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SoMMAIRE

L’EVoLUTIoN DE LA CoMPTABILITE PUBLIqUE AU SENEGAL De l’ère précoloniale à l’avénementde la première génération de directives de l’Uemoa

LE PARTENARIAT PUBLIC - PRIVERepères philosophiques et mode opératoired’exécution du service public

Etat des lieux de la Comptabilité de l’Etat

La réforme comptable de l’Etat : le pilotage danstous ses états

DoSSIER

Bref aperçu sur principe de sincérité

REGARD SUR LA RéGLEMENTATIoN

Contribution au débat sur l’ITIE au Sénégal oucomment aller plus loin que l’ITIE ?

DoCTRINE

gFILOC ou une autre manière d’assurer la gestionfinancière des collectivités territoriales

ACTUALITé DU SECTEUR PUBLIC LoCAL

Processusd’intégrationmonétaire ausein de la Cedeao

REGARD SUR L’INTéGRATIoN

La gestion de la dette publique certifiée

ACTUALITé DE LA DETTE PUBLIqUE

Évolution duFranc Cfa etstratégies desorties

ChRoNIqUE

Impact de l’évolution de la fonction comptable surle rôle et la responsabilité des acteurs du systèmefinancier public

L’œIL DU PRATICIEN

DIRECTION DE PUBLICATION   Bamba TINE, Inspecteur principal du Trésor, Chef deDivision de la Modernisation et de la Stratégie à laDGCPTBassine Thiaré DIONE, Inspecteur Principal duTrésor, Agent comptable de l'ANACIM

COMITE DE REDACTION Alassane DIA, Trésorier payeur pour l'Etranger TPE(Président du Comité),Amadou Birahim GUEYE, Directeur du Secteurparapublic DSPMamadou DJITE, Inspecteur général des FinancesAmadou Bousso FAYE, Directeur du Secteur publiclocal DSPL,Dc Khadim Bamba DIAGNE, Directeur scientifique duLaboratoire de Recherches économiques etMonétaires (LAREM)Doudou SY, Percepteur de NioroAlé Nar DIOP, Directeur général Adjoint de l'Agencenationale de la Statistique et de la Démographie(ANSD)Bineta Faye NDIAYE, Chargée du Suivi de

l'Intégration à la Cellule de l'Intégration,DGPPE/MEFP

CONSEIL SCIENTIFIQUECheikh Tidiane DIOP, Directeur général de laComptabilité publique et du Trésor DGCPT (Présidentdu Conseil),Abdoulaye SAMB, Coordonnateur DGCPT, Serigne Amadou SEYE, Inspecteur du Trésor à laretraiteAmadou Tidiane GAYE, Directeur du Contrôle Interneà la DGCPTMor FALL, Inspecteur général d'EtatMor DIOUF, Projet de Cordination des Réformesbudgétaires et Financières PCRBF, Professeur Abdoulaye SAKHO, Agrégé en DroitChérif Sidy KANE, maître de Conférence, agrégé ensciences économiques à l'UCADSeydi Ababacar DIENG, maître de Conférence,agrégé en sciences économiques

CORRECTION ET RELECTUREPromotion ENA 2017-2018, cycle A, Section Trésor 

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En jetant un regard sur l’histoire des pre-mières structures de gouvernance jusqu’àl’avènement de nos États modernes d’au-

jourd’hui, le souci de consigner la richesse descommunautés, en termes monétaires , ou enunités de stock, dans des supports physiquesou dématérialisés, et le besoin de suivre le pa-trimoine financier ou matériel de la Collectivité,semble très tôt constituer une préoccupationmajeure des premières formes de communautéshumaines. En effet, quelle que soit la forme desrégimes politiques, la nature monétaire ou nonmonétaire des transactions économiques, lebesoin pour l’Etat de quantifier et de traduireen unité de compte l’exercice de ses pouvoirsrégaliens (prélèvement d’impôts et dépensesde souveraineté notamment) et son interventionsur les secteurs d’activité, marchands ou nonmarchands, se sont traduit par la constitutionde « corps de métiers »préposés à cestâches.Dans bien des cas, l’existence de ces préposés, sans signifier àproprement parler leur constitution en corps de fonctionnaires ou enprofession règlementée en ordres, a précédé de très longtemps la for-malisation et la traduction en règles de gestion des activités comptablesou de simple description des entrées et sorties de valeur.En effet, ce n’est qu’à la période de la renaissance, avec l’avènementdes cités-État, l’expansion des échanges commerciaux et l’accélérationde la monétarisation de l’économie, que la pratique comptable a com-mencé à véritablement se formaliser.C’est en cela que les comptables publics d’aujourd’hui peuvent d’ailleursêtre perçus comme les héritiers naturels des anciens intendants des fi-nances des monarchies d’antan , notamment en France, sous l’Ancienrégime .Au Sénégal, la fonction de tenue de la comptabilité publique, confiéeà l’Administration du Trésor a également connu diverses péripéties. Au-delà de la simple description d’opérations comptables et leur consi-gnation dans des documents de synthèse, l’évolution de la comptabilitépublique, en suivant les orientations de la réforme de l’Etat et de sesfinances publiques en a forcément porté les stigmates.Elle constitue une trame de fond, qui révèle en filigrane, les changementsstructurels et conjoncturels qui ont jalonné notre parcours d’anciennecolonie et de jeune État indépendant.C’est donc très opportunément que la présente parution de votre ma-gasine « Le Trésor public » ait décidé de consacrer sa une à ce pan,sans doute le plus important, de toutes les missions présentementconfiées à l’Administration du Trésor.Pendant plusieurs décennies, la comptabilité publique a surtout réponduà des impératifs de suivi des opérations des collectivités publiques sansvéritablement être assujettie à des exigences d’harmonisation liées àl’appartenance à des ensembles régionaux ou sous-régionaux.Toutefois, la création de l’Union Economique et Monétaire, Ouest Afri-caine, en 1994, d’une part, et la forte influence des règles de gestiondu secteur privé sur le secteur public, d’autre part, ont profondémentfait bouger les lignes et les contours traditionnels de la tenue de lacomptabilité publique.En effet, la recherche de comparabilité des données financières, nécessaireà la surveillance multilatérale et à la matérialisation de la convergencecommunautaire a considérablement contribué à l’harmonisation desmodalités de tenue des comptes publics au sein des États de l’UEMOA.Le Sénégal, ayant presque atteint le point d’achèvement du processus

d’internalisation des directives communautaires, moment ne pouvait alors être mieux choisipour revenir sur les péripéties qui ont contribuéà asseoir notre système comptable d’au-jourd’hui.C’est ainsi que Mr Serigne Amadou SEYE, ancienDirecteur de la comptabilité publique et duContrôle interne, précédemment Chef du bu-reau économique du Sénégal à Bruxelles etConseiller technique du MEFP, nous retrace unrécit documenté et riche en enseignements del’évolution de la comptabilité publique au Sé-négal, de l’ère précoloniale à l’avènement dela première génération de directives de l’UE-MOA.A sa suite M. Alassane DIA, Trésorier Payeurpour l’étranger et M. Mamadou DIOP, ReceveurPercepteur Municipal de Dakar, nous font l’étatdes lieux de la tenue de la comptabilité publiquedans une approche de consolidation du principe

de l’unité comptable de l’Etat.Enfin, le dossier est complété par M. Amadou Woury Ba, conseiller tech-nique du Directeur général de la comptabilité publique et du Trésor quinous présente le pilotage de la réforme comptable de l’État et les pers-pectives qui se dégagent de sa mise en œuvre.En complément de la problématique de tenue de la comptabilité publiquethème principal de cette parution, M. Oumar KA, Percepteur de Matamexpose, dans la rubrique Regard sur la réglementation, le principe desincérité budgétaire tel qu’il est consacré par le nouveau dispositif issudes directives communautaires. Il est suivi dans les pages réservés à ladoctrine, par une contribution de M. Amadou Tidiane GAYE sur le débatITIIE. A sa suite, Mamadou DJITE inspecteur général des finances nouslivre une pertinente analyse sur l’impact de l’évaluation de la fonctioncomptable sur le rôle et la responsabilité des acteurs du système financierpublic à travers l’œil du praticien.Par ailleurs, la rubrique Activité du Secteur public local est servie parune présentation du nouveau logiciel de gestion des finances localesdénommé GFILOC par M. Amoro.N.BADJI, Chef de division à la Directiondu Secteur public local (DSPL).Cette édition est également agrémentée par diverses thématiques re-latives aux missions comptables et financières assignées à la Directiongénérale de la Comptabilité publique et du Trésor.Après les brillantes certifications de la Recette générale du Trésor (confir-mée par un audit de surveillance) et de la Direction de la Dette publique,à la norme qualité ISO 9001(version 2015) quoi de plus normal que deleur consacrer un point d’honneur sur les colonnes de ce numéro. M.Bamba TINE chef de la Division de la Modernisation et de la stratégies’y est prêté en articulant ces consécrations à la démarche qualité,pierre angulaire du PDSAT de la DGCPT.Dans la rubrique Actualité de la politique monétaire, l’EconomisteMame Abdoulaye HANE aborde un sujet très actuel sous l’angle del’Evolution et des stratégies de sortie du franc CFA. Regard sur l’intégrationest animé par Mme Oumy Ndiaye SARR, Ingénieur Statisticien économisteen charge de la Surveillance Multilatérale à la Cellule de Suivi de l’In-tégration de la DGPPE, qui analyse le processus de création d’une mon-naie commune aux Etats membres de la CEDEAO en perspective del’échéance d’intégration monétaire de 2020.Enfin Mr Abdou SEYE, Conseiller technique du DGCPT clôt ce numéropar une intéressante chronique sur les Partenariats Publics Privés (PPP).Bonne lecture !!!

LE TRESOR PUBLICAVRIL 2019

EDIToRIAL

Par Mamadou DIOP, Inspecteur du Trésor, Membre duConseil Scientifique de la revue

“Le Trésor public”

1 Toutes les directives portant code harmonisé de l’UEMOA ont été internalisées dans le droit interne sénégalais à l’exception de celle relative aurégime financier des collectivités territoriales.

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De l’ère précoloniale à l’avénementde la première génération de directives de l’Uemoa

L’EVOLUTION DE LA COMPTABILITE PUBLIQUE AU SENEGAL

AVRIL 2019LE TRESOR PUBLIC

LE DoSSIER

Par Serigne Amadou Sèye, inspecteur du Trésor à la retraiteSerigne Amadou Sèye, est un inspecteur du Trésor principal de classe exceptionnelle à la retraite. Aprèssa sortie de l'ENAM, section Trésor, en 1982, il a eu à occuper les fonctions suivantes: adjoint au TPR dela Casamance à Ziguinchor, percepteur de Matam, Agent comptable central des Postes diplomatiques etconsulaires, Chef du bureau de la Comptabilité générale à l'ancienne Direction du Trésor et de la Comptabilitépublique, percepteur de Dakar-port, fondé de pouvoir du Payeur général du Trésor, percepteur de DakarCerf-volant, conseiller technique au cabinet du MDB puis du MEFP, Directeur de la Comptabilité publique,Directeur du Contrôle interne (DGCPT). Ce parcours a été ponctué de deux incursions dans la diplomatieavec les positions de conseiller financier et Agent comptable à l'ambassade du Sénégal à Tokyo et dechef du Bureau économique et commercial du Sénégal à Bruxelles avec rang de ministre-conseiller."

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INTRODUCTIONDe prime abord, la comptabilité pu-

blique peut être perçue comme l'en-semble des règles juridiques et comp-tables qui gouvernent, enregistrent etclassent les opérations financières desorganismes publics.

Il apparaît ainsi qu’une bonne com-préhension de la comptabilité publiquesuppose la connaissance du mode defonctionnement de ces derniers, end’autres termes, leur organisation ad-ministrative et financière, c’est-à-dire,essentiellement, la philosophie et lapratique d’aménagement et de répar-tition du pouvoir étatique dans le do-maine financier. Ce périmètre couvreen effet un champ plus vaste dont cer-tains aspects se situent en amont dela gestion et de l’exécution des opéra-tions comptables et financières.

Il s’y ajoute qu’une étude sur l’évo-lution de la comptabilité publique auSénégal, nécessite à notre sens une ap-proche éthologique, la situation pré-sente étant le fruit d’une sédimentationde pratiques plus ou moins formalisées.En effet, cette évolution plonge ses ra-cines dans l’ère précoloniale et s’eststructurée avec l’apport et l’influencede la puissance coloniale et les textesfondateurs adoptés dans le sillage desindépendances.

I - LES SOURCES HISTORIQUES DE LACOMPTABILITE PUBLIQUE DES ETATSAFRICAINS FRANCOPHONES : EXEM-PLE DU SENEgAL 1

L’édiction de normes destinées à régirla gestion des deniers publics est uneconstante que l’on retrouve dans toutEtat, ancien ou moderne, qu’il soit deforme monarchique, républicaine outhéocratique. Les Etats africains nefont pas exception à cette réalité.

Pour mieux appréhender les spéci-ficités et la portée des règles actuellesde la comptabilité publique africaine,il ne serait pas superflu d’en faire l’his-torique. Celui-ci pourrait être scindéen trois (3) séquences temporelles : lapériode précoloniale, la période colo-

niale et la période postcoloniale.

1) LA PERIODE PRECOLONIALEIl ressort des recherches effectuées

par d’éminents historiens et anthro-pologues que dans les anciens empireset royaumes africains précoloniaux, undispositif organisationnel était en placeet des règles à caractère financier étaienten vigueur. On peut en citer :

- la constitution de systèmes fiscauxévolutifs et protéiformes avec desprélèvements comme la dime oul’impôt de solidarité ou mude.

- l’organisation d’un Trésor public,avec des magasins ou « coffres » oùétaient soigneusement conservéesles finances royales dont la gestionétait confiée à un trésorier généralassisté de trésoriers secondaires.

- le suivi de la gestion des biens ap-partenant à la collectivité etconservés dans des magasins pu-blics confiés à des gestionnairespublics désignés sur la base de rè-gles claires et responsables devantle monarque.

- Au chapitre des règles édictées, onpouvait entrevoir les prémices desprincipes actuels, même si l’élabo-ration et la formalisation restaientsommaires. On peut citer à titred’exemples :

- la séparation des deniers publics etdes deniers appartenant en propreau souverain ;

- l’unité de trésorerie ;- la spécialisation du personnel et la

séparation de leurs rôles ou fonc-tions :

- l’institution d’un ordonnateur prin-cipal et d’autres pouvant être consi-dérés comme délégués ou secon-daires ;

- la tenue d’une comptabilité des va-leurs et d’une comptabilité des ma-tières.

2) LA PERIODE COLONIALE La comptabilité publique africaine,

moderne et postcoloniale est l’héritièrede la comptabilité publique qui était

en vigueur dans les colonies françaisesen Afrique, notamment celles qui com-posaient les deux (2) blocs que sontl’ex-Afrique Occidentale Française(AOF) et l’ex-Afrique EquatorialeFrançaise (AEF), auxquelles il convientd’ajouter le Togo et le Cameroun.

Il apparaît ainsi que la comptabilitépublique africaine applicable à l’ère co-loniale est le reflet du régime juridiquefinancier des colonies et des territoiresfrançais d’Afrique noire. Ce régime asubi des mutations historiques succes-sives jusqu’à l’avènement de la Loi-cadre en 1956 puis de la Communautéfrançaise en 1958. Il avait connu sonapogée avec l’adoption de textes quiont consacré l’uniformisation des règlesapplicables dans les colonies et terri-toires d’Outre-Mer, en particulier ledécret du 26 septembre 1855 sur lacomptabilité publique.

Ces efforts d’unification et d’harmo-nisation se sont poursuivis avec le dé-cret du 31 mai 1862 portant Règlementgénéral sur la comptabilité publiquede l’Etat en France métropolitaine etdans ses possessions d’outre-Mer. A ceniveau, il convient de préciser que lerégime financier unifié des colonies etterritoires a été défini à travers les dis-positions contenues dans les articles587 à 666 de ce décret. Ces dispositionsont par la suite été confortées dansd’autres décrets : celui du 20 novembre1892 sur le régime financier des colo-nies, celui du 18 octobre 1904 fixantl’autonomie financière des colonies etsurtout celui pris le 30 décembre 1912considéré comme le dernier régime fi-nancier des colonies et des territoiresd’Outre-Mer.

Dans un contexte marqué par desvelléités autonomistes et les soubresautsqui ont précédé les indépendances ac-quises en 1960, ce texte de 1912 ferapreuve d’une certaine résiliencepuisqu’il demeurera en vigueur undemi-siècle durant, c’est-à-dire jusqueet même au-delà des évènements his-toriques qui ont sonné le glas de la co-lonisation française. En effet, il a conti-

LE TRESOR PUBLICAVRIL 2019

LE DoSSIER

1 Principales sources : Mahady Diallo : La Comptabilité publique des Etats africains francophones, NEAS

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nué à régir la comptabilité publiquedes Etats africains francophonesconcernés, malgré leur accession à lasouveraineté internationale, jusqu’aumilieu des années 60. Ainsi, à titre d’il-lustration, pour le Sénégal, il n’a étéabrogé et remplacé qu’en 1966 avecl’adoption du décret n° 66-458 du 16juin 1966 portant règlement sur lacomptabilité publique de l’Etat.

3) L’ERE POSTINDEPENDANCE : EXEMPLE DU SENEgAL

A l’instar des autres Etats africainsissus des ex-fédérations d’AOF etd’AEF, le Sénégal a, au lendemain deson accession à l’indépendance, élaboréun certain nombre de textes législatifset règlementaires qui, articulés avec sacharte fondamentale, constituent for-mellement le régime juridique de lacomptabilité publique.

a) La ConstitutionLes Etats nouvellement indépen-

dants se sont conformés à un principede droit mis en œuvre dans tous les ré-gimes politiques modernes : insérerdans le marbre constitutionnel, des dis-positions spécifiques ayant trait auxrègles fondamentales qui gouvernentles modalités et procédures de collecte,d’enregistrement, de conservation etd’utilisation des deniers et valeurs ap-partenant aux collectivités publiquesen général, à l’Etat en particulier. Atitre d’illustration, dans la Constitutionsénégalaise du 07 mars 1963, la pre-mière adoptée par l’Etat nouvellementindépendant, les articles 52, 56, 57 et71 (correspondant grosso modo auxarticles 52, 56, 57 et 71 de la Consti-tution du 22 janvier 2001 révisée à lafaveur de la loi n° 2016-10 du 05 avril2016) comportaient des dispositionsrelatives à des règles de mobilisationet d’utilisation des deniers publics.

b) Les sources législativesIl s’agit essentiellement des lois or-

ganiques, des lois ordinaires ou des or-donnances (période d’exception) ayanttrait aux lois de finances, à la fiscalité,aux organes et procédures de contrôle,

etc. c) Les sources règlementaires

Pour chacun des différents Etatsnouvellement indépendants, le prin-cipal point d’ancrage règlementaireest constitué du texte portant règle-ment sur la comptabilité publique. Ence qui concerne le Sénégal, c’est le dé-cret n° 66-458 du 17 juin 1966 portantrèglement sur la comptabilité publiquede l’Etat. Il peut être considéré à justetitre comme le texte fondateur. Il a étéen vigueur jusqu’en 2003, année à la-quelle il a été abrogé et remplacé parle décret n° 2003-101 du 13 mars2003. Modifié plus tard par le décretn° 2008-1224 du 30 octobre 2008,celui-ci avait été pris en transpositionde la directive n°06/1997/CM/UEMOA du 16 dé-cembre 1997 portant règlement gé-néral sur la comptabilité publique, mo-difiée par la directive n°03/1997/CM/UEMOA du 21 dé-cembre 1999.

Il convient d’appréhender tous cesdécrets en intégrant dans l’analyse leurstextes d’application.

II - FOCUS SUR LE DECRET N° 66-458DU 16 JUIN 1966 PORTANT REgLEMENTSUR LA COMPTABILITE PUBLIQUE DEL’ETAT :

Cet aperçu sur le décret n° 66-458du 16 juin 1966 portera successive-ment sur le contexte de son adoption,son champ d’application, sa structu-ration et l’analyse de quelques-unesde ses dispositions phares.

1) CONTEXTE : Il convient tout d’abordde rappeler que ce décret a été adopté,en 1966, dans un environnement mar-qué, au plan juridique, par l’entrée envigueur des premiers textes législatifset règlementaires sénégalais à caractèregénéral ou financier, à savoir :

- l’ordonnance n° 60-01 du 20 mars1960 portant création du servicedu trésor ;

- la loi n° 63-20 du 05 février 1963relative à la Cour de Disciplinebudgétaire ;

- la première constitution du Séné-

gal, celle du 07 mars 1963. - la loi n° 62-36 du 14 mai 1962

portant loi organique relative auxlois de finances ;

- l’ordonnance n° 63-01 du 15 mai1963 portant loi organique relativeaux lois de finances ;

- la loi n° 63-54 du 03 juillet 1963relative à la liquidation et au re-couvrement des taxes indirectes ;

- le décret n° 62-063 du 20 février1962 portant organisation des ser-vices du trésor ;

- le décret n° 62-195 du 17 mai 1962portant règlementation concernantles comptables publics ;

- le décret n° 63-478 du 13 juillet1963 portant application de la dé-libération n° 3 du 27 août 1962relative à l’hypothèque forcée surles biens immeubles des compta-bles publics ;

- le décret n° 64-273 du 31 mars1964 relative à la nomenclature dubudget général de l’Etat ;

- le décret n° 64-400 du 04 juin1964 portant règlementation del’engagement, du contrôle, de lacertification du service fait, de laliquidation, du paiement et de lacomptabilité des dépenses del’Etat, à l’exception des dépensesclassées dans les chapitres de per-sonnel.

2) CHAMP D’APPLICATION : Du pointde vue de son champ, le décret n° 66-458 du 16 juin 1966 avait pour voca-tion de s’appliquer seulement à l’Etatcentral. Cet état de fait explique sansdoute que, contrairement à ses héri-tiers, l’épithète « général » soit absentde son intitulé et que, indice supplé-mentaire, celui-ci se termine par lemembre de phrase « …de l’Etat ». Eneffet, moins d’un mois après son adop-tion, le corpus juridique de l’Etat sé-négalais nouvellement indépendants’est enrichi d’un autre décret, le n°66-519 (et non 66-510 comme sou-vent mentionné dans les documents)du 04 juillet 1966 portant régime fi-nancier des collectivités locales (dansun contexte où la commune était le

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seul ordre de collectivité locale). Parce que ce dernier texte est à vo-

cation spéciale, il pouvait parfaitementse prévaloir d’une prime par rapport àcelui plutôt à objet général. Seulement,il convient d’atténuer une telle affir-mation car le règlement sur la comp-tabilité publique reste un référentielmême pour les collectivités locales,ainsi que cela transparaît de la dispo-sition suivante contenue dans l’article43 du décret n° 66-519 : « Dans tousles cas non prévus par le présent décret,sont applicables mutatis mutandis lesrègles définies pour l’Etat dans les rè-glements de comptabilité publique ».

3) STRUCTURATION : Au regard de sastructuration, le décret n° 66-458 du16 juin 1966 est articulé autour de huit(8) parties consacrées respectivement:

- au budget de l’Etat en distinguantl’énoncé des principes généraux etles différentes phases de sa prépa-ration et de son adoption ;

- aux personnels impliqués dansl’exécution du budget à savoir les

administrateurs de crédits, les or-donnateurs et les comptables pu-blics en précisant, pour chacun deces groupes d’acteurs, les modesde désignation, les attributions, lesresponsabilités et, le cas échéant,les catégories qui le composent ;

- aux opérations de recettes avecrappel de la typologie des res-sources budgétaires ;

- aux opérations de dépenses dé-crites à travers les quatre (4) étapesséquentielles de son exécution :l’engagement, la liquidation, l’or-donnancement et le paiement etévocation, pour chacune d’elles,des tâches dévolues aux acteurs,des supports utilisés, etc.

- aux opérations de régularisationavec précision des conditions etprécautions d’usage ;

- aux opérations de trésorerie avecleur énumération ;

- aux différentes formes de comp-tabilité et aux acteurs chargés deleur tenue ;

- au contrôle avec le point sur la ty-

pologie, les modalités et les organeset corps de contrôle.

4) ANALYSE DE QUELQUES DISPOSITIONS PHARES Article premier : « Toutes les res-

sources et toutes les charges de l’Etatsont imputées aux comptes ouvertsdans les écritures des ordonnateurs etdes comptables, centralisées par l’or-donnateur délégué et le Trésorier gé-néral ».

Article 25 : « Sous l‘autorité et pardélégation du Président de la Répu-blique, le ministre chargé des Financesest ordonnateur du budget général,des budgets annexes de l’Etat et descomptes spéciaux du Trésor ».

Article 33 : « Les comptables directsdu Trésor sont le Trésorier général et,sous ses ordres, les préposés du Trésoret les percepteurs ».

Commentaires sur ces dispositions : 1) L’ordonnateur principal du budget

de l’Etat est le Président de la Répu-blique, le ministre chargé des finances

LE TRESOR PUBLICAVRIL 2019

LE DoSSIER

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n’étant que son délégué. Celui-ci exer-çait ces fonctions soit par lui-mêmeou ses délégués soit par les ordonna-teurs secondaires placés dans les cir-conscriptions territoriales.

2) Le Trésorier général était le seulcomptable principal de l’Etat, fonc-tions qu’il cumulait avec celles de di-recteur chargé, sous l’autorité du mi-nistre chargé des finances, del’élaboration des règles de la compta-bilité publique.

Article 198 : « Le préfet ou l’ordon-nateur secondaire contrôle, constateet approuve les engagements »

Article 200 : « Après certificationpar le service bénéficiaire, la liquida-tion est effectuée par le préfet ou l’or-donnateur secondaire qui donne l’ordrede payer ».

Commentaires : Les articles 198 et200 ci-dessus évoqués constituent ànos yeux le fondement légal d’une pra-tique encore aujourd’hui constatée :l’exercice, par les préfets des départe-ments situés hors des chefs-lieux derégions, des fonctions d’ordonnateurssecondaires. Certes, le décret porteurde ces deux articles a été formellementabrogé par le décret n° 2003-101 du13 mars 2003 portant règlement gé-néral sur la comptabilité publique, lui-même abrogé et remplacé par le décretéponyme n° 2011-1880 du 24 novem-bre 2011. Seulement, dans les dispo-sitions abrogatoires contenues dansces deux derniers décrets, sont consi-dérées comme abrogées « les disposi-tions antérieures contraires …» (c’estnous qui soulignons). Or, il se trouveque le décret de 2003 et celui de 2011sont tous les deux muets sur les fonc-tions du préfet en matière d’ordon-nancement des dépenses de l’Etat.Autrement dit, aucun de ces deux dé-crets ne comporte une dispositioncontraire à celles contenues dans lesarticles 198 et 200 du décret n° 66-458 du 16 juin 1966, ce qui tend àconférer un sursis à ces dernières.

Cette approche conceptuelle, quin’engage que l’auteur de cet article,nous conduit à constater ce qui, à nosyeux, s’apparente à un phénomène de

rémanence administrative du fait dela survivance de dispositions malgréla disparition - par abrogation - dutexte matriciel. Nul doute que les réac-tions que ne manquera pas de suscitercette interprétation, permettront d’yvoir plus clair, en attendant les pro-fonds changements attendus de lamise en œuvre intégrale de l’innova-tion majeure que constitue la décon-centration de l’ordonnancement.

Avant de conclure sur ce point etpour compléter l’énumération des élé-ments pertinents d’analyse de la pro-blématique, il ne serait peut-être pasfutile de rappeler ce qui suit : l’articlepremier, alinéa 2, du décret n° 66-481du 22 juin 1966 portant création etfixant les attributions des contrôlesrégionaux des finances (CRF), avaitenvisagé une possibilité qui n’a jamaisété suivie d’effet : la création, par arrêtédu ministre chargé des finances, desagences départementales des contrôlesrégionaux des finances dont le siègeet le ressort devraient être précisés parl’arrêté de création.

Article 199 : « Le comptable viseles bons de commande pour certifica-tion de la disponibilité des crédits ».

Commentaire : Cette dispositionconfère au comptable public, cumu-lativement avec ses attributions tra-ditionnelles, un rôle de contrôleurbudgétaire, ce qui pourrait être perçucomme une entorse au sacro-saintprincipe de la séparation des fonctionsd’ordonnateur et de comptable, pour-tant clairement énoncé dans le mêmedécret. Seulement, il convient de lareplacer dans son contexte historiquemarqué par l’absence d’un contrôleurbudgétaire ad-hoc dont la création,rappelons-le, date seulement de la pre-mière génération de directives del’UEMOA. Au demeurant, cette fonc-tion de contrôle budgétaire conféréeau comptable est jusqu’à présent demise, en ce qui concerne l’exécutiondu budget des collectivités territorialesen vertu des dispositions contenuesdans le décret n° 66-519 du 04 juillet1966 portant régime financier des col-

lectivités locales, toujours en vigueur. Article 204 : « Les écritures du Tré-

sorier général et des préposés du trésorsont tenues en partie double ».

Commentaire : cet alinéa énonceune règle fondamentale dans le do-maine de la comptabilité : celle de lapartie double, encore en applicationaujourd’hui, car confirmée et confortéepar les directives de l’UEMOA, aussibien de première que de seconde gé-nérations.

Article 235 : « Le Contrôleur fi-nancier assure, au nom du Présidentde la République, dans les conditionsfixées par son statut et le présent dé-cret, le contrôle permanent de l’exé-cution des opérations financières del’Etat et des établissements publicsnationaux et suit la gestion des col-lectivités locales… »

Article 240 : « Tout projet de loi,d’acte règlementaire, d’instruction, decontrat, de convention ou de décisionémanant des différents départementsministériels et de nature à exercer desrépercussions sur les finances de l’Etat,doit être communiqué, sans délai, pouravis, au Contrôleur financier… ».

Commentaires : Ces attributionsde contrôle d’une portée et sur unchamp très vastes, conférées au contrô-leur financier, appellent de notre partune précision et un commentaire :

1) Précision : Le contrôle financierdont il est question ici est le servicerattaché à la présidence de la Répu-blique. Sa création remonte à l’époquecoloniale avec le décret financier du30 décembre 1912. Au Sénégal, cettestructure a été érigée en direction parordonnance n° 59-049 du 31 mars1959 avant que le décret n° 67-150du 10 février 1967 ne vienne fixer sesmodalités d’action. Elle est donc diffé-rente du contrôle financier évoquédans les directives de l’UEMOA etqui a trouvé son équivalent au Sénégalavec le Contrôleur des Opérations fi-nancières (COF) devenu le Directeurdu Contrôle budgétaire (DCB).

2) Commentaire : Ces importantesattributions dévolues au Contrôle fi-nancier trouvaient leur pertinence et

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leur légitimité dans un dispositif or-ganisationnel caractérisé par le faitque la fonction d’ordonnateur princi-pal de l’Etat relevait du Président dela République lui-même.

Des changements majeurs étant in-tervenus depuis lors, notamment auplan institutionnel et législatif, il nousparaît judicieux de poser la questionsinon du maintien de cette structure,du moins de sa mue pour une meil-leure adaptation au contexte actuel.

III – L’AVENEMENT DU DECRET N° 2003-101 DU 13 MARS 2003 PORTANT REgLE-MENT gENERAL SUR LA COMPTABILITEPUBLIQUE

1) QUELQUES ELEMENTS DE CONTEXTELe décret n° 2003-101 du 13 mars

2003 a été pris en transposition dansle droit interne sénégalais, des dispo-sitions contenues dans la directive n°06/1997/CM/UEMOA du 16 dé-cembre 1997 portant Règlement gé-néral sur la Comptabilité publique,modifiée par la directive n°03/1999/CM/UEMOA du 21 dé-cembre 1999. Il s’inscrit égalementdans le cadre de la mise en œuvre desdispositions contenues dans l’article45 de la loi n° 2001-09 du 15 octobre2001 portant loi organique relativeaux lois de finances, elle-même fruitde l’internalisation de la directive épo-nyme n° 05/1997/CM/UEMOA du16 décembre 1997, modifiée par la di-rective n° 02/1999/CM/UEMOA du20 décembre 1999.

Rappelons que ces directives, aux-quelles s’ajoutent celles relatives res-pectivement au Plan comptable del’Etat (PCE), à la nomenclature bud-gétaire de l’Etat (NBE) et au tableaudes opérations financières de l’Etat(TOFE), constituent celles dites de pre-mière génération adoptées dans le sillagede la mise en place par l’UEMOA, ducadre harmonisé originel des financespubliques. Elles visaient à :

- faire appliquer dans tous les Etatsmembres les mêmes règles debonne gouvernance ;

- permettre aux organes multilaté-

raux communs d’exercer leur droitde surveillance sur les politiqueséconomiques des Etats ;

2) LA VALEUR AJOUTEE DU DECRET 2003-101 DANS LE REgIME JURIDIQUESENEgALAIS :

Même s’il a actualisé et maintenudes dispositions substantielles du dé-cret n° 66-458 du 17 juin 1966, le dé-cret de 2003 a introduit un certainnombre d’innovations, notammentsur les points suivants :

- un champ plus vaste : le nouveaudécret s’applique désormais autantà l’Etat qu’à ses démembrementsorganiques et juridiques, ainsi quecela ressort clairement de l’alinéa2 de l’article premier : « Les col-lectivités locales, les établissementspublics nationaux ou locaux ainsique les services et organismes quela loi assujettit au régime juridiquede la comptabilité publique sontégalement soumis aux présentesdispositions, sous réserve des règlesparticulières les régissant» ; ce der-nier membre de phrase apportantquand même un bémol dans l’op-tion globalisante, conformémentau principe de droit qui veut quele spécial prime sur le général.

- le choix de faire abstraction desrègles relatives aux régies de re-cettes et aux régies d’avances et deréserver ces aspects à un décretspécifique. En l’espèce, fut adoptéplus tard le décret n° 2003-657 du14 août 2003 ainsi que ses textesd’application.

- la désignation du ministre chargédes finances comme ordonnateurprincipal unique du budget géné-ral, des budgets annexes et descomptes spéciaux du Trésor et, parvoie de conséquence, la suppres-sion de toute référence au Prési-dent de la République ou au Pre-mier Ministre commeordonnateurs.

- l’exclusion du champ de paiementconsécutif à une réquisition de l’or-donnateur, d’une situation assimi-lable à un cas de force majeure : «

En cas d’opérations provoquéespar les nécessités de la défense,l’indisponibilité des crédits ne peutêtre invoquée par le comptablepour refuser le paiement des in-demnités de vivres, de route et deséjour de l’ensemble des personnelsmilitaires ».

- la suppression du pouvoir accordéà l’ordonnateur par le décret n° 66-458 du 16 juin 1966 de déroger, «en cas d’urgence », à l’obligationfaite au comptable de payer parvirement à un compte bancaire oupostal lorsque le montant atteintle seuil fixé.

- l’option prise de renvoyer à un ar-rêté du ministre chargé des fi-nances pour fixer la liste des piècesdevant justifier les opérations bud-gétaires. C’est dans ce cadre qu’ilfaut situer la prise de l’arrêté n°6058 du 22 août 2003 portant éta-blissement de la nomenclature despièces justificatives de dépensesde l’Etat.

- la suppression du visa du comp-table dans la phase administrativede la dépense et la mise en placed’un organe ad-hoc chargé ducontrôle budgétaire a priori avecla création du Contrôle des Opé-rations financières (COF) et lafixation de ses attributions.

PERSPECTIVES PAR RAPPORT A L’ETUDE :La présente contribution devant se

limiter à la mise en place, par l’UE-MOA, du premier cadre harmoniséde gestion des finances publiques, ilconvient juste de préciser qu’une se-conde génération de directives a faitl’objet d’adoption en 2009. Ces der-nières ont été transposées dans le droitpositif sénégalais et leur mise en œuvres’effectue progressivement. C’est danscette dynamique qu’a été adopté ledécret n° 2011-1880 du 24 novembre2011 portant règlement général surla comptabilité publique, qui a abrogéet remplacé le décret n° 2003-101 du13 mars 2003.

LE TRESOR PUBLICAVRIL 2019

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10 AVRIL 2019LE TRESOR PUBLIC

LE DoSSIER

INTRODUCTIONLa comptabilité publique désigne les règles

et procédures applicables au recouvrementdes recettes, au paiement des dépenses, à leurcomptabilisation, à la gestion de la trésorerieet à la reddition des comptes de l’Etat et desorganismes publics.

L’adoption des principes, normes et règlesinternationales conduit inexorablement à ladisparition de la ligne de démarcation entrecomptabilité publique et privée.

La « privatisation » progressive de la comp-tabilité publique s’est ainsi accompagnéed’une harmonisation du cadre de gestion desfinances publiques promue au niveau com-munautaire par l’Union Economique et Mo-nétaire Ouest Africain (UEMOA).

Face à ce « dualisme comptable » apparentet aux exigences découlant de l’applicationdes règles de l’UEMOA, certaines questionsafférentes au cadre juridique, à la gestioncomptable ainsi qu’aux contraintes s’y rap-portant, méritent d’être posées. Ces sujetsvont constituer la trame de la présente ré-flexion qui va se construire autour des pointssuivants :

1/ le cadre juridique de la comptabilité del’Etat ;

2/ l’état des lieux de la gestion comptable3/ la consolidation de l’unité comptable

de l’Etat.

1/ CADRE JURIDIQUE DE LA COMPTABILITE DE L’ETAT

La Directive n° 09/2009/CM/UEMOAdu 26 juin 2009 portant Plan comptable del’Etat au sein de l’UEMOA dispose, audeuxième alinéa de son article premier : « lacomptabilité générale de l’Etat s’applique àl’administration centrale et à ses établisse-ments publics à caractère administratifs ».

La Comptabilité de l’Etat (CE) a pourobjet la connaissance exacte et sincère de sonpatrimoine et des opérations qu’il effectue ;elle retrace toutes les opérations ayant unimpact sur sa situation patrimoniale, notam-ment, la variation des stocks, les opérationsbudgétaires et celles de trésorerie.

La CE, qui s’inspire des normes interna-tionales, notamment du Système ComptableOuest africain(SYSCOA), est mise en œuvrepar la transposition de la directive précitée,

Le cadre juridique de la comptabilité del’Etat (1-1) est constitué par l’ensemble destextes conventionnels, législatifs et règle-mentaires qui régissent :

- les conditions d’exercice de la missionde règlementation comptable ;

- l’organisation des services ;- les compétences, les habilitations, le sta-

tut et le régime de responsabilité descomptables publics ;

- la tenue de la comptabilité ;- le pilotage des opérations financières et

de trésorerie en rapport avec l’exécutionbudgétaire ;

- la production des états comptables, fi-nanciers et statistiques aux fins d’infor-mation et de contrôle ;

- la reddition des comptes publics.Les missions comptables de la DGCPT

(1-2) sont celles fixées par les textes juridiquesrelatifs aux attributions des comptables directsdu Trésor dans le cadre de l’exécution desopérations budgétaires financières et de tré-sorerie de l’Etat.

1.1/ CADRE JURIDIQUE DE LA COMPTABLITE DE L’ETAT

Ce cadre juridique est constitué par l’en-semble des textes normatifs qui relèvent desréférentiels internationaux et communau-taires et de la règlementation nationale.

1.1.1/ LES REFERENTIELS INTERNATIONAL ET COMMUNAUTAIRE

Avec l’avènement de la nouvelle gestionpublique au niveau international, la formu-lation et la mise en œuvre des politiques pu-bliques se fondent sur de nouveaux para-digmes et standards inspirés duprincipe dela Gestion Axée sur les Résultats (GAR) etdes normes comptables internationales dusecteur privé et du secteur public : les normesIFRS (International Financial ReportingStandards) et IPSAS (International PublicSector Accounting Standards).

A ce titre, il importe de rappeler, notam-ment que :

- la Directive n° 01/2009/CM/UEMOAdu 27 mars 2009 portant code de trans-parence dans la gestion des finances pu-bliques au sein de l’UEMOA est direc-tement inspirée du code de bonnespratiques en matière de transparencedans les finances publiques édicté par leFonds monétaire international (FMI) ;

- les Etats membres de l’UEMOA se sontengagés à promouvoir le passage de lalogique de moyens à la logique de ré-sultats, à l’instar de nombreux pays dumonde ;

- la comptabilité base caisse est remplacéepar une comptabilité de type patrimonialqui enregistre tous les flux, monétairesou non, qui affectent la situation du pa-trimoine de l’Etat.

Ceci révèle toute la portée du « nouveaucadre harmonisé de gestion des finances pu-bliques » qui devra permettre une réforme

Etat des lieux de la Comptabilitépublique

Mamadou DIOP Inspecteurprincipal du Trésor, Receveur

percepteur de Dakar

Alassane DIA Inspecteurprincipal du Trésor, Trésorierpayeur pour l’etranger TPe

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11LE TRESOR PUBLICAVRIL 2019

LE DoSSIER

en profondeur de la règlementation applicableaux finances des Etats (cf article suivantrelatif à la réforme comptable de l’Etat pré-senté par le Conseil technique Amadou OuryBA)

Dans l’exercice de ses missions, le Trésorsénégalais est plus que jamais soumis à l’obli-gation de se conformer aux principes comp-tables suivants :

- la comptabilité d’exercice (droits et obli-gations constatés ;

- la régularité ;- la séparation des ordonnateurs et des

comptables ;- la continuité d’exploitation ;- l’indépendance et la spécialisation des

exercices ;- la permanence des méthodes ;- la sincérité ;- l’image fidèle ;- la bonne information (intelligibilité, per-

tinence et fiabilité) ; - la primauté de la réalité économique sur

l’apparence.

1.1.2/ LA REgLEMENTATION NATIONALEEn sus des référentiels normatifs fonda-

mentaux comme la Constitution et certainstextes spécifiques, le corpus juridique internequi encadre la gestion des comptes publicset la production des états financiers de l’Etats’inspire largement des référentiels interna-tionaux et des directives du cadre harmoniséde gestion des finances publiques de l’UE-MOA.

Dans l’exercice de ses missions de tenuedes comptes et de production des états fi-nanciers de l’Etat, la DGCPT est tenue aurespect des différents textes juridiques et par-ticulièrement aux lois et règlements ayanttransposé les différentes directives relativesà la comptabilité publique (voir égalementl’article qui suit sur le pilotage de la Ré-forme).

1.2/ MISSIONS COMPTABLES DE LA DgCPTLa comptabilité générale de l’Etat est tenue

exclusivement par les comptables publics(comptables directs du Trésor et comptablesdes administrations financières).

Par ailleurs, Le Trésor assure la centrali-sation de la comptabilité de l’Etat avecl’Agent comptable central du Trésor, qui estchargé de l’établissement de la Balance gé-nérale des comptes de l’Etat et de l’élaboration

du Compte général de l’administration desFinances (CGAF).

1.2.1/ TENUE DE LA COMPTABI-LITE ET PRODUCTION DES ETATSFINANCIERS DE L’ETAT

La DGCPT tient la comptabilité à traversson réseau; elle assure la production des étatsfinanciers de l’Etat.

Le réseau comptable comprend la Tréso-rerie générale, Agence comptable centraledu Trésor, la Paierie générale du Trésor, laRecette générale du Trésor, la Trésorerie paie-rie pour l’Etranger et les Paieries auprès desmissions diplomatiques et consulaires quilui sont rattachées, l’Agence comptable desGrands projets, les Trésoreries Paieries ré-gionales, les perceptions et les recettes per-ceptions municipales.

2.2.2/ les outils de production de la compta-bilité

Le Trésor assure la tenue de la comptabilitéainsi que la production des états comptablesde l’Etat par le biais du progiciel ASTER.

Pour un suivi optimal de l’exécution desopérations budgétaires et de trésorerie, desapplicatifs de comptabilité auxiliaire sontégalement implémentés dans les servicescomptables (comptes de dépôts, systèmed’annonce de trésorerie, gestion et surveil-lance des encaisses, etc.).

S’agissant de la prise en charge des dé-penses budgétaires, elle est opérée de façonautomatisée à travers un interfaçage SIG-FIP/ASTER, par le biais du module Comp-tabilité Auxiliaire des dépenses (CAD) duprogiciel ASTER. Ce dispositif devra êtreadapté aux nouvelles règles d’enregistrementdes charges de l’Etat à partir de la liquida-tion.

Le paiement ainsi que la comptabilisationdes dépenses sont effectués à travers STAR-UEMOA et SICA-UEMOA, dont l’inter-façage avec ASTER permet d’assurer la gé-nération automatique des écriturescomptables de règlement.

Ce dispositif informatique et comptablepermet de générer toutes les situations né-cessaires au suivi des opérations, à l’infor-mation des autorités, à la reddition descomptes et au bon déroulement des missionsde vérifications et d’audit des corps decontrôles (balances des comptes, balancesauxiliaires, états de développement des soldes,etc.).

2/ ETAT DES LIEUX DE LA gESTION COMPTABLE2.1/ LES ACQUIS

Au Sénégal, il existe trois (3) catégories decomptables publics en deniers et valeurs 1:

- les comptables directs du Trésor ;- les comptables des administrations fi-

nancières ;- les agents comptables des établissements

publics et organismes assimilés.

A cet égard, les acquis dans la tenue de lacomptabilité et la production des états comp-tables de l’Etat tiennent au cadre organisa-tionnel de centralisation des opérations etde mise en réseau des services) ainsi qu’auxrelations fonctionnelles entre les comptablesdirects du Trésor, les comptables des admi-nistrations financières et les autres régis-seurs).

2.1.1/ LE CADRE ORgANISATIONNELLa comptabilité de l’Etat est intimement

liée à l’existence d’un réseau de postes comp-tables et d’un dispositif de centralisation desopérations, à divers échelons.

En effet, l’organisation de l’administrationdu Trésor en réseau structuré de comptablesdirects à travers un maillage de l’ensembledu territoire national, est assez emblématique.

Une telle structure permet également lesuivi des opérations financières des admi-nistrations publiques, des entités du secteurparapublic et des missions diplomatiques etconsulaires.

Toutefois, pour assurer la continuité fi-nancière de l’Etat, le réseau des postes comp-tables du Trésor doit opérer une montée enpuissance en épousant la carte administra-tive.

Toutes choses égales par ailleurs, l’organi-sation actuelle du réseau du réseau montrele rôle central du Trésor dans l’exécution desopérations financières de l’Etat, la prise encharge rapide des informations ou des don-nées à caractère financier et la distributionaux usagers de prestations d’un service publicde qualité.

A l’heure actuelle, la comptabilité de l’Etatest tenue par les comptables directs du Tré-sor 2, qui se retrouvent dans les catégoriessuivantes :

- les comptables principaux qui sont enmême temps, des comptables centrali-sateurs, justiciables du juge des Comptes

1 Décret n°2011-1880 du 24 novembre 2011 portant règlement général sur la comptabilité publique, article 26. 2 L’article 19 de la directive de l’UEMOA portant règlement général sur la comptabilité publique transposée dans le droit sénégalais dispose que «sous l’autorité du ministre chargé des finances, les comptables directs du Trésor, principaux ou secondaires, exécutent toutes opérations budgétaires,financières, et de trésorerie de l’Etat, des budgets annexes et des comptes spéciaux du Trésor. »

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12 AVRIL 2019LE TRESOR PUBLIC

LE DoSSIER

au titre des opérations imputées au bud-get général de l’Etat et aux comptes spé-ciaux du Trésor ;

- les comptables secondaires qui sont éga-lement, des comptables subordonnés,non centralisateurs et qui ne sont pasjusticiables de la Cour des Comptes,pour les opérations qu’ils exécutent autitre du budget général de l’Etat et descomptes spéciaux du Trésor.

La comptabilité de l’Etat est tenue, selonle principe des droits constatés. Le progicielASTER permet l’enregistrement comptableà temps réel de toutes les opérations ; celle-ci donnant lieu à la production des diversétats de synthèses que sont les balances gé-nérales des comptes, la balance générale descomptes consolidés, les balances auxiliaireset les états de développement des soldes.

Dans le cadre de la mise en œuvre desréformes en cours du cadre harmonisé degestion des finances publiques au sein del’UEMOA, l’administration du Trésor de-vrait en arriver à produire obligatoirementles états financiers de l’Etat qui doiventcomporter le bilan, le compte de résultat,le tableau des flux de trésorerie, les tableauxdes opérations financières du Trésor et l’étatannexé.

L’organisation des services du Trésor, enréseau de postes comptables, facilite la cen-tralisation des données comptables de l’Etatpar l’Agent comptable central du Trésor.

Aussi, convient-il de rappeler les disposi-tions de l’article 21 de la directive portantplan comptable de l’Etat : « la centralisationest le mécanisme qui organise et structurela comptabilité générale de l’Etat de manièreà lui donner toute son unité. ».

Ce système est appliqué dans tous lespays de l’espace UEMOA. Il constitue d’ail-leurs une option forte retenue et réaffirméedans le cadre de la réforme du cadre har-monisé de gestion des finances publiques.L’article 21 de la directive précitée énonceégalement que « les modalités de centrali-sation sont précisées par les règlementationsnationales. ».

C’est pourquoi, la préservation de l’unitéde la comptabilité publique exige une orga-nisation simple, coordonnée par un acteuridentifié comme seul responsable de la pro-duction des comptes.

Au Sénégal, la centralisation des opérationscomptables de l’Etat s’opère selon les échelonssuivants :

• à l’échelon régional, les Trésoriers payeursrégionaux centralisent ou consolidentles opérations des comptables subor-

donnés qui leur sont rattachés (percep-teurs et receveurs percepteurs munici-paux) ;

• à l’échelon central, à Dakar, le Receveurgénéral du Trésor centralise les opéra-tions des comptables subordonnés quilui sont rattachés ;

• au niveau national, l’agrégation des don-nées comptables des comptables supé-rieurs de l’’Etat est opérée par l’Agentcomptable central du Trésor.

En définitive, les comptables non centra-lisateurs établissent une balance des comptesqu’ils adressent pour examen à leurs comp-tables supérieurs de rattachements respectifs.Ces derniers, en sus de leurs balances géné-rales des comptes, établissent des balancesgénérales des comptes consolidés.

Aujourd’hui, des efforts concertés sont entrain d’être déployés à tous les niveaux, afind’améliorer la qualité comptable qui constituel’un des axes forts des plans stratégiques del’Administration du Trésor.

Ces efforts ont permis de gagner des avan-cées considérables dans la qualité des comptespublics et l’établissement du Compte généralde l’Administration des Finances (CGAF),composante importante du projet de loi derèglement, dont la production devient dés-ormais régulière.

2.1.2/ LES RELATIONS FONCTIONNELLESDES SERVICES

Dans la pratique, les receveurs des admi-nistrations financières procèdent, à des opé-rations de reversement des produits collectés,auprès des comptables principaux du Trésorchargés de l’imputation définitive au budgetde l’Etat.

L’adhésion du Trésor aux systèmes de paie-ment électronique de l’UEMOA, SICA etSTAR, facilitent les liens fonctionnels entreles comptables principaux directs du Trésor(RGT notamment) et les bureaux de recou-vrement de la DGID. En effet, grâce au sys-tème des chèques scannés et leur présentationà l’encaissement via une plateforme électro-nique, la remontée de la trésorerie chez leTrésorier général se fait à temps réel dans ledispositif de télépaiement e-tax, et est qua-siment instantanée dans les cas de dépôt dechèques à scanner.

Dans le cadre de ses relations avec l’ad-ministration des douanes, le Trésor, par lebiais de la Recette générale du Trésor (RGT),de la perception de Dakar-Port, des Trésorierspayeurs régionaux et de certaines perceptionsdépartementales, encaisse et centralise toutesles recettes douanières et autres taxes spéci-

fiques réalisées sur toute l’étendue du territoirenational.

Sur le même registre, il faut souligner quela RGT et les TPR centralisent égalementles recettes perçues par les régisseurs des au-tres administrations.

2.2/ LES CONTRECOUPS DU TRANFERTDU RECOUVREMENT

Le transfert de la compétence de recou-vrement des impôts directs d’Etat et taxesassimilées de la DGCPT à la DGID, est in-tervenu suivant arrêté 00592/MEF du 02février 2009.

Ce transfert a eu des répercussions sur lesystème de tenue de la comptabilité de l’Etatet la production de la comptabilité et a poséavec acuité la question de la responsabilitédes comptables directs du Trésor en matièrede recouvrement des impôts directs d’Etatet taxes assimilées).

2.2.1/ IMPUTATION DES OPERATIONSLe transfert de la compétence de recou-

vrement des impôts directs et taxes assimiléesn’a pas fait l’objet, au plan comptable, de me-sures d’accompagnement idoines.

En effet, les comptables du Trésor ont euà rencontrer d’énormes difficultés dans l’im-putation des opérations de recettes du faitde l’absence d’informations précises sur lesproduits encaissés et de l’inexistence de pro-cédures comptables au niveau des servicesde la DGID.

Cela est d’autant plus évident que le FMIa, dans un rapport d’août 2012, indiqué lesincidences négatives de cette réforme dansla production des comptes publics.

2.2.2/ RECOUVREMENT ET RESPONSABILITEDES COMPTABLES

La responsabilité du comptable public enmatière de recouvrement s’apprécie au regarddes textes législatifs et règlementaires en vi-gueur, par l’obligation qui lui est faite :

- de procéder à l’apurement administratifet au rattachement des rôles d’impôts ;

- d’opérer la prise en charge juridique etcomptable des émissions d’impôts as-signées sur son ressort fiscal ;

- de recouvrer les impôts émis et pris encharge par ses soins ; d’imputer auxcomptes de l’Etat les produits des en-caissements ;

- de justifier les restes à recouvrer des émis-sions d’impôts ;

Le transfert de la compétence du recou-vrement des impôts directs d’Etat à la DGIDnécessitait une mise à jour de la règlemen-

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13LE TRESOR PUBLICAVRIL 2019

LE DoSSIER

tation, notamment en ce qui concerne la res-ponsabilité de la justification des restes à re-couvrer sur les rôles d’impôts dont la priseen charge incombe toujours aux comptablesprincipaux directs du Trésor qui n’ont plusd’emprise sur la conduite du recouvrement.

3/ CONSOLIDATION DE L’UNITE COMPTABLEDE L’ETAT

Comme rappelé plus haut, la directiven°07/2009CM/UEMOA du 26 juin 2009portant règlement général sur la comptabilitépublique dispose expressément que « les opé-rations des comptables des administrationsfinancières sont centralisées dans les écrituresdu Trésor » confirmant ainsi, la compétenceexclusive du Trésor en matière de productiondes comptes de l’Etat.

Dès lors, la centralisation comptable consti-tue un gage de consolidation de l’unité comp-table de l’Etat qui permet de satisfaire auxexigences du contrôle de l’exécution budgé-taire et de produire des statistiques des fi-nances publiques conformes aux standardsinternationaux.

3.1/ CONTROLE DE L’EXECUTION BUDgETAIREL’une des finalités de la tenue de la comp-

tabilité est la reddition des comptes qui per-met de répondre aux exigences de transpa-rence, de traçabilité et d’information sur lasituation financière de l’Etat.

L’exigence de célérité dans la centralisationdes opérations budgétaires, d’une part, et lanécessité de respecter les délais de présen-tation du projet de loi de règlement au Par-lement, d’autre part, font que l’unité descomptes publics est une condition sine quanon de la transparence budgétaire et de lacrédibilité des comptes.

En effet, le contrôle de l’exécution des loisde finances assuré par la Cour des comptesest subordonné à la production par le Gou-vernement du Projet de loi de règlement, duCompte général de l’administration des fi-nances et du Compte administratif de l’or-donnateur.

A cet égard, il est important que l’organi-sation comptable allie cohérence et transpa-rence de sorte à assurer la reddition descomptes dans des conditions de célérité etd’efficience.

Il est ainsi important de souligner qu’ensus de la sécurité, de la régularité et de laqualité des opérations comptables, la fiabilité,l’exhaustivité, la sincérité et l’image fidèle descomptes produits, constituent les gages dequalité comptable de l’Etat.

En effet, dans le contexte de la réformedu cadre harmonisé de gestion des financespubliques, le référentiel de base doit être,dans tous les cas, la consolidation d’un cadrecomptable3 de l’Etat basé sur le système cen-tralisateur favorisant la reddition des comptes.

3.2/ PRODUCTION STATISTIQUELes statistiques de finances publiques, dans

leur procédure d’élaboration, consacrent laprimauté de la comptabilité générale de l’Etatcomme source principale de données.

Ce choix procède du fait que les donnéescomptables, de par leur ancrage à une seuleunité organique, présentent toutes les carac-téristiques requises pour une production dequalité et une diffusion dans les délais, desétats de synthèse.

Ces caractéristiques sont relatives, notam-ment :

- au champ couvert par les données comp-tables ;

- au degré de détail disponible ;- au temps nécessaire pour la disponibilité

des situations comptables ;- à la fréquence de diffusion des situations

comptables ;- à la fiabilité et à l’exactitude des données

comptables.

Le passage au nouveau régime des sta-tistiques de finances publiques inspiré duManuel de statistiques de finances publiquesdu FMI de 2001 et de la Directiven°10/CM/UEMOA du 26 juin 2009 por-tant Tableau des Opérations financières del’Etat (TOFE) va conforter ces exigences,avec l’introduction du système de consta-tation des droits et obligations et la priseen compte de la dimension patrimonialedans les enregistrements comptables et sta-tistiques.

En application des principes de transpa-rence financière, le FMI a élaboré en 1996,au lendemain de la crise de la dette mexi-caine, une « Norme spéciale de Diffusion

des Données » (NSSD) complétée en 1997par un « Système général de diffusion desDonnées » (SGDD) qui font obligation auxEtats désirant lever des fonds sur les marchésinternationaux des capitaux de publier uncertain nombre d’informations relatives àleurs situations macroéconomiques (donnéesbudgétaires, secteur réel, secteur financier,balance des paiements, etc.)4 et à fournirdes informations sur :

- le champ d’application, la périodicitéet les délais de diffusion des données ;

- l’intégrité des données ;- la qualité des données ;- l’accès du public aux données.

Selon la NSDD/FMI, les métadonnéessur les opérations des administrations pu-bliques ou de manière générale sur les opé-rations du secteur public « doivent être diffu-sées annuellement, dans un délai de six moisà compter de la fin de la période à laquelleelles se rapportent.»5.

Mieux, le FMI recommande pour la plu-part des opérations des administrations pu-bliques, une diffusion trimestrielle voiremensuelle, en lieu et place de la périodicitéannuelle.

Le Sénégal s’était engagé dans un pro-cessus d’adhésion à la NSDD/FMI à la-quelle seuls cinq pays africains ont adhéré: Afrique du Sud, Ile Maurice, Maroc, lesSeychelles et Tunisie. Par la suite, cette adhé-sion est devenue effective en 2017.

Les conditionnalités associées à l’adhésionà la NSDD/FMI viennent s’ajouter à desengagements déjà très contraignants entermes de production et de diffusion dedonnées statistiques dans le cadre notam-ment, du Programme ISPE (Initiative deSoutien à la Politique Economique) auquelle Sénégal entend substituer l'ICPE (Ins-trument de Coordination de la PolitiqueEconomique) mis en place depuis juillet2017 par le FMI.

La consolidation de l’unité comptable del’Etat revêt ainsi une importance toute par-ticulière dans la mesure où celle-ci permetde satisfaire aux exigences de transparence,d’exhaustivité, de sincérité, d’intégrité, etc.,autant de principes comptables conformesaux standards de la NSDD/FMI.

3 Cet aspect de la réforme comptable est souvent ignoré mais il est essentiel voire déterminant pour la réussite de la mise en œuvre du nouveau cadreharmonisé de gestion des finances publiques puisque la reddition des comptes et la qualité comptable y dépendent. D’ailleurs, l’une des principales re-commandations (la 1ère notamment) du rapport de la Cour des comptes française après la mise en œuvre de la comptabilité en droits constatés etpatrimoniale (CDCP), c’est, entre autres, de « veiller au caractère stable et réaliste du cadre comptable. » Cour des comptes : La comptabilité généralede l’Etat, dix ans après : une nouvelle étape à engager, rapport public thématique, février 2016, p. 74.4 Les publications sont diffusées sur la Tableau d’affichage des Normes de Données (TAND) du FMI.5 Fonds monétaire international (2007) : Norme spéciale de diffusion des données (NSDD), page 27..

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L’Union Economique et Monétaire Ouest Africain (UEMOA)a fini, après la première génération de directives, de jeter les basesde la nouvelle comptabilité de l’Etat en droits constatés de typepatrimonial et d’une gestion axée sur la performance avec l’adop-tion du nouveau cadre harmonisé des finances publiques portépar les directives ci-après qui ont, toutes, fait l’objet de transpositiondans notre droit interne. Il s’agit de :

- la directive n° 01/2009/CM/ UEMOA du 27 mars 2009portant Code de transparence dans la gestion des financespubliques1 ;

- la directive n° 06/2009/ CM/UEMOA du 26 juin 2009portant lois de finances2 ;

- la directive n° 07/2009/ CM/UEMOA du 26 juin 2009portant Règlement général de la Comptabilité publique3 ;

- la directive n° 08/2009/ CM/UEMOA du 26 juin 2009portant Nomenclature budgétaire de l’Etat (NBE4 );

- la directive n° 09/2009/ CM/UEMOA du 26 juin 2009portant Plan comptable de l’Etat (PCE)5 ;

- la directive n° 10/2009/ CM/UEMOA du 26 juin 2009portant Tableau des Opérations financières de l’Etat(TOFE)6 ;

- et la directive n° 03/2012/ CM/UEMOA du 29 juin 2012portant Comptabilité des matières.

Ce nouveau cadre, porteur d’innombrables innovations, aconduit l’Etat du Sénégal, comme les autres pays membres del’Union, à asseoir une démarche globale de conception et de dé-ploiement de la réforme7 des finances publiques de manière gé-nérale et singulièrement de celle de la comptabilité de l’Etat quiest essentiellement marquée par les spécificités suivantes :

- d’abord, la mise en place d’un dispositif institutionnel8 dédiéau pilotage d’ensemble et dans ses différentes composantesde la réforme tant budgétaire, organisationnelle, comptableque du Système d’information qui se veut, intégré sur l’en-semble de la dorsale allant de la campagne budgétaire etéconomique à la reddition et au reporting des comptes ;

- ensuite, l’élaboration d’une feuille de route de la réformecomptable assortie d’une trajectoire parsemée de jalons etd’une matrice d’actions ou d’activités regroupant cinq prin-cipales composantes liées au référentiel comptable, au biland’ouverture, à la qualité comptable, au système d’informationet à la conduite du changement, avec une opérationnalitéde mise en œuvre, une synergie et une mutualisation dansle pilotage et l’animation;

- puis, le pilotage de la réforme mené avec une préoccupationconstante d’articulation entre les différentes composantes9

de la comptabilité de l’Etat, à savoir la comptabilité budgétaire,la comptabilité générale et la comptabilité analytique descoûts, avec une mise en perspective de la consolidation descomptes du secteur public suivant le premier périmètre cir-conscrit par la norme 2 du RNCE10.

- et enfin, une démarche de réforme ainsi qu’une méthodologiede préparation et de mise en œuvre qui s’inscrit en droiteligne par rapport à la nouvelle approche budgétaire axée surles résultats et la performance(dont les programmes sont lesvecteurs), démarche d’ailleurs consacrée par l’article 12 la loi2011-15 du 08 juillet 2011 portant loi organique relativeaux lois de finances et pilotable au moyen des programmesbudgétaires listés par le nouvel arrêté primatorial n° 23613du 05 novembre 2018 fixant la liste des programmes et do-tations budgétaires.

En effet, la méthodologie de conduite de la réforme a consistéà enclencher un processus irréversible de modernisation de lacomptabilité de l’Etat, à travers la mise en place en 2014 dupremier jalon fondamental, tout en inscrivant cette entreprisesur une trajectoire d’amélioration soutenue et continue dans le

La réforme comptable de l’Etat :le pilotage dans tous ses états

AVRIL 2019LE TRESOR PUBLIC

LE DoSSIER

1 Loi 2012-22 du 27 décembre 2012 portant Code de transparence dans la gestion des finances publiques2 Loi 2011-15 du 8 juillet 2011 portant loi organique relative aux lois de finances (LOLF)3 Décret n° 2011-1880 du 24 novembre 2011 portant règlement général sur la comptabilité publique (RGCP)4 Décret n° 2012-92 du 11 janvier 2012 portant plan comptable de l’Etat (PCE)5 Décret n° 2012-673 du 04 juillet 2012 portant Nomenclature budgétaire de l’Etat (NBE)6 Décret 2018-842 du 09 mai 2018 portant comptabilité des matières7 Voir figure n°2 qui décrit toutes les phases qui ont rythmé le pilotage de la réforme de manière globale8 L’arrêté N° 13282/MEFP du 13 août 2013 portant mise en place du cadre institutionnel de pilotage et de suivi de la mise en œuvre des réformesinduites par le nouveau cadre harmonisé des finances publiques de l’UEMOA, modifié par arrêté n°09295 du 29 juin 2016 qui intègre l’adaptationorganisationnelle et fonctionnelle.9 Article 150 du RGCP10 Recueil de normes comptables de l’Etat approuvé par arrêté du ministre chargé des finances N°11195 du 02 août 2016.

Amadou Oury BA,Inspecteur principal du Trésor,Conseiller technique du DGCPTen charge de la réformecomptable

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temps (jalon 2019 prévu pour les opérations de nature purementcomptable). Au fil des lignes qui vont suivre, les points suivantseront tour à tour abordés : le référentiel comptable qui initialisele cadre général de la comptabilité (I), le mode opératoire utilisépour le pilotage et l’animation de la réforme (II), le bilan d’étapeen termes de réalisations et de contraintes (III) et enfin les pers-pectives à dessiner(IV).

I- Le référentiel comptable de l’EtatLe nouveau référentiel11 comptable de l’Etat est désormais

structuré autour du cadre conceptuel, des normes comptables,du plan comptable, des modalités de fonctionnement des comptesporté à la fois par le décret 2012-92 du 11 janvier 2012 portantPlan comptable de l’Etat (PCE), le RNCE et le plan comptablerénové et commenté.

Toute comptabilité normée obéit à un certain nombre de prin-cipes et de règles destinées à lui donner toute sa rigueur et per-mettre ainsi sa comparabilité dans le temps et dans l’espace.

Pour ce faire, le nouveau référentiel comptable est structurépar les principes et règles suivantes :

- le passage à une comptabilité d’exercice fondée sur le principede la constatation des droits et obligations ;

- la prise en compte de la dimension patrimoniale y comprisle rattachement des opérations de flux de gestion;

- l’édiction et l’intégration de normes comptables proches dela comptabilité de l’entreprise tout en tenant compte desspécificités12 de l’action de l’État.

- l’articulation entre la comptabilité budgétaire et la comptabilitégénérale comme le prescrit la norme n° 1 du RNCE etconsacrant de ce fait une caractéristique distinctive de lacomptabilité générale de l’Etat (CGE) par rapport à cellede l’entreprise.

Ainsi, en prélude à l’élaboration du bilan d’ouverture (BO) del’Etat, chaque élément du patrimoine de l’Etat doit être appré-hendé pour définir son périmètre, l’identifier, l’évaluer et enfin lecomptabiliser sur la base des règles suivantes :

- définir la méthode applicable pour le bilan d’ouverture suivantla méthode comptable et/ou la méthode extra comptablepour l’initialisation du bilan d’ouverture ;

- préciser l’assignation fonctionnelle ou territoriale, au plancomptable sans préjuger de celle budgétaire, des biens del’Etat induite par la nouvelle organisation comptable ;

- donner les modalités de centralisation des opérations envue de la restitution de l’unité de la comptabilité de l’Etatsoit par intégration ou par agrégation soit par combinaison

des deux modalités.Tous ces changements vont irrévocablement conduire à la

conception et à l’objectivation de la part de l’Etat d’un modèleopérationnel de sa nouvelle fonction comptable au moyen duréférentiel mentionné supra suivant les axes ci-après:

- l’extension du périmètre et la déconcentration de la comp-tabilité générale de l’Etat en vue de la rapprocher du fait gé-nérateur et des ordonnateurs ainsi que leurs services ges-tionnaires13 ;

- la montée en compétences et la professionnalisation descomptables publics ainsi que des futurs auditeurs internes14

;- l’application du principe des droits constatés (dès la consta-

tation des droits et obligations) ; - l’inscription au bilan de l’Etat des opérations d’inventaire

ou de tous les flux de gestion portant sur les actifs non fi-nanciers, les dettes et créances, en vue de la connaissance dupatrimoine public et partant, de la capacité de l’Etat à faireface à ses engagements(charges et produits à rattacher àl’exercice, amortissements, provisions, variation de stock, si-tuation patrimoniale, etc…) ;

Le nouveau cadre de la comptabilité générale de l’Etats’inscrit désormais dans un contexte marqué par des change-ments protéiformes :

- de paradigmes, par une remise en cause du modèle actueldans sa conception et sa pensée, prise en compte desnormes comptables ;

- de culture, par l’introduction de nouveaux concepts, la per-formance, les modes d’évaluation ou de valorisation, la pro-duction d’états financiers15 et la future certification ou l’émis-sion d’un avis16 par la Cour des Comptes dans son rôle decertificateur à l’image du Commissaire aux comptes de l’en-treprise;

- et de dimensions consacrant la tenue d’une comptabilité en3 D (en plus de la comptabilité budgétaire, l’Etat tiendra lacomptabilité générale fortement documentée par la comp-tabilité des matières et d’une comptabilité d’analyse des coûtsdes programmes, embryon d’une comptabilité analytique.

Il s’agira alors pour l’Etat de relever les divers défis qui peuventêtre appréhendés en termes d’enjeux et/ou d’objectifs consistanten la connaissance exacte de :

- Son patrimoine (le bilan ou la Situation nette) et deson évolution:

• ce qu’il possède (actif immobilisé, actif circulant, tréso-rerie- actif ) ;

LE TRESOR PUBLICAVRIL 2019

LE DoSSIER

11 L’UEMOA a opérationnalisé le référentiel à travers la directive portant PCE et le guide didactique y relatif (tomes 1et 2).12 L’Etat, contrairement aux entreprises, ne dispose pas de capital initial et est investi de missions régaliennes comme, par exemple, le respect del’ordre et de la sécurité ou les relations internationales et ses activités ont pour objectif fondamental d’assurer des missions de service public.13 Article 183 du décret 2011-1880 du 24 novembre 2011 portant Règlement général sur la Comptabilité publique14 A l’image du contrôle interne, l’audit interne est inhérent à la comptabilité générale. Lafonction des Contrôleurs internes de la DCI doit évolueren audit interne et d’ailleurs l’activité de contrôle interne ne doit pas s’incarner car étant immanente et diffuse (voir définition donnée dans « la pratiquedu contrôle interne, COSO Report, édition EYROLLES, 2007)15 La Situation nette ou bilan, le Compte de résultat, le Tableau des Flux de trésorerie (TFT), le Tableau des opérations financières du Trésor(TOFT)ainsi que les états annexés.16 Les articles 50 et 62 de la LOLF prescrivent que la Cour des comptes donne son avis sur le système de contrôle interne et le dispositif de contrôle degestion, sur la qualité des procédures comptables et des comptes, ce qui tous les relents d’une certification mêmes si ce terme n’est pas expressément utilisé.

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• ce qu’il doit (dettes financières et non financières, passif cir-culant, trésorerie-passif ).

- Son compte de résultat• Prise en compte de l’ensemble des produits (et pas uniquement

des recettes budgétaires) acquis à l’Etat durant l’exercice ;• Prise en compte de l’ensemble des charges (et pas uniquement

des dépenses budgétaires).- Ses engagements (le hors bilan) :• Engagements donnés (prêts, dons, garanties et avals accordés

par l’Etat, les autorisations d’engagement17 (AE) non tirésen crédits de paiement(CP));

• Engagements obtenus (emprunts, dons, garanties et avalsobtenus par l’Etat).

II- Le Mode opératoire du pilotageL’arrêté n°13282 du 13 août 2013 portant mise en place d’un

dispositif institutionnel de pilotage, d’animation et de suivi dela mise en œuvre des réformes induites par le nouveau cadreharmonisé des finances publiques de l’UEMOA, modifié a fixéle cadre institutionnel ci-après schématisé (figure 1)autour duquels’articule :

- Le comité national de pilotage (COPIL) présidé par le Mi-nistre de l’Economie, des Finances et du Plan ;

- Le comité technique sectoriel « réforme de la comptabilitépublique » dont la tête de file est assurée par la Directiongénérale de la Comptabilité publique et du Trésor, principalartisan du pilotage de la réforme (voir figure ci-après) ;

- Le comité technique sectoriel« Préparation, exécution, contrôlede l’exécution du budget et tenue de la comptabilité admi-nistrative »dont la présidence est assurée par la Directiongénérale du Budget ;

- Le comité technique sectoriel « adaptation du système d’in-formation budgétaire et comptable » opérationnalisé par leConseiller technique du MEFP chargé des TIC ;

- Le comité technique sectoriel « adaptation organisationnelleet fonctionnelle de l’Administration » piloté par le Bureau

Organisation et Méthode (BOM), institué l’arrêté n° 09295du 29 juin 2016, complétant l’arrêté ci-dessus.

La réforme de la comptabilité publique ou de l’Etat est opé-rationnalisée par Le comité technique sectoriel « réforme de lacomptabilité publique » dont la tête de file est assurée par la Di-rection générale de la Comptabilité publique et du Trésor, principalartisan et véritable bras armé du pilotage de la réforme comptablede l’Etat (voir figure 3) est chargé de donner corps aux orientationsarrêtées par le Copil sur la base de la stratégie déclinée en pland’actions et articulée à un timing précis fixé dans la feuille de

route sur le long chemin du basculement.Une mise en œuvre progressive (et non un big bang) de la

réforme comptablePour la mise en œuvre de la réforme, la ligne de crête a été

fixée par le bilan d’ouverture qui se présente pour l’Etat à lafois comme un enjeu majeur et un défi redoutable. La phasepréparatoire à l’initialisation du bilan d’ouverture ouvre desproblématiques majeures relatives à la fiabilisation des comptesainsi qu’aux opérations de recensement et valorisation deséléments du bilan de l’Etat. La phase post bilan d’ouverturedoit engager la stratégie globale de pilotage des activités postbilan d’ouverture et le déploiement du dispositif de maitrisedes risques comptables et financiers sans quoi point de qualitécomptable tant voulue et recherchée. Pour porter et implé-menter les réformes induites, le Comité technique sectorieldédié à la comptabilité s’est vu attribuer, par l’arrêté institutifdu cadre institutionnel certaines compétences allant de l’éla-

AVRIL 2019LE TRESOR PUBLIC

LE DoSSIER

17 La norme 14 du RNCE sur les engagements hors bilan liste les AE.

Figure 1 : Le cadre institutionnel de pilotage et d’animation

Figure 2 : les phases qui ont rythmé le déploiement de la réformedes finances publiques

Figure 3: Le cadre institutionnel de mise en œuvre de la comp-tabilité publique

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boration d’une stratégie sectorielle et des priorités de miseen œuvre à l’élaboration d’un plan de mise en en œuvre desréforme en passant par la coordination et le suivi du pilotagedans son ensemble.

Le comité technique sectoriel « comptabilité publique »(CTS-CP) comprend comme membres, outre la Directiongénérale de la Comptabilité publique et du Trésor (DGCPT),les institutions, structures, services et organisations profes-sionnelles comme la Cour des Comptes, l’Inspection généraled’Etat, des directions et services de l’Administration centrale,la profession comptable, les institutions de sécurité sociale.

Il est structuré autour de trois sous-comités : le sous-comitéélaboration du bilan d’ouverture présidé par la DGID, lesous-comité complément du cadre légal et réglementaire,présidé par la Direction de la Comptabilité publique et lesous-comité tableau des opérations financières de l’Etat pré-sidé par la Division des Etudes économiques et des Statis-tiques.

Ces sous-comités ont mené des activités dont le bilan estdressé ci-après.

III- Bilan d’étapesEn termes de bilan d’étape il sera fait état des réalisations

et des activités en cours de chacun des trois sous-comités.

Bilan des réalisations du sous-comité « élaboration dubilan d’ouverture »

- le parc automobile de l’Etat et des entités parapubliquesa été recensé et valorisé sous la supervision de la Directiondu matériel et du Transit (DMTA) qui a commis un ex-pert en la matière. D’ailleurs, pour les acquisitions pos-térieures, la DMTA a mis au point un système de veillepour assurer une actualisation de la valeur du parc.

- l’ensemble des biens immobiliers à l’étranger a été recenséet valorisé sous la houlette de l’Inspection générale d’Etat,membre actif du CTS-CP avec la participation notabledu ministère en charge des affaires étrangères et des ser-vices du cadastre ;

- les bâtiments types disséminés et certains bâtiments ad-ministratifs ou de logement ont fait l’objet de recensementet de valorisation sur l’ensemble du territoire nationalpar la DGID avec le soutien actif de l’Agence de gestiondu Patrimoine bâti de l’Etat (AGPBE) ;

- le recensement des participations financières de l’Etatau coût ou à la valeur d’équivalence (pour les entitéscontrôlées) et au coût d’acquisition déprécié (pour lesentités non contrôlées).

- Bilan des réalisations du sous-comité complément ducadre légal et réglementaire

- le RNCE élaboré et approuvé depuis août 2016 ;- le projet d’instruction sur le BO a été élaboré et validé

depuis novembre 2016 ;

- l’harmonisation de la NBE et PCE a été accomplie deconcert avec les services de la DGB, de la DGCPT etdu projet SIGIF pour permettre une bonne articulationentre la comptabilité générale et la comptabilité budgétaireet une mise en œuvre de la norme 1 du RNCE ;

- huit sur les dix projets de livres prévus devant composerl’instruction comptable ont été validés. Nous pouvonsciter les livres sur : les charges, les produits, les états fi-nanciers, les engagements hors bilan de l’Etat, les dettesfinancières, les provisions pour risques et charges, la tré-sorerie, les immobilisations financières

Bilan des réalisations du sous-comité du TOFE- le cadre minimum d’analyse prévu par le décret portant

TOFE a été fait ;- l’élargissement du champ du TOFE aux entités extra

budgétaires ;- la consolidation des opérations des entités situées sur le

périmètre de consolidation est effective et le Sénégal estle premier pays de l’espace à réussir cette activité.

IV- Les Perspectives et les en-cours de réalisationLes perspectives et les activité ou actions en cours de réa-

lisation se déclinent comme suit :- le recensement des immobilisations incorporelles dont

le plan de passation a été posté au portail dédié ;- la réorganisation du réseau comptable actuellement

configuré sur le périmètre budgétaire ;- la conduite du changement en termes, entre autres, de

formation, de vulgarisation des bonnes pratiques ;- le recensement et la valorisation de tous les éléments

d’actif (bâtiments, stocks et biens mobiliers) de l’armée;

- l’élaboration du plan de comptable commenté et déci-malisé au moins sur 4 positions ;

- le recensement et intégration de la dette financière etdes prêts à leur valeur nominale de remboursement ;

- la production du Recueil des normes comptables desentités du secteur parapublic a été sous traitée à un ex-pert-comptable après l’étude qui a été menée en 2016.

Il est à noter qu’une réforme de cette ampleur est trèscoûteuse en termes de ressources financières et humaineset de surcroit pour un pays pauvre comme le nôtre. L’autredifficulté réside dans la bataille de la conduite du changementqu’il faut impérativement gagner au regard des mutationsprofondes induites et des impacts attendus sur les aspectsculturels et organisationnels de l’Etat dans son ensemblepour réussir la réforme. C’est l’autre pari qu’il faut réussiret pour paraphraser feu Philippe SEGUIN ancien PremierPrésident de la Cour des comptes française, la nouvelleLOLF induit la réforme de l’Etat par le budget.

LE TRESOR PUBLICAVRIL 2019

LE DoSSIER

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Le souci de présenter des donnéessincères a toujours été présent dansles finances des organismes publicssénégalais.

Pour les collectivités territoriales, leprincipe existait déjà avec l’équilibreréel, règle d’or en matière de financeslocales. Pour les établissements publicset autres organismes assimilés, l’acteuniforme de l’OHADA portant or-ganisation et harmonisation descomptabilités des entreprises a tou-jours prescrit une « image fidèle dupatrimoine, de la situation financièreet du résultat de l’entreprise » grâce à

une « description adéquate, loyale,claire, précise et complète des évène-ments, opérations et situations » (ar-ticle 9 et 10).

S’agissant des finances de l’Etat,déjà en doctrine, Charles FOUR-RIER, dans son ouvrage de 1975 in-titulé Finances publiques Sénégalaisesavait relevé à l’époque, des pratiquesqui remettaient en cause la sincéritédes budgets. Parmi ces pratiques, M.FOURRIER cite ce qu’il appelle la« débudgétisation rétrospective1». Eneffet, le constat est que les lois de rè-glement ont toujours comporté un

déficit budgétaire réel important.Mais, ce déficit est aussitôt inscrit aucompte permanent des découverts duTrésor considéré comme une sorte detrappe où disparaissent les découvertsgênants. Ce qui, pour lui, pose le pro-blème du respect du principe de l’équi-libre réel aujourd’hui connu sous lenom du principe de sincérité.

En outre, la Cour des comptes, ga-rant du respect de la bonne tenue descomptes, a toujours refusé de pronon-cer la déclaration de conformité mal-gré les dispositions de l’article 3 dela loi organique 2007-29 du 10 dé-

Bref aperçu sur le principede sincérité

AVRIL 2019LE TRESOR PUBLIC

REGARD SUR LA RéGLEMENTATIoN

1 Charles FOURRIER, Finances publiques sénégalaises

Oumar KAInspecteur du Trésor

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cembre 2007 modifiant l’alinéa 2 del’article 37 de la loi organique n° 2001-09 du 15 octobre 2001 relative auxlois de finances. Selon cet article, leprojet de loi de règlement est accom-pagné d'un rapport de la Cour desComptes et de la déclaration généralede conformité entre les comptes degestion des comptables de l’Etat et lecompte général de l’administrationdes finances. » Or, pour la Cour descomptes, en l’absence de la compta-bilité de l’ordonnateur, le simple rap-prochement entre les comptes indi-viduels des comptables principaux etle compte général de l’administrationet des finances rend sans objet la dé-claration générale de conformité2.

Mais, il faut préciser que, pour lesfinances de l’Etat, même si l’idée estancienne, le principe de sincérité, entant que tel, n’a fait son entrée dansle paysage juridique interne que grâceà l’avènement de la deuxième géné-ration des directives de l’UEMOAsur le nouveau cadre harmonisé desfinances publiques (articles 30 et 72de la directive portant lois de fi-nances).

C’est pourquoi, d’ailleurs, il estconsidéré comme « le dernier né desprincipes budgétaires3» ou encorecomme « un principe moderne4».

Du latin sincerus (franc, loyal, pur),la sincérité est une notion subjectivequi renvoie à l’éthique et à la morale.Elle impose, dans les relations hu-maines, la bonne foi, « l’absence d’in-tention dolosive5» ou encore « la re-cherche de conformité avecl’expression d’une réalité donnée6».Elle est donc affaire de comporte-ments humains, de jugement de va-leur, et constitue de ce fait « une ques-tion philosophique désincarnée et

discutableà l’infini7» .Appliquée aux finances publiques,

la sincérité donne l’impression d’unenotion essentiellement objective. Iln’en est pas exactement ainsi. La sin-cérité en finances publiques est enréalité un principe ambigu. Cette am-biguïté découle de son caractère tantôtobjectif tantôt subjectif.

1- La sincérité budgétaireEn amont, la sincérité concerne les

lois de finances initiales et les lois definances rectificatives. C’est pourquoid’ailleurs, on parle de sincérité bud-gétaire parce qu’elle intervient dansla phase de l’élaboration du budget.

Cette acception du principe de sin-cérité signifie que les prévisions bud-gétaires doivent être faites avec com-pétence et professionnalisme. LeGouvernement doit se comporter enbon père de famille. Dans le cadre dela préparation des lois de finances, ildoit s’abstenir de fournir des infor-mations fausses en surévaluant les re-cettes ou en sous-évaluant les dé-penses. La sincérité est, en d’autrestermes, « une invite à combattre l’ama-teurisme et la légèreté dans un exerciceaussi sérieux et aussi essentiel que lapréparation de la loi de finances del’année.8»

Cette sincérité budgétaire imposeau Gouvernement et au Parlementune obligation de résultat et non demoyens. C’est ce que révèlent les dis-positions de l’article 30 de la loi or-ganique 2011-15 du 08 juillet 2011relative aux lois de finances modifiéelorsqu’elles affirment que « les prévi-sions de ressources et de charges del’Etat doivent être sincères. Elles doi-vent être effectuées avec réalisme etprudence compte tenu des informa-

tions disponibles au moment où leprojet de loi de finances est établi. »

Ainsi entendu, elle renvoie à desprincipes moraux, notamment labonne foi, la discipline, lafranchise.Elle est donc affaire de qua-lités humaines. Cette teneur forte-ment subjective a poussé certains au-teurs à la considérer plus comme « undogme, une règle morale qu’un véri-table principe juridique »9.

Certes, le principe de sincérité revêtune portée juridique parce que consa-cré par la loi. Mais, contrairement auxautres principes budgétaires, soncontenu est imprécis et inintelligibleet il n’est pas contraignant.

Pour le principe de l’unité budgé-taire, l’obligation est claire. Il s’agit deprésenter tous les documents budgé-taires dans un texte unique présentéà l’organe délibérant. L’universalitéimpose une règle à savoir la non affec-tation et la non contraction des re-cettes et des dépenses. S’agissant del’annualité, elle oblige l’autorisationet l’exécution du budget dans l’annéecivile.Ces principes sont suffisammentclairs et précis qu’ils relèvent d’un im-pératif.

Mais, la sincérité,quant à elle, a uncontenu indéterminé qui rendson op-posabilité problématique. Elle ne pres-crit pas et ne défend pas. Elle n’en-traine pas une obligation de faire. Lasincérité souffre, en réalité, de nor-mativité. Selon le juge constitutionnelfrançais, elle se manifeste par « uneabsence d’intention de fausser lesgrandes lignes de l’équilibre10». C’estalors la bonne foi qui est vérifiée àl’occasion du contrôle de constitu-tionnalité.

En droit pénal, le problème ne sepose pas car l’élément moral est une

LE TRESOR PUBLICAVRIL 2019

REGARD SUR LA RéGLEMENTATIoN

2 Rapports publics annuels de la Cour des comptes3 DIOUKHANE A., les finances publiques dans l’UEMOA, le budget du Sénégal, l’harmattan 2015.4 DOUAT E. /BADIN X., Finances publiques PUF, collections Thémis droit, 3 édition, Paris, 20065 Nicaise MEDE, Finances publiques, espace UEMOA/UMOA, l’harmattan-Sénégal, 2016.6 « La sincérité, premier principe financier » Jean F JOYE, revue française de finances publiques, RFFP, lextenso, 2010, pp 17 n°1117 BOUVIER M., ESCLASSAN M.-C., LASSALE J.-P., finances publiques, 11e édition, L.G.D.J, 20128 Option citée n°049 Damien CATTEAU,Droit budgétaire, comptabilité publique, 2 édition, Hachette, Paris, 201510 Décision n°2001-448 DC du 25 juillet 2001, loi organique relative aux lois de finances.

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condition essentielle et constitutivedel’infraction.

En droit constitutionnel, ce carac-tère subjectif du principe rendsoncontrôle difficile.L’élément moral quele juge est appelé à vérifier s’appliquesur une situation insaisissable et illu-soire car la bonne foi à examiner, enl’espèce, est celle du Parlement c’est-à-dire l’expression de la volonté gé-nérale, l’œuvre d’une voix collective.

Comment en droit constitutionnelle juge, peut-il, dans son office, se per-mettre derechercher dans une volontégénérale et impersonnelle une inten-tion de tromperie ? Cette questionest du genre à rendre perplexe mêmeles juristes les plus brillants.

Ce contrôle est aussi délicat car saportée est politique. En vérité, ce tra-vail consistant à vérifier la sincéritédes informations budgétaires conduitle juge à dire au peuple si le Gouver-nement dit ou non la vérité.

Dans sa décision du 29 décembre2003, loi de finances pour 2004, lejuge français souligne qu’il « ne ressort

pas non plus des éléments soumis auconseil constitutionnel que le Gou-vernement ait dissimulé au Parlementdes engagements souscrits auprès desinstitutions communautaires de natureà remettre en cause les prévisions fi-gurant dans la loi de finances pour2004. » qu’en serait-il s’il avait dit lecontraire ?Est-ce le rôle d’un jugeconstitutionnel ?

Nous savons déjà que le juge consti-tutionnel n’a pas les moyens tech-niques de contrôler en détail le réa-lisme des évaluations budgétaires. Iln’est pas un juge spécialisé comme lejuge des comptes. Il n’a pas les outilspour apprécier la sincérité des donnéesmacroéconomiques qui permettentde servir les prévisions(taux de crois-sances, inflation, dette publique etc.)etqui sont, elles-mêmes, aléatoires. Cequi est demandé au juge c’est « de sefaire à la fois économiste et planifi-cateur pour pouvoir dire le droit surle respect du principe de sincérité. ».Or, ce domaine est incertain et setrouve être dans l’indécidable ou

même le falsifiable11.C’est pourquoi, le juge constitution-

nel français, saisi à plusieurs reprisessur le grief lié à l’absence de sincéritén’a jamais encore censuré de lois definances. En effet, il se contente d’uncontrôle minimum et exige la présenced’une erreur manifeste d’apprécia-tion12.

Le juge constitutionnel sénégalaisn’est pas encore saisi sur la question.Mais, il est tout de même permis des’interroger sur le devenir du principede sincérité face à un juge sénégalaisconnu pour sa timidité. Cette inter-rogation est légitime car le systèmeactuel de la justice constitutionnellesénégalaise ne favorise pas l’éclosionde ce principe. Les saisines sont li-mitées et les quelques occasions of-fertes au juge pourdire le droit se heur-tent à sa frilosité qui lui défend de seprononcer au-delà de sa compétenced’attribution.

II- la sincérité comptableEn aval, la sincérité concerne les

comptes publics c’est-à-dire les loisde règlement. Elle est prévue, en par-tie, par la loi 2012-22 du 27 décembre2012 portant code de transparencedans la gestion des finances publiquesau point 7.8. qui dispose que « lesbudgets et comptes des administra-tions des institutions constitution-nelles, des collectivités locales, desétablissements publics, des agences,des autorités administratives indé-pendantes et autres organismes pu-blics autonomes sont établis et gérésdans les mêmes conditions de trans-parence, de sincérité et de contrôleque celles qui sont définies par le pré-sent Code pour l’ensemble des admi-nistrations de l’Etat. »

Dans la même logique, l’article 2du décret 2012-92 du 11 janvier 2012portant plan comptable de l’Etat dis-pose que « la comptabilité généralede l’Etat a pour objet la connaissance

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11 K. Popper, la société ouverte et ses ennemis, éditions du seuil 197912 Décision n° 2001-456 DC du 27 décembre 200113 Décision 2001-448 DC du 25 juillet 2001.14 BOUVIER M., ESCLASSAN M.-C., LASSALE J.-P., finances publiques,11e édition, L.G.D.J, 2012

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exacte et sincère du patrimoine del’Etat et des opérations qu’il effectueen fonction des droits et obligationsqui lui sont reconnus ».

Pour rendre effective la sincéritécomptable, le nouveau cadre harmo-nisé des finances publiques a apportédes innovations fondamentales enconsacrant une comptabilité d’exercicefondée sur la constatation des droitset des obligations.

Il ne s’agit plus de retracer simple-ment les flux de recettes et de dé-penses publiques. La nouvelle gestionmet plutôt l’accent sur l’exhaustivitéet l’exactitude de l’information finan-cière.

Les opérations des recettes et dedépenses sont enregistrées depuis lefait générateur de la créance ou de ladette. Ainsi, les recettes sont enregis-trées au vu de titres de perception oude contrats pour les opérations fon-dées sur le système d’émission préa-lable de titres. Les autres recettes sontenregistrées au moment de la décla-ration ou du versement spontané desimpôts de toute nature par les contri-buables.

Les dépenses, quant à elles, sontenregistrées au moment de la liqui-dation. Ces méthodes d’enregistre-ment sont adossées sur un systèmede comptabilité qui prend en compte,comme dans le privé, la dimensionpatrimoniale des opérations finan-cières (comptes de bilan et de charges,valorisation des actifs, suivi des amor-tissements et dépréciations).

Ainsi précisée, la sincérité comp-table est plus concrète et plus objec-tive que la sincérité budgétaire. C’estpourquoi, son contrôle est plus ri-goureux. Selon le juge constitution-nel français, « la sincérité de la loide règlement s’entend en outrecomme imposant l’exactitude descomptes ».

Mais, derrière ce caractère objectifde la sincérité comptable, se cacheune problématique réelle. Dans uneentreprise privée, la sincérité impose

la valorisation et l’intégration dans lebilan de tous les actifs et passifs del’entité.

Mais, l’Etat a ses spécificités carses opérateurs sont multiples et lesopérations sont nombreuses et com-plexes. En France, par exemple, cer-tains immeubles spécifiques (histo-riquesculturels) sontévalués àuneurosymbolique. Cechoixcompta-ble a étécritiqué par unepartie de ladoctrinecaril ne permetpas de don-neruneimagefidèle du patrimoine del’Etat .

En définitive, il faut constater qu’ily a une différence de fond entre lasincérité budgétaire et la sincéritécomptable. Alors que la sincérité bud-gétaire apparait plus comme un prin-cipe politique, celle qui s’applique auxcomptes est plus contraignante.

Contrairement à la sincérité bud-gétaire qui s’applique aux prévisionsdes lois de finances initiales et recti-ficatives, la sincérité comptableconcerne les comptes de l’Etat autre-ment dit l’exécution budgétaireconstatée dans les lois de règlement.

Du point de vue systémique, la sin-cérité budgétaire est en contact directavec la politique, celle des comptesavec l’économie.

Du point de vue contrôle, la sincé-rité budgétaire est assurée par le jugeconstitutionnel et celle comptable parle juge des comptes. Le juge consti-tutionnel examine la volonté du lé-gislateur car la sincérité budgétaireconcerne les lois de finances et nonles projets. Le juge des comptes ap-précie le travail de l’exécutif à traversl’avis de conformité entre le comptegénéral de l’administration des fi-nances et les comptes de gestion quidoivent obligatoirement accompagnerles projets de loi de règlement. Mais,quelque soit le domaine, la sincéritéexige la vérité et la justesse dans lesinformations financières fournies cequi le différencie du principe de trans-parence budgétaire. Le principe detransparence impose un droit d’in-

formation et de communication sansréserve sur tous les aspects relatifs àla gestion des deniers publics.

La sincérité demande à ce que cesinformations brutes et accessiblessoient exactes et authentiques. End’autres termes, la transparence donne« une vision quantitative » des infor-mations alors que la sincérité renvoieà « une appréciation qualitative »15.La sincérité est donc le corollaire dela transparence et lui donne tout sonsens.

De la même manière, la sincéritéconstitue aussi le prolongement desprincipes budgétaires classiques à sa-voir l’annualité, l’unité, l’universalitéet la spécialité budgétaire. De façonsynthétique, selon ces principes, « laloi de finances est un documentunique qui présente, selon une pério-dicité annuelle et conformément aucanevas fixé par la nomenclature bud-gétaire, toutes les opérations de dé-penses et de recettes de l’Etat. 16» Lasincérité exige que ces informationsainsi présentées soient authentiqueset intelligibles.

Elle est encore plus proche avec leprincipe de l’équilibre budgétaire. Pen-dant longtemps, pour les collectivitéslocales, l’équilibre réel renvoyait à lasincérité du budget. Aujourd’hui, lesfinances de l’Etat ont abandonné laconception classique de l’équilibre quiprônait une égalité mathématiqueentre les recettes et les dépenses auprofit d’un équilibre économique etfinancier. Cet équilibre comme la sin-cérité budgétaire a un caractère pré-ventif et revêt une portée plus poli-tique que juridique.

Ainsi entendu, la sincérité se trouveêtre au carrefour des principes bud-gétaires. Elle est au début et à la findu processus budgétaire. Elle s’enche-vêtre avec toutes les principes et règlesde la gestion financière et leur donnecorps et âme. Elle exige du profes-sionnalisme dans le système de ges-tion des finances publiques et permetainsi de lutter contre certaines dérives.

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15 Option citée n°0516 Option citée n°8

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Contribution au débat sur l’ITIEau Sénégal ou comment allerplus loin que l’ITIE ?

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DoCTRINE

Amadou Tidiane GAye, Inspecteur principal du Trésor Directeur du contrôle Interne à la DGCPT/MeFP

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Il convient tout d’abord de se féliciterdes avancées notables réalisées par le Sé-négal dans la mise en œuvre du processusde l’ITIE depuis l’adhésion de notre paysen 2013. En effet, le communiqué duConseil des Ministres du 09 mai 2018confirme le classement du Sénégal établipar le Conseil d’administration interna-tional de l’ITIE qui le positionne au pre-mier rang en Afrique et au quatrièmerang mondial. La performance peut ai-sément se mesurer à l’aune du nombrede rapports produits et de leur régularitéde 2014 à 2017. En perspective de laprochaine validation prévue en 2021, leConseil d’administration de l’ITIE en-courage le gouvernement du Sénégal àapprofondir sa contribution en amélio-rant la gestion des licences du secteurextractif, la transparence de la propriétéréelle, la transparence des entreprisesd’Etat ainsi que la fiabilité et l’exhaustivitédes chiffres de production.

Toutefois, la recommandation relativeà l’amélioration de la transparence desentreprises d’Etat me permet de tenterune critique objective des contours actuelsde la norme avant de proposer quelquespistes de réflexion sur les améliorationsenvisageables.

I) Analyse critique du rapport ITIEL’énonciation du principe « Publiez

ce que vous payez » est partie du constatde la forte corrélation notamment enAfrique entre d’une part l’existence dansun pays, de richesses minières, pétrolièreset gazières et d’autre part le risque decirculation de capitaux illicites issus depratiques corruptives de diverses natures.Le trafic illicite favorisant le développe-ment d’un marché noir prive le paysd’importantes ressources financières no-tamment fiscales et crée les germes d’unedéstabilisation socio-politique et d’unedéstructuration économique. Les exem-ples récents du Libéria et de la SierraLeone dans les années 90 ont fini deconvaincre la communauté internationalede la nécessité de mettre en œuvre unenorme comme l’ITIE. Celle ci permetde réaliser un objectif primaire relatif àla traçabilité des flux de capitaux partantdes multinationales exploitantes des ri-chesses minières et énergétiques vers les

pays de localisation. Ainsi, le risque po-tentiel de captation et de détournementdes royalties et autres ressources issus deces rentes est fortement amoindri et ga-rantit un meilleur impact sur le déve-loppement des pays bénéficiaires dansla mesure où les conditions de transpa-rence sont réunies. Avec l’ITIE, c’est unpremier niveau de transparence qui estobtenu en ce qui s’attache aux flux decapitaux et de revenus destinés aux paysproducteurs. L’analyse du rapport rendupublic annuellement permet en effet deconstater qu’il garantit la traçabilité desflux financiers entre les entreprises ex-ploitantes et les Etats et certifie le respectdes engagements contractuels et juri-diques à incidence financière des multi-nationales. Ce rapport constitue ainsiun document de synthèse statistiqueconfirmant le respect du critère de trans-parence dans l’estimation du montantdes flux financiers générés par l’activitéformelle d’exploitation. Par sa démarcheconsistant à attester la conformité desmontants déclarés payés par les multi-nationales et ceux reçus par l’Etat et sesdémembrements, l’ITIE contribue for-tement à mitiger le risque récurrent enAfrique de déstabilisation socio politique.L’ITIE est de ce point de vue un paraventcontre la confirmation de la malédictiondes richesses minières et énergétiques.Au Sénégal, la mission de réconciliationdes chiffres confiée à la Cour descomptes, autorité indépendante decontrôle, est un gage supplémentaire defiabilité du rapport. Celui ci sera renforcédans les prochaines années par d’une partl’externalisation de la certification (cabinetindépendant) et d’autre part par les ré-sultats des travaux en cours sur les mo-dalités d’une meilleure implication del’administration et principalement desrégies financières. Toutefois, il ne peuttoutes choses étant égales par ailleursprétendre être un instrument d’analysedu développement induit par l’exploita-tion de ressources minières et énergé-tiques.

Pour aller plus loin, il s’agira désormaispour les pays ayant adhéré à l’ITIE demettre en place un dispositif permettantde retracer les secteurs de financementde ces flux financiers et de mesurer l’im-

pact sur l’amélioration du niveau et dela qualité de vie des citoyens. La faiblediversification économique de certainspays africains favorisés par la nature (Ni-géria, Algérie, RDC, Angola etc.), la fai-ble industrialisation induite et l’absencede résilience à l’évolution de la conjonc-ture économique internationale (baissedes prix des matières premières) doiventfaire réfléchir sur l’impact réel des rentesminières et/ou minéralières. La périodede récession ou de stagnation écono-mique dans laquelle ces pays sont entrésdés que le prix du pétrole a entamé saséquence baissière aux environs de 2012-2013 doit pousser à améliorer le modèlede reporting de l’ITIE. Celui ci apparaîtdans sa conception actuelle comme uninstrument d’ancrage d’un statu quo éco-nomique pluri décennal : l’incapacité despays africains producteurs à réussir pourchaque filière une maîtrise de la chaînede valeur ajoutée qui passe par un pro-cessus d’industrialisation. L’immobilismeferait en effet courir le risque d’une as-similation de l’ITIE à un instrumentconstruit sous le seul prisme des multi-nationales ou des politiques économiquesoccidentales sans ambition réelle pourla transformation structurelle des éco-nomies bénéficiaires et leur développe-ment.

II) Quelques pistes de réflexion pouraméliorer l’impact de la norme ITIE

Il s’agirait de s’imposer une contrainteadditionnelle non prise en compte parla norme ITIE et qui refléterait les orien-tations stratégiques de politique écono-mique et sociale. L’objectif stratégiquecontenu dans l’axe 1 du PSE portant surla transformation structurelle de l’éco-nomie et croissance et consistant à fairedu Sénégal un hub minier cadre parfai-tement avec cette démarche en ce qu’elleassure à terme une captation d’une bonnepartie de la valeur ajoutée potentielle dusecteur. Cette démarche pourrait profiterdu contexte marqué par la priorité ac-cordée à l’industrialisation de l’Afriquedans le nouveau plan stratégique de laBAD dont la mise en œuvre est appuyéepar l’ONUDI et la Commission écono-mique pour l’Afrique (CEA).

En résumé, la norme ITIE doit, pour

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passer du statut de levier de transparenceet certainement de préservation des in-térêts contractuels des pays producteursà celui d’instrument de politique écono-mique impactant le statut quo écono-mique mondial, aller vers les réformessuivantes :

1) définir (au delà de la seule ressourcepétrolière ou gazière) un documentd’orientation stratégique sur la destina-tion des ressources adossée à une poli-tique vigoureuse et volontariste de trans-formation structurelle de l’économie.Dans le cas du Sénégal, le principe devraitêtre posé dans une loi pour un finance-ment prioritaire des projets structurantsde l’économie déjà retenus dans le PSE(la loi d’orientation sur les ressources pé-trolières et gazières devrait être plus largeet concerner l’exploitation des métauxprécieux, du zircon, des phosphates, etc.).L’objectif fondamental d’une telle poli-tique est de permettre une mitigation durisque de dépendance économique dupays et d’éviter une trop forte vulnérabilitévis à vis de l’extérieur. Cette option consis-terait par un processus d’investissementciblé à garantir une montée en gammedans la chaîne de valeur ajoutée par uneutilisation optimale des ressources gé-nérées. Dans le secteur pétrolier, l’exempleest donné par la constitution fréquentede fonds pour les générations futures.Ces derniers n’ont pas vocation à êtrethésaurisés ou à alimenter des placementsspéculatifs. L’Etat privilégierait plutôtdes investissements dans l’économie réelleen général et dans la filière concernée enparticulier pour réaliser une intégrationhorizontale. La définition des principesdirecteurs de cette stratégie en complé-ment à l’ITIE, pourrait être superviséepar la CEA avec l’appui de l’ONUDI.Les modalités de son opérationnalisationseraient réalisées dans le cadre de la CE-DEAO ;

2) une articulation de cette approcheavec la stratégie de gestion du portefeuilleassurant le renforcement de la représen-tation de l’Etat dans les organes délibé-rants des sociétés filiales locales des mul-tinationales. Il est rappelé que dans le

secteur minier et pétrolier, l’Etat est ac-tionnaire d’au moins 10% du capital.Cette démarche découle du constat gé-néral de la faible capacité des Etats à dé-fendre leurs intérêts stratégiques et à im-pulser les choix de politique interne àl’entreprise qui ne devraient plus êtresous la seule influence des représentantsdes multinationales. Pour ce faire, desprofils spécifiques devraient être choisisavec l’organisation de formations spé-cialisées et continues de haut niveau dansun monde où la mise à niveau et lebenchmark sont la panacée pour éviterle décrochage. Cette stratégie est salutairecar au delà des royalties et autres res-sources fiscales versées, les transferts decapitaux et de bénéfices ainsi que l’impactfinancier réel des contrats commerciaux(en termes de revenus de transferts) si-gnés par la filiale locale ne peuvent êtreappréhendés que par le moyen de travauxspécifiques dans les organes délibérants.Compte tenu des enjeux financiers, leprincipe de la limitation des mandats(un mandat de trois ans renouvelabledeux fois au maximum) et de la signaturede contrats d’objectifs évalués par un au-diteur indépendant devrait être retenu.

Fondamentalement, la finalité attachéeà cette démarche est d’influer sur leschoix stratégiques de l’entreprise et dela multinationale dans le cadre de la miseen œuvre de la politique de transforma-tion structurelle de l’économie impliquantun transfert progressif de technologiepar la formation de cadres locaux et leurintégration dans les différents processindustriels créateurs de valeur ajoutée. Atitre illustratif, la maîtrise des techniquesd’évaluation du coût des investissementseffectués par l’exploitant y compris dans

la phase d’exploration représente un in-térêt stratégique. En effet, certains coûtssont souvent abusivement refacturés àl’entreprise filiale locale et peuventconduire à différer sur plusieurs annéesle versement de dividendes potentiels.Sur ce point, il convient de faire noterque les gains les plus importants réaliséspar les multinationales exploitantes sontconstatés au travers de contrats com-merciaux en faveur de la multinationaleou de coûts d’investissements abyssauxrépercutés aux filiales locales.

Le financement prioritaire du proces-sus d’industrialisation seul vecteur viablepour un développement économique du-rable est la clé du succès dans les paysdétenteurs de ressources minières ouénergétiques importantes. Le Sénégal aen partie expérimenté favorablement ceschéma lors de la création des Industrieschimiques du Sénégal (ICS) dans les an-nées 70.

3) Pour la part des ressources à intégrerdans les budgets publics, il convient d’al-ler vers une programmation budgétairepluri annuelle articulée à cette politiqueau sein de l’Etat central et dans ses dé-membrements avec la mise en place d’undispositif de reporting assurant la tra-çabilité de l’exécution budgétaire et saconformité aux orientations stratégiques.La logique de la gestion axée sur les ré-sultats aussi bien au sein de l’Etat centralque dans ses démembrements à traversdes budgets par programmes évalués pé-riodiquement devrait prévaloir dans cettedémarche. Les objectifs spécifiques àdéfinir porteront sur les étapes de trans-formation structurelle de l’économie parun processus d’industrialisation.

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L’œIL DU PRATICIEN

La loi organique relative aux lois deFinances (LOLF) de l’UEMOA1 aprévu la mise en place d’une comptabilitégénérale de l’Etat qui « a pour objet laconnaissance exacte et sincère de son pa-trimoine et des opérations qu’il effectue,en fonction des droits et obligations quilui sont reconnus ». 2

Cette réforme applique à l’Etat les rè-gles comptables du secteur privé. C’estainsi que la LOLF prévoit que les opé-rations sont prises en compte au titre del’exercice auquel elles se rattachent indé-pendamment de leur date de paiementou d’encaissement. L’adoption de cettecomptabilité générale fondée sur le prin-cipe des droits constatés fait ainsi passerles Etats membres de l’UEMOA « d’unecomptabilité redditionnelle, relevantd’une logique rétrospective et basée surl’annualité et le contrôle externe et ne te-nant compte que des flux de caisse, à unecomptabilité décisionnelle qui réserveune part importante au contrôle interneet éclaire réellement les choix des parle-mentaires, du gouvernement et des ges-tionnaires ». 3

Par ailleurs, la nouvelle comptabilité gé-nérale est très exigeante en qualité comp-table puisque la LOLF prévoit qu’elle doitêtre sincère et refléter une image fidèle dela situation financière de l’Etat4. Ainsi, lescomptes de l’Etat doivent-ils être certifiéspar la Cour des comptes, chargée de vérifierleur conformité aux règles et normes de ré-férence. Cette évolution de la comptabilitégénérale vers une approche plus exigeantedes comptes en termes de sincérité,

d’exhaustivité, d’image fidèle et de qualitése traduit par une évolution de la fonctioncomptable (I) qui requiert une redéfinitiondes rôles et des responsabilités des acteursde la nouvelle chaine comptable de l’Etat(II).

I. L’évolution de la fonction comptable induitepar la LOLF

La LOLF retient le principe d’unecomptabilité générale en « droits constatés»dans laquelle le fait générateur de l’opé-ration comptable repose sur la constatationd’une obligation ou d’un droit qui donnelieu à l’enregistrement d’une charge oud’un produit (A). L’avènement de cettenouvelle comptabilité ne peut manquerd’influer sur l’équilibre des rôles des acteursdu système financier public (B).

A. L’avènement de la comptabilité d’exercice

La LOLF de l’UEMOA prévoit, paral-lèlement à la tenue de la comptabilité bud-gétaire, la mise en œuvre d’une comptabilitégénérale qui a pour objet de décrire le pa-trimoine de l’Etat et son évolution5.

Ce nouveau système comptable devraitmettre fin à la comptabilité qui était jusqu’icitenue et qui se révèle être une simple comp-tabilité de caisse caractérisée par une logiqued’encaissement et de décaissement. En effet,la comptabilité qui était tenue était lacunaireet ne permettait pas de rattacher l’ensembledes charges et produits à l’exercice, ceci em-pêchait d’avoir une maitrise du patrimoineet de la situation financière de l’Etat. Cettesituation est décrite par une instruction dela Direction de la comptabilité publiquefrançaise qui souligne que « les comptes del’Etat sont établis principalement en vuedu contrôle de la légalité des dépenses etdes recettes. La comptabilité est aménagéede manière surtout à préparer le contrôleultime par le Parlement, de la régularité del’emploi des deniers publics, par référenceà l’autorisation budgétaire qui en a permisla perception ou la dépense. Il ne s’agit pasen premier lieu de dégager les résultatsd’une gestion, car on n’est pas en présenced’un patrimoine frugifère dont la compta-bilité publique aurait à dégager le produitnet ». 6

Néanmoins, la comptabilité publiqueprenait aussi quelque peu en charge le be-soin d’informations financières portantsur le résultat de la gestion, ce qui expliquel’établissement du compte général de l’ad-ministration des finances.

Ainsi, peut-on dire que l’évolution de la

Impact de l’évolution de la fonctioncomptable sur le rôle et la responsabilitédes acteurs du système financier public

Mamadou DjitéInspecteur Général des

FinancesDoctorant en Droit Public

1 Directive n°06/2009/cm/UEMOA portant lois de finances au sein de l’UEMOA, http://www.droit-afrique.com/upload/doc/uemoa/UEMOA-Directive-2009-06-lois-de-finances.2 Article 2, directive n°09/2009/CM/UEMOA portant plan comptable de l’Etat (PCE) au sein de l’UEMOA).http://www.droit-afrique.com/upload/doc/uemoa/UEMOA-Directive-2009-06-lois-de-finances.3 Nathalie Morin, NBB, n°355, 1er au 15 octobre 2008, p.8.4 Art.72, LOLF UEMOA.5 Art 72 de la directive n°06/2009/CM/UEMOA6 Cité par M. Prada, « Réflexion sur l’histoire de la comptabilité de l’Etat », RFFP, n°93, 2006.

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comptabilité publique apparait comme unetension permanente entre la mise en œuvrede normes comptables de l’entreprise et lapriorité accordée au contrôle des denierspublics.

Pour corriger cette situation, la LOLF amodélisé la comptabilité publique « sur lacomptabilité de droit commun dont elleépouse les principes (régularité, sincérité,image fidèle, indépendance des exercices,continuité de l’exploitation, permanencedes méthodes, bonne information, pru-dence), les normes… et les états financiers(bilan et compte de résultat)».7

Les principes fondamentaux de la comp-tabilité d’exercice sont dégagés par l’article72 de la LOLF/UEMOA : « la compta-bilité générale de l’Etat est fondée sur leprincipe de la constatation des droits etobligations. Les opérations sont prises encompte au titre de l’exercice auquel elles serattachent, indépendamment de leur datede paiement ou d’encaissement … »

L’ensemble des opérations financières del’Etat sont décrites tout au long de l’annéedans les comptes de bilan et de résultatselon le critère juridique de rattachementcomptable se fondant sur la naissance desdroits et obligations.

Ainsi, dans le cadre de la LOLF, la comp-tabilité générale couvre un champ qui dé-passe largement celui de la comptabilité decaisse. « Elle remonte en amont des opé-rations de caisse en retraçant dans lescomptes, les droits et obligations dès qu’ilsont acquis une valeur certaine. Elle s’étend,en aval des opérations de caisse, aux opé-rations de fin de période pour enregistrerla variation des stocks, procéder à la comp-tabilisation des amortissements et des pro-visions et rattacher les charges et les produitsà l’exercice auquel ils appartiennent ».8

Sous ce rapport, l’ordonnateur qui a laprérogative de constater la réalité d’unedette ou d’une créance est bien à l’origine

de certaines écritures dont la validité re-quiert l’intervention du comptable.

Ainsi, assiste-t-on à un partage de lafonction comptable entre le comptable etl’ordonnateur.

B. Le partage de la fonction comptable entrele comptable et l’ordonnateur, conséquencelogique de la comptabilité d’exercice

Avant l’adoption de LOLF de 2011, lecomptable public avait l’exclusivité de latenue de la comptabilité et le fait générateurdes opérations se confondait avec son rôled’encaissement ou de décaissement.

Le passage de cette comptabilité de caisseà une comptabilité d’exercice va modifiersensiblement cette situation puisque « lecentre de gravité de la comptabilité se dé-place en amont chez le gestionnaire quiconstate désormais à son niveau le fait gé-nérateur, c’est-à-dire la naissance de la detteou de la créance »9. En effet, le processusd’enregistrement comptable est amorcé parl’ordonnateur qui intervient en amont dansla constatation des droits et des obligations.

Ainsi, la mise en œuvre de la comptabilitéd’exercice se traduit par la reconnaissanceà l’ordonnateur de prérogatives dans l’en-registrement comptable des produits et descharges dont le fait générateur se situe enamont de l’intervention comptable. Selonles professeurs Michel Lascombe et XavierVandendressche, la logique d’une comp-tabilité d’exercice « fait remonter l’exigencecomptable en amont des opérations decaisse pour retracer dans les comptes lesdroits et les obligations dès leur naissance».

De même, il appartiendra au gestionnairede donner les informations liées aux amor-tissements, dépréciations et provisions.Cette participation de l’ordonnateur à lafonction comptable est facilitée par l’exis-tence de progiciels communs qui intègrel’ensemble des acteurs de la chaîne dépensesur un seul et même support informatique.

Ainsi, les impératifs de la nouvelle comp-tabilité publique nécessitent-ils un rappro-chement du comptable et de l’ordonnateurqui deviennent tous deux acteurs à part en-tière dans la chaîne comptable.

Pour la doctrine, « l’émergence d’unefonction comptable partagée incite donc àdépasser le cloisonnement traditionnel desacteurs hérité de plusieurs siècles de mé-fiance réciproque. Pour autant, la séparationfonctionnelle n’est pas remise en cause, ellereçoit simplement une lecture renouveléeet assouplie » 10

Cette préoccupation se traduit par la dis-position du R.G.C.P. sénégalais qui fondel’organisation de la comptabilité généralede l’Etat sur sa déconcentration « en vuede la rapprocher du fait générateur et desordonnateurs ainsi que leurs services ges-tionnaires »11, lesquels doivent tous concou-rir à la qualité comptable.

II. La qualité des comptes, exigence essentielle de la LOLF à la charge des comptables publics sous le contrôle dujuge financier

L’Article 16 de la directive UEMOAportant plan comptable de l’Etat12 soumettoute procédure comptable, tout systèmeinformatique comptable au respect d’uncertain nombre de normes comptables édic-tées aux articles 4 à 15 de la même directivepour arriver à la qualité comptable. L’alinéa2 de cet article souligne que «les Etats mem-bres prennent toutes les mesures nécessairespour assurer la qualité des procédures comp-tables. »

Cependant, même si le comptable publicreste le garant de la qualité comptable sousle contrôle du juge financier (A), il resteque la LOLF n’a pas réglé la problématiquedu régime de responsabilité applicable auxanomalies comptables qui ont du reste tou-jours été approchées avec délicatesse par lajurisprudence financière (B).

JANVIER 2019LE TRESOR PUBLIC

L’œIL DU PRATICIEN

7 Cédric Guillerminet, la nouvelle fonction comptable de l’Etat ou le devenir du principe de séparation des ordonnateurs et des comptables ». Gestionet finances Publiques, n°5, mai 2010.8 Farhana Akhoune, statut du comptable en droit public financier, LGDJ, p 235)9 Cédric Guillerminet, la nouvelle fonction comptable de l’Etat ou le devenir du principe de séparation des ordonnateurs et des comptables ». Gestionet finances Publiques, n°5, mai 2010 ; p.33910 Cédric Guillerminet, opcit, p.33111 Art.183, Décret n° 2011-1880 du 24 novembre 2011 portant Règlement général sur la Comptabilité publique, J.O. N° 6649 du SAMEDI 10 MARS 201212 Directive n°09/2009/CM/UEMOA, portant plan comptable de l’Etat (PCE) au sein de l’UEMOA. http://www.droit-afrique.com/upload/doc/uemoa/UEMOA-Directive-2009-06-lois-de-finances.

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27LE TRESOR PUBLICJANVIER 2019

A- Le comptable public, garant de la qualité comptable sous le contrôle du juge financier

La LOLF met à la charge du comptablepublic l’obligation de tenue d’une comp-tabilité d’exercice.

Cet enrichissement du rôle du comptablel’investit d’une nouvelle mission de garantde la qualité du système d’enregistrementdes opérations et de production des étatsfinanciers. Le comptable public est ainsiamené, notamment à « mettre en œuvre etgarantir les procédures relatives à la priseen compte des opérations de fin de période: évaluer les risques associés à certaines opé-rations, tenir les inventaires comptables del’ensemble des actifs et des passifs, procéderà leur évaluation à chaque clôture descomptes, rattacher les produits et chargesafférents à l’exercice concerné »13.

De même, le respect des principes de lapermanence des méthodes, de bonne in-formation et l’indépendance des exercicesincombe au comptable public.

La qualité comptable est une exigencemajeure puisque selon l’art. 72 de la LOLFUEMOA, la Comptabilité Générale del’Etat doit être sincère et refléter une imagefidèle de la situation financière de l’Etat.

Le principe comptable de la sincéritérenvoie à l’application de bonne foi des rè-gles et procédures comptables en fonctionde la connaissance que les responsables descomptes ont de la réalité et de l’importancedes opérations, évènements et situations.

Le principe comptable d’image fidèlequalifie la traduction des opérations ainsidonnée dans les comptes, du résultat desopérations, de la situation financière et dupatrimoine. 14 Ainsi, le principe comptabled’image fidèle emporte-t-il l’obligation defournir, à travers les états financiers, toutesles informations utiles pour une perceptionexacte de la réalité économique de l’entité.A ce titre, l’article 50 de la LOLF UEMOAprécise que la loi de règlement est accom-pagnée, entre autres documents, des

comptes et des états financiers de l’Etatissus de la comptabilité générale de l’Etat.

Ainsi, comme le souligne D. Migaud15,la comptabilité d’exercice donne une «connaissance précise de la situation finan-cière de l’Etat, au travers des flux de créanceset de dettes et donc permet d’apprécier lasincérité des comptes de l’Etat».

On notera que la LOLF sénégalaise n’apas repris le bout de phrase «la ComptabilitéGénérale de l’Etat doit être sincère et re-fléter une image fidèle de la situation fi-nancière de l’Etat » de la LOLF UEMOA,comme si l’exigence de sincérité des comptesne s’impose pas au législateur sénégalaiscomme une exigence fondamentale à ins-crire en principe légal. En France, l’objectifde sincérité des comptes est un principeconstitutionnel. L’article 47-2 de la consti-tution française dispose en son dernier ali-néa que « les comptes des administrationspubliques sont réguliers et sincères. Ils don-nent une image fidèle du résultat de leurgestion, de leur patrimoine et de leur si-tuation financière ».

L’assurance de la fiabilité et de la qualitédes comptes est obtenue à l’aide d’un dis-positif de contrôle interne comptable par-tagé avec l’ordonnateur.

En effet, la qualité comptable requiert ledéveloppement du contrôle interne et plusspécifiquement de sa composante dédiéeaux opérations comptables, le contrôle in-terne comptable. En France, c’est l’arrêtédu 31 Décembre 2013 qui fixe le cadre deréférence interministériel du contrôle in-terne comptable. Cet arrêté définit lecontrôle interne comptable comme « l’en-semble des dispositifs formalisés et per-manents qui visent la maîtrise des risquesafférents à la poursuite des objectifs de qua-lité des comptes de l’Etat, depuis le fait gé-nérateur d’une opération jusqu'à son dé-nouement comptable16» . Ce référentieldétermine les conditions dans lesquelless’exerce le contrôle du respect des critèresde réalité, de justification, de présentation,

de bonne information, de sincérité, d’exac-titude, de totalité, de non compensation,d’imputation et de rattachement à la bonnepériode comptable et au bon exercice.

Il est vrai que les organismes publics sontsoumis à la comptabilité publique et leursopérations financières obéissent à des règlesprécises qui en garantissent la régularité. Acet égard, le recueil des éléments probantsoffert par le contrôle interne comptable seréalise aisément dans les organismes publicspuisque toutes les opérations font l’objetd’un contrôle strict par un agent indépen-dant, le comptable public, sous sa propreresponsabilité personnelle et pécuniaire de-vant la juridiction financière.

Ainsi, le statut et le régime du comptablepublic « sont un gage d’indépendance etd’impartialité dans l’exercice de ses contrôleset présentent, de ce fait, une garantie dequalité comptable supérieure à celle quepourrait offrir un comptable de droit privésubordonné à l’exécutif …, que ces contrôlessoient exercés sur la régularité des opérationsou qu’ils soient exercés sur l’effectivité ducontrôle interne comptable17».

Mais, par-delà la régularité comptable,la qualité comptable s’apprécie à travers lesétats financiers générés par la nouvellecomptabilité générale publique, lesquelsdoivent refléter l’image fidèle de la situationpatrimoniale et financière de l’organismepublic considéré.

C’est ainsi que le contrôle de régularitédu comptable public est une dimension ducontrôle interne comptable qui a pour butde s’assurer de :

- la conformité des informations comp-tables et financières publiées avec lesrègles applicables ;

- la préservation des actifs ;- la prévention et la détection des

fraudes et irrégularités comptable etfinancières ;

- la fiabilité des informations diffuséeset utilisées en interne à des fins depilotage ou de contrôle dans la me-sure où elles concourent à l’élabora-

13 Cédric Guillerminet, opcit, p.33914 https :www.l-expert-comptable.com/a/37159-lesprincipes-comptables.html).15 rapport AN n°2908, septembre 2005, D. Migaud, A Lambert16 arrêté du 31 décembre 2013 relatif au cadre de référence interministériel du contrôle interne comptable, JORF n°0011 du 14 janvier 2014 texte n°2217 la place du comptable dans le contrôle interne comptable, pp 42-43.

L’œIL DU PRATICIEN

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tion de l’information comptable etfinancière publiée ;

- la fiabilité des comptes publics et celledes autres informations communiquéesau marché18.

Le contrôle interne comptable conduiraà réaménager la règle de séparation desfonctions entre le comptable public et l’or-donnateur. En effet, le contrôle internecomptable intervient non plus uniquementsur des pièces justificatives, mais sur desprocessus se déroulant en continu le longdes chaînes d’opérations comptables. Lecomptable public doit-il dès lors disposerd’un droit de regard et de contrôle sur tousles processus dès le fait générateur des opé-rations comptables créé par les événementsou les décisions de l’ordonnateur, dans l’op-tique de la restitution d’informations fiableset sincères.

Ainsi, « le contrôle interne comptablequi s’opère sur l’ensemble de la chaîne dela dépense depuis le fait générateur d’uneopération jusqu’à son dénouement comp-table, consacre… l’élargissement du champd’investigation du comptable public auxopérations initiées par l’ordonnateur en luiouvrant notamment, en cas de détectiond’une irrégularité affectant une écritureportant sur l’engagement comptable, la pos-sibilité de la rectifier. Placé au cœur du pro-cessus de gestion budgétaire et comptablepublique et participant à la maitrise desrisques financiers de l’organisation, le comp-table public, appuyé sur les garanties d’in-dépendance et un régime de responsabilitéexorbitant du droit commun adossés à sonstatut, a vu, en moins d’une décennie, sesfonctions passer du rôle de simple teneurdes comptes à celui d’expert des comptespublics ».19

Il s’agit donc d’un renforcement ducontrôle comptable voulu par le législateurorganique, de façon à garantir la bonne

qualité comptable des opérations. Cela jus-tifie notamment que le comptable ait ledernier mot en cas de divergence par exem-ple sur un montant de provisions à inscriredans les opérations d’inventaires.20

Le respect du principe de qualité descomptes de l’Etat dévolu au comptable pu-blic est sous le contrôle du juge financierchargé de l’audit externe des comptes. Ace titre, l’article 51 de la LOLF UEMOAstipule : « La Cour des comptes donne sonavis sur le système de contrôle interne etle dispositif de contrôle de gestion, sur laqualité des procédures comptables et descomptes ainsi que sur les rapports annuelsde performance. Cet avis est accompagnéde recommandations sur les améliorationssouhaitables. » Ainsi, l’attestation de qualitécomptable est obtenue par la certificationdes comptes dévolue à la Cour des comptes.

L’exigence de qualité comptable descomptes publics a été si forte chez le juris-lateur communautaire de l’UEMOA qu’ila prévu des sanctions à l’encontre du comp-table public défaillant dans la tenue de lacomptabilité. A cet effet, le 3ème alinéa del’art. 82 de la LOLF UEMOA prévoit qu’«en cas de défaillance dans la tenue descomptes, la Cour des comptes peutcondamner le comptable concerné à dessanctions prévues par la législation nationale».

Cependant, le législateur sénégalais n’apas procédé à l’internalisation de cette dis-position communautaire puisqu’aucunesanction n’est prévue par la loi organiquesénégalaise portant LOLF21 pour prévenirou réprimer les défaillances dans la tenuedes comptes.

De même, le règlement général de lacomptabilité public sénégalais qui prévoitle régime de responsabilité des comptablespublics ne comporte pas une dispositionrelative à une sanction liée à la mauvaisetenue des comptes.

B- Impact de l’obligation de qualité comp-table sur la responsabilité des acteurs du système financier public

Les erreurs comptables n’entrainent pasgénéralement des manquants dans la caissedu comptable public, ce qui rend la res-ponsabilité pécuniaire du comptable d’uneportée limitée en matière de comptabilité.

De façon constante, la jurisprudence fi-nancière a conclu à l’impossibilité de mettreen jeu la responsabilité pécuniaire du comp-table en raison d’insuffisances dans la tenuedes comptes. C’est ainsi que la Cour descomptes française a infirmé le débet pro-noncé à l’encontre d’un comptable en consi-dérant « l’absence de preuve d’un manquanten deniers ou de paiement irrégulier quipourraient fonder la mise en jeu » de saresponsabilité. 22

De même, le défaut de tenue de l’état del’actif n’est pas retenu par la Cour descomptes comme susceptible d’engager laresponsabilité personnelle et pécuniaire ducomptable. En effet, le juge financier aconsidéré que dès lors que ce manquementdu comptable à ses obligations ne s’est pastraduit par l’existence d’un fait générateurde responsabilité, sa responsabilité pécu-niaire ne saurait être retenue.23

L’examen de la jurisprudence financièrerenseigne que ni le solde anormalementdébiteur d’un compte d’attente de classe424, ni les soldes débiteurs des comptes tem-poraires25 ni les mouvements d’ordre anor-maux26 n’ont amené la Cour des comptesà retenir la responsabilité pécuniaire ducomptable public.

Ainsi, le débet porté à la charge d’uncomptable a été annulé parce que le jugefinancier a considéré que le simple enre-gistrement comptable d’un mandat irré-gulier n’est pas une condition d’engagementde la responsabilité personnelle et pécu-niaire s’il n’est pas suivi d’un décaissement

JANVIER 2019LE TRESOR PUBLIC

18 La place et le rôle du comptable public dans le C/C des APU, 1619 Forum de la performance 2016, le comptable public garant de la qualité des comptes, http://www.performance-publique-budget.gouv.fr/cadre-gestion-publique/cadre-gestion.20 F.Mordacq, la séparation de la fonction de contrôle de dépense entre le ministère du budget et les ministères gestionnaires, NBB n°355, p.15. 21 LO 2011/15 du 08 juillet 2011 ,J.O. N° 6618 du SAMEDI 15 OCTOBRE 2011.22 C. comptes, 25 octobre 2001, M. Sturn, agent comptable de la Maison des enfants de Meaux, Rec, 83 Rev Trésor, 2002.540.23 C. comptes, 23 février 1999, M Essayan, comptable de la commune d’Aiguilles, Rec 15.24 C. comptes, 26 mai 2005, EPLEFPA de Chartres, Rev. Trésor 2006. 6525 C. comptes, 29 septembre 2005, Chambre d’agriculture de l’Isère, Rev Trésor 2006, 36826 C. comptes, 28 juin 2007, M.Froehly, comptable du district de l’agglomération vichyssoise, GAJF, 6è éd. p.207

L’œIL DU PRATICIEN

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effectif27. De même, le caractère erronéd’une balance d’entrée consécutif àl’inexactitude de la reprise des soldes devaleurs inactives ne peut engager la res-ponsabilité personnelle et pécuniaire ducomptable.28

Du reste, comme le note la doctrine, « lecaractère immuable de la ligne de compteconstitue…une première limite à la miseen jeu de responsabilité du comptable parle juge des comptes, lorsqu’il constate desdiscordances dans l’enchainement descomptes : il ne peut demander qu’il soitprocédé à des rectifications en balance d’en-trée, puisque les comptes affectés par lesanomalies relevées sont réputés arrêtés aprèsla clôture de l’exercice et intangibles depuislors par ailleurs, …Les écarts constatésentre les soldes d’entrée et de sortie ,s’ilsconstituent le plus souvent un manquementdu comptable à ses obligations en matièrede tenue de la comptabilité, ne sont sus-ceptibles de donner lieu à un engagementde sa responsabilité personnelle pécuniaireque s’ils traduisent un manquant en derniersou en valeurs dans la caisse de l’organismepublic.29

Ce défaut de sanction des anomaliescomptables dans le secteur public fait que« l’observateur extérieur, familier des pra-tiques financières dans le secteur privé, resteperplexe devant le déséquilibre existantentre la sanction attachée à l’inexactituded’une opération de caisse et la relative im-punité sur la sincérité des comptes. Alorsque depuis la LOLF, la référence aux pra-tiques comptables des entreprises privéesest devenue la règle, sur ce seul terrain, lapratique publique reste orthogonale au ré-gime de responsabilité des comptables pri-vés qui repose pour l’essentiel sur la qualitédes comptes sociaux »30. Ainsi, l’objectif de

qualité comptable et de sincérité descomptes ne nécessite-t-il pas l’institutiond’un régime de responsabilité spécifique àpartager entre tous les acteurs de la chainecomptable publique ?

L’impossibilité de mettre en jeu la res-ponsabilité pécuniaire du comptable publicen cas d’insuffisances de comptabilité quine se traduisent pas en manquant en deniersou en valeurs porte le juge financier à pro-noncer des réserves pour empêcher la dé-charge du comptable fautif31.

Cette démarche très critiquable du jugeempêchait ainsi que le comptable obtienneson quitus de gestion alors même que saresponsabilité pécuniaire est hors de cause.

Du reste, la réforme française du 28 oc-tobre 200832 a supprimé cette faculté d’ori-gine prétorienne que le juge s’accordait desuspendre la décharge du comptable alorsmême que les insuffisances notées dansl’accomplissement de ses obligations nesont pas susceptibles d’entrainer la mise enjeu de sa responsabilité.

Pour autant, faut-il laisser sans sanctionles errements du comptable public (etpeut-être de l’ordonnateur) en matière detenue des comptes alors même que laLOLF promeut la qualité comptable etla sincérité des comptes. Par contre, lamauvaise tenue de la comptabilité desrestes à recouvrer peut se traduire par l’en-gagement de la responsabilité personnellepécuniaire du comptable puisque la ju-risprudence considère que « la possibilitéde représenter à chaque instant la situationdétaillée et nominative des débiteursconstitue (une) nécessité fondamentale,à défaut (de laquelle) le comptable nepeut être considéré comme ayant satisfaitaux obligations de sa tâche ».33

Ainsi, la différence constatée entre les

créances non recouvrées et le solde ducompte correspondant au bilan est né-cessairement portée à la charge du comp-table public parce que les créances éludéessont assimilées à des manquants34.

De même, une mauvaise tenue de lacomptabilité des restes à payer peut êtreassimilée à un manquant et se traduirepar l’engagement de la responsabilité per-sonnelle et pécuniaire du comptable.

En effet, le total des prises en chargeau compte des restes à payer doit corres-pondre à la différence entre le montantdes mandats déjà visés par le comptableet le montant des règlements effectués.

Dès lors, pour la jurisprudence, l’ins-cription au compte des restes à payer d’unmontant inférieur à celui des paiementsen instance dont l’existence est certifiéeà l’état de développement se traduit parun équilibre factice de la balance généraleet doit, par conséquent, engager la res-ponsabilité pécuniaire du comptable35.

Par ailleurs, même si les désordres oucarences en matière de tenue de la comp-tabilité ne peuvent engager la responsa-bilité pécuniaire s’ils ne se traduisent paspar un déficit de caisse, il reste que la res-ponsabilité du comptable fautif (et mêmede l’ordonnateur) peut être recherchée àtravers une procédure à la diligence de lachambre de discipline financière36.

L’assurance de la bonne qualité comp-table commande l’institution d’un régimespécifique de responsabilité de nature ma-nagériale pour sanctionner les défaillancesdans la tenue des comptes. Cette respon-sabilité nouvelle devrait être partagée entrele comptable et l’ordonnateur étant donnél’imbrication de leurs fonctions dansl’exercice de la nouvelle comptabilité gé-nérale et du contrôle interne comptable.

LE TRESOR PUBLICJANVIER 2019

27 C. comptes, 23 février 1999, M. Essayand, comptable de la Commune d’Aiguilles, Rec ,15.28 C. comptes 26 janvier 2006, Commune de Lezay, AJDA 2006, 345.29 A. Froment –Meurice, J Y Bertucci, C. Michant, P. Sitbon, N. Groper, les grands arrêts de la jurisprudence financière, 6è ed., Dalloz, p.208-209.31 quel comptable pour les comptes publics au XXIè siècle, FONDAFIP, p.51.31 C. comptes 26 juin 2003, Réunion des musées nationaux, 19 septembre 2005, Université Pierre et Marie Curie VI, Rec. 72.32 LOI n° 2008-1091 du 28 octobre 2008 relative à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes :https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2008/10/28/PRMX0805088L/jo/texte 33 C. comptes, 30 octobre et 8 novembre 1962, Bonnet Hôpital et Lézignan –Corbières, non publié, 27 janvier 2005, Lycée professionnel, Thomas –Jean Main à Niort et GRETA des deux Sévres, Rev. Trésor 2005, 625.34 C. comptes, 8 juillet 1965, Bonnet, Hôpital de Lézignan-Corbières, Rec, 94 ; 31 janvier 2002, OPHIN de la communauté urbaine du Mans, Rec9 Rev. Trésor 2003, 221.35 C. comptes, 19 janvier 1989, Dubourg, percepteur des Matelles, 12 juillet 1990, Rec 57.36 CDBF, 18 juin 1997, Musée Rodin, GAJF, 6ème édition, p.209

L’œIL DU PRATICIEN

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L’amélioration de la transparencedes comptes, du suivi, du reporting etde la qualité de de la comptabilité descollectivités territoriales, constitue pourla DGCPT un sacerdoce, un combatpermanent.

Le système d’information financièredes collectivités territoriales dénomméGFILOC (Gestion des Finances lo-cales), nouvel outil de tenue de lacomptabilité des collectivités territo-riales, développé par la Direction duSecteur public local (DSPL), avec l’ap-pui technique de la Direction de l’In-formatique (DI), constitue désormaisun véritable levier pour permettre auTrésor de relever le défi de la qualitécomptable. En effet, après la RGT etla DDP qui ont obtenu avec brio lacertification iso 9001 version 2015, laDirection du Secteur public local(DSPL), s’inscrivant dans une traditiond’amélioration des outils de travail dela DGCPT, a entrepris en 2017 la ré-écriture de son logiciel de tenu de lacomptabilité des collectivités territo-riales, plus connue sous l’appellation« Colloc».

« Colloc » présentait de nombreusesfailles techniques, fonctionnelles et sé-curitaires auxquelles « GFILOC »cherche à trouver des solutions. Lesproblèmes notés au niveau de «Colloc» concernaient entre autres :

- l’architecture Client/serveur danslaquelle il était développé qui rendobligatoire la disponibilité, au ni-veau de chaque poste comptable,de serveurs puissants intégrés à deslogiciels de sauvegarde pour éviterles pertes de données;

- l’instabilité du réseau local utilisépour le partage entre les différentsutilisateurs au sein d’ un mêmeposte comptable ;

- les coupures intempestives et fré-quentes d’électricité qui ont eu àprovoquer d’importants dégâts surle matériel et sur le système infor-matique ;

- les difficultés liées à la centralisa-tion manuelle des données (Colloccentral), avec des incohérencesconstatées sur les informationsconsolidées produites par le logiciel;

Ces failles techniques liées à l’outilrendaient difficiles la production, lacentralisation et la diffusion d’une in-formation financière locale de qualitéaux différents usagers.

« GFILOC » devrait, par contre, per-mettre à l’administration du Trésor derelever définitivement le défi de la mo-dernisation de la gestion financière dusecteur public local, inscrite dans lastratégie globale de modernisation de

l’administration du Trésor. Il se présente, en effet dans ses pa-

ramétrages, comme une solution avant-gardiste plus conforme aux standardsmodernes de tenue de la comptabilité,surtout dans le contexte actuel marquépar de profondes mutations institu-tionnelles, techniques et fonctionnellesdans les finances publiques en généralet au niveau de l’administration duTrésor en particulier.

Pour mieux aider à appréhenderl’avancée que constitue le logiciel GFI-LOC dans la tenue de la comptabilitédes collectivités territoriales et dansl’amélioration de la qualité comptable,ses apports, fonctionnalités et les pers-pectives qu’il ouvre, seront passés enrevue.

LES APPORTS DE« gFILOC"Des nombreux changements qui ont

été apportés au moment de la concep-tion de « GFILOC », il ressort la né-cessité absolue de réaliser des adapta-tions tant au niveau institutionnel,fonctionnel, technique, qu’au niveaudu management des postes comptables.

« GFILOC » remet au cœur du dis-positif le receveur local en créant deshabilitations obligatoires à chaqueétape de l’exécution des différents mo-dules suivants :

• Module Budget :Le formulaire « saisie » du budget

permet désormais, au moment de lasaisie, de choisir directement l’impu-tation budgétaire en fonction de la sec-tion, des chapitres, services et comptesrattachés.

Ainsi, après le choix de la section(fonctionnement ou investissement),

GFILOC ou une autre manièred’assurer la gestion financièredes collectivités territoriales

Amaro BADJIInspecteur principal du Trésor, Chef de Division à la Direction Appui au Secteur public local DSPL/DGCPT/MeFP

30 JANVIER 2019LE TRESOR PUBLIC

ACTUALITé DU SECTEUR PUBLIC LoCAL

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31LE TRESOR PUBLICAVRIL 2019

ACTUALITé DU SECTEUR PUBLIC LoCAL

seuls les chapitres et articles de fonc-tionnement ou d’investissement sontvisibles pour l’agent de saisie.

Cette innovation permet par consé-quent de réduire substantiellement lesrisques d’erreurs au moment de saisirle budget.

Par ailleurs, la fenêtre de saisie et devalidation a été modifiée de façon àpermettre la visualisation des opéra-tions au moment du traitement et desmodifications du budget ;

La fonction récapitulative des opé-rations de saisie du budget primitif,des autorisations spéciales et des vire-ments de crédits permet, après l’enre-gistrement, de procéder aux correctionsdes anomalies constatées.

Le même formulaire offre la possi-bilité de saisir, de modifier, de suppri-mer les opérations mais également devérifier l’équilibre du budget.

« GFILOC » permet également dechanger de collectivité, à tout moment,sans sortir du formulaire en se posi-tionnant seulement au niveau du menudéroulant. Dans le « Colloc », cettepossibilité n’était pas offerte, l’utilisateurétait obligé, chaque fois que de besoin,de fermer le formulaire et de retournerà l’écran d’accueil pour se reconnecterà une autre collectivité territoriale.

• Module exécution budgétaire :Le module éponyme du« Colloc »

devient « exécution budgétaire ». Il estcomposé des sous rubriques « Recettes» (prise en charge Impôts et taxes), «Dépenses » (engagement, dégagement,prise en charge mandats, traitementmandats) et opérations particulières.

Les améliorations de ce module de-vront permettre de mieux prendre encharge et d’assurer un recouvrementoptimal des impôts locaux et taxes lo-cales, tout en favorisant la célérité, lasécurité et la traçabilité des opérationsde dépenses.

« GFILOC » offre ainsi, la possibi-lité, au niveau des recettes, de réaliserune meilleure administration de lachaine fiscale de l’assiette au recouvre-ment, avec la mise en place d’une basede données des assujettis (impôts lo-

caux, taxes municipales, autres rede-vables etc.).

Il s’agira dans un premier temps, enrelation avec les services d’assiette,d’importer un fichier « Excel » stan-dardisé et plus tard, de permettre à l’or-donnateur de saisir directement dansla plateforme et d’échanger avec laDGID des données via une interfaceavec les logiciels « SIGUIL » ou « SIG-TAS » ;

Dans un second temps, GFILOCva permettre l’édition des situations derecouvrement (émissions, recouvre-ments, restes à recouvrer, situations fis-cales et de dégrèvements), ainsi que lereport automatique des restes à recou-vrer d’une gestion à une autre.

Au niveau des dépenses, la saisie desformulaires d’engagement et de man-datement a été rénovée avec l’intro-duction de niveaux d’habilitation selonles tâches et les responsabilités exercéespar les différents acteurs de la chainecomptable. Ainsi, si la procédure estrespectée, les risques d’erreurs aprèsvalidation par le chef de poste doiventêtre nuls.

Il est créé, dans ce sens, des profilspour la « saisie », la « validation » et la« comptabilisation » des écriturescomptables. Ce procédé est égalementappliqué pour les recettes. Les agentspeuvent être spécialisés pour ne passer,selon les cas, que des opérations d’en-gagement, de mandatement, d’encais-sement ou de paiement en numéraireet ou en bancaire.

• Le formulaire engagement permeten sus de la saisie des informationsclassiques d’ordre budgétaire, derenseigner les informations rela-tives au bénéficiaire, ainsi que sescoordonnées bancaires ;

• de vérifier la disponibilité des cré-dits et d’assurer leur blocage;

• de récupérer les informations re-latives à la budgétisation des fondsaffectés inscrits dans le module «sources de financement ». Ce quipermet de lier les engagements àl’origine des fonds (fonds propresou fonds affectés) ;

• le sous module « engagement »

peut faire l’objet de saisie, de cor-rection, de consultation, d’annu-lation et de validation ;

• le formulaire « prise en chargemandat » permet de renseigner lesinformations pertinentes sur lemandat et de les rattacher à l’en-gagement préalablement saisi, sansdisposer pour autant de la possi-bilité de les modifier (mode grisé);

• le formulaire « traitement mandat» permet de procéder à l’éclatementde la dépense prise en charge auformulaire précédant, de tirer lesordres de paiement, de procéder auxprécomptes et retenues le caséchéant, d’envoyer les montants netsà payer au niveau du guichet pourpaiement ;

• une autre grande innovation consisteen la création d’un schéma spéci-fique aux opérations de trésoreriequi n’ont pas lien direct avec le bud-get, notamment l’avance de tréso-rerie qui sera automatisée de l’étapede sa mise en place à celle de sonremboursement ;

Module guichet :Le développement du module gui-

chet constitue l’une des innovationsles plus importantes introduite par «GFILOC».

Désormais, « GFILOC » devient laporte d’entrée pour l’exécution detoutes les opérations de recettes et dedépenses des collectivités territorialesqui doivent normalement y être exé-cutées. GFILOC permet, par ailleurs,l’édition de quittances au moment del’encaissement des recettes en numé-raires, la génération des ordres de paie-ment avec ou sans précompte, le caséchéant.

Ce module est organisé en trois sousmodules, encaissement, paiement etretour Aster. La sous rubrique encais-sement permet de recevoir les recettesavec ou sans titre avec l’édition d’unequittance de versement alors que celleconsacrée au paiement, ce sous moduleoffre la possibilité d’effectuer directe-ment des paiements via le système

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SICA STAR. La sous rubrique Retour Aster per-

met de retracer les rejets (paiement ouencaissement) effectués par le comp-table à partir de la comptabilité Etat.

• Module sources de financementCe module a été amélioré en vue de

prendre en charge des préoccupationsnouvelles mais aussi de sécuriser lesressources grevées d’affectation spéciale(FDD, FECL, PNDL etc.).

Il permet par ailleurs de retracer l’exé-cution financière des projets et pro-grammes, de leur signature à leur exé-cution finale en offrant la possibilitéau Trésor d’informer l’autorité entemps réel sur la situation de l’exécutiondes fonds affectés. Il comporte les sousmenus suivants :

• convention ;• projet ;• contrat ;• recouvrement fonds affectés.L’exécution de ces fonds affectés se

fait au niveau du module « exécutionbudgétaire », avec l’obligation, préalable,de renseigner la source de financement.

Pour des besoins de suivi, il permetd’affecter la trésorerie par source de fi-nancement.

• le sous menu « édition » permetl’édition des états de synthèse, avecun report automatique des soldesen fin de gestion.

• Valeurs inactivesDans « COLLOC », ce module était

intégré dans « exécution du budget ».Toutefois, GFILOC en fait un mo-dule distinct, pour permettre de réglerles difficultés constatées dans l’an-cienne version.

Ainsi, il devrait permettre, dans lecadre de la « gestion administrativedes valeurs inactives » de régler les pro-blèmes liés à la répartition des tâcheset des rôles des agents intermédiaires(les surveillants comptables des halleset marchés, les collecteurs et les régis-seurs de recettes), intervenant dans lacollecte des taxes locales. Les récole-ments seront effectués, au fur et à me-sure, au moment des versements parles collecteurs, surveillants comptables

des halles et marchés ou régisseurs per-mettant l’édition à tout moment desétats de récolement des valeurs inac-tives.

• Module reporting comptable Ce module permet d’éditer, à tout

moment, l’ensemble des états de syn-thèse relatifs à l’exécution des budgetslocaux.

Son paramétrage souple permet, àl’image des outils de business intelli-gence, de produire des situations selonles besoins exprimés par les partenairespermettant ainsi au Trésor de déve-lopper une véritable politique d’éco-nomie de données.

FONCTIONNALITES DU gFILOCConçu comme un système intégré,

le logiciel de gestion financière local «GFILOC » a pour ambition de fédérerà travers une même plateforme l’en-semble des acteurs de l’exécution desbudgets locaux, notamment l’ordon-nateur, le comptable, les services d’as-siette et la Cour des comptes.

À terme, le système d’informationfinancière des collectivités territorialesse présentera comme un noyau centralautour duquel, graviterons plusieurs au-tres satellites comme l’illustre le tableauci-dessus.

PERSPECTIVES gFILOCLe système d’information comptable

et financier local prévoit : La mise en application du module

ordonnateur, dont le début de mise enexploitation est prévu en 2019 par leTrésor, en relation avec les associationsd’élus locaux;

L’ouverture de l’accès du logiciel auprofit de la Cour des comptes pourl’accompagner dans ses missions decontrôle et, dans la perspective une dé-matérialisation des comptes de gestionet des pièces justificatives de dépenses;

L’interfaçage avec le ou les logicielsde gestion de l’assiette des impôts lo-caux;

La fourniture d’informations fiableset exhaustives à l’attention des acteursde la décentralisation, à travers l’Ob-servatoire des finances locales (OB-FILOC).

En définitive, la mise en productiondu logiciel de gestion financière des col-lectivités locales « GFILOC » apporteraplus de qualité dans la tenue de la comp-tabilité et permettra, sans aucun doute,au Trésor public d’avoir une meilleuremaitrise du reporting comptable et dela vie financière des collectivités terri-toriales.

32 AVRIL 2019LE TRESOR PUBLIC

ACTUALITé DU SECTEUR PUBLIC LoCAL

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33LE TRESOR PUBLICAVRIL 2019

ACTUALITé DE LA DETTE PUBLIqUE

La gestion de la dette publique duSénégal a été évaluée et jugéeconforme aux exigences requises parla norme ISO 9001 version 2015, àl’issue de l’audit de certification réa-lisée du 08 au 10 janvier 2018. Cettedécision favorable consacre la certi-fication de la Direction de la Dettepublique à ladite norme, un an aprèsla Recette générale du Trésor. Elle at-teste de la pertinence des choix stra-tégiques de la Direction générale dela Comptabilité publique et du Trésor(DGCPT), en matière de qualité deservices, et de leur appropriation parles services opérationnels.

Ces résultats sont l’aboutissementd’une politique qualité (1) clairementdéfinie par le Directeur général de laComptabilité publique et du Trésoret mise en œuvre suivant les principes(2) de management reconnus au planinternational. Le respect de ces prin-cipes a permis à la DDP de releverdes nombreux défis et enjeux (3) im-portants liés à l’exercice de ces mis-sions

1- LA POLITIQUE QUALITÉ DE LA DgCPTDans le cadre de l’amélioration de

l’efficacité de ses services, la DGCPTa adopté une démarche qualité ins-crite parmi les priorités du Plan dedéveloppement stratégique de l’Ad-ministration du Trésor (PDSAT). Ce

choix est articulé à la charte signéepar le Ministre de l’Economie, desFinances et du Plan (MEFP) en vuede la modernisation des services dudépartement et l’amélioration desprestations des services offertes auxusagers. Ces deux objectifs sont dé-finis en application des directives for-mulées par le Monsieur le Présidentde la République lors du forum del’administration tenu en avril 2016.En effet, lors de ce forum tenu les 09et 10 avril 2016 à Diamniadio, leChef de l’Etat a « engagé les minis-tères à adopter des chartes qualité, àaccélérer la modernisation des ser-vices et à mettre en place un dispositifd’ « audit des procédures ».

Les axes de la démarche qualité dela DGCPT sont précisés dans un do-cument officiel signé par le Directeurgénéral. Ce document, dont la pro-duction est exigée par la norme ISO9001, matérialise l’engagement de laplus haute autorité de la DGCPTpour l’amélioration des systèmes demanagement de la qualité ainsi quesa disponibilité à soutenir les effortsdéployés par les services opérationnels.La politique qualité précise égalementles règles de conduite qui seront ob-servées par les agents, dans le cadrede leurs services, et les résultats at-tendus de leurs prestations. Il s’agitnotamment de la modernisation du

système d’information et de l’amé-lioration des processus clefs afin defaire respecter tous les engagementsde qualité de service. Outres, ses ob-jectifs stratégiques, les résultats de lapolitique qualité portent sur la fiabi-lisation des opérations comptables etla rationalisation de la trésorerie del’Etat, le maintien de notre haute ca-pacité de gestion de la dette publiqueet l’atteinte d’un niveau d’endettementoptimal et sans risques, la moderni-sation des moyens de paiement etl’amélioration de la qualité de l’accueilet du traitement des dossiers.

La politique qualité est largementdiffusée pour servir de guide et encrerla culture qualité dans l’exercice desmissions de la DGCPT. Elle pourraitfaciliter la mise en œuvre des recom-mandations du forum de l’adminis-tration dont les objectifs ont été rap-pelés à l’occasion de la réunion duConseil des Ministres tenue le mer-credi 16 janvier 2019.

2- LES PRINCIPES DE LA NORME ISO 9001 V 2015

La norme ISO 9001 est une normede management adoptée par plus d’unmillion d’organismes à travers lemonde. Elle définit, pour les orga-nismes publics et privés, les exigencesrelatives à la mise en place d'un sys-tème de management de la qualité,qui permet d’améliorer en perma-nence la satisfaction des clients enleur fournissant des produits et ser-vices conformes aux exigences régle-mentaires et légales en vigueur.

L’attribution du certificat ISO 9001obéit au respect de nombreux critèresou principes définis par l'OrganisationInternationale de Normalisation. Lesprincipes constituent des valeurs et

La gestion de la dettepublique certifiée

Ahmadou Bamba TINe, Inspecteur principal du Trésor, Chef de Division de la Modernisation et de la Stratégie à la DGCPT

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34 AVRIL 2019LE TRESOR PUBLIC

règles susceptibles à même d’améliorerle management de la qualité des ser-vices et favoriser, du coup, la satisfac-tion des usagers. Ces règles et valeursfondées essentiellement sur l’orienta-tion client portent essentiellement surle leadership des dirigeants, l’engage-ment de l’ensemble des acteurs, l’ap-proche processus et l’améliorationcontinue, la prise de décision et le ma-nagement des relations.

- le leadership ou l'engagement dela Direction, facilite la définitiondes objectifs et orientations, créeles conditions permettant au per-sonnel de s'impliquer dans l'at-teinte de l’objective qualité et as-sure la disponibilité des ressourcesnécessaires à l'atteinte des objec-tifs.

- l’implication du personnel, est unimpératif pour la bonne exécutiondes missions de l’organisme. L’im-plication du personnel est facilitée,entre autre, par la mise en placede mesures d’habilitation, la re-connaissance et l'amélioration descompétences.

- l’approche processus : elle favorisela définition des différentes actionsainsi que les moyens et procéduresnécessaires à la réalisation des ré-sultats attendus. Les processus serapportent au pilotage, à produc-tion de livrables ou de services, aumanagement et dispositif de sup-port.

- l’amélioration continue : elle per-met de consolider les acquis et decorriger les faiblesses identifiées.Les leviers de l’amélioration conti-nue sont précisés à travers la «Roue de Deming » qui préconisela planification des actions, la miseen œuvre des activités qui s’y rap-portent, l’évaluation des résultatsenregistrés et la correction desécarts.

- la prise de décisions fondée sur

les preuves : cette règle recom-mande la justification de toutesles actions ou mesures par des «données objectives ». Elle permetde lever l’incertitude, de réduireles risques d’erreurs et de main-tenir la confiance des parties pre-nantes.

- le Management des relations avecles parties intéressées : il s’agit durespect des règles de bonneconduite avec les usagers et l’en-semble des acteurs qui sont en re-lation avec l’organisme.

La certification ISO 9001 fait l’objetd’un audit de surveillance ou examende contrôle qui permet à l’organismecertificateur de s’assurer du maintiendes acquis ayant valu la délivrance ducertificat un an plus tôt. Cet audit desurveillance est également l’occasionde mesurer les progrès réalisés par leservice certifié à travers notammentla correction des non-conformitésconstatées auparavant.

3- LES ENJEUX DE LA CERTIFICATIONPOUR LA DDP

La mise en place de la démarchéqualité comporte pour la DDP desnombreux enjeux importants liés,d’une part, aux effets de l’approchequalité, et, d’autre part, aux externalitésde la certification ISO 9001 relative-ment au contexte socio-économiquedu Sénégal.

3-1- LES EFFETS DE LA DÉMARCHE QUALITÉ

La mise en place du système de ma-nagement de la qualité a permet à laDDP de réaliser des progrès sensiblesen termes d’efficacité et d’efficience.En effet, l’approche qualité favorisela réduction des coûts des différentesactions ainsi que la mise à niveau del’organisation au plan de la documen-tation des processus liés à la dette pu-blique.

Les effets de la démarche qualitépourraient se traduire par la mesuredes performances des services de la

DDP au regard des cibles définiesdans le document d’orientation stra-tégique de la DGCPT, à savoir lePDSAT et la maitrise des risques quise rapportent aux différents proces-sus.

3-2- LES EXTERNALITÉS DE LA CERTIFICATION ISO 9001 POUR LA DDP

Au-delà de la satisfaction des usa-gers, la certification ISO 9001 offreune assurance quant à la qualité et àla maitrise des missions de laDGCPT relativement à la gestion dela dette publique. Elle permet d’amé-liorer l’image de marque du Trésor etdu MEFP en général en ce qu’elle at-teste du respect par le service encharge de la dette publique desnormes de mangement reconnues auplan international.

La rigueur des exercices d’audit quiont sanctionné le système de mana-gement de la qualité de la DDP etl’indépendance des auditeurs offrentune nouvelle fois, de nouveaux gagesd’assurance quant à la pertinence, lamaitrise des risques et l’efficacité dela gestion administrative du serviceen charge de la dette publique.

Dans le contexte socio-économiqueactuel, marqué de par des question-nements sur la gestion des finances,la certification ISO 9001 de la DDP,est un précieux résultat qui complètela « grille d’évaluation » de la gestionde la dette publique. Cette certifica-tion solidifie, en effet, les exercices denotation effectuées par des structurescomme Moody’s et Standard andPoors. Elle offre un tableau plus com-plet de l’évaluation et de l’appréciationde la dette publique ainsi que du dis-positif organisationnel et administratifmis en place pour sa gestion. Ces qua-lités sont éloquemment illustrées parles scores de la DDP qui n’a enregistréqu’une seule non-conformité ou ano-malie à l’issue de l’audit de certifica-tion. Elles sont la preuve de l’abné-gation des agents qui sont résolumentengagé dans la mise en œuvre de ladémarche qualité et la satisfaction despréoccupations des usagers.

ACTUALITé DE LA DETTE PUBLIqUE

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35LE TRESOR PUBLICAVRIL 2019

Évolution du Franc Cfa et stratégies de sorties envisageables?

Depuis un certain temps, il y'aune renaissance du nationalisme, unpeu partout, dans le monde, avec no-tamment l'apparition de mouve-ments citoyens et politiques quis’étendent à l'échelle planétaire. EnAfrique, une volonté de devenir au-tonome et indépendante, à l'égardde l’ancienne métropole, s’installe.Cette volonté est catalysée par cer-tains faits organisés par la puissancecoloniale. Récemment, un journalAllemand parlait d'une taxe colonialede plusieurs centaines de milliard àla charge des anciennes colonies. A

cela s'ajoute, des actes tels que l’éli-mination du leader libyen Mouam-mar Kadhafi, qui est l'un des sym-boles qui incarnait l’unité africaine.Au fil des années, le peuple est per-suadé que la France est présente, enAfrique, plus pour ses intérêts pro-pres et moins au service du déve-loppement des économies des an-ciennes colonies. Le franc cfa qui estun parmi les piliers qui maintiennentet entretiennent la relation France-Afrique, à travers un accord de coo-pération monétaire défini depuis1939, est remis en cause par la jeu-nesse africaine, la nouvelle élite in-tellectuelle et la diaspora lesquelles

pensent, non pas en termes de dé-pendances mais, en termes d'indé-pendances et de reprise en main dela souveraineté nationale.

Actuellement les questions, les plusrécurrentes sur le sujet sont :

Faut-il sortir du système cfa oupas ?

Quelles sont les options de sortiesenvisageables?

Dans les lignes qui suivent, aprèsavoir présenté brièvement le franccfa et l'évolution de la zone, noustenterons d’apporter des élémentsde réponse sur la question de savoirfaut-il sortir de la zone? Ensuitenous déclinons les stratégies de sor-

Évolution du franc CFA et stratégies de sortie

Mame Abdoulaye HANe, economiste, Analyste des Marchés

ETAT DE LA PoLITIqUE MoNéTAIRE

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36 AVRIL 2019LE TRESOR PUBLIC

ETAT DE LA PoLITIqUE MoNéTAIRE

ties.

1. Présentation du franc CFA et évolution de la zone1 a. Présentation du franc CFA

Le franc CFA désigne deux mon-naies distinctes correspondant à deuxunions monétaires disposant de deuxbanques centrales. La zone Francd’Afrique centrale (CEMAC) réunitle Cameroun, la République centra-fricaine, le Congo, le Gabon, la Gui-née équatoriale et le Tchad. La zoneFranc d’Afrique de l’Ouest(UEMOA) se compose du Bénin,du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire,de la Guinée-Bissau, du Mali, duNiger, du Sénégal, et du Togo. Lestaux de conversion vis-à-vis de l’eurosont identiques (655,957 francs pour1 euro).

Parmi les avantages, il y' a :- la crédibilité dans les paiements

internationaux. Ce système re-pose sur la stabilité du taux dechange entre le CFA et l’Euro.La valeur des devises est garantiepar le Trésor public français LaBanque de France garantit laconvertibilité illimitée du francCFA, permettant aux pays del’union de payer leurs achats àl’international en euro et leurconférant une crédibilité inter-nationale.

- le transfert du risque à la banquede France, qui garantit leschanges, même en cas d'insta-bilité temporaire des pays mem-bres de la zone cfa.

- le maintien de l’inflation, qui estla hausse du niveau général desprix, à un niveau relativementbas au regard des taux nettementsupérieurs des pays voisins. Ceciest lié au fait qu’il n'y a pas latentation de "faire tourner laplanche à billets": les pays de lazone franc bénéficient ainsi d'unedette publique limitée (moins de70% du PIB) et d'une inflation

maîtrisée (moins de 3%).

- le CFA est aussi un atout entermes d'intégration régionale:il facilite les échanges entre paysde la zone, "au bénéfice des éco-nomies nationales et des acteurséconomiques".

Parmi les inconvénients, on peuténumérer:-Le fait que les pays africains sont

tenus de déposer sur les comptesdu Trésor français la moitié deleurs réserves de changes, encontrepartie, de la convertibilitéillimitée. Ce qui est un blocage,un frein empêchant aux paysmembres de disposer pleinementde leurs instruments de poli-tiques monétaires. En effet, laBanque de France doit donnerson aval sur toute décision dela CEMAC, de l’UEMOA et deleurs banques centrales. Parconséquent, les pays membres,encourent le risque de voir leuréconomie tournée au ralenti. Lesgouverneurs de la BCEAO et dela BEAC n'ont pas la possibilitéde faire varier le cours de leurmonnaie, la parité avec l'euro lesoblige à calquer leur politiquesur celle de la BCE. Or, les prio-rités pour l'Europe ne sont pascelles des pays africains", les pre-miers sont des pays industrialisésalors que les seconds sont pourla plupart, des pays en voie dedéveloppement et des Pma,

-La possibilité pour la banque deFrance de faire des arbitrages etde tirer des gains de change encas de fortification et de diver-sification, des économies des paysmembres,

L'exposition du franc CFA à la dévaluation

La mutualisation des réserves mo-nétaires s’avère contraignante dupoint de vue des pays systématique-ment créditeurs, qui peuvent s’esti-mer lésés et envisager une sortie de

la monnaie commune.

1. b. Evolution de la zone CFA de l’indépendance à nos jours

A l'heure de l'indépendance despays africains, les pays d’Afrique duNord étaient eux aussi liés à la Francepar les mêmes accords monétaires.

-Au Maroc : L’indépendance estproclamée en 1956, deux (2) ansaprès, le Royaume quitte la mon-naie française et crée la sienne,le dirham en 1958, malgré l’hos-tilité de la France.

-En Tunisie, on a observé lesmêmes résistances de la Francepour concéder une véritable in-dépendance. Dès 1958, la Franceest contrainte d’accepter que laTunisie quitte la zone Franc pourcréer sa propre monnaie, le dinar.

-En Algérie, en 1962, c’est l’in-dépendance formelle, et commepartout, c’est la France quicontrôle la monnaie. Mais, lesAlgériens insistent sur le fait quesans monnaie nationale, ce n’estpas une vraie indépendance. LaFrance est obligée de concéderla finalisation de l’indépendancealgérienne avec la création dudinar algérien, le 1er avril 1964.

-Outre ces pays d’Afrique dunord, qui ont quitté la zone avecresponsabilités et succès nouspouvons signaler aussi la sortiede la zone par d'autres membresnotamment, la Mauritanie en1973. De même, En 1962, leMali décide de créer sa propremonnaie, la monnaie malienne.Mais l’émission excessive de bil-lets qui contraint le pays vaconduire le Mali 2 séries de dé-valuations. Le pays retourne fi-nalement au franc CFA en 1984.

En résumé on peut dire que crééeen 1939, la zone Franc est un espaceéconomique et monétaire d'Afrique

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37LE TRESOR PUBLICAVRIL 2019

ETAT DE LA PoLITIqUE MoNéTAIRE

subsaharienne, où vivent quelque155 millions d'habitants. Il est lafois, source d'intérêts et de désagré-ments à l’égard des pays membresau point que l’opinion s'interroge surl’éventualité d'une sortie.

2. Faut-il sortir du système Franc CFA?

La problématique du franc CFAdivise autant les économistes que lesresponsables politiques africains.Quid de la question, faut-il sortirdu système? La réponse suscite, ennous, une longue série de remarquesportant sur l’économie des pays dela zone et des interrogations :

Entre la série d’avantages et la listedes limites, laquelle l’emporte surl'autre?

Le bilan avantages et inconvé-nients du système CFA, conduit àaffirmer que les limites sont domi-nantes. Celles-ci semblent prendrele dessus et expliquent, en partie,l’incapacité et les difficultés des paysmembres de la zone à renouer avecl'industrialisation et le développe-ment. En effet, la politique moné-taire est l'action par laquelle les au-torités habilitées agissent sur le coût

du crédit par le truchement du vo-lume de monnaie, c'est une com-posante de la politique économiqued’une nation ou d'une communauté,à l'instar de la politique budgétaire.Elles disposent des objectifs maisaussi des instruments permettantd'atteindre les objectifs

Pour illustrer davantage cette affir-mation, analysons le classementdes pays africains suivant un angleéconomique:

Parmi les dix pays, les plus avancésdu continent, ceux disposant des PIBles plus importants, aucun n'appar-tient à la zone CFA. Ceci est-il unesimple coïncidence ou est-il lié auxaspects négatifs du CFA sur leséconomies des pays membres ?

Parmi les huit pays de la zoneUEMOA, sept (7) sont de la caté-gorie des <<pays les moins avan-cés>> et un seul se situe dans la ca-tégorie des pays en voie dedéveloppement à savoir la Côted’ivoire, le géant de la zone, d'aprèsle classement des Nations Unies.

Certes, de nos jours, aucun paysafricain n’a encore réussi à se hisserdans la catégorie des pays ayant unniveau « très élevé » de développe-ment humain. Néanmoins sept (7)

pays du continent se classent parmiles pays ayant un taux d’IDH « élevé». Sur ces 7 pays, seul le Gabon ap-partient à la zone CFA et y occupela dernière place.

Quatorze (14) pays du continentrestent dans la catégorie des paysayant un « niveau moyen » de déve-loppement humain. Sur ces 14 pays,3 appartiennent à la zone CFA: leCameroun, le Congo et la Guinéeéquatoriale.

Parmi les 47 pays ayant un niveaude développement faible, un nombrede 32 revient à l’Afrique subsaha-rienne. 10 pays, parmi ces 32 appar-tiennent à la zone CFA, à savoir: leshuit pays de l'UEMOA auxquels onajoute 2 de la Cemac: le Tchad et laCentrafrique sans compter la répu-blique du Comores.

Cette faiblesse notoire du niveaude développement humain de lazone, n’est-elle pas corrélée positi-vement avec l’usage du Cfa? (Se ré-férer à la classification 2018 del'agence Ecofin portant sur l’IDH)

Au-delà de ces remarques portantsur les aspects économiques des paysde la zone CFA par rapport aux au-tres du continent (les pays horsCFA), la question de la sortie nousinvite à une suite de questionne-ments:

Le fait de rester dans la zone tra-duit-elle une incapacité des gouver-nements à y sortir ou un manque devolonté politique ou est-il dû à unJeux permettant de cacher les intérêtsd’un groupe de personnes?

Aujourd’hui, les états comme laCôte d’Ivoire, le Sénégal, le Came-roun, le Bénin revendiquent leurmaintien dans la coopération mo-nétaire franco-africaine.

Dans ce monde multipolaire du21ème siècle caractérisé par le mul-tilatéralisme, la densification ducommerce et des relations interna-tionales, faudrait-il toujours s’en re-mettre à la France pour assurer lafrappe de notre monnaie? Faut-il re-courir à la puissance coloniale quise trouve, par rapport à sa position

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de premier partenaire économiquede la zone en perte de vitesse, auprofit de la Chine, le géant asiatique?

Dans ce contexte, faut-il prendrele choix de la responsabilité, de lasouveraineté et de l'autonomie à laplace de l’ignorance, de la dépen-dance et du désengagement?

Pourquoi pas adapter le choix despays d’Afrique du nord qui ont com-pris, il y’a déjà plus d’un demi (½)siècle, les enjeux de la monnaie dansla maîtrise de la politique écono-mique intérieure d’une nation?

3. Les options de sorties envisagea-bles

Pour la sortie, les articles 12 et 17des accords de coopération moné-taire conclus en 1972 et 1973 par legouvernement français avec chacunedes zones CFA, prévoit la sortie uni-latérale de tout pays qui se sent léser.Ce qui fait que la première optionde sortie: c’est le retrait unilatéralpour mettre sur pied sa propre mon-naie. Cette option est réaliste dansles zones jouissant d’une stabilitésociale à l’image du Sénégal, qui estpar ailleurs, un pays dans lequel, unequantité importante de ressourcesnaturelles a été découverte, récem-ment, du pétrole, du gaz , du fer, duzircon… des matières premières pri-sées dans le commerce internationalet aptes à garantir la confiance, lacrédibilité et les cours de change dela monnaie nationale. Cette affir-mation n’est pas sans condition carla réussite d’une telle mesure requiertune bonne gouvernance combinéeà une exploitation optimale et bé-néfique des ressources. L’intérêt decette option, c’est qu’elle peut se faireselon un agenda maîtrisé par l’étatindépendamment des autres mem-bres de la CEDEAO. Logiquement,elle ne devrait pas tirer en longueur.Il s’agit de mettre en place notre pro-pre devise qui s'appelle par ex Kop-par comme le Dirhams ou le Dinar.

Quant à la deuxième option, elleconsiste à se retirer de l’accord enbloc, retrait simultané pour mettre

ensemble une monnaie unique Afri-caine indépendante de la France. Cechoix est le souhait des 15 pays dela CEDEAO. Ils se sont réunis àAbuja, récemment, le 22 décembredernier et se sont accordés sur lafeuille de route de mise en placed'une monnaie unique de la CE-DEAO. Cette solution a l’avantagede favoriser l'intégration monétairedans cet espace, contrairement à lapremière qui encourage l’émiette-ment monétaire. Par contre sa fai-blesse, c’est qu’elle peut se heurter àdivers obstacles notamment poli-tiques, lesquels engendrent systéma-tiquement des lenteurs dans la miseen œuvre.

Le plan de retrait retenu s’articulesur les points suivants:

1. Délimitation de la nouvelle zonemonétaire et dénomination de lanouvelle monnaie,

2. Centralisation des Réserves deChange : la nouvelle banque centralejouera le rôle actuel joué par laFrance et le Trésor Français. Garderles réserves et effectuer les paiementsétrangers,

3. Garantie de la convertibilité etde la transférabilité: le fonctionne-ment sera analogue au système ac-tuel, les commerçants, les importa-teurs rendront les coupures de lanouvelle monnaie pour se voir trans-férer des devises étrangères dans lespays de leurs choix,

4. Stabilisation de la valeur de lanouvelle monnaie à travers des in-vestissements industriels,

5. Définir les Critères de conver-gence et établissement et de la po-litique de développement communeen vue d'encourager des taux d'in-térêts faibles en matière de crédits.

6. Dotation de la masse monétairepar pays : chaque pays aura une do-tation monétaire équivalente au totalde ses exportations, ses prêts et donsinternationaux. A cela s’ajoute lescrédits d’implantations industriels,et crédits de construction d’infra-structures et de consommation sipossible.

ConclusionLa thèse de la sortie du système

CFA par les pays d’Afrique del’Ouest et du centre semble gagnerdu terrain au fil des années. En effet,la monnaie appartient au peuple. Ellematérialise la souveraineté de celui-ci. Quelque soit, la méthode de sortieretenue, le processus aboutira à unsuccès, si les états parviennent à met-tre des réformes structurelles desti-nées notamment, à poser les jalonsd’une économie industrielle diversi-fiée. Des réformes en profondeurdont les axes majeurs sont: l’assai-nissement des finances publiques, larationalisation des choix budgétaireset le développement intensif de l’in-vestissement public en infrastructuresà travers des PPP qui accordent uneplace aux entrepreneurs locaux et àla diaspora désireuse d’y prendre parttechniquement et financièrement. Aces mesures prioritaires, il faut ajouterle renforcement du secteur agricole,combinée à une expansion accéléréedu secteur industriel ; deux secteursqui vont à leurs tours, propulser for-tement le secteur des services, grâceaux recours massifs de transferts detechnologies et aux innovations.

La finalité, c’est de bâtir des éco-nomies fortes, soucieuses, à la fois,de l'intérêt général et des normesenvironnementales. Il s'agit de lamise au point d’appareils productifsaptes à générer de la valeur ajoutée,des surplus et des emplois, dans laquasi-totalité des secteurs qui, à longterme , finissent par amoindrir ladépendance vis à vis de l'étrangeret par là, transformer les paysconcernés en de véritables pôles in-dustriels, commerciaux et financiers.Sans ces réformes phares, le renon-cement aux accords de coopérationmonétaire qui nous lie avec laFrance, au profit d'une monnaiecommunautaire ou d’une monnaienationale, indépendante de l’exté-rieur, aura des difficultés pour en-gendrer les effets attendus, en termesde croissance et de développement.

38 AVRIL 2019LE TRESOR PUBLIC

ETAT DE LA PoLITIqUE MoNéTAIRE

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39LE TRESOR PUBLICAVRIL 2019

Depuis sa création en 1975, la Commu-nauté Economique des Etats de l’Afriquede l’Ouest (CEDEAO) s’est donnée pourobjectif ultime de transformer l’espace com-munautaire en une union économique etmonétaire viable où circule une seule mon-naie, gérée par une banque centrale com-munautaire. A cet égard, le Programme deCoopération Monétaire de la CEDEAO(PCMC) a été adopté en Juillet 1987. Ils’agit d’un ensemble d’actions cohérentesvisant une harmonisation des systèmesmonétaires et la création d’un environne-ment macroéconomique stable, propice àla création de l’union monétaire. Dans cecadre, la Feuille de route pour le pro-

gramme de la monnaie unique de la CE-DEAO a été adoptée le 25 mai 2009 aveccomme principales échéances, 2015 pourla monnaie commune des pays membresde la Zone Monétaire de l’Afrique del’Ouest (ZMAO) et 2020 pour la monnaieunique de la CEDEAO.

Les principales activités concernent laconvergence macroéconomique, l’harmo-nisation des normes, pratiques statistiques,des cadres de politiques fiscale, monétaire,comptable, de taux de change et de repor-ting des institutions financières, de la lé-gislation régissant les transactions finan-cières ainsi que l’interconnexion dessystèmes de paiements de la CEDEAO.

La convergence macroéconomique, et l’har-monisation des cadres de politiques consti-tuent des éléments importants du processusd’introduction de la monnaie unique. Mal-gré la mise en place de mécanisme de sur-veillance, le processus d'intégration mo-nétaire a subi quelques difficultés. Lacréation de la monnaie unique, a été re-poussée à diverses reprises. Toutefois, en2017, la CEDEAO a renouvelé ses am-bitions à travers une révision de la feuillede route qui maintien l’échéance pour laréalisation effective de l’union monétaireà 2020.

Cette contribution tente de partager lebilan de mise en œuvre de la feuille de

Processus d’intégration monétaireau sein de la Cedeao

Mme Oumy Ndiaye SARRIngénieur Statisticien Économisteen charge de la Surveillance MultilatéraleCellule de Suivi de l'IntégrationDirection Générale de la Planification et des Politiques Économiques DGPPEMinistère de l'Économie des Finances et du PlanEmail: [email protected]

REGARD SUR L’INTéGRATIoN

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route de la monnaie unique, notammentles avancées pour une union monétaire, lesprincipales contraintes identifiées et les dé-cisions importantes en vue de l’accélérationdu processus d’intégration monétaire.

1. Etat de mise en œuvre des activités de la feuille de route

Le bilan de mise en œuvre des activitésde la feuille de route élaboré en septembre2018 a révélé que d’importantes étapes ontété franchies. Des progrès considérablesont été accomplis dans la mise en œuvredu mécanisme de surveillance avec l’adop-tion des actes y afférents, la rationalisationdes critères de convergence. Toutefois, desretards ont été notés dans le processus demise en œuvre de certaines activités en-trainant un report de leurs échéances.

1.1. Convergence macroéconomique au sein de la CEDEAO

L’évaluation des performances en matièrede convergence macroéconomique a étéfaite sur la base du nouvel Acte AdditionnelA /SA.1/12/15 du 16 Décembre 2015, re-latif au Pacte de convergence et de stabilitémacroéconomique entre les Etats membresde la CEDEAO. Elle est appréciée à tra-vers l’analyse des développements macroé-conomiques récents intervenus au sein dela CEDEAO, et l’examen de l’évolutiondu profil de convergence au cours de l’année2017.

Il est ressorti du rapport de convergencemacroéconomique 2017 que l'activité éco-nomique de la CEDEAO s'est légèrementrenforcée en 2017, avec un taux de crois-sance de 2,4% après 0,3% en 2016. Cetteperformance a été soutenue par la repriseau Nigeria et la bonne tenue de la croissanceau Ghana, en Côte d'Ivoire et au Sénégal,sous l'effet de l'augmentation de la pro-duction de pétrole, la reprise des cours desproduits de base ainsi que le renforcementde la production agricole. Ces performancesse sont déroulées dans un contexte d’atté-nuation des pressions inflationnistes, avecun taux d'inflation estimé à 12,8% 2017après 15,4% 2016, en liaison avec la mo-dération des prix des denrées alimentaires,la stabilité des monnaies nationales etl'orientation restrictive de la politique mo-nétaire. Les finances publiques ont été ca-

ractérisées en 2017 par une améliorationdu déficit budgétaire, ressortie à 2,3% duPIB en 2017 après 3,1% en 2016, reflétantessentiellement les efforts d'assainissementbudgétaire au Nigeria, au Ghana, au Maliet au Sénégal. Le taux d’endettement dela CEDEAO a progressé de nouveau, pas-sant de 23,6% du PIB en 2016 à 24,4%du PIB. La situation des échanges exté-rieurs de la région est marquée en 2017par un excédent de 0,7% du PIB contreun déficit de 1,1% du PIB en 2016, enraison principalement à l'amélioration dela balance commerciale du Ghana et duNigeria, reflétant la hausse des cours in-ternationaux mondiaux des produits debase. Quant à la situation monétaire de laCEDEAO, elle est caractérisée en 2017par un accroissement de 3,8% de la massemonétaire et une hausse de la liquidité glo-bale.

Concernant les indicateurs de conver-gence en 2017, le profil s’est légèrementamélioré, après la dégradation observée2016, notamment en ce qui concerne lescritères relatifs au déficit budgétaire, auxréserves extérieures brutes et à la dette pu-blique.

Au titre des critères primaires, quatrepays : la Guinée Bissau, le Mali, le Sénégalet le Togo ont rempli tous les critères depremier rang en 2017, contre seul le Liberiaen 2016. Le déficit budgétaire a été res-pecté par sept pays en 2017 contre troisen 2016, en liaison principalement de lapoursuite des efforts de mobilisation desrecettes fiscales par les Etats membres.Pour ce qui est des réserves extérieuresbrutes, quatorze Etats ont satisfait à lanorme, contre treize en 2016, en liaisonavec l’amélioration de la balance des paie-ments et à la gestion prudente des réservespar les Banques centrales. Le financementdu déficit budgétaire par la Banque centralea été respecté par treize pays comme en2016. Toutefois, le critère relatif à l’infla-tion s’est dégradé, onze pays ont respectéla norme contre douze en 2016, suite auxeffets de la dépréciation de monnaies na-tionales et des défis structurels dans certainsEtats membres. La performance des cri-tères secondaires a été également satisfai-sante en 2017. Malgré la tendance généraleà la hausse du niveau de la dette publique

dans la région, douze pays ont respecté lanorme contre onze en 2016. S’agissant ducritère relatif à la stabilité du taux de changenominal, le résultat est resté inchangé avecdouze pays ayant respecté la norme.

En perspectives, les programmes plu-riannuels de convergence élaborés en oc-tobre 2018 ont prévu une améliorationdes performances en 2019 avec un taux de3,0%. Cependant, le profil de convergencereste fragile vue la faible diversification deséconomies, l’insuffisance de la transforma-tion des matières premières et la légère ca-pacité des Etats à faire face aux chocs exo-gènes.

1.2. Harmonisation des Normes et cadres de politiques

L’harmonisation des normes et cadresde politiques et des régimes de changeconstitue un élément important dans lamise en œuvre de la feuille de route duProgramme de la monnaie unique de laCEDEAO. Concernant l’harmonisationdes statistiques, des avancées ont été en-registrés en matière d’harmonisation descomptes nationaux, des prix à la consom-mation et l’adoption de guides méthodo-logiques d’élaboration des statistiques dela Balance des paiements selon la 6èmeEdition du FMI et des finances, confor-mément aux manuels MSFP 2001 et2014.

Au titre de l’harmonisation des cadresde politique monétaire et régimes dechange au sein de la CEDEAO, des étudesont été réalisées par l’AMAO en rapportavec des experts des banques centrales no-tamment sur le cadre de politique moné-taire commune pour la future union mo-nétaire ainsi qu’un régime de change pourla monnaie unique. Ces études ont été par-tagées à l’occasion des réunions statutairesde l’AMAO tenues en septembre 2018 àAbuja. Les conclusions et recommanda-tions d’orientations suivantes ont été pro-posées :

- Comme cadre d’harmonisation despolitiques monétaires, les principauxinstruments proposés pour la futureunion monétaire sont le taux directeur,les opérations d'open market, les fa-cilités permanentes, les réserves obli-gatoires et les opérations de change.

40 AVRIL 2019LE TRESOR PUBLIC

REGARD SUR L’INTéGRATIoN

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41LE TRESOR PUBLICAVRIL 2019

REGARD SUR L’INTéGRATIoN

L’inflation globale est également pro-posée comme la cible en matière destabilité des prix pour une meilleureefficacité. Elle constitue une base so-lide de collaboration plus poussée etune réduction des différences dans lespratiques.

- Pour l’harmonisation des régimes dechange, l’ analyse des enseignementstirés des différentes études et autresactivités du programme coopérationmonétaire a permis à l’AMAO de pro-poser un régime de change flottantadministré ou dirigé, précédé d’unephase de mise en œuvre du mécanismede change, comme système de changede la CEDEAO. Les travaux sont encours pour des améliorations et l’affi-nement des propositions pour la dé-finition d’un régime approprié de tran-sition, afin de parvenir à un régime dechange final qui serait adopté par lafuture union monétaire de la CE-DEAO.

2. Contraintes à la mise en œuvrede la feuille de route

Malgré les avancées importantes enre-gistrées, la mise en œuvre des activités defeuille pour le programme de la monnaieunique a été confrontée à des contraintesrelatives principalement :

- aux difficultés de coordination et lemanque de synergie des actions entreles institutions ;

- au manque de financement adéquatpour la réalisation des études néces-saires pour la prise de certaines déci-sions ;

- la coexistence de deux régimes dechange dans la région ainsi que les dif-ficultés d’harmonisation des cadres depolitique monétaire ;

- la différence structurelle des économiesde la région el la faible capacité desEtats membres eu égard aux exigencesde l’harmonisation des politiques ;

- au faible développement des marchésfinanciers ainsi que leur modeste degréd’intégration ;

Pour lever ces contraintes et accélérerle processus de création de la monnaieunique de la CEDEAO, les autorités de

la région ont mis en place en 2013 uneTask Force Présidentielle pour le pro-gramme la monnaie unique de la CE-DEAO, sous la supervision des Présidentsdu Ghana, du Niger, du Nigeria et de laCôte d’Ivoire. Elle est composée des Gou-verneurs des Banques Centrales, des Pré-sidents des Commissions de la CEDEAOet de l’UEMOA, des Directeurs Générauxde l’AMAO et de l’IMAO ainsi que desMinistres des Finances des pays respectifs.

Les travaux réalisés sous la supervisionde la Task Force Présidentielle ont permisde réaliser des progrès importants, entreautres il faut noter :

- le renforcement de la collaborationavec la participation de l’ensemble desInstitutions régionales impliquées dansla conduite des activités de la Feuille,notamment la Commission de la CE-DEAO, l’AMAO et les Banques cen-trales de la Communauté ;

- l’implication effective des Gouverneursdes Banques centrales dans le processusde création de la monnaie unique dela CEDEAO ;

- le partage des études sur : «l’évaluationdes acquis et propositions d’optionspour le respect du délai» et «les condi-tions optimales de la création de la fu-ture monnaie unique de la CEDEAO»;

- l’identification et l’évaluation des coûtsdes activités nécessaires, dont la miseen œuvre constituera une étape im-portante dans le processus d'intégrationmonétaire de la CEDEAO ;

- la révision de la feuille de route, pourprendre en compte les activités indis-pensables ;

- les propositions de noms pour la futuremonnaie: AFRI, CAURIS et ECOainsi que la future banque centrale:Banque Centrale de la CEDEAO,Reserve Monétaire de la CEDEAOet Banque Centrale de l’Afrique del’Ouest.

3. Décisions importantes pour l’accélérationdu processus d’intégration monétaire

Sur la base des propositions de recom-mandations visant à assurer le respect del’échéance 2020, les autorités de la régionont réaffirmé leur engagement dans la

poursuite de l’accélération de la réalisationde l’agenda de l’intégration monétaire dela CEDEAO. Elles ont également adoptél’approche graduelle vers la monnaie unique,basée sur un démarrage avec les pays quirespectent les critères de convergence etles autres pourront s’y joindre ultérieure-ment. Les principales orientations pourl’accélération du processus d’intégrationmonétaire sont relatives :

- à la mise en place d’un Fonds spécialpour le financement des activités quisera approvisionné par les trois banquescentrales : Centrale Bank of Nigéria,Banque centrale des Etats de l’Afriquede l’Ouest et Banque centrale duGhana ;

- à la finalisation des études d’impactsur le régime de change, de l’harmo-nisation du cadre de la politique mo-nétaire et du modèle de la futurebanque centrale ;

- à la mise en place d’un groupe de travailchargé de proposer le nom et le signede la future monnaie unique, en col-laboration avec les représentants desBanques Centrales et des experts dansles domaines du graphisme, économie,anthropologie, sociologie, sciences po-litiques, signes monétaires ou droit.

Au regard du profil de convergence dela région, caractérisé par les difficultés derespecter les critères de convergence demanière durable mais également la coexis-tence de deux régimes de change qui in-duise des difficultés pour parvenir à unconsensus autour de certains aspects, laréalisation de la Monnaie unique pour laCEDEAO reste peu probable, à quelquesmois de l’échéance de 2020. Elle constitueune vive préoccupation pour les acteurséconomiques. Toutefois, le projet reste ce-pendant viable eu égard à la volonté poli-tique des hautes autorités de la région. Lesrécentes décisions de la Conférence desChefs d’Etat, relatives à l’approvisionne-ment du fonds spécial, le consensus sur lecadre institutionnel et opérationnel, no-tamment les dispositions prises en vue dela transformation de l’AMAO en InstitutMonétaire de la CEDEAO (IMC) sontde nature à accélérer la mise en œuvre desactivités de la Feuille de route.

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42 AVRIL 2019LE TRESOR PUBLIC

Le concept de partenariat public-privédécoule du postulat suivant lequel laprise en charge de la demande socialed’une façon globale, par les budgets na-tionaux, peut s’avérer difficile.

Les investissements nécessaires à lacompétitivité des produits sur les mar-chés internationaux sont hors de portéede ces budgets. Et cette quête de com-pétitivité passe par le financement de larecherche pour la réduction des coûtsde productivité internes et externes, laconstruction d’infrastructures de base,de routes, d’aéroports modernes, de ré-seaux de télécommunication fiables, detechnologies nouvelles etc…permettantde procurer aux entreprises de meilleuresconditions d’expansion et de rentabilitéet par induction aux Etats, de disposerdes ressources financières et budgétairesnécessaires au développement écono-mique et social.

Plusieurs domaines sont de plus enplus intéressés. Nous citerons par exem-ple celui de la gestion des déchets solidesen milieu urbain pour lequel le diagnos-tic de l’atelier de SAVANA a révélé queles pays les moins avancés sont confron-tés à des contraintes réelles. Leurs col-lectivités publiques dépensent entre 20à 50 % de leur budget pour cette activitéet seulement 40 à 70 % des déchets ur-bains sont enlevés et moins de 50 % dela population ont accès aux services deramassage des ordures. Et dans cecontexte, plus de 80 % des équipementsde collecte et de transport sont en panneou en état de vétusté avancé. L’Etat, ga-

rant du cadre de vie des populations, in-tervient très souvent avec des ressourcesimportantes pour assurer le ramassage,le traitement et le recyclage de ces or-dures.

Mais, force est de reconnaître qu’ilfaut de nouvelles stratégies pour venirà bout de cette problématique qui nepeut être laissée au soin unique de l’Etatet qu’il faudra par conséquent inciter lesacteurs non étatiques, notamment dusecteur privé (opérateurs privés indé-pendants, petits entrepreneurs, charre-tiers etc…) à venir s’intéresser à ce sec-teur d’activités, en articulant l’intérêtprivé et l’intérêt général.

Bien évidemment, cette articulationne se fera pas sans heurts en raison jus-tement de contradictions objectives liéesévidemment aux intérêts apparemmentdivergents; une articulation que quelquesrepères philosophiques et le rappel dumode opératoire des Ppp, pourraientpeut-être faciliter.

Son optimisation, malgré les limiteset dérapages enregistrés, dépendra éga-lement d’un encadrement juridique dequalité et des outils de gestion des ex-ternalités.

I. Le partenariat public-privé, quelquesrepères philosophiques

Que recouvre ce concept de Partena-riat public-privé?

Il s’agit d’un outil qui assure un partageéquilibré des risques et profits d’un projetpublic, conduit entre les secteurs publicset privés, dans le respect du droit de la

concurrence et prenant en compte dansle long terme, les exigences du retoursur investissement économique, socialet environnemental.

Il s’agit d’un contrat global et delongue durée transférant la maîtrise d’ou-vrage sur le partenaire privé.

L’origine de cet outil de managementest pourtant connue.

Il a comme fondement l’idéologie dela responsabilité sociale, qui propose,dans ses formulations les plus avancéesune révision paradigmatique fondamen-tale de l’entreprise privée, en affirmantqu’elle n’a plus seulement pour fonctionde générer des profits pour le bien deses actionnaires mais qu’elle doit dés-ormais s’inscrire dans le cadre de l’intérêtgénéral. En effet, dans un contexte oùla dynamique autorégulatrice du marchén’opère plus, dynamique qui justifiaitparadoxalement la poursuite d’intérêtspurement privés en vue d’atteindre l’in-térêt général, les tenants de la respon-sabilité sociale proposent ni plus nimoins de modifier le postulat fonda-mental de l’équation smithienne et deréviser la fonction de l’entreprise avecdésormais, l’inscription du bien com-mun dans son agenda.

Trois grandes écoles de pensée se sontdégagées de cette idéologie: la businessethics, la business and society et la socialissue management, chacune d’entre ellesfondant l’idée d’une responsabilité so-ciale sur une argumentation différente.Mais si elles peuvent paraître contra-dictoires quant à leurs fondements théo-

Repères philosophiques et mode opératoired’exécution du service public

LE PARTENARIAT PUBLIC - PRIVE

Abdou SeyeInspecteur Principal du Trésor,Conseiller technique du Directeur général de la Comptabilité publique et du TrésorMBA, ESG – UQAMDESS en politique économique et analyse économique de projets (UCAD)Doctorant en sciences de la gestion

ChRoNIqUE

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43LE TRESOR PUBLICAVRIL 2019

ChRoNIqUE

riques, elles cohabitent admirablementet se renforcent l’une l’autre en assurantla promotion d’une seule et même idéo-logie: la prise en charge formelle de l’in-térêt commun par l’entreprise privée.Bien qu’elles se chevauchent, ces troisécoles de pensée se révèlent complé-mentaires dans leur perspective et leurtraitement du questionnement éthique,social et environnemental de l’entreprise.

1. la business ethicsElle propose une approche moraliste

axée sur les valeurs et les jugements nor-matifs. L’entreprise doit agir de manièresocialement responsable et ce courants’apparente donc davantage à une exhor-tation, à un appel à la bonne volonté desentreprises. Les tenants de ce courantde pensée sont entre autres Kenneth E.GOODPASTER, John B. MA-THEWS, Michael HOTMAN etc…

2. La business and societyElle considère qu’il n’existe pas de di-

vision étanche entre l’entreprise et la so-ciété et que les deux entités sont en in-terrelation dialectique. Selon ce courant,l’entreprise est une institution socialecréée par la société envers laquelle elleest redevable et que cette dernière esten mesure de lui retirer ses privilèges sielle se révèle inadéquate (l’idée d’uncontrôle social). Cette représentation serapproche des théories économiquesplus hétérodoxes, qui avancent l’idéed’un encastrement de l’économique dansle social.

3. La social issue managementElle tente de fournir à l’entreprise des

outils de management pour améliorersa performance, en tenant compte desrevendications sociales internes des em-ployés.

Ce courant ne remet pas en cause lafinalité capitaliste de l’entreprise maispropose une nouvelle approche de sonenvironnement, qui n’est plus seulementéconomique mais socio-politique. Ilvient asseoir sur le plan théorique, unenouvelle dimension de la stratégie del’entreprise: la gestion des questions so-ciales et politiques dans le cadre des fi-nalités traditionnelles de l’entreprise.(Freeman E. R. 1984 strategic Mana-

gement. A. stakeholders Approch, Pit-man). Ces trois courants de pensée, quirésument l’idéologie de la responsabilitésociale sont un postulat sur lequel reposela raison fondamentale d’un partenariatentre l’intérêt général représenté parl’Etat et les intérêts particuliers du sec-teur privé, parce qu’évoluant dans lamême sphère, bénéficiant mutuellementdes conditions de croissance de l’uneou l’autre mais subissant aussi inéluc-tablement les conséquences des crisesqu’ils traversent et de façon systémique;d’où la nécessité d’un partenariat.

Mais, ce partenariat ne sera pas choseaisée compte tenu des objectifs immé-diats opposés à priori, un partenariatqui devra nécessiter une régulation op-timale.

A cette fin, des actions ou des enga-gements mutuels, tant venant de l’Etatque du secteur privé seront nécessaire-ment à formuler.

D’abord, de la part de l’Etat et depuis2004, beaucoup d’actions correspondantà des renoncements fiscaux sont enre-gistrées:

- la réforme du dispositif fiscal ap-plicable depuis janvier 2004,

- la baisse du taux d’imposition surles sociétés à 25% contre 33%,

- la suppression de la taxe d’égalisa-tion,

- le rallongement de la durée du créditd’enlèvement de 10 à 15 jours,

- la fixation du taux de l’intérêt decrédit sur obligations cautionnées à7% au lieu de 8,75%, etc…

Et bien d’autres projets importants,d’envergure à réaliser qu’ambitionnel’Etat en partenariat avec le Secteur privé.Que ce soit le port avec Dp World etNercotrans, l’Aibd, l’autoroute à péageet ses prolongements, tous sont ou serontréalisés sous forme de contrats de par-tenariat public-privé.

Le Chef de l’Etat indiquait au forumsur les PPP, après avoir proposé laconstruction d’hôpitaux, d’écoles, d’in-frastructures hôtelières aux privés: «Nousavons des besoins énormes en infra-structures pour soutenir nos ambitionsde d’émergence. (…). Au delà des in-frastructures routières, autoroutièresferroviaires (avec le train express ré-

gional qui va relier Dakar au nouvelaéroport international), je crois qu’il yaura forcément du partenariat public-privé».

Bref, un partenariat gagnant-gagnantest attendu de ce partenariat entre l’Etatet le Secteur privé.

A son tour, le Ministre de l’Economiedes Finances et du Plan, rappelait que« l’Etat du Sénégal refuse toute baissede la fiscalité, parce qu’il peine à avoirun contrat gagnant-gagnant avec lesecteur privé en terme de créationd’emploi et d’investissement. » Et selonle Directeur national de la promotiondes investissements, « si les entreprisesfont des bénéfices et ne sont pas as-treintes à recruter avec les marges fi-nancières qu’elles dégagent, elles vonttransférer l’argent à l’étranger ».

Pour assurer un succès sans équivoqueà ce partenariat PP, les entreprises privéesdoivent par conséquent, s’investir encontrepartie à travers des réalisationsconcrètes.

Elles doivent être plus productives etplus compétitives, s’investir dans la Re-cherche et Développement (R&D), dansl’innovation technologique, dans la for-mation (Universités privées d’envergureinternationale etc…), correspondant àdes engagements mutuels (Secteur privé-Gouvernement) confiés à la supervisionet au contrôle d’un dispositif stratégiqueindépendant et opérationnel, destiné àl’arbitrage sur les problématiques iné-vitables.

Par exemple, si l’Etat baisse le taux del’impôt sur les sociétés à hauteur de x%, qu’est-ce que le secteur privé donneen contrepartie, en terme de créationd’emplois, de formation, d’investisse-ments structurants privés, de compéti-tivité etc… et suivant quelles proportions?

Car, encore faudrait-il le rappeler, labaisse de la fiscalité correspond à desrenoncements de recettes budgétairesinitialement destinées à la prise en chargedes dépenses publiques dans la poursuitedes missions régaliennes de l’Etat. C’estpourquoi, les contreparties de ces re-noncements budgétaires et fiscaux doi-vent être quantifiées, mesurées et éva-luées en référence à un cadre d’analysequi renvoie, par exemple, au carré de

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ChRoNIqUE

Kaldor: le recul du taux de chômage,des exportations d’un niveau concur-rentiel capables d’influer positivementsur la balance commerciale, l’amélio-ration du taux de croissance et la maî-trise du taux d’inflation en dessous duseuil acceptable, autant de critères deperformances et d’évaluation du par-tenariat, parmi tant d’autres à définir.

Un dispositif de supervision et decontrôle, sorte d’observatoire nationalindépendant (Cellule de veille et d’éveil),organe de régulation pourrait même êtremis sur pied et, pourrait être chargé d’ap-précier le niveau de respect des engage-ments en parfaite collaboration avec laDirection de l’Appui au Secteur Privé(DASP/MEFP).

Sans jouer le rôle d’un régulateur in-dépendant à l’anglo-saxonne, cet ob-servatoire pourrait également servir dedispositif d’accompagnement aux col-lectivités locales, afin de faire éviter àces dernières, de fâcheuses lacunes entermes de suivi des contrats éventuels,de diffusion de l’information et bref, debonnes pratiques, dans le cadre de l’ActeIII de la décentralisation, qui vient derenforcer leur libre administration etd’ouvrir de nombreuses perspectives decontractualisation autonome avec leSecteur privé national et international,sous l’œil bienveillant de l’Etat.

II. Le partenariat public-privé: mode opératoire d’exécution du service public– Avantages et limites

L’histoire du droit administratif mon-tre que depuis les années 20 en Franceet depuis 1974 au Sénégal, le droit ad-ministratif s’étend de plus en plus dansle champ du droit privé pour reconnaîtreaux personnes morales de droit privé lacompétence de gérer un véritable servicepublic ( Arrêt Conseil d’Etat n°60GAJA - caisse primaire aide et pro-tection; Arrêt Boughen Conseil d’Etatn°64 du 02/04/1943). La synthèse desenseignements de ces différents arrêtsdémontre qu’une personne morale dedroit privé, peut gérer un service publicet prendre des décisions administrativesrelevant du contrôle du juge adminis-tratif. On se rappelle qu’en France audébut du 17ème, existaient déjà deux

importants contrats créés dans les do-maines du pavage des rues de Paris etde l’enlèvement des ordures ménagères(baux de Claude Voisin en 1604 et deLe Duchat en 1607).

Dans les pays anglo-saxon les Next-Steps assurent de manière efficace le ser-vice public dans certains secteurs d’ac-tivités dans lesquelles l’Etat reconnaîtsa lourdeur et son incapacité à exécuterses missions régaliennes. Ce qui peutexpliquer l’importance et la pertinencedu concept de PPP.

Techniquement, le mode opératoiredu partenariat public-privé consiste enun montage juridico-financier à traversdifférentes formes de coopération entreacteurs privés et publics pouvant êtreclassées en trois grandes catégories aumoins:

- les formes institutionnelles, par as-sociations d’actionnaires publics etprivés au capital d’une même société.On se rappelle des sociétés d’éco-nomie mixtes consacrées par la loiSénégalaise n °77-89 du 10 août1977 relative aux établissements pu-blics, aux sociétés nationales, aux so-ciétés d’ économie mixte et aux per-sonnes morales de droit privébénéficiant du concours financier dela personne publique ( JO du 12 sep-tembre 1977 p. 1177);

- les formes participatives, qui peuventse traduire par l’apport de capitauxpublics à des activités économiquesprivées sous forme de subventions(activités sociales ou culturelles parexemple) ou de co-investissements(capital-risque ou actions de renou-vellement urbain etc…);

- les formes contractuelles qui peuventse traduire soit par la vente d’actifspar la collectivité publique (exter-nalisation du patrimoine immobilierde l’Etat, privatisation d’entreprisespubliques etc…), soit l’achat par lapuissance publique de travaux, four-nitures ou services délivrés par lesecteur privé. Ce dernier aspect peutprendre la forme de:

i. marchés publics;ii. délégations de services publics

(comprenant ou non la réalisationde travaux) aux risques et périls duco-contractant (cas de la location-gérance par exemple d’une entreprisepublique à un opérateur privé; onpeut citer le cas de la NSTS qui avaitconclu avec l’Etat, une conventionde location-gérance avec la SociétéTextile de Kaolack (SOTEXKA)portant sur son fonds d’industrieconstitué des établissements indus-triels sis à Kaône et Louga. Il y’abien sûr les contrats de concession,d’affermage etc…

Dans tous les cas de figure, les diffé-rents types de contrats PPP encore ap-pelés contrats de partenariat, répondentà la même logique économique qui estcelle du financement de projets appliquéà un ouvrage public. Mais l’absence d’unrégime juridique propre aux PPP consti-tuait au Sénégal, une difficulté majeuredans la mise en cohérence des différentscontrats conclus dans ce domaine.

C’est ce qui explique, l’adoption en2004, de la loi 2004-13 du 1er mars2004 relative aux contrats de construc-tion-exploitation-transfert d’infrastruc-tures, une loi adoptée avec des insuffi-sances, circonscrivant son champd’application aux seuls contrats deconstruction-exploitation-transfert d’in-frastructures (CET) et manquant deprécision sur bien des aspects, portantnotamment sur la durée des contrats etleur mode de rémunération:

- les contrats de gestion des déchetssolides, par exemple, à cause de leurdurée très courte (en général 6 moisrenouvelables parfois), présententdes difficultés dans l’obtention descrédits bancaires. Et il n’est pas toutà fait superflu de préciser que lescontrats de partenariat sont néces-sairement de longue durée et com-portent des modalités de rémuné-ration originales;

- Au plan économique et financier lerecours à un contrat de partenariatne peut se justifier que sur la duréeet par la baisse escomptée des coûts,par une meilleure qualité du serviceoffert ainsi que la latitude laissée auxcocontractants de choisir une duréede contrat prenant effectivement en

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ChRoNIqUE

compte les caractéristiques du fi-nancement par le crédit. Trois pro-priétés le caractérisent: • sa rémunération est le fait de la

personne publique pendant toutela durée du contrat,

• elle est liée à des objectifs de per-formance assignée au cocontractant,

• elle intègre des recettes annexes.

Ainsi, contrairement aux marchés pu-blics régis par le Code des marchés, lecontrat de partenariat permet à la per-sonne publique de rémunérer la presta-tion globale par l’intermédiaire de re-devances périodiques, ce qui d’ailleursa été précisé dans la loi de 2004 sur lesCET.

En revanche, ce qui n’a pas été priseen compte, c’est qu’en particulier, les in-vestissements initiaux ne sont pas obli-gatoirement payés à leur réception, maispeuvent donner lieu à des règlementstout au long de leur exploitation.

En France, cette modalité de rému-nération relève d’une obligation légale.Elle fait partie des douze (12) mentionsminimales que tout contrat de parte-nariat doit contenir aux termes de l’or-donnance n° 2004-559 du 17 juin 2004sur les contrats de partenariat. Cetteclause relative à la rémunération del’opérateur est une véritable obligationde transparence dans la mesure où elledistingue les différents coûts: ceux d’in-vestissement, de fonctionnement et definancement. Or, il a été noté, à l’Atelierde SAVANA, que les contrats entre lescollectivités et les opérateurs du secteurprivé dans le cadre par exemple de lagestion des déchets solides, sont decourte durée, ce qui constitue unecontrainte par rapport à leur mise enœuvre. Sans doute, des adaptations se-ront nécessaires pour faciliter l’accès desopérateurs et autres intervenants du sec-teur privé à ce qu’on peut appeler au-jourd’hui, «le marché des déchets so-lides». Le contrat de partenariat serapporte à un cadre juridique déterminéavec différents textes d’application. Onpeut citer notamment l’ordonnance n°2004-559 du 17 juin 2004 sur lescontrats de partenariat qui consacre lePartenariat Public-Privé de droit com-

mun et dont les dispositions ont en effetvocation à s’appliquer dans tous les do-maines. La légalité de cette ordonnance,a été confirmée par une décision duConseil d’Etat (CE, 29 octobre 2004,M SUEUR et autres req. 269814) puisratifiée par une loi que le ConseilConstitutionnel a déclaré conforme àla Constitution par décision n°2004-506 DC du 2 décembre 2004. Cette or-donnance a permis au Gouvernementfrançais, de modifier le régime juridiquedes contrats existants et de créer de nou-veaux contrats dans le domaine de lacommande publique afin d’assurer ledéveloppement des PPP.

D’autres études en complément, à ca-ractère juridique et fiscal toutes aussiimportantes sont également à menerpour enrichir les dispositions en vigueuret pour répondre ainsi à des questionsayant trait:

- à la relation entre maître d’œuvre,maître d’ouvrage et contractant pu-blic dans un contrat de partenariat;

- à l’évolutivité du groupement can-didat ou consortium pendant laphase d’attribution;

- au champ d’attribution des critèresd’urgence et de complexité, avec ap-plication à quelques exemples-types;

- à l’application au cas de contrats departenariat des dispositifs de défis-calisation et du régime de TVA;

- aux relations entre la domanialitépublique et le contrat de partenariat;etc….

Donc, compte tenu de toutes ces pro-blématiques, un cadre juridique concep-tuel général plus évolué, qui définit lesrelations entre une personne publiqueet une personne privée pour la réalisationde prestations techniques accompagnéesd’un investissement privé préalable, seranécessaire. Il pourrait s’agir:

- de l’adoption d’une nouvelle loi oula modification de la loi de 2004 surles CET, qui prévoit ce cadreconceptuel général dans lequel il se-rait créé de nouvelles formes decontrats pour la conception, la réa-lisation, la transformation, l’exploi-tation et le financement d’équipe-ments publics, ou la gestion et le

financement de services, ou unecombinaison de ces différentes mis-sions;

- de déterminer les règles de publicitéd’une façon plus claire qu’elles ne lesont dans ladite loi, de mise enconcurrence, de transparence et decontrôle quant aux modes de rému-nération, à la qualité des prestationset au respect des exigences de ser-vices publics;

- d’étendre et d’adapter les dispositionsdu Code des domaines de l’Etat, duCode des collectivités locales et duCode des marchés publics;

- de prévoir les conditions d’un accèséquitable des architectes, desconcepteurs, des petites et moyennesentreprises et des artisans auxcontrats en cause.

Fournir un cadre adapté pour permet-tre au donneur d’ordre public, garant duservice public et de son coût pour les fi-nances publiques, de profiter des solu-tions techniques et financières inno-vantes qui sont aujourd’hui à ladisposition des donneurs d’ordre privés,dans une grande variété de situations,voilà tout l’enjeu de la notion de parte-nariat public privé. C’est dire tout le bé-néfice que nos économies, les usagers,les clients et les contribuables pourraienttirer d’une optimisation de la conceptionet du fonctionnement de ce mécanismed’alliance:

- en permettant aux collectivités dese concentrer sur la définition desbesoins à satisfaire et d’avoir dès laconception du projet à réaliser, lapossibilité de retenir la meilleure so-lution imaginée par les maîtres d’œu-vre professionnels;

- en inscrivant dans la durée les rela-tions de partenariat entre les don-neurs d’ordre publics et les exploi-tants des équipements de manièreà prévoir l’adaptation continue duservice rendu à l’expression ou àl’évolution des besoins des usagerset des clients ;

- en cherchant la solution financièresupportable pour des finances pu-bliques qui doivent être utilisées avecautant d’efficacité que les ressources

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ChRoNIqUE

des grands organismes ou entreprisesprivées;

- en offrant un large choix dans le par-tage du coût in fine entre le contri-buable et l’usager.

Mais il est évident que l’encadrementde ce partenariat par un régime juridiquespécifique déterminant ses différentes va-riantes, va s’avérer nécessaire pour unemeilleure sécurisation des parties. LesBOT (Build Operate Transfer), les Designand Build (DB), les Private Finance Ini-tiative (PFI) etc…, sont en effet, desformes nombreuses et adaptées aux diffé-rents cas couvrant tout le spectre allant dela propriété / gestion / management 100% public, à la propriété 100 % privée.

Ces préoccupations majeures viennentd’être prises en compte à travers l’adop-tion d’une nouvelle loi 10 février 2014relative aux contrats de partenariat.

La principale limite demeure cepen-dant, que tous ces textes ont été, pourbeaucoup, conçus dans une logique prin-cipalement juridique et non dans uneoptique de performance de la gestionpublique. Ils laissent en outre dans l’om-bre, des points importants, sur lesquelsle gestionnaire doit se reporter à des ju-risprudences souvent complexes et par-fois anciennes et mal adaptées aux cir-constances actuelles, par exemple pourdiscerner celles des activités qui peuventêtre déléguées et celles qui ne peuventpas l’être.

A ces limites à caractère juridique,viendront s’ajouter les nombreux déra-pages relevés dans l’exécution de certainscontrats PPP par le Dr Aliou SA-WARE, spécialiste en PPP, que je mepermets de paraphraser:

- «le Sénat français avait alerté, dansun document intitulé «les contratsde partenariat: des bombes à retar-dement?», le 16 juillet 2014, poursignaler que le contrat de partenariatest «un outil à haut risque pour lapuissance publique. Il présente plu-sieurs effets néfastes, notammentpour les générations futures. Sur leplan financier, le contrat de parte-nariat est une bombe à retardement

budgétaire souvent ignorée par desarbitrages de court terme.»:

- la construction en France, du Centrehospitalier sud-francilien, reste undes symboles de l’échec des Ppp. Saconstruction et son exploitation de-vant coûter 780 milliards de Cfa aucontribuable français; et 11 moisaprès sa «livraison», le «méga hôpi-tal», où des milliers de malfaçonsont été dénombrées, n est pasconforme aux normes;

- le projet Ecotaxe où l’Etat français,qui a décidé d’abandonner le projet,est condamné à payer plus de 545milliards de Cfa (839 millions d’eu-ros) à Ecomouv, soit, plus du 1/4des ressources de notre pays;

- Au Québec, le vérificateur généralavait décelé, au terme d’une enquête,que l ex-Pdg de Snc-Lavalin PierreDuhaime et le président de sa divi-sion construction Riadh Ben Aïssaont versé 22,5 millions de dollars enpots-de-vin à deux hauts responsa-bles du Centre universitaire de santéMcGill (Cusm), afin de rafler lecontrat de 1,34 milliard dollars pourla construction en Ppp du nouvelhôpital universitaire anglophone.Un scandale de corruption au coursduquel, avait déclaré avec humourl’ex-ministre des Finances MoniqueJérôme-Forget: «Des Ppp, on n enfera plus au Québec»;

- le Ministère des transports du Qué-bec, qui a signé un contrat avec unprivé pour la construction de haltesroutières, a vu l’entreprise le pour-suivre en Justice et lui réclamer plusde 25 milliards de Cfa quand leditministère a refusé de lui payer sesbonus de performance;

- en grande Bretagne, 10 à 15 % desinvestissements publics britanniquesétaient réalisés en PFI (private fi-nance initiative). Mais, une étudedu National Audit Office a montréque les conséquences d’un tel modede gestion, ne sont finalement paspositives d un point de vue financierpour le contribuable ou l’usager. Deplus, le premier secteur bénéficiantdu Pfi, les hôpitaux ont désormais

de lourdes charges de rembourse-ment, les taux d intérêt d’empruntsont supérieurs aux taux qu’ auraitpu obtenir l’État s il avait choisi lemprunt : les Ppp ont été freinés,réexaminés et réformés par le gou-vernement Cameron;

- le Fmi a longtemps attiré l’attention,dans un document réalisé par Maxi-milien Queyranne intitulé «gestiondes risques budgétaires liés auxPpp», sur l’impact des contrats Pppsur les finances publiques. «Les Ppppeuvent présenter des risques bud-gétaires importants: dépenses horsbudget qui échappent désormaisaux contrôles, dette hors bilan etcréation de passifs éventuels et fu-turs. Les Ppp réduisent la flexibilitébudgétaire à long terme et peuventmenacer la viabilité macroécono-mique»;

- des risques de blanchiment: le Di-recteur des Financements et desPartenariats Public-Privé de laDASP/MEFP, qui préconise de «ré-fléchir déjà aux moyens de défense,aux moyens de contrôle de l’originedes financements. Nous en interne,nous avons des moyens assez rudi-mentaires il faut l’avouer. Il n’y apas encore dans la sous-région, desinstruments de vérification dessources de financement. Nous avonsdes moyens, quand même qui nouspermettent de nous assurer que nospartenaires avec lesquels noussommes en relation nous présententdes financements licites, qui n’ontrien à voir avec ces activités délic-tuelles».

L’on devrait, peut-être engager uneréflexion sur de nouvelles perspectivesde partenariat, à l’instar du PFI2, uneoption du gouvernement Cameron enGrande Bretagne.

Et en même temps, continuer à sé-curiser les processus de contractualisa-tion et de suivi, le Sénégal n’ayant pasles moyens des réparations financièressouvent demandées dans les procès in-tentés devant les tribunaux par ses co-contractants.

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Dans le cadre de ses activités scientifiques, l’Amicales des Inspecteursdu Trésor du Sénégal compte organiser, suivant une périodicité trimes-trielle, des journées de réflexion sur des sujets d’actualité d’ordre éco-nomique et financier.

Cette initiative participe du rôle de l’AITS dans la prise en charge desproblématiques économiques et financières qui interpellent l’Etat et lesautres organismes publics.

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Le Trésor Public - N°3 juillet 2014 1