productivité de ses ressources. (Avions et salariés). En 1995, dans son « message to
the Field », KELLEHER expliquait à ses salariés qu’il voulait réduire tous les coûts, sauf les
salaires, les bénéfices et l’intéressement. C’est le choix de compétition de Southwest,
contrairement aux autres qui voient baisser leurs salaires et leurs bénéfices. (« We want to
reduce all off our costs, except our wages and benefits and our profit sharing. This is the
Southwes’st way of competing, unlike others who lower their wages and benefits 121»).
Une des particularités de Southwest Airlines qu’aucune autre compagnie, low cost ou
traditionnelle122, n’a réellement tenté ou réussi à mettre en place réside dans sa culture d’entreprise basée sur le management relationnel. Elle pourrait se résumer en une phrase
slogan, citée par tous les salariés comme les dirigeants de la compagnie, comme étant un
facteur clé du succès de Southwest : « These relationships are characterized by shared goals,
shared knowledge, and mutual respect123 » (ces relations se caractérisent par des buts
partagés, une connaissance partagée et un respect mutuel.) Nous retrouvons ce credo de la
firme à chaque niveau de l’entreprise. Il constitue un avantage opérationnel certain
notamment dans la résolution de problèmes. Ce qui est primordial quand une compagnie
aérienne place la ponctualité au plus haut niveau de ses priorités et que la rapidité des demi-
tours est un élément clé de son modèle. Le but partagé est de faire décoller l’avion à l’heure
en toute sécurité. La connaissance partagée des contraintes de chaque acteur de la touchée
120 GITTELL, Jody Hoffer. The Power of Relationships to Achieve High Performance, lors de sa présentation à la conférence annuelle du Lean Advancement Initiative du MIT, le 23 avril 2008. 121 KELLEHER Herb, Message to the Field, internal Southwest press, Dallas, 1995 122 Excepté JetBlue Airways, la seconde compagnie low cost des USA qui décline également un management relationnel basé sur les fondamentaux de Herb KELLEHER. Le fait que JetBlue a été fondé en 1999 par David NEELEMAN n’est sans doute pas étranger à cette sensibilité au management relationnel. Il était le Président de Morris Air quand cette dernière a été rachetée par Southwest en 1993. Il est resté membre du comité exécutif de Southwest avant de se relancer notamment avec JetBlue. Une des premières mesures emblématiques prise par NEELEMAN en 2002 ( c’est à dire l’année suivant les attentats du 11 septembre 2001) a été de reverser l’intégralité de son salaire et de ses bonus de l’année au fond de crise des équipages de JetBlue. Ce don symbolique est un acte fondateur de la culture d’entreprise que NEELEMAN tente d’implanter chez JetBlue afin de reproduire le haut niveau de management relationnel qu’il a expérimenté chez Southwest Airlines. (WADE James, O'REILLY Charles, POLLOCK Timothy, Overpaid CEOs and Underpaid Managers: Fairness and Executive Compensation, Organization Science n°7 , September–October, 2006.) 123 GITTELL Jody Hoffer. The Southwest Airlines Way: Using the Power of Relationships to Achieve High Performance, édition McGraw-Hill, New York, 2005.
90
aide à trouver la solution la plus pertinente et la plus rapide. Le respect mutuel fait gagner un
temps précieux qui ailleurs est consacré à rechercher et blâmer celui qui sera désigné
responsable du retard. Chez Southwest, dès la connaissance d’un problème, tous les acteurs,
de l’agent de piste au commandant de bord en passant par le Personnel Navigant Commercial,
sont focalisés sur sa résolution. La performance ou la contre-performance est toujours
considérée collectivement. Un agent commercial de porte d’embarquement de Southwest
résume cet état d’esprit ainsi : « You can always count on the next guy standing there. No one
department is any more important than another. » (Vous pouvez toujours compter sur le gars
d’à côté. Aucun service n’est plus important qu’un autre).
2.2.1.2 EasyJet. La compagnie britannique EasyJet est lancée en 1995 au milieu de la dérèglementation du ciel
européen. C’est à cette époque que la cinquième liberté est généralisée et les liaisons
domestiques dans un pays étranger (huitième liberté) deviennent autorisées. EasyJet s’inspire
très largement des recettes de Southwest. Elle opère des vols points à point avec un service
gratuit minimum. Tous les services auxiliaires sont proposés « à la carte ». Ainsi
rafraichissements et restauration (on parle plutôt de snacking) sont optionnels tout comme les
ventes à bord de cosmétiques, parfums et divers accessoires, à l’identique de la pratique des
« ventes » des compagnies traditionnelles. Le bagage en soute et la modification du billet sont
également facturés en sus du prix du simple voyage d’un point A à un point B.
La flotte est rationalisée sur le modèle de Southwest. À ses débuts, la compagnie ne possède
même pas les deux Boeing 737 qu’elle exploite à partir de sa base principale de l’aéroport
secondaire de Londres Luton.
La croissance de la compagnie est fulgurante. Sa flotte de Boeings 737 s’étoffe rapidement en
achetant des appareils de seconde main, puis se modernise par des commandes d’avions
neufs. Afin d’atteindre une masse critique, la compagnie recourt à une large intégration
horizontale. Elle rachète en 1998 la compagnie suisse TEA Basel et crée EasyJet Switzerland.
Puis vint le tour de l’achat de Go Fly, la filiale à bas coût de British Airways. En 2002
EasyJet renouvelle entièrement sa flotte en passant une commande monstre historique à
Airbus portant sur 120 A319 plus 120 autres options d’achat. Peu à peu les Boeing sont
remplacés par une flotte homogène et moderne d’Airbus A319 et A320 (même formation et
même maintenance générale pour les deux appareils). La politique d’intégration se poursuit
avec l’achat de GB Airways et EasyJet vient se positionner sur le second aéroport londonien
91
de Gatwick. Déjà présente en Suisse, EasyJet ouvre des bases sur tout le continent européen,
en France, en Espagne, en Allemagne, en Italie… D’où elle projette en 2015, une flotte de
241 appareils. 157 autres avions sont en commande.
La particularité des compagnies low cost européennes est qu’elles profitent de la libéralisation
paneuropéenne. Ce qui leur donne un libre accès à un marché presque aussi vaste que
leurs devancières américaines. C’est un marché qui leur offre également des opportunités nouvelles. Les législations fiscales et sociales européennes ne sont pas
harmonisées. Il est donc facile d’intégrer une stratégie d’optimisation en choisissant
minutieusement les lieux d’implantation des sièges sociaux ou des filiales, voire des bases
elles-mêmes. La société mère d’Easyjet, Easygroup, est basée à Jersey, une île anglo-
normande jouissant d’une exception fiscale avantageuse. EasyJet double le modèle de
Southwest d’un véritable schéma financier optimisé. Les recettes transitent ou sont
consolidées dans des « paradis fiscaux ». Le procédé étant rentable, il est tentant d’appliquer
cette recette à l’ensemble des législations européennes, en choisissant la plus avantageuse
dans chaque domaine visé pour en tirer un profit maximum, quel que soit le lieu
d’implantation d’une base. Ainsi EasyJet a, un temps, prétendu pouvoir appliquer les
législations fiscales et sociales britanniques à ses salariés basés en France. Elle a été
condamnée par la justice française en novembre 2010 pour « travail dissimulé, entraves aux
organes de représentation du personnel et défaut d'immatriculation » pour avoir fait
travailler ses salariés basés à Orly sous contrat de travail anglais124.
Contrainte par une série de condamnations, notamment en France et en Italie, EasyJet
entreprend de se mettre en conformité avec les législations fiscales et sociales et le droit du
travail de chacun des pays où sont implantées ses 27 bases d’affectation à travers l’Europe125
(dont 5 en France : Orly depuis 2003, Roissy CDG et Lyon depuis 2008, Nice et Toulouse
depuis 2012). Le modèle débridé de ses débuts est rapidement revu afin de garantir une image
respectable de la compagnie. Elle prévoit une maturité du marché européen à court /moyen
terme et entend capter une partie du trafic d’affaire plus fortement rémunérateur. Le modèle
d’Easyjet est en pleine évolution. Il s’éloigne du pur low cost.
124 Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 11 mars 2014, 11-88.420, 125 Site internet d’Easyjet, Nos Locaux, easyJet Careers. » Consulté le 28 juillet 2015.
92
2.2.1.3 Ryanair. Nous nous attarderons sur le cas de Ryanair étant donné que ce dernier TBC comporte
des spécificités, ou en tout cas, focalise certaines caractéristiques qui semblent participer aux difficultés de mutation du secteur.
2.2.1.3.1 Historique Ryanair fut créée en 1985 à Dublin, en Irlande, par Thomas Anthony « Tony » Ryan. Le site
internet de la compagnie entretient la légende : « Ryanair is set up by the Ryan family with a
share capital of just £1, and a staff of 25. We launch our first route in July with daily flights
on a 15-seater Bandeirante aircraft, operating daily from Waterford in the southeast of
Ireland to London Gatwick126 ». (Ryanair est fondée par la famille Ryan avec un capital de
départ de juste une livre irlandaise, et 25 salariés. Nous avons lancé notre première route avec
un Bandeirante, un avion de 15 places, qui volait quotidiennement entre Waterford dans le
sud de l’Irlande et Londres). Dans les années suivantes, le nombre de passagers ne cesse
d'augmenter, la flotte se diversifie, mais la compagnie n’est toujours pas rentable. Il est alors
décidé en 1990 de faire appel au jeune (il a alors 30 ans) et dynamique Michael O'LEARY
pour faire de Ryanair une compagnie aérienne dégageant des profits. Dès sa prise de fonction,
il se serait rendu auprès de KELLEHER pour s’inspirer du modèle de Southwest Airlines. Il
impose un rythme de rotation plus élevé des avions, la suppression de la classe business,
l'utilisation d'un seul modèle d'appareil, la suppression des prestations non indispensables
comme la réservation des sièges et la distribution de boissons gratuites. Il préconise enfin
l'usage des aéroports secondaires.
Dès 1991, la compagnie enregistre ses premiers profits. La dérégulation du ciel européen
entre 1992 et 1999 facilite l’expansion de Ryanair qui ouvre successivement des routes vers la
Suède, la Norvège, la France et la Belgique et établit des « plaques tournantes127 » sur des
aéroports secondaires comme Sandefjord se situant à 110 km au sud d'Oslo, Beauvais à 96 km
de Paris ou Charleroi distante d’à peine 49 km de Bruxelles. La compagnie recentre
également sa politique de flotte par l’usage exclusif de Boeings 737 pour lesquels elle passe
une commande de 45 appareils. Il s’agissait alors d’une commande hors du commun.
126 Site internet de Ryanair, History of Ryanair, Ryanair.com. Consulté le 28 juillet 2015. 127 Il s’agit ici d’un hub technique dont la fonction (contrairement au hub and spokes des compagnies traditionnelles) n’est pas d’optimiser les correspondances des passagers, ce qui compromettrait les possibilités de demi-tour rapide, mais de permettre une rotation plus rapide des appareils d’une ligne à l’autre.
93
L’expansion se poursuit jusqu’aujourd’hui (juin 2015) où Ryanair dessert 190 destinations à
partir de 74 bases avec 324 B737-800. 180 autres appareils sont en commande et la
compagnie annonce, sur son site, atteindre les 500 avions d’ici 2019.
Ryanair revendique être « l’unique compagnie ultra low cost d’Europe (…). La compagnie est prête à faire tout ce qui est en son pouvoir pour réduire ses coûts128 » .Nous notons
que ce préfixe « ultra » recoupe plusieurs réalités. Michael O’LEARY est, pour le moins,
fidèle à ce jusqu’au-boutisme affiché dans tous les domaines qui touchent à la réduction des
coûts et l’optimisation des recettes de Ryanair. Qu’il s’agisse de la productivité de ses
salariés, des frais de marketing, du pouvoir de négociation envers ses fournisseurs, qui peut
aller jusqu’au quasi-chantage ou de l’optimisation fiscale et sociale, Ryanair va loin ; parfois
trop loin.
2.2.1.3.2 Ryanair, le rapport de force.
« La cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé, mardi 28 octobre 2014, la culpabilité de la
compagnie aérienne irlandaise Ryanair pour travail dissimulé sur l’aéroport de Marseille-
Provence entre 2007 et 2010. Ryanair a toujours contesté le décret129 du 21 novembre 2006
soumettant les personnels navigants des compagnies étrangères installées en France au droit
français. Elle estime que ses avions ne se posent que temporairement sur le sol français et que
le personnel prend ses consignes auprès du siège de Dublin130». La réponse de Ryanair avait
stupéfait l’opinion publique quand, en octobre 2010, elle avait mis en exécution sa menace de
fermeture de sa base marseillaise en raison de sa mise en examen. Le rapport de force est un
outil très souvent utilisé par Ryanair. Ainsi, en 2008, la compagnie n’a pas hésité à fermer sa base de Valence en Espagne se disant « déçue du manque d’enthousiasme des autorités
locales pour supporter son développement ». Elle estimait insuffisantes les subventions
qu’elle percevait de la communauté valencienne. De même, « Ryanair a annoncé vendredi (3
juillet 2015) qu'elle allait retirer du Danemark son seul appareil basé à l'aéroport de
Copenhague après une décision de la justice danoise qui exige qu’une convention collective
128 Site internet de Ryanair, Qui sommes nous ?, 29 juillet 2015 https://www.ryanair.com/ma/about/ 129 Ce décret prévoit que le code du travail français s'applique aux entreprises de transport aérien disposant en France d'une base d'exploitation, mais Ryanair invoquait "un simple entretien" des appareils installés à Marignane. La compagnie n'avait ainsi jamais déclaré son activité à l'aéroport de Marseille-Marignane, au registre du commerce ou à l'Urssaf (recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales). 130 AFP, et Reuters. Ryanair condamnée en appel à verser 8,3 millions d’euros de dommages et intérêts pour “travail dissimulé, Le Monde, 28/10/2014.
94
danoise s’applique pour ses pilotes et son personnel de bord employés au Danemark. En
outre, les salariés sont autorisés à faire grève contre Ryanair131 ».
2.2.1.3.3 Relation de travail et droit social.
« Ryanair est résolument hostile aux syndicats132 ». Aux antipodes du management relationnel
de KELLEHER, Michael O’LEARY ne manque pas une occasion de fustiger la représentation
des salariés. Chaque tentative d’implantation d’un syndicat dans l’entreprise est
systématiquement contestée. C’est un climat de peur qui est installé pour dissuader des
salariés de constituer une organisation représentative du personnel. Nous notons qu’une
association de pilotes, le RPG (Ryanair Pilot Group) rencontre la plus grande difficulté à
officialiser son statut syndical. Elle se revendique être un syndicat « anonyme », alors que ses
responsables craignent de révéler leurs noms. « Le RPG refuse encore de révéler les noms de
ses adhérents, prétextant protéger ses adhérents de licenciements abusifs. Quand on sait que la
compagnie a entamé des poursuites judiciaires pour obtenir les données personnelles de
pilotes sur un forum, on peut légitimement comprendre la précaution133 ». Un commandant de
bord de la compagnie a rédigé un livre de révélation sur les dessous de Ryanair, mais lui aussi
tient à son anonymat. Il signe son livre du nom du célèbre mutin anglais Christian
FLETCHER. Dès les premières pages, il explique sa crainte : « Le patron de Ryanair,
Michael O’LEARY, est puissant… Il mettra tout en œuvre pour me retrouver et je le payerai
au prix fort134 ». À plusieurs reprises dans son livre, FLETCHER insiste sur le fait que les
équipages ont « peur ». Ils acceptent notamment des conditions d’hébergement indignes.
L’auteur cite un exemple édifiant : « Nous dormirons quelques heures, habillés de nos
uniformes Ryanair, à même le sol, dans l’agence de handling de Gênes. La compagnie ne
nous fournira aucune compensation financière, et bien entendu ni repas ni boissons. À cause
d’une fin de service tardive, notre période de repos obligatoire s’est rallongée. Par
conséquent, la plupart d’entre nous ne pourra pas assumer les vols prévus le lendemain. La
conséquence immédiate est une sanction financière. En effet, en tant que contractants, nous
ne sommes pas rémunérés si nous ne volons pas… »
Cette notion de « contractant » nous interpelle. Nous la retrouvons quand la compagnie vante
131 REUTERS, Ryanair quitte l’aéroport de Copenhague après une décision de justice, 03/07/2015. 132 BARRETT S.D. Ryanair and the low-cost revolution, 2011, p. 113-128. 133 BERNIER, Roman. Réseaux sociaux : Ryanair fait fermer les comptes du syndicat des pilotes anonymes, Miroir Social, Paris, 2013. 134 FLETCHER Christian, et OTELLI Jean-Pierre. Ryanair low cost mais à quel prix ? Levallois-Perret: Ed. Altipresse, 2013.
95
l’hyper productivité de ses salariés. « En 2008, elle affichait fièrement que le taux de
passagers par salarié a atteint 9 679 pour Ryanair, contre 6 152 pour EasyJet, 1 172 pour
Lufthansa et 690 pour KLM Royal Dutch Airlines/Air France135 ». Un tel différentiel ne saurait
s’expliquer par la seule productivité des salariés. Nous noterons que, faute de se faire sur une
valeur PKT ou PKP, la comparaison est ici biaisée par la longueur moyenne des étapes.
Néanmoins la différence entre les deux TBC, opérant sur des réseaux similaires, est pourtant
notable. « Afin de contourner la réglementation européenne et les incidences salariales de la
notion de base d’affectation, certaines compagnies ont généralisé le recrutement de
travailleurs indépendants pour composer leurs équipages (…) Ryanair est sans doute
l’entreprise qui a le plus développé ce système. 70 % de ses 3 200 pilotes seraient recrutés
sous ce statut. (60 % des personnels de cabine). La compagnie irlandaise a mis en place une
filière complexe lui permettant de ne pas apparaitre comme l’employeur de ses propres pilotes
(les pilotes indépendants sont appelés contract pilots, pilotes contractants) ou de ses
équipages de cabine136 ». Le comparatif du nombre de passagers par salarié est largement
biaisé par le recours massif à ces « externalisations ». Ryanair tire plusieurs bénéfices du
recours à ce statut. En premier lieu, cela permet à la compagnie de s’exonérer des charges
sociales et patronales. Autre avantage non négligeable, le contractant louant ses services à
Ryanair, doit assumer, seul, les périodes de baisse d’activité quand la compagnie ne lui
demande pas de produire des heures de vol. Avec une clientèle majoritairement orientée vers
le voyage de loisir, la saisonnalité de l’activité est importante et il suffit de ne pas donner
d’heures de vol aux contractants pour réduire les charges fixes en proportion. Le mécanisme
mis en place par Ryanair est très élaboré. Un arrêt du 26 juillet 2013 de la County Court de
Londres décrit précisément comment le recrutement des pilotes ou des personnels de cabine
est assuré par des sociétés indépendantes comme Brookfield Aviation International Ltd,
Crewlink ou Workforce. Une fois les sélections achevées, ces entreprises d’intérim orientent
les candidats retenus vers des cabinets d’experts comptables irlandais qui leur demandent
d’intégrer des microsociétés de 3 à 5 personnes comme gérants. Bien évidemment, ces
microsociétés dépendent du droit social et du droit du travail irlandais quel que soit le lieu de
résidence du « gérant ». Ryanair fait appel à ces microsociétés à qui elle ne rémunère que les
heures de vol qu’elle lui confie, … quand, et seulement quand, elle en a besoin. « Aucune base d’affectation n’est bien sûr signifiée au pilote, Ryanair ayant mis au point le
135 BARRETT S.D. 2011, op. cit. 136 BOCQUET Eric, Le dumping social dans les transports européens, Commission des affaires européennes, Rapport d’information du Sénat, Paris, 2014.
96
principe de « base flottante » (floating base), évoluant au gré des plannings137 ». C’est au
salarié de rejoindre par ses propres moyens les aéroports où il doit prendre son service d’un
bout à l’autre du continent. Ainsi nous avons pu retrouver des équipages Ryanair hébergés
dans un camping proche de l’étang de Berre. Leurs mobil-homes sont au plus près de
l’aéroport Marseille Provence… La fameuse base fermée suite à la mise en examen de
Ryanair. « Nos équipages perçoivent tous des indemnités de logement et sont libres de
décider comment et où ils dépensent ces indemnités, a fait savoir Ronan O'KEEFFE, le porte-
parole de la compagnie aux journalistes de La Provence. Nous comprenons que leur solution
préférée de logement est à l'hôtel et en location d'appartement, mais certains choisissent aussi
des chalets de vacances, ce qui relève entièrement de leur choix138 ».
Nous verrons que la crainte de ces pratiques participe au sentiment de rejet du modèle
low cost ou de solutions intégrant une donne low cost au sein des populations de salariés des entreprises traditionnelles en cours de mutation.
D’autre part, les salariés employés directement par Ryanair ont un contrat précaire de droit
irlandais, y compris pour quasiment tous les personnels basés dans tous les pays d’Europe et
d’Afrique du Nord. La compagnie s’ingénie à contourner la nouvelle règle européenne sur les
bases d’affectation139 qui définit qu’un personnel navigant aérien doit dorénavant cotiser à la
sécurité sociale et a droit aux prestations dans le pays où il prend et achève son service, c’est-
à-dire sa «base d’affectation», plutôt que dans le pays où la compagnie aérienne est établie.
Ryanair ne salarie aucun personnel au sol en dehors d’Irlande. Les 230 employés qui
travaillent pour Ryanair à Beauvais, par exemple, sont des salariés de la Chambre de
Commerce et des collectivités locales. Ce schéma se retrouve dans tous les aéroports
desservis par Ryanair.
Dans sa course effrénée pour réduire les coûts et augmenter les profits, les salariés sont mis
sous pression. Les personnels navigants techniques et commerciaux payent, leurs uniformes,
leurs frais de déplacement et même leur badge ainsi que leurs formations (2000 à 3000€ pour
un PNC et jusqu’à 13 000 € pour la formation d’adaptation d’un PNT).
137 idem 138 GALLET, Martine. Marseille Etang de Berre : les employés de Ryanair dorment au camping, La Provence, Marseille, 12 juin 2015. 139 Réglementation européenne( CE) n° 883/2004 et (CE) n° 987/2009, modifiées le 28 juin 2012.
97
2.2.1.3.4. Sécurité des vols. Selon Christian FLETCHER, l’obsession de la réduction des coûts est telle que les pilotes ont
pour obligation de « dégager » la piste le plus vite possible pour gagner du temps au sol. Les
escales sont limitées à 25 minutes et gare à l’équipage qui ne tiendrait pas le délai : c’est tout
simplement la sanction. La sanction menace également les pilotes alors qu’ils calculent
l’emport de carburant nécessaire. Les directives sont claires, la compagnie irlandaise stipule la
quantité de carburant que doivent charger les avions et obligent les pilotes à procéder à un
ravitaillement minimum et à justifier par écrit tout excédent. Ainsi, « Les autorités aériennes
espagnoles ont ouvert une enquête sur la compagnie irlandaise à bas coût Ryanair après que
cette dernière a demandé en juillet 2012 à faire atterrir en urgence trois de ses avions faute de
kérosène140. » Une seconde série de « Mayday fuel » (appel d’urgence en limite de carburant)
a défrayé la chronique durant l’été 2013. FLETCHER relate de manière très détaillée des
dizaines de dérives susceptibles de mettre en cause la sécurité : des pressions de la direction
de la compagnie pour atterrir coûte que coûte malgré une météo exécrable, des réparations
truquées, des incidents non déclarés … Michael O’LEARY précise que Ryanair n’a jamais
connu d’accident grave. La course à la réduction des coûts n’a donc pas eu d’impact sur la
sécurité des vols… jusqu’ici.
2.2.1.3.5. Marketing.
Dans la première partie de ce mémoire, nous avons évoqué la technique de « coup
médiatique » pratiqué par DACIA pour faire parler d’elle à moindres frais. Michael
O’LEARY est passé maître en la matière. Il n’hésite pas à recourir à la provocation pour faire
la une des journaux. Ainsi, il multiplie les annonces les plus farfelues pour maintenir Ryanair
au centre de toutes les attentions.
« Le patron de Ryanair, au goût affiché pour la provocation, avait annoncé le 27 février 2009,
sur les ondes de la BBC qu'il envisageait de faire payer à ses passagers 1 livre (1,12 euro)
pour l'usage des toilettes dans les avions141 ». Il avait précisé réfléchir sérieusement à équiper
les portes des toilettes d’une fente pour qu’à l’avenir les passagers aient à déposer 1 livre
« pour aller faire pipi ». Bien entendu, une fois cette information ayant focalisé l’attention des
médias, il précisa qu’il s’agissait d’une blague.
140AFP. Enquête sur Ryanair après des atterrissages d’urgence. Le Monde.fr. Le 16 août 2012. 141 LE FIGARO, Ryanair ne ferait pas payer les toilettes. Le Figaro, 12 mars 2009. http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2009/03/12/01011-20090312FILWWW00530-ryanair-ne-ferait-pas-payer-les-toilettes.php.
98
Quelques mois plus tard, il rééditait la tactique en confirmant la mise à l’étude d’une taxe
pour les passagers en surpoids et profitait des regards tournés vers Ryanair pour annoncer la
suppression des comptoirs d’enregistrement dans les aéroports.
Régulièrement la compagnie utilise la technique du buzz médiatique (rumeur ayant un large
retentissement) qui va jusqu’à annoncer la suppression des sièges passagers pour densifier au
maximum ses cabines. Bien entendu, aucun de ces projets n’a vu le jour. Peu importe l’image
véhiculée par les propos du moment, l’essentiel est de voir écrit « Ryanair » en grand dans les
titres de tous les médias. Les techniques de buzz utilisées ont parfois un goût douteux. Elles
peuvent être carrément grossière (voir annexe 8 : Ryanair pisse sur la concurrence) ou avoir
des conséquences judiciaires pesées. « Pour avoir utilisé à des fins publicitaires une photo les
représentant, le TGI de Paris a condamné, le 5 février, la compagnie Ryanair à verser 1 € au
président Sarkozy et 60 000 € pour dommage patrimonial et moral à Mme Carla Bruni142 ».
La compagnie engrange également des revenus marketing. Les avions deviennent des
supports publicitaires ainsi que le site internet de la compagnie. (Annexe 8 bis)
2.2.1.3.6 Influence.
Il nous paraît important de noter qu’un poste de dépenses particulier ne souffre d’aucune
réduction de coûts. Ce poste représente près de 10% des coûts de Ryanair alors que chez
les autres TBC il est significativement plus faible, voire inexistant. Il s’agit des dépenses
lobbying, de cabinets d’avocats spécialisés (notamment ceux chargés dans les paradis
fiscaux des enregistrements des sociétés offshore). Certains recrutements attirent également
l’attention des associations de salariés et de syndicats. C’est notamment le cas d’un« membre
du Conseil d’administration, M. Mc CREEVY qui outre ses fonctions antérieures dans trois
gouvernements irlandais, a surtout été commissaire européen à Bruxelles de 2004 à 2010 à la
Commission du marché intérieur et des services. Il a rejoint Ryanair en mai 2010, dès sa fin
de mandat. Le cas de M. Juliusz KOMOREK interroge également. Il est entré chez Ryanair
comme directeur juridique en 2004 après avoir travaillé à la Direction générale de la
concurrence à Bruxelles. Ce dernier est notamment connu pour ses menaces systématiques de
traduire en justice pour diffamation tout journaliste ou tout homme politique qui s’opposerait
de manière trop virulente à l’image de Ryanair143.
142 AVRIL Pierre et GICQUEL Jean, Chronique constitutionnelle française. (1er janvier – 30 avril 2008), Pouvoirs 2008/3 (n° 126), p. 181-216. ���
143APNA, Ryanair, les voies secrètes du succès, APNA mag’ Hors série, Roissy, Juin 2015
99
La réussite quasi insolente de Ryanair repose sur deux principes, certes sur la réduction des
coûts, mais également sur l’optimisation sociale et fiscale et sur sa faculté à trouver des
sources de revenus partout ailleurs que dans la vente de billets d’avion. C’est sans doute sur
ce second volet que les dépenses de lobbying et de cabinets spécialisés trouvent leur
justification.
2.2.1.3.7. Optimisation fiscale.
« Il existe chez Ryanair des orfèvres de la finance offshore qui savent comment construire les
meilleurs véhicules financiers et pratiquer avec brio l’optimisation fiscale144 ». Au-delà des
activités déclarées en Irlande, pays qui bénéficie du taux de fiscalité des sociétés le plus bas
d’Europe (12,5%)145, Ryanair possède de nombreuses filiales basées dans des « paradis
financiers » comme le Luxembourg, l’île de Man, la Lituanie, la Suisse, Chypre, le Delaware,
les îles Caïman, les Pays-Bas, Jersey, le Panama… Aviation Finance and Leasing, Aviation
Promotion, Leading Verge, Netherill, Airport Marketing Service, Delaware Statutory Trust,
Willis Administration Trust, Capita Fidiciary Luxembourg, Capita Fiduciary Hollande,
Coinside Ltd, AFL Freienbach, …autant de filiales basées dans des paradis fiscaux dans le but
d'optimiser l'impôt, dont le taux réel payé, selon le cabinet anglais Air Scoop146 s'élevait pour
la période 2010-2014 à 2,94%, soit bien en dessous du taux de 12,5% réglementaire en
Irlande, qui est déjà le plus bas d’Europe147. La multiplication des structures orphelines148 et
des sociétés-écran a pour avantage d’être le cheminement le plus discret possible pour
dissimuler toute trace, notamment de subventions.
« Ryanair est un joyau de la finance et de l'Europe libérale, mais qui tire une grande partie de
ses bénéfices...de subventions publiques149 ».
144 idem 145 IDA Ireland, Guide de la fiscalité en Irlande, National Department Plan, Dublin, 2010 146 Air Scoop, Ryanair’s Facts behind figures : A comprehensive analysis of Ryanair strcuture and business model, Londres, septembre 2014. 147 NOUVEL OBS, Ryanair : un maître du temps prêt à tout pour écraser ses concurrents, le Plus, Paris, Le 15 juin 2015, Consulté le 23 juin 2015. http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1385547-ryanair-un-maitre-du-temps-pret-a-tout-pour-ecraser-ses-concurrents.html. 148 Il s’agit d’une société qui a sa propre personnalité juridique, sans pour autant avoir ni actionnaire, ni associé, ni membre. 149 NOUVEL OBS, 15 juin 2015, op.cit.
100
2.2.1.3.8. Subventions. Les différents rapports d’Air Scoop, de la Commission Européenne150, du Conseil Général de
L’Environnement et du Développement Durable151 sont recoupés par l’APNA dans son
magazine N°10152 de l’automne 2014 et dans le hors série de juin 2015 de l’association. Ils
laissent apparaître de 800 millions à 1,2 milliard de subventions annuelles versées à
Ryanair par l’ensemble des pays européens par le biais de collectivités locales.
« Pour exemple, depuis 2003, la compagnie aérienne « low cost » Ryanair avait ainsi
bénéficié de subventions de l’ordre de 1,5 million d’euros de la chambre de commerce et
d’industrie de Strasbourg, pour 40 %, et pour le solde de la communauté urbaine de
Strasbourg, du département et de la région. La société Britair, filiale d’Air France, a estimé
que l’octroi de ces subventions était illégal parce que violant les règles de concurrence
loyale 153». Ce système de perception de subventions via des sociétés-écran pour la promotion
du tourisme (il ne s’agit en fait que d’un lien hypertexte sur le site internet de Ryanair) est
généralisé à toute l’Europe. En juillet 2014 Bruxelles condamne Ryanair à rembourser pour
10 millions d’aides constituant un avantage économique injustifié, faussant la concurrence
dans le marché unique. « Mais La Commission européenne a annoncé le 27 juillet 2015 avoir
traduit la France devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour ne pas avoir
récupéré les aides incompatibles avec le marché intérieur aux aéroports de Pau, de Nîmes et
d’Angoulême 154 ». Cette « timidité » à recouvrer ses droits met en relief une certaine
schizophrénie des pouvoirs publics français, mais également des autres pays européens,
vis-à-vis des aides et autres subventions consenties à des compagnies comme Ryanair. La
Commission européenne, elle-même rencontre parfois certaines frilosités à condamner
Ryanair. Dans un arrêt de 2004, elle condamne la compagnie à rembourser « des rabais
accordés de façon discriminatoire sur les taxes d’atterrissage et les redevances d’assistance
par le gouvernement de Wallonie pour la desserte de l’aéroport de Charleroi. En revanche,
d’autres aides versées à une société de promotion associant l’aéroport et Ryanair seront 150 COMMISSION EUROPEENNE, Aides d'État SA.33960 (2012/C) (2012/NN) – France Aéroport de Beauvais Tillé, Bruxelles, 2012. 151 GRASSINEAU Jean-François, l’ajustement des charges des compagnies aériennes françaises, rapport d’étape du Conseil Général de L’Environnement et du Développement Durable : Paris, 2012 152 APNA, Le mouton noir irlandais trait la vache à lait française, APNA Mag n°10, Paris, 2014, P.16-17 153 DELION André G. et DURUPTY Michel, Chronique du secteur public économique, Revue française d'administration publique 2003/4 (n 108), p. 655-669. ��� 154 BRETON, Pascal. Aides d’Etat à Ryanair et Transavia : la France traduite devant la CJUE. LE MONDE DU DROIT : le magazine des professions juridiques, Paris, 30 juillet 2015.
101
autorisées si elles sont nécessaires à l’ouverture des lignes et ne couvrent que la moitié des
frais de leur lancement et sont limitées à une durée de 3 ans155 ». Les pouvoirs publics de
nombreux États européens sont impliqués dans ce système de contrats marketing. Le 30 avril
2014, 24 communes italiennes et la Chambre de commerce de Trapani ont décidé de verser 2
millions € à Ryanair par an pendant 3 ans. Les contrats sont passés avec Airport Marketing
Service (AMS) détenue à 100% par Ryanair et dirigée par Eddie WILSON, le directeur du
personnel de Ryanair. Mais les comptes d’AMS n’étant pas consolidés avec ceux de sa
holding il sera très difficile de faire émerger ces subventions dans les écritures comptables de
la compagnie.
Polymorphe et polysémique, en mouvement permanent, la galaxie financière de Ryanair ne
peut être cernée qu’à un instant précis, comme une photo qu’il faudrait reprendre tous les
semestres.
2.2.1.3.9. Politique d’achat d’avions. La compagnie a mis en place un dispositif financier impressionnant pour acheter des avions
qu’en fait elle ne détient pas. Elle a expliqué clairement qu’elle ne possède pas stricto sensu
ses appareils. En vertu des normes IFRS156, elle peut les ajouter à son bilan comptable. Ce qui
gonfle son actif. La compagnie récolte des fonds issus des crédits d’opérations de titrisation
dissimulés dans ses « instruments financiers ».
« Par le passé, les avions étaient domiciliés au Delaware pour des raisons fiscales par le biais
d’une SPV (Special Purpose Vehicle ou véhicule de titrisation), une structure orpheline qui
détenait, sur le papier, des avions... opérés par Ryanair. La manœuvre était habile et soutenue
par la toute-puissante ExIm Bank, un établissement bancaire américain chargé d’accorder des
crédits d’État d’aide à l’export aux compagnies aériennes qui souhaitent acheter des Boeing157.
Et comme toujours avec Ryanair le résultat est affolant : 6 milliards de dollars de
subventions à l’export offerts sur 10 ans selon les chiffres officiels de l’ExIm Bank158 ».
155 DELION André G. et DURUPTY, 2003/4, op.cit. 156 Il s’agit des normes internationales d'information financière. 157 Réciproquement, les acquisitions d’Airbus bénéficient du soutien d’agences pour le crédit à l’export comme la Coface en France. 158 APNA, Ryanair : le beurre et l’argent d’Uber, APNA Mag n°11, Paris, 2014 P.14-17
102
Ryanair est la compagnie la plus subventionnée par les États-Unis. La manœuvre est
parfaitement légale, mais elle fait grincer des dents la plupart des compagnies traditionnelles
qui se plaignent de la distorsion de concurrence liée à ces aides publiques. En effet, les
compagnies basées dans des pays où des constructeurs fabriquent des avions ne sont pas
éligibles à ces subventions. Ainsi, Air France, British Airways, Lufthansa, Iberia, EasyJet ou
Vueling, pas plus que toutes les compagnies américaines, ne peuvent bénéficier du même
traitement. Toutes ces compagnies voient donc leurs principaux concurrents (Irlande, Golfe
ou Asie) bénéficier de subventions versées par leurs propres États pour financer les flottes qui
viendront les concurrencer
Figure 25. Aides à l’export
Source : airinfo.org
Selon le NOUVEL OBS, cette aide de 6 milliards de dollars représente à elle seule huit années de bénéfices de Ryanair. Mais ce n’est pas tout, l’avantage de ce crédit à l’export
permet à Ryanair, par un système de structure orpheline et de fonds communs de créances
basé au Delaware (Delaware Statutory Trust, DST), de louer ses appareils sans payer le
moindre impôt.
Ce montage peut paraître extrêmement juteux. Mais Rayanair ne s’en contente pas. Selon le
journal belge, l’Écho, la dernière commande géante de Boeing 737 (175 exemplaires) est
passée via le tout nouveau centre financier d’achats basé au Luxembourg (Aviation Finance
and Leasing : AFL). En achetant ses avions depuis le Luxembourg, Ryanair profite d’une
103
exemption totale de TVA, d’une absence de droits de douane à l’importation et il est
possible de ramener les dividendes directement en Irlande sans taxes. Ryanair n’est pas coupable d’utiliser au mieux un système qui lui profite. Mais le régime du
crédit-export pour l’acquisition d’aéronefs, tel qu’il est défini par une série de traités
internationaux signés dans les années 1980, est aujourd’hui devenu constitutif d’une
distorsion de concurrence.
Nous retrouvons ici un véritable bijou d’ingénierie financière comparable à celui que nous
avions évoqué au chapitre 1.2.1.2 avec IKEA comme l’a dévoilé l’enquête du Consortium of
Investigative Journalists, à l’origine des LuxLeaks.
Derrière le paravent du low cost se trouve la véritable innovation majeure introduite par Ryanair dans le transport aérien.
Cette innovation ne porte pas tant sur sa structure de coûts, mais sur la nature de ses
revenus. La vente de billets d’avion n’est pas la source de revenus principale. Elle n’est que le support d’une ingénierie financière savamment orchestrée.
Toutes les compagnies low cost ne suivent pas ce modèle, mais leur image prend ombrage du
comportement de quelques-uns. D’autres opérateurs, que nous aborderons au § 2.2.2.2, ont
également une structure de revenus qui s’éloigne du simple transport de passager.
2.2.1.4 Autres TBC. Aux USA, le marché à maturité laisse une première place incontestée à Southwest qui possède
quatre fois plus d’appareils que JetBlue sa suivante. Hormis ces têtes d’affiche, la plupart des
compagnies low cost américaines rencontrent des difficultés financières. En Europe, le succès
de compagnies comme Ryanair et EasyJet et l’opportunité de suivre leur exemple expliquent
la multiplication des TBC. La crise mondiale économique et financière de 2007 a cependant
amorcé un mouvement de concentration. Dans le même temps, les grandes compagnies
nationales développent leurs propres modèles de low cost à l’instar de Transavia pour Air
France – KLM, de Vueling pour IAG et de Germanwings /Eurowings pour Lufthansa.
104
Figure 26. Expansion et contraction du nombre de TBC desservant la France.
Dans le monde des transporteurs à bas coût européens, Ryanair et Easyjet se démarquent
nettement. La première s’est positionnée sur des liaisons qui ne sont pas ou peu desservies par
les compagnies historiques et par l’utilisation d’aéroports secondaires. Easyjet se concentre
plutôt sur les grandes plates-formes comme les hubs des compagnies historiques. Air Berlin
le troisième opérateur TBC se fait de plus en plus distancer. Il s’agit d’une ancienne
compagnie charter allemande qui évolue entre le modèle généraliste et le modèle low cost.
Son offre comprend des prestations classiques pour le service en vol et les bagages.
KLM et British Airways ont tenté de créer des filiales low cost dès la fin des années 1990 et
au tout début 2000 avec l’anglaise Go et la batave Buzz. Rapidement ces essais ont été
absorbés respectivement par EasyJet et Ryanair. De nombreuses tentatives de TBC
indépendantes ont vu le jour, mais la majorité de ces entreprises ont été acculées à la faillite
soit à cause de leur sous-capitalisation soit du fait d’un mauvais positionnement stratégique.
À l’écart du théâtre ultra concurrentiel de l’Europe de l’ouest, la Hongroise Wizz Air a eu le
temps de constituer un réseau et une flotte suffisamment fournis pour avoir la prétention de
s’ancrer dans le paysage TBC européen avec une prétention d’envergure conséquente.
« Les nombreuses créations et faillites de compagnies low cost démontrent le dynamisme, mais aussi la fragilité du marché159 ».
D’autres compagnies low cost plus modestes sont très agressives pour conquérir leur part du
gâteau. On retrouve dans ce dernier groupe des compagnies comme l’italienne Wind Jet,
l’espagnole Volotea, la lituanienne Small Planet ou la polonaise Enter Air. Dans un contexte
de concurrence exacerbée, elles s’inspirent du modèle de Ryanair pour tirer avantage de
subventions qu’elles encaissent de la part d’aéroports secondaires et ont pour la plupart
recours au contournement de la législation européenne et des incidences salariales de la
159 ABRAHAM Claude, Les compagnies aériennes européennes sont-elles mortelles. Perspectives à vingt ans, 2013.
105
notion de base d’affectation par le recrutement de travailleurs indépendants ou le recours à
des sociétés d’intérim. Certaines filiales low cost d’opérateurs historiques ont également été
épinglées dans cette pratique de contournement des règles. C’est notamment le cas de
l’espagnole Vueling pour ce qui concerne les « faux indépendants » et pour avoir fait jouer à
tort la directive européenne « n°96/71 relative au détachement des travailleurs pour s’exonérer
des charges sociales qu’elles auraient dû verser pour des personnels qui exerçaient pourtant
principalement leur activité depuis la France160 ».
Norwegian est une véritable exception. C’est effectivement la seule compagnie, jusqu’ici, à
avoir fait mentir l’adage « on naît low cost, on ne le devient pas ». Elle est à ce jour le seul
exemple de reconversion réussie d’une compagnie régionale traditionnelle mue en véritable
low cost en 2002. Classée parmi les tout premiers TBC d’Europe, son succès semble être dû
l’acquisition de FlyNordic (filiale de Finair) qui lui a permis de devenir la plus grande
compagnie low cost scandinave et de développer des relations particulières avec Finair. Ayant
atteint une taille critique nécessaire à la survie d’une low cost, Norwegian a dernièrement
attiré tous les regards en passant l’une des commandes les plus importantes d’Europe avec
200 Boeings 737 plus 150 options supplémentaires. S’il faut certes tempérer cette annonce par
le fait qu’une partie des 66 appareils actuels doivent être renouvelés et que les livraisons sont
prévues jusqu’au-delà de 2020, cette annonce marque la sérieuse volonté d’expansion de la
compagnie.
« Le cas de Norwegian air international constitue un cas d’école. Son immatriculation en
Irlande répond à un double objectif : éviter que le droit du travail norvégien ne s’impose à ses
personnels navigants et dans, le même temps, bénéficier des droits de trafics étendus à
destination des États-Unis dans le cadre de l’accord Open sky. La compagnie norvégienne
n’entend pas pour autant faire de Dublin sa base d’affectation, mais maintenir le système
qu’elle a mis en place jusque-là, à savoir la domiciliation de ses personnels navigants en
Thaïlande, leur contrat étant signé avec la filiale singapourienne de Norwegian. (Extrait d’un
contrat Norwegian en annexe 9).
L’absence de norme européenne claire sur le statut des personnels navigants des
compagnies immatriculées au sein de l’Union européenne et sur la notion de base d’exploitation favorise ce type de contournement.161 »
160 BOCQUET Eric, Le dumping social dans les transports européens, 2014, op.cit. 161 idem
106
Norwegian est une compagnie innovante. Elle va encore plus loin que Ryanair et explore de
nouvelles frontières de l’optimisation. Elle est la première à mettre en place un système qui
s’approche des pavillons de complaisance connus dans le domaine maritime. Nous verrons
dans le chapitre suivant que Norwegian envisage d’aller plus loin encore.
2.2.2 Le Long Courrier. Progressivement une réelle division des marchés semble s’installer avec des low costs
dominant celui des courts et moyens courriers et les grandes compagnies historiques opérant
sur du long courrier. Pour autant, le Long Courrier peut-il être considéré comme un sanctuaire
où les compagnies traditionnelles peuvent jouir d’une relative hégémonie ?
2.2.2.1. Les Low costs Long Courrier. Régulièrement, des opérateurs low cost tentent d’installer leur modèle sur le segment long-
courrier. Nous avons déjà abordé au 2.2.1 le cas du Skytrain qui dès 1974 se lançait sur le
long Courrier avec une politique novatrice qui donna des idées à Herb KELLEHER pour
imaginer le modèle de Southwest. Il est vrai que l’aventure n’avait pas duré plus de cinq ans,
mais il faut se rappeler que Skytrain avait tout de même conquis près de 20% du marché entre
Londres et les États-Unis. De nombreux entrepreneurs gardent ces chiffres en tête et
régulièrement tentent d’embarquer vers des pays lointains.
« Si le modèle low cost moyen-courrier est désormais omniprésent dans le monde, c'est un
fait, il est difficile à adapter aux vols longue distance. Parmi d'autres, Air Madrid en 2007,
Oasis Hong Kong Airlines en 2008, la canadienne Zoom Airlines en 2008 ou Viva Macau en
mars 2010, ont toutes tenté l'aventure avant de devoir fermer boutique162 ».
Malgré ces échecs, le modèle se précise et semble trouver un souffle nouveau en Asie. « En
réponse à l'offensive d'Air AsiaX163, la filiale long-courrier de la low-cost malaisienne Air Asia
lancée en 2007, plusieurs compagnies traditionnelles de la zone Asie-Pacifique ont riposté en
lançant, elles aussi, des filiales du même type. C'est le cas de l'australienne Qantas avec
Jetstar, mais aussi de Singapore Airlines avec Scoot, lesquelles ont respectivement débuté
leurs opérations en 2008 et 2011164 ».
162 RICHARD Raphaël. Vols transatlantiques : intox Ryanair et vrai low cost long courrier - L’actualité de votre prochaine destination. Easyvoyage.com, 26 mars2015. 163 Air Asia X a trouvé son rythme de croisière entre Kuala Lumpur et plusieurs villes australiennes 164 GLISZCZYNSKI Fabrice. Low-cost sur le long-courrier, la nouvelle donne du transport aérien? La tribune, 26 mai 2015.
107
Au-delà du trafic Moyen/Long courrier asiatique qui connaît un essor important, nous
retrouvons Norwegian qui tente de développer le modèle en Europe. Elle a mis en place une
filiale Long-Courrier qui dessert déjà la Thaïlande, Dubaï et les États-Unis depuis la Norvège.
Elle entend relier l’Union Européenne et les USA dans les prochains mois, mais Washington
s’oppose à ces liaisons en raison d’une contestation des conditions d’emploi des salariés.
En mars 2015, Lufthansa a annoncé le lancement de sa filiale low cost Eurowings qu’elle
consolidera avec l’apport de Germanwings (la filiale low cost Moyen-court Courrier, MC).
Ainsi l’intégralité de l’offre low cost de Lufthansa sera proposée sous une seule marque. Des
vols long-courriers low cost sont au programme, « au départ de Cologne-Bonn à l’aide de 3
A330-200 à destination de la Floride, l’Afrique de l’Ouest et l’Océan Indien. Configurés en 2
classes pour 310 passagers, les 3 Airbus pourraient être rejoints rapidement par 4 autres
appareils semblables en cas de succès. C’est ce qu’espère évidemment le management de
Lufthansa qui annonce des tarifs d’appels de 99,99 euros l’aller simple (Smart) pour une
prestation minimale (un bagage, espacement de siège réduit et repas payants). Les vols seront
ainsi opérés sous la marque Eurowings, mais sous certificat d’opérateur de SunExpress, une
filiale commune de Lufthansa et Turkish Airways. Une initiative qui pourrait réveiller les
appétits des concurrents. Si Air France a déjà fait savoir à maintes reprises qu’elle n’y croyait
pas, Ryanair a quant à elle déjà fait part de ses intentions dans ce domaine, alors que
Norwegian essaye toujours d’obtenir l’agrément des autorités américaines pour lancer ses
premiers vols entre l’Angleterre et les États-Unis avec un certificat d’opérateur Irlandais165 ».
Ryanair n’a de cesse depuis plus de sept ans d’évoquer la possibilité de lancer une filiale
Long-Courrier qui relierait les États-Unis pour quelques dizaines d’euros. Jusque-là, elle ne
passe pas à l’acte n’arrivant pas à dupliquer son modèle low cost sur le LC (Long Courrier).
En effet, toute la question du Low cost LC repose sur la capacité à se différencier sur la productivité des avions LC sachant que c’est cette dernière qui est à la clé de la réussite du
low cost Moyen Courrier avec ses demi-tours très courts. « Si la recette peut s'appliquer sur
du «court long-courrier», c'est à dire des vols d'une durée de 5h30 environ (très nombreux en
Asie par exemple), elle aura beaucoup plus de mal à fonctionner sur des routes plus longues
sur lesquelles la productivité des avions est déjà élevée, autour de 17 heures chez Air France
165 GILSON Benoit. Lufthansa se lance dans le long-courrier low-cost , Air et Cosmos, Paris, 8 mars 2015 Consulté le 11 mars 2015.
108
par exemple. L'arrêt rapide des vols entre Kuala Lumpur et Paris et Londres d'Air AsiaX en
2011 a conforté tous les sceptiques166 ».
Certains observateurs affirment que les low cost finiront par percer sur le LC avec un
écart de coût avec les opérateurs classiques qui restera néanmoins moins important que sur le
MC. Air AsiaX prévoit déjà de retenter l’aventure européenne.
Les destinations très touristiques, comme les Caraïbes, où il existe encore un marché charter,
semblent les plus exposées à cette pénétration. Norwegian a annoncé en juin 2015, qu’elle
desservirait les Antilles françaises depuis New York Baltimore-Washington ou Boston dès cet
hiver. De même, il n’est pas étonnant que ce soit le groupe Dubreuil, maison mère d’Air
Caraïbes qui soit la première en France à annoncer en juin 2015 qu’elle allait se lancer dans
l’aventure low cost Long Courrier au départ de Paris. Elle créera une filiale avec une structure
de coûts encore plus légère que celle d'Air Caraïbes, déjà reconnue pour sa forte productivité
et sa rigueur de gestion. « Compte tenu des performances de l'A350167 et compte tenu du fait
que nous ne voyons pas nos concurrents (Air France, Corsair, XL Airways,) se moderniser,
nous avons décidé d'accélérer », a déclaré Marc ROCHET, le président du directoire d’Air
Caraïbes, à La Tribune et au Monde. La compagnie qui répond encore au nom de code de
« Sunline » partira de Paris Orly. « Nous allons essayer d'en faire une low-cost long-courrier,
mais je veux être clair, n'écrivez pas qu'on a trouvé le Graal, car une vraie low-cost long-
courrier, personne ne sait exactement ce que c'est. En tout cas, on va essayer d'avoir des prix
plus bas pour vendre des billets moins chers », prévient Marc ROCHET. « Air Caraïbes
sortira de sa zone pour explorer de nouveaux territoires. Un peu comme l'imaginait le groupe
Dubreuil lorsqu'il planchait sur la reprise de Corsair. Selon un observateur, les États-Unis ou
le Canada ont le potentiel pour être desservis par ce type d'opérateurs168 ». Pour les destinations très touristiques lointaines, de nombreuses interrogations subsistent.
« Les plans de cabine sont extrêmement denses, il faut voir si les passagers peuvent tenir sans
166 GLISZCZYNSKI Fabrice. Low-cost sur le long-courrier, la nouvelle donne du transport aérien? 2015, op.cit 167 L’Airbus A 350 ou le Boeing 787, avions de nouvelle génération, devraient consommer 10% de kérosène en moins sur une liaison transatlantique par rapport au appareils actuels. 168 GLISZCZYNSKI Fabrice. Air Caraïbes défie Air France en créant une low-cost long-courrier, La Tribune, 24 juin 2015. http://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/air-caraibes-defie-air-france-en-creant-une-low-cost-long-courrier-486515.html.
109
excès d’agressivité sur un vol transatlantique ou un vol de plus de dix heures vers la
Thaïlande. Il reste encore des inconnus, comme le prix du kérosène169… »
Une autre option low cost Long Courrier est de se concentrer sur un marché de niche. Ainsi la
compagnie française « l’Avion » lança de Paris Orly son premier vol en 2007 à destination de
New York avec un appareil Boeing 757 équipé uniquement de classe affaire. Dès 2008 la
compagnie fut rachetée par British Airways. Rebaptisée Openskies la compagnie adhéra à
Oneworld en 2012 et une petite classe Premium économie fut introduite. Le produit se situe
entre la classe « économique » et la classe « Affaire » des compagnies classiques. Il est
proposé à un prix inférieur à cette dernière.
L’idée de relier la côte est américaine et l’Europe fait son chemin chez l’islandaise Wow Air
et la canadienne WestJet. Ces deux compagnies low cost relient l’Amérique du nord et le
vieux continent depuis un peu moins d’un an avec une escale intermédiaire : Reykjavik pour
la première, Halifax pour la seconde. Il est encore trop tôt pour juger du succès potentiel de ce
concept qui s’affranchit du vol low cost direct et propose des tarifs tout de même autour de
250 € l’aller simple.
D’autres « nouveaux entrants » sur le marché du Long Courrier abandonnent volontiers le
concept du vol sans escale. L’offre des compagnies du Golfe remet en cause les équilibres
précaires qui subsistent dans le transport aérien mondial.
2.2.2.2. Les nouveaux prétendants LC (Les Compagnies du Golfe) Les compagnies aériennes implantées au Moyen-Orient ont connu une croissance rapide.
« Les bons résultats des compagnies du Golfe ont de quoi donner des sueurs froides aux
compagnies traditionnelles européennes. Notamment à Air France-KLM et Lufthansa170 ».
Emirates et Qatar sont des singularités dans le monde de l’aérien avec des taux de croissance
très élevés, elles caracolent en tête des classements alors qu’elles sont très récentes (voir
169 LEBAS, Alain. Eurowings : low cost long-courrier, est-ce viable ?, Air Journal, 23 mars 2015, Consulté le 25 mars 2015. 170 DAMOUR, Pauline, Comment les compagnies du Golfe surclassent leurs rivales européennes , Challenges.fr, Paris, 29 mai 2015
110
figures 28 et 29). Nous nommerons compagnies du Golfe ce groupe de nouveaux entrants en
y rajoutant Etihad Airlines et Turkish Airlines. (Même si cette dernière ne correspond pas à
une définition géographique du groupe). L’offre de ce groupe de compagnie est plutôt tournée
vers la partie haute de la nouvelle structure de la consommation individuelle. La Qualité de
service de leur offre est rapidement devenue une référence haut de gamme. Jouissant d’un
positionnement géographique avantageux entre l’Europe, voire dans une moindre mesure les
États-Unis et L’Asie, mais également tournées vers le marché africain, elles opèrent des
trafics principalement long-courriers de et vers leurs hubs respectifs. (Dubaï, Doha, Abou
Dabi et Istanbul).
Figure 28. Taille en SKO (Siège Kilomètre Offert) en 2013 (Milliards)
Source : DICKO HD, AFKLM performance 2014, rapports annuels des compagnies 171
171 DAL : Delta Airlines, UAL : United Airlines, AAG : American Airlines group, IAG : International Airlines Group, AFKL : Air France- KLM, LHG : Lufthansa Group, THY : Turkish Airlines, ETD : Etihiad, UAE : Emirates airlines, SIA : Singapore Airlines, CPA : Cathay Pacific Airlines, JAL : Japan Airlines, ANA : All Nippon airways. Les compagnies américaines apparaissent en vert, les compagnies européennes en bleu, les compagnies du Golfe en jaune, les compagnies asiatiques en rouge et japonaises en rose. Nous notons une certaine similitude régionale. Nous voyons dans cette relative uniformité des impacts certes géographiques, mais également historiques, politiques et stratégiques.
111
Figure 28. Croissance SKO 2010 – 2013
Source : DICKO HD, AFKLM performance 2014, rapports annuels des compagnies.
Emirates de Dubaï, qui a été créée en 1985, figure aujourd’hui parmi les compagnies
aériennes les plus importantes au monde. Selon l’OIT172 (L’organisation Internationale du
Travail), la société est exonérée d’impôts. Elle dispose d’un programme performant de
couverture contre la hausse du prix du kérosène. La règlementation de l’aéroport de Dubaï lui
permet des atterrissages et décollages à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. Et des
investissements publics massifs dans les aéroports ont contribué de manière décisive à attirer
des vols. Qatar Airways, née en 1994 et Etihad Airways créée en 2003 sont deux autres
compagnies aériennes de la région, également en pleine expansion. Les commandes massives
d’avions de ces compagnies témoignent également de leur dynamisme. Elles bénéficient d’un
important soutien de leurs États. « Le fort appui politique dont bénéficient les compagnies du
Golfe et les soupçons de distorsion de concurrence (charges salariales et redevances
aéroportuaires faibles, voire inexistantes par exemple) sont également largement dénoncés par
les grandes compagnies européennes173 » et américaines. American Airlines, Delta et United
ont mené une enquête internationale sur les sources de financement de Qatar Airways, Etihad,
et Emirates. D'après ces investigations, ces trois dernières auraient bénéficié de près de 42
milliards de dollars (37 milliards d'euros) de subventions en 10 ans. Les trois plus grandes
compagnies des États-Unis viennent de conclure une enquête d'un an et demi afin de chiffrer
précisément ces subventions. « Selon l'étude, ces subventions prennent des formes différentes:
172 OIT, Global Dialogue Forum on the Effects of the Global Economic Crisis on the Civil Aviation Industry, Genève: BIT, 2012 173 ABRAHAM Claude, Les compagnies aériennes européennes sont-elles mortelles. Perspectives à vingt ans, Paris, 2013.
112
prêts sans intérêts, avances des actionnaires, fournitures non facturées… D'après les calculs
des enquêteurs, qui s'appuient notamment sur des documents publics communiqués par des
États tiers (Singapour, Irlande, Royaume-Uni…), sur les 17,5 milliards de dollars reçus par
Qatar Airways, 6,8 milliards correspondent au montant d'intérêts jamais versés pour des prêts
et d'avances non remboursées. Selon les cabinets d'audit qui ont eu accès aux comptes, la
compagnie qatarienne ne serait pas viable sans ses subventions. «Malgré les milliards injectés,
Qatar Airways perd toujours de l'argent dix-huit ans après sa création», assurent les
dirigeants américains. La situation d'Etihad, la compagnie nationale des Émirats arabes unis,
serait pire. Ses pertes cumulées atteindraient 4 milliards de dollars en dix ans, alors que
6,2 milliards de fonds propres ont été injectés.174 » Emirates qui est la seule à publier ses
comptes depuis 12 ans a transféré à son gouvernement ses contrats de couverture carburant
quand la baisse du pétrole les a rendus contre-productifs. Ce seul transfert a permis
d’économiser 2,3 milliards de dollars.
Figure 29. Les subventions des compagnies du Golfe.
Outre cette polémique sur le subventionnement démesuré des compagnies du Golfe, les
relations sociales au sein de ces entreprises sont particulièrement décriées. Le personnel
de ces trois sociétés n’est pas syndiqué. À Doha et Abu Dabhi, le syndicalisme est proscrit. À
174 COLLET Valérie, Emirates, Qatar Airways, Etihad : les subventions astronomiques des compagnies du Golfe. » Le Figaro, 26 février 2015.
113
Dubaï, les syndicats sont autorisés certes depuis 2006, mais seulement pour les nationaux, or
90% des navigants, pilotes comme personnel de cabine d’Emirates sont de nationalité
étrangère. « Ces travailleurs migrants peuvent faire l’objet de discriminations et ne pas
bénéficier d’une protection sociale, notamment d’un accès adéquat à la sécurité sociale175 ».
Le magazine Society a consacré un dossier spécial à une revue de détail du management quasi
féodal de Qatar Airways. Nous y apprenons que les quelques 8000 hôtesses et stewards,
recrutés en grande partie en Europe subissent une pression de tous les instants de la part de
leur hiérarchie. Au-delà d’un rythme de travail très au-dessus des standards occidentaux, soit
une centaine d’heures de vol par mois, le règlement est imposé même à domicile. (Le
logement à Doha est fourni par la compagnie). Et ce règlement est particulièrement exigeant.
Il est formellement interdit de découcher. Les hôtesses et stewards sont tenus de passer toutes
leurs nuits à domicile où il est interdit d’accueillir des visiteurs entre 22 heures et 7 heures.
Les PNC doivent rester chez eux pendant les 12 heures qui précèdent un vol. Une hôtesse
précise que puisqu’elle fait jusqu’à 4 vols de nuits de suite, cela revient à rester enfermé chez
soi une semaine complète. Les tatouages, la consommation d’alcool à domicile et fumer sont
interdits. Aucun écart n’est toléré. Les logements sont régulièrement fouillés par des gardes.
Les faits et gestes des salariés sont pistés par caméra et badges. « Le concept même de vie
privée est très relatif. Le règlement interdit de fait toute relation amoureuse. Le simple fait de
monter en voiture avec un homme n’est pas autorisé. Pour se marier, une hôtesse doit d’abord
recevoir l’autorisation de son patron qui souvent refuse176 ». Même la sortie du territoire n’est
possible que sous autorisation… La Fédération Internationale des ouvriers du Transport (ITF)
a déposé plainte devant l’OIT pour discrimination. Et même si l’OIT a tranché en faveur des
salariés, cette dernière n’a aucun moyen réel de rétorsion vis-à-vis de Qatar Airways. Un
pilote déclare : « Tout le monde sait déjà que Qatar traite mal ses employés, alors le droit des
femmes, vous pensez ! ». Akbar AL BAKER, le patron de la compagnie, est souvent qualifié
de tyran colérique. Il déclara lors d’un passage en France en 2015 : « Si vous n’aviez pas les
syndicats, vous n’auriez pas de tels problèmes de chômage en Occident. »
Les distorsions sont multiples. Face à une absence de charges salariales, de charges
aéroportuaires et d’impôt, face à un niveau de soutien des États hors du commun, au
contournement de toutes les règles sociales et une politique de flotte qui sature les marchés
175 OIT, 2012, op. cit. 176 SOCIETY, Bienvenue chez Qatar Airways, magazine Society n° 9, juin/juillet 2015.
114
associés à une politique tarifaire très agressive, les compagnies classiques européennes et
américaines se trouvent face à des difficultés qui les dépassent.
Depuis 2013, les compagnies du Golfe prennent les devants en investissant dans le capital de
leurs concurrentes. Ainsi Qatar Airways détient désormais 9,99% d’IAG et Etihad 49,9%
d’Alitalia dans laquelle elle vient d’investir 700 millions d’euros, mais aussi dans Air Berlin,
Jet Airways, Virgin Australia, Air Serbia… Les Compagnies du Golfe « perturbent le jeu des
alliances quand elles parviennent à casser des partenariats historiques comme Emirates l'a fait
en s'alliant avec Qantas, obligeant celle-ci à mettre fin à son alliance avec British Airways (et
comme le fait Etihad entre Air France-KLM et Alitalia), mais aussi le processus de
consolidation lorsque Etihad (toujours) maintient en vie à coups d'injection de cash des
compagnies qui étaient condamnées comme Alitalia ou Air Berlin177 ».
Elles troublent également la vision que les experts pensaient avoir du transport aérien de
demain: un monde aérien structuré autour d'une douzaine de groupes de taille mondiale (3
Américains, autant d’Européens, quelques Indiens et Chinois et un Japonais) fonctionnant
avec des partenariats très puissants (joint-venture) entre membres de l'une des trois alliances
mondiales. Ce tableau était la suite logique de la libéralisation du secteur du fait de la
généralisation des accords de ciel ouvert et de la levée progressive des règles de propriété qui
empêchent les transporteurs de passer sous contrôle d'investisseurs étrangers. Le principe
reste valable, mais les acteurs risquent d’être sensiblement différents. Il y a fort à parier que
les trois compagnies du Golfe ainsi que Turkish airlines qui suit un développement analogue
fassent partie du jeu.
« Ce sont les premiers acteurs mondiaux avec une marque mondiale et du personnel venant de
tous les horizons, contrairement aux compagnies historiques qui restent des acteurs
multinationaux à fort ancrage national », reconnaissait Alexandre de Juniac, le PDG d'Air
France-KLM lors du forum DGAC DSAC du 4 mai 2015.
Il n’est pas étonnant alors de voir le front jusqu’alors constitué par les compagnies
européennes se fragiliser.
177 GLISZCZYNSKI Fabrice, Air France, Etihad, Emirates…, quel Yalta pour le transport aérien?, La Tribune, 20 mai 2015.
115
En désaccord avec Air France – KLM et Lufthansa qui mènent une lutte contre la concurrence
des compagnies du Golfe qu’elles jugent déloyale, British Airways, Iberia, Alitalia et Air
Berlin, ont décidé de quitter l’AEA (Association of European Airlines). Toutes ces
compagnies, à divers niveaux, ont reçu des capitaux des compagnies visées.
British Airways et Iberia rejoignent la ELFAA (European Low Fare Airlines Association)
pour exercer leurs actions de lobbying au niveau européen.
Le long Courrier des compagnies classiques se retrouve confronté à une concurrence à
deux niveaux. Le low cost tente une percée sur les marchés touristiques tandis que les
compagnies du Golfe visent la clientèle haut de gamme et affaire.
Le Long courrier ne saurait donc avoir de vertu de sanctuaire pour les compagnies
traditionnelles. Elles doivent ici aussi s’adapter à une bipolarisation du marché LC.
116
117
2.3 Analyse environnementale du transport aérien Pour mieux appréhender l’environnement du transport aérien, nous synthétiserons son
analyse environnementale à l’aide de 3 outils de diagnostic couramment utilisés. Le PESTEL,
les 5 forces de PORTER et le SWOT178.
2.3.1 PESTEL Cet outil de diagnostic stratégique aborde les aspects suivants : Figure 30. PESTEL
Réalisé par l’auteur
2.3.1.1 Politique. Nous avons exposé au chapitre 2.1.1 l’aspect stratégique du transport aérien. « Le transport
aérien reste encore, malgré la mondialisation de l’activité, le porte-drapeau d’une nation, le
vecteur des liaisons entre États souverains et l’expression du savoir-faire de ses ressortissants.
Aucun Etat qui veut tenir une place de premier rang dans le concert mondial ne peut voir
disparaître ses compagnies aériennes sans tenter d’y remédier179 ». Selon les régions du
monde, certains États sont clairement interventionnistes afin de défendre leur(s) compagnie(s)
par des politiques protectionnistes notamment sur les ouvertures de droit de trafic. D’autres
participent au développement des compagnies de leur nationalité par des aides publiques sous
forme de subventions ou en prenant en charge des frais d’infrastructures ou de missions
ailleurs dévolues aux entreprises. « Dans l’aviation civile internationale, contrairement à
d’autres secteurs commerciaux, la participation est escomptée, ce que l’on pourrait mettre en 178 LEHMANN ORTEGA, Laurence, LE ROY Frédéric, GARRETTE Bernard et DUSSAUGE Pierre, Strategor, 2013, op.cit. 179 LE ROUX Bruno, Rapport du groupe de travail compétitivité du transport aérien français, Paris, 2014.
118
rapport avec l’article 44 de la Convention de Chicago, qui charge l’OACI d’ « Assurer le
respect intégral des droits des États contractants et une possibilité équitable pour chaque État contractant d’exploiter des entreprises de transport aérien international,
ceci étant un des objectifs de l’Organisation. ». Pour une compagnie aérienne, la capacité de
mener ses opérations durablement et de continuer à participer au transport aérien international
ne dépend pas uniquement du coût de ses facteurs de production et de sa rentabilité relative
dans différentes circonstances de marché, mais elle est aussi, souvent, soutenue par diverses
aides publiques directes, indirectes ou implicites180 ». Toute la difficulté réside dans le fait que
les interventions d’États sont susceptibles de générer de très fortes distorsions
concurrentielles. Nous avons pu voir les effets extrêmement importants de ce type
d’intervention avec le cas Lenovo évoqué au chapitre 1.2.1.3.
L’impact d’instabilités politiques dans une quelconque partie du globe se fait ressentir sur
l’ensemble de l’industrie. Les attentats de 2001 aux États-Unis ont eu des répercussions
directes ou indirectes sur l’ensemble des dessertes mondiales. La croissance phénoménale du
secteur s’est trouvée un temps bloquée. Les réseaux ont dû se restructurer quelques années et
la prédominance du trafic transatlantique n’a pas retrouvé la suprématie absolue qu’il
connaissait avant ces évènements. Des troubles plus localisés sont susceptibles d’avoir des
effets importants sur le transport aérien.
2.3.1.2 Économique. Comme nous l’avons démontré, le marché du transport aérien s’est considérablement ouvert
du fait de la modification de la structure de la consommation, associée à l’augmentation du
pouvoir d’achat notamment des classes moyennes au niveau mondial. Le budget des ménages
est redistribué en fonction de priorités nouvelles et d’une faculté à ventiler ses choix de
consommation. Les attentes du consommateur ont évolué et sont devenues polymorphes.
Dans le village mondial, les communications se font sur une échelle plus vaste et les
transports ont connu un essor particulier. Le transport aérien s’est franchement démocratisé
sur les dessertes Moyen Courrier et devient accessible au plus grand nombre sur le Long
Courrier. La percée de classes moyennes dans les pays émergents contribue à la forte
croissance mondiale (autour 5 à 6% par an) attendue pour les 10 prochaines années dans le
transport aérien.
180 Manuel OACI , 2004, op.cit. P 2.3.7
119
2.3.1.3 Social. Avec l’élévation générale du niveau d’éducation, les populations sont globalement plus
ouvertes à la communication. L’envie de découvrir le monde que l’on observe via la petite
lucarne de la télévision ou que l’on découvre sur internet, dans les livres, devient plus
prégnante et incite au voyage. Avec un apprentissage des langues plus généralisé, les touristes
peuvent se débrouiller partout dans le monde. Dans le même temps, l’organisation du travail a
évolué, laissant plus de temps disponible pour partir à la découverte. La peur de l’avion recule
avec sa démocratisation et ne constitue plus que rarement un véritable frein à son emploi.
Dans le monde du travail, les relations internationales, voire intercontinentales se sont
multipliées si bien que les voyages d’affaires sont monnaie courante.
Une forte émigration vers les pays à haut niveau de vie augmente les flux de passagers que ce
soit en raison de l’immigration elle-même ou des visites familiales ou de connaissances ayant
émigré.
La mobilité générale augmente, tirant la croissance du transport aérien tant de passagers que
de fret.
Alors que l’économie se joue à un niveau global, l’absence d’harmonisation des lois sociales
tant du point de vue mondial que régional laisse le champ libre à des pratiques d’optimisation
que d’aucuns n’hésitent pas à qualifier de dumping. En occident, l’évolution du style de vie
allant vers de plus en plus d’individualisme n’incite pas naturellement à réguler les conditions
d’emploi d’une collectivité que l’on a infiniment plus de difficultés à définir.
2.3.1.4 Technologique. Le transport aérien jouit de nombreuses innovations technologiques, tant dans la construction
aéronautique que dans d’autres domaines qui de prime abord paraissent bien éloignés.
La variété d’avions aujourd’hui sur le marché permet d’adapter sa flotte au plus près de
l’efficacité recherchée pour le réseau de chaque compagnie. Du monocouloir turbopropulsé au
très gros porteur à long rayon d’action toutes les variantes existent et servent les dessins de
chaque transporteur. Les dernières innovations en la matière portent sur l’introduction à
grande échelle des matériaux composites dans la construction aéronautique. Ainsi allégés, des
appareils comme le Boeing 787 et l’Airbus A350 permettent aux premières compagnies qui
en sont dotées de réaliser des économies susceptibles de leur donner un avantage
concurrentiel important. La recherche aéronautique et spatiale travaille déjà sur les avions de
120
la décennie prochaine. De nouveaux modes de propulsions ou de carburant sont envisagés et
pourraient bien dans les années à venir révolutionner le transport aérien.
Internet et les évolutions de l’informatique sont en train de refaçonner la manière dont on
envisage le voyage aérien. Ce sont notamment les progrès de l’informatique qui permettent de
coordonner efficacement les vagues de départ et d’arrivées des hubs de correspondance.
« Chacune des liaisons qui constituent ce réseau est en interaction avec les autres pour assurer
d’éventuelles correspondances. Cependant, la majeure partie des compagnies est agencée en
réseau étoilé, c’est-à-dire avec des liaisons (spokes) à destination ou en partance d’un aéroport
pivot (hub)181 ». Chaque minute gagnée ayant sont importance, la coordination de ces réseaux
et de plus en plus fine.
Des systèmes embarqués, à la réservation, en passant par les technologies de pricing comme
un yield management de plus en plus fin, chaque évolution ouvre des perspectives nouvelles.
2.3.1.5 Environnemental. Les nuisances environnementales générées par le trafic aérien représentent une préoccupation
de premier plan. Trois sujets majeurs mettent le transport aérien au cœur des problématiques
de développement durable :
- Les nuisances sonores autour des aérodromes.
- L’impact du transport aérien sur le changement climatique.
- Sa contribution à la pollution atmosphérique.
Les progrès environnementaux de l’aviation sont largement orientés par les travaux et
discussions conduits au niveau mondial, au sein de l’OACI, où des méthodologies et décisions
contraignantes sont conçues. D’ailleurs l’annexe 16 de la Convention de Chicago est
exclusivement consacrée à ce sujet.
Alors que le trafic aérien est en croissance constante, il est devenu indispensable de modérer
ses émissions de CO2. En France, « entre 1990 et 2012, le nombre de passagers- kilomètres-
transportés a augmenté de 159% tandis que la croissance des émissions de CO2 a été limitée à
62%. Les émissions de transport aérien international (16,3 millions de tonnes de CO2)
représentent 76% des émissions totales du transport aérien en France et sont quant à elles, en
progression de 12,4% par rapport à 2000 (14,5 millions de tonnes), pour un trafic en
181 BILLETTE DE VILLEMEUR Étienne, Comment réguler le secteur aérien ? Structure optimale de l'offre de services, Revue économique 2004/3 (Vol. 55), p. 533-542.
121
croissance de 53% en termes de passagers-kilomètres-transportés182 ». Les efforts en la
matière sont certes efficaces, mais le volume global d’émission ne cesse de croître. Sa
maitrise restera encore pour les années à venir un enjeu de taille.
2.3.1.6 Légal.
Bien que très encadré du point de vue technique au niveau international, le transport aérien
mondial est soumis par certains aspects à des normes, lois ou directives nationales ou
communautaires de niveaux très dissemblables. Il existe bien un organe de coordination,
l’OACI. Mais ce dernier n’aborde ni les aspects sociaux ni fiscaux, ni les règles de
concurrence « loyale ». Dans ce méandre législatif, certains acteurs sont très habiles pour
choisir les règles qui les contraignent le moins comme s’ils faisaient leurs courses. Cette
métaphore, le « rule shopping », nous a été livrée par M. Keld LUDVIGSEN, le Directeur
Général adjoint de l’Autorité de Transport Danois au cours d’un bref entretien que nous avons
pu avoir en marge du colloque DGAC-DSAC du 4 mai 2015. En substance, il nous
confiait183 :
« Le dumping social dans l'aviation résulte des différences entre la législation et d'autres
réglementations des États membres de l'Union Européenne au sujet des conditions d'emploi,
des droits des travailleurs, des obligations des employeurs, des droits sociaux... Il en va de
même pour la mise en œuvre, différente selon les États, des directives et de l'interprétation de
chacun sur l'application même, des règlements et des directives. Y contribuent également les
différences de vue des États membres sur, par exemple, la responsabilité de l'employeur et le
concept de l'employeur en matière de sécurité sociale et fiscale.
182 DGAC, Observatoire de l’aviation civile 2014-2015 - Tome 1 – Analyses, Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, Paris, 2015 183 Traduction de l’anglais par l’auteur des propos échangés avec Monsieur Keld LUDVIGSEN, Directeur Général adjoint de l’Autorité de Transport Danois (Trafikstyrelsen Danish Transport Authority) en marge du colloque du 4 mai à Paris (DGAC-DSAC : D’une concurrence réglementée à une concurrence loyale. Ci-après, ces propos en anglais : « Social dumping in aviation is the result of differences in the legislation and other regulations of EU Member States in relation to employment conditions, workers’ rights, employer obligations, social rights, etc., as well as both the different implementation of directives, and the interpretation and administration of regulations and directives, including different views of the Member States on, for example, employer responsibility and the concept of the employer in relation to social security and tax. Social dumping in aviation mostly occurs, therefore, when EU airlines organize employment models, terms of employment, and company structures to take advantage of differences between the rules of Member States, including the implementation, understanding, and administration of the EU regulatory framework, meaning that it can be described more accurately as “rule shopping”.
122
Le « dumping social » dans l'aviation se produit la plupart du temps, donc, lorsque les
compagnies aériennes de l'UE organisent leurs modèles d'emploi, les conditions d'emploi, et
les structures de la société afin de tirer parti des différences entre les règles des États
membres, y compris pour la mise en œuvre, la compréhension et l'administration du cadre
réglementaire de l'UE. Ce qui signifie que le dumping social peut être décrit avec plus de
précision comme faire du « shopping de règles ».
2.3.2 Les 5 forces de PORTER. Cette méthode permet une analyse de la concurrence, en ne se limitant pas aux autres acteurs
du secteur, mais en l’étendant à tout agent économique susceptible de réduire les profits de la
société concernée. Ici, nous ne considèrerons pas une société, mais l’ensemble des
compagnies classiques, comme Air France, British Airways ou Lufthansa.
Nous rajouterons une sixième force communément admise, qui représente les contraintes
légales imposées par les États ou leur degré d’intervention.
L’analyse est donc ramenée au schéma suivant :
Figure 31. Les 5 forces de Michael Porter + 1
2.3.2.1 Intensité concurrentielle. 3,5/5 La rivalité entre les concurrents classiques est assez importante, bien qu’elle soit pondérée par
de nombreux accords de « coopétition » comme nous l’avons vu au paragraphe 2.1.5.2.
D’autre part les grandes compagnies classiques conservent un ancrage national important qui
limite la compétition entre les grands acteurs traditionnels. Néanmoins la compétition peut
123
être frontale sur certains axes ou sur certains segments de clientèle comme les passagers
originaires de pays n’ayant pas ou plus de compagnies « nationales » d’envergure.
2.3.2.2 Menace des produits de substitution. 2/5
Les produits de substitution au transport aérien peuvent être redoutables, mais leur portée se
limite au trafic Court Courrier sur des destinations pouvant être ralliées en moins de 3 heures
par un autre mode de transport. À ce jour, même si la majorité des déplacements domestiques
s’effectuent en voiture personnelle, le plus efficace des produits de substitution est le Train à
Grande Vitesse (TGV en France, Eurostar en France et Angleterre, AVE Talgo en Espagne,
ICE en Allemagne, Thalys…). Il ne concerne principalement que des destinations
domestiques bien desservies par ce moyen de transport. En France, le réseau est
particulièrement développé. Le groupe Air France adapte son réseau en fonction des
ouvertures de lignes TGV. En 2014 la part de marché d’Air France est « tombée à moins de
10 % sur le marché total des déplacements intérieurs, de l’ordre de 90 millions de passagers,
contre 65 % pour la voiture et 25 % pour le train184 ». La concurrence sur ce segment
particulier est rude, mais les résultats du Moyens Courriers et du Long Courriers restent hors
d’atteinte du TGV.
D’autres produits de substitution sont tout à fait récents sur le marché français, mais déjà
présents dans d’autres pays européens. Il s’agit du covoiturage (Blablacar pour la firme
française la plus avancée) et « des autocaristes qui sont dans les starting-blocks pour déferler
dans l'Hexagone une fois en vigueur la Loi Macron qui libéralise ce secteur185 ». Néanmoins,
même s’il est encore trop tôt pour faire des constats, ces nouveaux entrants semblent être une
préoccupation bien plus importance pour le transport ferroviaire que pour le transport aérien.
2.3.2.3 Pouvoir de négociation des clients. 4/5
Le risque est moyen à élevé au niveau des intermédiaires de la distribution. Les contrats
peuvent avoir un impact important dans les relations transporteur/intermédiaires (notamment
les GDS). Le risque est sensiblement plus important au niveau du client final du fait du
recours de plus en plus fréquent aux comparateurs de prix.
184 TREVIDIC Bruno. Air France part à la reconquête de son marché intérieur sous la marque Hop !, Tourisme – Transport, Les échos, 2 avril 2015. 185 GLISZCZYNSKI Fabrice, Blablacar, HOP Air France, Eurolines... à l’assaut de la SNCF. La Tribune., le 30 avril 2015. Consulté le 6 août 2015. http://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/blablacar-hop-air-france-eurolines-a-l-assaut-de-la-sncf-473014.html.
124
2.3.2.4 Pouvoir de négociation des fournisseurs. 4/5 La marge de manœuvre vis-à-vis des aéroports est quasi nulle puisque ce sont souvent les
États qui fixent le niveau des redevances aéroportuaires et autres taxes liées. En France, les
dernières décisions d’augmentations des redevances ont généré beaucoup d’émoi. Aéroports
de Paris « (ADP) jouit de la captivité de ses clients, en premier desquels on trouve Air France.
La compagnie génère plus de 50 % du trafic avec sa flotte de près de 230 appareils. On le sait,
les redevances aéroportuaires sont calculées en fonction du nombre de touchées
(décollage/atterrissage), du temps et du type de stationnement (passerelle ou parking au
large). En plus d'être le principal contributeur en nombre de touchées, Air France l'est
également en termes de temps de stationnement186. »
Le prix du pétrole est également règlementé et les systèmes de couverture font que le pouvoir
de négociation des fournisseurs ne s’exerce pas de manière continue. Il n’en est pas moins
important.
Les autres fournisseurs ont un pouvoir de négociation réduit, ils sont pour la plupart filiales
des transporteurs ou dépendants de ces derniers. (Restauration à bord, nettoyage…).
2.3.2.5 Menace des nouveaux entrants. 5/5 Nous avons pu le voir au chapitre précédent, la menace est extrêmement lourde. Les
nouveaux entrants sont spécialement calibrés pour s’attaquer à certains segments de la
clientèle. En l’occurrence les low costs constituent une réelle menace sur le transport Moyen
trajet point à point, mais handicapent également pour partie la rentabilité du trafic d’apport
vers le Long Courrier.
Le LC est lui même largement contesté par les compagnies du Golfe et Turkish Airlines qui
ont réussi à installer leurs propres hubs extrêmement compétitifs.
Sur les deux segments porteurs, la menace est très sérieuse. Elle nécessite des adaptations
structurelles profondes chez tous les transporteurs classiques qu’on appelle encore des majors.
2.3.2.6 Contraintes règlementaires et interventions des pouvoirs publics. 4/5
Les règles de libre circulation des personnes, des biens et services de l’Union Européenne ne
s’appliquent qu’aux transporteurs ressortissant d’un État membre de l’Union et ne sont pas
assorties de règles de concurrence loyale efficaces. Ce qui rend le marché européen perméable
à de nouveaux entrants communautaires ou non. L’interventionnisme démesuré des États du 186 PRAQUIN Antoine. Air France-ADP : la vision court-termiste du gouvernement. lesechos.fr. le 2 août 2015.
125
Golfe nous démontre l’impact du soutien qu’ils peuvent apporter à leurs compagnies. Les
contraintes règlementaires et fiscales de chaque État sont potentiellement génératrices de
distorsions concurrentielles logiquement en défaveur des transporteurs implantés dans des
pays à forte préoccupation sociale. Les pays des transporteurs classiques sont généralement
plus respectueux de certaines normes sociales qui grèvent les budgets des États et rendent
difficile des allègements de charges sur un secteur particulier d’activité. Les concurrents
nouveaux entrants sur LC sont originaires de pays moins vertueux du point de vue social,
comme les pays du Golfe, et bien plus concernés par le soutien à leurs entreprises. Les
nouveaux entrants MC et bientôt sur LC, les TBC, s’accommodent d’une législation
polymorphe qu’elle considère comme un centre commercial où l’on peut s’adonner au
« shopping règlementaire » en quête du montage le plus avantageux.
2.3.3 SWOT du transport aérien classique. Une des manières de synthétiser l’analyse externe et interne est d’utiliser le modèle dit SWOT
pour Strengths, Weaknesses, Opportunities and Threats (Forces, Faiblesses, Opportunités et
Menaces). Les forces et faiblesses tiennent de l’analyse interne tandis que les opportunités et
menaces relèvent de l’analyse externe. Figure 32. SWOT des compagnies traditionnelles
Réalisé par l’auteur
126
127
PARTIE 3
Conséquences et stratégies
d’adaptation des différents acteurs.
128
129
La transformation en cours du transport aérien est profonde. Le marché change dans ses
habitudes de consommation comme dans son périmètre. La technologie évolue dans tous les
domaines. De nouveaux acteurs prennent une place de plus en plus importante. Les alliances
et partenariats sont fragiles. Les rapports de forces sont perturbés. La communauté
internationale ne parvient pas réguler une activité mondialisée dans les domaines sociaux et
fiscaux. L’opportunisme des plus hardis se joue de la vertu affichée des acteurs installés.
Les éléments extérieurs à l’industrie (prix du carburant, équilibres géopolitiques, crises
sanitaires…) accentuent toujours l’incertitude des lendemains.
Les équilibres d’hier ne sont pas garantis et ceux qui ne s’adapteront pas à ce nouveau monde auront la plus grande difficulté à se maintenir à une place significative, voire à
une place tout court.
Cette nécessité d’adaptation ne concerne pas uniquement les compagnies aériennes.
L’ensemble de l’industrie du transport aérien est concernée, de la construction aéronautique,
aux aéroports en passant par les systèmes de réservation (GDS). Les États et la communauté
internationale, chacune à leur niveau, devront également prendre leur part dans ce grand
chamboulement. Faute de maintenir une organisation relativement stable, le visage du monde,
bien au-delà du transport aérien sera remis en cause. Les conséquences de cette mutation
pèseront sur l’économie mondiale. Nous y reviendrons dans cette troisième partie de notre
recherche. Si ce sont bien les compagnies aériennes, installées comme nouvelles entrantes, qui
seront les premières à subir ces conséquences, elles ne seront sans doute que les premières.
Leurs stratégies doivent être adaptées avec réactivité dans un monde en mouvement. Les
compagnies traditionnelles doivent prendre en compte leur nouvel environnement et sortir de
leur immobilisme en défiant leur inertie naturelle. Les compagnies low cost, ainsi que les
compagnies du Golfe doivent, quant à elles, rester attentives aux réactions des majors dont la
capacité de remise en question ne doit pas être sous-estimée.
130
131
3.1 Stratégies d’adaptation des compagnies aériennes
3.1.1 Les Compagnies Majors
3.1.1.1 Les Corporates strategies. Afin d’appréhender le process de construction d’une stratégie d’adaptation d’une compagnie
major, nous avons rencontré M. David Hamassala DICKO, Directeur Corporate Strategy et
innovation d’Air France187. L’amorce de ce processus est assez proche d’un SWOT où tous les
acteurs sont questionnés pour identifier forces et faiblesses afin de dégager toutes les options
réalisables. Ces dernières sont ensuite confrontées à un large travail de prospective sur les
tendances du marché, dont la fiabilité est éprouvée. Ce sont les comités exécutifs qui arbitrent
entre les options stratégiques. Dans chacun des trois grands groupes européens, nous notons
que les stratégies s’articulent autour de différents « métiers » (2 à 3) des compagnies
aériennes. Le découpage se fait en « business units » correspondant aux attentes clients. Afin
d’être plus lisibles et plus efficaces, peu à peu, ces stratégies sont identifiées par un travail sur
les marques du groupe. Chez Air France – KLM, 3 marques (transposées dans chacune des
entités du groupe) ciblent une part de clientèle et sont plus ou moins opérationnellement
coordonnées. Les 3 segments qui proposent une offre spécifique sont :
• Le cœur de métier, constitué par le Long Courrier et son trafic d’apport, est vendu
sous les marques Air France et KLM.
• Le point à point VFR (Visit Friends and Relatives : visiter les amis et connaissances)
est vendu sous les marques Hop Air France et Cityhopper. Il ne s’agit pas ici d’une
offre low cost.
• le point à point Loisir est vendu sous les marques low cost Transavia France et
Transavia Hollande. (Une troisième marque est envisagée pour créer un réseau
transversal européen. Il s’agit de Transavia Europe qui jusqu’ici provoque un émoi
social qui ne permet pas son développement).
Lufthansa suivait à peu près le même schéma, mais vient d’entreprendre une rationalisation
un peu différente avec une intégration sous deux marques au lieu de trois. Le cœur de métier
(Long Courrier et trafic d’apport) reste sous les couleurs de Lufthansa tandis que l’ensemble
du point à point VFR ou Loisir passe sous le pavillon unifié d’Eurowings. Il en va de même
pour le Loisir Long Courrier. « Rappelons qu’au début de la saison hivernale, Eurowings
« avalera » 55 des routes point-à-point de Germanwings, cette dernière ayant déjà récupéré 187 Entretien du 15 avril 2015 au siège d’Air France – KLM à Roissy. Nous avons retranscrit la quasi intégralité de cet entretien en annexe 11 tant cet échange a été riche d’enseignements.
132
l’intégralité du réseau court et moyen-courrier de Lufthansa hormis celui alimentant les hubs
de Francfort et Munich. Lufthansa va rassembler d’ici la fin de l’année sous cette marque
Eurowings (et code EW) toute son activité low cost, Germanwings, Eurowings et le long-
courrier inclus, l’ensemble de la flotte étant fournie par Airbus et bénéficiant d’une nouvelle
livrée. Selon la compagnie de Star Alliance, la nouvelle Eurowings est une « réponse
innovante » au défi de la concurrence féroce des low cost sur le moyen-courrier, et à plus long
terme sur le long-courrier188 ».
IAG poursuit une stratégie légèrement différente puisqu’elle a sorti le trafic d’apport de son
cœur de métier. Le long Courrier est assuré par British Airways et Iberia et l’ensemble du
Moyen Courrier, VFR, Loisir et Trafic d’apport est principalement assuré par Vueling. Ce qui
implique pour cette dernière d’assumer des coûts liés à la connectivité189.
Une autre différence entre les trois groupes réside dans la manière dont les entités ont été
constituées. IAG et Lufthansa group ont procédé par intégration et adaptation de compagnies
préexistantes alors que Transavia France a été crée ex nihilo.
Au-delà de ces différences, nous constatons que ces trois stratégies partent de l’attente
client et non plus de l’héritage des structures des compagnies qui jusqu’ici reposaient sur des
découpages géographiques ou plus récemment sur les structures réseaux (long, moyen et court
courrier). Ce recentrage stratégique tend à démontrer la prise en compte de la
prépondérance de la modification de la structure du marché.
Comme pour les ripostes des opérateurs installés de la distribution alimentaire, évoqués au
§1.1.4, nous retrouvons dans les trois groupes des stratégies de dédoublement visant à
affronter les low costs sur leur propre terrain. Ce qui implique également au travers des
filiales low cost une Stratégie de mimétisme tarifaire et de coûts.
3.1.1.2. La montée en gamme. Afin de compléter ces corporates strategies basées sur les structures, il est devenu primordial
d’accentuer la différenciation de ces offres. Les cabines sont très régulièrement repensées
188 DUCLOS François. Lufthansa veut envoyer Eurowings en Floride, Air Journal, 27 juillet 2015. 189 Voir entretien avec M. DICKO et notamment : L’un des éléments d’intégration possible des low cost adossées aux legacies« est la connectivité du réseau. Là aussi il faut être très vigilant sur le delta coût. Vueling a fait ce choix. A Air France ce sujet soulève également une problématique sociale. L’étanchéité du réseau garantit l’absence de concurrence avec notre propre réseau MC. »
133
avec un souci premier de qualité. C’est le cas notamment chez Air France avec le produit
« Best and beyond » où les classes business et Première reçoivent des sièges d’un confort
inégalé. Lufthansa travaille également sur un projet de cabine grand luxe avec les équipes de
design de Mercedes-Benz. La compagnie allemande équipe également la totalité de sa flotte
d’une toute nouvelle classe « Premium Economy ». « Les premiers retours des clients
démontrent un « haut niveau de satisfaction », précise la compagnie de Star Alliance, « le
confort du siège, le service et l’excellent rapport qualité-prix étant particulièrement bien
notés190 ». Les salons en aéroport rivalisent de luxe et de commodité. Les services annexes
sont également plus nombreux et plus personnalisés allant de l’offre de magazines
dématérialisés téléchargeables avant le vol à l’accueil dès le trottoir de l’aéroport et prise en
charge des bagages. La relation de service est mise au cœur de la politique d’accueil des
compagnies.
Les trois compagnies poursuivent également une politique d’innovation que l’on retrouve
dans les divertissements à bord ou le WiFi embarqué. Mais cette quête de l’innovation se
retrouve également dans l’efficience opérationnelle des hubs où tout est mis en œuvre pour
avoir une performance qui soit robuste en termes de ponctualité, de bagages, de transferts et
de connexion. Autant de dimensions qui permettent de faire progresser la productivité des
compagnies tout en améliorant l’expérience de voyage des clients. Le digital est au cœur de la
politique de commercialisation des compagnies aériennes. Les plates-formes de ventes se
doivent d’être toujours plus pratiques et conviviales. Cette convivialité est également
entretenue par le biais des réseaux sociaux. Air France a notamment 5 millions de fans sur
Facebook. Ce qui lui permet d’une part de renforcer la proximité avec ses clients et d’être
plus attentif à leurs demandes.
Les actions commerciales sont déployées sur tous les segments de clientèle. C’était déjà le cas
depuis des années sur les clients « grands comptes » qui sont démarchés régulièrement. Ces
actions se développent de nos jours envers les petites et moyennes entreprises. L’accent est
également mis sur les programmes de fidélisation qui offrent de plus en plus d’avantages dans
et hors les services de transport aérien.
La montée en gamme du cœur de métier des compagnies traditionnelles sert un double
objectif. Elle suit l’évolution de la structure en sablier de la consommation individuelle.
Elle constitue d’autre part, une véritable Stratégie d’évitement par la différenciation. Pour
autant, en situation de distorsion de concurrence, « les écarts de prix entre produits en
190 DUCLOS François. Lufthansa: la Premium sur la moitié des avions, Air Journal, 13 mai 2015.
134
compétition peuvent être tels qu’il devient très difficile de les compenser par des écarts de
valeur ajoutée 191 ». La différenciation par la qualité et par l’innovation est donc
particulièrement recherchée.
3.1.1.3 Consolidation et développement des partenariats. La croissance de la demande dans le transport aérien ouvre, du point de vue géographique, des
perspectives nouvelles. Il est nécessaire de bâtir des partenariats locaux afin de pénétrer ces
nouveaux marchés en profondeur. Les marchés chinois, brésiliens, indiens, africains sont en
plein essor. Il n’est pas envisageable pour les compagnies majors de développer en propre des
réseaux locaux à même de couvrir de telles étendues pour ramener cette clientèle potentielle
vers les hubs régionaux qu’ils relient à l’Europe et au monde. Les accords locaux ou les joint
ventures ainsi que toutes formes de partenariats solides ont une importance considérable dans
les stratégies des compagnies européennes qui doivent trouver des partenaires pour acheminer
un trafic d’apport en bout de ligne pour nourrir (feeder) les vols internationaux. Ces
partenariats permettent également de proposer des offres sur des destinations
complémentaires aux réseaux des opérateurs traditionnels. C’est notamment le cas de la joint
venture Air France- KLM /Kenya Airways ou des derniers accords entre la Compagnie franco-
néerlandaise et GOL au Brésil. Il est nécessaire d’ouvrir également de nouvelles lignes pour
se poser en partenaire crédible et d’en concéder certaines autres en code-share. (code de
partage)
3.1.1.4 La réduction des coûts.
Ouvrir des lignes, améliorer le service rendu aux clients, renouveler les flottes représente des
investissements lourds. « Mais pour cela il faut de la capacité à financer. Et donc l’objectif de
départ passe, du coup, par du cost cutting. (Réduction des coûts)192 ».
British Airways a été la première compagnie aérienne européenne à entreprendre une
restructuration d’ampleur. Touchée de plein fouet par la baisse du trafic transatlantique du
début des années 2000 et confrontée à une concurrence low cost importante au départ de son
territoire, la compagnie a largement eu recours à une stratégie d’évitement par la sortie. Peu à
peu, les lignes non rentables ont été coupées afin de pouvoir se repositionner sur les lignes
non ou moins contestées. Ces lignes déficitaires, par exemple le Paris-Glasgow, représentaient
191 COUTURE Roland, Croissance, crises et mutations économiques, Edition l’Harmattan, Paris, 2011. 192 Entretien avec M. DICKO annexe 11.
135
un coût trop important. British Airways, mais également Air France se sont retirés de cette
ligne au profit de Ryanair. À la fin de cette longue période d’attrition, British Airways avait
réduit son réseau Moyen Courrier au point de le rendre quasi inexistant.
Face aux compagnies du Golfe, d’autres replis ont lieu. « Delta cessera de desservir Bombay à
partir de l’année prochaine, ajoutant son nom à la liste des compagnies aériennes qui mettent
fin à leur service vers l’Inde, tandis les transporteurs du Golfe mènent l’offensive sur ce
marché193 ».
Au mois de juin 2015, c’est Air France qui annonçait couper les principales liaisons
déficitaires de son réseau et envisageait de poursuivre cette attrition à défaut de trouver
d’autres moyens de réduction de ses coûts. « Air France, qui a supprimé 20% de son offre
court-courrier, a déjà annoncé, le 15 juin, la fermeture à l’hiver prochain de quatre lignes non
rentables (Stavanger, Vérone, Vigo et Kuala Lumpur), ainsi que des réductions de fréquences
sur le Japon, le Brésil et la Russie. Ce qui correspond déjà à une réduction de capacité
supérieure à celle de KLM. Toutefois, sachant que la moitié des lignes long-courriers est
aujourd’hui dans le rouge et que la fermeture de l’une peut entraîner le déclin de l’autre, Air
France est encore loin du compte et ne peut s’en tenir à cette solution194 ». « La viabilité d’une
telle stratégie de retrait n’est possible que si l’enjeu financier de la liaison abandonnée reste
faible par rapport au marché global de l’entreprise195 ». Une attrition large serait difficilement
supportable par les compagnies traditionnelles.
Inévitablement, le traitement des compagnies européennes passe aussi et surtout par des
mesures d’économies conjoncturelles et structurelles. Les compagnies majors recherchent
continuellement à augmenter leur productivité. Faute d’un retour de croissance interne, ces
gains de productivité se traduisent par des réductions d’effectifs. Dans chacune d’entre elles,
des accords avec les syndicats sont nécessaires alors que les tensions entre ces derniers et les
directions se font de plus en plus fortes. (Voir les grèves à répétition chez Lufthansa depuis
mi-2014 ou le bras de fer en cours entre pilotes et direction chez Air France).
3.1.2 Les compagnies low cost. Adaptation du modèle. Bien qu’en grandes difficultés, nous l’avons vu, les compagnies traditionnelles développent
des ripostes de grande ampleur et n’hésitent plus à contester le modèle low cost sur son
193 RENAUD Jérôme, Delta quitte Bombay, ou comment les compagnies du Golfe font reculer les autres, Air Info, 19 novembre 2014. 194 TREVIDIC Bruno. Air France et KLM vont tailler dans leur offre cet hiver, Les échos, Tourisme – Transport, 16 juin 2015. 195 BEIGBEDER, 2007, op.cit.
136
terrain. Face à un tel déferlement, les TBC ne peuvent rester figés sur leur modèle sans le faire
évoluer pour à leur tour séduire le segment très rémunérateur de la clientèle « affaire ».
Nous notons des évolutions non négligeables, mais pas forcément conformes aux pronostics
initiaux.
« La structure reine dans le domaine du transport aérien déréglementé, la plus efficace, est
celle de l’étoile, mais qu’il ne faut pas limiter au « hub and spokes ». Elle permet d’optimiser
au maximum les correspondances si la compagnie qui l’a adoptée entend les favoriser avec un
système de vagues ou pulsations. Sinon, dans le cas d’une stratégie « point à point », elle
permettra la rotation la plus rapide des appareils d’une ligne à l’autre (on parlera alors de base
ou de « hub technique »). C’est le cas de Southwest. On peut également exploiter des étoiles
sans offrir de fortes fréquences : les compagnies low cost européennes montrent que ce n’est
en rien antinomique, avec des fréquences moyennes comprises entre 0,83 et 4,84 allers-
retours par jour ouvrable196 ». Les bases les plus importantes de Ryanair ou d’EasyJet se
transforment en hubs techniques. Nous observons des concentrations de liaisons sans cesse
plus importantes sur les aéroports comme Charleroi ou Beauvais Tillé chez Ryanair, mais
c’est chez EasyJet que la transformation est plus marquée. Les hubs techniques de cette
dernière sont implantés directement sur les plates-formes de hubs de correspondance des
compagnies traditionnelles. Moins dépendante que l’irlandaise aux subventions des
collectivités territoriales, c’est à partir d’aéroports principaux comme Paris Charles de Gaule
ou Orly qu’EasyJet projette dorénavant son réseau. Plus surprenant encore est le dernier
revirement de position de Ryanair. « En demandant des slots (créneaux de décollage et
atterrissage) à Orly, Ryanair met la pression sur Air France et Transavia. Le message est très
clair : Paris intéresse la compagnie irlandaise. Et si la porte d'Orly reste trop longtemps
fermée, Ryanair pourrait très bien décider, tôt ou tard, de se poser à Roissy, où il n'y a pas de
contraintes de créneaux197 ». Selon le coordinateur des créneaux d'atterrissage et de décollage
de l'aéroport d’Amsterdam Schipol, Ryanair opèrera neuf vols par jour au départ de la
capitale hollandaise dès cet hiver.
Cette position nouvelle cadre certes avec la volonté de la compagnie de séduire le client
affaire, mais la multiplication des attaques judiciaires qu’elle subit sur ses prises de
subventions souvent critiquables contribue grandement à ce changement stratégique. Ces
196 ZEMBRI Pierre, Structure des réseaux de transport et déréglementation, Flux, Paris 2005/4 (n° 62), p. 21-30.
197 GLISZCZYNSKI Fabrice. Ryanair demande des créneaux de décollage à Orly. La Tribune, 23 juin 2015.
137
subventions adossées à des aéroports de second niveau constituent jusqu’ici une part non
négligeable des revenus de la compagnie.198
Afin de réagir à la croissance plus lente des revenus additionnels chez leur clientèle habituelle
composée de voyageurs de loisir, Ryanair et EasyJet ont élargi leur stratégie pour attirer les
voyageurs d’affaires, qui présentent un rendement plus élevé. Ryanair a modifié de façon
significative son modèle commercial en augmentant la fréquence de certains trajets, en créant
un tarif non restrictif plus adapté aux voyages d’affaires et en allant jusqu’à cibler les
voyageurs d’affaires dans une campagne publicitaire. De nouveaux horizons s’ouvrent aux
yeux de Michael O’LEARY. « Il a réaffirmé sa conviction qu'il existe un potentiel pour
Ryanair d’ouvrir des routes long-courriers à bas coût via une compagnie aérienne filiale si
cela se fait progressivement. Ryanair est également ouvert au partage de codes avec d'autres
compagnies aériennes, alors que cela était boudé dans le passé. Ce n’est pas dans nos plans
immédiats, mais c’est sur la liste des choses que nous avions dit que nous ne ferions jamais et
que nous sommes en train de penser à mettre en œuvre. Nous retrouvons également sur cette
liste, ce nouveau business plan, la volonté d'offrir un meilleur service à la clientèle199 ».
Le modèle hard low cost pure player de Ryanair ne semble plus lui convenir. Elle converge
vers le soft low cost d’EasyJet qui à son tour migre vers un modèle hybride. Cette dernière
signe des accords avec d’autres compagnies comme Emirates qui va jusqu’à proposer
d’utiliser ses points de fidélisation sur le réseau de la britannique.
La prise de distance avec le modèle low cost d’origine est encore plus marquée chez Vueling,
la troisième compagnie étrangère en France. Linda MOREIRA, sa directrice commerciale
France affirme : « Plus aucune compagnie aérienne n’est véritablement low cost aujourd’hui. 198 Voir notamment le rapport de la commission européenne : COMMISSION EUROPEENNE, Aides d'État SA.33960 (2012/C) (2012/NN) – France Aéroport de Beauvais Tillé, Bruxelles, 2012. D’autres aéroports français défrayent la chronique du fait de leur aides marketing servies à la compagnie Ryanair (Montpellier, Dole Jura, Toulon…). L’aéroport de Charleroi est également visé par la justice belge. En Italie les poursuites sont également plus nombreuses et laissent penser que le système de subventionnement qu’affectionne la compagnie irlandaise ne pourra, plus assurer le flot de revenu qui constitue l’essentiel de ses bénéfices.
199 BALDWIN Mary-Anne, Ryanair looks at long-haul and codeshares, Airline Fleet Management, Londres, 2015. Traduit par l’auteur :« He reaffirmed his belief that there is potential for Ryanair to add low-cost long-haul routes through a subsidiary airline if it's "doing it to scale." Ryanair « is also open to codesharing with other airlines, something it had stayed away from in the past. "It's not in the immediate plans but it is on the list of things we said we'd never do and we're now thinking about doing." Also on that list is the aim to deliver better customer service though its new business plan ».
138
Même Ryanair drague les agents de voyages en intégrant les GDS, s’éloignant ainsi du
concept originel ». Sa clientèle utilise depuis longtemps des coupe-files, des billets flexibles
et des accès aux salons. Avec un taux de voyageurs d’affaires établi à 40% Vueling a franchi
le pas. Elle proposera prochainement une véritable cabine affaire à l’avant de ses avions. Son
hub technique de Barcelone est devenu un véritable hub de correspondance d’où elle propose
11 000 connexions dès le mois d’août 2015. Son appartenance au groupe IAG engendre
également des partages de code avec Iberia et British Airways. Avec cette évolution
spectaculaire, de nombreux observateurs n’hésitent plus à dire que Vueling n’est plus une
low cost200.
De son côté, EasyJet diversifie son offre et ne se contente plus du transport aérien. « Le
groupe EasyGroup a développé une marque et un savoir-faire dans la mise en œuvre de
modèles low-costs à partir de son expérience dans le transport aérien (EasyJet) que la holding
décline depuis une dizaine d’années. L’entreprise s’est lancée avec plus ou moins de succès
dans la location de voiture, la location de DVD, la livraison de pizzas, les croisières,
l’hôtellerie, l’assurance, la téléphonie mobile et bien d’autres activités201 ».
Les lignes bougent. Les ripostes des compagnies majors et les multiples remises en causes
judicaires de certaines pratiques des compagnies ultra low cost ont semble-t-il amorcé un
mouvement de convergence des modèles, à mi-chemin entre les Transporteurs à Bas Coût et les compagnies traditionnelles. La donne low cost s’est inscrite profondément
dans le transport aérien.
Mais au-delà d’une certaine taille de compagnie, le modèle low cost pure player semble
n’avoir été qu’un moyen transitoire qui a permis d’installer un modèle hybride.
Nous observons que seules des compagnies de taille plus modeste (Volotea par exemple) peuvent se permettre de rester fidèles en tout point au modèle ultra low cost. Dès qu’une
compagnie tente de sortir d’un marché de niche, nous constatons qu’elle fait des concessions sur le modèle.
200 CHOLEZ Laury-Anne. Aérien : pourquoi Vueling n’est plus une low-cost... TourMag, le 29 mai 2015. Consulté le 29 mai 2015. http://www.tourmag.com/Aerien-pourquoi-Vueling-n-est-plus-une-low-cost_a74185.html. 201 DEMIL Benoît et LECOCQ Xavier, (Re)penser le développement des organisations. Les apports du modèle économique, Revue française de gestion, 2008.
139
La mutation du transport aérien n’est pas achevée, low costs comme legacies doivent
poursuivre des stratégies lourdes pour construire le transport aérien de demain.
140
141
3.2 Perception des acteurs Si les directions des compagnies aériennes doivent être imaginatives dans le domaine des
stratégies, un consensus global au sein des compagnies sera primordial pour mener à bien les
changements nécessaires.
Nous nous attacherons dans les pages qui suivent à vérifier l’une des bases nécessaires à ce
consensus : un constat partagé.
3.2.1 Le point de vue des représentants des entreprises. « Dans les 20 prochaines années, le marché aérien sera un monde de géants en croissance où
il n’y aura pas de place pour les acteurs de seconde division. La volonté d’Air France et du
groupe Air France- KLM est d’être un acteur majeur de ce marché en recomposition, d’être à
l’initiative de ces mouvements pour ne pas en être exclu ou les subir. Pour cela, il nous faut
aller chercher la croissance là où elle se trouve. Car la croissance fait la taille, et la taille
favorise la croissance.202 » C’est par ces mots que commence une communication interne de la
compagnie qui introduit les grandes lignes d’une stratégie de « reconquête ». Ces quelques
mots sont lourds de signification. En tout premier lieu, cela signifie qu’Air France, une des
toutes premières compagnies mondiales, a besoin de « reconquérir » une place qu’elle sait
perdue. Plus inquiétante est l’allusion aux « acteurs de seconde division » qui rappelle le pire
scénario du rapport de Claude ABRAHAM203 de 2013 pour le Commissariat Général à la
Stratégie et à la Prospective intitulé : « les compagnies aériennes européennes sont elles
mortelles ? »
• Le scénario 4 de ce rapport prévoit que la plupart des compagnies aériennes
européennes historiques ne subsistent pas face à la concurrence des low costs, des
compagnies américaines et des pays émergents. Le MC serait l’exclusivité des
compagnies low cost non affiliées à des compagnies historiques, tandis que des
compagnies majoritairement non européennes règneraient sur le LC.
• Le scénario 3 décrit un Moyen Courrier intégralement capté par des compagnies low
cost, affiliées ou non et des compagnies historiques européennes en forte concurrence
avec des compagnies étrangères.
202 GAGEY Frédéric et LAURENT Gilles, Une stratégie de reconquête, Communication interne Air France, Roissy, juillet 2015. 203 ABRAHAM Claude, 2013, op.cit.
142
• Le scénario 2 évoque des fusions entre grandes compagnies historiques européennes
pour rechercher des économies d’échelle et se maintenir sur les marchés MC et LC.
• Le scénario 1, le plus optimiste, suppose que les transformations en cours dans les
compagnies historiques, à périmètre constant, leur permettent d’assurer leur
profitabilité et leur pérennité industrielle.
La problématique posée par Frédéric GAGEY et Gilles LAURENT, (respectivement PDG et
Directeur Général Adjoint aux Opérations Aériennes d’Air France) semble donc concerner
l’ensemble des compagnies aériennes historiques européennes. Les conséquences les plus
graves sont envisagées et la presse se fait l’écho de plans de restructurations d’envergures
dans chacune des compagnies européennes. Les menaces principales correspondent aux
« attaques » subies sur les deux segments porteurs du marché que nous avons identifiés dans
la partie précédente :
En haut du marché, les compagnies du Golfe, qui ont crû à un rythme phénoménal dans de nombreuses zones (Chine, Japon, Corée, Inde, Australie) et qui détiennent aujourd’hui 31 %
du marché Europe-Asie du Sud-Est. Ces compagnies vont continuer de croître avec plus de
180 nouveaux avions bicouloirs dans les 5 prochaines années.
De l’autre côté du marché, les compagnies low cost, dont la force réside dans un business
model où le prix bas affiché attire des clients auxquels le marketing s’emploie ensuite à faire
acheter des options. Elles représentent 45 % du marché intra-Europe et réalisent plus de 12 %
de croissance avec une rentabilité supérieure à 10 %204. Les TBC menacent non seulement le
trafic point à point de ces entreprises, mais également le trafic d’apport vers les hubs. Ce
Moyen Courrier de pré ou post acheminement LC est bien plus coûteux que l’offre low cost
puisque, par vocation, il doit subir les contraintes de l’organisation des correspondances. Afin
de maintenir une performance économique au plus près de l’équilibre pour ce type de vol, une
part de trafic point à point doit compléter les recettes. Or cette dernière est confrontée aux low
costs qui de plus en plus, à l’image d’EasyJet, progressent sur les grandes plates-formes.
Au cœur du marché, nous retrouvons de nouveaux entrants comme Turkish Airlines et
tous les concurrents traditionnels, dont certains ont fait des progrès considérables grâce à
des transformations profondes. C’est notamment le cas des grandes compagnies américaines.
En Europe, certaines compagnies sont plus avancées que d’autres.
204 Source : Air France
143
Ainsi, British Airways à travers le groupe IAG consolide des compagnies comme Iberia,
Vueling et bientôt l’irlandaise Aer Lingus. Principalement (et historiquement) centré sur le
trafic transatlantique, le groupe est moins exposé à la concurrence du Golfe. Mais le
transatlantique a été particulièrement perturbé suite aux attentats de 2001, et le trafic
domestique britannique a été un des premiers contesté par les low costs. British Airways a
donc entrepris sa transformation dès le début des années 2000. Aujourd’hui, le groupe IAG a
retrouvé une forte rentabilité (de 10 % à 14 % selon les compagnies) et veut faire de Vueling,
sa low cost, une machine à faire de la croissance paneuropéenne.
Le groupe Lufthansa, en dépit de résultats constamment positifs, s’est engagé pour sa part dans un programme de réduction de coûts. Regula DETTLING-OTT, la Vice Présidente de
Lufthansa aux affaires européennes, nous confia, lors de notre entretien, être particulièrement
« préoccupée par le dumping social et les prix prédateurs pratiqués par les compagnies du
Golfe. La croissance des liaisons Europe-Golfe se situe entre 65 et 80% sur les dernières
années alors que l’ensemble de l’industrie ne croit que de 5% annuellement. C’est assez
inhabituel. Tous les chiffres indiquent un développement de ce marché sans précédent. Les
transporteurs du Golfe croissent toujours très au-dessus du marché. Le problème est qu’il
s’agit d’une croissance largement subventionnée. Il devient indispensable de renforcer les
règles de concurrence dans le village mondial. Il y a urgence ! Le libre accès au marché et le
recours aux subventions sont incompatibles. Tout spécialement quand vous produisez en
dessous des coûts. Nous avons un bon marché dans l'Union, mais nous perdons des parts de
marché sur les vols intercontinentaux. Nous devons aborder la façon d'être compétitif dans
d'autres marchés ; et la lutte contre le dumping social en fait partie205 ». En substance, elle
nous explique que bien que toujours bénéficiaire Lufthansa observe la dégradation générale
des recettes unitaires, dont souffre également l’ensemble des compagnies, avec inquiétude.
Sans restructuration, sans adaptation du modèle, la compagnie rencontrera rapidement des
difficultés majeures. Selon Christophe FRANZ, PDG de Lufthansa il s’agit pour les
compagnies du Golfe de délocaliser le nœud aérien européen au Moyen-Orient. 205 Entretien ouvert avec Mme DETTLING OTT réalisé le 4 mai en marge du colloque DGAC DSAC, dans les locaux de la DGAC à Paris. (extrait) : « Social dumping and predatory pricing of the Gulf carrriers concern us. In the last few years, the growth of routes between EU and the Gulf raised over 65 to 80%. As the global industry’s growth is average 5% yearly, this is rather unusual ! Facts and figures indicate unprecedented market developments: Gulf carriers consistently grow far above the market. The main problem is that it’s a heavily subsidized growth. We definitely need to enforce the competitive rules in the global village. It’s an emergency ! Free market access and subsidies are incompatible. Especially if you are producing below cost. We have a good internal aviation market in the EU, but we are losing the share on intercontinental flights. We need to address how to be competitive in other markets, and social dumping is part of it, ».
144
Air France-KLM est le 5ème groupe mondial en terme de chiffre d’affaire, mais la 70ème
compagnie en termes de résultats nets. Elle vient de vivre 6 années consécutives de pertes
d’exploitation. Les capitaux propres d’Air France sont négatifs. Ce qui entraine une obligation
légale de les restaurer sous deux ans. De surcroit, la compagnie souffre toujours d’un
endettement supérieur à 4 milliards d’euros. Déjà en difficulté, Air France partage
l’inquiétude de Lufthansa quant à la baisse de la recette unitaire qu’elle attribue à « une
économie poussive, à des crises géopolitiques à travers le monde et surtout à une compétition
acharnée entre les compagnies sur certaines zones émergentes. La concurrence féroce des
compagnies du Golfe entraîne une forte baisse des prix, notamment sur l’Asie, accentuée par
la diminution des coûts de carburant que certains concurrents, en bonne santé financière,
répercutent intégralement sur le prix de leur billet206 ». Sur le marché européen, la concurrence
avec les low costs entraine également les recettes vers le bas.
Clairement, les directions des 3 groupes majeurs du transport aérien européen sont
convaincues de la nécessité de changer de modèle. Chacune à son rythme, elles ont entrepris
de grandes réformes structurelles qui, ici et là, déclenchent des réactions sociales parfois
violentes. (Grève des pilotes d’Air France en septembre 2014, des pilotes de Lufthansa et
Germanwings tout au long des années 2014 et 2015, mais également chez leurs concurrents
qui sont également en mouvement, comme chez Norwegian, TAP Air Portugal, EasyJet …)
« Les relations du travail ont une incidence sur les résultats des compagnies. De bonnes
relations, attestées par une culture d’entreprise positive, semblent se traduire par une bonne
qualité de services et des niveaux de productivité élevés tant du travail que des appareils, ce
qui contribue à accroître la viabilité du secteur. Les salariés ont un rôle crucial à jouer dans
l’amélioration de la productivité des appareils et des portes d’embarquement ainsi que des
services fournis et de la satisfaction des clients207 ». Si en période nominale, la coopération au
sein des entreprises est un gage de croissance, la qualité de ces relations apparait
particulièrement importante au cœur de cette mutation.
206 GAGEY Frédéric et LAURENT Gilles, 2015, op.cit. 207 BAMBER G.J., GITTELL J.H., KOCHAN T.A. et VON NORDENFLYCHT A., Up in the air: How airlines can improve performance by engaging their employees , Ithaca, Cornell University Press, New York, 2009
145
En 2007, Pierre-Henri GOURGEON, alors PDG d’Air France confiait : « Toute activité de
transport est ce qu’il y a de plus compliqué à manager au plan social. C’est donc la première
priorité en termes de management. Dans ce métier en évolution permanente, il faut bien sûr
innover sans cesse, tout en simplifiant l’activité pour diminuer les coûts, sinon on se fait
dépasser. Nous exerçons une pression continue dans ce sens, mais une pression comprise et
acceptée par l’ensemble de l’entreprise208 ».
La « violence » des restructurations envisagées rencontre-t-elle aujourd’hui cette
compréhension partagée ?
208 GOURGEON Pierre-Henri, Les secrets du redécollage d'Air France, Le journal de l'école de Paris du management, 2007/1 (N°63), p. 8-16.
146
3.2.2 Le point de vue des salariés et de leurs représentants.
3.2.2.1 Enquête sur la perception des salariés. Afin de vérifier si des convergences de vue (à minima sur les constats) existent, entre les
salariés et leurs directions, nous avons mis en place une enquête qui, pour des raisons
pratiques, s’est concentrée sur la perception du phénomène low cost chez les salariés des
compagnies françaises ou ayant des bases officielles en France. (Questionnaire en annexe 10).
Cette enquête a été réalisée entre le 26 mars et le 26 avril 2015. Il est probable que la
perception des salariés, notamment du groupe Air France, ait un peu évolué suite aux
communications de la direction du groupe sur son plan de restructuration Perform 2020.
Néanmoins nous estimons que cette photographie est éclairante sur le niveau de
compréhension partagée.
Nous avons reçu 394 réponses à cette enquête.
Figure 33 : Panel de l’enquête.
L’analyse du panel laisse apparaître une sous-réponse des PNT par rapport à ce que représente cette population dans le transport aérien français. Ce que nous interprétons comme une réticence naturelle dans un contexte post-grève des pilotes où des tensions subsistent entre les personnels. Le fort taux de réponse des PNC s’explique quant à lui par les réseaux de contacts que nous avons utilisés pour solliciter l’avis des salariés. Nous tiendrons compte de ces participations dans nos analyses. La répartition des réponses par compagnie est relativement conforme à la ventilation des salariés dans les entreprises décrite dans le rapport de l’observatoire de l’aviation civile produit par la DGAC en 2015. Nous notons néanmoins un taux de réponse relativement important des salariés de Corsair. L’observation par compagnie semble la plus pertinente pour notre analyse. La répartition par tranche d’âge recoupe l’âge moyen des salariés de l’industrie qui se situe entre 41 et 42 ans. Nous tenterons d’identifier des différences générationnelles de perception.
Les graphiques de l’enquête sont réalisés par l’auteur.
147
Dans un premier temps nous comparerons les degrés de confiance des salariés des différentes
compagnies selon 3 axes. La confiance dans l’avenir de son entreprise, la confiance dans
l’avenir de son propre emploi et la confiance dans l’avenir des conditions de son emploi. Afin
d’avoir une vue d’ensemble de la confiance des salariés, nous avons réalisé des cartes
perceptuelles sous forme « radars ». Nous avons rassemblé les réponses des salariés en 4
groupes, en fonction de la typologie de leurs entreprises. Les salariés d’Air France, les salariés
des compagnies low cost : EasyJet et Transavia, les salariés des compagnies régionales :
Hop ! et Air corsica et enfin ceux des compagnies charter ou indépendantes : Corsair et
autres.
Figure 34 : Confiance des salariés
Air France EasyJet et Transavia
Hop ! et Air Corsica Corsair et autres
En premier lieu, nous constatons que, quelle que soit la compagnie, la première cause
d’inquiétude porte sur les conditions de l’emploi. Il est naturel que les salariés aient ce type de
préoccupation alors que les directions affichent leur quête de gains de productivité.
Nous notons que la perception des salariés d’Air France et celle des salariés de Hop et Air
Corsica sont en tout point identique. (Autour de 53% de confiance en l’entreprise, 55% sur
l’emploi et 39% sur les conditions d’emploi). Cette similitude s’explique par le fait que
l’activité des 3 entreprises est intimement liée. Il est remarquable de retrouver des résultats si
proches, qui révèlent des destins liés, alors que le questionnaire porte sur des perceptions
individuelles. Dans ces trois cas, l’inquiétude pour l’entreprise et l’emploi touche près de 45 à
148
47% des salariés. Ce qui tendrait à démontrer qu’une majorité, certes faible, des salariés n’est
pas convaincue par les discours alarmistes des directions. Par contre une large majorité (61%)
craint pour la qualité de ses conditions d’utilisations.
Sans surprise, la confiance des salariés des TBC est largement supérieure aux autres
entreprises (84,29% pour l’entreprise, 81,43% pour l’emploi et tout de même 70% pour les
conditions de l’emploi). Ils pensent que le modèle de leur entreprise est mieux adapté aux
réalités du marché et que les marges de progression de leur productivité sont limitées.
Nous notons une confiance plus faible à tous les niveaux chez les salariés des compagnies
indépendantes ou charters comme Corsair et autres. (45,6% en l’entreprise, 44% sur l’emploi
et 37,6% sur les conditions). Cette inquiétude plus importante contribue certainement au taux
de réponse important des salariés de Corsair. Les salariés semblent conscients que leur
modèle d’entreprise, s’il ne change pas radicalement risque bien de rester « coincé au
milieu209 ».
Nous notons que chez les plus jeunes (18-30 ans) l’inquiétude des salariés d’Air France est
sensiblement plus importante, notamment sur l’emploi (60,5%), que dans le reste de la
population. Ce sentiment laisse penser que cette tranche d’âge se sent susceptible d’être plus
particulièrement ciblée par un Plan de Sauvegarde de l’Emploi. Inversement chez les TBC,
cette même tranche d’âge est beaucoup plus confiante que le reste de l’entreprise. Seuls
14,4% des plus jeunes expriment une inquiétude. La population étant globalement plus jeune
ce différentiel de confiance peut être interprété comme de l’insouciance ou une plus grande
conscience des mutations du marché.
Dans la série de questions suivantes, nous nous sommes intéressé justement à la conscience de
la transformation du marché. Nous notons un fort décalage de perceptions d’une entreprise à
l’autre. Les enseignements de notre propre vie de consommateur dans d’autres secteurs ne
semblent pas pénétrer de manière égale notre conscience de la réalité de notre secteur
d’activité.
La première question de cette série porte sur la motivation d’une entreprise à proposer une
offre low cost dans son panel de produits. Nous avons proposé 3 types de motivation.
• Une adaptation à la réalité du marché
• Un choix stratégique de l’entreprise pour capter de la croissance.
• Un choix des investisseurs visant à optimiser leurs dividendes.
209 Voir §2.1.4.1 p.68
149
Figure 35 : Perception des salariés sur l’offre low cost. Air France EasyJet et Transavia
Hop ! et Air Corsica Corsair et autres
La perception de la transformation du marché est beaucoup plus prégnante dans les
compagnies dont l’activité exclusivement Court et Moyen Courrier est directement concernée
par l’offre des low costs. (Soit parce que les salariés y contribuent, soit par ce qu’ils y sont
quotidiennement confrontés, EasyJet et Transavia (78,57%) d’une part, Hop et Air Corsica
(66,67%) de l’autre). Le restant de ces populations opte pour une « stratégie d’entreprise » qui
correspond à la réalité des salariés des 2 TBC ou un « choix des investisseurs » chez Hop et
Air Corsica dont les salariés ne semblent pas convaincus de l’autonomie de leurs directions
respectives. Se sentant dépendants du choix d’Air France, la stratégie semble être un concept
extérieur qui ne profite pas directement à l’entreprise ou à ses salariés.
Naturellement pour les employés des TBC, l’offre low cost est « nécessaire à la survie »
(43%) ou une opportunité pour l’entreprise (50%) comme pour l’emploi (71,43%). Alors que
chez Hop et Air corsica, cette offre est « nécessaire à la survie » de l’entreprise (50%, le reste
de la population ne se prononçant pas sur les autres options « inutile » ou « opportunité »).
Elle est perçue comme un danger pour l’emploi et ses conditions par 50% de la population et
comme une opportunité par 33%.
Connaisseurs du modèle, les salariés des compagnies low cost sont assez sceptiques sur le
150
développement TBC sur le Courrier (42,86% seulement pensent la transposition possible).
Alors que 100% des réponses des salariés d’Hop et Air Corsica craignent cette intrusion. Peu
connaisseurs du LC, ils pensent le modèle assurément transposable.
Chez Air France, Corsair et autres, la population travaillant majoritairement sur Long
Courrier, la perception de ce changement qui touche jusqu’ici principalement le MC est
relativement mitigée. (51,16% chez Air France, 44% chez Corsair et autres). Chez Corsair les
réponses s’orientent plus largement qu’ailleurs sur « le choix des investisseurs » (36%). Cela
peut s’expliquer par le contexte de l’entreprise au moment de l’enquête où le rachat de
l’entreprise par Air Caraïbes était en discussion. 52% des salariés trouvent l’offre low cost
« inutile » chez Corsair et autre. Elle représenterait « un danger » pour l’emploi et les
conditions de l’emploi pour 92% des salariés. Alors que chez les salariés d’Air France ce type
d’offre serait « nécessaire à la survie » pour 50% ou une « opportunité » pour l’entreprise à
31,4%. Mais cette hypothèse est considérée comme un danger par 63,95% des salariés qui
craignent pour leur emploi ou pour les conditions de leur emploi. 70,93% des salariés d’Air
France craignent même de voir surgir les low costs sur le Long Courrier, alors que chez
Corsair ils ne sont que 52% à le penser.
Au regard des résultats de cette enquête, avec toutes les réserves que nous pouvons émettre sur l’évolution des perceptions des salariés depuis sa réalisation et sur la finesse
du panel, nous notons un delta important entre les constats des directions et ceux des salariés. Le bien-fondé de la nécessité de transformation ne nous semble pas
suffisamment partagé pour envisager une acceptation sans heurts, principalement chez
Corsair et Air France. Chez Hop ou Air Corsica, c’est le sentiment de subir une remise en cause des acquis dans le but de servir le bénéfice d’éléments extérieurs qui pourrait
handicaper les schémas d’adaptation. Toutes compagnies confondues, 80,15% des salariés de
l’aérien considèrent que l'encadrement légal ou
conventionnel de leur métier est insuffisant pour sécuriser
leur emploi. Nous notons d’autre part qu’une certaine
confusion règne quant à la pertinence de ces deux niveaux
de protection.
Ce sentiment de fragilité des protections légales ou
conventionnelles renforce les craintes des salariés et nous paraît susceptible de durcir les positions si un rapport de force devait s’installer.
151
3.2.2.2 Les syndicats représentatifs des salariés « Le secteur du transport aérien se caractérise par une fragmentation des relations
professionnelles, une compagnie concluant en règle générale des conventions collectives
distinctes avec les différents groupes de salariés, ce qui peut engendrer de nombreux
problèmes dans le secteur210. » Ainsi dans quasiment toutes les compagnies du monde, les
négociations sont généralement découpées en 3 secteurs « catégoriels ». Les PNT (Personnels
Navigants Techniques, en d’autres termes, les pilotes), Les PNC (Personnels Navigants
Commerciaux, hôtesses, stewards et chefs de cabine) et les PS (Personnels au Sol). Ce dernier
ensemble peut être subdivisé en autant de strates que de métiers : mécaniciens, agents
commerciaux, personnel de piste…). Il pourrait être tentant pour une direction de contourner
ce morcellement pour éviter la difficulté d’une négociation à plusieurs étages. Cependant cette
répartition est le fruit de la complexité des règles qui régissent chaque type de salarié. Il nous
semble important de préciser que la réalité du quotidien des salariés d’une compagnie
aérienne diffère en tout. Le temps de travail par exemple ne peut être régi par des règles
communes entre des PS qui peuvent être relevés à tout moment de leur journée et des PN qui
peuvent effectuer des vols de plus de 12 heures avec un temps de travail dépassant les 14
heures sans possibilité de relève. Une fois les portes de l’avion fermées, l’équipage n’a pas
d’autres choix que d’aller jusqu’à la destination du vol. Il en va de même pour le temps de
repos qui pour les uns peut se prendre à domicile alors que pour les autres une partie du repos
ne peut être pris qu’en escale, souvent à des milliers de kilomètres de chez soi. Les conditions
de travail sont également très diverses entre des PNC debout en cabine et des PNT assis dans
le poste de pilotage. Des spécificités règlementaires pour chaque catégorie jouent également
un rôle important dans la différenciation. De fait chaque catégorie, dans toutes les compagnies, est viscéralement attachée à la représentation par ses pairs, ceux qui
partagent les mêmes contraintes, les mêmes spécificités. Toute tentative de contournement de
cette représentation « éclairée » des réalités du quotidien serait vécue comme une cause
supplémentaire de tension. Dans le cadre de restructurations majeures, il nous semble risqué
de rajouter, chez le salarié, un potentiel sentiment d’être bradé par une représentation centrale
extérieure à ses préoccupations. En France, afin d’éviter cet écueil, le législateur a reconnu un
collège électif catégoriel spécifique pour les PNT de toutes les compagnies de plus de vingt
PNT et un collège PN dans lequel on retrouve les PNC pour la compagnie Air France.
210 OIT, 2012 op. cit.
152
C.J BAMBER classe les compagnies aériennes en fonction des rapports qu’elles
entretiennent, d’une part, avec leurs salariés et, d’autre part, avec les syndicats. « Dans celles
où est appliquée une méthode directive, les salariés reçoivent des consignes précises sur les
objectifs à atteindre et la manière d’y parvenir. Dans celles où est privilégiée une approche
participative, la direction cherche à recueillir l’adhésion des salariés en leur expliquant quels
sont les objectifs et les intérêts de la compagnie pour les inciter à agir en conséquence. Cette
approche fait davantage appel au travail en équipe et la description des postes est moins
rigide. Une compagnie aérienne peut choisir de s’opposer à la constitution de syndicats ou
d’affaiblir ceux qui sont déjà constitués (stratégie d’évitement), en offrant parfois des
salaires et des avantages élevés, ou bien elle peut accepter la constitution de syndicats avec
lesquels elle établit une relation contractuelle (stratégie d’accommodement). Une troisième
stratégie consiste à nouer avec les syndicats des partenariats formels ou informels plus solides
(stratégie de partenariat)211 ». Ryanair et les compagnies du Golfe pratiquent l’évitement au
sens le plus strict du terme. Les grandes compagnies européennes ou américaines
traditionnelles recourent plutôt à l’accommodement. Southwest est l’exemple type de la
compagnie qui a réussi à mettre en place un véritable partenariat.
Dans un contexte d’accommodement ou dans un partenariat, la difficulté majeure d’une
négociation d’envergure, d’une restructuration par exemple, se trouve dans le niveau de
confiance qui peut exister entre une direction et les syndicats représentatifs des salariés. Ce
climat propice à une négociation optimale, pour un bord comme pour l’autre, est plus
facilement atteignable dans un partenariat bien établi. Mais ce dernier ne se décrète pas, il se
construit avec le temps. Dans tous les cas, les constats doivent être sincèrement partagés. La
stratégie envisagée doit être expliquée et acceptable. Pour être acceptée, elle doit de surcroit
être porteuse de suffisamment d’espoirs de succès pour que les efforts demandés ne se transforment pas en sacrifices inutiles.
Chez British Airways, les réformes des années 2000 ont été puissantes. De nombreux emplois
ont été détruits et cette phase a été hautement conflictuelle.
Chez Air France et Lufthansa des réformes lourdes sont en négociation pour dégager des
équilibres nécessaires à l’adaptation des modèles de ces compagnies. Ni chez l’une, ni chez
211 BAMBER G.J., GITTELL J.H., KOCHAN T.A. et VON NORDENFLYCHT A., Up in the air: How airlines can improve performance by engaging their employees , Ithaca, Cornell University Press, New York, 2009
153
l’autre, le climat de confiance évoqué plus haut ne semble établi au regard des conflits de
2014 et de 2015. Une part de l’explication de cette méfiance des syndicats tient à la
communication des entreprises. En effet, ces dernières étant cotées en bourses, elles ont
tendance à chercher à rassurer les marchés financiers dans leur communication externe. Mais
dans le même temps, elles peignent un tableau infiniment plus sombre dans les
communications internes et notamment lorsqu’elles s’adressent aux syndicats. Pour peu
qu’elles adoptent des stratégies de négociation basée sur « l’échelle de perroquet212 », leurs
prétentions finissent de noircir l’œuvre et c’est le rapport de force qui s’installe.
Geoffroy BOUVET213, Président de l’APNA (Association des Professionnels Navigants de
l’Aviation), Commandant de Bord à Air France et ex-Président du SNPL (Syndicat National
des Pilotes de Ligne) nous confiait lors de notre entretien : « Quand je dis à De JUNIAC
(PDG d’Air France-KLM) qu’il ne dit pas la vérité aux salariés sur l’état de l’entreprise, il
répond : mais si je l’ai dit à telle ou telle occasion. Je lui réponds que quand il dit neuf fois
que ça va mal et qu’il dit une fois dans la presse qu’on va faire 400 millions de REX (résultat
d’exploitation) et qu’on a 2 milliards de crédit devant nous, que croit-il que les salariés
retiennent ? Les pilotes d’Air France n’ont pas conscience de la vraie réalité de l’entreprise.
On ne leur a pas donné les éléments qui leur permettraient de réellement en prendre
conscience. La pédagogie nécessaire n’a pas été mise ne œuvre ».
Depuis peu, des deux côtés du Rhin, les communications internes et externes des entreprises
semblent s’harmoniser. Les actions des syndicats, notamment le CIS214 chez Air France,
semblent prendre en considération pour partie la gravité de la situation dépeinte par les
compagnies. Si la confiance est encore loin d’être restaurée, les constats semblent mieux
partagés.
Néanmoins les stratégies des compagnies ne semblent pas à ce stade ouvrir des voies
suffisamment stables pour que les syndicats s’engagent. La prudence des syndicats s’explique
quand on observe le résultat des restructurations achevées aux États-Unis.
« Au cours de la deuxième moitié des années quatre-vingt-dix, le voyage en avion en
Amérique du Nord a suivi un rythme de croissance soutenu. Rentable, le secteur a créé 97 000
212 L’expression fait référence à des négociations où une direction demande 50 dans l’espoir d’obtenir 10 quand en retour les syndicats consentent 3 quand ils pourraient aller jusqu’à 7. 213 Entretien réalisé le 21 juillet 2015 à Roissy. 214 Il s’agit du Comité Inter Syndical regroupant toutes les organisations sol, PNT et PNC de la compagnie, qui a participé au groupe de travail du Député Bruno LE ROUX et que l’on retrouve dans son rapport sous l’acronyme CISTAF.
154
emplois entre janvier 1995 et janvier 2000. Après le 11 septembre 2001, les volumes de
passagers sont repartis à la hausse dès 2002 et avaient progressé de 24% en 2005. Cet essor du
voyage en avion dans la région ne s’est pas accompagné de créations d’emplois, comme
l’illustre la figure 36 ; bien au contraire, environ 80 000 emplois ont été supprimés dans le
secteur, ce qui s’est traduit par une augmentation spectaculaire de la productivité: celle-ci a
progressé de 50% environ entre 2001 et 2005215 »
Figure 36. Évolution de l’emploi dans les compagnies aériennes et des passagers-miles payants aux États-Unis, 1990-2010
Ce schéma illustre les raisons qui amènent les représentants des salariés à penser que la
mutation du transport aérien dissimule une « créature destructrice » anti-
schumpetérienne.
La mutation du transport aérien aux États-Unis a généré une forte croissance du nombre de
passagers tout en détruisant un nombre considérable d’emplois. La productivité des salariés a
fait un bond phénoménal, les conditions de l’emploi se sont donc dégradées. Le mouvement
de mutation en Europe produit les mêmes effets. Du point de vue des représentants des salariés des compagnies traditionnelles la mutation du transport aérien apparaît in fine
génératrice de plus de destruction que de création.
215 OIT, 2012 op.cit
155
Afin d’appréhender la perception des représentants des salariés des compagnies low cost, nous
avons rencontré Mme Laetitia OULAITOH216, Cabin manager chez EasyJet et M. Eric
CUNNAC217, délégué syndical et élu CE (Comité d’Entreprise) de EasyJet en France. Selon
M. CUNNAC, le repositionnement d’EasyJet sur le segment « affaire » et la mutation vers un
modèle hybride ne sont pas des réactions de la compagnie aux ripostes des majors. Cette
évolution était inéluctable à partir du moment où la compagnie atteignait une taille critique.
« Cette évolution de l’orientation de la compagnie a porté une amélioration des conditions de
travail, mais également une plus grande satisfaction à l’effectuer au travers d’une relation
clientèle de meilleure qualité » nous confie-t-il. « Du point de vue règlementaire, nos
conditions d’emploi sont soumises pour partie à la règlementation européenne, pour partie à la
règlementation française. De plus en plus, nous essayons de remonter ce socle au travers de
règles conventionnelles négociées ». M.CUNNAC se dit relativement confiant sur l’avenir de
l’emploi à EasyJet. La croissance du réseau est très forte et des passagers non européens,
toujours plus nombreux, utilisent des compagnies traditionnelles pour leur parcours Long
Courrier puis organisent la continuation de leur voyage en Europe en utilisant largement
EasyJet. D’autre part, de plus en plus de salariés envisagent de faire une carrière dans
l’entreprise alors que jusqu’ici, le turn-over était important. C’est sans doute cette nouvelle
relation à l’emploi qui permet l’amélioration conventionnelle des conditions de travail et de
rémunération. Le fait syndical est maintenant une réalité chez EasyJet et les revendications se
font plus nombreuses, notamment en France en Allemagne et même en Angleterre, mais
surtout en Italie. « Par contre dans les petites bases comme au Portugal les relations sociales
ressemblent plus à du chantage à l’emploi digne de Ryanair. » Il exprime également une
crainte vis-à-vis de certaines pratiques de compagnies comme Volotea (« on voit des PNC
basés France, à Nantes par exemple, être payés 900€par mois sans protection sociale ») qui
continue à contourner les règles européennes sur les bases d’affectation.
Mme OULAITOH note également une évolution dans les relations de travail où une certaine
distance entre les salariés s’installe ; particulièrement entre les strates hiérarchiques ou entre
les PNT et les PNC. « La performance individuelle prend le pas sur la performance collective.
Du coup la qualité de vie au travail se dégrade. On s’éloigne du modèle de Southwest ».
Du point de vue des relations sociales avec les syndicats ou des relations interpersonnelles
EasyJet semble se rapprocher du fonctionnement des compagnies traditionnelles. 216 Entretien réalisé à Roissy Charles de Gaule le 15 juin 2015. 217 Entretien réalisé à Roissy Charles de Gaule le 22 avril 2015.
156
Nous notons que les préoccupations des syndicats d’EasyJet, comme ceux des majors,
portent également sur le dumping social de sociétés de tailles plus modestes qui continuent à
contourner les règles et normes françaises ou européennes.
157
3.3 Intérêts et responsabilités des acteurs institutionnels.
Nous avons vu au § 2.1.2.4 que le transport aérien était depuis sa création considéré comme
un secteur d’activité stratégique pour les états. Les réglementations nationales ont comme
premiers buts fondamentaux définis par l’OACI de satisfaire les besoins en transport du
commerce avec l’étranger et d’assurer la promotion de certains secteurs de services. Il
est donc important pour un État ou une communauté d’États de maîtriser le transport aérien
qui dessert son territoire et de préserver la connectivité de ces centres économiques.
Les échanges commerciaux, économiques et culturels d’un État supposent un transport aérien
performant218.
3.3.1 Les États et collectivités territoriales.
Dans un pays comme la France, le poids économique de l’aviation civile est important. Il
représente plus de 2% du PIB. Après prise en compte de la construction aéronautique et de
l’activité de tourisme rendu possible, la contribution de l’aviation atteint 3,2% du PIB et 784
000 emplois. Nous retrouvons des chiffres similaires pour l’Allemagne et assez proches pour
le Rouyaume-Uni219. Si l’on élargit l’impact du transport aérien aux échanges commerciaux,
économiques et culturels, ces chiffres déjà impressionnants prendraient une dimension
démesurée. « Dans la concurrence très vive à laquelle se livrent les grandes métropoles
internationales, les plates-formes aéroportuaires occupent une place essentielle. L’insertion de
ces métropoles dans l’économie mondiale dépend en effet très largement de la fréquence et de
la multiplicité de leurs liaisons aériennes avec les autres pôles de cette économie. Il en va de
leur attractivité, de leur capacité à obtenir l’implantation sur leur sol de nouvelles entreprises,
de sièges sociaux, mais aussi d’équipements logistiques, à attirer congrès internationaux,
foires professionnelles et simples touristes220 ».
À défaut de visions communes, les intérêts particuliers des différents acteurs au sein des États
peuvent desservir l’intérêt collectif. Des compagnies comme Ryanair, Wizzair ou Volotea ont
fait de ce besoin des collectivités territoriales un véritable fond de commerce.
218 LE ROUX Bruno, Rapport du groupe de travail compétitivité du transport aérien français, Paris, 2014. 219 Oxford Economics: Economic benefits from air transport in France, 2011. Oxford Economics: Economic benefits from air transport in Gernany, 2011 et Oxford Economics: Economic benefits from air transport in UK, 2011. Rapports économiques téléchargeables à partir du site internet de l’IATA. 220 SUBRA Philippe, Quelle desserte pour les grandes plates-formes aéroportuaires ? L'exemple de Roissy-Charles de Gaulle et du projet du CDG Express, L'Information géographique, Paris 2008 (Vol. 72), p. 32-45.
158
Alors que la majorité des compagnies, legacy comme low cost vendent des billets d’avion
à des passagers, ces entreprises vendent des passagers aux régions ou aux villes. Ces dernières investissent dans le développement des infrastructures des aéroports
secondaires et vont jusqu’à se substituer au transporteur pour la réalisation de certaines
tâches. Pour exemple, c’est la Chambre de Commerce et de l’Industrie (CCI) de l’Oise qui a
assuré la vente des billets de Ryanair à l’aéroport de Beauvais Tillé de 1997 à 2002. Sur la
période 2001-2006, Ryanair aurait reçu, à Beauvais, 5 millions d'euros au titre d'aides
marketing. Ces aides ont toujours été niées par les autorités locales françaises, mais les
comptes des exploitants successifs de l’aéroport font bien état de « paiements Ryanair » à
partir de 2001. D’autre part, « des courriers échangés entre la SAGEB (l’exploitant de
l’aéroport de Beauvais) et Ryanair en février 2010 et juillet 2010 révèlent que l'exploitant a
consenti à la compagnie aérienne, d'une part , une diminution des redevances aéroportuaires et
d'autre part un intéressement au développement du trafic, sous la forme d'une contribution par
passager pour les années 2010 et 2011. De plus, Ryanair a bénéficié de la gratuité de la
redevance pour assistance en escale. La Chambre régionale des comptes de Picardie observe
que "le centre de coût assistance aéroportuaire est largement déficitaire (1.344M€ en 2004 et
1.411M€ en 2005)" et que "la gratuité des prestations de base accordées à Ryanair en est en
grande partie responsable". La Commission considère que les ressources ayant servi à
financer les mesures en cause constituent des ressources d'État221 ».
Ce type de schéma se reproduit sur la quasi-totalité des aéroports européens desservis par ces
compagnies. Plus encore que leur modèle de production, c’est leur structure de revenus qui
n’a rien à voir avec une compagnie aérienne normale. La source de revenus principale n’est
pas le passager.
Ces aides diverses et variées constituent un vecteur important de distorsion
concurrentielle.
Considérant ces aides aux compagnies low cost sous un autre angle, elles pourraient
représenter, plus ou moins, ce que ne font plus les États européens pour les compagnies
traditionnelles ; soit par ce que cela est interdit par la réglementation européenne et
l’autorité de concurrence ; soit par ce que les États européens n’en ont plus les moyens.
221 COMMISSION EUROPEENNE, Aides d'État SA.33960 (2012/C) (2012/NN) – France Aéroport de Beauvais Tillé, Bruxelles, 2012.
159
Hors de l’Europe, les règles de concurrence ne sont pas identiques, certains pays adoptent des
politiques de soutien au transport aérien et pratiquent des investissements massifs. Ils
recourent également à l’intégration verticale des activités de compagnie aérienne,
d’exploitant d’aéroport, de services d’assistance en escale, voire du contrôle aérien comme le
font les pays du Golfe ou la Turquie. Selon Stephen PERKINS, Chef économiste de
l’International Transport Forum à l’OCDE, cette problématique des aides d’États est centrale.
« Certaines subventions peuvent être tolérables. D’autres sapent la concurrence et l’efficacité
sur le long terme. Délivrer des subventions n’est tolérable que dans certaines circonstances
très spécifiques. Nous avons besoin de transparence et surtout d’un cadre international
approuvé par l’OACI. Détourner du trafic de nos hubs locaux vers des hubs éloignés
dégrade la connectivité globale de l’Europe 222».
Le sujet des aides publiques dans le transport aérien est complexe. Les soutiens sont encore
monnaie courante à l'échelle planétaire. La notion d'aides d'État reste floue. Elle se heurte au
principe de souveraineté des États. Les aides d'État se retrouvent sous des formes diverses et
variées. Rapidement nous nous retrouvons confrontés à des questions de fiscalité qui relèvent
des politiques nationales. Il n’existe pas de règles mondiales sur les aides d'État.
Rien n'empêche les États d'aider leur compagnie en créant un écosystème favorable au
transport aérien. Le point central de cette problématique est que les États du Golfe considèrent
le transport aérien comme une activité hautement stratégique. Ils ont donc investi
massivement dans les infrastructures et ont mis en place un cadre réglementaire et juridique
très favorable au développement de leur transport aérien. Ce niveau d’investissement dans les
infrastructures couplé à un niveau de subventions extrêmement élevé (42 milliards de dollars
voir §2.2.2.2) extraient les compagnies du Golfe du terrain de jeu concurrentiel équitable.
(level playing field).
Selon Bruno LE ROUX, Président du groupe SRC à l’Assemblée Nationale et rédacteur du
rapport sur la compétitivité du transport aérien français223, « là où Air France est mise en
difficulté, c’est face aux compagnies qui veulent faire de leur pays le centre du monde. Si
222 Traduit de notre entretien réalisé à Paris le 4 mai 2015 avec M. Stephen PERKINS, Chef économiste de l’International Transport Forum (OCDE) : « Some subcidies may be tolerable, some others undermine competition and efficiency in the long run. Operating subcidies is tolerable only in very specific cricumstances. We need transparancy and international ICAO endorsed framework. Diverting traffic from our local hubs to far away hubs undermine our overall connectivity. » 223 Extrait de notre entretien avec M. Bruno LE ROUX, député de Seine-Saint-Denis. Président du groupe SRC à l’Assemblée Nationale, Rédacteur du Rapport sur la Compétitivité du Transport Aérien Français, réalisé à l’assemblée Nationale à Paris, le 22 juin 2015.
160
des compagnies comme Qatar, Emirates ou Etihad étaient simplement des compagnies qui
volent dans le monde en étant un peu plus aidées que les nôtres, ça irait très bien. Mais toutes leurs stratégies sont des stratégies d’État plutôt que des stratégies de compagnies. Et la
stratégie de ces États est de remplacer leur rente pétrolière par une rente, à minima,
touristique. Si on les laisse prendre pied, plus qu’il ne faut, d’abord dans nos aéroports puis
dans nos compagnies, la connectivité de la France et de l’Europe passera par les hubs du
Golfe. Et là, ça pose un problème majeur d’attractivité. Ces compagnies très aidées ont profité
du fait que les majors européennes, n’ayant pas su se réformer, étaient en position de
faiblesse. Un autre problème est que tout le monde a l’impression que le transport aérien est
un secteur qui se porte bien ; que c’est un secteur de riche. Oui, les avions d’Air France
continueront à voler. Le problème c’est qui contrôlera leur capital et qui leur dira où aller. Le
jour où on déplacera les centres de gravité du transport aérien vers le Golfe, on va
s’apercevoir des répercussions que ça a ici sur les emplois directs ET indirects. On manque de
réflexion globale également sur les aéroports224, les ouvertures de capital… à traiter au coup
par coup pour faire rentrer de l’agent, on va en arriver à faire des « conneries ». Aux États-
Unis, c’est l’État qui est propriétaire de toutes les infrastructures aéroportuaires, mais le
pendant est qu’il y aurait des problèmes d’investissement et de mise à niveau des aéroports. Il
faut trouver le bon modèle parce que si demain on vend aux qatari Lyon, ça va devenir la base
sur laquelle ils vont développer le Paris-Doha avec une offre couplée à la SNCF. Face aux
rentrées financières, l’État a encore une jumelle un peu trop courte et les élus locaux ont un
comportement schizophrène. On a des raisonnements à très court terme sur un secteur où l’on
refuse de voir ce qui peut se passer à une échéance pourtant elle aussi très courte ».
Ici, le transport aérien est utilisé comme une arme de « guerre économique ». Il n’est plus la
finalité de compagnie aérienne, mais un moyen pour des États de déplacer les cœurs
économiques.
L’OACI a identifié ce risque dans son manuel. « Les aides/subventions publiques, qui
confèrent aux transporteurs aériens nationaux des avantages financiers et ne sont pas
disponibles pour les concurrents sur les mêmes marchés internationaux, pourraient fausser le
commerce des services aériens internationaux et risquent de constituer ou d’appuyer des
pratiques concurrentielles déloyales. Si le transporteur aérien national utilisait ses subventions
pour proposer constamment des prix moins élevés sur des routes où il est un concurrent
224 En référence aux dernières prises de capitaux chinois dans l’aéroport de Toulouse.
161
important, cela aurait des incidences négatives pour les transporteurs aériens concurrents225 ».
Les compagnies du Golfe agissent clairement dans ce cadre. Dispensées de dépenses ailleurs
assurées par les compagnies, profitant d’une manne pléthorique de subventions, elles
pratiquent une stratégie d’éviction par les prix. Elles vendent leurs prestations de transport à
des prix déraisonnablement faibles pour atteindre un objectif à long terme. Plus précisément,
elles sacrifient leurs bénéfices pour une période donnée. En agissant ainsi, elles comptent
évincer leurs concurrents du marché, les mettre au pas ou les mettre suffisamment en
difficulté pour entrer dans leur capital. (cf. Qatar/IAG ou Etihad/Alitalia).
« L’éviction hors prix implique généralement la réalisation d’investissements excessifs ayant
pour seul objet et pour effet probable d’affaiblir ou d’éliminer les concurrents226 ». Les
investissements à des fins d’éviction semblent ici réalisés à des fins qui dépassent le transport
aérien.
Philippe GERVAIS227, directeur associé de SECAFI, tempère cette vision de la « guerre
économique ». Le but ultime d’un déplacement de cœur économique est d’attirer les sièges
des grandes entreprises internationales. « Or les entreprises ont tendance à positionner leurs
sièges là où le marché va se développer le plus vite. C’est en Asie ; pas dans le Golfe. Mais il
y a une logique des pays du Golfe qui se jouent sur deux tableaux. D’une part, ils créent un
business pour générer de l’argent (pour l’instant seul Emirates gagne un peu d’argent). Ça
c’est une logique d’entreprise. D’autre part, il y a une vraie logique d’État actionnaire qui est
de se dire que le transport aérien c’est un vecteur de flux. Donc ça amènera forcément des
affaires et du tourisme. Mais c’est exactement pour les mêmes raisons que les Occidentaux
ont développé des compagnies aériennes. Si Air France et Lufthansa existent, c’est parce qu’à
l’origine les États considéraient que pour conquérir des marchés il faut pouvoir s’y rendre
sans y passer 3 jours. La Hollande est le leader de la fleur coupée en Europe. C’est un produit
qui voyage par avion. Sans KLM ce positionnement serait impossible. Dans le Golfe,
effectivement il y a une très forte intervention de l’État actionnaire. Mais il y a 40 ans, en
France, le transport aérien était également guidé par des intérêts publics. C’est juste une
question de politique industrielle des pays. À part le fait que dans ces pays il y a confusion
entre intérêt public et propriété individuelle, c’est juste une politique de soutien à l’industrie
225 Manuel OACI § 2.3.7 226 WEST Jeremy, « 2. Note de référence », Revue sur le droit et la politique de la concurrence, édition de l’OCDE, 2007/1 (Vol. 9), p. 109-175. 227 Entretien du 22 juillet 2015, à Paris avec Philippe GERVAIS, Directeur associé à SECAFI (société d’expertise comptable, diagnostic et stratégie d’emploi chargée de plusieurs audits et rapports du CCE d’Air France, du CE d’AirMed, du CE d’EasyJet…, Paris, le 22 juillet 2015.
162
qui n’existe plus chez nous ».
3.3.2 l’Union Européenne L’Union européenne est confrontée à la même problématique de connectivité qui est vitale
pour maintenir le positionnement de ses États dans l’économie mondiale. Mais les perceptions
selon les états ne sont pas uniformes. Trois nations hébergent des acteurs majeurs du transport
aérien mondial. L’Allemagne, la France et le Royaume-Uni (dans une moindre mesure du fait
du réseau de British Airways) jouissent encore d’une certaine indépendance pour rallier
n’importe quel point du globe. Pour les autres États, la connectivité repose sur des systèmes
d’accords avec une des trois compagnies membres d’une alliance globale afin de projeter
leurs forces commerciales à partir des hubs allemands, français (hollandais également) et
britanniques. Lorsque des opérateurs extérieurs à l’Union leur proposent de rallier leur
capitale à un hub éloigné, ces autres États ne perçoivent pas forcément de menace particulière
sur leur connectivité. Néanmoins, l’idée de « guerre économique » dans un « village »
mondialisé pose maintenant la question d’un protectionnisme européen mesuré.
Ce que l’Union Européenne combat et règlemente à l’échelon national des États membres,
elle est de plus en plus susceptible de l’appliquer à son niveau propre. Face aux risques de
comportements prédateurs extérieurs, « la Commission européenne elle-même est prise dans
un dilemme consistant à reprocher un certain protectionnisme aux États membres tout en
menaçant de reproduire le même comportement face à l’extérieur. Il reste donc à se demander
si un certain patriotisme économique européen pourrait se substituer aux patriotismes
économiques nationaux. La Commission envisage par exemple de contrôler les achats
d'entreprises européennes par des fonds d'investissement étrangers dotés de capitaux publics,
craignant que l'investissement de ces fonds par des pays comme la Chine (ou les pays du
Golfe) ne soit motivé par des considérations politico-stratégiques et non économiques. Le
développement des fonds souverains risque également de modifier substantiellement la vision
de la concurrence traditionnelle. Les fonds souverains détenus par des États détenant des
fortes réserves en dollars (Chine, Pays du Golfe, Russie ou Norvège…) ont progressivement
redirigé une part croissante de leurs investissements, des obligations d'État, vers des actions
des entreprises considérées comme stratégiques228 ». L’Union reste incapable jusqu’ici de
mettre en place des mesures de protectionnisme mesurées paneuropéennes. Les actions de
lobbying au niveau des instances européennes se multiplient ces dernières années à l’initiative 228 PAPY Romain, 2012, op.cit.
163
des compagnies (ou même de certains États France et Allemagne particulièrement). Elles
demandent un renforcement protectionniste certes, mais surtout la mise en œuvre de tout
moyen pour réduire la distorsion concurrentielle. Cela passe par le coût des infrastructures
aéroportuaires, mais également par l’unification du contrôle aérien européen qui permettrait
des routes plus directes et plus économiques. L’intervention conjointe229 des cinq présidents
des principaux groupes aériens européens (Air France, British Airways, EsayJet, Lufthansa et
Ryanair) pour exposer leur plate-forme commune de revendications à l'intention de la
Commission européenne et de sa nouvelle commissaire aux Transports, Violeta BULC, nous
semble particulièrement caractéristique de la période récente. Les deux low costs et les trois
majors se rejoignent pour parler de la même voix. Cela semble signifier que nous sommes en
train de changer de période. Nous passons d’une période où les low costs (soutenus par
l’Europe afin d’ouvrir le marché) s’attaquaient au majors à une nouvelle ère où la bagarre se
joue vis-à-vis d’acteurs non Européens : Les compagnies du Golfe et Turkish Airlines qui
n’ont durablement pas les mêmes règles du jeu. Cette conférence de presse est également une
reconnaissance officielle de la qualité d’acteurs majeurs pour les deux low costs. D’autre part, au sein même de l’Union, le défaut d’harmonisation sociale et fiscale génère des
comportements d’optimisation qui parfois sont à la limite de la légalité et qui s’appuient sur
des montages et transits de capitaux entre différents États membres (Voir le § 2.2.1.3.7 relatif
à l’optimisation). « Le risque de délocalisation « intracommunautaire » est très réel, du fait de
l’existence d’un marché unique et de la libre circulation en son sein. Il sera de plus en plus
tentant, pour une compagnie aérienne, ���d’installer son siège au Royaume-Uni ou en Irlande, où
les salaires sont plus bas, la législation sociale moins favorable, etc. Le risque est accru du fait
des disparités existantes sur ces différents points au sein de l’Union européenne. En matière
d’harmonisation sociale au sein de l’Union européenne, les progrès sont lents. Les disparités,
selon les pays, les entreprises et les modes de transport, apparaissent extrêmement
importantes230 ». Ce n’est que très récemment que l’Union a adopté une définition commune
des bases d’affectation et il reste encore à traiter des interprétations diverses et variées quant
aux obligations sociales liées à ce statut.
De même, dans la gestion des contentieux juridiques noués autour des aides versées par les
229 Conférence de presse commune des cinq présidents de groupe aérien européen le 18 juin 2015. 230 FAYOLLE Corinne, La dérégulation du transport aérien en Europe. (1987-1997), Guerres mondiales et conflits contemporains, 2003/1 (n° 209), p. 75-89.��� DOI 10.3917/gmcc.209.0075
164
gestionnaires d’aéroports secondaires aux compagnies aériennes low cost, se posent le
problème de la compatibilité des politiques publiques locales avec l’encadrement
communautaire des aides publiques. Ces aides doivent, bien entendu, être envisagées sous le
prisme de la légalité, mais également de leur pertinence économique en regard de leur
vocation de promotion de l’attractivité des territoires. « Les entreprises (ici certaines
compagnies aériennes) se comportent comme les « contribuables » du modèle de THIEBOUT
(1956), « votant avec leurs pieds », c’est-à-dire délocalisant et relocalisant leurs activités au
gré des variations marginales du couple pression fiscale/offre de services publics231 ».
L’encadrement européen limite drastiquement le recours à ces aides. « La légitimité de
l’action publique n’est que subsidiaire vis-à-vis du marché, l’aide publique, comme toute
intervention directe ne se justifie que dans la mesure où elle permet de pallier une défaillance
de marché. De façon générale, l’article 87 du traité de Rome considère comme incompatible
avec le marché commun toute aide susceptible de fausser la concurrence au profit de certaines
entreprises ou productions. La Commission jouit d’un pouvoir discrétionnaire d’appréciation
quant à la qualification de l’aide et à l’évaluation des contreparties en fonction desquelles elle
peut accepter ou refuser, une aide qualifiée d’aide d’État232 ». Pour autant, malgré cette
réglementation qui se veut exemplaire, la faiblesse des condamnations subies par Ryanair
dans les affaires des aéroports d’Ostende, Manchester et Charleroi « marquerait la volonté de
la Commission de moins s’attacher aux principes de la concurrence parfaite pour favoriser le
développement de nouveaux opérateurs. Des écarts au modèle de la concurrence pure
pourraient, dès lors, être tolérés en arguant de leur efficacité concurrentielle sur le long
terme ».
3.3.3 La communauté internationale.
Le transport aérien ne connait pas d'arbitre sur les aides d’État au niveau mondial. Il est régi
par l’OACI et se retrouve donc hors du champ de compétences de l'OMC (l'organisation
mondiale du commerce). Aucune instance internationale n’est réellement prévue pour
trancher les différends du transport aérien. L'OACI, qui ne brille pas par son dynamisme sur
ce sujet, travaille sur la définition de règles concurrentielles équitables. Elle devrait présenter
sa copie lors de la prochaine assemblée générale de l'OACI en 2016. Mais eu égard à la
complexité du dossier, il est peu probable qu'elle y parvienne ; en tous cas pas de manière
231 MARTY Frédéric, Politiques d'attractivité des territoires et règles européennes de concurrence. Le cas des aides versées par les aéroports aux compagnies aériennes, Revue de l'OFCE, 2005/3 no 94, p. 97-125. 232 Idem.
165
satisfaisante par rapport aux attentes des Européens. Il est donc urgent de régler la question
par le jeu de la négociation par le biais d'accords bilatéraux comme tente de le faire Bruxelles.
« Pour autant, vu la longueur des débats, mais aussi la puissance économique et diplomatique
des pays du Golfe qui ont toujours su mettre en balance les droits de trafic pour leurs
compagnies dans une négociation commerciale et diplomatique globale, l'essor des
compagnies du Golfe ne semble pas prêt de s'enrayer233 ». Suite à la vente du Rafale au Qatar,
la France s’est engagée à accorder des droits de trafic supplémentaires à Qatar Airways au
départ de certaines villes de province. Aux États-Unis, malgré l'intense lobbying des
compagnies américaines, Washington n'a toujours pas bougé non plus.
Les difficultés financières actuelles du vieux continent comme des États-Unis risquent
bien de se payer au prix fort. Celui d’une connectivité sous tutelle extérieure ou à minima extrêmement menacée. Les conséquences d’un défaut d’indépendance quant à
la connectivité d’un État lui fait courir de lourds risques pour son économie.
Si ce défaut d’indépendance venait à toucher un ou plusieurs continents majeurs, c’est un nouvel ordre mondial qui serait établi.
233 GLISZCZYNSKI Fabrice, Air France, Etihad, Emirates…, quel Yalta pour le transport aérien?, La Tribune, 20 mai 2015.
166
167
3.4 Les atténuateurs envisageables (préconisations). « Le transport aérien reste encore, malgré la mondialisation de l’activité, le porte-drapeau
d’une nation, le vecteur de liaisons entre États souverains et l’expression du savoir-faire de
ses ressortissants. Aucun Etat qui veut tenir une place de premier rang dans le concert
mondial, ne peut voir disparaître ses compagnies aériennes sans tenter d’y remédier 234».
Cette introduction du Rapport LE ROUX démontre clairement que si les entreprises du
transport aérien doivent, quoi qu’il en soit, se réformer pour s’adapter aux mutations du
marché, leur seule puissance sera insuffisante face à des concurrents qui ne jouent pas sur le
même terrain.
3.4.1 Les Fraudes et optimisations fiscales.
3.4.1.1 Vérification de l’application des règles En tout premier lieu, il convient au niveau de chaque État de renforcer les moyens de lutte
contre les fraudes vis-à-vis des règlements existants en prenant en compte les spécificités du
transport aérien (recours abusif au détachement de salariés, application des règles sociales et
fiscales…). Dans la plupart des pays européens, les services de répression des fraudes sont
centralisés. Pour exemple en France, la vérification de l’application des règles sociales est
confiée à l’OCLTI (l’Office Central de Lutte contre le Travail Illégal créé en 2005). « Cet
office central est composé d’une trentaine de personnes issues de la gendarmerie nationale (20
militaires) ainsi que des autres ministères impliqués dans cette action : police nationale
(plusieurs policiers dont un commissaire adjoint au chef d'Office), ministère du Travail
(inspecteur URSSAF), ministère de l'Économie et des Finances (inspecteurs Impôts et
Douanes), ministère des Transports (attaché des transports terrestres)235 ». Cet office central
de police judiciaire a pour domaine de compétence la lutte contre les infractions relatives au
travail illégal sous toutes ses formes et dans tous les secteurs d’activité.
• Afin que des effectifs puissent être affectés aux spécificités du transport aérien, une
cellule de coordination permanente des administrations chargées des différents
contrôles (Affaires sociales, Travail, Police, Gendarmerie, Fisc et Douanes) pourrait
être mise en place au sein de chaque autorité nationale du transport aérien (DGAC en
234 Bruno LE ROUX, 2014, op.cit. 235 Site internet de la Gendarmerie Nationale - Travail illégal (OCLTI).
168
France, LBA en Allemagne, CAA au Royaume-Uni, ENAC en Italie…). Même si
toutes les compagnies fautives sont déjà sous le coup d’actions judiciaires, le
renforcement des organes de contrôle et de veille permanente nous semble
indispensable.
• Afin d’avoir une coordination européenne de ces contrôles, une cellule du même type
pourrait être rattachée à l’EASA sous l’autorité de l’Union Européenne.
• La plus grande vigilance doit être portée sur les subventions publiques. Il ne nous
semble pas tolérable que des États, ouvertement en lutte contre les paradis fiscaux,
laissent des collectivités territoriales ou des chambres de commerce (sous leur
autorité) opérer des versements à des sociétés-écrans habilement hébergées. À cette
fin, la transparence absolue sur les subventions publiques nous semble devoir être de
mise. Nous suggérons qu’une directive européenne impose la publication de toute
subvention de ces organismes, classées par secteur d’activité, sur un site centralisé et
accessible au public le plus large. Faute d’atteindre le consensus nécessaire à
l’adoption d’une telle directive, une obligation de publication sur un site dédié peut
être mise en place au niveau de chaque État volontaire.
3.4.1.2 Précision de certaines règles ou élaboration de nouvelles règles. Les encadrements nationaux ou communautaires ne prennent pas suffisamment en compte les
nouvelles pratiques de certains acteurs, comme le recours aux « faux » indépendants. En
France, le code des transports reconnaît dans son article L.6521-1236 le statut du personnel
navigant travailleur indépendant, mais les obligations de ce dernier ne sont pas clairement
définies.
• Chaque État de l’Union pourrait se doter d’outils législatifs afin d’interdire le recours
au « faux » travailleurs indépendants. Des clauses de requalification du contrat
commercial en contrat de travail doivent être élaborées sur la base d’existence de liens
de subordination notamment. La DGAC française travaille déjà sur ce sujet237.
M.RUCAY, Chef de mission du droit du travail et des affaires sociales de la DGAC,
suggère de plutôt porter ce sujet au niveau communautaire, même si un projet est déjà
sur la table en France et est discuté au niveau interministériel. Ce statut doit être
précisément défini dans la réglementation européenne.
236 Code des transports - Article L6521-1 | Legifrance. 237 Entretien réalisé le 8 juin 2015 à Paris au siège de la DGAC avec M. Gérard RUCAY, Chef de mission du droit du travail et des affaires sociales de la Direction Générale de l’Aviation Civile.
169
• Le concept de bases flottantes (les floating bases évoquées dans les cas de Ryanair ou
Norwegian) doit également être encadré. Le recours à ces montages, liés ou non à
l’emploi de « faux » indépendants participe à l’émergence de « pavillons de
complaisance » dans le transport aérien.
3.4.2 Mesures de portée internationales
3.4.2.1 Harmonisation communautaire.
De nombreuses taxes et diverses redevances portent sur le transport aérien. Selon les pays
européens, cette pression sur les compagnies est plus ou moins intense. Nous avons vu que
certaines législations fiscales ou sociales sont clairement calibrées et promues pour faire de
pays comme le Royaume-Uni, ou plus encore l’Irlande, de véritables aspirateurs à
implantation de sociétés. Cette distorsion importante de niveaux de charges incite certaines
entreprises comme Norwegian à essayer de profiter de véritables pavillons de complaisance.
Dans les années 1930, Franklin Roosevelt avait combattu le « tourisme fiscal » des entreprises
américaines quand celles-ci ne cessaient de changer d’état pour profiter des niveaux
d’imposition sur les bénéfices les plus bas. Il mit en place un impôt fédéral sur les bénéfices
des sociétés. Au niveau de construction européenne où nous en sommes, il serait utopique
d’espérer mettre en place une politique communautaire sociale ou fiscale unifiée. Néanmoins
la survie de certaines compagnies traditionnelles ne pourra se satisfaire très longtemps de tels
décalages.
• Faute d’être en capacité de lisser les niveaux de taxes en Europe, il revient à chaque
État d’alléger la pression sur les transporteurs les plus pénalisés. Nous sommes
pleinement conscients de la situation des finances publiques de la plupart des pays.
Néanmoins une intervention des États sera indispensable pour écarter certains
transporteurs de la situation de réel danger dans laquelle ils sont en train de s’installer.
Une réflexion sur la nature et le niveau des taxes de chaque État doit être déployée
d’urgence. En France par exemple, un prélèvement comme la Taxe de solidarité (aussi
appelée taxe Chirac) ne peut continuer à reposer sur le seul transport aérien. D’autres
taxes perdurent alors que leur objectif premier semble atteint. La taxe sur les nuisances
sonores aériennes (TNSA) a été créée pour financer l’isolation phonique des
habitations des riverains des aéroports. Elle aurait donc vocation à s’éteindre à mesure
de l’équipement des foyers. Or, faute de maitrise du développement urbain des zones
170
concernées, le nombre d’ayants droit ne cesse d’augmenter alors que les dernières
implantations se font en toute connaissance de cause des nuisances.
• Selon les États les dépenses liées aux mesures de sûreté sont plus ou moins réparties
entre État et transporteurs. Bien qu’il s’agisse d’une mission éminemment régalienne,
certains pays, comme la France, font porter sur les seules épaules des transporteurs la
charge de cette mission (« dépenses liées aux mesures propres du transporteur, mais
également 100% des services et matériels mis en œuvre par les exploitants
d’aéroport238 »). Nous estimons qu’un rééquilibrage entre transporteurs et État serait
important tant en terme d’efficacité qu’en terme de compétitivité pour les
transporteurs.
• Certains présidents de groupes aériens réclament la mise en place d’un système de
charges sociales pour les navigants inspiré de l’exception des travailleurs mobiles du
transport maritime (statut européen du shipping). En France, La Loi n°2005-412 du 3
mai 2005, dite Loi RIF crée un Second Registre d’immatriculation des navires de
commerce exonéré de certaines charges sociales. Outre le fait que cette mesure éveille
l’inquiétude de représentants des salariés de l’aérien quant au nombre de destructions
d’emploi qu’a connu le secteur de la mer, cet allègement de cotisation nécessiterait de
trouver des sources de compensation afin de ne pas handicaper les organismes
sociaux. Nous estimons néanmoins que cette piste mérite d’être étudiée.
• Les taxes aéroportuaires comprennent l’alimentation de fonds de péréquation entre
plates-formes principales et secondaires. Nous estimons que cette péréquation doit être
repensée au regard notamment des aides marketing versées par certains aéroports
secondaires à des compagnies low cost. En effet, les plates-formes principales sont
généralement desservies par des compagnies traditionnelles ou même low cost dont
l’activité d’ingénierie financière ne repose pas sur des flux de subventions. Ces
dernières participent donc indirectement au financement de leurs concurrents.
• Alors que les compagnies aériennes sont en difficulté, les gestionnaires d’aéroports
affichent une santé qui semble inébranlable. Les tarifs de redevances aéroportuaires en
Europe sont unanimement jugés trop élevés. Un rééquilibrage de la chaine de valeur
du transport aérien nous semble nécessaire. La démarche commune des cinq patrons
de l’aérien Européen évoquée plus haut poursuit notamment cet objectif.
238 Rapport LE ROUX, 2014. P.39
171
• Également réclamée par les Présidents de compagnie, la mise en place du ciel unique
dans le contrôle aérien permettrait de faire des économies significatives sur les routes
employées et donc sur la consommation de carburant.
• Les entreprises réclament également l’alignement des règlementations nationales en
terme de conditions d’emploi des salariés navigants sur la réglementation
communautaire FTL (Flight Time Limitation – Limitation de temps de vol). Si cette
solution peut permettre de limiter les distorsions de productivité, elle rencontre une
vive inquiétude chez les représentants des salariés. Nous estimons que sur les
problématiques de l’emploi et de ses conditions, la voie conventionnelle est préférable
en ce qu’elle est, a priori, potentiellement moins conflictuelle.
3.4.2.2 Gestion de la concurrence.
Nous avons vu dans le chapitre 3.3 que les stratégies de certaines compagnies (Golfe, Turkish
Airlines…) correspondent à des stratégies d’État. Les aides démesurées que reçoivent ces
transporteurs ne s’inscrivent pas dans le cadre d’une concurrence loyale.
• Toute nouvelle attribution de droit de trafic à ces compagnies devrait être conditionnée
« au respect de règles sociales et fiscales équivalentes à celles s’imposant aux
transporteurs européens239 ». La Commission européenne a ouvert une concertation
avec les pays du Golfe la transparence et la préservation d’une concurrence loyale
entre transporteurs. Les États devraient s’appuyer s’adosser à l’échéance de ce
dialogue avant d’autoriser toute nouvelle attribution de fréquences aux compagnies
visées.
• L’OACI doit présenter un projet de réglementation de la concurrence en 2016. En cas
d’insuccès de ces travaux, l’aviation civile devrait intégrer le champ de compétence de
l’OMC afin que cette dernière puisse trancher les différends.
3.4.3 Restructuration et champ conventionnel. Le transport maritime a été très lourdement frappé par la concurrence de nations dont les
niveaux de protection sociale sont extrêmement bas et parfois inexistants. Les pavillons de
complaisance se sont multipliés afin de profiter des implantations les moins distantes
socialement et fiscalement. Les ripostes des États plus sociaux, trop tardives et souvent mal
calibrées, ont laissé filer des pans entiers de cette industrie. Des quotas de nationalité ont été
239 LE ROUX, 2014.
172
introduits pour les gens de mer embarqués sur les navires battant pavillon d’un pays membre
de l’Union européenne. Mais ce système de quota, trop tardif, n’a pu encadrer que les
officiers. Le personnel d’exécution, particulièrement pour le transport de marchandises est
aujourd’hui quasi exclusivement constitué de matelots non ressortissants de l’Union. Les
emplois européens, à ce niveau, avec des salaires et conditions d’emploi non concurrentiels,
ont été purement et simplement détruits. Afin de tenter de pallier cette dégradation générale
des conditions d’emploi, la communauté internationale s’est mobilisée pour mettre en place la
première expérience de régulation internationale de branche de la dimension sociale de la
mondialisation au travers de la Convention Internationale du Travail Maritime. Cette
convention de l’OIT est entrée en vigueur en France le 28 février 2014 suite à un travail de
plus d’une décennie.
• Un tel encadrement conventionnel pour le transport aérien nous semble souhaitable.
Néanmoins, les délais nécessaires pour une négociation de cette ampleur ne nous
semblent pas compatibles avec l’urgence de la situation du transport aérien. De plus
une convention internationale se doit de prendre en compte les réalités de toutes les
compagnies du monde. Le niveau de protection d’un tel texte ne serait donc pas
suffisant pour gommer les effets du dumping social actuel. Ce texte pourrait tout de
même limiter les prétentions de certains entrepreneurs dont l’imagination en matière
de moins-disant social paraît sans bornes.
• Afin de donner du sens à cette démarche, elle devrait être assortie de différentes strates
de protection conventionnelles régionales et nationales. En France, une convention
collective nationale des PNT est en cours de négociation. Du côté PNC, les syndicats
salariés sont partisans d’un texte du même niveau et les syndicats patronaux (FNAM
et SCARA) n’y semblent pas opposés. Nous avons questionné M.RUCAY sur la
pertinence et les chances de réussites de ces démarches devant mener à des
Conventions collectives nationales PNT et PNC. Il reconnaît que sur certains thèmes il
y a un intérêt pour les deux parties (profession240 et salariés) et de telles conventions
peuvent constituer un socle social qui aurait valeur de filet de sécurité. Mais vu le
climat général, vu la situation des compagnies, vu l’effet de la grève PNT de
240 Profession au sens de l’ensemble des entreprises de la profession.
173
septembre 2014, il pense que la profession va avoir du mal à avoir des vrais mandats
de négociation. « L’exercice serait donc compliqué, mais intéressant241 ».
• C’est également sur des bases conventionnelles que les restructurations des
compagnies traditionnelles doivent s’opérer. Ces dernières doivent rechercher de
nouveaux équilibres avec les représentants des salariés pour restaurer leur
compétitivité. Les efforts demandés par les compagnies sont importants, ils ne
pourront éventuellement être acceptés que s’ils sont porteurs de fruits.
Or l’efficacité de ces efforts est conditionnée à la prise en main effective par les États des
problématiques de distorsion de concurrence. Salariés comme entreprises ont besoin de signes forts pour s’engager dans le nouvel environnement du transport aérien mondial.
En France, les derniers signaux envoyés par l’État ne sont pas rassurants. Certaines ouvertures
de lignes seraient consenties à Qatar Airways en marge du contrat commercial des Rafales
vendus à l’État qatari. Les derniers arbitrages du gouvernement qui vont permettre de
nouvelles augmentations de redevances aéroportuaires ont amené M. Laurent MAGNIN,
Président de XL Airways France à sortir de ses gonds. « Tout le monde s'en fout ! L'État
français vient de signifier aux 100 000 salariés des compagnies aériennes françaises qu'ils
n'existaient pas, qu'il était inutile de faire des efforts de productivité qui tomberaient dans le
budget de l'état. Nous sommes la vache à lait dans ce pays. 80% des compagnies aériennes
dans le monde sont soutenues d'une manière directe ou indirecte par leur gouvernement parce
que l'outil aérien est un outil essentiel au développement économique. Le gouvernement a
prouvé avec cette décision qu'il se "foutait" de la situation et du sort des compagnies aériennes
françaises ! Les enfants de ce pays ne travailleront pas dans des compagnies aériennes
françaises ! Il n'y aura pas de pavillon français dans les 10 ans à venir !242 »
Cette tension extrême que nous sentons dans les propos de M. MAGNIN symbolise
l’inquiétude de tous les acteurs qui se débattent dans un monde de l’aérien en pleine mutation.
Les éléments concourants à cette mutation sont multiples, multiformes et proviennent de
diverses origines (économiques, technologiques, politiques, sociales, légales, culturelles,
241 Entretien réalisé le 8 juin 2015 à Paris au siège de la DGAC avec M. Gérard RUCAY, Chef de mission du droit du travail et des affaires sociales de la Direction Générale de l’Aviation Civile. 242 Déclaration de Laurent MAGNIN, Augmentation des redevances ADP, FRANCE INFO le 3 août 2015
174
géographiques...). La complexité des interactions de ces éléments augmente la part aléatoire
de l’efficacité des trajectoires d’adaptations. Ce n’est que par leur conjonction que les
préconisations présentées dans ce chapitre pourraient participer à éviter casse sociale et
faillites de sociétés.
L’issue de cette nécessaire métamorphose est incertaine. Toutes les chrysalides ne
s’ouvriront sans doute pas sur un nouveau papillon prêt à voler sous ses propres couleurs.
175
CONCLUSION
176
177
L’équilibre d’un marché repose sur la dualité demande et offre. L’innovation de l’offre
contribue à modifier le comportement du consommateur. La modification de la structure de la
demande implique nécessairement une adaptation de l’offre. Les fluctuations de l’offre et de
la demande sont naturelles. Il est donc logique qu’en permanence, les entreprises doivent
maintenir cet équilibre dynamique. Lorsque l’amplitude de cette fluctuation se fait soudaine et
importante, il faut reconsidérer la situation. Il peut s’agir d’une crise si un retour à la situation
ante se profile ou envisager une réelle mutation en cas de changement de paradigme. Le Pôle
Interministériel des Mutations Economiques définit une mutation comme étant « une inflexion
nette ou progressive des tendances en cours, en tout état de cause un changement structurel
important, irréversible à court terme, qui affecte une majorité d’acteurs, qu’aucun agent
économique ne pourra arrêter et auquel tous devront s’adapter243 ».
Le losange de la consommation, où les biens et services de milieux de gamme étaient
plébiscités, a muté en une structure en sablier qui fait la part belle aux deux segments
extrêmes du marché (figure 1. Page 5). Nous avons constaté que cette transformation de la
structure individuelle de la consommation touchait l’ensemble des secteurs marchands. Cette
bipolarisation quasi globale de la demande exige une refondation de l’offre. Jeremy RIFKIN,
économiste américain, spécialiste de la prospective, considère qu’une 3ème révolution
industrielle est en marche. Selon lui « Nous sommes actuellement à l'aube d'un nouveau
paradigme économique 244 ». Certains bonds technologiques modifient en profondeur le
comportement des consommateurs. Si les solutions qu’il propose sont abondamment
critiquées par des économistes, des historiens, des socioanthropologues, il n’en reste pas
moins que son constat de départ se vérifie dans tous les secteurs. La mutation de l’économie mondiale est en marche et il s’agit d’une mutation d’une ampleur rare.
Nous avons vu que l’adaptation de la plupart des entreprises dans presque tous les secteurs est
en marche. Elle est plus ou moins douloureuse selon les cas. Ici et là, des entreprises peuvent
chuter. Ici et là, de nouveaux opérateurs prennent place. Le transport aérien semble quant à lui cloué au sol.
243 COUTURE Roland, 2011, op.cit. 244 HUSSON Laure-Emmanuelle Jeremy, Rifkin: Le capitalisme va devoir vivre avec l’économie collaborative, Challenges. Le 20 juillet 2015.
178
Toutes les orientations stratégiques ne sont pas encore arrêtées par les compagnies
traditionnelles. Cette incertitude est l’une des difficultés que nous avons rencontrées au cours
de notre recherche. La tension sociale est forte chez Air France comme chez Lufthansa.
Toutes les options finales restent ouvertes. Les compagnies continuent à afficher un travail sur
des « plans B » d’attrition de leur programme, voire de leurs réseaux, au cas où un minimum
de consensus social ne pourrait être atteint. Ce consensus est d’autant plus difficile à atteindre
dans la mesure où toute l’ingéniosité des stratégies d’adaptation des compagnies
traditionnelles semble vaine ou pour le moins inefficace. Les solutions envisagées sur le
papier semblent pourtant pertinentes face à la mutation de la demande. Face aux autres
compagnies traditionnelles, face à l’essor des compagnies asiatiques, face à l’émergence des
compagnies low cost comme Southwest, JetBlue ou EasyJet, techniquement, les ripostes
semblent cohérentes et porteuses d’espoir.
Nous avons fait le constat que deux types d’agents perturbateurs viennent mettre en échec les
efforts de transformation du modèle des compagnies majors. Ces deux agents prennent l’habit
du transport aérien pour servir d’autres fins. La rentabilité des entreprises porteuses de ces
intrusions dans le transport aérien ne repose justement pas sur le transport de passagers ou de
fret par avion. (Quand elles sont rentables ! Ce n’est pour l’instant le cas que de Ryanair et
d’Emirates dans une moindre mesure).
D’une part, la perturbation tient à la finalité d’ingénierie financière d’acteurs comme Ryanair.
Souvent à la frontière entre optimisation fiscale et fraude avérée, le métier de ces acteurs n’est
pas de vendre des billets d’avion à des passagers. Ils vendent des passagers à des collectivités
territoriales et en tire des subventions. Ils vendent des avions qu’ils ont pu acheter dans des
conditions inédites, là aussi épaulés par des subventions importantes. Le véritable métier de
ces acteurs est de faire fructifier les sommes acquises par le biais des subventions. Les circuits
d’optimisation de ces fonds sont extrêmement sophistiqués et en mouvement constant. Les
solutions face à cet intrus sont connues, mais difficiles à mettre en place tant il faut les adapter
en permanence aux montages financiers dont la géométrie varie régulièrement.
L’inachèvement de la construction européenne participe à cette difficulté du fait du défaut
d’harmonisation sociale et fiscale entre les États membres. Néanmoins l’espoir de juguler cet
agent perturbateur semble atteignable. La prise de conscience de ce jeu déloyal est maintenant
générale. De jour en jour des nouvelles barrières sont posées par les États, l’Union
européenne, les instances internationales, pour endiguer cette démarche éminemment anti
179
concurrentielle. Nous constatons que l’attribution de subventions des collectivités territoriales
constitue une ressource de plus en plus incertaine pour ces compagnies. Les lignes directives
des États encadrent mieux ces subventionnements. La lutte contre les fraudes se fait plus
incisive. Notre recherche semble nous indiquer que Ryanair tendrait à rejoindre la voie de
« l’hybridation » suivie par EasyJet. Contraints à une rentabilité découlant de sa seule
excellence dans le transport aérien, la montée en gamme, la desserte des aéroports principaux
et le respect des clients seraient ses nouvelles priorités. Mais, la capacité de contournement
de Ryanair étant importante, il ne serait pas étonnant que ses légions de juristes nous
démontrent rapidement le contraire. Un autre élément nous amène à pondérer notre espoir de
voir ces pratiques financières reléguées au rang de souvenirs. Même si des voix s’élèvent
contre les politiques d’achat d’avions subventionnés (décrites au paragraphe 2.2.1.3.9),
jusqu’ici le système imaginé par Ryanair continue de se développer. Sans cesse, de nouvelles
compagnies s’adonnent à des montages similaires. Chez Airbus comme chez Boeing, les
commandes records d’avions, succèdent aux commandes records.
La seconde perturbation est le fait d’incursions de stratégies d’États dans l’industrie. Certaines
compagnies, comme celles des pays du Golfe ou de la Turquie, reçoivent un soutien étatique
phénoménal sous forme de subventions démesurées et d’investissements en infrastructures.
Ces aides sont si impressionnantes qu’il est difficile d’imaginer un possible retour sur
investissement par le produit du seul transport aérien. Avec 42 milliards de dollars d’aides sur
dix ans, une compagnie comme Air France rembourserait ses dettes dès la première année.
Ensuite, sans encaisser un seul dollar par le fruit de son activité, elle pourrait dégager 4
milliards de dollars de bénéfices sur chacune des neuf années suivantes.
Jacques ATTALI distingue dans l’Ordre marchand, un cœur, un centre et un extérieur245. Il
explique comment le marché mondialisé donnera (est en train de donner) naissance à un
nouvel Ordre marchand polycentrique. Selon lui, l’un des moyens de déporter un centre
d’économie est de maitriser les routes de navigation commerciale. De nombreux observateurs,
comme Bruno LE ROUX, estiment que les soutiens d’État aux compagnies aériennes comme
Qatar, Etihad, Emirates ou encore Turkish Airlines ont pour objectif de faire de leur pays
« des centres du monde ». L’enjeu majeur en la matière porte sur la connectivité des États
plus que sur la rentabilité de ces compagnies, qui serait d’une importance secondaire.
245 ATTALI Jacques, Une brève histoire de l’avenir, éditions Fayard, Paris, 2006.
180
Un État qui héberge un hub aérien majeur, raccordé à de multiples destinations de par le
monde, décuple son attractivité. Il attire l’implantation de sièges à minima régionaux
d’entreprises. De nouvelles sociétés s’implantent sur son sol. Il attire également des congrès
internationaux, des foires professionnelles, de simples touristes et sans doute des évènements
sportifs de premier rang, comme la coupe du monde de football par exemple. Ces objectifs
dépassent de loin le champ du transport aérien. Cette nouvelle donne génère de fortes
distorsions concurrentielles pour le reste de l’industrie pour qui le terrain de jeux équitable
(level playing field) devient illusoire.
Plus que de simples interventions d’États, nous sommes face à de véritables stratégies de
guerre économique. L’avenir du transport aérien européen passe par une prise en compte de
cette réalité. Si les transformations internes des compagnies restent indispensables pour
répondre aux attentes des consommateurs, les États européens et la communauté
internationale auront, en retour, un rôle à jouer pour assurer la pérennité des compagnies
aériennes européennes et de leurs emplois.
Ce constat met en évidence une porosité nouvelle entre secteurs marchands et non marchands.
Cette porosité est à double sens. Si des États s’intéressent ou s’immiscent dans l’économie
des entreprises, la mutation de l’économie fait porter ses effets sur les secteurs non
marchands, jusque dans les missions régaliennes des États, comme la défense.
L’économie emprunte depuis des décennies un vocabulaire guerrier (« conquêtes de parts de
marché », « stratégie d’entreprise », « front concurrentiel », « guerre économique »…).
Comme par un juste retour des choses, le concept de guerre low cost vient s’opposer à un
schéma high cost de guerres ultra technologiques. « Cette notion de gamme de guerres met en
exergue des facteurs d’adaptation qui dépassent largement l’approche économique pour
aborder le problème du temps. Gamme de la guerre et valeur militaire impliquent une guerre
des coûts246 ». Olivier KEMPF, Maître de conférence à Sciences-Po Paris, envisage la guerre
comme un marché où s’échange de la « force volontaire ». Le produit est la force et le
marketing, la volonté 247 . Il explique comment les armées d’aujourd’hui opposent « la
technologie et une ressource humaine rare et formée à leurs adversaires low cost qui utilisent
246 DOSSE Stéphane, Les guerres low-cost, éditions L’esprit du livre, Paris, 2010. 247 KEMPF Olivier, Gammes de la guerre et valeur militaire, éditons L’esprit du livre, Paris, 2010, les guerres low-cost, P.22-33.
181
peu de technologie (même si on recycle activement les technologies accessibles) et beaucoup
de ressources humaines de faible qualité. Comme nous avons pu le voir dans des secteurs
comme le transport aérien ou la grande distribution, les armées ont recours à une forme de
stratégie de dédoublement. En ayant recours à des supplétifs locaux, elles abaissent leurs
coûts en délocalisant leur production. « Pareillement, une force spéciale n’est pas une force
bas de gamme, mais elle cherche à trouver les avantages de la guerre bas de gamme : furtivité,
souplesse, mobilité, ciblage individuel248, … ». Certains États, Royaume-Uni ou États-Unis,
n’hésitent pas à confier certaines missions de combat à des sociétés militaires privées (SPM).
Ces organismes civils privés se retrouvent impliqués, au travers de leurs contractants, dans
des opérations ou des appuis militaires et participent de fait à une forme de privatisation de la
défense. Le scandale Blackwater de 2007 en Irak (rebaptisée Xe, il s’agit d’une de ces SPM
les plus importantes avec Dyncorp) a mis en lumière de nombreuses zones d’ombre liées au
statut légal, à la gestion et au contrôle des forces militaires sous contrat privé. De nombreux
comportements inacceptables sur le champ de bataille ont été dénoncés pour ces sociétés
privées depuis 2003.
Le jusqu’au-boutisme économique dans certains secteurs, à priori non marchand, interroge.
Quelle est la responsabilité d’un État qui externalise ses missions régaliennes ?
Nous estimons qu’il serait particulièrement intéressant de cibler une nouvelle recherche sur
l’économie de la défense et les conséquences de sa privatisation partielle.
248 idem
182
183
INDEX ALPHABÉTIQUE
Acteurs du transport aérien ……………………………..…………………………………………….81 Accords bilatéraux………….………………………………………………………………………….58 Adaptation des compagnies majors….……………………………………………………………….131 Adaptation des compagnies low cost……………………………………………...………………….135 Air France …………………………………………………………………………………………..…54 ALDI……………….……………....………………………………………………………..…………19 Alliances stratégiques …....……………………………………………………………..……………..76 Automobile…………………...……………………………………………..…………………………34Ameublement………………………………………………………………………..…………………37 Blanc, brun, gris ………….…………….…………………………………………..…………………40 Cartographie des acteurs du transport aérien …………………………………………...Annexe 3 : 207 Cartographies des transporteurs aériens dans le monde…………………………………Annexe 5 : 209 Cartographie des transporteurs aérien en Europe…………………………………..……Annexe 6 : 210 Coiffure……………………….………………………………………………………..…………….. 45 Commerce en ligne ………………………………………………………………..…………………..42 Communauté internationale ………………………………………………………………………….164 Compagnies du Golfe………………………………………………………………..…………...…..109 Contrat pilote Norwegian Air International…………………………………………...…Annexe 9 : 213 Coopération/coopétition………………………………………………………………………………..75 Défnition du low cost ……………………………………………………………………….………….7 Dérèglementation européenne ……………………………………………….……..…………………72 Dérégulation américaine ……………………….…………………………………..………………….69 Désintermédiation………………………………………………………………………………...……42 EasyJet……………………………………………...…………………………………………………90 Enquête sur la perception des salariés de l’aérien ……………………..………………..…………..146 État et collectivités territoriales…………………………………………………………...………….157 Evolution du cadre réglementaire du transport aérien………………………………..….Annexe 4 : 208 Force de PORTER ………………………………………………………………..…………………122 Fusion acquisition……………………………………………………………………………….……..78 Guerre économique ………………………………………………………………………………….160 Hard discount alimentaire précurseur du modèle low cost ………………………...…….…...………19 Historique du transport aérien…………………………………...……………………………………..53 Industrie stratégique…………………...………………………………………………………………53 Joint Venture…………………………………………………..………………………………………78 Lenovo………..…………………………………………………………………………………….…41 Libertés de l’air……………………………………………………………………..……Annexe 1 : 205 Liens avec un État…………………………………………………………………..……….……..42/11 Low cost Long Courrier………………………………………..…………………………………….106 Low cost dans les services ………………………………………….…………………………………42 Marketing………………………………………………………………………………………….36/97 Modèle hybride……………………………………………………………...…………………….44/137 Montée en gamme …………………………………………………..………………………………..132 Offre de complémentarité, d’induction et de substitution…………….………………………………25 Optimisation fiscale ……………………………………………………...…….…………………..38/99 Organigramme du SGACC…………………………………………………………....... Annexe 2 : 206 Organisation internationale du transport aérien.…………...…………………………………..………55 Organisation nationale du transport aérien……………………………...……………………………..63
184
Partage de code……….……………………………………………………………………………….78 Partenariats……………………………………………………………………………………………134 Perception des salariés des compagnies low cost………………………………………………….....155 PESTEL …………………………………………………………………………..……………...…..117 Politique d’achat d’avions…………………………………………………………………………....101 Préconisations…………………………………………………………..…………………………….167 Problématique………………………………………………………………………………………….10 Publicité Ryanair sur son site officiel …………………………………………...………Annexe 8 : 212 Questionnaire sur la perception des salariés………….…………………………..……Annexe 10 : 214 Questions de recherche……………..……………………………………………………..………..…10 Réduction des coûts ……………………...………………………………………………………….134 Relations sociales…………………………………………………………………………………….112 Réponse à la question de recherche 1…….…………………..………………………………………131 Réponses à la question de recherche 2 ……………………...……………………..…………………135 Réponse à la question de recherche 3 …………………...…………………………..……………….115 Réponse à la question de recherche 4 ………………………...………………..…………………….154 Réponse à la question de recherche 5………………….…………………..………………...……….103 Réponse à la question de recherche 6……………………………..………………………..………...167 Ripostes stratégiques :
Contestation……………………………….…………………………………………………..41 Dédoublement / mimétisme tarifaire/ localisation et taille………...…………………………26 Evitement par la différenciation……………………………….………………………………27
Ryanair ………………………………………………………………………………………………..92 Southwest………………………………………………………..…………………………………….87 Stratégies des compagnies majors……………………………………..……………………………..131 Structure de la consommation individuelle………………..……………………………………………7 Structure de coûts/ Valeur ajoutée fractionnée………………….………………………. Annexe 7 : 211 Subventions compagnies du Golfe………………………………….…………………………....…..112 Subventions Ryanair…………………………………………………….....…………………..…….100 Supports publicitaires Ryanair…………………..…………………………………..Annexe 8 bis : 212 SWOT des compagnies traditionnelles ……………………………………………….……………...125 Syndicats représentatifs des salariés…………………....…………………………….……....………151 Transporteur à bas coût…………………..……………………………………………………………81 Union Européenne ………………………..………………………………………………………….162
185
PERSONNES AUDITIONNÉES ET
CONTRIBUTEURS EXTERNES.
Ce mémoire s’est nourri d’entretiens avec des spécialistes du mode de l’aérien. Leurs remarques, conseils et observations ont été pris en compte, mais ce mémoire n’engage pas les personnes consultées.
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LE FIGARO http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2009/03/12/01011-20090312FILWWW00530-ryanair-ne-ferait-pas-payer-les-toilettes.php. COLLET Valérie, http://www.lefigaro.fr/societes/2015/02/26/20005-20150226ARTFIG00004-les-compagnies-americaines-accusent-leurs-rivales-du-golfe-de-concurrence-deloyale.php. RUSSEL Géraldine, http://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2014/01/30/32001-20140130ARTFIG00095-lenovo-vilain-petit-canard-chinois-devenu-geant-technologique.php Consulté le 14 juin 2015.
LEGIFRANCE.FR Code des transports, http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000023086525&idArticle=LEGIARTI000023077714.
Cour de cassation criminelle, http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000028728602&fastReqId=802198841&fastPos=1
LE MONDE AFP,http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/08/16/enquete-sur-ryanair-apres-des-atterrissages-d-urgence_1746463_3234.html. Consulté le 30 juillet 2015. AFP et Reuters, http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/10/28/ryanair-condamne-a-200-000-euros-d-amende-en-appel-pour-travail-dissimule_4513827_3234.html. Consulté le 30 juillet 2015.
LE MONDE DU DROIT.FR BRETON Pascal, http://droit-public.lemondedudroit.fr/droit-a-entreprises/distribution/207616-aides-detat-a-ryanair-et-transavia-la-france-traduite-devant-la-cjue.html
200
LES ÉCHOS BARROUX David, http://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/02180589185-au-secours-le-low-cost-marque-des-points-1121226.php Consulté le 26 mai 2015. ERRARD Jean-Denis, http://www.lesechos.fr/enjeux/les-plus-denjeux/enjeux-et-je/02196014859-finances-personnelles-ces-banques-en-ligne-qui-soignent-votre-epargne-1124915.php Consulté le 4 juin 2015. FEUERSTEIN Ingrid, http://www.lesechos.fr/journal20150521/lec2_industrie_et_services/02179629183-une-strategie-enviee-mais-jamais-copiee-1121322.php Consulté le 26 mai 2015. PRAQUIN Antoine, http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-136396-air-france-adp-la-vision-court-termiste-du-gouvernement-1141520.php#Xtor=AD-6000. Consulté le 3 août 2015. TREVIDIC Bruno, http://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/021182007419-air-france-et-klm-vont-tailler-dans-leur-offre-cet-hiver-1133915.php Consulté le 3 juillet 2015. TREVIDIC Bruno, http://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/0204276142033-air-france-part-a-la-reconquete-de-son-marche-interieur-sous-la-marque-hop-1107938.php. , Consulté le 13 avril 2015.
L’EXPANSION LEVEQUE Emilie, http://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/theo-albrecht-le-pere-du-hard-discount-est-mort_1367597.html SCEMMA Corinne, et MILCENT Blandine, http://lexpansion.lexpress.fr/entreprises/pourquoi-le-hard-discount-est-a-bout-de-souffle_1404530.html Consulté le 30 mai 2015.
L’EXPRESS L’ENTREPRISE SALENTEY Patricia, http://lentreprise.lexpress.fr/creation-entreprise/idees-business/tendance-low-cost-le-salon-de-coiffure-express-dans-les-lieux-publics_1519783.html Consulté le 26 juin 2015.
NOUVEL OBS http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1385547-ryanair-un-maitre-du-temps-pret-a-tout-pour-ecraser-ses-concurrents.html Consulté le 23 juin 2015.
201
PERSEE ETUDES ET CONJONCTURE, http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/estat_1149-3720_1950_num_5_3_8515
REUTERS http://fr.reuters.com/article/idFRL8N0ZJ28220150703 Consulté le 30 juillet 2015.
TOURMAG CHOLEZ Laury-Anne, http://www.tourmag.com/Aerien-pourquoi-Vueling-n-est-plus-une-low-cost_a74185.html.
202
203
ANNEXES
Annexe 1 : Les 9 libertés de l’air. ...................................................................................... 205
Annexe 2 : Organigramme du SGACC (1946) .................................................................. 206
Annexe 3 : Cartographie des acteurs 1. .............................................................................. 207
Annexe 4 : Évolution du cadre règlementaire .................................................................... 208
Annexe 5 : Cartographie des acteurs 2 (compagnies mondiales) ………………………. 209
Annexe 6 : Cartographie des acteurs 3 (compagnies Européennes) .................................. 210
Annexe 7 : Structure de coûts/ Valeur ajoutée fractionnée ................................................ 211
Annexe 8 : Publicité Ryanair sur son site officiel. ............................................................. 212
Annexe 8bis : support de revenus publicitaires .................................................................. 212
Annexe 9. Contrat pilote Norwegian Air International. .................................................... 213
Annexe 10. Enquête perception des salariés ..................................................................... 214
Annexe 11. Entretien avec M. Hamassala David DICKO, directeur corporate strategy et
innovation d’Air France. .................................................................................................... 217
204
205
Annexe 1 : Les 9 libertés de l’air.
Source : OACI
206
Annexe 2 : Organigramme du SGACC (1946)
DIRECTION GENERALE ET SERVICES RATTACHES
GUIDE DES ARCHIVES DE LA DGAC - page 11 -
207
Annexe 3 : Cartographie des acteurs 1.
208
Annexe 4 : Évolution du cadre règlementaire
Source : DRAST 2006
209
210
Annexe 6 : Cartographie des acteurs 3 (compagnies Européennes)
211
Annexe 7 : Structure de coûts/ Valeur ajoutée fractionnée
Source : DIC
KO
, 2014
212
Annexe 8 : Publicité Ryanair sur son site officiel.
Annexe 8bis : support de revenus publicitaires
213
Annexe 9. Contrat pilote Norwegian Air International.
214
Annexe 10. Enquête perception des salariés
Le modèle low cost dans le transport aérienDans le cadre d'une recherche de Master2 à Science Po Aix, ce questionnaire vise à appréhender la
perception des salariés du transport aérien face aux mutations économiques du secteur.
Notre étude porte particulièrement sur l'émergence du modèle low cost, son avenir et les conséquencesqu'implique son développement pour l'ensemble de l'industrie.
Mieux vous connaître
Quelques éléments statistiques sont nécessaires pour étudier votre perception.
* T1: Genre
Veuillez sélectionner SEULEMENT UNE réponseFemmeHomme
* T3: Quel est votre âge ?
Veuillez sélectionner SEULEMENT UNE réponse18 à 30 ans31 à 40 ans40 à 50 ans51 ans et plus
* T2: A quelle catégorie de Personnel appartenez vous ?
Veuillez sélectionner SEULEMENT UNE réponsePersonnel au SolPersonnel Navigant Commercialpersonnel Navigant Technique
* T4: Situation de famille
Veuillez sélectionner SEULEMENT UNE réponseCélibataireCélibataire avec enfant(s)En coupleEn couple avec enfant(s)
www.mon-enquete-enligne.fr http://www.mon-enquete-enligne.fr/admin/admin.php?action...
1 sur 4 26/03/2015 11:12
215
* T5: Dans quelle Compagnie travaillez-vous ?
Veuillez sélectionner SEULEMENT UNE réponseAir CorsicaAir FranceCorsairEasyJetHop!Transaviaautre
Votre perception
Ce qui nous intéresse ici est votre sentiment personnel sur les questions suivantes.
* Q1: Sur une échelle de 1 à 5 quelle est votre confiance dans l'avenir de votre entreprise ? (1 correspondant àune forte inquiétude et 5 à une confiance forte)
Choisissez la réponse appropriée pour chaque élément :
avenir de l'entreprise 1 2 3 4 5
* Q2: Sur une échelle de 1 à 5 quelle est votre confiance dans l'avenir de votre emploi ? (1 correspondant àune forte inquiétude et 5 à une confiance forte)
Choisissez la réponse appropriée pour chaque élément :
avenir de votre emploi 1 2 3 4 5
* Q3: Sur une échelle de 1 à 5 quelle est votre confiance dans l'avenir de vos conditions d'emploi ? (1correspondant à une forte inquiétude et 5 à une confiance forte)
Choisissez la réponse appropriée pour chaque élément :
avenir de vos conditions d'emploi 1 2 3 4 5
* Q4: Pensez-vous que l'offre low cost dans le transport aérien Moyen et Court Courrier est plutôt :
Veuillez sélectionner SEULEMENT UNE réponseUn choix de stratégie d'entreprise visant à optimiser sa rentabilitéUn choix des investisseurs visant à optimiser des dividendesUne réalité de l'évolution du marché (le choix des clients)
Q5: Pensez-vous que le modèle low cost pourrait s'implanter dans le segment Long Courrier ?
Veuillez sélectionner SEULEMENT UNE réponseOuiNon
Q6: Pensez-vous que pour votre entreprise ou votre groupe, une offre low cost est :
Veuillez sélectionner SEULEMENT UNE réponseinutile voire contre-productiveune opportunité de développementnécessaire à sa survie
www.mon-enquete-enligne.fr http://www.mon-enquete-enligne.fr/admin/admin.php?action...
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Q7: Pensez-vous que pour votre emploi et ses conditions, une offre low cost dans votre entreprise ou votregroupe représente plutôt :
Veuillez sélectionner SEULEMENT UNE réponseune opportunité de sécurisation ou de développementun danger ou une fragilisationaucun impact
Q9: Pensez-vous, que l'encadrement légal ou conventionnel de votre métier est suffisant pour sécuriser votreemploi ?
Veuillez sélectionner SEULEMENT UNE réponseOuiNon
Q8: Selon vous, quels encadrements sont nécessaires à la sécurisation de votre emploi et de votre entreprise.Merci de les classer dans l'ordre qui vous parait le plus important pour la sécurisation de votre emploi.(cliquer sur le plus protecteur pour le classer au rang 1, et ainsi de suite)
Numérotez chaque case dans l'ordre de vos préférences de 1 à 5 Texte légal communautaire (règlement Européen)
Une Convention internationale du travail(aujourd'hui n'existe que pour le maritime)
Texte légal national (code des transports ex code de l'aviation civile)
Convention collective nationale (PS/PNT en construction/PNC en réflexion)
Convention ou Accord collectifs d'entreprise ou d'établissement
Q10: Selon vous, quels encadrements sont nécessaires à la sécurisation de vos conditions d'emploi. Merci deles classer dans l'ordre qui vous parait le plus important pour la sécurisation de votre emploi. (cliquer sur leplus protecteur pour le classer au rang 1, et ainsi de suite)
Numérotez chaque case dans l'ordre de vos préférences de 1 à 5 Texte légal communautaire (règlement Européen)
Texte légal national (code des transports ex code de l'aviation civile)
Conventions ou Accords collectifs d'entreprise ou d'établissement
Convention internationale du travail (n'existe à ce jour que pour le maritime)
Convention collective nationale (PS/PNT en cours/PNC en réflexion)
Contact
Les résultats de ce questionnaire seront intégrés à notre mémoire. A l'issue de sa soutenanceet en fonction des autorisations (IEP, ISIS, Université d'Aix Marseille...) Ce travail seraconsultable en ligne.
Votre participation étant indispensable à cette recherche, un lien vers le site de publication decette recherche vous sera communiqué si vous le souhaitez.
C: Merci de nous communiquer le mail sur lequel vous souhaitez être prévenu de la mise en ligne de notremémoire.
Écrivez votre réponse ici :
www.mon-enquete-enligne.fr http://www.mon-enquete-enligne.fr/admin/admin.php?action...
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217
Annexe 11. Entretien avec M. Hamassala David DICKO, directeur corporate strategy et innovation d’Air France. Entretien réalisé le15 avril 2015 au siège d’Air France – KLM à Roissy Comment bâtir une stratégie d’adaptation cohérente ?
M. DICKO : « Il ne s’agit pas réellement de faire un SWOT. Dans un premier temps, nous
interviewons tous les secteurs opérationnels pour identifier nos forces et nos faiblesses et
mieux comprendre quelles sont les options réalisables. Puis il y a un énorme pan sur les
prospectives, sur les tendances du marché à 5 ans, à dix ans. Et comme ce travail est fait
régulièrement, on peut vérifier la fiabilité de nos prévisions au fil du temps. Et globalement ça
marche assez bien. On définit donc une vision sur la stratégie du groupe avec différentes
options stratégiques que l’on recommande au comité exécutif dont la décision est souveraine.
Ensuite, ça suit sa route dans un road map (plan de route), un plan d’implémentation qui
découle des choix retenus. Perform 2020 (le projet de restructuration d’Air France) par
exemple, c’est réduire les coûts de façon intelligente, endroit par endroit pour générer la
croissance. C’est notamment générer de la croissance sur la maintenance et investir sur le
Long courrier. Mais pour cela il faut de la capacité à financer. Et donc l’objectif de départ
passe, du coup, par du cost cutting. (Réduction des coûts). Ce qui n’est pas très mobilisateur,
mais nécessaire. Il faut donc rendre cette nécessité compréhensible ».
Quelle est, dans ce cadre, l’utilité de positionner chaque activité dans une business unit
particulière ?
M. DICKO : « Avant même de penser à la réduction des coûts, l’objectif est clarifier les
marques au sein d’Air France pour le client et même en interne. Exemple : « Hop Air
France » est un business spécifique VFR (visit friends and relatives : visiter les amis et
relations). Il faut une marque spécifique, sur laquelle le client peut s’identifier ce qui permet
de clarifier l’offre yeux du client. Sur Moyen Courrier, le point clé c’est de bien identifier le
positionnement de Hop Air France par rapport à Transavia vis-à-vis du point à point loisir et
de Air France pur vis-à-vis du feeding du hub. (Trafic d’apport LC). C’est également un
système d’optimisation du réseau. Ce qui nous rend plus libres d’optimiser les modules (type
avion) sur les différentes dessertes ».
218
On retrouve le même type de découpage du côté hollandais du groupe (Transavia
Hollande, Cityhoppper, KLM). Les synergies entre les deux composantes nationales sont-elles renforcées ?
M. DICKO : Entre Cityhopper et Hop Air France, pas encore. Il faut d’abord dégager les
meilleures synergies au sein d’Hop Air France. Mais ce serait logique. Il y a en effet une
cohérence de miroir entre les deux structures. Entre les deux Transavia, oui. Il y une grosse
volonté de centraliser tout ce qui est centralisable. La marche se fait à petits pas. C’est déjà le
cas du RM (revenue management), des supports, des achats. Suivra le système informatique
aéroportuaire spécifique aux low cost qui permet de jalonner le parcours du client. EasyJet et
Ryanair ont déjà ça. La question se pose encore pour le CCO (Centre de Contrôl des
Opérations). Les outils de planning sont déjà centralisés, pas les agents. Aller au bout, vers
une intégration totale est compliqué. Transavia Hollande fait partie du groupe KLM,
Transavia France de groupe Air France. Les centraliser signifierait les mettre au corporate
(holding AF-KLM) ce qui à ce stade pose des problèmes de gouvernance et pose la question
du pouvoir des airlines vis-à-vis de la holding. Maintenant, au-delà d’avoir une structure
juridique unique, dans les faits on est capable d’avancer.
Quand on regarde EasyJet, on peut se demander s’ils sont encore une low cost. Il y a
visiblement un repositionnement en cours, notamment avec une ébauche de système de fidélisation. Transavia est-elle plus avancée en la matière ?
M. DICKO : Il existe effectivement deux éléments évidents d’intégration des deux Transavia
avec leurs maisons mères : La fidélisation, avec la difficulté qu’elle augmente certes la
« customer willingness to pay » (volonté de payer du client), mais si on introduit les éléments
de fidélisation dans le sens capitalisation de miles (unité de fidélisation) sur Transavia et
utilisation sur Air France, on a un coût certain sans être sûr du delta de retour en termes de
gains. La réflexion est en cours, mais il faudrait l’adosser à un réseau transversal européen.
Pour Emirates ça a un intérêt certain. Comme on les bloque en Europe, un accord de
fidélisation avec EasyJet permet de pénétrer le marché européen en profondeur. Ils font la
même chose avec JetBlue aux États-Unis.
Le second élément, c’est la connectivité du réseau. Là aussi il faut être très vigilant sur le
delta coût. Vueling a fait ce choix. À Air France ce sujet soulève également une
219
problématique sociale. C’est un marqueur d’étanchéité. L’étanchéité du réseau garantit
l’absence de concurrence avec notre propre réseau MC.
Y a-t-il une place pour du low cost LC ?
M. DICKO : Norwegian a connu une chute spectaculaire de résultat opérationnel. Leur marge
opérationnelle est passée de 5 à 6% à -5 à -6% d’une année sur l’autre avec l’introduction du
LC. En LC on peut faire des économies sur la partie coût, mais le vrai challenge est sur la
partie revenus. Sur MC une low cost peut faire -40 à -60% par rapport aux coûts d’une legacy
airline et elle peut faire du revenu sur le taux de remplissage supérieur aux légacies. (70%
contre 90%) tout en ayant en plus densifié les cabines. Sur du low cost LC on peut baisser les
coûts, mais le levier pour augmenter les revenus n’est pas évident alors que les remplissages
legacy LC sont déjà très élevés. La baisse de yield ne permet pas de faire la marge de recette
du MC. Pour l’instant toutes les low cost LC ou les parties LC des low costs sont déficitaires
(Air AsiaX, Scoot, Norwegian…). Open skies, « l’Avion » retente l’aventure dans sa version
orientée business. On y est attentif.
Mais quelle est la définition du low cost LC ?
M. DICKO : Le contour est flou. Nos vols caraïbes sont-ils low cost ? Composition
d’équipage allégée, service spécifique… de fait c’est une stratégie low cost… Si on prend le
problème dans l’autre sens. Côté passagers, qu’est ce que le low fare ? Le prix du coupon ?
Les compagnies du Golfe sont-elles low cost ? Au sens structurel non. Mais pour le passager,
c’est bien du low fare si on étudie leur yield moyen. Les charters (XL, Air Austral, TUI,
Corsair…) sont perçues comme des low costs, avec leurs cabines densifiées. Nous-mêmes
avec nos 777 densifiés le sommes aussi. Plus les low cost pure players (Norwegian et Air Asia
X) et celles rattachées à des legacies comme Scoot attachée à Singapore Airlines, Eurowings
à Lufthansa, Jetstar à Qantas… ça fait 5 ensembles assez différents.
- Les compagnies du Golfe sont low fare (à bas prix) avec une structure legacy, d’autres
moyens leur permettent de baisser les prix.
- Les charters et spécialisés ne font pas vraiment de croissance et sont en difficulté alors qu’ils
sont depuis longtemps sur le créneau des cabines densifiées, sans connections, avec un produit
ultra simplifié, sans fidélisation… sur l’aspect coûts ils sont proches d’EasyJet à ses débuts.
Mais ça fait un moment qu’ils sont sur ce créneau là.
220
Les pures players (Norwegian) partent sur des structures très originales pour réduire les coûts
de personnel et pour l’instant la réussite n’est pas au rendez-vous.
Les innovations ne changent-elles pas la donne ? (A350, B787)
M. DICKO : Certes, mais est-ce que ça constitue un avantage compétitif ? Toutes les
compagnies legacies peuvent faire de même et adapter leurs flottes. Des coûts moindres
peuvent générer de la demande et permettre de remplir les avions. Mais remplir les avions à
prix bas ne suffit pas à résoudre l’équation qui est plus sur les revenus. Est-ce qu’un nouvel
acteur sera en capacité de faire une innovation des business models telle que Ryanair a réussit
à la faire. Il faut reconnaître à Ryanair une réelle innovation. Sur la structure de coût ils ont
fait la même chose qu’EasyJet, mais à l’extrême. Mais la vraie révolution n’est pas là. La
révolution c’est leur structure de revenus qui n’a rien à voir avec une compagnie aérienne
normale. La source de revenus principale n’est pas le passager, si on pouvait lui faire le billet
à 0 on le ferait. Il fallait quand même le faire de se dire « à la place de vendre des billets à mes
passagers, je vais vendre des passagers à des régions. » C’est une innovation majeure du
business model. Mais ça ne leur suffit pas, ils font de l’ingénierie financière pour revendre des
avions qu’ils achètent en gros dans des conditions optimales puis finissent par les revendre au
détail.
Vous ne faites pas le même métier.
M. DICKO : Oui, mais (Rire) en attendant, ils captent toute la croissance européenne. Quoi
qu’on en dise, ils sont en train de nous croquer en ayant fait une innovation de business model
dans une industrie qui n’en a pas fait depuis très longtemps. La question c’est : est-ce qu’une
Low cost LC arrivera à introduire une innovation du business model sur la partie revenus qui
soit capable de trouver des revenus auxiliaires potentiellement en dehors des revenus
passagers qui soit capable de supporter une pression faible sur le yield. S’ils résolvent cette
équation là, alors ce sera un vrai problème. Il faudra tous y passer. Le jour où Norwegian
arrivera à se faire payer par New York pour amener des passagers qui ne seraient pas venus
autrement, là ce sera extrêmement problématique. Mais l’équation est compliquée.
221
Mais alors pourquoi Eurowings s’engage sur le chemin du LC ?
M. DICKO : Eurowings c’est la déclinaison d’un modèle qui existe déjà. La low cost adossée
à une legacy. C’est la prochaine étape pour travailler sur des coûts plus faibles. Notamment du
point de vue social. C’est une tentative, je pense, de Lufthansa, pour profiter du poids de la
maison mère en terme de fidélisation et probablement de connexions pour pouvoir garder des
yields qui sont plus importants que ce que les autres n’ont été capables de faire. Les frais de
personnel peuvent baisser. Sur le global d’un vol, les frais de personnel c’est 25% à 30% . En
augmentant la productivité de 15% ça fait 5% de gains de coûts. S’ils arrivent à aller chercher
5 % ailleurs, on est à 10. Mais arriveront-ils à limiter la perte de RSKO à 10%. Le delta n’est
pas énorme et le pari est là.
Au-delà de la réduction des coûts, quand on veut d’autre part monter en gamme, et améliorer son image de marque, n’a-t-on pas intérêt à différencier par la marque son
offre Loisir ?
M. DICKO : Oui c’est sûr. Ça a du sens. Mais la grosse question, c’est peut-on le faire sans
perdre de l’argent à court terme? Sachant que le bénéfice serait stratégique à moyen terme. Il
faudrait garder de la connexion et un certain nombre d’éléments pour que le yield ne s’écrase
pas. Mais l’avantage est de clarifier son offre pour le client.
222
223
TABLE DES ILLUSTRATIONS
Figure 1 : Les mutations de la structure de la consommation individuelle. p.7 Figure 2 : Implantation internationale d’Aldi Süd et Nord. p.20 Figure 3 : Leviers de baisse des coûts dans le hard discount. p.22 Figure 4 : Déploiement des réseaux Aldi et Lidl en France. p.23 Figure 5 : Panorama des acteurs de la grande distribution en France, 2012. p.24 Figure 6 : Offres de substitution et de complémentarité. p.25 Figure 7 : Panorama du drive en France, 2014. p.27 Figure 8 : Evolution par type de circuit, 2013. p.28 Figure 9 : Évolution de la part de marché du hard discount. p.29 Figure 10 : Part de marché selon les enseignes, 2013. p.29 Figure 11 : Perméabilité au hard discount (low cost) et concessions au bas prix. p.33 Figure 12 : Leviers de baisse des coûts dans l’automobile. p.36 Figure 13 : Leviers de baisse des coûts dans l’ameublement. p.39 Figure 14 : Leviers de baisse des coûts dans le commerce en ligne. p.44 Figure 15 : Leviers de baisse des coûts dans la coiffure. p.46 Figure 16 : Leviers de baisse des coûts dans la banque directe. p.48 Figure 17 : Leviers de baisse des coûts dans les activités de service. p.49 Figure 18 : Négociation bilatérales de type 1. p.59 Figure 19 : Les différents types de négociations internationales. p.60 Figure 20 : Organigramme de la DGAC. p.65 Figure 21 : Relations de coopération dans le transport aérien. p.76 Figure 22 : Composition des alliances stratégiques en juillet 2015. p.77 Figure 23 : Principales compagnies au monde en 2011 selon le nombre de passager par Kilomètre payant (PKP) et par nombre de passagers. p.81 Figure 24 : Trafic de passagers des principales compagnies à bas coût. p.87 Figure 25 : Principales compagnies touchant des aides à l’export. p.102 Figure 26 : Expansion et contraction du nombre de TBC desservant la France. p.104 Figure 27 : Taille des compagnies en SKO, 2013. p.110 Figure 28 : Croissance des compagnies en SKO. p.111 Figure 29 : Les subventions des compagnies du Golfe. p.112 Figure 30 : PESTEL. p.117 Figure 31 : Les 5 forces de PORTER + 1. p.122 Figure 32 : SWOT des compagnies traditionnelles. p.125 Figure 33 : Panel de l’enquête salariés. p.146 Figure 34 : Confiance des salariés. p.147 Figure 35 : Perception des salariés sur l’offre low cost. p.149 Figure 36 : Évolution de l’emploi dans les compagnies aux États-Unis 1990 à 2010. p.154
224
225
TABLE DES MATIÈRES
SOMMAIRE ....................................................................................................................... IX
PROLEGOMENES ................................................................................................................ 1
INTRODUCTION .................................................................................................................. 3
PARTIE 1: LE LOW COST, UNE TENDANCE LOURDE ET GENERALISEE A TOUS LES SECTEURS D’ACTIVITE ? ..................................................................................................................... 17
1.1 Le hard discount alimentaire précurseur du modèle low cost. ................................................................ 19 1.1.1 ALDI jette les bases du Hard Discount. ................................................................................................... 19 1.1.2 L’affirmation d’un modèle. ....................................................................................................................... 21 1.1.3 L’expansion. ............................................................................................................................................. 22 1.1.4 Ripostes des grands distributeurs installés. .............................................................................................. 25 1.1.5 Les conditions extérieures qui ont contribué au succès des ripostes. ..................................................... 30
1.2 Les différents secteurs conquis par le modèle .......................................................................................... 33 1.2.1 Les produits Low cost. .............................................................................................................................. 34
1.2.1.1 L’automobile. .................................................................................................................................... 34 1.2.1.2 Ameublement. ................................................................................................................................... 37 1.2.1.3 Blanc, brun, gris. ............................................................................................................................... 40
1.2.2 Les services Low cost. .............................................................................................................................. 42 1.2.2.1 Le commerce en ligne ....................................................................................................................... 42 1.2.2.2 La coiffure. ........................................................................................................................................ 45 1.2.2.3 La banque directe .............................................................................................................................. 47 1.2.2.4 Autres services .................................................................................................................................. 48
PARTIE 2 : LE TRANSPORT AERIEN .................................................................................... 51
2.1 Historique et état des lieux des acteurs traditionnels du transport aérien ................................................ 53 2.1.1 Naissance d’une industrie stratégique. ...................................................................................................... 53 2.1.2 Une industrie très structurée et règlementée. ............................................................................................ 55 2.1.3 Un marché monopolistique (1945 – 1978) ............................................................................................... 67 2.1.4 La dérèglementation (deregulation) ......................................................................................................... 69
2.1.4.1 Deregulation américaine (1978 à1984) ............................................................................................ 69 2.1.4.1 Dérèglementation européenne (1987 à 1997) .................................................................................. 72
2.1.5 Consolidation au niveau mondial et disparition de certains acteurs. ........................................................ 74 2.1.5.1 Développement et concentration ....................................................................................................... 74 2.1.5.2. Relations entre les compagnies aériennes ........................................................................................ 74
2.2 Les acteurs du transport aérien. ................................................................................................................... 81 2.2.1 Les transporteurs à bas coût (TBC) low cost. ........................................................................................... 83
2.2.1.1 Southwest airlines. ............................................................................................................................ 87 2.2.1.2 EasyJet. ............................................................................................................................................. 90 2.2.1.3 Ryanair. ............................................................................................................................................. 92
2.2.1.3.1 Historique .................................................................................................................................. 92 2.2.1.3.2 Ryanair, le rapport de force. ...................................................................................................... 93 2.2.1.3.3 Relation de travail et droit social. ............................................................................................. 94 2.2.1.3.4. Sécurité des vols. ...................................................................................................................... 97 2.2.1.3.5. Marketing. ................................................................................................................................ 97
226
La compagnie engrange également des revenus marketing. Les avions deviennent des supports publicitaires ainsi que le site internet de la compagnie. (Annexe 8 bis) ................................................. 98 2.2.1.3.6 Influence. ................................................................................................................................... 98 2.2.1.3.7. Optimisation fiscale. ................................................................................................................ 99 2.2.1.3.8. Subventions. ........................................................................................................................... 100 2.2.1.3.9. Politique d’achat d’avions. ..................................................................................................... 101
2.2.1.4 Autres TBC. .................................................................................................................................... 103 2.2.2 Le Long Courrier. ................................................................................................................................... 106
2.2.2.1. Les Low costs Long Courrier. ........................................................................................................ 106 2.2.2.2. Les nouveaux prétendants LC. (Les Compagnies du Golfe) ......................................................... 109
2.3 Analyse environnementale du transport aérien ......................................................................................... 117 2.3.1 PESTEL .................................................................................................................................................. 117
2.3.1.1 Politique. ......................................................................................................................................... 117 2.3.1.2 Économique. ................................................................................................................................... 118 2.3.1.3 Social. .............................................................................................................................................. 119 2.3.1.4 Technologique. ................................................................................................................................ 119 2.3.1.5 Environnemental. ............................................................................................................................ 120 2.3.1.6 Légal. .............................................................................................................................................. 121
2.3.2 Les 5 forces de PORTER. ....................................................................................................................... 122 2.3.2.1 Intensité concurrentielle. 3,5/5 ........................................................................................................ 122 2.3.2.2 Menace des produits de substitution. 2/5 ........................................................................................ 123 2.3.2.3 Pouvoir de négociation des clients. 4/5 ........................................................................................... 123 2.3.2.4 Pouvoir de négociation des fournisseurs. 4/5 ................................................................................. 124 2.3.2.5 Menace des nouveaux entrants. 5/5 ................................................................................................ 124 2.3.2.6 Contraintes règlementaires et interventions des pouvoirs publics. 4/5 ........................................... 124
2.3.3 SWOT du transport aérien classique. ..................................................................................................... 125
PARTIE 3 : CONSEQUENCES ET STRATEGIES D’ADAPTATION DES DIFFERENTS ACTEURS. . 127
3.1 Stratégies d’adaptation des compagnies aériennes .................................................................................... 131 3.1.1 Les Compagnies Majors ......................................................................................................................... 131
3.1.1.1 Les Corporates strategies. ............................................................................................................... 131 3.1.1.2. La montée en gamme. .................................................................................................................... 132 3.1.1.3 Consolidation et développement des partenariats. .......................................................................... 134 3.1.1.4 La réduction des coûts. ................................................................................................................... 134
3.1.2 Les compagnies low cost. Adaptation du modèle. .................................................................................. 135
3.2 Perception des acteurs .................................................................................................................................. 141 3.2.1 Le point de vue des représentants des entreprises. ................................................................................ 141 3.2.2 Le point de vue des salariés et de leurs représentants. ............................................................................ 146
3.2.2.1 Enquête sur la perception des salariés. ........................................................................................... 146 3.2.2.2 Les syndicats représentatifs des salariés ......................................................................................... 151
3.3 Intérêts et responsabilités des acteurs institutionnels. .............................................................................. 157 3.3.1 Les États et collectivités territoriales. ..................................................................................................... 157 3.3.2 l’Union Européenne. ............................................................................................................................... 162 3.3.3 La communauté internationale. ............................................................................................................... 164
3.4 Les atténuateurs envisageables (préconisations). ...................................................................................... 167 3.4.1 Les Fraudes et optimisations fiscales. ..................................................................................................... 167
3.4.1.1 Vérification de l’application des règles .......................................................................................... 167 3.4.1.2 Précision de certaines règles ou élaboration de nouvelles règles. ................................................... 168
3.4.2 Mesures de portée internationales ........................................................................................................... 169 3.4.2.1 Harmonisation communautaire. ...................................................................................................... 169 3.4.2.2 Gestion de la concurrence. .............................................................................................................. 171
3.4.3 Restructuration et champ conventionnel. ................................................................................................ 171
227
CONCLUSION .................................................................................................................. 175
INDEX ALPHABETIQUE .................................................................................................... 183
PERSONNES AUDITIONNEES ET CONTRIBUTEURS EXTERNES. .......................................... 185
BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................................. 187 Manuels ....................................................................................................................................................... 187 Universitaire et recherche ........................................................................................................................... 187 Ouvrages ..................................................................................................................................................... 189
Sources premières. ........................................................................................................................................... 190 Cour de cassation criminelle, Chambre criminelle, 11 mars 2014, 11-88.420. ............................................... 190
Rapports parlementaires et ministériels. ..................................................................................................... 191 Rapports de la Commission européenne. .................................................................................................... 191
Revues et Articles de spécialité ....................................................................................................................... 191 Articles de presse généraliste. .......................................................................................................................... 192 Articles de communication interne des entreprises. ........................................................................................ 194 Filmographie .................................................................................................................................................... 194 Webographie .................................................................................................................................................... 195
INDEX DE LIENS .............................................................................................................. 197 AFM.AERO ........................................................................................................................................... 197 AFP ........................................................................................................................................................ 197 AIR&COSMOS ..................................................................................................................................... 197 AIR INFO ............................................................................................................................................... 197 AIR JOURNAL ...................................................................................................................................... 197 CAIRN INFO ......................................................................................................................................... 197 CHALLENGES ...................................................................................................................................... 198 IATA.ORG ............................................................................................................................................. 198 LA CROIX ............................................................................................................................................. 198 LA PROVENCE .................................................................................................................................... 198 LA TRIBUNE ........................................................................................................................................ 198 L’ARGUS .............................................................................................................................................. 199 LE FIGARO ........................................................................................................................................... 199 LEGIFRANCE.FR ................................................................................................................................. 199
Cour de cassation criminelle ............................................................................................................................ 199 LE MONDE ........................................................................................................................................... 199 LE MONDE DU DROIT.FR ................................................................................................................. 199 LES ÉCHOS ........................................................................................................................................... 200 L’EXPANSION ..................................................................................................................................... 200 L’EXPRESS L’ENTREPRISE .............................................................................................................. 200 NOUVEL OBS ....................................................................................................................................... 200 PERSEE ................................................................................................................................................. 201 REUTERS .............................................................................................................................................. 201 TOURMAG ............................................................................................................................................ 201
ANNEXES ........................................................................................................................ 203
TABLE DES ILLUSTRATIONS ............................................................................................. 223
TABLE DES MATIERES ..................................................................................................... 225
228
229
230
Résumé - Mots clés : Transport aérien, stratégie, concurrence loyale, subventions.
Le plan de vol de l’économie mondiale a conduit la structure de la consommation individuelle à prendre une nouvelle trajectoire. La cohorte démesurée de produits de milieu de gamme qui, hier encore, était au centre du marché ne trouve plus de destinations. Dans tous les secteurs, les entreprises doivent s’adapter à une demande bipolarisée où le haut de gamme, voire le luxe, s’oppose directement au low cost ou au hard discount. L’attrition du milieu de gamme a laissé place à un trou d’air que les entreprises s’évertuent à éviter pour ne pas rester coincées au milieu. Ce travail de recherche s’intéressera particulièrement au transport aérien qui peine à se stabiliser tant il est tiraillé, balloté, entre ces deux courants principaux. La première partie étudiera les autres secteurs d’activité afin d’identifier des similitudes de symptômes et de s’inspirer des remèdes mis en place ici et là pour envisager des transpositions dans cette industrie stratégique. La deuxième partie abordera les spécificités du marché du transport aérien. La revue des acteurs en présence (compagnies aériennes, aéroports, États, instances internationales…) mettra en lumière la complexité des interactions qui perturbent les adaptations. Enfin nous traiterons des conséquences de cette turbulence généralisée du secteur. Nous étudierons les stratégies des compagnies aériennes et tenterons d’identifier des routes à emprunter susceptibles de reprendre une croisière plus apaisée.
Abstract – Key words: Air Transport, strategy, fair competition, subsidies.
The global economy flight plan has blown the structure of individual consumption on a new path. The midrange product disproportionate cohort which led the market till now doesn’t reach its destination any more. In all sectors, businesses need to adapt to face a dually polarized demand, where upscale, luxury products are directly opposed to low cost and hard discount. Attrition of midrange goods and services left an air pocket that companies are struggling to avoid, not to get stuck in the middle.
This research is of particular interest to air transport, which is struggling to stabilize, as it is torn, tossed, between these two main streams. The first part will consider other sectors to identify similarities of symptoms, to take inspiration from remedies set up here and there, in order to consider transpositions to the airline strategic industry. The second part will address the specificities of the air transport market. The review of the actors involved (airlines, airports, States, international institutions…) will enlighten the complexity of the interactions that disrupt adaptations. Finally we will discuss the consequences of this widespread sector turbulence. We will study the strategies of airlines and try to identify the routes likely to lead to calmer cruising.