l’équilibre sylvo- cynégétique

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dossier Forêt-entreprise n°161-Février 2005 L’équilibre sylvo- cynégétique Oser le pari de l’intelligence (P.-H. Hansen-Catta) Définition de l’équilibre agro-sylvo- cynégétique (M. Denis) Les méthodes de suivi des populations de cervidés (Y. Boscardin) 12 14 Dégâts de cervidés en forêt : résultats d’un observatoire national (J.-P. Hamard, Ph. Ballon) 17 23 Concilier chasse et production de bois (Entretien avec B. Rocher-Barrat par S. Six) 49 La protection totale des arbres contre les dégâts d’animaux I. Les manchons grillagés en plastique (Ph. Van Lerberghe, P. Balleux) 28 La gestion biométrique : clé de définition de l’équilibre sylvo-cynégétique (B. Monthuir) 37 L’impact économique du gibier en forêt (B. Rérat) 40 La gestion sylvo-cynégétique I. Le comportement du chevreuil et ses conséquences sur les dégâts (A. Ducousso, B. Catry, F. Crépin) 44 sommaire dossier 11 © L. Barbier, ONCFS

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L’équilibre sylvo-cynégétique

Oser le pari de l’intelligence(P.-H. Hansen-Catta)

Définition de l’équilibre agro-sylvo-cynégétique (M. Denis)

Les méthodes de suivi des populationsde cervidés (Y. Boscardin)

12

14

Dégâts de cervidés en forêt :résultats d’un observatoire national(J.-P. Hamard, Ph. Ballon)

17

23

Concilier chasse et production de bois(Entretien avec B. Rocher-Barrat par S. Six)

49La protection totale des arbrescontre les dégâts d’animauxI. Les manchons grillagés en plastique(Ph. Van Lerberghe, P. Balleux)

28

La gestion biométrique :clé de définition de l’équilibre sylvo-cynégétique (B. Monthuir)

37

L’impact économique du gibier en forêt (B. Rérat)

40

La gestion sylvo-cynégétiqueI. Le comportement du chevreuil et ses conséquences sur les dégâts

(A. Ducousso, B. Catry, F. Crépin)

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t si les dégâts forestierscausés par les cervidésétaient indemnisés, creu-serions-nous autant nos

têtes pour définir ce qu’est, ou n’estpas, l’équilibre sylvo-cynégétique ?Encore faudrait-il que ces dom-mages soient évaluables, or ils ne lesont pas aussi certainement que lespertes sur des cultures agricoles.C’est que plants de betteraves oupieds de blé deviennent sucre oufarine à l’échelle des saisons, quandl’arbrisseau se fait arbre sur une toutautre distance. L’évaluation dudommage agricole se mesure enune campagne, dans une réalité demarché évidente, tout ce qu’aimel’expertise ; celle des dommagesforestiers relève du long, voire trèslong terme, terrain privilégié desaléas, des inconstances, tout ce quirépugne à l’analyse objective.La Fédération nationale des chasseursose tout de même, un chiffre : la pro-duction forestière accuserait uneperte annuelle de 38 millions d’eurossous l’effet des frottis, abroutisse-ments, écorçage et autres coups deboutoir. Chiffre à mettre en perspecti-ve avec celui des dégâts agricoles :22 millions, au bas mot et aux der-nières nouvelles. À comparer égale-ment avec les 150 millions qu’annon-cent les assureurs au titre du coût descollisions entre les véhicules et lesgrands animaux.Toutes données cumulées, l’additionfrançaise des dégâts annuels degrand gibier avoisinerait donc les 210millions d’euros. Soit, rapportée autableau de chasse, environ 225 euros

par animal prélevé dont 43 eurospour les dégâts forestiers. Pure hypo-thèse, puisque le chasseur finance lesseuls dégâts agricoles à hauteur de24 euros par grand gibier tué ; s’ildevait s’acquitter de la facture fores-tière version FNC, il lui en coûteraitpas loin de 41 euros supplémen-taires. Impossible disent les instancescynégétiques. Et pourtant, il y a vingtans, rapporté en euros, la dépense dufait des dégâts agricoles se montait à63 euros par animal tué. Surprenant :cette somme correspond à l’équiva-lent de ce que le chasseur devraitdébourser aujourd’hui si les dégâtsforestiers étaient à sa charge.Il existe indubitablement une inéga-lité de traitement entre agriculteurset forestiers : les uns ont droit à l’in-demnisation des dégâts au motifque les animaux qui viennent bou-lotter dans leurs champs sont desintrus (même s’il s’agit de che-vreuils de plaine, et demain de san-glier du même métal) ; pour lesautres pas d’indemnisation, puisqueles ongulés viennent du bois etqu’il appartient donc au propriétai-re forestier d’en assurer la régula-tion. En arrière-plan, il y a cetteidée que le détenteur d’un fonds vifen grand gibier dispose d’un poten-tiel de location de chasse pouvantvenir compenser le préjudice desatteintes à la flore. Ce qui n’est pasfaux, surtout lorsque 50, 100 eurosl’hectare, quand ce n’est pas 150,transitent « mano à mano »… Enrevanche, c’est totalement fauxdans une trentaine de ces départe-ments où le propriétaire n’a aucune

dossier L’équilibre sylvo-cynégétique

Oser le pari de l’intelligence

E

Paul-Henry Hansen-Catta, président de la fédération des chasseurs de l’Aisne

Paul-Henry Hansen-Catta, 48 ans,journaliste et éditeur, conseilleréditorial de Plaisirs de la Chas-se. Directeur la revue Le Saint-Hubert de 1995 à 2001 et duLarousse de la chasse d’aujour-d’hui (2002), ouvrage de réfé-rence du courant de ce qu’ildéfinit comme celui de « lachasse raisonnée ». Concepteuréditorial de l’ouvrage Le Grandgibier, les espèces, la chasse lagestion (2004, Gerfaut). Asso-cié par François Patriat aux tra-vaux préparatoires de la loichasse (juillet 2000). Contribu-teur au rapport du Conseil éco-nomique et social Réinventer lachasse pour le XXIe siècle(2002). Depuis 1993, présidentde la fédération des chasseursde l’Aisne, qui a défini, dès2003, le premier schéma cyné-gétique départemental, ets’apprête à mettre en œuvre,pour la saison 2005/2006, leplan chasse triennal.

www.fore

tpri

veefrancaise.com

À liresur

le web

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jouissance de son droit de chasse,celui-ci ayant été dévolu à une asso-ciation communale de chasse agréée(acca). Sous couvert de défendre lachasse populaire, les fédérations dechasseurs n’ont pas eu le courage dedire aux responsables des acca qu’ilimportait de rémunérer décemment« leurs » propriétaires forestiers ; ducoup, ceux-ci ont monté en épinglela question des dégâts forestiers.Aux termes de plus de quatre ansde débats parlementaires à épisodes(loi chasse en 2000, petite loi chassedite Bachelot, loi sur le Développe-ment rural), les chasseurs pourrontêtre mis en responsabilité, d’unefaçon complexe, et dans la mesureoù le propriétaire ne loue pas sachasse, ce qui sera bien compliquépour ceux qui en tirent un revenumais ne le déclarent pas…Reste qu’envisager l’essor despopulations de grands animauxsous le seul angle des dégâts occul-te une autre réalité. Depuis vingtans, les tableaux de chasse cerfs,chevreuils et sangliers sont respec-tivement passés de 5 500 à 365 000, de 53 000 à 445 000 etde 36 500 à 450 000, phénomène

pas spécif iquement françaisd’ailleurs. Du jamais vu de mémoired’homme. Une telle croissance nepeut qu’avoir un impact sur lemilieu. Inviter les chasseurs à enprendre conscience, commelorsque dans les années 1950, l’As-sociation nationale des chasseursde grand gibier (ANCGG) leurouvrait l’esprit à la gestion cynégé-tique, c’est le challenge de ladécennie. Le pari de la quantité aété gagné, avec son cortège dedérives entre porcheries à cielouvert et « marchandisation » de lachasse sur lequel le « système cyné-gétique » jette un voile pudique. Lemonde forestier, en sa qualité d’ex-pert d’un sujet que la chasseconnaît mal – cette lumineuse éco-logie forestière chère à Hans-JürgenOtto et à mon maître Henry Duflot– doit s’adresser aux chasseurs nonpas comme à des clients maiscomme à des partenaires. Certes le message de la sylvicultureproductiviste ne sera pas entendu,mais a-t-il sa place dès lors qu’il estquestion d’équilibre sylvo-cynégé-tique ? En revanche, la foresterie rai-sonnée, comme il existe une cynégé-

tique raisonnée, a des choses à diresur le rapport qualité du milieu/quali-té du gibier, ceci en vue d’amener leschasseurs à sortir des logiques quan-titatives qui les rapprochent de l’éle-veur à mesure qu’elles les éloignentde leur nature de prédateur.Faute de réussir ce pari de l’intelli-gence, les choses deviendront trèscompliquées dans une perspective àvingt ans : le nombre des chasseurssera passé sous la barre du million,celui des pratiquants de loisirs vertssur celle des 30 millions et le « droità la nature » aura accompli des pasde géant dans l’arsenal législatif.Pour que les usagers appropriatifsque sont les forestiers et les chas-seurs gardent la main dans cecontexte annoncé, il importe qu’uneculture forestière s’impose à la façond’une pensée dominante. L’enjeu :éviter que le rapport de l’opinion àla nature, à la forêt en l’occurrence,ne sombre dans l’angélisme botani-co-zoolâtre. Première étape : fairesortir les raisonnements des logiquesde chapelle. Ce numéro de Forêt-entreprise y contribue avec éloquen-ce, qui propose des analyses d’ex-perts sans œillère. n

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près la loi relative à lachasse (26 juillet 2000)puis la loi d’orientationsur la forêt (9 juil let

2001), l’« équilibre agro-sylvo-cynégétique » est remis sur ledevant de la scène dans le projetde loi relatif au développement desterritoires ruraux. Dans les années50-60, lors de son apparition dansle langage technique, on parlaitd’équil ibre sylvo-cynégétique,quand forestiers et chasseurs, aprèss’être échangés arguments et argu-ties sur les effectifs de grands herbi-vores et la pérennité de l’état boisé,tentèrent de mettre à plat les inter-actions « grande faune/milieu » enprenant le problème à partir debases scientifiques ; c’est ainsi quel’on s’intéressa à la notion de« capacité d’accueil » pour s’aperce-voir rapidement que celle-ci pré-sente quelques difficultés quant àson application pratique. Combiende fois n’est-elle approchée quesous la forme « ressources alimen-taires ». Personne ne peut nier queles ressources alimentaires sontfondamentales pour le développe-ment d’une espèce mais est-ce leseul facteur limitant régulant natu-rellement une population donnée ?Ne pourrait-on soupçonner diversesformes de la qualité de l’habitat,par exemple au moment crucial durecrutement (1) (la qualité de l’ali-mentation et pas seulement saquantité, en fin de gestation-début

d’allaitement des femelles, la dispo-nibil ité en zones-refuges, desdérangements divers plus ou moinsrépétitifs, la prédation…) ?En outre, la capacité d’accueil estun concept biologique qui ne prendpas vraiment en compte tout ceque l’homme a pu causer commechangements au milieu (voir Forêt-entreprise n°106, page 17). L’hom-me primitif, chasseur/cueilleur, alorsélément « insignifiant » des écosys-tèmes terrestres, est devenu agri-culteur et plus généralement« exploitant ». Il a complètementchangé la donne : il régit les habi-tats de la faune et de son fait, deshabitats en perpétuelle et rapideévolution constamment troublés.L’équilibre agro-sylvo-cynégétiqueserait une déclinaison de la capa-cité d’accueil prenant en comptedes contraintes socio-écono-miques, voire psychologiques, quisortent du domaine écologique ausens strict du terme.

n

Ce que dit la loi sur la définition de l’équilibreIl y a eu néanmoins une tentativede définition, en particulier de lapart des administrations puisquel’expression figurait dans des texteslégislatifs (Ministère de l’Environne-ment, cir culaire PN/S2, 1980,Ministère de l’Agriculture, 1989),

de la part de groupes de travail(CGGREF, 1983 ; mission Servat,1993).Plus récemment, le projet de loi surle développement des territoiresruraux propose cette définition,sous réserve de modifications parles parlementaires : « l’équilibreagro-sylvo-cynégétique vise à per-mettre la régénération naturelle ouartificielle sans recourir à des pro-tections artificielles » ; peut-êtrepourrait-on aussi retenir que l’équi-libre est rompu « lorsque les dégâtsde gibier sont susceptibles d’altérerde façon significative l’avenir despeuplements au stade où ils sontsensibles de façon généralisée surl’ensemble du massif ou de l’unitéde gestion » ou quand les densitésde gibier ne sont plus compatiblesavec la régénération des peuple-ments dans des conditions écono-miques satisfaisantes pour les pro-priétaires ; chacune de ces défini-tions actuelles conviendra plus oumoins aux propriétaires forestiersmais quoi qu’il en soit, elles seheurtent à des difficultés non négli-geables :– gérer correctement des équilibrespopulations/milieu ne peut s’envi-sager qu’à l’échelle de l’aire occu-pée par l’espèce. Or, pour le cerf, ils’agit généralement de plusieursmilliers, voire dizaine de milliersd’hectares, tandis qu’une popula-tion de chevreuils peut se satisfairede quelques centaines d’hectares.

dossier L’équilibre sylvo-cynégétique

Définition de l’équilibre agro-sylvo-cynégétique

A

Michel Denis, Cemagref

La définition donnée à l’équilibre agro-sylvo-cynégétique n’est pas sans conséquences

pratiques. Cet article tente de préciser cette notion le plus objectivement possible.

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Le comportement grégaire du cerfest à distinguer de la répartitionplutôt aléatoire du chevreuil. Àcette différence de comportementse rajoute le fait que l’unité de ges-tion est le plus souvent une unitéadministrative plutôt qu’une unitéde population ;– évaluer l’avenir d’un peuplementforestier n’est pas si simple saufpour les cas extrêmes, même dansle cas de régénération artificielle.L’objectivité laisse souvent à désirer(voir travaux de l’observatoirenational des dégâts de cervidés) etla généralisation à l’unité de gestionpeut masquer des problèmeslocaux préoccupants ;– estimer la valeur économique,liée à la présence des cervidés et àl’attachement des usagers de laforêt à telle ou telle de ses fonc-tions, est également délicate ;– avoir une idée des effectifs pré-sents n’est pas forcément essentiel ;encore faut-il connaître leur évolu-tion pour éviter les crises.

n

L’évolution de la notion d’équilibre

Peut-on en rester à ces considéra-tions plutôt négatives quand il estquestion d’« Orientations régionalesde gestion et de conservation de lafaune sauvage et de ses habitats » ?Malgré la dif ficulté de cerner lacapacité d’accueil et finalementl’équilibre agro-sylvo-cynégétique– on devrait parler d’équilibres, neserait-ce qu’à cause des évolutions,de la qualité des habitats – deschercheurs et des forestiers ontproposé des objectifs de « densitéséconomiquement ou biologique-ment supportables », des « densitésoptimales » qui résulteraient d’uneadéquation entre la faune, l’habitat

et la production ligneuse. Cepen-dant, un problème se pose encore,les définitions ne sont pas forcé-ment analogues : l’effectif est sou-vent rapporté à des surfaces boi-sées qui prennent rarement encompte l’ensemble de l’aire occu-pée par une espèce donnée ; par-fois la surface considérée inclut deszones non boisées, internes aumassif ou périphériques avec cul-tures pérennes ou non ; par foismême on restreint aux surfaces degagnages en hiver. Pour la suite, onse référera à des surfaces boisées.Dès la fin du XIXe siècle – la préoc-cupation sur les densités suppor-tables n’est pas d’hier – en Alle-magne-Autriche, on proposait desobjectifs de densité pour le cerfentre 1,6 et 4,0 têtes/100 ha avecquelques chevreuils en plus,comme accessoires, le chevreuiln’étant qu’un « Niederwild » : dupetit gibier, soi-disant sans consé-quences pour le milieu.Avec les années 50, le souci de laplanification émerge, notamment àl’est et un flot de propositions (deforestiers) apparaît ; elles sont plusrestrictives, d’autant que les popula-tions de cervidés sont notablementsous-estimées ; les densités relatéessont alors au plus de 2,5 têtes/100 hade cerf, ou de 12 têtes/100 ha dechevreuil ; même si les habitatsconsidérés sont en climat continen-tal avec des conditions environne-mentales plus dif ficiles que lesnôtres, cela semble bien modesteet il en fut ainsi jusqu’à l’apparitionde la notion d’équilibre sylvo-cynégétique.Avec la mise au point de techniquesd’estimation des populations, bienqu’imparfaites, on s’est vite renducompte de l’importante sous-esti-mation des effectifs de cervidés etde ses conséquences sur l’état deséquilibres, le plan de chasse…

Néanmoins, les données « orien-tales » et notamment le travaild’Ueckermann sur l’évaluation dela qualité de l’habitat et ses densi-tés supportables étant bienancrées dans la tête des gestion-nair es, ce n’est que dans lesannées 80 que l’on ose parler de« densités à rechercher pour res-pecter l’équilibre agro-sylvo-cyné-gétique » allant jusqu’à 4 têtes/100 ha de cer f, pour des forêtsfeuillues ou mixtes à prédominan-ce de feuillus sur terrains calcaires,et jusqu’à 20 têtes/100 ha de che-vreui l (BM. ONC, 1983, 70).Depuis, nous avons même fait despropositions supérieures pour lechevreuil, en mode de régénéra-tion naturelle. C’est de là quevient l’essentiel de nos démêlés :quel équilibre pour quel mode derégénération d’essences plus oumoins sensibles à l’abroutisse-ment, au frottis et à l’écorçage,régénération par voie naturelle oupar semis ou plantations, à quelledensité, dans un contexte de mas-sif vieilli ou pas ? La plupart desétudes ont été menées dans desforêts régénérées naturellement eton est bien en peine de faire despropositions quand les plantationssont nécessaires ou lorsque laquest ion de la présence dumoindre cervidé se pose (pépi-nières, arbres de Noël).

n

Une voie d’arbitrageSi des propositions chif frées sontsouvent discutables, comment serendre compte de la rupture del’équilibre ?l Sur le plan économique, on pour-rait l’exprimer ainsi : « quand on estobligé de protéger la régénéra-tion ». Or la décision de protéger

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est parfois prise sur des critèreseux-mêmes discutables, sauf dansles cas extrêmes. Répétons-le, esti-mer l’avenir d’un peuplement fores-tier n’est pas si aisé, les exemplesde mauvaises évaluations sontnombreux ;l Sur le plan biologique, on peut sebaser sur la population animale elle-même (poids des jeunes, féconditédes femelles), ou sur son impact surla végétation, ou une partie de lavégétation. C’est-à-dire au moyend’indicateurs biologiques de cetéquilibre, dont quelques-uns sontscientifiquement validés ; ces outilsne sont pas toujours ultra-sensiblesmais conviennent généralement.Comme l’écologie ne peut actuelle-ment fournir toutes les informationsnécessaires, comme l’Homme est« responsable de l’évolution du

milieu qu’il dirige en fonction deses exigences économiques, socio-logiques, psychologiques, il devraiten principe, moyennant un arbitra-ge nécessaire, être capable de fixer,entre certaines limites tenant àl’écologie des espèces, le niveauauquel il désire maintenir les diffé-rentes formes de vie sauvageactuellement existantes » (Bulletindu GREF, 1977, n° 76). Or, depuisquelque temps, foisonnent les lieuxde concertation entre forestiers etchasseurs : outre les commissionsde plan de chasse et les Conseilsdépartementaux de la chasse et dela Faune Sauvage, il faut compteraussi avec les orientations régio-nales forestières et agricoles, lesorientations régionales de gestionet de conservation de la faune sau-vage et de ses habitats, les schémas

départementaux de gestion cyné-gétique ; il reste à créer des passe-relles ou une « autorité chargée del’arbitrage entre les diverses partiesintéressées ». n

dossier L’équilibre sylvo-cynégétique

RésuméSupplantée, l’expression d’équi-libre sylvo-cynégétique a été rem-placée par l’équilibre agro-sylvo-cynégétique : déclinaison de lacapacité d’accueil – prenant encompte des contraintes socio-éco-nomiques, voire psychologiques –qui sort du domaine écologiqueau sens strict du terme.Mots-clés : équilibre agro-sylvo-cynégétique, définition, loi.

(1) Période qui précéde et suit les mises bas.

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es principales missions assi-gnées à cet observatoire serésument en un état de l’am-pleur des dégâts de cervidés

en forêt confié au Cemagref et uneétude des modalités de fonctionne-ment du plan de chasse menée parl’Office National de la Chasse et de laFaune Sauvage (ONCFS). Ce travail aété l’occasion de proposer une évolu-tion des protocoles de suivis desdégâts et de concevoir une méthodo-logie innovante d’analyse de leursimpacts sur la sylviculture (Hamard,Ballon 2003). Les études ont concernécinq départements tests ; il s’agit desLandes, de l’Oise, de la Sarthe, du Tarnet des Vosges (Ballon, Hamard 2003).La période d’observation concernel’hiver 1999/2000. En raison des tem-pêtes de décembre 1999, les relevésse sont prolongés en 2000 pour lesLandes et en 2001 pour les Vosges.Dans les Vosges, les suivis d’abroutis-sement n’ont pu être réalisés que surla moitié est du département.

n

Les dégâts de cervidés en forêt

Les cervidés occasionnent troistypes de dommages : l’abroutisse-ment, le frottis et l’écorçage. Seul le

cerf est responsable de l’écorçage.En sylviculture régulière, les peu-plements sensibles à l’abroutisse-ment et au frottis ont généralementmoins de 10 ans ; l’écorçage affectequant à lui essentiellement desarbres âgés de 10 à 20 ans. Cesvaleurs indicatives sont à moduleren fonction des essences de reboi-sement et de leurs modes de régé-nération.

n

Perception des dégâtsLa notion de dégâts, délicate à défi-nir, suscite des prises de positionsqui ne facilitent pas le dialogueentre sylviculteurs et chasseurs.Une enquête menée dans le Tarn(Ballon et al., 2005 sous presse)illustre ce constat.Dans ce contexte, le challenge aété d’associer l’ensemble des par-tenaires de l’observatoire pour tra-vailler de manière consensuelle etobjective. Suite à une formationdispensée par le Cemagref, 210personnes ont assuré la collectedes données sur 5 départements(Figure 1). L’implication volontairedes forestiers et des chasseurs aconstitué un gage de réussite. Ellea été déterminante pour les cam-

pagnes de mesures mais égale-ment source d’échanges construc-tifs lors des dif férentes réunionsde travail.

n

Caractéristiques des départements pilotes

Chaque département possède descaractéristiques forestières propres.Ils se distinguent par leur taux de boi-sement et la représentativité de laforêt privée par rapport à la forêtpublique (Tableau 1). Cette originefoncière des boisements est détermi-nante dans la présence des essences ;ainsi observe-t-on, par rapport à laforêt publique, une plus grande diver-

dossier

Dégâts de cervidés en forêt :résultats d’un observatoire national

L

Jean-Pierre Hamard, Philippe Ballon (1)

En 1993, un rapport gouvernemental mettait en évidence la réalité des dégâts en forêt et uneindispensable adaptation du plan de chasse. À l’instigation de ce document, un observatoirenational des dégâts de cervidés et du plan de chasse est créé en 1998 par les ministères del’agriculture et de l’environnement. Cet article synthétise les enseignements de cet observatoire.

FDC23 %

ONCFS9 %

Forêt privée12 %ONF

30 %

DDAF5 %

Cemagref21 %

Figure 1 : Budget temps global investi parles différents partenaires dans les relevés deterrain des cinq départements tests.

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sité d’essences en forêt privée. Parailleurs, la forêt publique procède àdes renouvellements de peuplementsplus intenses qu’en forêt privée.Une des étapes fondamentales del’observatoire a consisté à dresserl’inventaire exhaustif des peuple-ments sensibles à l’abroutissement,au frottis et à l’écorçage. Quels quesoient le département et le type dedégât, la proportion de sur facepotentiellement dommageabledemeure homogène et inférieure à5 % (Tableau 1). D’une manièregénérale, en futaie régulière, la sur-face forestière effectivement sen-sible aux dégâts de cervidésdemeure donc très faible mais lesdégâts sont principalement concen-trés sur les zones en régénération.

n

Méthodologie d’investigation

Un échantillonnage a été mis enœuvre, par département et partype de dégât, pour sélectionner lespeuplements sensibles à étudier(Tableau 2). Cet échantillonnage aété stratifié en fonction des unitésde gestion des populations et de lanature foncière des boisements. Auglobal, ce sont donc près de 1 000 peuplements répartis sur les5 départements qui ont fait l’objetd’inventaires sur le terrain : 638pour l’abroutissement (et le frottis)et 308 pour l’écorçage.La méthodologie d’évaluation de

l’impact sylvicole des dégâts traduit,à l’échelle du peuplement, la possi-bilité d’appliquer les directives degestion, en respectant les normessylvicoles en vigueur. La part de res-ponsabilité des cervidés dans la for-mulation du diagnostic est distin-guée d’autres sources éventuellesde perturbation. Ainsi, lorsque ladensité de tiges de bonne confor-mation est suffisante, le peuplementest classé « sans problème ». Si cettedensité apparaît largement insuffi-sante, le peuplement est classé en« avenir compromis ». Le pronosticest dit « incertain » dans les situa-tions intermédiaires.

n

Les principaux résultatsPar référence aux 638 parcelles étu-diées dans le cas de l’abroutisse-ment, il apparaît nettement qu’ilexiste une relation de cause à effetentre l’acuité des dommages subispar un peuplement et l’avenir sup-posé de ce dernier. En revanche,près de 10 % des peuplements étu-diés possèdent un avenir incertain(26 parcelles), voire compromis (35parcelles), en raison de causes indé-pendantes de l’action des cervidés.Un constat analogue s’applique auxpeuplements sensibles à l’écorçage.En conséquence, la caractérisationdes sources de perturbation del’avenir sylvicole d’un peuplementdoit rester une approche prudenteet exempte de tout a priori.Les enseignements de l’observatoi-re permettent d’identifier des situa-tions très contrastées. En matièred’abroutissement et de frottis (Figu-re 2), l’Oise et les Vosges (partieest) paient un lourd tribut, car prèsd’un peuplement sur deux y possè-de un avenir incertain ou compro-mis du fait des cervidés. La Sarthe

dossier L’équilibre sylvo-cynégétique

Départements

Surface fores-

tière départe-

mentale

Taux

de boise-

ment

Taux départemental

de surface sensible à :

l’abroutissement l’écorçage

Landes 651 113 ha 70 % 1 % 3 %

Oise 124 314 ha 25 % 2 % 1 %

Sarthe 101 240 ha 17 % 4 % 1 %

Tarn 199 764 ha 35 % 1 % nonconcerné

Vosges 309 475 ha 52 % 3 % 4 %

Représenta-

tivité de la

forêt privée

91 %

63 %

86 %

85 %

40 %

Tableau 1 : Principales caractéristiques forestières des cinq départements de l’observatoireet estimation des surfaces sensibles aux dégâts de cervidés.

Peuplements sensibles à l’abroutissement

Peuplements sensibles à l’écorçage

Départe-

ments

Surface

totale

Échantillon étudié Surface

totale

Échantillon étudié

Surface Parcelles Surface Parcelles

Landes 6 314 ha 1 355 ha 216 7 676 ha 458 ha 83

Oise 2 739 ha 327 ha 92 691 ha 280 ha 60

Sarthe 3 923 ha 591 ha 111 874 ha 147 ha 31

Tarn 1 765 ha 657 ha 107 0

Vosges 5 871 ha* 332 ha* 112* 11 358 ha 528 ha 134

*Information concernant uniquement la moitié est du département des Vosges.

Tableau 2 : Surface et nombre de parcelles observées au sein des échantillonnages repré-sentatifs des cinq départements de l’observatoire.

non concerné

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et le Tarn ne sont pas épargnés touten demeurant dans une situationnettement plus favorable que celleévoquée précédemment. Seul ledépartement des Landes sedémarque par des seuils d’abroutis-sement globalement faibles.En ce qui concerne l’écorçage (Figu-re 3), l’Oise se distingue de nou-veau par sa très forte sensibilité auxdommages. Viennent ensuite lesLandes, puis la Sarthe et les Vosges.Le Tarn, malgré une importantepopulation de cerf au sein du massifde Grésigne, est le seul des cinqdépartements préservé de l’écorça-ge (non représenté figure 3).À l’échelle des cinq départements,on estime que l’abroutissement descervidés compromet l’avenir de4 000 ha de peuplements sensibleset suscitent des réserves pour2 000 ha supplémentaires. L’impactde l’écorçage, quant à lui, remet encause l’avenir de 1 400 ha et expo-se 3 600 ha à des perturbations syl-vicoles notoires.

dossier

11 % 2 %

15 %

48 %34 %

5 %

1 %

1 %

10 % 24 %

4 %

13 %16 %

3 %

4 %

7 %

7 %

8 %

6 %68 %94 %

19 %31 %

69 %

Absence de problèmes :

Pronostic incertain :

Avenir compromis :

Cause principale : Autre

Cause principale : Cervidés

Cause principale : Autre

Cause principale : Cervidés

Sarthe - Surface sensible (3 923 ha) Landes - Surface sensible (6 314 ha)

Vosges Est - Surface sensible (5 871 ha)Oise - Surface sensible (2 739 ha)

Tarn - Surface sensible (1 765 ha)

7 %

5 %5 %

22 %1 %

2 %

1 %34 %

30 %

23 %

5 %

23 %

87 %

12 %

35 %

72 %

1 %

35 %

Absence de problèmes :

Pronostic incertain : Avenir compromis :Cause principale : Autre

Cause principale : CervidésCause principale : Autre

Cause principale : Cervidés

Landes - Surface sensible (7 676 ha)

Sarthe - Surface sensible (874 ha) Vosges - Surface sensible (11 358 ha)

Oise - Surface sensible (691 ha)

Figure 2 : Diagnostic sylvicole des surfaces sensibles aux dégâts (abroutissement et frottis) à l’échelle de chaque département étudié(hiver 1999/2000).

Figure 3 : Diagnostic sylvicole des surfaces sensibles aux écorçages à l’échelle de chaquedépartement étudié (hiver 1999/2000).

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Ces résultats généraux et réducteurs(Tableau 3) masquent évidemmentde nombreux cas spécifiques àchaque unité de gestion. Ainsi, ausein des départements, on distinguedes unités plus af fectées qued’autres. Au niveau de l’Oise, les pro-blèmes d’abroutissement concernentde manière aiguë les massifs d’Erme-nonville, d’Halatte, de Compiègne etde Laigue. Les écorçages se concen-trent, en contrepartie, au niveau despeupleraies des vallées de l’Aisne, del’Oise et de l’Automne. Dans lesVosges, ce sont les régénérationsnaturelles de sapin pectiné de la chaî-ne vosgienne qui enregistrent desdéficits de semis en raison de l’abrou-tissement. L’écorçage af fecte lesmassifs de Fraize et de Rambervillers.Pour le Tarn, deux foyers distincts semanifestent : l’abroutissement sur lesrégénérations naturelles de chênesessile du massif de Grésigne et lefrottis du douglas dans les Monts deLacaune (Figure 4). Enfin, à l’échellede l’unité de gestion et quel que soitle département, les niveaux dedégâts sont très variables et parconséquent très hétérogénes dansleur distribution spatiale.En matière d’abroutissement, le seuilde dégâts, au niveau du peuple-ment, ne devrait pas dépasser 20 %à 25 % pour demeurer compatible

avec des objectifs sylvicoles. Il s’agitlà d’une indication à moduler enfonction des essences et du modede régénération. Les plantationsapparaissent généralement plus sen-sibles que les régénérations natu-relles. Ces dernières se caractérisentpar des densités de semis très éle-vées qui les rendent plus tolérantes.Pour l’écorçage et au-delà d’un seuilde 20 %, la probabilité d’encourirdes perturbations sylvicoles aug-mente fortement. Dans le cas trèsrestrictif de la populiculture, ce tauxne devrait jamais dépasser 10 %.En matière d’abroutissement, la

nature des essences et leur mode derégénération influencent le plus lasensibilité des peuplements. La plan-tation de feuillus apparaît générale-ment très sensible. Dif férentesvariables descriptives des parcelles(surface, forme, pénétrabilité, déran-gement humain…) ont été étudiées ;leurs effets n’ont pas été démontréssur la sensibilité des peuplements. Enrevanche, la présence de lisièresagricoles serait de nature à réduire lapression d’abroutissement. Parailleurs, à l’échelle des unités de ges-tion, les fortes densités de peuple-ments sensibles sont corrélées à l’im-portance des dégâts. Enfin, signalonsles cas de l’Oise et, dans unemoindre mesure, de la Sarthe qui sedémarquent par une utilisation fré-quente de protections individuelles.Pour l’écorçage, aucun facteur dis-criminant n’a pu être identifié clai-rement bien que certaines essencescomme l’épicéa ou le peuplier sem-blent particulièrement attractives.En parallèle de la recherche devariables sylvicoles explicatives desdégâts, des informations relativesaux populations de cervidés ont étéanalysées. À partir des plans de

dossier L’équilibre sylvo-cynégétique

Peuplements sensibles à l’abroutissement

Peuplements sensibles à l’écorçage

Départe-ments

Surfacetotale

Estimation de la surfacedont l’avenir est com-promis par les cervidés

Surfacetotale

Estimation de la surfacedont l’avenir est com-promis par les cervidés

Landes 6 314 ha 131 ha 2 % 7 676 ha 574 ha 7 %

Oise 2 739 ha 1 316 ha 48 % 691 ha 155 ha 22 %

Sarthe 3 923 ha 438 ha 11 % 874 ha 40 ha 5 %

Tarn 1 765 ha 94 ha 5 %

Vosges 5 871 ha* 2 011 ha* 34 % 11 358 ha 592 ha 5 %

non concerné

*Information concernant uniquement la moitié est du département des Vosges.

Tableau 3 : Principales estimations de l’impact des dégâts de cervidés formulées à partir des peu-plements sensibles étudiés à l’échelle des cinq départements de l’observatoire (hiver 1999/2000).

Figure 4 : Exemple du Tarn - Représentation cartographique des taux moyens de dégât(abroutissement et frottis) et de leur impact sur les peuplements sensibles (hiver 1999/2000).

Nord-Ouestn = 24464 ha

Ségalan = 1351 ha

Monts de Lacaunen = 30518 ha

Carmausin-Albigeois-Castraisn = 13118 ha

Montagne Noiren = 27597 ha

Lauragais18 ha

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chasse chevreuil et cerf, deux indi-cateurs ont été retenus par espèce :– la densité moyenne de réalisationpar surface boisée de 100 ha ;– la dynamique de réalisation duplan de chasse.Comparée à la seule présence duchevreuil, celle du cerf aggrave lesabroutissements dans le Tarn et l’Oi-se. Ce constat n’a pas été établi dansles Landes et la Sarthe ; quant auniveau de la partie est des Vosges, laquasi-omniprésence du cerf excluaitcette analyse. En règle générale, uneforte dynamique de plan de chasseest associée à la présence de dégâts(Tarn, Oise et Vosges). Cette relationmet en évidence la réactivité descommissions de plan de chasse à laprésence de dégâts sans pour autantqu’il soit permis, dans le cadre del’observatoire, d’en juger les effets àterme sur les niveaux de dom-mages. En complément des infor-mations fournies par le plan de chas-se, l’analyse des suivis de tableauxde chasse menés par le Tarn et lesVosges a permis de détecter locale-ment des corrélations entre de fortsdégâts et la diminution de corpulen-ce chez les chevrillards. Ces constatstraduisent l’existence locale depopulations de chevreuils tropimportantes par rapport à la capacitéd’accueil de leurs milieux.

n

Les enseignementsLa quantification et la qualificationdes dégâts, à l’échelle de l’unité degestion des populations de cervidésfournissent des informations pré-cieuses pour la recherche d’unéquilibre sylvo-cynégétique. Laméthodologie d’étude développéedans le contexte de l’observatoireapporte ainsi des éléments deréponses qui ont permis, à l’échelledes départements tests, d’identifier

une variété de situations allant dedysfonctionnements notoires à desétats beaucoup plus supportables.Dans le cas particulier des Landes, unsuivi départemental des dégâts réaliséentre 1986 et 1989 (GEREA, Cema-gref 1989) a été l’occasion d’identifierdes niveaux de dégâts alarmants. Unepolitique volontaire d’augmentationdes plans de chasse orchestrée entre1990 et 1998 a permis de recouvreren 1999 une situation beaucoup plussatisfaisante. La mise en place de sui-vis réguliers des dégâts, au moinsdans les massifs où il existe un risqueidentifié, serait donc de nature à pré-venir l’émergence de conflits.De cet exemple landais, il est égale-ment permis d’affirmer que le plande chasse reste l’outil de gestionindispensable des populations decervidés. Diverses pistes deréflexions ont été avancées lors desréunions de pilotage de l’observatoi-re, dans l’objectif d’améliorer sonef ficacité. L’assouplissement ducalendrier réglementaire d’élabora-tion du plan de chasse, l’instaurationde prélèvements minima, la mise encommun de bracelets sur les terri-toires de chasse fragmentés illustrentquelques-unes de ces propositions.Toutefois, l’observatoire aura été l’oc-casion de constater la fréquenteinadéquation de la délimitation desunités de gestion des populations.Seuls, deux des cinq départementsétudiés disposaient d’unités fonction-nelles et cohérentes à l’égard de ladistribution spatiale des populations.L’actualisation des unités de gestioncynégétiques reste un préalable queles orientations régionales de la faunesauvage et les schémas départemen-taux de gestion cynégétiquesdevront rendre effective. La gestiondu cerf réserve de multiples difficul-tés à lever dans la mesure où lespopulations s’étendent fréquemmentsur deux, voire trois départements

limitrophes. Cet état induit, à l’échel-le d’une population, une gestionfragmentée sur diverses unités dontles objectifs ne sont pas nécessaire-ment compatibles. Le comportementgrégaire du cerf rend, par ailleurs, laréalisation des plans de chasse moinsefficace que pour le chevreuil. Defait, il a été démontré que la présen-ce du cerf s’accompagne générale-ment de dégâts d’abroutissementplus intenses qu’en la seule présencedu chevreuil et génère des situationspréoccupantes sur quatre des cinqdépartements.À la difficulté d’ajuster le périmètredes unités de gestion cohérentess’ajoute la nécessité de définir et devalider, entre acteurs concernés,des objectifs de gestion qui serontindispensables à la mise en œuvrede règles décisionnelles. L’étudeconduite par l’ONCFS (Mésochinaet al., 2001) montre qu’au niveaudes départements où des réunionsde préconcertation ou des sous-commissions préparatoires du plande chasse étaient organisées, laforêt privée se faisait représenter,en 1998, dans moins des deux tiersde ces structures. Il semble évidentque cette sous-représentation dessylviculteurs dans la préparationdes plans de chasse ne favorise pasla prise en compte et la reconnais-sance de leurs difficultés.Des programmes intensifs de régé-nération peuvent concentrer locale-ment et temporairement des zonesparticulièrement sensibles auxdégâts qu’il serait judicieux d’identi-fier pour prévenir les dif ficultés àvenir. La nécessité de consulter demultiples sources d’information, par-tiellement redondantes, rend actuel-lement l’inventaire exhaustif des boi-sements concernés délicat à réaliserà l’échelle de la forêt privée ; l’obser-vatoire s’est ainsi heurté à cette diffi-culté particulièrement flagrante dans

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les départements de l’Oise et desVosges. La création et l’actualisationde bases de données départemen-tales des boisements sensiblesrésoudraient les difficultés de mobili-sation de l’information et permet-traient de diffuser aux commissionsde plan de chasse une cartographieprévisionnelle des risques de dégâts.L’estimation et la localisation desboisements sensibles aux dégâts decervidés pourraient donc constituerun indicateur complémentaire d’aideà la gestion des cervidés.Certains dégâts pénalisants pour lesylviculteur se manifestent sansrupture d’équilibre entre les cervi-dés et la forêt. À titre d’exemples,les problèmes de frottis de che-vreuil observés sur les plantationsde douglas des Monts de Lacauneou l’écorçage du peuplier dans l’Oi-se font partie de ces situations déli-cates à solutionner. Elles restentsubordonnées à une adaptation destechniques culturales, lorsque lecontexte l’autorise, mais égalementau recours parfois inéluctable à desprotections. Le plan de chasse nepourra jamais prétendre éradiquertoutes formes de dommages,notamment dans la pratique de cer-taines sylvicultures particulièrementattractives pour les cervidés.Le manque de concertations fruc-tueuses entre les différents acteursreste, semble-t-il, la pierre d’achop-pement d’un édifice fragile. Le plande chasse évolue, malgré tout, posi-tivement. On le constate au traversde la mise en application d’indica-teurs de gestion qui, bien que per-fectibles et lourds à gérer, permet-tent d’étayer les choix et de rappro-cher les protagonistes. En ce sens,l’étude de l’ONCFS atteste cettemétamorphose progressive des pra-tiques mises en œuvre dans l’élabo-ration des plans de chasse. Larecherche d’un équilibre, ou plus

exactement d’un compromis sylvo-cynégétique, reste donc subordonnéeà une quête d’indicateurs de gestioncomplémentaires dont les enseigne-ments valident ou réfutent, a poste-riori, l’efficacité des plans de chasse.L’observatoire contribue à lameilleure connaissance de quelques-uns des aspects de la relation forêt-cervidés. Outre les limites impu-tables à l’inertie d’une telle investi-gation dont l’expérience peut doré-navant minimiser les investisse-ments, les méthodes d’évaluation del’impact sylvicole des cervidés entraitement régulier s’affinent et ne selimitent plus à la seule évaluationd’un taux de dégât. L’observatoireconstitue un réservoir d’acquis pré-cieux dans la poursuite de l’élabora-tion d’un outil d’aide à la décisionpour la gestion des peuplementsendommagés par les cervidés. Unedémarche analogue adaptée à l’étu-de des sylvicultures irrégulièresn’existe toujours pas. Elle n’a pas étédéveloppée en 1999 en raison ducaractère exceptionnel de ce modede gestion au niveau des départe-ments tests. L’étude des dégâts decervidés au cas particulier du traite-ment irrégulier devient, malgré tout,une attente justifiée qu’il faut doré-navant considérer comme unenécessité d’actualité. n

dossier L’équilibre sylvo-cynégétique

RemerciementsQue soient ici remerciés les adminis-trations, les gestionnaires de la forêtpublique ou privée, les gestionnairesde la faune et les très nombreux pro-priétaires forestiers et chasseurs quiont activement contribué à l’aboutis-sement de cette étude.

Résumé

Un observatoire des dégâts de cervi-dés en forêt a été réalisé durant l’hi-ver 1999/2000 à l’échelle de cinqdépartements (Landes, Oise, Sarthe,Tarn et Vosges). Cette étude dresseun état de la réalité des dégâts et enévalue l’impact sur la sylviculture.D’une manière générale, en sylvicul-ture régulière, la surface forestièresensible aux dégâts de cervidésdemeure faible (1 à 4 %). L’originedes peuplements, la nature desessences, l’importance des popula-tions de cervidés et leur gestionjouent un rôle déterminant dansl’acuité des dommages. Ce sontl’Oise et les Vosges qui subissent lessituations les plus préoccupantes.

Mots-clés : cervidés, dégât, forêt, ges-tion des populations, plan de chasse.

n Ballon (P.), Hamard (J.-P.), 2003, Observatoire national des dégâts de cervidés enforêt, Synthèse nationale. Cemagref Nogent/Vernisson, EFNO, novembre 2003, 28 p.n Ballon (P.), Hamard (J-P.), Castex (L.), 2005, sous presse, Les dégâts de cervi-dés en forêt : mythe ou réalité ? Forêt et Chasse, Andrée Corvol (éd.), L’Harmat-tan, Paris, p. 331-343.n GEREA, Cemagref Nogent/Vernisson, 1989, Étude des dégâts de cervidés sur lepin maritime dans les Landes de Gascogne. 22 p. + annexes.n Hamard (J.-P.), Ballon (P.), 2003, Observatoire national des dégâts de cervidés en forêt- Aspects méthodologiques, Cemagref Nogent/Vernisson, EFNO, septembre 2003, 58 p.n Mésochina (P.), Duchamp (C.), Boisaubert (B.), Maillard (D.), Klein (F.),2001, Observatoire National des dégâts de cervidés, Synthèse nationale dufonctionnement du plan de chasse. ONCFS-CNERA Cervidés Sangliers. 25 p.n Servat (J.), 1993, Rapport du Gouvernement au Parlement sur le bilan de laréglementation applicable à l’indemnisation des dégâts de gibier. Ministère del’Environnement - DNP. 20 p. + annexe.

(1) Cemagref Nogent, Unité de Recherche Éco-

systèmes Forestiers. Domaine des Barres, 45290

Nogent-sur-Vernisson.

B i b l i o g r a p h i e

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e suivi des populations decervidés à l’aide d’indica-teurs biologiques s’estdéveloppé ces dernières

années car il permet de s’affranchirde la notion de densité, très diffici-lement calculable. Les études de labiologie du chevreuil ont montréque cette espèce pouvait se déve-lopper à des vitesses très dif fé-rentes (de 5 à 35 % en taux d’ac-croissement annuel). Estimer l’ef-fectif n’est pas d’un grand secourspour le gestionnaire, lorsque l’onne connaît pas ce taux d’accroisse-ment précisément.Le suivi, terme illustrant bien uneconstatation de phénomènes obser-vés ou mesurés, permet a posterioride diagnostiquer l’évolution d’unepopulation et de son milieu. Mal-heureusement pour le forestier, cettepopulation évolue couramment surun domaine bien plus important quecelui dont il a la gestion, imposantune réflexion au sein d’unités degestion. C’est généralement au seinde ces unités que telle ou telleméthode est choisie pour « suivre »les populations de cervidés.

n

Cas du chevreuilDe nombreuses études réalisées enforêt sur des populations isolées ontpermis de développer lesméthodes de suivi décrites ici. Ces

suivis sont regroupés sous le nomd’indicateurs biologiques. Ces indi-cateurs population-environnementsont des paramètres faciles à mesu-rer sur un animal ou un végétaldont les évolutions sont dépen-dantes de celle du système « indivi-du-population-environnement »(Groupe Chevreuil, 1996).

L’Indice Kilométrique (IK),pour l’abondance des chevreuils

Les variations de la densité d’unepopulation de chevreuils sont sem-blables aux variations du nombred’animaux observés en fin d’hiverlors de la réalisation de parcourspédestres en forêt de plaine (Vin-cent et al., 1979). Renouvelésannée après année, ces circuitsdonnent une image de l’évolutionde la population de chevreuils.Un réseau de circuits pédestres estmis en place sur la zone étudiée, enrespectant quelques normes (Grou-pe Chevreuil, 1991) :– chaque circuit, d’une longueur de5 à 6 km, est implanté sur une zonede 200 à 300 hectares ;– en forme de boucle, il permet deparcourir l’ensemble des différentspeuplements présents sur la zoneproportionnellement à la représen-tativité de chaque peuplement dumassif ;– ils seront parcourus en fin d’hiver,au minimum quatre fois, en alter-nant le sens de parcours ainsi que la

période de réalisation, matinée etsoirée.L’IK annuel correspond au nombremoyen d’animaux observés parkilomètre parcouru à pied. Cetteméthode nécessite une pressiond’observation relativement impor-tante, mais peut être effectuée avecl’aide des chasseurs qui réalisentdes circuits sur leurs territoires dechasse ou des voisins lors de lamise en place de suivis sur desgrands massifs.

La masse corporelle des chevrillards, comme indicateurde la condition physique

Les populations de chevreuils étu-diées ont démontré que la massecorporelle diminue dès que l’onatteint des densités élevées (Vin-cent et al., 1995). Les chevrillardssont les plus sensibles au phénomè-ne de densité-dépendance (2). Leurpoids diminue significativement encas de surdensité.La collecte des données doit êtreeffectuée dans les meilleures condi-tions (Groupe Chevreuil, 1996) :– la mesure sera réalisée le plusprécisément possible (lecture sur lepeson à 200 grammes près) ;– la différenciation chevrillard/adul-te devra s’effectuer par rapport à laprésence ou à l’absence de la troi-sième prémolaire de lait et non parrapport à la corpulence observée ;– un nombre suffisant d’individus

dossier

Les méthodes de suivi des populationsde cervidés

L

Yves Boscardin (1)

Cet article présente les méthodes de suivi des populations de chevreuil et de cerf les plus couram-

ment utilisées. Ces indices permettent d’évaluer objectivement l’impact de la faune sur la forêt.

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est nécessaire pour que la moyennecalculée soit significative.De la précision de la pesée dépendla fiabilité de cette mesure, peucontraignante pour tout gestionnai-re et très souvent demandée par lesFédérations départementales dechasseurs (FDC) dans les bilans decaptures. La fourniture d’un maté-riel fiable est parfois effectuée surdes unités témoins sélectionnéespar les FDC ou l’ONF. Elles sont àencourager car c’est probablementla méthode la plus démonstrative etla moins coûteuse.

La longueur d’un os long,comme indicateur de la constitution physique

Comme la masse, le développe-ment osseux est diminué chez lechevreuil en présence de surpopu-lations. Deux longueurs d’os longssont couramment étudiées : la lon-gueur de la mandibule et la lon-gueur de la patte arrière (sur lapeau, de la pointe du calcanéum àl’extrémité des onglons).Ces mesures sont à réaliser sur lesjeunes animaux, plus sensibles queles adultes aux conditions environ-nementales. La mesure de la lon-gueur des os devra être effectuéecomme la mesure de la masse :avec le maximum de précision, afinde mettre rapidement en évidencel’évolution s’il y a lieu.

n

Cas du cerfLe cerf, le plus grand mammifèresauvage de notre territoire, n’a pasencore fait l’objet de recherchessuffisantes. L’absence de territoiresd’études suf fisamment grands etreprésentatifs d’un milieu (plaine etforêt) où évolue normalement une

population de cerfs et présentantsuffisamment d’animaux marqués,n’a pas permis de mettre au pointces méthodes. Néanmoins, lesméthodes présentées ci-dessoussont le fruit de nombreux suivis depopulations isolées géographique-ment. Ces techniques de suivis ontété appliquées durant de nom-breuses années et fournissent debons résultats.

L’indice phare

Cette méthode repose sur l’obser-vation nocturne des animaux (Offi-ce national de la chasse, 1982). Onétablit sur l’unité de gestion suivie,un réseau de circuits en fin d’hiver,à raison de 3 à 5 km aux 100 ha.Ces circuits de 20 à 30 km, sontparcourus en automobile et lesdeux observateurs placés à l’arrièredu véhicule éclairent à l’aide dephares puissants portatifs de part etd’autre du cheminement. L’inter-ception du faisceau lumineux parl’œil d’un cervidé est très visible, lechauf feur s’arrête lors de toutcontact et un comptage du nombre

d’animaux présents dans la hardeéclairée est réalisé.Ces circuits sont effectués dès la finde la période de chasse et avant larepousse de l’herbe en forêt. Cettepériode permet de comptabiliser unmaximum d’animaux qui se ren-dent sur les zones ouvertes (clai-rières en régénération, prairies, cul-tures enclavées, lisière agricole…).Une fructification forestière impor-tante peut compromettre cesobservations en milieux ouverts, carde nombreux cer fs resteront enforêt et l’on observera peu deconcentration d’animaux hors forêt.Ainsi, le réseau de circuits doit cou-vrir l’ensemble du massif (cœurinclus) et, pour pallier les aléas cli-matiques, ces opérations sont répé-tées 3 à 6 fois.La synthèse des observations estef fectuée en fin d’opération etdégage deux chiffres utilisés par lesgestionnaires :– le nombre maximum d’animauxobservés lors de la meilleure sortie, quiapproche l’effectif minimum pour ceuxqui ne jurent que par les comptages ;

dossier L’équilibre sylvo-cynégétique

Placette d’1 m2 pour définir l’indice de consommation (voir page 26).

© Y

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card

in

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– la moyenne, valeur intéressante, laplus souvent utilisée comme indice.Il est possible de former une courbesur plusieurs années qui illustrel’évolution du nombre d’animauxobservés au km parcouru dans lesmêmes conditions.

La masse corporelle des jeunes animaux

Les indicateurs de masse sont trèspertinents pour suivre une popula-tion de chevreuils, mais peuventaussi être intéressants pour le cerf.Le développement corporel moinsrapide chez le cer f permet desuivre cet indice sur deux tranchesd’âge : les faons et les animauxd’un an et demi, bichettes etdaguets. Bien que les populationsde grands cervidés ne soient géné-ralement pas en phase de densité-dépendance (2) sur la plupart denos territoires, ces phénomènespeuvent néanmoins être observés.Un retour vers des densités plus rai-sonnables s’accompagnera d’uneaugmentation de la masse de cesjeunes animaux dont le développe-ment dépend des conditions envi-ronnementales.Les animaux seront pesés précisé-ment lors des prélèvements en pre-nant soin d’utiliser du matériel depesage calibré et d’af fecter àchaque animal sa classe d’âge, sonsexe et la date de prélèvement. Onpourra tracer la courbe de l’évolu-tion de la masse moyenne des dif-férentes classes et ainsi en dégagerune tendance. Le nombre d’ani-maux nécessaire oblige les gestion-naires à regrouper les données deplusieurs territoires de chasse.

Le taux de gestation des bichettes

Le développement corporel influen-ce aussi l’âge de la première misebas chez la bichette. L’examen du

taux de gestation des bichettes pré-levées à la chasse renseignera sur lafaculté des bichettes à participer àla reproduction dès leur deuxièmeannée de vie. Le développementde l’embryon étant visible à comp-ter du mois de janvier, il sera inté-ressant de constater s’il est présent.À noter, ce taux ne diminue géné-ralement que lorsque la populationest très importante et n’est doncpas d’un grand secours pour le ges-tionnaire d’une petite population.

Les comptages au brame

Le comptage des cerfs au brame nepeut être assimilé à un dénombre-ment. Tout observateur a déjà étésurpris de l’intensité du brame ouinversement de son absence pourdes conditions météorologiqueséquivalentes. La date et l’heure deréalisation, la structure d’âge de lapopulation, les dérangements pardes observateurs ou chasseurs, laprésence de biches réceptives lejour du comptage, influencent lapertinence des données recueillies.En revanche, cette méthode donnela répartition des places de bramesur l’ensemble des massifs suivis.Parfois, l’écoute y est associée enréalisant ce suivi juste avant la tom-bée de la nuit. Cette technique,assimilable à de l’approche et del’affût combinés, permet de mieuxapprécier l’âge des cerfs bramant etdes autres cerfs vus aux abords desplaces de brame.Lorsqu’elle peut être mise en pra-tique, cette méthode reste intéres-sante comme indice.

L’importance des dégâts sur cultures agricoles

En 1999, le montant total desdégâts agricoles s’élevait à 18 mil-lions d’euros dont 18 % dus au cerf.La répartition de ces dégâts peut

être très variable d’une année surl’autre en fonction de facteurs cli-matiques, assolement en périphériede forêt et des fructifications fores-tières. Ainsi, ces données de dégâtsaux cultures devront être considé-rées avec précaution. De plus, lesmoyens mis en œuvre pour préve-nir ces dégâts et l’importance dessurfaces protégées doivent aussiêtre pris en compte par les gestion-naires.

n

La flore forestière commeindicateur de l’équilibre

Utilisée pour suivre le développe-ment de l’une ou des deuxespèces, l’utilisation de la floreforestière est aussi un bon indica-teur de l’état d’équilibre pour legestionnaire.

L’indice de pression sur la flore (IPF)

L’indice de pression sur la flore ouIPF (Guibert, 1997) informe de lapression exercée sur la flore ligneu-se ou semi-ligneuse en fin d’hiver.Cet indice est défini suite à uninventaire réalisé sur un réseau deplacettes. Sur les placettes de 40 m2 chacune (soit un rayonapproximatif de 3,60 m), on note laprésence et la consommation auseuil de 5 % des espèces lignifiéesaccessibles au chevreuil (1,20 m dehauteur) et au cerf (1,80 m de hau-teur). L’IPF est égal au rapportentre le nombre d’espècesconsommées à plus de 5 % et lenombre d’espèces présentes. Cettevaleur est fonction du développe-ment des populations animalesprésentes et de la richesse de lavégétation mise à leur disposition.Ainsi, la comparaison entre massifsn’est pas conseillée compte tenu

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du nombre d’éléments qui influen-cent la valeur de l’IPF. À l’origine,cette méthode a été développéepour le chevreuil. La part impor-tante des herbacées dans le régi-me alimentaire du cerf et sa répar-tition spatiale rendent l’IPF moinspertinent pour cette espèce. Leslimites de cet outil sont à l’origined’une nouvelle méthode, l’indicede consommation (Morellet, 1998)ou IC, qui s’af franchit des imper-fections de l’IPF.

L’indice de consommation (IC)

L’IC est réalisé sur des placettes d’1 m2 et l’on considère qu’uneespèce lignifiée est consomméedès l’observation d’une traced’abroutissement. La méthode decalcul de l’IC (rapport entre lenombre de placettes ayant aumoins une espèce consommée et lenombre de placettes ayant aumoins une espèce présente) estdonc plus légère que celle de l’IPFet permet de calculer un intervallede confiance.Cet indice renseigne sur l’étatd’équilibre entre les populations etleur milieu, puisqu’il réagit aux varia-tions de l’abondance d’une popula-tion et à la qualité de son habitat. Safacilité de mise en œuvre, la fiabilitédes observations réalisées, la rapidi-té de son exécution autorisent l’ap-plication de cet indice sur de nom-breux massifs où, pour diverses rai-sons, aucun suivi floristique n’étaitréalisé jusqu’à présent.

L’importance des dégâts forestiers

Le chevreuil est responsable dedeux types de dégâts en forêt :l’abroutissement et le frottis. Le cerfpeut aussi écorcer les arbres plusâgés (10 à 20 ans). Cette particulari-té devra être prise en compte dans

le type de suivi des dégâts que l’onveut mettre en place sur un massif(Ballon et al., 2003). Il sera doncpossible de suivre l’abroutissementet le frottis essentiellement des par-celles en régénération, naturelle ouartificielle, pour les deux espèces,mais de suivre aussi, lorsque le cerfest présent, l’état des parcelles oùdes écorçages peuvent avoir lieu.La mesure effectuée dans les peu-plements sensibles se limitait trèssouvent à l’estimation d’un taux dedégâts annuel. Dans le départementdes Landes, le suivi du tauxd’abroutissement des semis ouplants de pin maritime peut être uti-lisé comme indicateur de la pressiondes chevreuils sur le milieu. Dans cecas, les conditions sont particulières(essence identique, sylviculturehomogène, milieu pauvre) et per-mettent d’utiliser ces mesures pourgérer les populations de chevreuilsde ce département. Ailleurs, laquantification des dégâts indiqueseulement leur gravité. En réalisantdes mesures sur l’ensemble des par-

celles sensibles d’un massif, on peutapprécier l’état des atteintes duesaux cervidés, mais la densité de cesanimaux n’est pas proportionnelle àces taux car de nombreux facteurssont à considérer. La répartition desparcelles sensibles, les essences uti-lisées, le mode de reboisement, laqualité et la quantité des espècesaccompagnatrices, les conditionsmétéorologiques sont une partiedes facteurs influençant la gravité dece phénomène.Dorénavant, de nouveaux proto-coles (Hamard, 2004) servent àestimer l’avenir des régénérationsnaturelles de chêne, donc de savoirsi les atteintes observées sont ounon tolérables par les sylviculteurs.De tels suivis seront de plus en plusutilisés, compte tenu des réflexionsactuelles dans le cadre du projet deloi sur le développement des terri-toires ruraux.Tout gestionnaire dispose donc deméthodes légères pour apprécier lanotion d’équilibre entre les popula-tions de cervidés et les milieux

dossier L’équilibre sylvo-cynégétique

Placette d’1 m2 pour l’indice de consommation (IC) en forêt domaniale de Montargis.

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forestiers. Aucune de ces méthodes,utilisée seule, ne peut répondre àl’ensemble des questions le plussouvent posées lors du développe-ment d’une population de grandsanimaux. Le recul sur plusieursannées et le sérieux dans les prisesde données, à l’aide de plusieurssuivis, affinent une gestion a poste-riori en évitant les variations brutalesdu plan de chasse. À la notion d’ef-fectif idéal, jamais vérifié ni véri-fiable, d’autres notions doivent êtrefixées comme objectifs. Le renou-vellement sous certaines conditionsde la forêt, la corpulence des ani-maux, la colonisation ou l’absencede cer fs sur certains territoiresseront certainement les principauxobjectifs de ces prochaines années.L’utilisation concertée de plusieursméthodes de suivi devrait per-mettre de les atteindre. n

dossier

RésuméLa gestion des populations de cervidés ces dernières années s’oriente vers l’uti-

lisation de méthodes légères de suivi : les indicateurs biologiques. Ces

méthodes de gestion des populations de chevreuils ou de cerfs sont présentées

dans cet article. L’utilisation à grande échelle, parfois départementale, de ces

méthodes est encourageant bien qu’un effort sur le respect des protocoles et sur

la qualité des mesures effectuées reste à faire.

Mots-clés : cervidés, gestion des populations, indicateur biologique, méthodes

de suivi.

(1) Cemagref Nogent, Unité de Recherche Éco-

systèmes Forestiers. Domaine des Barres, 45290

Nogent-sur-Vernisson.

(2) Quand un facteur est affecté négativement

par l’augmentation de la densité (ex : le poids,

la fécondité…), il est « densité-dépendant ».

n Boscardin (Y.), 1999, Les méthodes de dénombrement des populations dechevreuils. Actes du colloque « Suivi des populations de chevreuil », 26-27novembre 1998, Lyon. Bull. mens. ONC n°244 : 17-21.n Groupe chevreuil, Méthode de suivi des populations de chevreuils en forêt deplaine : Exemple : L’indice kilométrique (I.K.). Bulletin mensuel ONC n°157 et209, fiches techniques n°70, 90 et 91, 4 p.n Guibert (B.), 1997, Une nouvelle approche des populations de chevreuils enforêt ; l’indice de pression sur la flore. Bulletin technique ONF, n°32, p. 5-13.n Hamard (J.-P.), 2004, Prise en compte de l’impact des cervidés dans laconduite des régénérations naturelles de chênes. Développement d’un outild’aide à la gestion sylvicole. Rendez-vous techniques de l’ONF, n°6, p. 42-44.n Maillard (D.), Gaultier (P.), Boisaubert (B.), 1999, Revue de l’utilisation desdifférentes méthodes de suivi des populations de chevreuils en France. Actes ducolloque « Suivi des populations de chevreuil », 26-27 novembre 1998, Lyon.Bull. mens. ONC n°244 : 30-37.n Morellet (N.), 1998, Des outils biométriques appliqués aux suivis des popula-tions animales : l’exemple des cervidés. Vers un indice de consommation de laflore lignifiée. Thèse Université Claude-Bernard, Lyon, 201 p.n Office National de la Chasse, 1982, Méthodes de recensement des popula-tions de cerfs. Notes techniques. Fiche n°9. Bull. mens. ONC n°62 : 12 p.n Vincent (J.-P.), Bideau (E.), Hewisson (A.-J.-M.), Angibault (J.-M.), 1995, Theinfluence of increasing density on body weight, kid production, home range and win-ter grouping in roe deer (Capreolus capreolus). J. Zool. (Lond.) n°236, p. 371-382.

B i b l i o g r a p h i e

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a diversité des manchonsen plastique commerciali-sés pour la protection tota-le des jeunes plants ligneux

contre les dégâts des animaux obli-ge les professionnels à connaître lescaractéristiques de l’offre et à identi-fier celles correspondant à leursbesoins. Les manchons grillagés sontdes dispositifs généralement coû-teux et leurs propriétés techniquesrépondent à un cahier des chargescomplexe pour les non-initiés. Leforestier doit bien les connaître pourles utiliser à bon escient.On distingue couramment les man-chons (ou gaines) en grillage plas-tique à grandes mailles (≥ 8 mm), etles manchons brise-vent en grillageplastique à petites mailles (≤ 3 mm).Il s’agit de protections individuelles,mécaniques et totales.

n

Connaître les conditions d’usage

La protection « individuelle » inter-dit l’accès aux plants mais permetaux animaux de circuler et de trou-ver leur nourriture entre les sujets

protégés séparément, contraire-ment à la protection « globale »(engrillagement, clôture électrique)qui vise à les exclure totalement dela zone nouvellement régénérée ouplantée. Elle peut être utilisée enplantation ou sur semis. Dans lepremier cas, la totalité des plantssera concernée dans la mesure oùon a planté un nombre considérécomme optimum du point de vuesylvicole. Dans le deuxième cas,seul un nombre déterminé desujets bien répartis sera protégé.Par opposition aux répulsifs « chi-miques », la protection « mécani-que » vise à empêcher physique-ment l’animal de causer le dégât.On le maintient suffisamment éloi-gné du tronc de l’arbre pour qu’ilne puisse s’y frotter ou en abroutirles rameaux et bourgeons termi-naux. La protection doit être acco-lée au sujet à protéger et possédercertaines caractéristiques de résis-tance mécanique.La protection est « totale » lors-qu’elle protège la totalité du plantcontre tous les types de dégâtspossibles d’une même espèce ani-male. Par exemple, abroutissementet rongement des écorces par le

lapin, frottis et abroutissement parle chevreuil. Si la protection indivi-duelle ne s’intéresse qu’à un seultype de dégât, elle est dite « par-tielle » (2).

n

Bien choisir les dimensions

L’efficacité d’une gaine est condi-tionnée par sa capacité à protégerdurablement (c’est-à-dire pendanttoute la période de sensibilité) unjeune plant ligneux. Le choix tien-

dossier L’équilibre sylvo-cynégétique

La protection totale des arbres contreles dégâts d’animauxI. Les manchons grillagés en plastique

L

Philippe Van Lerberghe*, Pascal Balleux** (1)

La gamme des manchons en grillage plastique destinés à la protection totale des arbres est

très variée. Le choix est large et difficile. Cet article guidera le sylviculteur à sélectionner le

produit adéquat. Un prochain article de Forêt-entreprise expliquera en détail comment

poser efficacement ces protections.

En l’absence de dépose, le grillage desgaines métalliques finit par s’incruster dansla future bille de pied. Leur usage est àproscrire.

© P

.Bal

leux

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dra compte des types de dégâtsprévisibles et de l’animal respon-sable préalablement identifié.La hauteur minimale des protec-tions mécaniques individuelles doittoujours être supérieure à la hau-teur maximale des blessures pos-sibles commises par le gibier sur lesplants. Elle doit être de 50 cm pour lelapin, 70 cm pour le lièvre, 120 cmpour le chevreuil et 180 cm en pré-sence de cerf. Des conditions parti-culières peuvent accroître lesvaleurs maximales d’accessibilité dugibier : couche de neige épaisse,forte pente, capacité de l’animal àfaire ployer les plants ou à se dres-ser sur les membres postérieurspour saisir des pousses attirantes.Le diamètre des protections estchoisi en fonction du type de plantà protéger. Il varie de 10 à 30 cm :de 10 à 15 cm pour les feuillus àforte dominance apicale (merisier,frêne, érable, chêne rouge…) et lespins ; de 20 à 24 cm pour lesfeuillus à fort développement latéralet faible dominance apicale (chêne,hêtre) ; 20 à 30 cm sont nécessairespour les conifères. Sur résineux peuabroutis par le chevreuil, il est par-fois possible d’utiliser des gaines de90 cm de hauteur.

n

Longévité des plastiquesLa longévité d’une gaine plastiqueest un paramètre essentiel. Ladurabilité des produits doit êtresuffisante pour protéger les plantscontre 3 types de dégâtspossibles : l’abroutissement, le

rongement d’écorce et le frottisqui apparaît après plusieursannées. Six années sont considé-rées comme un minimum, chiffreà moduler en fonction de l’essenceà protéger, de sa vitesse de crois-sance et de la végétation d’accom-pagnement qui peut jouer un rôleimportant dans la protection indi-recte du plant.Durant leur cycle de vie forestière,les manchons sont exposés auxintempéries et à la lumière dusoleil. Le forestier doit être attentifau type et à la qualité des maté-riaux constitutifs qui conditionnentla vitesse de dégradation de la pro-tection en cours d’utilisation et sonefficacité contre le gibier.Les manchons en grillage plastiquesont constitués d’un polymèreorganique synthétique en mélangeavec d’autres substances (stabili-sants, plastifiants, colorants). Cemélange constitue le plastique.Trois polymères peuvent être utili-sés dans les fournitures à usageforestier : le polychlorure de vinyle(PVC), le polypropylène (PP) et lepolyéthylène (PE). Ils se distinguentpar leur structure chimique, leurdégradabilité et leur résistance auxeffets climatiques.

dossier

Une écorce lacérée avec présence de lambeaux attachés au tronc est caractéris-tique d’une blessure par frottis.

© P

.Gon

in

Auteur du dégât Nature du dégât Période Hauteur observée des blessures (cm)

Hauteur conseillée des protections (cm)

Lapin de garenneAbroutissement Hiver/Été < 50

50Rongement d’écorce Hors sève < 50

LièvreAbroutissement Hiver/Été < 70

70Rongement d’écorce Hors sève < 60

Chevreuil

Abroutissement Été 110

120Frottis de frayure 1er février au 20 mai < 80

Frottis de rut 20 avril au 15 août < 80

Cerf

Abroutissement Hiver/Été 180

180Frottis de frayure 15 juillet au 15 septembre < 150

Frottis de rut 20 août au 31 octobre < 150

Sour

ce :

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Bon marché, le PVC est à proscrire.Il possède une durée de vie assezcourte car il durcit au fur et à mesu-re qu’il perd son caractère plasti-fiant. Source de chlore, il est dan-gereux pour l’environnement. Si larobustesse et la rigidité du PP sont

supérieures à celles du PE, il estplus sensible à l’oxydation ; à l’usa-ge, il se fragilise et devient cassant.Le PE est le polymère le plus per-formant car sa structure moléculaireparticulière garantit une bonne élas-ticité et résistance à la traction duproduit final.

n

Analyser le grammageLors du choix d’un manchon engrillage plastique, le forestier doits’intéresser à l’ouverture de maille,la grosseur des fils et la présenceéventuelle de renforts qui condition-nent le grammage et surtout larésistance du produit aux attaquesdu gibier. Dans les catalogues devente de fournitures forestières, le

grammage des produits est donnéen mètre linéaire (ml). À hauteur deprotection égale, cette valeur n’estpas assez fiable pour permettre auforestier de choisir entre 2 produitsde diamètre différent. Le grammageau m2 est un critère réaliste quidoit l’aider à comparer efficacementles différents modèles de protection.4 gammes de grammage des man-chons en grillage plastique existent :– « légère » (± 90-100 g/m2) : cettegamme regroupe principalement desmanchons de dissuasion à grandesmailles (5 à 10 mm) pour la protec-tion de petits plants ligneux contreles lapins, lièvres et autres rongeurs.De couleur noire, bleue, verte oumarron, ces gaines sont utilisées enforêt mais aussi en espaces verts, enarboriculture et en viticulture ; ellessont avant tout économiques ;– « standard » (± 200-250 g/m2) :cette gamme regroupe les gainesbrise-vent. Préférer les grammagesles plus élevés pour une plus granderigidité, une meilleure résistance auxattaques des rongeurs (risque d’apla-tissement : dans les zones à forteprédation, le lièvre essaye derabattre les manchons en se dressantsur les pattes arrières) et une meilleu-re tenue au vent (risques d’effet dra-peau) ou à la neige (risque d’affaisse-ment) pour les gaines contre les cer-vidés ; en cas de désherbage chi-mique, une zone pleine en partiebasse peut être utile car elle protègedes projections d’herbicides ;– « moyenne » (± 250-300 g/m2) :les gaines à mailles mixtes sont vive-ment conseillées ; leurs grossesmailles apportent une bonne rigidité,les mailles fines procurent un abrifavorable pour la croissance du plantet empêchent les cervidés mâles desoulever la protection ; ces produitsse distinguent par leur bonne résis-tance à la déchirure face à l’agressiondes chevreuils. Certains modèles

dossier L’équilibre sylvo-cynégétique

Les types de dégâts

L’abroutissement consiste en laconsommation des pousses dejeunes arbres par les animaux. Seulle prélèvement du bourgeon termi-nal est réellement dommageableaux plants. Il ralentit ou annihile lacroissance en hauteur ce qui allongela durée des entretiens. Il provoquedes fourchaisons, des déformationset des têtes multiples qui rendentobligatoire la taille de formation.Pour une essence donnée, les dégâtssont toujours plus importants sur desplants issus de pépinière que sursemis naturels. Le phénomène s’ag-grave quand les plantations sont ins-tallées après destruction complètede la végétation préexistante ou enl’absence d’un recrû naturel.Le frottis est le frottement de jeunesarbres suffisamment flexibles (moinsde 10 ans ; 4 à 5 cm de diamètre)par les bois des cervidés mâles. Enpériode de frayure, ils cherchent àdébarrasser leurs bois du velours,cette peau riche en vaisseaux san-guins qui se desquame et tombeune fois leur croissance achevée. Ledommage atteint l’écorce sur unseul côté de la tige. Au moment durut, les mâles s’attaquent violem-ment aux jeunes arbres lors du mar-quage de leur territoire en causantdes marques profondes sur les tiges,des arrachements d’écorce sur toutleur pourtour qui peuvent entraînerla mort de l’arbre.Le rongement consiste en des mor-sures de l’écorce imputables auxlapins et lièvres et causées en pério-de de disette alimentaire (hiver prin-cipalement). Ils laissent sur le boisdes marques d’incisives qui n’entraî-nent pratiquement jamais la mortdirecte de l’arbre sauf en cas d’anné-lation complète.

PratiquementIl faut savoir que le prix d’achat duPP est moins élevé que celui du PE.En l’absence de normes de qualitépour les fournitures forestières etdans un contexte d’augmentation duprix du pétrole dont sont issus cespolymères hydrocarbures, le risquesubsiste de voir mélanger, commepar le passé, du PP au PE au détri-ment de la durabilité des produits.Pour la protection totale, le forestierprivilégiera les manchons grillagésfabriqués à base de polyéthylènehaute densité (PE HD) qui donne desproduits plus raides, moins étirables.En protection partielle, un mélangehaute et basse densité estpréférable : le grillage se distendsans blesser l’arbre et finit par casserlors du grossissement.Le PE doit être associé à des stabili-sants qui assurent une protectioncontre la dégradation provoquée parla chaleur, l’oxydation et le rayonne-ment solaire. En particulier, les for-mulations des plastiques forestiersdoivent impérativement contenir desabsorbants de rayons ultraviolets(UV) qui réduisent la fragilité du pro-duit fini à la lumière et garantissentainsi sa durabilité.

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sont renforcés par des bandes derenfort pour augmenter leur rigiditéau niveau des pliures ; préférer lagamme lourde pour le cerf ;– « lourde » (± 400-450 g/m2) : lesmanchons à double maillage renfor-cé sont conseillés en cas de fortedensité de cervidés à proximité desparcelles à protéger. Il s’agit demailles mixtes qui se caractérisentpar une grosseur plus élevée des

filaments horizontaux et verticauxgarantissant une plus grande résis-tance à la déchirure. Leur rigiditéélevée impose une surveillancerégulière dès que le manchon entreen contact étroit avec la bille depied. La présence de 4 plis préfor-més facilite l’ouverture de la gainelors de sa pose (faible risque deblesser l’apex du plant) et permetde maintenir une section transver-

sale bien ovale favorable à la sortiedu plant du manchon.

dossier

PratiquementDans chaque gamme de grammage,le forestier a le choix entre différentsproduits dont les caractéristiques tech-niques (hauteur, diamètre, ouverturede maille) sont assez semblables. Il luiest vivement conseillé de privilégierles grammages les plus élevés plutôtque les produits les moins chers.

Gam

me

Mai

llage

Hau

teur

(cm

)

Dia

mèt

re (cm

)

Grammage (g/m2)

Prix unitaireen e, départfournisseur,TVA 19,6 %en sus (sai-

son 2004-05)

Gamme commerciale

Celloplast Griplast Nortène Samex

Légè

re

Gra

ndes

mai

lles

50

14-15 90, 108 91, 102, 125 89 95 0,07 à 0,14 Dissuasion, Maille 10 x 10, Standard

24-25 88 113 90 89 0,13 à 0,17 Dissuasion, Maille 10 x 10, Espaces verts

30 – – 72 106 0,13 à 0,17 Dissuasion

60

14-15 90, 108 91, 102, 125 89 95 0,08 à 0,16 Dissuasion, Maille 10 x 10, Standard

24-25 – 113 90 89 0,15 à 0,20 Maille 10 x 10, Dissuasion, Espaces verts

30 – – – 106 0,25 à 0,30 Espaces verts

Stan

dar

d

Basepleine

50 13-15 – – 196 170 0,17 à 0,29 Planet, Double protection

60 13-15 – – 196 170 0,20 à 0,34 Planet, Double protection

Petit

es m

aille

s

60

14-15 273 – 193 159 0,21 à 0,30 Cervigaine +, Climatic, Brise-vent

20 – – – 159 0,26 à 0,31 Brise-vent

30 – – 180 212 0,32 à 0,39 Climatic, Brise-vent

120

14-15 273 212 193 159 0,40 à 0,60 Cervigaine + 4 plis, Brise-vent, Climatic

20 247, 269 223 207 159 0,50 à 0,88 Cervigaine +, Brise-vent, Climatic

30 272 212 255 212 0,64 à 1,08 Cervigaine +, Gaine résineuse, Climatic, Brise-vent

18014 273 – – – 0,90 à 1,00 Cervigaine +

30 – 212 318 – 1,20 à 1,88 Gaine résineuse, Climatic

Moye

nne

Dou

ble

mai

llag

e

50 15 – 297 – – 0,20 à 0,25 Maille mixte

60 10-15 – 297 318 – 0,23 à 0,30 Maille mixte, Climatic***

120

14-15 330 297 250 – 0,50 à 0,87 Cervigaine 3D 4 plis renforcé, Maille mixte, Climatic mixte

20 334 286 302 286 0,65 à 1,25 Cervigaine 3D 4 plis renforcé, Maillemixte, Climatic mixte, Brise-vent renforcé

30 – 255 – 255 0,75 à 1,40 Maille mixte, Brise-vent renforcé

18020 334 – – – 1,80 à 1,90 Cervigaine 3D 4 plis renforcé

30 – 255 – – 1,85 à 2,10 Maille mixte

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e

Dou

ble

mai

llage

ren

forc

é 60 12 – – – 451 0,36 à 0,43 Maill’tub

120

12-15 – – 403 451 0,72 à 1,02 Climatic***, Maill’tub

20 – 398 414 – 1,00 à 1,39 Maille mixte, Climatic***

30 – 371 424 – 1,43 à 2,10 Maille mixte, Climatic***

180

12-15 – – 403 451 1,07 à 1,53 Climatic***, Maill’tub

20 – – 414 – 1,65 à 2,14 Climatic***

30 – 371 – – 2,70 à 3,20 Maille mixte

161IDF-P28-36 18/09/12 14:49 Page 31

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Gam

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Type

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Celloplast Manchon de dissuasion 50 14,5Celloplast Manchon de dissuasion 50 14,5Samex Standard 50 15Samex Standard 50 15Celloplast Manchon de dissuasion 50 24Nortène Dissuasion 50 24Griplast Maille 10 x 10 50 24Samex Espaces verts 50 25Nortène Dissuasion 50 30Samex Espaces verts 50 30Nortène Dissuasion 60 14Griplast Maille 10 x 10 60 14Griplast Maille 10 x 10 60 14Griplast Maille 10 x 10 60 14Celloplast Manchon de dissuasion 60 14,5Celloplast Manchon de dissuasion 60 14,5Samex Standard 60 15Samex Standard 60 15Nortène Dissuasion 60 24Griplast Maille 10 x 10 60 24Samex Espaces verts 60 25Samex Espaces verts 60 30Nortène Planet 50 13Samex Double protection - base pleine 50 15Nortène Planet 60 13Samex Double protection - base pleine 60 15

Petit

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Nortène Climatic simple 60 14Celloplast Cervigaine plus 60 14Celloplast Cervigaine plus 60 14Samex Brise-vent 60 15Samex Brise-vent 60 20Nortène Climatic simple 60 30Samex Brise-vent 60 30Nortène Climatic simple 120 14Celloplast Cervigaine plus 4 plis 120 14Celloplast Cervigaine plus 4 plis 120 14Samex Brise-vent 120 15Griplast Brise-vent 120 15Samex Brise-vent 120 20Nortène Climatic simple 120 20Griplast Brise-vent 120 20Celloplast Cervigaine plus 120 20Celloplast Cervigaine plus 120 20Griplast Gaine résineuse 120 30Samex Brise-vent 120 30Nortène Climatic simple 120 30Celloplast Cervigaine plus 120 30Celloplast Cervigaine plus 180 14Griplast Brise-vent 180 30Griplast Gaine résineuse 180 30Nortène Climatic simple 180 30

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Griplast Maille mixte 50 15Nortène Climatic*** 60 10Griplast Maille mixte 60 15Nortène Climatic mixte 120 14Celloplast Cervigaine 3D 4 plis renforcé 120 14Griplast Maille mixte 120 15Griplast Maille mixte 120 20Samex Brise-vent renforcé 120 20Nortène Climatic mixte 120 20Celloplast Cervigaine 3D 4 plis renforcé 120 20Griplast Maille mixte 120 30Samex Brise-vent renforcé 120 30Celloplast Cervigaine 3D 4 plis renforcé 180 20Griplast Maille mixte 180 30

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Griplast Maille 10 x 10 50 14

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8 0,5 100 9600 39 8910 0,6 100 6000 40 9110 0,6 100 6000 45 10210 0,6 100 5000 55 1258 < 1 100 12000 41 908 < 1 100 12000 49 1085 0,7 200 10000 45 9510 0,9/1,1 200 10000 45 958 < 1 100 3600 66 888 0,5 100 4400 68 9010 0,6 200 3500 85 1138 0,7 200 10000 70 898 0,5 100 4400 68 728 0,7/0,9 200 10000 100 1068 0,5 100 9600 39 8910 0,6 100 6000 40 9110 0,6 100 6000 45 10210 0,6 100 5000 55 1258 < 1 100 12000 41 908 < 1 100 12000 49 1085 0,7 200 10000 45 9510 0,9/1,1 200 10000 45 958 0,5 100 4400 68 9010 0,6 100 3500 85 1138 0,7 200 10000 70 898 0,7/0,9 200 10000 100 1069 1 100 9600 80 1963 1,3/2,2 200 10000 80 1709 1 100 6600 80 1963 1,3/2,2 200 10000 80 1702 1 100 6600 85 1932 > 1 100 5600 120 2733 > 1 100 5600 120 2733 0,7/1,2 50 15000 75 1593 0,7/1,2 50 10000 100 1592 1 100 3200 170 1803 0,7/1,2 50 4000 200 2122 1 50 4200 85 1932 > 1 100 2400 120 2733 > 1 100 2400 120 2733 0,7/1,2 50 7500 75 159

1,5 0,5 50 2000 100 2123 0,7/1,2 50 5000 100 1592 1 50 3000 130 207

1,5 0,5 50 1400 140 2232 > 1 100 1000 155 2473 > 1 100 1000 169 269

1,5 0,6 50 1500 200 2123 0,7/1,2 50 2000 200 2122 1,5 50 1500 240 2553 > 1 100 1000 256 2722 > 1 100 2400 120 273

1,5 0,5 50 700 200 2121,5 0,6 50 700 200 2122 1,5 25 1150 300 318

2/20 0,8 50 2500 140 2972 2,5/1 50 4400 100 318

2/20 0,8 50 2500 140 2971,5 2 50 1950 110 2503 > 1,5 100 1500 145 330

2/20 0,8 50 2000 140 2972/20 0,8 50 1400 180 286

3 0,6/1,7/3 50 2000 180 2861,5 2 25 950 190 3023 > 1,5 100 1500 210 334

2/20 0,8 50 1000 240 2553 0,6/1,7/3 50 2000 240 2553 > 1,5 100 1500 210 334

2/20 0,8 50 700 240 2552 1/2,7 30 3000 170 4512 1/2,7 30 3000 170 4512 2,5/1 50 1300 190 403

2/20 0,8 50 800 250 3982 2,5/1 25 900 260 414

2/20 0,8 50 600 350 3712 2,5/1 25 750 400 4242 1/2,7 30 3000 170 4512 2,5/1 25 1600 190 4032 2,5/1 25 900 260 414

2/20 0,8 50 400 350 371

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n

Choisir un type de maille

Manchons à grandes mailles

Le manchon en grillage plastique àgrandes mailles est à éviter pour laprotection totale des petits plantscontre les dégâts des cervidés. Legibier a la possibilité de soulever cetype de gaine, voire de l’arracher, ladimension des mailles (8 à 17 mmd’ouverture) facilitant le passage deses bois. Le risque de déformation dela tige et d’abroutissement du bour-geon terminal des jeunes plants quipassent fréquemment au travers desmailles latérales est lui aussi très élevé.Son usage est conseillé pour limiterles dégâts des lapins, des lièvres etautres rongeurs sur les jeunesplants dans les domaines forestier,arboricole, espaces verts et viticole.Les grammages les plus lourds (> 100 gr/m2) sont indispensablesen cas de forte densité de lapins oude lièvres. Son utilisation est égale-ment possible en protection indivi-

duelle partielle contre les frottis surgrands plants feuillus ou résineuxadultes et plançons de peuplier.Ces produits sont commercialiséssous forme de nappes cylindriques(Ø 13 à 30 cm) à mailles carrées ouhexagonales larges (de 7 à 13 mm)en plastique noir, vert ou bleu. D’en-combrement réduit, ils sont faciles àtransporter et leur pose est rapidepar enfilement autour du plant et dedeux tuteurs en bambou. Dans lesrégions exposées au risque de neige

ou de vent fort, i l est plutôtconseillé d’utiliser un tuteur en bois.

Manchons à petites mailles

Le manchon brise-vent en grillageplastique à petites mailles estactuellement le produit le plusreprésenté sur le marché. Il peutêtre utilisé pour tout type d’essencefeuillue ou résineuse et contre tousles dégâts de lapin, lièvre et che-vreuil. Son utilisation est délicatecontre les dégâts du cerf ; on lui

dossier L’équilibre sylvo-cynégétique

Un jeune plant dont la tige principalepasse au travers des mailles latérales s’ex-pose fortement au risque d’abroutissementpar le chevreuil.

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Le tripode grillagé

Pour la protection des jeunes plantscontre le cerf en forêt mais aussi cellesdes vergers forestiers, des arbres d’or-nement ou des allées en formation, letripode grillagé, utilisé pour protéger lesarbres fruitiers du bétail, est efficace.Il s’agit d’un grillage métallique (fil de 2,5 mm de Ø), galvanisé (classe C,270 g zinc/m2), à grandes maillesnouées et progressives (H = 89 à 178 mm,l = 300 mm) de type Bekaert. Cettenappe est fixée en triangle autour d’unplant sur 3 pieux ronds (H = 220 cm, Ø > 5 cm) de robinier ou de châtai-gnier, écorcés et épointés. Les piquetssont distants l’un de l’autre d’un bonmètre. Le grillage est cloué à l’exté-rieur sur chaque tuteur et le corselet estfermé avec des crampons métalliquesen U (40 x 4 mm) barbés (l’ergotgarantit que le crampon ne ressort pasaprès enfoncement). Ne jamais les clouer à fond pour les enlever facilement lorsde la dépose du tripode. La hauteur minimale conseillée est comprise entre 180et 190 cm. En montagne et dans les zones très enneigées, il est préférable d’uti-liser des grillages de 220 cm de haut, particulièrement résistants, réalisés avecdes fils de 3 mm de diamètre et une galvanisation renforcée. Sur les hautes tiges, il est conseillé aussi de badigeonner de chaux les premièresbranches latérales car le cerf est capable de se dresser sur ses pattes arrièrespour les atteindre et les mordiller, voire casser la cime en tirant dessus. Enmatière d’entretien, le pied du plant doit être dégagé des adventices afin de nepas servir de refuge aux rongeurs ; l’élagage devra s’effectuer en jouant dusécateur entre les mailles. Cette « clôture » individuelle assure une protection totale mais le coût reste prohibi-tif : 2,8 à 3,7 € HT/m2 de grillage et 3,2 à 3,7 € par piquet. Hors temps de décou-pe du grillage et de pose, un tripode grillagé (ht = 190 cm) revient de 13 à 14 € HTen moyenne. Une option moins coûteuse consiste à dresser entre 2 piquets untreillis de 160 cm de hauteur (mailles progressives mises vers le haut) et pendu à 2m de haut. L’entretien du plant est aisé et l’enlèvement est facile hors végétationcompte tenu de l’absence de grillage sur les 40 premiers cm au dessus du sol.

Le tripode grillagé est un des seuls dispositifs deprotection qui permette de lutter efficacementcontre les dégâts d’abroutissement du cerf.

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préfère les produits à mail lesmixtes renforcées (3) ou le tripodemétallique.Le grillage se caractérise par desfines mailles, de l’ordre de 2 à 3 mm.Ce processus de fabrication créé dansles années 80 résout le double incon-vénient des grandes mailles. Pour lehêtre à bourgeons pointus, la mailledoit être inférieure à 2 mm au risquede constater la sortie latérale de latige principale (4), sa déformation ouson abroutissement.Grâce à l’abri qu’elle procure auplant, le manchon a un effet brise-vent et améliore la reprise et lacroissance en hauteur du jeuneplant les premières années. L’effetest inférieur à celui d’un abri-serremais la maille fine assure un ombra-ge et une bonne aération sans les

inconvénients des tubes en périodechaude et sèche. Les adventices etla ronce en particulier ne pénètrentpas dans la gaine et ne posent pasde problème de déchirement dumanchon lors des dégagements.Commercialisé sous forme de gainecylindrique, le transport et le stocka-ge sont aisés en raison d’un encom-brement (livré à plat et préplié) etpoids faibles. La pose est rapide parenfilement autour du plant et agra-

fage sur un tuteur en bois. Au coursde la croissance en diamètre de latige, le manchon brise-vent s’étireet craque au fur et à mesure dugrossissement. Il n’enserre pas leplant et ne le blesse pas.

Manchons à mailles mixteset/ou renforcées

Afin d’augmenter la résistance auxattaques des animaux, les fabricantsont eu l’idée de concevoir des pro-tections à double maillage appelésmanchons à mailles mixtes plus oumoins renforcées selon les modèles.Ces gaines procurent les avantagesdes protections à grosses mailles et àmailles fines : les filaments plastiquesépais généralement croisés selon unemaille de 1,5 à 3 cm assurent la rigi-dité du produit et la fine nappe grilla-

gée (≤2 mm) rapportée sur toute lasurface confine un microclimat favo-rable au développement des plants.En raison d’une rigidité hors pair etd’une grande résistance aux effets duvent et de la neige, la longévité desmanchons à mailles mixtes estimportante, en particulier pour lesproduits renforcés à grammages lesplus élevés. Ceux-ci requièrent unesurveillance afin de veiller à l’étire-ment et la déchirure progressive de

la gaine lorsque le contact avecl’arbre est assuré.

n

Choisir la couleurIl existe sur le marché une grandegamme de couleur pour l’ensembledes protections : noir, vert, bleu,marron, beige, gris… La couleurn’ayant aucune influence sur lacroissance des plants, le choix decelle-ci va dépendre de leur impactsur le paysage qui doit être le plusfaible possible. En général, il estpréférable de privilégier les protec-tions de couleur noire ou verte quisont plus discrètes et se confondentle mieux avec la végétation.Certains prétendent que les couleursvives sont plus dissuasives pour legibier. Aucune étude connue ne per-met de confirmer cette hypothèsed’autant que les mammifères distin-guent peu les nuances de couleur desobjets. Leur principal intérêt est unrepérage plus aisé des lignes de plants,facilitant les travaux mécanisés d’entre-tien ou les dégagements manuels. n

dossier

Les gaines à mailles mixtes procurent les avantages des gaines à grosses mailles et àmailles fines ».

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(1) * IDF Maison de la Forêt, 7 Chemin de la

Lacade 31320 Auzeville, Tolosane. Tél. : 05 61

75 45 00, Fax : 05 61 75 45 09, Courriel : pvan-

[email protected].

** CDAF, 34 Route de la Fagne B-6460 Chimay.

Tél. : +32 60 41 40 19, Fax : +32 60 41 10 06,

Courriel : [email protected]

(2) Les protections partielles, dont celles utili-

sées contre les dégâts d’écorçage du cerf, ne

sont pas décrites dans le présent article.

(3) En cas de forte pression du cerf, on ne connaît

pas de protection plastique totalement efficace à

un coût raisonnable. On a vu des plants de meri-

siers et d’érables protégés par des manchons de

180 cm de hauteur systématiquement broutés ou

cassés à la sortie des protections.

(4) Le hêtre a aussi tendance à tourner en rond

dans la gaine et pousse en forme de cor de

chasse. Privilégier l’usage de grands plants de

plus d’un mètre et leur redresser régulièrement

la tête courbée.

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dossier L’équilibre sylvo-cynégétique

RésuméLa gamme des manchons en grillageplastique destinés à la protectiontotale des jeunes arbres contre lesanimaux est très variée. Le choix estlarge et difficile. Une attention parti-culière doit être portée aux condi-tions d’usage des produits dispo-nibles sur le marché, au choix desdimensions (hauteur et diamètre),des matériaux constitutifs et dugrammage en relation avec le dia-mètre d’ouverture des mailles.D’autres critères tels que la présencede renforts, d’une base pleine enpartie basse protégeant des projec-tions herbicides, la couleur et surtout,la durabilité doivent être analysés.Mots-clés : Abroutissement, dégâtde gibier, frottis, protection contre legibier, protection des plants.

n Balleux (P.), Van Lerberghe (Ph.), 1999. Lutter contre les dégâts du gibierdans les plantations forestières. Les principaux gibiers responsables et indices deprésence. Forêt Wallonne n°42 - cahier technique n°6, 3-7.n Cemagref, 1981. Dégâts de gibier. Identification, méthodes de protection.Note technique n°44, 64 p.n Klein (F,), Saint-Andrieux (Ch.), Ballon (Ph.), 1989. Quelles protections pourles plants forestiers ? BM ONC n°141, 31-35.n Saint-Andrieux (Ch.), 1994. Présence du grand gibier en forêt - Dégâts etméthodes de protection. Phytoma n°463, 24-28.n Van Lerberghe (Ph.), 1995. La protection des boisements de terres agricolescontre les dégâts du chevreuil. (1) Les types de dégâts et leurs conséquences.Forêt-entreprise n°106, 28-31.n Van Lerberghe (Ph.), 1995. La protection des boisements de terres agricolescontre les dégâts du chevreuil. (2) Les moyens de protection et leur coût. Forêt-entreprise n°106, 32-38.

Pour contacter les fabricants

CELLOPLAST : 13, route de Préaux– 53340 Ballée. Tél. : 02 43 6414 14 – Fax : 02 43 98 49 97.Courriel : [email protected] INT. ZA La Loge –49310 Vihiers. Tél. 02 41 75 0606 – Fax : 02 41 75 42 00. Cour-riel : [email protected]ÈNE PRO : 160, rue AnatoleFrance – 92593 Levallois – Per-ret cedex. Tél. : 01 41 05 47 62– Fax : 01 41 05 40 76.Courriel : [email protected] : 72600 Saint – Vincentdes Prés. Tél. : 02 43 97 48 53 –Fax : 02 43 97 48 54. Courriel :[email protected]

RemerciementsYannick Bournaud (Propriétaire fores-tier et Président du CRPF Midi-Pyré-nées), Éric Brochot (Conseiller fores-tier), Antoine Delarue (CRPF Midi-Pyrénées), Pierre Gonin (IDF), JacquesRideau et Jean-Marie Righi (CRPFLimousin), Christine Saint-Andrieux(ONCFS).

B i b l i o g r a p h i e

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n préambule à toute pré-sentation des principes etde la méthode de gestionbiométrique (2), il est inté-

ressant de commencer par uneconversation rapportée par le Doc-teur Roucher dans les annexes deson ouvrage « Chevreuils d’hier etd’aujourd’hui ». Cet échange depoints de vue entre Francis Roucheret un chasseur permet de présenterle sujet clairement et avec humourcar cette conversation est à l’imagede ce qui fonde la difficulté de com-préhension de la méthode : son prin-cipe. Il débute par une question duchasseur : « Comment reconnaîtreune chevrette d’avenir ? ». FrancisRoucher explique alors que la répon-se passe, dans le cadre de la métho-de biométrique, par le fait de tuerl’animal afin de pouvoir le peser,compter le nombre de ses corpsjaunes et mesurer la longueur de samâchoire inférieure ! La réaction duchasseur est alors sans appel : « Vousplaisantez ? Ce que je voulais c’étaitla reconnaître sur le terrain pourl’épargner, pas pour la tirer. » !

n

La loiMais revenons à ce qui apparaîtcomme le commencement de laréflexion biométrique : la loi ou leslois. Au début de tout, il y a la loide finance rectificative de 1978,première à imposer le plan de chas-se sur l’ensemble du territoire pour

le grand gibier. La loi de juillet 2000relative à la chasse en confirme lepoint essentiel : « la chasse […] par-ticipe à la gestion durable du patri-moine faunique et de ses habitats[…] en assurant un véritable équi-libre agro-sylvo-cynégétique ». Laloi de juillet 2001 d’orientation surla forêt assure que « le développe-ment durable des forêts impliqueun équilibre sylvo-cynégétique har-monieux […] équil ibre atteintnotamment par l’application duplan de chasse… » et s’efforce des’approcher d’une définition pra-tique du fameux équilibre en pro-posant qu’il soit « atteint lorsqu’il ya régénération des peuplementsforestiers dans des conditions éco-nomiques satisfaisantes pour le pro-priétaire ». Mais les conditions éco-nomiques satisfaisantes pour unpropriétaire le seront-elles pour unautre ? Ne doit-on pas rechercherune base de définition indépendan-te du territoire et du propriétaire ?Définition renvoyant à la notionmême du fameux équilibre entre lafaune et la flore.Qu’en sera-t-il de la définition pro-posée par le projet de loi 2004sur le développement des terri-toires ruraux, dont la probléma-t ique pr inc ipale est b ien larecherche d’un consensus sur lanotion ? N’est-il pas possible des’accorder sur une définition claireet pratique dudit équilibre, défini-tion accordant chasseurs et sylvi-culteurs, et ainsi propriétaires et

locataires, voire naturalistes ?Une solution pourrait être la métho-de biométrique qui permet de s’ac-corder sur des bio-indicateurs, cri-tères de gestion clairs, simples etobjectifs, liant population et capacitéd’accueil d’un territoire ; critères surla base desquels les différents inter-venants peuvent discuter, afin defaire évoluer à la hausse ou à la bais-se le plan de chasse d’un territoire.Ces mesures biologiques of frentl’opportunité aux sylviculteurs deprendre la main en terme de critèresde gestion, tout en responsabilisantles chasseurs qui ont la charge de larécolte. Mais pour le comprendre, ilfaut se plonger dans la réalité du plande chasse actuel et préciser l’alterna-tive offerte par la gestion biomé-trique, sa méthode et ses principes.

n

Un plan de chasseapproximatif

Les bases du conflit actuel entre sylvi-culteurs et chasseurs datent desannées 60 et 70, décennies de miseen œuvre des principes du plan dechasse grand gibier. Ce dernier sefonde sur les méthodes de comptageet sur l’attribution d’un pourcentagede la population estimée, afin de pré-server l’équilibre faune/flore (parexemple, 30 % de l’ef fectif avantreproduction pour l’espèce chevreuil).Une étude du Centre nationald’études techniques et de

dossier

La gestion biométrique : clé de définition del’équilibre sylvo-cynégétique

E

Bertrand Monthuir, Forestis (1)

C’est avec l’aimable autorisation de « La Forêt Privée » que nous publions des extraits de

cet article déjà paru dans leur n°279.

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recherches technologiques pourl’agriculture, les forêts et l’équipe-ment rural (Cerafer), publiée enfévrier 1969, intitulée « Influencedes modes de chasse sur les popu-lations de cerf et de chevreuil »,aborde les bases de la fixation duplan de chasse en ces termes :« Dans l’idéal, la fixation annuelle duplan de chasse devrait être basée surles données suivantes : effectif de lapopulation (fin de saison de chasse,avant naissance) ; lois de reproduc-tion ; estimation des pertes (acci-dents…) ; nombre d’animaux àadmettre sur le territoire en fonctiondes capacités d’accueil. Or, on voitimmédiatement que les données donton peut disposer sont des plus impré-cises et que le plan de chasse obtenune peut être que très approximatif…Aussi, une autre voie détournée partde la constatation des dégâts degibiers observés, de l’état sanitaire desanimaux abattus et de l’évolution destrophées récoltés d’année en année.Ces trois facteurs constituent desindices de l’état de la population. »Le plan de chasse a été fondé sur laméthode des comptages alors queleur approximation était connue, cequi apparaît comme une premièreerreur. Cette méthode apparaissaitcertainement à l’époque plus facileà mettre en œuvre car plus simple àexpliquer aux chasseurs, tout enassurant une réussite, celle de l’aug-mentation des populations degrands gibiers. Mais le plan de chas-se se base sur une deuxièmeerreur : en imaginant que l’on aitune connaissance par faite dunombre d’individus d’une espècesur un territoire, ce nombre n’in-dique pas si la capacité d’accueil duterritoire est dépassée ou non. Lacapacité d’accueil d’un territoire estle nombre maximum d’individusd’une espèce qu’un territoire peutaccepter sans dégradation du

milieu. La connaissance, à un instantdonné, du nombre exact d’individusd’une espèce de grand gibier sur unterritoire, bien que pouvant satisfai-re l’ego de tout gestionnaire cyné-gétique, ne renseigne pas sur lenombre que le territoire peut accep-ter, et donc sur le dépassement ounon de la capacité d’accueil.La situation actuelle des popula-tions de grands gibiers (cervidés) etl’obligation que nous avons, en tantque sylviculteurs, d’apporter lapreuve de notre capacité à gérerdurablement les espaces forestiersne nous permettent plus de tellesapproximations et nous obligent àdéfinir de manière claire des indica-teurs de gestion durable. Une alter-native à la méthode des comptagesest, comme le propose l’étude citéeprécédemment, la gestion par bio-indicateurs, en particulier des indi-cateurs biométriques faunistiques.Cette méthode présente un autreintérêt : elle permet en impliquantles chasseurs, de les responsabiliserdans la gestion des espaces. Lagestion biométrique nécessite, pourle relevé des informations, desmesures biologiques sur gibier morttout au long de la saison dechasse ; d’où le terme de mesuresbiométriques. Ces bio-indicateurssont, par exemple, pour le che-vreuil, le poids des chevrillards oule taux de fécondité des chevrettes.

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Faire parler les mortsLe principe de la méthode est de« faire parler les morts » et de neplus compter « les vivants ». L’idéeparaît simple mais n’est pas si facileà concevoir dans la pratique, car leréflexe sera de continuer à compter.La méthode biométrique, qui repo-se sur le principe du non-dénom-

brement des effectifs, est assimiléeà une véritable révolution coperni-cienne, dans un monde cynégé-tique où les méthodes de gestionsont fondées sur le dénombrement.Promoteur de la méthode, les sylvi-culteurs devront donc avoir à l’es-prit que convaincre les chasseurs dela pertinence de la méthode ne serapas chose simple alors que sa miseen œuvre l’est, à partir du momentoù les chasseurs y participent.Pour avancer dans la compréhensionde la méthode, considérons le tauxde fécondité des chevrettes. Il estthéoriquement de 2 : toute chevrettemet naturellement au monde deuxfaons. Or la capacité à reproduired’une chevrette tient directementcompte de sa corpulence, qui elle-même tient compte de la capacitéd’accueil du territoire. Le lien entrefaune et flore est direct. En théorie,plus le taux de fécondité moyen surun territoire est inférieur à 2, plus lacapacité d’accueil est dépassée. Lapratique amène alors à relever lestaux de fécondité au cours d’une sai-son de chasse, lors de la phase dediapause embryonnaire pour l’espè-ce. Le relevé du taux de fécondité (0,1, 2, voire 3) consiste à compter lenombre de corps jaunes apparaissantdans les ovaires de la chevrette, sifécondation, sur un échantillon repré-sentatif de chevrettes d’un territoiredonné (un échantillon d’une trentainede chevrettes permet d’établir unemoyenne significative). La moyennede ces relevés permet de calculer untaux de fécondité moyen du territoireconsidéré, à comparer au taux defécondité théorique de 2. Un taux defécondité de 1 oblige à une augmen-tation significative du plan de chassechevreuil sur laquelle chasseurs etforestiers peuvent s’accorder. L’annéesuivante, la nouvelle mesure du tauxde fécondité permet de confirmer oud’infirmer l’hypothèse.

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L’étude des corps jaunes de la che-vrette est connue sous le nom deRMS, pour « Rendement MaximalSoutenu ». Cet intitulé exprime l’idéeque la gestion biométrique dévelop-pe : optimiser la production du gibieret diminuer les dégâts grâce à ladiminution au maximum des popula-tions au cours de la saison de chasse,dans la perspective d’une reproduc-tion maximale. En pratique, on voitdonc que chasseurs et sylviculteurspeuvent se retrouver dans la métho-de biométrique, car elle assure desattributions importantes et diminueles risques de dégâts forestiers.Mais si la méthode est connue, touten étant considérée novatrice et

pleine d’avenir, elle est encore dansune phase expérimentale pour cequi est des protocoles de récolte etd’analyse. Par exemple, pour revenirau taux de fécondité des chevrettes,un taux de fécondité inférieur à 2 nevous assure actuellement que d’unechose : la nécessité d’augmenter leplan de chasse de l’espèce sur le ter-ritoire en question. Mais à savoir sicette augmentation doit être de 10,20, 30, voire 50 % dès la premièreannée d’augmentation du plan dechasse, cela ni aucun protocole, niaucune étude n’est capable à ce jourd’y répondre précisément. Malgrécette limite, la méthode s’avère êtreune proposition pertinente etconstructive au débat entre chas-seurs et sylviculteurs. Tout en per-mettant la définition claire de cri-tères de gestion durable des espacesforestiers, elle implique le rappro-chement entre les deux frères enne-mis et les oblige à comprendrequ’ils sont bien partenaires et nonopposants dans la recherche d’undéveloppement durable des terri-toires naturels et ruraux dont ils ontla responsabilité commune.

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ConclusionEn proposant une méthode alternati-ve, la gestion biométrique offre lapossibilité aux sylviculteurs d’êtreforce de proposition dans le débatsur l’équilibre sylvo-cynégétique etla biodiversité. La gestion biomé-trique est aussi une porte d’entréepragmatique sur ce sujet. Certainesespèces étudiées, supports des rele-vés biométriques, peuvent à moyenet long termes devenir des espècesbio-indicatrices de la diversité faunis-tique et floristiques de leurs terri-toires vitaux. Mais pour cela, il fautdès à présent que les sylviculteurs

comprennent l’intérêt de la méthodeet soutiennent la recherche appli-quée, afin que des protocoles certi-fiés de récolte et d’analyse des don-nées biométriques sur les espècesde grands gibiers concernés soientrapidement validés. En fin de comp-te, la gestion biométrique, en focali-sant le débat sur la recherche del’équilibre entre capacité d’accueil etpopulation de grands gibiers, per-met de sortir du conflit traditionnelentre sylvo et cynégétique, et doncentre sylviculteurs et chasseurs. Toutsimplement parce que la gestionbiométrique s’intéresse moins à qua-lifier l’équilibre qu’à définir les condi-tions objectives d’une balance écolo-gique et économique durable de ter-ritoires forestiers. n

dossier

Exemples de gestion biométrique

La méthode des corps jaunes a étémise en œuvre sur un des principauxmassifs forestiers privés d’Eure-et-Loirdepuis la saison de chasse 99-2000 eta permis une augmentation de 50 %des prélèvements en 5 ans. En 99-2000, le plan de chasse chevreuil yétait de 100 bracelets. Le premier tauxde fécondité, bien inférieur à 2, a moti-vé une première augmentation duplan de chasse de 20 % pour la saisonde chasse 2000-2001 ; demande deplan de chasse motivée par un dossierbiométrique sur le suivi des prélève-ments depuis une cinquantaine d’an-nées, et surtout sur celui des bio-indi-cateurs relevés l’année précédente. Cedossier a été défendu lors du recours,suite au rejet de la requête par la com-mission du plan de chasse. Après l’ob-tention d’une première augmentationde 15 %, le territoire en question apoursuivi sa politique d’augmentationdu plan de chasse : le taux de fécondi-té des chevrettes est aujourd’hui de1,7 pour 150 chevreuils chassés.Le CRPF de Normandie, en partenariatavec la fédération des chasseurs deSeine-maritime, l’ONF, la DDAF et Fores-tis, mène actuellement un suivi réussi despopulations de chevreuils par bio-indica-teurs sur l’ensemble du département deSeine-Maritime. Entre 2000 et 2004, lagestion biométrique a permis d’augmen-ter les attributions de 29 % en moyenne.

n Chevreuils d’hier et d’aujourd’hui, Doc-teur Francis Roucher - Éditions du Gerfaut.n Forêt et Gibier : Influence des modes dechasse sur les populations de cerf et dechevreuil. Février 1969 - Cerafer - Centretechnique forestier - Nogent-sur-Vernisson.n Loi n° 2000-698 du 26 juillet 2000 rela-tive à la Chasse - J.O. du 27 juillet 2000.n Loi n° 2001-602 du 9 juillet 2001 d’orien-tation sur la forêt - J.O. du 11 juillet 2001.

RésuméFace à la difficulté de définir scientifi-quement l’équilibre sylvo-cynégé-tique, la méthode biométrique per-met d’évaluer objectivement l’im-pact prévisible de la faune sur laforêt. Elle prévient les dégâts etévite l’étiolement des populationsde cervidés par l’adaptation du pré-lèvement à la capacité d’accueil dumilieu. Cette méthode qui se substi-tue au comptage est connue depuislongtemps, mais reste à développer.Mots-clés : gestion, biométrie,équilibre, bio-indicateurs.

(1) Forestis, La Graiserie - 28240 Champrond

en Gatine. Tél : 02 37 49 80 01, courriel :

[email protected]

(2) Biomètrie : étude statistique des variations

biologiques des êtres vivants.

B i b l i o g r a p h i e

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uestion récurrente quecelle de l’ impact dugibier sur la forêt. Si lanature des dégâts cau-

sés par les grands mammifères estbien appréhendée, leurs consé-quences économiques apparaissentbeaucoup moins connues. Pour enmesurer les implications financièressupportées par les propriétaires,une approche économique s’impo-se. Mais si celle-ci suppose d’inté-grer les dépenses et les pertesd’exploitation, elle ne serait pascomplète sans que les recettesgénérées par la location des bauxde chasse, là où ils existent, soientégalement prises en compte.Le débat sur les dégâts de gibier enforêt n’est pas nouveau. Mais ilprend aujourd’hui une nouvelledimension tant les conditionsd’évolution économique touchantle secteur de la production forestiè-re obligent propriétaires et gestion-naires à mieux cerner coûts etrecettes. Or, dans ce domaine, cha-cun sait que les rentrées financièresissues des ventes de produits fores-tiers s’orientent à la baisse, tandisque les frais d’intervention suiventune courbe inverse.Qui peut encore nier l’ampleur et ledéveloppement des dégâts dus augibier dans les massifs forestiersfrançais ? L’observation de l’évolu-

tion des prélèvements de cervidésà partir des attributions des plansde chasse, supposées directementliées à la présence des animaux etaux dégâts qu’ils occasionnent, per-met de se faire une idée de la dyna-mique des populations. On sait queces prélèvements augmententconsidérablement et les chasseursne sont pas les derniers à l’ad-mettre. « Sur les vingt dernièresannées, les prélèvements de che-vreuils ont été multipliés par 8,ceux de cerfs par 6 et par 12 pourle sanglier », reconnaît la Fédérationnationale des chasseurs.

n

Des dégâts en forêts publiques et en forêts privées

Du côté de l’ONF qui accueille 100000 chasseurs chaque année enforêts domaniales, le constat n’estpas différent. Sur la période 1992-2003, les attributions de tirs ontprogressé régulièrement, soit uneaugmentation de 225 % pour lesanglier, de 109 % pour le cerf, etde 76 % pour le chevreuil. Maisd’après le gestionnaire public, cesprélèvements ne permettent pas demettre fin à la croissance des popu-lations. « L’équilibre sylvo-cynégé-

tique est ainsi de plus en plus fré-quemment rompu, obligeant àengrillager ou à protéger artificielle-ment les peuplements forestiers àleurs stades les plus sensibles. Danscertains cas extrêmes, l’ONF exigemême parfois que l’adjudicataireaugmente les tirs » (1).Des études scientifiques confirmentl’acuité du phénomène. C’est le casde celle livrée récemment par l’Ob-servatoire des dégâts de cervidésen forêt (2) qui indique que, mêmesi la situation n’est pas généralisée,« les dégâts de gibier peuvent revê-tir un caractère très préoccupantvoire intolérable dans certains mas-sifs forestiers ». Cette enquête, réali-sée de 1998 à 2003 sur cinq dépar-tements, précise que la pressiondes cervidés compromet, parabroutissement, l’avenir de 59 %des peuplements vosgiens. Dansl’Oise, l’écorçage rend le futurincertain pour 52 % des peuple-ments inventoriés. En revanche,dans les trois autres départementsétudiés (Landes, Sarthe et Tarn), lasituation semble moins préoccu-pante.Une autre étude montre que laforêt privée en France n’échappepas à ce phénomène (3). Desdégâts sérieux sont enregistréschez 13 % des propriétaires fores-tiers représentant 29 % des sur-

dossier L’équilibre sylvo-cynégétique

L’impact économique du gibier en forêt

Q

Bernard Rérat, journaliste

Les dégâts de gibier en forêt nourrissent bien des débats. Pour mieux informer lespropriétaires et les gestionnaires forestiers, Forêt-entreprise propose une approcheéconomique non exhaustive d’un dossier qui est loin d’être clos. Enquête dans le

petit monde des relations chasse-forêt dans lequel peu de propriétaires forestiers retirentun réel revenu cynégétique tandis que beaucoup d’entre eux supportent les frais de protection.

www.fore

tpri

veefrancaise.com

À liresur

le web

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faces. Exceptés le sud-est, Poitou-Charentes et la Haute-Normandie,toutes les forêts privées de l’Hexa-gone sont atteintes, en particuliercelles du nord, nord-est, centre etsud-ouest. Régions dans lesquellesnous verrons plus loin que les prixde location de chasse atteignentsouvent de hauts niveaux.Les chasseurs rétorqueront que,bien souvent, une forte présence degibier génère de substantiels reve-nus pour celui qui loue sa forêt pourla chasse. Vrai, répondront les pro-priétaires privés tout en objectantque peu d’entre eux bénéficient deces revenus car seulement 2 % deleur effectif totalisant 13 % des sur-faces (propriété moyenne de 51 hectares) peuvent tirer un reve-nu intéressant de la chasse. Eneffet, on sait que la législation surles ACCA et les AICA (4) limite ledroit de chasse des détenteurs deforêts ne possédant pas, au moinset d’un seul tenant, de 20 à 60 hec-tares selon les départements. Cequi écarte de ces éventuels revenusla grande majorité des propriétairesprivés français sachant, par ailleurs,qu’un chasseur sur deux exercedans une ACCA et qu’il en existeenviron 9 000 en France présentesdans 69 départements.Si au moins les propriétaires fores-tiers pouvaient prétendre à desindemnités de dégâts de gibiercomme chez les agriculteurs (5).Mais ce n’est pas le cas même si derares exemples de jurisprudence (6)ont donné raison à une poignée departiculiers en condamnant l’ONC, àl’époque, à indemniser les plai-gnants (depuis la loi sur la chasse du26 juillet 2002, la charge de l’in-demnisation est supportée par lesfédérations départementales deschasseurs). Toutefois, en aucun casconnu, l’appareil judiciaire n’acceptede prendre en compte les pertes de

valeur d’avenir sur peuplementsendommagés au motif que leur éva-luation reste très improbable et quele préjudice futur demeure incertain.

n

Les solutions alternativesDroit de chasse réduit, pas ou peude revenu, absence d’indemnisa-tion… Que reste-t-il aux forestierspour agir ? Le plan de chasse peuts’avérer un outil de régulation relati-vement efficace. Toutefois, les attri-butions de tir correspondent-ellesréellement à l’ampleur des dégâtsconstatés ? « Il faudrait que les com-missions de chasse (qui statuent surle plan de chasse), puissent se réunirplus tard dans l’année. Actuelle-ment, elles ont lieu vers le mois demars ou avril, si bien que l’on a pasencore eu le temps d’analyser letableau de chasse de la saison, nid’estimer les dégâts sur la flore enfin d’hiver », regrette Philippe Bal-lon, ingénieur au Cemagref et rap-porteur de l’Observatoire desdégâts de cervidés en forêt.Remarque d’autant plus intéressan-te que les plans de chasse ne sontpratiquement jamais réalisés à100 % : en règle générale, les chas-seurs estiment qu’un « bon plan dechasse » présente un taux de prélè-vement de 90 % pour le chevreuilet de 75 % à 80 % pour le cerf.D’après les chasseurs, la différencede réalisations cerf-chevreuil tientau fait que les attributions engrands cervidés sont limitées et queles tireurs ont peur de se tromperdu fait de l’aspect qualitatif du pré-lèvement et des sanctions encou-rues en cas d’erreurs.Si les propriétaires en admettent lebien-fondé et le principe, pourquoine pas essayer d’adapter la sylvicul-ture à la présence du gibier ? tout

en remarquant les limites de l’exer-cice : aucun aménagement de lasylviculture n’est en mesure de faireface à certaines surdensités degrands animaux. L’appétence decertaines essences est bien connuece qui en réduit leur emploi. Ainsi,les chênes, le sapin pectiné, l’érablesycomore, le merisier, le frêne sonttrès sensibles aux abroutissements.Quant aux peupliers et résineuxodorants (douglas, sapin de Van-couver, à un degré moindre les pinset le mélèze), ils paient un lourd tri-but aux frottis. L’écorçage concer-nera surtout l’épicéa, le châtaignier,l’érable sycomore, le frêne. Lesconséquences économiques de cesdégâts seront très difficiles à éva-luer en raison de leurs impacts aléa-toires sur l’avenir des peuplements.Par ailleurs, les plantations sur solnu attirent tout particulièrement lescervidés. Dans ce cas, l’utilisationd’une végétation adventice commediversion pour les besoins alimen-taires des animaux et comme bour-rage gainant les arbres-objectifsconstituera une bonne alternativeen ne broyant que des interlignesnon plantées. On sait égalementque les peuplements monospéci-fiques et à hautes densités, entraî-nant une fermeture rapide des peu-plements, favorisent les pressionsdu gibier sur des zones ouvertesd’où l’intérêt d’une irrégularisationdes peuplements.Pour le cerf qui s’alimente à 70 % enherbacées (le chevreuil, lui, consom-me 70 % de ligneux), la création debandes enherbées, de clairières, desommières…, réduira l’impact sur lavégétation forestière. Mais si l’instal-lation et la maîtrise d’un peuplementde bourrage n’entraînent pas de sur-coûts significatifs, il en va différem-ment de la création et de l’entretiend’espaces enherbés. Dans ce cas, quien supportera les frais quand on sait

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qu’un tracteur équipé d’un gyro-broyeur revient en moyenne à 60euros de l’heure (7) ?

n

Le coût des protectionsMais ces alternatives sylvicoles (8) nerésolvent pas la question des indem-nités de dégâts et la plupart des pro-priétaires forestiers en sont doncréduits à faire les comptes des coûtsde la protection pour empêcher la« dent du gibier » de mettre en périll’avenir de leurs forêts. Car ils sont eneffet nombreux à utiliser ce mode delutte. « Dès que les dégâts devien-nent importants, plus des deux tiersdes propriétaires prévoient d’installerdes protections », note l’étude sur lastructure de la forêt privée.Quels sont les coûts de ces protec-tions (Tableau 1) ? On a vu qu’ilsdépendront d’abord de la gravitédes dégâts, de la nature des ani-maux ravageurs, de la sylvicultureet des essences en présence. Parexemple, pour protéger ef ficace-ment une plantation de feuillus pré-cieux (merisier, érable sycomore…)

avec une gaine celloplast, le pro-priétaire devra engager un surcoûtd’au moins 1 100 euros/hectare.Cette dépense dépassera les 2 100euros/hectare pour installer desarbres de fer sur certains résineux(douglas, mélèze, sapin pectiné…).Elle atteindra pratiquement les 3 000 euros par hectare pour pré-munir du chevreuil une plantationde chêne rouvre (Tableau 2).Concernant la protection intégrale de

plantation ou de régénération natu-relle soumises à de très fortesattaques de cervidés, l’utilisation declôtures est parfois nécessaire. Contrele chevreuil, il faudra compter environ2 000 euros/hectare. Ce montantatteindra presque les 3 000 euros parhectare pour un grillage permettantd’écarter le cerf. On le voit, les sur-coûts de protection grèvent le bud-get du forestier car, dans le cas duchêne, par exemple, ils doubleront

dossier L’équilibre sylvo-cynégétique

Produit de 100 à 500 unités de 5 000 à 10 000 unités

Gaine de dissuasion hauteur1,20 m selon diamètre et maille

de 0,59 à 1,78 de 0,35 à 1,12

Tube de croissance selon diamètre

de 1,85 à 2,20 de 1,01 à 1,21

Protège tronc « arbre de fer » 1,22 0,73

Tuteur bambou hauteur 1,20 m 0,138 0,077

Tuteur châtaignier hauteur 1,50 m 0,36 0,29

Gaine de dissuasion hauteur1,80 m selon diamètre et maille

de 2,82 à 2,92 de 1,74 à 1,83

Tube de croissance 2,66 1,86

Protège-tronc de 2,16 à 2,79 de 1,34 à 1,71

Contre le chevreuil

Contre le cerf

Tableau 1 : Exemples indicatifs de coûts des protectionsPrix unitaire en euros, départ fournisseur, TVA 19,6 % en sus

Tableau 2 : Le surcoût des protections contre le gibier (Prix en euros hors TVA)

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Essence Densité/ha Protection Coût protection

Coût piquet

Coût installation

Surcoût protection/ha

Merisier et sycomore 50/80 600 (1) Celloplast diamètre 14 cm 0,60 0,40 0,90 1 140

Chêne rouvre 30/50 1 500 (1) Celloplast diamètre 17 cm 0,65 0,40 0,90 2 925

Douglas 25/60, mélèze 30/50 etsapin pectiné

1 800 (1) Arbre de fer 0,79 – 0,40 2 142

Peupliers 204 Protectron 1,05 – 0,40 à 0,53 296 à 322

Type grillage Coût/mètre linéaire Coût total installé/ha

Grillage ursus 2 m de hauteur1 piquet châtaignier de 2,50 m tous les 4 m

8 de 1 600 (2) à 2 000 (3)

Grillage ursus 2,20 m de hauteur 11 de 2 200 (2) à 2 750 (3)

(1) NDLR : en réduisant les densités de plantation, le surcoût des protections peut être réduit proportionnellement.(2) Pour 4 ha minimum, forme de la parcelle : 200 m x 200 m.(3) Pour 4 ha minimum, forme de la parcelle : 400 m x 100 m.

Grillage contre chevreuil

Grillage contre cerf

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les coûts de plantation. Pour la mêmeessence, lorsqu’il s’agira de clôturerentièrement une parcelle contre lecerf, le surcoût du grillage et de sapose représentera plus de 2 fois lavaleur de la seule plantation (9).

n

Les revenus de la chasseToutefois, quand ils existent etquand les propriétaires privés peu-vent en bénéficier, les revenus de lachasse ne devront pas être négligés.D’après l’ONF, les recettes cynégé-tiques issues des locations de chasseen forêts domaniales sur la saison2003/2004 varient de 12 euros/ha à112 euros/ha selon les régions. Enmoyenne, les prix des adjudicationss’établissent actuellement à environ50 euros/ha sur le domaine publicforestier de 55 départements fran-çais (Tableau 3).Les services de l’ONF indiquent que90 % des lots de tir mis en adjudica-tion ont trouvé preneurs tandis que97 % des lots de vénerie étaient attri-bués en 2004. Cet attrait pour lachasse au grand gibier se traduit parune augmentation significative des

prix des locations. « Par rapport à2003, les prix ont progressé de+ 34 % pour la chasse à tir et de+ 60 % pour la vénerie », précisel’ONF. Au total, les recettes brutess’élevaient en forêts domaniales pourla saison 2003-2004 à 31,4 millionsd’euros. Ce résultat est à rapprocherdes 1,8 million d’hectares de forêtsdomaniales constituant le domainede l’État en France ce qui dégage unrevenu net d’environ 17,50 euros/ha(les dépenses inhérentes aux sur-coûts des protections et à l’encadre-ment de la chasse ne sont pas com-muniquées par l’ONF).Ces recettes cynégétiques et leurévolution ne doivent pas être igno-rées par les propriétaires forestiers :celles-ci pèsent actuellement pourenviron 16 % des revenus totaux del’ONF en forêts domaniales. Or,cette manne financière s’inscrit dansun contexte de baisse généraliséedes cours des bois, situation aggra-vée par une augmentation constan-te des coûts d’intervention. Ainsi,l’ONF a vu ses recettes provenantde la commercialisation des boischuter de 45 % entre 1999 et 2002.Sur le long terme, cette même ten-

dance s’observe aussi en forêt privée.« Avec 1 m3 de pin maritime vendu,je finançais environ 50 heures de tra-vaux dans mes forêts dans les années1950 tandis qu’aujourd’hui, la ventede ce même produit ne me permetplus de payer que 3 heures d’inter-vention », affirmait en 2003, Alain deMontgascon, propriétaire forestier etprésident du CRPF des Pays de laLoire. Autant de raisons, pour ceuxqui peuvent en profiter, de s’intéres-ser aux revenus cynégétiques. n

dossier

(1) ONF, Rapport de développement durable,

gestion 2003.

(2) Voir l’article de Jean Pierre Hamard et Phi-

lippe Ballon page 17.

(3) Enquête structure de la forêt privée, dégâts

avant tempêtes 1999, Forêts de France n°462/2003.

(4) ACCA : Association communale de chasse

agréée, AICA : Association intercommunale de

chasse agréée.

(5) Dans certaines régions, les frais de protec-

tion peuvent être inclus dans les subventions

de boisement/reboisement.

(6) Voir deux cas cités dans Forêts de France

n°445/2002.

(7) Et de 60 à 120 euros/ha selon les types de

cloisonnement (création, entretien), leur densi-

té (de 4 à 20 mètres d’axe en axe) et les difficul-

tés d’intervention (végétation, topographie…).

(8) Voir sur ce sujet le document « Pratiques

Sylvicoles à Intérêt Cynégétique », édité par le

CRPF de Normandie.

(9) Pour une plantation de chêne rouvre 30/50

à 1 500 plants/ha, le coût des plants et de leur

installation atteint environ 1 400 euros/ha

(source Pépinières Wadel).

RésuméDe nombreux propriétaires forestiersprivés supportent des dégâts degibier importants sans bénéficier nid’indemnisations ni de revenus cyné-gétiques. Toutefois, ceux qui peuventtirer un profit de la chasse voientleurs revenus bruts augmenter.Mots-clés : gibier, protection, coûts,recettes.

Tableau 3 : Les revenus de la chasse aux adjudications ONF 2004Enquête sur 55 départements

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Ges

tion

n°10

3/20

04

Les 12 premières régions

Département Prix moyen adjugé en €/ha

Pas-de-Calais 112,15

Nord 78,51

Calvados 72,65

Somme 71,47

Gers 69

Marne 67,80

Aube 62,90

Ille-et-Vilaine 45,77

Ardennes 42,56

Loire-et-Cher 39,75

Aisne 39,43

Haute-Marne 38,48 Loire-AtlantiqueAriège

Tarn-et-GaronneNièvre

IsèreDrôme

EssonneSavoie

ArdècheCharente

Côte d’OrAllier

Département

Les 12 dernières régions

11,7612,06

14,5920,45

20,5020,80

20,8023,70

24,1024,19

24,7125,88

Prix moyen adjugé en €/ha

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epuis une trentaine d’an-nées, nous assistons àune augmentation démo-graphique et à une exten-

sion géographique des populationsde chevreuils. Le développementde la filière bois a abouti à uneintensification de la sylviculture(régénération artificielle, plantationà faible densité…) qui a fragilisé lesécosystèmes forestiers face aux dif-férentes adversités. La convergencede ces deux phénomènes a débou-ché sur une situation passionnelleface au problème de l’équilibresylvo-cynégétique.Une série de trois articles à paraîtredans Forêt-entreprise, fera le pointsur les connaissances actuelles dansce domaine, afin d’aborder le pro-blème plus sereinement. Ce pre-mier article présente le comporte-ment du chevreuil et ses consé-quences sur les dégâts. Le deuxiè-me abordera l’adaptation de la ges-tion forestière face aux grandsgibiers et le troisième donnera uncertain nombre de règles pourgérer les populations de chevreuil.

n

Une démographie dynamique

Reproduction

Les principales phases de la repro-duction du chevreuil sont le rut (enjuillet-août), la gestation, et lesnaissances en mai de l’année sui-vante. La chevrette met bas pour lapremière fois à deux ans et ellepourra se reproduire jusqu’à samort. La première mise bas necomporte souvent qu’un seul faon,puis les portées suivantes sontgénéralement de deux faons, voiretrois (Tableau 1).

L’étude de la reproduction et dutaux de survie permet une bonneapproche de la dynamique démo-graphique des populations (Tableau2). La mortalité des faons seconcentre dans les premiers moisde la vie et elle peut être importan-te dans les jours qui suivent la nais-sance si le climat est défavorable(froid et pluies abondantes) ou si lesmères sont en mauvaise conditionphysique. La mortalité naturelle desadultes a lieu surtout pendant lapériode hivernale et peut atteindre32 % en cas d’hiver rude.En absence de chasse, le tableau 2montre que pour une population dedépart de 200 individus nous avons

dossier L’équilibre sylvo-cynégétique

La gestion sylvo-cynégétiqueI. Le comportement du chevreuil et ses conséquences sur les dégâts

D

Alexis Ducousso*, Bernard Catry**, François Crépin*** (1)

L’anéantissement des populations de chevreuils n’est ni souhaitable, ni souhaité. Les divers interve-nants doivent se donner les moyens de réduire à un seuil acceptable les dommages dus à la faune.

Ta b l e a u 1 : N o m b r e d e f a o n s p a r f e m e l l e(ONC, réserve des Trois Fontaines, recensement de 1978 à 1995)

Tableau 2 : Fonctionnement d’une population non-chassée (Boisaubert et Boutin, 1988)

Taille familleTotal

1 faon 2 faons 3 faons

Nombre de familles observées

117 (26,9 %)

303 (69,8 %)

14 (3,3 %)

434 (100 %)

Nombre de faons observés 117 606 42 765

Moyenne faons par femelle 1,76

Brocards Chevrettes Faons Total

Effectif en mars de l’année n 100 100 200

Nombre de naissances en mai année n 120

Taux de survie 80 % 90 % 83 %

Effectif en mars année n + 1 80 90 100 270

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une population de 270 l’année sui-vante. Cela représente un taux decroissance démographique de 35 %.Dans la nature, la durée de vie d’unchevreuil n’excède pas 10 à 11 anset peu d’animaux atteignent cet âge.

Régulation des populations

Autrefois, les grands prédateurs telsque les loups, lynx et ours étaientles principaux régulateurs despopulations de chevreuils. L’hom-me préhistorique ne semble pasavoir été un grand chasseur de cetanimal. Aujourd’hui, l’homme et lesépidémies sont les principaux fac-teurs de mortalité. De nombreusesactivités humaines interviennentdans ce phénomène : il y a bien sûrla chasse, mais les chevreuils paientun lourd tribut aux accidents rou-tiers qui deviennent même le prin-cipal facteur de mortalité dans cer-taines régions d’Europe (Nord del’Allemagne…). Les chiens errantsou se promenant sans surveillancesont les principaux prédateurs. Lesfaons sont soumis à la prédation parles sangliers et très occasionnelle-ment par le renard. Le retour dulynx et du loup en France nesemble pas avoir eu d’impact surles populations. Il faut remarquerque des populations de cervidésimportantes se développent enEurope de l’Est en présence desgrands prédateurs.Les plans de chasses ont été insti-tués en 1963 et étendus à toute laFrance en 1979. Leur but était derestaurer les populations de che-vreuils. Cet objectif a parfaitementréussi car les effectifs de chevreuilssont passés de 175 000 avant leplan de chasse à près de 2 000 000aujourd’hui. La figure 1 montrel’évolution annuelle du tableau dechasse qui illustre la montée enpuissance des populations de che-vreuil. On constate que, grâce au

plan de chasse, le nombre de che-vreuils tués est passé de 50 000 en1973 à 430 000 en 2000.

n

Occupation de l’espace

Comportement territorial

Le mode d’occupation de l’espaceest principalement déterminé pardes facteurs alimentaires durantl’automne et l’hiver et par des fac-teurs sociaux pendant la belle sai-son. Un lien étroit et stable s’établitentre la chevrette et le brocard carleurs territoires se chevauchent par-faitement.Les éthologues distinguent deuxtypes d’occupation de l’espace :– domaine vital : il s’agit de la zoned’évolution d’un animal ;– territoire : c’est une portion dudomaine vital dans laquelle le bro-card ne tolère pas la présence d’unautre mâle. La chevrette a un com-portement territorial mais il estmoins marqué. La surface d’un ter-ritoire varie en moyenne de 32 à 70 ha mais les limites changent aucours des saisons : il peut atteindre50 ha en hiver et s’étendre jusqu’à70 ha au printemps et en été.

Chez le brocard, le domaine hiver-nal se réduit aux zones les plusfavorables pour l’alimentation. Illimite ainsi ses déplacements et parconséquent ses besoins énergé-tiques. À la fin de l’hiver, le besointerritorial s’affirme en se traduisantpar une agressivité de plus en plusprononcée entre brocards. Lesmâles patrouillent activement leursterritoires en les marquant. S’ilsrencontrent un congénère, ils soula-gent leur tension nerveuse et mon-trent leur agressivité par des aboie-ments puis des frottis avec de vio-lents mouvements de tête. Si lesrencontres sont quotidiennes, lesdégâts seront très importants et ilsseront souvent très visibles pour leforestier, car les animaux emprun-tent préférentiellement les cheminset les sentiers. Un brocard bien ins-tallé est dit « territorial », il sera trèsdifficilement délogé par les autresmâles car il a une autorité naturellesuffisante pour dominer les jeunes.Entre brocards dominants voisins, ilsemble s’établir une entente tacitesur les limites des territoires. Unbrocard peut détenir un territoiredès l’âge de deux ans et leconserver jusqu’à 6 ou 7 ans. Lesjeunes ou les trop vieux sont refou-lés des meilleures zones et errent

dossier

Fi g u r e 1 : É v o l u t i o n a n n u e l l e d u t a b l e a u d e c h a s s e a u c h ev r e u i l e n Fr a n c e

Don

nées

ON

CFS

, 200

1

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jusqu’en été. Ils s’installent dans leshabitats les moins hospitaliers queles anglo-saxons désignent sous leterme de ‘snack-bar’. Les territoiresse recouvrant, il en résulte une situa-tion très agitée et parfois des densi-tés très élevées. Le forestier notealors des dégâts considérables car lalutte est âpre pour la conquête d’unterritoire. Si un brocard territorial dis-paraît, le risque d’installation d’unetelle communauté est grand.Chez la chevrette, le comportementterritorial est beaucoup moins mar-qué et spectaculaire. Il est surtoutdéveloppé au début de l’élevagedu faon car elle défend son territoi-re contre les autres chevreuils etd’autres espèces comme le renard.Ce territoire est estimé à un hectare(Epsmark, 1972).

L’activité du chevreuil

Le chevreuil connaît chaque jour 6 à12 cycles de phases d’activité (dépla-cements et prise de nourriture) etd’inactivité (repos, sommeil, rumina-tion). L’activité passe par un maxi-mum au lever du jour et au coucherdu soleil et un minimum au milieu dela nuit. Le chevreuil est actif durantun tiers de la journée qu’il consacreessentiellement à l’alimentation(Figure 2). Les phases de reposreprésentent les deux tiers de sa vie.

Le chevreuil a besoin de zones derefuge calmes et sûres pour lesphases de repos et de zones degagnage pour l’alimentation.

n

Comportement alimentaire

Les besoins alimentaires

L’efficacité du système digestif desherbivores varie en fonction du

poids du rumen (2) par rapport àcelui du corps. Celui du chevreuilest de très faible taille, par consé-quent peu ef ficient. L’animal estdonc très exigeant sur la qualité deson alimentation et pratique unecueillette sélective contrairement aucerf, à la vache ou à la brebis. Cesderniers dont la panse est trèsdéveloppée, pourront s’accommo-der d’une alimentation plus pauvreet pratiqueront un pacage continu.Le chevreuil se nourrit en se dépla-çant, s’arrêtant juste le temps deprélever quelques bourgeons oufeuilles sur un buisson. Les besoinsjournaliers de ces animaux sontdonnés dans le tableau 3. Le che-vreuil devra ingérer une nourritureriche en azote et énergétique.Un chevreuil ingère 165 kg/an dematière sèche soit 1 300 kg dematière verte. Le prélèvementannuel d’une population est donnédans le tableau 4.L’impact sur l’écosystème est impor-tant car le prélèvement s’élève à 64 kg/ha/an de végétaux pour unepopulation de 5 têtes aux 100 ha et à385 kg/ha/an pour 20 aux 100 ha.De plus, les végétaux sont prélevés àune hauteur inférieure à 1,20 mètre.

Choix des végétaux

Le chevreuil ne prélève pas lesespèces végétales au hasard, il

dossier L’équilibre sylvo-cynégétique

Fi g u r e 2 : R é p a r t i t i o nd e s p h a s e s d ’ a c t i v i t é s

d ’ i n a c t i v i t é s d u c h ev r e u i la u c o u r s d ’ u n e j o u r n é e

Phases d'activités

Phases d'activités

Phases de repos

Phases de repos

Déplacements Rumination

Repos

Sommeil

Alimentation

Toilette

Comportement social

Tableau 3 : Besoins alimentaires journaliers de différents herbivoresPoids animal Unité fourragère MAD Matière sèche Matière verte

Chevreuil 18-22-36 kg 0,27 50 g 400-500 g 3-4 kg

Cerf 80-150-250 kg 1,5 200 g 1500-1800 g 15-20 kg

Mouton 11-90-150 kg 1 135 g 1000-1200 g 7,5-9 kg

Unité fourragère : énergie contenue dans un kilogramme d’orgeMAD : matière azotée digestible

Densité 5 chevreuils/100 ha 10 chevreuils/100 ha 15 chevreuils/100 ha 20 chevreuils/100 ha

Matière verte 64 kg/ha/an 127 kg/ha/an 255 kg/ha/an 383 kg/ha/an

Tableau 4 : Prélèvement par hectare et par an d’une population de chevreuil selon sa densité

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effectue un choix en qualité et enquantité. Ce point est extrêmementimportant car il détermine la sensi-bil ité des dif férentes essencesforestières aux dégâts. Cette sélec-tivité varie en fonction des régions,du sexe de l’âge et de l’individu.Par exemple, le pin maritime estconsommé en début de printempspour être ensuite délaissé du fait del’augmentation de la concentrationen terpènes (Maizeret, 1983).Le merisier, les chênes, le sapinpectiné et le saule marsault sontprélevés en priorité. Des attaquessur les essences les plus résistantescomme le hêtre et l’épicéa révèlentun fort déséquilibre faune-flore.Une forte pression exercée par lescervidés peut modifier la composi-tion floristique d’une forêt en favori-sant les espèces peu appétantes.Les hêtraies-sapinières peuvent serégénérer uniquement en épicéa,du fait des déséquilibres sylvo-cynégétiques, et faire perdre toutebiodiversité à cet habitat à fortevaleur patrimoniale.Pour une essence donnée l’attracti-vité varie en fonction :– de l’ensoleillement : les plusexposés au soleil (lisières, clai-rières…) sont les plus abroutis ;

– de la richesse du sol : les teneursélevées en protéines et en selsminéraux qu’elle conditionne, aug-mentant l’appétence des individus.Ce point explique le fait que lesarbres fertilisés sont beaucoup plusattaqués que les non-fertilisés ;– de la position de l’arbre : lesrejets et les arbustes bas sont lesplus appétants ;– du génotype : les végétaux syn-thétisent de nombreux métabolitessecondaires (flavonoïdes, couma-rines, alcaloïdes… : répulsifs natu-rels). La synthèse de ces composésest soumise à un contrôle géné-tique. Les Finlandais ont sélectionnéune variété de bouleau résistante àla dent des grands herbivores.

Le régime alimentaire

Très varié, le régime alimentaire duchevreuil se compose de :– ligneux : chênes, charme, ormes,frênes, érables, saules… ;– semi-ligneux : lierre, ronce, fram-boisiers, callune, myrtille… ;– herbacées phanérogames (grami-nées, cypéracées, légumineuses…)ou cryptogames (fougères) ;– de mousses et de champignons ;– et de fruits et graines diverses.Le régime alimentaire varie selon

les stations et la saison. Sur les solsriches, le lierre est un aliment trèsimportant, en particulier l’hiver.Sur sol pauvre, la callune et la myr-tille sont prépondérantes. Danstoutes les stations, les ronces sontfortement présentes dans le bolalimentaire et leur abondance estcapitale pour la survie hivernale.Elles peuvent représenter jusqu’à75 % du bol alimentaire (Degrez etLibois, 1991).

n

Typologie des dégâts

La genèse des dégâts

L’observation d’un milieu naturelcomme la savane africaine permetd’observer un partage des res-sources alimentaires entre herbi-vores : (i) hautes herbes, (ii) herbesbasses, (iii) végétaux ligneux bas et(iv) végétaux ligneux hauts. Il existed’autre part des mécanismes d’unpartage sans conflit : (i) le partagede l’espace (je suis ici et toi, tun’empiètes pas sur mon espace), (ii)la cohabitation (je veux bien parta-ger mon espace avec toi) et (iii) dehiérarchie (vous autres utiliserezcette ressource quand je me seraiservi). Ces régulations profondesincluent bien sûr les dif férencesanatomiques et physiologiques,mais aussi des différences compor-tementales parfois très complexesqui s’appellent des « spécialisationsa priori ». Les préférences alimen-taires en sont un exemple particu-lier. L’homme, avec l’apparition del’agriculture et de la sylviculture, aconcentré et simplifié les ressourcesalimentaires et par conséquentmodifié tous les mécanismes departage de la ressource et de larégulation des populations, d’oùl’apparition des dégâts.

dossier

Ta b l e a u 5 : P r é f é r e n c e s a l i m e n t a i r e s d u c h ev r e u i lFeuillus Conifères

Espèces préférées Saule marsaultMerisierChêne rougeChêne pédonculéChêne sessile

Sapin pectiné

Espèces moyennementrecherchées

Érable sycomoreFrêne commun

CèdrePin maritimePin sylvestre et laricio

Espèces délaissées ou peuprélevées

Érable champêtreHêtreChâtaignierTilleulBouleauNoyer

ÉpicéaDouglasMélèze

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Les dégâts alimentaires

L’abroutissementLes jeunes pousses ligneuses attirentirrésistiblement le chevreuil. D’unsimple coup de dent, il peut décapi-ter le bourgeon terminal d’un plantet l’endommager sérieusement. Leplant peut reprendre normalementsa croissance en réémettant une ouplusieurs pousses. Dans les casextrêmes, il prend un port buisson-nant et nain qui compromet son ave-nir. L’abroutissement peut, dans lemeilleur des cas, ralentir la croissanceet entraîner des défauts de formes etau pire provoquer la perte du plant.Le prélèvement de semences etdes germinationsCe phénomène important passe leplus souvent inaperçu. Pourtant,faînes, glands et châtaignes sontlargement consommés par les ani-maux qui peuvent compromettreune régénération naturelle.

Les dégâts comportementaux : les frottis

Ce sont les marques que le chevreuilfait sur les troncs en y frottant sesbois. Le brocard racle l’écorce, celle-ci est d’abord éraflée puis pelée àblanc. Ils commencent à environ 10 cm du sol et se terminent aumaximum à 60 cm. Le chevreuil, enendommageant le cambium cortical,perturbe la croissance en diamètre.Le plant est fragilisé et peut serompre facilement lors d’un coup devent. Le tronc devient asymétrique,entraînant des tares et une perte devaleur des billes. Si l’attaque est tropviolente, le brocard annelle le plant,ce qui provoque la mort ou la for-mation de rejets à la base de la tige.Le chevreuil écorce les jeunes arbrespour se débarrasser de ses velours,pour marquer son territoire ou pourévacuer une tension nerveuse,comme durant la période du rut.

n

Des questions qui appel-lent des réponses rapides

Le chevreuil a une dynamiquedémographique très vigoureuse(+ 35 % par an) qui conduit facile-ment à des dégâts sylvicoles et envi-ronnementaux. Les dégâts ont deuxorigines : alimentaire et comporte-mentale. Dans le prochain article,nous verrons comment le gestionnai-re forestier peut influencer la capacitéd’accueil de sa forêt par améliorationde la disponibilité alimentaire etorganisation du territoire des ani-maux. L’article suivant sera consacréà la gestion cynégétique qui influen-ce la densité, donc le volume devégétation prélevée mais aussi lecomportement du chevreuil. Leforestier met trop souvent en causeles dégâts du chevreuil dans l’échecd’une plantation, alors que la pre-mière cause d’échec est la mauvaiseadaptation de l’essence à la station.

Le retour des grands prédateurs limi-tera les dégâts, non par une réductiondes populations de grand gibier, maispar une meilleure utilisation de l’es-pace. Une concentration forte d’ani-maux attire les prédateurs. Face à cedanger, les herbivores s’adaptent viteen se répartissant mieux sur l’en-semble du territoire. Le chevreuil seramoins sensible à cette évolution quele cerf ou le chamois, du fait de soncomportement fortement territorial.Les connaissances sont malheureuse-ment encore trop lacunaires pourdonner des solutions simples aux ges-tionnaires forestiers et cynégétiques.En conséquence, de nombreusesquestions sont posées à la recherche :– sur le comportement et la biolo-gie des animaux conduisant auxdégâts : choix alimentaires, com-préhension des frottis… ;– sur la prévision de l’évolution des

populations, car il manque de tech-niques fiables d’évaluation et sur laconnaissance de la dynamique despopulations ;– sur la prédiction de l’impact éco-nomique d’une population de che-vreuil selon la densité et les scenariisylvicoles et sur la définition deseuils de nuisibilité acceptable ;– sur l’impact des cervidés sur les éco-systèmes à long terme : compositionfloristique et ressources génétiques.Il est surprenant de constater la fai-blesse des moyens alloués par lesfinanceurs de la recherche et du déve-loppement sur ce sujet alors que denombreux problèmes sont clairementposés et ont de lourdes conséquencesfinancières et environnementales. n

dossier L’équilibre sylvo-cynégétique

n Boisaubert (B.), Boutin (J.-M.), Lechevreuil, Hatier, Paris, 1988.n Ducousso (A.), L’attractivité duchêne rouge pour le chevreuil, In : Lechêne rouge d’Amérique. J. Timbal,A. Kremer, N. Le Goff et G. Nepveu,Paris, 1994.- p. 399-408.n Prior (R.), Le chevreuil gestion et chas-se, Gerfaut Club-Princesse, Paris, 1981.n Titeux (G.), L’aménagement desterritoires, Gerfaut Club-Princesse,Paris, 1981.

RésuméCe premier article d’une série detrois s’attache à présenter le com-portement du chevreuil et sesconséquences sur les types et l’im-portance des dégâts.Mots-clés : chevreuil, comporte-ment, dégâts.

(1) * Ingénieur de Recherche, UMR BIOGECO,

INRA, 69 route d’Arcachon, 33612 Cestas cedex.

** Ingénieur principal, CRPF Picardie, 96 rue

Jean Moulin, 80000 Amiens.

*** Technicien Cynégétique, Fédération des

Chasseurs de la Somme, 1 boulevard Baraban,

80038 Amiens cedex.

(2) Panse : premier compartiment de l’estomac

des ruminants.

B i b l i o g r a p h i e

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Comment évaluer avec précisionla densité de gibier dans uneforêt ?C’est un point qui reste très théo-rique. Personne ne connaît réelle-ment les populations de gibiers quisont plus ou moins grégaires. Avecle chevreuil par exemple, petit ani-mal très sédentaire, on sous-estimecomplètement ses populationsquand elles sont en fortes densitésalors qu’on les surestime quandelles sont en faible densité. En fait,ces estimations se font souventdavantage en fonction du chasseurou du forestier que de la réalité…Parmi les chasseurs, on trouve toutet son contraire : des « chasseursprotecteurs » qui sous-estiment defaçon chronique les populations etd’autres, « un peu braconniers » qui,au contraire, en ont toujours etchassent toujours. Aujourd’hui, onvoit de plus en plus de chasseursprotecteurs de leurs populations,c’est probablement dû à l’évolutiondes mentalités. Le permis de chas-se fut un bon virage mais il esttypique de constater que certainsvieux chasseurs vivent encore sur la

mentalité du « tant qu’il y en a, on yva » ; alors que la plupart desjeunes chasseurs se comportentdavantage en gestionnaires sou-cieux de préserver l’avenir.

Ces derniers ne risquent-ils pasde trop préserver les populationsde gibier ?Il arrive en ef fet qu’ils sous-esti-ment l’importance des populations.

Mais, comme je vous le disais pré-cédemment, l’exercice est difficile !

D’où l’intérêt d’un œil extérieur etimpartial qui contrôle les popula-tions et leur évolution, tel quel’observatoire national des dégâtsde gibier ?Cet observatoire vient justement decontrôler le département de l’Oise.Il y a mis en évidence des zones

dossier

Concilier chasse et production de bois

Entretien avec Bernard Rocher-Barrat par Samuel Six

Chez Bernard Rocher-Barrat – directeur de la coopérative

Bois-Forêt à Compiègne, chasseur et propriétaire d’une forêt

dans la Somme – chasse et production de bois font bon

ménage. C’est à ce titre que Forêt-entreprise lui a demandé

un entretien sur sa vision de l’équilibre sylvo-cynégétique.

Qu’il soit ici chaleureusement remercié pour son aimable

collaboration.

Suivi des populations et plan de chasse« Théoriquement, le rôle du plan de chasse est de suivre les populationsde gibier et de doser l’effort de prélèvement en conséquence, mais il esttrop soumis aux influences humaines de gens parfois incompétents(idées préconçues de certains propriétaires ou chasseurs). Il y a très peude professionnels dans le domaine de la chasse, la plupart sont desamateurs qui la considèrent comme un sport ou un divertissement. »« Il faut pouvoir réagir très vite aux plans de chasse. Or, ils sont établisl’année N en se basant sur les observations de l’année N-1 et avec desespèces dont les populations évoluent très rapidement, cela peut êtretrès dommageable pour la forêt. Avec le chevreuil ou les grands ani-maux, les propriétaires ne commencent souvent à réagir que lorsqu’il ya déjà excès de population, alors qu’on atteint un stade de déséquilibreprononcé, c’est-à-dire quand on commence à observer des animauxchétifs chez les jeunes cervidés.Quand on en arrive à ce point, on est déjà en déséquilibre depuis troplongtemps. »

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sensibles, surtout par rapport auxsurpopulations de cer fs et debiches. Il faut savoir qu’à partir dumoment où l’Observatoire desdégâts de gibier intervient dans undépartement, c’est qu’il y a déjà eude fortes réactions de l’ONF et despropriétaires forestiers privés pouraugmenter les plans de chasse. Enl’occurrence, la rive gauche de l’Oi-se était devenue ingérable auniveau du renouvellement forestier.Les gestionnaires ont augmenténotablement les plans de chasse(voir encadré p. 49) sur les grosmassifs et ont bien réduit les popu-lations, notamment le déséquilibre.Cela s’est fait en même temps quele travail de l’observatoire.

Personnellement, commentconcevez-vous l’équilibre sylvo-cynégétique ?Ce serait de pouvoir gérer une forêtet assurer son renouvellement sanssystème de protection ou en toutcas le minimum. On devrait pouvoirréaliser des régénérations naturellessans enclos et, quand on fait desplantations en enrichissement,n’utiliser des protections que pourquelques espèces forestières sen-

sibles comme le merisier et lechêne d’Amérique dont le chevreuilest très friand (abroutissement) (1) ;ou le frêne, le peuplier et même lechâtaignier, sensibles aux écorçagesdu cerf.On a vu en forêt domaniale deCompiègne que les 1 500 ha derégénération étaient passés dans lapanse des grands animaux…Il est beaucoup plus difficile de seprotéger contre le cerf que contrele chevreuil ; les protections d’1,80 m(contre le cerf) coûtent trois foisplus cher que les protections d’1,20 m(utilisées contre le chevreuil) déjàbien assez coûteuses ! Une autresolution consiste à engrillager laparcelle mais cette méthode pré-sente des inconvénients, elle coûtetrès cher et supprime la surface degagnage du gibier. Le problème estdonc déplacé vers les surfaces nonengrillagées ou vers les culturesagricoles périphériques des massifsforestiers. En fait on ne règle rien, sice n’est localement, à l’échelle dela parcelle engrillagée.L’équilibre sylvo-cynégétique, c’estavant tout l’équilibre de la forêt elle-même. Avant de parler équilibresylvo-cynégétique il faut d’abord

une forêt qui soit à peu près équili-brée, c’est-à-dire qu’il y ait entre 10et 20 % de jeunes peuplements enpermanence sur la forêt. Le jour oùl’on démarre le renouvellementdans une forêt jamais régénérée,c’est la catastrophe assurée car lasur face de régénération devientpour le gibier la seule surface degagnage (voir encadré). Les peuple-ments quasiment fermés n’offrentque peu de ressource alimentaire etcelle qui existe n’est pas appètente.Ce que le gibier préfère, c’est ce quipousse au soleil, donc dans les trèsjeunes peuplements ou plantations.Avant de parler d’équilibre sylvo-cynégétique, il faut donc considérerl’équilibre de la gestion et celui durenouvellement de la forêt. On l’ou-blie toujours dans les discussionssylvo-cynégétiques entre forestierset chasseurs, où l’on parle tout desuite de dégâts en oubliant de s’in-téresser à l’état général de la forêt.C’est pourtant une notion primor-diale : dans une forêt entièrementen renouvellement, les dégâts sonttrès dif fus alors qu’à l’inverse, ilspeuvent s’avérer catastrophiquesdans une forêt où il n’y a aucuneffort de régénération. Pour relier cephénomène à la densité de gibier, ilfaut tenir compte du fait que surune forêt faiblement régénérée(petite surface de régénération parrapport au massif), les consé-quences du gibier seront multi-pliées. Une densité de gibier don-née n’aura pas le même impactselon l’état de la forêt.

Comment se présente votreforêt ?Située dans la Somme, la forêt – d’une surface de 200 ha – com-porte 30 % de résineux (épicéacommun, douglas et mélèze) âgesallant de 0 à 65 ans, le reste (70 %)en feuillu (60 % de hêtre, 15 % de

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Les surfaces de gagnageSituées dans les jeunes peuplements (tout ce qui se trouve en dessousde 1,20 m pour le chevreuil et en dessous de 1,80 m pour le cerf), ellessont composées de ligneux, semi-ligneux, herbacées et fruits forestiers.Il est important que les bonnes essences à grosses graines (chênes, châ-taignier, hêtre…) soient présentes.Le cerf est beaucoup plus herbivore que le chevreuil (2), il a besoin degrandes clairières herbacées, comme à Chambord. Quand les agricul-teurs créent des jachères, ce sont autant de nouvelles zones de gagnagepour le cerf et le sanglier. Pendant qu’ils ponctionnent la jachère, ils neviennent pas en forêt…Il est inconcevable, quand on n’a jamais rien récolté dans une forêt de200 ha par exemple, d’envisager de planter, même sur une très petitesurface. Il faudrait alors « blinder » cette surface qui constituerait pour legibier la seule zone de gagnage.

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chêne, 15 % de tilleul et 10 % defeuillus divers).Parmi les peuplements feuillus, oncompte 15 à 20 % de jeunes plan-tations feuillues, tout le reste est entaillis sous futaie en conversion.Chez moi, il n’y a que des che-vreuils, j’ai la chance de ne pasavoir de cerf.

Comment gérez-vous votre forêt ?Avant de rechercher l’équilibresylvo-cynégétique, ce qui m’impor-te, c’est l’équilibre de la forêt elle-même. L’effort de régénération doitabsolument être continu. Travaillerpar à-coups n’aboutit qu’à descatastrophes. Cette notion de baseparaît simple, mais elle mérited’être répétée.Cela dit, j’ai subi d’importantsdégâts (essentiellement par abrou-tissement, il y a très peu de frottis)qui m’interdisaient pratiquementtoute plantation feuillue sans pro-tection individuelle (je n’en aijamais posé sur résineux). Pourréduire les dégâts, i l m’a suf f id’adapter l’entretien des planta-tions en maintenant au soleil la têtedes jeunes arbres tout en laissantleurs troncs gainés et ombragés parune végétation d’accompagne-ment. Dans ces conditions, lesdégâts sont devenus plus suppor-tables, sans obligation de protégerles plants individuellement.Ce que je veux chez moi, c’est unechasse naturelle ; avec des animauxsauvages et libres qui utilisent toutl’espace naturel disponible et unepopulation en harmonie avec lemilieu.Je fais de l’approche pour tirer lesbrocards l’été, puis, les jeunes sonttirés en battue. L’inconvénient,c’est qu’avec ce mode de chasse(nous chassons en petits collectifs),j’ai du mal à réaliser mes plans dechasse. Il faut absolument maintenir

une pression de chasse suffisantepour sauver l’équilibre, ce en quoije suis heureusement aidé par desvoisins chasseurs qui pratiquent unepression de chasse plus élevée.

Dans vos plantations, vous main-tenez donc un accompagnementet une végétation herbacée ?Les deux : autrefois, lors des entre-tiens de plantation, tout ce qui exis-tait en dehors des arbres étaitcoupé par passage annuel de gyro-broyeur. Aujourd’hui, on est beau-coup plus parcimonieux, on se limi-te à un passage de gyrobroyeurtoutes les deux ou trois lignes pourpouvoir pénétrer la plantation et unentretien localisé autour des plantsuniquement en tête, de sorte qu’ilreste toujours de la végétationautour du plant.Ma méthode consiste à réaliser desentretiens plus légers et plus adap-tés au gibier. Quelquefois par excèsd’ailleurs ! J’en veux pour exemplemon garde, qui est chargé dans maforêt de tous les travaux sylvicoleset qui, en même temps, s’occupede la chasse. Comme il pratique lui-même la chasse, il a tendance àsurprotéger le gibier au détrimentdes arbres. C’est ainsi qu’il a limitéles entretiens pour préserver lesbonnes traques à sangliers, pour leslaisser tranquilles ; la conséquencea été la disparition des arbresd’avenir dans ces plantations. Làencore, il s’agit avant tout de res-pecter la notion d’équilibre. Un bongestionnaire n’avantagerait pas l’unpar rapport à l’autre.Quand c’est possible, nous tentonsde plus en plus la régénérationnaturelle qui se défend mieux quele plant issu de pépinière, trèsappétant pour les animaux, à causede sa richesse en éléments miné-raux. Mais ça ne marche pas tou-jours, c’est selon les essences.

Le traitement en futaie régulièreou irrégulière, les micro-clairières,le cloisonnement, la végétationd’accompagnement peuvent-ilsavoir un rôle déterminant ?La futaie irrégulière est plus adap-tée au chevreuil, animal territorial.Avec une variété de peuplementstrès mosaïques, peut-être arriverait-on à des populations en équilibreun peu plus importantes.Ce n’est pas le cas pour le cerf qui abesoin de grandes enceintes, degrands peuplements. De toutefaçon, il se déplacera à l’intérieurd’un massif pour avoir des zones degagnage importantes et les micro-clairières n’y changeront rien. Enrevanche, si l’on souhaite renouve-ler en micro-clairières, la pressiondes dégâts peut facilement s’accen-tuer. Alors que dans une grandeparcelle de régénération (5 hectaresou plus), les dégâts sont beaucoupplus diffus. En micro-clairière, dèsqu’il y a surpopulation, les cervidéspeuvent tout anéantir. Mais si le butest de créer une zone de gagnage,pourquoi pas ? Ca peut être inté-ressant.Chez moi, nous ne faisons pas degrands ef forts pour favoriser leszones de gagnage, sinon un bonentretien des chemins et de leursbordures pour obtenir une végéta-tion appétante pour le chevreuil.Une fois par an, nous passons lesbordures au gyrobroyeur. Nouspourrions envisager d’élargir unpeu plus…Mais ce qui me paraît plus impor-tant que de comparer futaie régu-lière et futaie irrégulière pour obte-nir le meilleur équilibre sylvo-cyné-gétique, c’est de réaliser des éclair-cies qui amènent un éclairement dusol – pas trop important mais néan-moins réel – permettant l’apparitiond’une végétation intéressante pourle gibier. Bien des propriétaires ont

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du mal à éclaircir et c’est dommageà tous points de vue ! Ma principaleméthode de gestion est basée surl’éclaircie. La plantation intervientquand la régénération naturelle nemarche pas et l’éclaircie est la façond’obtenir un maximum de surfacecomportant un gagnage satisfaisantpour le chevreuil. Que vous soyezen structure régulière ou irrégulière,l’essentiel est d’avoir un effort derégénération continu dans votreforêt, avec en permanence 15 à20 % de surface en régénération(de 0 à 20 ans selon les essences).Dans tous les cas, pour réussir larégénération, il faut des grandsarbres dans les forêts. Si c’est évidentpour les forestiers, il faut le répéteraux chasseurs (dont certains gèrentdes forêts) qui préfèrent le taillis.

Pour conclure, chasseurs et fores-tiers vont-ils dans le même sens ?Les propriétaires forestiers sont trèspartagés, beaucoup chassent maisla plupart ne sont pas passionnéscomme les chasseurs. En général,ils considèrent la chasse commeune source de revenus complémen-taires qui peut, dans certains cas,

surpasser les revenus de la forêt. Ilsveulent donc ménager les chasseursqui leur procurent des revenusannuels réguliers. Mais ils sont par-fois victimes de leur trop grandetolérance et on a vu des cas où leschasseurs interdisent au propriétai-re d’exploiter le bois pendant lapériode de chasse, c’est-à-direentre novembre et février. Or, laseule saison où l’on puisse exploiterles arbres en forêt pour leur bonneconservation, c’est la période horssève. On en arrive alors à cettesituation ridicule d’exploiter desbois dans les plus mauvaises condi-tions de conservation, uniquementpour faire plaisir aux chasseurs !Les propriétaires ne doivent pas selaisser aveugler par les revenus delocation de chasse. Très souvent, ilsconstatent une diminution des dégâts

dans leur forêt grâce à la chasse maisparallèlement, ils ne la régénèrentplus, « parce que ça coûte cher » !Dans l’Oise, en 1980, la coopérativeassurait 300 ha/an de renouvelle-ment, par plantation essentiellement.Aujourd’hui, on est tombé à quelquesdizaines d’hectares par an ! À ce ryth-me-là, il faudrait 800 ans pour renou-veler la forêt du département. n

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Des indicateurs utiles« Je crois beaucoup aux indicateursnaturels sur la végétation pour vérifiersi l’équilibre forêt-gibier est bon. C’estune question d’observation, il fautconnaître les espèces et savoir identi-fier les coups de dents.Les feuillus sont très sensibles auxabroutissements de chevreuil et ilexiste de nombreux critères pouridentifier son comportement. Gour-met et délicat, il est éclectique etchoisit ses essences. Par exemple,quand il mange les pousses de houx,c’est qu’il est en surdensité car lehoux n’est pas son « premier plat ».Des abroutissements sur plants dehêtre signifient également surdensi-té de chevreuils. »

(1) À noter que le chêne est beaucoup plus sen-

sible à l’abroutissement que le hêtre.

Abroutissement : consommation de bourgeons,

feuilles, aiguilles, pousses ligneuses et semi-

ligneuses.

Frottis : blessures aux tiges et aux troncs par

écorçage ou lacérations profondes selon la

période des dégâts.

(2) Le chevreuil a un régime alimentaire

« quatre-quarts » : il se nourrit pour 1/4 de

ligneux, 1/4 de semi-ligneux, 1/4 d’herbe et 1/4

de fruits forestiers et de champignons.

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