more tv - numéro 1 (janvier, février 2014)

52
MORE TV NE SOUS-ESTIMEZ PAS LES ROSBIFS LES ANGLAIS OSENT ET INNOVENT FRONTIÈRES EN SÉRIES « RUN FOR THE BORDER » LE RETOUR EN FORCE DE LA SÉRIE D'ANTHOLOGIE LE CONSULTANT SPÉCIALISÉ ATOUT MAJEUR DES SÉRIES NUMÉRO 1 JANVIER, FÉVRIER 2014

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Premier numéro du magazine collaboratif sur les séries télévisées. Créé par les sérievores pour les sérievores.

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Page 1: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

MORE TV

nE sOus-EsTiMEz pas lEs ROsbifs les anglais osent et innovent

fROnTièREs En séRiEs« run for the border »

lE RETOuR En fORcE de la série d'anthologie

lE cOnsulTanT spécialiséatout majeur des séries

numéro 1 janvier, février 2014

Page 2: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

On y est, le voici. Le premier numéro de More TV est à la portée de

votre souris et on espère qui sera à la hauteur de vos attentes.

More TV est né suite au constat que la presse écrite spécialisée dans

les séries télévisées traite, à chaque numéro, des mêmes créa-

tions et ce, parce qu'elle vise un seul et même public : les adoles-

cents. Ainsi, cet e-magazine vous propose une alternative à cette

presse devenue trop homogène et où une grande partie des fans

ne trouvent plus leur compte. Conçu par et pour les sérievores, ce

concept de collaboration est imaginé par Jérôme Raffin.

Des sériephiles talentueux, qu'on remercie pour leur contribution,

ont donc écrit des articles qui couvrent l'actualité du monde des

séries et qui vous proposent de vous plonger de manière inédite

dans des univers encore trop peu connus. C'est ainsi que vous se-

rez emmenés à découvrir pourquoi il existe toujours cette fréné-

sie autour de la série Breaking Bad, tout juste récompensée d'un

Golden Globe, ou comment la figure du consultant spécialisé s'est

imposée au fur et à mesure des années dans les séries.

Se trouveront sur votre route quelques critiques de séries qui vous

permettront de vous faire un avis sur ces dernières, puis vous re-

trouverez d'autres articles aussi surprenants qu'intéressants qu'il

était impossible de faire l'impasse dessus. Sur ces derniers petits

mots, on vous souhaite de vivre une aventure aussi incroybable

que la nôtre au travers de la lecture.

LiLy Ho et ALLAn CoLpAert

édito

Page 4: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

pHoto : MAttHew MCConAugHey - true DeteCtive / HBo

MORE TVn°1 janvier, février 2014

sÍ, sE puEdE ! l'avenir de la télévision américaine parle espagnol12

Vous êtes un téléphage chevronné, et vous pensez tout

savoir sur la télévision américaine. Attendez-vous à

quelques surprises ! Car l’un des visages de la télévision

US qui reste encore peu connu, c’est celui des networks

de langue espagnole. Mais ça, c’était avant.

paR lady TERuki

4 MORE TV

lE cOnsulTanT spécialisé atout majeur des séries18

Dans un imbroglio de créations savamment imaginées et construites, une figure transcende les âges, les concepts et les networks : le consultant spécialisé.

paR sulliVan lE cORVic

nE sOus-EsTiMEz pas lEs ROsbifs les anglais osent et innovent30

Avant que ces salauds d'internet ne promeuvent le partage et permettent la découverte d'autres horizons, la plupart des séries auxquelles, nous, pauvres zombies affalés devant notre poste de télévision, avions accès étaient soit améri-caines, soit françaises.

paR bilEl

la wEb-séRiE paR lEs EnTREpRisEs la stratégie du brand content42

Les web-séries sont aujourd’hui incontournables dans le paysage audiovisuel et deviennent un produit marketing puissant pour les marques désireuses à la fois de maîtriser leur identité numérique et de conquérir une nouvelle clien-tèle.

paR la séRiEThèquE

lE RETOuR En fORcE

de la série d'anthologie

38paR yann

Page 5: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

5MORE TVpHoto : BryAn CrAnston - FrAnk oCkenFeLs 3 / AMC

MORE TVn°1 janvier, février 2014

chROniquEfROnTièREs En séRiEs ......................................................... 08

La série transfrontalière est une formule à succès, dans

ce numéro on se penche sur ceux pour qui la frontière est

synonyme de salut.

paR iOanis dEROidE

pORTRaiTshOnda RhiMEs ..................................................................... 26

À 43 ans, la réalisatrice, scénariste et productrice com-

mence peu à peu à sortir de l’ombre.

paR auRéliE cORbin

cRiTiquEsà la décOuVERTE du paRadis ..................................... 34

Lancée à l’automne 2012, The Paradise est un drama histo-

rique de la BBC que tous les sériephiles se doivent de décou-

vrir.

paR ThEOdORa M.

slEEpy hOllOw ...................................................................... 22

La série s'affiche comme la bonne surprise de la rentrée.

Pourquoi accorder une chance à cette adaptation du mythe ?

paR gwladys c.

ElEMEnTaRy, Ma chèRE waTsOn ............................... 24

Lancée en 2012 par CBS, Elementary relate l’histoire d’un

Sherlock Holmes immigré à New-York. Du réchauffé ?

paR ThibaulT cOllaRT

VOyagEfaiRy TalEs by xiVEnTs ..................................................... 37

Il était une fois Fairy Tales, une convention sur la série Once

Upon A Time par Xivents

paR allan cOlpaERT

zOOMThE VEROnica MaRs MOViE ........................................... 48

Veronica revient en Mars. L’univers de la télévision est

peut-être sur le point de changer, d’entrer dans une nou-

velle ère.paR sTéphanE bERnaulT

bREaking bad

une série à part

06paR jORdan TaffinOVic

Page 6: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

Walter White, le baron de la drogue a tiré sa révérence fin septembre 2013. Retour sur cette série atypique

considérée par beaucoup comme un chef d’œuvre grâce à son scénario original, ses acteurs excellents,

et son ambiance unique.

Breaking Bad, c’est l’histoire d’un

professeur de chimie cinquantenaire,

sur-diplômé et à la petite vie bien ran-

gée. Celui-ci apprend qu’il a un cancer

du poumon et décide donc de mettre sa

famille à l’abri du besoin financière-

ment avant de succomber à la maladie.

Pour cela, Walter White utilisera ses

connaissances en matière de chimie

pour fabriquer de la « meth’ », une

drogue dure et hautement addictive.

Pour l’aider dans sa quête, Walter s’al-

lie à Jesse Pinkman, un de ses anciens

élèves ayant quelques penchants pour

les produits illicites mais ayant des

contacts dans le milieu de la drogue.

Les bases d’un duo que tout oppose

sont donc posées.

 Dans l’esprit de Vince Gilligan,

créateur de la série, Aaron Paul qui in-

terprète Jesse Pink-

man devait mou-

rir dès la première

saison, soit au bout

de 7 épisodes. Mais

l’alchimie entre lui

et Bryan Cranston dans le rôle de Wal-

ter White était telle que Pinkman est

finalement resté jusqu’à la fin de la

série. Nul doute que la série aurait été

complètement différente sans le jeune

junkie et ses « Yo bitch ! ».

Mais si un acteur sort du lot, c’est bien

Bryan Cranston, lui qui jouait Hal dans

Malcolm tient à merveille

le rôle de Walter White et

arrive à nous faire oublier le

père pittoresque qu’il était

dans la série comique.

 Breaking Bad nous montre

donc la spirale infer-

nale dans laquelle s’en-

fonce Walt, tantôt poussé

par l’appât du gain et un

ego grandissant, tantôt

contraint de produire de la

méthamphétamine contre son gré,

jusqu’à atteindre le point de non re-

tour. Lui qui voulait récolter 300.000$

en commençant son petit trafic se re-

trouve avec la somme de 80.000.000$

lors de la dernière saison.

L’homme que l’on connaissait timide

et maladroit se révèle être un fin stra-

tège et n’hésite pas

à manipuler ses

proches, mais sur-

tout Jesse pour ar-

river à ses fins. Ce

dernier sera d’ail-

leurs torturé psychologiquement du-

rant la majeure partie de la série.

Surnommé Heisenberg dans le milieu

de la drogue, Walter tente de concilier

vie privée et vie « professionnelle »

tant bien que mal. Sa femme, Skyler

participera un moment à ses activités

illégales en blanchissant son argent.

C’est ce qui fait la force de cette série,

aucun personnage n’est exempt de

tout reproches.

 Le scénario est excellemment bien

ficelé : Hank Schrader, le beau-frère

de Walt travaille pour la DEA, l’équi-

valent français de la brigade des stu-

péfiants. Le jeu du chat et de la souris

nous tient en haleine tandis qu’Hei-

senberg doit rendre des comptes à

ses collaborateurs. Les fans de séries

apprécieront sans aucun doute l’épi-

sode « Ozymandias » qui a d’ailleurs

reçu la note maximale de 10/10 sur le

site imdb.com et que beaucoup consi-

dèrent comme l’un des meilleurs épi-

sodes toutes séries confondues.

 La fin de la série, qui a été suivie

par plus de 10.3 millions de téléspec-

tateurs n’a pas déçu, Vince Gilligan

ayant pris le soin de refermer toutes

les intrigues en cours avec un talent

qui n’est désormais plus à prouver.

bREaking bad, unE séRiE à paRT

6

texte : JorDAn tAFFinoviC - pHoto : BreAking BAD / AMC

MORE TV

« breaking bad nous

montre la spirale infer-

nale dans laquelle

s'enfonce walt »

Page 7: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

Étudiant en BTS Management, j’écris des articles en guise de passe-temps et je suis habituellement critique

pour le site Addicted To Series. Je regarde des séries telles que Breaking Bad, The Walking Dead ou encore

Bates Motel. Pour toutes remarques ou questions sur l’une de mes productions, ou même une collaboration,

n’hésitez pas à me contacter par mail [email protected] ou via Twitter @MrTaffinovic.

à propos de l'auteur

7MORE TV

Bryan Cranston et Aaron paul dans Breaking Bad

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Page 8: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

fROnTièREs En séRiEs« run For tHe BorDer »

texte : ioAnis DeroiDe - pHoto : FrAnk oCkenFeLs / Fx

8 MORE TV

L’accueil réservé à la récente série suédo-danoise Bron / Broen et à ses remakes américano-mexicain et anglo-

français montrent que la série transfrontalière est une formule à succès. Cependant, l’intérêt des séries pour les

frontières est ancien et abondant, même en se limitant, comme je me le propose, aux frontières réelles (sans évo-

quer, donc, le Mur de Game of Thrones ou la Porte des étoiles de Stargate SG-1). Commençons par nous pencher

sur les personnages pour qui la frontière est synonyme de salut.

Page 9: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

« Mexico, huh ? » Jonathan à Andrew (Buffy The Vampire Slayer, 6.22)

 La frontière dans les séries, c'est

d'abord celle qu'on franchit (ou qu'on

tente de franchir) pour fuir un danger.

Le plus souvent, c'est le danger d'être

arrêté quand on est un criminel en

cavale. Dans les séries américaines,

c'est donc la frontière mexicaine qui

est visée : une fois celle-ci passée, le

malfaiteur se trouvera hors d'atteinte

du bras de la justice, ou du moins le

croit-il. Le Mexique est en effet pré-

senté comme un territoire plus ou

moins sans foi ni loi où l’on n’a guère

à craindre les poursuites policières ou

judiciaires ; il est opposé de manière

caricaturale à l’État de droit qu’in-

carnent les États-Unis.

Les westerns des années 1950-60 sont

pleins de ces scénarios de fuite em-

pêchée vers le Sud, surtout quand le

héros est un (ex-)ranger ou un chas-

seur de primes lancé à la poursuite

de fugitifs comme c’est le cas dans

The Lone Ranger (1.33) ou Wanted Dead

or Alive (1.14). Si nécessaire, le cow-

boy justicier n'hésite pas à franchir

la frontière, comme Cheyenne dans

la série éponyme, qui retrouve dans

une petite ville mexi-

caine les bandits qui

viennent de dévali-

ser une banque aux

États-Unis (« Border

Showdown », 1.04).

La tentation mexicaine est encore as-

sez présente dans les séries contem-

poraines même si la réalité s’est éloi-

gnée de la fiction depuis qu’un traité

d'extradition a été signé entre les deux

pays en 1978 et que leur collaboration

en la matière va s’affirmant. C'est

donc toujours vers le Sud que fuient le

monster of the week, d'ailleurs mexi-

cain, d' « El Mundo Gira » (The X-Files,

4.11), le meurtrier de Warrick Brown

et son complice dans « For Warrick

» (CSI, 9.01), ou bien Aileen Morgan,

l'agente d'al-Qaïda qui anime une in-

trigue secondaire de « The Weekend

» (Homeland, 1.07).

Dans plusieurs séries, la fuite vers la

frontière est un acte réservé aux fins

de saison parce qu'on peut ainsi faire

coïncider sortie du territoire et sor-

tie du récit, le retour « à la maison »

correspondant, lui, au début de la sai-

son suivante. Ainsi, c'est à la fin de

la saison 1 d'Arrested

Development que

George Sr. fuit pour

le Mexique pour ne

pas avoir à répondre

de ses malversations

immobilières, et à la fin de la saison

5 de The Shield que Vic prévoit de faire

émigrer son coéquipier Lem pour le

soustraire à des poursuites judiciaires

qui menacent tous les membres de la

Strike Team.

 Appuyant encore davantage sur ce

parallèle entre le temps et l’espace,

le season – et finalement, aussi, series

– finale de Terriers, se clôt sur un clif-

fhanger qui laisse nos héros, Hank et

Britt, en pleine hésitation, alors qu'ils

attendent dans leur voiture que le feu

passe au vert :

Hank : I go straight, you go to prison. I

take a left, it's hola, Mexico. Answer to

all our problems. You never get sick, you

never get old.

Britt : The vacation that never ends.

Hank : So what do you say, partner? Which

way will it be?

A cet instant, l'incertitude pèse sur la

suite du récit mais aussi sur l'avenir

de la série, menacée d'annulation du

fait de ses très faibles audiences, et les

scénaristes jouent de ce double sens.

Dans tous les cas, la fuite vers la fron-

tière est le choix des lâches qui n'assu-

ment pas leurs actes, comme Jonathan

et Andrew dans Buffy. Personnages dé-

risoires, souvent comiques, a contrario

des autres saisons, ils font là un choix

9MORE TV

terriers

Homeland

« dans plusieurs séries,

la fuite vers la fron-

tière est un acte réser-

vé aux fins de saisons »

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Page 10: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

finalement banal et très terre-à-terre

qui détonne d'autant plus dans un

season finale où il n'est question que

d'apocalypse et plus précisément de

la furie destructrice d'une puissante

magicienne.

La seule manière de pas faire pas-

ser pour couard celui qui fuit vers la

frontière est d'en faire un innocent

injustement accusé

et démuni face aux

présomptions de

culpabilité qui pèsent

contre lui. C'est le

cas dans Homeland

à la toute fin de la

saison 2 (épisode «

The Choice ») où Carrie accompagne

Brody, accusé d'être l'auteur d'un

attentat meurtrier contre le siège

de la CIA, jusqu'à la frontière pour

lui permettre d'échapper aux pour-

suites. Il s'agit cette fois de passer au

Canada la frontière canadienne, seul

territoire étranger accessible rapi-

dement par la route mais on se doute

que sa cavale va l'emmener plus loin.

De fait, c'est au Venezuela qu'on

le retrouve au début de la saison 3.

« Business. always Business. » Le Grec, à qui on demande le but de son voyage (The Wire, 2.12)

 Tels les cavaliers des westerns, les

fuyards d’aujourd’hui continuent

donc d’avaler la route jusqu’au poste

frontière. Pourtant, il existe une ma-

nière plus moderne, et - en apparence

au moins - plus simple, de s’éloigner

du lieu du crime : prendre le premier

avion en partance pour l’autre bout du

monde.

L’avion ou le bateau d’ailleurs : dans

Agatha Christie’s Poirot, le célèbre dé-

tective belge doit, dès sa première

enquête, s’empresser de rejoindre

le port de Southampton avant qu’un

paquebot comptant le coupable parmi

ses passagers ne largue les amarres à

destination de Buenos Aires. En 2009,

c’est encore en bateau que s’enfuit

Cameron dans la dernière scène de la

saison 2 de Sons of Anarchy. L’Irlan-

dais fuit la Californie, non pas tant

pour se soustraire à la justice que pour

échapper à la colère

des Sons dont il a tué

un membre («  Half-

Sack  ») et kidnappé

le dernier-né.

Cependant, c’est

bien l’avion qui est

privilégié et l’on ne

compte pas les courses-poursuites à

l’aéroport visant à empêcher un cri-

minel d’embarquer. Le plus souvent,

les forces de l’ordre interpellent de

justesse le candidat à l’émigration et

nous rappellent ainsi que les aéro-

gares sont devenus les postes-fron-

tières les plus empruntés, du moins

pour les personnes.

Bien sûr, ce modèle possède des va-

riantes. Les fugitifs peuvent être

contrariés dans leur fuite par des

« méchants » plutôt que par des po-

liciers, comme dans Weeds (6.12-13)

lorsque Nancy voit son départ pour le

Danemark empêché par deux gangs-

ters mexicains. Ils peuvent aussi res-

ter cloués au sol, non parce qu’on les

a rattrapés mais parce qu’ils arrivent

trop tard et que l’avion ne les a pas at-

tendus (Prison Break, 1.22). Ou alors, ils

peuvent embarquer le plus tranquille-

ment du monde parce que l’étau de la

weeds

prison Break

10 MORE TV

« tels les cavaliers des

westerns, les fuyards

d'aujourdh'ui conti-

nuent d'avaler la

route jusqu'au poste

frontière »

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Page 11: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

justice n’a pas pu se resserrer sur eux à

temps. C’est le cas du Grec, trafiquant

international et véritable criminal

mastermind de la saison 2 de The Wire.

Dans le dernier épisode, confortable-

ment installé dans sa suite d’hôtel, il

fait le point sur sa situation avec son

lieutenant, Vondas, alors que le ca-

davre de leur dernière victime vient

d’être retrouvé et que le neveu de

celle-ci, Nick Sobotka, pourrait être

tenté de les dénoncer :

Vondas : Niko, the nephew. By now he

knows.

Le Grec : Our people wait for him, but so do

the police. I’m thinking... There's nothing

to be done at this point. What he says, he

says.

Vondas : He knows my name. But my

name is not my name. And you? To them,

you're only « The Greek ».

Le Grec : And, of course, I'm not even

Greek. (Il sourit.)

Vondas : So we go.

 Un peu plus tard dans l’épisode, le

Grec quitte les États-Unis en toute

impunité. Archétype du criminel de

haut vol qui se joue des frontières,

changeant de passeport et d’identité

au gré des voyages, il est le bénéfi-

ciaire de la mondialisation qui facilite

les échanges transnationaux, qu’ils

soient légaux ou pas ; les dockers

qu’on suit tout au long de la saison en

sont au contraire les perdants, vaincus

par une concurrence internationale

qui a rendu obsolètes le port de Balti-

more et le travail de ses employés.

 Dans un prochain article, j'aborderai

les héros qui, eux aussi, peuvent être

pressés de passer de « l'autre côté »,

et plus précisément les espions des

séries britanniques de la guerre froide

qui devaient franchir le Rideau de fer

pour regagner le « monde libre ».

11MORE TV

Ioanis Deroide est enseignant d'histoire-géographie et s'intéresse en particulier à la représentation des

territoires dans les séries. Il a écrit Séries TV : Mondes d'hier et d'aujourd'hui (Ellipses, 2011) et sa dernière pu-

blication est un chapitre consacré à la wilderness dans l'ouvrage collectif dirigé par A. Blot et A. Pichard : Les

séries américaines, la société réinventée ? (L'Harmattan, 2013). Il sévit également sur Twitter @IoanisDeroide.

à propos de l'auteur

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the wire

Page 12: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

 Pourquoi parler des networks his-

panophones en ce mois de janvier ?

Parce que l’année 2013 a été celle de

tous les exploits, en particulier pour le

network Univision. Lors des sweeps de

février (une période de mesure d’au-

diences opérée par l’institut Nielsen,

capitale pour l’avenir de bien des pro-

grammes), Univision a réussi à sur-

passer NBC, devenant le quatrième

network le plus regardé du pays sur

la tranche d’âge si convoitée des 18-

49 ans ; une performance qui s’est

renouvelée lors des sweeps de juillet.

Cette année marque donc la première

fois de toute l’histoire de la télévision

américaine qu’une chaîne non-anglo-

phone surpasse un des « big four ».

Tout un symbole. Et encore, jusque

là, c’étaient la WB, UPN, puis The CW

qu’Univision surpassait régulière-

ment, ce qui n’était déjà pas anodin.

Une victoire qu’Univision prend

comme un double signe : d’abord parce

que cela lui permet d’entrer « dans la

cour des grands », mais surtout, parce

que son public parle bien souvent aus-

si l’anglais. Alors pourquoi ça marche

si bien ?

 Démographiquement, les Hispa-

niques représentent 17% de la popu-

lation étasunienne d’après le recense-

ment de 2011 contre 11 en l’an 2000 (et

avec un taux de naissance de 26%, ce

n’est sans doute que le début).

Cela représente un marché total de

près de 53 millions de personnes, ce

qui n’est évidémment pas négligeable.

Pour comparaison, les Afro-Améri-

cains ne représentent que 12% de la

population américaine.

De plus, le public hispanique, ce sont

généralement des personnes jeunes ;

l’âge médian du spectateur d’Univi-

sion est par exemple de 37 ans, contre

55 pour ABC, 58 pour CBS, 54 pour NBC,

et 47 pour FOX, les fameux « big four

». C’est aussi une population très ac-

tive sur internet (68% des Hispaniques

sont actifs sur les réseaux sociaux,

contre 58% de moyenne nationale) qui

relaie donc facilement les messages et

participe à la viralité des contenus.

Jeunes, impliqués sur les réseaux so-

ciaux, et en constante croissance ? Les

annonceurs sont aux anges !

D’autres facteurs entrent en ligne

de compte : les principaux networks

hispaniques, qui sont Univision mais

aussi Telemundo, proposent à lon-

gueur d’année des programmes entiè-

rement inédits en primetime, là où les

networks anglophones prennent des

pauses et s’autorisent même une «

saison estivale », entre diffusion de

restants d’épisodes de séries annu-

lées, programmes importés (notam-

ment du Canada), ou même rediffu-

sÍ sE puEdE !L'Avenir De LA téLévision

AMériCAine pArLe espAgnoL

texte : LADyteruki

12 MORE TV

Vous êtes un téléphage chevronné, et vous pensez tout savoir sur la télévision américaine. Attendez-vous à

quelques surprises ! Car l’un des visages de la télévision américaine qui reste encore peu connu, c’est celui des

« networks » de langue espagnole. Mais ça, c’était avant.

37

55

58

54

47

âge médian

univision

abc

cbs

nbc

fox

Page 13: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

sions. Les séries originales de l’été

sont majoritairement diffusées sur le

câble, qu’Univision et Telemundo ne

craignent pas du tout ; or, c’est préci-

sément pendant l’été que les compéti-

tions de foot attirent massivement du

monde devant les écrans des chaînes

hispanophones !

Pour finir, d’autres éléments viennent

encore renforcer le pouvoir de la télé-

vision en espagnol, comme le fait que

personne d’autre n’y prête attention,

par exemple ! Là où Hulu ou Net-

flix viennent marcher sur les plates-

bandes des networks anglophones

en proposant des séries en anglais,

ces mêmes services ne s’intéressent

que peu ou pas aux séries non-anglo-

phones, de fait, les spectateurs par-

lant l'espagnol n’ont pas le choix et

doivent se tourner vers les networks

tels qu’Univision ou Telemundo pour

avoir leur dose.

Pourtant, si cela ne fait que quelques

années que les networks comme Tele-

mundo ou Univision font parler d’eux

régulièrement dans le monde anglo-

phone, en réalité, ces chaînes existent

depuis plusieurs décennies !

 L’idée fait en effet son chemin de-

puis les années 50, alors que de petites

stations locales en espagnol émergent

progressivement sur le territoire éta-

sunien et à sa périphérie. Parmi ces

stations, l’une d’elle, née à Porto Rico

en 1954, va particulièrement bien s’en

sortir : il s’agit de WKAQ-TV, qui se

surnomme « WKAQ Telemundo ».

A l’époque, Porto Rico est le berceau

de quelques unes des telenovelas les

plus populaires du monde hispanique,

un héritage que l’archipel hérite de

sa compétence dans les radionovelas,

qu’elle produisait massivement dans

les années 30 puis exportait à toute

l’Amérique du Sud. A la faveur de

fusions, d’acquisitions et de rachats

dont on vous fait grâce du détail, celle

qui en 1987 prend le nom définitif de

Telemundo va progressivement s’ins-

taller sur le territoire des USA, englo-

bant dans son giron toujours plus de

stations locales hispaniques.

En 1962 naît une autre station, cette

fois au Texas : KCOR-TV, une petite

chaîne en espagnol également, qui, ne

parvenant pas à être rentable, va être

revendue à un certain Emilio Azcár-

raga Vidaurreta. Son nom ne vous dit

rien et pourtant, la famille Azcárraga

est à l’origine d’un véritable empire,

qui de génération en génération a

bâti Televisa, le géant de la télévision

mexicaine. Azcárraga et son parte-

naire le producteur Emilio Nicolas

(qui préparait des émissions pour son

beau-père, fondateur de KCOR-TV)

vont développer la station, qui pren-

dra le nom d’Univision en 1986. Là

encore, de nombreuses petites sta-

tions hispaniques locales seront pro-

gressivement acquises pour agrandir

l’influence d’Univision.

Les années 90 seront pour les deux

géants de la télévision hispanique un

temps de développement, parfois de

négociations financières, mais tou-

jours d’expansion. Les deux géants

se font face, avec des stratégies simi-

laires pour s’étendre : s’appuyer sur

des partenariats avec l’Amérique du

Sud. Toutefois, le début des années

2000 sera un plus grand tournant

encore, avec l’acquisition des deux

géants par de grands groupes : NBC

Universal pour Telemundo en 2002, et

Saban Capital Group pour Univision en

2006.

Pour rentabiliser ces investissements

massifs, les chaînes vont rivaliser

d’ingéniosité pour attirer un public

toujours plus large : développer les

programmes d’information, lancer

des segments dédiés à la jeunesse (dif-

13MORE TV

amores verdaderos

produite au Mexique, la telenovela

s’inspire d’une série de 2005 nommée

Amor en Custodia (de nombreuses

telenovelas se voient ainsi adaptées

au travers de l’Amérique du sud ; Amor

en Custodia a d’ailleurs une version co-

lombienne datant de 2009). C’est grâce

à cette histoire ayant fait ses preuves

qu’univision a pu s’imposer dans le

panorama nord-américain. Le final de

la série a été vu, en juillet dernier, par

une moyenne de 5,2 millions de spec-

tateurs sur tout l’épisode de 2h, avec

un pic à 7,6 millions ! Mieux encore, la

série était première de sa case horaire

sur les cibles si convoitées des 12-34

ans, des adultes ayant entre 18-34 ans,

des hommes entre 18-49 ans, et des

femmes entre 18-49 ans ! Que deman-

der de plus ?

Page 14: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

fusant des dessins animés déjà connus

aux USA et doublés en espagnol), pro-

duire plus de contenu original, pro-

poser des sous-titres anglais pour les

programmes de primetime brefs tous

les moyens sont bons ! La diffusion

d’événements sportifs, notamment,

va permettre aux deux networks de fi-

déliser leurs spectateurs, surtout avec

la diffusion de compétitions de foot,

ou plutôt soccer, sport auquel les spec-

tateurs anglophones n'ont pas facile-

ment accès (c'est une chaîne du câble

non-basique qui en détient les droits

en anglais), et que les autres chaînes

snobent au profit du football améri-

cain. Quelques unes des meilleures

audiences des deux chaînes sont ainsi

réalisées par des soirées sportives.

Ces dernières années, Telemundo et

Univision sont également très atten-

tives à leurs émissions d’information

ou de débats politiques ; le « vote his-

panique » n’est en effet plus à négli-

ger, et les networks veulent s’imposer

comme des leaders d’opinion dans la

communauté hispanophone.

 Et du côté des séries ? Si les teleno-

velas occupent une place largement

majoritaire dans les grilles des deux

chaînes (et on va y revenir dans un

instant), les networks s’intéressent

aussi ponctuellement à la comédie,

par exemple. Les années 90 et le tout

début des années 2000 étaient par-

ticulièrement fructueuses de ce cô-

té-là. Les deux networks principaux

étaient alors soupçonnés de vouloir

calquer leur programmation sur celle

des chaînes anglophones, et on a vu

émerger des sitcoms à l’américaine.

Par exemple, en 1998, Un Angel en la

Casa apparait sur les écrans, et rap-

pelle étrangement Madame est servie

(Who’s the boss ? dans son pays), avec

une femme active qui embauche un

homme pour s’occuper de sa famille

tandis qu’elle se dédie à son travail. Il

ne s’agit pas d’un remake officiel de

la série avec Tony Danza, mais per-

sonne ne se fait vraiment d’illusion,

en la voyant, sur ce que Telemundo

tente d’entreprendre avec cette série.

Cette initiative dans le domaine des

comédies, couronnée d’un succès très

modéré dirons-nous, va être de courte

durée. Les comédies vont lentement

disparaître des networks hispaniques

mais pas durablement : Univision a

annoncé 3 nouvelles comédies lors

des upfronts du printemps dernier, et

par ce biais, elles pourraient bien faire

leur retour progressif dans les grilles.

Pour le moment, il n’est cependant

pas question de produire ces séries sur

le sol américain, et les comédies sont

généralement des acquisitions aussi

peu coûteuses que possibles venues du

Mexique.

Quelques séries d’action et/ou poli-

cières apparaîtront également au fil

des années, mais de façon très spora-

dique. Ces genres ne font pas partie de

la culture télévisuelle des pays d’Amé-

rique du Sud au même degré que les

comédies ou surtout les telenovelas.

 Pendant bien longtemps, c’est l’ac-

quisition de ces fictions à l'étranger

qui a primé. Univision achetait des

séries produites par (ou plus tard, co-

produites avec) Televisa au Mexique,

14 MORE TV

relaciones peligrosas

Dans le but de draguer un public tou-

jours plus jeune, les networks hispa-

niques ont entrepris de rajeunir leurs

fictions. L’une des excellentes démons-

tration de cette démarche est l’adapta-

tion de la série espagnole Física o Quí-

mica (diffusée en France sous le titre

physique ou Chimie), un teen drama

s’alignant sans problème sur des fic-

tions anglophones comme gossip girl

ou skins. proposée en seconde partie

de soirée et presque totalement dé-

nuée de censure, la série rassemble dé-

but 2012 environ un million de jeunes

spectateurs en quotidienne. Autant

de monde qui ne regarde pas, du coup,

des chaînes comme the Cw ou ABC

Family… Les essais ne se borneront pas

à cette série : désormais, chacun des

deux principaux networks a une filiale

spécialisée qui courtise le jeune public

hispanophone.

Page 15: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

ou au Venezuela avec Venevision; Te-

lemundo privilégiait son partenariat

avec RTI Colombia, ou en second lieu,

avec le mexicain Argos Comunicación.

Ces paris se sont avérés fructueux, à

plus forte raison car la popularité des

telenovelas dans leur pays original

alimente le bouche à oreille, et fait

baisser d’autant le budget de commu-

nication des chaînes aux États-Unis.

En se servant des pays hispanophones

comme d’un banc d'essai, les grands

networks comme Telemundo et Uni-

vision peuvent aussi sélectionner

les telenovelas qui rencontrent déjà

un fort enthousiasme dans leur pays

d’origine, et ainsi éviter l’échec avec

plus de facilité.

 Désormais les chaînes s’intéressent

de plus en plus à la production de sé-

ries originales ; en particulier, cette

politique a été énormément dévelop-

pée par Telemundo depuis son acqui-

sition par NBC Universal. De son côté,

Univision n’hésite pas à recourir à ses

partenariats, ou à en créer d’autres.

N’allez pour autant pas croire que les

séries originales soient un phénomène

totalement récent : la première à être

apparue date de la fin des années 80

(voir encadré). Malheureusement,

les finances permettent rarement, à

cette époque, un investissement mas-

sif dans des séries originales ; cela

explique le rôle majeur des co-pro-

ductions avec l'étranger, permettant

d'inviter des stars internationales de

la telenovela pour des projets d'im-

portance.

 Ce sont bel et bien les réussites phé-

noménales de ces dernières années

qui ont donné aux chaînes l’impulsion

nécessaire à l’exploration de la fiction

originale.

L’un des exemples les plus parlants est

La Reina del Sur, lancée par Telemundo

en partenariat avec RTI en Colombie

et Antena3 en Espagne. La telenovela,

qui surfe sur la vague des « narcono-

velas » dont l’intrigue mêle à la fois

romance et rebondissements autour

de la question du trafic de drogues,

sans oublier une large dose de sus-

pense et d’action ; la série rencontre

un fulgurant succès, et au terme de

sa diffusion, son final permet à Tele-

mundo de connaître ses meilleures

audiences depuis 19 ans ! Le network

est tellement satisfait de la série qu’il

entreprend une campagne pour es-

sayer de faire nommer la série aux Pri-

metime Emmy Awards, une première.

La campagne ne portera pas ses fruits,

mais attirera plus encore l’attention

sur la programmation des networks

hispaniques. La Reina del Sur a depuis

été diffusée dans de nombreux pays

du monde où son succès ne s’est pas

démenti, rentabilisant ainsi l’inves-

tissement initial dans la série ; il s’agit

en effet de la production la plus coû-

teuse de l’histoire de Telemundo, avec

un budget de 10 millions de dollars et

un tournage allant jusqu’au Maroc. En

juin dernier, Telemundo annonçait la

mise en chantier d’un sequel; après

tout, pourquoi tuer la narcotrafiquante

aux œufs d’or ?

Les records d’audiences de La Reina

del Sur ont depuis été régulièrement

battus par d’autres telenovelas de la

chaîne, à l’instar d’El Señor de los Cie-

los, que le network s’est empressé de

renouveler pour une deuxième saison,

ce qui là encore est une première. Par

définition, les telenovelas n’ont d’or-

dinaire pas la chance de revenir ; ce

choix, typiquement nord-américain,

montre que des mutations sont en

train de s’opérer dans la façon d’en-

15MORE TV

angélica, mi vida

pour la première fois, une chaîne amé-

ricaine diffuse une telenovela produite

sur son sol. prenant le parti de rassem-

bler le public hispanique, la série met

en scène trois familles venues de trois

pays différents : le Mexique, porto rico

et Cuba. L’action se déroule entre trois

villes américaines à forte immigration

latine, à savoir Miami, new york, et

san Antonio au texas ; le but est avant

tout de dépeindre la vie ordinaire du

public (pour autant qu’une telenovela

avec 140 épisodes de rebondissements

puisse être ordinaire !). et pourtant, en

lançant la série, telemundo ne croît pas

qu’elle va marcher, et s’attend même à

un gouffre financier, voire une catas-

trophe de production quand le script

prend plus de temps que prévu à être

écrit, ou que les acteurs, peu rodés au

rythme de tournage des telenovelas,

s’épuisent en cours de route. et pour-

tant Angélica, mi vida a réussi son pari

en lançant un nouveau genre de tele-

novela, capable de rassembler le public

hispanique mais aussi d’attirer un pu-

blic anglophone.

Page 16: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

visager la programmation hispano-

phone aux États-Unis.

 Vous l’aurez compris, à bien des

égards, les networks hispaniques des

États-Unis ont encore un bel avenir

devant eux ; sur un plan purement

financier, par exemple, la télévision

hispanique est l’un des rares secteurs

connaissant une augmentation des

dépenses de la part des annonceur, un

facteur très important !

Les chaînes anglophones l’ont bien

compris, et essayent depuis plusieurs

années de récupérer une partie des

spectateurs de ces chaînes ; des tenta-

tives comme Ugly Betty ou plus récem-

ment Devious Maids y parviennent, en

adaptant des séries sud-américaines

mais jamais durablement. Contraire-

ment à d’autres minorités aux USA, les

hispaniques ont un marché télévisuel

suffisamment dense et divers à leur

disposition pour n’avoir plus autant

besoin des « big four » ou des autres

chaînes anglophones pour se divertir,

tout en se reconnaissant dans ce qu’ils

regardent. En cela, la télévision his-

panophone est encore une exception

dans le panorama américain.

 Plutôt que de chercher à tout prix à

combattre cette tendance, de plus en

plus de groupes investissent eux aussi

dans la télévision en espagnol. C’est

ainsi le cas de MundoFox, une filiale,

vous l’aviez deviné, de Fox, lancée en

2012 et qui, avec des séries plus courtes

que les telenovelas traditionnelles

(qu’en Amérique du Sud on qualifie

de « teleseries »), et s’adressant à un

public traditionnellement plus mas-

culin, avec beaucoup d’action, espère

trouver la bonne formule pour s’im-

miscer sur le marché. En s’appuyant

sur les productions des studios Fox

Telecolombia, déjà très prolifiques,

la petite chaîne espère bien faire son

trou. Le succès de la teleserie El Capo,

l’an dernier, lui a ainsi donné une oc-

casion de se faire remarquer par les

spectateurs. La chaîne propose aussi

des séries américaines de Fox avec un

doublage en espagnol, à l’instar de

Bones. Avec une cible potentielle de 53

millions d’Hispaniques, et une démo-

graphie nationale qui indique que les

prochaines années seront toujours

plus radieuses, les possibilités d’ex-

pansion semblent infinies. Comme on

dit chez nos amis les Américains : el

cielo es el límite !

16 MORE TV

Quand elle avait 5 ans et demi, ladyteruki, accroupie sous un fort fait à partir de coussins du sofa, s’est écriée

: « je veux rentrer dans la télé ! ». Âgée à présent de 32 ans, elle n’a pas abandonné ce noble objectif, et

explore son sujet favori sur le site ladyteruki.com, où elle discute des fictions de toutes les époques et de

tous les continents.

à propos de l'auteur

metástasis

Le succès de Breaking Bad dans le

monde entier encourage univision à

commander une adaptation co-pro-

duite avec la Colombie, qu’elle bap-

tise Metástasis. problème : lorsque

l’annonce est faite et même, que le

pilote est tourné, les négociations sont

encore en cours avec sony qui détient

les droits de la série diffusée par AMC.

en dépit de la bande-annonce qui

circule à la vitesse de l’éclair, et des

espoirs d’univision pour attirer un pu-

blic anglophone qui se tournerait vers

l’adaptation par nostalgie suite à la fin

de Breaking Bad, la diffusion de Metás-

tasis est maintenant… en stase. une

autre adaptation de série anglophone

a déjà vu le jour (sans imbroglios juri-

diques !) : gossip girl Acapulco, lancée

fin 2013 par UniMás, une filiale d’Uni-

vision ciblant un public jeune. une pra-

tique qui pourrait se développer ?

Page 17: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

dealing tv

Février 2014

Une nouvelle façon de partager sa passion.

dealingtv.com

Page 18: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

lE cOnsulTanT spécialiséAtout MAJeur Des séries

texte : suLLivAn Le CorviC - pHoto : MentAList / wArner Bros.

18 MORE TV

La production sérielle massive, depuis les années 1990, s’est révélée fructueuse des plus belles et intenses expé-

rimentations télévisuelles et a collectionné des moments d’anthologie uniques et rares dans l’univers audiovi-

suel. Regroupant des milliers de séries de tous les formats et de tous les genres, elle regorge logiquement de

similitudes plus ou moins fortuites, de rapprochements thématiques plus ou moins importants et d’œuvres plus

ou moins réussies. Et dans tout cet imbroglio de créations savamment imaginées et construites, une figure trans-

cende les âges, les concepts et les networks : le consultant spécialisé.

Page 19: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

 Il s’agit de mettre à disposition de

la police une expertise, un don par-

ticulier, une façon différente d’ap-

préhender les problèmes. Vous les

connaissez forcément ou vous en avez

déjà entendu parler au cours de vos

conversations. Ils portent une série

sur leurs épaules et leurs noms déter-

minent souvent, à eux seuls, l’univers

de la fiction. Qu’ils aient une vingtaine

d’années ou qu’ils viennent juste de

dépasser le stade de l’imagination

pour nous offrir de belles séquences

d’émotions télévisuelles, vous fre-

donnez leur nom bien plus que vous ne

le pensez : Le Mentaliste Patrick Jane,

l’asocial Sherlock Holmes, l’écrivain

Richard Castle, l’amnésique John Doe,

le dangereux fugitif Raymond Red-

dington ou encore l’irrésistible Monk.

Cette liste non exhaustive est l’une

des preuves saisissantes que la thé-

matique n’est pas une exception et

qu’elle a réussi à se frayer un chemin,

pour le meilleur et pour le pire, dans

l’imposante production feuilleton-

nante.

 En effet, le consultant est avant tout

un atout scénaristique permettant de

pimenter le quotidien policier, vu et

revu dans les procedurals. Sa particu-

larité première réside

dans sa néophilie pro-

fessionnelle : il ou elle

n’y connait pratique-

ment rien dans les pro-

cédures policières mais

sa spécificité va instantanément le

transposer dans cet univers inconnu.

Les scénaristes vont alors identifier

grossièrement les points atypiques du

personnage pour les mêler astucieu-

sement avec le comportement com-

mun du policier fictionnel.

 Le concept un temps novateur de la

franchise des Experts par exemple a

tendance à lasser, à se répéter et à dé-

laisser presque totalement la touche

d’extraordinaire qui surprend et im-

pressionne quelque peu. Dès lors,

les drames et les comédies se retran-

chant derrière le charisme physique

et/ou psychologique du consultant

s’assurent une marge de manœuvre

scénaristique osée mais conséquente

pour étendre leurs aventures sur plu-

sieurs saisons. Elemen-

tary, Sleepy Hollow et

Medium ne seraient-

elles pas fades sans cet

élément d’extranéité

? Serions-nous aussi

assidus, aussi mordus de ces séries si

Teresa Lisbon et Kate Beckett résol-

vaient seules leurs affaires ?

 Ce n’est pas nouveau, le personnage

hors du commun que cela soit par

ses aptitudes (Sherlock Holmes dans

Sherlock et Elementary, Shawn Spencer

dans Psych, Allison Dubois dans Me-

dium, Johnny Smith dans Dead Zone)

ou par son caractère (Richard Castle et

Adrian Monk dans leur série éponyme)

a un intérêt beaucoup plus marquant.

La morosité du quotidien est contre-

balancée par cet individu sorti des

sentiers battus qui va métamorphoser

l’ensemble du casting, en bien ou en

mal. La puissance d’un tel personnage

se retrouve en effet dans la dimension

chorale de l’histoire : cette unicité dra-

matique, en plus de dévoiler une autre

dimension du domaine profession-

nel visé, conduit à une mutation des

autres personnages qui, au contact du

consultant, vont être amenés à chan-

ger leurs perspectives. Et réciproque-

ment : même si l’écriture s’attache à

rendre le consultant exceptionnel, elle

ne le déshumanise pas pour autant.

19MORE TV

Dulé Hill et James roday dans Psych

tom Mison et nicole Beharie dans Sleepy Hollow

« sa particularité

première réside dans

sa néophilie

professionnelle »

psy

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Page 20: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

Ainsi, tout est fait, le plus souvent,

pour que les influences soient mu-

tuelles.

 Récemment et comme premier

exemple, Sleepy Hollow démontre par-

faitement cette utilité : Abbie Mills est

une agent de police pragmatique qui

s’efforce de ne pas croire au surna-

turel mais sa collaboration avec Icha-

bod Crane (espion pour le compte de

George Washington pendant la Guerre

d’Indépendance) réveille un nouveau

trait de caractère et l’obligera à renouer

des liens familiaux. Crane, quant à lui,

doit s’appuyer sur les connaissances

contemporaines d’Abbie pour obtenir

un semblant de vie sociale.

 Dans Elementary, le lien qui unit

Sherlock Holmes et Joan Watson en

plus d’être un superbe prétexte de

complémentarités émotionnelles

entre les deux les

conduit à en ap-

prendre un maxi-

mum l’un de

l’autre. Sherlock

contrôle de mieux

en mieux ses émo-

tions et ses obsessions alors que Joan

maitrise rapidement les techniques de

détective et se redécouvre profession-

nellement.

 L’efficacité d’un tel processus,

d’une telle mise en avant tient surtout

à la qualité et à la cohérence de l’écri-

ture. On ne le répètera jamais assez

mais un très bon acteur n’est pas à

l’abri d’un piètre scénario, et malgré

toute sa bonne volonté il est rare qu’il

rattrape la faiblesse de l’ensemble des

répliques.

Néanmoins, les Cop-Show qui jouent

de cet instrument dramatique et/ou

comique ont un succès commercial

et critique plus ou

moins conséquent.

Dans la catégorie «

séries peu convain-

cantes », on peut

lister John Doe (une

seule saison, 21 épi-

sodes), Lie To Me (3 saisons, 48 épisodes),

Dead Zone (6 saisons, 80 épisodes),

Numbers (6 saisons, 118 épisodes).

Alors que dans celle des « séries à re-

garder absolument » on peut retrou-

ver Medium (7 saisons, 130 épisodes),

Monk (8 saisons, 125 épisodes), Sher-

lock (2 saisons, 6 épisodes) et Elemen-

tary (2 saisons, 35 épisodes).

 Cette liste n’est en rien révélatrice

d’une adéquation systématique entre

qualité de l’écriture et succès com-

mercial : malgré le maigre intérêt que

pouvaient avoir Dead Zone ou Num-

bers, deux séries qui n’ont malheu-

reusement rien révolutionné, elles

ont, toutes les deux, atteint la sixième

saison, étape non négligeable dans la

vie d’une série. Ainsi, bien que le scé-

nario, le pitch de départ et les intri-

gues ne soient pas les points forts et

essentiels d’une ou plusieurs fictions

misant sa popularité sur le consultant,

le succès pointe le bout de son nez

dans la majorité des cas et renforce

le poids de l’institution qu’est deve-

nu le Consultant Spécialisé. Au vu de

tous ces spécialistes qui occupent nos

écrans de télévision, d’ordinateur et

de tablette, qui sera le prochainla pro-

chaine à déposer ses valises et à briller

de sa singularité ?

Éduqué à la sauce X-Files, déclencheuse de mon imperturbable addiction, je suis, depuis ma tendre enfance,

un véritable tout-à-tout sériel et je ne peux échapper au qualificatif de « geek » dont j'assume l'entière

définition. Egalement chroniqueur « Séries » sur TéléNantes, je voue un culte absolu pour ce format fic-

tionnel et je n'hésite pas à faire partager cette passion.

à propos de l'auteur

20 MORE TV

« l'efficacité d'un tel pro-

cessus, d'une telle mise en

avant tient surtout à la

qualité et à la cohérence

de l'écriture »

tim roth dans Lie To Me

Lie to

Me

: Fo

x

Page 21: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

le top 5

01

02

03

04

05

sherlockeLeMentAry, CBs

allison duboisMeDiuM, nBC & CBs

will graham & hannibalHAnniBAL, nBC

sherlock holmessHerLoCk, BBC one

adrien monkMonk, usA network

21MORE TV

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Page 22: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

Sleepy Hollow s'affiche comme la bonne surprise de la rentrée. pourquoi faut-il donner une chance à cette adap-

tation du mythe du cavalier sans tête et quels sont ses points forts qui donnent envie de voir la suite.

 La première fois que j’ai entendu

parler de Sleepy Hollow adapté en sé-

rie, j'ai toute de suite pensé que c’était

stupide. « Encore des scénaristes qui

n’ont pas d’idées originales et qui

veulent transformer à leur sauce un

film déjà parfait », me suis-je dis. Ce

n’est qu’après la diffusion du premier

épisode que ma sœur m’a dit : « Tu

devrais regarder cette série, en fait,

c’est vraiment bien ». Et me voilà

aujourd’hui chers lecteurs pour vous

faire l’éloge de Sleepy Hollow, la série.

 Diffusée sur la Fox le lundi soir aux

États-Unis, elle raconte l’histoire

d’Abbie Mills, lieutenant de police

dans la ville Sleepy Hollow et d’Icha-

bod Crane, qui grâce

aux dons magiques

de son épouse Katrina

Van Tassel, a pu voya-

ger dans le temps pour

arriver à l’époque contemporaine.

 Après avoir combattu sous les dra-

peaux anglais lors de la guerre d’in-

dépendance, il est passé dans l’autre

camp pour servir d’espion à Georges

Washington. Malheureusement, sa

première rencontre avec le cavalier

sans tête l’a laissé mourant, ce qui a

contraint Katrina à le protéger en l’em-

prisonnant dans notre présent. Vous

devez surement pen-

ser : « mais qu’est-ce

que c’est que ce truc ?

». Il se peut que mon

résumé ne fasse pas

honneur à la complexité de la situa-

tion dans laquelle les personnages

sont plongés dès le pilote mais le ton

de la série est clairement fantastique,

et les épisodes s’enchaînent pour nous

exposer petit à petit la mythologie de

cet univers.

 Nous avons donc un cavalier, qui a

22

texte : gwLADys - pHoto : sLeepy HoLLow / Fox

MORE TV

« la série nous expose

petit à petit la Mytho-

logie de cet univers »

pROMEnOns-nOus dans lEs bOistAnt Que Le CAvALier sAns tête n'y est pAs

Page 23: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

Dans un univers parallèle, j’ai probablement un blog que j’alimente d’articles formidables débattant de

divers sujets culturels. Le reste de mon temps libre, je le passe en compagnie d’Indiana Jones à découvrir des

trésors nazis perdus. Dans ce monde ci, je suis une pauvre étudiante en lettres noyée dans la masse de gens

qui ne savent pas très bien où ils en seront dans dix ans. Et je mets mes compétences de rédaction (le secret

: une bouteille de whisky et un paquet de clopes à 23h) au service de notre grande passion à tous : les séries.

à propos de l'auteur

été décapité par Ichabod pendant la

guerre d’Indépendance. La perte de sa

tête n’a pas eu trop de conséquences

sur le cavalier, puisqu’il est un des

quatre cavaliers de l’Apocalypse, des

créatures démoniaques venues pré-

parer l’arrivée du Diable sur Terre. Il a

donc suivit Ichabod jusqu’au XXIème

siècle, et sème la terreur dans Sleepy

Hollow. Abbie, qui croit d’abord que

c’est Ichabod qui décapite les victimes,

est rapidement convaincue qu’ils ont

besoin de travailler ensemble pour

trouver un moyen de stopper le cava-

lier et les autres démons en tout genre.

Les scénaristes se sont révélés pleins

d’imagination, sans pour autant

perdre en cohérence.

 Au niveau de la réalisation, dès le

pilote, les mouvements de caméra

un peu particuliers et

les nombreux filtres

ajoutés peuvent en

surprendre plus d’un,

voire les agacer. C’est

néanmoins très inté-

ressant à observer,

puisque cela permet au spectateur de

s’immiscer totalement dans l’atmos-

phère angoissante de la série. Je me

rappelle notamment d’une scène de

poursuite dans la forêt de Sleepy Hol-

low, lieu gothique par excellence, où

la lumière des plans changeait peu

à peu : intense, puis obscurcie par le

brouillard montant, pour finalement

devenir très sombre. De plus, la vic-

time de la poursuite se retrouvait sys-

tématiquement prisonnière des élé-

ments naturels dans chaque plan : le

feuillage constituait un cadre et les

arbres étaient comme les barreaux

d’une prison. C’est agréable les séries

qui soignent leur réa-

lisation, qui portent

une attention particu-

lière aux couleurs et au

rendu visuel, et Sleepy

Hollow entre dans cette

catégorie.

 Enfin, cette première saison a ré-

vélé de très bons acteurs. Tom Mison

est simplement excellent dans le rôle

de l’espion anglais venu d’une autre

époque ; il arrive à alterner moments

comiques (la découverte d’Internet

par Ichabod : mémorable !) et drama-

tiques avec un équilibre parfait. Quant

à Nicole Beharie, elle campe avec brio

la flic pleine d’assurance qui soutient

sans faillir son étrange co-équipier.

Je précise qu’il n'y a pas d’histoire

d’amour entre les personnages qu’ils

incarnent, mais une très belle amitié

faite de confiance et de loyauté. L’al-

chimie entre les acteurs est évidente,

ce qui contribue à rendre certaines

scènes encore plus fortes.

 Pour ceux qui se sont ennuyés et ont

sautés des paragraphes, je vais être

très gentille et je vais vous résumer

mon propos : Sleepy Hollow est une

très bonne nouveauté, d’autant plus

surprenante que le synopsis de départ

ne donne pas envie. Si vous aimez les

séries fantastiques menées par des

acteurs brillants, dont l’écriture est

suffisamment intelligente pour garder

le spectateur en haleine sur toute une

saison, alors allez-y ! Pour ma part, elle

figurera sur ma courte liste des Séries

A Reprendre Après Les Vacances…

23MORE TV

« sleepy hollow

porte une attention

particulière aux

couleurs et

au rendu visuel »

tom Mison et nicole Beharie dans Sleepy Hollow

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Page 24: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

Lancée en 2012 par CBS, Elementary relate l’histoire d’un Sherlock Holmes immigré à New-York après une cure

de désintoxication, bientôt rejoint par Joan Watson pour l’aider. Du réchauffé ?

 Dès le départ, les téléspectateurs

étaient sceptiques quant à la nouvelle

série de CBS, Elementary. En effet,

avant même la diffusion du pilote, en

septembre 2012, la série était décriée,

critiquée pour être une énième adap-

tation de l’œuvre d’Arthur Conan

Doyle. Adaptation moderne, surfant

sur la vague Sherlock de la BBC. Mais,

insulte suprême, avec un Watson de

sexe féminin. Face à une telle levée

de bouclier des fans, la série semblait

bien mal embarquée.

 Arrive la diffusion du pilote, et

surprise, on y retrouve un Sherlock

Holmes, bien Anglais, ancien drogué

immigré à New York pour une cure de

désintoxication et qui a pour « com-

pagnon de sobriété » engagée par le

père Holmes, une certaine Joan Wat-

son, ancien chirurgien.

Sherlock étant Sherlock, il décide

d’aider la police de New York dans la

résolution de certains crimes commis

dans la Grosse Pomme. Les références

à l’œuvre de Conan Doyle sont nom-

breuses, mais Elementary tient sur-

tout du procedural. Rapidement, et

contrairement à ce qu’aurait pu laisser

supposer les premiers épisodes de la

saison 1, Elementary s’éloigne de Sher-

lock, beaucoup plus centrée sur une

adaptation des livres.

 Une des menaces pesant sur Ele-

mentary était le duo Sherlock / Watson

homme et femme.

ElEMEnTaRy, Ma chèRE waTsOn

texte : tHiBAuLt CoLLArt - pHoto : CBs stuDios inC

24 MORE TV

Page 25: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

Belge et étudiant en traduction à l'université de Mons, je suis plutôt éclectique niveau série, je touche un

peu à tout. J'ai débuté par Heroes, pour enchainer avec How I Met Your Mother et d'autres séries au fur et à

mesure. Actuellement, ma préférence séristique se porte sur Ripper Street, Masters of Sex, Adventure Time et

Revolution.

à propos de l'auteur

Certains craignaient un rapproche-

ment amoureux des deux. Bien vite,

cette idée est mise au placard par les

producteurs, qui jurent que nos deux

héros ne finiront pas

ensemble. Et jusque-

là, ils tiennent parole,

la série développe

l’amitié et le respect

mutuel que se vouent

les deux protagonistes. Un lien bien

plus intime que celui vu dans Sherlock

et qui, contrairement à celui existant

dans cette dernière, évolue.

 La série n’a évidemment rien d’ori-

ginal. À chaque épisode son affaire,

son enquête et sa résolution. Rien

d’étonnant, venant de la chaîne créa-

trice des Experts, qui ne change pas un

concept gagnant. Il faudra donc at-

tendre la mi-saison avant d’avoir droit

à un début de fil rouge

et la saison deux, qui a

débuté en septembre

2013, offre à son tour

son lot de nouveautés.

 Moins novatrice

et plus traditionnelle que le Sherlock

de la BBC, Elementary a, au fil de ces

deux premières saisons, approfondit

la relation entre Sherlock et Watson.

On en apprend plus sur les raisons de

l’addiction de Sherlock, interprété par

un Jonny Lee Miller survolté et tatoué

, ainsi que sur son passé et de celui de

Watson, jouée par Lucy Liu, intransi-

geante mais néanmoins attachante.

Souvent, la série nous rappelle que

Sherlock n’est qu’un homme et que,

contrairement à ce qu’on pourrait

penser, il n’a pas totalement changé.

Les différentes affaires que prennent

le duo ne sont qu’une béquille au dé-

veloppement de la relation des per-

sonnages, l’éloignant encore un peu

plus de la version britannique.

 La série mérite au moins d’être vue

pour cela : une vision humaine de

Sherlock Holmes, avec ses qualités

et ses défauts, et qui, plus d’une fois,

vous offrira des moments d’émotions.

« la série développe

l'amitié et le respect

mutuel que se vouent

sherlock et watson »

25MORE TV

Jonny Lee Miller et Lucy Liu dans Elementary

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Page 26: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

Mais qui es-tu shonda rhiMes ?

 Grey’s Anatomy, Private Practice, Scan-

dal… Trois séries qui ont une femme

en commun : leur créatrice, Shonda

Rhimes. À 43 ans, la réalisatrice, scé-

nariste et productrice commence peu

à peu à sortir de l’ombre, pouvant

enfin se permettre de faire ce que ses

camarades font depuis une décennie :

utiliser son nom comme une arme de

vente massive pour ses shows. Mais

avant de devenir la star d’ABC qu’on

connaît aujourd’hui et la patronne

de l’empire Shondaland, la produc-

trice venue de l’Illinois a dû faire ses

preuves… et trouver le bon filon.

une enfant obsédée par les livres

et les contes

 Shonda Rhimes naît en 1970 à Chica-

go d’une mère professeur de lycée et

d’un père gestionnaire d’université.

Très tôt, elle développe un véritable

amour pour les contes et confie d’ail-

leurs qu’à 4 ans, elle dictait déjà ses

propres histoires au dictaphone pour

que sa mère puisse ensuite les écrire…

Pas étonnant donc qu’au lycée, elle

passe son temps à écrire, à jouer dans

des pièces de théâtre et à réaliser

quelques courts-métrages. En démé-

nageant à San Francisco avec une de ses

sœurs et en obtenant un travail dans la

publicité, elle est à deux doigts de rater

sa voie. Mais c’était sans compter sur

la personnalité hors norme de Shonda

Rhimes et son envie de repousser tou-

jours plus ses limites ! La légende veut

en effet que la scénariste se soit ins-

crite à U.S.C - pour apprendre l’écri-

ture de scénarios, après avoir lu un ar-

ticle expliquant qu’il était plus dur d’y

entrer qu’à Harvard. Un challenge qui

lui a plutôt bien réussi ! « Je n’avais

jamais réussi à finir d’écrire un roman

parce que c’est trop long. J’adore la

fiction, mais je n’arrive pas à écrire

quatre pages sur la description d’une

armoire antique. Ça me donne mal au

crâne. Mais l’écriture de scénarios est

propre. Il y a de l’action, du dialogue

et finalement, ça me convient bien. »

À tel point qu’elle gagne le prix Gary

Rosenberg.

Grey’s anatoMy, ou la chance

d’une vie

 Son master en poche, Shonda

Rhimes se lance dans la jungle hostile

des auteurs à Hollywood. Et la jeune

femme a beau être douée, elle devra

d’abord enchaîner de nombreux petits

boulots avant de finalement trouver

un travail dans ses cordes : directrice

des recherches pour le documentaire

Hank Aaron: Chasing the Dream. Enfin,

en 1999, elle réalise le téléfilm Intro-

ducing Dorothy Dandridge pour HBO,

qui vaudra en autres à Halle Berry de

gagner un Emmy et un Golden Globe.

Elle écrira et réalisera ensuite plu-

sieurs films pour ados plutôt éton-

portrait

shOnda RhiMEs

texte : AuréLie CorBin - pHoto : « An evenning witH sHonDA rHiMes & FrienDs » / piCture group

26 MORE TV

Page 27: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

nants, mais ça, c’est une autre histoire

contée dans « Le Saviez-vous ? ».

Vous vous demandez pourquoi j’ai

pris la peine de vous faire un résumé

non exhaustif de la vie de Shonda

Rhimes ? Tout simplement pour vous

démontrer que malgré

quelques années diffi-

ciles, l’avènement de

la réalisatrice fut ra-

pide et surtout… inat-

tendu. En 2002, Shon-

da accueille la première de ses trois

filles : Harper. Et c’est finalement en

s’occupant d’elle et en restant bloquée

à la maison face à la télé que la scé-

nariste découvrira (et cela pour notre

plus grand bonheur) le monde com-

plexe des séries TV. « Je suis devenue

accro à Felicity , à Buffy contre les vam-

pires, Sex and The City et Les Sopranos

! » C’est alors qu’elle décide d’écrire

elle-même la série parfaite, celle qui

lui plairait. Son premier projet sur des

correspondants de guerre est rapi-

dement acheté par Touchstone mais

finit au placard à cause du début de la

guerre en Irak. Ce sera un mal pour un

bien, car la scénariste apprend ensuite

qu’ABC cherche une nouvelle série

médicale : Grey’s Anatomy et ses ap-

prentis chirurgiens sont nés.

Dès sa première série, Shonda Rhimes

impose sa vision des choses. Il faut

dire qu’à l’époque, elle ne sait même

pas qu’on peut virer le showrunner

d’une série… Cet excès de confiance

lui permettra de façonner les

personnages qu’elle imagine :

des chirurgiennes ambitieuses,

d’autres lesbiennes, des couples

interraciaux ou adultères. Shon-

da Rhimes explore toutes les

facettes des êtres humains,

tout en offrant des histoires

d’amour niaises à souhaits, des intri-

gues haletantes et des cliffhangers à

gogo (quitte à en faire trop et à nous

faire croire que Seattle est la ville de

toutes les apocalypses). Et même si

le show a souffert de quelques turbu-

lences à cause d’une

mésentente entre les

acteurs, il a permis à la

créatrice d’apprendre

à travailler en équipe

(elle a plusieurs scé-

naristes sous ses ordres) et à faire ses

premières erreurs…

Un succès phénoménal qui façonne sa

carrière et lui offrira quelques années

plus tard sa propre société de produc-

tion, Shondaland.

Et ce petit manège surmonté d’un

cœur est bien plus que deux ou trois

séries à succès, c’est une véritable vi-

sion de l’espèce humaine. Car en nous

divertissant, Shonda Rhimes bouscule

nos habitudes et la façon dont on re-

garde notre petit écran.

shonda rhimes, une wonder wo-

man des temps modernes

 Vous êtes-vous déjà demandé pour-

quoi Shonda Rhimes mettait autant de

personnages féminins forts dans ces

séries ? Meredith Grey, Cristina Yang,

Dr Addison Forbes Montgomery, Oli-

via Pope… Des héroïnes aux caractères

bien trempés et qui gèrent leur vie

d’une main de fer, malgré leurs failles

et leurs faiblesses. Des personnages

dans lesquelles la scénariste doit

sûrement se retrouver ! Après tout,

Shonda Rhimes gèrent deux séries (la

saison 10 de Grey’s Anatomy et la sai-

son 3 de Scandal), tout en s’occupant

de ses trois enfants, Harper, Emerson

(deux enfants adoptés) et Beckett (une

fille qu’elle a eu par mère porteuse)…

Les propres dilemmes de la showrun-

ner se retrouvent d’ailleurs dans ses

séries, comme quand Meredith doit

jongler entre sa vie de famille et

sa carrière ou quand le Dr Mon-

tgomery dans Private Practice se

lance dans l’adoption d’un bébé

en étant mère célibataire…

Son secret pour équilibrer car-

27MORE TV

« dès sa première

série, shonda rhimes,

impose sa vision des

choses »

shonda rhimes aux nAACp image Awards en 2009

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Page 28: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

rière professionnelle et vie de famille

bien remplie ? Outre une véritable

passion pour ses univers et ses per-

sonnages, c’est bien évidemment

l’organisation. D’ailleurs, ses enfants

ont des chambres en face des bureaux

qu’elle occupe :

une façon pour elle

de voir ses trois

filles entre deux

prises ou entre les

lectures de script.

Et malgré un sa-

laire de 12 millions de dollars par an,

Shonda Rhimes garderait un style de

vie des plus simples.

Vous l’aurez compris, pour Shonda

Rhimes, ce sont les femmes qui ont

le pouvoir ! Mais pas que… La scéna-

riste et productrice a complètement

chamboulé le paysage audiovisuel en

accordant plus de place aux minorités

ethniques (après tout, Kerry Wash-

ington est la première héroïne afro-

américaine sur le petit écran depuis

presque 40 ans) et aux homosexuels.

Changer le monde, un personnage à

la fois ? « Je n’ai jamais eu le projet

d’élever le niveau de conscience col-

lectif en termes de diversité raciale,

j’espérais juste montrer un monde

qui ressemblerait au nôtre. J’ai grandi

à une époque où les gens comme moi

n’avaient pas de place à la télévision.

Je comble le retard… », explique-t-

elle avec humilité.

Mais là où la productrice fait très fort,

c’est en sortant de sa zone de confort

pour créer Scandal, une série politique

sur les aventures d’Olivia Pope (jouée

par Kerry Washington, donc). Alors

que la troisième saison est actuelle-

ment en pause aux États-Unis (et sera

malheureusement plus courte que

prévue à cause de la grossesse de l’ac-

trice principale), Shonda Rhimes peut

se réjouir d’avoir réussi à emmener

ses fans dans un autre univers (90%

des téléspectateurs regardant Grey’s

Anatomy sur ABC regardent également

Scandal en deuxième partie de soirée)

tout en séduisant

de nouveaux séries

addicts ! Et si la

plupart s’enthou-

siasment surtout

des rebondisse-

ments à répétition,

l’air de rien, le show secoue encore le

monde du petit écran en racontant les

amours d’un couple adultère et inter-

racial, celui d’un couple gay et en met-

tant avant quelques vrais scandales

politiques.

quel avenir pour shonda rhiMes ?

Après 10 saisons et une audience

moyenne de 9 millions de téléspecta-

teurs, Grey’s Anatomy n’a plus grand-

chose à prouver, tandis que Scandal se

paie le luxe de gagner toujours plus

de téléspectateurs à chaque saison.

Mais on s’en doute, Shonda Rhimes

ne compte pas s’arrêter là et pré-

pare déjà son prochain challenge. En

plus de deux nouvelles séries (How

To Get Away with Murder), un thriller

juridique dont le pilote a été écrit par

Peter Nowalk, scénariste de Scandal

et producteur exécutif de Grey’s Ana-

tomy, et qui raconte les aventures d’un

professeur de défense pénale et ses

élèves, entraînés dans une histoire de

meurtre ; ainsi qu’une comédie non ti-

trée sur un groupe d’amis réunis suite

à d’étranges événements), la scéna-

riste et productrice va s’atteler à un

nouveau rêve : celui d’écrire enfin un

livre !

Mais cette fois, il ne s’agira pas

d’écrire de la fiction mais de raconter

sa propre vie sous la forme de ses mé-

moires. Celle qui se renferme quand il

s’agit d’évoquer sa vie privée va enfin

se dévoiler, de ses débuts à Hollywood

à la création de son empire, en pas-

sant par la construction de sa famille

en tant que mère célibataire. Un projet

ambitieux, qui devrait voir le jour en

2015. D’ici là, on compte sur elle pour

nous pondre d’autres séries à succès.

« shonda a complètement

chaMBoulé le paysaGe

audiovisuel en accordant

plus de place aux Minorités

ethniques »

shonda rhimes a écrit Un

Mariage de Princesse en 2004,

avec Anne Hathaway ! Qui l’eût cru ?

et pourtant, la scénariste chérit cette

expérience, qui lui a permis de travail-

ler avec l’actrice Julie Andrews. Avant

ça, elle avait déjà écrit Crossroads, le

film de 2002 avec Britney Spears. Deux

films violemment critiqués mais très

rentables !

elle a décidé de créer sa

famille après le drame du

world trade Center, qui lui a fait re-

considérer ses priorités.

La scénariste tient telle-

ment au girl power qu’on lui

a reproché le manque de personnages

masculins dans Grey’s Anatomy : c’est

pour ça que le personnage d’Alex karev

a été créé !

tandis que certains voient

Scandal comme une série

pour les filles, de nombreuses person-

nalités ont avoué leur amour pour le

show, comme pink, naomi Campbell,

Bill Clinton et Michelle obama.

kerry washington a créé

une nouvelle tradition sur le

plateau de Scandal : à chaque tournage

d’un épisode, le casting crie le numéro

de l’épisode, applaudit et tape sur les

meubles.

le saviez-vous ?

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28 MORE TV

Page 29: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

29MORE TV

Rédactrice web pour un site féminin, Aurélie a nourri sa passion des séries TV dès sa folle jeunesse à coups

de Trilogie du Samedi et de Séries Mag... Aujourd'hui, à 24 ans, elle se donne comme mission de regarder

chaque pilote de nouveautés tout en continuant à regarder ses shows préférés : pire que les 12 travaux

d'Hercule, en somme. Et comme elle n'arrive pas à garder toutes ses découvertes pour elle-même, Aurélie

parle de séries sur Smallthings.fr et sévit sur Twitter sous le pseudo @TheGirlyGeek !

à propos de l'auteur

les échecs de shonda rhimes

inside the Box

En 2010, Shonda Rhimes propose une

série sur une ambitieuse journaliste,

prête à tout pour réussir dans le monde

de la télévision. Même si la série n’a fi-

nalement pas été choisie par ABC, pas

mal de stars du casting ont été trans-

férées vers d’autres séries : Kim Raver

est devenue Teddy Altman dans Grey’s

Anatomy, et Sarah Drew est entrée

dans la peau d’April Kepner.

Gilded lilys

Premier essai de série historique pour

la showrunner ! Commandé en janvier

2012, le pilote a été filmé en mars et

devait raconter le quotidien de la fa-

mille Lily et de leurs employés dans la

gestion d’un hôtel de luxe en 1985. On

aurait dû y retrouver Madeline Zima,

ex-star d’une Nounou d’Enfer et de Cali-

fornication. Malheureusement, la série

n’a pas été choisie par ABC.

off the map

Après Grey’s Anatomy et Private Prac-

tice, Shonda Rhimes s’enfonce encore

un peu dans le monde médical… N’a-t-

elle pas peur de lasser ? Effectivement,

l’histoire de ces docteurs partis au Chili

pour prendre un nouveau départ ne

convainc pas et finit par être annulée au

bout d’une seule saison. On comprend

mieux pourquoi après ça, Shonda s'est

tournée vers la politique pour Scandal.

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Page 30: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

 Depuis que nous subissons avec

plaisir une inondation culturelle, no-

tamment en matière de séries grâce à

internet, nous avons pu découvrir qu'il

est possible de traiter subtilement de

sujets plus ou moins sensibles à tra-

vers ce média. Attention, loin de moi

l'idée de reprocher un manque de qua-

lité aux séries américaines, je suis le

premier à passer des heures devant

The Walking Dead ou Person of Interest

mais je remarque seulement qu'à part

quelques exceptions, Breaking Bad ou

The Wire, les séries américaines ont

tendance à être caricaturales.

des séries qui osent

Si je ne devais preter ne serait-ce

qu'une qualité à nos ennemies rosbifs

en matière de série ce serait la capa-

cité qu'ils ont à être innovant et à oser.

Alors qu'AMC se contente d'adapter le

célèbre comics The Walking Dead avec

ses traditionnels zombies lent dévo-

reurs de cervelle auxquels les héros

tentent à tout prix d'échapper, la

chaîne anglaise BBC Three a, quant

à elle, diffusé In the Flesh, une mini-

série racontant comment se passe la

réintégration, dans la société, d'an-

ciens zombies redevenus « humains

» grâce à un médicament. Au travers

des épisodes on voit comment se pas-

serait la réinsertion de ces êtres qui

ont, sans en être conscients, dévorés

leurs voisins, amis etc. On voit la créa-

tion de partis politiques anti-zombies,

la formation de milices anti-zombies

dans un monde proche du nôtre.

Lorsque je regarde une série britan-

nique j'ai souvent l'impression que

le créateur ne prend pas le spectateur

pour plus idiot qu'il n'est. On assiste

rarement à des plans longs cadrés sur

le regard sans que le personnage ne

dise un mot, dans l'unique but de bien

montrer au spectateur qu'il y a une

tension.

Généralement en sortant du vision-

nage d'une série dramatique anglaise

on se sent moins bête qu'avant, dans

mon cas il serait difficile de l'être

plus. Lorsqu'on ressort d'un épisode

de Black Mirror des questions restent

en suspens dans notre tête; des ques-

tions d'ordre sociétal voire métaphy-

sique (rassurez vous on ne reste pas

nE sOus-EsTiMEz pas lEs ROsbifs

texte : BiLeL - pHoto : in tHe FLesH / BBC tHree

30 MORE TV

Avant que ces salauds d'internet ne promeuvent le partage et permettent la découverte d'autres horizons, la plu-

part des séries auxquelles, nous, pauvres zombies affalés devant notre poste de télévision, avions accès étaient

soit américaines, soit françaises. Bien sûr au milieu des Feux de l'Amour et autres Alerte à Malibu, il arrivait que

s'égare une série anglaise. Mais combien de Dynastie pour une série telle que Les condamnées ?

Page 31: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

une heure à se demander si Brenda a

enfin couché avec Brian). Black Mirror

est une série qui nous met face à notre

propre comportement vis-à-vis de la

technologie. Elle fait ressortir en nous

nos pires travers. On se sent coupable.

Cette série est considérée par beau-

coup comme une des plus belles réus-

sites de ces dernières années.

Je vous mets au défi de ne pas être

bouleversé après avoir vu le second

épisode de la première saison dans

lequel nous est dépeint un monde où

tout est payant à travers des espèces

d'application (comme celle que vous

avez sur vos smartphones). Vous vou-

lez une petite dose de dentifrice ? Pas-

sez votre brosse à dents sous le réser-

voir et désistez vous d'un crédit. Vous

ne voulez pas voir la pub s'affichant

sur l'un des six écrans

recouvrant les murs,

le sol et le plafond de

votre chambre ? Payez

et vous pourrez pas-

ser cette pub débile et

enfin regarder un pro-

gramme de télé-réalité tout aussi idiot

(il n'y a que ça).

Lorsque le héros qui a horreur de

se système se retrouve confronté à

un dilemme, vous vous demande-

rez, longtemps après, si vous auriez

vous aussi agit de la sorte. Ce n'était

qu'un exemple d'épisode, vous serez

confronté à travers les six épisodes,

qui composent pour le moment cette

série, à des sujets tels que le deuil,

l'amour, la télévision, le voyeurisme,

la peine de mort, la politique...

 Sachez qu'à travers les séries bri-

tanniques vous pourrez retrouver

autant de sujets différents que dans

les séries américaines, ce qui varie

réellement c'est le traitement qui est

fait de ces sujets : souvent plus sé-

rieux, plus subtil, voir plus audacieux.

une petite pièce s'il vous plaît !

 Le seul défaut que je concède vo-

lontiers aux détracteurs de ces pro-

grammes, c'est le

manque de moyen(s).

Bien sûr, la qualité des

séries n'en est abso-

lument pas moindre,

mais le nombre d'épi-

sode, lui, l'est. Il arrive

souvent que les séries ne dépassent

pas trois épisodes par saison , on peut

s'estimer heureux lorsqu’on a le droit

à six épisodes. Récemment, j'ai regar-

dé Fresh Meat, qui elle en compte huit,

j'ai rarement vu des séries d'outre-

manche en comporter autant.

C'est bien là le vrai problème: face

aux américains qui eux parviennent à

nous fournir des saisons pouvant aller

jusqu'à vingt-quatre épisodes, les An-

glais doivent se contenter de beaucoup

moins.

Reprenons l'exemple de Black Mirror,

après avoir vu une saison, à laquelle

vous aurez accroché, il vous sera dif-

ficile d'accepter d'attendre une année

de plus pour seulement 3 épisodes

supplémentaires. Il faut parfois même

attendre plusieurs années pour avoir

le final d'une série.

Par exemple pour la série The IT Crowd

dans laquelle vous pouvez retrouver

Chris O'Dowd, vu récemment dans

la série Family Tree sur HBO, il a fallu

que les fans, dont je fais partie à cent

pour cent, attendent deux ans entre la

saison trois et la saison quatre. Il aura

ensuite fallu attendre trois années

supplémentaires entre la fin de la sai-

son quatre et l'épisode spécial, venant

clôturer la série. Tout aficionado se

sentira frustré face au désordre de la

programmation.

 Cette restriction budgétaire pousse

donc les chaînes britanniques à pro-

poser des formats auxquels nous ne

sommes pas habitués. Entre le film

court et la série longue, les mini-sé-

ries nous offrent une intensité dans

l'intrigue et le traitement des person-

nages que peu de séries traditionnelles

n'ont la possibilité d'offrir. En effet,

contrairement à une série de douze

à vingts épisodes, les « serials » ne

peuvent se permettre de trop digres-

ser et doivent donc s'en tenir à leur

intrigue initiale. Un mal pour un bien

au final.

« le seul défaut

que je concède aux

détracteurs de ces

programmes, c'est le

Manque de Moyens »

31MORE TV

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Page 32: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

peaky Blinders

Tommy Shelby (Cillian Murphy) fait partie du « gang » des Peaky Blin-

ders. Là encore un drame historique qui nous fait ressentir l'ambiance

crasseuse de ces quartiers anglais à l'aube des années 1920.

sherlock

Un Sherlock Holmes (Benedict

Cumberbatch) dans le présent qui

aide la police britannique grâce au

soutient de l'inénarrable Watson

(Martin Freeman).

broadchurch

David Tennant est chargé d’en-

quêter avec Olivia Coleman sur le

meurtre d'un petit garçon. Un po-

lar stressant et énigmatique.

luther

Le quotidien du policier londonien

Jhon Luther (Idriss Elba) qui lutte

contre ses démons intérieurs et

ses détracteurs au sein même de la

police.

downton aBBey

La célèbre série historique multi-

récompensée débute en 1912 et suit

le fonctionnement d'une famille

d'aristocrates et de leurs servants.

utopia

Un groupe de fans d'une bande dessinée se retrouve pourchassé par des

inconnus qui veulent savoir où est Jessica Hyde. Un thriller complotiste

haletant aux images colorées.

in the flesh

Quatre ans après son suicide, suite

auquel il s'est changé en zombie,

Kieren redevient humain grâce à

un vaccin. Il devra faire face aux

antis-zombie et aux questions de

sa famille.

black mirror

Une série aux épisodes indépen-

dants les uns des autres qui dé-

peignent tous notre rapport à la

technologie. Entre science fiction

et futurisme. Une série intelligente

qui nous pousse à nous question-

ner.

one night

Un même événement du point de

vue de plusieurs personnes qui

l'ont vécu , un cinquantenaire de

la classe moyenne, une mère céli-

bataire, une jeune diplômée des

quartiers sensibles et un jeune

pré-ado.

a younG doctor's note-

book

On y retrouve Daniel Radcliffe

(Harry Potter) et Jon Hamm (Mad

Men) étonnamment crédibles en

Médecins russes lors de la pre-

mière guerre mondiale.

32 MORE TV

les séries anglaises à ne pas manquer !

Page 33: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

Je m'appelle Bilel, j'ai 21 ans, je suis étudiant en L.E.A Anglais/Russe. Je suis fan de séries depuis Friends

et Le Caméléon, il faut bien débuter quelque-part. J'ai crée avec Paul le podcast hebdomadaire Au Prochain

Épisode qui a pour but de parler de trois séries par semaine. Mes autres passions : Les pokemon et le bacon.

à propos de l'auteur

fresh meat

A Manchester, une colocation lou-

foque d'étudiants qui le sont tout

autant.

bad education

Une série autour d'un jeune pro-

fesseur (presque aussi jeune que

ses élèves) qui est le pire profes-

seur possible de l'école.

the thick of it

Une sitcom dans laquelle le nou-

veau docteur (Docteur Who) Peter

Capaldi ose se moquer des rouages

du pouvoir britannique.

the office

Avant d'adapter sa série aux États-

Unis, Ricky Gervais a créé ce «

mocumentary » avec brio en An-

gleterre.

the it crowd

Jen devient manager du service informatique de Reynhilm Industries

alors que ses connaissances en informatique sont limitées. C'est le choc

des cultures avec les deux geeks qu'elle doit superviser : Roy et Moss.

Cette série aurait inspiré The Big Bang Theory.

how to not live your life

La vie d'un trentenaire ultra faignant en compagnie de son homme à tout

faire, de la voisine sénile d’à côté ,surnommée Gollum, et de sa coloca-

taire.

doctor who

La plus célèbre série anglaise. De

la science fiction déjantée qui se

permet des choses qu'on ne voit

dans aucune autre série de science

fiction dans le monde. Bien sûr sa

grande réussite est notamment

due aux acteurs et actrices qui la

font vivre.

My Mad fat diary

À travers un journal intime, la vie

d'une adolescente qui sort tout

juste de l’hôpital psychiatrique.

Evidemment, elle préférerait que

cela reste secret. C'est une plon-

gée au cœur des années 90 grâce

aux musiques et aux références de

l'époque.

the fades

Une série où le héros doit empê-

cher des fantômes de semer le

trouble dans la société, avec l'aide

d'étranges personnages qu'il vient

tout juste de rencontrer.

misfits

Comment des jeunes qui ont tous

commit de petits délits se re-

trouvent avec des super pouvoirs

et s'en servent bien maladroite-

ment dans leur vie quotidienne.

33MORE TV

Page 34: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

Lancée à l’automne 2012, The Paradise est un drama historique de la BBC que tous les sériephiles se doivent de

découvrir. Série basée sur le roman d’Émile Zola, Au Bonheur des Dames, elle a su se démarquer de manière intel-

ligente de l’œuvre originale pour devenir en saison 2 un petit bijou.

 L’action de The Paradise se situe en

Angleterre, dans une ville du Nord-

Est, et plus précisément dans le grand

magasin qui donne son nom à la série.

Lorsque débute la saison 1, on dé-

couvre cet univers à travers les yeux de

Denise, jeune provinciale fraîchement

débarquée de son village natal Peebles,

situé près de la frontière écossaise,

pour aller travailler chez son oncle,

qui habite juste en face de The Para-

dise et tient une boutique de confec-

tions. Ce dernier représente le petit

commerce, mourant face à la montée

du commerce capitaliste plébiscité par

la bourgeoisie de la Belle Époque. Ce-

pendant ce sujet est rapidement éva-

cué par la série, tandis que Zola en fait

un des thèmes de son roman.

Son oncle ne pouvant l’employer,

Denise trouve du travail au rayon des

confections pour dames du Paradise

où on y croise l’intransigeante Miss

Audrey, incarnée par Sarah Lancashire

(que les Whovians connaissent puisque

c’était la nourrice des Adipose dans le

1er épisode de la saison 4); Pauline,

jeune vendeuse tête en l’air, ou Clara

une femme forte et cynique qui cache

un secret douloureux. On y voit aussi

Sam, vendeur au rayon des articles de

luxe et Jonas, concierge, homme à tout

faire, et manipulateur au possible. A

la tête du grand magasin, on retrouve

John Moray, un homme passionné par

son métier, qui le gère depuis la mort

de sa femme, fille du précédent pro-

priétaire. Pour seconder Moray, il y a

l’indispensable Dudley, ami de tou-

à la décOuVERTE du paRadis

texte : tHeoDorA M. - pHoto : tHe pArADise / BBC one

34 MORE TV

Page 35: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

jours, mais qui s’oppose fréquemment

à lui sur la gestion du Paradise. Moray

et Denise sont également confrontés à

l’ambition de Katherine Glendenning,

une riche héritière qui a jeté son dévo-

lu sur le gérant, tandis que son père,

qui finance Moray, souhaite contrôler

cet homme dont les coups de poker

dans sa gestion de la clientèle l’agace.

 La première saison est donc celle

de la découverte des personnages et

du fonctionnement du magasin, des

secrets et des manipulations des uns

et des autres. Car le magasin renferme

une hiérarchie bien établie, mais cha-

cun souhaite gravir l’échelle, se tenir

au plus près du génie et du prestige de

Moray. Denise, au milieu de tout cela,

cherche à garder sa place, chose peu

facile quand Moray tombe petit à petit

amoureux d’elle, alors que Katherine

souhaite entraîner ce dernier vers une

alliance qu’elle pense stratégique au

départ, avant de se prendre au piège

de son propre jeu.

 La saison 2 de The Paradise change

la donne, pour tous les personnages.

Grâce à un bond en

avant de quelques

mois, on repart sur

de nouvelles bases :

de nouveaux enjeux

se forment autour

d’antagonistes bien précis. D’un côté,

Moray, heureux en amour (comme

il l’est à la fin du roman de Zola, qui,

d’une certaine façon, ne couvre que les

intrigues de la saison 1) mais malheu-

reux en affaire. Suite à un retourne-

ment de situation, il a en effet perdu le

contrôle du Paradise ; ses adversaires

sont maintenant Katherine et surtout

son mari Tom Weston ; un homme re-

doutable, ancien militaire, qui entend

bien gérer le magasin à sa guise. Pour

Denise et Moray, il s’agit donc de s’al-

lier pour reprendre le pouvoir.

La deuxième saison est donc plus poli-

tique, et moins légère ; elle met habi-

lement en scène les personnages, leurs

manigances, leurs machinations tout

en explorant différents thèmes avec

beaucoup de vivacité et de profondeur.

L’un des thèmes majeurs est d’ailleurs

l’affirmation de Denise en tant que vé-

ritable businesswoman, qui est égale-

ment une femme calme, généreuse et

toujours amoureuse,

même si elle voit les

défauts de son amant.

Tandis que Moray,

pour reconquérir son

cher magasin, recourt

à d’autres voies plus discutables et il

l'est toujours l'homme possessif et

prompt à se laisser entraîner.

L’introduction d’un nouveau person-

nage très atypique, Clémence Roma-

nis, dans le 2ème épisode, permet à

Denise de prendre conscience qu’il est

normal et juste qu’elle soit, en plus

d'être la fiancée de Moray, sa par-

tenaire en affaire, chose que Moray

ne peut concevoir. Les dernières se-

condes de l’épisode 7 illustrent par-

ticulièrement bien le problème de

l’égalité réclamée, légitime, mais pas

encore acquise.

Si la saison 2 traite le problème du

couple principal, toutefois elle n’ou-

blie pas d’approfondir la psychologie

des personnages secondaires. Tom

Weston est un antagoniste au passé

obscur, et le couple qu’il forme avec

Katherine est inquiétant, bizarre,

voire glaçant. Susie, Sam et Clara tous

des intrigues secondaires qui per-

mettent de mieux les comprendre

et de les apprécier. Car il faut bien le

dire, la saison 1 de The Paradise peut

être un peu lente et paresseuse par-

fois dans le traitement des intrigues

mineures (l’intrigue majeure étant le

rapprochement entre Denise et Moray

aux dépens de Katherine) ; le maga-

sin nous apparaît en saison 2 comme

une maison vivante, chaleureuse, une

famille que l’on est content de retrou-

ver. Les thèmes traités sont sérieux,

mais cela n’empêche pas la série d’ex-

« la saison 2 de the

paradise change la

donne, pour tous les

personnages »

35MORE TV

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emun elliot (Moray), sonya Cassidy (Clara) et Joanna vanderham

Page 36: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

ploiter le potentiel comique de Sam

notamment et de faire référence à des

objets, usages et modes victoriennes

qui aident à ancrer la série dans son

temps, sans oublier de montrer que les

temps changent.

 Ajouté à cela que les décors, surtout

l’intérieur du Paradise, sont splen-

dides et minutieux ; les costumes sont

magnifiques (même les vendeuses,

qui portent la robe de soie noire régle-

mentaire, sont élégantes). Si vous êtes

collectionneurs de beaux génériques,

ne manquez pas non plus celui de The

Paradise, qui, sur une musique entraî-

nante et légère, montre les charmes et

les séductions du grand magasin.

 Enfin, comme il s’agit d’une série

anglaise, on voit passer des visages

familiers : j’ai déjà cité Sarah Lan-

cashire, mais de Doctor Who on ren-

contre aussi Arthur Darvill (Rory le

Romain, le mari d’Amelia Pond) pour

quelques épisodes en fin de saison 1.

D’autres acteurs ont joué dans des sé-

ries comme Misfits, Merlin, Law & Or-

der: UK, Lark Rise to Candleford, Game Of

Thrones, et même House of Cards pour

Ben Daniels.

 The Paradise est donc une de ces sé-

ries qui mûrit lentement mais sûre-

ment ; certes, la saison 1 est plaisante,

mais n’est pas exceptionnelle. Vous

vous direz que c’est un bon drama,

avec de bons acteurs, dans la lignée

de Downton Abbey ; mais si vous conti-

nuez jusqu’en saison 2, je le garantis,

la série devient plus attachante et plus

intéressante dans les thématiques

traitées. On ne sait actuellement si la

série sera renouvelée pour une saison

3 (les audiences étaient stables, mais

pas formidables)… Une chose est sûre,

si saison 3 il y a, c’est en courant que

je franchirais de nouveau les portes du

Paradis.

J’ai grandi sans la télé ; sans passer des heures devant l’écran, absorbée par les séries des années 2000; sans

parler à mes amies de ce qui s’était passé dans l’épisode d’hier soir. Mais j’ai toujours eu une passion dévo-

rante pour la fiction, qu’elle soit romanesque, télévisuelle, sous forme de bandes dessinées ou de films. Et

quand j’ai enfin eu le temps de plonger dans le monde merveilleux des séries télévisées, j’ai réalisé que je ne

voulais plus jamais en ressortir, car il y a constamment des choses à découvrir et à faire découvrir.

Oh, et sinon, vous pouvez me suivre sur Twitter, @TheodoraManzana.

à propos de l'auteur

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Page 37: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

 Il était une fois Fairy Tales, une

convention sur la série Once Upon A

Time par Xivents, une association qui

avait pour mission de vendre du rêve

aux fans de la série les 21 et 22 dé-

cembre 2013.

Une aubaine pour les fans qui on pu

rencontrer et partager avec leurs ac-

teurs fétiches lors des différentes acti-

vités comme les Q&A, les photoshoots

et bien sûr les séances d’autographes.

L’ambiance était bon enfant, le staff

très sympathique et ce même dans les

moments d'affluence. On a rarement

vu une convention de fans aussi bien

organisée que celle-ci, d’autant plus

qu’il y a eu de l’avance dans le pro-

gramme !

L'attente entre chaque activité était

parfaitement gérée par une animatrice

du tonnerre - la pimpante Patricia -

qui a fait le show grâce à des quizz, des

chansons, des enchères, des blagues

et les petites histoires de Patch et Fri-

pouille (désolé mais il fallait être pré-

sent pour comprendre)... Bref, que du

bon !

Le week-end aura bien évidemment

été marqué par Keegan Connor Tracy

(Mère Supérieure/Fée Bleue), David

Anders (Dr. Whale/Frankenstein),

Sarah Bolger (Aurore) et Eion Bailey

(August/Pinocchio) qui sont des per-

sonnes fantastiques, pleines d'hu-

mour et d'amour pour les fans. Les

fans qui ont, d'ailleurs, fait pleurer

Keegan lorsque celle-ci s'est vue re-

mettre un fanbook et de nombreux ca-

deaux ainsi qu’Eion, à l'occasion d'un

Happy Birthday chanté par l'assem-

blée pour fêter la première année de

son petit prince.

Xenan, Phoebe et les bénévoles ont

fourni un énorme travail avant, mais

aussi pendant, si bien

que les fans interrogés à l’issue de

l’évènement se sont avérés unanimes

: la convention Fairy Tales par Xivents

est une réussite !

Suite au succès de la convention Fairy Tales, Xivents

a d’ors et déjà annoncé que la deuxième édition se

déroulera les 21 et 22 juin prochain à Paris en pré-

sence d’Emilie de Ravin, l’interprète de Belle dans

la série.

MORE TV 37

texte : ALLAn CoLpAert - pHoto : FLorenCe roosens

faiRy TalEs by xiVEnTsiMpressions sur LA Convention

Page 38: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

un truBlion noMMé ryan Murphy

  Le 22 décembre 2011 au matin, le

lendemain de la diffusion du final de

ce qui serait plus tard renommé Ame-

rican Horror Story : Murder House, John

Landgraf, le président de la chaîne FX,

et Ryan Murphy, créateur et produc-

teur exécutif de la série, prennent un

téléphone pour communiquer à divers

organes de presse une idée pour le

moins étrange !

Après un beau départ de la série, FX

avait très vite annoncé la commande

d’une saison 2 et ce après seulement

quatre épisodes. Mais dans la fou-

lée d’un dénouement dramatique, de

nombreuses questions se posaient.

La série allait-elle continuer indéfini-

ment cloîtrée dans cette grande bâtisse

californienne et surtout, malgré qu’il

s’agisse de fantômes, comment pour-

rait-on rebondir après ce qu’il faut

bien appeler une hécatombe ? Murphy

ne se démonte pas et confirme alors

avec aplomb que son intention est de

développer un tout autre récit dans

la saison suivante, avec de nouveaux

personnages. AHS devient alors offi-

ciellement une série de type antholo-

gie. La rentrée suivante, les téléspec-

tateurs ont alors le plaisir de retrouver

une partie du casting de l’année pré-

cédente dans le second volet intitulé

Asylum. Jessica Lange, Evan Peters,

Sarah Paulson ainsi que Zachary Quin-

to sont de retour dans des rôles tout à

fait distincts. Le dernier volet en date,

Coven, qui se termine actuellement

voit lui revenir Taissa Farmiga et De-

nis O’Hare au sein d’un autre lieu, La

Nouvelle Orléans, pour un tout autre

récit là encore.

Alors que la saison 2 avait maintenu

le même niveau d’audiences, la saison

3 s’est ouverte le 9 octobre dernier en

augmentation de 44% par rapport au

précèdent record de la série, propul-

sant ainsi la série parmi les plus regar-

dée de la chaîne. Les changements de

récits et de personnages à chaque sai-

son sont donc pleinement digérés par

le public qui plébiscite la série. Le for-

mat de l’anthologie saisonnière fonc-

tionne et va très vite inspirer toute la

profession.

« AHS est une oeuvre fascinante, notam-

ment parce que Ryan Murphy a monté

une troupe d’acteurs, une compagnie, où

chacun change de rôle entre les saisons.

Comme au théâtre. »

kAtHy BAtes, DeLpHine LALAurie

lE RETOuR En fORcEDe LA série D'AntHoLogie

texte : yAnn - pHoto : AMeriCAn Horror story / Fx

38 MORE TV

Qu’est-ce qu’une série qui fonctionne sur le mode de l’anthologie et pourquoi ce type de récit, à priori contraire

à notre sacro-saint fil rouge épisodique, revient sur le devant de la scène sérielle ?

Page 39: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

le preMier âGe d’or sériel

 On peut diviser le champ sériel en

quatre groupes distincts, bien que

certaines frontières sont parfois fran-

chies. Il y a le classique format épiso-

dique ou procedural, le format séria-

lisé dans lequel le récit se déploie peu

ou prou à l’échelle de la série, puis la

mini-série et enfin la série dite de type

anthologie. Cette dernière est assez

vaste puisqu’on y englobe toute série

ayant une histoire différente et/ou un

casting différent à l’échelle d’un épi-

sode ou d’une saison.

Très rare aujourd'hui, le découpage sur

le mode de l’anthologie a connu une

période faste que l'on délimite entre

les années 50 et le débuts des années

60. C'est l'époque où le petit écran se

démocratise au sein des foyers améri-

cains. Techniquement, les équipes de

productions ne disposent pas encore

de l'enregistrement vidéo, l'invention

de cette technologie se situe autour

de 1956. Les formats n’ont que deux

vecteurs de retransmission possibles

qui sont le film et, plus notablement,

le direct. C’est le cas pour The Philco

Television Playhouse, diffusée sur NBC

de 1948 à 1955, qui adapte alors chaque

semaine une pièce de théâtre ou une

comédie musicale populaire.

Ces anthologies découlent souvent de

la radio comme le General Electric Thea-

ter qui sera ensuite diffusée sur CBS de

1953 à 1962 et dont le présentateur était

un certain Ronald

Reagan. Mais la

série embléma-

tique de cette

époque, celle qui

restera comme

la série d’anthologie au deux sens du

terme, fut sûrement Alfred Hitchcock

Presents. Durant 361 épisodes diffusés

de 1955 à 1965 sur CBS puis sur NBC,

le célèbre cinéaste anglais, qui n'en

a signé qu'une minorité, introduisait

des histoires s’intéressant à des per-

sonnages ordinaires confrontés à des

événements extraordinaires dont le

dénouement était très ironique et/ou

avec une conclusion surprenante .

Alfred Hitchcock Presents (AHP) allait

inspirer de nombreuses séries comme

The Twilight Zone (La Quatrième Dimen-

sion, 5 saisons de 59 à 65 sur CBS en

lieu et place d’AHP qui venait de dé-

ménager sur NBC) dont chaque épi-

sode était également introduit par un

présentateur, le dramaturge Rod Ser-

ling. Le schéma s'essouffle pourtant.

Les sponsors,

remarquez le na-

ming des titres

cités précédem-

ment, Philco et

General Electric,

deviennent trop exigeants sur les

scripts. L'avènement de l'enregistre-

ment vidéo permet aux productions

de s'étaler sur de longues durées et

les personnages récurrents prennent

alors le pouvoir.

Pourtant, la période aura laissé une

profonde empreinte qui, pour beau-

coup, restera comme le premier âge

d’or de la télévision. La proximité avec

le registre théâtral, la tension inhé-

rente à la diffusion en direct et la défi-

nition même du format qui permettait

de profondes remises en question d’un

épisode à l’autre, auront façonnés une

période télévisuelle majeure.

MORE TV

« celle qui restera comme la

série d'antholoGie aux deux

sens du terme, fut sûrement

alfred hitchcok presents »

générique The Twilight Zone (La Quatrième Dimenson)

Alfred Hitchcock pour Alfred Hitchcock Presents

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Page 40: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

l’antholoGie saisonnière

Plus proche de nous, l’anthologie

sérielle est rare ! On considère que le

téléspectateur aime découvrir des his-

toires différentes à chaque épisode

mais dans un cadre récurrent bien dé-

finit avec un ou plusieurs personnages

réguliers pour ne pas troubler son

confort. On pense bien sûr aux dramas

policiers et judiciaires.

Dans la continuité de The Twilight

Zone, l’anthologie a toutefois conservé

la faveur des productions fantastiques

et horrifiques. La fameuse Tales from

the Crypt (Les Contes de la Crypte, 93 épi-

sodes de 1989 à 1996 en 7 saisons sur

HBO) en est un bel exemple. Plus ré-

cemment, Black Mirror (2011-13, 6 épi-

sodes en 2 saisons sur l’anglaise Chan-

nel 4) proposait un regard sombre et

acéré sur notre société contemporaine

en remettant en cause l’usage des

nouvelles technologies notamment.

Mais qu'en est-il de l'anthologie sai-

sonnière ? En 2009, CBS programme

Harper's Island en fin de saison. Le pu-

blic découvre un mélange bancal entre

Agatha Christie (Dix petits nègres) et le

genre du Slasher (comme Scream de

Wes Craven). Logiquement, la chaîne

ne reconduit pas et empêchera les

scénaristes de travailler sur une saison

suivante, qu'ils avaient prévue com-

plètement diffé-

rente. Lorsque Ryan

Murphy assemble

son American Horror

Story, sur un prin-

cipe relativement

proche de Harper's

Island, il va utiliser le

paramètre de limitation dans le temps

à son avantage pour obtenir ce qu'il

ne parvient jamais à constituer pour

une série usuelle : un casting idéal !

Mettons nous quelques instants à la

place d’actrices comme Jessica Lange,

Connie Britton ou Frances Conroy. On

leur propose un rôle dans un projet

certes ambitieux mais dont il est ques-

tion d’un obscur huis clos horrifique.

Vont elles sauter à pieds joints sur une

telle production à long terme ?! L’an-

thologie saisonnière s’impose alors

comme une évidence. Les acteurs très

demandés vont pouvoir s’engager sur

une série, plus valorisante en terme

de performance pure qu’un film, pour

une durée limitée et la production peut

ainsi convaincre un

casting d’exception.

Le 12 janvier 2014,

HBO a lancé True

Detective avec Woody

Harrelson et Mat-

thew McConaughey.

A l’origine du pro-

jet, le romancier Nic Pizzolatto est

séduit par le découpage de l’antholo-

gie qui découle naturellement de son

travail d’écrivain, il signe alors seul

les huit scripts de la série et il va très

vite constater que ce choix s’avère

essentiel. Non seulement il par-

vient à convaincre McConaughey, qui

croule pourtant sous les projets ciné-

matographiques, puis son ami Har-

relson, texan comme McConaughey,

mais surtout, avec un tel duo à bord,

les networks et autres chaînes câblée

s’arrache son script !

« lorsque ryan Murphy

assemble son american

horror story, il va

utiliser le paramètre de

limitation dans le temps

à son avantage »

woody Harrelson et Matthew McConaughey dans True Detective

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Page 41: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

En janvier également, la chaîne IFC

(groupe AMC) lance The Spoils of Baby-

lon sur un tout autre registre. On doit

cette comédie à Matt Piedmont et

Andrew Steele, deux anciens scéna-

ristes du Saturday Night Live. Produite

par Will Ferrell, on y trouve aussi un

casting exceptionnel : Tobey Maguire,

Kristen Wiig, Tim Robbins, Val Kil-

mer, Michael Sheen, Jessica Alba ...

Présentée comme une mini-série, les

responsables de la chaîne ne cachent

toutefois pas leur souhait de faire évo-

luer la série sur le principe de l’antho-

logie. Plus généralement, prévoir une

saison avec un début et une fin n’est

plus tabou. Syfy lance Helix, égale-

ment proposée en janvier, et décou-

pée en 13 épisodes (24 heures décrites

par épisode) avec un vrai dénouement

au terme de la saison. Si la série était

renouvelée, une partie du casting

pourrait être conservée mais dans un

tout autre lieu et pour une histoire

distincte. FX espère prolonger, de la

même manière, l’adaptation de Fargo

(supervisée par les frères Coen à la

production) d’une série limitée (mini-

série) vers l’anthologie . Enfin la BBC

Two proposera Inside N°9 une comé-

die horrifique de type anthologie par

épisode. Les six épisodes pourrait être

diffusés dès le mois de février

De nombreux talents sont déjà passé

du cinéma au petit écran, David Fin-

cher et Kevin Spacey avec House of

Cards, Michael Mann et Dustin Hoff-

man avec Luck par exemples.

Ce transfert devrait s'accélérer avec le

retour de l’anthologie. 2014 sera ainsi

l'occasion Matthew McConaughey,

Kristen Wiig et Billy Bob Thornton d'y

briller, pour le plus grand plaisir du

sériephile.

Sériephile qui s'ignore depuis Twin Peaks, j'ai fait mon coming out grâce à un blog (blogseriestele.wor-

dpress.com) que j'alimente depuis environ 4 ans. J'y écris de manière parfaitement subjective dans une

prose savamment dosée en mauvaise foi. J'y défends principalement deux thèses. Oui, le genre sériel peut

et doit devenir formellement supérieur au septième art. Et oui, le superviseur musical sériel est un génie !

à propos de l'auteur

tobey Maguire et kristen wiig dans The Spoils of Babylon

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Page 42: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

 Produites, pensées et créées pour

être diffusées exclusivement sur la

Toile, les web-séries sont aussi et sur-

tout caractérisées par la présence d’un

scénario faisant d’elles des œuvres de

fiction à part entière. Appelées webi-

sodes, ces vidéos, le plus souvent d’une

durée de quelques minutes, forment

une unité scénaristique où l’on suit

des personnages et leurs histoires. Les

exemples les plus parlants en France

ces dernières années sont Noob, Le

Visiteur du Futur, ou encore En Passant

Pécho. Cette dernière cumule presque

3 millions de vues sur YouTube pour

l’ensemble de ses… quatre épisodes

seulement diffusés entre mars 2012 et

avril 2013.

sur la vague tu surferas

 A l’origine, les web-séries sont des

vidéos tournées avec « les moyens

du bord » où l’humour, le plaisir de

diffuser ses vidéos en ligne et faire

connaître son univers étaient les mo-

tivations premières. Ce fort pendant

amateur a largement contribué à po-

pulariser le genre notamment parce

que la facilité de production s’est

accrue en même temps que les tech-

nologies se sont améliorées. Les pro-

ductions professionnelles, elles aussi,

font partie de ce paysage audiovisuel

éclectique dont les différents modes

de productions n’ont d’intérêt que le

but ultime d’attirer un public volatile

qui consomme sur Internet comme il

consomme un menu fast-food  : dé-

voré, apprécié, vite oublié. Toutes les

productions ne se ressemblent pas,

contrairement à la télévision carac-

térisée par son côté linéaire, les web-

séries sont une sorte de joyeux bordel

et c’est d’ailleurs ce qui fait leur suc-

cès : de la science-fiction aux saynètes

humoristiques en passant par l’ani-

mation ou la satire. Une liberté de ton

qui ne trouve pas toujours le succès

escompté mais qui correspond à un

mode de diffusion en ligne où la gra-

tuité est le maître mot. Avec l’avène-

ment du web 2.0, celui du partage, du

cloud computing et du crowdfunding

vient également l’avènement des ré-

seaux sociaux, Facebook et Twitter en

la wEb-séRiE paR lEs EnTREpRisEsLA strAtégie Du BrAnD Content

texte : LA sérietHèQue - pHoto : Les visiteurs Du Futur

Portées par la démocratisation massive de l’outil informatique et par les possibilités infinies qu’offre d’Internet,

les web-séries sont aujourd’hui incontournables dans le paysage audiovisuel et deviennent un produit marketing

puissant pour les marques désireuses de maîtriser leur identité numérique et conquérir une nouvelle clientèle.

42 MORE TV

Page 43: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

tête. Le nombre de vues, le nombre de

clics, les tweets, retweets, et partages

en tous genre se répandent comme une

traînée de poudre sur le sillage d’un

marketing potentiellement puissant

pour les entreprises qui cherchent à

capter une audience toujours plus

jeune sur Internet.

Les recettes de la gloire sont multiples

à commencer par le format court

et rapide que l’on peut consommer

n’importe où, n’importe quand, sur

les smartphones, tablettes et autres

minitel d’aujourd’hui. Pour gagner en

popularité, elles sont mises en ligne

sur des plates-formes de visionnage

de vidéos comme YouTube ou Dai-

lymotion qui revendiquent respec-

tivement 1 milliard et 112 millions

d’utilisateurs uniques. De quoi faire

envie aux amateurs comme aux pro-

fessionnels, aux particuliers comme

aux entreprises. Ces sites communau-

taires parviennent à générer une large

audience notamment grâce aux outils

mis à disposition pour les potentiels

fans et donc consommateurs : likes,

pouces verts, commentaires et autres

moyens de partager un contenu à son

entourage personnel, professionnel ou

à ses « amis » au sein de ces plates-

formes. Les réseaux sociaux donnent

la possibilité d’étendre une audience

et de surfer sur la vague du « buzz »

et de la viralité créant ainsi un contenu

qu’il faut absolument voir ou avoir vu.

C’est le dernier atout des web-séries

et le plus important pour les marques :

la fidélisation du consommateur.

Véritable enjeu à la fois financier et

marketing, les web-séries d’entre-

prises sont souvent hébergées sur leur

propre site avant de se faire une place

complémentaire sur les sites de vidéos

en ligne où le trafic est plus important

et où, à force de sérendipité, l’inter-

naute peut se retrouver à regarder ces

vidéos la plupart du temps humoris-

tiques. Les internautes sont donc les

premiers décideurs d’un succès ou non

sur la Toile car leurs avis sont publiés

et pris en compte.

Pas étonnant que les marques s’y

essaient ! Les grandes entreprises

comme Microsoft (World Wide Web avec

le duo comique Omar et Fred en 2011

pour le lancement d’Internet Explorer

9), Allociné (Dedans Allociné avec les

vrais dirigeants mais la fausse vie de

bureau du site), Intel et Toshiba (The

Power Inside, une histoire d’alien et de

moustaches) ou les start-ups comme

Le Bon Côté des Choses qui mise directe-

ment sur ce support avant même une

présence significative sur les réseaux

sociaux (et Thierry Ferrandiz nous en

dit plus dans une interview à décou-

vrir plus loin dans l'article). On pour-

rait penser que ces entreprises se sont

emparées d’un phénomène populaire

sur Internet afin de se le réapproprier

mais il n’en est (presque) rien. La

toute première web-série s’intitulait

The Spot et était, déjà, financée par la

publicité et le placement de produit.

Lancée en 1995, The Spot est la pre-

mière fiction interactive avec images

et vidéos sur le web. Scott Zakarin, le

créateur, est un réalisateur fasciné par

Internet employé par une agence de

publicité lorsqu’il a l’idée de lancer sur

la Toile un contenu encore jamais vu.

Le succès est immédiat et bientôt des

investisseurs rachètent le concept,

Zakarin est débouté, et paradoxale-

ment, l’échec à venir de The Spot est

à imputer aux amateurs et semi-pro-

fessionnels qui ont vu là une belle oc-

casion de laisser parler leur imagina-

tion et de s’essayer aux mêmes genres

de productions. La concurrence a été

rude mais elle a permis l’avènement

d’un nouveau format de storytelling

qui des années plus tard connaît tou-

jours autant de succès.

43MORE TV

Page 44: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

plusieurs modèles, un but commun

 Retour en 2014. Aujourd’hui, quels

sont les différents modèles mis en

place par les entreprises pour se dé-

marquer de la concurrence sur le seg-

ment des web-séries  ? A première

vue, les éléments essentiels à une

réussite sont l’identité numérique, le

financement et l’écriture de ces sé-

ries. Plusieurs tendances se dégagent

cependant. La première, peut-être la

moins répandue, est le sponsoring de

la marque à une web-série déjà exis-

tante. Souvent placée dans un coin, la

marque précise qu’elle participe sans

pour autant financer le projet de A à

Z. L’exemple le plus parlant est celui

de la web-série Putain de Série  ! gé-

néreusement offerte par Texto, une

marque de vêtements et accessoires.

Brand content a son plus bas niveau

ici puisque le signalement se fait dis-

cret mais cliquable au moyen d’un lien

hypertexte pour attirer le visiteur sur

le site e-commerce et générer un plus

grand trafic. Ce modèle est à mon sens

le moins risqué,

le moins coûteux

mais aussi le moins

efficace parce

qu’il ne permet

pas, entres autres

choses, une identification du visiteur à

la marque mais il permet, a contrario,

d’attirer un public de consommateur :

le Jeune. Cet énergumène insatiable

qui tient d’une main ferme le porte-

feuille de ses parents quasiment prêts

à tout pour satisfaire leur progéniture

assoiffée.

La seconde tendance s’appuie sur les

réseaux sociaux et plus particulière-

ment sur les chaînes mises à dispo-

sition par les plates-formes de vidéos

en ligne. Ici pas de site Internet dédié,

la société mise tout sur le dévoreur

de vidéo. Pour illustrer cette ten-

dance, Éléphant Bleu a lancé en avril

2012 sur YouTube sa web-série Lave

Story. Parodie du kitsch en puissance,

la web-série compte au total 115  500

vues sur ces différentes vidéos et met

en scène les clients de ses centres de

lavage auto. Un pari sur l’humour et la

dérision qui donne également l’image

d’une entreprise

«  eco friendly  »

soucieuse de l’en-

vironnement mais

dynamique et nu-

mérique. Le retour

sur investissement d’une telle dé-

marche est malheureusement difficile

à évaluer. L’entreprise s’assure une

identité numérique, et dans une stra-

tégie de brand content c’est bien sou-

vent l’essentiel.

Autre tendance remarquée : la person-

nalité du petit écran qui se tourne vers

Internet, rappelant ainsi les fortes

connivences entre les programmes

courts diffusés sur de nombreuses

chaînes françaises et les web-séries.

Au petit jeu de qui sera le plus drôle

pour les entreprises on retrouve Chris

Esquerre et Stéphane de Groodt. Avant

il y avait Richard Berry et son Svel-

tesse, maintenant il y a les humoristes

et Internet. Nouveaux canaux de diffu-

sion, même principe : vendre un pro-

duit, une idée, un concept. Le premier,

Chris Esquerre au phrasé si particulier,

apparaît comme le personnage princi-

pal de la web-série en trois épisodes

« autre tendance remar-

quée : la personnalité du

petit écran qui se tourne

vers internet »

Chris esquerre

44 MORE TV

Page 45: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

Le Grand Changement pour l’entreprise

(presque éponyme) Legrand. En par-

faite parodie de Valérie Damidot et de

son émission D&Co, Chris Esquerre va

repenser avec humour l’ambiance lu-

mineuse de la maison de Florence sans

oublier, évidemment, de mentionner

les différents interrupteurs vendus

par l’entreprise. Quant à Stéphane

de Groodt, sur le même principe, il

va scénariser les différents produits

d’assurances de la banque CIC. Bapti-

sée On vous rappellera, de Groodt est à

l’écriture et à la réalisation d’une sé-

rie de vidéos sur les entretiens d’em-

bauches. La banque CIC, déjà adepte de

l’humour dans ses spots TV, n’en est

pas à son premier coup d’essai puisque

le YouTubeur Cyprien avait déjà parti-

cipé à deux web-séries en 2012 et 2013

sur les problématiques quotidiennes

des jeunes actifs (CV, impôts, permis),

tout ce que le CIC peut financer pour

cette cible en somme.

La dernière tendance qui se dégage,

et la plus efficace à n’en pas douter,

est la création totale d’une web-série

par une entreprise

avec l’aide d’une

agence de com-

munication ou de

publicité s’assu-

rant ainsi une pro-

duction de qualité. Bouygues Télécom

a lancé à la rentrée 2012 sa première

web-série humoristique intitulée Les

Dumas. On suit, en douze épisodes, les

aventures de cette famille mais aussi

et surtout ses usages du numérique au

quotidien. Plusieurs remarques sur ce

cas de brand content : la première, la

bonne qualité de la réalisation et de

l’écriture. La seconde, le casting avec

la présence d’acteurs issus du web et

de la télévision (Kémar et Kevin Razy,

l’un apparaît dans les vidéos de Nor-

man et l’autre est connu pour sa pa-

rodie de Bref, Bwef). Et la troisième, la

diffusion multicanale des liens vers

les vidéos assurant ainsi une forte

présence sur les

réseaux sociaux.

Mais là où Bou-

ygues Télécom a

su maîtriser son

image c’est lorsque

la société a mobilisé les moyens de sa

maison-mère Bouygues, en mettant

en ligne ses vidéos sur le site de TF1,

propriétaire également du groupe in-

dustriel. Coup double. Opération ron-

dement menée. Non seulement Bou-

ygues Télécom comprend les usages

numériques d’une famille lambda et

peut donc anticiper et répondre à ses

besoins, mais en plus de cela TF1 est

à la page et permet aux internautes de

visionner la web-série. Capital sym-

pathie et proximité avec la cible à leur

paroxysme.

Il existe cependant un dernier modèle,

et après promis, j'arrête ! La start-up

Le Bon Côté des Choses a choisi, elle,

de miser dès sa création sur le format

de la web-série. Avant même d'avoir

une identité numérique forte ou un

rayonnement sur les réseaux sociaux,

Le BCC a déjà sa production, deux

sites distincts et une stratégie axée

sur la longévité. J'ai interrogé Thierry

Ferrandiz, le Président, pour qu'il nous

explique un peu plus concrètement sa

démarche.

« la dernière tendance qui

se dégage est la création

totale d'une web-série par

une entreprise »

45MORE TV

stéphane de groodt

Les Dumas

Page 46: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

Pouvez-vous présenter votre entreprise en quelques

mots ?

Le Bon Côté des choses est une start-up rhônalpine créée

mi-2011. Nous avons développé un comparateur de courses

en lignes, drive, supers et hypermarchés. Le consommateur

prépare sa liste de courses et décide où et comment remplir

son caddy au meilleur coût, sur la base des produits qu'il

doit ou qu'il préfère consommer. Pour cela, nous avons

mis au point pendant 2 ans un algorithme de calcul exclu-

sif et innovant, le Social Shopping List Optimizer, avec un

éminent laboratoire de recherche public.

LBCC est une start-up pour le moment relativement dis-

crète sur le marché malgré un fort potentiel notamment

auprès des jeunes actifs, pourquoi avoir (déjà) fait le pari

de la web-série ?

Depuis 2009, à l'origine même de la simple idée, nous avons

impliqué les utilisateurs, le consommateur, dans notre

démarche de création. Cet enga-

gement, nous l'avons tout derniè-

rement décliné jusqu'à la logique

du financement puisque nous ve-

nons de boucler une opération de

crowdfunding, financement par-

ticipatif et citoyen, avec Anaxago.

Qui plus est, nous avons toujours

utilisé la puissance du média vidéo

pour accompagner nos étapes de

développement en retenant systé-

matiquement de jeunes créateurs

très talentueux pour des réalisations souvent un peu déca-

lées. Alors quand lors d'un mariage on s'est mis à imaginer

ce que pourrait être le prochain projet sympa et décalé du

BCC avec mon ami Marco de shotoflife... le goût du chal-

lenge à vite repris ses droits et la web-série s'est rapide-

ment imposée. D'autant qu'il s'agissait encore une fois de

mettre en scène nos utilisateurs. C'est tout ce qui fait notre

ADN !

Vous avez mis les petits plats dans les grands à la produc-

tion : Directeur artistique, réalisateur, scénariste, mon-

teur, acteurs professionnels, combien ça coûte une web-

série avec autant de moyens ?

Dans tout ce que nous entreprenons, il y a toujours une

histoire, une histoire d'homme, une histoire d'amitié, une

histoire de confiance, une histoire de challenge, de pari un

peu fou et osé, l'envie de relever le défi de faire ce qui ne

peut pas nous être accessible. Alors oui, c'est vrai, ça claque

bien : directeur artistique, réalisateur, scénariste, monteur,

acteurs professionnels, ça fait du monde. Mais dans 100%

des cas, ces personnes ont tous décidé de s'impliquer per-

sonnellement pour Le Bon Côté des Choses parce qu'ils y

ont trouvé du plaisir et certaines de leurs propres valeurs.

Et ça, honnêtement, j'en suis à la fois extrêmement fier et

reconnaissant !

Pour finir, quelles stratégies marketing avez-vous mis en

place pour promouvoir à la fois la web-série et l'entre-

prise ? Et pouvez-vous d'ores et déjà évaluer l'impact de

la web-série sur votre image ou sur le nombre de télé-

chargements de l'application ?

La web série, pour nous, c'est du branding, c'est du long

terme. Alors oui, il y a de l'impact sur le trafic entrant et sur

les téléchargements. Mais l'impact

va très au-delà de ce simple aspect

B2C. Côté B2B, c'est une enseigne

de Hard Discount totalement brick

& mortar qui a remarqué Le BCC et

qui envisage de référencer son ca-

talogue commercial pour le mettre

à la disposition de nos utilisateurs.

C'est aussi une grande marque de

cuisines de luxe qui nous propose

de l'incrustation produit en nous

fournissant les décors de la se-

conde saison.

En gros, la stratégie d'occupation par la vidéo que nous

avons décidée nous permet de ne pas faire de placards, de

bannières, de site Las Vegas, de spots TV et de 4*3 beaucoup

trop intrusifs à notre goût. C'est beaucoup moins rapide

en termes de visibilité, mais ça génère de l'attachement à

long terme. Et c'est ça que l'on veut. Bien loin de l'afflux

massif des curieux vers le nouveau machin à la mode pour

aller vendre du VU à des investisseurs et qui se transforme

au bout de deux mois en désaveux d'abandonniste. Notre

communauté d'utilisateurs, les IPCuriens, sont des utili-

sateurs patients, engagés, motivés. Ils veulent s'impliquer

pour que nous parvenions à leur délivrer un service qui cor-

responde en tous points à ce dont ils ont véritablement be-

soin pour se faciliter le quotidien.

46 MORE TV

Page 47: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

innovation ou rien !

Il en ressort que dans sa stratégie de

brand content et de réappropriation

de l’objet web-série pour capter une

plus large audience, chaque marque

aura une visée différente à commen-

cer par son public. Cependant, qu’il

soit sportif avec Nike, familial avec

Bouygues, cinéphile avec Allociné,

jeune actif désireux de mieux consom-

mer avec Le Bon Côté des Choses, ou

geek moustachu avec Intel et Toshiba,

le but reste de se démarquer, de maî-

triser son identité numérique et de

proposer du contenu gratuit en ligne

innovant auprès duquel l’internaute

puisse s’identifier sur le long terme.

Là est tout l'intérêt pour les sociétés :

la création d’un capital sympathie afin

de posséder une image de marque ca-

pable de s’approcher au plus près de

sa cible, comme un marché de niche

en somme. Quel que soit le modèle

employé, le consommateur reste au

centre d’une stratégie marketing mul-

ticanale.

La question est de savoir jusqu’où les

produits audiovisuels pourront aller,

et jusqu’où l’innovation des entre-

prises est capable de nous étonner.

Différent des modèles cités plus

haut, celui du géant des articles de

sports Nike est à la croisée des mondes

entre le documentaire, la publicité et

le making-off. England Matters est

une web-série lancée en marge de la

Coupe du Monde de Football 2014 où

l’internaute peut découvrir les jeunes

joueurs de l’équipe d’Angleterre se

préparer à ce rendez-vous unique.

Avec des interviews, des behind the

scenes et une réalisation soignée,

Nike frappe fort avec ce nouvel objet

de promotion commerciale hybride.

Reste donc encore à déterminer les

prochaines innovations en la matière.

Quels seront les modes de productions

de demain qui bouleverseront la façon

de consommer des (web)séries ? What

Ze Teuf, la nouvelle série de D8 diffu-

sée en décembre dernier et écrite par

les « twittos » la veille de la diffusion

de l’épisode pour le lendemain est-

elle un nouveau mode de storytelling ?

Peut-on réellement écrire, tourner, et

monter un épisode de série en 24 h ?

Si le concept peut paraître innovant,

il n’en est rien. What Ze Teuf n’est pas

la première incursion du genre. En

1988 (!), la société américaine AOL –

anciennement Quantum- diffusait

sur le web The QuantumLink Serial, la

toute première histoire fictionnelle

racontée sur Internet où le créateur

et écrivain Tracy Reed incorporait aux

épisodes des utilisateurs d’AOL à leur

demande. Une innovation totale à

l’époque  puisque l’internaute se re-

trouvait dans la série la semaine sui-

vante mêlé aux personnages fictifs !

Bon. What Ze Teuf se construit sur un

modèle plus actuel évidemment, mais

l’idée de faire participer, toute propor-

tion gardée, le spectateur n’est pas si

mauvaise, à condition que la place du

scénariste soit également respectée et

valorisée. Les deux ne sont pas incom-

patibles. Les Internets n’ont décidé-

ment pas fini de nous surprendre et,

j’en suis sûre, nous promettent encore

de grandes choses.

Pour vous informer sur les web-sé-

ries en général, pas uniquement celles

créées par des marques, trois sites in-

téressants à consulter  : webseries.fr  ;

les-webseries.com ; serieweb.com.

47MORE TV

Passionnée depuis toujours par les séries, j'ai grandi avec The Nanny, la Trilogie du samedi, Friends, Urgences

et Ça Cartoon. Du haut du mon twenty-something, je découvre aujourd'hui les frontières infinies de la télé-

vision et me délecte des séries du monde entier comme des excellentes productions américaines et euro-

péennes passées et présentes. Plutôt Minus que Cortex, je souhaite aussi conquérir le monde.

à propos de l'auteur

Page 48: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

 « A long time ago, we used to be

friends… But I haven't thought of

you lately at all… » Ces paroles de la

chanson des Dandy Warhols, le géné-

rique de la série culte, n’ont jamais eu

aussi tort. On pense à Veronica Mars

de plus en plus souvent ces derniers

temps, alors que la série de Rob Tho-

mas, créée en 2003, est sur le point de

revenir sur nos écrans, le grand, pas le

petit, dans quelques semaines. Ce film

porte le poids du monde, sériephile

évidemment, sur ses frêles épaules.

 Il y a fort à faire pour Kristen Bell

et Rob Thomas. Au–delà d’avoir créé

l’un des personnages adolescents les

plus fascinants, les plus excitants des

années 2000, il est surtout question de

ne pas décevoir les fans de la première

heure ainsi que les fans de la dernière

qui risquent de découvrir la série dans

les mois à venir pour se préparer à

savourer ce film-événement. Par ail-

leurs, le point crucial de ce film, mis en

route grâce à une campagne de crowd-

funding sur le réseau Kickstarter en

mars 2013, est de ne pas décevoir ces

fans/financeurs qui ont investi leurs

économies pour réaliser leur rêve de

voir le retour des lycéens de Neptune

High, après une fin de série sans véri-

table résolution et une saison 4 mal-

heureusement avortée.

ThE VEROnica MaRs MOViE

Veronica revient en Mars. Après des années d’attente, de faux espoirs, voilà que le rêve de millions de fans à tra-

vers le monde devient réalité. Le show culte Veronica Mars s’invite, grâce à la générosité de ses fans, sur le grand

écran. L’univers de la télévision est peut-être sur le point de changer, d’entrer dans une nouvelle ère.

un kiCkstArter et çA repArt

texte : stépHAne BernAuLt - pHoto : veroniCA MArs / wArner Bros

48 MORE TV

Page 49: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

 Le budget réclamé par Rob Thomas

lors de l’ouverture du Kickstarter était

« d’à peine » deux millions de dol-

lars, une broutille de budget pour un

film de studio, et il n’aurait pas fallu

quelques heures pour que la somme

soit allégrement dépassée, montrant

l’engouement sans borne pour le pro-

jet The Veronica Mars Movie.

Au bout des 30 jours de la campagne

de financement, Rob Thomas et ses

équipes pouvaient compter sur une

donation atteignant 5 702 153 dollars,

presque le triple de ce qu’espérer Rob

Thomas.

Le plus fort, avec ce Kickstarter, c’est

qu’en quelques heures, Rob Thomas a

réussi l’exploit qu’il tentait de réaliser

depuis des années, depuis l’annulation

de sa série. Avec ce projet de finance-

ment participatif, il trouve là la solu-

tion miracle. Miracle, il est vrai car on

ne l’attendait plus ce film. Cependant

c’est aussi un miracle à double tran-

chant. Certes, Rob Thomas peut faire

le film dont il rêve, le film qu’il veut

en toute liberté, loin de l’influence du

studio Warner Bros, qui détient encore

les droits de la série, mais il joue aussi

un moment important de sa carrière,

même si les risques sont plus ou moins

limités pour lui et le studio. Il doit sur-

tout satisfaire les attentes d’une fan-

base frustrée depuis 2007 et cela, ce

n’est jamais une mince à faire.

 C’est aussi du côté des studios et des

autres scénaristes que l’on attend avec

impatience de voir ce que va donner

ce film financé par les fans. Pour les

studios, il s’agit peut-être là pour eux

de trouver une nouvelle manne finan-

cière où leur implication est réduite, ici

Warner Bros s’est engagé à payer les

goodies, rien de plus. De toute façon,

tout est bénef pour

eux. Si le film marche,

c’est le jackpot. Et si ça

ne marche pas, ce n’est

pas grave car ils n’au-

ront pas investi des

mille et des cents. Pour les autres scé-

naristes, le film Veronica Mars est en

train de devenir un modèle, une réfé-

rence. Parmi les scénaristes connus et

reconnus, on peut citer Shawn Ryan,

le créateur de The Shield, qui a exprimé

sur Twitter son intérêt pour ce projet

en pensant conclure aussi sa série Ter-

riers, diffusée sur FX, de cette manière.

A ne pas en douter, de nombreux scé-

naristes réfléchiront à deux fois à cette

solution, si le succès et l’engouement

sont au rendez-vous. Et puis quel fan

ne serait pas prêt à débourser quelques

euros pour retrouver des personnages

avec qui l’on a passés de nombreuses

années. Amy Sherman-Palladino, si

tu m’entends, je sors mon portefeuille

quand vous voulez pour retrouver les

Gilmore le temps d’une heure ou deux.

 La série Veronica Mars est déjà ren-

trée dans l’histoire de la télévision

pour proposer un nouveau mode de

fonctionnement, lorsque toutes les

options ne mènent nulle part. Il ne

reste plus qu’à espé-

rer que le film, lors de

sa sortie du film, le

14 mars, un an après

l’aventure Kickstarter,

prolongera l’esprit de

cette série qui a marqué une généra-

tion de sériephiles et ouvrira la voie à

d’autres scénaristes, à d’autres séries.

Réponse sur nos écrans très bientôt…

ou pas. En France, il n’est pas sûr

que le studio Warner Bros décide de

mettre cette aventure de Veronica sur

nos grands écrans. Leur autre solution

étant la VOD. Et si ne vous voulez pas

que cela arrive, il y a une pétition qui

circule  ! A vous de jouer Marshmal-

lows !

49MORE TV

⬆roB tHoMAs sur twitter

« Hallelujah! It's a green light my friends.

I love you all, but particularly the donors

among you. #Veronicamars »

« le film veronica

mars est en train de

devenir un modèle,

une référence »

Page 50: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)
Page 51: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

3 raisons de toMBer aMoureux

son charme

principalement, on tombe d’emblée

sous le charme de kristen Bell, qui

prête ses traits à une héroïne comme

on en a vu peu à la télévision. têtue,

intelligente, torturée, amoureuse,

amère, vengeresse…les visages de ve-

ronica sont nombreux et kristen Bell

livre une prestation impressionnante.

l'écriture noire

pour l’écriture noire de rob thomas

qui s’aventure avec aisance dans la

vie et les problèmes de lycéens. viol,

drogue, violence, statut social, rela-

tion parent-enfant, tout y passe ou

presque. Même si les saisons 2 et 3 ne

sont pas au niveau de la première, elle

est quand même de haut niveau.

les shippers

pour les shippers, veronica Mars

offre l’un des couples les plus emblé-

matiques de cette dernière décennie.

Bon là, je ne suis pas sûr que tout le

monde soit d’accord avec moi.

Depuis la trilogie du samedi et les séries des années 80 rediffusées en boucle sur M6, qui sont pour moi ma

marmite de potion magique dans laquelle je me serais laissé tomber avec délectation, j’ai développé un ap-

pétit pour toutes les séries. D’ailleurs, Je rêve d’aller m’installer dans le New Jersey et devenir capo pour les

Soprano, de voyager dans le Tardis et d’être appelé à table par Fabienne Lepic. Mais en attendant que je réa-

lise ses rêves, je sévis sur le site Les Plumes Asthmatiques où je blablate sur les séries mais pas seulement.

à propos de l'auteur

51MORE TV

Page 52: More TV - Numéro 1 (Janvier, Février 2014)

MORE TV

lE câblE aMéRicainet sa contribution au genre sériel

@stetsonsam présente

pROchainEMEnT