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MÉDECINE et ,,, LIBERTE VI e Congrès F.E.A.M. C. PARIS - VERSAILLES Bi mestriel 177 Septembre -Octobre 1 988

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Page 1: MÉDECINE etln taglietta. Effets microcirculotoires du Bunomédil. vasomouon et inh1bit1on du vol vasculaire. /nt. Symposium Bunomédil Francfort, 211986. Zuckschwerdt Verlag. Munich

MÉDECINE et

,,,

LIBERTE VIe Congrès F.E.A.M.C. PARIS - VERSAILLES

• Bimestriel N° 177 Septembre-Octobre 1 988

Page 2: MÉDECINE etln taglietta. Effets microcirculotoires du Bunomédil. vasomouon et inh1bit1on du vol vasculaire. /nt. Symposium Bunomédil Francfort, 211986. Zuckschwerdt Verlag. Munich

E 0 u ~

Q:; 0

Aucœur des problèmes vasculaires périphériques:

la vasomotion Dans les malad ies ischémiques, la défai l­

lance de la vasomotricité peut aboutir à un arrêt circulatoire. Ainsi, le sang dispo­nible circule dans des vaisseaux dilatés à faib le résistance, réalisant un véritable "hémodétournement" aux dépens du reste des t issus.

Si, au niveau des t issus en état d'isché­mie, cette vasomotricité pouvait être réinduite par des médicaments vasoactifs, l'hémodétournement microcirculatoire serait inversé et permettrait une améliora­tion de la distribution du flux sanguin ainsi qu'une meilleure oxygénation tissulaire, sans modifier les conditions hémodynami­ques macrocirculatoires.

Un t el effet a été démont ré pour le Buflomédil: des t ravaux ex périmentaux et cliniques ont montré que cette molécule

est capable d'améliorer l'oxygénation des tissus ischémiés sans modifier la tension artérielle ni le volume de perfusion. Ce phénomène peut être expliqué par une redistribution du flux sanguin. Des travaux récents d'lntagl ietta ont montré que le Buflomédi l rétablit la vasomot ion:*

:•·ré( R. Chavez-Chavez, K. Messmer. M. ln taglietta. Effets microcirculotoires du Bunomédil. vasomouon et

inh1bit1on du vol vasculaire. /nt. Symposium Bunomédil Francfort, 211986. Zuckschwerdt Verlag. Munich.

buflomédil

En restaurant la vasomotion Fonzylane relance la dynamique microcirculatoire

Indications validees : Ampou/,•s "'J!!Clabl.!S Traitement des manifestations douloureuses des artenopath1es en poussee 1schen11que en association avec le traitement cturur­gic:.11 et dans l'attente de cehu-c1 ou en cas d'1mposs1b1l1te d'un geste chirurgical. Com1nmes Traitement symptomatique de la claud1cat1on 1ntenrnltente des artenopathes chrorn que; obhterantes des membres 1nfeneurs (au stade Il). NB· Cette 1nd1cat1on repose sur des essais cliniques en double aveugle par rapport a un placebo Qui montrent une augmenta t1on du perimetrede marche d'au mrnns 50 ·.chez 50a 60', des malades traites contre 20 a 40° ,des malades suivant uniquement des règles hyg1é~o-d1etellques Amehorat1on du phe1omenedeRaynaud Propriètcs: Vasodilatateur Le mécanisme de la vasodilatation est encore1mparfartement connu Deux composantes. l'une de type papavenniqtJe. l'autre ddr enolyt 1queo ont ptJ è:re 1111ses en ev1de11ce FONZYLANE restaJre une 1111crocirculat1on f onctronnelleeH cace. en ouvrant les spluncters pre-cap1llaires spasmes audetnment des shtJnts arte110 veinetJx Prcsentation et Composition : SoltJte in1ectable J.V ou l.M. (perfusion posS1ble) 50 mg de Buflomed1I (Chlorhydrate) dans 5 ml. Boite de 10 ampotJles de 5 ml. P11x 2 6.60 F + S.H.P. AMM 317.146.9. Comprimés pelhcules.150mgde Bufloméd1I (Chlorhydrate) pour un comprime. Boite de 30 compr unes pellicules Prix 44.80 F ~ S HP. AMM 317 150 6 Rembourse par la Secunte Sociale a 40%. agréé par les Collect1v1iés Publiques. Admis a l'AP. de Pans Inscrit au TableatJ C. Effets indesirables : Les effets secomlaues du rONZVLANE sont rares. transitoires et souvei1t d1ff1c1lement imputables avec certrtude au med1cament. Ont ète signales des mod1f1cat1ons du transit gastro duodenal. nausees. maux de tête. vertiges. picotement des extrem1tes avec sensation de chaleur cutanee. Posologie : Traitement d'attaque. 1 1n1echon 1 M ou 1 V lente d'une dmpoule matin et 5011 pendant IO 1ours, coi1t de traitement 1ournaher : 5.32 F. ou perfuS1on glucosée ou salee rsotornque. de 2 a 8 ampoules par 1our dans les cas severes Coût de traitement 1m11naher 5.32 a 2 1.28 F. Traitement d'entretien· 1 comprrme pelliculé malin. m1d1 et soir. cout de trai tement 1ournaher 4.48 F. Chez l'insuffisant renal. la posologie doit etrP it>dwtr de moitie

,")(:, LABORATOIRE L. LAFON B.P 22 · 94701 Matsons·Alfort Cedex· Tel. (1) 48.98.91.51 · Télex Labolaf 670.716 F.

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WIEIDlllCDllFJlE <8 IDJE lL~IFJ@WWlE Revue du Centre Catholique des Médecins Français BIMESTRIEL

RÉDACTEUR EN CHEF

pr Claude LAROCHE

CONSEIL DE RÉDACTION

MM. les Docteurs BARJHOUX (Chambéry), BOISSEAU (Bordeaux),

BREGEON (Angers), CHARBONNEAU (Dijon). DEPIERRE (Paris),

GAYET (Dijon), GERARDIN (Brive). Mme le or GONTARD (Paris),

MM. les ors MALBOS (Le Mans), MASSON (Bar-sur-Aube),

MERCAT (Ch,âteau-Renault), LIEFOOGHE (Lille). REMY (Garches),

de SAINT-LOUVENT (Paris), SOLIGNAC (Perpignan), VIGNOLLES (Tours).

COMITÉ DE RÉDACTION

M. ABIVEN - M. BOST - M. BOUREL. F. GOUST - J. GUINNEPAIN

M.J. IMBAULT-HUART - J.M. JAMES P. LAMBERT - J.M. MORETII

H. MOUROT - A. NENNA

ADMINISTRATION RÉDACTION

Centre Catholique des Médecins Français

5, avenue de !'Observatoire 75006 Paris

Tél.: 46.34.59.15

SERVICE PUBLICITÉ

158, bd Malesherbes Paris 17°

Tél.: 47.63.23.92

ABONNEMENTS

Un an: 250 F Étranger : 260 F

Le numéro franco : 50 F C.C.P. : C.C.M.F. 5635-34 T Paris

N° 177 - SEPTEMBRE-OCTOBRE 1988

SOMMAIRE • En guise de liminaire

Message à la Fédération Européenne des Associations de Médecins Catholiques par Jean-Marie, Cardinal Lustiger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2

• Les Libertés du Médecin - Devant sa conscience et devant la loi par le or A. Marcelli-Barge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 - Confronté à la parole de Dieu par le or Fr. Pinguet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

• Les Libertés du malade - Le droit de disposer de soi-même (extraits) par Madame Ch. Hennau-Hublet........................ 11 - Le refus de soins par le Père P. Verspieren sj . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 5

• Le Vl° Congrès de la F.E.A.M.C. - Carrefours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

• Évangile et liberté (1 re partie) par le Père J. Doré.................................... 25

• Une lecture du 0' Fr. Goust Le choix de Dieu par Jean-Marie Lustiger . . . . . . . . . . . . . . . 29

• Vie des mouvements médico-sociaux par le or P. Charbonneau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

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Message à l des associatio

européenne ins catholiques

par Jean-Marie, Cardinal Lustiger archevêque de Paris

Paris, le 8 mai 1988

1. - Confiance et responsabilité

jamais sans doute dans l'histoire n'a existé une société dans laquelle les hommes aient mis une telle confiance dans la médecine et dans les médecins. Les progrès de la science médicale et les succès thérapeutiques qui les ont confirmés contribuent de façon centrale à la gloire dont se pare la culture occidentale actuelle. Le prestige des chercheurs et des pra­ticiens se voit sans cesse célébré.

A l'évidence, une telle confiance découle des victoires sur les maladies et des reculs de la mortalité obtenus grdce aux méthodes de la science moderne. Mais sans doute aussi - et il ne faudrait pas l'oublier - parce que votre profession a su maintenir les principes éthiques qui spécifient la relation entre médecins et malades comme une relation humaine, personnelle, respectueuse. Et sur ces principes hérités en Europe de la culture gréco-latine, le christianisme a mis sa marque de miséricorde.

Cette confiance a de nos jours des conséquences imprévues. On vient demander toujours plus à votre savoirfaire, et cela non seulement quand il s'agit de traiter des maladies, mais encore de trouver des solutions à des problèmes qui -tout en ayant rapport avec la santé des hommes - sont d'un ordre plus large ou tout autre : difficultés relationnelles, familiales, sociales, politiques, et parfais spirituelles. La confiance, en même temps qu'elle hausse le niveau des exigences médicales, pousse à élargir le champ de compétence.

Vous savez. pourtant que de telles attentes seront inévitablement déçues, du moins en partie. Çà et là, on voit l'ado­ration se retourner en révolte et en procès contre la médecine, ses ordres, son organisation et ses membres. A la confiance succède alors la suspicion. Le contrat médical se trouve dénoncé, parfais dans son principe même, au nom de libertés nouvelles et de droits nouveaux.

Comment se comporter justement entre ces excès opposés ? Comment respecter sans en abuser cette confiance 1 Comment la mériter et l'éduquer? Comment - pour rejoindre le thème de votre congrès - faire que les libertés du médecin, des soignants et des malades se rencontrent en rétablissant sans cesse la possibilité d'une alliance ?

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Pour votre part, vous êtes responsables de la confiance qui vous est faite, en même temps que cette confiance vous rend responsables. Responsabilité et confiance vont proportionnellement de pair. La profession médicale est réputée, de nos jours, pour avoir le sens du réel - et donc du possible - ainsi que le souci de la vérité. Elle reste attentive aussi à l'équité et à la justice. Ces valeurs, loin de créer une contradiction irréductible, introduisent une dynamique. Recon­naître certaines limites à votre compétence vous invite non seulement à vous former davantage pour être encore plus per-formants, mais aussi à vous ouvrir plus largement à d'autres connaissances et à leur faire leur place, dans un dialogue avec ceux qui les maîtrisent mieux.

Il faut aller plus loin : à travers certaines demandes qui dépassent la compétence médicale, ne pourrions-nous pas percevoir les angoisses de notre monde, de nos contemporains: de quoi veulent-ils être guéris? Leur espérance n'est-elle pas fondamentalement autre que l'espoir d'une simple guérison ? N'est-elle pas proche, pour nous chrétiens, de l'espé­rance du Salut que le Christ a donné au monde 1

Un tel regard ne vient pas supprimer le sens de la tdche médicale. Il l'inscrit au contraire sur un registre où, moins surhumain, elle devient à la fais plus humaine et peut devenir plus sainte, comme une collaboration à l'œuvre du Salut que Dieu opère sans cesse. cr Nous aussi, nous sommes des hommes au même titre que vous» s'écriaient les apôtres Paul et Barnabé à ceux qui, médusés par leur pouvoir de guérir, s'apprêtaient à les diviniser. «]e ne suis qu'un homme, moi aussi » : chacun de vous pourrait faire sien cet aveu réconfortant, instaurateur d'une juste confiance, et non complice d'un penchant idolâtrique.

2. - Le médecin et les malades Un thème vous est cher, tant il est au cœur de votre expérience: la relation entre le médecin et le malade. Votre

Congrès va en traiter. En réponse à cette question de la confiance et de la responsabilité proportionnée, permettez-moi quelques réflexions, suggérées d'ailleurs par des témoignages reçus de certains d'entre vous ou de vos confrères.

Vous rencontrez. des personnes, dont chacune est unique au regard de Dieu, comme est unique son corps que vous soignez. dans sa singularité. Un malade, vous le savez., est plus que son corps. La maladie et la souffrance qui l'affectent retentissent dans toute son existence : sa vie familiale et sociale, l'image qu'il a à ses propres yeux, son attitude devant l'avenir et la lecture de son passé, et sa liberté, finalement sa vie spirituelle. Il perçoit son existence devant l'absolu et vit, sans le savoir peut-être, dans sa souffrance quelque chose de la passion du Christ. La maladie est toujours une épreuve spirituelle en même temps que corporelle ou psychique.

Le moment où vous vous approchez. du malade est donc pour lui un moment de crise. C'est lui d'abord qui combat le mal, et vous venez. l'accompagner, vous faisant d'emblée son allié. Parfois, vous vous faites, d'une certaine manière, leur avocat contre ce mal quand il s'alourdit d'un sentiment de culpabilité. Le nécessaire recul professionnel ne peut vous faire récuser ces aspects moraux et spirituels. Votre foi de chrétiens vous aide à les prendre en compte et à les res­pecter.

Faut-il rappeler l'évidence que votre tâche est d'abord un service d'autrui 1 Elle n'a pas pour but la richesse ou le prestige, ni même - et c'est fart clair dans les cas les plus dramatiques - la seule satiifaction du devoir accompli ou du travail bien fait dans une organisation efficace.

Malgré toutes les promesses de la médecine actuelle, vous vous trouvez. inéluctablement auprès de certains malades à l'approche de la mort. Cette présence renvoie chacun de nous à la perspective de sa propre mort, à sa propre souffrance et à son angoisse. Un médecin, au fond de lui-même, ne s'habitue sans doute pas à ce choc, et se résigne moins que d'autres à cette limite. Mais, pour un chrétien, la limite à la médecine que constitue la mort ne renvoie pas son enga­gement et son activité médicale à l'absurde ni à la futilité. Elle ne lui fait pas prendre le chemin d'un activisme qui deviendrait une fuite en avant ou la forme esthétique d'un subtil désespoir. Elle l'invite au contraire à faire de son activité une œuvre d'amour qui soit le signe de son espérance en la résurrection des corps, posé comme une anticipation de la réalité à laquelle nous croyons.

Dans cette présence active auprès de ceux qui souffrent, vous avez. une place privilégiée, mais vous n'êtes pas seuls. Votre service est de plus en plus collectif, tissé de ces mille solidarités techniques, relationnelles et affectives qui consti­tuent le «monde» des soignants. Il nécessite la communication, l'échange, et requiert une plus grande confiance mutuelle. Même s'il sait d'expérience que les décisions médicales graves, enfin de compte, lui incombent personnellement - et cela doit rester ainsi - le médecin aujourd'hui ne doit plus se fermer dans le quant-à-soi. Les chemins de nouveaux dialogues sont à inventer dans la profession.

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Mais la décision médicale restera une démarche personnelle, souvent prise avec une part d'inconnu, de risque, et dans l'urgence. Placez sous le regard de Dieu vos décisions, surtout les plus délicates. Découvrez la prière du médecin en vous laissant convertir à Dieu à travers votre activité et ses difficultés. Faites ce qui est en votre pouvoir tout en sachant que Dieu seul est le maître de la vie. Accompagnez, le patient en respectant infiniment son mystère propre et que Dieu seul connaît. Sans renoncer à l'action, participez ainsi à la prière des souffrants quifont l'expérience de la passivité et dont les énergies souvent si affaiblies se concentrent en un cri d'appel et paifois en une offrande, dans lesquels le Père sait reconnaître ceux de son Fils en sa Passion.

3. - Les exigences morales rappelées par l'Église

Depuis quarante ans que s'est accélérée l'innovation médicale, l'Église jusqu'en ses plus hautes autorités a apporté sa contribution dans les débats moraux soulevés. Elle a souvent élevé la voix de façon plus distincte, quelquefois en contradiction avec des vues largement partagées. En chrétiens, comment écouter ces rappels et comment y trouver une aide 1

Il convient d'y entendre un appel nouveau à considérer que la dignité du médecin lui vient non pas uniquement de son pouvoir mais de l'orientation de son pouvoir. On exige moralement plus de quiconque détient un pouvoir tech­nique et une autorité sociale accrus. Or les pièges de la fascination guettent tout détenteur de pouvoir, mettant en péril la vraie dignité et la vraie raison de ce pouvoir, qui sont d'ordre moral.

Les rappels de l'Église en matière biomédicale présupposent toujours que les chercheurs et praticiens ont une cons­cience morale, dont un point d'application privilégié est leur engagement vis-à-vis des personnes humaines, au cœur de toute activité réellement médicale. Nul d'entre vous n'est mû par des déterminismes techniques ou sociaux insurmon­tables. L'Église s'adresse à la conscience des médecins comme elle s'adresse à toute conscience humaine, en présupposant sa liberté et son goût du bien.

Parfais, il est vrai, cette parole semble dure à entendre. C'est le cas quend de tels rappels touchent à des points d'autant plus sensibles pour vous qu'ils remettent en question ou contredisent certaines ~ptions prises non sans débat intime en réponse à des demandes pratiques très instantes. En recevant une telle parole d'Eglise, le chrétien qui exerce la médecine peut faire l'expérience du «glaive» qu'est la Parole de Dieu venant, douloureusement, transpercer jusqu'à l'intime des cœurs. C'est dans une foi approfondie qu'il en déchiffrera mieux la signification.

Q,uelle attitudes suggèrent ces observations de base 1 En voici trois.

L'inventivité : quand elles prennent une forme apparemment négative, les exigences morales rappelées par l'Église n'interdisent jamais tout, elles ne barrent pas tout chemin car elles s'accompagnent toujours de l'appel à découvrir ou inventer des chemins. Plus difficiles au départ, il faut en convenir, ces chemins ne conduiront pas à des impasses mais bien à un plus haut degré « d'humanité médicale».

L'attention au cas singulier comme au principe général : dans la pratique, un jugement moral demande parfais autant d'attention qu'un diagnostic. Votre métier vous prédispose à ce sens du cas singulier, où viennent prendre place, grdce à un travail d'attention et de réflexion, les connaissances fondamentales. De même, un jugement moral en situation requiert la connaissance intériorisée des principes généraux -, celle plus précise des règles qui correspondent aux divers types de situation - l'information la plus complète possible sur les circonstances où se présente la décision à prendre, la demande d'avis, la réflexion, la prière.

Le dialogue et la confiance en Église. Avec insistance, l'Église invite partout au dialogue, invitation qui vaut émi­nemment à l'intérieur d'elle-même. Prenez votre part adive à ce dialogue. Pour cela,familiarisez-vous avec le langage d'autrui, ne laissez pas s'envenimer des zones de malentendu et de silence. Notre société fondionnelle souffre de cloison­nements qui engendrent des méfiances: l'Église souhaite devenir un lieu où s'établit la confiance. Dans votre domaine, elle désire entendre votre voix, ce qui demande sans doute çà et là un effort spécial. Dans votre voix résonne la voix des souffrants et des pauvres, comment l'Église ne l'entendrait-elle pas?

Le Congrès qui vous rassemble sera, j'en suis convaincu, une expérience de ce dialogue dans la confiance, et ainsi un événement dans l'Église. Q,u'il marque l'adualité de sa présence à la société et à la culture, aux hommes d'aujour­d'hui, avides de liberté comme de santé, aux médecins qui ont besoin de retrouver une vraie liberté par-delà l'emprise de la technique et de son pouvoir. •

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LES LIBERTÉS DU MÉDECIN

DEVANT SA CONSCIENCE ET DEVANT LA LOI

par le 0' A. MARCELLl-BARGE (*)

Au-delà de leur sens initiat les mots deviennent porteurs de connotations diflèrenciées que leur confère le milieu socio-culturel qui les utilise.

L'éthique est la science des mœurs, le reflet d'une civili­sation.

Elle inspire à celui qui doit agir, ici le médecin, des choix et des décisions basés sur des repères spirituels ou intellectuels, dans sa mission professionnelle. Elle parait mieux adaptée au présent.

Le tenne de <r morale »fait référence à un passé révolu. Alors que la morale est la poursuite du bien, l'éthique est la recherche du bonheur de l'individu et de la suroie de l'espèce humaine. Le médecin se doit de prendre en compte l'éthique d'autrui et a pour se guider les repères que lui fournissent sa conscience et la loi. Cependant, les acquisitions de la Science modifient nos modes de pensée, font évoluer les mœurs et peuvent obliger le législateur à interoenir. Plus la science progresse plus une réflexion philosophique, morale et critique s'impose pour le présent et pour l'avenir de l'homme.

Afin de confronter le concept abstrait d'« éthique» à celui « des libertés du médecin » dans le cadre de sa mission professionnelle, il convient de rappeler préala­blement à tout développement quelques définitions :

L'éthique, du grec Ethos, est la science des mœurs, le reflet d'une civilisation. Cette science n'est passim­plement contemplative. Elle recèle et secrète des pro­positions d'actions orientées par références à des repères, spirituels ou intellectuels et les suggère à celui qui doit agir, ici le médecin. Le terme tend de plus en plus à supplanter celui de la « Morale » du latin, « mos, maris» de signification étymologique identique,

Pourquoi cette orientation dans l'usage courant comme dans celui des sciences humaines 7

C'est qu'au-delà de leur sens initial, les mots deviennent porteurs de connotations différenciées que leur confère le milieu socio-culturel qui les utilise.

(*) Président du Conseil Départemental de l'Ordre des Médecins de Paris.

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Les libertés du Médecin

Le mot« Morale» supporte aujourd'hui le reproche d'édicter des conduites de sources lointaines, d'un passé révolu.

Le mot« éthique», au contraire, se réclame aujour­d'hui d'une inspiration personnelle, comme individua­lisée, mieux adaptée au présent. Ainsi a-t-on évoqué et découpé dans le panorama social, des champs éthiques et à l'intérieur de ceux-ci, une pluralité d'éthiques indivi­duelles possibles.

Une éthique valorise celui qui la revendique. Elle évoque autonomie, indépendance de la pensée. Elle se réclame d'une rigueur scientifique. Elle à l'ambition de définir le Bien et le Mal en fonction de ce qui est favo­rable ou nuisible à la protection de l'individu et à la survie de l'espèce. Au contraire de la morale, à laquelle elle reproche ses « a priori » fruits de tendances, subjec­tives, innées, ou de révélations religieuses, léthique aspire à supprimer tout désaccord possible avec les faits scientifiquement démontrés. Tandi~ que la Morale est la poursuite du Bien (Platon), !'Ethique est la recherche de ce qui est bon : la recherche du Bonheur (Aristote). Elle n'exclut pas une connotation empirique. « Il faut écarter le nuisible, l'inutile, développer le néces­saire » écrit Jean Bernard dans « L'homme changé par l'homme», citation à rapprocher d'un texte de Patrick Verspieren (revue Laënnec, Printemps 83): «Trop souvent sont invoqués de façon unilatérale certains devoirs de la profession médicale ... , c'est tout l'esprit de cette conception de la profession, qui mériterait d'être reconsidéré, de façon à éviter que le malade ne devienne prisonnier de ces devoirs du médecin. En tout cas, le premier devoir du médecin, celui qui passe avant les autres, est de faire son possible pour permettre au malade de vivre selon ses propres convictions, son échelle de valeurs, ses choix les plus personnels.»

Et du même auteur, dans« Face à celui qui meurt»: « Les arguments apportés par les juristes tiennent-ils encore de nos jours ? Il est parfois pleinement légitime au plan éthique, d'en appeler à la liberté et à la respon­sabilité personnelle et de transgresser la loi civile. » A propos du Code de Déontologie Médicale : « De toute façon, ce ne sont pas les textes aussi bien rédigés soient-ils qui feront parvenir notre Société à une attitude de sagesse, face au développement des tech­niques.»

Ainsi l'éthique ne s'écrit pas. Mais peut-elle l'em­porter sur la morale officielle et sur la loi ?

En effet, les principes traditionnels de l'exercice médical sont inscrits dans le Code de Déontologie,

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recueil de règles pratiques, décrét d'application du Code de la Santé, c'est-à-dire de la loi, périodiquement remis à jour.

Pour le médecin, qu'il soit chercheur dans son labo­ratoire ou clinicien au chevet de son malade, ces prin­cipes exigent, comme le rappelait récemment le Pro­fesseur Villey : « la compétence et le souci constant de lacquérir et de la conserver, le respect de la vie humaine, de la personne humaine, c'est-à-dire de sa dignité et de sa volonté, la non-discrimination entre les malades, le devoir de porter secours. »

Contraintes librement acceptées de la morale dite traditionnelle.

On peut les faire tenir dans la formule «intérêt du malade» dont la préoccupation exclusive qu'en aura le médecin digne de ce nom là encore, traduit la projection dans sa pensée et son action de « lAmour du Pro-chain». -

La survenue de connaissances scientifiques nou­velles, les visions rénovées qu'elles projettent sur des situations et des réalisations pratiques, rendent néces­saire une réflexion éthique permanente, démarche intel­lectuelle attentive qui ne doit pas se laisser prendre aux pièges et aux mystifications d'une sémantique parfois laxiste, qui sera ultérieurement évoquée.

Depuis un siècle et demi environ, la Science et les Techniques ont conquis en effet indépendance, ini­tiative et notoriété. Guidées par les progrès de la com­munication, s'introduisant dans les mœurs, elles modi­fient les mentalités, forcent la main du législateur. Bref, elles s'imposent dans les faits, même si elles ne reçoivent pas toujours bon accueil auprès de certaines instances où s'exerce une réflexion spirituelle, intellec­tuelle, «Morale», critique.

Primitivement observatrices, descriptives, interpré­tatives, les sciences sont passées aux interventions sur la nature et sur l'Homme. Elles deviennent instrument de puissance des États, voire de séduction du Peuple. Le jugement réservé de Jean-Paul Il dans l'encyclique « Redemptor Hominis » pourrait être ici rappelé : «Passé le bénéfice immédiat qu'il en retire, les réalisa­tions de la main et du cerveau de l'homme, à terme, ris­quent de se retourner contre lui.» Et Edgar Morin n'a-t-il pas lui aussi dénoncé « l'Homosapiens demens » ?

S'agissant de la Médecine, les progrès réalisés pour une meilleure connaissance de l'Homme malgré d'inévitables échecs, voire des effets pervers par­viennent à apporter à celui-ci une amélioration incontes­table dans la qualité de la vie.

Mais les « services rendus » par la Science sont parfois perçus par ceux qui en bénéficient comme un pouvoir exorbitant suscitant des contre-pouvoirs. Le «pouvoir des médecins», ce pouvoir pesant, a souvent été évoqué. Une des composantes incontournables de ce pouvoir est de respecter «l'éthique d' Autrui». « AUTRUI » dont par ailleurs, il est admis comme évi­dence «qu'il est un mystère jamais totalement péné­trable».

L'éthique de chacun étant l'émanation de sa propre conscience, une approche de sa nature et de ses contours s'impose. Une conscience se construit tout au long d'une existence.

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Elle choisit ses sources dans le cours de l'histoire et de la civilisation qu'elle côtoie. Elle doit se nourrir de rigueur. Abandon et laxisme ne sont pas conscience. Telle qu'elle est, sa conscience va aider le médecin à essayer d'identifier ce qu'il est convenu d'appeler« les biens fondamentaux» c'est-à-dire la philosophie de son patient.

Et d'abord ce consultant est-il en recherche de soin pour un état pathologique objectivement définissable ? ou bien souhaite-t-il une prise en charge pour un de ces états physiques ou psychiques qui sont davantage des manières d'être et de ressentir, petites souffrances, lot quotidien de toute existence humaine, mais qu'un nombre croissant de personnes refuse de tolérer sans avoir pu les identifier (le mal dans sa peau) ; ou bien ce consultant est-il en proie à un de ces désirs éveillés par le monde moderne ? Fait-il appel à ce qu'il est convenu d'appeler« la médecine de convenance»?

Convient-il de l'accueillir en lui demandant non plus : « de quoi souffrez-vous ? », mais « Que désirez­vous ? », comme le suggère Michel Foucault.

Médecine de convenance, celle précisément sur laquelle la Morale d'hier porte un regard plutôt sour­cilleux, alors qu'éthique et éthiques diverses lui réservent bienveillance et encouragements.

C'est lors de cette approche initiale que le médecin doit prendre en compte l'éthique de son malade et choisir lui-même pièce à pièce, les notions qu'il juge utile d'insérer, d'ajouter dans le puzzle des connais­sances et des dispositions de son patient. Cette relation médecin-malade selon la formule heureuse du pr Portes, ne peut être que «la rencontre d'une confiance et d'une conscience».

L'information donnée par le médecin peut cependant être biaisée par les dérives du vocabulaire. En voici deux exemples : • Euthanasie, qui de son sens étymologique parfai­

tement innocent de «bonne mort», c'est-à-dire ini­tialement : mort accompagnée d'un minimum ou d'absence de souffrance physique ou morale, signifi­cation que lui donnait Bacon en 1605, a glissé presque en quatre siècles, portée par la révolution de la médecine et des mentalités, au sens de : « donner sciemment et volontairement la mort».

Ainsi, un geste meurtrier se déclarant tel, s'in­troduit et se fait admettre peu à peu dans une partie de l'opinion et frappe à la porte du Parlement pour se faire légaliser. • Autre dérive sémantique : le sort en suspens du mot

médicament. 95 % des médecins interrogés par sondage il y a environ deux ans (Quotidien du Médecin), ont répondu que la pilule contraceptive était un médicament (selon le dictionnaire : substance thérapeutique destinée à combattre une maladie).

Or, il est bien évident que stricto sensu, dans des conditions normales, la fécondité et la grossesse dite normale, fonctions physiologiques, ne sont pas des maladies. La pilule contraceptive n'est pas un médi­cament au sens académique du terme, mais elle est considérée comme tel, avec acceptation des risques inhérents à son emploi, face à une situation qui n'est pas un événement pathologique.

Enfin, avoir présenté les nouvelles techniques de procréation artificielle (F.l.V.E.T.E.) sous l'appellation de «traitement de la stérilité » procède d'une méta­phore médiatique à sensation qui enthousiasma sur le champ un nombre important de couples souffrant pro­fondément d'infécondité, et l'opinion générale aussi. Et pourtant, la stérilité proprement dite demeure. Elle est seulement contournée.

Ainsi, l'esprit, à partir de mots anciens biaisés, ou de mots nouveaux choisis, reconstruit des objets, des faits, des situations qui ne sont plus ce qu'ils étaient hier. Et c'est à partir de semblables exemples de glisse­ments du jugement commun vers de nouvelles concep­tions des choses par le conditionnement de la pensée collective, que se construisent inévitablement les éthiques nouvelles. Chaque catégorie culturelle se forge sa propre éthique. L'intensification et la diversification de la communication à l'intérieur, comme à travers les frontières, font que modes de penser nouveaux, indivi­duels et collectifs, sont en constants déplacements. Ils constituent l'imprévu inévitable, exigeant des réponses à adapter constamment à cette dynamique des civilisa­tions et aux contraintes économiques qui imposent cer­tains choix dramatiques mais raisonnables en fonction de l'âge ou du caractère incurable d'une pathologie.

Et s'agissant du médecin, chercheur ou clinicien, et quelquefois les deux ensemble, tel est le point de ren­contre obligé de sa liberté d'esprit et plus concrêtement de ses libertés d'action, avec ce critère ~pirituel essen­tiellement protéiforme qu'on appelle Ethique aujour­d'hui.

Comment définir le concept de liberté?

Selon Jean-Paul Sartre: «c'est la séparation de l'existence d'avec le monde et les hommes», formule dans laquelle nous pressentons une attitude d'indiffé­rence.

En revanche, la liberté «détente en action de la conscience» selon Bergson, recueil des expériences passées et regard tourné vers l'avenir, semble dériver de la pensée Augustinienne, «le Passé et I' Avenir sont pensés en même temps que le Présent, il y a un temps du Passé, un temps du Présent, un temps de I' Avenir, qui sont présents ensemble dans nos consciences».

Formule qui, par ce regard sur l'avenir, nous paraît celle qui définit le mieux cette liberté responsable qui doit être celle du médecin.

Ainsi, la liberté c'est le pouvoir d'être soi, mais en accord avec son « Moi » profond ; cette conscience constituée, structurée au fil des années en fonction des expériences acquises et en fonction des échanges et des contacts établis avec les différents milieux que nous propose l'existence: milieu familial, social, profes­sionnel, intellectuel, spirituel.

La pensée et l'action du médecin ont pour se guider, à la fois les repères que lui fournissent: sa cons­cience, la loi qui fixe à ses libertés comme contours les libertés d'autrui, et ce « langage éthique de portée juri­dique» (P. Verspieren), périodiquement remis à jour qu'est le Code de Déontologie.

Il apporte au médecin la réponse, souvent directe, écrite, à la question posée. Il ,inspire efficacement lorientation de son esprit - son Ethique personnelle -

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Les libertés du Médecin

exclusivement vers l'intérêt de celui qui le consulte : l'intérêt au sens le plus élevé du terme, dans sa conci­liation de l'intérêt individuel avec celui de la Société, et aujourd'hui de l'espèce humaine.

Cependant, comment discerner l'intérêt de l'in­dividu, de la Société, de l'Espèce, intérêts qui peuvent être discordants, opposés dans l'immédiat ou à terme?

La science seule peut-elle nous donner les moyens de nous affranchir des effets secondaires pervers qu'elle nous inflige selon certains?

En somme, est-il possible, après reniement d'une morale« a priori» qui procéderait d'un principe spirituel supérieur de ne fixer choix et décisions qu'en fonction d'une éthique déduite des données scientifiques acquises?

Il nous semble qu'à l'heure actuelle, l'exigence du respect de la vie et de la dignité de l'homme, forme la plus élevée de son intérêt, constitue la base d'un système de valeur que le seul niveau de développement acquis des sciences ne peut fournir. Science et Progrès ne peuvent encore, à l'heure actuelle, être identifiés au Bien.

Le choix s'offre ainsi au législateur: • soit d'atténuer la force de la loi en respectant la

liberté du médecin, la clause de conscience lors de la loi autorisant l'avortement sous certaines conditions, en est un exemple,

• soit s'abstenir et prendre son temps; il en est ainsi devant les méthodes de procréation médicalement assistée, surpris qu'il est par les changements de cap d'une médecine dont la finalité n'est plus exclusi­vement de soulager et de guérir, mais de répondre à des désirs devenus besoins, et en passe d'être reconnus légitimes.

Et puisque les lois et les mentalités des différents pays de l'Europe ne sont pas les mêmes, force est donc à l'heure actuelle, de conserver et de respecter les limites qu'ils se sont fixées, en tenant compte d'une part des ouvertures qui nous sont chaque jour offertes par la science, et d'autre part, ,en sollicitant les avis des Ordres et des Comités d'Ethique des différentes Nations qui s'efforcent d'apporter leur pierre à la cons­truction permanente de nos consciences; c'est la tâche de I' Association Médicale Mondiale, et dans certaines circonstances des Comités d'Experts.

« Trouver l'invariant sous la variété » (Cl. Levi­Strauss) A l'heure actuelle et dans l'avenir, en chaque circonstance au moment de la décision d'agir, le médecin est et sera toujours seul responsable. •

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CONFRONTÉ À LA PAROLE DE DIEU

par le D' Fr. PINGUET (*)

Le mot tr liberté » est entendu dans le sens de cr capacité pour l'homme de reconnaitre le bien, à le choisir et à le réaliser».

Le malade pour exercer cette liberté doit être capable de la mesurer, être ieformé de son état, définir son choix.

Le gynécologue s'efforce d'opposer à la maladie une efficacité technique. Face à la multiplicité des désirs qui s'expriment, il est parfais interrogé dans sa conception de l'homme.

L'étude de la parole de Dieu peut donner une dimension sup­plémentaire à la connaissance de l'homme.

Permettez moi de vous faire part de quelques réflexions concernant le lien entre médecine et liberté à partir de mon expérience de gynécologue et confrontée à la Parole de Dieu. J'entends dans le mot liberté, la capacité de l'homme à: - reconnaître le bien (ce qui est bon pour lui),

- à le choisir,

- et à l'accomplir.

POUR LE MALADE

Être capable de reconnaître le bien et de le choisir suppose une information en vérité, or:

• Il y a ceux qui ne veulent pas savoir, pour ne pas être confrontés au choix, à la responsabilité ; l'ignorance, la dépendance par rapport à celui qui sait, le médecin, peut être vécue comme confortable par certains.

• Que faisons-nous : acceptons-nous d'emblée cette situation ou provoquons-nous lautre à plus de lumière, plus de responsabilité pour qu'il grandisse en humanité ?

• Il y a ceux qui ne savent pas, parce que personne ne les a informés. Ne serait-ce pas parfois le reflet de nos déficiences sur un sujet bien précis, et ô combien

(9) Gynécologue - Paris.

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délicat pour certains ? mais qui concerne la plupart des patients que nous rencontrons, la régulation des naissances, sommes-nous informés voir formés en vérité sur les possibilités dites naturelles ?

• Quelles informations donnons-nous à nos patients en fonction des connaissances actuelles ? si les médecins catholiques ne font pas une information en vérité sur ce sujet, cela me paraît une grave lacune pour les hommes et femmes de notre temps. En sommes-nous persuadés ?

• Informer n'a jamais été décider pour l'autre, mais le conduire à plus de liberté.

• En effet, savoir ce qui est bon pour lui ; le consultant vient souvent avec une idée bien précise, voire un choix déjà fait surtout lorsqu'il s'agit de ce que l'on peut appeler les nouvelles demandes, et plus particu­lièrement en gynécologie :

- aidez-moi à avoir du plaisir,

- aidez-moi à ne pas avoir un enfant à tout prix,

- aidez-moi à avoir un enfant à tout prix,

puisque vous en avez les moyens, j'en ai le droit ... Cette demande est faite par une personne qui, ayant reçu certaines informations, a fait un choix qui, dit­elle, est du ressort de sa liberté et elle nous demande de l'aider à l'accomplir; elle exerce sa liberté en nous dictant pour ainsi dire une conduite: qu'en est-il alors pour le médecin ?

POUR LE MÉDECIN

Pour ce qui est de connaître la vérité, nous recevons une formation biologique importante, une for­mation psychologique modeste, quand elle n'est pas inexistante ; mais toutes ces sciences peuvent-elles vraiment tout nous apprendre sur l'homme ? elles nous répondent au comment fonctionne-t-il, non au pourquoi de son existence, à sa finalité ; sur ce point quelle est notre formation philosophique, théologique?

Choisir ce qui est bon pour lautre : le médecin a appris à le faire en fonction de ses connaissances tech­niques, mais il est évident que face à certaines situa­tions ce n'est plus la technique qui est sollicitée mais sa propre réponse à : qu'est-ce que l'homme ?

• quand la contraception considère la fertilité comme une maladie qu'il faut soigner et la grossesse un risque contre lequel il faut se prémunir, que fait le médecin chrétien? n'a-t-il pas une parole à dire, une autre proposition à faire ? la régulation des nais­sances par la reconnaissance des signes de fertilité n'est-elle pas un appel à plus de liberté, plus de res­ponsabilité?

• quand la loi permet de supprimer lenfant dans le sein maternel ? quand diverses techniques prénatales sont utilisées pour décider que tel handicap ou telle maladie interdit à cet enfant de voir le jour, que fai­sons-nous comme chrétiens ? de qui, de quoi témoi­gnons-nous ?

• quand pour répondre à une demande d'enfant nous substituons à l'acte sexuel fécondant originel d'astu-

cieuses manipulations mais souvent peu respec­tueuses du respect de la vie, de l'être humain à son tout début, qu'osons-nous dire?

Toutes ces questions concernent l'origine de la personne humaine, sa finalité : ce ne sont ni la biologie, ni les sciences humaines qui peuvent répondre exclusi­vement à ces questions.

Face à la souffrance et la maladie, le médecin répond par des techniques, et avec un souci d' effi­cacité: c'est une nécessité; or, le développement des techniques dans le domaine de la biologie de la repro­duction est tel qu'on pouvait lire cette réflexion dans les colonnes d'un journal médical en 1981 :

« l'humanité en est-elle arrivée aujourd'hui à un tournant où, au lieu de subir la biologie et ses règles, elle aspire à maftriser sa vie et devient, de fait, le dieu de son propre destin ? »

Revue gyn-obst

N'est-ce pas là, la tentation de la toute puissance ? le péché dit d'origine?

Face à la demande qui nous est faite de façon aiguë, urgente, dramatique parfois, qui va répondre? • Le médecin, technicien compétent et efficace à qui il

est demandé d'exercer son savoir, façon pour lui aussi de vérifier son utilité et son pouvoir ?

• Le médecin, qui confronté à la souffrance ne la sup­porte pas au point de la faire cesser, au plus vite, car c'est d'abord intolérable pour lui? reflet inéluctable de son échec ?

• Ou bien le chrétien, qui résistant aux multiples pres­sions dont il est lobjet de la part des malades, des confrères, de la société, des idéologies ambiantes soucieuses d'efficacité immédiate, visible, de renta­bilité, facilité ...

Oserons-nous dire, témoigner, que ce qui est vital c'est d'être aimé et de pouvoir aimer, que Dieu est la source de tout amour, que ce qui nous paraît petit, méprisable a du prix aux yeux de Dieu, oserons-nous témoigner de notre foi en Jésus-Christ seul Sauveur ? • Enfin en tant que malade ou médecin, nous sommes

confrontés : - aux limites de nos connaissances, - aux différences : de nos affectivités, de nos opi-

nions, de nos idéologies, de nos histoires person­nelles ...

qui pourra nous délivrer de toutes ces pesanteurs ?

QUE NOUS DIT LA PAROLE DE DIEU?

• Au sujet de la connaissance

Jean IV - 25 la samaritaine :

«Je sais que le Messie, celui qu'on nomme le Christ, doit venir. Quand il viendra il nous fera tout connaftre ; Jésus lui dit «je le suis moi qui te parle».»

Acceptons-nous de recevoir des réponses à nos questions ailleurs qu'auprès des sciences? acceptons nous de nous laisser enseigner par le Christ jusque dans notre attitude professionnelle, nos décisions thérapeu­tiques ? tout homme étant créé à l'image de Dieu même s'il ne se reconnaît pas en réalité enfant de Dieu,

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Les libertés du Médecin

avons-nous toujours le souci de le regarder comme appelé à vivre cette réalité et pour le moins à la découvrir ? et peut-être à nous de lui annoncer ?

St Jean VIII 31-32: « Si vous demeurez dans ma parole. vous serez vraiment mes disciples; vous connaitrez alors la vérité et la vérité vous rendra libres.»

Comme disciples du Christ, quelle fréquentation de la Parole avons-nous, pour approfondir notre connais­sance de l'homme ?

• Au sujet du choix

St Jean XVI 13 «Quand il viendra lui, /'Esprit de vérité, il vous introduira dans la vérité toute entière »

Acceptons-nous de nous laisser guider, non par les normes sociales d'efficacité, rapidité, immédiateté, ren­tabilité, les normes culturelles, notre affectivité, mais par !'Esprit, celui qui bannit toute peur, celui qui nous est donné quand nous nous laissons regarder par le Père dans une attitude filiale 7

St Matthieu VII 13 « Entrez par la porte étroite, large et spacieux est le chemin qui mène à la perdition ... étroite est la porte et resséré le chemin qui mène à la vie. »

Choisir Dieu aujourd'hui n'est pas aisé.

• Au sujet de l'accomplissement: Dieu nous en donne la force nouvelle ; confrontés à des demandes pres­santes, à des possibilités techniques, il nous est demandé d'être des témoins de la bonne Nouvelle de l'Évatlgile; le Christ nous le rappelle par la voix de son Eglise : celle-ci nous y invite donc, trop souvent pour certains de nos contemporains.

Quelle est notre attitude ? ne sommes-nous pas souvent incrédules au lieu d'être croyants 7

Ayons donc la Foi au Christ et à son Église quand elle vient éclairer notre route ; le Christ lui fait entière confiance et nous 7 Souvenons-nous de la prière de Salomon:« j'ai prié et l'intelligence m'a été donnée; j'ai supplié et !'Esprit de sagesse est venu en moi». Si la faculté forme nos intelligences sur le comment de l'Homme, elle ne dit mot de sa finalité ; la S,agesse, elle, se transmet, elle se reçoit de Dieu et en Eglise : - soit la science porte en elle-même sa justification et

Dieu est exclu, - soit elle accepte de se mettre au service de la per­

sonne humaine et donc de sa finalité spirituelle.

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ACCEPTER LA LUMIÈRE DE LA PAROLE DE L'ÉGLISE

«Certains refJ.Jsent d'adhérer aux exigences de Dieu rappelées par l'Eglise au nom du jugement de leur prop~e conscience. Ils estiment, en effet que l'autorité de l'Eglise est celle de l'opinion subjective de quelques ecclésiastiques, au mieux l'autorité du jugement de conscience du Pape ou des évêques ou de tel groupe. En fait cela revient à dénier toute consistance objective à la révélation de la volonté de Dieu, de la vocation de l'homme ... que doit faire le croyant aux prises avec ces difficultés 7 Le premier recours, bien sOr, est de retrouver une attitude de Foi et de se dire « je pense que ce que je fais est bien ; je ne comprends pas l'exigence dont l'église se fait le témoin. Mais malgré le jugement de ma conscience, je veux croire en Dieu: il me parle aujourd'hui par son Eglise qu'il assiste de l'Esprit Saint» . . . si cette parole vous paraît incompréhensible ou révoltante accordez lui au moins le crédit qu'il vous faut l'écouter avec Foi et respect: elle vient de Dieu.

Regardons Marie retrouvant Jésus dans le temple au milieu des docteurs.

Elle, modèle de la Foi, n'a pas tout compris sur le moment, mais elle a fait confiance et dans le silence de son cœur, elle a médité la parole reçue de son Fils pour y trouver une plus grande lumière.

Si nous avons quelquefois des diffi­cultés à entendre certaines choses, ne pourrions-nous pas, d'abord faire silence pour écouter avec le cœur ce que le Christ, ce que l'Eglise veut nous dire en nous souvenant bien que le Christ nous C!ime tous, et que c'est, par amour, que l'Eglise dit une parole. •

Liste des annonceurs

LAFON . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Il

LOGEAIS.......................... 20

EUROTHERMES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

ROUSSEL.......................... Ill

SERVIER .......................... IV

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LES LIBERTÉS DU MALADE

LE DROIT DE DISPOSER DE SOI-MÊME

par Christiane HENNAU-HUBLET (*)

Extraits de la Conférence dont le texte intégral est publié dans les Actes du B6 Congrès de la F.E.A.M.C. «Médecine et Liberté».

Les médecins connaissent la difficulté de prendre des mesures tenant compte des divers intérêts en présence comme en témoignent les déclara­tions dt Tokyo (1975) et Venise de ['Association Médicale Mondiale, relative à l'expérimentation sur l'homme : primauté des intérêts du sujet sur ceux de la science et de la Société.

Le droit exige que les ades médicaux - généralement invasifs - en plus de l'adhésion libre et éclairée du sujet, aient un intérêt direct pour la santé ou la vie du patient. Ces repères légaux peu nombreux paraissent insuffisants.

Cette nécessaire <r légalité élémentaire» de l'acte guide le médecin dans son choix : elle lui impose de refuser d'être le seroiteur sans· discer­nement de toutes les volontés du malade qui comporterait le sacrifice démesuré d'une valeur tierce.

Encore faudrait-il que la société se prononce sur les valeurs qu'elle entend protéger spécialement si l'être humain ne peut s'exprimer, et s'il est dans un état de dépendance à l'égard d'autrui. Il est tentant pour le chercheur (dans l'exemple de la F.I. V.E.T.E.) de dénier à l'embryon, tota­lement dépendant in vitro, sa qualité d'être humain qui définit son droit à l'inviolabilité.

Ces questions concernent l'avenir des hommes et de la société. Ell~s ne peuvent pas relever de la seule communauté scientifique. La responsa­bilité de ces options fondamentales définissant les limites de 11 ['humai­nement acceptable» appartient à l'ensemble des communautés de citoyens.

INTRODUCTION. LE DROIT DE DISPOSER DE SOI-MÊME. ÉTENDUE ET LIMITES

Nul ne conteste aujourd'hui le principe de l'inviolabilité de la personne humaine et de l'intangibilité de son corps. Si ce droit individuel, dont la conquête n'est guère lointaine, entend idéalement mais clairement protéger la vie et l'inté­grité physique de l'homme contre toute agression exté-

(9) Chargée d'enseignement à la Faculté de Droit de l'U.C.L.

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Les libertés du Malade

rieure, publique ou privée, ce même droit est-il également opposable à la personne humaine qui voudrait disposer d'elle-même, c'est-à-dire de son propre corps, de sa vie, voire de sa capacité à donner la vie ?

L'inviolabilité de l'homme interdit-elle à ce dernier de disposer à son gré de son corps, ou la liberté de l'homme postule-t-elle au contraire qu'il jouisse d'une totale appar­tenance-maîtrise sur son corps, d'un droit inconditionnel d'en user et d'en disposer?

Au regard de la loi pénale, l'impunité souvent assurée aux actes lésionnels perpétrés sur soi-même - mutilations volontaires, suicides, intoxications - ne permet aucu­nement de conclure à l'existence d'un véritable droit sub­jectif de disposition sur soi-même, mais répond à une str~­tégie de la politique criminelle qui, en deçà d'un certain seuil de gravité de l'acte ou de préjudice pour la collec­tivité, juge la non-intervention du droit pénal préférable et ce, dans une société donnée à une époque déterminée.

Pas plus qu'en droit pénal, la libre disposition de l'homme sur lui-même n'est consacrée par le droit civil. Le principe de l'autonomie de la volonté s'y voit en effet limité par le caractère « hors commerce » et dès lors inaliénable du corps humain. Toute convention relative à la personne physique et à ses attributs n'est pas interdite, mais la juris­prudence et la doctrine s'accordent pour subordonner la validité de pareille convention à la licéité de sa cause.

Par la théorie de la cause licite, c'est-à-dire conforme à la loi, à l'ordre public et aux bonnes mœurs, le droit tente ainsi d'ordonnancer les valeurs concernées par la convention des parties. Si l'atteinte, réelle ou virtuelle, consentie par la personne sur son propre corps n'apparaît pas disproportionnée au regard du bienfait espéré pour elle-même ou éventuellement pour autrui, le droit recon­naîtra des effets juridiques à la volonté qui s'est légalement exprimée. Par contre, il rejettera l'acte dont l'objectif, même important et légitime, nie ou dégrade la personne.

1. DISPOSITION DE SOI-MÊME ET ART DE GUÉRIR

Cette tension entre le principe de l'inviolabilité du corps humain et celui de l'autodétermination de l'homme se manifeste tout particulièrement à l'occasion de l'exercice de l'art de guérir. Nécessitant très souvent une atteinte à notre intégrité, l'acte médical puise-t-il sa légi­timité dans la demande de soins et le consentement du patient?

Condition généralement nécessaire à la licéité de l'acte médical «lésionnel», il se déduit de nos propos intro-

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ductifs que la libre acceptation du malade est cependant insuffisante pour justifier une intervention médicale qui porte ou peut porter atteinte à notre intégrité corporelle, à notre santé.

Tirant sa justification de la loi elle-même qui l'autorise, de manière plus ou moins expresse et plus ou moins spéci­fique, l'acte médical invasif voit sa licéité subordonnée non seulement au respect de conditions formelles explicitement libellées par la législateur, mais aussi et surtout, étant donné la rareté des balises légales applicables à l'activité médicale, au respect de la légalité élémentaire de tout acte.

Au rang des conditions de légalité formelle nous relevons notamment, en plus du principe de lobtention de l'acquiescement libre et averti du patient, la poursuite d'un objectif thérapeutique ou diagnostique (ou préventif) immé­diatement profitable au malade.

A ces conditions formelles qui concourent d'un point de vue pénal à la justification objective d'une lésion corpo­relle, et d'un point de vue civil à la licéité de la cause du contrat de soins, s'ajoutent des conditions «immuables dans le temps et l'espace, parce que fondées sur la cohé­rence rationnelle des choix et des décisions». Ces condi­tions dites de légalité élémentaire doivent nous permettre d'affiner notre perception de la légitimité d'un acte, spécia­lement là où le pouvoir discrétionnaire de l'homme -comme la personne à légard d'elle-même ou encore le médecin à l'endroit du patient - s'exerce avec peu, voire sans repère concret.

Les deux premières conditions de la légalité élémen­taire - l'utile et le strictement nécessaire - interdisent au médecin œuvrant à un objectif en principe thérapeutique, d'exécuter des prestations qui ne seraient pas directement utiles à la santé de son patient ou encore qui, tout en étant utiles ne réaliseraient pas leur objectif de soins « aux moindres frais» car existaient d'autres mesures tout aussi performantes et présentant moins de risques. Quant à la troisième condition - le proportionné - , elle rend illicite l'acte de soins, pourtant utile et strictement nécessaire à la satisfaction de l'intérêt médical ponctuel du malade, s'il apparaît que les inconvénients directs ou plus lointains inhérents à son exécution sont en totale disporportion avec le problème médical dont est saisi le praticien. La licéité de l'acte médical est donc subordonnée au respect d'un point d'équilibre entre tous les intérêts en pré­sence.

Cette nécessité d'une conduite rationnelle conciliant au plus juste les valeurs ou les intérêts éventuellement en conflit, renforce donc le droit à /'inviolabilité du corps humain qui tend déjà à protéger lexigence de principe du consen­tement libre et éclairé du patient, et limite en même temps le droit à /'autodétermination du malade sur son propre corps : si celui-ci a le droit juridiquement protégé de ne pas tout accepter, à l'inverse il ne peut tout demander.

2. DISPOSITION DE SOI-MÊME ET MÉDECINE ACTUELLE

L'homme ne peut pas tout demander à la médecine. Et pourtant, le concept de santé tend à s'élargir au point de s'identifier, si l'on adopte la définition de 1'0.M.S., à« l'état de complet bien-être physique et mental, permettan! le plein épanouissement de chacun». Un tel ph~non:iene suscite chez le patient de nouvelles demandes et fait aujour­d'hui basculer dans la «thérapeutique» ce qui n'était encore hier qu'actes de «pure convenance personnelle» condamnables aux yeux du droit.

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Par ailleurs, ces exigences toujours plus diversifiées du patient qui revendique une sorte de droit à la santé, sont nourries - on ne peut l'ignorer - par loffre de soin elle­même. Celle-ci, avec le concours parfois des autorités poli­tiques ou sanitaires d'un pays, «médicalise» en effet la santé au point que l'homme, souvent à son insu, est influencé dans l'exercice légitime de son droit à disposer de lui-même, à gérer sa santé. La médecine s'impose à l'homme.

Hormis quelques exceptions où, en dehors de tout contexte thérapeutique, des législateurs nationaux ont autorisé le médecin dans des conditions plus ou moins pré­cises à pratiquer sur autrui des actes invasifs dénués d'in­térêt pour la santé physique ou mentale de celui qui les subit - essais cliniques de nouveaux médicaments sur le sujet sain, stérilisations purement contraceptives, avorte­ments sur indication eugénique ou sociale par exemple -l'acte médical lésionnel non thérapeutique s'inscrit hors du champ de la loi et expose son auteur au risque d'une sanction pénale, sans préjudice d'une éventuelle action en responsabilité civile pour le dommage causé. Tel serait le cas de la stérilisation des anormaux en vue de la prévention de la multiplication des inaptes, de la précipitation de la mort en vue de soulager la souffrance, du recours à une mère de substitution dans le cadre d'une insémination arti­ficielle ou d'une fécondation in vitro afin d'épargner à la mère affective ou biologique de l'enfant les inconvénients d'une grossesse, ou encore de l'insémination artificielle de femmes célibataires ou veuves, voire de couples de les­biennes. Dans une telle situation de non-droit où le médecin œuvre à un objectif non prévu par la loi, l'exigence d'une proportion entre les valeurs ou les intérêts que cet objectif entend promouvoir et ceux qu'il risque de compro­mettre par sa réalisation, est d'autant plus impérative. Il y va de la sécurité juridique du médecin, mais aussi de la pro­tection de tous ceux qui sont impliqués par l'inter­vention.

A cet égard, il est une autre catégorie d'actes médicaux actuels qui, bien que thérapeutiques et parfois réglementés par la loi nationale, doivent nous rendre parti­culièrement attentifs à l'exigen('.e d'une rationalité élémen­taire car, pour répondre au besoin du patient, ils supposent une violation de la personne d'autrui. Sont ici visés les pré­lèvements de sang à des fins thérapeutiques, les prélève­ments d'organes ou de tissus sur un donneur vivant en vue d'une greffe allogénique, les prélèvements de tissus ou de cellules embryonnaires opérés en vue de solutions théra­peutiques pour un tiers (enfants atteints de déficits immu­nitaires, malades présentant des formes graves de diabète, ... ) à partir d'embryons non viables mais pouvant être extraits anatomiquement intacts dans le cadre d'un avortement pratiqué en conformité avec la loi nationale, l'utilisation des gamètes (sperme ou ovocyte) d'un tiers au profit d'un couple dont l'un est atteint de stérilité, le recours à une mère de substitution en faveur d'un couple présentant une infécondité due à une malformation ou à une lésion utérine qui rend impossible toute gestation, enfin la pratique de la fécondation in vitro avec transfert d'embryon (F.l.V.E.T.E.) et ses multiples variantes (couple marié ou non, techniques homologue ou hétérologue, ... ).

Dans ces diverses espèces, il s'agira pour le médecin, souvent en l'absence de toute balise formelle, d'arrêter la mesure la plus adéquate, c'est-à-dire celle qui accorde le plus à la valeur à promouvoir (par exemple, le désir légitime de procréer) ou à sauvegarder (par exemple, la santé du candidat à la greffe) sans léser excessivement la ou les valeurs sacrifiées : la licéité de la décision médicale se voit suspendue à la détermination de ce point d'équilibre.

Cette pesée des intérêts concurrents et notamment des valeurs fondamentales et du degré de danger qui les menace n'est pas une exigence de tout repos pour celui qui s'y livre (14), d'autant plus que personne n'est à l'abri d'une survalorisation arbitraire, parfois inconsciente du reste, d'un intérêt au détriment d'un autre.

Le droit à l'inviolabilité et à l'autodétermination que l'homme peut opposer, aux tiers, réduit certainement le risque de semblables dérapages. Mais dans les interven­tions invasives où l'un des protagonistes est réduit au silence, par incapacité de fait ou de droit, un tel frein fait cruellement défaut. Tel est le cas des enfants en bas âge, des malades mentaux, des prisonniers politiques éventuel­lement soumis à des expérimentations biomédicales, ou encore de l'embryon dans la F.l.V.E.T.E. Abordant plus spécialement cette technique de procréation médicalement assistée, pour en apprécier la légitimité, plus que du droit de disposer de soi-même, c'est du droit de disposer de la vie humaine naissante qu'il sera question.

3. DISPOSITION DE LA VIE NAISSANTE ET F.l.V.E.T.E.

La fécondation in vitro et transfert d'embryons vise à provoquer une grossesse chez des couples qui ne par­viennent pas à se reproduire d'une manière naturelle en raison d'une obstruction ou d'une lésion des trompes de Fallope.

D'un point de vue juridique, la F.l.V.E.T.E. pratiquée avec les gamètes d'un couple présentant une stérilité rebelle à tout autre traitement moins dommageable, cons­tituerait un acte médical justifié, licite, tant par son rôle curatif que par le caractère « adéquat » des moyens utilisés pour réaliser sa visée thérapeutique: le respect d'un état d'équilibre, d'une proportion entre les valeurs en présence - en l'occurrence le désir de procréation du couple, l'inté­grité physique de la femme et l'intérêt de l'enfant à naître -semble assuré puisqu'en l'espèce, l'enfant est appelé à vivre auprès de ses parents biologiques et sera toujours de plein droit l'enfant légal du couple à condition qu'il soit marié. Si le couple vit seulement en ménage de fait, des dif­ficultés demeurent quant à l'établissement de la filiation de cet enfant né hors mariage, principalement à l'égard de son père. En effet, nonobstant la tendance généralisée à sup­primer toute discrimination entre les enfants dits « légi­times» et ceux dits« naturels», il reste qu'en l'absence de mariage, il n'y a pas de présomption de paternité. La situation de l'enfant né d'une F.l.V.E.T.E. (ou d'une insémi­nation artificielle) pratiquée au bénéfice d'un couple non marié, est donc plus précaire et incite à la prudence. Serait par contre totalement illicite par défaut de motivation thé­rapeutique, comme il fut dit, la F.l.V.E.T.E. réalisée en faveur d'une personne célibataire ou veuve, ou encore d'un couple d'homosexuels.

A l'heure actuelle, chaque équipe de F.I. V.E.T.E. procède par hyperstimulation ovarienne (technique des cycles stimulés) pour collecter les ovocytes dont le nombre varie de 1 à 20.

Les uns fécondent la totalité des ovocytes recueillis (le taux de fécondation moyen par ovocyte est de 60 à 65 %) dans le but d'éviter à la femme la répétition de laparas­copies. Par ailleurs, pour prévenir les risques inhérents aux grossesses multiples (essentiellement le risque de mor­talité périnatale et certaines complications pour la femme), ils limitent à trois le nombre d'embryons replacés - le risque de grossesses multiples, bien que réduit, subsiste donc. L'on obtient ainsi d'éventuels embryons surnumé­raires qui seront cryopréservés.

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Les libertés du Malade

Les autres ne fécondent que les ovocytes nécessaires à l'obtention d'un maximum de 6 à 7 embryons (taux moyens d'embryons transférables par patiente: 3,5) qui tous seront transférés simultanément.

L'on constate donc qu'au départ, tous les praticiens de la F.l.V.E.T.E. favorisent la production surnuméraire d'ovocytes fécondables, animés du souci d'augmenter les chances de grossesses de leur patiente. Mais là s'arrête l'unanimité. Les uns acceptent de cultiver et de conserver in vitro des embryons qui ne seront pas immédiatement replacés car cette solution constituerait la réponse théra­peutique optimale pour la femme.

Somme toute, le choix entre ces diverses méthodes repose sur la plus ou moins grande considération que l'on accorde à lembryon dans les premiers jours de son déve­loppement, ici in vitro. On ne peut éviter les questions fon­damentales : « Ou' est-ce que lembryon humain 7 » et « Quel statut éthique lui reconnaître ? »

Pour les uns, l'embryon est un matériel biologique qui n'a droit à des mesures protectrices que s'il est investi d'un projet d'enfant. «La spécificité et la valeur de l'homme résident essentiellement dans sa dimension culturelle. Celle-ci fait de chaque individu un sujet, source de sens au travers de ses projets, en interaction relationnelle avec les autres sujets individuels». Remarquons qu'un critère aussi subjectif et mouvant ne peut être que source de discrimi­nation et d'insécurité juridique. Pour les tenants de cette philosophie, il apparaît « contradictoire de vouloir faire coïncider le concept général de personne avec le fait exclu­sivement biologique de la singularité génétique qui résulte de la fécondation. L'originalité génétique n'a rien de spéci­fiquement humain; elle constitue l'apanage de n'importe quel individu, de n'importe quelle espèce animale ou végétale se reproduisant de manière sexuée ». Dans I' op­tique d'une telle définition relationnelle de la personne, l'embryon n'a de statut moral et ne deviendra éventuel­lement sujet ou objet de droit que s'il représente un projet d'enfant pour ceux qui l'ont engendré ou reçu. Autrement, il reste un objet biologique en dépit de ses remarquables potentialités de développement.

Pour les autres, l'embryon humain n'est pas qu'un matériel biologique humain : il rassemble en effet, dès la fécondation, toute l'information génétique nécessaire et suffisante pour structurer, sauf anomalies génétiques ou perturbation des conditions de lenvironnement maternel, chacune de ses qualités physiques, neuropsychiques et relationnelles. Le patrimoine génétique de I' œuf fécondé présente donc, dès la fécondation - in utero comme in vitro - cette double particularité d'appartenir à l'espèce humaine et d'être unique. Si l'originalité génétique n'a rien de spéci­fiquement humain, il reste que l'originalité humaine est dif-

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férente de loriginalité génétique d'une espèce animale ou végétale.

Si lembryon humain, dans les premiers jours de son développement, ne devait pas encore apparaître comme une «personne à part entière», mais bien comme une «valeur en soi» (27) dont la protection, dans des situa­tions conflictuelles, pourrait ne pas être identique à celle de lêtre humain accompli, il ressort toutefois de la pratique de la F.l.V.E.T.E. avec culture et conservation in vitro d'em­bryons surnuméraires, que la pesée des intérêts concur­rents peut être faussée par la prise en considération exclusive et, à tout le moins, par la suNalorisation d'un des enjeux, survalorisation qui pourrait à la limit~ se traduire par ce que le Comité Consultatif National d'Ethique français n'hésita pas à appeler I' «acharnement procréatif ».

Or, la protection juridique de l'embryon in vitro est totalement inexistante, au regard des dispositions tant civiles que pénales: en effet jusqu'il y a peu, l'hypothèse d'une fécondation et de manipulations extracorporéales étant impensable. Ouoiqu'existant biologiquement, l'em­bryon conçu et «en attente» in vitro ne dispose d'aucun droit, n'est protégé par aucune qualification pénale - ni avortement, ni infanticide, ni tout autre atteinte à la vie-. c· est le vide juridique le plus complet. Seul bénéficierait d'une certaine protection pénale, l'embryon conçu in vitro puis replacé dans l'utérus d'une femme et qui viendrait à naître vivant et viable tout en présentant une atteinte à son intégrité physique ou à sa santé mentale imputable à un comportement objectivement inadéquat du médecin: l'in­fraction de coups ou blessures serait dans ce cas envisa­geable de même qu'une éventuelle action en responsabilité civile contre le praticien.

L'embryon in vitro voit donc son sort confié de facto à lappréciation et à la conscience du médecin (ou du biolo­giste) confronté aux multiples problèmes suscités par cette technique.

Devant tant d'incertitude et tant d'insécurité pour l'embryon comme pour le médecin, le juriste s'interroge : « le recours à la production et à la congélation d'embryons surnuméraires dans le cadre de la F.l.V.E.T.E. satisfait-il à l'obligation fondamentale d'une conduite rationnelle, mesurée, celle qui s'adapte au plus juste aux données du problème et dont lévaluation intègre à la fois les répercus­sions directes et incidentes, ou simplement éventuelles de laction » ? En effet, quand bien même serait-il démontré que la culture in vitro d'un nombre d'embryons supérieur à celui qui sera immédiatement transféré constitue, dans létat actuel des connaissances médicales, la réponse thé­rapeutique optimale au désir de grossesse de la femme, encore faudrait-il pour conclure à la légitimité de cette pra­tique, que le souci de donner à la patiente un maximum de chances de succès pour un minimum de risques ne sacrifie par de manière excessive l'intérêt de cet autre protago­niste de la F.l.V.E.T.E. qu'est l'embryon.

CONCLUSION

Les médecins ont évidemment perçu la difficulté d'ar­rêter la mesure qui constitue un juste milieu entre tous les intérêts en présence. En témoigne le rappel par I' Asso­ciation Médicale Mondiale, dans ses Déclarations de Tokyo (1975) et de Venise (1983) relatives aux expérimentations humaines, de la primauté des intérêts du sujet sur ceux de la science et de la société. Sujet dont le droit à l'inviolabilité et partant à la dignité peut être insuffisamment protégé par cet autre droit qu'est celui de s'autodéterminer. Ainsi, pour

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les actes médicaux - généralement invasifs - en plus de l'adhésion libre et pleinement éclairée du sujet, le Droit exigera qu'ils présentent un intérêt direct pour la santé ou la vie du patient. Mais ces repères légaux, peu nombreux, s'avèrent encore insuffisants spécialement au regard de la médecine actuelle. La nécessaire « légalité élémentaire » de l'acte prend le relais et guidera le médecin dans ses choix: elle permet et même impose à ce dernier de refuser d'être le serviteur de n'importe quelle demande de« soins» et lui interdit en même temps de proposer une solution qui satis­ferait sans doute de manière optimale l'intérêt du patient mais au prix d'un sacrifice démesuré d'une valeur tierce.

Encore faudrait-il que la société se prononce sur les valeurs qu'elle entend protéger. En effet, si nous prenons l'exemple de la F.l.V.E.T.E. qui facilite les recherches sur lembryon et ouvre de grands espoirs sur la maîtrise de la vie commençante notamment, il est tentant pour le cher­cheur de retirer au jeune embryon, déjà totalement dépendant d'autrui puisqu'in vitro, sa qualité de « per-

LE REFUS DE SOINS

par le Père P. VERSPIEREN - s.j. (*)

Le refus de soins, bien loin d'itre toujours le fruit d'une volonté de mourir, peut représenter une certaine sagesse, l'acceptation de la condition mortelle, la priorité donnée à des réalités psydrologiques, rela­tionnelles ou spirituelles. Le médecin vérifiera alors que le refa.s est libre et éclairé ; assez. souvent il sera amené à entrer dans une négociation per­mettant de trouver le meilleur compromis entre la volonté réelle du patient et les impératifs médicaux.

Lorsque le refus de soins n'est que l'expression d'un désespoir conduisant au désir de mourir, le médecin fera tout son possible pour aider le malade à accepter les conditions de sa vie. Mais il ne pourra que s'incliner devant des refus fermes et réitérés.

Dans des cas exceptionnels, on peut s'interroger sur la légitimité du refus de tout traitement médical.

Le tenne de refus présuppose que le patient reste lucide et respon­sable de lui-mime. L'exposé n'abordera donc pas le cas des enfants, des Œ incapables », de ceux dont la capacité de jugement a été réduite par la maladie et le vieillissement.

«LIBERTÉ DE REFUSER LA VIE? - LE REFUS DES SOINS.»

Tel est le double intitulé qui m'a été proposé pour le présent exposé.

Pourquoi cela implique-t-il que tout refus de soins, en cas de maladie grave et potentiellement létale, doit être considéré comme un refus de vivre et une volonté de

sonne » ou simplement d' « être humain » dont dépend son droit à l'inviolabilité.

Ces questions soulevées par les pratiques médicales actuelles à légard de la vie débutante (mais aussi finis­sante) concernent le devenir de l'homme et de la société. Aussi ne peut-on raisonnablement prétendre qu'elles relèvent de la seule communauté scientifique et de la cons­cience des médecins et des chercheurs qui y sont direc­tement confrontés dans leur pratique et ce, d'autant moins que lon sait que tout ce qui est techniquement possible se fera et se fait déjà par d'autres. D'aucuns, parmi les plus impliqués dans ces recherches (voy. J. Testart, R. Frydman) ont d'ailleurs demandé que soient précisées les limites de I' « humainement acceptable ». En présence d'options aussi fondamentales, la responsabilité de ces choix sociétaires appartient à la communauté elle­même. •

Louvain-la-Neuve, le 20 février 1988

mourir ? Une telle proposition, qu'elle reflète ou non les convictions des organisateurs de ce Congrès, mérite d'être examinée attentivement. A l'accepter telle qu'elle, sans la soumettre à la critique, on serait conduit à dénier la légi­timité, pour la plupart des malades, de récuser certains des traitements qui leur sont proposés. Mais le refus de soins ne peut-il pas au contraire représenter, dans certains cas au moins, le choix par le patient d'un mode de vie sensé et humainement aussi riche que possible ?

L'abord de cette question permettra d'examiner, du point de vue éthique (nous n'entrerons guère, faute de temps, dans le domaine du droit et de la déontologie médicale), la plage de liberté qui doit être reconnue au malade vis-à-vis de la conduite des soins. Et c'est l'objectif principal de cette session du Congrès. Mais il faudra aussi nous interroger sur les conclusions à en tirer en ce qui concerne /'attitude médicale. Tel refus de soins apparaîtra au médecin soit irrationnel, soit véritablement suicidaire. Le praticien de ce fait même, est-il autorisé à imposer les trai­tements auxquels le patient s'oppose?

Il nous faudra examiner les limites du rôle du médecin. Celui-ci a-t-il le devoir - et le droit - de veiller à ce que son patient mène sa vie d'une manière pleinement morale? Pas toujours. Il peut même être amené à répondre à des demandes qu'il juge immorales: dans certains cas seu­lement et à l'intérieur de limites qu'il serait possible de pré­ciser. Il suffit ici de se référer à un exemple devenu clas­sique. Dans son discours de 1957 sur l'analgésie, Pie XII précisait que certaines demandes de « narcose » en fin de vie, alors que le sujet n'avait pas rempli les obligations qui lui incombaient, étaient illégitimes. Mais poursuivait-il, si le malade persiste dans sa demande et si la « narcose » est objectivement justifiée, «le médecin peut y consentir sans se rendre coupable de collaboration formelle à la faute commise» (1).

Tout ceci mériterait évidemment de plus amples déve­loppements. Nous voulions surtout insister sur un point: du jugement sur le caractère moral de telle attitude du

(•) Directeur du Dépanement d'Éthique Biomédicale du Centre Sèvres (Paris 75007).

(1) Pie XII, Problèmes religieux et moraux de l'analgésie, 24 février 195 7. Discours reproduit dans Biologie. Médecine et Éthique, Le Centurion, Paris, 1987, pp. 347-364.

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Les 1 ibertés du Malade

malade, on ne peut toujours déduire immédiatement quel doit être le comportement du médecin. Car il faut introduire une autre donnée : les limites du rôle de celui-ci vis-à-vis de son patient.

Et cela fixe le plan de cet exposé : le refus de soins, qu'il exprime le choix, par le malade, d'un mode de vie ou sa volonté de mourir: et, dans chacun de ces deux cas, l'attitude souhaitable de son médecin.

1. LE REFUS DE SOINS : CHOIX D'UN MODE DE VIE

Revenons à la question de départ. Le malade est-il tou­jours tenu d'accepter un traitement médical du seul fait qu'il existe, qu'il a rapport avec sa pathologie et qu'il lui est proposé par son médecin ? La réponse est : non. Un consensus est acquis depuis un certain temps en ce domaine dans les sociétés occidentales ; mai~ ce point de vue est défendu depuis fort longtemps par l'Eglise catho­lique.

On invoque aujourd'hui pour justifier cette réponse un concept vague et peu éclairant pour la pratique quoti­dienne : certains traitements représenteraient une forme d' «acharnement thérapeutique». Mais où commence celui-ci? C'est précisément ce qu'il importe de préciser.

Les moralistes catholiques jusqu'à une époque récente (et encore aujourd'hui dans les pays anglo-saxons) se réfé­raient au concept de « moyens extraordinaires de se main­tenir en vie», déjà employé au XVll9 siècle (2), pleinement accepté au XVlll0 par le théologien moraliste Alphonse de Liguori et avalisé en 1957 par le Pape Pie XII (3). L'exemple donné au cours des siècles par de multiples auteurs permet de bien comprendre ce qu'il faut entendre par «extra­ordinaire»:« Nul n'est tenu d'employer des moyens extra­ordinaires et difficiles pour se maintenir en vie, l'ampu­tation d'une jambe par exemple, à moins que sa vie ne soit nécessaire au bien commun. Saint-Alphonse de Liguori ajoute que c'était là l'opinion commune, énoncée dans les traités de morale courante» (4). On voit bien ainsi que le caractère « extraordinaire » d'un acte médical dépend de multiples facteurs, médicaux et sociaux notamment. Au XVlll0 siècle, alors qu'on n'avait pas encore découvert l'asepsie et qu'on ne disposait pratiquement d'aucune

(2) Cf. l'article Roman Catholicism dans Encyclopedia of Bioe­thics, The Free Press, New York, 1978, p. 1531.

(3) Pie XII, Problèmes religieux et moraux de la réanimation, 24 novembre 1957 dans Biologie, Médecine et Éthique, op. cit., pp. 365-371.

(4) Th. J. O'Donnel, La morale en médecine, Marne, 1962, p. 73.

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médication anesthésique ou antalgique, l'amputation d'un membre présentait de grands risques vitaux et pouvait occasionner des douleurs très sévères, pendant l'opé­ration et bien après; la rétribution du chirurgien n'était pas non plus à la portée de toutes les bourses. Aujourd'hui le même geste chirurgical demeure éprouvant pour le malade; on ne saurait cependant affirmer, d'une manière générale, qu'il impose une charge «extraordinairement lourde» au patient. Les progrès des connaissances et des techniques et le développement de la protection sociale ont non seulement rendu le procédé plus courant mais aussi considérablement diminué /'épreuve de celui qui y a recours.

Il est ainsi acquis dans l'Église Catholique, depuis au moins deux siècles, que le malade peut légitimement récuser certains traitements. Mais le concept même «d'extraordinaire» implique qu'en règle générale les soins proposés doivent être acceptés, le refus restant /'exception. Ceci reste-t-il vrai aujourd'hui à notre époque, marquée par la multiplicité des moyens médicaux ? La question fut abordée en 1976 par un groupe de travail réuni à Rome à l'instigation du Conseil Pontifical Cor Unum (5), et ses conclusions furent en partie reprises par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. La « Déclaration sur leuthanasie » de cette Congrégation (6) propose un nouveau langage, plus nuancé, et correspondant à un nombre beaucoup plus important de cas. A propos de chaque traitement médical, il s'agit d'établir la proportion existant entre le moyen et la fin recherchée, et d'apprécier pour cela d'une part les bénéfices que le malade peut rai­sonnablement en attendre et d'autre part la charge et le coOt (à tous les sens de ce mot) qui en seraient la contre­partie pour le patient, son entourage ou la société toute entière.

Le malade peut refuser tous les soins qui, à la réflexion, apparaissent inutiles. Cette évidence mérite d'être rappelée car il est beaucoup plus difficile de la mettre en œuvre qu'il ne le semblerait à première vue. Bien des actes à visée diagnostique sont pratiqués couramment dans les hôpitaux, « en routine » dit-on même en France. Ils n'ont rien d'« extraordinaire» en eux-mêmes; mais leur multiplicité peut devenir éprouvante pour le patient. A partir du moment où ils ne peuvent plus servir à une modifi­cation des thérapeutiques et où par conséquent, ils n'ap­portent plus de bénéfices au malade, il devient pleinement légitime de s'en abstenir. Percevoir cette «inutilité» requiert cependant une réflexion approfondie et une attention portée à la particularité de chaque cas, en raison du caractère courant et même routinier des examens.

Il est encore plus difficile d'apprécier la proportion entre le moyen médical envisagé et la fin recherchée lorsqu'on peut attendre des thérapeutiques une certaine efficacité. Car, il s'agit de prendre en considération des facteurs fort divers : les bénéfices escomptés au plan de la santé et de la durée de la vie (or en ce domaine règne le plus souvent une assez grande incertitude), et les inconvénients; ceux-ci peuvent être multiples: il s'agit de tenir compte de la

(5) Les conclusions de ce Groupe de Travail furent publiées en 1981. Cf. Biologie, Médecine et Éthique, pp. 422-441.

(6) Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration sur l'euthanasie, 5 mai 1980. Dans Biologie, Médecine et Éthique, op. cit., pp. 414-412.

La problématique adoptée dans ce texte était déjà proposée, dès les années 50, par des théologiens moralistes tels que G. Kelly, J. Sullivan et Th. J. O'Donnel, cf. de ce dernier, la morale en médecine, op. cit., pp. 79-82.

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douleur et des inconforts créés par les actes médicaux, mais aussi de bien autre chose : la plus ou moins facile pré­sence des proches selon le lieu du soin, l'insécurité et la perte des repères spatio-temporels dues à des change­ments de service hospitalier, ou tout simplement l'obstacle mis à un repos ardemment souhaité par l'activité d'unités de soins intensifs ... Or comment opérer une telle compa­raison ? Quelle échelle établir entre des valeurs d'ordres si différents ? Et qui peut prendre une telle décision ?

La déontologie rec9nnue dans les sociétés occiden­tales et la position de l'Eglise catholique sont claires. Dans la mesure où le patient est encore en état de faire connaître sa volonté, c'est à lui, en dernier ressort, qu'appartient la responsabilité de la décision (7). Bien souvent, il privilé­giera les aspects relationnels. A juste titre, selon notre jugement. Pour supporter son épreuve, garder ou retrouver un désir de vivre encore, les grands malades ont besoin du soutien d'autrui (8). Celui-ci peut revêtir un caractère de priorité. C'est ce qui explique, par exemple, le désir de bien des grands malades de retourner au domicile familial ou leur refus de quitter un service hospitalier dans lequel ils ont su établir avec les soignants une relation de confiance. Ce faisant, ils savent qu'ils se privent des bénéfices que pourraient leur apporter certains traitements médicaux. Mais ils optent pour un environnement et une manière de vivre la dernière phase de leur existence, accordant plus d'importance à des réalités psychologiques, relationnelles et spirituelles qu'à la pure prolongation de leur vie. Leur hiérarchie de valeurs ainsi manifestée ne correspond peut­-être pas à l'éthos médical le plus répandu. Celui-ci privi­légie la durée de la vie ; mais il mérite d'être soumis à la cri­tique. La vie doit être protégée et défendue, parce qu'elle est le support des autres biens : mais elle est « subor­donnée à des fins spirituelles» (9). Au nom de quoi blâmer celui qui donne la priorité sur une faible et aléatoire prolon­gation de la vie à l'achèvement d'une tâche, à l'épanouis­sement d'une relation humaine, à la préparation spirituelle de son départ ou aux derniers adieux à sa famille ?

La responsabilité du médecin

Certains refus de soins sont ainsi pleinement légitimes et témoignent aussi bien d'une saine acceptation de la mort que d'un véritable amour de la vie. D'autres sont plus contestables. Est-ce au médecin d'en juger?

Selon la déontologie reconnue par les sociétés occi­dentales, la réponse est négative. Sauf cas expressément prévus par la loi et qui concernent principalement la dange­rosité pour autrui ou la perte du libre-arbitre, non seu­lement le médecin ne peut imposer de traitement mais il doit même avant tout acte médical recevoir, d'une manière ou d'une autre, «un consentement libre et éclairé» (10).

Une telle règle est sage. Imposer un traitement médical représente un empiètement sur la vie privée d'autrui (11); les sociétés doivent donc délimiter dans quels cas devient légitime cette forme de violence (ce

(7) Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration sur l'euthanasie, 48 partie: L'usage proportionné des moyens thérapeutiques. Biologie, Médecine et Éthique, op. cit., p. 420.

(8) Au sujet des« besoins» prioritaires du malade, cf. P. Vers­pieren : le soin des malades en fin de vie, aspects éthiques, Cours multigraphié, Centre Sèvres, Paris, 1987, 1re partie.

(9) Pie XII, Problèmes religieux et moraux de la réanimation, Biologie, Médecine et Éthique, p. 368.

terme peut choquer ; mais comment ne pas reconnaître qu'un soin pratiqué malgré le refus du patient est un acte de violence exercé sur son corps ? Le médecin doit parfois s'y résoudre, mais seulement, précisent les Déclarations relatives aux Droits de l'homme, à l'intérieur du cadre expli­citement prévu par les législations nationales.

En cas de refus, le médecin manquerait cependant à son devoir s'il «prenait le malade au mot» et s'inclinait trop vite. Il doit auparavant s'assurer que la personne est capable de prendre une décision, que le refus découle d'une volonté ferme et constante, que la personne s'exprime en connaissance de cause (considération qui retire leur valeur à bien des déclarations rédigées avant lentrée en maladie) et en percevant bien les conséquences de son refus. Conditions qui sont rarement réunies d'emblée. li s'agit alors, dans la mesure du possible, de dissiper les peurs irrationnelles et d'apporter les apaise­ments nécessaires. Et aussi, de percevoir ce à quoi le malade s'oppose.

Je me souviens des problèmes de conscience d'une directrice de maison de retraite et du médecin de cette ins­titution : un des pensionnaires atteint probablement de la maladie de Hodgkin, refusait toute hospitalisation destinée à confirmer ce diagnostic; il finit par mourir, sur place, sans aucun traitement, malgré toutes les invitations qui lui avaient été faites de se laisser soigner. Je reste persuadé que cet homme craignait avant tout de subir une hospitali­sation prolongée et de ne plus être accepté à sa sortie de l'hôpital dans la maison de retraite, sa chambre ayant été donnée à un autre. Ce n'est pas la vie qu'il refusait, mais la solitude, la séparation d'avec ses connaissances et amis. Pour qu'il accepte les soins, il aurait été nécessaire qu'il reçoive des garanties: brièveté de l'hospitalisation, assu­rance qu'il serait réadmis dans ce qui était devenu son lieu de vie ...

En cas de refus de soins, le médecin est ainsi appelé à entrer dans une véritable négociation, destinée à vérifier que le refus est vraiment «libre et éclairé » et à trouver en ce cas le meilleur compromis entre la volonté réelle du patient et les impératifs médicaux.

2. LORSQUE LE REFUS DE SOINS TRADUIT UN DÉSIR DE MOURIR

Nous avons jusqu'à présent refusé d'assimiler le refus de soins au désir de mourir ; nous y avons même vu une certaine forme de sagesse, l'acceptation de la condition mortelle de l'homme ainsi que le choix, pour la dernière période de la vie, de valeurs importantes qui méritent qu'on leur sacrifie la recherche d'une prolongation, plus ou moins aléatoire, de l'existence.

Mais il n'en va pas toujours ainsi. Le refus de soins peut dans certains cas traduire sinon le choix de la mort pour elle-même, du moins le refus de continuer à vivre en supportant les inconvénients, les souffrances et les incon­forts dus au traitement médical. C'est le cas notamment des diabétiques qui ne veulent plus pratiquer leurs injec-

(10) Selon l'expression de la Cour de Cassation française. Cf. M. Bénézech, le droit du malade à l'information, dans : L 'infor­mation des personnes malades, de B. Hoerni et coll., Simep, 1982, p. 26.

(11) Cf. Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'homme et des libertés fondamentales, an. 8.

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Les libertés du Malade

tions quotidiennes d'insuline et des insuffisants rénaux qui n'acceptent plus leurs séances bi ou tri-hebdomadaires de dialyse. Que dire de la moralité de tels refus 7

On ne peut d'abord que reconnaître la charge que représentent des traitements aussi répétés et la situation psychologique difficile de ceux qui perçoivent la dimension « artificielle » de leur survie au point que leur vie ou leur m~rt reste ~ntre leurs ,m~i"!s et dépende de leur accep­tation, régulièrement repetee, de traitements médicaux Pour être soutenus dans leur volonté de vivre, ces malade~ ont besoin de voir reconnue leur souffrance.

Celle-ci apparaît nettement, chez certains insuffisants r~naux, à travers l'intensité de leur attente d'une greffe renale et la véhémence de leurs propos au sujet de l'inca­pacité des différentes sociétés à recueillir un nombre suf­fi~ant de reins qui. puissent être transplantés. Or ils n ignorent pas les risques liés à de telles greffes. C'est donc que leur situation de dialysés leur apparaît comme fort éprouvante.

L'insulinothérapie ou la dialyse rénale méritent-elles cependant d'être considérées comme des traitements «disproportionnés» 7 Telle est bien l'appréciation de ceux qui les refusent. Doivent-ils être approuvés dans leur jugement 7 Je ne connais guère de moralistes et de médecins qui répondraient par l'affirmative. Ces traite­~ents peuvent assurer non seulement une prolongation importante de la vie, mais laissent aussi aux patients une grande marge d'autonomie qui leur permet de chercher à bâtir une vie qui ait sa richesse et sa densité. Au lieu d'être renforcés dans leur refus de continuer à vivre une exis­tence marquée par un manque important, ces malades ont besoin d'être soutenus et encouragés à dépasser un épisode de tristesse, d'abattement ou de désespoir.

L'attitude du médecin

L'absence d'une légitimité éthique de certains refus de soins ne permet cependant pas au médecin d'intervenir autoritairement et d'imposer le traitement médical. Comme nous l'avons déjà vu, les sociétés occidentales délimitent le •. pouvoir. des méde~ins ~t leur interdisent sauf exception d intervenir dans la vie privée et sur le corps d'autrui sans s~n « consenteme:n! libre ~t éclairé». Dans les cas évoqués c1-~essus, le prat1c1en doit donc dialoguer, encourager le patient à accepter les conditions de son existence, entrer dans des négociations qui sont souvent épuisantes ... Mais en fin de compte, il ne peut que s'incliner devant un refus persistant malgré toutes ses objurgations (ce qui ne le dis­pensera peut-être pas d'engager le traitement quand le malade lui sera amené inconscient ... ).

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Bien des médecins éprouveront de réels troubles de conscience à se comporter ainsi. Ils se jugeront complices de .conduites suicidaires ou mêmes coupables d'eutha­nasie. On comprend de telles réactions. Mais elles man­quent de fondement. Comme dans le cas analysé par Pie ~1.1 et. cité dans l'introduction de cet exposé, le médecin qui s incline malgré lui devant des refus obstinés n'est en aucune façon coupable de collaboration formelle au com­port~~ent contestable d~ patient. Il ne fait que reconnaître les limites de son pouvoir sur autrui. De telles situations évidemment, sont pour vous fort douloureuses. Je vou~ souhaite d'y être affrontés le plus rarement possible ...

3. DE LÉGITIMES DÉSIRS DE MOURIR 1

L~.refus ~e soins p~ut a,ïnsi être éthiquement approuvé lorsqu 11 exprime le choix d un mode de vie ; et s'il repré­sente une f~rme de désespoir, le plus souvent, loin d'être encouragé, 11 suscitera de la part du médecin un dialogue respectueux mais insistant, dans l'espoir que le malade en vienne à reconsidérer son point de vue.

Dans certa!nes situations, le malade ne peut-il cependant pas, a travers un refus de soins, décider légiti­mement de ne plus vivre 7

Des gériatres signalent que certains vieillards « se laissent glisser dans la mort » et refusent tout traitement parce que, à un moment donné de leur existence ils estiment, sans tristesse aucune ni désespoir, a~oir «accompli leur vie». Et leur volonté se révèle efficace. On peut se demander si cela ne traduit pas une certaine sagesse et un pouvoir de lêtre humain sur sa vie et sa mort (12).

Et de même que certains traitements, comme des mutilations très importantes, sont reconnus comme des «moyens extraordinaires de se maintenir en vie», de même on '?eut se demande~ si la suNie elle-méme ne représen­terait pas pour certains malades une charge extraordinai­rement lourde : ayant été jusque-là arrachés à la mort grâce au déploiement des techniques médicales modernes, réduits à une existence précaire, atteints de pertes fort importantes, privés de ce qui constitue pour le commun des hommes les plaisirs et les joies de l'existence, ne peu­vent-ils légitimement souhaiter ne plus survivre dans des conditions si éprouvantes et pour cela demander à ce qu'on s'abstienne désormais de l'emploi de traitements médicaux, même si ceux-ci sont simples, courants, et, considérés en eux-mêmes, peu éprouvants 7

Un pas a été fait dans cette direction par le Conseil Pontifical Cor Unum. Celui-ci a fait place, dans son raison­nement moral, à la« qualité de la vie» (13). Il exigeait seu­lement qu'en de tels cas d'abstentions de thérapeutiques on continue d'employer les« moyens dits minimaux» (14).

Que mettre sous ce concept 7 Cor Unum cite l'alimen­tation, les transfusions sanguines, les injections... Dans des situations exceptionnelles même cela n'est pas tota­lement requis. Ainsi lAcadémie Pontificale des Sciences

(12) Cf. J. Delbecq, dans R. Sebag-Lanoê et coll., Demandes et besoins de celui qui meu/1, Dossier du Centre Sévres, 1985, pp. 25-28.

( 13) Conseil Pontifical Cor Unum, Quelques questions éthiques relatives aux grands malades et aux mourants, dans Bio­logie, Médecine et Éthique, op. cit., pp. 427-428.

(14) Ibidem, p. 428. ( 15) Ce rapport d'un Groupe de Travail de lAcadémie Ponti-

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a-t-elle accepté en 1985 qu'on interrompe tout traitement médical envers des malades plongés dans un coma per­manent jugé irréversible, les soins, notamment l'alimen­tation, étant maintenue (15). Une telle abstention cor­respond chez le médecin, à une acceptation positive de la mort du patient. Elle implique le droit, explicite chez les patients conscients et responsables d'eux-mêmes, implicite chez les autres de « se laisser mourir » en refusant certains moyens de maintien de la vie. Cela, évidemment, dans des situations exceptionnelles qu'il est impossible de précise~ en un bref exposé et qui demanderaient d'ailleurs, dans l'Eglise, un débat et une réflexion plus approfondis que ceux qui ont eu lieu jusqu'à présent (16).

Précisons qu'en cette étape de notre réflexion, nous nous interrogeons sur la légitimité morale, pour le malade, d'une éventuelle décision de «se laisser mourir». le médecin, quant à lui, dans les cas où il n'est pas persuadé de la moralité de l'attitude de son patient, essaiera, avec intelligence, tact, respect et compréhension de la souf­france d'autrui, d'obtenir une modification de cette décision. Mais, comme nous l'avons déjà dit, il ne pourra en fin de compte que s'incliner devant des refus fermes et réitérés.

En traitant du refus de soins, nous avons abordé une partie du difficile et complexe chapitre d'éthique médicale que représente l'abstention de thérapeutiques. Une partie seulement. Car le « refus » suppose un être conscient, res­ponsable de lui-même, capable de décider de ce qui le concerne et d'orienter sa vie. Nous n'avons donc pas parlé des enfants, de ceux que le droit reconnaît comme « inca­pables». Ni non plus de ceux dont la maladie ou le vieillis­sement a troublé la lucidité ou le jugement.

De tous ceux-ci, en rigueur de terme, un consentement aux soins ne peut être obtenu. Un «acquiescement» est cependant souhaitable, même s'il n'est ni vraiment« libre» ni totalement« éclairé». Car ainsi on pourra éviter que les soins prodigués pour leur bien ne deviennent des actes de violence. Mais il faudra que d'autres que les intéressés décident du bien-fondé du recours aux traitements ou au contraire de l'abstention. L'abord des questions ainsi posées devra tenir compte des réflexions qui précèdent, car le droit du malade de refuser certains soins (lorsqu'il est conscient et libre) fonde le droit du médecin de s'abs­tenir dans des situations analogues à l'égard de patients devenus temporairement ou définitivement incapables d'exercer leur liberté •

Patrick VERSPIEREN s.j.

ficale des Sciences est publié dans Biologie, Médecine et Éthique, pp. 440 et 441.

( 16) Nous avons abordé quelques-unes de ces situations dans notre cours multigraphié du Centre Sèvres. Mais la réflexion serait à poursuivre. Que dire par exemple des malades tétraplégiques ayant atteint le plus haut degré de dépendance 7 Peuvent-ils légiti­mement, au regard de l'éthique, refuser tout traitement médical 7

Notez sur votre agenda

--JOURNEE NATIONALE DU C.C.M.F.

24 septe1nbre 1988

Bulletin d'inscription en encart

dans ce numéro

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L'EFFET TURBO FORME el PRËSENTATION : Solulé buvable. Flacon de 50 ml el p1pe11e 2 ml ( 1 ml • 20gounes) -COMPOSITION : - Dihyaroergokryptine (mésy1a1e) : p. plpene 2 mg - p. flacon 50 mg - Trlmé­thyl -\3. 7, dioxo-2.6 1étra·hydro· \2,3,6 purine ou caféine: p. pipene 20mg - p. flacon 500 mg ­Excipienl : aciae cilrique. alcool élhylique à 95°, glycérine officinale. eau purifiée. - PRO· PRIETË : Adréno-sympalholyfique. - INDICATIONS : Proposé dans: - t les troubles phycho­comportementaux de la sénescence cérébrale. les séquelles d 'accidenls vasculaires céré­braux, les !roubles cochléo-vestibulaires d'origine ischémique. les rélinopathies d 'origine vrai­semblablement ischémique: - 2. certains !roubles circulaloires périphériques. N.B. -Celle in di· calion esl proposée à parlir d'essais cliniques el paracliniques non contrôlés. - PRËCAU· TIONS : Comme 1ous les médicamenls de cetle classe 1hérapeu1ique, vasobral n'a pas d'ac1ion hypolensive à long 1erme el ne peul remplacer ou éviler le 1rai1emen1 de l'hyperlension arté­rielle. - EFFETS INDËSIRABLES : Très raremeni Inconfort digeslif ne nécessitant pas l'arrêl du lraitement. - MODE D'EMPLOI et POSOLOGIE : une plpelle pleine, soi! 2 ml 2 fois par jour avec un peu d'eau sucrée ou non. - Coût du traitement journalier : 3,68JF. - Tableau C - A.M.M. 318250.4 (1975)- Mis surie marché en 1975. - Prix : 46,dOF + S.H.P. { flacon de SOml). - Remb. Sée. Soc. à 40% - Collect.

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F.E.A.M.C.

Vl"e Congrès de Versailles

Le 6' Congrès de la F.E.A.M.C. a eu lieu à Paris et Versailles du 9 au 12 mai, réunissant environ 400 partici­pants venant des pays d'Europe pour la plupart. Il a débuté par une Eucharistie célébrée à Notrt-Dame de Paris le dimanche 8 par S.E. le Cardinal Jean-Marie LUSTIGER.

À la fin de la 1" journée ont été étudiées les " Libertés du médecin 11 en présence de Monseigneur Angelo FEUCI, Nonce Apostolique à Paris, reçu par le Père FRISON et le Professeur KLUYSKENS qui a bien voulu honorer de sa présence ces débats.

Le Président VILLEY, ancien Président du Conseil de l'Ordre des Médecins en France, a présidé les débats avec le Président de la F.E.A.M.C., le Docteur KLUYSKENS.

Après la réception à l'Hôtel de Ville de Paris, où les congressistes étaient accueillis par le Sénateur François COLLET, représentant M.Jacques CHIRAC, Premier Ministre et Maire de Paris, les congressistes on.t participé à l'Eu­charistie célébrée à SAINT-SÉVERIN par Monseigneur Fiorenzo ANGELINI, pro-président de la Commission Ponti­ficale pour la Pastorale des Services de la Santé.

Lajournée du mardi 10 mai a été dévolue à l'étude des conditions d'exercice de la liberté du malade. Celle-ci permet d'accepter la vie, de supporter la maladie ou de refuser les soins. Certaines de ces éventualités sont très dou­loureuses à étudier et mettent le médecin dans des situations souvent dYJiciles au regard parfois de législations en vigueur dans certains pays européens.

L'Eucharistie a été présidée par Monseigneur CASSIDY, Conseiller Ecclésiastique de la Fédération Interna­tionale des Associations des Médecins Catholiques (FJ.A.M.C.).

Le dernier jour a été marqué par deux conjërences faites par le Père BoCKLE, théologien de Fribourg et le Père DORÉ, Doyen de la Faculté de Théologie de l'Institut Catholique de Paris. Ces deux conjërences ont cerné la recon­naissance des deux libertés du malade et du patient et l'article du Père DORÉ sur" Evangile et Liberté 11 dont la première partie est publiée dans ce numéro de la revue.

Les carrefours ont eu lieu durant la matinée du mercredi 12 mai. L'Eucharistie du soir a été célébrée par Monseigneur SIMONNEAUX, dans la magnifique Chapelle Royale du Château de Versailles. Les congressistes se sont retrouvés au cours des divers repas et d'un dîner amical au château de Breteuil et d'une visite des appartements du château de Versailles.

Le Bureau de la F.E.A.M.C. a été élu à la fin du Congrès. Le nouveau président en est le Professeur André Nenna (secrétaire général du C.C.M.F), la secrétaire générale le Docteur Françoise Gontard.

1. - GROUPE DE LANGUE ANGLAISE - DOCTEUR J.-Ch. GALLAGHER

Les gynécologues catholiques en Grande-Bretagne sont en position dYJicile car ils refusent de pratiquer les avortements. De même, les pédiatres ont des dYJicultés dans l'administration de traitements aux enfants mal formés et des dYJicultés commencent à s'élever avec le Service de Santé National (N.H.S.).

1) A propos de la procréation in vitro, le W ARNOCK COMMl1TEE créé par le gouvernement est chargé de mener une réjl.exion éthique sur les problèmes soulevés. L'un des points de discussion concerne la date de gestation après laquelle toute expérimentation sur l'embryon serait interdite. La date actuellement retenue va jusqu'au

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14' jour. Le consensus n'est pas obtenu au 1ein de ce comité (majorité non ab1olue) et la B.M.A. (British Medical Association) n'a pas pril position.

2) Accès au poste de gynécologie obstétrique. Du fait du refus oppo1é par les étudiants en médecine catho· lique d'Angleterre de pratiquer l'avortement, est née la dijficulté, voire l'impossibilité, pour les .étudiants, d'em· brasser la carrière de gynécologue ou d'obstétricien (aucune promotion n'est possible pour eux). Ceci n'est pas tout à fait le cas pour ceux qui appartiennent à l'Église d'Angleterre.

J) Transplantation de cellules cérébrales embryonnaires. Cette question est étudiée pour le traitement de la maladie de Parkinson. En effet, 50 % des mères qui demandent l'interruption de grosse11e en Angleterre (jusqu'à la 28' semaine) autorilent l'expérimentation sur leurs fŒtus.

Le législateur britannique a retenu la date limite de la 28' semaine pour l'I. V.G., date qui est la plus tardive des législations de tous les autres pays Européens. ·

4) Maladies sexuellement transmissibles. La publicité faite pour une sexualité sans risque afin d'éviter les M.S.T. (maladies sexuellement transmisribles) a entraîné une augmentation de la permissivité relationnelle sexuelle dès la prime adole1cence. Elle comporte des instructions concernant les préservatifs masculins et feminins et tend à réduire la relation à l'exercice d'une génitalité basale.

Le groupe des médecins catholiques anglais du Royaume-Uni a entrepris de mettre en éVidence le caractère réducteur de cette façon d'envisager les phénomènes de l'amour humain et d'inciter lei adole1cents à mieux réa· liser, dans leurs conduites amoureuses, l'épanouissement de leur personnalité.

II. - GROUPE DE LANGUE FRANÇAISE - PROFESSEUR RAIN

Ce groupe a eu toujours une discu1sion animée, cordiale et souvent constructive.

1) Remarques Q..uelques remarques préliminaire• ont porté sur l'organisation générale du Congrè1. Plusieurs orateurs ont

regretté que le temps de discussion du mardi ait été supprimé ou trop restreint et que le temps des discussions en carrefour soit trop court. ·

En effet, les carrefours constituent un moment où l'on s'effôrce de connaître les orientations du magistère et d'envisager comment les appliquer dan1 leur pratique concrète.

On a 1ouligné l'intérêt de montrer quelle peut être la réponse de médecins chrétiens à des problèmes éthiques : celui dei douleurs physiques et morales dei mourants (l'expérience d'ABivEN à la Cité Universitaire était très instructive); celui des enfants non désirés a une importance au Luxembourg.

Enfin, on a regretté que la communication sur les média n'ait pas pu avoir lieu car les média représentent de nos jours un J' intervenant entre le malade et le médecin. Deux sujets ont retenu l'attention du groupe.

2) LE SIDA, maladie d'actualité, a suscité de nombreuses questions: - prise en charge par les organismes de Sécurité sociale; - éviter le rilque de culpabilisation du malade; - dépistage systématique où se trouve posé le problème de la liberté individuelle; - façon dont la 1ociété peut se protéger contre la perversité de certains individus.

Un membre du Conseil de l'Europe nous a rappelé que les Ministres Européens avaient rédigé un certain nombre de directives. Lei chrétiens et ringulièrement les médecins chrétiens doivent lutter contre l'exclusion de ces malades, réduire la part des fantasmes par une information calme, lutter contre cette grande et nouvelle angoisse que crée la peur du SIDA. La méthodologie médicale et la déontologie classique s'adaptent safJI d'iJTiculté à la conduite médicale face à une maladie nouvelle (P" LAROCHE). Un effôrt d'accueil et de réflexion permet de définir les attitudes souhaitables, en tant que médecin et chrétien, comme nos prédécesseurs l'on fait avant nous pour lei grandes pandémies de peste ou de choléra ou l'éradication des maladies vénériennes.

S) Procréation médicalement assistée Peut-on faire une dijfërence entre flcondation artifu:ielle à l'intérieur d'un couple stérile, flcondation par

des gamètes hétérologues au sein d'un couple stable; en l'absence de couple constitué, problème des mères céliba·

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taires et des mères porteuses. Si le sujet est libre, peut-il tout demander 1 La loi autorise beaucoup de libertés. Tout est-il souhaitable 1

Le Conseil d'État a établi sur ces problèmes un remarquable document" de l'éthique au droit,,, édité par la Documentation Française en 1988.

La question des embryons surnuméraires et l'utilisation des embryons humains a été évoquée. ,M1M HENNE.AU· HUBLET, juriste belge, a rappelé qu'il n'était pas nécessaire d'avoir des embryons surnuméraires sur le plan médical. Si le don d'embryon pose des questions, il faut constamment garder à l'esprit la notion que l'embryon n'est pas un objet, mais qu'il recèle toutes les virtualités d'un sujet humain.

Le Professeur l4;/EUNE a refuté un argument souvent utilisé selon lequel l'utilisation des embryons humains serait fondamentale pour la recherche. Il a clairement indiqué qu'aucune nécessité impo1e au nom de la science de travailler sur des embryons humains. De même, sur le plan thérapeutique, en réponse à une question du Docteur CHARBONNEAU, le Professeur l4;/EUNE ne voit pas de substances ou de cellules embryonnaires d'origine humaine dont l'efficacité thérapeutique soit démontrée comme irremplaçable.

Il rappelle qu'ilfaudrait distinguer le fait de prélever un organe sur un embryon mort - comparable au pro­blème du prélèvement du cadavre - ou d'isoler un embryon vivant et de le tuer pour en prélever une partie. Le terme d'embryon surnuméraire est contestable car la notion d'être surnuméraire ne peut être limitée ni clairement définie dans l'espèce humaine. Le Professeur LEJEUNE souligne que l'instruction "Donum vitae JJ est d'une grande rigueur et doit être prise en considération, même lorsque la jëcondation est envisagée dans le mariage.

Af'R' HENNEAU-HUBLET a rappelé en conclusion la situation de la législation belge. Nous sommes confrontés en matière de procréation assistée, à des situations de fait qui nous amènent à demander au médecin avis et assis­tance.

Pour la F J. V .E.T .E. dans un couple stable, il n Ji a pas de difficultés juridiques. Par contre, la jëcondation par des gamètes extérieurs au couple en suscite : ·

la loi ne prévoit pas tout. Si la loi n'a pas prévu certaines éventualités, cela ne veut pas dire que tout est permis; l'absence de loi est difficile à accepter; pour nous, elle ne donne aucune sécurité, mais progre11ivement, au regard de l'analyse des faits, s'élabore une "jurisprudence JJ;

le médecin est amené à prendre des positions sur des actions acceptables pour tous ; le nombre élevé de protagonistes dans une société pluraliste fait que le clivage entre attitude laïque et attitude chrétienne n'est pas simple. Les chrétiens médecins ou non médecins doivent rappeler la nécessité de prendre en compte toutes les réjërences personnelles et collectives pour tenter de résoudre les d!ff9icultés créées par les nou­velles possibUités de l'action médicale en biologie humaine.

III. - GROUPE DE LANGUE ITALIENNE - DOCTEUR SARACENI

L 'A11ociation des Médecins Catholiques Italiens propose les préliminaires suivants :

1) Les médecins doivent promouvoir l'accueil et la protection de la vie humaine dès sa naissance, en dépit des d!ff9icultés, car, si l'on accepte sans réserve la dureté du réel, on saura trouver des forces de solidarité et de com­passion.

2) Médecins et malades peuvent refuser l'idée de leur propre état de corruptibilité mais il est impo11ible d'éluder le problème de leur mort. Si l'on cède au courant culturel funeste qui tente de marquer cette permanence de la mort, l'ensemble de la relation médicale est faussée. Le professionnel devient alors une sorte de grand sorcier pouvant exorciser la maladie et la mort. Il est accepté comme manipulateur et dominateur et le malade se trouve lié par la crainte de ce pouvoir dans une obéissance stricte aux lois de la technique. Le malade devient alors un objet de science et le malade comme le mourant ou l'embryon ne bénéfu:ie plus du respect auquel il a droit.

J) Malade et médecin sont au cœur d'événements où leur deux personnalités sont impliquées dans des circons­tances souvent dramatiques; le seul recours n'est pas dans l'application rigide d'une technique mais dans une ren­contre libre. Le choix des solutions les plus efficaces et les plus justes doit respecter la nature hùmaine des deux interlocuteurs et reconnaître leur vocation naturelle d'enfant de Dieu.

L'adhésion du médecin et du malade à l'idée que la vie physique et spirituelle se poursuit dans la mort et la foi en la résurrection, constitue un patrimoine. Elle fonde l'adhésion spontanée où les difficultés du réel sont éclairées par la liberté.

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On peut rappeler à propos de la discussion de ce groupe, la phrase de AfMe YOURCENAR "Dieu a peut-être choisi de confier la charge de sa propre vie à la faiblesse de la liberté de l'Homme "·

IV. - GROUPE DE LANGUE GERMANIQ,UE - PROFESSEUR VON EIFF

Diverses questions sont posées actuellement en Allemagne.

1) Difficultés de la conception chez les femmes séro-positives en raison de l'infection H.I.V. La possibilité d'utilisation dans ces couples de préservatifs ou l'abstinence constituent un choix difficile.· L'I. V.G. chn ces malades, du fait du risque de l'infection de l'enfant est souvent demandée.

2) Au cours des rarissimes anencéphalies, l'i. V.G. pourrait être admise, l'anencéphale pouvant être considéré plus comme un corps étranger que comme un enfant.

J) Le mariage avec les relations sexuelles devrait être proscrit dans certains cas psychiatriques.

Ces positions ont suscité une discussion avec l'auditoire.

On compare l'attitude du médecinface aux problèmes de santé et aux avis du magistère à l'attitude dans une famille. Un enfant et un père doivent avoir des rapports de loyauté. Il n'est pas possible de concilier désobéissance et loyauté. Cependant, ce qui est admis ici est contesté ailleurs. Les mœurs varient d'un climat à l'autre (diversités des modalités, du mariage des chrétiens face aux coutumes en Afrique, en Amé· rique Latine •.. ).

- Le Professeur LEJEUNE souligne qu'il existe une science morale dont le magistère de l'Église nous dispense l'enseignement, une conscience morale qui nous permet de faire ce que nous dijinissons comme moral.

Dans tous ces problèmes, le Professeur LEJEUNE paraphrasant l'adage classique de PASCAL: "Scienc,.e sans conscience n'est que ruines de l'Â.me,, répète: "Conscience sans conscience morale n'est que ruine de l'Ame ,,.

- Professeur DEBRAY: la question de la transmission de l'infection H.I.V. aufœtus est difficile. Il n'existe aucune certitude sur la date à laquelle une femme atteint un seuil suffuant d'infection pour la trans­mettre. Il n'est pas constamment établi qu'une femme séro-positive infecte son enfant.

Les questions concernant le SIDA sont en pleine évolution et pourraient faire l'objet d'une réfle"ion lors d'un prochain congrès.

Le Professeur VON EIFF répond à ces diverses questions:

• En ce qui concerne le SIDA, la question est mouvante.

• En ce qui concerne l'i. V.G., la dijinition de la personne humaine est difficile, dans certaines conditions. En cas de maladie très sévère du cerveau, la personnalité s'estompe dans un état d'" lmpotentia ,, qui autorise diverses manœuvres.

- Il rappelle que le fait de soulever des questions précises et concrètes est une obligation à laquelle le chrétien ne peut se soustraire.

• MOTION FINALE

Les Médecins Catholiques de la F.E.A.M.C. de douze Pays Européens, réunis en congrès à Versailles, ajjirment qu'il leur appartient d'assumer leur propre" liberté,, dans l'e"ercice de leur profession et leur compétence avec les responsabilités qu'elles comportent, et selon les" impératifs de leur conscience chrétienne, éclairée par leur foi et le· magistère ecclésiastique ,,.

Ils veulent ainsi, en reconnaissant la valeur sacrée de la vie humaine, et la dignité de la personne, créature de Dieu, respecter la liberté des malades qui s'adressent à eux et les aider de leur art et de leur solidarité fraternelle pour la réalisation du destin auquel tous les hommes sont appelés par Dieu .

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Évangile et

LIBERTE par Joseph DORÉ (*)

Le texte de cette conférence a été revu par le Père Doré; il diffère légèrement du document du Congrès.

Le manque de place nous a obligé à en reporter la deuxième partie dans notre prochain numéro.

Les organisateurs de ce congrès en ont eu la vive conscience : parler de la liberté est, évidemment, soulever un problème considérable. Quel éclairage lÉvangile peut-il porter sur un problème humain de cette importance et de cette portée 7 Telle est la question que l'on m'a fait l'honneur de me poser et que j'ai eu l'imprudence d'ac­cepter ...

J'ai bien conscience que j'interviens au terme de journées qui ont été riches d'aperçus et d'apports, tant sur les libertés du médecin que sur celles du malade. A ce stade terminal d'une réflexion fructueuse, il me revient, non pas certes de conclure - comment cela se pourrait-il 7 - , mais çj'inviter à prendre le point de vue qui est ici à la fois celui de la source première et celui du critère ultime : il me revient de rappeler et de préciser comment l'Évangile peut éclairer et guider en chaque homme une liberté à laquelle la foi l'appelle indissociablement comme à une tâche et comme à une grâce.

Je n'aurai pas les moyens - en particulier pas le temps - d'établir un lien explicite avec les échanges que vous avez eus et les résultats auxquels vous êtes parvenus sur le plan professionnel médical, au cours de ces studieuses journées : cela vous appartient. C'est directement aux croyants, aux chrétiens que vous êtes, que je m'adresse à la fin de ce Vl8 Congrès de la Fédération Européenne des Associations de Médecins Catholiques. Je parlerai en théologien, sur un plan proprement et dir~ctement théolo­gique. Je voudrais manifester comment l'Evangile et la Loi qui l'i;iccueille abordent cette dimension humaine de l'exis­tence : ce qu'ils en disent et quelles chances ils lui offrent.

Je procèderai pour cela en trois étapes. Ayant tout d'abord évoqué la figure même de Jésus, homme libre par excellence (1), je dirai ensuite la portée de son destin, de sa mort et de sa résurrection pour la libération des hommes (Il). A partir de là, je présenterai quel éclairage la foi porte sur la condition historique de la liberté (Ill) et préciserai d'un mot comment elle voit les conditions concrètes d'un authen­tique vivre libre aujourd'hui.

1. - JÉSUS, « HOMME LIBRE»

Les contraintes économiques et politiques, les condi­tionnements psychologiques et sociaux pèsent très lourd sur toute existence humaine, quelle qu'elle soit. Il ne fait

pas de doute, pourtant, que lévolution culturelle et les progrès scientifiques et techniques ont, de fait, permis aux hommes et aux femmes de l'Occident moderne - du moins à un bon nombre d'entre eux - une réelle avancée dans un ordre d'autonomie et d'émancipation qui a beaucoup aug­menté leurs chances de liberté. Cette situation nous conduit d'elle-même à considérer que les siècles passés, en particulier ce que nous appelons « I' Antiquité » auraient peu à nous apprendre en matière de liberté, celle-ci nous apparaissant en réalité comme une « idée moderne ». Penser ainsi serait faire bon marché de ·données pourtant bien incontestables qui apparaissent aux fondements mêmes de notre civilisation, tant du côté gréco-hellénis­tique que du côté judéo-biblique. Il suffira ici d'évoquer, pour le premier, Socrate et la Stoa et, pour le second, l'événement de l'Exode et le livre du Deutéronome 1

Avec ces évocations, qui nous renvoient à des racines très antiques de notre liberté, on n'a toutefois pas encore signalé le plus frappant et l'essentiel, que l'on ne trouve pas ailleurs que du côté de Jésus. Car voilà bien l'homme libre par excellence : Jésus 1 J'établirai d'abord de quelle manière singulière et à quel point étonnant Jésus a, effecti­vement, été un homme libre. Cela nous permettra par la suite de mieux voir, au-delà de l'étonnement qu'il peut sus­citer chez nous et au-delà de l'exemple qu'il peut repré­senter pour nous dans sa propre liberté, ce qu'il est sus­ceptible d'apporter à la nôtre, à quel titre et selon quelles modalités.

1 . Libre devant la Loi

Jésus est fils d'Israël. A ce titre, il se reconnaît et se veut respectueux et observant par rapport à la loi de Moïse qui, à ses yeux comme à ceux de tout son Peuple, est vraiment la Loi de Dieu: la Tôrah. Or l'étonnant est qu'à l'égard d'une Loi qu'il estime et vénère pareillement, il fait néanmoins preuve d'une liberté tout à fait singulière. Non qu'il conteste les fondements de la Loi, mais parce qu'il réprouve le recours qu'on y fait et la compréhension qu'on en donne autour de lui. Telle est bien, en effet, la raison pour laquelle c'est la plupart du temps dans le cadre de débats et de controverses avec les docteurs de la Loi que Jésus prend une position critique à l'égard de la Tôrah.

(•) Institut Catholique de Paris.

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Évangile et Liberté

Non seulement Jésus se présente comme l'interprète compétent des différentes dispositions de la Loi, invoquant tantôt l'attitude de David dont les gens affamés se sai­sirent des «pains de proposition qu'il n'est permis de manger qu'aux prêtres» (Mc 2, 23-26) et tantôt l'autorité de Moïse : par exemple pour justifier sa propre position sur la question du divorce (Mc 10, 3 et par.). Mais, plus radica­lement, il interroge sur le sens profond de la Loi comme telle. Ses coreligionnaires, surtout leurs docteurs et leurs scribes, ont tendance à comprendre celle-ci, d'une manière légaliste, comme la réglementation d'une sorte de mar­chandage avec Dieu. Jésus rappelle au contraire que l'ob­servance n'est rien sans l'amour au service duquel elle doit mettre l'homme. Le sabbat est pour l'homme et non l'in­verse (Mc 2, 27). Ce qui a du prix aux yeux de Dieu, c'est la miséricorde et non les sacrifices (Mt 12, 7). La vie des hommes vaut mieux que le respect mal compris du sabbat: «Oui d'entre vous, s'il n'a qu'une brebis et qu'elle tombe dans un trou le jour du sabbat, n'ira la prendre et l'en retirer 7 Or, combien l'homme l'emporte sur la brebis! Par conséquent il est permis de faire une bonne action le jour du sabbat » (Mt 12, 11-12). Le premier comman­dement est : « Tu aimeras, le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit » ; à quoi s'ajoute le second qui lui est semblable: «Tu aimeras ton prochain comme toi-même» (Mt 22, 31-40 et par.). Et, à strictement parler, il n'y en a pas d'autres. L'enseignement de Jésus n'est certes pas moins exigeant que celui de la Loi, mais il est mieux centré; la liberté qu'il prône n'est pas laxisme, elle est appel, mais appel à l'amour.

La condition et le résultat à la fois de cette attitude de Jésus est de le faire apparaître comme un homme d'une « autorité » comparable à nulle autre (Mc 1, 22). Autorité qui se marque par dessus tout dans les fameuses anti­thèses du« Sermon sur la montagne»:« Vous avez appris qu'il a été dit( ... ). Eh bien moi je vous dis( ... )» (cf., p. ex., Mt 5, 43-44). Tout se passe comme si Jésus avait pouvoir, non certes de proclamer une Loi tout autre que la Loi de Moïse, mais de dire seul le propre et vrai sens de la Loi de Dieu autrefois donnée à Moïse, d'en redéfinir authentiquement l'orientation et la fonction. D'où, d'ail­leurs, la question qui montera autour de lui : « Mais d'où lui vient cette autorité 7 » (Mc 2, 7) - et, finalement: «Qui donc est-il 7 » (Mc 4, 41 ), pour se permettre à lui-même une telle liberté et pour appeler pareillement les hommes à la liberté 7

2. Liberté dans la société

A cette liberté déjà si étonnante qu'il manifeste devant la Loi de Dieu, Jésus en ajoute une autre : celle qu'il pra­tique par ailleurs dans la société des hommes.

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La conception qu'il a de la loi l'amène déjà à négliger totalement nombre de tabous sociaux, dès lors qu'est pour lui en cause l'annonce de cette Bonne Nouvelle du Royaume dont il est lui-même le porteur. Ainsi ne craint-il pas, à l'étonnement du reste de beaucoup, de partager la table des publicains et des pécheurs, « des pécheurs et des collecteurs d'impôts 1 » (Mc 2, 15 et par.), catégories répr~uvées. par les trop bien-pensants de lépoque. Ainsi se la1sse-t-1I approcher par des femmes de fréquentation peu recommandable, dès lors qu'en elles une conversion s'amorce (Mc 14, 3-9; cf. Le 7, 36-~0). Ainsi s'intéres­se-t-il même aux païens (Mc 1, 40-48) et aux samaritains (Le 10, 29-37; 14-17).

Significative de la liberté de Jésus dans la société est aussi son attitude à l'égard de catégories sociales ou d'en­sembles humains non plus expressément exclus comme le sont ceux qui viennent d'être mentionnés, mais très lar­gement négligés ou, du moins, traditionnellement peu valo­risés : les enfants, le petit peuple, les foules... et les femmes elles-mêmes, dont plusieurs suivent Jésus, et parmi lesquelles il a des amies : liberté nouvelle qui tranche beaucoup sur les comportements de lépoque tels que nous les connaissons par ailleurs 1

Évidemment, un tel comportement à l'endroit des dif­férentes couches de la société juive de son temps mani­feste chez Jésus une liberté redoublée par rapport à toutes les castes religieuses qui interdisaient de les traiter de la sorte : en particulier les Pharisiens et les Sadducéens ; mais aussi les scribes en général, et ces Baptistes mêmes, dans le courant desquels Jésus s'inscrivait pourtant net­tement, et auxquels, en la personne de Jean-le-Baptiste au moins, il n'a pas craint de faire allégeance au début de son ministère public.

Tout cela trouve d'ailleurs un prolongement cohérent aux deux « extrêmes » de lexistence sociale de Jésus : d'abord à ce degré premier de la socialité humaine qu'est la famille, et ensuite au niveau le plus englobant qu'est la société politique. A l'égard de sa famille, c'est dès douze ans, s'il faut en croire Le 2, 49, que Jésus adopte une attitude de liberté réfléchie et responsable. Cela se confirmera par la suite aussi bien par son comportement envers sa mère à Cana par exemple (Jn 2, 3-5) que, et bien plus encore, par ses nettes prises de distance face à ceux de ses proches qui voudraient faire pression sur lui pour l'amener à infléchir sa mission dans un sens plus réaliste et plus «payant» pour eux (Mc 3, 21-31 et par.). Quant au champ politique, Jésus se montre tout aussi libre à légard des autorités en place que vis-à-vis des courants qui pré­tendent les contester. D'un côté il met (ou remet) César à sa place (Mc 12, 17 et par. : «Rendez à César ce qui est à César ... »); et il ne se laisse impressionner ni par Hérode, « ce renard » dont la prétendue ruse ne le dupe nullement (Le 13, 32), ni par Pilate qui pourtant le fait comparaître : «Tu n'aurais sur moi aucun pouvoir s'il ne t'avait été donné d'en haut» (Jn 19, 11). Mais, d'un autre côté, il ne joue pas pour autant le jeu de la contestation politique, celui par exemple de ces résistants au pouvoir romain d'occupation qu'étaient les Zélotes (Mt 11, 12; Mc 4, 26-29). Et il se dérobe devant toute tentative des foules voulant le porter à la tête d'un soulèvement d'allure plus ou moins révolution­naire (cf. Jn 6, 15).

3. Libre du mal

Tout n'est pas dit encore, cependant, avec ce qui précède, sur la liberté de Jésus 1 Car il apparaît aussi -peut-être même faut-il dire: d'abord - ·libre du mal.

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Parmi ces exclus de la société juive dont nous avons dit que Jésus n'hésitait pas à les fréquenter, il y a spécia­lement les pécheurs : ceux que l'on considère comme exclus de la communion avec Dieu et que, donc, on exclut de la communauté religieuse et sociale. Jésus, lui, les rejette tellement peu qu'il vient au contraire vers eux, «s'approchant» d'eux, mangeant avec eux, disant même qu'il est venu pour eux» (Mc 2, 17-19 et par.). Venu pourquoi au juste 7 - Venu pour rien de moins que pour les libérer de leurs péchés, si du moins eux-mêmes le désirent un tant soit peu. Venu pour leur annoncer et leur accorder, ni plus ni moi11s, le pardon même de Dieu (Mc 2, 1-12 ; Le 7, 36-40). Etonnante liberté, extraordinaire liberté que celle dont Jésus fait preuve ici 1 Pardonner le péché des autres avec une pareille autorité signifie, en effet, qu'on est soi-même totalement libre du péché. Car c'est accomplir l'office de Dieu même, puisque tout l'Ancien Testament (dont Jésus se réclame très évidemment) n'a jamais, au grand jamais, attendu qu'un homme pOt remettre le péché, le pardon étant ici le privilège absolu de Dieu seul. Les contemporains de Jésus ne s'y sont pas trompés d'ail­leurs. Tel est, en effet, leur commentaire: «Pourquoi cet homme parle-t-il ainsi ? - Il blasphème. Qui peut pardonner le péché, sinon Dieu seul? (Mc 2, 7).

Tous les récits de guérison des évangiles apparaissent d'ailleurs comme la traduction physique et corporelle de la liberté qu'apporte aux hommes pécheurs l'homme éton­namment libre qu'est Jésus. Si, par exemple, il délivre un paralytique, c'est, comme le montre Le 5, 17-26, pour faire apparaître qu'il a bel et bien le pouvoir de délivrer du péché : le verbe grec « aphiêmi » évoque les liens défaits qui tombent; et Le 13, 12 et 16, par exemple encore, fait état d'une libération qui vaut à la fois par rapport à l'in­firmité physique et par rapport à «Satan». Bonne manière de manifester l'ampleur et l'enjeu du combat que Jésus vient mener pour la libération du mal.

4. La forme de la liberté de Jésus

Ubre devant la Loi: « Ils étaient frappés de son ensei­gnement car il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes » (Mc 1, 22) ; libre dans la société : « Maintenant nous savons que tu es franc et que tu ne te préoccupes pas de qui que ce soit car tu ne regardes pas au rang des personnes ( ... ) » (Mc 12, 14) ; libre du mal: « Passe derrière moi, Satan, car tes pensées ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes » (Mc 9, 33) : Jésus a donné à ses contemporains /'impression d'un être éton­namment libre et libéré. Et cela à tous les plans où se joue la vie humaine : au plan religieux et culturel, comme au plan familial et politique, comme au plan social et éthique. Pou­vons-nous préciser, à partir de là, la figure, ou le style, ou la forme propre de cette liberté dont, pour l'instant, nous n'avons encore fait qu'établir l'existence en tous les domaines de l'existence de Jésus? - Il est possible, au moins, de dégager deux traits principaux.

Premier trait : sa liberté, Jésus la vit selon le régime d'une double référence, d'une double disponibilité. D'une part il ne l'affirme jamais comme la revendication d'une pure indépendance et autonomie personnelles: c'est tou­jours aux autres qu'il pense, spécialement aux petits, aux pécheurs, aux pauvres. C'est pour eux qu'il «se rend libre», en tous les sens de cette expression. D'autre part, c'est toujours pour mieux manifester sa fidélité à Celui qu'il dit son Père et à Sa volonté, que Jésus revendique sa propre liberté par rapport à tout ce qui en entraverait le fonctionnement. La méditation du IV8 évangile insistera beaucoup sur ce dernier aspect : « Je suis, et je ne fais rien de moi-même» (Jn 8, 28); mais cette méditation johan-

nique ne fait, en réalité, qu'exprimer quelque chose qui apparaît bien caractéristique de la vie de Jésus elle-même et de sa liberté, et que traduit bien ce fameux « il faut, il fallait» (dei}, qui jalonne toute l'existence de Jésus. De sorte qu'au bout du compte la vie de Jésus apparaît tout entière sous « le commandement que (lui) donne son Père » (Jn 10, 18 in fine ; 12, 49). Et par conséquent il faut dire que si Jésus prend ses libertés et revendique sa liberté par rapport à son contexte socio-politique et éthico-religieux, ce n'est que pour accomplir avec plus de fidélité la volonté du Père - mais celle-ci n'est autre que la liberté de tous ses enfants.

Par-là se dessine d'ailleurs le second trait, double lui aussi, qui donne sa forme particulière à la liberté de Jésus. D'un côté cette liberté s'affirme comme une autorité: elle prend l'allure d'un exercice d'autorité puisqu'elle suppose chez celui qui la pratique la seule juste compréhension et la seule parfaite mise en œuvre de la volonté de Dieu lui­même. Mais d'un autre côté, elle entraîne de soi un affron­tement résolu et une démarcation nette par rapport à tout un establishment qui se prétend à tort détenteur de la vérité et elle appelle la dénonciation fondée de cet esta­blishment. Elle ne peut donc que rencontrer opposition et dénonciation en retour, de la part de toutes les autorités et instances qu'elle vient, de la sorte, déranger ...

«A ces mots, tous dans la synagogue furent remplis de fureur. Et, se levant, ils le poussèrent hors de la ville et le conduisirent jusqu'à un escarpement de la colline sur laquelle était bâtie leur ville pour l'en précipiter. Mais lui, passant au milieu d'eux, allait son chemin ... » (le 4, 28-30).

Plus la liberté de Jésus s'affirme, plus elle appelle et valorise la liberté des enfants de Dieu, et plus elle place Jésus dans une position de solitude, plus elle lui vaut l'hos­tilité de ceux qui ont intérêt à ce que se maintienne létat présent de la société et des rapports sociaux. Et donc à ce que ne soit pas remise en cause la conception de Dieu et de Sa Loi qui commande une telle situation. On voit bien, d'ores et déjà, que la cause de Jésus et celle d'une certaine liberté sont liées. On voit bien que du destin de Jésus gépendra aussi le destin du type de liberté dont son Evangile portait l'annonce - en l'annonce duquel, même, son Evangile consistait, et dont sa vie même était l'incar­nation. Quel sera donc le destin de Jésus? •

(à suivre)

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LE CHOIX DE DIEU par Jean-Marie Lustiger (*)

Une lecture de François GOUST

Il est difficile de choisir un témoin dont lexistence soit aussi intimement mêlée à l'histoire tragique de nos cin­quante dernières années que ce soit dans le domaine social, intellectuel ou surtout spirituel.

Ce témoin, Jean-Louis Missika et Dominique Wolton, l'un sceptique, l'autre agnostique, tous deux très au courant de notre temps, l'ont trouvé dans la personne de Jean-Marie Lustiger, cardinal de Paris auquel ils ont proposé ce vaste et loyal débat.

Ce livre dense en est le fruit.

Aron Lustiger est né en 1926 de parents juifs polonais naturalisés. Il reçoit d'eux l'amour de sa race et de notre pays. Il grandit avec l'intense désir de connaître et l'aspi­ration à la sagesse. Très tôt il est hanté par la question du sens de la vie. Il dévore les livres. La Bible le captive. L'anti­sémitisme, dans son enfance, ne l'éclabousse que très peu.

En 1939 éclate la guerre. Père mobilisé. Le reste de la famille (sa mère, sa sœur, etc ... ) se réfugie à Orléans. Il y découvre la France chrétienne à travers les relations quoti­diennes et la lecture (Pascal et toujours la Bible). Il hante la cathédrale. C'est là que le Vendredi Saint 1940, il est touché par la Grâce et décide de se convertir. Juif, oui. Mais le Christ aussi est juif. Le peuple juif et son histoire sont la racine du christianisme. Il suit le Messie, devient catholique .sans jamais renier son identité juive. Durant l'été 40, l'Evêque d'Orléans le baptise, lui donne la com­munion, le confirme.

Sous l'occupation, son père se cache à Decazeville. Sa mère, prise dans une rafle à Paris, mourra en dépor­tation.

L'évêque d'Orléans l'envoie au Petit Séminaire de Paris où il passe son bac de philo en juin 43. Déjà il veut être prêtre. Aux questions posées sur ce qu'il pensait et pense sur la vie politique d'alors, il répond d'une façon nuancée. L'effondrement de notre pays est pour lui la conséquence d'une crise spirituelle globale aux origines lointaines. D'où ce désarroi national. Pour lui, son option d'alors est la Résistance près de «Témoignage chrétien». Missika lui demande si les horreurs de la guerre, du génocide, etc ... ne peuvent pas amener un croyant à renoncer à Dieu ou à pro­clamer que Dieu a abandonné les hommes. C'est le pro­blème du Mal dans le monde auquel seule la Foi apporte une réponse, répond longuement J.-M. Lustiger. Les drames de la guerre en particulier lui ont appris qu'il est illu­soire de penser que « la raison peut être sauvée par la RAISON». Il ne voit de salut que dans l'espérance chré­tienne ce qui l'a confirmé dans sa volonté de devenir prêtre.

De 1945 à 1954, le voici étudiant et séminariste à Paris: lettres classiques en Sorbonne et philosophie à l'Ins­titut catholique. Il adhère à la J.E.C. Les problèmes poli­tiques se posent d'une façon aiguë. Certes, il faut agir poli­tiquement pour la justice. Mais il se méfie des engagements en faveur d'idéologies, toutes relatives. Ce qui s'impose à lui, de plus en plus, c'est le sens de I' Absolu, de Dieu et du sacré. La Révélation est une exi­gence absolue de l'humain.« L'absolue Transcendance est entrée en relation avec l'homme. Si Dieu se dit, se donne à penser. Il ne peut le faire qu'en se révélant comme Celui qui demeure hors des prises de position de l'homme» (p. 160). La Foi dépasse la Raison sans la nier. Elle seule peut donner sens à la vie humaine comme à la réalité sociale. (On ne peut donc «privatiser» l'expérience reli­gieuse). Si actuellement la religion n'est pas le fondement officiel du lien social, cela n·~mpêche que ce dernier appar­tient toujours au Sacré. L'Eglise est appelée à prendre publiquement position sur tous les problèmes humains, y compris les problèmes socio-économiques.

Peut-on démontrer par la raison que Dieu existe demande Missika 7 Oui, la raison donne le pouvoir d'af­firmer lexistence de Dieu, mais non le définir. Surpassant la raison, la Foi est une lumière dans la nuit. La Révélation surpasse la raison. Elle rompt avec le déterminisme déses­pérant et affirme l'homme dans sa liberté lui permettant de se dégager de ses passions en obéissant à Dieu. Le temps n'est plus où religion et science s'opposaient. Passées cer­taines errances de part et d'autre, elles sont en voie de se compléter.

• J.M.L. est interrogé ensuite sur les rapports entre l'Eglise et la société à travers son expérience de prêtre. De 1954 à 1969, il est aumônier en Sorbonne. Il est confronté à un certain anticléralisme. Il s'efforce de montrer que Foi et Science ne sont pas contradictoires et que la Foi favorise un authentique libre développement de l'homme. Durant la guerre d'Algérie, l'Église prend position contre la torture en s'adressant aux responsables politiques. En mai 68, «nous nous sommes efforcés de rester des adultes, durant cette période où beaucoup de gens ont complètement perdu le sens des responsabilités » (p. 254). Mais, s'il y avait dans cette explosion des éléments positifs de critique de la société de consommation, l'irra­tionnel dominait, ouvrant le chemin de la violence. Inter­venir publiquement 7 «L'Évangile n'avait pas sa place dans cette foire ». « S'il y a une vraie expérience de Dieu et de la liberté, source de déconditionnements, il y a des décondi­tionnements qui précisément ne vont pas vers la liberté, mais vers la déstructuration» (p. 259). Cette crise a dété­rioré durablement nombre de ses acteurs. Son survol

(9) Éditions de Fa/lois, 22, rue La Boétie, Paris.

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Le choix de Dieu

permet à J.-M. Lustiger d'insister sur le fait que «la Foi relativise les positions idéologiques». Une réalisation socio-politique ne peut jamais s'identifier au Règne de Dieu. Certaines conduites politiques s'en rapprochent, d'autres s'en éloignent. L'Eglise certes a une doctrine sociale, mais se défend d'adhérer à aucun parti. Les chré­tiens n'ont pas à s'adapter aveuglément au monde moderne, mais doivent renouveler leur identité chrétienne en fonction du temps présent. Ce fut le but de I' Aggi9rna­mento de Jean XXII. Les vraies réformes de l'Eglise naissent toujours de l'intérieur.

Pourquoi l'Église est-elle réticente à l'égard de l'indivi­dualisme et favorable à la personne ? A cette question de D. Wolton, voici la réponse de J.M.L. : L'individualisme fait de l'homme une monade, isolée des autres et de Dieu. La personne au contraire reflète la conception Trinitaire. Elle est relationnelle: relation avec Dieu, le Christ et tous les hommes. Dans cette perspective chrétienne, les droits de l'homme prennent toute leur valeur car Dieu en est l'ultime garant. Sans Absolu en effet quel sens peut avoir la vie humaine? Non seulement la Foi nous fait aimer, servir Dieu et nos frères, mais elle défend l'homme contre lui-même. Se pose le problème de la liberté. L'individualiste, au nom de la liberté, admet la contraception, l'homosexualité, le divorce, l'avortement, le suicide, etc ... Pour le personna­liste chrétien, l'être humain ne peut disposer de son corps comme d'un objet extérieur à sa liberté. Cette liberté est liée à la notion de bien et de mal. Elle est de choisir le bien, d'intégrer par exemple la sexualité à lensemble de sa per­sonne. Elle ne permet pas de faire n'importe quoi. ... La dis­cussion sur ce sujet n'est qu'ébauchée ...

En octobre 1969, J.M.L. devient curé de Ste-Jeanne de Chantal. Là, tous les problèmes de la vie paroissiale se lèvent. Son nouveau pasteur la conçoit comme une com­munauté vivante, lieu de rencontre des chrétiens de la cité aux engagements souvent divers et dispersés. La liturgie, les sacrements, le ministère de la parole, y tiennent une place privilégiée. Les questions se succèdent. Qu'en est-il de la crise des vocations ? Certes la place du prêtre comme personnage social s'est considérablement réduite. Cela traduit surtout« la crise spirituelle des catholiques à l'inté­rieur de la société française» (p. 370). Les revendications de certains prêtres (droit au travail, au mariage, à I' enga­gement politique) sont incompatibles avec les renonce­ments qu'implique la vie pastorale. Quant au rôle croissant des laïcs, il n'est pas lié directement à la crise des voca­tions, mais à un effort pour mieux répartir les tâches spiri­tuelles et séculières.

Le débat s'élargit et s'approfondit avec l'accession de Mgr Lustiger aux plus lourdes responsabilités : évêque d'Orléans (1979), archevêque de Paris (1981). Les auteurs du livre creusent certaines questions déjà envisagées :

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- rapport de l'Église et du pouvoir, - intervention de l'Église dans la société (immigration,

domaine socio-économique, vie familiale, rôle des .mass­media). Ces dernières certes sont utilisées par l'Eglise. Elles sont un fait de société qu'on ne peut ignorer. Mais elles traduisent mal le fait religieux. Ainsi les voyages pontificaux donnent l'impression d'un spectaçle alors qu'ils ont pour but essentiel de rassembler l'Eglise en ses membres. Ils ont chacun leur spécificité visant un peuple déterminé dans une situation déterminée. Quoique certains disent, IE! Pape ne prend pas trop d'im­portance. L'autorité de l'Eglise, c'est le Christ. Celui-ci 1:a transmise aux Apôtres et à leurs successeurs, les Evêques. Le Pape assure une mission de régulation de ce pouvoir. Il est la primauté dans la collégialité. A part quelques erreurs, la Primauté papale a été le plus souvent infiniment précieuse à l'Eglise, favorisant parti­culièrement la lutte contre l'emprise des Rois et des Nations. La mondialisation en cours (le catholicisme, un peu en retard en Europe, gagne en Amérique latine en Afrique et en Asie, le prochain pape sera peut-être noir ou jaune) lui donne un intérêt encore plus grand. A l'heure où les cultures communiquement, la papauté fait l'équilibre entre l'uniformisation et le particularisme. Les conférences épiscopales coordonnent le fonction­nement ordinaire de chaque Église.

La montée de I' œcuménisme laisse espérer que seront surmontées les contradictions théologiques et discipli­naires des diverses religions chrétiennes. Malheureu­sement certains murs politiques disparaîtront plus diffici­lement.

Avec le judaïsme, les chrétiens ont au moins une racine commune : la Révélation biblique transmise par l'his­toire du peuple hébreu. Peut-on espérer qu'Israël un jour reconnaîtra le juif Jésus comme le Messie ctui a accompli la parole de Dieu et l'a universalisée par son Eglise? Du côté de l'Islam, un grand pas serait franchi si le religieux ne se confondait pas avec la politique.

Interrogé sur le principe de la « guerre juste » Monsei­gneur Lustiger constate que la guerre est certes un mal qui exige remède. Mais parfois on y est contraint pour pré­server les droits fondamentaux. Individuellement il est bon de ne pas répondre au mal par le mal et de pardonner avec amour. Mais on ne peut imposer à tout un peuple une poli­tique de résignation et d'abandon. Quant à la position des évêques sur l'usage de l'arme atomique, elle ne traduit qu'une morale provisoire dans le contexte mondial actuel.

Évoquant les tragédies de l'histoire humaine depuis 2000 ans, D. W. demande comment les expliquer si le Messie est déjà venu. J.-M. Lustiger répond que Jésus a ouvert la porte à !'Espérance et a attesté par son sacrifice la Rédemption de l'homme. Il est la voie. Mais l'homme reste libre. L' Apocalypse nous décrit ce combat croissant de plus en plus paroxystique entre les forces de liberté et d'asservissement, entre les forces de vie et de mort. Le monde enfante dans la douleur son salut. Mais la fin de l'histoire est inimaginable pour l'homme. La raison est impuissante dans ce domaine. Et la Foi vit dans le mystère !'Espérance semée par la Révélation.

L'une des ultimes questions nous conduit à la frontière de la connaissance humaine : quel rapport y a-t-il « entre une connaissance scientifique de l'histoire de l'humanité et le rôle d'une intervention extérieure». Les connaissances scientifiques évoluent toujours. Actuellement pour elles, notre univers a eu un commencement et aura une fin. Ceci justifie l'idée d'une création. Avant le premier instant, c'est l'inimaginable. Mais « le langage de la création et de la

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Révélation sont ensemble la clé de la perception historique que l'homme a de sa relation au cosmos». Le Royaume de Dieu est notre seule espérance de Salut. La Révélation est « une sagesse introduite dans un monde dont la compré­hension m'échappe» répond humblement le Cardinal Lus­tiger.

damentaux. Certes, sur certains sujets, questions et réponses s'articulent bien. Mais à mesure qu'on aborde des thèmes complexes, la confrontation devient inévita­blement difficile. Chaque thème mériterait un livre. Dans cet ouvrage, les réponses tournent parfois court et ne satisfont tout à fait ni celui qui répond, ni le questionneur, ni le lecteur.

Réaliser un tel livre, passionnant, a dO être difficile. En tout cas, la recension n'en est pas aisée. Certes l'interview se prête bien à l'exposé d'une vie exceptionnelle et capti­vante. Mais ce genre est moins adapté s'il affronte aussi, comme cela va de soi, les problèmes humains les plus fon-

Mais ces pages ont le mérite inestimable de nous inciter à entrer aussi dans le débat, à réfléchir longuement sur ces sujets qui nous poursuivent toute notre vie. Elles nous aident à aller plus loin et plus haut. •

COMMUNIQUÉS

XV• CONGRÈS MÉDICO-SOCIAL PROTESTANT Président : Professeur Étienne MARTIN

Siège Social: École d'infirmières des Diaconesses

95, rue de Revilly, 75012 Paris

• JOURNÉES INTERNATIONALES

FRANCOPHONES D'ÉTUDES D'ÉTHIQUE DES SOINS

l' AUTONOMIE DES PERSONNES MALADES Bordeaux 12-15 octobre 1988

Président d'honneur: pr Louis Pouv ANNE Président : pr Bernard HoERNI

Secrétariat: Fondation BAGATELLE BP 48 - 33401 Talence Cedex

Le (la) malade est aussi une personne dont /'autonomie doit être d'autant plus pré­servée, rétablie, qu'elle est menacée, diminuée par /'atteinte pathologique. Des principes à la pratique, ce sujet soulève de nombreuses difficultés, donc donne de nombreuses raisons de faire progresser la réflexion dans la tolérance, la concertation et la solidarité.

Jeudi 13 octobre 8 h Accueil des participants 8 h 30 : Cérémonie inaugurale 9 h : Perspective historique

par J. BAUBEROT 9 h 30 : Quelle autonomie 7

par A.L. DUBIED 10 h : Autonomie et formation des

soignants par A. PARROT

10 h 30 : Discussion générale 10 h 45: Pause 11 h 15: Table ronde: Perspectives

éthiques et théologiques Modérateur : A. DUMAS avec le Père BLANCHET /an Mu!R, le Rabbin MAMAN

12 h 40 : Méditation par A. DUMAS

12 h 45 : Déjeûner

14 h 45 : Groupes de travail 16 h 45: Témoignage d'un malade

par P. VIAUANEIX 17 h 25 : Méditation

par R. HEILMANN

Vendredi 14 octobre 8 h 30 : Autonomie des malades et

pouvoir médical par D. BONNET

9 h : Point de vue d'un chercheur par E. MARTIN

9 h 30: Point de vue d'un infirmier par J. ROBERT-LACAZE

10 h : Point de vue d'une assistante sociale par D. GIRARD

10 h 30 : Discussion générale 10 h 45: Pause 11 h 15: Table ronde: Autonomie des

malades et contraintes socio­économiques Modérateur : A. ROWERAND et S. NOAILLES A. DECHAUSSE-CARILIAN, M. VERGES, Ph. CHARRON

12 h 40 : Méditation par F. ROCHAT

12 h 45 : Déjeûner 14 h 45 : Rapport des groupes de

travail 16 h 30 : Synthèse et conclusion

par F. OUERE et M. FAESSLER 17 h 30 : Fin du congrès

• Ce congrès n'est pas réservé à des parti-cipants de confession protestante, mais au contraire ouvert à toute participation de bonne volonté.

L'organisation générale du Congrès est prévue pour permettre les échanges les plus libres et les plus constructifs, dans l'intérêt de tous, dans un esprit convivial.

Les groupes de travail du jeudi après-midi réuniront un nombre limité de partici­pants, avec un modérateur pour organiser les échanges et un rapporteur qui en pré­sentera l'essentiel vendredi après-midi en séance plénière. Les thèmes dès à présent retenus sont : la formation des

soignants, les soins à domicile, les soins palliatifs, les enfants malades, les adoles­cents, les malades âgés, les handicapés, les malades mentaux, la prévention ...

28° Congrès des Centres de Santé

organisé par l'Union des Syndicats

de Médecins de Centres de Santé

22, 23 et 24 septembre 1988 à la Faculté de Médecine

René-Descartes 45, rue des Saints-Pères

75006 Paris

Le Travail en Équipe

Avec la participation : du Syndicat National des Chirurgiens

Dentistes de Centres de Santé du Syndicat National

des Kinésithérapeutes Salariés de Centres de Santé

des Infirmières de Centres de Santé des Secrétaires de Centres de Santé

Renseignements généraux

Le Congrès est ouvert à tous les profes­sionnels français et étrangers exerçant en Centres de Santé . Y sont invités les médecins et équipes de P.M.I., santé scolaire, étudiant et profes­sions de santé intéressées. Le congrès est ouvert aux syndicalistes, élus, administrateurs de mutuelles, de caisse de sécurité sociale, associations d'usagers, etc.

Pour tous renseignements complémen­taires, écrire ou téléphoner au Secrétariat du Comité d'Organisation du Congrès National des Centres de Santé

Secrétariat du Comité d'Organisation: 23, rue de Léningrad, 75008 Paris

Tél.: 16.1 45.22.21.40 de 9 h à 12 h et de 14 h à 18 h

(sauf le samedi)

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VIE DES MOUVEMENTS MÉDICO-SOCIAUX CATHOLIQUES

par le D' Pierre CHARBONNEAU

RENCONTRE - Cahiers du Travailleur Social - N° 65 - Printemps 88

De la naissance à la mort, notre vie est marquée du sceau de la séparation. Parler de la séparation, c'est parler de la vie de l'individu, de la vie, de la vie du groupe, car ce sont les séparations successives qui tracent la trajectoire de chacun et servent de repères à l'évolution aussi bien de l'enfant, de l'adolescent, de l'adulte que du groupe social auquel chacun appartient. Aussi ce numéro n'est-il pas consacré à la « séparation » du couple, bien que ce sujet soit abordé, mais à toutes les sépa­rations que chacun rencontre au cours d'une vie, en commençant par celle de la naissance, puis celles en fonction des âges, des migrations, du milieu social, sans oublier celle du monde pour les Pos­tulantes qu'évoque d'une manière remar­quable et touchante, Agnès, dans le dernier article intitulé : « Le choc de la parole de Dieu». Bien entendu, un magistrat, un travailleur social, des psychologues s'expriment également sur la séparation, ce qui est bien naturel.

• SOUFFLES - N° 109 - Avril 1988

L 'Association « Chrétiens en Santé Mentale» a consacré une grande partie de ce numéro au «Dossier de soins infirmiers en santé mentale». Deux infirmières en psychiatrie présentent un outil important et nouveau dans le travail de ce personnel en psychiatrie. Ce dossier de 7 feuillets, établi par l'infirmière responsable présente de nombreux bénéfices pour le malade tout en permettant à l'infirmière de mieux dégager son role propre.

Mais ces deux articles ne remplissent pas le numéro. On lira notamment avec intérêt l'article de Xavier Lerol/e, prêtre psycho thé­rapeute et aumônier d'une communauté d'accueil thérapeutique, sur /'unité de la personne. Cette personne a trois dimen­sions : corps, cœur, esprit. Une vie chré­tienne, pour l'auteur, ne peut être valable que si celles-ci sont à la fois distinguées et vécues ensemble.

Enfin, un témoignage nous montre comment la célébration du Pain Partagé dans une Maison d'Accueil Spécialisé (M.A.S.) peut créer une harmonie entre des tâches d'humanisation et un projet d'évan­gélisation.

• NAISSANCE ET VIE - N° 1 et 2 -Février/Avril 1988

La conférence de Jean Michaud sur «Médecine, éthique et Droit», prononcée dans le cadre des conférences organisées par les Médecins Catholiques d'Ile-de­France est publiée intégralement dans les deux numéros. L'auteur met bien en évi­dence les nombreux problèmes d'ordre éthique que pose notre prise de puis­sance sur la vie. La médecine est face à des problèmes qui dépassent très lar­gement les buts qu'elle s'est proposée: la conservation de la santé et la guérison de la maladie. Mais malheureusement, le droit, face à ces situations, est le plus souvent impuissant à préciser les conduites à tenir. Articles très intéres­sants, d'une grande actualité. Dans les mêmes numéros, on lira éga­lement avec intérêt, deux articles du frère Pierre Lambert op, « Pourquoi nous res­pectons la vie», qui complète ceux de Jean Michaud et « Et Dieu créa la femme » qui ne manquera pas d'intéresser les Sages-femmes, cette revue étant la leur.

• OMBRES ET LUMIÈRES - N° 81 -Mars 1988

Le numéro de la revue chrétienne des parents et amis d'enfants handicapés ou inadaptés est consacré à l'enfant dit «mon­golien». Il contient tout d'abord des témoi­gnages particulièrement émouvants de parents, soit lors de la naissance d'un enfant mongolien, soit lors de /'adoption d'enfants handicapés. Comment aider ces enfants à devenir adultes ?

Deux médecins particulièrement qualifiés s'expriment dans ce numéro:

- le docteur Marie-Odile Réthoré tout d'abord dans une lettre à un jeune médecin auquel elle indique /'attitude à avoir vis-à-vis des parents qui viennent d'apprendre qu'ils ont un enfant triso­mique;

- le docteur Jérome Lejeune ensuite. Celui-ci répond à différentes questions sur les causes de la maladie, ses symp­tômes, son diagnostic et l'état des recherches. Il connait tout particuliè­rement cette affection puisque c'est lui qui en 1959, a découvert la tnsomie 21.

Cette revue vivante intéresse tous les parents et non seulement ceux d'enfants handicapés, car ils comprendront mieux à cette lecture, /'attitude que l'on doit avoir vis-à-vis de ces derniers .

• A.H. - N° 118 - Avril 88

Ce numéro de /'Aumônerie des hôpitaux est consacré à la vie en long séjour. L'éditorial de P. Descolas exprime parfaitement /'ob­jectif poursuivi. La participation des béné­voles notamment n'est pas spécifiquement abordée, car elle est réservée à un autre numéro. L'objectif ici est d'indiquer comment, à côté du confort et du soin, un plus nécessaire, indispensable à la vie peut être apporté, et comment les personnels concernés peuvent être des « témoins actifs de la présence de celui qui a voulu porter le Salut à tous les hommes».

Deux premiers articles nous donnent /'ap­proche du vieillissement, c'est-à-dire les signes psychologiques, affectifs et patholo­giques de celui-ci, ainsi que les types d' éta­blissements conçus . et réalisés pour répondre aux besoins des personnes âgées. Mais, à côté de ces besoins, la personne âgée a-t-elle des droits et quels sont-ils ? Ch. Perraudin répond à cette question. Suivent des témoignages très intéressants de psychologues, d'infirmières et d'infir­miers confrontés concrètement à des pro­blèmes concrets qui dépassent ceux des pathologies rencontrées en «long séjour» que le Dr M. Froment expose très clai­rement. Mais, en gériatrie, il n'y a pas que la souffrance des malades : il ne faut pas oublier celle des soignants qu'expose le Dr L. Platon. C'est pour lui, par un chan­gement de regard sur la clientèle que cel­le-ci pourra être atténuée.

En bref, ce numéro aborde quelques approches de questions d'une grande actualité.

• Directeur de la Publication

or Claude LAROCHE IMPRIMERIE Q ALENÇONNAISE

Rue Édouard-Belin, 61002 Alençon 34, rue de Bassano, Paris-88 C.C.P.P. 54216 - Dépôt légal: 38 trimestre 1988 - N° d'ordre: 10192

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