leta wilchez - hermeneutique et symbolique ibn arabi et quelques auteurs anterieurs

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  • 7/30/2019 Leta Wilchez - Hermeneutique et symbolique ibn Arabi et quelques auteurs anterieurs

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    Bulletin dtudes orientalesTome LVIII (Septembre 2009)

    Annes 2008-2009

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    Mohammed Chaouki Zine

    Hermneutique et symbolique : letawl chez Ibn Arab et quelquesauteurs antrieurs

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    Avertissement

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    Rfrence lectroniqueMohammed Chaouki Zine, Hermneutique et symbolique : le tawl chez Ibn Arab et quelques auteursantrieurs , Bulletin dtudes orientales [En ligne], Tome LVIII | Septembre 2009, mis en ligne le 01 septembre2010, consult le 12 octobre 2012. URL : http://beo.revues.org/80 ; DOI : 10.4000/beo.80

    diteur : Institut franais du Proche-Orienthttp://beo.revues.orghttp://www.revues.org

    Document accessible en ligne sur : http://beo.revues.org/80Ce document est le fac-simil de l'dition papier. Institut franais du Proche-Orient

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    HERMNEUTIQUE ET SYMBOLIQUE :LE TAWL CHEZ IBN ARABET QUELQUES AUTEURS ANTRIEURS.

    Mohammed Chaouki ZINE

    IREMAM, Aix-en-Provence

    INTRODUCTION

    La science (ilm) et la connaissance (marifa) traversent luvre dIbn Arabde part enpart. Peu dtudes ont t consacres ces deux notions fondamentales. Notre objectif estde dterminer leurs significations respectives, leur identit et leur diffrence ainsi queleur apport symbolique et hermneutique.

    Quand on parle de science et de connaissance quoi se rfre-t-on ? Comment cesdeux notions ont-elles volu dans lhistoire de la spiritualit musulmane ou soufisme(taawwuf) ? Y a-t-il une unit doctrinale autour de leur sens ou bien ont-elles requis dessignifications diffrentes, voire divergentes en fonction de leur usage ?

    Cest autour de ces questions que nous tenterons de dfinir la valeur pistmologique ethermneutique de la science et de la connaissance chez Ibn Arab(1165-1240). Gnralementon traduit le vocable tawl par interprtation ou hermneutique. Mais Ibn Arabne parlede linterprtation (tawl) que pour critiquer ses fondements thoriques et ses usagesthologiques et philosophiques, de mme pour le symbolisme qui requiert chez lui le sensde correspondance ou relation analogique (munsaba) entre la chose et ce quelle signifie.

    Pourquoi prendre les notions de hermneutique et de symbolisme avec prudence ?Tout simplement parce quelles nont pas le mme apport tymologique et lexicographiqueque fournit la langue arabe. Cest en dbroussaillant le champ notionnel de la doctrinedIbn Arabque nous pouvons dceler ces implications anagogiques.

    1- LHERMNEUTIQUE ET LE SYMBOLISME : PRLIMINAIRES THORIQUES ET PISTMOLOGIQUES

    Sous le vocable hermneutique se dessine une histoire longue et une littraturefconde quil serait impossible de cerner entirement. Voyons seulement les dfinitionsqui ont t adoptes pour les comparer ensuite avec la notion de tawl. Lhermneutiqueserait une critique interne des textes en mettant jour leurs ides sous-jacentes : Le mot

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    hermneutique, du grec hermeneia qui signifi

    e interprtation, caractrise la discipline,les problmes, les mthodes qui ont trait linterprtation et la critique des textes 1.Plus quune simple thorie, lhermneutique recle une valeur pratique qui consiste

    employer des mthodes et des instruments philologiques, lexicographiques, smantiquesafin de dcouvrir la signification dun mot, cest--dire son origine, sa formation et sonvolution : Lhermneutique dsigne en premier lieu une pratique guide par un art. Cestce quvoque dj la formation du terme qui vient qualifier une techn. Lart dont il sagit iciest celui de lannonce, de la traduction, de lexplication et de linterprtation et il renfermenaturellement lart de comprendre qui lui sert de fondement et qui est toujours requis lo le sens de quelque chose napparat pas ouvertement ou sans quivoque 2 .

    En dautres termes, il y a interprtation l o il y a confusion et quivocit. Ceci ncessite

    alors une panoplie de mthodes et doutils pour expliciter le sens du mot et le rendre clairet accessible. De ce point de vue, les racines tymologiques du terme hermneutiquemettent en exergue plusieurs significations :

    Hermeneus : ce vocable signifie traduire . La traduction a, en effet, dans lhistoire destextes sacrs et des uvres humaines un rle prpondrant. Plus quune simple adaptationdune uvre en langue diffrente, la traduction signifie avant tout la saisie du sens dece qui a t dit : Partout, lhermneutique doit accomplir une telle transposition dunmonde lautre, du monde dune langue trangre une autre qui nous est familire 3 .

    Hermeneia : ce mot signifie en quelque sorte la traduction dune ide, cest--direlnonciation dune pense en donnant corps aux ides abstraites.

    Hermeneuein : traduire, cest dj communiquer. En effet, le rle de linterprtation estde transmettre le vouloir-dire dun auteur (ou un locuteur) un lecteur (ou un auditeur).Platon associe cette transmission lart divinatoire, cest--dire communiquer la volontdivine celui qui devine son extension travers les signes rigs dans le monde.

    Ces significations tymologiques qui sentremlent et se compltent ont pris plusieursdirections en fonction de lemploi qui leur a t attribu. Aristote ne prend que le senslogique de lhermneutique en pariant sur la ncessit dcrire un Peri Hermeneias ou leslments qui composent la proposition attributive.

    Lhermeneia ou la proposition traduit, chez Aristote, la pense en mots profrs oufixs dans un discours. Dans les Temps modernes, lhermeneutica des Latins traduit lafaon dinterprter les textes sacrs. Ils parlent ainsi de ars interpretandi dont lorigine

    remonte jusqu Origne4

    : Le mme texte peut tre interprt selon quatre perspectivessuperposes : 1) dans son sens littral (dit historique ou somatique) quon atteintpar des tudes grammaticales ; 2) dans un sens allgorique, hritage stocien, qui portegnralement sur les dogmes de lglise ; 3) dans un sens tropologique ou moral, destin

    1. Bernard DUPUY, Hermneutique , Encyclopaedia Universalis, 11, 1989, p. 362.

    2. Hans-Georg GADAMER, La philosophie hermneutique, trad. Jean Grondin, Paris, PUF, 1996, p. 85.

    3. Ibid., p. 86

    4. Henri DE LUBAC, Exgse mdivale. Les quatre sens de lcriture (4 tomes), Paris, Aubier, 1959-1964.

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    la conduite thique du croyant ; 4) dans un sens anagogique ou mystique, appel rvlerdes vrits dordre eschatologique 5 .En dautres termes, le texte comporte deux significations : le sens littral et le sens

    figur ou bien la lettre et lesprit ou encore, en termes familiers aux soufis de lpoqueclassique, lextrieur (hir) et lintrieur (bin). Nous verrons plus tard que les deuxaspects du texte ont suscit de violentes polmiques refltant ainsi deux catgories desavants : les exotristes (hiriyyn) et les sotristes (biniyyn).

    Comme le rappelle J. Grondin 6, lhermneutique comme nologisme fut introduitevers 1629 par J. C. Dannhauer et subit une volution smantique importante en ayant troisfonctions :

    1- Lasubtilitas intellegendi qui consiste rendre le texte intelligible et tente dclaircirun passage obscur pour une meilleure comprhension du texte.

    2- La subtilitas explicandi qui ajoute la comprhension du sens une explicationclairante portant sur la structure langagire du texte.

    3- Lasubtilitas applicandi qui met en application (en pratique) le sens du texte.

    Ces trois fonctions ont fait lobjet de commentaires, dappropriations, voire dedivergences entre ceux qui se contentent de lexplication littrale et grammaticale dutexte et ceux qui font triompher linterprtation sotrique.

    Outre les deux approches, la dimension pratique traduit le savoir canonique envertus et uvres. Ceci explique quil ny a pas de thorie universelle de linterprtationunanimement reconnue, mais simplement des procdures ou des mthodes danalyse :

    Il ny a pas dhermneutique gnrale, pas de canon universel pour lexgse, mais desthories spares et opposes concernant les rgles de linterprtation 7 .

    Que lhermneutique soit un archipel dinterprtations, cela signifie quelle stipule unemultitude de lectures, dapproches et dapprciations, objectives pour les uns, subjectivespour les autres. Elle se sert dinstruments logiques ou de raisonnements intuitifs afin detransposer les choses relles en symboles. Elle a pour vocation de dchiffrer ces symboleset de saisir le lien quils entretiennent avec le monde phnomnal. Do linextricablerelation entre lhermneutique en tant que mthode ayant pour objet linterprtation dessignes (le texte, la nature, les modes dexpression, etc.) et le symbolisme qui porte sur ceque ces signes veulent dire.

    Comme nous lavons fait avec lhermneutique, nous nous contenterons de quelquesjalons mthodologiques du symbolisme. Celui-ci est caractris par la pluralit dessymboles qui dsignent quelque chose : Un symbole ne signifie pas : il voque et focalise,

    5. Jean GRONDIN, Hermneutique , p. 1130, Encyclopdie philosophique universelle, dirige par Andr Jacob, II- Lesnotions philosophiques, vol. 1, Paris, PUF, 1990, 1998.

    6. Ibid. ; v. aussi J. GRONDIN, Luniversalit de lhermneutique, Paris, PUF, 1993.

    7. Paul RICUR, De linterprtation. Essai sur Freud, Paris, Seuil, 1965, p. 35.

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    assemble et concentre, de faon analogiquement polyvalente, une multiplicit de sens quine se rduisent pas une seule signification ni quelques-unes seulement 8 .La pluralit des significations est proportionnelle la multiplicit des choses dans

    le monde. Derrire cette apparente diversit se dresse un ordre qui relie les choses lesunes aux autres en vertu dun rapport analogique ou corrlatif : Ces deux hypothsesinitiales : lexistence de lordre dans lunivers et la logique de lanalogie, si on les admet, suffisent,en effet, fonder la symbolique gnrale et tudier ses formes les plus diverses [...] Lasymbolique sdifiera peu peu partir de ltude du symbolisme, cest--dire de lart desymboliser, de lusage et de lexprience des symboles 9 . Ainsi, on peut faire la diffrenceentre la symbolique qui est la science du (ou le discours sur le) symbolisme et celui-ci quiest lusage (scientifique, mtaphysique, philosophique ou mystique) des symboles et lon

    peut dfinir lesymbole, avec A. Lalande, comme tout signe concret voquant, par un rapportnaturel, quelque chose dabsent ou dimpossible percevoir 10 .

    Pour une analyse dtaille et fort documente sur les diverses modifications du sensdu symbole et de ses altrations travers les poques, nous renvoyons au chapitre 1 de Lascience des symboles 11. Sous le mot symbole, une multitude de notions apparaissent et quiprtent confusion comme lavait remarqu Gilbert Durand : Quoi quil en soit, image,signe, allgorie, symbole, emblme, parabole, mythe, figure, icne,idole, etc., sont utiliss indiffremment lun pour lautre par la plupart des auteurs 12.

    Il est hors de propos de sattarder longtemps sur la signification de chaque notion,mais remarquons, avec G. Durand, que les deux mots qui sont gnralement confondussont lallgorie et le symbole. Bien quils ne soient pas entirement disjoints lpoquemdivale, allgorie et symbole semblent remplir deux fonctions distinctes. La premire arapport avec le discours et la pense par la transposition des images en ides, et cest pourcette raison quelle est fonde sur la mtaphore, alors que le second entretient une relationtroite avec limpression quil laisse chez le sujet qui saisit la signification.

    Alain disait juste titre le symbole est au sentiment ce que lallgorie est la pense .Cependant la tche commune impute ces deux notions est la reconduction dune chosesensible son image abstraite : Le symbole est, comme lallgorie, reconduction dusensible, dufigur au signifi, mais en plus il est par la nature mme du signifi inaccessible,piphanie, cest--dire, par et dans le signifiant, de lindicible. Lon voit derechef quel vatre le domaine de prdilection du symbolisme : le non-sensible sous toutes ses formes :

    inconscient, mtaphysique, surnaturel et sur-rel13

    . Le propre du symbole est de rendre

    8. Ren Alleau, La science des symboles, Paris, Payot, 1976, p. 12-13

    9. Ibid., p. 15-16

    10. Gilbert DURAND, Limagination symbolique, Paris, PUF, 1964, col. Initiation philosophique , p. 7

    11. R. ALLEAU, op. cit., chapitre 1 Origine et smantique du mot symbole .

    12. G. DURAND, op. cit., p. 3.

    13. Ibid., p. 7-8.

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    visible ce qui est cach : Le symbole est donc une reprsentation qui fait apparatre unsens secret, il est lpiphanie dun mystre 14. Comme son tymologie lindique, le symbole (sumbolon) implique toujours le

    rassemblement de deux moitis, signe et signifi, cest--dire la face visible et la face invisibletelle la lune durant sa phase bimensuelle. Le sumbolon est le signe de reconnaissance decette lune sous sa phase initiale (croissant de lune) pour identifier le dbut du mois dejene (raman) et le dbut du jene : Mangez et buvez jusqu ce que se distingue, pourvous, le fil blanc de laube du fil noir de la nuit. Puis accomplissez le jene jusqu la nuit (Cor. 2/187).

    Le symbole est, de ce point de vue, indice de la distinction entre deux aspects de lamme ralit : le jour et la nuit (pour la journe), le visible (ahda) et le cach (ayb)

    pour lexistence, etc. Cet aspect double de la ralit est caractris plus par la corrlationque par lantinomie comme pourraient laisser croire les interprtations tourdies quimettent lextrieur (hir) ou la Loi (ara) aux antipodes de lintrieur (bin) ou la Ralitsotrique (aqqa) 15. Ces ides ont fait lobjet de commentaires critiques de la part dIbnArabcomme nous allons le dcouvrir ultrieurement.

    A la lumire de ces dfinitions et dlimitations thoriques, nous tudierons en premierlieu les approches contemporaines de lhermneutique dIbn Arab. Les noms de Corbin,Nar . Ab Zayd, Munif Abdelaqq et ahabfont ici autorit. Nous examinerons ensuitele tawl chez les prdcesseurs dIbn Arab. Nous tenterons enfin de dfinir les implicationshermneutiques et symboliques de la science et de la connaissance chez notre auteur.

    2- LINTERPRTATION CONTEMPORAINE DE LHERMNEUTIQUE DIBN ARAB: UN CONTRESENS

    PISTMOLOGIQUE

    Comme nous pouvons le constater propos de la thorie de lunicit de ltre ( wadatal-wud) utilise mauvais escient 16, le tawl a t, son tour, lobjet de commentairesqui varient entre limprudence thorique et la misre mthodologique, quelquesexceptions prs. Nous assistons llaboration de ce quon pourrait appeler un contresenspistmologique , le rsultat dun survol rapide des textes ou dune application nonapproprie de concepts externes la vise fondamentale de la doctrine de notre auteur.

    Avant dexposer certains exemples, voyons tout dabord lexplication que Henry Corbindonne au tawl dIbn Arab, du fait quil tait parmi les premiers spcialistes se pencher

    sur les problmes de limagination, du symbolisme et de lhermneutique spirituelle.

    14. Ibid., p. 9

    15. On traduit gnralement aqqa par vrit . Dans le contexte de la mystique musulmane, elle pourrait tretraduite par ralit sotrique .

    16. Une littrature contemporaine sur cette notion se propage une grande allure comme le montrent les dizaines,voire les centaines dtudes qui ont pris pour sujet danalyse et de comparaison lunicit de ltre chez Ibn Arab. titre dexemple v. Ab l-Al AFF, The Mystical philosophy of Muhyid Dn-Ibnul Arab, Cambridge University Press, 1939 ;assan QARB ALLH Falsafat wahdat al-wud (La philosophie de lunicit de ltre), Beyrouth, al-Kutub al-ada,1997 ; Suhaila TARUMAN, Naariyyat wadat al-wud bayna Ibn Arabwa al-l: dirsa talliyya, naqdiyya, muqrina (Lathorie de lunicit de ltre entre Ibn Arabet al-l: tude analytique, critique et comparative), Beyrouth, d. al-Bouraq, 2002.

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    Selon H. Corbin, il ne peut y avoir de dissociation entre lhermneutique et lsotrisme.Toute interprtation vise le sens profond du texte par-del son aspect apparent qui estlangage : Le tawl prsuppose la floraison des symboles, lorgane de limagination activequi simultanment les fait clore et les peroit [...]. Par essence, le tawl ne peut tomberdans le domaine des vidences communes ; il postule un sotrisme 17.

    H. Corbin fait la distinction entre lallgorie et le symbole. Il attribue lallgorieune opration rationnelle, alors que le symbole souvre sur plusieurs plans de ltre : Linitiation au tawl est naissance spirituelle (wilda rniyya). Parce quici, commechez tous ceux qui lont pratiqu dans le christianisme, cest--dire ceux qui nont pointconfondu le sens spirituel avec lallgorie, le tawl fait pntrer dans un nouveau monde,accder un plan suprieur de ltre 18.

    La distinction entre lallgorie et le symbole est une invention rcente. Bien quellesoit pertinente sur le plan pistmologique, cette sparation tombe cependant dans unanachronisme comme le laisse entendre ce texte de Jean Ppin : On a pris aujourdhuilhabitude de distinguer nettement entre allgorie et symbole, comme entre lartificedidactique et la spontanit de la vie. Pour que cette distinction, dailleurs fonde, puissetre prise en considration propos de Dante, il faudrait, semble-t-il, quelle ft entredans les murs son poque. Or cest ce qui napparat en rien. La dfinition ancienneet mdivale de lallgorie est si large quelle convient presque toutes les varits delexpressionfigure, et en tout cas lexpression symbolique 19.

    Dans son approche de lexprience de lart, Gadamer rappelle de son ct que lesdeux concepts dallgorie et de symbole ont beau appartenir des sphres diffrentes,ils nen sont pas moins proches lun de lautre, non seulement en vertu de la structurequi leur est commune, celle de la reprsentation de quelque chose par autre chose, maisgalement parce quils trouvent lun et lautre dans le champ du religieux leur applicationprivilgie 20 . La distinction initiale, daprs Gadamer, fait de lallgorie une figure derhtorique et un lment qui appartient au discours (logos), et du symbole une ralit quidsigne elle-mme dans son manifestation phnomnale. La fonction des deux conceptsreste identique en partant du substrat sensible pour accder lintelligible : Le symbolonreoit ici une fonction anagogique ; il oriente lesprit et llve la connaissance du divin tout comme lexpression allgorique introduit une signification suprieure. Ladmarche allgorique de linterprtation et la dmarche symbolique de la connaissance

    simposent pour la mme raison : il nest pas possible de connatre le divin autrement qupartir du sensible 21. Gadamer remarque quil y eut une dgradation du sens de lallgorie, celle-ci tant

    relgue une simple convention ou expression dogmatique de la chose religieuse. Quant

    17. Henry CORBIN, Limagination cratrice dans le soufisme dIbn Arab, Paris, Flammarion/Aubier, 1993, p. 19

    18. Ibid., p. 29

    19. Jean PPIN, Dante et la tradition de lallgorie, Paris, Vrin, 1970, p. 15-16.

    20. Hans-Georg GADAMER, Vrit et mthode : les grandes ligne dune hermneutique philosophique, traduction par PierreFruchon, Jean Grondin et Gilbert Merlio, Paris, ditions du Seuil, 1996 ( Lordre philosophique ), p. 90.

    21. Ibid.

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    au symbole, il a t rig en ralit mtaphysique, suprieure et positive de surcrot. Maisle symbole vit de la tension entre la forme et lessence, ou entre lexpression et le contenu : Cette absence dadquation entre forme et essence reste constitutive du symbole dansla mesure o sa signification renvoie au-del de ce qui tombe sous les sens. Cest de cetteinadquation que nat le caractre flottant, dindcision entre forme et essence, qui estpropre au symbole 22.

    Lopration procde par H. Corbin vise briser les barrires psychologiques etdoctrinales qui sinterposent entre le soufisme dIbn Arab et le chiisme cest quIbnArabfut lui-mme un grand matre en tawl on le verra luvre au cours de ce livre et quil est impossible de mentionner le tawl sans parler du chiisme dont le tawl est unprincipe scripturaire fondamental 23.

    Le propre du tawl est, de ce point de vue, de reconduire les donnes littrales cequelles symbolisent et prononcer le mot tawl, cest dune manire ou dune autreveiller certaines rsonances avec le chiisme, dont le principe scripturaire fondamentalest que tout exotrique (hir) a un sotrique (bin) 24 .

    H. Corbin rige le tawl en loi universelle occultant, par l, les diffrences de taille quiexistent entre le soufisme akbarien et la pense chiite. Cest ce qui ressort de lobservationde William Chittick qui remarque que H. Corbin fait du tawl une pierre angulaire dela doctrine dIbn Arab, ngligeant que ce mot navait pas lpoque dIbn Arab uneconnotation positive 25.

    Par ailleurs, le tawl ne peut tre tabli comme tant une norme universelle si oncroit le philosophe Paul Ricur, spcialiste en la matire. Or le livre de H. Corbin tentedinstaurer cette rgle qui transcende les interprtations locales et divergentes : Enfait, tout le concept mtaphysique de lImagination se trouve engag dans linstaurationde ce monde intermdiaire. Toutes les ralits essentielles de ltre (aqiq al-wud) ysont manifestes en Images relles ; et pour autant quune chose manifeste aux sens ou lintellect, possde une signification qui, en dpassant la simple donne, fait de cettechose un symbole, et pour autant quelle exige ainsi une hermneutique (tawl), la vritsymbolique de cette chose implique une perception au plan de limagination active 26.

    Comme le songe, limagination ncessite un mode de transposition symbolique : Cestparce que ltre rvl est imagination, quune hermneutique des formes manifestes enlui est ncessaire, cest--dire un tawl qui reconduise (selon ltymologie du mot tawl)

    ces formes leur vraie ralit. Non seulement le monde du rve mais le monde que nous

    22. Ibid., p. 95.

    23. H. CORBIN, op. cit., p. 30.

    24. Ibid., p. 45 et 68.

    25. W. CHITTICK, The Sufi Path of Knowledge, New York, SUNY, 1989, p. 199.

    26. H. CORBIN, op. cit., p. 147, cf. p.150.

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    appelons communment le monde de la veille, tous deux ont mme et gal besoin dunehermneutique 27. Cette universalit va affecter lensemble des crits de H. Corbin. Elle met le tawl

    dans un rapport concentrique avec limagination et le symbolisme. En dautres termes,limagination est un phnomne global qui a pour organe dexpression le tawl. Ce dernierenglobe, son tour, le symbolisme qui emploie les symboles des fins initiatiques etspirituelles : En bref, parce quil y a de limagination, il y a du tawl ; parce quil y a dutawl, il y a du symbolisme ; parce quil y a du symbolisme, il y a deux dimensions dans lestres 28.

    Pour rsumer lide de H. Corbin, nous pouvons dire que grce au tawl les choses dansle monde sensible deviennent des symboles dans le monde imaginal. Elles ont, du point

    de vue symbolique, deux faces, lune est tourne vers le sensible et se nomme chose,objet, matire, etc., lautre est tourne vers limaginal et sappelle symbole, image,ide, etc. Bref, cest limagination comme mode dtre et mode de connatre qui justifielexistence du tawl selon H. Corbin 29.

    Narmid Ab Zayd nest pas du mme avis, car limagination (ayl) ne constitue pasuniquement un lan de cration, mais un obstacle la vritable science. Do la ncessit dutawl qui va de lextrieur grossier lintrieur subtil pour saisir la science authentique 30.Limagination nest quun point de jonction entre le sensible et lintelligible. Elle ne peuttre rige en mode suprieur de perception. Le vritable tawl daprs Ab Zayd est celuiqui sidentifie au dvoilement intuitif (kaf), cest--dire saisir la chose telle quelle est enelle-mme.

    Or H. Corbin pense que sans imagination, le tawl ne peut soprer comme transfigura-tion des choses en images : On ninterprte pas ce qui na rien vous apprendre, ne signifierien de plus que ce quil est. Cest parce que le monde est imagination thophanique, quilest constitu dapparitions demandant tre interprtes et dpasses 31.

    La thse de H. Corbin est justifie par le hadith prophtique Les gens dorment etlorsquils meurent ils se rveillent 32 . Ainsi, lhomme demeure constamment dans lemonde imaginal et utilise le tawl pour transmuer les choses sensibles en symboles afin

    27. Ibid., p. 160.

    28. Ibid., p. 161.

    29. H. CORBIN, Face de Dieu, Face de lhomme. Hermneutique et soufisme, Paris, Flammarion, 1983, p. 43, 45 et 46.

    30. N. H. Ab Zayd, Falsafat al-tawl. Dirsa ftawl al-Qurn inda Muhyiddn Ibn Arab(La philosophie hermneuti-que. Etude sur linterprtation du Coran chez Muyiddn Ibn Arab), Beyrouth-Casablanca, d. al-Markaz al-aqfal-arab, 3e d., 1996, p. 227.

    31. H. CORBIN, Limagination cratrice, op. cit., p. 161.

    32. Aln, Kaf al-af(Le dvoilement du cach), II, p. 312.

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    de les saisir et les comprendre. Ab Zayd revient pour cautionner cette ide, savoirlimportance de limagination (ou le songe) pour procder au tawl 33.

    Quest-ce que le tawl pour Ab Zayd ?Dune part, le tawl serait, daprs lui, une mthode philosophique (manha falsaf)

    qui rgit la pense dIbn Arabau niveau de ltre et du Coran ensemble, car ils sont deuxfaces de la mme et unique ralit 34 . Employer lexpression mthode philosophiquenest pas appropri dans le contexte du tawl dIbn Arab. Ab Zayd semble employer cetteexpression cause de lintrt quil porte la thorie philosophique de lhermneutiquedveloppe par Hans-Georg Gadamer 35.

    Dautre part, le tawl est apprhend comme la dcouverte dune cryptologie

    inhrente au texte, une dimension crypto-coranique dirions-nous : Le tawl signifie,de ce point de vue, la dcouverte dun chiffre divin et la comprhension du Coran lalumire de ce chiffre, cest--dire le comprendre comme tant un ensemble de symbolesdsignant les ralits de ltre et de lhomme 36. Ab Zayd emprunte apparemment lanotion du chiffre H. Corbin 37, dautant plus que le mot dsigne une sorte de codagesecret, ce qui trahit la conception dAb Zayd qui se veut prudente face aux tendancessotristes.

    Enfin, le tawl est dfini partir de sa racine tymologique qui fait concider loriginedes choses et leur destine.

    Ces dimensions cosmogoniques et tlologiques (ou eschatologiques) caractrisentluvre dIbn Arabde fond en comble : Le tawl chez Ibn Arab est de connatre laralit de la chose et sa destine (mal), cest--dire son origine do elle procde et verslaquelle elle retourne. Sur le plan ontologique, le tawl est le passage de lextrieur sensible lintrieur spirituel et, sur le plan scripturaire, il est le dpassement de la langue humaineet conventionnelle vers la langue divine et absolue. En ce sens, le tawl ne signifie pas langation du hir, mais le point de dpart, car le hirreprsente la coque extrieure dubin ou son apparence 38.

    De mme en ce qui concerne la dfinition de Munsif Abdelaqq : Le tawl chez IbnArab quil nomme ailleurs linterprtation des rves (tabr) ou la mtaphore (maz)

    33. Ab Zayd, N. ., op. cit., p. 228.

    34. Ibid., p. 230.

    35. Cf. Ab Zayd, Ikliyt al-qira wa liyt al-tawl (Problmes de lecture et instruments dinterprtation), LeCaire, d. al-Markaz, 1991.

    36. Ab Zayd, Falsafat al-tawl, op. cit., p. 286.

    37. H. CORBIN, op. cit., p. 19 : Le symbole annonce un autre plan de conscience que lvidence rationnelle ; il est lechiffre dun mystre... et p. 161.

    38. Ab Zayd, op. cit., p. 383.

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    360 MOHAMMED CHAOUKI ZINE

    ne se dissocie pas de la communication : il signifi

    e le passage de lextrieur (lexpressionapparente) lintrieur ou ce que lauditeur leur croit ainsi 39. Contrairement Ab Zayd dont lexplication du tawl dIbn Arab sest contente

    de dceler les correspondances cosmologiques et anthropologiques, lentreprise deM. Abdelaqq met laccent sur laspect sociologique et linguistique du tawl : Le terrainsocial explique de prime abord lmergence de lopration hermneutique 40 , dans lamesure o les interactions sociales sont pralablement symboliques, cest--dire quellessoprent au niveau du langage. Les relations humaines sont de nature interprtative,car lauditeur qui ne parvient pas expliquer les intentions du locuteur recourt alors linterprtation 41 .

    Sur le plan pistmologique, M. Abdelaqq pense que le tawl est, structurellement,

    fond sur lhypothse (itiml) et lopinion (ann), jamais sur la certitude, une ide partagepar linstigateur de la critique de la raison arabe Muammad Abid el-abir42.

    Certes, le tawl se fonde sur la diversit des approches, ce qui donne crdit lopinionpersonnelle. Mais cette dfinition ne sapplique pas la doctrine dIbn Arabpour troisraisons :

    1- Lopinion, lhypothse et leffort individuel sont du ressort de la spculation.2- Le tawl occulte la nature saine de la foi (mn).3- Le tawl est traduit dans la doctrine dIbn Arabpar dautres notions impliquant la

    saisie intuitive : dvoilement (kaf), aspiration (himma), lection spirituelle (iti), etc.Ces points feront ultrieurement lobjet dun expos dtaill. La lecture la plus

    audacieuse mais bourre de contresens est celle de Muammadusayn al-ahabdans sonouvrage al-Tafsr wa al-mufassirn (Lexgse et les exgtes, 2 vol.). Ce qui nous intresse iciest son opinion sur linterprtation soufie du Coran. Malencontreusement, son opinion faitdire au texte de notre auteur ce quil na pas expressment dit. Nous faisons allusion lawadat al-wud rige en norme universelle pour lire et comprendre le texte coranique.

    Cest ce qui ressort de lanalyse de ahabdes Futtet des Fu al-ikam. En effet,la thorie de lunicit de ltre a entran cet auteur dans des explications htives etdangereusement outrageantes : Nous le voyons [c.--d. Ibn Arab] appliquer plusieursversets coraniques sur ses thories mystiques et philosophiques 43 ou encore Nousvoyons aussi que dans son commentaire du Coran, Ibn Arabest influenc par la thorie delunicit de ltre, la thorie la plus importante sur laquelle est fond son soufisme. Dans la

    39. M. Abdelaqq, al-Kitba wa al-tariba al-fiyya (Lcriture et lexprience mystique), Rabat, d. Okaz, 1988, p.117.

    40. Ibid., p. 118.

    41. Ibid.

    42. M. A. el-abr, Bunyat al-aql al-arab (La structure de la raison arabe), Beyrouth-Casablanca, d. Markaz,1991( Naqd al-aql al-arab, 2), p. 300-302.

    43. M. . ahab, al-Tafsr wa al-mufassirn, Le Caire, d. Dr al-kutub al-ada, 2e d., 1976, II, p. 340.

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    361HERMNEUTIQUE ET SYMBOLIQUE : LE TAWL CHEZ IBN ARAB

    plupart des cas, il explique les versets la lumire de cette thorie jusqu ce quil scartedu sens voulu par Dieu 44 .Cet amalgame se contente de survoler le texte sans lapprofondir rellement : Ce

    genre de commentaire fond sur la thorie de lunicit de ltre est inadmissible quel quesoit son promoteur 45. La mme sentence, qui fait grief, revient tout au long des pagesconsacres lhermneutique soufie et en particulier au commentaire dIbn Arabdesversets. Voici, par exemple, un passage qui ne comporte aucune valeur scientifique : Dupoint de vue de lunicit de ltre, et dans la plupart des cas, il abuse dans linterprtationafin que le verset saccorde avec cette thorie. Je pense que cette mthode exgtique estpernicieuse. Elle substitue ce que Dieu veut dire dans ses versets des ides inhrentes sa doctrine 46.

    Ce genre de jugement ne prsente pas les doctrines de faon quitable et impartiale. Ilinduit surtout le lecteur en erreur, celui qui nest pas familiaris avec le langage mystiqueet, en particulier, la terminologie soufie. Il est donc regrettable de se livrer ce genrede lectures qui pervertissent notre comprhension de lhritage hermneutique dusoufisme.

    Nous pouvons conclure cette partie en disant que le tawl dans la pense arabecontemporaine a fait lobjet danalyses et de comparaisons qui sloignent dans la plupartdes cas de lobjectif pralablement esquiss. Ce qui risque dimputer Ibn Arab descontrevrits lourdes de consquences : le tawl comme sotrisme daprs H. Corbin, letawl comme mthode philosophique selon Ab Zayd, le tawl en tant que jugement etprobabilit chez M. Abdelaqq, le tawl en tant que doctrine panthiste selon ahab.

    Ces rsultats ont, certes, leur mobile interne et leur ambition idologique : lire lamystique musulmane laide des instruments scientifiques et mthodologiques appropris,largir le champ de vision et dinvestigation dans les tudes islamologiques, rduirele soufisme une intrusion doctrinale trangre lislam, etc. Mais ces projets ne nousenseignent pas ce que le texte de notre auteur veut dire dans son expression mme. Ce quinous fait perdre la chance de dcouvrir Ibn Arabpar Ibn Arablui-mme sans que cettedcouverte soit une redondance ou tautologie.

    3- LE TAWL ET SES ORIGINES AMBIVALENTES : LARCH ET LE TLOS

    La remarque de P. Ricur, il ny a pas dhermneutique gnrale, mais des thories

    opposes concernant les rgles de linterprtation , trouve ici sa pleine justification. Eneffet, le texte (et en particulier le Coran) suscite la curiosit de nombreuses doctrines quitentent de cerner sa nature par une approche qui prend plusieurs dnominations : analyser,

    44. Ibid., p. 341-42.

    45. Ibid., p. 350.

    46. Ibid., p. 411.

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    362 MOHAMMED CHAOUKI ZINE

    dcrire, dcouvrir, dvelopper, claircir, expliquer, exposer, exprimer, interprter, lire,montrer, saisir, traduire, etc.Ces techniques dapprciation ont t occultes par une dichotomie imposante, la

    fois doctrinale et politique, qui fait toujours parler delle.Cette dualit se cantonne dans le couple expliquer/interprter ou bien exgse/

    hermneutique, cest--dire tafsret tawl. Elle na pas t instaure dans un consentementmutuel mais a vu le jour dans un processus conflictuel autour de la ralit du texte : quest-ce qui dfinit cette ralit ? Une simple explication des mots ou bien une interprtationprofonde qui va au-del de leurs frontires littrales ?

    Cette dualit ne sest pas fonde sur un terrain neutre mais sest rapporte dautrescouples de notions : extrieur (hir)/intrieur (bin) sur le plan spirituel, sensible (iss)/

    intelligible (maql) au niveau philosophique, explicite (mukam)/quivoque (mutabih)sur le plan exgtique. Ce dernier couple est le vritable fondateur de la polmique sur lamanire dapprhender le texte coranique.

    Le verset de la sourate l Imrn y fait mention : Cest Lui qui a fait descendresur toi le Livre : il sy trouve des versets explicites qui sont la base du Livre et dautresversets quivoques. Les gens qui ont au cur une inclination vers lgarement mettentlaccent sur les versets quivoque cherchant la dissension en essayant de leur trouverune interprtation, alors que nul nen connat linterprtation, part Dieu. Mais ceux quisont bien enracins dans la science disent : Nous y croyons : tout est de la part de notreSeigneur. Mais seuls les dous dintelligence sen rappellent (Cor. 2/7).

    La question du mukam et du mutabih est la vritable problmatique qui a suscitlavnement du tawl. La majorit des uvres exgtiques ont mis sur le tapis de ladiscussion cette problmatique.

    Dans son Fahm al-Qurn, al-ri al-Musib (m. 243/950) voque les multiplesproblmes lis la comprhension du Coran, notamment ce qui a trait aux couples abrogatif(nsi)/abrog (mans) 47, explicite/quivoque, etc. Il rapporte la parole dIbn Abbs, lepremier commentateur du Coran, selon laquelle les versets explicites sont abrogatifs etconcernent le licite, lillicite et les uvres prescrites 48. Il rapporte dIbn Abbs aussi lasignification eschatologique du mot tawl : Sa parole Nul nen connat linterprtation, part Dieu, cest--dire le jour de la rsurrection qui nest su que par Dieu 49.

    Une autre parole rapporte par Musib consiste dire que chaque verset a un

    extrieur (ahr, littralement un dos) et un intrieur (ban, littralement un ventre), unelimite (add ou le terme, lafin de quelque chose) et un prlude (mala ou le commencement,le dbut). Cette parole rejoint en quelque sorte le verset Il est le Premier et le Dernieret Il est lApparent et le Cach (Cor. 57/3). Musibcommente cette parole en disant

    47. Abrogatif, qualit reconnue un verset du Coran ou un hadith qui, dans une perspective historico-juridique,apporte une modification une rgle nonce par un autre verset ou un autre hadith considr ds lors commeabrog (Dominique et Janine SOURDEL, Dictionnaire historique de lislam, Paris, PUF, 1996, p. 21).

    48. . MUSIB, Fahm al-Qurn (La comprhension du Coran), d. H. Quwwatl, [s. l.], d. Dr al-Fikr, 1971, p. 326

    49. Ibid., p. 328 ; v. galement AB UBAYD QSIM B. SALLM, Kitb al-nsi wa l-mans (Le livre de labrogatif et delabrog), d. John Burton, Clerk of the Trust, Cambridge, 1987, p. 3.

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    363HERMNEUTIQUE ET SYMBOLIQUE : LE TAWL CHEZ IBN ARAB

    que le verset a trois dimensions : lextrieur est la rcitation (tilwa)

    50

    , lintrieur estlinterprtation (tawl) et la limite est le seuil de comprhension (muntah al-fahm).Que lintrieur (bin) soit li au tawl est lapanage de nombreux exgtes dinspiration

    sotriste comme on le verra tout lheure avec un auteur ismalien Numn b. ayynal-Tamm (m. 363/973), auteur de Ass al-tawl (Le fondement de lhermneutique).Lexplication la plus plausible que Musib semble retenir est celle de Mlik b. Anas(m. 179/789) qui on demande si linterprtation sue uniquement par Dieu est connuegalement par ceux qui sont enracins dans la science (rsin fl-ilm). Il rpond que cesinitis disent Nous y croyons : tout est de la part de notre Seigneur , mais ne savent passon interprtation 51. Ces explications associent les enracins dans la science la foi( mann bihi dit le verset) et Mlik b. Anas ajoute une autre qualit : la morale ou la

    pratique spirituelle (al-rsin fl-ilm hum al-miln). Ces analyses nous aident dfinir lascience comme une qualit inhrente la foi chez Ibn Arabet non pas comme un attributissu du tawl ou de lopinion individuelle (ann, ray, etc.).

    Les explications donnes par Musibsont dveloppes de faon exhaustive dans lemagnum opus dAbafar M. b. arr al-abar(m. 310/923) 52, mi al-bayn an tawl y al-Qurn (La somme de la langue dans linterprtation du Coran). Si nous rfrons aux versetso figure le mot tawl, nous trouvons des commentaires diffrents en fonction du texte etdu contexte. Le verset de la sourate Ysuf Ainsi ton Seigneur te choisira et tenseigneralinterprtation des rves (Cor. 12/6) met dj laccent sur ce que le mot tawl veut dire ici : Ton Seigneur tapprendra la science de laboutissement (m yaul, littralement rsultat,terme, consquence, etc.) des paroles de gens sur ce quils voient dans leur sommeil. Cecisignifie linterprtation du songe (tabr al-ruy) 53.

    abarrapporte la signification du tawl comme interprtation des rves des premiersexgtes Qatda (m. 118/736) et Muhid b. abr (m. 104/722). Cette interprtation seranuance dans lexgse mystique, car le songe (manm, ulm, ayl, etc.) na pas la mmeacception smantique et spirituelle que le mot ruy qui signifie plus quun songe. Lautredfinition donne par abarest celle dIbn Abbs, une dfinition eschatologique du tawl

    50. Sur ce point v. Claude GILLIOT, Les dbuts de lexgse coranique , REMMM, 1990/58-4, p. 92 : On peut doncreprsenter la premire tape de lexgse comme paraphrastique, lie quelle tait la rcitation du Coran, lelecteur sarrtant sur quelques termes ou expressions qui faisaient problme, sans grand souci dune exgse tex-tuelle, cest--dire qui ft rfrence dautres passages du Coran ou son analyse narrative. Les trois dimensionssont mentionnes par IBN ARABdans la Rislat al-anwr( Trait des lumires , in Rasil, Hayderabad, 1948, 19 p.),une ptre sur le cheminement initiatique qui commence par laspect extrieur (rcitation = tilwa, invocation = ikr,etc.) et finit par la saisie intuitive et contemplative des ralits suprieures en passant par la modalit du dvoile-ment (kaf) qui correspond linterprtation (tawl).

    51. . MUSIB, op. cit., p. 330.

    52. Sur cet exgte v. Cl. GILLIOT, Exgse, langue et thologie en islam. Lexgse coranique de Tabar, Paris, Vrin ( tudesmusulmanes , 32), 1990.

    53. ABAR, mi al-bayn, Le Caire, 3e d., 1968, t. 12, p. 153.

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    364 MOHAMMED CHAOUKI ZINE

    Nul nen connat linterprtation part Dieu, cest--dire interprtation (littralementson destin, son terme) le jour de la rsurrection que Dieu 54. abarse rfre aussi aux consquences (awqib) ou bien aux prolongements dune

    affaire comme le problme de labrogatif et de labrog, cest--dire que Dieu seul saitquand et o un verset abrogatif allait descendre pour instaurer une nouvelle rgle. PaulNwyia dit : Dans dautres textes, tandis que R. Blachre traduit tawl par explicationou supputation, Muqtil le traduit par qiba, consquence. Tawl signifie alors, non paslinterprtation de lvnement futur, mais cet vnement futur lui-mme en tant queconsquence ou aboutissement de laction actuelle ou passe 55.

    Sur les enracins dans la science , abaradopte la mme signification tablie parses prdcesseurs, savoir que ces initis ignorent tout sur linterprtation exacte des

    versets et sur le jour de la rsurrection. Leur seul credo est dadhrer ces prceptes fixspar la Loi 56. Ces initis sont enracins dans la foi comme ils sont qualifis par la science.

    Outre les significations oniriques et eschatologiques, abar met en exergue lasignification tymologique qui comporte une certaine quivocit : Quant au sens du tawldans le langage des Arabes cest lexplication (tafsr), la rfrence (mara, littralement leretour) et la destine (mar) 57. Laspect amphibologique du tawl apparat dans le doublesens de ce mot, deux significations de surcrot contradictoires : la source ou lorigine et leterme ou la destine.

    vrai dire, ce double sens a une consquence symbolique dune grande importance : letawl est pris dans son aspect cyclique (do le cercle hermneutique chez les hermneutesdes 17e et 18e sicles, notamment chez Flacius, Dannhauer, Rambach, Chladenius, etc., cest--dire comprendre les critures saintes en fonction du tout (le Livre) et comprendre cedernier la lumire de celles-l 58).

    Le tawl comme dimension cyclique 59 (lorigine (arch) rejoint la fin (tlos) comme dansun cercle) qui runit la cosmogonie et leschatologie est le propre dune interprtationsotrique donnant le primat au bin et la dimension tragique et pathtique de ladestine.

    Cette scnographie mle drame, ascension et homlie. Elle postule une hiro-histoire,lhistoire sacre dunfatum. Les germes de cette interprtation sotriste se trouvent chezNumn b.. Tammqui entreprend dansAss al-tawl dexpliquer les rcits des prophtes(qaa al-anbiy). Ceci nous rappelle dans une certaine mesure et sur un autre plan le Fu

    54. Ibid., t. 3, p. 181 et aussi 182 sur la date de la fin du monde (qiym al-sa) dfiant tout pronostic ou divination(kahna).

    55. P. NWYIA, Exgse coranique et langage mystique, Beyrouth, Dr al-mariq, 1970, p. 60.

    56. ABAR, op. cit., t. 3, p. 183-184.

    57. Ibid., p. 184.

    58. Sur le cercle hermneutique, cf. GADAMER, Vrit et mthode, op. cit., p. 286sq.

    59. Do le titre de H. CORBIN, Temps cyclique et gnose ismalienne, Paris, Berg international, 1982.

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    365HERMNEUTIQUE ET SYMBOLIQUE : LE TAWL CHEZ IBN ARAB

    dIbn Arab. Le souci de Numn est dtablir linstitution du tawl et sa lgitimit en serfrant aux textes de la tradition (en particulier le Coran).Les termes rcurrents sont lextrieur (hir) et lintrieur (bin) comme il lexplique

    dans lintroduction de louvrage 60. Mais ce qui est important et souvent nglig, cest que lathorie du tawl est fonde sur la notion du mil qui comporte, son tour, des significationsambivalentes 61 : la racine M--L recle de multiples acceptions :

    1- Maal signifie semblable, similaire, pareil, ressemblant, allgorie, exemple, parabole,etc.

    2- Mil signifie type, modle, archtype, image, symbole, ide, etc.3- Taml veut dire comparaison, analogie, reprsentation, etc.4- Mul est prsence, comparution, apparition, etc.

    Certains versets y font mention : Dieu ne se gne point de citer un exemple quelquil soit : un moustique ou quoi que ce soit au-dessous ; quant aux croyants, ils saventbien quil sagit de la vrit venant de la part de leur Seigneur ; quant aux infidles, ils sedemandent Qua voulu dire Dieu par un tel exemple ? (Cor. 2/26) ; Nous avons dansce Coran cit pour les gens des exemples de toutes sortes afin quils se souviennent (Cor.39/27) ; Telles sont les paraboles que Nous citons aux gens ; cependant, seuls les savantsles comprennent (Cor. 29/43). En tout le nombre des versets qui comportent la racineM--L est de 169.

    La thorie du mil/mil a t surtout approfondie par Abmid al-azl(m. 505/1111)et nous aurons loccasion den signaler limportance et linfluence sur le soufisme tardif

    dont la doctrine dIbn Arab.Numn prend le tawl et le mil dans un sens analogue. Ce dernier est employ

    pour symboliser quelque chose, cest--dire que sa prsence relle ou virtuelle impliquencessairement une chose. En dautres termes, le mil est insparable de la chose quildsigne comme lanalogie entre la balance et la justice. Numn recense certains symbolesindissociables des prophtes : No et lArche, Abraham et la Kaba, Mose et le Bton, Jsuset la Croix, Muammad (Mahomet) et laahda (profession de foi) 62.

    En ralit, ce nest pas tant les correspondances symboliques qui posent problmeque les versets et les traditions caractre anthropomorphique, cest--dire attribuer

    60. TAMM,Ass al-tawl, d. rif Tmir, Beyrouth, d. Dr al-aqfa, [s. d.], p. 28-32.

    61. Sur cette notion et les niveaux dinterprtation chez les exgtes v. AB ZAYD, N. ., al-Ittih al-aqlfal-tafsr(Le courant rationaliste dans lexgse), Beyrouth-Casablanca, d. Markaz, 3e d., 1996, p. 93-97 et p. 141-239.

    62. TAMM, op. cit., p. 33

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    366 MOHAMMED CHAOUKI ZINE

    Dieu des membres et des tats humains. Ces considrations thologiques seront discutes propos de lhermneutique dIbn Arab63.

    4- LINTERPRTATION SYMBOLIQUE DANS LE SOUFISME : QUELQUES REPRES MTHODOLOGIQUES

    Le thme du tawl dans le soufisme est une mine inpuisable. P. Nwyia en a retracle fondement et lvolution sous le double aspect diachronique (lhistoire du mot et sondevenir) et synchronique (les multiples significations du mot dans un systme donn, icilexprience mystique).

    Ce quil faut retenir de cette tude riche et bien documente est la question du senspluriel ou bien les multiples aspects ou facettes dun mot (wuh) que P. Nwyia dcouvrechez Muqtil b. Sulaymn (m. 150/767) 64 : Si cette exgse primitive dont Muqtil est letmoin, nest pas mystique, elle est loin dtre purement littraliste. Nous montrerons quelleest largement ouverte au travail de limagination, accueillant en son sein des lmentsallgoriques ou mythiques qui prparent les dveloppements ultrieurs de lexgse. Par lamthode des wuh, Muqtil dcouvre dans le Coran une pluralit de sens qui porte en elleles possibilits de multiples lectures du Coran. Lhermneutique prend naissance quand untexte se rvle porteur dun sens autre que le sens apparent ou littral 65. Cette mthodeexgtique offre uniquement le cadre formel une interprtation soufie. Le contenu decelle-ci est chercher du ct de lexprience mystique elle-mme.

    De par sa nature ineffable, cette exprience se heurte des obstacles de communication : Il ressort ainsi de cette page trs dense de Kalbque le langage technique des soufis

    est n dune ncessit inhrente la nature de lexprience mystique qui ne peut trecommunique une communaut de croyants polyvalente sans engendrer des malentendusqui mnent tt ou tard des conflits de doctrine 66.

    Contrairement ceux qui rduisent cette exprience un lment extrinsque(hermtisme, manichisme, noplatonisme), P. Nwyia dmontre avec vigueur la sourceendogne o cette exprience puise ses racines : Cest donc dans le Coran que prendnaissance le langage de lexprience mystique musulmane, et, aussi technique quil soitou quil le devienne, ce langage devra dune manire ou dune autre faire la preuve de sonorigine coranique, sinon quant sa forme, du moins dans son contenu 67.

    Lide de P. Nwyia va lencontre de celle de R. Blachre qui opte pour une interprtationsymbolique vidant le texte coranique de son sens prcis. Dans le sillage des docteurs de

    la Loi (fuqah), il va jusqu accuser linterprtation soufie de dformer et pervertir letexte rvl. Ce contresens mthodologique ne cesse dalimenter les exgses hostiles linterprtation mystique sous prtexte que la forme et le contenu de cette exprience se

    63. En ce qui concerne lanthropomorphisme (tabh) dans la pense thologique v. Cl. GILLIOT, Muqtil, grandexgte, traditionniste et thologien maudit ,Journal asiatique, 1991/1-2, p. 39-92 ; chez Ibn Arabv. M. CHODKIEWICZ,Un Ocan sans rivage. Ibn Arab, le Livre et la Loi, Paris, Seuil, 1992 ( Librairie du XXe sicle ).

    64. Sur les trois sens : littral, historique et allgorique, v. P. Nwiya, op. cit., p. 25-108 et 209.

    65. P. NWYIA, op. cit., p. 9-10.

    66. Ibid., p. 21.

    67. Ibid., p. 22.

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    367HERMNEUTIQUE ET SYMBOLIQUE : LE TAWL CHEZ IBN ARAB

    trouvent ailleurs, dans les doctrines philosophiques et mtaphysiques trangres lespritcoranique originel : Le commentaire soufi du Coran se fonde avant tout, nous lavons dit,sur la ralisation spirituelle. Cest--dire quil se situe sur un plan qui lui est propre, quinest en tout cas ni celui de lexgse littraliste ni celui de la rflexion thologique. Quelleque soit la position de celui qui tudie ce genre de commentaire, quel que soit le degrdarbitraire ou dimagination quil croit y dceler, nous pensons que cette exgse doit treaborde en tenant compte de la conception que les soufis eux-mmes en ont, en admettanta priori que cette apprhension du texte sacr est issue dune exprience quils sont seuls avoir vcue ; faute de quoi on ne peut que sexposer de graves contresens 68.

    Pour comprendre le commentaire mystique, il est donc prfrable de le situer dans sonpropre champ smantique, historique et thologique. La seule diffrence qui caractrise

    un commentaire est les multiples perceptions qui se rapportent lui.Pour cela, P. Nwyia recense trois orientations de lexgse musulmane :

    1- Lexgse sunnite qui met en valeur le tafsr, cest--dire lexplication du texte (ar)au niveau des mots (alf) et en fonction de la discipline : grammaire, histoire, thologie,jurisprudence, etc.

    2- Lexgse chiite qui se rapporte au tawl, cest--dire linterprtation au niveaudu sens sotrique. Ce sens cach est du ressort de limam, investi pour une mission dedcryptage pour dceler une vrit profonde. Les implications apologtiques et socio-politiques de cette mission sont videntes.

    3- Lexgse soufie qui emploie la mthode de listinbquon pourrait traduire par

    lucidation (P. Lory69

    ) ou dduction : En fait quand les soufis eux-mmes parlent deleur mthode, ils ne lappellent ni tafsr ni tawl, mais istinb: mot dorigine coranique,prfr par eux pour mieux se distinguer des autres. Littralement, istinbdsigne lactede faire jaillir leau dune source : cest donc faire venir la surface ce qui tait cach aufond de la terre. Pour les soufis, le texte coranique a un fond, un bin cach dans sonhir,son extrieur, il a un sens intime et spirituel cach au-del de son sens littral, et cest cesens que rvle listinb70.

    Al-Sarr al-s(m. 378/988) consacre plusieurs pages listinbdans son ouvrage al-Luma. Il explique la structure et la fonction de cette notion qui se distingue du syllogisme.Ce dernier est un raisonnement logique qui consiste tirer dune ou plusieurs propositionsdonnes une autre proposition qui en est la consquence ncessaire. Cette dduction est

    un passage de limplicite lexplicite.Listinbtdaprs Sarr a pour moyen de ralisation la mditation et la prsence du

    cur (ur al-qalb) pour comprendre le texte 71. Il rapporte dAb Sad al-arrz (m.289/899) que la comprhension du texte coranique (fahm) signifie agir en fonction de sesprceptes. Il contient la science, la comprhension et listinb. Ce dernier serait donc non

    68. Pierre LORY, Lescommentaires sotriques du Coran daprs Abd al-Razzq al-Qn, Paris, Les Deux Ocans, 1980,2e d., p. 17-18.

    69. Ibid., p. 13.

    70. P. NWYIA, op. cit., p. 34.

    71. Sarr, Luma, Le Caire, 1960, p. 106-107.

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    368 MOHAMMED CHAOUKI ZINE

    seulement une comprhension intellectuelle ou intuitive du texte mais aussi la mise enapplication de ses vrits intrinsques.Cette subtilitas applicandi est manifestement apprcie par Abd al-Razzq al-Qn

    (m. 730/1329) qui dcouvre un aspect particulier du tawl consistant appliquer lesymbolisme coranique au niveau microcosmique : Le tabq (= application) est un modepossible du tawl qui se distingue, non par la nature du sens extrieur du verset auquel il serapporte, mais uniquement par son domaine dapplication qui est celui de la psychologiespirituelle 72.

    Cette hermneutique applique a t adopte de nos jours par Alll al-Fs dansun ouvrage relatant lhistoire de lexgse de faon claire et didactique 73. Si nous nouscontenterons de lexgse soufie, les uvres de Abd al-Ramn al-Sulam(m. 410/1021)

    aqiq al-tafsr (Les ralits de lexgse) et de Abd al-Karm al-Quayr (m. 465/1072)Laif al-irt(Les subtilits des allusions symboliques) sont dans ce contexte influentes.Le commentaire de Quayr du verset (Cor. 2/7) inclut plusieurs lments exgtiquestablis par ses prdcesseurs : le hir reprsente laspect vident du texte (tanzl) et lebin symbolise le secret intime (sirr) qui doit tre prserv et non divulgu. Les initis enracins dans la science (rsin fl-ilm) peroivent le sens du texte conformmentaux fondements spirituels : La voie des gens de lallusion (ira) et de la comprhension(fahm) est de prter oreille en ayant le cur prsent. Ainsi, ils tablissent les allusions issuesdu dvoilement intuitif en fonction des termes qui apparaissent leur entendement 74.

    Quayrpense que le hir est expliqu par lexpression (ibra) alors que le secret(sirr) est communique par lallusion (ira), ce qui vite les malentendus et les agressionsprovenant des savants traditionnistes. Le couple expression/allusion est une autretraduction doctrinale de la dualit extrieur/intrieur qui comprend la dimensionsymbolique des vrits enfouies dans le Coran : Certes, dans ce langage mystique, il y ala ibra et la ira, le langage expressif et clair et le langage allusif qui suggre les chosessans les dire [...]. En effet, le langage allusif nest pas, chez eux, un langage incohrent etincontrl ; cest le langage se haussant au niveau du symbole et devenant, seulement cause de cela, sotrique, puisquun symbole ne parle qu celui qui sait linterroger. Quant la ibra, le langage qui fait passer le dedans au dehors et qui exprime ce qui est

    72. LORY, P., op. cit., p. 37.

    73. A. Fs, al-Madal li ulm al-Qurn wa al-tafsr(Introduction aux sciences du Coran et de lexgse), Casablanca,Mabaat al-Dr al-Bay, 1988, p. 85 et 91.

    74. Quayr, Laif al-irt, Le Caire, d. al-Haya al-miriyya, 1981, I, p. 220.

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    369HERMNEUTIQUE ET SYMBOLIQUE : LE TAWL CHEZ IBN ARAB

    expriment, son originalit prouve la nouveaut de lexprience qui a t lorigine deson invention75. Le couple expression/allusion renvoie donc deux sortes de tawl :

    1- Lhermneutique spculative (tawl aql) qui favorise lopinion et ltudegrammaticale, historique et rhtorique du texte coranique comme cest le cas chez lesmutazilites.

    2- Lhermneutique illuminative (tawl kaf) est la voie du dvoilement qui saisitdirectement et intuitivement la signification du texte 76. Ce mode exgtique est adoptpar lensemble des commentaires soufis.

    Dautres mystiques, comme azl, ont acquiesc aux deux orientations hermneuti-

    ques (spculative et intuitive). La rfrence azl est capitale, car il reprsente lecroisement du soufisme et de la philosophie. Il a laiss une empreinte doctrinale visiblechez la plupart de ses successeurs dont Ibn Arab. Son rudition est perceptible dansune majeure partie de son uvre monumentale. Le tawl y prend une place importante,notamment dans les ptres quil a composes comme awhir al-Qurn (Les joyaux duCoran), Qnn al-tawl (Le canon de lhermneutique) et Faysal al-tafriqa bayna al-islm waal-zandaqa (La distinction entre lislam et lathisme).

    Lide principale de azlest quil existe un canon pour lhermneutique et, enparticulier, des rgles prcises pour linterprtation du Coran. Ce dernier ne peut treinterprt de nimporte quelle faon. Allusion faite aux sotristes auxquels il a consacrune vhmente polmique : Tout ce qui a t rapport dans laspect extrieur (hir) des

    uvres prescrites, de la rsurrection et des choses divines (= thologie) sont [daprs eux]des symboles de leur aspect sotrique 77.

    Dans sa rponse aux interprtations sotristes, azla compris que le hir nestquun alibi et que leur intention est dabroger la signification littrale et la substituer pardes symboles. Ainsi, les mots deviennent comme des rcipients aptes contenir toutesubstance, cest--dire toute interprtation cautionnant leur vision du monde. Faisantface cette orientation prsomptueuse, azl dclare : Nous avons une norme delinterprtation (miyr fal-tawl) qui consiste dire que si la vision spculative prouve lavanit de laspect apparent dun mot, nous savons par vidence que le sens voulu est autrechose, condition que le mot lui corresponde 78 par le biais de la mtaphore 79.

    Conscient des tentations que provoquent linterprtation du texte sacr et les drivesventuelles, azlinstaure donc certaines rgles hermneutiques inhrentes au Livre. Iltente aussi de comprendre le conflit des interprtations auquel se livrent les multiplesschismes dans lislam. Telles sont, par exemple, les questions quil se pose dans le Faysal

    75. P. NWYIA, op. cit., p. 6.

    76. Sur ces deux orientations hermneutiques v. P. L ORY, op. cit., p. 12-17.

    77. AZL, Faai al-Biniyya (Les scandales des sotristes), d. critique A. Badaw, Le Caire, d. Dr al-qawmiyya,1964, p. 55.

    78. Cest--dire quil correspond au sens voulu par lauteur (mens auctoris) en ayant la fois un sens propre et unsens figur.

    79. AZL, op. cit., p. 53.

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    370 MOHAMMED CHAOUKI ZINE

    al-tafriqa afi

    n de cerner les abus dexcommunication (takfr) manant de chaque colethologique. Loriginalit de azl dans ce livre est dinstaurer le tawl sur des basescognitives, cest--dire sur ce quon pourrait appeler communment la thorie de laconnaissance 80 .

    Pour interprter la tradition, il faut croire lexistence de ralits physiques etmtaphysiques rapportes par des rcits (abr).

    Lexistence (wud), selon azl, se divise en cinq niveaux 81 :

    1- Lexistence essentielle (wud t) indpendante du sensible et de lintelligible. Ellena pas besoin dinterprtation, car les choses existent par elles-mmes indpendammentde toute perception. La rfrence scripturaire (dans le Coran et les traditions prophtiques)est lexistence de sept cieux, du Pidestal, du Trne, etc.

    2- Lexistence sensible (wud iss) est tout ce qui est donn la vision et na pasdexistence extrieure, comme toute image spectrale. Ainsi par exemple, lapparition delAnge Gabriel au Prophte dans limage de Diya al-Kalb, ou le verset qui dit Nous luienvoymes Notre Esprit (Gabriel), qui se prsenta elle (fa tamaala lah) sous la formedun homme parfait (Cor. 19/17). Ce que la personne peroit est le modle imag (mil)de la chose. Ce modle est vu oculairement par les prophtes dans la veille (yaqaa) et vuimaginalement par le commun des gens dans le songe (manm) 82. La rfrence dans latradition est le hadith selon lequel le jour de la rsurrection, la mort apparat sous la formedun blier qui est gorg entre le paradis et lenfer 83.

    azlexplique que ce rcit est purement image, car la forme reprsentative de la

    mort apparat aux yeux des gens et na pas dexistence relle84

    . Do la ncessit du tawlqui reconduit le sens son origine tymologique et donne crdit au rcit du Prophte enadmettant sa vracit.

    3- Lexistence imaginale (wud ayl) est tout ce qui apparat dans limagination dupercevant comme formes dtaches de la matire. azlrapporte le cas du Prophte quivoit Jonas dans deux plerines invoquant avec les monts les louanges de Dieu. Il expliqueque cest limage de Jonas que le Prophte a contempl. La contemplation signifie ici voiroculairement ce qui apparat imaginalement.

    4- Lexistence intelligible (wud aql) qui consiste saisir la signification (man) dunechose, en lui attribuant une fonction dtermine. Exemple de la main (yadd) qui signifie laforce (ba), ou de la plume (qalam) qui dsigne la transcription des sciences. La rfrence

    textuelle que azlmentionne est le hadith Dieu a fait fermenter par Sa main largiledAdam durant quarante jours 85 . La main de Dieu a ici une signification intelligible qui

    80. Nous avons tent une tude sur la connaissance chez azl, Lapport de azlaux fondements mystiqueset philosophiques de la connaissance et lobjection dIbn Arab la question de la vision de Dieu , Studia Islamica,2004/98-99, p. 131-156, Paris, Maisonneuve et Larose.

    81. AZL, Faysal al-tafriqa, d. Sulaymn Duny, Le Caire, 1961, p. 176-178.

    82. AZL, Qnn al-tawl, d. Mahmd B, Damas, d. al-Mabaa al-ilmiyya, 1993, p. 28.

    83. BUR, a(Les traditions prophtiques authentiques), IV, p. 117-118, n 4730 ; Muslim, IV, p. 2188, n 2849.

    84. AZL, Qnn al-tawl, p. 22 ; Faysal al-tafriqa, p. 179.

    85. IRQ, Tar al-Iy, IV, p. 277.

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    371HERMNEUTIQUE ET SYMBOLIQUE : LE TAWL CHEZ IBN ARAB

    nest ni la forme sensible (ou anatomique) ni limage reprsente. Elle dsigne les attributsdivins de force (ba), de don (at) et de privation (man) : La premire chose que Dieu acre est lIntellect (Aql) et a dit : cest par toi que Je donne et Je prive 86.

    LIntellect, signifi dans ce hadith par lAnge, est ce qui saisit les choses par sasubstance sraphique. Il est aussi le Calame qui inscrit les sciences et les sagesses dansle cur des prophtes et des saints par un mode intuitif qui est linspiration ( ilhm) et ledvoilement (kaf) : La premire chose que Dieu a cr est le Calame 87. Somme toute,laspect intelligible des choses permet dinterprter le texte rvl de faon adquate sansrecours aux tendances anthropomorphistes.

    5- Lexistence assimilable (wud abah) est lexistence dune chose similaire uneautre qui nexiste pas dans le sensible, limaginal ou lintelligible. Cette existence reconnat

    laspect anthropomorphique des attributs divins comme la joie, la colre, la patience, etc.Ces cinq modalits dexistence sont aussi des modes dinterprtation apprcis

    diffremment par les coles thologiques. Elles se prsentent de faon superpose. A dfautdun argument tangible (burhn) qui peut tayer le mode essentiel, linterprtation sensiblesavre ncessaire. Si celle-ci nest pas de mise, limaginal ou lintelligible prennent alors lerelais. azlremarque cependant que lusage non appropri de lune des interprtationspeut susciter des malentendus.

    Pour prvenir contre ces drives que les thologiens sattribuent mutuellementsous forme dincrimination (garement, dall et hrsie, bida), il instaure une rglehermneutique pour deux catgories de gens :

    1- Les croyants qui doivent suivre la lettre les dits de la tradition. Son livre Ilm al-awmm an ilm al-kalm (Interdire la masse ltude de la thologie, Le Caire, 1933) leur estdestin.

    2- Les hommes de la spculation (nur) parmi les thologiens qui ont des points devue divergents. Il leur a consacr plusieurs essais comme al-Iqtid fal-itiqd (Abrg dela doctrine religieuse, d. Ibrahim A. ubuku et Huseyin Atay, Ankara, 1962), al-Mustafmin ilm al-ul (Le meilleur des fondements de la jurisprudence, d. Bulaq, 2 vol., 1322h) etal-Qists al-mustaqm (La balance droite, d. Victor Chelhot, Beyrouth, 1983).

    Il attribue ces divergences des diffrences dopinions, de sources de renseignements,de tempraments, des confusions sur la signification des mots, etc. La rgle hermneutique

    pour les croyants est la foi (mn) et celle des hommes de la spculation est la certitude(yaqn) et largument tangible (burhn).

    Disons que le canon hermneutique prend chez azl deux significations : unesignification morale et thologique sur les usages de largumentation et les risquesque provoque lopinion personnelle (ray) dpourvue dassises scripturaires ; et unesignification philosophique et mystique sur la nature des versets quivoques ou caractreanthropomorphique. Cette deuxime signification a fait lobjet dune analyse consistantedans plusieurs de ses ptres comme al-Mann bihi alayr ahlih, awhir al-Qurn et

    86. SUYT, al-mi al-kabr, II, p. 126.

    87. IBNANBAL, Musnad, V, p. 317.

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    Mikt al-anwr(Le tabernacle des lumires) dans son commentaire du verset de la lumire(Cor. 24/35).Dans le Miktil crit : La Misricorde divine a fait quil y ait une relation dhomologie

    entre le monde visible et celui du Royaume cleste. En consquence, il ny a aucune chosedu premier qui ne soit un symbole (mil) de quelque chose du second [...]. Une chose estle symbole dune autre si elle la reprsente en vertu dune certaine similitude et si elle luicorrespond en vertu dune certaine corrlation 88. Dans le Mann il explique la diffrenceentre le mil qui est le semblable ou lidentique, et le mil qui dsigne le modle, le symboleou lexemple. Il applique cette distinction sur les versets ou les hadiths qui comportentces homologies comme la parole prophtique Celui qui me voit dans le sommeil me voitrellement, car Satan napparat pas selon mon image (lyatamaalu b) 89 .

    Cette explication renvoie lexistence sensible prcdemment cite et ncessite untawl imag. Par exemple, lintellect (aql) est compar au soleil mais il est diffrent dece dernier aussi bien dans le sens que dans la ralit. Leur ressemblance est purementsymbolique : lintellect illumine les formes intelligibles en les rendant claires et accessiblescomme le soleil qui illumine les corps sensibles en leur procurant visibilit et distinction.

    Les symboles coraniques et prophtiques comme le lait et la corde sont interprtsautrement. Le lait et la corde symbolisent respectivement la science et la religion, mais ilsne sont pas la science ni la religion : Le symbole (mil) explique la chose et le semblable(mil) ressemble la chose 90 (ns). Le symbole a une valeur hermneutique et heuristiquealors que le semblable se fait passer pour la chose quil dsigne. Certains aspects de cesymbolisme sont encore exposs de faon claire dans le awhir al-Qurn.

    azlrevient ici sur la question du symbole et de la mtaphore en disant que chaquechose du monde infrieur est un mil du monde suprieur 91. On a voulu rapprocher lidede azlde celle de Platon qui croit un archtype idal et immuable : Ce texte montreque azlveut dire que les choses dans le monde ontdes archtypes ou des symboles dansle monde cleste 92 (ns).

    Or azldit tout fait le contraire, cest--dire que les choses du monde matrielsontdes modles des formes intelligibles. Les choses mentionnes dans le texte coraniqueou prophtique comme le doigt, la main, le calame, le visage, le tabernacle, le verre, lalampe, etc. sont prendre comme des symboles dsignant des formes intelligibles oudes qualits morales comme par exemple le verset Il a fait descendre une eau du ciel

    laquelle des valles servent de lit, selon leur grandeur. Le flot dbord a charri une cumeflottante ; et semblable celle-ci est lcume provenant de ce quon porte fusion, dans lefeu pour fabriquer des bijoux et des ustensiles [...]. Ainsi, Dieu propose des paraboles (Cor.

    88. AZL, Mikt al-anwr, p. 205, in Rasil, Le Caire, [s. d.] ; Le Tabernacle des lumires, trad. R. Deladrire, Paris,seuil, 1981, p. 65-66.

    89. BUR, a, I, p. 38, n6984 ; Muslim, IV, p. 1775-1776, n 2266 et 2267.

    90. AZL, Madnn, p. 305, in Rasil, op. cit.

    91. AZL, awhir al-Qurn, d. critique M. Qubbn, Beyrouth, d. Dr iy al-ulm, 3e d., 1990, p. 48.

    92. mir NAR, Naart ffikr al-azl(Aperus de la pense de azl), Le Caire, d. af, 1989, p. 55.

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    13/17). Leau symbolise la science, les curs sont les valles et lcumefl

    ottante reprsentelgarement.azlintroduit ici une mtaphore pour distinguer le tafsrdutawl. Ce dernier est comme

    la pulpe (le fond des choses) masque par une corce qui reprsente lexplication littraledes mots (tafsr). Cest en allant au fond des termes et en pntrant lexistence imaginalequon pourra dcouvrir la face cache des symboles : Tout ce que ta comprhension peutcontenir, le Coran te linspire tel point que si tu lis pendant le rve sur la Tablette garde(al-Law al-maf), tout ce que tu vois se prsente toi dans un symbole appropri quincessite linterprtation (tabr). Sache que le tawl passe par la voie de linterprtationdes rves. Cest pourquoi nous avons dit que lexgte (mufassir) tourne autour de lcorce.Car celui qui traduit le sens de lanneau, de lintimit des femmes et des bouches nest pas

    comme celui qui peroit lappel la prire avant laube 93-94 .Le songe qui fait voir la ralit des choses derrire lcran des symboles nest pas un tat

    humain particulier, mais un mode dtre qui sclaircit ou se dvoile avec la mort daprs lehadith prcdemment cit 95. Ce dvoilement fait connatre aux gens que les symboles nesont que des corces et des coques sur la ralit essentielle des choses.

    Le dvoilement prend dans ce contexte le sens du tawl dans la mesure o ce dernierserait lannonce de la vrit dans le jugement dernier et la ralisation du chtiment ou de larcompense : Attendent-ils uniquement sa ralisation (tawlah) ? Le jour o sa ralisationviendra, ceux qui auparavant loubliaient diront : Les messagers de notre Seigneur sontvenus avec la vrit. Y a-t-il pour nous des intercesseurs qui puissent intercder en notrefaveur ? Ou pourrons-nous tre renvoys [sur terre], afin que nous uvrions autrementque ce que nous faisions auparavant ? (Cor. 7/53). Daprs azl, le monde dici-bas estcelui des songes o les choses apparaissent sous forme de symboles. Mais dans lau-del,lhomme atteint le noyau des choses en dcouvrant leur ralit vritable.

    5- LE SYMBOLISME DE LA SCIENCE ET DE LA CONNAISSANCE CHEZ IBN ARAB: PROCD

    HERMNEUTIQUE

    Lapport de azl lhermneutique soufie a influenc sans doute les discussionsdoctrinales jusqu Ibn Arab. Mme si lauteur de lIyna pas fond une thorie du tawlau sens dune exgse coranique vaste et cohrente, sa contribution pour linstaurationdun canon pour linterprtation est inestimable. Signalons en particulier le rapprochement

    entre la dimension cognitive (marifa) base sur la perception (idrk) quelle que soit sanature (sensible, intelligible, imaginale, etc.) et la sphre hermneutique.

    La proximit entre lpistmologie et linterprtation a t enrichie plus tard parnotre auteur explorant davantage cette problmatique dans un contexte plus large. Lesapproches contemporaines de lhermneutique dIbn Arabque nous avons examines

    93. Il dit dans le Mikt: Quand quelquun se voit en songe portant la main un anneau avec lequel il scelle labouche des hommes et lintimit des femmes, cela signifie que cest un muezzin qui fait lappel la prire du matinpendant le Ramadan (p. 207 ; trad. p. 68).

    94. AZL, awhir, p. 52.

    95. Cf. note 32.

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    374 MOHAMMED CHAOUKI ZINE

    au dbut de cette tude ne sont pas satisfaisantes pour la simple raison que le vocablehermneutique a t trop substantiv alors quil sagit, selon notre lecture dIbn Arab,dun adjectif.

    En donnant lhermneutique la forme dun pithte, nous prtendons ainsi uneprudence mthodologique afin dviter les conclusions htives qui finissent par tomberdans un contresens comme lapplication in situ de la wadat al-wud. O et comment IbnArabemploie la notion de tawl ? Luvre matresse reste sans doute les Futt al-Makkiyya(Les illuminations de La Mecque, Beyrouth, Dr Sdir, [s. d.], abrges Fut.). Dautres essaiscomme le Fu al-ikam (Les chatons des sagesses, d. Ab l-Al Aff, d. Zahra, 1992,abrges Fu.) et les ptres rassembles sous le titre Rasil Ibn Arabsont dune grandeimportance doctrinale.

    Le mot tawl est employ par Ibn Arab avec une extrme prcaution. Dans soncommentaire du verset Cest Lui qui vous donne forme dans les matrices, comme Il veut (Cor. 3/6), il attribue aux gens de linterprtation ou exgtes ( ahl al-tawl) lgarementdans leur explication de lacte de cration ou, plus exactement, la donation des formes(tawr).

    Daprs Ibn Arab, seul le nom divin al-Muawwir est charg de donner des formeset aucun autre nom divin, mme si les noms divins ne sont pas surajouts lEssencedivine (t). Il explique le tort des exgtes avec une certaine ironie pour montrer quilsseront interrogs sur leur interprtation le jour du jugement dernier, cest--dire envoyant le tawl (mal ou destine) de leur propre tawl : Quant aux exgtes, mme silssaccordent avec la science, ils ont tort en simmisant dans le tawl. Ils ont commis uninterdit auquel ils seront amens rpondre le jour de la rsurrection, eux et tous ceux quiparlent de Son Essence, Le transcendent de ce quIl a attribu Lui-mme, souscrivent aujugement de lintellect plutt que la foi et utilisent la spculation dans leur connaissancedu Seigneur 96.

    Dans un autre texte, il met carrment en garde contre lusage abusif de linterprtation : Il dit : sils sen tiennent lapparent (hir) de leur Livre, ils ne le rejettent pas derrireleur dos. Ce qui leur cause tort est le tawl. Sois prudent face ses excs 97 ! Ces mises engarde ne sont profres qu lencontre du tawl aql, celui qui use et abuse de la spculationdans la comprhension du texte coranique : Dieu a dit que seul celui dont le cur contientune aberration interprte les versets quivoques (mutabih) selon sa spculation 98.

    Mais quel est le motif du tawl ? Ibn Arabne se contente pas de dnoncer les abus delinterprtation et lusage de la vision spculative (naar) dans le commentaire des versets.Il veut surtout comprendre comment nat le dsir dinterprter et dattribuer aux motsdautres significations. Cest dans le chapitre 276 quil nous livre quelques lments derponse. La premire remarque quil faut signaler est la distinction quil tablit entre lascience (ilm) et linterprtation (tawl). La science signifie la saisie de la chose telle quelleest en elle-mme (per se), cest--dire directement, sans quune cause sinterpose entre le

    96. Fut., II, p. 407 (chap. 198).

    97. Fut., IV, p. 400 (chap. 588).

    98. Ibid., p. 527.

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    sujet qui peroit et lobjet peru. Lorsque la confusion sinstalle, cest--dire ds quunechose prend la forme (ra) dune autre, le sujet connaissant se heurte aux exigences delinterprtation. La perception imaginale joue ici un rle prpondrant.

    H. Corbin la rappel dans son Imagination cratrice. L o il y a imagination, il y aforcment du tawl, car dune part, les choses prennent lapparence dautres choses et,dautre part, lvidence et la certitude sont du ressort de la science. Or Ibn Arabboude letawl en raison du labs ou iltibs quil provoque, cest--dire la confusion ou lambigut 99.Pour viter ce labs, il prconise le tawl kaf(lhermneutique illuminative), une lumiremanant du mystre qui pntre dans la profondeur des choses afin de dvoiler leurralit essentielle. Cest cette voie, indice de la science authentique, qui est prne par lesinitis.

    En dautres termes, ce nest pas tant les ralits multiples et quivoques qui sontcontestes, alors quelles sont les formes piphaniques de la manifestation divine (taall),mais lusage non appropri de lintellect (aql) pour les interprter ou leur assigner uneseule et unique signification. Le tawl kaflou par Ibn Arabest celui qui a pour moyen deperception et dexpression le cur (qalb). Ce dernier est seul capable de saisir ce qui se faitet se dfait dans les tats spirituels (awl) et les ralits protiformes.

    Dans ce mode intuitif du tawl, les sciences ne sont pas acquises par les argumentsrationnels mais sont obtenues directement par inspiration, ce quIbn Arab appellelenseignement divin (ilm, talm, tarf, etc.) : La connaissance de Dieu ne provient quede Son information ou de ce quIl fait connatre ( tarif) lhomme. Elle ne dpend pas de lavision spculative. La seule personne qui accepte ce quIl fait connatre est le croyant 100. La foi (mn) a dans ce contexte une place importante dans le tawl dIbn Arab. Elle estlumire qui dvoile lenseignement divin et science vidente procurant la certitude 101.Afin de comprendre comment seffectue lenseignement manant de Dieu comme principehermneutique, il serait judicieux de se rfrer au chapitre 54 sur les allusions symboliques(irt).

    Ibn Arabcondense ici la somme de ses ides sur le tawl. Il explique que lallusionsymbolique (ira) est au soufisme ce que le commentaire (tafsr) est lexgse. Le modeintuitif mis en uvre par les initis est une sorte dexgse spirituelle qui a sa mthode etson vocabulaire. Lallusion symbolique mane delle mme et lexpression (ibra) est visibledans le monde sous forme de signes rigs (yt) daprs le verset Nous leur montrerons

    Nos signes dans lunivers (mot mot : les horizons) et en eux-mmes (Cor. 41/53).Le mot ira a t choisi pour une raison doctrinale, car si les initis avaient nommleur interprtation des versets tafsr, ils seraient alors dnigrs par les docteurs de laLoi. Laspect elliptique de leur discours est une forme de protection (wiqya) contre ledferlement des savants traditionnistes (ulam al-rusm). Les sagesses quils obtiennentpar enseignement direct sont trop leves pour tre connues. Ils recourent alors ce modedinterprtation qui nest quun genre particulier de tafsr (on se rappelle de aqiq al-

    99. Fut., II, p. 596 (chap. 276).

    100. Fut., IV, p. 7 (chap. 405).

    101. Fut., II, p. 599 (chap. 277).

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    tafsrde Sulam). Cette exgse subtile (tafsr) ncessite discrtion et prservation (satr) enemployant les images et les symboles.Ibn Arabreproche aux savants traditionnistes leur manque de tolrance vis--vis des

    mystiques initis, alors que leurs sciences sont acquises par instruction et effort spculatif : Ils ignorent que Dieu sest charg dinstruire certains de ses serviteurs dans leur secretintime, en leur enseignant ce quIl a rvl dans ses Livres et par la bouche de ses Prophtes.Ce quIl leur enseigne est la science authentique (ilm a) manant du Savant dont laperfection nest jamais mise en cause par le croyant 102.

    Lexgse spirituelle fait dcouvrir le sens du texte en perptuel renouvellement.Elle fait vivre la descente du Coran dans le cur des initis en remontant son originelorsquil a t rvl pour la premire fois au Prophte. Ibn Arabadmet donc lacception

    tymologique du tawl qui remonte la source, cest--dire lexprience vcue 103. Celle-ci consiste obtenir la science par inspiration (ilhm) faisant allusion au propos dAbYazd al-Bism(m. 255/849) ladresse des fuqah: Vous avez pris votre science dunmortel daprs un mortel et nous, nous avons obtenu notre science du Vivant qui ne meurtjamais.

    Lallusion symbolique (ira)comporte plusieurs lments qui la distingue des autresformes hermneutiques :

    1- Elle est exgse intuitive dont le mode dopration est le tawl kaf, lhermneutiqueilluminative ou le dvoilement.

    2- Elle est enseignement divin obtenu par inspiration (ilhm) comme le Prophte a

    obtenu les prceptes divins par rvlation (way).3- Elle constitue un systme de signes (vocabulaire, convention, etc.) dont lusage estrigoureusement codifi.

    4- Elle est caractrise par la pluralit des significations, en ce sens que le mot contientplusieurs aspects (wuh) permettant une multitude de comprhensions.

    Certains lments lexicographiques sont exposs dans le chapitre 418 dans lequelIbn Arabdistingue entre la science (ilm) qui sattache aux significations dtaches desmots, et la comprhension (fahm) qui se rapporte aux termes 104. Le fahm est plus globalque le ilm, car le mot auquel il sattache comporte le sens voulu par le locuteur et plusieurssignifications relatives la terminologie (la langue conventionnelle) ; alors que le ilm porte

    uniquement sur la terminologie et ignore lintention du locuteur

    105

    .Dans lexgse spirituelle, les initis qui comprennent la parole divine sont ceuxqui obtiennent la sagesse (ikma) et le dtail du prne (fal al-ib) daprs le verset EtNous renformes son royaume et lui donnmes la sagesse et le dtail du prne (ou lafacult de bien juger) (Cor. 38/20). La sagesse est mettre chaque chose la place qui lui

    102. Ibid.

    103. Fut., III, p. 453 (chap. 372).

    104. Fut., IV, p. 25 (chap. 418).

    105. Fut., III, p. 121 (chap. 332).

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    convient

    106

    . Sur le plan de lexgse spirituelle, cest donner aux versets la signifi

    cationadquate voulue par Dieu. Ibn Arabnexclut pas le risque dintrusion dides trangres lesprit du texte sous formes de doute ou dincertitude (ubha) attribuant un versetun sens quivoque. Les doutes (ubuht) jouent le rle de pirates dont les armes sont laspculation et linterprtation.

    Ibn Arabdveloppe cette image dans le chapitre 521 propos de la crainte pieuse ou lapit (taqw). Celle-ci protge liniti des alas du voyage. Etant donn que chacun effectueun voyage particulier 107, la voie sur laquelle il chemine est entoure de dangers. Dans ledomaine des formes intelligibles (maqlt), les corsaires sont le doute (ubha) et, dans ledomaine des prescriptions lgales (mart), ils reprsentent linterprtation des versetsquivoques (mutabiht). Seul liniti est labri de ces risques grce la crainte pieuse

    (taqw). Il reoit les voyageurs en assimilant avec quit toutes les sciences rationnelleset lgales, mais ne voyage pas. La taqw est les vivres qui lui pargnent les vicissitudes duparcours daprs le verset Et prenez vos provisions; mais vraiment la meilleure provisionest la pit (Cor. 2/197).

    Ibn Arabdcrit cette image en ces termes 108 : la terre ferme (barr) reprsente laspectapparent (hir) et la mer (bar) symbolise le sens sotrique (bin). Le voyage en mersignifie lusage de la spculation et du tawl pour interprter les prceptes lgaux. Levoyage en terre ferme veut dire se contenter de laspect extrieur de la Loi (ara). Lessoufis (les mystiques initis) effectuent les deux voyages sur un plan de ltre : le voyageterrestre est les formes piphaniques qui se manifestent eux, et le voyage en mer dsignelinterprtation sotrique de ces formes. Comme les gens de la spculation, les soufis ne

    sont pas labri des dangers que provoque le voyage, cest--dire la confusion ( labs) faceaux thophanies (taaliyyt) rcurrentes. Pour faire face ces intrusions spculatives ou lgarement dans la perception des thophanies, Ibn Arabrige lenseignement divin ensolution doctrinale.

    Le commentaire quil fait du verset (Cor. 2/7) 109 reste fidle la lettre. Il montre quelexplicite (mukam) et lquivoque (mutabih) doivent tre pris dans les limites de lnonccoranique. Les enracins dans la science (rasin fl-ilm) connaissent son interprtation(tawl) grce lenseignement divin, et non pas en vertu dun effort spculatif. Ils adhrent ses vrits par la lumire de la foi (dans le verset manna bihi ) et admettent les deuxaspects du Coran (explicite et quivoque), linstar des initis qui prennent la mer et laterre, ou bien ils sont emmens en voyage malgr eux, lexemple du voyage nocturne duProphte (isr) et son ascension cleste (mir) 110. Ils runissent ainsi lexpression (ibra)

    106. Fut., II, p. 163 (chap. 88).

    107. Sur la notion du voyage et ses implications spirituelles, v. IBN ARABKitb al-isfr an nati al-asfr, Haydara-bad, 1948 ; Le dvoilement des effets du voyage, trad. D. Gril, Paris, d. de lclat, 1994.

    108. Fut., IV, p. 164 (chap. 521).

    109. Voir par exemple Fut., I, p. 194-95 (chap. 27) ; Fut., III, p. 542 (chap. 388).

    110. K. al-isfr, p. 3 ; trad. D. Gril, p. 9.

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    et lallusion (ira), lacquisition (kasb) et le don (wahb), lextrieur (hir) et lintrieur(bin), etc.Cette runion nest pas un mcanisme rationnel mais une sorte de tawl kafqui accde

    lorigine dans la science divine, cest--dire en connaissant la vritable signification queDieu a tablie dans Son Livre. Le tawl kaf passe ncessairement par des modalits deperception qui ne sont pas le sensible ou lintelligible, mais la perception imaginale (ayl)qui sopre au niveau des songes. Cest pourquoi le tawl est souvent associ, chez Ibn Arab,au rve (ulm) et la vision imaginale (ruy) 111.

    Le mode dexpression du tawl est le tabrqui croise dans sa racine tymologique aveclexpression (ibra), le passage ou la traverse ( ubr), lobservation (itibr), la mditation(ibra). Cest autour de la racine -B-R que notre auteu