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> BIOLOGIE De nouveaux traitements de la dépendance au cannabis EN DÉLÉGATION CENTRE POITOU-CHARENTES > MATÉRIAUX Les réfractaires et la conquête des hautes températures MICROSCOOP HORS-SÉRIE LE JOURNAL DU NUMÉRO 16 OCTOBRE 2007 CNRS > BIODIVERSITÉ La gestion de la pêche à pied sur l’ile d’Oléron > FÊTE DE LA SCIENCE Octobre 2007

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Page 1: MICROSCOOP HORS-SÉRIE CNRS LE JOURNAL DU EN …€¦ · La fête de la science, instaurée sous diverses appel-lations depuis 15 ans, ... (zones litto-rales, insulaires) mais aussi

> BIOLOGIEDe nouveaux traitements de la dépendance au cannabis

EN DÉLÉGATION CENTRE POITOU-CHARENTES

> MATÉRIAUXLes réfractaires et la conquête des hautes températures

MICROSCOOP HORS-SÉRIELE JOURNAL DU

NUMÉRO16

OCTOBRE2007

CNRS

> BIODIVERSITÉLa gestion de la pêche à piedsur l’ile d’Oléron

> FÊTE DE LA SCIENCEOctobre 2007

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Chaque année depuisla création de ce jour-nal, nous vous propo-sons, à l’occasion dela fête de la science,un numéro hors-série.Celui-ci rassemble dixneuf articles traitantde sujets pour laplupart très prochesdes préoccupations denotre société, reflétantl’activité menée dans

nos laboratoires de recherche, laboratoires quigardent pourtant aux yeux du public un aspectmystérieux.

Une fois encore, nous nous sommes attachés àprésenter la très grande diversité des domainesqui sont étudiés dans les laboratoires de la circons-cription. Une large part est accordée aux sciencesde la nature, environnement, biodiversité, biologiesanté, mais les sciences de la matière, liées auxproblèmes énergétiques et les sciences sociales,histoire et droit ne sont pas oubliées.

La fête de la science, instaurée sous diverses appel-lations depuis 15 ans, est pour les scientifiques letemps fort pour transmettre à divers publics lecontenu de leur activité de recherche, expliquerla démarche scientifique et avant tout établir le lienentre principes théoriques et applications concrè-tes rejoignant les préoccupations quotidiennes.En région, la fête de la science est organisée et coordonnée par les Centres de Culture ScientifiqueTechnique et Industrielle sous l’égide du déléguérégional à la recherche et à la technologie.

A Orléans, elle était jusqu’à présent portée alter-nativement par l’un des établissements BRGM,INRA, Université, CNRS. Lors de l’édition 2005,nous avons accueilli sur notre campus 13 000 visi-teurs en un week-end. En 2007, la formule change,ce sont le Muséum des sciences naturelles et leParc Pasteur, en centre ville, qui accueilleront uneprésentation de quelques activités de laboratoires

ainsi que diverses manifestations. A Tours, le« Village des sciences » sera cette année excep-tionnellement ouvert au public à la Faculté de Médecine. A Poitiers « Place aux sciences » auralieu Place du Maréchal Leclerc, comme tous lesdeux ans. Dans tous les cas, nos laboratoires parti-cipent activement.

La diffusion de la culture scientifique est un devoirpour les chercheurs ; elle est une des missions denotre organisme.En délégation Centre Poitou-Charentes, elle est l’unede nos préoccupations constantes, tout particuliè-rement orientée vers les jeunes au sein de nom-breux clubs actifs qui permettent, en partenariatavec les rectorats, les CCSTI et l’association desPetits Débrouillards, des rencontres de classes, delycéens avec des chercheurs, dans les établisse-ments ou dans les laboratoires. Par ailleurs, deséchanges avec des chercheurs et des visites de laboratoires sont organisés pour les enseignants deslycées.

Ce journal est également un outil précieux pouraborder, dans un langage accessible à tous, desquestions complexes, pourtant souvent prochesde nos préoccupations de citoyen ou d’individu.

Faire partager la connaissance au plus grandnombre, éveiller chez les jeunes le goût des scien-ces et de la recherche est un de nos objectifsmajeurs, je souhaite donc que cette édition 2007de la fête de la science remporte, comme les annéesprécédentes, un vif succès.

Josette ROGERDéléguée régionale

2/ EDITORIAL éditoHors-sérieMicroscoop

Numéro 16octobre 2007

CNRS DélégationCentre Poitou-Charentes

3E, Avenuede la Recherche scientifique

45071 ORLEANS Cedex 2Tél. : 02 38 25 52 01Fax : 02 38 69 70 31www.centre-poitou-

charentes.cnrs.frEmail :

[email protected]

Directeur de la publicationJosette Roger (CNRS)

Rédactrice de la publicationDanièle Le Roscouët-Zelwer

(CNRS)Secrétaire de la publication

Florence Royer (CNRS)

Ont participé à ce numéroAdrien Arles, Marie-FranceBarthe, Héléne Benedetti,François Bertrand, PascalBrault, Florence Caurant,Céline Clément-Chastel,

Armelle Combaud, PhilippeCompain, Isabelle Couillin,

Eric Darrouzet, EvelyneDequéant, Pierre Desgardin,

Denis Fichet, Jean-ClaudeJacquinet, Jean-MichelHenriot, Yann Locatelli,

Pascal Mermillod, JacquesPoirier, Laurent Robin,

Vincent Ridoux, LaurenceRocher, Lionel Simonot,

Marcello Solinas, Anne-LiseThomann, Cécile Vincent

Création graphiqueEnola Création

> 02 38 76 96 35

ImprimeurImprimerie Nouvelle

ISSN 1247-844X

Photo de couvertureNid de fourmis.

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SOMMAIRE /3Microscoop / Hors-Série Numéro 16 – octobre 2007

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EnvironnementLes territoires face aux impacts

du changement climatiqueLes sciences de la terre en 3D

BiodiversitéLes insectes architectes !

Mammifères marins des côtes françaisesLa gestion de la pêche à pied sur l’île d’Oléron

Les animaux polaires, sentinelles des changements climatiques

ChimieLa chondroïtine, molécule naturelle aux propriétés biologiques multiples

BiologieDe nouveaux traitements de la dépendance au cannabis

Une maladie génétique, la neurofibromatose 1L’asthme, une maladie en expansion !La sauvegarde des espèces menacées

par procréation assistée

MatériauxLes réfractaires et la conquête des hautes températures

La rugosité des surfaces trop souvent négligée !

EnergiesContribution de la recherche en combustion :

un enjeu pour la planèteLes plasmas, une nouvelle voie

vers les piles à combustibleLa fusion nucléaire, nouvelle fée électricité

Société Les juristes Prix Nobel

Histoire / ArchéologieL’expérimentation archéologique

Physique / PhysiologieLa lumière nous en fait voir

de toutes les couleurs !

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Le réchauffement de l’atmosphère terres-tre, lié à l’effet de serre additionnel d’ori-gine humaine (émissions de Gaz à Effetde Serre -GES- par les activités humai-nes provoquant une modification dusystème climatique), est un des problè-mes majeurs pour le XXIème siècle.

En matière d’aménagement de l’espaceet d’urbanisme, les changements clima-tiques soulèvent une multitude de ques-tions, qui ont trait à la réduction desémissions de GES d’origine anthropiqueliées aux modes de vie (alimentation,chauffage, mobilité, etc.) – eux-mêmesconditionnés par l’organisation du bâtiet les formes urbaines–, ainsi qu’à lagestion des impacts, déjà avérés ou àvenir, de ces changements climatiques(canicule, inondation, érosion côtière,changements des aires de répartition des

espèces animales et végétales, etc.).

Un projet de recherche est conduit ausein de l’équipe de recherche “PolitiquesPubliques et Territoires” du laboratoire“Cités Territoires Environnement” (CITERES – UMR 6173 CNRS/Univer-sité François Rabelais de Tours) par deschercheurs en aménagement et engéographie. Ce projet, intitulé “Le chan-gement climatique, révélateur des vulné-rabilités territoriales ?”, bénéficie dusoutien du Ministère de l’écologie et dudéveloppement durable dans le cadre duprogramme “Politiques territoriales etdéveloppement durable”.

Ce projet porte sur la prise en comptedes vulnérabilités liées au changementclimatique au niveau local, à partir detrois études de cas. A partir de la théma-

tique du changement climatique, il s’agitde réinterroger les approches sur lavulnérabilité des espaces et les inégali-tés territoriales. En effet, ce problèmed’envergure globale, est porteur deconséquences et d’impacts au niveaulocal. Or, ces manifestations locales deseffets du changement climatique sontà même de provoquer ou de renforcercertaines formes de vulnérabilité, et àce titre, les territoires présentent desdisparités. De par leurs configurationsnaturelles et géographiques (zones litto-rales, insulaires) mais aussi sociales etéconomiques (mono-activité industrielleou touristique), les territoires s’avèrentinégaux face aux conséquences du chan-gement climatique. D’autre part, lesmesures de “prévention” à même deréduire ce phénomène d’envergureglobale (limitation des émissions des gaz

LLeess tteerrrriittooiirreess ffaaccee aauuxx iimmppaaccttssdu changement climatique

Hors série > Microscoop / Numéro 16 – octobre 2007

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> Environnement

La question des changements climatiques déjà survenus et à venir, ainsi que ses nombreux impacts dans tous lessecteurs, des systèmes naturels aux activités humaines, ouvre une vaste thématique de recherche investie par laquasi-totalité des disciplines scientifiques, parmi lesquelles les sciences humaines et sociales.

Les blockhaus construitssur les dunes, au sud deLacanau, se trouvent au

milieu de la plage. Lacôte a reculé de 75 m

depuis la dernière guerre.

© CNRS Photothèque – Hélène HOWA

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à effet de serre) nécessitent des chan-gements au niveau local, et donc uneintégration du “problème climat” dansles politiques publiques locales.

Afin de disposer d’observations relevantd’espaces et d’enjeux variés, les memb-res de l’équipe de recherche ont menédes enquêtes de terrain auprès de collec-tivités locales situées en milieu urbain(Grand Lyon), en zone de montagne(Villard-de-Lans), et en zone littorale. Ilsse sont attachés à comprendre commentles acteurs locaux s’approprient et tradui-sent cet enjeu global en des mesuresterritorialisées. Ils oeuvrent à mettre enévidence quels secteurs d’activités ouquelles politiques publiques –sectoriel-les ou transversales–, quels programmesd’intervention ou de planification, quelsacteurs, organismes et institutions sontmobilisés dans l’intégration et la décli-

naison locale des enjeux liés au chan-gement climatique. Une attention parti-culière est portée au volet “adaptation”–qui consiste à s’adapter aux consé-quences avérées ou à venir des change-ments climatiques–, considéré commeune action de gestion des vulnérabili-tés territoriales. In fine, l’analyse desétudes de cas (les résultats sont atten-dus pour fin 2007) permettra d’identi-fier dans quelle mesure un territoiredirectement confronté aux impacts duchangement climatique tend à inscrirela question de l’adaptation à son agendapolitique.

Contacts : François [email protected] [email protected]

Le journal du CNRS en délégation Centre Poitou-Charentes

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>> Pour en savoir plus :http://www.territoires-rdd.net

© Jean-François SOUCHARD – www.imagesdeloire.fr

Cette succession d’images montre le recul du glacier du Pasterze(de haut en bas : 1875, 1895, 1921 et 2003).

Crue de la Loire.

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> Environnement

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La simulation d’éruptions volcaniquesLes magmas sont des agents essentielsde la dynamique de la Terre et des planè-tes du système solaire. Ils sont impli-qués dans une large gamme de proces-sus, comme la fusion mantellique et levolcanisme, la construction et l’évolu-tion de la croûte continentale, la cons-titution chimique de l’atmosphère. Enretour, les magmas jouent le rôle desonde des mécanismes d’évolution de laTerre et des planètes aux différenteséchelles. La dynamique des systèmes magma-tiques, de la constitution d’un réservoircrustal à l’éruption du magma ensurface, implique des processuschimiques et physiques extrêmementvariés. L’approche expérimentale de cesprocessus à l’ISTO, permet de travaillerdans les conditions naturelles de pres-sion, température et compositionchimique. En parallèle, la modélisationphysique (théorique et numérique)permet de projeter ces résultats expéri-mentaux sur des échelles naturelles ensimulant les interdépendances des para-

mètres régissant le système magma-tique. Ces simulations dynamiquespermettent un retour sans précédent surdes mesures classiques des produitséruptifs naturels (solides ou gazeux). Deplus, la modélisation physique aide àdéfinir de nouveaux paramètres expéri-mentaux, comme par exemple la vitessede déformation d’un magma. Au laboratoire, les activités expérimen-tales et de modélisation des magmasse concentrent sur deux types de chan-tiers principaux : d’une part, de l’étudedu fonctionnement des réservoirs

magmatiques et de la définition desconditions de stockage pré-éruptif desmagmas et, d’autre part, de l’étude dela dynamique éruptive qui s’intéresseaux conduits volcaniques et aux dômesde laves avec une attention particulièrepour les processus de dégazage. Lesapproches expérimentale et numériquesont appliquées au volcanisme encontexte de subduction, comme auxPetites Antilles sur le volcan en éruptionde Soufrière Hills à Montserrat. Les cher-cheurs de l’ISTO échantillonnent régu-lièrement des produits volcaniques natu-rels lors de missions sur le terrain. Lesdonnées expérimentales obtenues surces échantillons sont ainsi confrontéesaux caractères texturaux des produitsvolcaniques naturels, qui reflètent l’étatfinal de l’histoire éruptive. Ce retour d’ex-périence est essentiel pour la compré-hension d’éruptions de référence qui onteu lieu, ou qui sont en cours, sur desvolcans comme la Montagne Pelée, leVésuve et Soufrière Hills.Le recours aux techniques tridimen-sionnelles dans la simulation des proces-sus volcaniques est essentiel si l’on veutcaractériser correctement les transfertsde chaleur et de matière qui leurs sontassociés. Ainsi, simuler correctementle refroidissement d’un corps magma-

LLeess sscciieenncceess ddee llaa tteerrrree eenn 33DDLa simulation d’éruptions volcaniques et l’analyse et le traitement de pierres mise en oeuvre pour la conservation dupatrimoine bâti, sont des thèmes de recherche de l’Institut des Sciences de la Terre d’Orléans (ISTO – UMR 6113CNRS/Université d’Orléans), pour lesquels le recours aux techniques tridimensionnelles est d’importance centrale.

La ville du Plymouth, sur l’îlede Montserrat, dévastée en

1997 par l’éruption du volcanSoufrière Hills, toujours actifen 2007. Au premier plan se

trouve un mémorial de guerresitué sur la place centrale dela ville, maintenant enseveli

sous 3 m de rochesvolcaniques. En arrière plan, le

volcan dégaze un panache degaz continu. Photo prise lors

d’une campagne de terrain en2002 par A. Burgisser

Comprendre le dégazage magmatiquelors d’une éruption : des expériences de

décompression permettent dedéterminer la perméabilité magmatique(droite). Le dégazage en système ouvert

et la transition effusif-explosif sontabordés avec un modèle numérique

d’ascension magmatique (centre). Deslois de solubilité des volatils

déterminées expérimentalement serventde base pour la modélisation

thermodynamique du dégazage dusystème S-O-H-C (gauche). L’ensemble

des données permet de simuler lesvariations de la composition et du débitdes gaz dans les panaches volcaniques.

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tique en profondeur suppose une priseen compte rigoureuse de la géométrietridimensionelle du corps intrusif,géométrie qui conditionne en grandepartie l’efficacité avec laquelle unsystème géologique donné perd sachaleur. De la même manière, en ce quiconcerne les transferts de matière, onsait aujourd’hui que le dynamisme volca-nique d’une éruption (explosif ou effu-sif) dépend fortement de la capacité dusystème à perdre ou à garder seséléments volatils (H2O, CO2, espècessoufrées et halogénées). Cette capacitéde transfert dépend à son tour des carac-tères texturaux macroscopiques (poro-sité, perméabilité) du magma et de sonencaissant. L’étude par microtomogra-phie X, technique d’imagerie 3D, desroches volcaniques et des produits d’ex-périences de laboratoire apporte descontraintes indispensables à la défini-tion des propriétés de transfert qui sontà leur tour vitales pour une simulationphysico-chimique rigoureuse des émana-tions de gaz associées aux éruptionsvolcaniques. Au delà de l’intérêt acadé-mique de l’étude des volcans, il estimportant de noter que modéliser correc-tement le fonctionnement des systèmesvolcaniques a des implications sociéta-les importantes. Cette approche en effetcontribue de façon décisive à unemeilleure définition du risque associéaux éruptions des volcans localisés dansdes zones à haute densité démogra-phique (ex : détermination de la longé-vité des volcans actifs, caractérisationdes signaux précurseurs des éruptionscomme la chimie des gaz volcaniques)ainsi qu’à une meilleure évaluation del’impact de l’activité volcanique sur lachimie de l’ atmosphère des planètestelluriques.

Analyse et le traitement de pierresmises en oeuvreL’intérêt de la connaissance des proprié-tés tridimensionelles des matériauxgéologiques ne se limite pas uniquementà la modélisation des processus géolo-giques stricto sensu. Ainsi, la plupart desmonuments historiques sont construitsà partir de matériaux géologiques qui

subissent eux-mêmes, une fois extraitsde leur environnement naturel, des agres-sions diverses et variées (physique,chimique et biologique), qui peuventfortement dégrader le patrimoine bâti,pouvant, à terme, aboutir à sa destruc-tion. Cette dégradation est le résultat,entre autres, de la percolation de flui-des/gaz au sein de la roche saine, perco-lations qui par leurs effets physiques etchimiques modifient le matériau etnotamment ses propriétés mécaniques.Les monuments historiques, tels quechâteaux, maisons, statues et autresouvrages d’arts en pierres, participentgrandement au tourisme en France et,de ce fait, en plus de leurs valeurs histo-riques et architecturales, sont au cœurd’un enjeu économique très important.C’est pour cela que de nombreux archi-tectes, restaurateurs et scientifiquesmettent en commun leurs efforts pourtenter de préserver ce patrimoine.Dans ce contexte, l’un des buts destravaux de recherche menés au sein del’ISTO est de comprendre les mécanis-mes d’altération des pierres. L’objectifest non seulement d’identifier desmoyens pour éviter ces altérations ou dumoins les ralentir, mais aussi de trouverdes solutions techniques de restaurationdurable. Pour cela, le tuffeau, pierrecalcaire de prédilection de la vallée dela Loire en aval d’Orléans a été priscomme pierre modèle.Une des étapes essentielles du travailde recherche dans la compréhension desphénomènes d’altération consiste en lacaractérisation des pierres saines extrai-tes de carrière et des pierres altéréesprélevées sur site. Cette caractérisation,à la fois minéralogique, chimique etphysique, s’effectue à l’aide de tech-niques de laboratoires « classiques »(spectroscopie infrarouge, ICP, diffrac-tion des rayons X, etc…). La microto-mographie X, également utilisée, permetde révéler toute la complexité de cematériau en 3 dimensions. Les imagessont acquises sur des synchrotrons (tell’ESRF de Grenoble ou le SLS en Suisseet dans un futur proche « Soleil » à Orsay)qui permettent de visualiser la pierreavec une très grande résolution (infé-

rieure au micromètre). L’analyse de cesimages permet une caractérisation finedes pierres saines (de carrière) et alté-rées (sur site).De même que pour l’étude des systèmesmagmatiques, une étape primordiale dutravail concerne l’étude à proprementparler des transferts de fluides (eauliquide et gazeuse) au sein du géoma-tériau. Des expériences de laboratoirepermettent de caractériser macroscopi-quement ces propriétés (imbibition,perméabilité, diffusion gazeuse …). Unedifficulté intervient lorsque l’on essayede relier les caractéristiques microsco-piques déterminées lors de la premièreétape (microtomographie et imagerie)avec ces propriétés macroscopiques. Unmoyen de le faire est de simulernumériquement le transfert defluide à partir des reconstructionstomographiques et ainsi passerd’une échelle microscopique àune échelle macroscopique. Cettedernière étape de simulation esten cours et devra intégrer, àterme, les principaux processuschimiques constatés expérimen-talement au sein des pierres.

D’autres thématiques de l’ISTOfont également appel à ces techniquestridimensionnelles de simulations etnotamment la caractérisation et la modé-lisation de la porosité des sols ou encorela déformation de la croûte continentaledans les chaînes de montagne

Contacts : Alain BURGISSER, [email protected] ROZENBAUM, [email protected] Louis ROUET, [email protected] [email protected]

Le journal du CNRS en délégation Centre Poitou-Charentes

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Altération en plaque surl’église Saint Donatien àOrléans avant restauration(photo O.Rozenbaum).

Visualisation tridimensionnelled’un échantillon de tuffeaualtéré. Les niveaux de grispermettent de distinguer lesdifférents constituants : grisclair : calcite ; gris foncé :silice ; noir : porosité (PhotoSLS, O. Rozenbaum).

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> Biodiversité

Le monde des insectes ne laisse pasindifférent ; soit on éprouve à son égardun sentiment de répulsion ou de peur,soit au contraire une fascination qui peutêtre sans bornes. Dans la vie de tousles jours, nous sommes fréquemmentconfrontés à la présence des insectes.Qui n’a pas été importuné par une guêpeou des fourmis lors d’un pique-nique enété ? Ces petits désagréments ne doiventpas occulter les nombreux intérêts queprésentent les insectes tels que la polli-nisation de nombreuses plantes, laproduction de composés alimentairescomme le miel, etc. A l’instar de tousles êtres vivants, les insectes interagis-sent avec leur environnement. Ils y

puisent les ressources (nutriments,matériaux) nécessaires à leur dévelop-pement et leur survie et y rejettent lesdéchets résultant de leur métabolisme.De par ces échanges, ils peuvent modi-fier de manière plus ou moins impor-tante leur environnement. De ce fait,certains insectes ont une place de choixdans notre histoire et notre imaginaire,il s’agit des insectes organisés en socié-tés, tels que les abeilles, les fourmis,les guêpes, les frelons ou les termites.

Localisation des nidsLes insectes sociaux peuvent construireleur nid sous la surface du sol (cons-tructions dites hypogées), sur le sol

Les insectes sont capables d’élaborer collectivement des nids d’uneextraordinaire complexité. On peut parler de véritables architectes au vu dela variabilité de forme de leurs constructions, des matériaux employés oudes éléments architecturaux qu’ils ont développée pour s’adapter à leurenvironnement. Parmi leurs diverses activités, leur capacité de constructionest fascinante.

LLeess iinnsseecctteess aarrcchhiitteecctteess !!

Certaines fourmis, enconstruisant leurs nids

arboricoles, y ajoutent desgraines qui germeront et

donneront des plantules. Onparle de jardin de fourmis, icide Camponotus femoratus en

Guyane (photographie J.Orivel, France).

La fourmi Pogonomyrmex badius en Floride construit des nids comprenantplusieurs tunnels et chambres souterraines et pouvant descendre à plus

de 2 m de profondeur (moulage du nid et photographie réaliséspar W. Tschinkel, Etats-Unis).

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Les parois des cordonnets construits par le termite Reticulitermes grassei (France)sont constituées par des particules de terre cimentées avec des sécrétions salivaires(photographie E. Darrouzet, France).

Les termitières champignons en Afrique sont fabriquées à l’aide de terre cimentéeavec des sécrétions salivaires (photographie A. Lenoir, France). La structure enparapluie protège le nid des précipitations.

En Australie, il existe des champs de termitières dites “magnétiques” qui sontréalisées en terre par Amitermes meridionalis. Ces termitières sont orientées surun axe Nord-Sud. Elles sont épaisses de quelques centimètres pour 2-4 m dehauteur et 1-2 m de longueur (photographie P. Jacklyn, Australie).

(épigées) ou à distance du sol (nids arbo-ricoles). Chaque espèce peut construireson nid dans l’un ou l’autre de cesniveaux, voire dans deux niveaux. Quelleque soit leur localisation, les nidsprésentent une importante diversité detaille et d’aspect. La taille d’un nidsouterrain ou épigé varie de quelquescentimètres à plusieurs mètres. Certainsnids épigés se prolongent par une partiehypogée très complexe. La nature desmatériaux constituant les nids est aussivariable : amoncellement de brindilles,agglomérat de terre, etc. pour les nidsépigés ; carton, terre ou excréments pourles nids arboricoles.

Une variabilité d’aspect : exemple des termitièresLes nids construits par les différentesespèces de termites présentent unediversité d’aspect et de taille très impor-tante (de quelques centimètres jusqu’à7 mètres). Certains termites construi-sent des structures relativement simplescomme des tunnels alors que d’autresréalisent des structures imposantes ettrès élaborées. Les espèces européen-nes ne construisent pas à proprementparler de nids ; les termites vivent dansla terre où ils creusent des galeries.Cependant, au dehors de la terre, ilspeuvent élaborer des galeries tunnelsou « cordonnets » pour rejoindre leursdifférentes sources de nourriture. D’au-tres espèces réalisent des structuresde forme beaucoup plus élaborée quiparfois atteignent des tailles impres-sionnantes représentant les construc-tions d’insectes les plus imposantesconnues. Les termitières peuvent êtresisolées ou alors regroupées dans de véri-tables champs faisant penser à desalignements de menhirs.

Rôles et fonctions des nids : exemple du nid de guêpeChez les Hyménoptères comme lesguêpes et les frelons, une jeune reineaprès avoir quitté le nid où elle est née,hiverne dans un endroit protégé. Au prin-temps, elle part à la recherche d’unemplacement pour fonder sa proprecolonie. Après avoir choisi l’endroit, ellecommence à construire son futur nid.A cette fin, elle collecte des fibres debois en décomposition qu’elle malaxeavec sa salive pour fabriquer un maté-riau semblable au papier. Elle construitentre 10 et 20 cellules ou alvéoles etpond un œuf dans chacune d’entre elles.Après éclosion, les larves sont nourriespar leur mère avec une bouillie à based’insectes qu’elle a chassés. Ces larvesdonnent des ouvrières qui se chargeront

Le journal du CNRS en délégation Centre Poitou-Charentes

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>> Pour en savoir plus :http://labo.univ-poitiers.fr/craynet/

En Australie, les termites Nasutitermes triodiaeconstruisent des termitières cathédrales (en raison deleur forme et de leur taille) qui dépassent 6 mètres dehaut (photographie de B. Hoffmann, Australie).

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Hors série > Microscoop / Numéro 16 – octobre 2007

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> Biodiversité

ensuite de l’agrandissement du nid, dela chasse et du soin au couvain permet-tant ainsi à la reine de se consacrerexclusivement à la ponte. Le rôle dechaque cellule est de permettre le déve-loppement d’un individu. Avant ladernière mue conduisant au stadeadulte, la larve clôt sa cellule par unopercule en sécrétant une sorte de soie.Après émergence, l’adulte quitte sonalvéole et cette dernière pourra êtreréutilisée pour une autre ponte. Le nidest entouré d’une enveloppe constituéede plusieurs couches d’un matériausemblable à du papier permettant laprotection thermique et hygrométriquedu nid. Selon les espèces, une ouplusieurs ouvertures permettent auxouvrières d’entrer et de sortir du nid pourvaquer à leurs occupations, comme l’ap-port de nourritures à la colonie et dematériaux pour agrandir le nid. Lesouvrières vont agrandir le nid à partirdes premières alvéoles construites parleur mère. Elles rajoutent de nouvellescellules constituant ainsi un rayon plat,c’est-à-dire une sorte de galette. Lediamètre de la galette augmente et lesouvrières en construisent un second endessous. Les deux galettes sont reliéespar des piliers. Au cours du temps, lataille du nid augmente tant en diamè-tre par adjonction de nouvelles cellules

sur le pourtour des galettes, qu’enlongueur par ajout de nouvelles galet-tes. Selon l’espèce bâtisseuse, les galet-tes peuvent êtres totalement ou non soli-daires de l’enveloppe.

Les nids de guêpes géantsAux États-Unis, les nids d’une guêpecommune, Vespula squamosa, nedépassent pas d’ordinaire la taille d’unballon de basket, sauf dans le Sud dela Floride où un nid de 2 m de haut etde près de 1,2 m de diamètre a étéobservé en 2001. Depuis 1950, au nordde cet état, des nids de grande taille ontété observés de manière sporadique.Cependant, en juillet 2006, environ 80nids géants ont été signalés en Alabama.D’autres observations inhabituelles ont

aussi été réalisées, comme le dévelop-pement de nids satellites autour du nidgéant principal ou de nids souterrainss’élevant également à la surface du sol.Comme sous nos latitudes, les coloniesde guêpes sont normalement annuelles,elles disparaissent en hiver. Les colo-nies géantes observées auraient pourleur part perduré d’une année sur l’au-tre grâce aux conditions clémentes del’hiver 2005. Les nids n’auraient pasété détruits par les pluies et, de plus,les insectes auraient trouvé plus facile-ment des sources de nourriture durantla mauvaise saison. Un nid classiquecontient une reine et 2 000 à 3 000ouvrières, alors que les nids géantsrenferment plusieurs dizaines de reineset plus de 100 000 ouvrières ! Chaque

Dans un nid de Vespula vulgaris (1), les ouvrières peuvent se déplacer autour des rayons, un espace lesséparant de l’enveloppe (don du nid J.P. Chartier, photographie E. Darrouzet, France). Dans le cas d’un nidde Chartergues (Chartergus chartarius)

Les guêpes Vespulasquamosa peuventconstruire des nids

« géants » sur le solcomme ici en Alabama, ce

qui est très inhabituel(photographie C. Ray,

Etats-Unis).

(2) les rayons sont accrochés à l’enveloppe ; cependant au centre dechaque rayon existe une ouverture permettant aux ouvrières de sedéplacer dans l’ensemble de la structure (collection du MNHN,photographie E. Darrouzet et D. Brévière, France).

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reine produit des descendants en quan-tité, d’où la forte augmentation de lataille du nid. On peut s’interroger surl’implication des changements clima-tiques sur l’apparition de ces nidsgéants.

Les nids fossilesDans les dépôts sédimentaires, il estpossible de trouver des fossiles qui nesont pas des animaux mais des tracesfossiles de leurs activités, on parle alorsd’ichnofossiles. En particulier, certainsichnofossiles sont des nids d’insectessociaux pouvant remonter à 200 millionsd’années. Même si on ne retrouve pasd’insectes fossiles, la morphologie deces structures peut nous renseigner surle genre de l’insecte bâtisseur en la

comparant à celle de nids actuels,quand ceux-ci existent . Des nids dedivers Hyménoptères et Isoptères ontainsi été décrits dans la littérature scien-tifique ; pour certains les insectes bâtis-seurs n’ont pas pu être identifiés.

Les utilisations des nidsLes nids peuvent êtres utilisés pour demultiples applications. La plus connueest la structure en nid d’abeille qui acomme propriétés avantageuses d’êtrelégère, résistante et rigide. De part cespropriétés, on retrouve des panneaux ennid d’abeille dans de très nombreuxsecteurs, comme la constructiond’avions, de satellites, de véhicules utili-taires, de trains, de bateaux, etc. Commesecond exemple, citons le système de

climatisation passive développé par lestermites contrôlant ainsi finement latempérature au sein du nid. Ce systèmea été appliqué dans certains bâtimentsqui économisent ainsi 90% d’énergiepar rapport à un bâtiment classique.Enfin, les termitières peuvent aussi êtresutilisées en médecine traditionnelle,dans l’amendement des terres agrico-les, etc.

A partir de fin 2007, une expositionitinérante destinée au grand public vaprésenter la variété et la complexité desnids construits par les sociétés d’in-sectes et ce que l’être humain peut enapprendre. Cette exposition sera compo-sée de panneaux avec de nombreusesphotographies et textes explicatifs agré-mentés de nids réels, de maquettes etde vidéos. Parmi les différents sites d’ex-position prévus, on peut citer l’Univer-sité de Tours pour la fête de la Scienceet le Muséum d’Histoire Naturelle deTours dès mai 2008.

Contact : Eric [email protected] de Recherche sur la Biologie de l’Insecte (IRBI –UMR 6035 CNRS/Université François Rabelais de Tours)

Le journal du CNRS en délégation Centre Poitou-Charentes

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Une carcasse de voiture stockée sous un hangar en Alabama a été presqueentièrement remplie par un nid de guêpe Vespula squamosa. Des nids satellites sontapparus à proximité sur les piliers du hangar (photographie C. Ray, Etats-Unis).

Détail des alvéoles d’un nid de frelon Vespa crabrocontenant chacune un œuf (photographie E.Darrouzet, France).

Termitière fossile (Tchad, 3 à8 millions d’années) attribuéeà des termiteschampignonnistes du genreMacrotermitinae. Les boulespourraient êtres des meules àchampignons (chambres oùles champignons sont cultivéspar les ouvriers). Le réseau detunnels peut faire plus de 60mètres de long (photographieP. Duringer, France).

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> Biodiversité

Hors série > Microscoop / Numéro 16 – octobre 2007

MMaammmmiiffèèrreess mmaarriinnssddeess ccôôtteess ffrraannççaaiisseess ::recherche, observatoire et expertise à La RochelleLes motivations principales des travaux sur les mammifères marins en France sont liées à la demande sociétalerelative à la gestion durable des activités humaines en mer et à la conservation de ces espèces.

La France héberge dans sa Zone Écono-mique Exclusive environ la moitié de labiodiversité mondiale de mammifèresmarins, ce qui place au premier plansa responsabilité en matière de connais-sance et de conservation de ces espè-ces. Une grande part de cette diversitéest liée à la variété biogéographique deses territoires d’outre-mer ; néanmoinsles eaux entourant le territoire métro-politain sont également d’importanceeuropéenne primordiale en matière dediversité et d’abondance de cétacés et,dans une moindre mesure, de phoques.

Depuis les années soixante-dix, le droitnational, et, plus récemment, les texteseuropéens fixent le cadre de protectiondes mammifères marins et exprimentainsi clairement une des demandes de

la société en matière de gestion dura-ble des habitats et des ressources mari-nes. Historiquement les premiers textesprévoyaient essentiellement l’interdic-tion de l’exploitation, de la destructionou des prélèvements volontaires de cesanimaux dans la nature et n’incluaientaucune disposition permettant d’éva-luer les effets de ces mesures. Aujour-d’hui, il s’agit de concilier le maintiend’espèces protégées dans des écosys-tèmes exploités, dans le cadre du déve-loppement durable des activités humai-nes en mer. Ces activités ont uneimportance socio-économique grandis-sante et l’intégration d’objectifs deconservation de l’environnement dansleur gestion requiert des connaissancesscientifiques toujours plus élaborées.

Les études scientifiques permettentd’évaluer les états de conservation despopulations et des habitats, d’identifierles processus par lesquels des interac-tions peuvent se développer avec desactivités humaines et aussi de prédireles effets des différentes stratégies degestion envisagées dans le but de formu-ler des recommandations. Enfin, l’éva-luation régulière des états de conserva-tion permet d’ajuster les stratégies deconservation retenues sur la base de lamesure de leurs effets réels.

En associant leurs expériences et leursapproches, le Centre de Recherche surles Ecosystèmes Littoraux Anthropisés(CRELA, UMR 6217-CNRS/Ifremer/Université de La Rochelle) et le Centrede Recherche sur les Mammifères

L’utilisation de traceurs métalliques commele cadmium chez le dauphin commun apermis de mettre en évidence des tauxd’accumulation différents entre lespopulations des habitats océaniques(carrés noirs) et celles des habitatsnéritiques issues soit des échouages (croix)soit des captures accidentelles (carrésblancs). Ces taux correspondent à desdifférences permanentes d’exposition à cemétal par voie alimentaire (projet européenBIOCET). Cette structure sub-spécifiquesuggère que les individus vivant de part etd’autre du talus continental pourraientconstituer deux entités démographiquesdistinctes.

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Le journal du CNRS en délégation Centre Poitou-Charentes

Marins (CRMM, Observatoire du Litto-ral et de l’Environnement, Université deLa Rochelle), ont clairement positionnéleurs activités de recherche sur lesmammifères marins dans la perspectiveappliquée du développement durable etde l’assistance scientifique aux poli-tiques publiques de conservation de cesespèces, en conciliant observatoire,recherche et expertise.

La mesure de l’état de conservation despopulations de mammifères marins etde leurs habitats repose sur un petitnombre d’indicateurs simples à énon-cer mais souvent difficiles à documen-ter : l’identification des structures depopulations en présence, l’estimationde leurs abondances et la compréhen-sion de leurs aires de distribution. Dansle domaine de la compréhension desprocessus, l’accent est mis sur les rela-

tions trophiques aux échelles de l’indi-vidu à l’écosystème. Il s’agit d’identifierles ressources alimentaires principaleset les ajustements possibles des stra-tégies d’exploitation des habitats en rela-tion avec la distribution et la disponibi-lité des proies ; les interactionstrophiques ou opérationnelles avec lespêcheries sont aussi considérées. Enmatière d’expertise, le groupe s’inves-tit aux côtés des agences gestionnairesde l’environnement marin à différentsniveaux, depuis l’échelle opérationnellelocale jusqu’à la participation aux délé-gations qui représentent l’Etat dans desorganisations intergouvernementalescomme la Commission Baleinière Inter-nationale.

Ainsi, les recherches fondamentales enécologie des mammifères marins, lesdonnées d’observatoire sur l’état de

conservation des populations et laformulation de conseils aux agencespubliques sont conçues comme unensemble cohérent destiné à répondreau mieux à la demande de la société.

Contacts :Florence [email protected]écile [email protected] [email protected]

La présence d’observateursde mammifères marins surles campagnes dedétermination des stocks depetits pélagiques(campagnes PELGAS, Ifremer)a permis de mettre enévidence un partage desressources et des habitatsentre les deux principalesespèces de delphinidés dugolfe de Gascogne, ledauphin commun (en rouge)et le grand dauphin (en bleu).Ces informations sontcapitales pour lamodélisation pertinente duréseau trophique pélagique,mais aussi pour ladétermination des habitatscritiques de ces espèces.

Les phoques veaux-marins de la baiedu Mont Saint-Michel, positionnés pardes GPS dont les informations étaient

transmises par téléphonie GSM,(collaboration avec le Sea MammalResearch Unit, Université de SaintAndrews, Ecosse) ont montré des

domaines vitaux très restreints pourdes prédateurs supérieurs de cettetaille. La définition d’aires marines

protégées est donc particulièrementindiquée pour la protection de cette

espèce, inscrite en annexe II de laDirective Habitats. Cette carte

présente la densité d’utilisation del’espace terrestre (en vert et rouge, du

moins au plus densément utilisé)superposée à celle d’utilisation de

l’espace marin (en bleu) par 5phoques en 2006.

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Au regard de son patrimoine maritimeet du rôle que joue le tourisme dans sondéveloppement, le département de laCharente Maritime (2ème après le Var avec29 416 000 nuitées en 2006 et 15,8 %de progression entre 2001 et 2005),et plus encore les îles de l’archipel desPertuis (Ré, Oléron, Aix, Madame), cons-tituent un terrain d’investigation inté-ressant pour aborder la problématiquede la gestion durable des territoires.

L’île d’Oléron subit aujourd’hui de fortespressions anthropiques : urbanisationrapide, flambée des prix du foncier etde l’immobilier, difficultés de circula-tion, dégradation des paysages. Les diffi-cultés que cette situation a fait émer-ger ont été à l’origine de la mise enœuvre en 2005 d’un projet expérimen-tal de Gestion intégrée des zones côtiè-res (GIZC) qui traduit bien l’affirmationd’une volonté de gestion durable du

développement. Plusieurs faits témoi-gnent de l’émergence d’une réflexionsur la nécessité de contrôler et/ou d’en-cadrer les flux et les activités de tourismeet de loisir. Dans ce cadre là, l’élabora-tion d’un Plan Plage oléronais, qui viseà attribuer à chaque site une vocationdéterminée dans le but d’équilibrer lafréquentation, en donne une excellenteillustration.

Une gestion durable des ressourcesLa pêche à pied récréative occupe uneposition centrale dans les stratégies dedéveloppement local. C’est en effet uneactivité importante de l’identité du terri-toire et l’une des raisons de son attrac-tivité (tourisme et loisirs, pratiques rési-dentielles). Elle participe à l’offre globalede services de trois manières : commeactivité appréciée et recherchée ; parl’espace de liberté que représente l’es-tran ; et par le lien qu’elle permet à

l’homme d’entretenir avec la “nature”en tant que pêcheur-cueilleur.Cependant, une pression de pêcheélevée associée à de mauvaisespratiques peut être à l’origine de ladégradation du milieu intertidal, de lararéfaction de la ressource – qui peutêtre identifiée à une perte patrimoniale(biodiversité) – et d’une perte d’attrac-tivité du territoire. Dans cette situation,deux évolutions sont à redouter : l’émer-gence de conflits d’intérêt et d’usageentre les acteurs (développement/préser-vation) et/ou entre les usagers(locaux/touristes, professionnels/amateurs) ; ou le maintien d’une situa-tion d’exploitation intensive et non régu-lée de la ressource qui engendrerait àterme sa dégradation irréversible.Dans ce cadre, à travers une démarchetransdisciplinaire (écologues/géographes)et pluri-partenariale (scientifiques,gestionnaires (Pays Marennes Oléron)et ONG (IODDE - Ile d’Oléron Dévelop-pement Durable et Environnement) uneétude a été proposée, visant à contribuerà la gestion intégrée et durable desressources marines de l’île d’Oléron,soumises à une pression anthropique àla fois forte et multiforme (amateurs/professionnels, autochtones/allochtones).

Une analyse fine du milieuL’objectif de cette étude est double :

approfondir les connaissances exis-tantes sur le milieu, les pratiques et lesystème de gestion ;

s’appuyer sur le projet expérimentalde gestion intégrée du Pays MarennesOléron pour mettre en ouvre une actionde restauration du milieu et une poli-tique d’éducation des pratiquants dela pêche à pied. L’amélioration de la

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> Biodiversité

LLaa ggeessttiioonn ddee llaa ppêêcchhee àà ppiieeddsur l’île d’OléronEn Charente Maritime, l’île d’Oléron constitue l’un des lieux privilégiés pour étudier le système littoral, c’est à direles relations complexes qui existent entre le milieu, et en particulier les ressources marines, la société et le systèmede gestion.

© J.B. BONNIN – IODDE

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connaissance du système ressource/usage et la mise en ouvre d’un plan degestion concertée et intégrée du milieuapparaissent aujourd’hui comme deuximpératifs indissociables.

Les conditions spatio-temporellesd’exercice de la pêche à pied de l’étrille–ponctuelle et précisément localisée –en font une pratique clé, d’une part,pour mesurer la pression anthropiquesur la ressource, et d’autre part, pourexpérimenter la mise en œuvre de solu-tions de restauration. À ce titre, lesestrans rocheux font réellement figurede laboratoire naturel.

Cette étude consiste d’abord en uneanalyse fine du milieu (état écologique,structure, fonction), des pratiques deloisir (pêche à pied et autres usages dulittoral) et du système de gestion (iden-tification des catégories d’acteurs, desjeux d’acteurs et de leur implicationdans les questions relatives à la gestionde l’environnement). Cette premièrephase d’état des lieux débouchera surla mise au point d’indicateurs d’état

écologique, de pression anthropique etde bonnes pratiques de pêche, et surl’évaluation de deux facteurs connexes,la valeur socioculturelle de la pratiquede pêche à pied et les contraintes d’ac-teurs telles qu’elles peuvent être iden-tifiées dans une perspective de gestionintégrée (intégration, conflits d’intérêt,responsabilisation, prise de consciencedes usagers…).

La mobilisation des acteurs locauxÀ partir de cette phase de diagnostic,ce projet propose deux démarches expé-rimentales complémentaires qui concer-nent, pour l’une, l’écosystème (substratsdurs qui constituent le support de lapêche à l’étrille), et pour l’autre, lesystème d’acteurs (usagers et gestion-naires). La première consistera à dres-ser l’état écologique du milieu, la capa-cité de résilience des populations et desbiocénoses, ainsi que leurs réponses àdeux types d’interventions, d’une part,l’atténuation et l’encadrement des prélè-vements, et d’autre part, la suppressionde la pêche. La seconde aura pour objetd’évaluer la mise en ouvre d’une action

concrète de Gestion intégrée de la zonecôtière (GIZC), en ceci que le réseau desacteurs locaux sera mobilisé dans l’iden-tification et la mise en ouvre des solu-tions de gestion durable de la ressource.Ce projet présente ainsi un double inté-rêt, méthodologique (démarche géné-rale, mise au point d’indicateurs perti-nents, de protocoles d’expérimentationécologique, d’un guide d’entretienauprès des acteurs, d’une méthodolo-gie d’évaluation et de suivi du proces-sus naissant de GIZC) et pratique (élabo-ration d’un SIG au service du PaysMarennes Oléron, participation à la miseen place de la signalétique Activitéscôtières du Plan plage, mobilisation d’unréseau d’acteurs, création d’un effetexpérience GIZC). Conçu pour répondreà la demande des acteurs locaux (asso-ciation IODDE et Pays), il vise, au-delàde son intérêt local, à servir les intérêtsde la collectivité et à participer auxefforts actuels de développement et destructuration des réseaux de GIZCconformément aux actions entreprisesdans le cadre de programmes commeENCORA et SPICOSA. Il se situe danscette optique à l’interface science etgestion.

Contact :Denis [email protected] de Recherches sur les Ecosystèmes LittorauxAnthropisés (CRELA – UMR 6217 CNRS/IFREMER/Univer-sité de la La Rochelle)

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Le journal du CNRS en délégation Centre Poitou-Charentes

Etrille

© J.B. BONNIN – IODDE

© David BORG

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Les six chercheurs de l’équipe Préda-teurs marins dirigés par Henri Weimers-kirch, travaillent depuis de longues

années sur ces milieux et y ont acquisdes compétences uniques reconnues surle plan international. Ces travaux sontmenés dans le cadre de programmessoutenus par l’Institut polaire françaisPaul Emile Victor (IPEV) en Antarctique(Terre Adélie), dans les îles subantarc-tiques (Iles Amsterdam, Crozet, Kergue-len) et en Arctique (Spitzberg).

L’axe central du travail de l’équipe estde comprendre comment les change-ments climatiques affectent les écosys-tèmes polaires via l’étude des oiseaux

et mammifères marins. L’approche estrésolument pluridisciplinaire et intègrele baguage, les dénombrements depopulations ainsi que la dynamique despopulations, l’océanographie, les tech-nologies de suivi des animaux et la mesurede certains paramètres physiologiquestels que les hormones. L’équipe déve-loppe quatre axes complémentaires :

Les réponses des populations deprédateurs marins aux variationsclimatiques Le CEBC conduit un observatoire à long

Au Centre d’Études Biologiques de Chizé, UPR 1934 du CNRS, les scientifiques mènent des recherches sur l’écologieet l’évolution des animaux sauvages –oiseaux, mammifères et reptiles- dans des milieux naturels et modifiés.Parmi trois équipes, une s’intéresse aux contrées lointaines que sont les pôles. A l’occasion de l’Année PolaireInternationale (mars 2007- mars 2009) ses travaux sont mis en lumière notamment grâce à Argonimaux, uneimportante opération pédagogique réalisée en partenariat avec le Service Culture Spatiale du CNES. Son but :faire découvrir de manière interactive un programme scientifique interdisciplinaire et sensibiliser aux enjeux dela recherche en milieu polaire.

LLeess aanniimmaauuxx ppoollaaiirreess,,sentinelles des changements climatiques

Terre Adélie, Antarctique. Des manchots Adélie de retour d’un voyage en mer. Du faitde leur situation au sommet des chaînes alimentaires et de leurs déplacementsdans les trois dimensions de l’espace marin, les animaux polaires sont les élémentsles plus accessibles d’écosystèmes très difficiles à étudier.

Les manchots sont d’habilesnageurs suivis dans

Argonimaux.

Pose d’une balise Argos sur un manchot royal. L’utilisation de la télémétrie apermis de révéler les formidables plongées des manchots qui traquentpoissons, calmar et krill à plusieurs centaines de mètres sous la surface del’océan austral.

© Charles-André Bost© Yves Cherel

© Henri Weimerskirch

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terme de la démographie de différen-tes espèces d’oiseaux et mammifèresmarins. Cette base de données uniquefournit depuis près de 50 ans des infor-mations très détaillées sur l’âge, la repro-duction, la survie de plusieurs dizainesde milliers d’individus bagués oumarqués et permet ainsi d’étudier lesréponses des prédateurs marins auxchangements climatiques. Il a ainsi étépossible de mettre en évidence la sensi-bilité des populations aux variationsinter-annuelles des conditions de l’en-vironnement océanographique et l’in-terdépendance de certaines espèces àla diminution, sur le long-terme, decertains habitats comme la banquisehivernale. Cet observatoire éclaire surles évolutions parfois spectaculaires decertains écosystèmes de l’Océan Australet permet de formuler des prédictionssur l’impact des évolutions futures duclimat. Ainsi des modélisations incluantune augmentation de la fréquence desévènements climatiques chauds prédi-sent la disparition de la population demanchots empereurs de Terre Adélied’ici 50 ans.

Les prédateurs marins : bio-indicateurset plates-formes d’investigation enocéanographie physiquePionnière dans le suivi des déplace-ments des albatros, cette équipe du

CEBC s’est spécialisée, depuis la fin desannées 80, dans le suivi en mer d’ani-maux polaires grâce à l’utilisation debalises Argos, de GPS et d’enregistreursd’activité. Les informations obtenuespermettent d’identifier les habitats océa-nographiques, les zones de pêche clésde ces prédateurs et les ressources dontils dépendent. En intégrant les varia-tions à court ou à long-terme des condi-tions océanographiques (températurede l’océan, chlorophylle, étendue de laglace de mer mesurées par les satelli-tes), il est alors possible d’interpréterles changements démographiques cons-tatés grâce au suivi à long-terme despopulations. Les capteurs électroniquespermettent également d’acquérir desinformations physiques (température,salinité) sur l’environnement marinutiles aux océanographes.

Environnement et réponsesdes prédateurs marinsPour comprendre comment les préda-teurs marins répondent aux change-ments climatiques, il est utile d’étu-dier leur sensibilité au stressenvironnemental (ressources, climat).Le CEBC est spécialisé dans le dosagedes hormones de stress (glucocorticoï-des) qui jouent un rôle clé d’interfaceentre l’environnement et le comporte-ment. En Arctique, lors des années de

faible couverture de glace et de pauvretédes ressources alimentaires (moruepolaire), on constate que les mouettestridactyles présentent des taux élevésd’hormone de stress. En mesurant lebudget-temps des mouettes grâce à desenregistreurs d’activité, il s’avère quecette hormone va dans un premier tempsstimuler les déplacements des oiseauxet élargir le domaine marin prospectéafin d’augmenter les chances de trou-ver des proies, puis, si les conditionsse dégradent davantage, provoquerl’abandon de la reproduction.

Les enjeux de la conservationLe suivi à long terme de la dynamiquede population et l’identification deszones océaniques prospectées par lesoiseaux et mammifères marins consti-tuent des outils précieux pour unemesure des conséquences des activi-tés humaines qui menacent de plus enplus d’espèces polaires. Ainsi, dansl’Océan Austral, la pêche palangrièremenace de disparition les albatros etpétrels qui périssent par milliers, noyéspar les lignes de pêche. L’expertise del’équipe Prédateurs marins, intégrée auxorganisations internationales de gestionet conservation (CCAMLR, Birdlife Inter-national), est mise à contribution pourapporter des solutions à ces problèmesde conservation.

© Christophe Guinet

Le journal du CNRS en délégation Centre Poitou-Charentes

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>> Pour s’inscrire aux projets Argonimaux, pour les années scolaires 2007-2008 et 2008-2009 http://www.cnes-edu.org

Kerguelen, ilessubantarctiques. Les albatrossont capables de parcourir desmilliers de kilomètres pourchercher leur nourriture. Cesuivi exceptionnel a permisde mettre en évidence desdémographies extrêmes,caractérisées par une trèsforte longévité (les albatrospeuvent atteindre l’âgerespectable 50 ans) et unetrès faible fécondité (certainsalbatros et pétrels ne sereproduisent que tous lesdeux ans).

Baie du Roi, Spitzberg. L’Arctique est particulièrement sensible aux changements climatiquespuisque la calotte glaciaire y a diminué de 40 % en 40 ans.

© Céline Clément-Chastel

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Acteur de l’Année PolaireInternationaleLa 4ème Année Polaire Internationale(API) – 2007/2008, a pour perspec-tive générale de mieux connaître l’im-pact du réchauffement sur les pôles etleur rôle dans l’évolution du climat. Lecoup d’envoi de l’API, organisée sousl’égide de l’Organisation MétéorologiqueMondiale et du Conseil Internationalpour la Science, a officiellement étédonné le 1er mars au Palais de la Décou-verte à Paris.

Cette nouvelle API se déroule en fait surdeux cycles annuels, de mars 2007 àmars 2009. Elle est l’occasion, 50 ansaprès la dernière, d’organiser descampagnes internationales de grandeenvergure, capables de faire franchir denouvelles étapes à la recherche polaire.Ces campagnes se déroulent tant dansl’hémisphère nord que dans l’hé-misphère sud et participent à démont-rer le rôle moteur que jouent les régionspolaires vis-à-vis du reste de la planète.Toutes les disciplines sont concernées,incluant les sciences humaines et socia-les, mais les projets doivent présenterune approche interdisciplinaire et impli-quer des acteurs internationaux.

210 projets de recherche ont ainsi étélabellisés API, et parmi eux quatre impli-quent l’équipe Prédateurs marins duCEBC :

Le programme ANR REMIGE vise àmesurer et prédire les réponses compor-tementales et démographiques desprédateurs marins (grands poissons,oiseaux et mammifères) de l’OcéanIndien aux changements globaux.

Le programme MEOP vise à l’identi-fier les habitats océanographiques dephoques et cétacés arctiques et antarc-

tiques et à contribuer à la conservationdes ces espèces patrimoniales tout enparticipant à l’effort d’observation inter-national et global des océans polaires.

Le programme CALM – Top predator(Census of Antarctic Marine life) étudiela distribution et l’abondance de la biodi-versité marine antarctique grâce à dessuivis télémétriques coordonnés desprédateurs supérieurs dans l’Océanaustral.

Le programme ICED étudie les inter-actions entre les processus écologiqueset climatiques sur la dynamique desécosystèmes antarctiques.

Argonimaux : une action pédagogiqued’ampleur nationaleUn des objectifs de l’API, au-delà dusoutien et de la mise en place deprogrammes de recherche, est dedéployer de nombreuses actions decommunication et de culture scienti-fique en direction du grand public etdes scolaires. L’équipe a déjà participéà bon nombre de manifestations : expo-sition à l’Aquarium de La Rochelle, Cara-vane des Sciences en partenariat avecl’E.C.O.L.E. de la Mer, reportages pourla télévision et la presse. Elle s’investitdans la Fête de la Science avec uneparticipation aux animations de la Cité

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> Biodiversité

Le baguage permet une reconnaissance individuelle des oiseaux que les scientifiques peuvent suivre etidentifier à distance. Ici, une mouette tridactyle du Spitzberg.

© Céline Clément-Chastel

Ile aux Pingouins,Crozet, iles

subantarctiques © Charles-André Bost

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des Sciences à Paris : Stand CNRS etForum International de la Météo.

Parallèlement, l’équipe Prédateursmarins prend part à une opération d’am-pleur nationale : Argonimaux, un outilpédagogique de sensibilisation permet-tant de découvrir l’environnementpolaire via le suivi d’animaux marins.L’origine d’Argonimaux est la volonté dedévelopper et pérenniser la partie “suiviArgos des animaux” au sein d’Argonau-tica, projet éducatif développé depuis1999 par le Centre National d’EtudesSpatiales (CNES) pour sensibiliser lesjeunes à l’étude de l’océan et du milieumarin grâce à des données satellites insitu (ARGOS) et globales (JASON).

Le principe général est de permettre auxenseignants et élèves (1er et 2nd degré)de participer à l’étude du mode de vieet des déplacements en mer d’animauxmarins charismatiques de l’océanAustral (albatros, manchots, éléphantsde mer). Le but est de familiariser lepublic aux techniques d’études desscientifiques. Les données (localisation,pression, température, salinité) enre-gistrées par des balises équipant lesanimaux sont transmises aux chercheursvia satellite en temps quasi réel etrendues accessibles aux élèves par une

mise en ligne à intervalle de temps régu-lier. Les enfants peuvent ainsi suivrel’évolution de “leur” animal. Une sortede veille technique est assurée par leschercheurs pour répondre aux questionséventuelles. Des ressources pédago-giques sont à disposition des classes :cartes, animations, photographies,vidéos et exercices adaptés aux diffé-rents niveaux scolaires (analyse et exploi-

tations de données de déplacements,calcul de vitesse, profondeur des plon-gées, relations avec l’environnementocéanographique, lien avec la glace...)font que ce projet peut être exploité dansdifférentes disciplines : Sciences de laVie et de la Terre, Physique, Géographie,Maîtrise du français, Education au Déve-loppement Durable... Il ne s’agit doncpas seulement de suivre des animauxmais bien de faire comprendre l’impor-tance des enjeux de conservation (suivid’espèces menacées), de l’interdisci-plinarité et des apports de l’Annéepolaire dans ces échanges.

Contact : Céline CLEMENT-CHASTELChargée de médiation scientifique, correspondantepresse Année Polaire [email protected]

Le journal du CNRS en délégation Centre Poitou-Charentes

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© Céline Clément-Chastel

Les chercheurs participent régulièrement à desanimations auprès des scolaires ; ici lors del’exposition Escales en Arctique à Naintré (86)en mars 2007.

Les albatros sont au nombre des espècessuivies dans Argonimaux.

© Henri Weimerskirch

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> Chimie

Hors série > Microscoop / Numéro 16 – octobre 2007

En substituant sur des positions bienprécises par des esters sulfuriques cettemolécule naturelle abondante dansnotre organisme, la nature donne accèsà une grande variété de composés ayantchacun des fonctions biologiques fonda-mentales.

Une équipe de l’Institut de Chimie Orga-nique et Analytique (ICOA- UMR 6005CNRS/Université d’Orléans développedes stratégies de synthèse originalesde molécules naturelles apparentéesaux sucres possédant de nombreusesactivités biologiques.

Les sucres (oses) dont il est question icin’ont qu’un rapport lointain avec le sucrede la tasse de café. Longtemps consi-dérés comme des molécules de struc-ture sans propriété biologique (ex. : lacellulose ou l’amidon ), leur importancechez l’homme n’a vraiment été mise en

évidence qu’à partir des années 1970avec la découverte du caractère osidiquedes antigènes de groupes sanguinshumains (système ABO).Les chondroïtines (du grec chondros,cartilage) sont des polysaccharides,c’est-à-dire des enchaînements desucre, constitués de motifs répétitifscomportant deux sucres particuliers :l’acide D-glucuronique et la N-acétyl-D-galactosamine. Ces structures possè-dent des groupements hydroxyles (–OH)qui peuvent être remplacés sur diffé-rentes positions par des groupementssulfates, donnant ainsi accès à unegrande diversité moléculaire. Ces molé-cules sulfatées sont appelées chon-droïtines sulfates (ChS), et sont présen-tes partout dans l’organisme, enparticulier dans les tissus conjonctifs(orbite de l’œil, paroi pulmonaire,epithélium des vaisseaux, etc), les carti-lages, le cerveau, à l’intérieur et à l’ex-térieur de la majorité des cellules. Cen’est que dans la dernière décade queleur implication dans l’organisme a étéclairement mise en évidence suite à leurreconnaissance par des protéines spéci-fiques.

Les chondroïtines interviennent dans denombreuses parties du corps et notam-ment, au niveau :

des articulations : le rôle du carti-lage, que l’on trouve à la jonction entreles os en mouvement, est d’assurer lamobilité des articulations. Il est consti-tué principalement de chondroïtines 4- et 6-sulfate (ChS-A et C) dont lesproportions relatives varient avec l’âgede l’individu. L’arthrose, une pathologie

coûteuse pour la société et affectantenviron 17 millions de personnes enFrance, est caractérisée par un arrêt dela biosynthèse de ces chondroïtines. Unedes pistes thérapeutiques actuellementexplorée consiste à comprendre cettebiosynthèse et à essayer de la relancerpour restaurer l’intégrité de la matricecartilagineuse.

du cerveau : nos neurones, ces cellu-les particulières de notre cerveau, nese renouvellent malheureusement plusdès la fin de l’adolescence. Cela conduità terme à des pathologies dégénérati-ves comme la maladie d’Alzheimer quiaffecte de plus en plus de personnesâgées. Il a été montré récemment queles chondroïtines 6,2’-disulfate (ChS-D), présentes dans le cerveau chez l’enfant, permettaient in vitro à des

LLaa cchhoonnddrrooïïttiinnee,,molécule naturelle aux propriétésbiologiques multiplesLa chondroïtine pourrait intervenir, entre autres, dans le traitement de pathologies aussi différentes que l’arthrose,le paludisme ou les maladies dégénératives.

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neurones en culture de se régénérer.Ceci, bien sur, reste à confirmer pardes études plus poussées in vivo.

du placenta chez la femme enceinte :la surface interne du placenta, enve-loppe dans laquelle le fœtus va se déve-lopper, est tapissée d’une couche dechondroïtine dont le nombre de posi-tions sulfatées n’est pas encore connuavec précision. C’est la présence decette molécule qui permet à Plasmo-dium Falciparum, le parasite de lamalaria, de s’y ancrer, de se reproduireet d’infecter le fœtus. C’est le problèmede la transmission du paludisme de lamère à l’enfant, phénomène quiprovoque une mortalité infantile impor-tante (plusieurs millions de personnes)dans les pays tropicaux, et qui suiteau réchauffement climatique pourrait

affecter nos contrées dans un avenirproche. Pourrait-on par exemple “leur-rer” le parasite en lui fournissantcertains types de ChS ?

du système immunitaire : les cellulesqui tapissent l’intérieur de nos vaisseauxproduisent des protéines spécifiquesappelées chimiokines qui vont permet-tre l’intervention de globules blancs detype leucocytes (réponse inflammatoire).Ceci a lieu suite à l’interaction entre cesprotéines et des chondroïtines 4,6-disul-fate (ChS-E). Pourrait-on ici aussi dimi-nuer cette réponse inflammatoire par untraitement à base de ChS-E?

Et la recherche continue !D’autres analogues sont connus du pointde vue structural (ChS-K, L, M etc.),mais leur fonction reste à découvrir. Ilexiste donc bien un “code de sulfata-tion” pour cette famille de molécules,mais celui-ci n’est pas encore totale-ment déchiffré.Pour mieux comprendre le mode d’ac-tion de ces différentes entités et éven-tuellement en concevoir des médica-ments, encore faut-il pouvoir disposerd’une collection de chacune de cesespèces à l’état chimiquement pur. Celane peut se faire pour l’instant que parsynthèse chimique, et c’est ce à quois’emploie l’équipe de synthèse osidique

de l’ICOA. De nouvelles voies d’accèsrapides et efficaces pour la synthèsede ces différents analogues viennentainsi d’être développées et ont étépubliées dans un journal de chimie degrande renommée. Ces travaux permet-tront aux biologistes de disposer dansun avenir proche de molécules pour affi-ner leurs hypothèses. Car à l’heureactuelle, le chimiste organicien netravaille plus seul et isolé dans son labo-ratoire. Les travaux du groupe se font enétroite collaboration avec les équipe deJ. Magdalou (UMR 7561, Nancy) pourl’arthrose, de K. Sugahara (Kobe, Japon)pour la neurorégénération, de G. Bent-ley (Institut Pasteur, Paris) pour le palu-disme, et de C. Kieda (CNRS-CBM,Orléans) pour le système immunitaire.Alors, pourquoi administrer à notre organisme des médicaments aux effetssecondaires parfois redoutables alorsque celui-ci possède tout ce qu’il fautmais parfois en quantité insuffisantepour rester en bonne santé ? Ne serait-il pas plus simple de lui fournir ces molé-cules naturelles ou de stimuler leurproduction ? C’est un des grands débatsde la chimie biologique.

Contact :Jean-Claude [email protected]

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La transmission dupaludisme de la mèreà l’enfant provoque une mortalité infantileimportante dans les paystropicaux.

© CNRS Photothèque/Institut Pasteur – ROGIER C.

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> Biologie

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Hors série > Microscoop / Numéro 16 – octobre 2007

Cette molécule issue d’une plante, ledelphinium glaucum, baptisée MLApour methyllycaconitine, est capable decontrecarrer les effets renforçants etdiscriminatifs du constituant principaldu cannabis, le delta-9-tetrahydrocan-nabinol (THC) et d’empêcher le THCd’activer le système du récompenseresponsable des sensations de plaisirprocurées par le cannabis.

Ces travaux sont menés à Poitiers depuistrois ans, en collaboration avec l’uni-versité de Cagliari (Italie) et le NationalInstitute on Drug Abuse à Baltimore(Etats-Unis).

Pour mener à bien ces recherches, desrats ont été utilisés dans un protocoled’auto administration : dès que les ratsappuient sur une pédale, ils reçoiventune dose de WIN55, 212-2 une molé-cule synthétique que agit comme leTHC, le cannabinoïde actif du canna-bis. Spontanément, les animaux répè-tent ce geste pour recevoir leur dose ;on dit qu’ils s’auto administrent leWIN55, 212-2. Dès que le MLA est

DDee nnoouuvveeaauuxx ttrraaiitteemmeennttss de la dépendance au cannabis

Des recherches conduites à l’Institutde physiologie et biologie cellulaires(IPBC – UMR 6187 CNRS/Universitéde Poitiers) ont permis la découverted’une molécule qui pourrait êtreefficace contre l’abus du cannabis.

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injecté, le plaisir induit par le “canna-binoïde” se révèle bloqué. La rechercheet la consommation sont considérable-ment diminuées. Il semblerait que le MLA empêche deressentir les effets des cannabinoïdes.En fait, avec un autre protocole de“discrimination de drogue”, il est possi-ble de “demander” aux animaux s’ilspensent avoir reçu du THC ou unplacebo. Quand la MLA est injectéeavant le THC, les rats sont incapablesd’identifier les effets du THC et répon-dent comme s’ils avaient reçu duplacebo.

Il faut savoir que toutes les drogues àpotentiel d’abus interfèrent avec lesystème de la dopamine, qui gère natu-rellement nos désirs, nos plaisirs et nosémotions. Une fois activé, ce systèmeinduit une sensation de satisfactionphysique et psychique que les person-nes dépendantes cherchent à repro-duire. Cette activation est donc consi-dérée comme majeure dansl’instauration d’une dépendance. Pourcomprendre comment le MLA agit,l’équipe de l’IPBC a recherché les effetsde la THC sur le système dopaminer-gique et les conséquences de l’injectionpréalable de MLA. Leurs résultats mont-rent que le MLA empêche l’activationde ce système par le THC.

Une considération importante pour unefuture utilisation du MLA chez l’hommeest que toutes ces actions sont mani-festes à des doses ni toxiques, ni séda-

tives. Cette molécule pourrait donc aiderles personnes dépendantes au canna-bis au cours d’une période de sevrage.Le MLA agit en bloquant les récepteursnicotiniques alpha-7 qui sont physiolo-giquement activés par le neurotrans-metteur acétylcholine et qui sont impli-qués dans les effets cognitifs de lanicotine, le produit actif du tabac. Cetype de récepteur peut devenir unenouvelle et intéressante cible molécu-laire pour développer de nouveaux médi-caments contre la dépendance aucannabis. En France, les données del’Observatoire français des drogues etdes toxicomanies montrent que l’expé-

rimentation et l’usage régulier du canna-bis par les jeunes ont augmentés consi-dérablement pendant les dernières 15années. Certes, la dépendance physiqueau cannabis est faible, mais la dépen-dance psychologique peut être forte etnécessiter une intervention médicale.Aussi, la découverte de nouvelles ciblesmoléculaires réduisant les effets psycho-tropes du cannabis est primordiale pourproduire des thérapies efficaces.

Contact : Marcello [email protected]

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>> Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT)http://www.ofdt.fr

Usage de cannabis parmi les individus de 17 ans et son évolution depuis 1993 : le niveaud’expérimentation du cannabis a plus que doublé entre 1993 et 2005. En 2005, les garçons et les filles sontrespectivement 53,1 % et 45,5 % à avoir expérimenté le cannabis à l’âge de 17 ans (source www.OFDT.fr)

L’effet du MLA sur l’auto-administration du WIN55, 212-5, sur la discrimination de THC et sur la libération de dopamine induitespar le THC : dans tous ces modèles de dépendances utilisés, la MLA diminue les effets du THC d’approximativement 60 %.

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> Biologie

Les manifestations de laneurofibromatose 1 :Les manifestations possibles de laneurofibromatose 1 sont multiples etaffectent :

La peau : en occasionnant des tâchespigmentées (tâches café au lait) et destumeurs cutanées appelées neurofibro-mes. Les neurofibromes cutanés sontdes tumeurs bénignes tandis que lesneurofibromes sous-cutanés et plexi-

formes (volumineux et présentant uneconsistance fibreuse) peuvent dégéné-rer en cancers agressifs. Les neurofi-bromes plexiformes se développentparfois à l’intérieur du corps et occa-sionnent des déformations spectaculai-res. La dernière greffe du visage réali-sée en France concernait un patientatteint de cette maladie.

Le système nerveux : Le systèmenerveux périphérique est affecté par laprésence de neurofibromes puisque cesderniers se développent au niveau dela gaine d’un ou plusieurs nerfs péri-phériques.Le système nerveux central peut-êtreaffecté chez certains patients qui déve-loppent des tumeurs au niveau du nerfoptique (gliome des voies optiques)pouvant gêner la vision, ainsi que d’au-tres tumeurs cérébrales.

L’apprentissage, la mémoire et l’at-tention : sont affectés chez 40% desenfants atteints de la maladie. Cela peutêtre lié à des troubles de la coordinationmotrice, de repérage dans le temps etl’espace et à une hyperactivité.

Les yeux : en occasionnant de petitestumeurs pigmentées de l’iris (nodulesde Lisch) qui n’entraînent aucun symp-tôme mais sont une aide au diagnosticcar présentes chez la plupart desmalades adultes.

Les os : dans certains cas, des défor-mations osseuses congénitales ou desscolioses graves surviennent.

Les glandes surrénales : certainspatients peuvent développer destumeurs à leur niveau (phéochromocy-tomes) responsables d’une hypertensionartérielle et d’anomalies de la puberté.

La neurofibromatose 1 ou maladie de von Recklinghausen est un désordre d’origine génétique. C’est le médecinallemand Von Recklinghausen qui a le premier décrit en 1881 cette maladie, une des maladies génétiques les plusfréquentes puisqu’elle touche un nouveau né sur 3000 environ. Dans 50 % des cas, l’enfant hérite du gène défectueuxprovoquant la maladie par l’intermédiaire de l’un de ses parents. Dans l’autre moitié des cas, la maladie est le résultatd’une mutation génétique spontanée.Les manifestations sont très variables d’un patient à l’autre allant de formes mineures, pratiquement inaperçues, à desformes très sévères qui affectent la peau et les systèmes nerveux et osseux.

UUnnee mmaallaaddiiee ggéénnééttiiqquuee,,la neurofibromatose 1

Neurofribromes cutanés et sous-cutanés

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Cause de la maladie ?Le gène responsable de la maladie,appelé NF1, a été identifié. Il permetla fabrication d’une protéine appelée,neurofibromine. Lorsque le gène estmuté, la protéine ne fonctionne plus etcela provoque une croissance excessivedes cellules et le développement detumeurs. Le gène NF1 est de très grandetaille et les mutations pouvant l’affec-ter, réparties tout le long du gène, sonttrès nombreuses. Dans l’état actuel desconnaissances, aucune corrélation n’apu être établie entre la gravité des symp-tômes de la maladie et la nature desmutations dans NF1.Une même mutation dans NF1 peutprovoquer des manifestations cliniquesdistinctes chez des individus différents :cela veut dire que d’autres gènes inter-viennent dans la variabilité d’expressionde la maladie en modifiant l’action dugène NF1. A l’heure actuelle, aucungène “modificateur” n’a été identifié.

Où en est la recherche sur la maladie ?Aujourd’hui, les recherches se poursui-vent au niveau génétique pour identifiertoutes les mutations du gène NF1 etau niveau physiopathologique pourcomprendre les dérèglements cellulai-res à l’origine des différentes manifes-tations de la neurofibromatose 1.Plusieurs programmes de rechercheclinique sont consacrés à l’améliorationde la prise en charge de la maladie.

Le Centre de biophysique moléculaire(CBM – UPR CNRS) développe unerecherche plus fondamentale sur lamaladie et recherche les gènes “modi-ficateurs” de NF1. Il s’intéresse plusspécifiquement à une famille de gènes“modificateurs” qui fabriquent desprotéines ayant une action sur la neuro-fibromine (activatrice ou inhibitrice) eninteragissant avec elle.

Stratégie de recherche développéeà OrléansAfin d’isoler puis d’identifier des protéi-nes “modificatrices” interagissant avecla neurofibromine, une équipe du CBM,dirigée par Hélène Bénédetti travailleen parallèle dans deux systèmes.

Le premier système utilise la levurede boulanger, Saccharomyces cerevisiaecomme modèle. En effet, 50% desprotéines de cet organisme unicellulairesimple sont conservés chez l’hommeet de nombreux mécanismes cellulairesfondamentaux sont identiques chez lalevure et les organismes supérieurs etutilisent les mêmes protéines.Chez la levure, la neurofibromine estdénommée Ira2 et lorsque cette dernièreest mutée, les levures grossissent et sedivisent plus vite que la normale. Unenouvelle protéine “modificatrice” d’Ira2a pu être identifiée, qui est conservéechez l’homme. L’équipe vérifie actuel-lement si l’activité de la neurofibromineest aussi modifiée par l’équivalenthumain de cette protéine de levure.

Le deuxième système consiste à isolerdes protéines interagissant avec laneurofibromine à partir de cellules dusystème nerveux mises en culture.L’équipe a choisi pour cela de travailleravec deux types cellulaires, les cellulesde Schwann (qui constituent la gainedes nerfs) et les astrocytes. Ces cellu-les sont respectivement responsablesdu développement des tumeurs les plusrépandues de la maladie : les neurofi-bromes et les gliomes.Cette partie implique la collaboration de

l’équipe avec le laboratoire de Neuro-biologie de l’Université d’Orléans qui aune grande expérience dans la culturede cellules neurales.A moyen terme, les objectifs sont decomprendre le rôle des protéines “modi-ficatrices” de la neurofibromine sur sonactivité. L’équipe continue pour cela àutiliser le modèle de la levure qui est untrès bon outil génétique par sa simpli-cité d’étude et la facilité avec laquelleon peut créer des gènes mutants. Elletravaillera aussi sur les cellules neura-les et analysera plusieurs paramètres deleur physiologie après surproduction ouextinction de la production des protéi-nes “modificatrices”.A plus long terme, le but est de compren-dre le rôle des protéines “modificatri-ces” dans les manifestations cliniquesde la maladie et d’analyser l’abondancede ces protéines chez plusieurs patientsayant la même mutation de NF1 maisprésentant des symptômes différents dela maladie.

Contact : Hélène [email protected]

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Astrocytes

La levurede boulanger,Saccharomycescerevisiae.

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L’asthme est une maladie inflammatoirechronique des voies respiratoires d’ori-gine multifactorielle qui se manifesteessentiellement par une difficulté respi-ratoire. Des facteurs spécifiques tels quel’allergie s’associent à d’autres non spéci-fiques comme la pollution, et modulentla contraction des bronches. Même s’iltouche tous les groupes d’âges, l’asthmese déclare souvent pendant l’enfance.Cent à 150 millions de personnes souf-frent d’asthme à travers le monde. Cetteaffection est responsable de plus de18 000 décès par an. En France,l’asthme concerne plus de 2,5 millionsde personnes dont un tiers d’enfants. Al’instar de la plupart des pays industria-lisés, la fréquence de l’asthme est enconstante augmentation. La mortalité liéeà l’asthme est stable (2000 morts/an enFrance).

Un paradoxe du système immunitaire :l’équilibre entre réponse et toléranceLe système immunitaire a pour rôle prin-cipal de défendre l’organisme contre lesinfections (virus, bactéries) tout en igno-rant les agents environnementaux inof-fensifs, présents en permanence dansl’air, tels que les pollens et les acariens.Or un individu se trouve exposé aux aller-gènes (pollen, poussières) durant toutesa vie tandis qu’il n’est infecté par unpathogène que de façon ponctuelle. Lesystème immunitaire a donc évolué versla mise en place de réponses différen-tes en fonction de la nature de l’antigène:soit une réponse de tolérance ou inhibi-

trice (par les lymphocytes T régulateursou Treg) vis-à-vis des antigènes environ-nementaux inoffensifs, soit une réponseanti-infectieuse (par les lymphocytes detype Th1), soit une réponse anti-parasi-taire ou allergique (par les lymphocytesde type Th2). Les réponses de type Th1et Th2 sont contrôlées par les réponsesT régulatrices. Cependant, chez certainsindividus prédisposés, cette tolérance estrompue et une réponse allergique (detype Th2) se met en place.

L’asthme allergique : un équilibre rompu L’asthme allergique et les maladies aller-giques en général, sont des pathologiesdes pays développés (très peu présen-tes dans le Tiers Monde). Une théorie,“la théorie de l’hygiène” tente d’expli-quer cet état de fait : la faible stimula-tion du système immunitaire par lespathogènes (“trop” d’hygiène) favorise-rait la réponse de type allergique (Th2)dans la population. L’équilibre entre lesréponses Th1, Th2 et Treg serait alorsrompu.

Modèles souris d’asthme allergiqueAu laboratoire, les souris sont sensibili-sées à un allergène et la crise d’asthmeest ensuite provoquée par administrationde cet allergène dans les voies respira-toires. Ceci provoque la contraction desbronches, l’afflux de cellules du systèmeimmunitaire au niveau des poumons(inflammation) et la production demucus : contraction, inflammation etmucus concourent à l’obstruction desbronches à l’origine de la difficulté àrespirer. Ces trois caractéristiques de lacrise d’asthme sont analysées expéri-mentalement : la contraction des bron-ches est mesurée sur animal vigile à l’aide

Hors série > Microscoop / Numéro 16 – octobre 2007

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> Biologie

Le Laboratoire d’Immunologie et Embryologie Moléculaires (UMR6218 CNRS/Université d’Orléans) a développédifférents modèles d’asthme chez la souris qui permettent d’étudier les mécanismes cellulaires et moléculairesimpliqués dans la pathologie, mais également de tester des nouvelles molécules potentiellement thérapeutiques.

LL’’aasstthhmmee,,une maladie en expansion !

Mesure de la difficultérespiratoire par

pléthysmographie, lorsde la crise d’asthme sur

souris vigile.

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d’un pléthysmographe ; l’inflammationcaractérisée par un afflux d’éosinophilesest quantifiée ; la production de mucusest mise en évidence sur coupes histo-logiques du poumon. Outre les sourisclassiques dites “sauvages”, le labora-toire entretien un nombre important desouris déficientes pour un gène donné(souris knockout) ou pour lesquelles ungène est surexprimé (souris transgé-niques). Ces souris génétiquement modi-fiées ont été, soit créées à l’Institut deTransgénose à Orléans par le service deTransgénèse, soit obtenues grâce auxnombreuses collaborations établies parl’IEM avec des laboratoires du mondeentier. L’analyse de leur sensibilité dansles modèles expérimentaux d’asthmeallergique nous permet d’identifier lesgènes indispensables au développementou au contrôle de cette maladie.

Validation in vivo de molécules d’intérêtthérapeutiqueDifférentes molécules d’intérêts théra-peutiques ont été évaluées in vivo dansces modèles d’asthme allergique. Parexemple, le laboratoire a étudié desprotéines dérivées des glandes salivairesd’arthropodes (tiques). En effet, lesarthropodes produisent localement desmolécules biologiquement actives quiinhibent les réponses immunitaires deleur hôte. Une de ces protéines, capa-ble de neutraliser l’histamine, s’est avéréetrès efficace dans le modèle souris

d’asthme allergique en réduisant lacontraction des bronches, de l’inflam-mation et de la production de mucus.Ces travaux ont permis de mieuxcomprendre le rôle de l’histamine dansla réponse asthmatique. Cette moléculebiologiquement active, est maintenanten essai clinique chez l’homme pourl’évaluation de son efficacité dans larhinite, la conjonctivite et l’asthme aller-gique.

Identification de nouveaux mécanismesde l’asthmeCes modèles in vivo de l’asthme permet-tent également l’identification denouveaux mécanismes et de nouvellescibles thérapeutiques, en particulier lerôle de l’interleukine 17 (IL-17) dans le

contrôle de l’asthme allergique.Cette cytokine, impliquée dans lesmaladies auto immunes, est principale-ment produite par les lymphocytes Th17récemment identifiés comme unenouvelle catégorie de lymphocytesdistincts des Th1, Th2 et Treg. La réponseinduite par les lymphocytes Th17 est sousle contrôle des réponses Th1 et Th2. Lelaboratoire a montré que l’IL-17 est uninhibiteur de l’asthme allergique. Il repré-sente donc une piste de traitement del’asthme allergique qui permettrait d’évi-ter la diminution des réponses anti-infec-tieuses du système immunitaire.

Contact : Isabelle [email protected]

Le journal du CNRS en délégation Centre-Poitou-Charentes

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Numération des cellules inflammatoires

Contrôle par PCR des souris "knock-out"

a - Recrutementd’éosinophiles(polynucléaires à granulesroses) et de macrophagesdans l’espace bronchoalvéolaire (lavage bronchoalvéolaire)

b - Production de mucus (violet) parles cellules épithéliales des broncheset bronchioles pulmonaires (coupehistologique de poumon)

ab

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> Biologie

Au fil des millénaires et au gré de l’évo-lution, des espèces apparaissent ets’éteignent, créant la biodiversité quiconstitue le moteur des écosystèmes denotre planète. Cependant, depuis laseconde moitié du XXème siècle, du faitdes activités humaines, le taux d’ex-tinction d’espèces animales et végéta-les s’est accéléré, menant inexorable-ment à l’appauvrissement de notrepatrimoine naturel. La disparitiond’espèces affecte les hauts lieux de labiodiversité et témoigne de la fragilisa-tion des écosystèmes majeurs pour laplanète. Il est important de réagir, enrégulant l’activité humaine afin de ralen-tir la mécanique de disparition des espè-ces et en déployant des efforts poursauvegarder les espèces qui peuventencore l’être.

La poursuite d’objectifscomplémentairesL’objectif de la collaboration est d’uti-liser des techniques d’assistance à laprocréation afin de favoriser le maintiende ces espèces. Dans un premier temps,les cervidés communs ont été choisiscomme modèle pour mettre au point lesméthodologies qui pourront ensuite êtretransposées aux espèces menacées. Eneffet, la famille des cervidés compteenviron 200 espèces et sous-espècesdont une quarantaine sont gravementmenacées de disparition.Les deux organismes poursuivent desobjectifs complémentaires : les cher-cheurs de l’INRA travaillent à la maîtrisede ces techniques chez les animauxd’élevage et les chercheurs du Muséumtravaillent à la conservation d’espècesrares et détiennent, au Parc de la HauteTouche, une collection importante deces animaux. Cette collaboration fait

également appel aux compétences enélevage des cervidés du centre INRAde Clermont-Ferrand-Theix (responsa-ble : Marcel Verdier). Cette thématiquebénéficie d’un soutien financier impor-tant de la Région Centre (aide à la cons-truction d’un laboratoire de rechercheà la Haute Touche, financement de troisbourses de thèse successives).

Le recours aux mères porteusesLa technique de production d’embryonsin vitro (PIV) consiste à prélever desgamètes (ovocytes et spermatozoïdes)et à les rendre fécondants par un trai-tement de capacitation (spermatozoï-des) ou de maturation (ovocyte) in vitro(MIV). Les spermatozoïdes peuvent êtreprélevés par électro éjaculation sousanesthésie pour des mâles vivants. Ilspeuvent également être collectés postmortem dans l’épididyme. Les sperma-tozoïdes peuvent être conservés dans

Une collaboration est née depuis 1997 entre l’unité de Physiologie de la Reproduction et des comportements au centreINRA de Nouzilly (PRC – UMR 6175, INRA/CNRS/Université François Rabelais de Tours/Haras Nationaux) et le Parc de laHaute Touche du Muséum National d’Histoire Naturelle, situé à Obterre dans l’Indre. Cette collaboration a pour objectif dedévelopper des approches méthodologiques en vue de préserver des espèces d’ongulés sauvages menacées

LLaa ssaauuvveeggaarrddee ddeess eessppèècceess mmeennaaccééeesspar procréation assistée

Yann LOCATELLI et Pascal MERMILLOD

Milou (faon sika) et sa mèreporteuse (biche élaphe), 2006.

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l’azote liquide ou être utilisés immé-diatement. Chez la femelle, les ovocy-tes sont collectés par aspiration endo-scopique des follicules ovariens, sousanesthésie générale. Ces gamètes mâleet femelle sont alors mis en contact(fécondation in vitro ou FIV) et lesembryons qui en résultent sont culti-vés in vitro (DIV) jusqu’à atteindre unstade de développement propice à laréimplantation dans l’utérus d’une mèreporteuse (7 jours, stade de blastocyste).Ces embryons sont alors réimplantés oucryoconservés dans l’azote liquide pourun stockage à long terme (cryobanque).Une première démonstration de la faisa-bilité de cette technique a été faite en2004 par la naissance de trois faons(Riri, Fifi et Loulou) de cerf élaphe (cerfcommun de nos régions) issus du trans-fert d’embryons produits in vitro etcongelés. Ces trois cerfs, maintenantadultes, sont visibles au Parc de la HauteTouche. Une seconde étape a été fran-chie en 2006, grâce à la naissance d’unfaon de cerf sika (Milou) issu du trans-fert d’un embryon sika produit in vitro,congelé puis réimplanté dans une mèreporteuse de l’espèce élaphe. Cetteseconde étape valide la possibilité d’uti-liser des mères porteuses d’espècescourantes pour donner naissance à desfaons d’espèces rares. Cette techniquepourrait donc être utilisée pour facili-ter la gestion des populations captivesd’espèces rares ou pour générer desgroupes d’individus de ces espècesdestinés à la réintroduction en milieu

naturel. Elle peut également donner lieuau stockage patrimonial d’embryonsd’espèces vouées à une extinctioncertaine.

L’étape suivante sera la naissance defaons d’espèces menacées, comme lecerf du Viet-Nam (Cervus nippon pseu-daxis) ou le cerf de Formose (Cervusnippon taiouanus), sous-espèces du cerfsika du Japon et également présentesà la Réserve de la Haute-Touche. Desbiches porteuses de l’espèce élaphepourront également être utilisées. Desprojets de sauvegarde d’autres animauxseront mis en place prochainement dansle cadre de la collaboration INRA-MNHN, comme par exemple unprogramme concernant le bouquetind’Afghanistan.

La mise en place de nouvellesméthodesLa technique de PIV est bien maîtriséechez les ruminants domestiques. Il étaitcependant nécessaire de l’adapter auxexigences particulières des nouvellesespèces traitées. Ceci a été entreprisdans le cadre de deux thèses de docto-rat successives, co-dirigées par l’INRAet le MNHN. De manière intéressante, cette adapta-tion a permis de soulever des questionsscientifiques ayant des retombées au-delà du champ d’application original.Par exemple, le succès du développe-ment embryonnaire in vitro chez lescervidés a nécessité la mise au point

d’une méthode de co-culture de cesembryons avec des cellules épithélialesde l’oviducte, alors que chez les mammi-fères domestiques ces cellules ne sontpas indispensables. L’oviducte consti-tue en effet l’environnement naturel dudéveloppement de l’embryon précoce.Il s’avère que si la co-culture n’est passtrictement nécessaire au développe-ment chez les mammifères domes-tiques, les embryons cultivés enprésence de cellules présentent unemeilleure viabilité (résistance à la cryo-préservation, par exemple). Cette obser-vation a donné lieu à un programme dethèse. Son objectif est d’utiliser lemodèle d’embryons de mammifères afind’identifier les facteurs responsables deces effets de l’oviducte et de compren-dre leur mode d’action. Outre l’intérêtfondamental que présente la compré-hension du rôle de l’environnementsomatique sur le déroulement des divi-sions et des différenciations cellulairesdu jeune embryon, ce programme derecherche présente des intérêts multi-ples pour l’amélioration des techniquesde procréation assistée chez les mammi-fères en général, y compris l’espècehumaine.

Contacts :Pascal MERMILLOD (Unité de Physiologie de la Reproduc-tion et des Comportements)[email protected] LOCATELLI (Muséum national d’histoire naturelle)[email protected]

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Riri, Fifi et Loulou, faons élaphes issus defécondation in vitro et leurs mères porteuses (bichesélaphes), 2004.

Les principales étapes de laproduction d’embryons in vitro.

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> Matériaux

Les propriétés exceptionnelles de cesmatériaux : excellente tenue thermiqueet thermomécanique, résistance à lacorrosion permettent aux nouveaux réac-teurs thermochimiques de fonctionner,de manière fiable, à plus haute tempé-rature. Il en résulte un meilleur rende-ment énergétique.L’équipe “Matériaux Réfractaires : élabo-ration-corrosion” du Centre de Recher-ches sur les Matériaux à Haute Tempé-rature (UPR 4212 du CNRSconventionnée avec l’Université d’Or-léans) s’intéresse à la mise au point etau comportement de ces matériaux destructure.

12000 ans d’histoireEtymologiquement, “réfractaire” vientdu latin “refractarius”, de refringer :briser, résister, refuser de se soumet-tre. Pour un matériau, sa significationest : “qui résiste à de hautes tempéra-tures, à des niveaux supérieurs à1500°C”. L’histoire des réfractaires est intime-ment liée à la conquête des hautestempératures, depuis que l’homme aacquis la maîtrise du feu. Elle s’enra-cine dans la nuit des temps. En Grèce,c’est Prométhée qui devient créateur del’univers en façonnant le premierhomme avec de la terre et de l’eau eten lui donnant le feu confisqué par Zeus.Les matériaux actuels ne seraient sansdoute pas ce qu’ils sont sans les expé-riences de nos ancêtres. Les matièrespremières, les techniques d’élaboration,les compositions ont évolué au cours du

temps. Ceci a pris plus de 12000 ans.

Des matériaux en conditions extrêmes Les céramiques réfractaires, produits engrande quantité, répondent à une réelledemande de trois secteurs économiquesimportants :

l’énergie : les applications telles quela production de biocarburants, dechaleur et d’électricité à partir de labiomasse à haute température ou lesnouvelles générations de centralesnucléaires nécessitent l’étude denouveaux matériaux et la conception derevêtements céramiques adaptés ;

l’environnement et plus particulière-ment le domaine des traitements et lavalorisation énergétique des déchets(vitrification de l’amiante et du REFIOM,incinération d’ordures ménagères).

les secteurs traditionnels des hautestempératures, tels que la sidérurgie, lamétallurgie des non ferreux (principa-lement l’aluminium), la pétrochimie,l’industrie de la céramique et des matiè-res premières qui visent en permanenceune amélioration de leurs procédésd’élaboration et de leur rendement éner-gétique.

Des matériaux aux propriétéscomplémentairesSans ces matériaux de grande diffusion,notre vie quotidienne serait sans aucundoute fortement affectée. En effet, nousne disposerions pas d’acier, de fonte,d’alliages métalliques, de verre, de crac-king de pétrole à un prix raisonnable, deciment, etc.

La notion d’énergie est souvent indissociable de celle de matériaux. Parmi les matériaux les plus performants utilisésdans les filières de production d’énergie à haute température, les céramiques réfractaires sont sans concurrence.

Fours garnis de réfractaires dans une fonderie duXVIè siècle

LLeess rrééffrraaccttaaiirreesset la conquête des hautes températures

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Les procédés à haute températureconduisent à utiliser une enceinte ou unréacteur, isolés par des parois réfrac-taires “du reste du monde”, à la tempé-rature ambiante. Les matériaux réfrac-taires sont donc présents au cour(chaud) de la majorité des processusd’élaboration et de production d’éner-gie impliquant des températures allantde 1000°C à plus de 1700°C, voire2000°C. En dehors d’une bonne tenue à tempé-rature élevée et donc de l’infusibilité,caractère principal de toutes les céra-miques réfractaires, ces matériauxdoivent posséder un nombre importantde propriétés complémentaires pourrésister aux sollicitations extrêmes qu’ilssubissent en service. Dans la mesure oùleur comportement est principalementgouverné par des phénomènes de corro-sion, la composition chimique, la miné-ralogie, la microstructure et le réseauporeux sont des caractéristiques essen-tielles. La connaissance des propriétésthermomécaniques des matériaux et dessollicitations (choc thermique, érosion,blocage de dilatation…) des pièces et des

revêtements soumis à des hautes tempé-ratures sont également à considérer. A ces matériaux, s’associe certainnombre de mots clés caractérisant enquelque sorte leur complexité : hétéro-généité, diversité des assemblagesagrégats / liaison / additifs, réseaucapillaire, corrosion par des processusphysico-chimiques hors équilibre, nonlinéarité du comportement thermomé-canique, effet d’échelle. Tous les maté-riaux réfractaires ont une caractéristiquecommune : leurs propriétés d’emploisont fréquemment dépendantes de leurorganisation à l’échelle mésoscopique: celle de la microstructure allant typi-quement du micromètre au millimètre.Ce domaine intermédiaire entre le micro-scopique et le macroscopique est leparamètre clé pour comprendre laplupart des propriétés et des mécanis-mes de dégradation des réfractaires.

Au carrefour de trois thématiquesPour déterminer les caractéristiques deces matériaux (réactivité chimique,durabilité…) dans les conditions defonctionnement, à haute température,

des essais spécifiques et des moyens decaractérisation adaptés sont dévelop-pés. Le Centre de Recherches sur lesMatériaux à Haute Température estreconnu internationalement pour sonsavoir-faire haute température. Sonactivité est en effet centrée sur l’étudedes matériaux solides et liquides jusqu’àtrès haute température. Depuis denombreuses années, ce laboratoire déve-loppe des techniques de caractérisationin situ à haute et très haute tempéra-ture (jusqu’à 3000°C).Les recherches menées au CMRHT, dansle domaine des réfractaires, se concen-trent sur trois thématiques :

la corrosion des matériaux réfractai-res par les gaz, les métaux et les oxydesliquides à haute température (entre1000 et 1700°C), l’identification et lamodélisation des mécanismes physicochimiques associés à ces réactions :transport des phases dans le réseaucapillaire, réactions chimiques à l’équi-libre ou hors équilibre thermodynamiqueentre les phases liquides, solides etgazeuses (dissolution, précipitation,dissociation, volatilisation.) ;

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Utilisation des réfractaires en sidérurgie : poche tonneau (a) et poche à acier (b)

a b

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la conception des structures (paroisà haute température) et des revêtementsréfractaires ;

les relations élaboration-microstruc-ture-propriétés et l’étude des change-ments de phases à haute températurepermettant d’élaborer des réfractairespour des applications spécifiques.

L’objectif est de développer des métho-des expérimentales et des outils numé-riques permettant l’étude des matériauxet le calcul de structures comportantdes parties réfractaires. Ces outils neseront performants que s’ils tiennentcompte simultanément des propriétésphysico-chimiques et thermoméca-niques. Pour atteindre ces objectifs, uneéquipe de recherche pluridisciplinaireintitulée : Conception de StructuresCéramiques Hautes Températures, asso-ciant des compétences du CRMHT etdu Laboratoire de Mécanique des Systè-mes et des Procédés (LMSP, CNRS UMR8106) vient d’être labellisée ERT(Equipe de Recherche Technologique)depuis janvier 2006, à Orléans. Aucuneautre équipe à l’échelle européenne nedispose à ce jour de cette double compé-tence essentielle pour l’étude des méca-

nismes de couplages multi-physiquesentre corrosion et comportementthermomécanique. Cette équipe devraitdonc rapidement se positionner au toutpremier plan.

Quelques applications : de lamétallurgie à la gazéification de labiomasse

Corrosion des réfractaires à hauteteneur en alumine par des laitiers sidé-rurgiquesLes processus de dégradation chimiquedes réfractaires par les laitiers sidérur-giques sont complexes. Afin de contri-buer à une meilleure connaissance deces processus, la corrosion de réfrac-taires à haute teneur en alumine (à based’andalousite, bauxite et alumineélectrofondue) par des laitiers modèles(alumine-chaux, silice-chaux, alumine-chaux-silice-magnésie-oxydes de fer …)a été réalisée à 1600°C en laboratoire.Le dispositif expérimental permet derenouveler le laitier au cours des essaisde corrosion et d’effectuer un cyclagethermique des matériaux, simulant ainsides conditions proches de celles rencon-trées dans les installations métallur-giques.

L’analyse micro structurale des céra-miques corrodées a permis de consta-ter le développement d’une zone d’im-prégnation, suivie d’une zone deprécipitation formée d’auréoles mono-minérales néoformées qui révèlent l’exis-tence de gradients de composition dansla phase liquide interstitielle. A causede la recristallisation partielle des oxydesliquides au cours du refroidissement dela céramique après essai de corrosion,le verre présent à l’ambiante n’est pasreprésentatif du liquide existant à1600°C. La notion d’équilibre chimiquelocal a permis de rendre compte de lazonation minérale observée et de quan-tifier la proportion et la composition desphases liquides à 1600°C à partir desanalyses chimiques réalisées parbalayage de zones au microscopeélectronique à balayage. Les profils théo-riques de composition obtenus à partirdes calculs thermodynamiques ont puêtre comparés à ceux obtenus par l’ana-lyse ponctuelle du verre interstitiel deréfractaires corrodés ayant subi unetrempe en fin d’essai. Les résultats obte-nus concordent avec les valeurs expéri-mentales. Les profils de viscosité ontété établis à partir des profils de compo-sition de la phase liquide à 1600°C. Cesprofils de viscosité indiquent que l’ex-tension de la zone d’imprégnation, pourun matériau réfractaire donné, est déter-minée par la viscosité du liquide inter-stitiel. L’ensemble des résultats permetde comprendre les mécanismes decorrosion et d’apporter de nouvellesorientations pour des matériaux plusperformants.

Modèle de fonctionnement et concep-tion des parois haute température d’unréacteur de biocarburant Dans le domaine de l’énergie, notreéquipe est impliquée dans unprogramme soutenu par l’ANR : “gazéi-fication de la biomasse : modèle de fonc-tionnement et conception des paroishaute température d’un réacteur de

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> Matériaux

Vitrification des déchets parfusion plasma

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biocarburant” . Ce projet se situe dansle cadre de la conversion thermochi-mique et plus particulièrement sur l’axede recherche concernant la levée desverrous spécifiques aux composés inor-ganiques. Les inorganiques compren-nent l’ensemble des éléments et espè-ces contenus dans la biomasse endehors des gaz majoritaires et des espè-ces organiques. Ces inorganiques ontun impact à plusieurs niveaux : agglo-mération des lits fluidisés, fusion etattaque des parois du réacteur, pollu-tion en phase gaz, pollution par aéro-sols de condensation, corrosion desstructures en contact avec le gaz.L’objectif du projet est d’apporter deséléments permettant de lever certainsaspects de ce verrou par :- l’identification des espèces chimiquesgénérées et la détermination des tempé-ratures de condensation en fonction dela pression. - l’évaluation des risques de corrosiondes structures- la détermination des propriétés descendres liquides (intervalle de tempé-ratures de fusion, viscosité,…). Undiagnostic en température des phéno-mènes de cristallisation, de vitrificationet de fusion des cendres de composi-tions typiques est à effectuer in situ entempérature. - la proposition d’un modèle de fonc-

tionnement de la paroi haute tempéra-ture du réacteur. Ce modèle doit tenircompte du comportement des cendresdans l’intervalle de fusion et des trans-ferts de chaleur. - la validation de ce modèle de fonc-tionnement au moyen d’essais de chocthermique et de corrosion Les résultats de cette recherche devrontpermettre de définir un cahier des char-ges pour la réalisation d’une installationprototype d’ici 3 ans (choix des maté-riaux, règles de conception et dimen-sionnement des structures). Le marchépotentiel vise à terme la réalisation deréacteurs pour traiter entre 30 Mt et50 Mt de biomasse par an.

Des collaborations internationales Depuis 2004, l’équipe est membrefondateur de la fédération FIRE : INTER-NATIONAL FEDERATION OF INDUS-TRIAL REFRACTORIES EDUCATION(www.fire.polymtl.ca)Sept institutions universitaires associéesaux principaux industriels du domaineont décidé de créer un réseau, à l’échellemondiale, dans le but de favoriser ledéveloppement des matériaux réfrac-taires et de promouvoir les avancés tech-nologiques.FIRE regroupe les institutions acadé-miques suivantes : l’université deMissouri Rolla (USA), Polytech’Orléans

(France), l’ENSCI (France), l’universitéde Leoben (Autriche), l’université de SaoPaulo (Brésil), TU Freiberg (Allemagne)et Nagoya Institute of Technology(Japon). Les missions de FIRE sont :

initier des projets de recherches collec-tives dans les domaines des réfractai-res industriels ;

promouvoir la formation et supporterfinancièrement des étudiants (niveauMaster et Ph.D.) afin de favoriser leséchanges internationaux entre les parte-naires du réseau ;

coordonner les efforts de recherchedes experts universitaires et industriels,en vue de faire progresser le savoir dansle domaine.

Contact : Jacques [email protected]

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Assemblage de pièces céramiques réfractaires

Essai de laboratoire

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> Matériaux

La rugosité intervient dans de nombreuxdomaines : mécanique du contact,déformation des matériaux, tribologie,surfaces optiques, (bio)physique dessurfaces, contrôle qualité, métrologie...

Bien qu’essentielle dans les phénomè-nes physiques, la rugosité est pourtantrarement abordée comme un sujet à partentière. Ce constat est valable égale-ment à Poitiers, c’est pourquoi le projet“caractérisation multi-échelle de la rugo-sité et analyse d’images topogra-phiques”, a été développé dans le cadredes fédérations PPRIME (pôle poitevinde recherche pour l’ingénieur en méca-nique, matériaux et énergétique) etPRIDES (pôle régional de recherche enimage, données et systèmes).

Il a pour objectif principal de fédérerl’ensemble des moyens d’extraction derelief mais aussi les techniques d’esti-mation des états de surface et regroupeune dizaine de scientifiques - du Laboratoire de Métallurgie Physique(LMP – UMR 6630 CNRS/Université dePoitiers) - du Laboratoire de Mécanique et dePhysique des Matériaux (LMPM - UMR6617 - CNRS/ENSMA Poitiers),- du Laboratoire Signal, Image etCommunication (SIC – FRE 2731Université de Poitiers) - et du Laboratoire de Mécanique desSolides (LMS – UMR 6610 –CNRS/ENSMA Poitiers).

Des images de topographieIl est aisé de comprendre ce qu’est uneimage de topographie d’une surface :c’est l’équivalent d’une carte topogra-phique d’une région mais à une échelleévidemment beaucoup plus petite. Pourune zone géographique, l’unité de base(entre deux courbes de niveau) est lemètre voire la centaine de mètre. Pourl’étude d’une surface, l’unité peut êtrele millimètre (1 mm=10-3 m), le micro-mètre (1 μm=10-6 m) ou le nanomètre(1 nm=10-9 m) selon le type d’applica-tion.Une carte ou une image topographiquereprésente une altitude (dimension verti-cale appelée z) en fonction d’une surface(dimensions latérales appelées x et y).Il existe de multiples façons de repré-senter une image topographique : l’al-titude peut être indiquée par des cour-bes de niveau ou en 3D ou bien encoreen fausses couleurs.

Des dispositifs pour une extraction“multi-échelle” de la rugosité Les laboratoires participant au projetpossèdent des systèmes d’extraction durelief différents selon l’échelle à laquelleils souhaitent étudier la rugosité dessurfaces. Le LMP, afin de caractériser des surfa-ces avec une résolution latérale de l’or-dre du nanomètre, utilise un microscopeà force atomique. Une pointe sensibleà de très petites forces scanne unesurface. La topographie est reproduitepar exemple en déplaçant verticalementla pointe de telle sorte que la force appli-quée sur la surface est maintenue cons-tante. Le LMPM a développé un système demesure par corrélation d’images qui

LLaa rruuggoossiittéé ddeess ssuurrffaacceesstrop souvent négligée !En physique, dans quelque domaine d’application que ce soit, une surface à modéliser est choisie, de préférence,plane, lisse, sans aucune aspérité. Mais cette simplification est souvent insuffisante pour expliquer les phénomènesanalysés : la rugosité de la surface joue un rôle perturbateur ou parfois utile qui ne peut être négligé.

L’altitude est représentée à la fois en 3D avec une échelle verticale très amplifiée par rapport à l’échellelatérale et en fausses couleurs avec la convention usuelle du bleu pour les zones les plus profondes et durouge pour les altitudes les plus hautes.

Rugosité multi-échelle

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consiste à projeter l’ombre d’une distri-bution aléatoire de motifs élémentai-res sur la surface à analyser et sur unéchantillon plan de référence. Unsystème analogue a été implanté sousmicroscope électronique à balayage afind’atteindre des résolutions plus fines.Le SIC a développé également unsystème de stéréovision mais cette foisbasée sur la prise de vue d’images dela surface à analyser sous différentesilluminations. La topographie est ensuitereconstruite à partir d’un modèle photo-métrique. Rapide, ce système présenteen outre l’avantage d’être transportable.Le LMS a acquis en 2006 un micro-scope confocal interférométrique. L’ins-trument détermine les points à unemême altitude par comparaison inter-férométrique entre un chemin optiquede référence et le chemin optique quirencontre la surface analysée. La topo-graphie est reconstruite après unbalayage en z du système optique.

Pour choisir entre ces dispositifs, uncompromis s’opère entre le critère d’unebonne résolution latérale (en x et y) etcelui d’une taille importante de la zoneanalysée. Toutefois la mise en commundes moyens de caractérisation des diffé-rents laboratoires permet d’accéder àune très large gamme de mesures etsouligne l’aspect “multi-échelle” duprojet. Certains domaines se recoupant,les comparaisons inter-instrumentalessont possibles.

Les paramètres de rugositéComment exploiter les topographiesobtenues ? L’opération la plus usuelleest d’en extraire des paramètres statis-tiques de rugosité. Par exemple, lahauteur quadratique moyenne permetde quantifier la rugosité (et de distin-guer les plaines des montagnes). Il estsouvent indispensable d’y ajouter unedistance latérale, la longueur d’auto-corrélation qui permet de distinguer, àdénivelés égaux, les collines à pentesdouces des montagnes escarpées.Cependant ce type d’analyse permet

difficilement de comparer les résultatsde différents appareils. Une analyse enfréquences spatiales peut remédier à ceproblème, lorsque les domaines fréquen-tiels se recoupent. Autres outils déve-loppés : les “paramètres images” quele SIC définit à partir de l’analyse d’ima-ges de topographie. En choisissant unmodèle géométrique de la surface, il estpossible d’étudier la sensibilité de critè-res de rugosité préalablement définispar rapport aux spécificités de la surface.

L’étude de la rugosité dépend évidem-ment de l’application étudiée. Or leslaboratoires impliqués développent desapplications d’une grande diversité :l’état de surface de couches nanomé-triques, l’effet de l’oxydation sur l’état

de surface, les déformations hors-plancréées par une sollicitation mécanique,le relief des chaussées routières, la simu-lation de surfaces rugueuses en synthèsed’images, l’influence de la rugosité surla lubrification mixte entre solides…

Cette variété fait la richesse du projet :en mutualisant les moyens de caracté-risation et les techniques d’analyse destopographies, les laboratoires acquiè-rent une véritable expertise et une plusgrande visibilité sur l’étude encore sous-exploitée de la rugosité des surfaces.

Contact : Lionel [email protected]

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Microscope confocalinterférométrique

Les différents dispositifs d’extraction de relief de surface disponibles dans les laboratoires de Poitiers.Echelle indicatrice : compromis taille de la zone de mesure/résolution latérale.

>> Journée d’étude “Caractérisation multi-échelle de la rugosité. Analyse d’images de topographie” le11 octobre 2007 au Futuroscope

http://www.sic.sp2mi.univ-poitiers.fr/rugosite2007/

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> Energies

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La prise de conscience du risque envi-ronnemental global lié aux gaz à effetde serre a bien entendu “secoué” lescombustionnistes et entrainé des orien-tations nouvelles dans les programmesde recherche en combustion. Aux objec-tifs de l’amélioration continue de l’effi-cacité de la combustion dans lesbrûleurs, les chaudières, les moteurs àcombustion interne et les turbines à gaz,s’est maintenant ajouté celui de ne pasémettre du tout de CO2. L’Institut deCombustion, Aérothermique, Réactivitéet Environnement (ICARE, UPR 3021du CNRS à Orléans) contribue à cesdifférentes recherches en initiant etdéveloppant divers programmes natio-naux, européens et internationaux.

Comment ne pas émettre de CO2

Pour ne pas émettre de CO2 par lacombustion, soit il ne faut pas utiliserde combustibles carbonés (en n’utili-sant que de l’hydrogène par exemple,dont la combustion ne produit que del’eau) soit il faut capturer le CO2 et empê-

cher d’une façon ou d’une autre son rejetdans l’atmosphère. Une voie intermé-diaire consiste à utiliser les combusti-bles carbonés mais neutres vis-à-vis duCO2, par exemple les biocombustibles.Comme la croissance des plantes néces-site l’assimilation du carbone par photo-synthèse, la réémission du CO2 par lacombustion des biocombustibles est eneffet un processus globalement neutrevis-à-vis du CO2.

Les biocombustiblesICARE travaille sur la combustion desbiocombustibles dans le cadre deplusieurs programmes de recherche. Ils’agit d’abord de caractériser la thermo-dynamique et la thermocinétique desmolécules constitutives des biocom-bustibles qui comportent un nombre trèsimportant d’atomes de carbone (leshuiles végétales en comportent parexemple plus de 15 alors que le gaz

CCoonnttrriibbuuttiioonn ddee llaa rreecchheerrcchhee eenn ccoommbbuussttiioonn :: un enjeu pour la planète,réduire les émissionsde gaz carboniqueLes effets néfastes des émissions de gaz à effet de serre et notamment du gazcarbonique (CO2) sur le réchauffement terrestre global et le changementclimatique sont aujourd’hui bien établis. Les données scientifiques montrentl’augmentation continue du CO2 dans l’atmosphère depuis le début de la périoded’industrialisation, à savoir les années 1850. Aujourd’hui, dans les 50 milliardsde tonnes-équivalents de gaz à effet de serre émis par an mondialement(2004), c’est le CO2 issu de l’utilisation énergétique des combustibles fossilesqui est de loin le premier contributeur (28 milliards de tonnes).

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naturel, essentiellement du méthane,n’en comporte qu’un seul).Des recherches sont conduites dans lecadre des programmes cherchant à vali-der l’utilisation des biocarburants dansles moteurs à combustion interne etaussi pour l’aéronautique (bio-kérosène).De même, les propriétés de combustiondes gaz issus de la gazéification de labiomasse ou de sa méthanisation et utili-sés dans les turbines à gaz pour laproduction d’électricité sont étudiéesdans des chambres de combustion pres-surisées. Un programme européen coor-donné par ICARE est dédié à ceproblème.

Peut-on se passer des combustiblesfossilesLes limites de l’utilisation de labiomasse à des fins énergétiques sontbien connues (compétition avec l’utili-sation alimentaire ; exploitation inten-sive de la terre ; surconsommation d’eau,etc.). Il paraît évident que les biocom-bustibles ne constituent qu’une petitepartie de la solution. L’idéal serait pasailleurs de n’utiliser à des fins énergé-tiques que les résidus ou déchets végé-taux ou forestiers, auxquels on pourraitaussi ajouter les déchets organiques detoutes sortes pour une contribution dura-ble de la biomasse à la question éner-gétique.Le recours à l’utilisation des combusti-bles fossiles carbonés est donc inévita-ble dans les décennies à venir, d’au-tant plus qu’il paraît clair que laproduction massive et propre (vis-à-visde CO2) de l’hydrogène n’est pas pourdemain.

Capture et stockage du CO2

La solution privilégiée aujourd’hui àl’échelle mondiale pour l’utilisationpropre des combustibles fossiles(notamment pour la production à grandeéchelle de l’électricité dans des centra-les thermiques) passe par la capturedu CO2 émis lors de la combustion. Il

s’agit en suite de le stocker d’une façondurable, par exemple dans des gise-ments de pétrole ou de gaz épuisés, desformations salines profondes, etc. Quantà la capture du CO2, les technologies quipermettraient sa mise en oeuvre aiséedépendent beaucoup du mode decombustion. Le point clé est qu’il fautaugmenter la concentration du CO2 dansle volume gazeux qui le contient pourle capturer aisément. Plusieurs program-mes de recherche dans cette directionseront soutenus par la Commission Euro-péenne dans le cadre du FP7 et aussipar la Plateforme Technologique Euro-péenne Zero Emission Fossil Fuel PowerPlants.

La combustion dans l’oxygèneUne façon efficace de concentrer le CO2

dans les gaz de combustion est de réali-ser la combustion dans l’oxygène plutôtque dans l’air. Séparer l’azote de l’oxy-gène demande bien entendu de l’éner-gie, mais ce procédé, après condensa-tion de la vapeur d’eau, permet decapturer directement le CO2 aprèscombustion sans recourir à sa sépara-tion de l’azote. La maîtrise de la combus-tion du gaz naturel dans l’oxygène, parexemple, demande un ensemble impor-tant de nouvelles recherches sur sa ciné-tique d’oxydation, la caractérisation dela vitesse de flamme etc. ICARE vientde démarrer un programme de recher-che sur ces sujets, comprenant aussi lesaspects de contrôle de la flamme enmisant sur les propriétés paramagné-tiques de l’oxygène.

Et le charbonLe charbon est le combustible fossilele plus abondant sur la Terre et aussi lemieux distribué. Son utilisation inten-sive future est inévitable. Afin depermettre la capture aisée du CO2, lemode envisagé de conversion du char-bon en énergie passe par sa gazéifica-tion (combustion incomplète), ànouveau dans l’oxygène et non dans l’air.

On obtient ainsi un gaz combustiblecomposé essentiellement de monoxydede carbone (CO) et d’hydrogène (H2). Leprocédé le plus efficace pour capturerle CO2 serait alors de transformer le COen CO2 par réaction avec de la vapeurd’eau. Une fois le CO2 capturé avant lacombustion, c’est l’hydrogène pur qu’ilfaudrait brûler dans la chambre decombustion de la turbine à gaz. Desétudes intensives sont en cours àl’ICARE sur la combustion de l’hydro-gène ainsi que du gaz de synthèse (CO+ H2) dans les conditions des turbinesà gaz, c’est-à-dire à haute pression maisaussi diluées dans du CO2 pour dimi-nuer la température de flamme. La réac-tivité extrême de l’hydrogène nécessiteaussi des études spécifiques sur lamaîtrise des risques de sa détonabilité,conduites également à ICARE.La recherche en combustion a donc sutrouver en son sein les ressources néces-saires pour répondre simultanément auxbesoins de production d’énergie et auxexigences de réduction des émissionsde gaz carbonique.

Iskender GökalpDirecteur d’[email protected]

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>> Pour en savoir plus :http://www.zero-emissionplatform.eu

Schéma des installations de piégeage et de stockage de CO2 montrant lessources qui pourraient convenir, ainsi que les options de transports de CO2

et de stockage (©CO2CRC).

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Un nouveau programme ambitieux deréalisation de cœur de piles à combus-tible par procédés plasma a donné lieuà la signature d’une convention derecherche en 2006 et pour une duréede 3 ans, entre la Communauté de l’ag-glomération du Drouais (maître d’ou-vrage par son dispositif MID Dreux Inno-vation), l’Université d’Orléans (maîtred’ouvre), le CNRS, l’Université de Mont-pellier II, l’Ecole Nationale Supérieurede Chimie de Montpellier et le groupeindustriel MHS-Industrie (ex-XbyBus)

Les piles à combustibles : desgénérateurs électriques d’avenirIl existe plusieurs types de piles à

combustible différenciées par leurélectrolyte et leur température de fonc-tionnement. Les piles les plus promet-teuses et qui font l’objet de recherchesaccrues depuis une dizaine d’années,sont les piles dont l’électrolyte est unemembrane polymère échangeuse deprotons: les PEMFC (Proton ExchangeMembrane Fuel Cell). Elles présententen effet de nombreux avantages tels queleur faible température de fonctionne-ment permettant des démarrages rapi-des, leur grande souplesse d’utilisationnotamment pour des applications detransport (véhicules personnels et collec-tifs, bateau de plaisance, vélos, fauteuilsroulants, … : 1 - 100 kWatts), portables

(téléphones mobiles, ordinateurs porta-bles, … : 0,1 - 100 Watts maximum),voire stationnaire (habitat collectif ouindividuel : 10 - 5000 kW)

Intérêt des procédés plasmasL’une des limitations actuelles à lacommercialisation massive des piles àcombustible est leur coût encore trèsélevé. La contribution importante à cecoût des matériaux de cour de piles, enparticulier le catalyseur platine et l’élec-trolyte polymère, conduit à repenser leurconception et leurs méthodes de fabri-cation. C’est dans un tel contexte ques’est dessiné le choix des procédésplasma pour la réalisation par dépôts

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> Energies

Vue intérieure et extérieure duréacteur plasma de

pulvérisation (PulP) en coursde dépôt de la phase actived’une électrode de la pile à

combustible (GREMI).

Le Groupe de Recherche sur l’Energétique des Milieux Ionisés (GREMI – UMR 6606 CNRS/Université d’Orléans) s’estengagé depuis 2002 sur une nouvelle voie de synthèse des éléments de cœur de piles à combustible.

LLeess ppllaassmmaass,,une nouvelle voie vers les pilesà combustible

Porte-échantillonCibles de pulvérisation

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des électrodes et de la membrane. Deplus, ils sont particulièrement bienadaptés pour une exploitation indus-trielle.Les électrodes, éléments étudiés auGREMI, sont généralement constituéesd’un tissu carbone qui se comportecomme une couche de diffusion des gaz,et d’une fine couche active contenantprincipalement du carbone poreux maiségalement un catalyseur (du platine oucertains de ses alliages), élémentindispensable pour que les réactionschimiques aient lieu, et qui doit seprésenter sous forme d’agrégats nano-métriques déposés sur les particules decarbone.Le GREMI a mis en oeuvre une nouvelleméthode de fabrication d’électrodes, lapulvérisation magnétron haute densité,avec un dépôt direct de la couche activeà base de carbone et de platine sur unecouche de diffusion ou directement surla membrane polymère. Le laboratoire s’est d’abord intéressé àl’étude des dépôts de carbone en fonc-tion des paramètres expérimentaux dudispositif tels que la pression ou letemps de dépôt. Puis il a réalisé, par pulvérisationplasma, plusieurs coeurs de pile(électrodes+membrane protonique)constitués de dépôts alternés de carboneet de platine sur les deux faces d’unemembrane protonique commerciale(Nafion® 112).L’un des premiers résultats est la miseen évidence de la croissance colonnairede la couche active comme le montrela photo de microscopie électronique àbalayage. La structure poreuse colon-naire facilite la diffusion du platine dansla couche et l’accessibilité aux gaz lorsdu fonctionnement de la pile.

Ces coeurs de pile ont ensuite été testéset les performances électriques obte-nues sont très prometteuses comptetenu de la faible quantité de platinedéposée. En effet, entre 2 à 10 fois

moins de platine est utilisé par rapportaux piles conventionnelles avec desperformances équivalentes.

Un projet ambitieuxCe programme a permis de réaliser desinvestissements importants dans leslaboratoires GREMI et l’IEM (InstitutEuropéen des Membranes – UMR5635- Université Montpellier, ENSCM,CNRS) pour la recherche et le déve-loppement d’électrodes et d’électroly-tes de piles à combustible fonctionnantà l’hydrogène. Ces deux laboratoires ontpu acquérir chacun un réacteur de dépôtentièrement dédié à la réalisation desmatériaux de cour de piles. Ceprogramme a permis également derecruter un doctorant, 3 post doctorantsdans les laboratoires ainsi qu’un 1 ingé-nieur et 1 technicien dans l’entreprisepartenaire. Par ailleurs, ce programmemobilise 9 permanents au GREMI, àl’IEM et à la CAdD.Le financement est assuré par le ConseilRégional du Centre, le Conseil Générald’Eure et Loir, la Communauté d’Ag-glomération du Drouais, l’Etat, l’Europe(FSE) et le groupe industriel MHS-Industrie. Il représente un investisse-ment total de 2 393 153 €.Une collaboration internationale avec lelaboratoire SP3 de l’Université Natio-nale Australienne à Canberra (C. Char-les et R. Boswell) a permis de construirele GDR-I CNRS « Plasmas » 2005 –2009 sur le développement des électro-des de piles par pulvérisation plasma.Ce travail a conduit au dépôt de troisbrevets dont deux bénéficient d’uneextension internationale et de contratsde licence.

Contacts :Pascal [email protected] Anne-Lise [email protected]

Colonne de carbone

Photo MEB d’une électrode issue d’un dépôt alternéde Carbone puis de Platine(A. Richard, CME Université d’Orléans)

Platine Agrégats de platine témoignantde la diffusion de la Platine

QU’EST-CE QU’UNE PILE À COMBUSTIBLE ?

Une pile à combustible permet de convertir directement del’énergie chimique (produit de réaction) en énergie électrique.Comme cela est présenté sur la figure ci-dessous, une pileest constituée d’un cœur de pile formé de deux électrodes sépa-rées par un électrolyte et de dispositifs garantissant l’appro-visionnement en combustible et en comburant. Le courant est produit par les réactions électrochimiques quiont lieu à chaque électrode. Le bilan global est :hydrogène + oxygène = eau + électricité + chaleur, avec une efficacité supérieure à 90 % .

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> Energies

Comme dans le soleil, la maîtrise de lafusion nucléaire pour la productiond’électricité : un rêve qui pourrait deve-nir réalité ?

ITER (International ThermonuclearExperimetal Reactor), le réacteurthermonucléaire expérimental interna-tional est une étape essentielle pourdémontrer la faisabilité de productiond’énergie par la fusion. C’est un réac-teur de type TOKAMAK d’un diamètrede 12,4 m et de 7 m de haut dont lesobjectifs sont de démontrer la possibi-lité - de produire 500 MW pour une consom-mation de 50 MW pendant 400 sec - et de maintenir la fusion pendant 1000sec (16 min. à la puissance de 250 MWpour 50 MW consommés).

Construire ITER est une idée née en1985 qui, à l’issue de 20 ans de négo-ciations (Signature de l’accord 28 juin2005) prend forme aujourd’hui à Cada-rache dans le cadre d’une collabora-tion internationale impliquant USA,Japon, Europe, Russie, Inde, Corée deSud, Chine et peut-être bientôt le Brésil.La construction a débuté en 2006 et

LLaa ffuussiioonn nnuuccllééaaiirree,,nouvelle fée électricité

La fusion contrôlée représente un défiscientifique et technologique majeurqui pourrait répondre au problèmecrucial de disposer, à plus ou moinslong terme, de nouvelles ressourcesénergétiques propres et pour desdurées dépassant très largementl’échelle humaine

TOKAMAK : chambre de confinement magnétique destinée à contrôler un plasma nécessaireà la production d’énergie par fusion nucléaire. Ce terme vient du russe “toroidalnaja kameramagnetnaja katuska” (en français : chambre toroïdale à confinement magnétique).

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devrait se terminer en 2012, l’exploi-tation de ce nouveau système devraits’étendre sur 20 ans.

Tester de nouveaux dispositifset matériauxLe réacteur ITER sera aussi conçu pourtester des dispositifs qui pourront êtreenvisagés pour la construction d’un réac-teur d’une nouvelle génération DEMO(Demonstration POWER Plant oucentrale électrique de démonstration)qui sera nécessaire pour démontrer lafaisabilité et la rentabilité de produc-tion d’électricité par la fusion. Le combustible utilisé dans ces réac-teurs de fusion est le Deutérium et leTritium (isotopes de l’hydrogène). Ledeutérium peut être extrait directementde l’eau de mer dans laquelle il estprésent à une teneur de 33g/m3. LeTritium sera généré à partir du lithium(présent à une teneur de 0,17 g/m3 dansl’eau de mer) par réactions avec desneutrons produits par la réaction defusion dans la couverture tritigèneplacée dans le réacteur.La conception d’un réacteur thermo-nucléaire tokamak, techniquementfiable et économiquement viable, passe,en particulier, par l’étude approfondiedes processus plasma-paroi de confi-nement. La paroi est nécessaire pourconfiner le plasma : elle doit résister auxhauts flux de particules et aux tempé-ratures élevées mais ne doit pas nuireau maintien du plasma. Pour cela il fautoptimiser les matériaux de paroi et aussimettre au point des configurations quipermettent d’éloigner le centre duplasma de la paroi. C’est le « divertor », un élément de ITERqui d’évacuera la puissance produite parles particules d’hélium, le gaz héliumet les impuretés du plasma. Véritabledéfi technologique, il devra supporter

de haut flux de chaleur et de particulesd’hélium et d’hydrogène. De plus dansDEMO, le “divertor” devra résister auxfortes irradiations neutrons générés surdes durées plus longues que dans ITER.Le “divertor” est l’un des composantsqui devra être optimisé et testé dansITER et il faudra connaître sa durée devie qui devra rester raisonnable (de l’or-dre de 2 à 3 ans).

Le tungstène testé au CERICertaines parties du “divertor” serontrecouvertes de tungstène qui présentede nombreux atouts pour des applica-tions hautes températures (températurede fusion élevée -3695 K-, faible pres-sion de vapeur saturante -1.3 x 10-7 Paà la température de fusion-, une bonneconductivité thermique de 145 W.mK-1

ainsi qu’une bonne tenue mécanique etune excellente résistance à la corrosionen température). Enfin, le tungstènepossède un faible coefficient de pulvé-risation vis-à-vis des éléments légers,limitant la quantité d’impuretés quipourrait perturber le plasma. Cependantafin de prévoir l’état du “divertor” enfonction du temps, il est nécessaired’évaluer la tenue de ce matériau dansle réacteur. Au Centre d’Etudes et de Recherchespar Irradiation en collaboration avecl’équipe CEA/CNRS Hydrogène/maté-riaux, du Laboratoire d’Etude de laCorrosion Aqueuse du CEA Saclay etdans le cadre d’un contrat de rechercheavec le département de Recherche surla Fusion Contrôlée du CEA Cadarache,une étude expérimentale a été engagée.Son objectif est d’approfondir lesconnaissances sur le comportement del’hélium (He) et de l’hydrogène (H) dansle tungstène sous irradiation et pourdéterminer les propriétés des défautslacunaires induits par implantation et

en particulier leur interaction avec Heet H. Dans ce travail les outils spéci-fiques du CERI (cyclotron, van de Graaffet accélérateur de positons) sont parti-culièrement adaptés et complémentai-res pour mener à bien cette étude. Ilfaut en effet créer des défauts d’irra-diation et les caractériser, introduire del’hélium et/ou de l’hydrogène, et sonderces éléments légers. Depuis quelquesmois d’autres équipes de recherches,complémentaire aux études expéri-mentales du CERI, sont impliquées dansce travail : le Groupe de Recherche surl’Energétique des Milieux Ionisés àOrléans et son expertise sur les plasmaset le Laboratoire de métallurgie physiqueet génie des matériaux (LMGPM – UMR8517 CNRS/Université de Lille), experten calculs théoriques.

Contact : Marie-France BARTHECentre d’Etudes et de Recherches par Irradiation (CERI)

[email protected]

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LA FUSION NUCLÉAIRE

La fusion est le processus dans lequeldeux noyaux sont suffisammentrapprochés pour se combiner oufusionner et former un noyau pluslourd. Ce processus est à l’originede l’énergie générée par le soleil.La réaction de fusion la plus acces-

sible sur terre implique le deutérium (D) et le tritium (T). Elledonne un atome d’hélium et un neutron. La réaction de fusiona pu être créée dans des réacteurs de type Tokamak où elleest provoquée dans un plasma chauffé à plus de 100 millionsde degrés et confiné par champs magnétiques. Environ 80%de l’énergie générée par la réaction est dissipée dans lescomposants du réacteur entourant le plasma et peut êtreévacuée par un fluide caloporteur vers une turbine qui pour-rait générer de l’électricité.

>> Pour en savoir plus :http://www.iter.org/reports.htm

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> Société

De cefait, à

l’exception del’économie depuis

1968 et du cas très parti-culier de la littérature, les scienceshumaines sont bien souvent maltraitées.Pourtant le droit se trouve très souventhonoré par le Prix Nobel de la Paix quirécompense la personnalité « ayant leplus ou le mieux contribué au rappro-chement des peuples ; à la suppres-sion ou à la réduction des armées perma-nentes, à la réunion et à la propagationdes progrès pour la paix », domainefaisant l’objet des recherches dans lelaboratoire à Poitiers le Centre d’Etudessur la Coopération Juridique Interna-tionale (CECOJI) – l’UMR 6224 (CNRS/Université de Poitiers ) plus particu-lièrement à travers son pôle Droits dela Personne humaine.

Ce Prix a été décerné principalement àdes juristes ayant la plupart du tempsoeuvré pour le développement du droitinternational .L’une des figures les plus marquantesest certainement René Cassin, lauréat

en 1968 lors du vingtième anniversairede la Déclaration Universelle des Droitsde l’Homme dont il avait été l’un desprincipaux inspirateurs et aussi laplume, montrant ainsi la force de lapensée juridique française dans l’ex-pression du droit. Agrégé de droit, délé-gué de la France à la Société desNations, dès le 19 juin 1940 il rejointle général de Gaulle à Londres dont ilsera l’un des principaux conseillers.Vice-Président du Conseil d’Etat de1944 à 1960, il siège aussi au Conseilconstitutionnel de 1960 à 1971. Onretiendra surtout son action en faveurde la protection internationale des droits

de l’Homme, l’un des axes de recher-che de l’UMR 6224 CECOJI (Centred’Etudes sur la Coopération internatio-nale). A côté de la Déclaration Univer-selle des Droits de l’Homme, il a acti-vement participé à la rédaction de laConvention Européenne des Droits del’Homme, l’un des instruments les plusefficaces de la protection des droits dela personne humaine, obligeant notam-ment notre pays bien souvent condamnéà revoir nombre des dispositions de notrelégislation en la matière. René Cassina été membre de la Cour européennedes Droits de l’Homme dès 1959 et l’aprésidée de 1965 à 1968. On aura uneidée de ces champs d’action à traversle Dictionnaire plurilingue des Libertésde l’esprit dont le CECOJI a été l’inspi-rateur et la cheville ouvrière et quepublient cette année les éditions Bruy-lant en coopération avec des équipes derecherche de Marburg, Bristol et Sala-manque

D’autres juristes ont été honorés par cePrix notamment en raison de leur actionen faveur du développement du droit dela paix, l’un des domaines auxquels s’in-

Les classements des universités suscitent souvent des controverses car lescritères retenus sont contestés. Parmi ceux de l’Université Jia Tong de Shanghai,on trouve le nombre de Prix Nobel ou Médailles Fields, élément majeur puisquesa pondération correspond presque au tiers des éléments de l’évaluation, ignorant

totalement les autres disciplines non primées.

LLEESS JJUURRIISSTTEESSPRIX NOBEL

René Cassin

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téresse le CECOJI comme en témoignele récent colloque avec l’Université d’An-gers sur la légitime défense en droitinternational. On peut citer FrédéricPassy, premier titulaire du prix, juriste

et journaliste, défendant des convictionsféministes et abolitionnistes, Présidentde la Ligue internationale et permanentepour la paix, Louis Renault très souventchoisi comme arbitre dans des diffé-rends internationaux, Paul Henri Balluetd’Estournelles de Constant, président-fondateur du groupe parlementaire fran-çais de l’arbitrage (1909) et Léon Bour-geois, autre juriste, président du Conseilde la Société des Nations(1920).

La France, bien sûr n’est pas le seul paysà avoir vu ses juristes récompensés. Laliste serait longue en évoquant notam-ment le Néerlandais Tobias Asser en1911, le Président Woodrow Wilson,

juriste, ancien président de l’Universitéde Princeton (1918), Sean MacBride,avocat, président d’Amnesty Interna-tional jusqu’en 1974, ou Chirine Ebadi,avocate iranienne, militante des droitsde l’homme en 2003. Bien entendu onn’oubliera pas non plus que le droit estreprésenté par un très grand nombred’organisations internationales oeuvrantpour la promotion du droit et notammentdes droits de la personne humaine aucoeur des recherches du CECOJI. Cesont ces juristes Prix Nobel de la Paixque le CECOJI présentera à la Fête dela Science.

Dominique BREILLATDirecteur adjoint de l’UMR 6224 CECOJI(Centre d’Etudes sur la Coopération Juridique Internatio-nale), Responsable du Pôle Droits de la Personnehumaine

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Frédéric Passy

Léon Bourgeois

Paul Henri Balluetd’Estournelles de Constant

Louis Renault

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Au sein de l’Institut de Recherche surles ArchéoMATériaux (UMR 5060), leCentre Ernest-Babelon développe cesproblématiques techniques à partir d’ob-jets monétaires.

Supposer de l’histoire d’une techniqueLa principale finalité d’une étude portantsur une problématique d’histoire destechniques est d’abord de mettre enévidence des chaînes opératoires de

fabrication qui renseignent alors sur lessavoir-faire d’une époque ainsi que surson niveau de technicité.Les moyens disponibles pour dévelop-per de telles études sont d’abord histo-riques, à partir de la collecte de donnéesdes sources écrites et iconographiques.Il faut cependant remarquer ici que,selon les époques considérées et enparticulier pour les plus anciennes, lestextes ne sont plus, voire n’ont jamaisété, disponibles. De plus, une infor-mation extraite d’une source historique,en particulier lorsqu’elle tient du tech-nique, ne peut pas être considéréecomme indiscutable. En effet, elle doitêtre pondérée par les non-dits ou leserreurs qui peuvent avoir plusieurs origi-nes. L’artisan qui propose une descrip-tion technique peut ne pas vouloir expli-citer l’intégralité de sa recette, oupenser qu’une étape ne nécessite pasd’être décrite car trop évidente de sonpoint de vue. D’un autre côté, l’auteur

de la description, en tant que simpleobservateur d’opérations qu’il ne comp-rend peut-être pas intégralement, peutomettre ou mal interpréter certainesopérations. C’est pour ces raisons qu’une étudetechnique doit surtout s’appuyer surl’observation et la caractérisation d’ob-jets archéologiques. Cependant, si unobjet peut être considéré comme lerésultat d’une série d’opérations demise en forme dont il porte des stig-mates dans sa structure interne, leurlecture peut s’avérer difficile lorsquel’objet considéré résulte d’une multi-tude de transformations successives.Il est donc intéressant de développerdes problématiques techniques à partird’objets archéologiques provenant dela fouille d’ateliers de mise en forme.On dispose alors d’artefacts dontl’étude permet de couvrir la totalité dela chaîne opératoire. Enfin, une grande part des données dont

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> Histoire / Archéologie

Hors série > Microscoop / Numéro 16 – octobre 2007

L’objet archéologique en tant que témoin d’une époque est porteur d’informations sur des techniques de fabricationanciennes. Dans une recherche sur l’histoire d’une technique, le recours à l’expérimentation archéologique apparaîtindispensable.

LL’’eexxppéérriimmeennttaattiioonn aarrcchhééoollooggiiqquuee ::retrouver des secrets de fabrication

a - Coulée du lingot initial.

b - Echanges entre unforgeron et l’expérimentateur.

Objets archéologiques quipermettent de décrire lafabrication de la monnaie auMoyen Age (découverts à LaRochelle et à Montreuil-Bonnin).

a b

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on dispose aujourd’hui sur les tech-niques anciennes, provient de leurreconstitution expérimentale. En effet,si l’étude d’objets archéologiquespermet de mettre en évidence des struc-tures liées à leur élaboration, leurcompréhension peut être facilitée parune comparaison avec une référenceparfaitement connue. Et c’est grâce àla reconstitution expérimentale d’unechaîne opératoire qu’il est possible deproduire des analogues dont on connaîtla mise ne forme. Enfin, cette démar-che appliquée permet de mieux appré-hender le geste, ses pré-requis, sacomplexité ou sa durée. On comprendalors qu’elle ne peut prendre place ausein d’un laboratoire. C’est pour celaqu’a été développée une plate-formed’expérimentations palléométallur-giques au sein du musée des Mines d’Ar-gent des Rois Francs à Melle (Deux-Sèvres), où les chercheurs peuvent venirexpérimenter leurs problématiques dansdes conditions proches de celles desateliers des artisans anciens.Il faut cependant pondérer ces donnéespar les savoir-faire différents entre l’ou-vrier du passé et le chercheur en Histoiredes techniques, même s’il est possiblede s’affranchir un minimum de ce biaispar un échange avec des artisans dontl’expérience dérive de celle de leurs prédé-cesseurs. Quant à l’expérimentation enlaboratoire, elle est tout de même néces-saire mais avec des finalités différentes.

L’exemple de l’atelier monétaire royalde La RochelleDans les années 90, deux campagnesde fouilles, sur la place de Verdun à LaRochelle, ont mis au jour les vestigesd’un atelier monétaire royal en activitéentre la fin du XIVème et la fin du XVIIème

siècle. Le matériel archéologique qui enest issu permet, a priori, de décrire latotalité de la chaîne opératoire de fabri-cation de la monnaie telle qu’elle prenaitplace au sein des ateliers du Roi. Il étaitdonc envisageable de développer auCentre Ernest-Babelon une étudeportant sur la mise en évidence de fabri-cation monétaire. Si l’on dispose pourl’époque considérée à la fois de traitéstechniques et législatifs, les informa-tions qui ont pu en être extraites etconfrontées aux objets archéologiquesne permettaient pas de caractériser latotalité de la chaîne opératoire. Et c’estdonc le recours à l’expérimentation quia permis de reconsidérer certainesétapes de la mise en forme dont la fina-lité première de certaines avait pu êtremal interprétée. L’exemple le plus signi-ficatif en est peut être l’étape du blan-chiment, au cours de laquelle lesmonnaies fabriquées vont être décapéeset devenir argentées alors que l’alliageutilisé peut contenir moins de la moitiéde ce métal précieux. Et, c’est à partirde l’expérimentation qu’il a été possi-ble de mettre en évidence que si lesouvriers étaient conscients qu’ilspouvaient améliorer l’aspect final de leurmonnaies, ils ne semblaient pas vouloirl’obtenir obligatoirement.

ContactAdrien [email protected] de l’université d’Orléans à l’IRAMAT - CEB, sous la direction de Bernard GRATUZE et de Florian TEREYGEOL

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Le journal du CNRS en délégation Centre Poitou-Charentes

Comparaison entremonnaies

archéologique etexpérimentale.

LA PALÉOMÉTALLURGIE À MELLE

Depuis quelques mois, les chercheurs et étudiants en palléo-métallurgie (archéologues, archéomètres, restaurateurs, histo-riens) disposent d’une plate-forme d’expérimentations pérenneau sein du musée des Mines d’Argent des Rois Francs à Melle(79). C’est un lieu privilégié où ils peuvent expérimenter leursproblématiques et échanger avec le public. Dans une démar-che pédagogique, chaque intervenant est invité à présenterses recherches aux visiteurs. Renseignements Mines d’Argent des Rois Francs de Melle : http://www.mellecom.fr/minesContact : Florian TEREYGEOL – [email protected]

Etape interprétée dans un premier temps commepermettant d’arrondir la monnaie mais qui s’estrévélée être un surfaçage de la tranche après unedécoupe. Frappe de la monnaie entre les deux coins monétaires.

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> Physique / Physiologie

La couleur est liée à la lumière visible,qui constitue un domaine particulier ettrès réduit du spectre électromagné-tique. En effet, l’homme peut perce-voir et distinguer les unes des autres,les différentes ondes de longueur d’ondecomprise entre 400 et 700 nm environ,La couleur correspondant à la percep-tion des diverses longueurs d’onde.

La perception de la couleurSi deux sources lumineuses distincteséclairent le même point ou sont confon-dues, alors la distribution spectralerésultante est la somme des deux répar-titions spectrales : c’est la synthèseadditive. Si un objet blanc est éclairépar deux sources rouges et vertes demême intensité, il apparaîtra jaune.Dans le cas d’un écran de télévision,chaque pixel est composé de trois lumi-nophores rouge, vert et bleu. Loin dupixel, l’œil n’est plus en mesure derésoudre spatialement chaque lumino-phore et les trois sources lumineusesse confondent.Le second cas de reproduction de lacouleur est la synthèse soustractive. Lasensation de couleur qui est attribuéeà l’objet correspond à lumière qui estréfléchie. Une feuille de papier appa-raît blanche à la lumière du jour car ellea la propriété de réfléchir toutes leslongueurs d’onde dans la même propor-tion En traçant une ligne bleue sur lafeuille, celle-ci perd sa capacité à réflé-chir le rouge et le vert. Dans le cas dujaune, c’est seulement le bleu qui n’estplus réfléchi. Les couleurs primaires lesplus adaptées à la synthèse soustrac-tive sont le jaune, le cyan et le magenta.

Le mécanisme de “perception de lacouleur” fut imaginé dès 1802 parThomas Young. « Comme il est quasiimpossible d’imaginer que chaque pointphotosensible de la rétine contienneune infinité de particules susceptiblesde vibrer à l’unisson avec tous les rayon-nements, il devient nécessaire d’ensupposer un nombre limité […] parexemple trois, sensibles aux couleursprimaires » additives, établies que plustardivement par Helmhotz.La vision chromatique est rendue possi-ble par trois classes de cellules, sensi-bles aux grandes longueurs d’onde (lerouge), aux longueurs d’onde intermé-diaires (le vert) et aux courtes longueursd’onde (le bleu). Ces cellules, les cônes,sont situées dans la rétine. Chacun deces cônes absorbent les photonsproches de son domaine spectral, déter-miné par le type de pigment qui lecompose, avant d’envoyer vers lecerveau un signal électrique, dont l’am-plitude sera fonction du nombre dephotons absorbés. Le cerveau se chargealors de traiter ces informations et denous donner la sensation d’une teinteparticulière.

La couleur est une notion qui semble naturelle, simple, mais faisant pourtant appel à de nombreux mécanismesphysiques, biologiques, culturels, socio-économiques et linguistiques.

LLaa lluummiièèrreenous en fait voir de toutes les couleurs !

Synthèse additive

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Une construction culturelle complexeLa couleur est aussi une constructionculturelle complexe. La symbolique descouleurs intéresse de nombreuses disci-plines telles que la sociologie, l’histoireou encore l’art religieux. Il n’y a pas devérité transculturelle de la couleur.Selon les domaines, les lieux ou lesépoques, les couleurs ont une signifi-cation semblable ou différente carchaque groupe s’est formé son propresymbolisme émanant de sa culture.Ainsi, le bleu, autrefois ou mal consi-déré car symbolisant la couleur de lamort, des enfers et des peintures guer-rières des Barbares au Moyen âge estdevenu une couleur consensuelle etvalorisée dans notre société contem-poraine comme celle du rêve, de l’idéal,des grandes institutions nationales ouinternationales. C’est la société qui“fait” la couleur, qui lui donne ses défi-nitions et son sens, organise sespratiques et détermine ses enjeux.A l’origine, l’éclairage est gage deconfort visuel et de sécurité pour toutmode de déplacement. Mais au-delà deson aspect purement fonctionnel,l’éclairage comporte également desvertus esthétiques. Face à une ville enquête d’identité locale, de cadre de viede qualité et de cohésions sociale et

territoriale, la projection de couleurssemble faire solution. Si les composi-tions paysagères des espaces publicset la restauration des façades à valeurpatrimoniale répondent aux enjeux dela ville actuelle, leur mise en lumièreleur donne plus de valeur et de légiti-mité dans le temps et dans l’espace,voire une certaine notoriété dépassantparfois le simple horizon régional. Par conséquent, la projection decouleurs contribue à la qualité de viedu citadin et participe à la reconnais-sance de la ville à plusieurs échelles.En-dehors de l’urbanisme, d’autressecteurs comme la mode vestimentaireou l’alimentaire témoignent aussi del’omniprésence des couleurs dans notrequotidien.

Les mots et les couleursE. Sapir et B Whorf, ont émis l’hypo-thèse du relativisme linguistique. Seloncette dernière, les habitudes langagiè-res, le lexique d’une langue, auraientpour effet de conditionner chez ses locu-teurs une certaine vision du monde. B.Berlin et P. Kay, ont pu mettre enévidence ce postulat, en orientant leurstravaux sur le lexique des couleurs d’ungrand nombre de langues. Ils ont puaboutir aux conclusions suivantes :chaque langue découpe à sa façon lespectre lumineux, et toutes les languesne disposent pas du même nombre determes. Ce nombre varie de deux à onzepour exprimer les couleurs fondamen-tales. Toutefois, ils ont observé que lelexique des couleurs suit un schémauniversel. Si les langues ne comptentque deux termes, ce sera le noir et leblanc (clair/foncé), le troisième sera lerouge, le quatrième le jaune ou le vert,le cinquième le jaune ou le vert, en fonc-tion de celui qui reste disponible, le

sixième le bleu, le septième le brun etles quatre derniers le rose, le violet, leorange ou le gris.

Contacts : Atelier projet sur la couleur :Guillaume ALLIBERT [email protected] Coralie BERTHEAU [email protected] Ludovic BONHOMME [email protected] DOURNEL [email protected] Barbara FILA [email protected] Anthony FRISON [email protected] Jean-Michel HENRIOT [email protected] HIET [email protected] LIAUTARD [email protected] MARIN [email protected] Jesus-Herell NZE-OBAME [email protected] Mélanie PETIT [email protected] SEMENESCU [email protected] TRICOT [email protected]

Le journal du CNRS en délégation Centre Poitou-Charentes

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LES ATELIERS PROJETS

Depuis la rentrée universitaire 2004, les Ateliers Projets sontintégrés à la formation offerte par les C.I.E.S. (Centre d’Initia-tion à l’Enseignement Supérieur) à l’intention des moniteurs.En parallèle à leur initiation aux divers aspects pratiques del’enseignement supérieur, les moniteurs sont conviés à êtredes animateurs de la Diffusion de la Culture Scientifique etTechnique, comme l’ensemble des enseignants-chercheurs ausein des universités. L’objectif est de faciliter la diffusion de leurs domaines decompétence en direction d’un large public. La pluridiscipli-narité doit être mise en valeur dans les Ateliers Projets. C’estainsi qu’a été choisi le thème de la couleur permettant aux 14doctorants (2005-2008) d’Orléans de s’investir dans ce projetquelque soit leur thématique de recherche. Cette diffusion alieu sous la forme d’expositions et d’activités ludiques dans lecadre de La Fête de la Science, d’interventions dans des établis-sements scolaires, et sous la forme d’un site Internet dédié àla couleur.

Synthèse soustractive

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