mêlée 2 v1-7horizonsocial.fr/wp-content/uploads/2014/12/revue-mensuelle-mêl... · rupture...

79
Mêlée Sociale MASTER II DROIT SOCIAL PROMOTION : 2014 2015 A. S. MORANDAISE Mensuelle N°2 1er décembre 2014 EDITION

Upload: vudan

Post on 12-Sep-2018

215 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

!

!

!

!

!

!

!

Mêlée Sociale !

MASTER!II!DROIT!SOCIAL!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ! ! !!!!!!!!!!!!!!!!!PROMOTION!:!2014!2015! ! ! ! ! ! ! ! ! !!!!!!!!!!!!!A.!S.!MORANDAISE! !

Mensuelle N°2

1er décembre 2014

!EDITION!!!

!

>>> SOMMAIRE

EDITO Page 3

CO-EMPLOI• Le co-emploi sur la sellette ?

Page 4

RUPTURE CONVENTIONNELLE• La chambre sociale frappe un nouveau coup.• La rupture conventionnelle sonne-t-elle le glas de la

rupture amiable ?

Page 11

TRAVAIL DISSIMULÉ• Le salarié victime du travail dissimulé : action et

indemnisation.

Page 19

TRAVAIL DE NUIT• Réflexions iconoclastes sur le travail de nuit, à

propos de l'arrêt Sephora.

Page 26

PLURIACTIVITÉ• Quelques problématiques liées à la pluriactivité des

salariés à temps partiel.

Page 33

RELIGION ET DROIT DU TRAVAIL• Dieu, la caissière et le temple (des marchands) – du

sommet à la base.

Page 36

PROTECTION SOCIALE• CJUE et prestations sociales : les citoyens inactifs

peuvent être exclus.• La couverture sociale des personnes atteintes de

cancer.

Page 41

POURVOIR DISCIPLINAIRE• Mesure conservatoire de modification du contrat de

travail pour motif disciplinaire.

Page 62

LICENCIEMENT ÉCONOMIQUE• Conséquences de l'inéligibilité d'un salarié à une

convention de reclassement personnalisé acceptée.

Page 65

EN BREF Page 69

JURISTES, PRUDENCE ! Page 75

2

>>> EDITOChers supporters,

L’équipe AS Morandaise a le plaisir de vous présenter sa carte de doctrineset de jurisprudences digne des plus grands chefs :

MISE EN BOUCHEVérine de licenciement sans cause réelle et sérieuse et son voile

de non-discrimination

Alors que l’assemblée plénière a clos la saga Babyloup, une caissièrerelance le débat devant le CPH lyonnais. Après avoir refusé d’ôter son

voile, elle fût licenciée ; un licenciement jugé sans cause réelle et sérieusemais non discriminatoire.

ENTREEToastés de ruptures conventionnelles

La suspension du contrat de travail pour ATMP ne suspend pas lapossibilité de conclure une rupture conventionnelle. Ce champ

d’application grandissant, ne va t-il pas sonner le glas de la ruptureamiable ?

PLATSUne julienne de réformes accompagnée d’un faux-filet de co-

emploi

Le conseiller prud’homal, en tant que non professionnel, voit serapprocher l’épée de Damoclès au dessus de sa tête, après l’adoption parle parlement du projet de loi réformant l’organisation des CPH. Le chef

étoilé Macron concocte un projet de loi consistant sur le travail dudimanche et en soirée. Les négociations vont bon train s’agissant de la

représentation du personnel avec une idée d’instance unique s’appelant le« conseil d’entreprise ».

Le co-emploi est rehaussé par le piment de la responsabilité civile

DESSERTCafé gourmand

Vous trouverez ci-joint un muffin de pluriactivité des salariés à tempspartiel accompagné d’un crumble d’actions et d’indemnisation des salariés

victimes de travail dissimulé sur un lit d’une protection sociale despersonnes atteintes d’un cancer.

DIGESTIFLiqueur de jurisprudence

Bon appétit !

3

>>> CO-EMPLOI

LE CO-EMPLOI SUR LA SELLETTE ?

Publié en Novembre 2014, par Jean-François Cesaro et Elsa Peskine

L'ESSENTIEL

La question de l'imputation de responsabilité dans les organisationsproductives, et notamment dans les groupes de sociétés a été au coeur dela production normative estivale. La Cour de cassation a rendu des arrêtstrès remarqués en la matière, limitant le rayonnement du coemploi pourlui préférer d'autres techniques d'imputation, comme la responsabilitédélictuelle. Que préfigure l'orientation prise par la Cour de cassation ? Lecoemploi se trouve-t-il sur la sellette ? Jean-François Cesaro, professeur àl'Université Paris II-Assas, et Elsa Peskine, maître de conférences àl'Université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense, se penchent, chacun à leurmanière, sur le destin du coemploi. S'ils s'accordent pour estimer que lecantonnement du recours au coemploi était, en quelque sorte, inscrit dansles gênes de cette notion, ils diffèrent dans l'analyse de ses causes et desconséquences à en tirer pour l'avenir.

DU COEMPLOI À LA RESPONSABILITÉ, RETOUR AU

DROIT CIVILPar Jean-François Cesaro

Sellette : petit siège en bois sur lequel devait s'asseoir l'accusépassible d'une peine afflictive lors de son dernier interrogatoire et duréquisitoire précédant le prononcé de la sentence.

La conjonction des arrêts rendus respectivement le 2 juillet (Soc. 2juill. 2014, nos 13-15.208 à 13-21.153) et le 8 juillet (Soc. 8 juill. 2014,nos 13-15.573 et 13-15.470) par la Chambre sociale suggère unetransition d'un fondement à un autre (v., en ce sens, G. Loiseau, « Lecoemploi est mort, vive la responsabilité délictuelle », JCP S 2014. 1311).

Dans les premiers, elle refuse de retenir une situation de coemploi

4

en estimant que « le fait que les dirigeants de la filiale proviennent dugroupe et que la société mère ait pris dans le cadre de la politique dugroupe des décisions affectant le devenir de la filiale et se soit engagée àfournir les moyens nécessaires au financement des mesures sociales liéesà la fermeture du site et à la suppression des emplois, ne pouvait suffire àcaractériser une situation de coemploi ».

Dans les seconds, elle estime qu'une société prenant des décisions« qui avaient aggravé la situation économique difficile » d'une autre et qui« ne répondaient à aucune utilité pour elle et n'étaient profitables qu'à sonactionnaire unique » avait commis une « faute » et une « légèretéblâmable » ayant concouru à la déconfiture de l'employeur et à ladisparition des emplois qui en est résultée. Elle engageait donc saresponsabilité à égard des salariés sur le fondement des articles 1382 et1383 du Code civil.

Plutôt qu'évoquer l'extinction d'une solution, peut-être faut-il voirdans cette succession de décisions une forme de régulation d'une normejurisprudentielle.

En effet, rien ne permet d'affirmer que la Cour de cassation entendrevenir sur la règle qu'elle a inventée. Le doyen Bailly avait en effetrappelé que le coemploi était une qualification qui ne devaitqu'exceptionnellement trouver application (P. Bailly, « Le coemploi : unesituation exceptionnelle », JCP 2013, n° 46, p. 28). Le rejet de cettequalification dans l'arrêt du 2 juillet est donc peu surprenant. Il confirmeune solution qui connaissait déjà quelques précédents (V. G. Auzero, «Coemploi : le rappel à l'ordre de la Cour de cassation », Sem. soc. Lamy2014, n° 1645).

Pour autant, il ne suffit pas qu'un juge, fût-il un éminent conseillerà la Cour de cassation, affirme qu'une solution doive être limitée etexceptionnelle pour qu'elle le soit durablement. La technique du coemploirépond en effet à un sentiment instinctif de justice permettantl'indemnisation des salariés victimes de licenciement. Elle suscite asseznaturellement chez les conseils des salariés un vif intérêt... susceptible dese traduire par une pression contentieuse. Celle-ci peut être d'autant plusimportante que les conséquences juridiques potentielles du coemploimanquent de précision. Or une invention jurisprudentielle, conçue pourrégler une difficulté particulière, peut être étendue à d'autres cas pourlesquels elle n'avait pas été imaginée. Les normes jurisprudentiellessemblent parfois douées d'un mouvement propre les faisant échapper àleurs créateurs et aboutissant à des conséquences que même lelégislateur aurait hésité à consacrer.

En rejetant l'action fondée sur le coemploi et en accueillant cellereposant sur le droit commun de la responsabilité, la Cour de cassationsemble envoyer un message stimulant aux plaideurs et aux juridictions du

5

fond. Cela suffira-t-il à détourner les plaideurs et les juges du coemploi ?

En faveur d'une relégation, on observera, en premier lieu, que lerecours au droit de la responsabilité permet de répondre, à l'égard desalariés licenciés, au même sentiment d'injustice que celui qui avait motivél'invention du coemploi. La substitution d'un fondement par l'autre devientdonc envisageable puisque la finalité poursuivie est satisfaite.

En deuxième lieu, il s'agit d'une technique qui n'est pas fermée. Eneffet, le recours à l'article 1382 du Code civil étend les perspectivesindemnitaires des salariés licenciés bien au-delà des seuls groupes desociétés. Toute personne est susceptible de commettre, à l'égard d'uneentreprise, une faute conduisant à des licenciements. On songe à larupture brutale de crédit par un établissement bancaire, à des salariés oudes entreprises concurrentes qui commettraient des actes de concurrencedéloyale, des syndicats qui organiseraient des mouvements illicites dansl'entreprise et préjudiciable à son fonctionnement... Ajoutons que, commetoute règle féconde, elle laisse aux praticiens et à la doctrine une placeconsidérable pour disputer à perte de vue autour de la notion de faute.

En troisième lieu, c'est une solution classique, fondée sur des textesconnus dont l'application avait déjà été suggérée par la doctrine (v. not. G.Auzero, « Plan de sauvegarde de l'emploi et groupe de sociétés », Sem.soc. Lamy 2013, n° 1416, p. 6) et retenue par la Cour de cassation (Soc.1er févr. 2011 nos 10-30.045 et 10-30.048, RJS 4/2011 n° 305). Or il y aun certain confort à pratiquer le conformisme.

Enfin, les arrêts du 2 juillet et du 8 juillet ont été largement relayéspar la doctrine. En l'occurrence, l'assez bon accueil dont elle a fait l'objetpourrait conduire, les plaideurs et les magistrats à privilégier cette voie.

Inversement, la persistance du coemploi est une hypothèseégalement envisageable. La Cour de cassation n'a formellement procédé àaucun revirement mettant fin au coemploi. Il reste donc toujours possiblepour les plaideurs de l'invoquer et pour les juges de le consacrer. Cettepossibilité est d'autant plus sérieuse que les utilités du coemploi ne sontpas toutes satisfaites par le droit de la responsabilité. Le coemploi suggèreen effet l'addition d'une nouvelle partie à la relation de travail, donc d'unnouvel employeur, auquel de multiples demandes peuvent être adresséesindépendamment du seul droit du licenciement (sur ces conséquencespossibles de la qualification, v. not. Y. Pagnerre, « L'extension de la théoriedes coemployeurs, source de destruction du droit du travail ? » JCP S2011. 1423 ; G. Auzero, « Les effets avérés et à venir du coemploi », JCPS 2013. 1440). Enfin, il y a toujours la tentation de la création normative.Il peut être difficile de renoncer à poursuivre le développement de normeque l'on a seulement esquissé et de participer à un instant de la petitehistoire du droit. Il y a un indéniable penchant à engendrer du droit, quitraverse notre société et que l'on retrouve dans les propositions de thèses

6

comme dans les propositions de comptoirs, dans les articles de doctrinecomme dans les articles de journaux et, inévitablement, chez lesmagistrats.

En définitive, le coemploi est-il sur la sellette ?

Oui si l'on entend par là qu'il est l'objet de critique. Cependant, cen'est pas une nouveauté de l'été. C'est le sort nécessaire des inventionsjurisprudentielles. Les normes décidées par le juge doivent impérativementfaire l'objet d'un examen sans complaisance, car, faute d'assisedémocratique, elles ont pour seul fondement la qualité des motifsraisonnables qui les fondent.

Non, si l'on estime que le coemploi est fondamentalement remis enquestion. La Cour de cassation paraît plutôt avoir trouvé, avec le droit dela responsabilité, une qualification alternative permettant de contenir lecoemploi dans une fonction en principe résiduelle : sanctionner lessituations de domination excessive d'une société par une autre. Commetoute norme supposée régir l'anormal, la fréquence de ses applicationsdevrait être rare. Nous verrons.

LE COEMPLOI DANS L'ANGLE MORTPar Elsa Peskine

L'élan suscité par la notion de coemploi ne saurait aveugler sur ceconstat : le coemploi marque le pas. Par plusieurs arrêts du 2 juillet 2014,la Chambre sociale vient circonscrire son domaine et l'assigner à une placemodeste dans l'échelle des mécanismes d'implication des sociétés d'ungroupe. Si les décisions s'inscrivent dans la continuité de la constructionjurisprudentielle du coemploi depuis quelques années (M. Kocher, « Lecoemploi à l'âge de raison », RDT 2014. 625), la Chambre sociale envoienéanmoins un signal fort. D'une part, en formulant explicitement ce quedes décisions antérieures laissaient présager (v. not. Soc. 18 déc. 2013, n°12-25.686). D'autre part, en tirant la conclusion quasi inéluctable d'uneconstruction du coemploi amarrée à la quête d'une anormalité.

La solution adoptée est le fruit de trois éléments. D'abord unedéfinition donnée par la Cour de cassation de la confusion d'intérêts,d'activité et de direction, laquelle doit résulter d'une immixtion dans lagestion économique et sociale de la société filiale. Si la formule avait déjàeu cours dans des décisions antérieures (Soc. 20 mai 2014, n° 12-20.527 ;18 déc. 2013, 12-25.686), le double domaine, économique et social, danslequel l'immixtion doit être observée n'en est pas moins le gage d'uneexigence accrue, rapportée à celle d'une immixtion dans la gestion socialedu personnel de la filiale qui avait semblé, un temps, concentré l'attentiondes juges (v. Soc. 28 sept. 2011, nos 10-12.270 s.). Ensuite, la Cour de

7

cassation qualifie des éléments de faits comme insusceptibles decaractériser une telle immixtion. Ni le financement par la société mère demesures sociales liées à la fermeture du site et à la suppression desemplois ni le fait que les dirigeants de la filiale proviennent du groupe nimême « le fait que la société mère ait pris dans le cadre de la politique dugroupe des décisions affectant le devenir de la filiale » ne suffisent àcaractériser le coemploi. Enfin, la Chambre sociale trace un horizon àl'aune duquel doit s'apprécier le caractère condamnable de l'immixtion, «au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques dessociétés appartenant à un même groupe et de la domination économiqueque cette appartenance peut engendrer ». Inédite, la formule en rappelletoutefois d'autres, l'immixtion ne pouvant s'apprécier « qu'au-delà de lacommunauté d'intérêts et d'activités résultant de l'appartenance à unmême groupe » (Soc. 12 sept. 2012, n° 11-12.351).

Saisies une à une, chacune de ces considérations signe unecontinuité dans le cantonnement, dans la rigueur qui était celle des jugesdepuis quelque temps. Mais ce serait nier la puissance normatrice desdécisions que de réduire leur portée à chacun de ces éléments prisisolément. C'est par leur agrégation que la Chambre sociale délivre unmessage.

Depuis quelques années maintenant il est explicitement rappelé quele coemploi n'est que la sanction de l'exercice anormal d'un pouvoir (P.Bailly, « Le coemploi n'est ni une "baguette magique" ni une aberrationjuridique », Sem. soc. Lamy 2013 n° 1600, p. 11 ; G. Auzero, « Coemploi,le rappel à l'ordre de la Cour de cassation », Sem. soc. Lamy 2014, n°1645, p. 7).

Et ce que les arrêts révèlent ici, c'est un véritable déplacement desfrontières de l'anormalité (E. Peskine, S. Vernac, « La mise en cause dessociétés dans les groupes », intervention au colloque Licenciements pourmotif économique et restructurations, Vers une redistribution desresponsabilités, Colloque, IRERP, Paris-Ouest-Nanterre-La Défense, 5 juin2014, Actes du colloque à paraître). Ou plutôt, l'aveu de la Cour decassation que l'étendue du champ de l'anormalité est moindre que ce quel'on voulait croire, et que la concentration du pouvoir, propre à tous lesgroupes de sociétés ne révèle aucune anormalité de fonctionnement. C'est« au-delà » de la simple coordination des actions et de la dominationéconomique que la quête de l'anormalité doit s'opérer.

Et comment pourrait-il en être autrement, dès lors que dans lemême temps, la Chambre sociale reconnaît la validité de techniques dediffusion du pouvoir dans les groupes, telle celle du contrat de travailayant pour objet l'exercice d'un mandat social dans une société filiale decelle de l'employeur ? (E. Peskine et S. Vernac, préc.). La normalisation del'exercice du pouvoir, laquelle résulte y compris des arrêts relatifs aucoemploi, par une sorte de dialectique connue entre le normal et

8

l'anormal, ne pouvait pas ne pas s'accompagner de la désuétude destechniques d'imputation de responsabilité fondées sur l'anormalité. Ce quiest anormal pour un juge à un moment cesse de l'être quand les formesd'organisation se transforment ou simplement se déploient. De sorte que,ainsi compris, le coemploi ne pourra évoluer, tel un voilier pris dans ce quele langage maritime désigne par l'angle mort du navigateur.

Que reste-il alors du coemploi ? Rien n'interdit aux juges de fondreleur motivation dans les lignes tracées par la Chambre sociale dans sonarrêt Molex (v., en ce sens, Amiens, 30 sept. 2014, RG nos 1305612 et1305613). Reste qu'il est malaisé d'identifier les configurations autorisantla qualification de coemploi, dès lors que la coordination des actionséconomiques (dont il resterait à définir le sens) et la dominationéconomique en constituent l'horizon. Indéniablement, la fictivité ou lafraude, proches de la confusion de patrimoine au sens des procédurescollectives, demeurent propres à révéler le coemploi, lequel s'aligne ainsidavantage sur les catégories de droit des sociétés, extrêmementprotectrices de la personne morale. L'arrêt entre ainsi en résonnance avecles dires de certains auteurs : le coemploi, dans sa version « sociétaire »,s'entend d'un abus de la personnalité morale (G. Auzero, « La naturejuridique du lien de coemploi », Sem. soc. Lamy 2013, n° 1600, p. 8). Aucoeur du fonctionnement normal d'un groupe de sociétés, on trouve,précisément, cette faculté pour la société mère de « prendre des décisionsaffectant le devenir de la filiale » que les juges ont indéniablement voulusauvegarder ici. Et si de telles décisions affectent l'autonomie de la filiale,elles figurent néanmoins parmi les pratiques « normales » d'un groupe desociétés et n'entament pas son autonomie sociétaire.

Bien sûr, la sensibilité des juges aux doléances de certains auteurs,ainsi que le rayonnement incertain de la notion ont joué un rôle dans cettemise en jachère du coemploi par les juges. Mais, encore une fois, la notionportait en elle les germes de son essoufflement par son arrimage à lafigure de l'employeur et son ancrage dans la quête d'une anormalité.

S'il marque le pas, le coemploi ne cède pas. L'évolution passée etpeut-être à venir de la notion de coemploi témoigne ainsi du séquençagehistorique de toute question et, en particulier, de celles relatives àl'organisation. Longtemps abordées sous l'angle de l'excès et de ladéviation, elles ne pourront l'être à l'avenir que sous un autre prisme. Saconception comme la sanction d'une anormalité ne relève d'aucunefatalité. Et la notion est donc susceptible d'être réformée. L'unitééconomique et sociale, en son temps, a témoigné de ce glissementpossible d'une vision frauduleuse, concentrée sur la personne morale, àune pensée plus objective de l'organisation, définie par la ramification desliens entre différentes sociétés.

Au-delà du coemploi, la recherche des voies d'imputation dessociétés d'un groupe devra également s'opérer sur d'autres terres. Parmi

9

celles-ci, figure bien sûr la responsabilité délictuelle (Soc. 8 juill. 2014, nos13-15.573 et 13-15.470). Mais pas uniquement. L'identificationd'obligations implicites ou même légales, telle l'obligation de vigilance,mises à la charge de la société mère, comme le fait la loi du 10 juillet2014 (L. n° 2014-790, visant à lutter contre la concurrence déloyale) oucomme le suggère la proposition de loi relative au devoir de vigilance dessociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre, pourrait constituerun jalon de cette construction, ouvrant la voie, non pas à une solidaritédes sociétés, mais à une distribution des obligations entre elles et unerépartition de leur responsabilité (E. Peskine et S. Vernac, préc.).

La difficulté de la tâche est à la mesure de son importance. Et si ledroit du travail peine à imaginer d'autres voies d'imputation, il perdra dansson ambition à forger ses propres catégories et dans sa prétention àcorrompre les montages sociétaires.

10

>>> RUPTURE CONVENTIONNELLE

LA CHAMBRE SOCIALE FRAPPE UN NOUVEAU COUP

Publié le 9 Novembre 2013, par Bernadette Lardy-Pélissier

Soc. 30 septembre 2014, n° 13-16.297« Mais attendu que la cour d'appel a retenu à bon droit que, sauf en casde fraude ou de vice du consentement, non invoqués en l'espèce, unerupture conventionnelle peut être valablement conclue en application del'article L. 1237-11 du Code du travail au cours de la période desuspension consécutive à un accident du travail ou une maladieprofessionnelle ».

En termes rigoureusement identiques, la Cour de cassation réitèrela solution qu'elle avait adoptée dans un arrêt du 28 mai 2014 relatif à larupture conventionnelle d'un contrat de travail s'agissant alors d'unesalariée déclarée apte avec réserves à la suite d'un accident du travail(1).Le nouveau coup porté à la protection mise en place par la loi relative auxaccidents du travail et aux maladies professionnelles par cet arrêt du 30septembre 2014 ne manque pas de susciter l'inquiétude ; d'une part,parce qu'il balaie d'un trait de plume le sens et la portée des articles L.1226-9 et suivants du Code du travail, d'autre part, parce qu'il pourraitbien être annonciateur d'un mouvement de fond qui participe d'un graveébranlement du droit du travail.

1. La protection des salariés victimes d'accident du travail ou de

maladie professionnelle vaincue par le consensualisme.

La loi énonce aujourd'hui qu'un salarié victime d'un accident dutravail doit bénéficier d'une visite de reprise effectuée par le médecin dutravail (C. trav., art. R. 4624-22)(2). Selon la jurisprudence, la période desuspension du contrat de travail prend fin lors de la première visite dereprise(3). En l'espèce, la salariée, victime d'un accident du travail avaitrepris son activité professionnelle sans que la visite de reprise ait été faite.Son contrat de travail était donc toujours suspendu. Or, cinq mois plustard, une convention de rupture fut conclue, puis homologuée parl'inspecteur du travail. Contestant cette rupture, la salariée soutenait quel'employeur ne pouvait, durant cette période de suspension, lui faire signer

11

une convention de rupture et que cette rupture était donc frappée denullité. En effet, l'article L. 1226-13 du Code du travail énonce de façontrès claire que « toute rupture du contrat de travail prononcée enméconnaissance des dispositions de l'article L. 1226-9 et de l'article L.1226-18 est nulle ». La cour d'appel de Lyon, pour rejeter cetteargumentation, avait jugé que « l'article L. 1226-9 prohibe uniquement larupture unilatérale du contrat de travail pour dire la ruptureconventionnelle exempte de nullité ». La Cour de cassation rejette lepourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon et, se fondant surle seul article L. 1237-11, affirme qu'une rupture conventionnelle peut êtrevalablement conclue au cours de la période de suspension consécutive àun accident du travail ou une maladie professionnelle ». Le couperet esttombé ; les dispositions relatives à la rupture conventionnelle issues de laloi du 25 juin 2008 sont revêtues par la chambre sociale d'une forcejuridique telle qu'elles viennent triompher des règles de protectionélaborées dans le but de protéger ceux et celles qui ont été victimes d'unrisque de l'entreprise. Balayée l'obligation de demander au médecin dutravail si le salarié est ou non apte à reprendre son travail, envolée laprotection accordée au salarié pendant la période de suspension de soncontrat de travail ; grâce au consensualisme redevenu tout-puissant, ildevient très aisé d'éluder des règles d'ordre public.

Et pourtant, si l'on relit attentivement la formulation de l'article L.1226-9 du Code du travail, on ne peut en déduire aussi rapidement quel'avait fait la cour d'appel de Lyon qu'il prohibe uniquement la ruptureunilatérale du contrat de travail, laissant ainsi la porte ouverte à unerupture conventionnelle ; on doit, au contraire lire, qu'il n'autorise larupture unilatérale du contrat de travail au cours des périodes desuspension que si l'employeur justifie soit d'une faute grave du salarié soitde l'impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger àl'accident ou à la maladie. S'il autorise une rupture unilatérale ce n'est quesi l'une des deux conditions posées par le texte existe bien. Considérerqu'il autoriserait une rupture conventionnelle constitue un forçage de la loide bien mauvais augure.

2. Un arrêt de mauvais augure.

Faut-il brûler le Code du travail ? s'interrogeait un auteur il y aquelques années ; depuis, la question ne cesse d'être posée en destermes différents, mais voisins. Il n'est pas toujours besoin d'autodaféspour que des textes tombent peu à peu dans l'oubli ou la désuétude.

L'arrêt du 30 septembre 2014 participera-t-il de ce minage du droitdu travail ? on pourrait le craindre. En effet, si l'on anticipe les évolutionsque celui-ci pourrait induire, on pourrait imaginer que la jurisprudence vafortement évoluer. Que restera-t-il de la solution condamnant « larésiliation même d'un commun accord du contrat de travail »(4) quin'aurait d'autre effet que d'éluder les obligations prévues par la loi et donc

12

de priver les salariés des garanties spécifiques qui leur sont accordéesdans certaines situations, comme celle qui était en cause dans cet arrêt du29 juin 1999(5) ? Quel sens donnera-t-on aux arrêts fixant la fin de lasuspension du contrat de travail à la visite de reprise effectuée par lemédecin du travail ? Quelle sera l'exacte portée de la garantie instituantune suspension du contrat de travail « pendant la durée de l'arrêt detravail provoquée par l'accident ou la maladie » (C. trav., art. L. 1226-7) ?

L'âme du droit du travail se loge au coeur même de l'idée deprotection des salariés ; encore faut-il s'entendre sur ce concept deprotection. Celle-ci ne doit pas être comprise comme s'inscrivant dans unrapport d'infantilisation ou de soumission ; elle signifie simplementl'obligation de préserver l'intégrité physique et mentale de ceux qui setrouvent dans un état de subordination. C'est la raison pour laquelle destextes spécifiques ont été élaborés pour garantir une protection renforcéeà des salariés dans certaines situations particulières ; ces textes édictentdes règles d'ordre public que le consentement des parties ne sauraitcorroder. Une règle d'ordre public est caractérisée par « une finalité socialerenforcée »(6), tel est le fil directeur qui devrait inciter les juges à replacerla rupture conventionnelle à sa juste place et, par suite, à ne pas ériger leconsensualisme en vecteur absolu de la liberté... sauf à en revenir à unepériode où le libéralisme individualiste s'imposait en droit du travail avecles conséquences que l'on connaît.

(1) Soc. 28 mai 2014, n° 12-28.082, D. 2014. 1208 ; RDT 2014. 622, obs. B. Lardy-Pélissier ; et les craintes exprimées déjà quant à l'évolution jurisprudentielle ainsi engagée.(2) La visite de reprise était obligatoire après une suspension du contrat d'au moins huit jours pour un accident du travail en 2009, c'est-à-dire à l'époque des faits. Cette durée a été portée à trente jours par un décret du 30 janvier 2012.(3) Soc. 26 oct. 1999, n° 97-41.314, Bull. civ. V, n° 410 ; Dr. soc. 2000. 115, obs. J. Savatier ; RJS 1999. 849, n° 1457 ; JCP 1999. IV. 3057.

(4) Nous avons volontairement souligné l'adverbe « même » qui avait, sans aucun doute était choisi par les juges pour renforcer sa condamnation de ce mode de rupture.(5) Soc. 29 juin 1999, n° 96-44.160, Bull. civ. V, n° 304 ; D. 1999. 208 ; Dr. soc. 2000. 178, note C. Radé ; GADT, 4e éd., n° 93 ; JCP 2000. II. 10235, note J. Savatier ; RJS 1999. 660, n° 1050 (1re esp.).(6) J.-L. Aubert, Introduction au droit, 11e éd., Sirey, 2006, n° 100.

13

>>> RUPTURE CONVENTIONNELLE

LA RUPTURE CONVENTIONNELLE SONNE-T-ELLE LE

GLAS DE LA RUPTURE AMIABLE ?

Publié le 14 novembre 2014, par Stéphane Beal

Il résulte de la combinaison des articles L 1231-1 et L 1237-11 duCode du travail que, sauf dispositions légales contraires, la rupture ducontrat de travail par accord des parties ne peut intervenir queconformément aux dispositions réglementant ce mode de rupturedestinées à garantir la liberté du consentement des parties. Voilà, enrésumé, ce que dit l'arrêt de la Cour de cassation du 15 octobre 2014(Cass. soc. 15-10-2014 n° 11-22.251 : FRS 22/14 inf. 4 p. 7 ou FR 46/14inf. 4 p. 15).

Cet arrêt marque-t-il la fin de la rupture amiable ? Pour exprimer leschoses de façon plus orthodoxe sur le plan juridique : les partiesconservent-elles la faculté de recourir à la rupture amiable sur lefondement de l'article 1134, alinéa 2, du Code civil, conformément à lajurisprudence antérieure ?

Bien sûr, cette question n'est pas nouvelle et tant la doctrine queles magistrats du fond se la sont posée. La doctrine a très rapidementconsidéré que l'employeur et le salarié ne pouvaient plus recourir à larupture amiable de droit commun depuis l'entrée en vigueur du dispositifrelatif à la rupture conventionnelle (voir note G. Couturier, SSL 2008 n°1356). Certaines juridictions du fond lui ont emboîté le pas (CA Riom 12-6-2012 n° 11-992 : RJS 11/12 n° 866 ; CA Dijon 5-5-2011 n° 10-160 ; CAToulouse 24-1-2013 n° 11/3522). Voilà désormais que la Haute Cour le ditsans ambiguïté.

LA RUPTURE CONVENTIONNELLE, « DROIT COMMUN »

DE LA RUPTURE NÉGOCIÉE

14

La Cour de cassation est claire : « Mais attendu qu'aux termes del'article L 1231-1 du Code du travail le contrat de travail à duréeindéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié oud'un commun accord dans les conditions prévues par le présent titre ; queselon les dispositions de l'article L 1237-11 du même Code, la rupture d'uncommun accord qualifiée de rupture conventionnelle résulte d'uneconvention signée par les parties au contrat qui est soumise auxdispositions réglementant ce mode de rupture destinées à garantir laliberté du consentement des parties ; qu'il résulte de la combinaison deces textes que, sauf dispositions légales contraires, la rupture du contratde travail par accord des parties ne peut intervenir que dans les conditionsprévues par le second relatif à la rupture conventionnelle ».

Si l'on admet cette combinaison des textes, faisant de la ruptureconventionnelle le « droit commun » de la rupture négociée, il ne fautsans doute pas négliger les dispositions de l'article L 1231-4 du Code dutravail qui visent à protéger les parties, en particulier le salarié, et selonlesquelles l'employeur et le salarié ne peuvent renoncer par avance audroit de se prévaloir des règles prévues par ce Code en matière de rupturedu contrat de travail à durée indéterminée.

Cela signifie désormais que toute rupture négociée ou amiable, endehors, d'une part, des dispositions propres à la rupture conventionnelle,et, d'autre part, des « exceptions légales » constitue de facto unlicenciement sans cause réelle et sérieuse.Que l'on approuve ou regrette cette décision, à vrai dire peu importe. Enrevanche, les exceptions à ce principe doivent nous interpeller.

DANS QUEL CAS LA RUPTURE AMIABLE SUBSISTE-T-

ELLE ?

Quelles sont les exceptions légales ? Certaines sont aisémentidentifiables ; d'autres en revanche le sont beaucoup moins.

De la clarté...

On doit tout d'abord s'intéresser à l'article L 1237-16 du Code dutravail qui précise le champ de la rupture conventionnelle et l'exclut dansle cadre des accords collectifs de gestion prévisionnelle des emplois et descompétences (GPEC) et en cas de plan de sauvegarde de l'emploi (PSE).

Commençons par le plus simple, le PSE. Autrement dit, dans lecadre d'un PSE, on ne peut pas utiliser la rupture conventionnelle commetechnique de rupture du contrat de travail. La rupture amiable est ainsitoujours possible dans ce cadre-là, qu'il s'agisse de reclasser le salariédans une autre structure du groupe et/ou de départs dans le cadre de

15

plans de départ volontaire.Mais qu'en est-il lorsqu'une entreprise a moins de 50 salariés ou

qu'une entreprise de 50 salariés et plus fait un licenciement économiquede moins de 10 salariés ?Non visées par l'article L 1237-16 précité, les ruptures conventionnellesdevraient être possibles dans cette situation mais pas les rupturesamiables. On mesure ici l'incohérence de la solution.

A vrai dire, cela n'est pas vraiment surprenant lorsque l'on sait queles partenaires sociaux ont souhaité ne pas « porter atteinte auxprocédures de licenciements collectifs pour cause économique engagéespar l'entreprise ». Ainsi, on a plutôt le sentiment que le recours à plusieursruptures conventionnelles ne doit pas permettre à l'entreprise d'échapperà la nécessité de mettre en oeuvre un PSE et toutes les mesures qui luisont liées : respect notamment de la procédure d'information-consultationdu comité d'entreprise (Cass. soc. 2-12-2003 n° 01-46.540 : RJS 2/04 n°179), de la priorité de réembauche (Cass. soc. 13-9-2005 n° 04-40.135 :RJS 11/05 n° 1083) et du plan de reclassement interne (Cass. soc. 25-1-2012 n° 10-23.516 : RJS 4/12 n° 328).La rupture conventionnelle est également exclue des ruptures résultantd'un accord collectif de GPEC dans les conditions définies par l'article L2242-15 du Code du travail.Sur ce terrain, les choses paraissent plus floues car s'il existait un dispositifspécifique de rupture du contrat de travail dans le cadre d'un accord deGPEC, lors de l'entrée en vigueur de la rupture conventionnelle, celui-ci aété partiellement abrogé.C'est dans le cadre de la négociation triennale obligatoire prévue à l'articleL 2242-15 en matière de GPEC que les parties peuvent compléter ledispositif en négociant « sur la qualification des catégories d'emploismenacés par les évolutions économiques ou technologiques ». Lesruptures dans ce cadre pourraient être réalisées en dehors du mécanismede la rupture conventionnelle.Sont également exclues, de par la loi, du dispositif de la ruptureconventionnelle les ruptures d'un commun accord d'un contrat de travail àdurée déterminée (C. trav. art. L 1243-1) et d'un contrat d'apprentissage(C. trav. art. L 6222-18)

… au clair obscur …

Que dire lorsque le salarié est transféré d'une entreprise à uneautre ? Notamment en cas de mobilité intragroupe ?Le transfert dans ces différentes hypothèses entraîne le changementd'employeur, mais que devient le contrat de travail avec l'ancienemployeur ?On évacuera tout d'abord le transfert dans le cadre des dispositionslégales de l'article L 1224-1 du Code du travail. En effet, dans cettehypothèse, le contrat est repris et poursuivi et il n'y a pas réellementchangement d'employeur. Il s'agit d'une fiction juridique, l'article L 1224-1

16

ayant justement pour objet et effet d'éviter, lorsque les conditions sontremplies, toute rupture de la relation de travail.La logique des parties dans le cadre de l'application volontaire de l'article L1224-1 du Code du travail est la même : que le contrat de travail nesubisse aucune interruption. Il s'agit en fait d'une novation ou d'unecession de contrat. Un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassationl'illustre : « Attendu, cependant, d'une part, qu'un changementd'employeur, qui constitue une novation du contrat de travail, ne s'imposeau salarié que si les conditions d'application de l'article L 1224-1 du Codedu travail sont remplies ; d'autre part, qu'en cas d'application dedispositions conventionnelles prévoyant et organisant le transfert descontrats de travail hors application de ce texte, l'accord exprès du salariéest nécessaire au changement d'employeur et échappe au contrôle del'inspecteur du travail » (Cass. soc. 3-3-2010 n° 08-41.600 : RJS 5/10 n°404).La différence fondamentale avec l'application légale de l'article L 1224-1est la nécessité de recueillir l'accord du salarié.

.. en passant par la pénombre !

S'agissant des mobilités intragroupe, notamment à l'étranger, leschoses sont parfois plus ambiguës. En effet, la volonté des parties n'estpas toujours clairement exprimée.Les dispositions des articles L 1237-11 et suivants du Code du travail,relatives à la rupture conventionnelle, ne s'appliquent qu'aux ruptures d'uncommun accord.Les mobilités intragroupe, y compris dans le cadre d'un reclassement à lasuite d'un licenciement économique ou d'une inaptitude se traduisent-ellespar une rupture du contrat du salarié ? Y est-il mis un terme ?

Il faut rechercher dans les actes matérialisant ce transfert la volontédes parties. Celle-ci est parfois peu claire, notamment lorsque l'anciennetén'est pas reprise.L'une des techniques juridiques à laquelle on peut penser pourmatérialiser cette volonté est la novation du Code civil, notion que l'onretrouve dans certains arrêts de la Cour de cassation (notamment, Cass.soc. 3-3-2010 précité).

La novation doit être clairement exprimée. Celle-ci s'opère de 3 manières :– lorsque le débiteur contracte envers son créancier une nouvelle

dette qui est substituée à l'ancienne, laquelle est éteinte ;– lorsqu'un nouveau débiteur est substitué à l'ancien qui est déchargé

par le créancier ;– lorsque, par l'effet d'un nouvel engagement, un nouveau créancier

est substitué à l'ancien, envers lequel le débiteur se trouvedéchargé (C. civ. art. 1271).

La novation « ne se présume point ; il faut que la volonté de l'opérer

17

résulte clairement de l'acte » (C. civ. Art. 1273).Pour notre part, nous préférons la notion de « cession

conventionnelle » (ou contractuelle) de contrat à celle de « novation ». Eneffet, la novation se traduit par l'extinction d'une obligation ancienne et lacréation d'une obligation nouvelle qui la remplace. Mais dans cette notionde remplacement, les parties peuvent intégrer une absence de reprised'ancienneté, des modifications de toutes sortes (modalités derémunération, fonction, classification...) qui pourraient faire craindre auxjuges du fond que la volonté des parties n'a pas été de poursuivre larelation contractuelle avec le nouvel employeur, mais de contourner lesrègles protectrices de la rupture conventionnelle.

En conclusion, qu'il s'agisse de mobilité dans le cadre d'unreclassement, d'un transfert conventionnel, d'une mobilité intragroupe, ycompris à l'étranger, il sera nécessaire de conclure un accord tripartitequalifié de « cession de contrat », ou « de novation », qui matérialiseral'existence d'un transfert volontaire et d'une poursuite de la relationcontractuelle en reprenant, a minima, l'ancienneté. La plupart du temps, il ne devrait pas y avoir de difficultés majeures pourque les parties placent l'accord de transfert sous le régime de la novationou de la cession de contrat. Toutefois, si les parties n'arrivent pas às'entendre, en ce sens, sur la poursuite des relations contractuelles etsouhaitent solder l'ancien contrat en le rompant d'un commun accord,elles n'auront d'autre choix que de signer une rupture conventionnelle. Larupture amiable ne sera plus possible dans cette situation.

18

>>> TRAVAIL DISSIMULÉ

LE SALARIÉ VICTIME DE TRAVAIL DISSIMULÉ

ACTION ET INDEMNISATION

Publié en Novembre 2014, par Catherine Sommé, Conseillé référendaire àla Cour de cassation

L'ESSENTIEL

Première victime de la fraude en matière sociale, le salarié en situation detravail dissimulé bénéficie à ce titre d'une action indemnitaire spécifiquedevant la juridiction prud'homale lui permettant d'obtenir une indemnitéforfaitaire d'un montant de six mois de salaire. Au fil de ses arrêts lachambre sociale de la Cour de cassation précise les conditions et l'étenduede cette indemnisation, en faisant prévaloir son caractère de garantieautonome pour le salarié à finalité de sanction civile pour l'employeur.

Le salarié victime du travail dissimulé a la possibilité de réclamerdevant le conseil de prud'hommes le rétablissement de ses droitssalariaux, et ainsi la délivrance de bulletins de paie mentionnant le nombredes heures de travail réellement effectuées, une rémunération au montantlégal ou conventionnel applicable dans l'entreprise, le paiement des heuressupplémentaires ou complémentaires réellement effectuées. Nonseulement il ne peut être poursuivi pénalement pour travail dissimulé,mais encore, et surtout, il est titulaire d'une action indemnitaire, fondéesur l'article L. 8223-1 du code du travail qui prévoit qu'en cas de rupturede la relation de travail le salarié auquel un employeur a eu recours dansdes conditions de travail dissimulé - par dissimulation d'activité (C. trav.,art. L. 8221-3) ou par dissimulation d'emploi salarié (C. trav., art. L. 8221-5) - a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Les développements qui suivent seront centrés pour l'essentiel surcette garantie spécifique prévue par le législateur donnant lieu à uneabondante jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation. Ilconviendra de revenir dans un premier temps sur les conditions danslesquelles un salarié peut obtenir de la juridiction prud'homale lacondamnation de son employeur au paiement de ce minimum forfaitaire,

19

qui ne peut être réclamé qu'en cas de rupture de la relation de travail etlorsque les éléments matériel et moral du délit de travail dissimulé sontréunis, étant relevé à cet égard que le manquement de l'employeur auxobligations visées par les articles L. 8221-3 et L. 8221-5 doit êtrevolontaire (I). Ces conditions étant remplies, quels sont les droitsindemnitaires du salarié victime du travail dissimulé ? Il s'agira de préciserd'une part le champ d'application et le régime indemnitaire de l'indemnitéforfaitaire, d'autre part l'évolution de la jurisprudence sur la question ducumul de cette indemnité avec d'autres indemnités auxquelles le salariéest susceptible de prétendre (II).

I. - Les conditions de l'indemnisation

Précisons à titre liminaire que, dans les hypothèses dans lesquellesl'existence du contrat de travail a été totalement occultée ou dissimuléesous l'appellation d'une relation contractuelle autre que salariée(travailleur indépendant, agent commercial...), le litige sur lareconnaissance de l'existence d'un contrat de travail conditionne àl'évidence le succès des demandes formées au titre du travail dissimulé. Àcet égard, la chambre sociale de la Cour de cassation juge que lacondamnation pénale définitive de l'employeur pour travail dissimuléimplique nécessairement l'existence du contrat de travail de la personnepour laquelle l'employeur a été condamné. Pour autant l'allocation par leconseil de prud'hommes de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L.8223-1 du code du travail n'est pas subordonnée à l'existence d'unedécision pénale préalable déclarant l'employeur coupable du délit detravail dissimulé. En effet l'article L. 8223-1 du code du travail ne faitnullement référence à une condamnation pénale de l'employeur, la seuleexigence étant que le juge prud'homal caractérise les éléments constitutifsdu délit.

A - La rupture de la relation de travail

On le sait, l'indemnité forfaitaire n'est due qu'en cas de « rupturede la relation de travail ». En l'absence de précision donnée par lelégislateur sur le mode de rupture ouvrant droit à cette indemnité, laHaute cour juge que celle-ci est due quelle que soit la qualification de larupture. Elle peut donc être allouée non seulement en cas delicenciement, mais encore en cas de démission du salarié, de rupture d'uncommun accord, de rupture de période d'essai, de mise ou départ à laretraite. Par extension, la chambre sociale de la Cour de cassation a admisque la garantie était due en cas de fin de contrat à durée déterminée ;ainsi en est-il après qu'un contrat d'apprentissage a pris fin à son terme.L'indemnité forfaitaire, qui a pour objet d'indemniser le salarié dupréjudice résultant pour lui de l'irrégularité de la relation de travail, estdonc due quel que soit le mode de cessation de la relation de travail,rupture ou cessation du contrat à son terme.

20

Mais l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé étant liée à larupture du contrat de travail, il s'en déduit qu'elle n'est pas due en cas detransfert d'entreprise. En effet, dans cette hypothèse, la relation de travailn'est pas rompue mais se poursuit sous une autre direction. Enfin en casde liquidation de l'employeur, l'assurance de garantie des salaires (AGS) nepeut dénier sa garantie ; il a ainsi été jugé que l'indemnité forfaitaire quirésultait de la rupture du contrat de travail antérieure au jugement deliquidation relevait de la garantie de l'AGS et que dès lors qu'un contrat detravail du salarié avait été rompu par le liquidateur dans les quinze jourssuivant le jugement de liquidation judiciaire de l'employeur, l'indemnitéforfaitaire allouée à l'intéressé devait être garantie par l'AGS.

B - Le manquement volontaire de l'employeur à ses

obligations

Devant le conseil de prud'hommes, ce sont les dispositions del'article L. 8221-5, qui visent la dissimulation d'emploi salarié, qui sont leplus souvent invoquées par le salarié qui sollicite l'indemnité forfaitairepour travail dissimulé. Sont donc allégués par le salarié les manquementssuivants : défaut par l'employeur de l'accomplissement de la déclarationpréalable à l'embauche, absence de délivrance de bulletins de paie ouminoration des heures de travail sur lesdits bulletins, ou encore, défaut dedéclaration aux organismes compétents des salaires et cotisations sociales.Ce troisième cas n'est prévu par le texte susvisé que depuis la loi n° 2010-1954 du 20 décembre 2010, qui est venue compléter l'article L. 8221-5.Pour autant, selon la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour decassation, avant même l'intervention du législateur en 2010, l'absence dedéclaration des salaires aux organismes de protection sociale étaitsusceptible de constituer une dissimulation d'emploi salarié.

Mais bien plus que l'élément matériel du délit, c'est l'élémentintentionnel de celui-ci qui donne lieu à une jurisprudence abondante,l'essentiel des pourvois reprochant aux juges du fond d'avoir retenu, ou àl'inverse d'avoir écarté, le caractère intentionnel de la dissimulation.

La chambre sociale de la Cour de cassation, qui juge que ladissimulation d'emploi salarié n'est caractérisée que si l'employeur s'estsoustrait de manière intentionnelle aux obligations qui lui incombent exigedes juges du fond qu'ils recherchent le caractère intentionnel dumanquement de l'employeur. Ainsi est cassé l'arrêt qui condamnel'employeur au paiement d'une indemnité pour travail dissimulé aprèsavoir constaté l'existence d'heures supplémentaires réalisées par le salariéet non payées, sans rechercher si l'employeur avait agi intentionnellement.Dans le même sens, ne caractérise pas l'intention de dissimuler la courd'appel qui retient que l'employeur ne contredit pas l'affirmation du salariéselon laquelle il n'a plus reçu de bulletins de paie à partir du mois d'août2005 et ne verse aux débats aucune copie des bulletins de paie litigieux.

21

Mais il suffit aux juges du fond de relever le caractère intentionneldes agissements de l'employeur : ainsi une cour d'appel qui constate quel'employeur a sciemment omis de mentionner les heures supplémentairessur les bulletins de paie du salarié caractérise l'élément intentionnel dutravail dissimulé. Il en est de même lorsqu'une cour d'appel relève quel'employeur a fait sciemment travailler le salarié au-delà de la durée légaledu travail sans le rémunérer de l'intégralité de ses heures. Ou encore, sontapprouvés les juges qui retiennent que l'employeur a eu sciemmentrecours pendant plus de deux ans aux services d'un travailleurindépendant, lequel exerçait son activité sous sa subordination juridique,sans avoir procédé aux formalités de déclaration préalable d'embauche nidélivré de bulletins de paie, et ce dans le seul but d'éluder la législationsociale, de sorte que l'élément intentionnel du travail dissimulé était établi.Caractérise également l'intention de l'employeur de dissimuler les heuresde travail ne figurant pas aux bulletins de salaires, la cour d'appel quirelève que la société ne pouvait ignorer l'amplitude du travail de sonsalarié en raison des moyens de contrôle du temps de travail existant dansl'entreprise, ou encore que la société ne pouvait ignorer l'existence desheures accomplies impayées du fait de la nature des missions desurveillance du salarié.

Selon une jurisprudence constante de la chambre sociale,l'existence de l'élément intentionnel, constitutif du travail dissimulé, estlaissée à l'appréciation souveraine des juges du fond. Toutefois la Hautecour exerce un contrôle de motivation relativement important en lamatière. Elle énonce ainsi que le caractère intentionnel du travail dissimuléne peut se déduire de la seule absence de mention des heuressupplémentaires sur les bulletins de paie, ou de la seule absence deconclusion d'une convention de forfait dont la possibilité est prévue par laconvention collective, ou encore du seul recours à un contrat inapproprié,requalifié par le juge en contrat de travail. Corrélativement, le caractèrenon intentionnel de l'absence d'accomplissement auprès des organismesde recouvrement des contributions et cotisations sociales des déclarationsrelatives aux salaires ou aux cotisations sociales ne peut se déduire desseules difficultés financières de l'employeur pour s'acquitter de cescotisations.

II. - Les droits indemnitaires du salarié victime du

travail dissimulé

Le travail dissimulé ne doit pas être confondu avec l'emploi d'unsalarié en situation irrégulière au regard de la législation française, qui faitl'objet de règles particulières énoncées aux articles L. 8252-1 et suivantsdu code du travail, lesquelles ne seront pas abordées dans lesdéveloppements qui suivent qui traiteront exclusivement des droitsindemnitaires du salarié dont l'emploi a été dissimulé, hors cas du salariéen situation irrégulière sur le territoire français.

22

A - Champ d'application et régime de l'indemnité forfaitaire

pour travail dissimulé

Le champ d'application de l'interdiction de dissimulation d'emploisalarié est large dans la mesure où l'article L. 8221-3 vise « toutepersonne » et l'article L. 8221-5 du code du travail « tout employeur »,c'est-à-dire quel que soit son secteur d'activité. Tous les salariés sont doncsusceptibles de prétendre au bénéfice de l'indemnité forfaitaire pour travaildissimulé, y compris les employés de maison, la chambre sociale ayant eneffet jugé(29) que les dispositions de l'article L. 7221-20 du code du travailne faisaient pas obstacle à l'application aux employés de maison desdispositions légales relatives au travail dissimulé.

Initialement fixée à un mois de salaire, la garantie forfaitaireaccordée au travailleur dissimulé a été réévaluée à six mois de salaire parla loi n° 97-210 du 11 mars 1997 afin de lui donner un effet réellementdissuasif, étant souligné que le salarié victime de travail dissimulé a droit àune indemnité égale à six mois de salaire même si la durée de la relationde travail a été moindre. Ce caractère automatique et forfaitaire a faitl'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité, renvoyée par la Courde cassation devant le Conseil constitutionnel, qui a décidé dans unedécision du 25 mars 2011 que la garantie forfaitaire instituée par l'articleL. 8223-1 du code du travail était conforme à la Constitution dans lamesure où elle ne constitue pas une sanction ayant le caractère d'unepunition au sens de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme.

Le montant de l'indemnité forfaitaire se calcule sur la base dusalaire mensuel effectivement dû pour la durée du travail réellementeffectué, et donc en tenant compte des heures supplémentairesaccomplies par le salarié au cours des six mois précédant la rupture ducontrat de travail. Par ailleurs, en raison de son caractère indemnitaire, lagarantie forfaitaire pour travail dissimulé n'est pas soumise à cotisationssociales.

B - Le cumul d'indemnisations

La question du cumul de l'indemnité forfaitaire avec les indemnitésdues au titre de la rupture du contrat de travail a fait l'objet decontroverses doctrinales et jurisprudentielles au regard de la relativeimprécision de l'ancien article L. 324-11-1 (devenu L. 8223-1) du code dutravail. Après avoir affirmé dans un premier temps que l'indemnitéforfaitaire ne s'ajoutait pas aux autres indemnités auxquelles le salariépourrait prétendre au titre de la rupture de son contrat, seule la plusfavorable devant lui être accordée, la chambre sociale s'était prononcéepar une série d'arrêts rendus en 2006 pour la règle du cumul del'indemnité forfaitaire avec les indemnités de toute nature (indemnitécompensatrice de préavis et de congés payés, indemnité pourlicenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité pour non-respect de

23

la procédure de licenciement, dommages et intérêts pour violation del'ordre des licenciements) auxquelles le salarié a droit en cas de rupture dela relation de travail, à la seule exception de l'indemnité légale ouconventionnelle de licenciement, seule la plus élevée des deux, del'indemnité de licenciement ou de l'indemnité forfaitaire, devant êtreallouée au salarié. Cette règle du non-cumul de l'indemnité forfaitaire avecl'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement se fondait sur lecaractère substitutif de l'indemnité forfaitaire résultant des termes mêmesde l'ancien article L. 324-11-1, qui précisait en effet que « le salarié auquelun employeur a eu recours en violation [...] a droit en cas de rupture de larelation de travail à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire, àmoins que l'application d'autres règles légales ou de stipulationsconventionnelles ne conduise à une solution plus favorable ». Il estnotable que cette réserve ne figure plus dans le texte issu de larecodification du code du travail intervenue le 1er mai 2008, puisquel'article L. 8223-1 prévoit désormais : « En cas de rupture de la relation detravail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions del'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus par l'article L. 8221-5a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ». Pourautant cette modification de rédaction est en elle-même sans portée, larecodification du code du travail étant, en l'absence de dispositionsexpresses contraires, intervenue à droit constant, comme l'a énoncé lachambre sociale à plusieurs reprises.

C'est au regard de la nature de sanction civile de l'indemnitéforfaitaire pour travail dissimulé que la Haute cour a décidé d'effectuer unrevirement de jurisprudence par un arrêt du 6 février 2013 en admettantdésormais le cumul de cette garantie avec les indemnités de toute natureauxquelles le salarié a droit en cas de rupture de son contrat de travail etainsi, contrairement à ce qui était jugé antérieurement, avec l'indemnitéconventionnelle ou légale de licenciement. Dans la droite ligne de cetarrêt, le cumul de l'indemnité forfaitaire a également été admis avecl'indemnité de mise à la retraite. Le salarié peut aussi demanderl'indemnisation du préjudice résultant pour lui de la privation desallocations d'assurance chômage et des indemnités journalièresd'assurance maladie, et les dommages et intérêts qui lui sont alloués à cetitre se cumulent avec l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé. C'estce que la chambre sociale a décidé dans un arrêt antérieur du 14 avril2010, en faisant alors déjà référence à la nature de sanction civile del'indemnité pour travail dissimulé à l'égard de l'employeur.

Dans la continuité de cette décision, la Cour de cassation a affirméplus récemment, pour approuver une cour d'appel d'avoir condamnél'employeur à payer à sa salariée, en sus de l'indemnité forfaitaire, desdommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l'omission devingt-sept trimestres de cotisations, que, indépendamment de la sanctioncivile prévue par l'article L. 8223-1 du code du travail, tout salarié a droit àl'indemnisation du préjudice lié à la faute de l'employeur dans l'exécution

24

de ses obligations. La garantie forfaitaire se cumule donc non seulementavec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié a droit en cas derupture de son contrat de travail, mais aussi, avec l'indemnisation dupréjudice résultant pour lui du manquement de l'employeur à sesobligations légales parmi lesquelles celle de déclaration du salarié auxorganismes sociaux.

Cette jurisprudence s'inscrit dans une volonté, conforme aux voeuxdu législateur, de renforcement du rôle dissuasif de l'indemnité pour travaildissimulé qui vise à réparer le préjudice subi par le salarié du seul fait dela dissimulation de son emploi, indépendamment de toute autre cause depréjudice.

25

>>> TRAVAIL DE NUIT

RÉFLEXIONS ICONOCLASTES (?) SUR LE TRAVAIL DE

NUIT – À PROPOS DE L'ARRÊT SEPHORA

Publié le 3 Novembre 2014, par Jean-Marc Lavallart

L’arrêt Sephora a-t-il pour conséquence d’interdire le recours autravail de nuit à l’ensemble des entreprises du secteur du commerce ? Passi sur... Cass. crim., 2 sept. 2014, no 13-83.304

Il est bien téméraire de prolonger le débat sur le travail de nuit.Dans son arrêt du 24 septembre 2014, la chambre sociale de la Cour decassation parait avoir tranché sans aucune ambiguïté :

– le travail de nuit ne doit être mis en œuvre que lorsqu’il estindispensable au fonctionnement de l’entreprise ;

– le travail de nuit n’est pas inhérent à l’activité du commerce deparfumerie ;

– l’attractivité commerciale liée à l’ouverture de nuit du magasin desChamps-Élysées ne permettait pas de caractériser la nécessitéd’assurer la continuité de l’activité.

Cet arrêt qui se présente à l’évidence comme un arrêt de principe pourraitêtre étendu à l’ensemble des secteurs du commerce ce qui aurait pourconséquence de leur interdire le recours au travail de nuit.Il parait, dès lors, pour le moins aventureux de s’engager dans uneanalyse de cet arrêt qui semble écarter toute interprétation et qui estl’aboutissement du parcours contentieux engagé à l’initiative du Clic-P àl’égard de la société Sephora, successivement examiné par le Tribunal degrande instance de Paris, la Cour d’appel de Paris, le Conseilconstitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, avantd’aboutir à la Cour de cassation. Cet arrêt suscite pourtant de légitimesréflexions.

CONSTATS

• Un premier constat simplement pragmatique : il a fallu attendre 2014pour que la Cour de cassation considère que le recours au travail de nuitdans le secteur du commerce de parfumerie était constitutif d’un troublemanifestement illicite justifiant la compétence du juge des référés, alors

26

que depuis plusieurs décennies, bien des entreprises y ont recours et quedans bien des cas, celui-ci est prévu et aménagé dans le cadre deconventions collectives, parfois étendues, et d’accords d’entreprise. Il estvrai que l’on ne peut reprocher à la Cour de cassation de n’avoir pas étésaisie plus tôt !

• Un peu d’histoire s’avère nécessaire : pendant tout le XXe siècle, iln’existait pas de dispositif légal réglementant le travail de nuit àl’exception de l’interdiction depuis 1892 du travail de nuit des femmesdans l’industrie et d’une loi du 3 janvier 1991 qui disposait que lespartenaires sociaux devaient « prévoir des compensations au travail denuit occasionnel ou régulier, notamment sous forme de reposcompensateur ou de majoration des rémunérations [...] la forme et lesmodalités de ces compensations » devant « être définies par conventionsou accords collectifs de branche étendus ou par accords d’entreprise oud’établissement ».De fait, plusieurs millions de salariés étaient ainsi amenés à travailler denuit.

•Une législation dans le droit fil des directives communautairesCe régime de liberté s’est trouvé remis en cause par un arrêt de la CJCEdu 25 juillet 1991 qui a considéré que l’interdiction du travail de nuit faiteaux femmes travaillant dans l’industrie n’était pas compatible avec ladirective européenne du 9 février 1976 relative à l’égalité de traitemententre les femmes et les hommes.De même, la France avait été condamnée par la Cour de justice deLuxembourg pour n’avoir pas effectué la transposition de la directive no2003-88 du 4 novembre 2003 codifiant la directive no 93-104 du 23novembre 1993 relative à certains aspects de l’aménagement du temps detravail.La nouvelle législation s’est inscrite dans le droit fil de cette dernièredirective qui a prévu que les États pourraient adopter des dispositions surle travail de nuit par la voie législative après consultation des partenairessociaux ou par des conventions ou accords collectifs.C’est ainsi que le rapport fait au nom de la commission des affairesculturelles, familiales et sociales sur la proposition de loi relative à l’égalitéprofessionnelle entre les femmes et les hommes, précisait que le travail denuit devait « être soumis à des contraintes particulières s’agissant de samise en place », à savoir « des justifications précises et explicites [...] cesjustifications » devant « figurer dans l’accord collectif dont la conclusionsubordonne le recours au travail de nuit », accord qui, ainsi que lerappelait le rapporteur, pouvait faire l’objet d’un droit d’opposition.La directive no 93-104 du 23 novembre 1993 à laquelle se réfère l’arrêtSephora et qui concerne « certains aspects de l’aménagement du tempsde travail » n’aborde pas la question des secteurs économiques concernéspar le travail de nuit mais vise essentiellement à donner des « garde-fous» à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs. Elle précise,à cet égard, qu’elle « fixe les prescriptions minimales de sécurité et de

27

santé », les articles 9 à 13 énumérant les mesures nécessaires que lesÉtats membres doivent prendre pour assurer une telle protection.

•Un dispositif d’encadrementC’est dans ces conditions qu’a été adoptée la loi du 9 mai 2001 « relative àl’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes » et c’est dans cetexte législatif qu’a été introduit le volet concernant le travail de nuit quipour la première fois introduit un dispositif d’encadrement.L’article L. 3122-32 du Code du travail précise que « le recours au travailde nuit est exceptionnel ». Cette précision suscite nécessairement desinterrogations s’agissant particulièrement des activités dans lesquelles letravail de nuit peut prendre un caractère permanent tel que le secteurhospitalier ou le gardiennage. De ce fait, il importe de souligner qu’«exceptionnel » ne veut pas dire « occasionnel ». À cet égard, l’article L.3122-31 du Code du travail précise que doit être considéré commetravailleur de nuit tout travailleur qui accomplit au moins deux fois parsemaine, au moins trois heures de son temps de travail quotidien durant lapériode dite de travail de nuit. Ceci démontre bien que la notion «d’exceptionnel » peut prendre un caractère « permanent » !L’article L. 3122-32 du Code du travail prévoit en outre que le travail denuit doit prendre en compte « les impératifs de protection de la santé etde la sécurité des travailleurs... » et doit être « justifié par la nécessitéd’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilitésociale ».L’article L. 3122-33 du Code du travail prévoit, quant à lui, que « la miseen place dans une entreprise ou un établissement du travail de nuit [...]ou son extension à de nouvelles catégories de salariés sont subordonnéesà la conclusion préalable d’une convention ou d’un accord collectif debranche étendu ou d’un accord d’entreprise ou d’établissement [...] cetteconvention ou cet accord collectif » devant comporter « les justificationsdu recours au travail de nuit mentionnées à l’article L. 3122-32 du Codedu travail ».

LE RÔLE DE LA NÉGOCIATION COLLECTIVE

•La position du Conseil constitutionnelLa loi est donc particulièrement claire puisqu’au lieu de prévoir undispositif contraignant, elle s’en remet aux partenaires sociaux pour, auregard du contexte de la branche d’activité ou de l’entreprise concernée,apporter les justifications du recours au travail de nuit afin « d’assurer lacontinuité de l’activité économique », adopter des dispositions assurant lasanté et la sécurité des travailleurs concernés et enfin prévoir descontreparties.Il faut en outre souligner que le Conseil constitutionnel dans sa décisionno 2014-373 du 4 avril 2014 saisi par la Cour de cassation de la questionprioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Sephora sur le pointde savoir si les dispositions de l’article L. 3122-32 du Code du travail neméconnaîtraient pas le « principe constitutionnel de clarté et de précision

28

de la loi et les exigences de compétence législative et de sécurité juridique[...] » a pris une position sans aucune équivoque. Répondant en effet à lacritique que la loi n’avait pas défini avec précision les critères du recoursau travail de nuit, le Conseil a rappelé, se référant à l’article 34 de laConstitution, qu’il était parfaitement loisible au législateur de confier à laconvention collective « le soin de préciser les modalités concrètesd’application des principes fondamentaux du droit du travail...». Dès lors,le Conseil a constaté qu’il appartenait à la convention ou à l’accordcollectif d’apporter les justifications du recours au travail de nuit et donc «d’apprécier les situations de fait répondant aux critères de continuité del’activité économique ou de service d’utilité sociale ».Il faut constater que les juridictions du premier degré ont une approchesouvent pragmatique des situations qui leurs sont présentéesUne alternative a également été ouverte par le législateur en casd’impossibilité de parvenir à un accord. En effet, l’article L. 3122-36 duCode du travail prévoit, sous réserve que l’employeur ait engagésérieusement et loyalement des négociations, que l’Inspecteur du travailpuisse autoriser l’affectation de travailleurs à des postes de nuit aprèsvérification des contreparties accordées à ces derniers.

•Le silence de la Cour de cassationLa circulaire DRT no 2002-09 relative au travail de nuit précise que « tousles secteurs sont concernés par cette nouvelle législation, à l’exceptiontoutefois du personnel roulant et naviguant du secteur des transports ».Cette circulaire développait en outre le recours obligatoire à la négociationcollective et prévoyait la nécessité d’une « mise en conformité » s’agissantdes conventions ou des accords en vigueur qui ne remplissaient pas lesnouvelles exigences légales.Il faut en conséquence constater qu’à la différence du travail du dimanchesoumis à un système de dérogations, ni la loi, ni la circulaireadministrative n’écartent – au contraire – aucun secteur d’activité, à laseule exception ci-dessus mentionnée par la circulaire, s’en remettant auxpartenaires sociaux et/ou à défaut à l’Inspection du travail pour mettre envigueur le travail de nuit.Dès lors, on ne peut que déplorer la réticence, voire le refus de certainesjuridictions, d’accorder à la négociation collective la place et la légitimitéque le législateur a voulu lui attribuer depuis plusieurs années, et ce d’unemanière constante.La question de l’accord collectif n’a de fait pas été abordée par la Cour decassation. Il est vrai que la société Sephora ne pouvait se prévaloir d’un telaccord. Cela étant, excipant d’un recours au travail de nuit antérieur à laloi de 2001, Sephora, sur la base d’une interprétation littérale de l’article L.3122-33 du Code du travail, faisait valoir d’une part que la nécessité d’unaccord n’était prévue qu’en cas de mise en place du travail de nuit oud’une extension de celui-ci à de nouvelles catégories de salariés et, d’autrepart que le dispositif qu’elle appliquait comportait les contrepartiesprévues par la loi.Or, la Cour de cassation n’a pas tranché cette question, qu’elle n’a pas

29

même évoquée, alors pourtant qu’elle figurait dans les moyens du pourvoi.En réalité, la Cour a écarté toute référence à l’existence ou non d’unaccord collectif, ce qui pourrait amener certains à considérer – hâtivement– que la solution adoptée eut été la même en présence d’un tel accord...

LE CONTRÔLE JUDICIAIRE

•Un contrôle restreint ?Il apparaît alors un questionnement : comment la Cour de cassationaborderait-elle le recours au travail de nuit, s’agissant d’une entreprise quipourrait se référer aux dispositions d’un accord de branche,éventuellement étendu ou d’un accord d’entreprise en vigueur. Ne devrait-elle pas admettre d’exercer un contrôle plus restreint au regard desjustifications adoptées par les partenaires sociaux, ce qui correspondraitau vœu du législateur.En décider autrement conduirait à amoindrir le champ de la négociationcollective, et aboutirait alors à limiter l’objet de celle-ci aux seulescontreparties accordées aux salariés conformément à l’article L. 3122-40du Code du travail en l’écartant de fait des justifications du recours autravail de nuit, pourtant formellement prévues par l’article L. 3122-33 duCode du travail.Il serait, en effet, pour le moins surprenant que l’on soit passé d’uneliberté quasi-totale jusqu’en 2001 à une interdiction couvrant un nombreindéterminé de secteurs d’activité, solution que n’avait pas retenue lelégislateur de 2001 qui s’en est remis à la négociation collective.

•Une approche souvent pragmatiqueIl est intéressant de relever les positions adoptées par deux ordonnancesde référé, celle du Tribunal de grande instance de Paris du 6 décembre2012 dans l’affaire Sephora ainsi que celle du Tribunal de grande instancede Melun du 6 mars 2014 concernant la société Carrefour. La premièreordonnance précisait qu’il n’entrait pas dans les pouvoirs du juge desréférés d’apprécier, s’il existait en l’espèce, une nécessité d’assurer lacontinuité d’activité économique justifiant le recours au travail de nuit etque, par ailleurs, dans la mesure où les impératifs de protection de lasanté et de la sécurité des salariés étaient assurés, il n’y avait pas «absence de violation évidente de la règle de droit ». Quant à la secondeordonnance, elle considérait que les dispositions légales ne procédaientpas d’un ordre public absolu mais « de l’ordre public social permettant auxpartenaires sociaux de définir les justifications du recours au travail de nuit».Il faut constater que les juridictions du premier degré ont une approchesouvent pragmatique des situations qui leur sont présentées : s’agissantdu magasin Carrefour, l’horaire de fermeture était fixé à 21 h 30 et lesamedi à 21 h. Un tel dépassement d’une demi-heure prévu par un accordcollectif peut-il valablement être considéré comme une violation de la loi ?Quant au magasin Sephora, il ne paraissait pas impensable de considérerque la zone d’attractivité commerciale des Champs-Élysées pouvait

30

justifier un travail en nocturne. Pourquoi dans ces conditions ne pourrait-on s’en remettre à la négociation collective, le contrôle judiciaire portantalors essentiellement sur le strict respect des dispositions combinées dudroit européen et de la loi nationale afférentes à la sécurité et à la santédes travailleurs ainsi qu’aux différentes contreparties adoptées par lesaccords ?Le rôle de la jurisprudence n’est-il pas d’accompagner les évolutions de lasociété et de reconnaître sans réticence la liberté contractuelle dans lerespect de la loi ?

EXTRAIT DES ARRÊTS

• Mais attendu, d’abord, que selon l’article L. 3122-32 du Code du travailinterprété à la lumière de la directive no 93/104 du 23 novembre 1993concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, lerecours au travail de nuit est exceptionnel. Il prend en compte lesimpératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et estjustifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique oudes services d’utilité sociale ; qu’il en résulte que le travail de nuit ne peutpas être le mode d’organisation normal du travail au sein d’une entrepriseet ne doit être mis en œuvre que lorsqu’il est indispensable à sonfonctionnement ; Attendu, ensuite, que le fait pour un employeur derecourir au travail de nuit en violation des dispositions légales susviséesconstitue un trouble manifestement illicite ; Et attendu qu’ayant relevé quela société, qui exerce dans un secteur, le commerce de parfumerie, où letravail de nuit n’est pas inhérent à l’activité, ne démontrait pas qu’il étaitimpossible d’envisager d’autre possibilité d’aménagement du temps detravail, non plus que son activité économique supposait le recours autravail de nuit, dès lors que les difficultés de livraison alléguées nenécessitaient pas pour autant que le magasin fût ouvert à la clientèle lanuit et que l’attractivité commerciale liée à l’ouverture de nuit du magasindes Champs-Élysées ne permettait pas de caractériser la nécessitéd’assurer la continuité de l’activité, et alors qu’il ne résulte ni de l’arrêt nides productions qu’une quelconque violation des dispositions tant de laConvention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertésfondamentales que de la Charte des droits fondamentaux de l’Unioneuropéenne, ou encore de la Déclaration universelle des droits del’homme, a été invoquée par la société devant les juges du fond, la courd’appel en a exactement déduit l’existence d’un trouble manifestementillicite ;Cass. soc., 24 sept. 2014, no 13-24.851 P+B

• Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et du procès-verbal de l’inspectiondu travail, base de la poursuite, qu’un contrôle effectué le 24 septembre2010 par les services de ladite inspection dans un supermarchéd’alimentation générale exploité par la société Zoveco dis, dont M. X... estle gérant, a permis de constater que deux salariés effectuaient une partiede leurs activités au-delà de 21 heures ; que la société Zoveco dis et son

31

gérant ont été cités devant le tribunal de police pour mise en place illégaled’un travail de nuit au sens de l’article L. 3122-32 du Code du travail ; quele tribunal ayant déclaré les prévenus coupables, ceux-ci et le ministèrepublic ont relevé appel de cette décision ; Attendu que, pour confirmer lejugement entrepris et condamner les prévenus du chef susvisé, l’arrêténonce que, si les deux salariés concernés n’étaient pas des travailleurs denuit au sens de l’article L. 3122-31 du Code du travail, une partie de leurtravail au-delà de 21 heures n’en constituait pas moins un travail de nuit,qui doit rester exceptionnel ; que les juges ajoutent que l’activité decommerce alimentaire n’exige pas, pour l’accomplir, de recourir au travailde nuit ; Attendu qu’en se déterminant par ces seuls motifs, la courd’appel a fait une exacte application des textes visés au moyen ;

32

>>> PLURIACTIVITÉ

QUELQUES PROBLÉMATIQUES LIÉES À LA

PLURIACTIVITÉ DES SALARIÉS À TEMPS PARTIEL

Publié le 17 Novembre 2014, par André Derue

L’une des conséquences de la fixation par la loi du 14 juin 2013d’une durée minimale de travail des salariés à temps partiel fixée à vingt-quatre heures hebdomadaires ou à son équivalent mensuel ou encore àson équivalent calculé sur une période supérieure à la semaine et au pluségale à l’année a pour conséquence, si ce n’était pour partie l’objet de laloi, de favoriser la pluriactivité.

En effet, aux principes d’une durée minimale de travail du salarié àtemps partiel fixé par l’article L. 3123-14-1, l’article L. 3123-14-2 prévoitqu’il peut être dérogé à la demande du salarié notamment pour luipermettre de cumuler plusieurs activités afin d’atteindre une durée globaled’activité correspondant à un temps plein ou au moins égale à la duréeminimale légale.

Cette situation de cumul d’emplois génère traditionnellement uncertain nombre de difficultés liées notamment à la nature des emploisconcernés, s’agissant par exemple du cumul d’activités publiques etprivées, à la limitation portant sur la durée du travail, les duréesmaximales légales s’appliquant en l’espèce ou encore portant sur deslimitations contractuelles à la pluriactivité ou à certaines formes depluriactivités.Certaines de ces difficultés semblent particulièrement exacerbéess’agissant du cumul d’emplois à temps partiel et un autre emploi à tempspartiel ou un emploi à temps plein.Évoquons deux de ces difficultés.

I - LES CLAUSES D’EXCLUSIVITÉ

Classique est la pratique d’intégration dans des contrats de travail declauses dites « d’exclusivité » aux termes desquelles le salarié al’obligation de n’exercer une activité professionnelle que pour soncocontractant employeur que le contrat ait été conclu à temps plein ou à

33

temps partiel.

La Cour de cassation s’est prononcée sur la licéité de cette pratiqueen considérant qu’une telle clause « porte atteinte à la liberté du travail ;qu’elle n’est valable que si elle est indispensable à la protection desintérêts légitimes de l’entreprise et si elle est justifiée par la nature de latâche à accomplir et proportionnée au but recherché » ce qui correspondà la stricte application des dispositions de l’actuel article L. 1121-1 duCode du travail aux termes duquel « nul ne peut apporter aux droits despersonnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui neseraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir niproportionnée au but recherché ».La question se pose avec une particulière acuité s’agissant des salariés àtemps partiel et cela d’autant plus depuis la dérogation précitée à la duréeminimale de travail.

En réalité, il y a de nombreuses années de cela, la Cour decassation avait déjà posé pour principe que la clause par laquelle unsalarié à temps partiel se voit interdit toute autre activité professionnelle,soit pour son compte, soit pour le compte d’un tiers, porte atteinte auprincipe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle etn’est dès lors valable que si elle est indispensable à la protection desintérêts légitimes de l’entreprise et si elle est justifiée par la nature de latâche à accomplir et proportionnée au but recherché.Toutefois, la nullité de la clause n’entraîne nullement la requalification ducontrat en contrat à temps complet.

Ces clauses dont la légitimité est donc déjà par principe contrariéepar les dispositions de l’article L. 1121-1 du Code du travail ont ainsi unelicéité plus encore contrariée depuis la loi du 14 juin 2013.Il reste néanmoins que ces clauses doivent en partie se différencier del’obligation de loyauté qui pèse sur un collaborateur qu’il soit à tempspartiel ou à temps plein dont le respect lui impose nécessairement, mêmeen l’absence de dispositions contractuelles, de s’abstenir de toute activitésusceptible de concurrencer celle de son employeur.Sous réserve de l’importance du respect de l’obligation de loyauté de tellesclauses semblent donc frapper d’illicéité au moins pour les salariés àtemps partiel dont la durée minimale de travail est inférieure à vingt-quatre heures ou à son équivalent en raison de la possibilité qui lui estlaissée, suite à sa demande, et conformément à l’article L. 3123-14-2 decumuler plusieurs activités afin d’atteindre une durée globale d’activitécorrespondant à un temps plein ou au moins égale à la durée minimalelégale.

La question se pose dans les mêmes termes quel que soit le modede répartition du contrat de travail à temps partiel.

II - LES ARRÊTS DE TRAVAIL SÉLECTIFS ET LE SERVICE

34

DES INDEMNITÉS JOURNALIÈRES

Parmi de nombreuses conditions, l’article L. 323-6 du Code de lasécurité sociale impose au bénéficiaire d’indemnités journalières desécurité sociale de s’abstenir de toute activité non autorisée sans définird’ailleurs la notion d’activité ce qui a conduit la Cour de cassation aenglober sous ces termes y compris les activités non rémunérées voireludiques telle par exemple une activité sportive.

Ainsi elle posera pour principe notamment dans un arrêt du 22février 2007 que « l’incapacité de travail ouvrant droit au bénéfice desprestations en espèce de l’assurance maladie sont dans l’incapacité totalede se livrer à une activité professionnelle quelconque ».Elle prohibera ainsi au regard du service des indemnités journalières desécurité sociale la poursuite d’une activité libérale pour un pluriactif ayantpar ailleurs une activité salariée.

On le voit la question se pose évidemment avec une acuité touteparticulière s’agissant des pluriactifs exerçant deux ou plusieurs activités àtemps partiel quand bien même cette pluriactivité peut se réclamer tout àla fois, mais en droit du travail seulement, de l’article L. 1121-1 relatif à laprohibition des restrictions apportées au droit des personnes et auxlibertés individuelles et collectives qui ne sont pas justifiées par la naturede la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché ainsi que parl’une des dérogations à la durée minimale de travail des salariés à tempspartiel posé par l’article L. 3123-14-2 du Code du travail.

Doit-on en tirer comme conséquence qu’un salarié à temps partielfaisant l’objet d’un arrêt de travail au titre de l’une de ses activités et dontl’état de santé ne doit pas nécessairement conduire à suspendre sadeuxième activité aurait l’obligation néanmoins de stopper temporairementl’exercice de cette seconde activité sous peine de se voir priver du servicedes indemnités journalières de sécurité sociale au titre de la première ?La Cour de cassation a fort heureusement réglé cette question dans unarrêt du 9 décembre 2010 dans lequel elle a admis la poursuite d’uneactivité d’enseignant, non affectée par une maladie professionnelle dontétait atteinte la personne et qui avait une influence majeure sur l’activitéde musicien d’orchestre qui devait être suspendue jugeant que la premièreactivité devait être considérée comme autorisée dès lors que ce choix avaitété fait en concertation avec l’employeur et les médecins ayant suivi lepatient.

Il en résulte à la lumière notamment de l’arrêt rendu par la Cour decassation le 21 mars 2014 que la perception d’indemnités journalières desécurité sociale d’une personne se trouvant dans l’incapacité physique decontinuer ou de reprendre l’une seulement de ses activités estsubordonnée à une autorisation de son médecin traitant.

35

>>> RELIGION ET DROIT DU TRAVAIL

DIEU, LA CAISSIÈRE ET LE TEMPLE (DES MARCHANDS)

– DU SOMMET À LA BASE

Publié le 10 Novembre 2014, par Patrice Adam

À l’occasion de la première affaire après l’épopée Baby Loup, leconseil des prud’hommes de Lyon juge le licenciement d’une caissièrevoilée sans cause réelle et sérieuse mais non discriminatoire. CPH Lyon,18 sept. 2014

Le conseil de prud’hommes de Lyon (sa section commerce enformation de départage) est bon élève ! De la retentissante affaire BabyLoup, il a retenu les principaux enseignements ; de l’arrêt de l’assembléeplénière de la Cour de cassation du 25 juin 2014 apprit toutes les leçons(sur cet arrêt, voir nos observations, « L’affaire Baby Loup : vues dusommet », RDT 2014, p. 607). Consciencieux, il a rendu, le 18 septembre2014, copie remarquable. Non point seulement parce que le Conseillyonnais a fait application juste des règles dégagées par la Hautejuridiction, mais aussi parce que sa décision n’en est pas juste une simpleapplication. En effet, le jugement ici rapporté est, à notre connaissance, lepremier, après l’arrêt du 25 juin relatif à la célèbre crèche, à statuer sur leport du voile... dans le secteur marchand. Et pas n’importe où ; dans le «temple moderne » de la consommation : l’Hypermarché. Dans ce lieusacré où se pressent chaque jour les fidèles venus pratiquer, en masse,leur religion séculière consumériste, les dieux « anciens » – ceux des «religions abrahamiques » –, ont-ils leur place... à la caisse ?

L’HYPERMARCHÉ « DE CONVICTION LAÏQUE » ?

Non point pour la société employeur. À la salariée qui, de retour d’une(longue) période de congé parental, l’informait de son intention dereprendre voilée son travail de caissière, l’employeur rappelait fermementla clause du règlement intérieur selon laquelle « par respect pour laclientèle et afin de ne choquer aucune des sensibilités qu’elle peutreprésenter, le personnel en contact avec le public ne saurait porter designes manifestement ostentatoires à caractère politique, syndical oureligieux ». En raison des refus réitérés de la salariée de se plier à sesmultiples injonctions de reprendre le travail dans une « tenue conforme »

36

(c’est-à-dire sans son voile), l’employeur devait finalement la licencier pourfaute sérieuse (en la dispensant d’exécuter son préavis). Elle saisissaitalors la juridiction prud’homale arguant que le licenciement dont elle a étél’objet constitue « une sanction disciplinaire injustifiée et discriminatoire,ou à tout le moins qu’il est dépourvu de cause réelle et sérieuse ».Instance à laquelle s’est jointe, par voie d’intervention, l’associationARCAD (Agir en région pour construire un avenir sans discrimination).

À l’appui de sa position, l’employeur déployait une argumentationfort classique : la neutralité exigée de la salariée en contact avec le publictrouvait dans la diversité de ce dernier et dans la volonté de respectertoutes les sensibilités sa légitime raison. Respecter les croyances desautres (celles des clients) supposerait que les salariés ne donnent pas àvoir les leurs. Le ressort argumentatif n’est évidemment pas nouveau.Comme on l’a souligné avec pertinence « ce qui motive les restrictionsimposées par l’employeur à la liberté de la salariée, c’est généralement lesouci de l’employeur de ne pas compromettre l’image qu’il entend donnerde son entreprise ». Dans le temple de la consommation, nulle croyancene doit venir, en s’affichant ostensiblement, parasiter la seule – point desalut, sans panier bien rempli – qui ait un prix (commercial). Le caddie,mais pas le cadi !

D’une certaine manière, c’est bien dans les vêtements de «l’entreprise de conviction (laïque) » – même si elle ne fait point référenceexpresse à cette controversée notion –, dont la Cour d’appel de Paris s’estfaite habile couturière dans son arrêt Baby Loup du 27 novembre 2013 (no13/02981), que la SAS Carrefour France tentait de se draper. Et d’invoquerencore pour affermir sa défense, une autre décision de la Cour d’appel deParis du 18 avril 2013 au terme de laquelle les juges parisiens avaientretenu la possibilité pour l’employeur de limiter la liberté religieuse d’unede ses salariées dès lors qu’une société cliente avait expressémentmanifesté auprès de lui son souhait que les interventions de l’intéressée sefassent désormais sans port de voile afin de ne pas gêner certains de sescollaborateurs. Mais les circonstances de fait n’étaient pas les mêmes...

UNE RESTRICTION INJUSTIFIÉE

Ces arguments ne vont ainsi pas emporter la conviction du conseildes prud’hommes de Lyon. La laïcité comme « principe » ou comme «tendance » n’a pas ici sa place ; n’est tout simplement pas à sa place.Après avoir « visé » la délibération no 2008-32 de la Halde du 3 mars2008, le conseil souligne – plaçant ainsi ses motifs sous l’empire desarticles L. 1121-1 et L. 1321-3 2o du Code du travail – qu’il appartient àl’employeur de démontrer que « la restriction imposée à [la salariée], quin’est pas motivée par des impératifs de sécurité ou d’hygiène, mais par larelation à la clientèle, est justifiée par la nature de la tâche à accomplir etproportionnée au but recherché ». Et c’est à cette démonstration que lasociété Carrefour Hypermarché va s’employer... sans succès. D’abord, en

37

produisant des sondages d’opinion selon lesquelles les français perçoiventde manière négative le port de signe religieux et notamment ceuxmanifestant une appartenance à l’islam. Et il est vrai, à en croire cesenquêtes, que le nombre de français favorables à l’expression du faitreligieux dans l’entreprise ne cesse de régresser. 84 % des salariéssouhaiteraient ainsi la discrétion de la religion dans leur entreprise. Maisces chiffres, à caractère général, ne disent rien de l’impact réel et concretdu port du voile par la salariée concernée sur le fonctionnement del’entreprise qui l’emploie. Ils ne caractérisent en rien, comme le souligne àjuste titre le conseil des prud’hommes, « l’existence d’un risque pour lesintérêts financiers de la société ». Gageons que demain, nombred’enseignes pourraient commander la réalisation « en local », à la sortiedu magasin (entre deux jeux-concours...), d’une en-quête d’opinion.

La position de la société employeur était d’autant plus ambiguëqu’un accord collectif d’entreprise sur la diversité et la cohésion socialefaisait mention « du respect des différences religieuses, sans prosélytismepolitique, religieux ou idéologique »

La thèse défendue par l’employeur était d’autant moins audible, enl’espèce, que la juridiction prud’homale a pertinemment constaté qu’il «intègre dans sa politique commerciale une publicité abondante ciblée surles produits relevant de pratiques alimentaires religieuses ». Il est difficileen effet de prétendre que la religion est mauvaise pour les affaires et d’enfaire un argument de vente ; difficile de soutenir que le respect dessensibilités des clients exige la neutralité religieuse des salariés qui lesencaissent et de n’y voir nulle entrave au développement d’une politiquede communication fortement « marquée » religieusement.

Pour établir l’impact négatif du comportement de la salariée, restaitalors à l’employeur à tenter d’en trouver incarnation dans des plaintes(suffisamment nombreuses pour être significatives) de clients. Las, uneseule plainte était versée au dossier qui concernait le niqab porté par unecliente. Or, le niqab (interdit par la loi no 2010-1192 du 11 octobre 2010)n’est pas le voile ; un client n’est pas un salarié.

Disons enfin que la position de la société employeur était d’autantplus ambiguë qu’un accord collectif d’entreprise sur la diversité et lacohésion sociale, dont il lui appartenait à tout le moins de respecter lesdispositions, faisait mention du « respect des différences sansprosélytisme politique, religieux ou idéologique ». Or, si le port du voile estbien un signe ostensible (à l’inverse de ce que soutient la salariée), il n’esten rien manifestation prosélyte (CE, 27 nov. 1996, no 169522). Difficile depromouvoir la diversité (dont l’identité religieuse fait partie) en l’étouffant !Voilà quelques tourments assurés pour le management en charge degérer, au quotidien, ces politiques de diversité...

Pour toutes ces raisons, le conseil de prudhommes de Lyon

38

considère que la restriction imposée à la liberté de la salariée demanifester, par le port d’un signe religieux ostensible ses croyances, n’estpas « justifiée et proportionnée ». Mais ce faisant, le licenciement, quis’adossait à cette restriction et trouvait dans le refus de la salariée de s’yplier sa cause, se voit également privé de justification « légitime ».

UN LICENCIEMENT DISCRIMINATOIRE ?

D’une telle « privation », la chambre sociale de la Cour de cassationavait déduit, dans son arrêt Baby Loup du 19 mars 2013, l’existence d’unediscrimination (C. trav., art. L. 1132-1). Déduction qui s’architecturaitautour d’un couple inédit – illégitime pour certains – formé des articles L.1121-1 et L. 1133-1 du Code du travail. L’assemblée plénière de la Cour decassation n’avait point suivi le sillon creusé par sa chambre sociale, nefaisant nulle référence au second de ces textes et à la notion «d’exigences professionnelles essentielles et déterminantes » dont il est lesupport. C’est dire que, vue du sommet judiciaire (voir nos observationsprécitées), l’atteinte à la liberté religieuse ne caractérise pasnécessairement une atteinte aux convictions religieuses, seules protégéespar l’article L. 1132-1 du Code du travail. En interdisant à une personne demanifester ses convictions, on ne l’oblige pas à en changer, on ne lui enfait pas reproche, on la contraint seulement à les conserver pour elle (enson for interne). L’interdiction n’organise pas un renoncement mais uneinvisibilité. Leçon retenue à la base : « la salariée n’a pas été licenciée enraison de ses convictions religieuses, mais au motif du port d’un signemanifestant son appartenance religieuse, estimé contraire au règlementintérieur. Ce licenciement n’est pas une mesure discriminatoire. » Pourtantle doute affleure : n’y a-t-il pas dans cette exclusion de la catégorie «discrimination » grande part d’artifice ? Ne pourrait-on soutenir quelorsque l’employeur n’a aucune raison valable de limiter la liberté dusalarié de manifester sa foi, c’est qu’en réalité il n’en est qu’une seulepossible – les convictions du salarié – qui fonde cette restriction et quin’est pas dite (parce qu’illicite) bien qu’assourdissante ? Mais il est vraique ce renversement de perspective, en d’autres champs (celui de l’étatde santé), n’a jamais prospéré.

Quoi qu’il en soit, le conseil des prud’hommes tire de cette mise àl’écart de la qualification de « discrimination » étrange conclusion : « lelicenciement de [la salariée] s’avère donc non pas nul, mais dépourvu decause réelle et sérieuse. » Singulière position dès lors que la nullité estsanction naturelle des atteintes aux droits et libertés fondamentaux,catégorie à laquelle – personne ne le conteste (le conseil des prudhommesen fait d’ailleurs, dans sa décision, solennel rappel) – appartient la libertéreligieuse (la Cour européenne des droits de l’homme l’a répété denombreuses fois : la liberté de religion représente l’une des assises d’une« société démocratique » au sens de la Convention) !On s’étonnera encore que le juge prud’homal ait accordé à l’associationARCAD la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts. N’y a-t-il

39

pas là quelque contradiction à dire que l’employeur n’est coupabled’aucune discrimination et, dans le même temps, à le condamner, dans lecadre d’une action de « défense associationnelle d’intérêts collectifs », àverser des dommages-intérêts à l’association intervenante dont l’objet est« de lutter contre toutes les formes de discrimination » ?

CONCLUSION

Du sommet à la base, le même enseignement : l’employeur ne peutporter atteinte à la liberté religieuse de ses salariés sans motif légitime («justifié et proportionné ») ; or, être en contact avec la clientèle, fut-ellebigarrée, ne constitue pas en soi un tel motif. Travaux pratiques : déjàprésent dans les rayons d’hypermarché, Dieu ne saurait, sans raisonsimpérieuses, être exclu de ses caisses !

40

>>> PROTECTION SOCIALE

CJUE ET PRESTATIONS SOCIALES : LES CITOYENS

INACTIFS PEUVENT ÊTRE EXCLUS

Publié le 21 Novembre 2014, par Olivia Tambou

RÉSUMÉ

CJUE, gr. ch., 11 nov. 2014, aff. C-309/13, Elisabeth Dano, Fliorin Dano c.Jobcenter Leipzig

Les citoyens de l'Union européenne qui se rendent puis résidentdans un autre État membre sans y exercer d'activité économique peuventêtre exclus de certaines prestations sociales tant qu'ils ne bénéficient pasd'un droit de séjour permanent au sens de la directive n° 2004/38.

La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a admis, le 11novembre 2014, que le Jobcenter Leipzig pouvait refuser l'octroi d'uneprestation de subsistance, d'une allocation sociale et de participation auxfrais d'hébergement et de chauffage à une citoyenne roumaine n'exerçantaucune activité professionnelle en Allemagne un an après son arrivée surle territoire de cet État, tout en l'autorisant pour ses nationaux se trouvantdans la même situation.

Le champ d'application du principe de non-discrimination était aucœur de cette affaire. Ce principe structurant du marché intérieur est,d'une part, consacré à l'article 18 du Traité sur le fonctionnement del'Union européenne (TFUE) puis précisé à l'article 4 du règlement n°884/2004 relatif à la coordination des systèmes de sécurité sociale etl'article 24 de la directive n° 2004/38 relatif au droit de séjour des citoyenseuropéens.

La CJUE a d'abord vérifié la nature juridique des prestationssuscitées afin de s'assurer qu'elles relevaient du principe de non-discrimination. Elle a considéré que les prestations constituaient bien des« prestations sociales en espèces à caractère non contributif » soumisesau principe de non-discrimination en vertu de l'article 4 du règlement n°884/2004. Elle a précisé que ces prestations étaient aussi « des

41

prestations d'assistance sociale » au sens de l'article 24, § 2, de ladirective n° 2004/38. Cette notion plus large fait référence à l'ensembledes régimes d'aides instituées par des personnes publiques afin depermettre à un individu ne disposant pas de ressources suffisantes defaire face à ses besoins élémentaires.

La CJUE a ensuite examiné la situation de la requérante qui nerecherchait pas un emploi et ne disposait d'aucun droit de séjourpermanent sur la base du droit de l'Union européenne puisqu'elle nerésidait pas en Allemagne depuis cinq ans. Ces particularités rendaientinapplicable la seule dérogation expresse à l'application du principe denon-discrimination figurant à l'article 24, § 2, de la directive n° 2004/38.

Face à ce vide juridique, la CJUE a dû se livrer à une interprétationde l'esprit de la directive 2004/38. Celle-ci repose sur le principe dit « degraduation » du droit de séjour des citoyens européens en fonction de ladurée de leur résidence sur le territoire d'un autre État membre. Lasolidarité financière de l'État membre d'accueil dépend de l'existence d'uncertain degré d'intégration du citoyen européen installé sur son territoire.La directive prévoit une première phase de séjour allant jusqu'à cinq ansde résidence ininterrompue dans l'État d'accueil. Durant cette période, lescitoyens européens non économiquement actifs ne doivent pas devenir «une charge déraisonnable pour le système d'assurance sociale ». (dir. n°2004/38, consid. 10). Autrement dit, le droit de séjour de ces citoyens nonactifs est conditionnel à la différence de celui des agents économiques(travailleurs, indépendants, prestataires de services). Ce n'est que lorsqueces citoyens européens économiquement non actifs acquièrent un droit deséjour permanent qu'ils obtiennent un droit de séjour équivalent à celuides agents économiques. Cette différence de traitement entre les agentséconomiques et les agents non économiques est une réminiscence de laconstruction historique de la libre circulation des personnes. L'émergenceen 1992 de la citoyenneté européenne n'a jamais complètement gommé lecaractère privilégié de la mobilité économique.

La codification organisée par la directive n° 2004/38 a repris lesconditions antérieures du droit de séjour des citoyens européens résidantau-delà de trois mois dans un autre État membre. L'article 7 précise ques'il n'est pas un agent économique, le citoyen de l'Union européenne devradémontrer qu'il dispose pour lui et sa famille « de ressources suffisantesafin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale del'État d'accueil au cours de son séjour et d'une assurance maladiecomplète dans l'État membre d'accueil ».

La CJUE en déduit que l'objectif de cet article est bien d'« empêcherque les citoyens de l'Union économiquement inactifs utilisent le systèmede protection sociale de l'État membre d'accueil pour financer leursmoyens d'existence ». Ce raisonnement permet à la CJUE de lier lesconditions du droit de séjour au champ d'application du principe de non-

42

discrimination. Lorsqu'un citoyen de l'Union européenne ne remplit pas lesconditions de détention de ressources suffisantes posées par la directivepour son droit de séjour, il ne peut pas prétendre y remédier endemandant à son État d'accueil de lui donner des prestations d'assistancesociale. La CJUE considère ensuite que cette interprétation peuts'appliquer par analogie à l'article 4 du règlement n° 883/2004 dont il nelui échappe pas qu'il ne comporte aucune dérogation au principe de non-discrimination contrairement à l'article 24, § 2, de la directive n° 2004/38.

La CJUE se livre ainsi à une double restriction du principe de non-discrimination et du champ d'application d'une liberté fondamentale. Seulela Grande Chambre pouvait se permettre une telle audace. Cet arrêtillustre le paradoxe de la citoyenneté sociale européenne. D'un côté, laCJUE a toujours martelé que toute restriction à une liberté fondamentaledevait être interprétée restrictivement. D'un autre côté, il est indéniableque dans la directive n° 2004/38, les États membres ont souhaité établirune inégalité que la CJUE, reprenant les mots de son avocat général,dénomme maladroitement « inégalité potentielle» entre les citoyens del'Union européenne non économiquement actifs et leurs ressortissantsnationaux à l'égard de l'octroi des prestations sociales. C'est sans doute laraison pour laquelle l'arrêt a été unanimement salué par les Étatsmembres.

On peut s'interroger sur la portée de cet arrêt. Remet-il en cause lajurisprudence Trojani (CJCE 7 sept. 2004, aff. C-456/02, Trojani c. Centrepublic d'aide sociale de Bruxelles, AJDA 2005. 1108, chron. J.-M. Belorgey,S. Gervasoni et C. Lambert ; D. 2004. 2545 ; RDSS 2005. 245, note F.Kessler ) ? Dans cet arrêt rendu avant la directive n° 2004/38, la CJUEavait admis que, lorsqu'un citoyen européen détenait un droit de séjoursur la base du droit national, comme Mme Dano en l'espèce, il pouvaitinvoquer le principe de non-discrimination pour bénéficier d'une allocationd'attente d'emploi. L'affaire Trojani porte sur des prestations socialesdestinées à faciliter l'accès au marché du travail qui, dans l'affaireVatsouras (CJCE 4 juin 2009, aff. C-22/08, AJDA 2009. 1535, chron. E.Broussy, F. Donnat et C. Lambert ; RDT 2009. 671, obs. P. Mavridis ), ontété jugées comme n'étant pas incluses dans les prestations d'assistancesociale au sens de l'article 24, § 2, de la directive n° 2004/38. Autrementdit, la différence de nature juridique des prestations entre les deux affairespourrait justifier des solutions différentes. Parmi les citoyenséconomiquement non actifs, ceux qui sont en recherche d'emploi et dansl'envie de s'intégrer dans le marché du travail de l'État d'accueil pourraientcontinuer à bénéficier d'un statut privilégié.

Comment s'articule cette affaire avec la condamnation récente de lalégislation autrichienne qui subordonnait l'octroi de la prestationd'assistance à la régularité du séjour, c'est-à-dire à une exigence deressources suffisantes ? Dans l'affaire Brey (CJUE 19 sept. 2013, aff. C-140/12, RDSS 2013. 1039, note C. Boutayeb ), c'est le caractère

43

automatique et général du refus de l'octroi des prestations qui a étésanctionné. La CJUE estime qu'un tel refus doit être fondé sur l'examen dela situation individuelle du citoyen européen en prenant en compte «l'importance, la régularité de ses revenus », la période considérée. Dansl'arrêt Dano, une telle appréciation individuelle des ressources a étémenée par les juridictions nationales sans qu'elle ait été reliée directementà la question de la régularité du droit de séjour, condition non posée par lalégislation allemande. L'avocat général avoue que cette différence entreces deux affaires est, « si ce n'est artificielle, à tout le moins ténue ». Il ya une sorte d'hypocrisie latente à lier le champ d'application du principed'égalité aux conditions du droit de séjour tout en affirmant que les Étatsmembres ne peuvent systématiquement éloigner un citoyen de l'Unioneuropéenne du simple fait qu'il ne dispose pas de ressources suffisantes.

Au final, la CJUE privilégie l'analyse du critère des ressourcessuffisantes en oubliant qu'il est accolé à une autre condition, celle « de nepas devenir une charge pour le système d'assistance sociale de l'Étatmembre d'accueil » (art. 7, § 1 , b) de la directive n° 2004/38). Leconsidérant 10 évoque même une « charge déraisonnable ». À l'inverse deson avocat général, la CJUE ne se livre à aucune analyse du respect duprincipe de proportionnalité pour déterminer si l'octroi de la prestationsociale en cause représente une charge pour l'ensemble des régimesd'assistance sociale de cet État membre. La question est importante car,selon une étude récente, les migrants européens représenteraient unepart très faible des bénéficiaires des prestations sociales en Europe :moins de 1 % en Belgique ou au Portugal, et entre 1 et 5 % en France, enAllemagne ou en Suède. Ce que certains appellent le « tourisme social »serait « statistiquement non significatif ».

On regrettera que la CJUE ait renoncé à demander aux Etatsmembres d'apporter la preuve d'un certain impact de l'octroi de cesavantages sociaux aux citoyens européens économiquement non actifs surleur système d'assistance sociale. Cela, d'autant qu'elle a posé desexigences comparables dans sa jurisprudence sur les étudiants au regarddes restrictions relatives aux inscriptions dans les universités d'autres Étatsmembres (V. CJCE 7 juill. 2005, n° C-147/03, RTD com. 2006. 240, obs. M.Luby ).

En l'absence de disposition expresse, seul un risque d'atteinte graveà l'équilibre financier du système d'assistance sociale aurait dû justifierune dérogation au principe de non-discrimination et à la liberté decirculation des personnes en tant que raison impérieuse d'intérêt général.L'arrêt Dano tend encore à obscurcir la politique jurisprudentielle de laCJUE en matière de liberté de circulation des personnes oscillant entre unelarge définition du travailleur de l'Union européenne (V. CJUE 21 févr.2013, aff. C-46/12 ; 19 juin 2014, aff. C-507/12, Mme Saint Prix c.Secretary of State for Work and Pensions, D. 2014. 1451 ), et destâtonnements autour de la citoyenneté de l'Union européenne (V. CJUE, 8

44

mars 2011, aff. C-34/09, Ruiz Zambrano c. Office national de l'emploi,AJDA 2011. 479 ; ibid. 1082 ; ibid. 1007, chron. M. Aubert, E. Broussy et F.Donnat , note M. Houser ; D. 2011. 1325 , note S. Corneloup ; ibid. 2012.390, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K.Parrot ; RFDA 2011. 1225, chron. L. Clément-Wilz, F. Martucci et C.Mayeur-Carpentier ; ibid. 2012. 377, chron. L. Clément-Wilz, F. Martucci etC. Mayeur-Carpentier ; RDSS 2011. 449, note C. Boutayeb et A. Raccah ;Rev. crit. DIP 2012. 352, note J. Heymann ; RTD eur. 2011. 564, obs. E.Pataut ; ibid. 2012. 23, étude S. Platon ; ibid. 398, obs. F. Benoit-Rohmer ;RMCUE 2013. 45, chron. Ekaterini Sabatakakis ; 5 mai 2011, n° C-434/09,McCarthy c. Secretary of State for the Home Department, AJDA 2011.930 ; ibid. 1614, chron. M. Aubert, E. Broussy et F. Donnat ; D. 2011.1604 , note S. Corneloup ; ibid. 2012. 390, obs. O. Boskovic, S. Corneloup,F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; RFDA 2011. 1225, chron. L.Clément-Wilz, F. Martucci et C. Mayeur-Carpentier ; ibid. 2012. 377, chron.L. Clément-Wilz, F. Martucci et C. Mayeur-Carpentier ; Rev. crit. DIP 2012.352, note J. Heymann ; RTD eur. 2011. 564, obs. E. Pataut ; ibid. 2012.23, étude S. Platon ; ibid. 398, obs. F. Benoit-Rohmer ).

La CJUE a décliné sa compétence pour examiner la législationallemande au regard de la Charte des droits fondamentaux, étant donnéque les prestations sociales relèvent du domaine des États membres.Quant à savoir si l'interprétation retenue est conforme à la Coureuropéenne des droits de l'homme, l'interrogation reste entière.

45

>>> PROTECTION SOCIALE

LA COUVERTURE SOCIALE DES PERSONNES ATTEINTES

DE CANCER

Publié le 3 Novembre 2014, par Maryse Badel

Au lendemain de la présentation du Plan Cancer 2014-2019 et dansun contexte où trois millions de personnes vivent avec ou après un cancer,la couverture sociale de celles qui en sont atteintes est sans conteste unsujet de grande actualité. Chaque année, 150 000 personnes meurent ducancer, 355 000 nouveaux cas sont diagnostiqués, soit deux fois plus qu'ily a trente ans. Les chiffres, dans leur brutalité, invitent à s'interroger surla condition des malades et sur la couverture que leur procure laprotection sociale. Quelles prestations sociales reçoivent-ils ? La protectionsociale est-elle adaptée aux particularités de leur maladie ? Son niveauest-il suffisant pour leur procurer la vie de qualité à laquelle ils sont endroit d'aspirer ?

En France, la couverture du risque maladie est en généralconstituée de deux volets, l'un obligatoire organisé par la sécurité sociale,l'autre facultatif relevant de la prévoyance. Ce second volet, pour autantqu'il améliore notablement la couverture du malade, ne peut être uncritère pertinent pour évaluer la couverture sociale du cancer : lesprestations qui en relèvent sont à peu près aussi nombreuses que lesorganismes qui les assurent et, sauf aide particulière, leur naturecontributive empêche la généralisation en les réservant aux plussolvables(2). La couverture de base assurée par la sécurité sociale aucontraire, obligatoire et généralisée, constitue le socle commun qui rendcette appréciation possible et ce, malgré la diversité des prestations tenantà la fois au statut des malades et à la qualification juridique de la maladie.En effet, quand le malade est assuré social, sa couverture sociale dépendde son régime d'appartenance car les régimes de sécurité sociale n'ontpas été harmonisés. Les prestations en espèces versées sont donc souventdifférentes dans leur objet et dans leur contenu. En outre, les cancerspouvant eux-mêmes recevoir les qualifications de longue maladie,d'invalidité ou de maladie professionnelle, ils entraînent des régimes

46

d'indemnisation différents.

Quoi qu'il en soit, c'est à la lumière des prestations de sécuritésociale que la réponse donnée par la sécurité sociale aux malades ducancer sera étudiée : l'indemnisation est-elle adaptée aux besoins nés dela maladie ? Est-elle favorable à l'accès aux soins et, quand l'origine ducancer est professionnelle, le régime juridique de la réparation procure-t-ilune indemnisation satisfaisante à cette victime que le travail a rendumalade, parfois en raison de la faute de l'employeur ? La distinction entrecancers non professionnels et cancers professionnels, structurante pourmener l'analyse et propice à la clarté, permettra d'évaluer les réponsesapportées par la couverture sociale obligatoire aux malades et permettrade rendre compte des différents degrés d'indemnisation.

I - Le malade du cancer : un bénéficiaire des prestations

d'assurances sociales

Qu'elles soient apportées par l'assurance maladie quand le retourau travail est envisagé ou par l'assurance invalidité quand une incapacitéde travail, totale ou partielle, mais définitive est constatée, les réponses dela sécurité sociale sont de deux ordres : des prestations en nature pourpermettre au malade d'accéder aux soins, des prestations en espèces pourcompenser la perte de revenu liée à l'arrêt de travail quand il est assurésocial. Dans un cas comme dans l'autre, ces prestations sont limitées. Sion peut le déplorer, on ne doit pas s'en étonner car la protection organiséepar les assurances sociales est une protection de base dont l'objectif estde soustraire la personne à l'état de besoin par la technique de l'assurancesociale, aucunement de compenser intégralement les conséquenceséconomiques du risque social.

A. Des prestations en nature limitées

Le cancer n'est pas une maladie ordinaire, pas plus dans le senscommun que pour le droit de la sécurité sociale. Cela emporte desconséquences importantes pour le niveau de prise en charge des soinsrequis par la maladie. Les personnes couvertes par l'assurance maladie,qu'elles soient assurées ou ayants droit et quel que soit leur régime desécurité sociale, ont droit aux mêmes prestations en nature. En principe,ces dernières prennent la forme d'un remboursement partiel des frais desanté dont le malade s'est préalablement acquitté. Ceci s'explique pardeux principes posés par le code de la sécurité sociale(3), le principe del'avance des frais et le principe de la participation aux frais, dont les vertussupposées sont la responsabilisation et la modération dans le recours auxsoins. Toutefois, ces principes peuvent rendre difficile l'accès aux soins etconstituer un véritable obstacle pour les patients, le reste à chargeconduisant les personnes peu solvables à renoncer aux soins où à lesdifférer. Ils sont ainsi particulièrement inadaptés à la situation du malade

47

du cancer dont la prise en charge est urgente et pour lequel il n'y a paslieu de modérer la consommation médicale ou de le responsabiliser. Aussi,leur application est-elle écartée quand la nature, l'origine de la maladie oula situation sociale du malade le justifient. C'est le cas des maladies delongue durée dont la liste est établie par le ministère de la Santé et reprisepar le code de la sécurité sociale (ALD 30)(4), des affections ditescomportant un traitement prolongé (plus de 6 mois) et une thérapeutiqueparticulièrement coûteuse (ALD 31)(5) ou des polypathologies (ALD 32)(6).

Ainsi, à condition de relever des ALD 30, 31 ou 32, le cancer ouvredroit à une prise en charge à 100 %. Le caractère hors du commun de lamaladie et l'importance des dépenses liées aux traitements justifiel'application de ce taux qui tend à la gratuité, mais sans y parvenirtoujours. En effet, seuls les soins et traitements visés par le protocole desoins(7) sont remboursés à 100 % et, quand ils le sont, la base deremboursement ne correspond pas aux frais réels engagés et reste limitéeaux tarifs opposables quelle que soit la somme payée par le malade. Lesdépassements d'honoraires éventuellement effectués par lesprofessionnels de santé conventionnés du secteur 1(8), ceuxcommunément appliqués par les médecins du secteur 2, autorisés àpratiquer des dépassements « avec tact et mesure », doivent donc êtreassumés par le malade. De même, tous les actes et prestations nonprévus au remboursement (suivi par un psychologue, soins d'ostéopathie,médicaments non inscrits sur la liste des médicaments remboursables...)et la différence entre le tarif de l'assurance maladie et le prix de vente fixépar les fournisseurs de dispositifs médicaux (prothèses mammaires oucapillaires notamment) restent, sauf relais de la complémentaire santé, àla charge définitive du patient.

Cela peut l'exposer à des dépenses considérables alors même queces soins sont essentiels pour sa santé ou son mieux-être. Le recours àune prothèse capillaire est par exemple capital pour permettre au patientde surmonter les effets secondaires d'une chimiothérapie qui modifietemporairement son aspect physique(9). A fortiori ce recours est-il vitalquand les altérations de l'aspect physique sont définitives. S'ajoute à celaque le malade du cancer, comme tout autre, doit s'acquitter des franchisesmédicales(10) pour les consultations, médicaments et déplacements, et duforfait hospitalier journalier qui correspond à sa participation financièreaux frais d'hébergement et d'entretien(11). Ces sommes sont déduites aufur et à mesure des remboursements faits par les caisses d'assurancemaladie et, en cas de dispense d'avance des frais, la franchise est déduitelors du remboursement suivant, ce qui rend peu lisibles les relevés deprestations pour le patient qui a souvent du mal à saisir le niveau deremboursement dont il bénéficie. Même si ces participations restentcontenues puisque chacune d'entre elles ne peut dépasser 50 € par an,elles alourdissent néanmoins le coût infligé au malade.

48

Ces restes à charge, systématiques en cas d'absence decomplémentaire santé et, de façon plus générale, accentués par les écartsentre les tarifs de responsabilité et les tarifs médicaux entraînent de vraisproblèmes d'accès aux soins. Le rapport Archimbaud publié en septembre2013(12) montre en effet que, aujourd'hui, 10 % de la population n'a pasde complémentaire santé et qu'un tiers de la population a dû renoncer àdes soins en 2013. Même si la couverture par la complémentaire santédevrait être améliorée sous l'effet de la loi du 14 juin 2013 relative à lasécurisation de l'emploi, il est illusoire de penser qu'elle sera généralisée àpartir du 1er janvier 2016 puisque la loi ne s'applique pas aux agents dusecteur public, aux salariés des entreprises à statut, aux chômeurs, auxtravailleurs indépendants, et que les employeurs privés pourront poser unecondition d'ancienneté(13) qui exclura les salariés les plus précaires(14).Le renoncement aux soins est aussi plus fréquent chez les bénéficiaires dela CMUC (15 %) et de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé(2/3) qui ont pourtant une complémentaire santé. Aussi, le Plan Cancer2014-2019 appelle-t-il de ses voeux la mobilisation de l'observatoire surles pratiques tarifaires créé par l'avenant n° 8 à la dernière conventionmédicale. Il préconise aussi la réduction des restes à charge par ledoublement des tarifs de référence des prothèses par exemple.

Pour terminer, se pose la question du suivi du patient qui sort dudispositif ALD et ici encore, l'appréciation des prestations en nature resteracontrastée. En effet et c'est positif, la sortie du dispositif ALD ne fait pasnécessairement perdre brutalement au patient le bénéfice des prestationsaméliorées auxquelles l'ALD donnait droit. En effet, si les malades nedevant plus recevoir aucun traitement selon les recommandations de laHaute Autorité de Santé ne sont plus pris en charge à 100 %, ils peuventtoutefois, depuis 2010, être exonérés du ticket modérateur pour les acteset examens médicaux ou biologiques nécessaires au suivi régulier de leurALD(15). La particularité de leur situation est donc prise en compte, maisa minima car seuls sont concernés les frais de santé donnant lieu au 100%, ce qui exclut par exemple les transports et les produits de santé àusage thérapeutique alors qu'ils peuvent être tout aussi importants pour lesuivi(16).

En dehors de ces prestations à fonction curative, l'assurancemaladie soutient aussi des actions de prévention via des campagnes dedépistage. C'est le cas pour le cancer du sein(17), ce qui estparticulièrement important quand on sait qu'il est la première cause demortalité chez la femme, que 1 femme sur 8 en sera atteinte dans sa vieet que, détecté à un stade précoce, il est guéri dans plus de 90 % descas. Le dépistage est de même organisé pour le cancer colorectal(18),deuxième cancer le plus meurtrier avec 17 500 décès par an et troisièmecancer le plus fréquent qui se guérit toutefois dans 9 cas sur 10 quand ilest dépisté tôt. Hélas, les actions de prévention sont peu accessibles auxpopulations les plus vulnérables. Aussi le plan 2014-2015 met-il l'accentsur la nécessité de lutter contre les inégalités sociales, particulièrement à

49

propos du dépistage du cancer du col de l'utérus. Les mêmes difficultésétant observées pour les soins, il prévoit par ailleurs l'accès à des lits haltesoins santé médicalisés et à des lits d'accueil médicalisés pour lespersonnes SDF atteintes du cancer afin de favoriser la continuité de leurprise en charge.

B. Des prestations en espèces contenues

Le cancer impose très souvent un retrait du marché du travail. Ilpose alors la question du revenu de remplacement. Quand l'état de santéde l'assuré n'est pas stabilisé et que le retour au travail est envisagé,l'assuré est malade au sens de la sécurité sociale et il est indemnisé parl'assurance maladie. Mais quand sa situation est telle que le retour autravail n'est plus envisageable, il n'est plus malade pour la sécuritésociale : il est invalide. Il relève alors de l'assurance invalidité, quand bienmême il n'aurait pas épuisé ses droits à indemnisation par l'assurancemaladie. Dans un cas comme dans l'autre - et c'est là une limite évidentede nos régimes obligatoires -, les prestations en espèces, indemnitésjournalières ou pensions, ne compensent qu'imparfaitement la perte derevenu résultant de l'arrêt du travail.

1) Les indemnités journalières versées en cas

d'affection de longue durée

La diversité des régimes de sécurité sociale empêche d'êtreexhaustif mais la présentation des prestations les plus significativespermet de mesurer la réalité du risque de perte de revenu auquel estexposé le malade et de saisir que certains assurés sociaux sontparticulièrement mal indemnisés quand la maladie survient.

Les prestations sont assez acceptables pour les salariés couvertspar le régime général et le régime agricole. Les uns et les autres sontindemnisés à compter du 4e jour de l'arrêt de travail(19) pour une duréepouvant atteindre 3 ans. Les indemnités journalières représentent 50 %du salaire de base sous plafond (42,77 €) et 66,66 % de ce salaire à partirdu 31e jour d'arrêt quand l'assuré a au moins trois enfants à charge(plafond de 57,02 €). Même si le salaire de base s'entend de larémunération brute, la base de référence étant le salaire moyen des troismois précédant l'arrêt de travail, les indemnités ne compensent pasintégralement la rémunération perdue et le malade subit une pertefinancière. Et même si ces indemnités peuvent être compétées par lesindemnités employeur versées au titre de la prévoyance et du risque dit «incapacité »(20), ces dernières ne sont payées qu'à partir du 8e jourd'absence et tous les salariés n'en bénéficient pas. Les textes les réserventaux salariés qui ont au moins un an d'ancienneté et, en tout état decause, lient la durée de leur versement à l'importance de leur ancienneté.Entre un et cinq ans d'ancienneté, le salarié a droit à 90 % de son salairebrut durant les 30 premiers jours puis 66 % de ce même salaire brut les

50

30 jours suivants(21), étant observé que des conventions ou accordscollectifs peuvent prévoir une indemnisation plus avantageuse.

Enfin et c'est une limite redoutable, les conditions posées pourbénéficier de ces indemnités sont exigeantes et peu adaptées auxparcours professionnels morcelés : 200 heures travaillées pendant les 3mois qui précèdent l'arrêt de travail pour les arrêts de travail de moins de6 mois, 800 heures pendant les 12 mois dont 200 heures pendant les 3premiers mois pour une indemnisation au-delà de 6 mois(22). Cettedernière condition étant très discriminante pour les longs arrêts de travailet particulièrement préjudiciable pour les malades du cancer, le Plancancer 2015-2019 a invité à la supprimer. Dans le même sens et afin demettre en oeuvre le Plan pluriannuel contre la pauvreté de 2013(23), lePremier ministre a annoncé une atténuation de ces exigences pour 2014et prévu de ramener à 150 par trimestre le nombre d'heures nécessairespour percevoir les indemnités journalières. Cette mesure serait opportunecar adaptée aux situations d'emploi dites atypiques - quoique de plus enplus répandues - et permettrait aux nombreux travailleurs à temps partielou discontinu qui cotisent « à fonds perdus » de prétendre aux indemnitésjournalières(24). Elle laisserait toutefois sans réponse le problème despersonnes atteintes d'une affection de longue durée confrontées auxconditions durcies indiquées, tels les malades du cancer qui seraientenviron 15 000 aujourd'hui à être exclus du bénéfice des indemnitésjournalières et pour lesquels la pertinence d'une telle condition estcontestée(25). De plus, cette proposition n'a pas été concrétisée par laLFSS de la sécurité sociale pour 2014 qui s'en tient à demander un rapportsur les indemnités journalières, rapport dont les résultats devront êtreexploités par la LFSS pour 2015.

Quant aux fonctionnaires, leurs droits à congés diffèrent selon qu'ilssont agents contractuels ou titulaires. Les premiers, à condition de justifierd'au moins trois ans de service continu dans la fonction publique, peuventdemander un congé de grave maladie accordé pour une durée maximalede trois ans, par périodes de trois à six mois. Le salaire est maintenuintégralement pendant la première année, pour moitié les deux annéessuivantes. Certaines administrations ont des dispositifs particuliers(oeuvres sociales, mutuelles...) qui permettent de compléter en partie ouen totalité les salaires. Les droits à l'avancement, à la retraite et auxcongés annuels sont conservés.

Les agents titulaires peuvent de leur côté bénéficier du congé delongue maladie ou du congé de longue durée, tous deux indemnisés sansjour de carence(26). Le premier, renouvelé par période de 3 à 6 mois etd'une durée maximale de 3 ans, concerne les affections visées par uneliste fixée par arrêté ou des affections autres sur proposition du comitémédical et avis du comité médical supérieur(27). Le second est ouvertpour certaines maladies dont les cancers(28) après avis du comitémédical. Accordé par périodes de trois à six mois pour une durée

51

maximale de cinq ans, il peut être pris de manière fractionnée. Le salaireest maintenu en totalité pendant les trois ans de l'arrêt, puis lefonctionnaire perçoit la moitié de son salaire les deux dernières années. Lecongé de longue durée ne peut pas être renouvelé au titre de la mêmeaffection au cours de toute la carrière mais une autre maladie peut youvrir droit de nouveau. Pendant son congé, le fonctionnaire continue àpercevoir l'indemnité de résidence et le supplément familial de traitement.Il conserve ses droits à l'avancement, à la retraite et aux congés annuels.En revanche, il ne garde pas son logement de fonction et n'est plustitulaire de son poste. La nouvelle bonification indiciaire est suspendueainsi que les primes et indemnités.

Les assurés non salariés des autres régimes sont dans dessituations beaucoup moins favorables. Les indépendants de l'agriculture,chefs d'exploitation et chefs d'entreprise agricole, n'ont pas d'indemnitéjournalière au titre de leur assurance maladie. Les travailleurs non salariéset les professionnels libéraux qui relèvent du RSI ont de leur côté uneprotection sommaire. Les artisans, industriels et commerçants affiliés auRSI depuis un an et à jour de leurs cotisations bénéficient des indemnitésjournalières pendant une durée pouvant atteindre trois ans en casd'affection de longue durée ou de soins de longue durée et le délai decarence(29) est même supprimé dans ce cas(30). Cependant, le montantde l'indemnité journalière est insuffisant : il est égal à la moitié du revenuprofessionnel moyen de l'assuré des trois dernières années dans la limitedu plafond annuel de la sécurité sociale, soit 51,44 € au 1er janvier 2014,ce qui est quasiment symbolique. Quant aux libéraux, leurs droits àindemnisation ne sont pas unifiés et dépendent de leur sectionprofessionnelle. Par exemple, les professionnels et auxiliaires médicauxconventionnés n'ont pas d'indemnités journalières en cas d'arrêt maladieni de prestations des assurances invalidité et accident du travail(31). Aubout du compte, les prestations en espèces des indépendantsapparaissent peu adaptées aux longues maladies comme le cancer qui lesconfronte à une perte de revenu durable. Cela conduit à douter del'aptitude de ces régimes à placer leurs assurés à l'abri des incertitudes dulendemain.

2) La pension d'invalidité due en cas d'impossible

retour au travail

Quel que soit le régime de sécurité sociale du malade, c'estl'assurance invalidité qui sert la pension d'invalidité. La physionomie de lapension varie néanmoins notablement selon le régime d'affiliation et ledegré de l'invalidité de l'assuré. Ici encore, il est impossible d'êtreexhaustif et on ne peut que s'en tenir à quelques exemples significatifsqui, tous, montrent que la situation de l'assuré titulaire de la pension esten général économiquement dégradée.

L'image de la « double peine » souvent utilisée pour montrer qu'à

52

l'injustice de la maladie s'ajoute celle de la perte de revenu n'est donchélas ! pas démentie, d'autant que même quand la capacité de travaildemeure, le salarié se heurte au problème de la réinsertionprofessionnelle. En dehors des cancers professionnels où l'employeur esttenu d'une obligation de réintégration et d'adaptation du poste detravail(32), l'employeur supporte en effet peu de contraintes. S'il ne peutlicencier le salarié pour cause de maladie, il peut néanmoins rompre soncontrat quand la maladie l'oblige à le remplacer définitivement dansl'intérêt de l'entreprise, parce que son fonctionnement est objectivementperturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié. Onobserve ainsi que trois personnes sur dix en emploi au moment de ladéclaration de la maladie l'ont perdu ou l'ont quitté deux ans après. Enoutre, pour celles qui étaient au chômage au moment du diagnostic, leretour au travail est beaucoup plus difficile : seules 30 % d'entre elles ontretrouvé un emploi après deux ans de chômage, contre 43 % pour lespersonnes sans cancer(33).

Dans le régime général, le placement de l'assuré en invalidité estdéterminé par la stabilisation de son état de santé. La maladie est en effetconçue de façon particulière en droit de la sécurité sociale : est maladecelui qui a vocation à reprendre son activité professionnelle, complètementou partiellement. Aussi, dès qu'il est médicalement établi que l'assuré nepourra plus retravailler, même à temps partiel, il est placé en invalidité,quand bien même il n'aurait pas épuisé ses droits à indemnisation ouvertsà l'assurance maladie et alors même que le niveau d'indemnisation del'assurance invalidité est moins avantageux. Le montant de la pensiond'invalidité s'élève en effet à 30 % de la rémunération brute moyenne des10 meilleures années d'activité pour l'invalidité partielle et à 50 % de larémunération brute moyenne des 10 meilleures années d'activité pourl'invalidité totale. Ces montants plafonnés(34) sont majorés pour tiercepersonne(35) à condition que l'assuré ait besoin d'une aide pour tous lesactes de la vie courante, condition d'interprétation restrictive(36).

Les fonctionnaires qui ne peuvent reprendre leur activitéprofessionnelle à l'issue de leur congé maladie peuvent prétendre àl'allocation d'invalidité temporaire (AIT) en cas d'incapacité d'au moinsdeux-tiers. Les agents non-titulaires dans la même situation relèvent d'uneprestation nommée allocation temporaire d'invalidité (Ati) mais les deuxprestations sont similaires et leurs montants sont pareillement calculés :30 % ou 50 % du dernier traitement indiciaire(37), des primes etindemnités avec majoration éventuelle de 40 % pour tierce personne.

La situation des indépendants, comme pour la maladie, sedémarque de celle des salariés et des fonctionnaires et se caractérise parun niveau d'indemnisation moindre. Les exploitants agricoles ont droit àune pension s'ils n'ont pas atteint l'âge légal de départ à la retraite et s'ilssont assujettis depuis un an au moins à l'assurance maladie des nonsalariés agricoles (AMEXA). On retrouve, comme pour le régime général, la

53

référence au même quantum d'incapacité puisqu'ils doivent être reconnustotalement ou partiellement (au moins 2/3) inaptes à l'exercice de laprofession agricole. De même, les artisans et commerçants, en fonction del'évolution de leur état de santé, reçoivent une pension d'invalidité quipeut être complétée par une majoration pour tierce personne et/ou parune allocation supplémentaire d'invalidité. Il existe en réalité deuxpensions d'invalidité : la pension pour incapacité totale à l'exercice dumétier et la pension pour invalidité totale et définitive à toute activitéprofessionnelle. L'une et l'autre sont attribuées jusqu'à l'âge légal de laretraite où la pension de retraite prend le relais mais leurs modes de calculsont assez différents. Le montant annuel de la première correspond à 50% du revenu annuel moyen cotisé, dans la limite du plafond annuel de lasécurité sociale(38), pendant les trois premières années et à 30 % lesannées suivantes. Le montant annuel de la seconde correspond à 50 % durevenu annuel moyen cotisé dans la limite du plafond annuel de la sécuritésociale. En cas d'incapacité partielle à l'activité antérieure ou à touteactivité, les montants sont encore plus faibles : 30 % du revenu annuelmoyen dans le premier cas, 50 % dans le second, ce revenu n'étant prisen compte que dans la limite du plafond de la sécurité sociale. Enfin, lesprofessionnels libéraux ont des droits qui dépendent de leur sectionprofessionnelle, ces sections étant au nombre de 12. Pour ce qui est desmédecins libéraux par exemple, seule l'incapacité totale donne lieu à desprestations(39). Celles-ci sont versées mensuellement et pendant 36 moismaximum si l'incapacité est temporaire, annuellement et jusqu'à 60 ans sielle est définitive. En cas d'incapacité temporaire, l'indemnité n'estattribuée qu'à partir du 91e jour qui suit le début de l'incapacité totaled'exercer et, en cas de rechute, un nouveau délai de carence (15 jours)s'applique à la reprise du service des indemnités d'invalidité. Quand on sesouvient que l'assurance maladie de ces professionnels ne comporte pasd'indemnités journalières, on mesure la difficulté dans laquelle la survenuedu cancer peut les placer.

Se pose enfin la question des proches du malade et de la possibilitéque leur donne la sécurité sociale de se rendre disponibles pourl'accompagner. Le congé de solidarité familiale instauré en 2010 pourremplacer le congé d'accompagnement d'une personne en fin de vieremplit cet office. Il permet à tout salarié d'assister un proche atteintd'une pathologie qui met en jeu le pronostic vital ou qui est en phaseavancée ou terminale d'une affection grave et incurable, ce qui s'appliqueau cancer(40). Ce congé présente l'avantage d'être assez malléablepuisqu'il peut être fractionné dans le temps et entre plusieurs personnesaccompagnantes, de même qu'être transformé en période d'activité àtemps partiel. Toutefois, il est limité dans le temps (période de 3 moisrenouvelable) et très mal indemnisé. Sauf convention collective plusfavorable, le salarié n'est pas rémunéré par l'employeur et il ne perçoit quel'indemnité journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie,cette dernière ne pouvant être servie que pendant 21 jours maximum, 42jours si le congé est pris à temps partiel. En outre, l'allocation ne peut être

54

versée en cas d'hospitalisation sauf si l'hospitalisation intervient après ledébut de l'accompagnement à domicile. Le montant de l'indemnisation estde plus limité(41), ce qui est dissuasif quand la personne accompagnéeest un conjoint, concubin, ou partenaire pacsé qui subit lui-même unediminution de ressources du fait de son arrêt de travail. Enfin, il existe uncongé de soutien familial qui peut être demandé par le proche dumalade(42) et qui permet au salarié(43) d'être disponible en cas de perted'autonomie particulièrement grave de son conjoint, concubin, partenairepacsé, ascendant, descendant enfant à charge, collatéral jusqu'au 4edegré, ascendant, descendant ou collatéral jusqu'au 4e degré de sonconjoint, concubin ou partenaire pacsé. Ce congé est d'une durée de troismois renouvelable une fois(44) comme le congé de solidarité familialemais, contrairement à lui, il n'est ni modulable ni rémunéré saufdispositions conventionnelles plus favorables. Il n'est donc pas plusintéressant que le précédent.

II - Le malade du cancer : une victime de risque

professionnel

Le cancer est dit « professionnel » quand il résulte de l'exposition àdes produits ou procédés « cancérogènes » pendant la vie professionnelle.Dans une étude publiée en 2003, l'Institut de veille sanitaire estimait que,en France, 4 à 8,8 % des cancers étaient liés à des expositionsprofessionnelles, soit 11 000 à 23 000 nouveaux cas par an (sur 280 000nouveaux cancers en 2000)(45). Ces cancers représenteraient 4 % descancers chez les hommes et 0,5 % chez les femmes. L'enquête Sumer2003 relative à la surveillance médicale des risques professionnelsmontrait de son côté que 13,5 % des salariés étaient exposés à un ouplusieurs facteurs cancérogènes au cours de leur vie professionnelle, soit 2370 000 salariés dont 70 % d'ouvriers et 84 % d'hommes(46). À l'heureactuelle, les cancers professionnels indemnisés les plus fréquents sont lescancers du poumon, des fosses nasales, de la vessie et les leucémies(47).Après l'amiante, ils sont dus le plus souvent aux poussières de bois et aubenzène(48). Ces cancers, en raison du rôle causal du travail, placent lemalade dans une tout autre position que celle exposée précédemment.Leur indemnisation est améliorée grâce à des prestations de base plusélevées mais elle n'est pas pour autant intégrale, d'où l'intérêt de lavictime du cancer professionnel d'établir la faute inexcusable de sonemployeur pour avoir un complément d'indemnisation.

A. Le cancer comme maladie professionnelle

En France, la qualification de maladie professionnelle repose surdeux techniques complémentaires : la technique des tableaux mise enplace en 1919 et la procédure de la reconnaissance instaurée en 1993.L'une et l'autre sont complémentaires pour la reconnaissance des cancersprofessionnels.

55

Les tableaux de maladies professionnelles(49) composés decolonnes identifiant respectivement les pathologies, les agents ou métierspathogènes, les durées d'exposition et délais de prise en charge,permettent d'instaurer une présomption de maladie professionnelle grâceà la relation causale qu'ils instaurent entre ces différents éléments. Ceciest particulièrement avantageux pour la victime sur le plan probatoire carelle n'a pas à prouver l'origine professionnelle de son cancer. Cetteprésomption, comme toute autre, entraîne en effet un déplacement del'objet de la preuve : la victime doit uniquement établir qu'elle satisfait auxconditions exigées par le tableau relatif à sa maladie. De plus, pour simplequ'elle soit, la présomption est extrêmement solide et très difficile àrenverser : elle ne cède que devant la preuve que le cancer a une causetotalement étrangère au travail, preuve quasiment impossible à apporter.

Les tableaux de maladies professionnelles sont actuellement aunombre de 98 dans le régime général et le régime agricole, et 16 d'entreeux recensent des cancers : bronchique(50), broncho-pulmonaire(51),cancer provoqué par les opérations de grillage des mattes de nickel(52),affections cancéreuses provoquées par certains agents spécifiques(53).Ces cancers professionnels ont pu être reconnus car il est établi quecertains agents sont cancérogènes, c'est-à-dire capables de provoquer uncancer de façon précoce ou d'en augmenter la fréquence. Ces agentsutilisés dans des secteurs d'activité très divers peuvent être chimiques,physiques ou biologiques et ils pénètrent l'organisme par les voiescutanée, respiratoire et orale(54). Certaines substances considéréesparticulièrement préoccupantes font l'objet d'un classement dans lacatégorie dite « CMR » : ce sont les agents cancérogènes (C), mutagènes(M)(55) et toxiques pour la reproduction (R)(56), et leur classement estrégulièrement mis à jour à partir des classifications européennes etinternationales(57). Ils font l'objet d'une utilisation réglementée et derestrictions d'emploi, mais d'aucune interdiction(58), le seul agenttotalement interdit à ce jour en France étant l'amiante. Les salariésexposés à ces agents(59) sont soumis à un suivi médical spécial, la «Surveillance médicale renforcée », pendant toute la durée de leur activitéprofessionnelle. Il existe aussi une surveillance post exposition pour lessalariés toujours en activité et un suivi post-professionnel pour ceux quiont cessé leur activité(60), mais ce suivi doit être fait à leur demande et ilest accordé par la CPAM sur production d'une attestation d'expositionremplie par l'employeur.

Ces tableaux sont donc très importants pour les victimes : nonseulement ils permettent d'organiser le suivi des salariés exposés auxagents répertoriés, mais ils posent cette présomption d'origine tout à faitessentielle. En effet, le cancer survient souvent longtemps aprèsl'exposition à l'agent cancérogène, 10, 20 voire 40 ans après, alors que lepatient, à la retraite, ne fait pas spontanément le lien entre sa maladie etson activité professionnelle passée. Précieux pour les victimes qui peuvent

56

s'en prévaloir, ces tableaux souffrent toutefois de faiblesses majeureslargement connues. Ils sont rigides et constituent un système du « tout ourien ». Ils évoluent lentement car ils ne peuvent être publiés qu'à l'issued'études épidémiologiques longues permettant de montrer que la maladieest plus fréquente chez les personnes exerçant telle activité ou en contactavec telle substance que dans la population normale, et que cettefréquence inhabituelle s'observe chez les personnes qui ont exercél'activité incriminée pendant une durée elle-même mesurée. Ces tableauxsont en outre peu adaptés aux maladies modernes, multifactorielles, oùenvironnement, facteurs de susceptibilité génétique individuels, mode devie personnelle et travail interviennent de façon conjuguée sans qu'il soitpossible de dire lequel de ces éléments est véritablement explicatif(61). Ilsne peuvent par ailleurs être publiés quand des incertitudes demeurent surles effets de seuil et sont difficiles à mettre en oeuvre en cas d'expositionsmultiples. Or, pour que le cancer trouve sa place dans un tableau, il fautque son lien avec le travail soit établi.

C'est la raison pour laquelle la procédure de reconnaissance demaladie professionnelle ouverte par la loi de 1993 aux personnes nepouvant se réclamer des tableaux est particulièrement intéressante. Cesdernières peuvent en effet prouver le caractère professionnel de lamaladie ou cancer, quand bien même elles ne se trouveraient pas dans lesconditions du tableau. Quand la maladie est connue des tableaux maisque les conditions posées ne sont pas remplies, la victime doit prouverque la maladie est directement liée à son travail habituel. Quand elle nel'est pas, la victime doit établir que la maladie est directement etessentiellement liée à son travail habituel, seules les victimes atteintesd'une incapacité d'au moins 25 % étant admises à cette dernièreprocédure. On notera du reste une autre exigence de la loi à l'égard deces victimes : alors que pour les premières, c'est la théorie del'équivalence des causes qui s'applique, ce qui les oblige simplementd'établir que le travail est l'un des facteurs explicatifs de son mal, pour lessecondes, c'est la théorie de la causalité adéquate qui est retenue : ellesdoivent donc prouver que le travail est le facteur prépondérant de lamaladie. La procédure est en outre particulièrement lourde. La demandede reconnaissance doit être faite à la CPAM dans les deux ans de laconstatation de la maladie par le certificat médical initial. La CPAM doitrépondre dans le délai de trois mois sans quoi le caractère professionnelde la maladie est automatiquement acquis(62). La CPAM peut aussisoumettre la demande au Comité régional de reconnaissance des maladiesprofessionnelles qui mènera une expertise individuelle pour déterminer s'ilexiste un lien direct et essentiel entre la pathologie déclarée et letravail(63). 2059 cas ont tout de même été reconnus d'origineprofessionnelle par la caisse nationale d'assurance maladie en 2005, 2003en 2007 et 1810 en 2011.

57

B. L'indemnisation du cancer professionnel

En 2002, l'affaire fameuse des victimes de l'amiante a permis demettre en lumière les carences de l'indemnisation des victimes de cancersprofessionnels. En effet, si ces victimes ou leurs ayants droit bénéficiaientbien de l'indemnisation automatique et forfaitaire acquise du fait de lanature professionnelle de la maladie, le caractère très limité de cetteréparation demandait que l'accès à l'indemnisation complémentaire soitfavorisé. Cet objectif explique la jurisprudence favorable à lareconnaissance de la faute inexcusable, sésame permettant aux victimesde maladies professionnelles et plus largement d'accidents du travaild'améliorer l'indemnisation de base, décevante et insuffisante, d'autantque depuis la décision QPC rendue par le Conseil constitutionnel en 2010,la liste des préjudices indemnisables du code de la sécurité sociale ne doitplus être considérée comme limitative.

1) Des prestations de base décevantes

Des différences importantes peuvent encore une fois être observéesentre les régimes de sécurité sociale mais, quelles qu'elles soient, lesprestations ont en commun de ne compenser que partiellement lesconséquences du risque, qu'il s'agisse de la perte de revenu professionnelou des préjudices résultant de la maladie. Car c'est un fait :l'indemnisation automatique et forfaitaire servie aux victimes de cancersprofessionnels, comme c'est du reste le cas pour tout risque professionnel,est une indemnisation incomplète. Plusieurs exemples significatifs issusdes prestations servies par les différents régimes permettent de s'enconvaincre.

Les salariés du privé, assurés du régime général, perçoivent desindemnités journalières tant que leur état n'est pas consolidé. Verséessans délai de carence, elles s'élèvent à 60 % de la rémunération de basependant les 28 premiers jours de l'arrêt de travail, à 80 % au-delà(64). Laconsolidation entraîne le versement d'une rente d'incapacité servie jusqu'àce que la pension de retraite prenne le relais. Mais le mode de calcul decette rente qui repose à la fois sur un taux d'incapacité corrigé et sur lesalaire utile n'est guère favorable aux victimes des risquesprofessionnels(65). Elles ont aussi naturellement droit aux prestations ennature pour les frais de santé liés à leur maladie, plus avantageuses queles prestations de l'assurance maladie(66) : elles donnent lieu au tierspayant et à une prise en charge à 100 % mais, ici encore, la référence auxtarifs opposables comme base de calcul des prestations ne garantit pas lagratuité à la victime qui peut être confrontée à des dépassementsd'honoraires ou à des bases de remboursement déconnectées du prixmoyen des prestations. Les ayants droit aussi ont intérêt à lareconnaissance du cancer comme maladie professionnelle car, en cas dedécès de l'assuré, ils vont percevoir une rente et une indemnisation desfrais funéraires(67) toutes deux partielles et plafonnées.

58

Les fonctionnaires sont également mieux indemnisés si le cancerest professionnel. Ils bénéficient du congé de longue durée pendant 8 ansau lieu de 5 pour un cancer non professionnel. Le traitement leur estintégralement versé pendant 5 ans, puis réduit de moitié pendant les 3années suivantes. Si le fonctionnaire est atteint d'une invaliditépermanente d'au moins 10 %, il perçoit l'allocation temporaire d'invaliditéattribuée dans un premier temps pour 5 ans, après quoi les droits dufonctionnaire sont réexaminés. L'allocation est alors attribuée sanslimitation de durée sur la base du nouveau taux d'invalidité constaté, ousupprimée.

Quant aux travailleurs indépendants, leur situation est très inégale.Les artisans, industriels, commerçants et professions libérales ne reçoiventaucune indemnisation spécifique car le concept de risque professionnel esttout simplement absent de leur régime obligatoire. Ils n'ont rien moinsque les prestations ordinaires versées au titre de la maladie ou del'invalidité avec toutes les insuffisances déjà relevées. Seuls lesindépendants de l'agriculture peuvent prétendre à une indemnisationspécifique et c'est particulièrement important quand on sait que lespesticides et d'autres agents utilisés en matière d'élevage interagissentdans la survenue des cancers(68). Si le cancer est reconnu maladieprofessionnelle, ils ont droit à des prestations en nature améliorées,comme dans le régime général, et à des indemnités journalières ou à unerente (ATEXA). Les indemnités journalières sont versées à partir du 8ejour qui suit l'arrêt de travail. Leur montant est un pourcentage du gainforfaitaire journalier (60 % au début, puis 80 % à partir du 29e jourd'arrêt de travail). Une rente peut être servie si le taux d'incapacitépermanente atteint au moins 30 %. Les exploitants agricoles, comme lessalariés du régime général et du régime agricole, perçoivent en outre laprestation complémentaire pour recours à tierce personne qui a pris lerelais de la majoration pour tierce personne le 1er mars 2013.

2) Une indemnisation complémentaire nécessaire

Les limites de l'indemnisation automatique et forfaitaire montrenttout l'intérêt pour le malade de pouvoir accéder à une indemnisationcomplémentaire. Or, la victime d'une maladie professionnelle est ici dansune situation très différente d'une victime ordinaire en raison del'immunité des membres de l'entreprise pour leurs fautes simples. Cetteimmunité ne disparaît qu'en cas de faute d'une particulière gravité, àsavoir une faute intentionnelle ou inexcusable(69). La faute intentionnelle,caractérisée par l'intention de nuire de son auteur, ne présente pasd'intérêt pour le cancer professionnel puisqu'il faudrait pour qu'elle soitopérante que l'employeur ait exposé le salarié dans l'intention de lui fairecontracter la maladie.

Tout autrement en est-il, en revanche, de la faute inexcusable quise présente comme le sésame permettant à la victime du cancer

59

professionnel d'accéder à une réparation complémentaire, mais nonintégrale(70). C'est du reste l'enjeu majeur porté par cette faute quiexplique que, à l'occasion des arrêts « amiante » du 28 février 2002 etpour faciliter l'accès à l'indemnisation complémentaire de victimes decancers professionnels, la chambre sociale a renouvelé sa définition et l'aliée à l'obligation de sécurité de résultat dont l'employeur est débiteur enexécution du contrat de travail. Selon la formule des juges, « lemanquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusablelorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger et qu'iln'a pas pris les mesures nécessaires pour préserver le salarié »(71). Cettedéfinition, discutable du point de vue de sa référence à l'obligation derésultat, se comprend néanmoins par rapport à l'obligation générale del'employeur de préserver la santé des travailleurs issue du code du travailet ancrée dans plusieurs textes communautaires(72). Elle est aussiavantageuse sur le plan probatoire même si elle n'instaure aucuneprésomption générale de faute inexcusable en faveur de la victime. Laseule survenance de la maladie, qui montre que le résultat n'a pas étéatteint et rend inutile la preuve de l'exceptionnelle gravité, ne dispensepas la victime de prouver la conscience que l'employeur avait du dangerauquel il l'avait exposée ou qu'il avait omis de prendre les mesuresnécessaires pour l'en préserver(73). La reconnaissance de la fauteinexcusable en cas de maladie professionnelle n'est donc pas automatique.

L'indemnisation des préjudices que pourront obtenir les victimes,pour remarquable qu'elle soit, n'est pas pour autant intégrale et elle resteune action de sécurité sociale relevant des tribunaux des affaires desécurité sociale. En effet, même si le périmètre de leur indemnisation aété libéré des limites posées par le code de la sécurité sociale depuis lesdécisions QPC du Conseil constitutionnel de 2010 et 2011(74),l'indemnisation versée sur le fondement de la faute inexcusable n'estpossible que pour les préjudices non réparés par les prestations desécurité sociale. Il en est ainsi du déficit fonctionnel temporaire, des fraisd'aménagement du logement et d'adaptation d'un véhicule, du préjudicesexuel(75) et de tout autre préjudice non couvert par le livre IV du codede la sécurité sociale et reconnu par la nomenclature Dintilhac à laquelle laCour de cassation reconnaît implicitement la valeur normative(76). Làencore, hélas !, la victime du cancer professionnel n'obtient donc qu'uneréparation incomplète.

(2) En 2011, 4 millions de personnes n'avaient pas de complémentaire santé selon l'Observatoire des inégalités. www.inegalites.fr(3) CSS, art. L. 322-1, L. 322-2.(4) CSS, art. L. 322-3, 3° ; CSS, art. D. 322-1.(5) Affections dites hors listes.(6) Il existe néanmoins des maladies dites non exonérantes qui, malgré l'arrêt de travail prolongé qu'elles provoquent (supérieur à 6 mois), ne donnent pas lieu à exonération du ticket modérateur.(7) Le médecin doit renseigner le

protocole de soins qui précise les soins et traitements nécessaires à la maladie et leur taux de prise en charge, certains étant remboursés à 100 % tandis que d'autres restent remboursés aux taux classiques. Le protocole établi en accord avec le patient, éventuellement après consultation de médecins spécialistes, est soumis au médecin conseil de la caisse d'assurance maladie pour accord.(8) Ils peuvent le faire en cas de demande exceptionnelle du patient comme des visites en dehors de leur temps de consultation habituel.

(9) La base forfaitaire de la prothèse capillaire est 125 € ; la prise en charge des prothèses mammaires est 69,75 € alors que leur prix varie de 70 à 230 €. Les foulards et autres turbans, nécessaires au quotidien lors d'une alopécie, ne font l'objet d'aucune tarification.(10) 1 € par consultation médicale, examen radiologique, analyse de biologie médicale ; 50 cent. par boîte de médicaments prescrite et remboursée ; 50 centimes pour les actes paramédicaux (infirmier, masseur-kinésithérapeute, orthophoniste, pédicure...) dans la limite

60

de 2 € par jour ; sauf urgence, 2 € par trajet en transport sanitaire prescrit (taxi conventionné, VSL ou ambulance) dans la limite de 4 € par jour. Ces franchises ne sont pas appliquées dans le cadre d'une hospitalisation en milieu hospitalier ou à domicile.(11) Sauf cas marginaux : soins médicaux ou chirurgicaux dispensés sans hospitalisation, bénéficiaires d'une pension militaire, enfant et adolescents bénéficiaires de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, maladie professionnelle, bénéficiaires de la CMU complémentaire ou de l'aide médicale d'État notamment.(12) A. Archimbaud, L'accès aux soins des plus démunis 40 propositions pour un choc de solidarité, septembre 2013.(13) Ne pouvant toutefois excéder 6 mois pour les frais de santé. CSS, art. R. 242-1-2.(14) M. Del Sol, Généralisation de la couverture complémentaire santé des salariés : éléments de controverse, Dr. soc. 2014. 165.(15) CSS, art. L. 322-3, 10° ; Circulaire DSS/SD1/MCGR n° 2011-55 du 23 mai 2011 relative à la suppression de la participation de l'assuré pour les actes médicaux et les examens biologiques nécessaires au suivi de l'affection après la sortie de l'ALD.(16) CSS, art. L. 322-3, 10e.(17) Participation du RSI, du Régime général et de la MSA à la Campagne Octobre Rose organisée par le Ministère en charge de la santé et l'institut national du cancer.(18) Campagne Mars bleu organisée par ces mêmes régimes et donnant lieu à des tests de dépistage tous les deux ans pour les personnes de 50 à 74 ans.(19) Le délai de carence n'est appliqué qu'au premier arrêt de travail.(20) ANI du 10 décembre 1977, loi sur la mensualisation du 19 juillet 1978, ANI du 11 janvier 2008.(21) Ces durées sont augmentées de 10 jours par période de 5 années d'ancienneté supplémentaire : 40 jours x 2 pour 6 ans d'ancienneté, 50 jours x 2 pour 11 ans, 60 jours x 2 pour 16 ans... 90 jours x 2 pour 31 ans d'ancienneté.(22) Ou cotisations équivalentes.(23) Plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale adopté le 21 janvier 2013 par le Comité interministériel de lutte contre l'exclusion (CILE).(24) Selon l'Insee, 3 % des salariés n'atteindraient pas ce seuil des 200 heures.(25) M. Borgetto, Lutte contre la pauvreté : des avancées significatives, Travail social actualités (TSA), n° 49, février 2014, p. 54.(26) Supprimé depuis le 1er janvier 2012.(27) Maintien du salaire pendant la première année, demi-salaire les deux années suivantes.(28) De même que la maladie mentale, tuberculose, poliomyélite, déficit immunitaire grave et acquis.(29) L'indemnité journalière est versée à partir du 4e jour en cas d'hospitalisation, à partir du 8e jour dans les autres cas.(30) Sauf au premier arrêt de la période de trois ans.

(31) www.ameli.fr(32) Les garanties liées à la suspension du contrat de travail sont alors renforcées et l'obligation de reclassement du salarié incombant à l'employeur beaucoup plus sévère. J.-E. Ray, Droit du travail Droit vivant 2013-2014, éd. Liaisons, 2013, n° 336.(33) Plan Cancer 2014-2019, p. 77.(34) Au 1er janvier 2014, maximum de 938,70 € par mois pour les pensions de la 1re catégorie, maximum de 1564,50 € par mois pour les pensions de la 2e catégorie ; dans les deux cas, minimum de 279,98 € par mois.(35) Au 1er janvier 2014, 1096,50 par mois.(36) CSS, art. L. 341-4 et R. 341-3 ; Soc. 9 nov. 1988, Bull. civ. V, n° 580, RJS 1989, n° 88 ; Soc. 9 déc. 1999, JS UIMM 2000. 31.(37) Dans la limite de 30 ou 50 % du plafond de sécurité sociale. Soit en 2014, 172 € par jour, 722 € par semaine, 3 129 € par mois, 9 387 € par trimestre et 37 548 € par an.(38) Au 1er janvier 2014, plafond annuel sécurité sociale = 37 548. Montant minimum 3359, 80 €. Montant maximum pour incapacité totale d'exercice et pour incapacité totale à l'exercice du métier (3 premières années) = 18 516 € ; montant maximum à partir de la 4e année pour incapacité totale à l'exercice du métier = 11 109 €.(39) www.vieliberale.fr.(40) C. trav., art. L. 3142-16.(41) Au 1er janvier 2014, 55,15 € par jour pour un salarié à temps plein, 27,58 € pour un salarié à temps partiel.(42) C. trav., art. L. 3142-22 s.(43) Ayant au moins 2 ans d'ancienneté dans une entreprise.(44) Il ne peut excéder un an pour l'ensemble de la carrière.(45) InVS, 2003 ; Cancers d'origine professionnelle, Ligue contre le cancer, déc. 2008. Institut National du Cancer, Fiche repère Cancers professionnels, 19 janvier 2012.(46) Cancers professionnels des clés pour agir, ARC, FNATH, 2011 ; Eurogip, Cancers d'origine professionnelle : quelle reconnaissance en Europe ?, rapport d'enquête, 2010 ; Dares, Les expositions aux cancers professionnels Premières synthèses, 2005. 28.(47) www.ameli.fr.(48) Institut national du cancer, Fiche repère Cancers professionnels, 19 janv. 2012.(49) Tableaux prévus à l'art. R. 461-3 CSS, annexe 4.(50) Tableaux 20 bis et 20 ter. (51) Tableaux 30 bis et 61 bis. (52) Tableau 37 ter. (53) Tableaux 101 ter, 36 bis, 43 bis, 81.(54) Amiante, benzène, nickel, plomb, poussières de bois, fumées de soudage, trichloréthylène...(55) Ils peuvent générer des défauts génétiques héréditaires ou en augmenter la fréquence.(56) Ils peuvent produire ou augmenter la fréquence d'effets nocifs non héréditaires pour la progéniture ou porter atteinte aux fonctions et capacités reproductives.(57) Classification de l'Union européenne

(Dir. 67/548/CEE) et classification internationale établie par le Centre international de recherche sur le cancer qui identifient les cancérogènes avérés, probables et possibles chez l'homme.(58) C. trav., art. R. 4412-59 à R. 4412-93 (décret CMR du 1er février 2001), art. R. 4412-1 à R. 4412-58 (décret du 23 décembre 2003 sur la prévention des agents chimiques dangereux (ACD), art. R. 4412-149 (décrets sur les valeurs limites d'exposition professionnelle (VLEP).(59) Amiante, amines aromatiques, arsenic et dérivés, benzène, chlorure de vinyle monomère, chrome, poussières de bois, rayonnement ionisants, huiles minérales dérivées de pétrole, oxydes de fer, nickel...(60) CSS, art. D. 461-25 qui renvoie aux articles L. 461-25 CSS et anc. R. 231-56 (abrogé par décret du 7 mars 2008) pour les agents cancérigènes identifiés.(61) Institut National du Cancer, Fiche repère Cancers professionnels, 19 janvier 2012, p. 3.(62) L'avis est favorable dans 67 % des cas.(63) 47 % des cas étudiés obtiennent une reconnaissance.(64) CSS, art. L. 433-1 s.(65) CSS, art. L. 434-1 s.(66) CSS, art. L. 432-1 s.(67) CSS, art. L. 434-7 s.(68) Étude agriculture et cancer (AgriCan) et étude Pestexpo, www.grecan.org.(69) CSS, art. L. 452-1.(70) CSS, art. L. 452-2 et L. 452-3.(71) Soc. 28 févr. 2002, 29 arrêts, JCP 2002. II. 10053, concl. Premier Av. général Benmakhlouf ; JCP E 2002, p. 643, note G. Strebelle ; D. 2002. 2696, note X. Prétot ; Dr. soc. 2002. 445, point de vue A. Lyon-Caen ; ibid. 828, étude M. Babin et N. Pichon ; RDSS 2002. 357, obs. P. Pédrot et G. Nicolas ; RTD civ. 2002. 310, obs. P. Jourdain.(72) M.-A. Moreau, L'obligation générale de préserver la santé des travailleurs, Dr. soc. 2013. 410 ; M. Michalletz, Le rétablissement de la faute inexcusable dans son objectif de prévention, D. 2013. 261 ; F. Petit, Les nouveaux contours de l'obligation de sécurité à la lumière des outils de prévention de la pénibilité, Dr. soc. 2013. 42.(73) Civ. 2e, 22 mars 2005, TPS 2005, com. 148, obs. X. Prétot : quand l'origine exacte de l'affection n'est pas déterminée, le salarié ne peut rapporter la preuve qui lui incombe de la conscience du danger auquel il est exposé.(74) Cons. const., déc. QPC 18 juin 2010 et 6 mai 2011.(75) S. Hocquer-Berg, Le nouveau régime d'indemnisation des victimes d'un accident du travail en cas de faute inexcusable de l'employeur (à propos de Civ. 2e, 4 avril 2012), Dr. soc. 2012. 839.(76) Civ. 2e, 28 mai 2009, D. 2009. 1606, obs. I. Gallmeister ; ibid. 2010. 49, obs. P. Brun et O. Gout ; RTD civ. 2009. 534, obs. P. Jourdain ; JCP S 2009. 1461, obs. D. Asquenazi-Bailleux ; M. Robineau, Le statut normatif de la nomenclature Dintilhac, JCP 2010. 612 ; H. Adida-Canac, Le contrôle par la Cour de cassation de la nomenclature Dintilhac, D. 2011.

61

>>> NÉGOCIATION COLLECTIVE

MESURE CONSERVATOIRE DE MODIFICATION DU

CONTRAT DE TRAVAIL POUR MOTIF DISCIPLINAIRE

Publié le 1er Novembre 2014, par Julien Icard

Cass. soc., 8 oct. 2014, no 13-13673, FS–PB Cet arrêt du 8 octobre 2014 vient enrichir la palette des mesures

conservatoires que l’employeur peut prendre dans l’attente de laprocédure disciplinaire.

Un salarié, conducteur de bus au sein d’une société de transporturbain depuis plus de vingt ans, est suspecté d’avoir procédé au débridagedu véhicule qu’il conduisait afin de pouvoir dépasser la vitesse de50 km/h. Il est alors affecté d’agent à disposition avec horaires fixes àconducteur « volant » non affecté à une ligne en particulier et sanshoraires fixes. Convoqué à un entretien préalable, le salarié a, d’abord,refusé une proposition de rétrogradation et s’est vu, ensuite, licencier pourfaute grave. La cour d’appel a jugé le licenciement dépourvu de causeréelle et sérieuse. Le changement d’affectation du salarié décidé en raisond'un comportement considéré par l'employeur comme fautif caractériseune sanction disciplinaire de sorte que la société avait épuisé son pouvoirdisciplinaire par sa décision d’affectation et ne pouvait pas en prendre uneseconde. L’arrêt est cassé. « Ne constitue pas une sanction disciplinaire lechangement d'affectation provisoire d’un salarié décidé dans l’attente del’engagement d’une procédure disciplinaire dès lors qu'il a pour seul objetd'assurer la sécurité des usagers, du personnel d'exploitation et des tierset qu’il n’emporte pas modification durable du contrat de travail ». Lapremière mesure prise par l’employeur n’étant pas une sanction, il pouvaitvalablement proposer une rétrogradation au salarié et, en cas de refus dece dernier, le licencier.

L’enjeu de l’arrêt mérite au préalable d’être rappelé. Lorsquel’employeur décide de sanctionner un fait fautif imputable à un salarié, ilne peut exercer son pouvoir disciplinaire qu’une seule fois. C’est la théoriede l’épuisement du pouvoir disciplinaire, originellement issue de la règlenon bis in idem, mais qui désormais déborde largement la règle précitée

62

(v. déjà nos obs : Cah soc., oct. 2013, p. 406, n° 111m8 ). Elle conduit àrendre nulle toute sanction – dépourvu de cause réelle et sérieuse dans lecas d’un licenciement – prononcée pour un fait déjà sanctionné. L’enjeu del’arrêt résidait précisément dans la question de savoir si l’employeur avaitou non exercé deux fois son pouvoir disciplinaire pour sanctionner le« débridage » du véhicule de transport collectif par le salarié. Ce quirevenait à se demander si le changement d’affectation dans l’attente de laprocédure était constitutif d’une sanction. Dans l’affirmative, la deuxièmesanction – i.e. le licenciement et non la rétrogradation refusée (applicationde la jurisprudence Hôtel Le Berry. V. nos obs. Cah. soc., avr. 2013, p. 118,n° 110c9) – serait sans cause réelle et sérieuse puisque punissant un faitdéjà sanctionné.

La question essentielle de cet arrêt résidait donc dans laqualification du changement d’affectation du salarié décidé par l’employeurdans l’attente du résultat de la procédure disciplinaire. La modification desfonctions est-elle constitutive d’une sanction ? Pour l’exclure, la Cours’appuie sur deux critères : la temporalité du changement et la finalité duchangement.

La Cour insiste, en premier lieu, sur le caractère « provisoire » duchangement d’affectation du salarié qui « n’emporte pas de modificationdurable du contrat de travail ». En effet, le changement a été décidé dansl’attente des résultats de la procédure disciplinaire. Il s’agit d’une mesureconservatoire, comme l’est la mise à pied du même nom. Ledéclenchement de la procédure disciplinaire ayant lieu quatre jours plustard, la cour d’appel avait requalifié cette mesure en sanction disciplinaire.Cette requalification est en effet justifiée lorsque l’employeur n’engage pasla procédure disciplinaire dans un « délai restreint » (Cass. soc., 19 sept.2007, n° 06-40155). La Cour a fait application de ce principe dans uneaffaire dans laquelle un délai de six jours s’était écoulé entre la mise àpied et l’engagement de la procédure disciplinaire (v. par ex : Cass. soc.,20 oct. 2013, n° 12-22962 : Cah. soc., déc. 2013, p. 523, n° 112a8). Il estfort à parier que cet encadrement temporel des mesures conservatoiress’applique également à cette rétrogradation provisoire. Elle serait alorssusceptible de requalification. En l’espèce, ce point semble implicitementécarté par la Cour de cassation qui place la mesure conservatoire dansl’ombre de la procédure disciplinaire, la première ayant été prise « dansl’attente » de la seconde (v. en matière de mise à pied conservatoire :Cass. soc., 4 déc. 2012, n° 11-27508 : Bull. civ. V, n° 313). Ce n’est pas lapremière fois que le caractère temporaire de la modification des fonctionsest prise en compte par la Cour de cassation (v. déjà : Cass. soc., 31 mai2012, n° 10-22759 : Bull. civ. V, n° 164) mais c’est tout à fait inédit àpropos d’une mesure conservatoire.

Le second critère n’en est pas moins important. La mesureconservatoire a été prise pour assurer la sécurité des usagers. Or, ilsemble que cette finalité conditionne la légalité de la décision, comme en

63

témoigne l’usage de l’expression « dès lors que ». Faut-il en déduire queseule la sécurité est susceptible de justifier un changement d’affectationprononcé à titre conservatoire ? Sans doute pas mais il faut voir dans cettecondition une exigence générale de justification d’une mesure qui, enraison de son incidence sur la situation du salarié, ne doit être prononcéequ’en raison de la gravité des faits reprochés au salarié (v. en matière demise à pied conservatoire : Cass. soc., 27 sept. 2007, n° 06-43867 : Bull.civ. V, n° 146) et à des fins prophylactiques.

On peut enfin se demander si les juges ne tireraient pas les mêmesconséquences qu’en matière de mise à pied conservatoire en cas desanction – licenciement ou non – prononcée pour faute sérieuse mais nonpas faute grave. Il devrait alors indemniser le salarié pour l’écart de salairedû à la rétrogradation temporaire pendant la procédure disciplinaire.

64

>>> LICENCIEMENT ECONOMIQUE

CONSÉQUENCES DE L'INÉLIGIBILITÉ D'UN SALARIÉ À

UNE CONVENTION DE RECLASSEMENT PERSONNALISÉ

ACCEPTÉE

Publié le 9 Novembre 2014, par Bertrand Ines

Soc. 30 septembre 2014, n° 13-16.297, à paraître au Bulletin« Attendu cependant que l'adhésion à une convention de reclassementpersonnalisé constitue une modalité du licenciement pour motiféconomique ; qu'il en résulte que l'adhésion à la convention dereclassement personnalisé d'un salarié inéligible à ce dispositif ne rendpas en elle-même la rupture du contrat de travail sans cause réelle etsérieuse [...] »

Avant que la loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011 ne soit promulguée,l'employeur était tenu de proposer, dans les entreprises de moins de millesalariés, à chaque salarié, dont il envisageait de prononcer le licenciementpour motif économique, une convention de reclassement personnalisé quiouvrait droit, après la rupture du contrat de travail, à un certain nombrede mesures destinées à favoriser son reclassement(1). Mais tous lessalariés de l'entreprise n'avaient pas nécessairement vocation à bénéficierde cette convention. Encore fallait-il répondre aux conditions établies pardes conventions collectives agréées par arrêté ministériel, lesquellessubordonnaient notamment l'accès à ce dispositif à une anciennetéminimum dans l'entreprise, à des périodes d'affiliation au régimed'assurance chômage et à une exigence d'aptitude physique à l'exerciced'un emploi(2). Il revenait à l'institution en charge de la gestion de cetteassurance, auparavant l'ANPE et ensuite Pôle emploi, de contrôlerl'éligibilité du salarié à la convention de reclassement personnalisé. Sadécision, marquant son refus de donner accès au régime découlant decette convention faute pour le salarié de répondre à l'ensemble desconditions exigées, n'intervenait toutefois pas toujours dans de brefsdélais. Il arrivait, d'ailleurs, qu'elle fût prise et signifiée au salariépostérieurement à son acceptation de la convention et, surtout, passé leterme du délai de réflexion à partir duquel la rupture du contrat de travailprenait effet(3). Le salarié ayant alors accepté les conditions danslesquelles son contrat allait être effectivement rompu eu égard à laproposition qui lui a été faite par l'employeur et à la possibilité corrélative

65

de bénéficier de ces règles particulières, son inéligibilité, tardivement miseen lumière par l'ANPE ou Pôle emploi, avait-elle une incidence sur larupture du contrat de travail ?

Une cour d'appel se risqua à décider que la rupture du contrat detravail produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuseau motif que l'inéligibilité du salarié à la convention de reclassementpersonnalisé avait vicié le consentement de celui-ci, provoquant la nullitéde son adhésion et, par suite, celle de la rupture qui en découle. L'arrêtest cassé par la Chambre sociale au visa des articles L. 1233-3, L. 1233-65et L. 1233-67 du Code du travail dans leur version applicable au litige(4).La Cour de cassation considère que l'adhésion à une convention dereclassement personnalisé constitue une modalité du licenciement pourmotif économique et qu'ainsi l'adhésion d'un salarié inéligible à cedispositif ne rend pas en elle-même la rupture du contrat de travail sanscause réelle et sérieuse.

Une certitude ressort de cette affirmation. Malgré l'inéligibilité dusalarié à la convention de reclassement personnalisé, la rupture estdéfinitivement acquise. Rien de plus logique puisque, en proposant cetteconvention, l'employeur a d'ores et déjà envisagé le licenciement dusalarié(5). En somme, quoi qu'il arrive, le contrat de travail aurait fini parêtre rompu. Reste à savoir, ce sur quoi l'arrêt ne nous informe pas, dequel régime dépend cette rupture, celui du licenciement pour motiféconomique classique ou celui de la convention de reclassementpersonnalisé, sachant que des différences subsistent entre les deux(6).

En tous cas, c'est la première fois que la Cour est interrogée etrépond sur ce point. L'arrêt s'inscrit, néanmoins, dans une jurisprudenceconstante de rapprochement des régimes juridiques du licenciement pourmotif économique et de la convention de reclassement personnalisé,d'ailleurs débuté avec le mécanisme de la convention de conversion qui l'aprécédée. Ainsi, la Cour de cassation a considéré que la rupture,consécutive à la conclusion de cet accord, devait avoir une causeéconomique réelle et sérieuse que le salarié était en mesure decontester(7), ce qui obligeait l'employeur d'énoncer les motifs de larupture dans un document remis au salarié(8). Elle a également admisque le salarié peut contester l'ordre des licenciements(9), ainsi quel'irrégularité de la lettre de convocation à l'entretien préalable(10), et qu'ilbénéficie tant de l'obligation légale de reclassement(11) que de la prioritéde réembauche(12).

En dernier lieu(13), la Chambre sociale a justifié sa position par lefait que la convention de reclassement personnalisé constitue unemodalité du licenciement pour motif économique. La formule, reprise icimême, paraît inappropriée si l'on tient compte de la lettre de l'ancienarticle L. 1233-67 du Code du travail. En disposant que le contrat detravail est rompu du commun accord des parties si le salarié accepte la

66

convention, le texte semblait faire de celle-ci un mode de rupture distinctdu licenciement. Cependant, comme nous l'avons vu, l'initiative de laproposition revient chronologiquement toujours à l'employeur et le contratde travail est, quel que soit le choix opéré par le salarié, rompu. Demeurepourtant une convention, fruit de deux volontés, à laquelle est suspenduel'application d'un régime juridique particulier(14). Faute de constituer unmode de rupture à part entière, la convention de reclassementpersonnalisé se présente donc comme un moyen d'accéder à un sous-régime de licenciement pour motif économique.

Or un licenciement pour motif économique est dépourvu de causeréelle et sérieuse que si, conformément aux dispositions de l'article L.1233-3 du Code du travail et à la jurisprudence afférente, l'entreprise neconnaît aucune difficulté économique, mutation technologique ou ne setrouve pas dans la nécessité de sauvegarder sa compétitivité ou quel'employeur a manqué à son obligation préalable de reclassement,imposée par l'article L. 1233-4 du même code(15). Étant une modalité delicenciement pour motif économique, la rupture consécutive à uneconvention de reclassement personnalisé ne peut être considérée sanscause réelle et sérieuse pour d'autres raisons que celles qui priveraient lelicenciement pour motif économique de cause réelle et sérieuse. C'est,d'ailleurs, peut-être une des significations à prêter à certains arrêts relatifsà la convention de conversion et dont le présent arrêt serait unprolongement. Le fait de ne pas proposer à un salarié une telleconvention, alors qu'il y était éligible, ne pouvait être sanctionné selon lesrègles propres du licenciement mais causait nécessairement un préjudicedevant être réparé(16). Par analogie, ce qui affecte spécifiquement laconvention de reclassement personnalisé n'aurait alors aucune incidencesur la régularité du licenciement, qu'il s'agisse de sa cause ou de laprocédure à suivre. En l'occurrence, l'inéligibilité ne change a priori en rienla situation du salarié adhérent, lequel sera licencié et n'aurait jamais pubénéficier du dispositif de l'ancien article L. 1233-65 du Code du travail, nile bien-fondé du licenciement, faute de lien avec les élémentsconditionnant la réalité et le sérieux de la cause de la rupture.

La Chambre sociale ne se montre, toutefois, pas aussi catégorique.En affirmant que l'adhésion à la convention de reclassement personnaliséd'un salarié inéligible à ce dispositif ne rend pas « en elle-même » larupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse, elle laisseouverte une voie de contestation. Si l'inéligibilité ne prive pas, à elle seule,la rupture de cause réelle et sérieuse, elle pourrait donc y contribuer. Deuxpistes seraient envisageables. La première tiendrait à l'examen des motifsayant conduit à rejeter l'éligibilité du salarié à la convention dereclassement personnalisé. La faute que commettrait l'employeur, parexemple en manquant à son obligation de verser des cotisations àl'assurance chômage, ferait obstacle à ce que l'ensemble des conditionsexigées par les conventions collectives précitées fussent réunies. Laseconde piste tiendrait aux conséquences de l'adhésion à la convention de

67

reclassement personnalisé. L'adhésion empêche, en effet, le salarié de seprévaloir ultérieurement des offres de reclassement interne qui lui ont étépréalablement faites par l'employeur(17). Une fois déclaré inéligible à laconvention de reclassement personnalisé, le salarié n'est pas certain d'êtreen mesure d'accepter ces offres, soit qu'il ne recouvre pas le droit de lefaire, soit que ces offres ne soient plus disponibles car d'autres salariés lesauraient acceptées entre temps. Dans l'un et l'autre cas, le salarié setrouverait privé du bénéfice d'une faculté de reclassement. Or, cereclassement, qu'il soit interne ou externe, peut être déterminant de laperte de l'emploi du salarié ou de la possibilité d'en retrouver unimmédiatement et, par conséquent, de l'appréciation du caractère réel etsérieux de la rupture.

Le présent arrêt est, en définitive, empreint de beaucoupd'incertitudes, qu'il reviendra à la Cour de cassation de dissiper, même sitout porte à croire que la solution, et ses prolongements, trouveront às'appliquer au contrat de sécurisation professionnelle qui a opéré fusion ducontrat de transition professionnelle et de la convention de reclassementpersonnalisé(18).

(1) C. trav., anc. art. L. 1233-65.(2) Conv. 27 avr. 2005, art. 2, arr. 24 mai 2005, JO 31 mai 2005 ; conv. 18 janv. 2006, art. 2, arr. 23 févr. 2006, JO 2 mars 2006 ; conv. 19 févr. 2009, art. 2, arr. 30 mars 2009, JO 1er avr. 2009.(3) Sur la prise d'effet de la rupture, v. conv. préc., art. 4.(4) Les faits étaient antérieurs à la loi du 28 juillet 2011 précitée qui a abrogé les dispositions relatives à la convention de reclassement personnalisé (L. n° 2011-893, 28 juill. 2011, art. 41).(5) C. trav., art. L. 1233-65, al. 1er.(6) Sur la renonciation aux offres préalables de reclassement, v. Soc. 28 sept. 2011, n° 10-23.703, Bull. civ. V, n° 198 ; Dalloz actualité, 21 oct. 2011, obs. L. Perrin ; D. 2011. 2478 ; RDT 2011. 637, obs. F. Géa ; JCP S 2012. 1029, obs. A. Louvet.(7) Soc. 5 mars 2008, n° 07-41.964, Bull. civ. V, n° 47 ; D. 2008. 856, obs. B. Ines ; ibid. 2306, obs. .-C. Amauger-Lattes, I. Desbarats, C. Dupouey-Dehan, B. Lardy-Pélissier, J. Pélissier et B. Reynès ; Dr. soc. 2008. 617, obs. G. Couturier ; RDT 2008. 385, obs. E. Durlach ; JCP S 2008. 1334, note F. Dumont ; 27 mai 2009, n° 08-43.137, Bull. civ. V, n° 139 ; JCP S 2009. 1373, obs. B. Bossu ; s'agissant du contrat de transition professionnelle, v. Soc. 12 mars 2014, n° 12-22.901, Bull. civ. V, n° 73 ; JCP S 2014. 1267, obs. T. Lahalle.

(8) Soc. 12 juin 2012, n° 10-14.632, Bull. civ. V, n° 176 ; Dalloz actualité, 28 juin 2012, obs. L. Perrin ; D. 2012. 1621 ; RDT 2012. 556, obs. A. Fabre.(9) Cass., avis, 7 avr. 2008, n° 0080002 P, Dalloz actualité, 21 avr. 2008, obs. L. Perrin ; JCP S 2008. 1335, note P.-Y. Verkindt.(10) Soc. 16 mai 2013, n° 11-28.494, Bull. civ. V, n° 126 ;

Dalloz actualité, 24 juin 2013, obs. B. Ines ; D. 2013. Actu. 1283 ; JCP S 2013. 1344, obs. F. Dumont.(11) Soc. 28 sept. 2011, préc.(12) Soc. 30 nov. 2011, nos 10-21.678 et 09-43.183, Bull. civ. V, nos 276 et 282 ; Dalloz actualité, 20 déc. 2011, obs. J. Siro ; D. 2011. 3003 ; ibid. 2012. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2012. 34, obs. A. Fabre ; JCP S 2012. 1086, obs. F. Dumont.(13) Soc. 16 mai 2013, préc. ; antérieurement, pour la convention de conversion, v. Soc. 11 juill. 2000, n° 98-41.169, Bull. civ. V, n° 273 ; Dr. soc. 2000. 1033, obs. J. Savatier ; 17 sept. 2003, n° 01-11.449, Bull. civ. V, n° 233 ; RDSS 2004. 224, note C. Willmann.(14) RDT 2011. 637, obs. F. Géa.(15) Soc. 17 mars 1999, n° 97-40.515, Bull. civ. V, n° 127 ; Dr. soc. 1999. 497, note G. Couturier ; 30 mars 1999, n° 97-41.265, Bull. civ. V, n° 146 ; D. 1999. 122 ; Dr. soc. 1999. 635, obs. G. Couturier ; 28 mai 2008, n° 06-46.011, Bull. civ. V, n° 116 ; Dalloz actualité, 9 juin 2008, obs. B. Ines ; JCP S 2008. 1597, obs. B. Bossu ; 30 sept. 2013, n° 12-13.439, Bull. civ. V, n° 221 ; Dalloz actualité, 18 oct. 2013, obs. W. Fraisse ; D. 2013. 2345 ; RDT 2013. 752, étude A. Fabre ; JCP S 2013. 1478, obs. P. Morvan.(16) Soc. 3 juill. 1990, n° 89-43.277, Bull. civ. V, n° 334 ; D. 1991. 150, obs. A. Bouilloux ; RDSS 1991. 154, obs. X. Prétot ; 4 mars 1992, n° 90-40.164, Bull. civ. V, n° 154 ; D. 1992. 108 ; Dr. soc. 1992. 380 ; 8 juill. 1997, n° 95-40.062, Bull. civ. V, n° 249 ; D. 1997. 194 ; JCP 1997. II. 22957, note D. Corrignan-Carsin.(17) Soc. 28 sept. 2011, préc.(18) D. Baugard, « Le contrat de sécurisation professionnelle », RDT 2011. 570.

68

>>> EN BREF

>>> Feu vert du Parlement à la réforme de la

désignation des conseillers prud’hommesLiaisons Sociales Quotidien ; Publié le 24 Novembre 2014

Le projet de loi visant à habiliter le gouvernement à procéder parvoie d’ordonnance à la réforme du mode de désignation des conseillersprud’hommes a été définitivement adopté par le Parlement le 20novembre. Les conseillers prud’hommes ne seront plus élus mais désignéssur la base de l’audience des organisations syndicales et patronales.Après un vote favorable du Sénat le 14 octobre, l’Assemblée a adopté defaçon définitive, le 20 novembre, le projet de loi relatif à la désignationdes conseillers prud’hommes. Ce texte autorise le gouvernement àlégiférer par ordonnance pour substituer à l’élection des conseillersprud’hommes une désignation fondée sur l’audience des organisationssyndicales et patronales. L’ordonnance devra être prise dans un délai de18 mois suivant la promulgation de la loi

Fin des élections prud’homales

Les conseillers prud’hommes, qui étaient jusqu’à présent élus,seront dorénavant désignés en fonction de l’audience de représentativitédes organisations syndicales, visée à l’article L. 2121-1 du Code du travail,et de celle des organisations patronales, visée à l’article L. 151-1 du mêmeCode. La loi fixe un cadre précis à l’habilitation qu’elle accorde augouvernement, et dans lequel l’ordonnance devra s’inscrire. Les garantiesd’indépendance, d’impartialité et le caractère paritaire de la juridictionprud’homale devront ainsi être respectés. En outre, l’ordonnance devraprocéder à une réforme intégrale du mode de désignation des conseillersprud’hommes, dans un souci de cohérence et d’effectivité. Elle devra ainsidéterminer les nouvelles règles relatives :

– au mode de désignation des conseillers prud’hommes ;– aux modalités de répartition des sièges par organisation dans les

sections, collèges et conseils ;– aux conditions des candidatures et à leurs modalités de recueil et

de contrôle ;– aux modalités d’établissement de la liste de candidats ;– à la procédure de nomination des conseillers prud’hommes ;– aux modalités de remplacement en cas de vacance ;– à la durée du mandat des conseillers prud’hommes ;– au régime des autorisations d’absence des salariés pour leur

formation à l’exercice de la fonction prud’homale ;– aux adaptations, le cas échéant, nécessaires en matière de

définition des collèges et des sections.Prorogation des mandats actuels

69

Après avoir été prorogés une première fois jusqu’au 31 décembre2015, par la loi n° 2010-1215 du 15 octobre 2010, les mandats actuelsdes conseillers prud’hommes sont à nouveau prorogés, ce jusqu’auprochain renouvellement général des conseils de prud’hommes, dont ladate sera fixée par décret, et au plus tard au 31 décembre 2017.Conséquences de la prorogation

La loi tire les conséquences de la prorogation des mandats en matière deformation et de fonctionnement des juridictions.• Octroi de jours d’autorisation d’absence supplémentaires. Les salariésexerçant la fonction de conseiller prud’hommes pourront bénéficier pourles besoins de leur formation et à leur demande de :

– six jours d’absence par an au titre du mandat exercé entre le 1erjanvier 2014 et le 31 décembre 2015. Les autorisations d’absenceentreront en vigueur de façon rétroactive au 1er janvier 2014 afinde couvrir les absences d’ores et déjà intervenues en début d’année(v. l’actualité n° 16633 du 18 juillet 2014) ;

– – à nouveau six jours d’absence par an au titre du mandat quicourra du 1er janvier 2016 jusqu’au 31 décembre 2017 au plustard.

• Assouplissement des règles de pourvoi des sièges vacants. Les modalitésd’affectation d’un conseiller prud’hommes à une autre section que lasienne, en cas de difficulté provisoire de fonctionnement d’une section,sont assouplies. Par dérogation à l’article L. 1423-10 du Code du travail,qui prévoit que les affectations sont prononcées pour une durée de sixmois renouvelable deux fois, la loi autorise à renouveler les affectationsplus de deux fois jusqu’à la date du prochain renouvellement général.Cette procédure dérogatoire ne pourra toutefois être mise en œuvre qu’àla condition que la vacance constatée ne puisse être pourvue par laprocédure de droit commun prévue à l’article L. 1442-4 du Code du travail,selon laquelle les candidats placés sur une liste immédiatement après ledernier candidat élu sont appelés à remplacer les conseillers élus sur cetteliste dont le siège deviendrait vacant.

>>> L’avant-projet de loi Macron vise à assouplir le

travail dominical et en soiréeLiaisons Sociales ; Publié le 19 Novembre 2014

Le gouvernement a transmis, le 17 novembre, au Conseil d’Étatl’avant-projet de loi Macron pour la croissance et l’activité. Au menunotamment de ce texte, qui doit être présenté mi-décembre en Conseildes ministres, le travail dominical et en soirée.Outre ses « propositions chocs » concernant les professions réglementées,l’avant-projet de loi Macron pour la croissance et l’activité, qui a ététransmis le 17 novembre 2014 au Conseil d’État, contient un importantvolet social, avec, en particulier, la réforme du travail dominical et de nuit,présentée ci-dessous. Le texte comporte toute une série d’autres mesures,

70

relatives à l’épargne salariale, au détachement de travailleurs, au délitd’entrave et à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, détailléesdans les pages suivantes.Les dispositions sur le dialogue social et la justice prud’homale serontdétaillées dans l’actualité du 20 novembre 2014.

Jusqu’à 12 dimanches ouverts par an

Dans la lignée du rapport Bailly (v. l’actualité n° 16479 du 3décembre 2013), les commerces de détail non alimentaires pourraientouvrir, sur décision du maire,12 dimanches par an (au lieu de cinqactuellement), dont cinq accordés de droit sur simple demande ducommerçant.Le maire fixerait par arrêté, avant le 31 décembre de l’année en cours, laliste des dimanches de l’année suivante pour lesquels il envisage desupprimer le repos dominical.Un élargissement des zonesLe repos hebdomadaire peut être donné par roulement sous conditionsdans les établissements de vente au détail de biens ou de services situéesdans des zones du territoire délimitées par le préfet.Outre des simplifications rédactionnelles (les « Puce », ou périmètresd’usage de consommation exceptionnel, et les « zones touristiquesd’affluence exceptionnelle » deviendraient respectivement « zonecommerciale » et « zone touristique »), l’avant-projet crée une nouvellezone : la zone touristique internationale. Celle-ci serait délimitée par lesministres du Travail, du Tourisme et du Commerce, compte tenu de sonrayonnement international et de son affluence exceptionnelle de touristes,notamment résidant hors de France. Cette zone devrait couvrir le secteurdes grands magasins (Galeries Lafayette ou Printemps) et les Champs-Élysées.Par ailleurs, seraient aussi concernés, dans ces trois zones, lesétablissements situés dans l’emprise des gares. Notons que la possibilitéd’ouvrir le dimanche pourrait également être accordée aux établissementsdes gares hors de ces zones, par arrêté et compte tenu de l’affluenceexceptionnelle de passagers dans ces gares.

Contreparties pour les salariés

La faculté de donner le repos hebdomadaire par roulement dans ceszones, tout comme l’autorisation accordée par le préfet de faire travaillerles salariés le dimanche « afin d’éviter un préjudice au public ou aufonctionnement normal de l’établissement », seraient accordées au vud’un accord collectif (branche, entreprise ou établissement) ou un accordterritorial fixant des contreparties pour les salariés privés du reposdominical et les conditions dans lesquelles l’employeur prend en comptel’évolution de leur situation personnelle. Actuellement, ces conditions nesont pas requises dans les zones touristiques.À défaut d’accord (attesté par un PV de désaccord dans les entreprises

71

pourvues de DS), le repos hebdomadaire par roulement pourrait être misen œuvre par décision unilatérale de l’employeur. Outre l’obligation deprendre en compte l’évolution de la situation personnelle des salariésconcernés, l’employeur devrait accorder à tout salarié privé du repos ledimanche un repos compensateur et lui verser pour ce jour de travail aumoins le double de la rémunération normalement due pour une duréeéquivalente. Le texte précise que, dans les établissements de moins de 20salariés situés dans les zones touristiques, l’employeur pourrait fixer des «contreparties différentes » ; en cas de franchissement du seuil de 20salariés, il pourrait continuer à appliquer ses « contreparties différentes »pendant trois ans.Autre précision importante : seuls les salariés volontaires travailleraient ledimanche.

Ouverture jusqu’à minuit

Les établissements de vente au détail situés dans les zonestouristiques internationales pourraient ouvrir jusqu’à minuit, l’avant-projetde loi leur permettant d’employer des salariés entre 21 heures et 24heures, sans que cela soit considéré comme du travail de nuit. Mais, pourbénéficier de cette faculté, ces établissements devraient être couverts parun accord collectif. De plus, chacune des heures de travail effectuéesdurant la période entre 21 heures et 24 heures serait rémunérée au moinsle double du salaire normalement dû et donnerait lieu à un reposcompensateur équivalent en temps.Par ailleurs, l’employeur devrait veiller à ce que le salarié dispose d’unmoyen de transport pour regagner son domicile. Surtout, ces heuresseraient effectuées seulement sur la base du volontariat (accord écrit).Ainsi, une entreprise ne pourrait refuser d’embaucher un candidat quin’accepte pas de travailler durant cette plage horaire. Enfin, le refus detravailler durant cette plage horaire pour un salarié ne constituerait ni unefaute ni un motif de licenciement et ne pourrait faire l’objet d’une mesurediscriminatoire.

>>> Le silence vaut accordSemaine Sociale Lamy ;Publié le 10 Novembre 2014

Une « révolution juridique »ou un casse-tête ? À compter du 12novembre 2014, le silence gardé pendant plus de deux mois par lesadministrations de l’État et de ses établissements publics sur unedemande vaut acceptation. Une réforme qui n’entrera en vigueur qu’en2015 dans les collectivités territoriales, les organismes de sécurité socialeet les autres organismes chargés d’une mission de service public. Ceprincipe selon lequel l’absence de réponse de l’administration estdésormais créatrice de droits se substitue à la règle du « silence vaut rejet» vieille de 150 ans. À quelques 700 exceptions près recensées dans 42décrets. Trois concernent les services du ministère du Travail, notamment

72

les relations entre l’employeur et la Direccte. Si le principe ne change paspour les licenciements de salariés protégés (le silence pendant deux moisde l’administration vaut décision de rejet), il s’applique notamment auxdérogations à la durée du travail avec de nombreuses exceptions au délaide deux mois.nos 2014-1289, 2014-1290 et 2014-1291, 23 oct. 2014, JO 1er nov.

>>> Le patronat propose de créer une instance unique

de représentationSemaine Sociale Lamy ; Publié le 10 Novembre 2014

Le patronat a proposé, lors de la seconde séance de négociation sur lamodernisation du dialogue social, de créer un « conseil d’entreprise » dansles entreprises d’au moins 50 salariés.Lors de leur rencontre du 30 octobre sur la modernisation du dialoguesocial, le patronat (Medef, CGPME, UPA) a proposé à ses interlocuteurssyndicaux (CFDT, CGT, FO, CFTC, CFE-CGC) de fusionner les instancesreprésentatives du personnel au sein d’un unique « conseil d’entreprise »dans les entreprises d’au moins 50 salariés. Une proposition inspirée duBetriebsrat allemand qui a provoqué l’ire des organisations syndicales,déjà remontées après la proposition patronale du 9 octobre d’inverser lahiérarchie des normes (voir Semaine sociale Lamy no 1648, p. 2).Concrètement, l’instance serait informée sur la situation économique etfinancière de l’entreprise et sur la situation de l’emploi et consultée unefois par an sur ses orientations stratégiques, sa gestion, son évolutionéconomique et financière, l’organisation du travail, les conditions de travailet la santé, la formation professionnelle et les évolutions technologiques.Une négociation ne pourrait s’engager qu’au cas par cas avec l’accord desdeux parties sur l’un des thèmes relevant de la consultation. Les salariésseraient consultés tous les quatre ans sur la création ou le maintien duconseil.

UN REJET UNANIME

« Aucun intérêt », pour le négociateur CFTC, Joseph Thouvenel. «Si le patronat veut aller vers une logique allemande, il doit retenir lemodèle global, à savoir un conseil d’entreprise dès cinq salariés, un droitde véto de l’instance sur les licenciements et le respect du principe decogestion dans les organes de direction. » « Une provocation » pourMarylise Léon (CFDT), « à tel point que la délégation n’a pas voulu, aucours de la séance, rentrer dans le détail d’un document qui ne pouvaitconstituer une base de travail possible ». « Pire que la précédente » pourMarie-Alice Medeuf-Andrieu (FO) qui se demande « si le patronat veutvraiment entrer en négociation ». Car derrière la proposition patronaled’une instance unique de représentation se dessine en filigrane lasuppression des seuils dans les entreprises entre 11 et 50 salariés ainsique la disparition, à terme, des CHSCT. Une proposition qui, pour Marie-

73

Françoise Leflon (CFE-CGC) « renie la présence des syndicatsreprésentatifs dans l’entreprise » et qui est très éloignée du documentd’orientation transmis par le gouvernement invitant les partenaires sociauxà débattre de la représentation de tous les salariés.

LES FÉDÉRATIONS EN ATTENTE DE «PROPOSITIONS SÉRIEUSES

»

Dans un tel contexte, peu de chances que les tensions s’apaisent lors de laprochaine séance, le 13 novembre. Pourtant les fédérations se veulentforce de propositions, notamment sur la question de la représentation. LaCFDT rêve de représentants élus « siégeant au sein de commissionsterritoriales mutualisées, chargés de conseiller, informer, représenter lessalariés [des TPE], voire de proposer une médiation ». Et la CFTC d’unereprésentation extérieure élue au niveau régional. Quant à la question dela simplification du dialogue social, toutes sont prêtes à avancer. La CFTCpropose de fusionner le CE et le CHSCT en une seule instance dans lesentreprises jusqu’à 249 salariés, « si le patronat nous fait des propositionssérieuses ». En contrepartie, la confédération demande la suppression du« seuil des 50 sur la participation aux bénéfices ». Idem à FO où l’on estprêt « à discuter de l’évolution des IRP » et à réfléchir à « plus decohérence » dans les informations-consultations « mais dans un espritloyal et à condition de communiquer une information utile qui permetted’apprécier effectivement la situation de l’entreprise ». La CFDT soutientquant à elle une organisation des informations-consultations obligatoires «plus cohérente et plus ramassée dans le temps » comprenant « troistemps forts avec l’ensemble des mandatés », « l’idée étant que les élus etles mandatés passent davantage de temps sur le fond des dossiersstratégiques qu’en une multitude de réunions dont certaines sontpurement formelles ». Et la CFE-CGC veut renforcer le nombre desadministrateurs de salariés dans les conseils d’administration et desurveillance.

Sur la question des carrières syndicales, enfin, la CFTC réfléchit à lacréation d’une commission mixte (« 50 % de syndicalistes, 50 %d’employeurs et peut-être un universitaire ») qui décidera de l’attributionou non d’une validation diplômante des acquis. « La VAE n’est pasforcément adaptée à ce type d’évaluation. » car « trop loin de la pratiquedes représentants syndicaux », estime Joseph Thouvenel.Quant à Thibault Lanxade, le négociateur patronal, il prévient : « si lamodernisation du dialogue social, ce n’est ni plus ni moins que de réduireles seuils, de réduire quelques contraintes [...] ce serait une négociation aminima, qui ne serait pas pertinente. »

74

>>> JURISTES, PRUDENCE !

Amis juristes, prudence ! La Cour de cassation a rendurécemment des arrêts qui pourraient avoir une incidence sur lescontentieux à venir. Petit tour d'horizon sur ces décisions...

PREUVE DE LA FAUTECass. Soc., 5 novembre 2014, n°13-18.427

Le contrôle de l'activité d'un salarié, au temps et au lieu de travail, par unservice interne à l'entreprise chargé de cette mission ne constitue pas, ensoi, même en l'absence d'information préalable du salarié, un mode depreuve illicite.

OBLIGATION DE FORMATION ET D'ADAPTATIONCass. Soc., 13 novembre 2014, n°13-22.786

L’employeur, débiteur d’une obligation de formation et d’adaptation, doitprouver qu’il a effectivement satisfait à cette obligation, sans que lessalariés ne doivent demander expressément à l’employeur la mise enœuvre de cette obligation.

75

« Mais attendu que le contrôle de l'activité d'un salarié, au temps et au lieu detravail, par un service interne à l'entreprise chargé de cette mission ne constituepas, en soi, même en l'absence d'information préalable du salarié, un mode depreuve illicite ; Et attendu qu'ayant relevé que le contrôle organisé par l'employeur,confié à des cadres, pour observer les équipes de contrôle dans un service publicde transport dans leur travail au quotidien sur les amplitudes et horaires de travail,était limité au temps de travail et n'avait impliqué aucune atteinte à la vie privéedes salariés observés, la cour d'appel a pu en déduire que les rapports "suivicontrôleurs" produits par l'employeur étaient des moyens de preuve licites »

CLAUSE DE FORFAIT JOURCass. Soc., 13 novembre 2014, n°13-14.206

La Cour de cassation poursuit sa lutte contre les clauses de forfait jour aumotif de la protection de la santé et de la sécurité des salariés.

MALADIE PROFESSIONNELLE : FAUTE DE L'EMPLOYEURCass. Civ 2e., 6 novembre 2014, n°13-25.825

Un salarié peut exercer une action en reconnaissance de la faute de sonemployeur contre le repreneur de la société dans laquelle sa maladieprofessionnelle s’est développée.

76

« Dès lors, en déboutant le salarié, engagé en qualité de notaire assistant, de sesdemandes d'heures supplémentaires, alors que les dispositions de l'article 8.4.2 dela convention collective nationale du notariat du 8 juin 2001, qui se bornent àprévoir, en premier lieu, que l'amplitude de la journée d'activité ne doit pasdépasser 10 heures sauf surcharge exceptionnelle de travail, en second lieu quechaque trimestre, chaque salarié concerné effectue un bilan de son temps detravail qu'il communique à l'employeur et sur lequel il précise, le cas échéant, sesheures habituelles d'entrée et de sortie afin de pouvoir apprécier l'amplitudehabituelle de ses journées de travail et de remédier aux éventuels excès, ne sontde nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables etassurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, àassurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, ce dont elle aurait dûdéduire que la convention de forfait en jours était nulle, la cour d'appel a violél'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, l'article L.3121-45 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, interprété à lalumière de l'article 17, paragraphes 1 et 4 de la directive 1993/104/CE du Conseildu 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et del'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne . »

« Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de condamnation à titrede dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation deformation et d'adaptation, l'arrêt retient qu'elle ne démontre pas avoir demandé envain à son employeur de suivre une formation professionnelle et que ce derniersoutient, sans être démenti, avoir permis à sa salariée de maîtriser les outilsutilisés dans l'entreprise lors de l'évolution de ces derniers et justifie de formationsfaites par d'autres salariés ; Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants,sans rechercher si l'employeur avait effectivement satisfait à son obligation deformation et d'adaptation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sadécision »

« Attendu qu'il résulte de ce texte que lorsque l'accident ou la maladieprofessionnelle est dû à la faute inexcusable de l'employeur, la victime a droit àune indemnisation complémentaire ; qu'elle peut poursuivre l'employeur qu'elleestime auteur de la faute inexcusable à l'origine de la maladie sans avoir égardaux conventions conclues entre ses employeurs successifs »

NULLITÉ DE LA CLAUSE DE NON-CONCURRENCECass. Soc., 13 novembre 2014, n°13-25.220

La stipulation dans le contrat de travail d'une clause de non-concurrencenulle au motif de l’absence d’une contrepartie financière causenécessairement un préjudice au salarié.

ENGAGEMENTS SOUSCRITS DANS LE CADRE D'UN

ACCORD DE GPECCass. Soc., 18 juin 2014, n°12-18.589

L'employeur s'étant engagé par un accord de gestion prévisionnelle desemplois et des compétences conclu pour une durée de trois ans àmaintenir la stabilité des effectifs du groupe, sa décision de transférer unservice à une société sous-traitante, qui emporte exclusion de salariés dugroupe, méconnaît l'engagement spécifiquement pris dans le cadre de cetaccord et prive les salariés d'une chance de conserver un emploi au seindu groupe.

MODIFICATION DE L'INTITULÉ D'UNE CONVENTION

COLLECTIVECE, 11 juillet 2014, n°360227

Le ministre chargé du travail peut, lorsqu'il procède à l'extension d'uneconvention ou d'un accord, en modifier l'intitulé.

77

« Mais attendu que la cour d'appel, ayant relevé que, par l'accord de gestionprévisionnelle des emplois et des compétences conclu le 12 octobre 2006 au seindu groupe SFR, qui était dans le débat et que ne révisait pas l'accord de méthodedu 20 juillet 2007, l'employeur s'était engagé pour une durée de trois ans àmaintenir la stabilité des effectifs du groupe SFR, a, par ce seul motif, décidé à bondroit que la décision de transférer à la société Infomobile le service client grandpublic en ce qu'elle emportait exclusion des salariés du groupe SFR, méconnaissaitl'engagement spécifiquement pris dans le cadre de cet accord de 2006 et privaitles salariés d'une chance de conserver un emploi au sein du groupe, dont elle aréparé les conséquences préjudiciables distinctes de celles des rupturesintervenues ensuite dans le cadre du plan de départs volontaires mis en oeuvrepar le nouvel employeur »

« Attendu que pour débouter la salariée de sa demande d'indemnisation dupréjudice résultant de la nullité de la clause de non-concurrence faute decontrepartie financière, l'arrêt retient qu'elle ne peut prétendre à des dommages-intérêts que si elle justifie avoir respecté cette clause et qu'il ressort des piècesversées aux débats qu'elle a été embauchée le 2 mars 2009 par une entrepriseconcurrente, exerçant une activité similaire à celle de la société qui l'employait ; Qu'en statuant ainsi alors que la stipulation dans le contrat de travail d'une clausede non-concurrence nulle cause nécessairement un préjudice au salarié, la courd'appel a violé les textes susvisés »

UNICITÉ DE L'INSTANCECass. Soc., 21 octobre 2014, n°13-19.786

Toutes les demandes dérivant d'un même contrat de travail entre lesmêmes parties doivent faire l'objet d'une même instance ; toutes lesdemandes nouvelles relatives à ce contrat sont recevables à tout moment,même en appel.

PLAN DE RECLASSEMENT INTERNETA Paris, 14 octobre 2014, n°1411810/3-1

L’obligation de prévoir un plan de reclassement interne ne s’applique passi aucun licenciement n’est envisagé.

78

Attendu que pour renvoyer l’examen des demandes relatives au licenciementprésentées par la salariée devant le conseil de prud’hommes, l’arrêt retient que lelicenciement est intervenu postérieurement à la saisine du conseil de prud’hommesainsi qu’au jugement déféré et qu’en application de l’article 6 de la Convention desauvegarde des droits de l’homme, eu égard à la nécessité d’un procès équitable,il convient, afin que les parties bénéficient d’un double degré de juridiction, derenvoyer l’affaire devant le conseil de prud’hommes ; Qu’en statuant ainsi, alorsd’une part que toutes les demandes dérivant du même contrat de travail entre lesmêmes parties doivent faire l’objet d’une même instance et que les demandesnouvelles relatives à ce contrat sont recevables en tout état de cause, même enappel, et d’autre part que les causes du second litige tendant à obtenirl’indemnisation du licenciement prononcé le 23 novembre 2012, en étaientconnues avant la clôture des débats devant la cour d’appel saisie de l’instanceinitiale, en sorte que les parties avaient eu la possibilité de présenter leursnouvelles prétentions et leurs moyens de défense en appel, sans être privées deleur droit d’accès au juge, la cour d’appel a violé les articles susvisés ;

« Considérant que si l'intitulé d'une convention ou d'un accord est dépourvu, parlui-même, d'effet juridique, une convention ou un accord est habituellementdésigné par son titre ; que, compte tenu de l'intérêt qui s'attache à ce que lesemployeurs et les salariés soient aisément en mesure de savoir de quelleconvention collective ils relèvent, le ministre chargé du travail peut, lorsqu'ilprocède à l'extension d'une convention ou d'un accord, exclure de son intitulé lestermes qui sont en contradiction ou qui créent une ambiguïté avec les stipulationsde cette convention ou de cet accord qui en définissent le champ d'application etqui, le cas échéant, sont de nature à créer une confusion avec une autreconvention ou un autre accord »

« Un plan de reclassement, qui ne s'adresse qu'aux salariés dont le licenciementne peut être évité, n'est pas nécessaire dès lors que le plan de réduction deseffectifs au moyen de départs volontaires exclut tout licenciement pour atteindreles objectifs qui lui sont assignés en termes de suppressions d'emplois ; que, parsuite, la société France télévisions était exemptée de l’obligation de présenter unplan de reclassement ; que la circonstance que l’employeur a inclus dans sondocument unilatéral un dispositif de mobilité interne, entièrement fondé sur levolontariat, ne disqualifie pas le plan de départ volontaire »

La commission presse vous remercie :

Shanice DOUARRE (Présidente)

Sophie MAZOYER (Vice-Présidente)

Margaux BORY

Camille DABAREUL

Fleur VALADE

Nicolas VAZEILLE

Frédéric VILLENA

RETROUVEZ NOUS SUR HORIZONSOCIAL.FR

79