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    1. Introduction

    CHAPITRE 3

    Conservation etgestion de la biodiversitCorinne Marchal1, Valrie Cawoy2, Christine Cocquyt3, Gilles Dauby2, Steven Dessein3, Iain Douglas-Hamilton4,5, Jef Dupain6, Eberhard Fischer7, Danielle Fouth Obang8, Quentin Groom3, Philipp Henschel 9, Kathryn J. Jeffery10,11, Lisa Korte12, Simon L. Lewis13, Sbastien Luhunu14, Fiona Maisels11,15, Mario Melletti16, Roger Ngoufo17, Salvatore Ntore2, Florence Palla18, Paul Scholte8, Bonaventure Sonk15, Tariq Stevart3, Piet Stoffelen3, Dries Van den Broeck3, Gretchen Walters14, Elizabeth A. Williamson11

    1ULg, 2ULB, 3JBNB, 4Save the Elephants, 5Universit dOxford, 6AWF, 7Universit de Koblenz-Landau, 8GIZ, 9Panthera, 10ANPN, 11Universit de Stirling, 12Smithsonian Institution, 13Universit de Leeds, 14UICN, 15WCS, 16Universit de Rome, 17Universit de Yaound I, 18RAPAC.

    Depuis la premire dition de ltat des Forts, ltat etla conservation de la biodiversit sont une proccupation constante. Lesditions successives ont chaque fois fait le point sur les menaces qui psent sur la faune etla flore de la sous-rgion. En 2010, un focus tait fait sur le sujet dans un cha-pitre intitul Biodiversit dans les forts dAfrique centrale : panorama des connaissances, principaux enjeux etmesure de conservation (Billand, 2012). En consacrant un nouveau chapitre cette th-matique, lEDF 2013 raffirme limportance de la biodiversit etde la protection des espces pour le dveloppement durable des forts dAfrique centrale.

    Leprsent chapitre nest pas une monographie de la situation actuelle ; il ne se veut pas exhaustif sur la diversit biologique de lAfrique centrale. Ilsinscrit plutt dans la continuit du panorama dress prcdemment tout en apportant un clai-rage sur certaines connaissances acquises etsur les outils disponibles pour suivre lvolution de la biodiversit eten faciliter la gestion. Il traite aussi de quelques points dactualit etdexpriences rcentes de gestion/conservation de la biodiversit animale etvgtale.

    Lapremire partie de ce chapitre, particu-lirement innovante, traite des mthodes dispo-nibles pour estimer la biodiversit dans les forts dAfrique centrale. Un premier volet concerne la grande faune mammalienne dont la plupart des espces emblmatiques ; il prsente ensuite des mthodologies pour lvaluation de la diversit vgtale.

    Ladeuxime partie fait le point sur le statut de quelques espces emblmatiques. Ilfournit les derniers chiffres sur la situation critique des popula-tions dlphants etde grands singes. Aprs un bilan des connaissances sur la diversit spcifique des diffrents groupes de plantes, cette section aborde galement la problmatique des invasions biolo-giques travers les exemples de la petite fourmi de feu au Gabon etau Cameroun, etdes plantes envahissantes So Tom. tonnamment, cette menace pour les cosystmes dAfrique centrale a, jusqu prsent, t peu prise en compte par les acteurs de la conservation. Photo 3.1 : Herbier de

    lINERA Dpartement forts Yangambi RDC

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    Ensuite, quelques outils etapproches de ges-tion de la biodiversit sont prsents dans les troi-sime etquatrime parties. Lattention est porte, entre autres, sur le rle fondamental des herbiers pour la connaissance, la conservation et la ges-tion de la biodiversit vgtale. Sur le plan des dmarches de conservation prsentes dans lEDF 2010, un premier bilan des initiatives daires pro-tges transfrontalires (APT) est dress. Enfin, lAfrique centrale reste confronte lampleur, voire

    la recrudescence du phnomne de braconnage etdu trafic des espces animales. Une large place est donc accorde au dfi que reprsente la lutte anti-braconnage. Celle-ci est aborde de manire transversale au fil des deux dernires sections. On verra ainsi que des actions multi-acteurs concertes se dveloppent dans la rgion, y compris dans une dynamique de gestion transfrontalire.

    Le suivi de la faune sauvage (monitoring) est une dmarche fondamentale pour orienter les modalits de gestion etde conservation des espces etde leur habitat. Laprsence despces de grands mammifres aux taux de reproduction relativement lents, combine lintensit et la distribution spatiale des activits humaines sont deux indicateurs communment utiliss pour mesurer la sant dun cosystme (Alstatt etal., 2009 ; Atyi etal., 2009). Gnralement, le suivi de ltat de la grande faune commence par dterminer labondance et la distribution de sa population, puis identifie ethirarchise les facteurs qui, dans le futur, peuvent influencer son abondance etsa dis-tribution (gnralement des menaces). Lvolution de ces facteurs fait lobjet dun suivi dans lespace etle temps (UICN/SSC, 2008).

    2. Lesmthodes dvaluation de la biodiversit dans les forts dAfrique centrale

    Encadr 3.1. Estimation du statut des grands mammifres : quelques dfinitions

    Dans les tudes destines quantifier les populations de grands mammifres dAfrique centrale, les termes inventaire et recensement sont souvent utiliss indiffremment. Ces oprations servent documenter labondance etla distribution des espces vivant dans un lieu donn, un moment donn. Le suivi est une dmarche qui intgre une dimension temporelle ; il tudie lvolution des effectifs au fil des mois, des annes. En gnral, le suivi de la faune sinscrit dans une optique de gestion des espces concernes etde leur habitat. Lesuivi sert valuer lefficacit des mesures de gestion, identifier les zones confrontes des problmes de conservation, surveiller les mouvements saisonniers des espces, etc.

    2.1. Lvaluation de la grande faune

    2.1.1. Lesmthodes habituelles : le distance sampling etla marche de reconnaissance

    LeDistance sampling etla marche de reconnais-sance (ou recce) sont les deux techniques les plus frquemment utilises pour valuer les populations animales dans les forts denses dAfrique centrale. Lerecce est bas sur lobservation directe des ani-maux ou, plus gnralement, sur le relev de leurs traces dactivit (empreintes, crottes, nids, restes de repas, etc.) ; dans le cas du Distance sampling, seuls les crottes ou les nids (des grands singes) sont pris en compte. Nous ne donnons quune rapide description de ces deux mthodes car elles sont dtailles dans louvrage de rfrence de White etEdwards (2000).

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    Habituellement, le Distance sampling est appli-qu le long de transects linaires. Un ou plusieurs layons sont ouverts dans la vgtation selon un cap prcis. Ensuite, on recense toutes les observations de crottes etde nids de grand singe ralises le long du layon eton mesure la distance perpendiculaire de chaque observation par rapport laxe de pro-gression. Lenombre total danimaux prsents dans la zone chantillonne (densit dite absolue) est ensuite estim sur la base dun processus de mod-lisation de la probabilit de dtection des observa-tions le long des transects, de la superficie effective recense (longueur totale des transects x largeur effective des transects) etdu taux de production etde dgradation des dites observations (crottes ou nids) selon le site etla saison7. LeDistance sampling est considr par le monde scientifique comme la mthode de rfrence.

    Lesfondements thoriques de cette mthode etcertains conseils extrmement utiles pour le ter-rain sont dcrits en dtail dans Buckland etal., 2001 et2004. Lelogiciel DISTANCE, disponible sur le site web de CREEM (Centre for Research into Ecological and Environmental Modelling) (http ://www.ruwpa.st-and.ac.uk/distance), est uti-lis la fois pour la caractrisation de lchantillon-nage etlanalyse des rsultats (Thomas etal., 2010).

    Lerecce nintgre pas la variabilit de dtectabi-lit des animaux. Cette mthode consiste simple-ment noter les observations en se dplaant selon un cap approximatif sur des pistes prexistantes (sentiers pdestres, pistes animales, etc.). Lesdon-nes collectes sont similaires celles du Distance sampling mais sans mesure de la distance perpendi-culaire. Ces donnes sont converties en un indice dabondance (IKA pour indice kilomtrique dabondance ou encore taux de rencontre ), qui peut renseigner les changements intervenus dans une population animale spcifique.

    2.1.2. Lesmthodes innovantes : estimations gntiques etpigeage photographique

    De nouvelles techniques pour valuer les popu-lations animales sont en cours de dveloppement dont les estimations gntiques etle pigeage pho-tographique (camera trapping) qui sont adapts aux espces rares, nocturnes ou particulirement discrtes.

    Lesmthodes de comptage gntique ont t utilises avec succs pour les petites populations

    7. tant donn quil est impossible de compter tous les animaux (ou toutes les traces danimaux) dune population animale don-ne ou dune aire, les statistiques de recensement (le nombre danimaux ou de traces dani-maux rellement recenss au cours dune enqute) peuvent tre utilises pour infrer une estimation de la population. Labondance dune espce par-ticulire dans une aire donne estensuite calcule en divisant la statistique de comptage par la probabilit de dtection dun animal ou dune trace danimal (par exemple, Nichols etConroy, 1996) (MacKenzie etal., 2006). Lastatistique de comptage peut galement tre dtermine par-tir du nombre danimaux captu-rs, photographis ou autrement identifis au cours denqutes de capture-recapture (par exemple, Otis etal., 1978), ou le nombre de parcelles o un animal (ou un signe danimal) est dtect par chantillonnage de loccupation des parcelles (MacKenzie etal., 2006).

    dlphants de fort au Ghana (Eggert etal., 2003), dlphants dAsie au Laos (Hedges etal., 2013), de grands singes au Gabon (Arandjelovic etal., 2010 ; Arandjelovic etal., 2011) etde gorilles en Ouganda (Guschanski etal., 2009) etdans les Virunga (Gray etal., 2013). Lamthode ncessite ltablissement pralable du profil gntique des individus partir de leur ADN rcolt sur le terrain (crottes ou poils). Lesrsultats des analyses ADN sur les matriels rcolts sont ensuite introduits dans un modle mathmatique de capture-recapture (C-R) qui donne des chiffres de densit absolue. Ces rsultats peuvent aussi servir construire des courbes daccu-mulation dindividus nouvellement identifis.

    Lepigeage photographique consiste prendre des clichs danimaux avec des appareils photos dclenchement infrarouge (photo 3.2). Un modle de capture-recapture permet alors de cal-culer des densits absolues pour les espces qui prsentent des caractristiques permettant diden-tifier chaque individu, par exemple le bongo au Congo (Elkan, 2003) etdans le PN des Virunga (Nixon etLusenge, 2008), le lopard au Gabon (Henschel, 2008) ou les lphants dans les forts dAsie (Karanth etal., 2012). Ledveloppement des techniques de capture-recapture spatialement explicites (SECR) permet aujourdhui une esti-mation correcte de la densit animale ; ces tech-niques peuvent galement tre utilises pour les animaux non marqus (par exemple, Chandler & Royle, 2011) constituant la majorit des espces gnralement suivies dans cette rgion dAfrique centrale (tels les onguls, les singes etles lphants), des modles doccupation (dans lesquels les piges, transects etenqutes par des observateurs indpen-dants peuvent tre traits comme des observations rptes dans laire chantillonne) peuvent gale-ment tre utiliss (OConnell, 2011). Enfin, une combinaison de capture vido distance, de SECR etdautres mthodes a rcemment t utilise avec succs pour les grands singes et les lphants au Gabon (Head etal., 2013).

    Photo 3.2 : Installation dun pige photographique pendant une enqute sur le chat dor africain (Cara-cal aurata) au sud du Parc national dIvindo Gabon

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    2.1.3. Lesautres techniques disponibles

    Dautres techniques existent qui sinscrivent dans un contexte dintervention plus particulier. Par exemple, le recensement par balayage (couver-ture complte dune zone dtude afin de dtecter tous les animaux, ou leurs traces, qui sy trouvent) (McNeilage etal., 2006 ; Gray etal., 2010) etle suivi des animaux habitus la prsence humaine (Kalpers etal., 2003 ; Gray etKalpers, 2005) ont t dvelopps spcialement pour les grands singes etquelques autres primates. Latechnique de lappel (van Vliet etal., 2009) ou lenqute villageoise (van der Hoeven etal., 2004 ; van Os, 2012) ont plutt t employes pour la gestion des espces

    de gibier dans un terroir de chasse. Des enqutes par entretien sont galement utiles pour prparer des enqutes standardises sur le terrain (Meijaard etal., 2011).

    Lventail des mthodes de recensement est donc large (Marchal, 2011). Le choix de la mthode adquate dpend de nombreux facteurs : espces cibles, enjeux de ltude (objectifs de ges-tion, type de rsultats attendus, prcision recher-che des estimations), conditions de lintervention (taille du site, moyens disponibles) (tableau 3.1). Dans le contexte rigoureux de la conservation, ce choix peut tre opr laide de larbre de dcision propos par Strindberg etOBrien (2012).

    Tableau 3.1 : Mthodes de recensement selon les espces de grands mammifres, le niveau dexpertise requis etlchelle dapplication.

    Mthode Espces cibles Niveau dexpertise requis (connaissances, comptences, pratiques ncessaires) Surface dapplication

    Transect linaire ***

    +++

    # ### Navigation en fort, reconnaissance des traces et des espces, statistiques pour llaboration du protocole dtude, lanalyse etlinterprtation des rsultats, Distance sampling

    Recce ***

    ++

    # ### Navigation en fort, reconnaissance des traces et des espces, statistiques pour llaboration du protocole dtude, lanalyse etlinterprtation des rsultats

    Comptage gn-tique *

    +++

    # ### Navigation en fort, statistiques pour llaboration du proto-cole dtude, lanalyse etlinterprtation des rsultats, dtude, prcautions pour le stockage de lADN, analyses gntiques, analyse C-R

    Pigeage photogra-phique * ou **

    ++ +++

    # ### Manipulations photo, statistiques pour llaboration du proto-cole dtude, lanalyse et linterprtation des rsultats, analyse C-R etSECR

    Balayage * ou **++

    # Navigation en fort

    Suivi animaux habitus *

    ++##

    Reconnaissance individuelle des animaux

    Technique de lappel ** (cphalophes)

    ++# Comptence de lappeleur, statistiques pour llaboration du

    protocole dtude, lanalyse etlinterprtation des rsultats

    Enqute villageoise ***

    ++ +++

    ## ### Techniques dentretien, cartographie, statistiques pour lla-boration du protocole dtude, lanalyse etlinterprtation des rsultats

    Espces cibles : * : une seule espce ; ** : un taxon ou un groupe despces ; *** : ensemble des grands mammifresNiveau dexpertise requis : + : basique (connaissance de base de la fort) ; ++ : moyen (une comptence particulire) ; +++ : expertise certaine (plu-sieurs connaissances/comptences particulires)chelle dapplication : # : quelques milliers dhectares (un secteur de fort) ; ## : plusieurs dizaines de milliers dhectares (une concession forestire par exemple) ; ### : quelques centaines de milliers dhectares (un massif )

    Adapt de Marchal, 2011.

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    2.2.1. Contribution des inventaires forestiers dans les concessions

    Une des difficults pour ltude de la biodi-versit des forts tropicales, etde ce fait pour la dfinition des aires prioritaires pour la conser-vation, est dobtenir des donnes de terrain de bonne qualit des cots raisonnables. Dans le cadre du programme USAID/CARPE (carpe.umd.edu), le Missouri Botanical Garden (MBG), lUniversit Libre de Bruxelles (ULB) etle Wildlife Conservation Society (WCS) ont collabor pen-dant quatre ans pour aider les socits forestires identifier, dans leurs concessions, les zones idoines pour la conservation. Lamthodologie qui t labore a, par la suite, t applique dans plusieurs concessions forestires du Gabon (Stvart etDauby, 2011).

    Les donnes dinventaires forestiers sont utilises pour classifier les principaux habitats. Cependant, ces donnes sont moins prcises que celles collectes par les scientifiques, notamment

    Encadr 3.2. Lerecensement de la faune dans les concessions forestiresCorinne MarchalUniversit de Lige

    Depuis une dizaine dannes, les recensements de mammifres (grandes etmoyennes espces) se multiplient dans les forts dexploita-tion dAfrique centrale. Lephnomne dcoule de lengagement croissant des compagnies forestires dans le processus damnagement durable etdes contraintes lgislatives etrglementaires qui leur imposent dsormais de prendre en compte la faune sauvage dans les concessions qui leur sont attribues (Billand, 2010).

    Daprs ces lois, normes damnagement etgrilles de certification, les recensements des populations animales dans les concessions ont essentiellement pour rles (I) de fournir des bases llaboration du plan de zonage dlimitant les secteurs de protection ou de conservation et(II) dvaluer, dans le but de les attnuer, les impacts de lexploitation sur les espces animales (chasse principalement) (Marchal, 2012).

    En 2011, une tude de lUniversit de Lige, finance par le CIFOR, a dress le bilan des pratiques de recensements de la grande faune mises en uvre dans les forts de production. Pour cela, 75 travaux concernant une soixantaine de concessions forestires en cours damnagement ont t analyss (Marchal, 2011). Lesmthodes utilises pour valuer le potentiel faunique dans les forts de production sont relativement similaires celles appliques dans les forts vocation de conservation. Lesmthodes les plus utilises sont le Distance sampling, la marche de reconnaissance (recce) ou une combinaison des deux mthodes (recce-transect). Cependant, les protocoles appa-raissent souvent trs diffrents dun site lautre, particulirement pour la collecte des donnes de terrain ou le traitement des rsultats etla prsentation des cartes de distribution.

    Cette situation dcoule des lacunes des textes rglementaires concernant les aspects oprationnels de lvaluation de la ressource. En effet, mme les normes damnagement les plus avances restent laconiques sur la manire de collecter etde traiter les donnes sur les popula-tions animales, tandis que les rfrentiels de gestion durable ne prcisent pas les variables dvaluation de la faune mesurer sur le terrain.

    Ilapparait donc ncessaire de standardiser les procdures dvaluation etde suivi de ltat des populations de grands mammifres dans les concessions forestires engages dans le processus damnagement. Idalement, un nouveau cadre mthodologique devrait mme tre dvelopp spcialement adapt au contexte particulier de lexploitation forestire industrielle, incluant la stratgie dexploitation, les objectifs de gestion (y compris de la faune), les comptences disponibles etles contraintes conomiques etlogistiques qui lui sont propres. En ce sens, des propositions sont faites par Marchal etal. (2011 ).

    2.2. Lvaluation de la flore

    Photo 3.3 : Explosion de verdure dans un sous-bois du Bas-Congo RDC

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    au niveau de lidentification taxonomique, surtout pour les espces darbres rares etde sous-bois et, dans une moindre mesure, pour les essences non commerciales. Afin de minimiser ces biais, des mthodes statistiques qui donnent peu de poids aux espces rares (Rejou-Mechain etal., 2010) permettent cependant de caractriser la variation spatiale de la composition floristique etde dfinir une typologie forestire. Cette typologie peut tre prcise par des inventaires cibls etplus complets incluant des donnes floristiques complmentaires, notamment sur les espces endmiques.

    Teste pour la premire fois au Gabon sur les inventaires de Sylvafrica dans les concessions du groupe Rimbunan-Hijau Bordamur (Stvart etDauby, 2009), cette approche a permis didenti-fier des types de vgtation rares etdautres impor-tants pour la grande faune. Lesrecommandations mises ensuite ont servi Sylvafrica pour llabo-ration du plan damnagement.

    2.2.2. Exemple des parcelles permanentes

    Un important dispositif de plus de 250 par-celles permanentes dune superficie variant de 0,2

    50ha etcouvrant un total denviron 500ha a t mis en place en Afrique tropicale pour suivre ettu-dier la vgtation (Picard etGourlet-Fleury, 2008 ; African Tropical Rainforest Observation Network : afritron.org ; etc.). Dans ces parcelles, tous les arbres dun diamtre suprieur ou gal 10 cm ( 1,3 m au-dessus du sol ou 30 cm au-dessus des contreforts) ont t identifis etgo-rfrencs. En gnral, chaque arbre est marqu avec de la peinture ou identifi par une tiquette mtallique pour garantir la qualit de son suivi long terme.

    Ces parcelles permanentes sont un outil essen-tiel pour ltude de la dynamique des peuplements forestiers. Elles permettent aussi dtudier les processus lorigine de la diversit vgtale, de sa rpartition passe, prsente etfuture probable, notamment dans un contexte de changement cli-matique. Par ailleurs, elles contribuent rpondre des questions sur la situation des forts forte biodiversit ou fort endmisme, sur limpact de la fragmentation des forts sur la distribution etlabondance des espces vgtales, sur la quantit de biomasse stocke dans les diffrents types de forts, etc. (Mieux intgrer les connaissances co-logiques dans les dcisions de gestion : les apports du projet CoForChange : voir encadr 3.3).

    Idalement, les aires protges devraient tre des noyaux de conservation etde protection de la grande faune africaine. Ellesdevraient tre prot-ges par des quipes efficaces, etservir de modle pour grer la faune sur le long terme. Mais de nom-breuses tudes montrent la rduction, voire leffon-drement des populations des grands mammifres (primates, lphants, antilopes, etc.), y compris lintrieur des aires protges (Caro etScholte, 2007 ; Craigie etal., 2010 ; Bouch etal., 2012).

    Lescauses directes de ce phnomne (proximate drivers) sont bien connues : braconnage principa-lement etchangements de lutilisation des terres (dfriches agricoles notamment). Mais parmi les causes profondes (underlying drivers), on notera le manque defficacit de la gestion des aires protges (Scholte, 2011).

    3. tat de la biodiversit dans les forts dAfrique centrale

    3.1. tat actuel de quelques mammifres emblmatiques

    3.1.1. Point sur labattage illicite des lphants

    Depuis 2002, le programme MIKE (Monitoring the Illegal Killing of Elephants) de la CITES (Convention sur le commerce international des espces de faune etde flore sauvages menaces dextinction) effectue, dans une quinzaine de sites protgs dAfrique centrale8, le suivi de labattage illgal des lphants (espce vulnrable sur la liste rouge UICN, sauf la sous-population dlphant de fort considre comme en danger ). MIKE collecte principalement les donnes relatives aux carcasses dlphant trouves sur le terrain etcal-cule lindice PIKE (Proportion of Illegally Killed Elephants) qui est la proportion dlphants abattus illgalement sur le nombre total de carcasses recen-ses (Burn etal., 2011).

    8 Boumba Bek etWaza au Cameroun, Bangassou, Dzanga Sangha etSangba en Centrafrique, Nouabal Ndoki etOdzala-Kokoua au Congo, Lop etMinkeb au Gabon, Garamba, Kahuzi Biega, Rserve de faune Okapi, Salonga etVirunga en Rpublique Dmocratique du Congo etZakouma au Tchad.

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    Encadr 3.3 : Mieux intgrer les connaissances cologiques dans les dcisions de gestion : les apports du projet CoForChange1Sylvie Gourlet-Fleury, 2Adeline Fayolle1 CIRAD, 2ULg

    CoForChange est un projet co-financ par lUnion Europenne, lAgence nationale de la Recherche (France) etle Natural Environment Research Council (Royaume Uni). De 2009 2012, il a ras-sembl une quipe pluridisciplinaire de chercheurs etdingnieurs forestiers, appartenant huit institutions publiques etprives de quatre pays europens, associes cinq institutions africaines, une institution internationale et14 compagnies forestires (voir liste sur http ://www.coforchange.eu). Ce projet multidisciplinaire cherchait expliquer etprdire le devenir possible de la diversit des forts tropicales humides du bassin du Congo, etproposer des outils daide la dcision pour amliorer la gestion de ces forts soumises des contraintes climatiques etanthropiques croissantes. Ilsest focalis sur une rgion denviron 20 millions dhectares couvrant le sud-ouest de la RCA, le sud-est du Cameroun etle nord de la Rpublique du Congo.

    Leprojet a produit de nombreux rsultats dont certains ont des implications majeures pour lamnagement des forts etla conservation des cosystmes forestiers.

    Lecroisement dinformations spatialises multiples (cartes gologiques, donnes topographiques SRTM (Shuttle Radar Topography Mission), donnes climatiques METEOSAT, donnes MODIS (Moderate Resolution Imaging Spectroradiometer) dactivit de la vgtation, inventaires damna-gement fournis par les compagnies forestires partenaires) a permis de mettre en vidence linfluence du substrat gologique sur la rpartition des espces darbres et, plus gnralement, sur les caractris-tiques floristiques etfonctionnelles des peuplements forestiers (Fayolle etal., 2012). En particulier, les substrats grseux et, dans une moindre mesure, certains substrats alluvionnaires sur lesquels se sont dvelopps des sols sableux (RCA etNord Congo) portent des forts diversifies composes despces plutt sempervirentes, tolrantes lombrage, croissance lente etbois dense. Lesrelevs pdologiques, anthracologiques (tude des charbons de bois conservs dans les sdiments) etarcho-logiques ont montr que ces forts avaient t peu perturbes par lhomme, ettaient probablement anciennes. Inversement, sur les substrats granitiques etschisteux o se sont dvelopps des sols plus riches, on trouve des forts galement diversifies mais plutt composes despces dcidues, dont la canope est domine par des hliophiles croissance rapide etau bois moyennement peu dense. Ces forts montrent des signes de perturbations passes, en particulier l o domine actuellement lAyous (Triplochiton scleroxylon). Lesperturbations les plus intenses se sont produites dans les zones o se dveloppent aujourdhui les forts Marantaces (rgion de Ouesso au Nord Congo). Ltude des profils isotopiques du carbone a rvl que ces formations, aujourdhui trs ouvertes, taient initialement, non pas des savanes, mais des forts dgrades envahies par des herbaces gantes, vraisemblablement suite une recrudescence des activits humaines dans la rgion depuis 500 ans.

    Par ailleurs, ltude en milieu contrl des exigences cologiques des principales espces darbres ont montr que ces espces taient particulirement rsistantes la scheresse aux stades juvniles, exception faite de certaines pionnires comme le Parasolier (Musanga cecropiodes). Ce rsultat est corrobor par des travaux mens sur les stades adultes dans le dispositif de Mbaki en RCA.

    Leprojet a permis de proposer une nouvelle typologie des forts de la rgion tudie, ainsi quun premier diagnostic de leur rsilience aux perturbations humaines etclimatiques (scheresse). De tels travaux pourraient tre tendus dautres forts de la rgion en suivant la mthodologie propose par CoForChange. Ce diagnostic gnralis serait utile aux amnagistes du territoire qui dcident des zones prioritaires de production de bois etde conservation (mieux vaut produire l o les sols sont riches etla fort productive) etaux amnagistes forestiers (les forts productives peuvent supporter une sylviculture plus dynamique que celle pratique actuellement).

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    Entre janvier 2003 et juin 2012, sur 2175 carcasses rpertories, lindice PIKE a rvl deux tendances opposes : une diminution de labattage illicite entre 2003 et2006 puis son augmentation jusquen 2011-2012 (figure 3.1).

    Alors quau-dessus dun PIKE de 0,5 une popu-lation dlphant est probablement dj en dclin9, on observe que le niveau dabattage illicite a t trs lev au premier semestre 2012, avec un indice PIKE moyen suprieur 0,7. En 2011, la situa-tion tait dj trs grave car tous les sites MIKE prsentaient un indice PIKE proche de 100 %, sauf Dzanga-Sangha, Lop, Zakouma etWaza (figure 3.2).

    Lebraconnage ne se limite pas aux sites MIKE, comme en tmoignent le massacre en 2012 de 200 400 lphants, selon les sources, dans le Parc national de Bouba Ndjda, au nord du Cameroun et de 30 autres Wonga Wongue au Gabon etdans la rgion de Mayo-Lmi/Chari-Baguirmi au Tchad.

    Ces tendances sont confirmes par :

    Lesdonnes du programme ETIS (Elephant Trade Information System) de la CITES10 qui comp-tabilise les saisies divoire dans les pays dorigine etde destination ; celles-ci confirment les rsul-tats de MIKE sur la priode 2000 2012, avec des niveaux de saisies record divoire entre 2009 et2011.

    Lenqute du GSEaf de lUICN (Groupe des spcialistes de llphant dAfrique de lUICN), mene en mars 2012 auprs du rseau des cher-cheurs etdes gestionnaires des lphants dans 12 pays africains, a montr une recrudescence du braconnage, au cours des 12 mois prcdents, au Cameroun, au Gabon, au Congo, en Centrafrique eten Rpublique dmocratique du Congo.

    Lesdtails sur les rsultats conjoints de MIKE, ETIS etGSEaf sont disponibles ladresse http ://www.cites.org/fra/com/SC/62/F62-46-01.pdf

    Lessondages rguliers effectus en Afrique de lOuest indiquent une chute de la population des lphants de 76 % depuis 1980 (Bouch etal., 2011). Lamme tendance est observe entre 2002 et2011 dans les forts dAfrique centrale, avec une chute de 62 % des effectifs (Maisels etal., 2013).

    Figure 3.1 : volution de lindice PIKE en Afrique centrale entre 2003 et2012 (intervalle de confiance de 95 %). Source : Programme MIKE de la CITES

    Figure 3.2 : Valeurs de PIKE dans les diffrents sites MIKE en 2011 et2012. Source : Programme MIKE Afrique centrale

    0,0

    0,2

    0,4

    0,6

    0,8

    1,0

    2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012

    Indi

    ce P

    IKE

    (95%

    l.C.

    )

    0

    25

    50

    75

    100

    Indi

    ce P

    IKE

    (%)

    20112012

    9 Monitoring the Illegal Killing of Elephants. CITES CoP 16 Doc. 53.1 disponible sur http ://www.cites.org/fra/cop/16/doc/F-CoP16-53-01.pdf.

    10 http ://cites.org/eng/cop/16/doc/E-CoP16-53-02-02.pdf

  • 75

    On peut relier la recrudescence de labattage illicite des lphants africains au boum conomique de la Chine etlaugmentation du pouvoir dachat des mnages chinois (Martin et Vigne, 2011 ; Wittemyer et al., 2011). Certains experts esti-ment que si la pression de braconnage se main-tient aux niveaux actuels, lespce pourrait avoir disparu dAfrique centrale dans 20 ans (Maisels, comm. pers.). Des dcisions stratgiques ont t prises lors du CITES CoP16, en mars 2013, pour lutter contre labattage illicite des lphants (voir 4.3. Rcentes dcisions de la CITES au sujet des lphants).

    3.1.2. Cas des grands singes

    Ilexiste quatre espces de grands singes afri-cains : les bonobos, les chimpanzs, les gorilles orientaux et les gorilles occidentaux. Leportail A.P.E.S. (Ape Populations, Environments and Surveys) de lUICN/SSC (http ://apesportal.eva.mpg.de/) et la Liste rouge des espces menaces (UICN, 2012) fournissent des estimations actua-lises de la rpartition gographique, de la taille de la population etde la proportion des populations situes dans les aires protges pour chacun des neuf taxons de grands singes (tableau 3.2). LUICN a publi des plans daction en vue de la conserva-tion de huit de ces taxons (UICN etICCN 2012 ; Kormos etBoesch 2003 ; Maldonado etal., 2012 ; Morgan etal., 2011 ; Oates etal., 2007 ; Plumptre etal., 2010 ; Tutin etal., 2005). Ces plans, ainsi que les rsultats des enqutes etles valuations de vulnrabilit, orientent les efforts et lallocation des ressources vers des besoins de conservation prioritaires ; toutefois, le seul taxon de grand singe dont la population ne diminue pas est le gorille de montagne (Robbins etal., 2011 ; Gray etal., 2013).

    Lerythme de reproduction des grands singes est trs lent, ce qui rend leurs populations extr-mement vulnrables tous les modes de capture. Lesprincipales menaces pour la survie des grands singes sont le braconnage en vue du commerce de la viande de brousse, la destruction de leur habitat etles maladies infectieuses. En outre, des rapports signalent que le commerce de jeunes grands singes vivants ne cesse de samplifier (Stiles etal., 2013). Malgr une protection totale dans tous les tats, les lois sont rarement appliques. Lepoids des grands singes capturs/abattus par rapport au poids total de viande de brousse consomm est faible, mme si cela reprsente un grand nombre dindividus (Dupain etal., 2012 ; Foerster etal., 2012 ; Hart, 2009).

    Ladestruction de lhabitat est probablement appele devenir la menace la plus importante mesure que les forts sont transformes en plantations agro-industrielles pour rpondre aux demandes internationales croissantes (Carrere, 2010). Bien que, pour linstant, les taux de dfo-restation sont faibles en Afrique centrale (Mayaux etal., 2013), ils sont susceptibles dvoluer rapi-dement si cette conversion agro-industrielle mal planifie se poursuit comme ailleurs (Malhi etal., 2013). Une partie relativement modeste de lhabi-tat des grands singes est protge ( lexception de celle des gorilles de montagne car la totalit de la population habite des parcs nationaux). Alors que 11 % des forts du Bassin du Congo ont t clas-ses en aires protges, environ 15 % sont destins lexploitation du bois (Nasi etal., 2012). Cette dernire proportion augmente jusqu prs de 50 % dans la zone orientale de lhabitat du gorille de plaine etde laire centrale du chimpanz (Morgan etSanz, 2007). Pour ces raisons, ladoption de pra-tiques de gestion compatibles avec la faune sauvage dans les concessions dexploitation devient trs importante pour les grands singes (Morgan etal., 2013). Une valuation des changements dans des conditions environnementales propices pour les grands singes au cours dune priode de 20 ans (Junker etal., 2012) a dmontr que la forte pres-sion de chasse et la dgradation de lhabitat ont rendu de grandes zones forestires inadaptes aux grands singes. Lamme valuation a rvl que depuis lan 2000, les populations de singes dans les aires protges ont t rduites de 18 % 60 % selon le taxon (hormis les gorilles de montagne ; tableau 3.2).

    Une gestion amliore des aires protges, en particulier lapplication des lois (Tranquilli etal., 2012), etune gestion rigoureuse de la faune dans les zones tampons sont vitales pour la survie des singes etpour la biodiversit en gnral (Laurance etal., 2012). Par ailleurs, une planification, au niveau des paysages, de lutilisation des terres axe sur la conservation est essentielle pour viter de rduire les grands singes des populations isoles dans des parties de fort (Dupain etal., 2010). Lafragmen-tation de lhabitat augmente la proximit entre les humains etles singes et, par consquent, la proba-bilit de transmission de maladies de lun lautre. Lincidence des maladies infectieuses, telles le virus Ebola, le virus immunodficitaire simiesque etles virus respiratoires humains sont de mieux en mieux connus, soulignant ainsi la ncessit denvisager des interventions comme la vaccination des singes (Ryan etWalsh, 2011). De nombreuses annes sont ncessaires, mme dans des conditions favorables

  • 76

    (Walsh etal., 2003), pour permettre aux espces taux de reproduction lent, telles les singes, de se rtablir dune pidmie etles risques dextinction saccroissent car les populations de singes sont de plus en plus fragmentes etisoles.

    Face une dynamique en volution rapide sur le continent africain (agriculture industrielle, extraction minire, infrastructure, dmographie humaine, etc.), la survie des grands singes dpendra de stratgies de conservation prouves, testes de manire empirique pour dterminer ce qui fonc-tionne ou pas (par exemple, Junker etal., 2012 ; Tranquilli etal., 2012).

    3.1.3. Lebuffle de fort : un grand herbivore du milieu forestier

    Larpartition gographique du buffle de fort, Syncerus caffer nanus, est limite la fort du Bassin du Congo (Sinclair, 1977), mais il existe peu de donnes pour cette sous-espce de buffle africain en raison de ses moeurs mconnues (Blake, 2002 ; Melletti etal. ; 2007a ; Korte 2008a). Bien que le buffle de fort habite en fort etquil est le plus

    Tableau 3.2 : Synthse statistique concernant les grands singes africains

    Sous-espcesConditions

    environnementales appropries (km)

    Aire de rpartition totale de

    lespce (km)

    Population estime

    Catgorie de lUICN

    (tendance des populations)

    Pourcentage de la CEA

    dans les zones protges

    Gorille des plaines occidentales Gorilla gorilla gorilla 347 400 694 208 ~150 000 CR (diminution) 25,2

    Gorille de Cross RiverGorilla gorilla diehli 2 975 3 648 200 300 CR (diminution)

    Gorille de GrauerGorilla beringei graueri 10 900 21 600 2 000 10 000 EN (diminution) 60,3

    Gorille des montagnesGorilla beringei beringei 785 785 880

    CR (augmentation) 100

    BonoboPan paniscus 97 975 418 803

    15 000 20 000 (minimum) EN (diminution) 42,4

    Chimpanz dAfrique centralePan troglodytes troglodytes 317 425 710 670 70 000 117 000 EN (diminution) 25,5

    Chimpanz dAfrique de lEstPan troglodytes schweinfurthii 816 450 961 232

    200 000 250 000 EN (diminution) 18,4

    Chimpanz dAfrique de lOuestPan troglodytes verus 555 450 660 337 23 000 EN (diminution) 21,7

    Chimpanz du Nigeria etdu Cameroun

    Pan troglodytes ellioti41 150 168 407 3 500 9 000 EN (diminution)

    CR = danger critique, EN = en dangerSources : Campbell etal., 2012, Gray etal., 2013, Liste Rouge UICN, UICN/SSC A.P.E.S. Portal, UICN et ICCN 2012 ; Maldonado etal., 2012 et Robbins etal., 2011

    grand herbivore de lcosystme forestier humide, il pourrait jouer un rle cologique important dans le maintient des clairires ettroues, car il prfre les habitats ouverts la fort. Lavenir de cette sous-espce dpend de lattention spcialement porte aux friches forestires etaux mosaques de forts/savanes dans les aires protges, lieux o abondent les ressources alimentaires indispensables. Ladispa-rition de lhabitat etle braconnage constituent les principales menaces pour les populations de buffles de fort (UICN/SSC, 2008). Ces buffles sont chasss pour leur viande, en particulier en zones rurales o les populations humaines dpendent de la viande de brousse pour leurs protines, ce qui accrot la pression de la chasse sur cette sous-espce.

    Lesestimations de labondance de buffles sont limites quelques sites o lhabitat ouvert per-met leur observation directe. Lespopulations de buffles de fort ont t estimes 20 individus dans le Parc national de Campo-Maan au Cameroun (Bekhuis etal., 2008) et 500 dans le Parc national dOdzala en Rpublique du Congo (Chamberlan etal., 1998). De petits groupes de buffles sont ga-lement signals dans le secteur de Dzanga dans le Parc national de Dzanga-Ndoki en Rpublique

  • 77

    centrafricaine, o la population est estime entre 32 et40 individus (Melletti etal., 2007b). Dans le Parc national de la Lop au Gabon, la savane etla mosaque forestire du nord-est du parc abritent une population estime 324 individus (Korte 2008b).

    tant donn cette population peu nombreuse, sa dpendance lexistence dhabitats ouverts en milieu forestier etla sdentarit des troupeaux de buffles (Melletti etal., 2007b ; Korte 2008b), des zones ouvertes, suffisamment vastes pour accueillir des troupeaux etbien protges du braconnage, sont indispensables pour le maintien des popula-tions de buffles dans le Bassin forestier du Congo.

    Ladensit de buffles de fort diminue dans toute son aire gographique (UICN/SSC, 2008). Sur la base de quelques estimations de la popula-tion, East (1999) value le nombre total de buffles de fort 60 000 individus, dont environ 75 % vivent dans des aires protges. Lavenir de cette sous-espce dpend daires protges bien gres ainsi que dun renforcement de la lgislation en matire de chasse (UICN SSC 2008 ; Cornlis etal. sous presse). Ds lors, des rglements de chasse appropris etun respect de ces rglements sont tout aussi critiques pour le maintien des populations de buffles de fort.

    Photo 3.4 : Buffles de fort Bai Hokou, dans le parc national de Dzanga-Ndoki RCA

    3.1.4. Lesgrands carnivores

    Alors que les forts du Bassin du Congo ont longtemps t un important refuge pour le lo-pard, Panthera pardus (le premier prdateur dans cet habitat etune espce quasiment menace selon la Liste rouge de lUICN) (Nowell and Jackson, 1996), les mosaques fort-savane ont nagure abrit dimportantes populations de lions, Panthera leo (vulnrable), de lycaons africains, Lycaon pictus (en danger) etdhynes tachetes, Crocuta crocuta (Malbrant etMaclatchy, 1949). Lachasse non contrle a entran une diminution radicale des populations donguls sauvages (proies des carni-vores), en particulier dans les habitats ouverts plus accessibles. Aujourdhui, les lions etles lycaons afri-cains sont certainement en voie dextinction dans le Bassin du Congo, alors que les hynes tachetes ont t rduites une seule petite population isole, qui survit dans le Parc national dOdzala-Kokoua en Rpublique du Congo (Henschel, 2009). Des hynes errantes ont t signales au Gabon voisin (Bout etal., 2010), mais il nexiste aucune preuve de la prsence dune autre population isole dans le Bassin du Congo.

    Dans les rgions forestires recules, les popu-lations de gibiers (proies du lopard) ont t moins gravement affectes par lactivit humaine et, par consquent, les lopards restent assez rgulire-ment rpartis dans les forts intactes du centre du Bassin Congo (Henschel, 2009). Toutefois, des

    M

    ario

    Mel

    lett

    i

  • 78

    Photo 3.5 : Lopard mle rdant autour dune piste dexploitation abandonne dans la concession NSG, dans lest du Parc national de la Lop au Gabon

    3.2.1. tat des connaissances actuelles sur la flore

    Plantes fleur (angiospermes)

    Notre connaissance de la flore vasculaire dAfrique centrale demeure incomplte. En ce qui concerne le Rwanda, le Burundi etla RDC, le Jardin botanique national de Belgique prpare un catalogue des plantes vasculaires qui peut dj tre consult en ligne (http ://dev.e-taxonomy.eu/dataportal/flore-afrique-centrale/). Letableau 3.3 prsente des estimations rcentes du nombre despces dans chaque pays. Dans la plupart des cas, il sagit destimations imparfaites qui sappuient sur les donnes disponibles, etcertaines donnes font parfois dfaut. Ladiversit botanique relle est probablement beaucoup plus leve que ces estimations.

    3.2. tat de la diversit vgtale

    Lichens

    Lecatalogue des lichens etdes champignons lichnicoles (Feuerer, 2012) montre clairement le caractre fragmentaire de la connaissance de ce groupe despces en Afrique centrale (table 3.3). Pour plus de la moiti des pays, il nexiste aucune donne pertinente. Et pour les pays qui disposent de donnes, la totalit de la diversit des lichens na pas encore pu tre tablie clairement. Leslistes de contrle sont fondes sur un petit nombre de publi-cations et les espces recenses nappartiennent qu quelques rares familles. Tout indique que la recherche a, jusqu prsent, t dirige unique-ment par lintrt de chaque chercheur etpar sa connaissance de la taxonomie. Par exemple, hor-mis pour So Tom etPrncipe , aucune espce de Graphidaces, une des familles tropicales les plus importantes, nest mentionne. Leslichens sont trs sensibles aux changements qui touchent lhabitat. Si le rchauffement de la terre se poursuit, toutes les espces de lichen infodes des climats frais sont menaces.

    indications toujours plus nombreuses indiquent que les lopards ont disparu de certains sites fores-tiers la lisire du Bassin du Congo (par exemple, Andama, 2000 ; Angelici etal., 1998 ; Maisels etal., 2001 ; Willcox etNambu, 2007) o la densit de population humaine est plus leve. Une rcente tude au Gabon central laisse entendre que la chasse de la viande de brousse, par une concur-rence excessive, pourrait prcipiter le dclin du nombre de lopards etque les zones o la chasse est intense ne pourront probablement plus abriter des populations sdentaires de lopards (Henschel etal., 2011).

    Dans ces circonstances, des utilisations des terres qui attnuent les effets de la chasse pour la viande de brousse, comme de grandes aires prot-ges bien gres etdes concessions dexploitation forestire tout aussi vastes ettout aussi bien gres, sont essentielles pour conserver des lopards dans le Bassin du Congo (Henschel etal., 2011). Lesefforts de conservation des hynes tachetes devraient pr-ner une protection rigoureuse de la population rsiduelle dans le Parc national dOdzala-Kokoua, ainsi que ltablissement dune deuxime popula-tion au centre de son habitat dorigine, le Plateau de Batk (Henschel, 2009).

    P

    hilip

    p H

    ensc

    hel

  • 79

    Algues

    Lesalgues constituent un groupe dorganismes photosynthtiques aquatiques dont la taille varie de microscopique trs grande. Lesalgues aquatiques sont responsables de plus de la moiti de la produc-tion doxygne au monde. Lesdiatomes, un des groupes dalgues, sont un bio-indicateur important de la qualit de leau etelles sont utilises lors des tudes palolimnologiques pour reconstituer le pass du climat. Lesautres algues comprennent les cyanobactries qui, tout en tant plus proches des bactries, sont traditionnellement tudies comme des algues. Une estimation de la diversit des espces de ces deux groupes dalgues en Afrique centrale fait lobjet du tableau 3.3.

    Bryophytes etPtridophytes

    Les Bryophytes (hpatiques, anthocrotes etmousses) etles Ptridophytes (lycopsides etfou-gres sensu stricto) ont trs longtemps t ngliges dans les inventaires de la biodiversit, particulire-ment en Afrique tropicale. Mme si quelques pays ont t explors en profondeur, la majorit des donnes disponibles pour lAfrique centrale sont lacunaires, les dcouvertes de nouvelles espces sont frquentes et les inventaires se poursuivent (tableau 3.3).

    Tableau 3.3 : Diversit botanique en Afrique centrale Pays Angiospermes Ptridophytes Lichens Algues Bryophytes Introduits

    Burundi 3 413 174 21 690 152 288

    Cameroun 8 500 279 101 n/a 585 410RDC 8 203 378 183 487 (*) 893 364Guine q. (Annobon)

    7 100

    42 n/a

    n/a

    53

    226Guine q. (Bioko) 204 1 352

    Guine q. (Rio Muni) 117 1 157

    Gabon 4 710 179 2 n/a 316 n/a

    Rp. Congo 4 538 n/a 2 n/a 126 n/a

    RCA 4 300 n/a 3 n/a 333 297

    Rwanda 2 974 194 112 52 554 291

    So Tom1 230

    13978

    n/a 158297

    Prncipe 117 n/a 47

    Tchad 2 250 n/a 23 1 426 78 131(n/a : pas de donnes fiables disponibles ou en cours de rvision)(*) 956 espces dalgues ont t rpertories dans le lac Tanganyika.

    Photo 3.6 : Jardin botanique de lUniversit de Kisangani RDC

    D

    omin

    ique

    Lou

    ppe

  • 80

    3.2.2. Menaces sur la biodiversit : le cas des invasions biologiques

    Lesplantes envahissantes So Tom

    So Tom etPrncipe , diverses espces de plantes introduites se sont disperses partir des zones de culture o elles avaient t implantes, pour ensuite acqurir un caractre envahissant (Figueiredo etal., 2011). Dans un contexte din-sularit etdendmisme lev, le phnomne est particulirement menaant pour la biodiversit vgtale du pays.

    Parmi ces plantes envahissantes citons : Cinchona spp. (quinquina), Rubus rosifolius (fram-boisier dAsie), Tithonia diversifolia (tournesol mexicain), Bambusa spp. (Stevart etal., 2010). Lequinquina est lune des 100 espces vgtales les plus envahissantes au monde etson atteinte la biodiversit des sites envahis est reconnue (http ://www.issg.org/database/welcome/). Originaire dAmrique latine, il a t plant partir du milieu du 19e sicle dans de nombreuses les pour traiter les cas de malaria (Galpagos, Hawaii, So

    Encadr 3.4 : Diversit des champignons en Afrique centraleJrme Degreef & Andr De KeselJardin botanique national de Belgique

    En Afrique, seulement 2500 espces de champignons, dont 70 % sont endmiques, ont t dcrites (Mueller etal., 2007). Cet inventaire est loin dtre complet puisquon estime que, dans un cosystme, le nombre despces de champignons est gnralement 4 6 fois suprieur au nombre despces de plantes suprieures ! Lapremire liste des champignons du Congo (RDC) a t tablie par Beeli en 1923 etrecensait 593 espces. En 1948, Hendrickx, qui ajouta le Rwanda etle Burundi, la porta 1163 espces. Ellena jamais t ractualise depuis.

    Du fait de leur saisonnalit, tablir un inventaire complet des champignons ncessite davantage de visites sur le terrain que pour les autres tres vivants. Par ailleurs, la communaut des mycologues compte peu de reprsentants dans les pays dAfrique centrale. On en comptait peine une dizaine en 2012 parmi les 200 membres de lAfrican Mycological Association (http ://www.africanmycology.org/) (Gryzenhout etal., 2012).

    Au vu de cette situation, des priorits en matire de recherche doivent tre fixes. Ainsi, les champi-gnons comestibles constituent-ils un groupe particulirement intressant dans le cadre plus gnral de la valorisation des produits forestiers non ligneux (PFNL).

    Trois cents espces de champignons comestibles ont t inventories en Afrique tropicale (Rammeloo etWalleyn, 1993 ; Boa, 2006) dont plus de la moiti sont associes aux arbres vivants par une symbiose obligatoire appele ectomycorhizienne. Ladisparition des arbres entranerait invitablement la disparition de ces champignons qui jouent un rle cologique important. Leur abondance etleur diversit peuvent tre utilises comme des indicateurs de ltat de la fort.

    Dans ce contexte, un manuel de formation, richement illustr etpermettant aussi lidentification des espces les plus commun-ment consommes en fort dense dAfrique centrale, a rcemment t publi (Eyi Ndong etal., 2011) (figure 3.3). Ila pour ambition de renforcer lexpertise locale sur la connaissance des champignons africains etde leur diversit. Cet ouvrage est disponible en version lectronique (www.abctaxa.be), mais est aussi distribu gratuitement en version papier grce lappui du point focal belge de lInitiative Taxonomique Mondiale (ITM) etun financement de la Coopration belge au dveloppement.

    Figure 3.3 : Premier guide illustr des champignons comestibles disponible pour lAfrique centrale.

    Tom, etc.). Se naturalisant rapidement, le quin-quina forme des peuplements denses, empchant la rgnration naturelle des forts. So Tom, notamment, dans les cosystmes montagnards o il prolifre etquil dgrade, il rduit la biodiver-sit locale etperturbe les activits cotouristiques (Lejoly, 1995).

    So Tom, on estime quenviron un tiers de la flore locale introduite sest naturalise. On peut donc supposer quun grand nombre de ces plantes sont potentiellement envahissantes, bien que non encore dtectes comme telles ce jour.

    Si ces plantes envahissantes ont probablement dj caus des prjudices irrmdiables (perte de biodiversit, dont espces endmiques), les co-systmes les plus remarquables peuvent encore tre prservs. Par exemple, il serait possible de contr-ler la perte de biodiversit dans le Parc national Ob etdans sa zone priphrique par lvaluation de la situation, la prdiction de loccupation future, lradication et le contrle des espces envahis-santes, etpar la sensibilisation etlducation des populations.

  • 81

    Lapetite fourmi de feu Wasmannia auropunctata au Gabon etau Cameroun

    La Wasmannia auropunctata est une petite fourmi rouge qui mord, native des notropiques qui a colonis etenvahi de nombreuses zones tro-picales etsubtropicales dans le monde. En Afrique, la W. auropunctata a t recense pour la premire fois Libreville, au Gabon, vers 1913. On suppose quelle est arrive par des bateaux qui transportaient des marchandises depuis les Amriques (Santschi, 1914). Depuis lors, elle sest tendue tout le Gabon etvers le Nord jusquau Cameroun voisin (figure 3.4). De rcentes analyses gntiques sug-grent lexistence dune population unique, enti-rement multiplie par clonage (Mikheyev etal., 2009 ; Foucaud etal., 2010).

    Bien que certaines infestations antrieures aient t le rsultat dintroductions dlibres de W. auro-punctata en vue de limiter les insectes ravageurs dans les plantations de cacao (de Mir, 1969), les principaux facteurs de dispersion actuels sont la ngligence et les activits humaines, notamment lexploitation forestire etle forage ptrolier (Walsh etal., 2004 ; Mikheyev etal., 2008), la construc-tion dimmeubles etde routes et le transport de marchandises etde produits vgtaux (Wetterer etPorter, 2003).

    Lesincidences de W. Auropunctata sur la bio-diversit peuvent tre gravissimes. Au Gabon, par exemple, plus de 95 % de la diminution de la diversit des espces de fourmis natives est mettre au compte de W. auropunctata. (Walker, 2006).

    Figure 3.4 : Aire de dispersion approximative de la Wasmannia auropunctata en Afrique centrale (hachur rouge) ; les points rouges indiquent des sites infests au Gabon. Hachur noir : pas de donnes, mais prsence probable.

    (Sources de donnes : Wetterer etal., 1999 ; Walsh etal., 2004 ; Walker, 2006 ; Mikheyev, etal., 2008, 2009 ; Mikissa, 2010 ; Tindo etal., 2011 ; JP vande Weghe, O.Hymas, JB Mikissa, V Mihindou etK Jeffery, obs. pers.)

  • 82

    Ilexiste de plus en plus de preuves que les dlicats processus de lcosystme sont perturbs, diff-rentes chelles trophiques, mesure que W. auro-punctata affecte les populations despces micro-bivores, dtritivores, pollinisatrices etmutualistes (Dunham etMikheyev, 2010 ; Mikissa, 2010). LaW. auropunctata a une relation mutualiste avec des insectes qui mangent le phlome etqui causent des dommages aux plantes en suant les lments nutritifs eten favorisant les maladies (Smith 1942 ; Delabie etal., 1994 ; de Souza etal., 1998 ; Fasi etBrodie, 2009). Alors quelle a longtemps t identifie comme une menace pour les espces cultives, son intrusion dans les aires protges etles environnements peu perturbs du Gabon est dsormais une cause dinquitudes pour la conser-vation des plantes autochtones.

    Lesinfestations de W. auropunctata non traites peuvent, en quelques annes, devenir insuppor-tables pour les humains cause de la frquence des piqres dans les zones infestes. Bien que nayant pas encore t valus, les dgts potentiels pour lconomie locale des communauts rurales etpour le dveloppement du tourisme au Gabon sont de plus en plus perceptibles. Des rapports men-tionnent dj labandon de plantations, dhabita-tions etde villages cause des infestations par W. auropunctata (J.B. Mikissa, comm. pers.). Des trai-tements contre la fourmi de feu etdes programmes de gestion appropris nont pas encore t mis en uvre au Gabon, etsont ncessaires durgence. Alors que lradication totale nest plus une solution raliste, les stratgies de lutte devraient tabler sur la sensibilisation du public, la prvention etle suivi de la propagation, lradication des infestations isoles etle traitement des fronts de diffusion.

    En Afrique centrale, tous les pays ont inclus dans leurs codes forestiers des dispositions qui permettent aux populations locales daccder aux ressources fauniques de leurs territoires. Mais ce droit dusage a des limites etcertaines pratiques de chasse sont illgales. Pourtant, sur le terrain, la dmarcation est souvent difficile tablir entre la chasse dite traditionnelle etle braconnage (chasse illicite), entre le permis etlinterdit, spars dans les textes mais difficiles mettre en cohrence avec les pratiques locales. Ceci concerne notamment les moyens etles territoires de chasse, les usages de la viande de brousse et la circulation des produits fauniques. Lexamen des dispositions lgales rela-tives lexercice de la chasse au Cameroun illustre particulirement bien cet tat de faits etses contra-dictions (encadr 3.5).

    4. Outils de gestion de la biodiversit en Afrique centrale

    4.1. Lestextes lgaux sur la chasse traditionnelle etle braconnage

    Photo 3.7 : Chasseur pygme etson gibier UFA Btou Congo

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    Selon la Liste rouge des taxons menacs de lUICN (http ://www.iucnredlist.org/), environ 6 000 espces ont fait lobjet dune valuation dans les pays dAfrique centrale. Lesniveaux de menace pour ces espces sont dtaills dans la figure3.5. Alors que la majorit des espces values ne sont pas menaces, 0 34 % des espces sont classes comme vulnrables (VU), en danger critique (CR) ou en danger (EN) par groupe etcatgorie de menace (par exemple, 34 % des plantes sont classes VU ; 2 % de oiseaux EN). Lepourcentage lev despces pour lesquelles il nexiste pas de donnes (DD donnes insuffisantes) est galement proccupant.

    Lesnombreuses espces qui nont pas t va-lues (et ne sont donc pas reprises dans les statis-tiques prsentes dans la figure 3.5) sont plus pr-occupantes encore. Par exemple, sur prs de 8 000 espces de plantes connues des forts dAfrique centrale (White, 1983), seules 965 (12 %) ont t

    Encadr 3.5. Chasse etbraconnage au Cameroun : que disent les textes ?Roger Ngoufo Universit de Yaound I

    Au Cameroun, pour chasser, il faut, entre autres conditions, disposer dun permis ou dune licence de chasse exigs depuis 1981 (article 48 de lancienne loi n 81-13 du 27 novembre 1981, puis article 87 de la loi actuelle n 94-01 du 20 Janvier 1994 portant rgime des forts, de la faune etde la pche). Laseule drogation admise concerne la chasse dite traditionnelle dfinie comme celle faite au moyen doutils confectionns partir de matriaux dorigine vgtale (dcret n 95-466 du 20 juillet 1995 fixant les modalits dappli-cation du rgime de la faune). En vertu de la loi de 1994, cette chasse traditionnelle est autorise sur toute ltendue du territoire sauf dans les forts domaniales pour la concession de la faune etdans les proprits des tiers (article 86).

    Toujours daprs la lgislation, les produits issus de la chasse traditionnelle sont exclusivement destins un but alimentaire (article 24 du dcret n 95-466 du 20 juillet 1995 fixant les modalits dapplication du rgime de la faune). Ceci relve de la notion de droit dusage dfini comme lexploitation par les riverains des produits forestiers, fauniques ou halieutiques en vue dune utilisation personnelle (article 4).

    Au Cameroun, le braconnage est dfini comme tout acte de chasse sans permis, en priode de fermeture, en des endroits rservs ou avec des engins ou des armes prohibs (article 3 du dcret n 95-466 op cit.). De mme, tout procd de chasse traditionnelle de nature compromettre la conservation de certains animaux peut tre restreint (article 81 de la loi n 94-01 de 1994). Par extension, toute personne trouve, en tous temps ou en tous lieux, en possession de tout ou partie dun animal protg de la classe A ou B, dfinie larticle 78 de la prsente loi, vivant ou mort est rput lavoir captur ou tu (article 101 de la loi n 94-01 de 1994).

    Toutes ces dispositions mettent de facto hors la loi de nombreuses pratiques locales rpandues, qui deviennent ds lors des actes de braconnage . Par exemple, lutilisation des fusils de fabrication traditionnelle, des filets ou des cbles dacier est tout fait illgale alors que ces techniques sont courantes au niveau local. Certaines pratiques ancestrales utilisant des espces partiellement ou intgralement protges sont ainsi devenues illgales, comme labattage dun lphant qui fait partie des rites de passage chez les Bakas. Bon nombre de personnes sont galement susceptibles de tomber sous le coup de la loi pour leur implication quelque titre que ce soit dans la circulation des produits fauniques. Autrement dit, force est de constater que le concept de chasse traditionnelle propos lheure actuelle par le lgislateur camerounais ne cadre pas avec les ralits locales.

    4.2. Leslistes despces menaces

    values. Pour les mammifres, la plupart des va-luations ont t effectues en 2008 ; environ 70 % de ceux-ci sont LC (proccupation mineure) alors que 12 % sont VU, EN ou CR. Plusieurs de ces espces menaces sont rpertories par la CITES.

    En gnral, les valuations des espces sont valables pendant environ dix ans avant quune actualisation soit ncessaire (Schatz, 2009). Si on accepte cette rfrence dans son ensemble, seules 6 % des valuations de lAfrique centrale sont dpasses. Cependant, en consultant la base de donnes de lUICN, on note que les plantes (en particulier les espces de bois rpertories) occupent clairement la plus mauvaise position, 32 % des valuations devant tre mises jour. De nombreux groupes ont t actualiss en 2012 (1 500 actualisations ou additions), dont tous les oiseaux numrs etde nombreux mollusques, arthropodes etpoissons.

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    Photo 3.8 : Campement phmre de braconniers

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    Figure 3.5 : Pourcentage despces dAfrique centrale menaces par type de menace etgroupe despces (EX : teint ; EW : teint ltat sauvage ; DD : donnes insuffisantes ; NT : presque menaces ; LC : proccupation mineure ; CR : danger critique; EN : en danger; VU : vulnrable)

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    Cependant, plusieurs cas dmontrent quune bonne perception du niveau de menace est vitale pour orienter les actions de conservation :

    Certains amphibiens dAfrique centrale ont t valus pour la Liste rouge de lUICN en 2012. Legroupe de spcialistes des amphibiens lUICN utilise ces valuations, en conjonction avec les priorits dfinies par lAlliance for Zero Extinction (AZE) etles informations fournies par des partenaires locaux, afin didentifier les habi-tats les plus menacs qui doivent tre conservs pour la survie long terme de quelques-uns des amphibiens les plus menacs au monde. Ses sites prioritaires comprennent le mont Oku, le mont Manengouba, le mont Nganha etles collines de Bakossi au Cameroun, qui abritent chacun de 35 85 espces damphibiens. Ces sites font partie dun ensemble mondial de priorits identifies par lAZE, une initiative qui vise attirer lattention sur la conservation de lhabitat despces mena-ces dans le monde. Dans le Bassin du Congo, il y a quinze sites AZE, outre ceux cits prcdem-ment : les monts Itombwe en RDC, les basses terres de So Tom, le Mont Iboundji au Gabon et le parc national Nyungwe au Rwanda (http ://www.zeroextinction.org).

    Un autre exemple de la manire dont lanalyse du niveau de menace renseigne sur les priorits de conservation est lvaluation des eaux douces en Afrique centrale effectue par lUICN, au cours de laquelle les espces de poissons, mollusques,

    odonatods etcrabes, menaces au niveau rgional, ont t cartographies dans des sous-bassins ver-sants (figure 3.6). Lesrgions quatoriales ctires (dont les lacs de cratre au Cameroun), les rapides du Congo infrieur etle systme de Bangweulu-Mweru en Rpublique dmocratique du Congo prsentent le niveau le plus lev despces deau douce menaces (Brooks etal., 2011). Nombre de ces zones sont des Aires majeures de biodiversit, qui sont importantes au niveau mondial pour la conservation biologique (Holland etal., 2012). Une tude panafricaine en la matire sur les libel-lules a conclu que les montagnes la frontire du Cameroun etdu Nigeria abritaient les espces les plus menaces du Bassin du Congo, alors que le nombre le plus lev despces classes DD se situait dans le nord-est du Gabon, une aire trs tudie dans les annes 1960 et1970, etqui, ensuite, na plus fait lobjet denqutes sur le terrain (Clausnitzer etal., 2012). Finalement, une liste rouge de la flore endmique du Cameroun a fourni des valuations prliminaires pour plus de 800 espces (Onana & Cheek, 2011).

    Au Gabon, de nouvelles enqutes sur des espces peu connues, hautement menaces etstrictement endmiques la rgion de Libreville a contribu dfinir les limites de lArboretum de Raponda-Walker nouvellement cr. Lesdernires popula-tions de Psychotria wieringae (EN), Acricocarpus vestitus, Gaertnera spicata, notamment, bnficient dsormais dune protection garantie (Lachenaud etal., 2013).

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    Figure 3.6 : Distribution des espces de poissons, mollusques, odonatods etcrabes menaces en Afrique centrale, cartographie par sous-bassins versants (Brooks etal., 2011)

    Photo 3.9 : Psychotria wieringae, une des nombreuses espces rares, endmiques ethautement menaces de la rgion de Libreville au Gabon, aujourdhui prot-ge par larboretum Raponda-Walker, nouvellement cr

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    Finalement, lorsque des espces sont menaces par lexploitation commerciale, elles sont souvent rpertories par la Convention sur le commerce international des espces de faune etde flore sau-vages menaces dextinction (CITES). Laliste des grands mammifres comprend llphant dAfrique (VU) (pour lAfrique centrale, la sous-population dlphant de fort est incluse (EN)), le gorille

    occidental de plaine (CR), le gorille de montagne (EN), le chimpanz (EN), le bonobo (EN), le mandrill (VU) et le drill (EN). Lesplantes bien connues comprennent le Prunus africana (VU) etle Pericopsis elata (EN), ainsi que de nombreuses orchides (voir lencadr 3.6 pour plus dinfor-mations).

    Encadr 3.6. Liste rouge de lUICN etarbres commerciaux : le cas de Pericopsis elata (Harms) Meeuwen (assamla, afrormosia)Jean-Louis Doucet etNils BourlandGembloux Agro-Bio Tech / Universit de Lige

    De lokoum (Aucoumea klaineana) au sapelli (Entandrophragma cylindricum), nombreuses sont les espces ligneuses commerciales reprises sur la liste rouge de lUICN (http ://www.iucnredlist.org). Pas moins de la moiti des espces couramment exploites en Afrique centrale sont considres comme menaces en vertu du critre A1cd. Parmi ces espces, celles qui, au cours des trois dernires gnrations, ont vu leur population se rduire dau moins 50 % sont classes comme vulnrables (VU), en danger dextinction (EN) si la rduction est dau-moins 70 % ou en danger critique dextinction (CR) pour une diminution dau-moins 90 %.

    Cependant, les caractristiques des arbres, dont la longvit, compliquent singulirement leur classification dans cette liste. Ainsi, la dure dune gnration dfinie par lUICN (2001) comme lge moyen des parents de la cohorte , avoisine gnralement le sicle pour la plupart des espces exploites (Menga etal., 2012). En outre, le manque de donnes relatives lcologie des espces est criant etltude de lautcologie des essences commerciales doit tre une priorit, notamment pour valuer au mieux les menaces qui psent sur ces espces ou aider lamnagement forestier dans un contexte dexploitation.

    Lassamla (Pericopsis elata), galement appel afrormosia ou kokrodua, est class dans la catgorie EN de la liste rouge UICN eten annexe II de la CITES (espces pour lesquelles un permis dexportation ou un certificat de rexportation est ncessaire). Son statut a t tudi au Cameroun par Bourland etal. (2012a) dans une concession forestire denviron 120 000ha. Lapopulation analyse souffrait dun important dficit de rgnration. Cette espce hliophile doit son abondance locale danciens dfrichements qui lui ont permis de se rgnrer (van Gemerden etal., 2003 ; Brncic etal., 2007). Lagriculture tant aujourdhui moins mobile quautrefois, les conditions propices sa rgnration sont devenues plus rares. Dans la zone dtude, lassamla fleurit rgulirement ds lge de 120 ans environ alors que lge moyen des adultes semenciers a t estim environ deux sicles. Dans la pratique, il est totalement impossible de dterminer la rduction de la population sur trois gnrations (soit 600 ans) tel que demand par lUICN ! Par ailleurs, limpact de lexploitation de lassamla au Cameroun peut tre considr comme faible car lespce ne peut tre abattue que si elle a plus de 90 cm de diamtre, ce qui ne rduirait le nombre de semenciers que de 12 % en 30 ans. Si lon considre que la population tudie est reprsentative des populations camerounaises, le statut EN parait nettement exagr dans ce pays.

    Toutefois, la situation peut varier dun pays lautre. Ainsi, en Rpublique du Congo eten RDC, le diamtre requis pour lexploi-tation nest que de 60 cm, ce qui menace une plus grande partie des arbres semenciers etpourrait nuire la rgnration de lespce.

    Cependant laire de distribution de lassamla est situe en partie dans les aires protges (Bourland etal., 2012b). Ainsi, 7 % de laire de lassamla de RDC se trouverait dans des aires protges contre 40 % au Congo et46 % au Cameroun.

    Appliquer les critres UICN aux espces arbores est donc extrmement dlicat. Ilest mme possible quaujourdhui, certaines espces hliophiles, comme lassamla, pourraient mme tre plus abondantes quil y a 600 ans (voir ce sujet Brncic etal., 2007).

    En consquence, une estimation davantage rigoureuse du statut des espces devrait prendre en compte lvolution possible des popu-lations en considrant les impacts anthropiques futurs etnon passs. Toute simulation devrait obligatoirement considrer lcologie de lespce, le plan de zonage des pays couverts par son aire de distribution (dont la part de la distribution abrite par les aires protges), leurs taux de dforestation, les lgislations forestires etlexistence de programmes de reboisement. Enfin, compte tenu des disparits nationales, une approche rgionale parait indispensable.

    Cependant, dans le cas despces hliophiles etanthropophiles comme lassamla ou lokoum, la prservation ne pourra seule suffire garantir le maintien des populations sur le long terme. Seule une gestion raisonne, intgrant un appui la rgnration, permettra dassurer leur prennit.

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    LaCITES est un accord international entre gouvernements qui a pour but de veiller ce que le commerce international des spcimens dani-maux etde plantes sauvages ne menace pas la survie des espces auxquelles ils appartiennent. Tous les deux ou trois ans, les tats membres se retrouvent afin dexaminer la mise en uvre de laccord. Lors de la dernire confrence de la CITES en mars 2013 Bangkok, des dcisions stratgiques ont t adoptes pour la premire fois au sujet des actions de terrain pour sattaquer collectivement labattage illgal dlphants etau commerce ill-gal etflorissant de livoire (http ://www.cites.org/common/cop/16/sum/F-CoP16-Com-II-Rec-13.pdf ). Lesdonnes qui illustrent le problme actuel de labattage illgal dlphants sont brivement exposes au point 3.1.1. Point sur labattage illi-cite des lphants de ce chapitre.

    Parmi dautres dcisions, le prlvement dchantillons dADN sur les futures saisies divoire suprieures 500 kg est aujourdhui obligatoire, et les parties la CITES sont tenues de dclarer annuellement leurs stocks divoire. En outre, la ngociation sur la possibilit dun commerce divoire autoris par la CITES a t reporte etlinterdiction est maintenue. Par ailleurs, le secrtaire gnral de la CITES collaborera avec lOffice des Nations Unies contre la drogue etle crime pour lutter contre labat-

    tage illgal dlphants en Afrique, le commerce illgal de livoire etles consquences sur la scurit nationale de ce trafic divoire. Des campagnes de sensibilisation du public visant rduire la demande divoire, qui est le principal moteur de labattage illgal dlphants, ont t recommandes par la runion plnire de la CITES. Cette dclaration permet aussi la cration dun groupement dindivi-dus, de scientifiques, dONG, dinstitutions etde gouvernements afin de prendre des mesures inter-nationales coordonnes pour rduire la demande divoire. Enfin, un accord a t adopt pour renfor-cer le Fonds pour llphant dAfrique (http ://www.fws.gov/international/wildlife-without-borders/afri-can-elephant-conservation-fund.html) et le Plan daction pour llphant dAfrique (http ://www.bloodyivory.org/action-plan).

    LaConfrence a dcid de crer des quipes dappui en cas dincident li aux espces sauvages (WIST). Ces quipes pourront tre envoyes sur place la demande dun pays qui a t touch par un braconnage significatif li au commerce illgal ou qui a procd une saisie importante de spcimens protgs par la CITES. Lesquipes WIST aideront etorienteront les actions de suivi appropries, dans le pays touch ou dans celui qui a intercept la marchandise, pour les mesures imm-diates prendre aprs un tel incident.

    Un herbier est une collection de plantes prser-ves des fins de recherche scientifique etdensei-gnement. Lesherbiers sont une rfrence taxono-mique, vitale etirremplaable, des plantes, ils rper-torient des milliers de noms de plantes. Ilssont complmentaires au rle des jardins botaniques comme lexplique lencadr 3.3 de ltat des forts 2010 : Lesjardins botaniques dAfrique centrale : rles etperspectives .

    Lesherbiers sont essentiels pour atteindre le pre-mier objectif de la Stratgie mondiale pour la conser-vation des plantes (GSPC), qui veut que Ladiversit des plantes est bien comprise, documente etreconnue (voir : https ://www.cbd.int/gspc). Les nouvelles espces y sont dcouvertes, dcrites etnommes. Lesnouvelles espces sont souvent dcrites de nom-breuses annes aprs avoir t rcoltes. Fontaine etal. (2012) estiment quil scoule en moyenne 21 ans entre la dcouverte et la description pour les

    4.4. Herbiers : le nom des plantes etbien plus

    espces de tous les royaumes. Bebber etal. (2010) ont calcul quil scoule entre 23 et25 ans pour dcrire la moiti de toutes les nouvelles espces de plantes rcoltes en un an. Ce dlai peut sexpliquer par le manque de spcialistes, la quantit gigantesque de matriel disponible dans les herbiers (on estime que les 2721herbiers actifs contiennent un total denvi-ron 361 millions de spcimens) etpar la mthodolo-gie de la taxonomie des plantes elle-mme.

    Lesherbiers sont galement importants pour tous les types de recherche en matire de plantes comme la gntique, la palynologie, la dendrologie, la chimie, la pharmacognosie, les inventaires, etc. Des spcimens tmoins, qui prsentent tous les l-ments essentiels pour lidentification du spcimen, etnotamment un tiquetage complet sur le lieu, la date, le collecteur etlhabitat de rcolte, sont dune importance majeure pour de nombreux domaines de recherche.

    Photo 3.10 : Echantillon dherbier restaur lINERA Yangambi RDC

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    4.3. Rcentes dcisions de la CITES au sujet des lphants

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    Lesherbiers ne sont pas seulement une collec-tion de spcimens vgtaux secs, ils contiennent galement dautres matriels comme des fruits etdes fleurs conservs dans un liquide, des chan-tillons dADN, des chantillons de bois, des des-sins, des aquarelles, des photographies, des archives, de la littrature scientifique, etc. Ladisponibilit combine de ces matriels permet aux scientifiques dtudier la variabilit morphologique etgn-

    tique dune espce ainsi que sa distribution passe etprsente ; de calculer les paramtres environne-mentaux etles aires de rpartition potentielles ; de prdire la distribution future dans le contexte du changement global ; de documenter lhistorique de la distribution des cultures, des maladies etdes espces envahissantes ; dvaluer la conservation des plantes in-situ etex-situ ; etde fournir une rfrence historique pour les cycles du carbone etde lazote.

    Tableau 3.4 : Principaux herbiers dans le Bassin du Congo.

    Pays Nom Code Institut Nombre de spcimensBurundi Herbier du Dpartement de biologie BJA Universit du Burundi 20 000Cameroun Herbier national du Cameroun YA Herbier national du Cameroun 96 000

    Herbier des Jardins botanique etzoologique de Limbe SCA Jardins botanique etzoologique de Limbe 30 000

    Herbier de lcole de faune de Garoua HEFG cole de faune de Garoua 11 000

    Rpublique centrafricaine

    Herbier de la Facult des sciences BANG Universit de Bangui 10 000

    Herbier de la Station centrale de Boukoko SCB Station centrale de Boukoko 3 600

    Rpublique du Congo Herbier national du Congo IEC Centre dtude sur les ressources vgtales 40 300

    Rpublique dmocratique du Congo

    Herbier du Centre de formation etde recherche en conservation forestire dEpulu

    EPU Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) 8 000

    Herbier de lUniversit etde lINERA Kinshasa IUK Universit de Kinshasa & INERA 29 000

    Herbier de lUniversit de Kisangani KIS Universit de Kisangani 10 000Herbier de lUniversit de Lubumbashi LSHI Universit de Lubumbashi 25 000

    Herbier du Jardin botanique de Kisantu KISA Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) 8 000

    Herbier de Lwiro LWI Centre de recherche en sciences naturelles de Lwiro (CRSN) 15 000

    Herbier de Kipopo KIP Institut national pour ltude etla recherche agronomiques (INERA) 25 000

    Herbier de Luki LUKI Institut national pour ltude etla recherche agronomiques (INERA) 10 000

    Herbier de Mulungu MLGU Institut national pour ltude etla recherche agronomiques (INERA) 10 000

    Herbier de Yangambi YBI Institut national pour ltude etla recherche agronomiques (INERA) 150 000

    Gabon Herbier national du Gabon LBV CENAREST 40 000

    Guine quatoriale Herbario Nacional y Centro de Documentacin BATA Instituto Nacional de Desarollo Forestal 8 000

    Rwanda National Herbarium of Rwanda NHR Institut de Recherche Scientifique etTechnologique (IRST) 16 700

    So Tom etPrncipe

    Herbrio Nacional da So Tom e Prncipe STPH

    Direco Geral do Ambiente, Ministry of Natural Resources and Environment 1 500

    Tchad Herbier du Laboratoire de recherches vtrinaires etzootechniques - (*) Ministre de llevage 8 000

    (*) Non mentionn dans Index HerbariorumSource : Index Herbariorum : http ://sciweb.nybg.org/science2/IndexHerbariorum.asp

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    Photo 3.11 : Kalidoscope de formes etde couleurs

    En Afrique centrale, depuis lan 2000, six aires protges transfrontalires (APT) ont t matria-lises suite des accords de coopration (Kamdem Kamga, 2012) : la Trinationale de la Sangha (TNS : Cameroun, Congo etRCA), la Trinationale Dja-Odzala-Minkb (TRIDOM : Cameroun, Congo et Gabon), le Complexe Lac Tl-Lac Tumba (Congo etRCA), la Binationale Sna Oura-Bouba Ndjida (BSB Yamoussa : Cameroun etTchad), le Parc Transfrontalier Mayumba-Conkouati (PTMC : Gabon et Congo) et le complexe Mayombe (Congo, RDC etAngola).

    Deux autres complexes transfrontaliers sont en cours de cration : le binational Campo Maan-Rio Campo (Cameroun etGuine quatoriale) et le binational Monte-Alen-Monts de Cristal (Guine quatoriale etGabon). Lentre attendue du Gabon etla rvision de laccord sur la fort de Mayombe feront du Mayombe le premier complexe transfron-talier quadripartite dAfrique centrale.

    En 2012, la COMIFAC, avec lappui financier de la GIZ, a command une tude pour dresser

    5. Gestion de la biodiversit en Afrique centrale

    5.1. Leons tires des Aires protges transfrontalires

    Photo 3.12 : Rivire sous fort luxuriante au nord du Gabon

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    Les plus vieux herbiers dAfrique centrale remontent au dbut du 20e sicle (par exemple, les herbiers de Kisantu etde Eala). De nombreux her-biers locaux ont t crs partir de 1946. Plusieurs de ces collections existent encore etpeuvent consti-tuer un outil fort utile pour ltude de la biodiver-sit de la rgion. Outre les collections des herbiers locaux, dimportantes collections despces de ces rgions peuvent tre trouves dans des herbiers en Europe eten Amrique du Nord (par exemple, Kew, Meise, Missouri, Paris et Wageningen) (tableau 3.4).

    Dans un souci de maintenir ces collections scientifiques historiquement importantes, des projets de rhabilitation sont en cours dans divers herbiers avec laide financire ettechnique de par-tenaires internationaux, dont la fondation Andrew W. Mellon (African Plants Initiative), le minis-tre franais des Affaires trangres (Sud Expert Plantes), des agences de coopration au dveloppe-

    ment de plusieurs pays, lUnion europenne etplu-sieurs herbiers et jardins botaniques europens. Ces projets se concentrent sur la rhabilitation de linfrastructure des institutions etdes collections, la formation de techniciens etde chercheurs, ainsi que sur la numrisation des collections. Ilsfour-nissent aussi un soutien aux partenaires locaux dans la lutte contre les ravageurs des herbiers, le mon-tage dchantillons dherbiers, la classification etla dtermination des spcimens etla numrisation des collections, notamment la saisie des informations botaniques. Lesimages numrises du matriel des herbiers du Bassin du Congo, ainsi que les don-nes sous-jacentes, sont disponibles sur Internet (http ://plants.jstor.org/), ce qui est particulire-ment utile pour les chercheurs africains. Ces projets ne contribuent pas seulement au dveloppement des institutions africaines locales mais renforcent galement leurs recherches scientifiques au niveau local etinternational.

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    ltat des lieux des APT actuelles etpour propo-ser un cadre dorientation stratgique adapt ce type dinitiatives de conservation (Ngoufo, 2013). LeGreat Virunga Transboundary Collaboration (GVTC) qui regroupe trois pays dont lun est ext-rieur la sous-rgion (RDC, Rwanda, Ouganda) a t inclus dans cette tude. Lediagnostic a port sur les processus de cration, de gestion, de gouver-nance etde financement de ces complexes trans-frontaliers.

    Ltude a conclu que la cration etla gestion de complexes transfrontaliers en Afrique centrale sont techniquement ralisables. Cependant leur gestion etleur gouvernance montrent des insuffi-sances, mme si leur contribution lintgration sous rgionale et la mutualisation des efforts de conservation de la biodiversit est certaine. Malheureusement, le financement des APT est trs souvent infrieur aux besoins rels et trop

    dpendant de bailleurs extrieurs, ce qui fait peser des incertitudes sur leur durabilit.

    Un groupe de travail sur les aires protges etla faune sauvage est en cours de cration au sein de la COMIFAC. Celui-ci devrait servir dinterface entre les instances politiques sous-rgionales etles acteurs de terrain etfavorisera une meilleure capitalisation des leons apprises des diffrentes initiatives APT. Dautres pistes susceptibles damliorer significa-tivement le fonctionnement des APT sont gale-ment envisageables : la planification densemble sur la base des plans damnagement des diff-rentes AP concernes, la valorisation du potentiel touristique des sites (exemple du Parc National Odzala-Kokoua, voir encadr 3.7), la mobilisation de moyens pour la mise en uvre du Plan daction sous rgional des pays de lespace COMIFAC pour le renforcement de lapplication des lgislations nationales sur la faune sauvage (PAPECALF encadr 3.9), etc.

    Encadr 3.7 : Ecotourisme au Parc National Odzala-KokouaRobbert Bekker, Bourges Djoni Djimbi etPaul NoupaTRIDOM

    LeParc National dOdzala-Kokoua (PNOK) a t cr en 1935 etcouvre 1 354 600hectares. Ilcompte plus dune centaine de clairires dans lesquelles on peut observer de grands mammifres : gorilles de plaine, lphants, buffles, bongos etchimpanzs. Cette faune, oiseaux, reptiles etinsectes compris, etses habitats exceptionnels lui offrent un grand potentiel cotouristique.

    Lagestion etle financement durable du parc est garanti par laccord de partenariat public-priv du 14 novembre 2010, sign entre le gouvernement du Congo et African Parks Network. Cet accord a t conclu pour une priode de 25 ans renouvelable. Leparc est dot dun plan damnagement, qui prvoit la mise en protection intgrale de 60 % de sa superficie et40 % de zones de transition etdcodveloppement. Pour valoriser sa richesse naturelle etculturelle etpour contribuer au dveloppement local, le gouvernement a sign le 29 avril 2011 un partenariat de 25 ans renouvelable avec la socit Congo Conservation Company (CCC). La CCC obtient ainsi le droit dexploiter 7 concessions dexploitation cotouristique et une exploitation cyngtique situes dans eten priphrie du parc, en contrepartie de quoi, elle sengage verser tous les ans 5 % de son chiffre daffaire un fonds de dveloppement villageois.

    LaCCC a investi 5 000 000 dans le dveloppement de lcotourisme. En 2012 elle a construit trois lodges (deux de haut de gamme Lango etNdzhi, etun de moyenne gamme Mboko) pour 3 800 000 eta construit deux camps satellites en 2013. Lestrois lodges emploient une centaine de personnes, dont 60 % dautochtones. Lensemble du personnel a t form sur place en htellerie.

    Les 120 premiers touristes ont t reus entre aot et octobre 2012. Depuis 2013, les cotouristes sont accueillis durant les meilleures priodes de visite : en janvier-fvrier (petite saison sche) etde juin mi-octobre (grande saison sche). Lesproduits offerts comprennent la dcouverte de la fort pied, lobservation de la grande faune partir de miradors, le pistage de groupes de gorilles etdes ballades en pirogue.

    En 2013, une cl de rpartition du fonds de dveloppement villageois a t tablie pour dterminer quels villages, parmi les 71 villages riverains, en seront les bnficiaires directs etindirects. Un mcanisme de dcaissement etde gestion des fonds sont aussi mis en place.

    Photo 3.13 : Eco-lodge de Lango, Parc National dOdzala-Kokoua (Congo).

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    Encadr 3.8 : Suivi participatif du paysage Tri National de la Sangha1Dominique Endamana, 1Kenneth Angu Angu, 2Jeff Sayer, 3Thomas Breuer, 4 Zacharie Nzooh, 1Antoine Eyebe et1Lonard Usongo1UICN, 2 JCU, 3 WCS, 4 WWF

    Depuis 2004, le Groupe Sangha rassemble de nombreux acteurs impliqus dans la gestion du paysage forestier du Tri National de la Sangha (TNS) : gestionnaires daires protges, institutions de conservation etde recherche, universits, exploitants forestiers, ONG locales etreprsentants de la socit civile. Ce groupe a conu un systme de suivi-valuation participatif (SEP) destin analyser les impacts des activits de conservation de la biodiversit etdu dveloppement des populations locales lchelle de ce paysage eten rendre compte. Ce dispositif complte le systme de suivi par tldtection de la gestion des terres labor par le programme CARPE (Yanggen etal., 2010).

    Ce dispositif repose sur lapproche participative (bottom up) impliquant les communauts locales etles peuples autochtones selon les tapes suivantes : conceptualisation de loutil, dveloppement etdfinition des indicateurs etsuivi continu de ces indicateurs (Sayer etal., 2007). LeSEP a permis de mieux comprendre la dynamique du TNS etdidentifier les valeurs accordes au paysage ainsi que les vecteurs de changement environnementaux etsocioconomiques.

    Lesindicateurs sont regroups en capitaux naturels, physiques, sociaux ethumains (tableau 3.5) (Department for International Development, 2001). Lecapital naturel a t subdivis en deux selon limportance des ressources locales (PFNL, gibiers de la chasse de subsistance, etc.) etglobales (grands mammifres : lphants, primates, etc.).

    Tableau 3.5 : Les28 indicateurs utiliss pour le suivi du paysage TNS (2006-2011)

    Acquis naturels locaux

    Acquis naturels globaux

    Acquis humains Acquis sociaux Acquis physiques construits

    Gouvernance

    Disponibilit de quatre PFNL prioritaires

    Population dlphants abattus illgalement

    Accs aux soins de sant

    Fonctionnement des comits locaux de gestion des ressources naturelles

    Moulins manioc Application de la loi

    Disponibilit des ressources fauniques non protges

    Population de Bongos

    Qualit de lencadrement scolaire

    Initiatives communautaires de gestion des ressources naturelles

    Qualit dhabitation Violation des rgles fauniques

    Engagement dans le processus de gestion durable des forts ou de certification

    Capacit des entreprises forestires employer les techniciens locaux qualifis

    Perception de la corruption (fonction publique etsecteur priv)

    Nombre de points deau potable

    Partage des bnfices tirs de la gestion forestire, faunique etco touristique

    Niveau dactivit associative

    Accessibilit au grand centre le plus proche

    Rcurrence de conflits locaux

    Progrs dans lattribution des Forts Communautaires Baka

    Niveau de dveloppement du tourisme

    Niveau de restitution des parlementaires

    Participation des Baka pour la rsolution des litiges dans la cour du chef traditionnel

    Usine de transformation du bois

    Contrle forestier etfaunique

    Emploi de la redevance forestire

    March des trois produits de premire ncessit

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    Lesuivi de ces 28 indicateurs a dmarr en 2006. Chaque indicateur est dfini suivant le principe dchelle de Likert compris entre 1 (pire situation de lindicateur) et5 (situation idale de lindicateur). Lamesure se fait une fois par an au cours de la runion annuelle du groupe Sangha sur la base des donnes quantitatives etqualita-tives collectes par les institutions gestionnaires des aires protges etpar leurs partenaires dans le cadre de leur propre systme de suivi cologique etsocioconomique (figure 3.7).

    Lesuivi de ces indicateurs (Endamana etal., 2010) a permis dlaborer des scnarios futurs pour la conserva-tion etle dveloppement du TNS (Sandker etal., 2009) etaussi de comprendre la rsilience du paysage face aux phnomnes extrieurs, comme la crise financire inter-

    nationale de 2008 (Sayer etal., 2012). Larussite du suivi participatif lchelle des paysages ncessite notamment un investissement en temps etde la patience pour aboutir un consensus sur les indicateur