lettre inedite de la bruyere - la chancellerie des

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LETTRE INÉDITE DE LA BRUYERE PUBLUE PAR M. ULYSSE ROBERT de l a Bibllothque rlatiora!e PARIS CHEZ H. CHAMPION, 13, QUAI MALAQUAIS 1873 Document I II j^ j I 0000005543601

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Page 1: Lettre inedite de La Bruyere - La Chancellerie des

LETTRE INÉDITE

DE LA BRUYERE

PUBLUE PAR

M. ULYSSE ROBERT

de la Bibllothque rlatiora!e

PARIS

CHEZ H. CHAMPION, 13, QUAI MALAQUAIS

1873

Document

IIIj^ j

I0000005543601

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LETTRE INÉDITE

DE LA BRUYÈRE

[s lettres autoraphcs de laBruyère sont ires-rares.

t J LISqLI il ce j our, On n cii con-- naissait que dix-huit authenti-

ques. Dix-sept font partie de la collectionde M. le duc drAurnale ; elles sont toutesadress'es' au grand Condé. M. Servois lesa publiées dans son deuxième volume

li y a des pièces cl principalement desqmttances signées : Dc LA IJRIJYFISE, et donnéespar r' Jean de la Bru yère, conseiller secrétaire duRoy. maison et couronne dc France. La daicde ces pièces concorde presque avec l'époque oùFauteur des Caractères possedait cette charge.Mais elles ne sont pas du grand écrivain e1cssont d'un Jean de ]a Bruyère , seigneur deCrissay comme on peut le voir dans quelquesunes de ces pièces Je crois devoir appeler su rcc poiat l'attention des amateurs d'autographes.

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des ŒUTeS de la Bruyère 1 . L'autre,qui appartient i M. le comte d'Hunolstein,a été publiée pour la première fois parAl. Destailleur

J'ai eu la bonne fortune d'en découvrirune nouvelle dans le tris. 873 de la col-lection Clairambault, qui fait partie d'unrecueil de pièces sur la marine. M. Servois,

i. OEuvres de la Bruyère, t. Il, p. 477 etsuiv., dans la Collection des grands écrivains dela France, Outre les lettres appartenant M. leduc d'Aumale. M. Servois a publié dans sonrecueil la lettre de la Bruyère à Ménage, d'aprèsl'édition Destailleur une lettre de la Bruyèreà Bussy, , avec la réponse de cc dernierd'après la Correspondance de Bussy Rabutinédition Lalanne, t. VI l p. 5 1 5 et 516 une lettredc la Bruyère à Santeul, publiée pour la pre-mière fois dans le Santeuilliana, en 1708, à latlae enfin deux lettres Je Phélypeauï, comtede Pontchartrain, à la Bruyère, publiées parJal, Dictionnaire critiue de l'ioç"raphie et d'his-toire, p. 715 et 71t. Ces lettres ont été repro-duites dans l'édition des (Eupres complètes dela Bruyère, t, III, p. a55 et suiv.. publiée parPion. 1872.

s. Les caractères de Théophraste traduits dugrec avec les caractères ou les meurs de cesiècle, par la Bruyère, éd. Destailleur. Paris,P. Jaunet, I54. t. 1, P. xvit.

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-7---dont le témoignage en cette matière faitautorité, l'a examinée avec soin, et, quoi-que l'écriture et la signature diffèrent unpeu de celles des autres lettres, il «a pashésité à en reconnaître l'authenticité.

Voici cette lettre, moins importantepeut-être, mais certainement plus curieu-se que celles qui sont déjà publiées. Jen'ai pas cru devoir rien changer ni à l'ac-centuation, ni à la ponctuation.

A Versaille le iG juillet

Après vous avoir entretenu monseigneurde choses tout à fait importantes dans lesdernieres depcchcs que jay eU l'honneur devous envoyer et que jay ecrites du stile leplus sérieux et le plus convenable au sujetqu'il m'a eté possible, jay crû que jedevois dans cette lettre vous rendrecompte des nouvelles qui ont le plus deliaison avec les affaires publiques, et que

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par cette raison il est plus capital dansle poste ou vous êtes que vous n'ignoriezpas : avant hver monseigneur sur les septheures du soir les plombs de la goutierequi est sous la fenestre de ma chambre setrouverent encor si eschaufféz du soleil quiavoit brillé tout le jour, que j'y fis cuir ungasteau, galette fouée ou foitassc que jetrouvay excellente ; vous voiéz sans peineavec votre sagacité ordinaire de quelleutilité cela peut etre aux interetz de laligue, et je ne vous annonce cette parti-cularité qu'avec le déplaisir que vous pou-véz vous imaginer le temps hyer se cou-vrit et menaca de la pluye toute l'aprèsdinée ; il ne plut pas neamoins ; auiour-dbuy il a pl ; s'il pleuvera demain ou s'ilne pleuvera pas, cest, rnonseigr, ce que nepuis decider quand le salut de toutel'Europe en devroit dependre : je croisavec cela moralement parlant qu'il tom-bera un peu de pluve, et que des que la

Les mots ny ne jeux sont barrés dansûjina1,

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t) -

pluyc aura cessé il ne pleuvcra plus amoins que la pluve ne recommence : maisa propos de pluyc les beaux plans et lesbelles eaux que celles d'une maison quejay veUc dans un vallon en dcca de la tourde Montfort, la belle, la noble simplicitéqui regne jusqu'a présent dans ses bati-mens ; voudroit on bien ne s'en point en-nuyer, il faut l'avoUer nettement et sansdetour, je suis foCï de Pontchartrain, deses tenans et ahoutissans circonstanceset dependances si vous ne me faitesentrer à Ponichartrain je romps avecvous monseigneur avec votre mons dela Loubere avec les jeux floraux et quipis est avec Mgr et made de Pontcliartrain.avec celle que vous epouseréz, avec toutcc qui naitra de vous , avec leurs par-reins et leurs marreines,avcc leurs mcresnourrices, cest une maladie cest unefureur. Comment donc vous conter dans

Les netsy viles sont barrés dansioriginal.

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ictat ou je suis le fait de St_Olon 1 etdu major Brizai, leurs avantures ; museinspire moy, et ne me laisse pas dansune matière si grave avancer rien deridicule. Le comte de Grammont a ditau roy tres chrestien , vous devéz par-donner sire comme vous voulez que l'onvous pardonne, il la fait sur cela ressou-venir du pater nostcr, le pater noster

gr est cette oraison dont m l le Notrefait tant de cas qu'il en veut scavoirl'autheur, revenons au comte de Gram-

i. Le marquis de Danqeau, dans son Jour-nal, à la date du vendredi S juillet 1695, donneles détails suivants sur l'affaire de Saint-Olonet du major Brissac (et non Brizai, commel'écrit la Bruyère) : « M. de Duras parla au roi,à son coucher, en faveur du major Brissac, quin eu un démêlé avec M. de Saint-Olon, qui

nétoit allé s'en plaindre u roi. Le roi a dit àM. de Duras de juger l'affaire selon la rigueurdes ordonnances, et nous dit ensuite « J'en« suis fâché pour le major que j'aime; mais.« quand ce seroit pour monpropre fils, je ne« voudrous pas dans la moindre chose adoucir« l'ordonnance. » Plus loin, Dangeau ajoute« Brissac, major des gardes, est S la Concier-« gerie pour un mois, par ordre des maréchaux

de France. - Journal du marquis de Dan-geau. t. V. p. 235 Cl 237.

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mont, il a dit au roy que peut estrc sebrouilleroit il avec le rov de Maroc s'il nevangeoit pas l'injure faite à S I Olondont sa majesté maroquine etoit si con-tente, mais qu'aussi feroit il un plaisirsingulier à la repuhlque de Genes lereste vous aura eté ecrit de plusieurs en-

t. Voici ce que dit Saint-Simon, dans ses Mé-moires, au sujet de l'injure faite à Saint-Obis« Une ambassade du roi de Maroc, que Saint-01011, envoyé du roi en ce pays-là,en ramena,amusa tout Paris à aller voir ces Africains.C'étoit un homme de bonne mine et de beau-coup d'esprit, à ce qu'on dit, que cet ambassa-deur. Le roi fut flatté de cette démarche d'unbarbare et le reçut comme il est usité pour cesambassadeurs non européens, turcs ou mosco-vites, jusqu'au czar Pierre . Torcy et Pont-chartrain, qui furent ses commissaires, crurenten être venus A bout lorsqu'il dédit et Saint-Olon et l'interprète, et qu'il ne voulut plus decommerce avec eux, prétendant qu'ils l'avoientengagé sans (luil leur eût rien dit qui les y pûtconduire. Cela fit un asscz éti'an'e contraste, leJour méme d'une conférence A Ç'ersailles, où ilétoit venu avec eux de Paris, et tic voulut ja-mais les remmener. Il déclara qu'il ne froitpoint la paix et on fut longtemps A le rameneret A finir avec lui un traité. P - Mémoires duduc de Sajpi(-Sjmon éd. Chéruel, t. Il., p. aùoet ùi.

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droitz, ainsi îe suis avec mon respect or-dinaire

.i\tonseigneu r

Votre tues humble et tres oheissantse r vite u r,

delaBruyère

Cette lettre est sans suscription etsans date d'année, mais il est possiblede déterminer quand et à qui elle futécrite. Cc passage : « je suis foû de Pont-chartrain, de ses tenans et aboutissans, cir-constances et dependances; si vous ne mefaites entrer a Pontchartrain, je rompsavec vous monseigneur avec votre fllOflSt

de la Louhere avec les jeux floraux et quipis est avec 111 8 ' et made de Pontchartrain,avec celle que vous epouseréz, avec tout cequi naitra de vous, avec leurs parreins etleurs marrci nes ,a VCC le ursmeres nourrices,ccst une maladie cest une fureur, o cc pas-

t I i su4nature ne loi-me quun seul mot dans1oriiiva1 le initial est minuscule ; le 13 estmajuscule.

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sage, dis-je, prouvequela lettre était adres-sée à un membre de la famille de Pontchar-train. Ce n'est certainement pas à LouisPhélypeaux, comte de Pontchartrain, quela Bruyère écrivait ainsi, mais à Jérûrne,son fils unique, non marié encore , àl'élève de Simon de la Loubère qui futl'historien et, en 11') ( ) 4, le réorganisateurde l'Académie des jeux floraux. Cette in-terprétation me paraît la seule possible.

A défaut d'indications fournies par lesMémoires du temps la date pourrait êtrefixée. La qualité de monscigneLir donnéeà Phélypeaux semble indiquer qu'il étaitdéjà alors secrétaire d' Etat de la marine.Il avait obtenu la survivance de la chargede son père ., le 27 décembre !4q3. Donc,la date de la lettre serait comprise entrecette époque et le ii mai 16c)6, jour dela mort de la Bruyère; par conséquentelle serait du i( -) juillet iG.j. ou du i

i. Jérôme Phélypeaux épousa, le X février16o7. Eléonore-Ch-istinc de Rove de la Roche-foucauld, Voy. Jal, Diction. crit. de biogr. etd'hist.. p. )8.

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juillet i 65. Mais le passage de Dangeau,que j'ai rapporté, prouve qu'elle est de1695. Les deux lettres de Phélypeaux

la Bruyère, qui nous sont parvenues,font voir qu'ils entretenaient une corres-pondance suivie.

L'excessive familiarité de cette épîtreoffre un singulier contraste avec la gravitéque l'on remarque dans les autres lettresde la Bru yère. Il ne faut pas s'en étonnerle grand écrivain avait été le protégé dupère; il était l'ami du fils, et Phélvpeaux,quoique ministre, se plaisait i. lui répon-dre sur le même ton

i Voir les deux lettres de Phél ypeaux clansle deuxième volume de l'édition dc. M. Servois,P. 517 et 5i. Elles sont du 5 juillet et du28 août 1694.

Cette lettre a été publiée d'abord dans laBibliothèque de l'Ecole des Chartes, t. XXXV,p. 383-386, puis dans l'Amateur d'Autographes,n° 251 et 252, P. lIS-121, avec une lettre deM. Edouard Fournier. Il en a été donné des

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extraits ou une analyse dans plusieurs autresrevues et journaux. L'Officiel, du 24 flO-vcrnhre 1874, surtout, lui a CO11SaCF( un long etintéressant article de M. Guillaume Depping.

flo'e. imp. 13uzct-Gunier.