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MIGRATION CRISE EUROPE, MONDIAL ET SYRIE Syndicat RÔLE ET TRAVAILLEURS MIGRANTS dilemme?

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MIGRATION CRISEEUROPE, MONDIAL ET SYRIESyndicat RÔLE ET TRAVAILLEURS MIGRANTS dilemme?

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ROLE SYNDICAL ?

PAR NICOLAS GIANNAKOPOULOS— 21.11.2015

Des vagues migratoires mondiales

L’Europe se réveille en pleine crise migratoire. La publication des images du corps sans

vie d’un petit garçon kurde sur les plages touristiques de Turquie, dont la « photo fait

taire le monde » selon Le Parisien , ont fait la « une » de tous les médias européens et

au-delà. On espérait alors une véritable « prise de conscience » chez les dirigeants

européens. Un « électrochoc » qui n’a pas eu lieu, et n’a pas fait oublier une réalité

internationale qui s’est accélérée depuis plus de 10 ans.

Nous traversons en effet la plus grande crise liée aux mouvements de population

depuis la Seconde guerre mondiale (Source : discours de Dimitris Avramopoulos,

Commissiaire européen à l’Immigration, prononcé le 14 août 2015 et repris par de

nombreux médias dont le Huffington Post). Cette crise concerne l’Europe, bien entendu,

mais aussi des régions du monde comme le Moyen-Orient ou le Proche-Orient, les

Etats-Unis et l’Amérique Latine, l’Asie et le Pacifique. Aucune région, même la Sibérie

orientale n’échappe à ces mouvements de population de masse qui ont deux causes

principales : la guerre et la pauvreté.

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La guerre en Syrie est l’un des foyers migratoire les plus importants aujourd’hui. A

cheval entre l’Asie et l’Europe, la Turquie, un pays charnière, compte aujourd’hui plus

de 2 millions de réfugiés, provenant essentiellement de Syrie. Il s’agit de la plus

importante population de réfugiés d’un seul conflit en une génération (Source :

déclaration du 9 juillet 2015 de António Guterres, Haut Commissaire de l’Agence des

Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), cité dans Le Figaro) . Le Liban accueille

également plus d’un million de réfugiés syriens et la Jordanie en accueille plus de 1

millions, après avoir accueilli plusieurs millions de réfugiés Palestiniens il y a des

décennies, sans compter les réfugiés irakiens fuyant la guerre et le chaos armé qui

ravage ce pays.

En Asie, entre 2010 et 2015, l’Union européenne a alloué la somme de Eur 57,3

millions (Source : Union européenne, Direction générale Aide humanitaire (ECHO)).

destinée à la seule région de Rakhine, au Myanmar, afin de venir en aide aux

Rohingyas, une minorité persécutée par les autorités locales et nationales. Ceci alors

que l’ONU estime à quelque 25’000 Rohingyas ayant pris la mer entre janvier et mars

2015 uniquement (Source : UNHCR, cité par Le Monde du 13.05.2015), et que les pays

voisins, dans un geste de mépris et de dédain, détournent les navires de réfugiés vers

d’autres rivages, les condamnant à une mort certaine. Les mouvements migratoires

entre les pays du Sud est asiatique se comptent en dizaines de millions de personnes.

Le nombre de chinois s’installant en Sibérie russe a été multiplié par 10 en 5 ans.

Toutes ces personnes se cherchent une sécurité, du travail et un futur pour eux-mêmes

et leurs familles.

Le sous-continent indien est à la fois source et objectif pour de nombreux migrants qui

s’expatrient vers les pays du Golfe, les Etats-Unis, le Canada et l’Angleterre. L’Inde est

également hôte de mouvements de populations massifs de pays limitrophes en guerre

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ou en instabilité (Népal, Bangladesh) mais également internes (exode rural, extrême

pauvreté).

L’Australie, qui est depuis plusieurs années confrontée à une vague de migrants

provenant d’Indonésie, des Philippines ou des pays limitrophes, les renvoient chez qui

veut bien les accepter à coup de millions de dollars. L’ancien Premier Ministre

australien venait même « donner la leçon » à l’Union Européenne en vantant son

modèle qualifié par le Guardian de « cruel ».

Aux Etats-Unis, la campagne présidentielle de 2016 est rythmée par des diatribes

violentes des prétendants contre les « latinos », et les « immigrés mexicains ». En cela,

Donald Trump tient pour l’instant le haut du pavé, rejoint dans ses vociférations

électorales par ses challengers républicains alors qu’ils sont les principaux

responsables des immigrations afghanes et irakiennes dans le monde suite aux

interventions armées dans ces pays.

En Afrique, les différents « printemps arabes » plus ou moins avortés ont fait sauter les

verrous dictatoriaux conduisant à la mer Méditerranée puis à l’Europe. Les boats people

remplissent la mer de morts et les côtes de migrants « zombifiés » par des mois voire

des années de déplacements.

Au-delà des aspects tragiques que ces phénomènes produisent, les médias, les

responsables politiques ou académiques évoquent jusqu’à la nausée un problème

global. Un constat correct, mais incomplet. Incomplet car il néglige des composantes

qui sont la cause de ces mouvements et qui passent sous silence les éléments

principaux qui pourraient permettre un résolution à long terme de ces souffrances

humaines.

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Les conséquences de ces flux migratoires ont également un impact important sur

plusieurs plans locaux, d’où la préférence du terme «glocal» au terme « global »,

conjonction des deux échelles spatiales à un moment particulier.

Aux composantes culturelles, religieuses, politiques et économiques, il faut ajouter une

composante criminelles qui est loin d’être cantonnée aux « passeurs » et qui nécessite

une réflexion de fond de la part de chaque citoyen et citoyenne des pays d’accueils,

notamment des pays dit « riches ». Comme souvent, c’est en Europe que ces

problématiques se cristallisent le plus rapidement.

L’Europe est un « bazar »

Lors du Conseil des ministres des Affaires étrangères du samedi 5 septembre 2015,

des voix dénonçant la situation des migrants se sont fait entendre. L’Europe, comme

souvent, s’est montrée divisée et les tensions entre pays de l’Est et de l’Ouest étaient

flagrantes.

Ainsi, le jeune ministre des affaires étrangères autrichien, Sebastian Kurz, n’a pas

hésité à qualifié de « bazar » (Source : RTS.ch, édition en ligne du 5 septembre 2015)

les tergiversions européennes sur le sujet.

En revanche, la Hongrie, quand à elle, a pointé du doigt l’Allemagne, qui poursuit à

présent une stratégie d’ouverture et d’accueil cahin-caha. Son chef de la diplomatie a

ainsi dénoncé « une série de déclarations irresponsables de certains dirigeants

politiques européens ». Pour Peter Szijjrato, la faute en revient « à la politique

migratoire de l’Union européenne » (Source : idem). Le premier ministre hongrois ne

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veut pas entendre parle de quotas tant que « le flux n’est pas endigué » (Source : Le

Soir, édition en ligne du 7 septembre 2015).

Prié de dire lors d’une interview si les gardes-frontières auraient le droit de tirer ( !) sur

les migrants lors d’une tentative de passage à la frontière, le premier ministre populiste

a déclaré que « cela ne serait pas nécessaire (Source : Le Figaro, édition en ligne du 7

septembre 2015) » aux vues de la barrière « infranchissable ». Ils seront en revanche «

arrêtés ».

Pour rappel, la Hongrie dresse une clôture de 3,5m de haut le long de ses 175

kilomètres de frontières avec la Serbie et des rajouts sur ses frontières Croates et

Roumaines. Elle demeure toutefois la principale voie terrestre empruntée par les

migrants pour arriver en Europe.

Le 3 septembre 2015, durant une visite officielle en Suisse, la chancelière allemande

Angela Merkel annonçait un accord inédit entre la France et l’Allemagne portant sur des

« quotas contraignants » de réfugiés (Source : Le Monde, édition en ligne du 3

septembre 2015) , une position commune qui sera soumise aux institutions

européennes le 14 septembre 2015.

Sa position s’est nettement infléchie par rapport à une ligne « dure » et conservatrice de

l’Allemagne qui prévalait encore lorsque la Chancelière demeurait embarrassées vis-à-

vis d’une réfugiée palestinienne (Source : Le Point, édition en ligne du 16 juillet 2015),

pleurant sur son sort.

Le 7 septembre 2015, Berlin annonce un plan d’urgence de 6 milliards d’euros, pour

moitié à verser aux Länders, le reste destinés au gouvernement fédéral, afin de palier à

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cette vague de migrants massifs. Plusieurs médias, dont La Tribune y voient une

stratégie en plusieurs points : d’abord, on la soupçonne de réagir émotivement à la

situation et de suivre la volonté populaire à un moment où sa position devenait

intenable. Ensuite, il s’agirait d’une manœuvre pour se démarquer des autres dirigeants

européens et ainsi « donner le ton » en Europe. Enfin, la Chancelière souhaiterait

redorer son blason et celui de son pays, très critiqué pour son entêtement au sujet de la

crise grecque. Enfin, les démographes perçoivent une nécessité de l’apport de sang

frais, l’Allemagne étant, comme tous les pays européens, vieillissant.

Berlin a déclaré vouloir accueillir 800’000 migrants en 2015.

Lors de sa traditionnelle conférence de presse, François Hollande a déclaré que «

24’000 migrants » (Source : Les Echos, édition en ligne du 7 septembre 2015)

pouvaient être accueillis sur sol français.

Pour une grande partie de la presse française, y compris de gauche, le président

français « abdique » face à l’Allemagne.

Evidemment, la donne a changé brutalement suite aux attentats qui ont ensanglanté

Paris.

De son côté, David Cameron, à la suite de ses homologues, a infléchi sa position. Le

premier ministre britannique a promis 137 millions d’euros de financement

supplémentaire pour la crise syrienne, élevant le montant total à cette aide à près de

1,4 milliard d’euros (Source : Le Monde, édition en ligne du 3 septembre 2015) (la plus

importante jamais observée au Royaume-Uni) alors que les négociations sur la situation

des migrants à Calais piétine entre la France et la Grande Bretagne.

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Sans donner des chiffres vis-à-vis de l’accueil d’un contingent de réfugiés en

Angleterre, un employé de l’UNHCR l’a estimé à « environ 4’000 personnes de plus ».

Cameron souhaiterait que ces personnes proviennent de centres de réfugiés sous

l’égide de l’ONU en Turquie et au Liban, afin de palier « aux risques de la traversée de

la Méditerranée ».

Si la Hongrie a fait les gros titres en ce début du mois de septembre 2015 du fait de sa

gestion pour le moins étrange de l’afflux de migrants provenant principalement de Syrie

(mais aussi d’Afghanistan, du Kosovo et d’Albanie) arrivés sur son sol à travers le « mur

infranchissable » dressé sur sa frontière avec la Serbie, les autres pays de l’Est ne sont

pas en reste : la Pologne déclare ne pas vouloir de quotas de migrants, la Slovaquie

indique qu’elle n’accueillera que des migrants chrétiens (Source:

http://www.euractiv.fr/sections/justice-affaires-interieures/lue-choquee-face-au-souhait-

de-la-slovaquie-de-naccueillir-que) et la Roumanie renforce « préventivement » la

surveillance de sa frontière avec la Serbie pour empêcher le transit de ces migrants

lointains auxquels s’ajoutent des migrants kosovars et albanais fuyant la corruption de

leur pays.

Cette vague migratoire met l’Europe élargie et imparfaitement intégrée devant ses

propres craintes et fait resurgir les spectres de son passé plutôt sombre et sanglant.

Les migrants : un défi pour le modèle de société européen

Qu’ils proviennent du Proche-Orient ou d’Afrique, les migrants actuels, principalement

de confession musulmane, mettent les sociétés européennes au défi. Il ne s’agit pas

d’un défi, mais de multiples défis qui ont en commun la capacité d’adaptation de nos

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propres modèles de société. Qu’on le veuille ou non, cette vague migratoire va changer

l’Europe, elle va changer nos sociétés, nos villes et nos villages. Cela a déjà commencé

et cela a des conséquences plus ou moins directes sur nos modèles, sur nos lois, sur

notre vie, notre travail, nos économies, notre sécurité et notre culture. Et visiblement,

cela ne fait que commencer.

L’afflux de migrants dans un territoire donné provoque toujours peur, rejet et parfois

violence. C’est d’autant plus vrai lorsque les valeurs et cultures des migrants sont

éloignées de celles des populations qui les accueillent. Les migrants italiens aux Etats-

Unis ont subit de fortes discriminations, mêmes si ils n’étaient pas très différents des

anglo-saxons au pouvoir. Les migrants irlandais ont subis les mêmes vexations. La

décolonisation a accompagné tant en France qu’en Angleterre des mouvements de

populations ne provoquant que rejet et scepticisme au sein des populations locales.

La stigmatisation actuelle autour de l’islam et du musulman en Europe, alimenté par

des actes terroristes sanglants isolés ou en groupe provoque aujourd’hui un rejet

d’autant plus fort et offre un terreau fertile pour des partis politiques qui captent ce

mécontentement et ces peurs pour les transformer en poids électoral leur permettant de

capter à leur tour le débat politique. Il en va exactement de même aux Etats-Unis,

même s’il ne s’agit pas d’islam, avec les immigrés latinos.

L’expression de ces peurs est toujours la même, reprise en cœur par tous les

mouvements ou partis pour qui ces peurs sont leur fond de commerce électoral :

différence de culture jusqu’à l’opposition, coûts endurés par les locaux, menace sur

l’emploi et menace sur une démocratie accrochée à ses codes historiques. Les

références historiques aussi sont nombreuses, dans un sens comme dans l’autre, mais

elles n’apportent ni explications satisfaisantes, ni solutions.

Le discours extrême fait la part belle au « bon sens » et à la « sagesse populaire ».

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L’expression la plus usitée depuis des décennies, entendues tant à droit qu’à gauche,

reprends le thème de l’initiative Schwartzenbach en Suisse soit : « la barque est pleine

». Ce constat sera repris sous diverses formes, tant à droite qu’à gauche. Michel

Rocard, alors Premier Ministre français, déclarait lui même que « l’on ne peut accueillir

toute la misère du monde ».

Aujourd’hui, les droites dures et conservatrices européennes se font entendre haut et

fort. Pour Marine Le Pen, les migrants sont « pour la plupart, des réfugiés économiques

» (Source : interview à BFMTV, mis en ligne le 28 août 2015) et accuse, comme à son

habitude, le « laxisme de l’Europe ». Le premier ministre hongrois Victor Orban les

accuse également, de même que les conservateurs flamands et néerlandais, de tous

les maux de la Terre. Déjà en hausse des sondages depuis l’avènement de la crise

financière, plusieurs de ces populistes sont en tête de liste de leurs partis pour les

prochaines élections. Pour reprendre l’exemple français, un récent sondage indiquait

pour la première fois la victoire de la frontiste face à François Hollande au premier tour

de la présidentielle 2017 (Source : Le Parisien, édition en ligne du 6 septembre 2015,

selon un sondage Ifop pour RTL et Le Figaro) .

Dans le même temps, la réalité est tout autre. Ce qui se passe et que tout un chacun

peut constater par lui même, c’est la simple marche aux aspirations humaines : se créer

un avenir, avoir du travail, pouvoir fonder et/ou nourrir sa famille et vivre en paix.

L’insupportabilité de situations d’extrême dénuement ou d’extrême stigmatisation à

cause de sa couleur de peau, de sa religion ou de son origine va faire balancer une

frange minoritaire d’individus dans la radicalisation, tout comme des mouvements

d’extrême gauche ou de droite feront tomber certains de leurs membres dans le

terrorisme durant les années ‘70 et ’80 en Europe et aux Etats-Unis.

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Des mécanismes sociaux profonds sont à l’œuvre au sein des populations migrantes.

Les regroupements culturels et ou nationaux se renforcent encore lorsqu’il y a

stygmatisation. Le rejet des institutions établies va renforcer des normativités parallèles,

dont les grands gagnants seront les réseaux criminels.

Déjà au 19ème siècle, l’immigration italienne puis latino aux Etats-Unis va engendrer ce

qui sera appelé dans les années ’60 la « political machine », à savoir l’organisation du

poids électoral des migrants dans un mécanisme politique qui bénéficiera à ses

organisateurs, dont beaucoup ne sont que des chefs mafieux.

L’une des réponses unanime, voire la seule, de l’Union Européenne sur la question des

migrants est « la lutte contre les passeurs », organisés comme de véritables mafias. Ce

n’est malheureusement qu’un début d’idée, puisque les faits découlants des

immigrations globales successives en Europe ont montré que les organisations

criminelles ethniquement basées profitent des faiblesses des membres de leurs

communautés pour en organiser l’exploitation : travail clandestin et prostitution sont les

deux principales sources de revenu de ces structures qui, un pied dans l’illégalité et un

autre dans la légalités deviennent peu à peu les véritables fossoyeurs du modèle

économique européen basé sur un ensemble de droits et de devoirs de l’individu vis-à-

vis de l’institution.

Pour un migrant, réfugié ou pas, le soucis principal est de subvenir à ses besoins.

Comme tout un chacun d’ailleurs. Ne pouvant trouver un travail légalement, ils se

tournent vers des acteurs peu scrupuleux qui, flairant la bonne affaire, n’hésitent pas à

les exploiter parfois sans vergogne étant donné que privé de droits, ils ne peuvent se

défendre en utilisant les voies légales. De plus, leurs documents sont soit confisqués,

soit inexistants, leurs interactions avec les populations locales sont réduites au

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minimum et la langue est souvent un obstacle, autant que la compréhension fort limité

des institutions qui règissent notre vivre ensemble.

Impact des migrants légaux et illégaux sur le marché du travail et l’économie

Ainsi, le véritable danger des migrations provient de l’intégration de ces flux d’individus

dans un marché parfois déjà saturé de l’emploi et de la production. L’absence de droits

de ces travailleurs et travailleuses, couplé à un ensemble régulatoire rigide et des

contrôles assez rares permet à des entreprises de baisser leurs coûts de production en

employant des individus qui ne sont pas payés correctement, ne bénéficient d’aucune

protection sociale et « prennent la place » des locaux qui « jouent selon les règles ». Le

résultat est une destructuration des réglementations en place que ni les locaux, ni les

migrants ne respectent, les premiers parce qu’ils s’alignent sur les prix pratiqués en

général et économisent là où les autre le font, et les seconds parce qu’ils n’ont pas de

droits.

Le niveau d’étude de ce phénomène de fond est affligeant. Pour certains chercheurs,

pour certains migrants, le travail dit « au noir » « agit comme une aide sociale » (Source

: Huffington Post, édition en ligne du 30 juillet 2015) , rapportent plusieurs personnes

ouvrant dans le milieu de l’accueil des migrants.

Des universitaires dénoncent en outre une certaine hypocrisie, affirmant que « parmi les

migrants arrivés dans des embarcations de fortune en Italie, certains finiront par récolter

nos légumes » (Source : Johan Rochel, vice-président du think tank suisse Foraus et

titulaire d’un doctorat portant sur les politiques d’immigrations européennes, dans une

interview du Temps, édition en ligne du 31 juillet 2015. ). Qu’ils se rassurent, c’est déjà

le cas depuis bien longtemps en Espagne et dans le Sud de l’Italie.

Deux économistes (Source : Emmanuelle Auriol, Ecole d’économie de Toulouse, et

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Alice Mesnard, City University of London, citées dans Le Monde, édition en ligne du 20

avril 2015) avancent la thèse d’ouvrir les flux en vendant des visas d’entrée, tout en

réprimant sévèrement le travail au noir.

Le « dumping salarial » est également régulièrement évoqué, notamment en Suisse ou

dans certains pays Européens qui ne se sont pas gênés de lui donner une profession

(plombier) et une nationalité (polonaise). Plusieurs cas sont cités, dont en Suisse

(Source : 24 heures, édition en ligne du 24 février 2014). La problématique est souvent

confondue avec l’immigration « contractuelle » (entre pays membres de la zone

Schengen) et/ou l’immigration « choisie » (politique mis en oeuvre par un Etat au niveau

national, ou encore celle directement en lien avec les réfugiés).

Sans même tomber dans des filières mafieuses, les travailleurs qui n’ont pas le droit de

l’être travaillent quand même. Ils sont aidés par leurs familles, par leurs amis, mais ne

paient souvent aucune charge sociale, n’ont aucune protection professionnelle ou

sociale puisqu’ils n’en ont pas le droit. Cela participe également au nivellement par le

bas et à la faillite de nos systèmes puisque de moins en moins de personnes travaillent

selon « les règles », tirant vers le bas des prix dont, d’une manière ou d’une autre, nous

profitons tous à un moment ou un autre.

Les quelques recherches et articles que nous avons pu consulter sur le sujet du travail

des migrants en situations illégales en Europe montrent que le problème lui même est

le produit de deux facteurs: la restriction au marché du travail légal du fait de la

qualification « illégale » de ces migrants et les « avantages des employeurs à utiliser de

la main d’oeuvre non déclarée » (Source: C. Boswell and Th. Straubhaar, « The Illegal

Employement of Foreigners in Europe » in Intereconomics, 2004) . C. Boswell et Th

Straubhaar (cf. ci-dessous), se référant aux chiffres de la Commission Européenne en

2003, indiquent que 70% au moins des personnes entrées illégalement en Europe

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étaient employés illégalement aussi. Dans la même veine, H. Hentorf et J. Moebert

(2004) indiquent clairement le model économique des entrepreneurs qui profitent de la

main d’oeuvre illégale en y incluant un model économique du « marché de l’immigration

illégale » (Source: H. Hentorf and J. Moebert, « The Demand for Illegal Immigration and

the Market Outcomes » in Intereconomics, 2004). G. Tapinos indique la même chose,

se référant tant à la situation européenne qu’américaine, historique et présente: c’est

principalement l’employeur qui bénéficie de la situation des travailleurs migrants

illégaux » (Source:

http://www.oecdobserver.org/news/archivestory.php/aid/190/Illegal_immigrants_and_th

e_labour_market.html) .

Enfin, selon A. Venturini (Source: A. Venturini, « Do Illegal Migrants Compete with

National Workers ? », in Intereconomics, 2004), il apparaît clair, sur la base des rares

études scientifiques réalisées alors, que le travailleur migrant illégal endommage le

travailleur local par une compétition qui vient de l’organisation du travail et de la

production non-déclarée. En soit, il apparaît que tant le travailleur migrant illégal que le

travailleur local sont victime des irrégularités orchestrées par un système de vases

communicants qui bénéficient au plus rapide et au plus malin. De même il serait vain de

tenter de cherche un coupable en la personne de l’entrepreneur qui cherche à survivre,

même dans l’illégalité lorsque le faire dans la légalité ne devient plus possible.

Des statistiques étonnantes sur le travail au noir, publiées par l’Union Européenne en

2012, montrent que ce phénomène représente bien plus qu’un élément marginal dans

la création de la richesse nationale :

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En France, un rapport de la Cour des Comptes un « manque à gagner » des

assurances sociales, du au travail non déclaré, de 20 à 25 milliards d’Euros, avec un

doublement du montant de la fraude en 8 ans.

Selon Georges Tapinos, de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris (Source:

http://www.oecdobserver.org/news/archivestory.php/aid/190/Illegal_immigrants_and_th

e_labour_market.html) , la problématique des migrants ne peut se résumer qu’à un

contrôle physique des flux migratoires où à des conceptions uniquement tournées vers

les réseaux mafieux et l’économie illégale. G. Tapinos remarque à juste titre q’en 1998

déjà, le US Immigration and Naturalization Service avait démantelé une organisation qui

à elle seule avait permi le trafic de plus de 10’000 travailleurs latinos clandestinements

arrivés aux Etats-Unis. La même année, plus de 2 millions de faux papiers avaient étés

saisis dans un atelier à Los Angeles.

On sait que la plupart des migrants paient des sommes bien supérieures à un simple

billet d’avion pour arriver en Europe. Le coût moyen d’une traversée de la Méditerranée

vers la Grèce était estimé à 500 EUR, certains payant évidemment beaucoup plus. Le

transfert de l’Afrique vers l’Europe, notamment Lampedusa, coûterait entre USD 400 et

USD 700 aux migrants africains.

En 2015, on estimait le coût moyen par personne d’un migrant de Mosoul à Paris à

1’600 EUR. On fait rapidement le calcul: 500’000 réfugiés (qui naturellement ne

viennent pas tous de Mosoul mais souvent de beaucoup plus loins) fois 1600 EUR, cela

nous fait un marché de plus de 800 millions d’EUR. De plus, il y a aujourd’hui beaucoup

plus que un demi million de réfugiés d’Asie centrale, du proche Orient, d’Afrique ou

même des Balkans, puisque les réfugiés Kosovars et Albanais représenteraient, selon

les dernières statistiques de l’EU, à plus de 17% du total de la vague migratoire

actuelle.

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D’un autre côté, on estime que le « marché du contrôle migratoire » pèse environ 1

milliard d’Euro par an depuis 2014. En effet, les politiques sécuritaires Européennes

aux frontières ont financé largement des sociétés de sécurité de tous ordres jusqu’à des

hauteurs vertigineuses. Même l’ESA (Agence Spatiale Européenne) a tiré son épingle

du jeu. Et cela n’inclus pas les budgets militaires. Selon les données de l’administration

espagnole, le mur de Ceuta aura coûté entre 2005 et 2014 la somme de 25 million

d’Euros et celui de Melilla celle de 47 millions d’Euros. De 2005 à 2015, le mur de

Calais aura coût la bagatelle de 25 millions d’Euros également dont 15 millions pour la

seule année 2015.

Un autre décompte, plus macabre celui ci, recense 30’000 migrants morts depuis 2000,

principalement en Méditerranée entre les côtes Lybiennes et les côtes italiennes de

Lampedusa et de Sicile (Source: http://www.themigrantsfiles.com/).

En additionnant les revenus générés par les « passages », la sécurité des frontières et

leur surveillance et l’impact des économies non-déclarées en % des PIB des pays

respectifs, le « chiffre d’affaire de la migration illégale » se compte en dizaine de

milliards d’Euros chaque année. Il faut toutefois rajouter à cela le coût direct des

migrants illégaux sur les sociétés, en dépenses sociales, mais surtout en coûts induits

sur l’économie, puisque les employeurs qui emploient des migrants illégalement ne

paient ni charges sociales, ni protections diverses, ni assurances, ni caisses de pension

etc. Enfin, ces employeurs tirent vers le bas les prix rabotant inais aussi surement que

les vagues rabotent la grève les emplois qualifiés et non qualifiés des concurrents qui

agissent légalement mais perdent des marchés. En fin de compte, le marché des

migrants, qui est certainement aussi sous-évalué à cause du fameux « chiffre noir »

coûte aux économies plusieurs centaines de milliards d’Euros chaque année,

notamment dans l’espace Européen.

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Même si ils sont les boucs émissaires idéaux, ce ne sont pas les migrants qui sont à

l’origine de cette situation: ce sont nous mêmes, autochtones, qui scions la branche sur

laquelle nous sommes confortablement assis car nous voulons toujours plus pour moins

cher, ce qui, et nous mettons une pression professionnelle supplémentaire sur nos

emplois légaux qui doivent être toujours plus performants pour rester compétitifs devant

une concurrence mondiale, acharnée, et pas toujours « réglo ».

Conditions de travail ? Travail des syndicats ?

Puisque le principal effet réel de l’afflux de migrants, économiques ou réfugiés

politiques est, sur notre société, leur intégration imparfaite voire mafieuse dans un

système de production économique, on est en devoir de s’interroger sur les analyses et

solutions éventuellement apportées par ces mêmes organismes qui ont la charge et la

mission, de veiller au développement et au respect des règles, de protéger les

travailleurs et de garantir que les conditions de travail soient les mêmes pour tous,

comme le recommande la Charte des Droits de l’Hommes et les Conventions

Internationales de l’OIT (Organisation Internationale du Travail). En gros, quels sont les

positions des syndicats vis-à-vis de cette crise migratoire ?

Ayant eu la chance d’observer le travail de certains syndicalistes vis-à-vis des

travailleurs exploités par les organisations criminelles italiennes en Lombardie il y a

quelques années, il se trouvait que ces organisations étaient bien les seules qui, parmi

les institutions privées ou publiques, venaient à la rencontre de ces travailleurs pas si

clandestins que cela, exploités par leurs employeurs, généralement des « caporali »

agissant en n-ième sous-contractance, sur des chantiers publics ou privés de toutes

tailles et de tous budgets.

Page 19: MIGRATION CRISE EUROPE, MONDIAL ET SYRIE Syndicat RÔLE ET TRAVAILLEURS MIGRANTS dilemme?

Les réponses sont, c’est peu de le dire, assez inquiétantes. En effet, si bien des

acteurs, politiques, médias, universitaires ou ONG s’expriment et prennent position sur

l’immigration de manière récurrente, les syndicats restent étonnament silencieux sur le

sujet.

Pourquoi cet assourdissant silence sur ce phénomène migratoire massif ? Pourquoi

leurs prises de positions n’interpellent pas les autorités mais se contentent d’appeler à

la mobilisation ? Pourquoi lapident-ils leurs adversaires politiques plutôt que de

proposer des solutions ? Et, surtout, au vu de leurs thèmes de prédilections, pourquoi

ne disent-ils rien sur le thème de la migration et de l’emploi dans leurs pays respectifs ?

Notre analyse se base sur de la documentation en ligne, fournie essentiellement par les

sites internet des syndicats eux-mêmes. Pour chaque organisation, nous avons

recherché les termes « migration », « migrants », « réfugiés » et « asile » dans l’option

recherche du site (si disponible). Un tri a été ensuite fait entre les prises de positions

locales ou nationales et celles en lien avec les problématiques internationales, celles

qui nous intéressent. De manière générale, les nouvelles (news), prises de positions et

communiqués de presse ont été passés en revue pour une période de trois ans en

moyenne (2015-2013, voire 2012 si possible). De même, nous avons essayé d’être

attentifs si le syndicat poursuit une campagne sur le thème des réfugiés ou des

migrants.

Nous relevons que très peu de syndicats nationaux ont pris position de manière forte

sur le sujet des migrants/réfugiés. Pour la plupart des grands syndicats européens

examinés, leurs préoccupations sont principalement liées à des revendications

nationales telles que le droit de grève, la liberté syndicale, le droit des travailleurs, la

question des retraites ou encore celle de cotisations sociales. L’essentiel des sujets

Page 20: MIGRATION CRISE EUROPE, MONDIAL ET SYRIE Syndicat RÔLE ET TRAVAILLEURS MIGRANTS dilemme?

européens ou européanisés, se focalise sur le partenariat économique transatlantique

(TTIP), qui préoccupe de manière importante les syndicats.

Nous noterons toutefois une exception notable, celle de la Confédération Syndicale

Européenne (ETUC) qui publie beaucoup plus que les autres syndicats sur la question

des migrants, mais malheureusement très peu sur les impacts profonds de ces

migrations et encore moins sur des solutions innovantes. Les communiqués semblent

plutôt vouloir essayer de mettre le plus de pression possible sur les Ministres

Européens afin qu’ils adoptent des solutions communes, viables et efficaces, tant dans

la gestion que dans le respect de la dignité humaine.

Outre-atlantique, les prochaines élections américaines justifient un regain d’activités

des syndicats, proches du parti démocrate pour la plupart. L’immigration est traitée

évidemment sous l’angle de considérations régionales (immigrants mexicains et

canadiens).

De manière générale, dans les prises de positions internationales des syndicats

étudiés, lorsqu’il est question des réfugiés, la majorité des publications renvoient à la

situation de la Palestine/Gaza, pour la période étudiée.

En France, la CFDT est un grand syndicat français. La migration n’apparaît pas comme

un enjeu majeur, ni dans ses prises de positions, si dans ses articles. La Confédération

générale du travail (CGT), propose une page dédiée au phénomène de la migration,

dans laquelle s’articulent trois grands dossiers : le droit des migrants, la libre circulation

et le droit d’asile. Ceci dit, concernant la première thématique, le « dossier » n’a pas été

mis à jour depuis 2008. Enfin, Force ouvrière n’a publié quelques articles sur la

Page 21: MIGRATION CRISE EUROPE, MONDIAL ET SYRIE Syndicat RÔLE ET TRAVAILLEURS MIGRANTS dilemme?

thématique ainsi qu’une prise de position, appelant l’Europe a plus de solidarité, en date

du 19 mai 2015.

En Italie, la Confederazione generale italiana del lavoro (CGIL), concentre son activité à

l’international plutôt sur des sujets européens (TTIP, droits des travailleurs, etc). Une

seule prise de position a été faite sur le sujet de la migration entre 2015 et 2014. De son

côté, la Confederazione Italiana Sindacato Lavoratori (CISL), accorde a priori une

grande importance au phénomène migratoire et tout semble indiquer qu’au moins une

personne soit dédiée à l’étude de cette thématique au sein du syndicat. De 2009 à

2014, 22 prises de positions ou évènements on été organisés en lien avec le sujet, mais

un seul en 2014. Enfin, l’Unione italiane del lavoro (UIL), à, durant les deux dernières

années, émis une seule publication concernant la thématique de la migration, en

réaction au référendum du 9 février en Suisse.

La Suisse compte deux grands syndicats, Unia et l’Union syndicale suisse (USS), ainsi

qu’une dizaine mouvements syndicaux sectoriels. Le premier, entre 2010 et 2015, n’a

publié que cinq prises de positions au sujet de la question migratoire, et un seul

(Source: site officiel d’Unia, article intitulé «La Suisse doit accueillir 10% des migrant-e-

s sauvés en Méditerranée», publié le 16.05.2015) concernant directement la thématique

de l’afflux massif de migrants provenant de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan et transitant

par la mer Méditerranée. L’USS, de son côté, réagi à deux reprises (Source: site officiel

de l’USS, article intitulé « Tôt ou tard, tous y passeraient ! », paru le 25.09.2014 et «

Halte à une politique migratoire sans humanité », paru le 19 juin 2012), en 2012 et

2014.

En Belgique, la Centrale générale des syndicats libéraux de Belgique (CGSLB), est

plutôt actif dans ses prises de positions et publications (2 à 3 par semaines, ce qui

Page 22: MIGRATION CRISE EUROPE, MONDIAL ET SYRIE Syndicat RÔLE ET TRAVAILLEURS MIGRANTS dilemme?

tranche avec d’autres organisations). Entre 2015 et 2012, une seule prise de position,

faite le 24 avril 2015, concerne directement la problématique des migrants et, plus

précisément dans le cas d’espèce, un appel à la lutte contre les passeurs. La

Confédération des syndicats chrétiens (CSC) mets en ligne uniquement ses plus

récentes prises de positions (articles et communiqués de presses), jusqu’à la date du

25 avril 2015. Sur cette –courte- période, le syndicat n’a pris position qu’une seule fois,

le 3 septembre 2015, suite à la publication dans la presse de clichés du petit Aylan, ce

garçon kurde mort noyé et qui a ému l’Europe entière, et conduit récemment plusieurs

dirigeants européens à infléchir leurs positions en matière d’asile. La Fédération

générale du travail en Belgique (FGTB) est également très actif sur le web, avec

plusieurs publications (news, communiqués de presses, etc) par semaine. Entre 2015

et 2013 toutefois, seules deux mentionnent la problématique des migrants, dont une du

26 août 2015, et l’autre au sujet de la journée internationale des migrants datée du 18

décembre 2013.

Outre Atlantique, aux Etats-Unis, l’American Federation of Labour – Congress of

Industrials Organisations (AFLCIO) – est l’unique membre américain de la CSI. De

source budgétaire, cette association de syndicats américain a été l’un des plus gros

contributeurs financiers pour l’exercice 2013 de la CSI (environ un million et demi

d’euros, sur un total de seize). Sans surprise, le site Internet du syndicat regorge

d’informations, dont un dossier très complet sur l’immigration. Cela dit, ils concernent

bien entendu des problématiques liées à la migration aux Etats-Unis, donc

essentiellement provenant du Mexique, du Canada et de la Corée du Sud.

Au Canada, Congrès du Travail du Canada (CTD) a publié une étude en 2013, où il

ressort que « 75% des emplois créés au Canada entre 2010 et 2011 ont été dotés de

travailleurs migrants internationaux, même si 1,4 millions de résidents canadiens étaient

Page 23: MIGRATION CRISE EUROPE, MONDIAL ET SYRIE Syndicat RÔLE ET TRAVAILLEURS MIGRANTS dilemme?

au chômage ». Il s’agit du seul syndicat faisant un lien entre immigration et chômage à

ce stade. De son côté, la Centrale des syndicats démocratiques (CSD) est également

membre de la CSI. Leurs nouvelles sur le site Internet ne sont visibles que jusqu’en

2013, et aucune publication ne mentionne la problématique des migrants/réfugiés (sauf

du point de vues de l’intégration sur le territoire national). Enfin, la Confédération des

syndicats nationaux (CSN) évoque parfois la problématique de la migration dans un

cadre national, mais de manière marginale sur les trois dernières années. A l’occasion

de la journée internationale des migrants (le 18 décembre), la CSN publie un

communiqué, de manière traditionnelle, entre 2013 et 2011.

A l’autre bout du Monde, l’Australie a aussi été étudiée à cause des prises de positions

de son Premier Ministre M. Abbott et de sa politique migratoire. L’Australian Council of

Trade Unions (ACTU), est l’unique syndicat australien membre de la CSI. L’ACTU

possède une rubrique intitulée « Solidarité internationale », divisée en quatre catégories

: défense des droits humains, aide humanitaire, participation avec des organes

internationaux (CSI et ILO), standards et droits internationaux. La problématique de la

migration ne revêt pourtant qu’une importance mineure et où une seule prise de

position, adressée le 28 octobre 2009 au ministre de l’immigration et de la citoyenneté,

apparaît en ligne. La rubrique « discours et opinion » ne dispense aucune information

concernant les mots-clés « migration », « immigration » ou « réfugié ».

Nous avons élargi notre étude aux syndicats existant dans d’autres grands pays du

Sud, notamment l’Inde et le Népal.

En Inde, le Hind Mazdoor Sabha est une organisation membre de la CSI qui a

récemment pris ses distance et s’est montré très critique vis-à-vis de cette organisation

dont elle est pourtant l’un des plus gros contributeur. Les prises de positions et

Page 24: MIGRATION CRISE EUROPE, MONDIAL ET SYRIE Syndicat RÔLE ET TRAVAILLEURS MIGRANTS dilemme?

communiqués de presse sont tous écrits à la suite et de manière non ordonnée sur leur

site Internet. Certaines de ces informations relaient les positions de la CSI. Aucun

dossier ne fait mention spécifiquement de problématiques au sujet de la migration, mais

vu que le syndicat republie des propos de la CSI et d’autres organisations partenaires,

la thématique y est présente de manière succincte. Le Indian National Trade Union

Congress (INTUC), grand et très influent syndicat indien est plutôt critique envers la

CSI. Plusieurs de ses membres, dont des cadres, ont émis de vives remarques au sujet

de la gestion financière de la CSI. Malheureusement, le site Internet du syndicat est très

peu détaillé en ce qui concerne ses positions et publications concernant les travailleurs

migrants. Enfin, le Self Empoyed Women Association (SEWA), également membre de

la CSI, dont la particularité est de défendre les droits et intérêts de la condition féminine,

a publié plusieurs études ou même livres sur divers sujets. Aucun ne concernent la

question des réfugiés ou de la migration.

Au Népal, la General Federation of Nepalese Trade Unions (GEFONT) est un syndicat

népalais membre de la CSI. Il possède un dossier lié aux travailleurs migrants sur

Internet assez fourni où le moteur de recherche du site recense plus de 115 news liées

au mot-clé « migrants ». Ceci dit, certains mélangent la problématique au niveau local

(immigration) et celle internationale (travailleurs Népalais à l’étranger, notamment dans

les pays du Golfe). Le syndicat à l’air d’être plutôt actif sur la matière, notamment en ce

qui concerne les travailleurs migrants népalais dans les pays du Golfe. De son côté, le

Nepal Trade Union Congress (NTUC), également membre de la CSI, est un des rares

syndicats à avoir publié un document entier sur le thème de la migration et racisme (en

népalais, donc impossible d’en connaître le contenu). Le reste des publications étant en

népalais, il est impossible d’établir une claire statistique. Le plus grand syndicat

népalais (INDECONT) vient de publier un avis très critique concernant le rôle de la CSI

dans le cadre de la gestion du problème des travailleurs migrants.Enfin, le All Nepal

Page 25: MIGRATION CRISE EUROPE, MONDIAL ET SYRIE Syndicat RÔLE ET TRAVAILLEURS MIGRANTS dilemme?

Federation of Trade Unions (ANTUF) est le plus grand des syndicats népalais, membre

de la CSI. Sur leur site Internet, il existe bien un onglet « document » regroupant policy

papers, rapports et conférence de presse, mais ceux-ci sont vides de contenu.

Impossible d’établir une claire statistique.

Face à un telle problématique globale, il est une organisation syndicale incontournable

dont la plupart des syndicats cités ci-dessous sont membres : la CSI (Confédération

Syndicale Internationale) ou ITUC (International Trade Union Confederation). Cette

organisation faîtière, dont le siège est à Bruxelles, représente depuis 2006, date de sa

création, 328 organisations affiliées de 162 pays. Il convient donc de regarder de plus

près leurs positions sur la question de la migration.

Entre 2011 et 2015, notre recherche effectuée avec les mêmes critères que tous les

autres syndicats montrent que pas moins de 58 (Source:: site officiel de la CSI, thème «

migration ». 20 publications concernent le Qatar, 7 les pays du Golfe dans leur

ensemble, 3 la Malaisie et 2 la Corée du Sud) déclarations ou prises de position ont été

effectuées par la CSI concernant la thématique. L’omniprésence de la situation des

travailleurs au Qatar est troublante étant donné le rôle, la mission et les membres de la

CSI, surtout dans la situation actuelle. A tel point que l’émirat semble être pris pour cible

par l’organisation. Pas moins de vingt publications ciblent la pétromonarchie et au

moins quatre autres le mentionnent expressément. A titre de comparaison, le petit Etat

voisin, les Emirats Arabes Unis, ne font l’objet que d’un seul article. Les « pays du Golfe

», sous cette appellation, n’appariassent que quatre fois également. Le Qatar

représente donc à lui seul plus de 40% des publications de l’ONG sur une période de

six années, sans compter une campagne de la CSI à son encontre. Dans une récente

étude de ce syndicat (Source: étude de la CSI intitulée « Les pires pays du monde pour

les travailleurs et les travailleuses », publiée le 10 juin 2015, en ligne), le Qatar est

considéré comme un des « pires pays concernant le droit des travailleurs », obtenant la

Page 26: MIGRATION CRISE EUROPE, MONDIAL ET SYRIE Syndicat RÔLE ET TRAVAILLEURS MIGRANTS dilemme?

note de 5 (sur 5). Les sujets comme l’esclavage occupent également la CSI qui leur

consacrent 36 notifications (travail des enfants/travail forcé) dont 3 seulement concerne

l’émirat du Golfe et 5 l’ensemble des pays du Golfe (Emirats Arabes Unis et Arabie

Saoudite) depuis l’année 2011.

La dernière publication de la CSI en date du 7 Septembre 2015 porte sur le soutien à la

prise de position du HCR en faisant remarquer à juste titre (enfin) que certains pays

riches, comme les pays du Golfe, devraient accepter plus de migrants.

La CSI, tout comme la Confédération Européenne des Syndicats (CES), en tant que

représentants internationaux des différents syndicats nationaux sont actifs dans le

domaine des droits des travailleurs, tentant et rappelant à l’envi, à grand renfort de

sondages et de classements, les pays qui ne respectent pas les conventions de l’ONU

par rapport aux droits des travailleurs et en particulier la liberté de se réunir et de se

syndiquer. Même si la CSI semble monomaniaque du Qatar, elle se borne comme

l’ensemble des autres institutions, y compris l’Organisation Internationale du Travail

(OIT), à répéter le leitmotiv onusien, à savoir que « les travailleurs migrants doivent

avoir les mêmes droits que les travailleurs nationaux »

(Source:http://www.ilo.org/dyn/normlex/en/f?

p=NORMLEXPUB:12100:0::NO::P12100_ILO_CODE:C143) . Durant la 104ème

Conférence Internationale sur le Travail qui s’est tenue à Genève du 1 au 13 Juin 2015,

le Président de l’OIT, Guy Ryder déclarait que « il n’y a pas de solutions simples »

(Source: http://www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/news/WCMS_373603/lang–

en/index.htm) au problème. Merci Monsieur Ryder pour cette pertinente remarque.

Nous notons que M. Ryder était Secrétaire Général de la CSI avant Mme Burrows et

que les « hauts niveaux de débats » de cette 104ème conférence ont étés « historisés »

sur le site de l’OIT en une suite pathétique de tweets hashtagués à outrance (Source:

http://www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/news/WCMS_373603/lang–en/

Page 27: MIGRATION CRISE EUROPE, MONDIAL ET SYRIE Syndicat RÔLE ET TRAVAILLEURS MIGRANTS dilemme?

index.htm) . Les concepts de « fair migration » ou de « decent work ». Ces débats

parfois pratiques et souvent conceptuels sont conclus par le Directeur Général Ryder

qui indique que « Les mesures ponctuelles pour stopper le flot de migrants ne font

qu’effleurer le problème. Nous devons analyser plus attentivement les causes

profondes qui contraignent des personnes à mettre leur vie en danger pour trouver du

travail et la sécurité dans des pays étrangers ».

L’OIT indique toutefois que « l’élaboration de réponses efficaces exige l’engagement et

la participation des chefs d’entreprise et des dirigeants syndicaux ainsi que d’autres

parties prenantes à l’élaboration de réponses nationales propres à stimuler la

croissance et à créer des emplois, tout en préservant la protection sociale et du travail.

Ce processus nécessite également un dialogue équilibré sur la façon de faire en sorte

que les systèmes de migration puissent être justes et respectueux des droits de la

personne humaine, ce qui ne peut se faire qu’en coopération avec les régions

concernées ». C’est une des rares fois où nous verrons clairement mentionné le rôle

des syndicats dans l’équation qui pourrait apporter une solution aux problèmes

migratoires.

Des solutions ?

Certes le problème est complexe, mais cela ne veut pas dire qu’il soit compliqué. Entre

« l’immigration choisie », la « fermeture des frontières », la construction de murs et de

barrières de tous ordres (physiques autant qu’administratives), l’aide au développement

des pays d’origine des migrants et les « nécessaires besoins de l’économie », tout le

monde, politiques, économistes, sociologues ou médias y va de son couplet.

Malheureusement, l’immigration n’est pas un robinet qu’on ouvre ou que l’on ferme à

loisir. Il ne s’agit pas d’un courant d’air ni d’une rivière faite d’eau. Il s’agit d’êtres

humains.

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Les chiffres de l’immigration et de l’asile publiés par l’Union Européenne ne sont pas

des plus clairs ni des plus faciles d’accès. D’une part parce que la statistique est un

processus de récolte de données qui prends du temps et qui ne peux s’adapter à

l’accélération massive d’une situation (dans ce cas l’afflux de migrants/réfugiés) et

d’autre part parce que la législation européenne n’est pas véritablement uniforme, ce

qui implique des reclassifications entre différentes catégories de personnes (et elles

sont nombreuses), entre « migrants », « réfugiés », « demandes d’asile » et toutes les

subtilités à l’intérieur de ces quelques sous-catégories.

Nous conseillons toutefois de visiter la page de l’Eurostat

(Source:http://ec.europa.eu/eurostat/web/asylum-and-managed-migration/statistics-

illustrated) consacrée à ce sujet qui propose également des cartes dynamiques

temporelles permettant d’appréhender l’évolution du phénomène de 2008 à 2014.

Le choix de l’immigration est un mensonge éhonté puisqu’aucun des Etats du « premier

monde » n’est capable de choisir les migrants qui arrivent sur leurs sols. L’immigration

« choisie » n’a comme résultat que deux effets pervers : créer une classe de migrants

sans aucuns droits ni existence légale et, par le non respect (parce qu’inapplicables)

des décisions de justices de renvoi, fragilise ce qui fait ce pourquoi ces migrants se

précipitent chez nous pour y trouver un avenir meilleur : l’Etat de Droit.

Le Droit est un outil qui vise les individus. Ainsi, le phénomène de masse de la

migration est traité de manière individuelle. En effet, les procédures d’asile,

principalement, sont des procédures qui individualisent les problèmes, les raisons, au

niveau de la personne et le cas échéant de sa famille. Il est bien clair que devant une

massification de l’immigration, les procédures individuelles soient complétement

dépassées comme une digue l’est lors d’une crue.

Construire des murs peut bien faire marcher l’industrie du barbelé et de la construction,

mais aucun mur, aussi haut soit-il, n’arrête ces mouvements désespérés en quête

d’avenir. Les deux barrières fortifiées des enclaves espagnoles de Ceuta et Mellila au

Page 29: MIGRATION CRISE EUROPE, MONDIAL ET SYRIE Syndicat RÔLE ET TRAVAILLEURS MIGRANTS dilemme?

Maroc, pourtant haute de 6 mètres, tuent plus qu’elles n’arrêtent. La Grèce a édifiée un

mur de barbelés sur sa frontière orientale avec la Thrace et la Hongrie fait de même

aujourd’hui sur sa frontière avec la Serbie. Les portions de barricades entre les Etats-

Unis et le Mexique n’arrêtent pas les migrants non plus. Même la mer Méditerranée ou

les traîtres isthmes indonésiens n’arrêtent pas les migrants dans la route vers

l’Australie.

Les barrières administratives sont également grotesques. Comme le faisait relever un

correspondant de la Radio Télévision Suisse (RTS) au journal télévisé de 19 :30 le 10

septembre 2015, le flot de migrants syriens s’échouant sur la frontière hongroise en

Serbie ressemblait à un « cirque tragique ». En effet, étant des réfugiés de guerre, ces

migrants ont légalement droit à un statut et une entrée sur le territoire européen, qui au

lieu de s’organiser le plus en amont possible pose au contraire toutes sortes de

barrières physiques aux migrants pour ne pas avoir à subir les retours et éventuels

renvois dus aux accords de Schengen et de Dublin.

Dans la dernière modification du 11 septembre 2014 du Pacte Européen sur

l’Immigration et l’Asile du 24 Septembre 2008 , l’Union Européenne se félicite de

l’adoption du régime d’asile commun (RAEC), du renforcement de la gouvernance du

système Schengen et du système européen de surveillance des frontières (Eurosur)

ainsi que des nouvelles tâches et ressources confiées à l’agence Frontex. L’ensemble

du document pointe spécifiquement l’immigration choisie d’une part et la lutte contre les

trafics d’autre part, qu’ils relèvent de l’exploitation forcée des migrants aux réseaux de

passeurs.

L’aide au développement quand à elle n’a visiblement pas répondu aux attentes qu’on

lui prêtait. Des milliers d’ouvrages, de rapports, de commentaires, de reportages,

positifs ou négatifs, ont étés consacrés à ce vaste thème. Rappelons que c’est en 2000

que l’ONU a, dans le cadre des « Objectifs du millénaire » (Source:

Page 30: MIGRATION CRISE EUROPE, MONDIAL ET SYRIE Syndicat RÔLE ET TRAVAILLEURS MIGRANTS dilemme?

http://www.un.org./fr/millenniumgoals/index.shtml), précisé le sens et les objectifs de

l’aide publique au développement dont le principal était de réduire la pauvreté dans le

monde de moitié entre 2000 et 2015. Selon le rapport 2015 de l’OMD (Source:

http://www.un.org./fr/millenniumgoals/reports/2015/pdf/rapport_2015.pdf), la plupart des

objectifs sont en passe d’être réalisés. Le risque majeur pointé par ledit rapport (p.8)

mentionne entre autre les conflits qui sont aujourd’hui la cause principale de la vague

de migrants en Europe et dans le Moyen-Orient. Mais c’est également la pauvreté

relative qui pousse des millions d’Africains vers l’Europe et des millions de latino-

américains vers les Etats Unis, des millions d’Asiatiques vers l’Australie, les Etats-Unis

et le Canada et des millions de personne du sous-continent indien dans les pays du

Golfe, en Afrique, en Europe, aux Etats-Unis et au Canada. Dans le même temps, la

pression sur les prix des matières premières, du pétrole et des produits agricoles,

accompagnés par une pollution galopante dans les grandes agglomérations urbaines

des pays en développement où s’entassent toujours plus de personnes font que les

systèmes de répartition ne fonctionnent plus et que les prévisions de rentabilité des

investissements dans les industries lourdes a chuté. Le manque d’infrastructures, de

coopération et d’indépendance des acteurs locaux fait que les industries

manufacturières locales ne se développent quasiment pas.

L’aide au développement est même tenu en échec au cœur même de l’Europe ou après

plusieurs décennies, les niveaux de vies ne sont même pas rejoints entre les pays de

l’Ouest Européen et ceux de l’Est Européen alors que la crise financière fait des

ravages sur l’emploi et l’investissement dans tout le continent. Malgré les 135 milliards

de USD d’aide publique au développement injectée en 2014, les résultats sont minés

par les conflits et les mouvements massifs de population. Il faut ajouter à cela les

montants considérables de l’aide privée effectuée notamment par des fondations

privées américaines (dont la Fondation Bill et Melinda Gates) qui soutenait 2’647 projets

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en 2014 (Source:http://www.gatesfoundation.org/How-We-Work/Resources/Grantee-

and-Partner-Survey-Report).

Pourtant, comme le relèvent C. Boswell et Th. Staubhaar (op.cit), des solutions existent,

qui ont été déjà testées et dont l’efficacité est vérifiée par l’expérience. Il s’agit de

« mesures qui sont fortement susceptibles de réduire l’emploi illégal et dans un certain

sens, de minimiser les impacts négatifs sur les affaires, les libertés civiles et les droits

de migrants ». Ces mesures vont toutes vers une intégration progressive: (1)

l’expansion des programmes légaux d’immigration, ce qui signifie d’une certaine

manière assouplir les critères de légalité pour avoir plus de migrants légaux et moins

d’illégaux, (2) la régularisation qui met une pression sur les calculs des employeurs

sachant que la situation d’illégalité risque de ne durer qu’un temps, et pour les

employés créent un appel d’air et une motivation supplémentaire. Les auteurs relèvent

toutefois que les programmes de régularisation temporaires (sur des durées limitées)

comme il y a pu en avoir en Italie, en France, aux Etats Unis ou en Belgique, font que

beaucoup de travailleurs passent de l’illégalité à la légalité, puis retombent dans

l’illégalité. Les auteurs mentionnent également (3) un contrôle des entrées permettent

de « légaliser » d’une certaine mesure les entrées, mais aussi les sorties. Toutefois,

l’augmentation des critères de visas et le resserrement des contrôles douaniers à

permis aux réseaux de passeurs, qu’ils soient partie de réseaux criminels ou non, de

fleurir et de se développer. Toutefois, la plupart des migrants arrivaient à l’époque avec

des visas touriste et restaient ensuite illégalement dans les pays d’accueil en vue d’une

éventuelle régularisation. Les auteurs notent également que (4) les sanctions contre les

employeurs peuvent être efficaces et dissuasives. Toutefois, la plupart des pays

d’accueil des migrants ne mettent pas en oeuvre ces mesures légales de contrôle du

travail clandestin pour plusieurs raisons: manque de moyens, peines trop faibles,

craintes politiques, volonté de préserver le tissu économique national ou local etc. Ces

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mesures restent donc très épisodiques, mais c’est justement cette inaction « complice »

qui fait que l’emploi « au noir » est toujours aussi recherché par les employeurs.

Beaucoup moins par les employés. En plus des sanctions, il serait aussi possible (5) de

mettre en place des avantages pour les entreprises qui emploient des travailleurs

légaux. Ces avantages sont difficiles à mettre en place sans contrôles mais des

initiatives locales ont montré, notamment dans le contrôle des appels d’offre publics et

de la sous-contractance, qu’il était possible d’avantager légalement des entreprises qui,

soit dit en passant, sont toutes sensées travailler légalement jusqu’à preuve du

contraire. Il faut toutefois que les donneurs d’ordres puissent se donner les moyens

d’agir en cas de contravention aux accords établis et ce de manière simple, rapide et

directe. Toutefois, cela se fait généralement au détriment direct des travailleurs

migrants illégaux qui du coup se retrouvent non seulement sans travail, mais également

stigmatisés pour avoir « volé le travail des indigènes ».

Les auteurs remarquent que cette relative « tolérance » des Etats au travail illégal,

travail au noir, esclavage moderne ou quelque soit le terme que l’on emploie pour le

décrire, lequel bénéficiait également à l’économie en général, est en passe d’être

terminée à cause de la crise migratoire que vivent les pays de l’OCDE, notamment

l’Europe et les Etats Unis depuis quelques années déjà.

Travail, famille et démocratie ?

Les problématiques et stigmatisations dont sont victime les migrants de tous ordres

sont multiples et parfois entremêlées. Comme nous l’avons relevé plus haut, elles font

le lit fertile de discours xénophobes qui attisent les peurs et les craintes les plus

apocalyptiques des locaux qui eux, par leur statut de citoyen, votent.

L’un des premier soucis de tout élu dans les grandes agglomérations européennes,

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depuis de nombreuses années, est d’avoir à gérer des populations dont une grande

partie n’a pas son mot à dire sur ladite gestion au travers des voies démocratiques de

représentations et d’élections. Les migrants ne votent pas et à plus forte raison, ne

peuvent pas être élus. D’un point de vue systémique, il est extrêmement difficile de

gérer efficacement une population pour répondre à ses aspirations si l’on n’a pas de «

retour » d’une partie significative de cette même population. D’un autre côté, les

possibles effets extrêmes de la participation des migrants à l’exercice démocratique est

l’un des épouvantail régulièrement agité par des responsables politiques qui en profite

pour faire le plein de voix.

Afin de contourner cette situation « aveugle », plusieurs municipalités on depuis des

décennies tenté d’établir des canaux de retour d’information parallèles au niveau local

(municipalités, quartiers) au travers d’associations d’habitants diverses. Les exercices

de ce qui, en France, est communément appelé la « démocratie participative » provient

en fait de certains quartiers défavorisés des grandes villes américaines ou de tels

conseils de quartiers ont étés mis en place par les municipalités dans les années ’70

déjà, surfant sur la vague hippie, contestataire et les effets de la guerre du Vietnam.

Certaines de ces expériences ont étés couronnées de succès qui se constate encore

aujourd’hui, beaucoup par contre on étés des échecs pour différentes raisons. Nous ne

referons pas le débat concernant ces expériences sociales mais nous pouvons

renvoyer à une littérature abondante qui se trouve facilement sur internet.

La participation citoyenne des migrants est pourtant un aboutissement logique de nos

pays. En Suisse, dans certaines communes, les citoyens qui y habitent depuis 8 ans ou

plus on le droit de vote et, dans quelques unes, le droit d’éligibilité. Mais uniquement au

niveau local. Il ne s’agit pas seulement de faire « remonter des expériences » ou de

donner à une partie de la population habitante la possibilité de proposer des solutions

concrètes et locales pour le « vivre ensemble », il s’agit également d’un aboutissement

Page 34: MIGRATION CRISE EUROPE, MONDIAL ET SYRIE Syndicat RÔLE ET TRAVAILLEURS MIGRANTS dilemme?

sur le plan de l’intégration et de ses responsabilités envers une société qui accueille. Il

ne faut pas oublier que la plupart du temps, les migrants viennent dans nos pays parce

qu’ils jouissent d’une cadre structurant, un Etat de Droit, qui garanti une certaine paix

sociale et physique ainsi qu’un certain niveau de vie appréciable. Mais cela ne s’est pas

fait tout seul. Cela comporte également des devoirs envers ladite société. Il est vrai que

lorsqu’on a vécu 20 ou 40 ans sous un régime totalement et visiblement corrompu,

désorganisé, dictatorial ou inexistant, les structures européennes, pour ne prendre

qu’elles, peuvent paraître étranges. Mais elles sont surtout idéalisées.

Si l’on considère l’histoire humaine depuis l’Antiquité, il n’est pas un endroit sur notre

planète qui n’ait autant souffert de la guerre, de la famine et des maladies que l’Europe.

Depuis l’Empire Romain, les périodes de paix se sont rarement étalées sur une

génération entière et les mouvements de populations ont étés nombreux et constants.

Est-ce à dire que c’est le produit d’une souffrance millénaire, culminant avec la

sauvagerie industrialisée de la deuxième Guerre mondiale qui a fait que, infiniment las,

le dégoût absolu de la violence ait accouché à des systèmes où l’on se parle plutôt que

de se tuer, cela n’est pas impossible et l’évolution est loin d’être terminée. Beaucoup

d’autres endroits dans le monde on soufferts de violents séismes de nature humaine : la

Révolution de 1917 en Russie, la violence systématisée et désincarnée de régimes

autoritaires, la Révolution culturelle en Chine, etc….on multiplierait les exemples à

l’infini. Nous ne devons jamais oublier les milliards de cadavres sur lesquels certains

dirigeants assoient une soi-disant « supériorité culturelle » européenne.

Tout comme l’idée de base de la mondialisation, tentant de faire disparaître l’intérêt des

guerres par l’accroissement de l’interdépendance économique, l’intégration réussie de

populations migrantes tient principalement au travail de ces derniers. Or, ce dernier est

aussi l’une des craintes mises en avant tant par les discours xénophobes, dans les

Page 35: MIGRATION CRISE EUROPE, MONDIAL ET SYRIE Syndicat RÔLE ET TRAVAILLEURS MIGRANTS dilemme?

peurs réelles ou ressenties qu’ils engendrent et dans le comportement de certains

migrants aussi.

Les pays qui accueillent le plus de populations migrantes, dans et hors de l’UE sont

ceux qui le font principalement pour des raisons économiques, notamment du besoin de

main d’œuvre. Mais il y a également plusieurs autres raisons : repeuplement, ouverture

sur le monde, capacités d’influences et conquêtes de marchés existants ou futurs ainsi

qu’une chose fondamentale dans la bataille économique internationale : la culture.

Cette culture faite de références historiques, d’une langue, d’habitudes de vie et de

consommation est l’arme préférée des sociétés américaines depuis les années ’50, tout

comme l’était la culture anglaise et celles française et italienne auparavant. La culture

est l’arme économique par excellence qui engendre des codes communs et facilite la

compréhension mutuelle et par là la conclusion de contrats et l’ouverture de marchés

aux dépends de concurrents moins structurés.

Le travail est donc l’outil par excellence au travers duquel ces cultures se mélangent et

s’apprennent tout en s’influençant mutuellement. Les migrants travaillent, légalement ou

illégalement. Il travaillent et apprennent. Mais en Europe, c’est à nous de comprendre

ce qu’ils apprennent réellement de nous et ce que nous apprenons réellement d’eux.

Certaines choses sont irréconciliables mais peuvent cohabiter, comme la religion,

d’autres sont largement convergentes, notamment le travail.

Ceci est vrai pour les migrants en direction des pays dits « développés », soit ceux de

la zone OCDE. Mais cette constatation est également vraie pour les migrations entres

pays en développement: migrations internes à l’Afrique, au sous-continent indien, à

l’Amérique Latin ou à l’Asie Centrale. En effet, nombreux sont les travailleurs migrants

dans les zones d’exploitation agricoles ou minières en Afrique. Les travaux de

construction des infrastructures de la Coupe du Monde de football au Brésil ainsi que

les prochains Jeux Olympiques ont drainé d’énormes populations d’autres pays

d’Amérique Latine afin de répondre à la demande de main d’oeuvre sur les chantiers.

Page 36: MIGRATION CRISE EUROPE, MONDIAL ET SYRIE Syndicat RÔLE ET TRAVAILLEURS MIGRANTS dilemme?

La migration est parfois aussi interne comme en Chine (de la campagne vers les villes)

ou en Russie (migrations vers l’Est). L’histoire nous montre également que les Etats

Unis ou le Canada ont vécu des flux migratoires à la fois internes et externes très

importants dans leurs histoires respectives et ont façonné la population du pays

aujourd’hui, tant dans sa composition culturel et ethnique que dans sa répartition

géographique.

Une des questions les plus souvent débattues depuis que le statu officiel ou non de

travailleur migrant existe concerne la question du regroupement familial. La Convention

no143 de l’OIT (Source: http://www.ilo.org/global/standards/subjects-covered-by-

international-labour-standards/migrant-workers/lang–fr/index.htm) sur les travailleurs

migrants de 1975 (dispositions revisitées de la Convention de base de 1949) prévois

que les Etats qui accueillent des travailleurs migrants facilitent le regroupement familial

de ces travailleurs. Ladite Convention se base notamment sur la Déclaration

Universelle des Droits de l’Homme qui garanti l’égalité de traitement et de chances de

toute personne où qu’elle soit.

Force est de constater que les disparités d’applications de ce regroupement familial

entre les Etats, même Européens de l’Ouest, sont criantes. Même la Suisse a

longtemps été pointée du doigt pour son système de saisonnier par des pays comme la

France alors qu’aujourd’hui c’est la politique de regroupement familiale française qui est

directement remise en question. Le regroupement familial est un vrai objectif, mais il

doit être laissé à l’appréciation de chacun. D’un autre côté, certaines économies ne

peuvent réaliser l’ensemble des conditions de regroupement familial pour tous les

travailleurs migrants pour des questions de coûts et d’infrastructure. C’est un équilibre

éminemment politique entre les besoins de l’économie et ce que la population et cette

même économie peu supporter en terme de charges (financières, infrastructures,

culturelles etc.). Pour reprendre avec l’exemple Suisse, le regroupement familial à eu

Page 37: MIGRATION CRISE EUROPE, MONDIAL ET SYRIE Syndicat RÔLE ET TRAVAILLEURS MIGRANTS dilemme?

un effet très bénéfique tant pour la Suisse que pour les pays d’origine des migrants.

Mais ces effet bénéfiques ont eu des coûts importants qui ne sont rentabilisés que sur

des termes longs, l’espace d’une génération en tout cas (25-30 ans), coûts qui ne sont

supportés qu’indirectement par le pays d’origine (perte de main d’oeuvre) et

entièrement par le pays d’accueil alors que les bénéfices sont partagés de manière

différentes et parfois même inverses. Toutefois, le regroupement familial s’accélère

lorsque les conditions de travail sont mauvaises dans l’une ou l’autre configuration.

Dans tous les cas, le regroupement familial agit comme accélérateur du mouvement

migratoire lui-même en le démultipliant par le nombre de membres de la famille et agit

également comme un démultiplicateur de problèmes lorsque les conditions d’accueil ou

de départ sont mauvaises car cela pousse l’ensemble d’une famille à aller chercher plus

loin des conditions de travail meilleures.

Réinventer le rôle historique des syndicats dans un monde globalisé

Lors de la révolution industrielle, notamment en Europe et plus particulièrement en

Angleterre, en France et en Allemagne, les syndicats ont étés, avec la guerre

(notamment la Première Guerre Mondiale) les principaux catalyseurs d’un changement

de paradigme dans le monde, cassant définitivement les grandes monarchies

absolutistes des siècles précédents et remplaçant au coeur des débats, depuis les

années 1900 jusqu’aux années 1950 les droits des travailleurs et leur qualité de vie.

C’est une combinaison de micro-luttes et de macro-effets politiques, géostratégiques,

économiques et sociaux qui ont, sans schémas préalables, conduits à la situation dont

bénéficient aujourd’hui les travailleurs d’Europe occidentale et, dans une certaine

mesure, du continent nord-américain. Mais une fossilisation des structures et une

calcification du débat met aujourd’hui, devant les enjeux d’un monde globalisé, ces

acquis sociaux en danger.

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Disons le clairement: s’enfermer dans une forteresse, toute barbelée qu’elle soit, afin de

conserver des avantages – certains diront des privilèges – est une stratégie vouée à un

échec certain à plus ou moins long terme. Seule une stratégie d’intégration ne peut être

acceptable, à moins que nous ayons tous envie de retomber dans une sorte de Moyen

Age post-industriel fait de privilèges et de passes droits divers, bâtis sur une corruption

généralisée.

L’intégration signifie de se remettre en question, de chercher à assimiler sans se faire

phagocyter et cela est valable pour tous: migrants et locaux, où qu’ils soient dans le

monde.

Le travail pour les Droits réalisés par les syndicats aux niveaux sectoriels, puis

nationaux et enfin internationaux ne peut pas prétendre réussir sa mission globale sans

se transformer radicalement et rapidement. En effet, bon nombre de structures

syndicales historiques et européennes se sont constitués des réseaux d’appuis

économiques et politiques, renforcés après la chute de l’Union Soviétique qui par son

financement généreux mais conditionné aux objectifs politiques dudit pays faisait couler

des rivières d’argent dans les mains de responsables parfois peu scrupuleux ou parfois

exaltés.

Des rentes de situations se sont mises en place, des relais au sein des organisations

internationales se sont transformées en agences de placements pour syndicalistes à la

retraite et dans le même temps, les organisations syndicales perdent des membres et

ne représentent plus les mêmes forces politiques et sociales lesquelles avance la

plupart du temps en ordres dispersés. Devant la globalisation, les syndicats, organisés

en structures sectorielles et nationales soit se referment sur leurs prés-carrés, soit tente

de jouer la carte internationale à la manière d’ONGs de style Amnesty International ou

Human Rights Watch.

D’un autre côté, l’interdépendance économique entre Etats de culture et d’histoires

différentes rend les syndicats prisonniers de leurs carcans sectoriels et/ou nationaux,

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comme le montre les protestations contre les traités d’accord de libre échange avec les

Etats Unis (TTIP) ou encore les luttes syndicales contre les délocalisations d’usines ou

de segments professionnels entiers. Il est donc clair que si bataille il y a pour les

conditions de travail, elle doit s’effectuer soit très localement, soit internationalement,

idéalement aux deux niveaux en même temps.

En 2005, un travail de recherche des syndicats italiens lombards (Source:L.Lusenti &

P.Pinardi, « Vite da Cantiere ; Nuovi schiavi e caporali a Milano e in Lombardia nel

millennio della globalizzazione », ComEdit, Milano, 2005) sur le travail au noir

d’immigrés (principalement d’Europe de l’Est) sur les chantiers de Milan et des

agglomérations de Lombardie mettait en lumière les structures simples et efficaces

d’exploitation d’une main d’œuvre qualifiée pourtant privée de droit parce qu’illégale, les

intérêt des donneurs d’ordres des chantiers et les intermédiaires mafieux ou

simplement criminels qui arrangeaient le passage des uns vers les autres en tirant les

prix vers le bas tout en conservant des marges plus qu’honorables sur le dos des

travailleurs en bout de chaîne.

Dans son rapport de 2013, la CNCPT (commissions paritaires italiennes entre les

syndicats et les pouvoirs publics) recensait en 2013 le chiffre de 52’046 accidents de

travail en Italie, en diminution de 46% depuis 2008 et un nombre d’incidents mortels

passant de 218 en 2008 à 137 en 2012. Concernant la construction de l’Expo 2015 à

Milan qui se tient actuellement, un rapport secret de l’INAIL relevait que « si l’Expo

s’était construite selon les règles de sécurité en vigueur dans les autres chantiers

italiens, il y aurait eu au moins « 18 milles accidents dont 40 mortels et 1’700 ayant des

conséquences permanentes sur les ouvriers » (Source:

http://www.ilgiorno.it/milano/infortuni-cantieri-expo-1.899823) . Grace aux contrôles

permanents des chantiers et aux méthodologies mises en place par les partenaires

sociaux et les pouvoirs publics afin d’éviter les entreprises sous-contractantes

fantômes, objet préféré des « caporali » mafieux pour exploiter sans conséquences la

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main d’œuvre immigrée, aucun mort n’a été a déplorer sur le chantier de l’Expo. Nous

relevons toutefois qu’un jeune ouvrier d’origine albanaise, Klodian Elezi, 21 ans, mort

sur le chantier du périphérique de Milan juste à côté du chantier de l’Expo. Cet effort a

été mis après plusieurs années de négociations entre partenaires sociaux pour ne pas

répéter les erreurs qui avaient étés commises sur les chantiers précédents : les

Olympiades de Turin en 2006, le Mondial de football de 1990 et la construction de la

Fiera di Milano, à l’époque le plus grand chantier public d’Europe. Ce n’est qu’après

plus de 20 ans d’expériences accumulées que syndicats, entreprises et pouvoirs

publics se sont assis autour d’une table afin de fixer des règles communes

contraignantes limitant voir interdisant l’accès aux chantiers des entreprises qui ne

respectaient pas les conditions de travail légales pour leurs ouvriers, qu’ils soient

légaux ou illégaux.

Ce n’est pas par hasard que cette première prise de conscience s’est avérée dans le

Nord de l’Italie. Cette zone, la plus industrialisée d’Europe et une des plus dynamique

économiquement a vu son secteur de la construction bondir depuis les années 1970.

Les grands chantiers se sont succédés, en employant toujours de la main d’œuvre la

meilleure marché. Aux migrants du sud de l’Italie ont succédé les travailleurs migrants

du Maghreb, d’Europe de l’Est et maintenant du monde entier. Les organisations

criminelles se sont organisées très tôt en se plaçant comme intermédiaire obligatoire

entre la main d’œuvre et les entreprises en réinstaurant un système modernisé du «

caporalato » médiéval. L’argent ainsi gagné était blanchi en Suisse et dans toute

l’Europe du Sud et du Nord. Les ouvriers mouraient mais personne ne s’en souciait

puisqu’il n’avaient pas d’existence. Le secteur de la construction continue de porter sur

soit cette malédiction du travailleur exploité. Et pour cause : il est historiquement et

statistiquement un des secteur qui emploie le plus de monde possédant des

qualifications faibles et où se concentrent un fort pourcentage de travailleurs migrants

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illégaux. Les autres secteurs sont l’agriculture, l’hôtellerie-restauration et la

manufacture. L’économie domestique est également largement touchée comme secteur

mais les chiffres restent en valeurs absolue beaucoup plus faibles. Etonnamment, ce

sont également les trois secteurs (construction, hôtellerie restauration et agriculture) ou

les investissements mafieux ont été les plus importants en Europe en tout cas depuis

les années 1970-1975 (statistiques suisses ) (Source: Nicolas Giannakopoulos, «

Criminalité organisée et corruption en Suisse », Haupt, Bern, 2001).

Malheureusement, l’internationalisation des activités de protection et de représentation

des droits des travailleurs reste un mythe parfois confiné aux senteurs de naphtaline de

nostalgiques de l’Internationale socialiste. Tout le monde veut le bonheur de son

prochain mais personne, surtout pas nous en Europe, ne voulons en payer le prix.

Pourtant, les exemples européens du XXème siècle montrent qu’une amélioration très

significative de la qualité et des conditions de travail est possible. Mais ce modèle est-il

exportable voire même souhaitable ?

Comment sortir de cette quadrature du cercle ? Comment internationaliser la protection

et la représentation des droits des travailleurs, notamment migrants, dans un monde à

l’économie globalisée qui exerce une constante pression sur les prix ?

En mars 2015, l’ONG française SHERPA a déposé plainte en France contre l’entreprise

de construction Vinci pour « travail forcé » de ses ouvriers indiens et népalais employés

au Qatar (Source: http://www.asso-sherpa.org/vinci-qatar-nanterres-public-prosecutor-

launches-preliminary-investigation#.VffglGazhFU) . C’est une des premières fois qu’une

entreprise d’un pays se voit attaquée en justice pour une infraction relevant du Droit où

est sis son siège mais qui concerne des travailleurs qui ne sont pas français et qui ont

subit des faits, selon les accusations de l’ONG, hors de France. Est-ce là l’avenir du

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syndicalisme ?

Le syndicat a été créé pour protéger les intérêts d’une corporation composée de

membres cotisants. Suivant les pays, leur longue histoire leur permet de se financer de

différentes manières : cotisations de membres, donations, mais également parfois aides

directes de l’Etat (national, ou collectivités régionales ou locales) et même, dans

certains cas, des entreprises elles-mêmes. Les actions des syndicats sont

historiquement liées à une forme de revendication politique pour l’acquisition de Droits

dans un système de décision, qu’il soit démocratique ou pas. Mais les actions d’un

syndicat ont évolué vers une forme de services à ses membres et en remplissant des

tâches en délégation de la puissance publique, comme la gestion de caisses de

chômage ou de tribunaux de prud’hommes ou de pratiques financières comme la

gestion de fonds de pensions et de caisses de retraite. Ces organisations ont

également évolué en rendant de plus en plus de services particuliers aux membres, tels

que de l’information, du conseil, de la médiation et surtout de l’assistance juridique.

Certains syndicats proposent des permanences juridiques et mêmes des assurances

de protection juridique pour les conflits liés au travail. D’autres syndicats ont évolués

également vers le versant militant et dénonciateur, chasse gardée des ONGs qui

dénoncent des situations inacceptables.

Toutefois, en ce qui concerne les travailleurs migrants illégaux, ces structures restent

difficilement accessibles : ces personnes n’ayant pas d’existence légale dans les pays

où elles travaillent, elle ne peuvent bénéficier des avantages et des protections

notamment consenties par la loi ce qui les rends vulnérables administrativement en plus

d’être vulnérables économiquement. On voit rarement des ouvrier refuser de travailler,

même dans les conditions les plus abjectes, même si ils ne sont pas payés ou trop peu,

et se retourner contre leurs employeurs, sauf par des petits mouvements de révolte

spontanés et limités dans l’espace et dans le temps.

Du côté des consommateurs, la résilience est phénoménale. Malgré le fait que nous

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savons ou pouvons savoir ce qui se passe dans les champs où sont cultivés et récoltés

fruits et légumes qui garnissent nos assiettes, nous continuons à en manger. D’une part

parce que cela nous convient économiquement et d’autre part parce que la justice reste

muette.

Ces différentes initiatives donnent des pistes de réflexion. Pour l’instant, après plus de

10 ans de tâtonnements, les succès sont très relatifs, même dans les pays d’Europe. La

crise économique de 2008 a rendu encore plus résilient les travailleurs et

consommateurs dans les pays industrialisés et tirés encore plus les prix vers le bas,

forçant du même coup les entreprises à s’aligner avec des concurrents utilisant des

moyens illégaux. Dans les secteurs d’activité employant beaucoup de main d’oeuvre

faiblement qualifiée, il s’agit d’une véritable spirale vers le bas en terme de Droits, sans

parler des conditions de travail. Cette tendance lourde à des répercussions encore plus

dramatiques dans les pays en développement et les pays très pauvres qui vivent

notamment des rentes de leur sous-sol minier.

Cette crise des prix force toutefois les organisations politiques, économiques et sociales

à réinventer certains modèles de développement économiques et humains.

Aujourd’hui les syndicats sont coincées dans des cadres juridiques territoriaux et ne les

utilisent pas à leur avantage. C’est moins le secteur d’activité qui limite leur action,

lequel est porteur et créateur d’un vrai savoir faire, d’une vraie compétence et

compréhension des pratiques d’un secteur. Les cadres juridiques nationaux par contre

limitent leurs actions et leurs compétences. Prenons deux exemples.

Un pays où les droits syndicaux ne sont pas garantis légalement est un pays où les

travailleurs ne peuvent se réunir et défendre leurs intérêts sous cette forme. Mais ces

pays ont tous besoin des compétences de grandes firmes internationales qui possèdent

sinon leurs sièges du moins des filiales qui sont juridiquement placées dans des pays

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qui autorisent ce droit, ce qui ouvre des possibilités de délocalisation des actions

syndicales en faveur des travailleurs mais avec des effets plus sur le Droit privé

contractuel que sur le droit public et parfois, comme le montre l’action de l’ONG Sherpa,

sur le plan pénal également.

Il est des pays, notamment dans le Golfe, qui refusent obstinément d’octroyer un droit

de syndicalisation aux ouvriers migrants qui travaillent sur leur sol. Cette bataille menée

par plusieurs syndicats nationaux ou internationaux (comme l’ITUC) relève, pour

quiconque connaît la réalité de ces pays, d’une incompréhension de base sur

l’organisation sociale, économique et culturelle de ces pays. Il est rare que des citoyens

de ces pays travaillent. Il est donc vain de leur demande de se syndiquer. Par contre les

travailleurs migrants sont parfois syndiqués, mais dans leurs pays respectifs, lesquels

syndicats n’ont que peu ou pas de moyens ni d’intérêts à agir dans les pays où les

migrants travaillent.

Dans un monde globalisé où les droits sont inégaux, les syndicats doivent saisir

l’opportunité de cette vague migratoire européenne pour se réformer en profondeur et

retourner vers leur mission qui a fait leur succès au XXème siècle, à savoir la défense

et l’amélioration des conditions de travail de l’ensemble des travailleurs dans le monde.

Pour cela, ils doivent utiliser à leur profit les outils de cette globalisation: migrations,

multinationalisation des activités économiques, internet et désincarnation d’un territoire

national pour s’élever à celui de la planète.

En effet, la mondialisation économique fait que des employés d’une entreprise de

construction internationale (en direct ou en sous-contractance) en France ou en

Allemagne sont directement impactés par les mêmes situations que le sont des

employés de la même branche en Chine, en inde, en Arabie Saoudite ou au Brésil. Le

marché des machines de chantier est mondialisé. Le marché du ciment est mondialisé.

Le marché de l’emploi est mondialisé. Le marché des outils de chantier, des tenues de

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chantier, des ferrailles et des structures métalliques sont mondialisés. Il en va de même

pour l’agrobusiness, pour l’hôtellerie, pour les matières premières, pour certains

produits manufacturés, les transports, etc. Les entreprises contractantes principales

sont soit des géants internationaux, soit des consortiums d’entreprises qui combattent

sur des marchés internationaux. Il faut donc que les actions en faveur des travailleurs

soient elles aussi mondialisées et qu’elles utilisent les possibilités à bon escient. Mais

quel est ce bon escient ?

Les besoins sont nombreux, parfois différents (d’ou la nécessité d’avoir des structures

locales) mais ils peuvent être regroupés en quelques catégories:

1) l’information: la plupart des migrants ont une mauvaise information. Elle est

transmise le plus souvent par des pairs et l’information est déformée par les filtres

successifs et par des filtres internes à chaque personne suivant son degré de nécessité

économique ou simplement humaine. Il faut donc de la bonne information, véridique,

compréhensible et fiable a destination non seulement des travailleurs migrants mais de

tous les travailleurs.

2) un statu: chaque personne possède un statu minimal sur lequel s’appuyer. les

travailleurs illégaux n’ont aucun statu dans leur pays d’accueil, tous comme les

migrants clandestins, ce qui en fait des cibles faciles pour toutes structures mafieuse ou

ayant des desseins criminels. Par contre, même les travailleurs clandestins sont

citoyens d’un certain pays. Ils ont tous un statu par le simple fait qu’ils sont des êtres

humains et il y a au moins un ordre juridique minimal commun qui peut être activé pour

leur reconnaître un statu. Malheureusement, ces ordres juridiques, souvent supérieurs

comme la Cour Européenne des Droits de l’Homme n’est que trop difficilement

activable par de simple migrants illégaux ayant des problèmes de respect de droit du

travail auquel leur statu d’illégaux ne leur donne de toutes façon pas accès. Par contre,

un statu permettrait à des organisations, syndicales puisque c’est leur raison d’être,

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d’activer des outils juridiques divers dans des juridictions territoriales différentes (à

l’instant de la plainte de l’ONG Sherpa) pour des motifs divers et bien plus accessibles.

3) des services : dans la majeure partie des drames, il y a des lois qui ne sont pas

respectées. Ces drames ne représentent qu’une infime pointe d’un immense iceberg

d’abus divers et variés et de violations de lois diverses. Dans un monde globalisé, le

droit est lui même soumis aux contraintes territoriales, mais le migrant ne l’est pas

autant puisqu’il possède généralement un pied dans un territoire et un autre pied dans

l’autre. Plus on quitte le domaine individuel pour le domaine collectif, plus la diversité

des droits et réglements augmente et plus les types de besoins augmentent. Toutefois,

il y a des situations qui, partant de cas individuels, bénéficient au groupe tout entier.

C’est le principe même du Droit évolutif qui, pour être respecté et appliqué, à besoin de

cas précis qui le définissent dans sa réalité. Si des migrants roumains illégaux

travaillant sur les chantiers sans aucunes protections ni assurances sociales avaient eu

la possibilité de faire valoir leurs cas devant des tribunaux dès le début des années

2000, la situation sur le plan du travail au noir serait aujourd’hui bien différente. Mais il y

a également des cas ou le collectif, anonyme, profite mieux aux situations extrêmes. La

plupart des migrants illégaux, exploités ou non, ne recourent pas au Droit car ils

perdraient leurs emplois précaires du fait de leur mise en lumière. C’est pour éviter ces

« retours de bâtons » que des actions collectives doivent être menées en jouant sur les

plans internationaux du Droit afin de pouvoir éviter cette victimisation des victimes qui

se traduit par une omertà totale. Les services doivent être donc très concrets et adaptés

aux situations, des services professionnels, techniquement réalisables, stratégiquement

réalisés et tactiquement intelligents.

4) une pression croisée: le succès des syndicats dans leur prime jeunesse tient à ce

qu’il étaient capable d’organiser des pressions politiques de manière croisée en

profitant des grands bouleversement du début du siècle: 1ère Guerre Mondiale,

Révolution Bolchévique et installation de l’Union Soviétique, décolonisation. Le monde

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aujourd’hui est assez semblable à celui dans lequel les syndicats ont obtenus leurs

premiers succès, mais ils conviendrait de mieux utiliser la globalisation à l’avantage des

Droits des travailleurs que de constamment – et idéologiquement – refuser une

tendance lourde qui de toute façon continuera à s’accélérer. Cela signifie notamment

que la solution d’un problème dans un pays A se trouve peut être dans un pays B ou C

et que c’est là qu’il conviendrait d’agir au mieux dans une optique de maximisation des

ressources.

Pour réaliser ces objectifs d’une amélioration drastique des conditions de travail des

travailleurs dans l’ensemble du monde et ainsi réduire certaines disparités qui créent

des appels de marchés, les organisations syndicales doivent se désincarner et se

globaliser. Si il apparaît utile qu’elles soient organisées sectoriellement, elles doivent

avoir la possibilité d’être partout et nulle part à la fois, uniquement au service d’une

population de travailleurs mondiaux qui se déplacent à leur guise sur la surface de notre

planète. Les syndicats sectorialisés et territorialisés sont condamnés à être toujours

plus inefficaces et à devenir des pourvoyeurs de rentes de situations pour idéologues à

la retraite.