les sciences hors d'occident au vingtième siècle :...

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  • Maquette .ouvrage e,t mise en page: Nicole Zerbib

    Couverture: Olivier Blot, Orstom-Dist-ExpoPhoto de couverture: ,\" " .© Tom Van Sant/Geosphere project, S;rita' Moni2aiSciénce Photo Library© ORSTOM 1994ISBN 2-7099-1227-9

  • Ce colloque,

    conjointement organisé par "ORSTOM et rUNESCO,

    à roccasion du Cinquantenaire de la création de rlnstitut,

    a bénéficié du concours des

    Ministère français de la Coopération

    Ministère français des Affaires Etrangères

    Ministère de la Coopération des Pays-Bas

    Commission des Communautés Européennes

    (DG VIII - DG XII)

    Centre Technique Agricole de Wageningen'

  • SommaireComité et secrétariat scientifique 7

    Conférences inaugurales 9

    Première partie: HISTOIRE Il

    Session 1. Scientifiques en contexteBernard SCHLEMMER* 13

    Ateliers• Sciences du végétal et gestions coloniales de la nature tropicale. 13

    Christophe BONNEUIL*, Daniell\JORDMAN*• Les scientifiques: figures de proue et styles de science. 33

    MichaeIOSBORNE*• Sciences coloniale et post-coloniale: institutions et politiques.

    1ère partie: Du Nord... 49Patrick PETITJEAN*

    • Sciences coloniale et post-coloniale. institutions et politiques.2ème partie: ...au Sud. 61

    Leoncio LOPEZ-OCON*

    Session 2. Courants et controverses: la mutation des paradigmes 77Terry SHINN*

    Ateliers• Le changement des idées dans les sciences de la santé. 77

    Anne-Marie MOULlN*, Ebrahim SAMBA*• Des sciences naturelles aux sciences de l'environnement.

    Alain RUELLAN* 81• Idées et disciplines directrices en sciences sociales. 105• Représentations et popularisations de la science: musées. médias... JI 3• Structures épistémologiques des relations Nord-Sud. 121

    Terry SHINN*

    Session 3. Aires culturelles et transferts de science 127Patrick PETITJEAN*

    Ateliers• Modèles. écoles, champ scientifique: transfert et traductions. 127

    Venni V KRISHNA*• Innovations et résistance des modèles techniques en agriculture. 133

    Pascal BYÉ*• Maladies, médecine: visions du monde. 141

    Anne-Marie MOULlN*• Science et nationalisme. 151

    Deepak KUMAR*. Patrick PETITJEAN*• Apprentissage et transfert des connaissances à l'industrie

    dans les pays en développement. 169Rigas ARVAN ITIS*, Stephen HILL*

  • Deuxième partie: ENJEUX 185

    Session 4. Etat des sciences au Sud - Enjeux 181Robert CABANES*

    Ateliers• Etat des lieux (approches scientométriques). 187

    Tibor BRAUN*, Andras SCHUBERT*• Comparaisons entre la science métropolitaine destinée

    au Sud et celle destinée au Nord. 207Jack SPAAPEN*

    • Réponses du Sud aux sciences du Nord:assimilation, autonomie. contre-hégémonie 213

    Terry SHINN*• Femmes, science, technologie et développement. 219

    Geoffrey OLDHAM*• Le difficile dialogue entre chercheurs et acteurs du développement 221

    Pierre CALAME*

    Session S. Science et développement 223Roland WAAST*

    Tables rondes et Ateliers• Faut-il au tiers-monde des sciences ou des techniques? 223

    Martine BARRÈRE*, Gérard WINTER*• Internationalisation et privatisation: une politique scientifique

    est-elle encore possible au Sud? 231• Transmission des savoirs scientifiques (dans et hors t'école). 241

    André CAUTY*• Les enjeux post-Rio: environnement et développement 253

    Christian LÉVÊQUE*- Enjeux de la biodiversité 253- La dimension internationale des questions d'environnement 257

    Session 6. Politiques de coopération scientifiqu~ et technique 263Jacques GAILLARD*

    Tables rondes et Ateliers• Critères de choix des programmes de coopération

    scientifique et technique. 263Thomas EISEMON*, Michel LEVALLOIS*

    • Réseaux, partenariats, centres d'excellence: la variétédes modalités et leur critique. 287

    Marie de LATTRE-GASQUET*, Moktar TOURÉ*• Les coopérations vues du Sud: évaluations. 305

    Hebe VESSURI*• Fuite et retour des cerveaux: les migrations scientifiques internationales 309

    Jean-Baptiste MEYERCertains résumés parvenus ou traduits tardivement feront l'objet d'un additif

    INDEX DES AUTEURS

    * Responsables de Sessions ou d'Ateliers ou de Tables rondes

    317

  • ~quipe 'echniqueJacqueline ROUBY - Cécile DEPONT ,sous la responsabilité de Laurence PORGES

    Maquette et mise en page Nicole ZERBIB

  • les conférencesdu Colloque

    Conférence inaugurale

    Georges BALANDIER

    Conférence exceptionnelle

    de Jonathan MA~I N

    suivie d'une Table Ronde autour de

    Jonathan MANN

    Conférences de sessions

    Lawrence BUSCH

    Robert HALLEUX

    Geoffrey OLDHAM

    Albert SASSON

    Simon SCHWARTZMAN

  • Première Partie

  • SCIENCES DU VÉGÉTAL ET GESTIONS COLONIÀLES DE lA NAJURE TROPI

    Atelier

    DeoulS colonial for"'ier et politiqu"" mi", en~vre dans l'empire français

    Anne BERGERET*

    Immergés dans une relation à la nature qui, dans la culture européenne, futlargement caractérisée par une domination de l'homme sur la nature, lesforestiers formés à partir de 1825 par la prestigieuse Ecole forestière de Nancy,perçurent les régions conquises à travers le prisme d'un regard modelé à la foispar l'imaginaire européen, les doctrines économiques de l'époque, l'idéologiede la domination coloniale et le référentiel forestier français.

    Tout d'abord, il convient de relativiser le mythe de l'équilibre naturel desforêts tropicales demeurées inviolées jusqu'aux conquêtes coloniales.L'histoire des forêts tropicales fut marquée par une succession de perturba-tions suivies de régénérations plus ou moins proches de l'état antérieur. Sicertaines populations forestières modifièrent peu leur milieu naturel. c'estparce qu'elles se pensaient dans la forêt. et non en dehors d'elle. Des rituelsd'alliance ou de restitution visaient à assurer le renouvellement et la perma-nence des ressources. Toutefois, ces forêts et leurs habitants ne furent pastoujours épargnés par les raids et les guerres. Comme on le sait. les expédi-tions militaires s'accompagnent fréquemment de destructions. La conquêtefrançaise ne fit pas exception, tant s'en faut. C'est avec des moyens plus puis-sants et plus destructeurs que des politiques de «terre brûlée» furent mises enoeuvre. En outre, à l'instar des militaires, les administrateurs qui prirent larelève considéraient les forêts et zones boisées comme autant de refuges pourde potentiels rebelles.

    Conquérants et colonisateurs étaient imprégnés de l'imaginaire européen dela forêt. Face à la forêt tropicale, étrange parce que réellement étrangère à leurmilieu d'origine, la perception des colonisateurs oscille entre la sensation«d'enfer vert», de désordre sauvage, de fouillis végétal, de dangers mal identi-fiables, et la représentation inverse : éblouissante profusion, richesse sanslimites, opulence d'un âge d'or de forêts longtemps perçues comme viergesparce qu'habitées seulement par des indigènes primitifs et «sauvages» à l'ins-

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  • SC ENCES DU VÉGÉTAL ET GESnONS COLONIALES DE LA NATURE TROPICALE

    tar des fauves, donc incapable de «maîtriser la forêb>. Aux colonisateursincombe donc la mission de domestiquer la forêt, par une mise en ordrerationnel et de civiliser les populations primitives qui y vivent.

    A cet égard, les agriculteurs sur brûlis ainsi q!Je les pasteurs nomades seronttoujours perçus comme des prédateurs improductifs. Le modèle idéal est leréférentiel français, incarnation de la civilisation: le paysan-éleveur sédentaireexploitant une propriété privée qui, comme l'ont démontré les Physiocrates,constitue l'assise de la prospérité des nations.

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  • SCIENCES DU VÉGÉTAL ET GESTIONS COLONIALES DE LA NA1'URE TROPI

    Atelier

    rJrodUCtiOn générale et/ou la naissance de l'agre-13mie tropicale française (1890-1930)

    Christophe BONNEUIL*

    Bien que cette idée soit absente des manuels d'histoire de l'expansion euro-péenne. de nombreux travaux suggèrent à quel point l'emprise coloniale surles ressources naturelles, le contrôle des rapports à la nature des sociétésdominées et les savoirs sur la nature tropicale se sont développés dans unmouvement commun et relèvent d'une même histoire.

    Le concept de tropicalité lui-même s'est forgé en Europe dans le contexte del'expansion: nature exubérante et fertile, nature hostile obstacle à la conquêteet à la civilisation, nature sauvage à domestiquer et mettre en valeur. naturemenacée à entretenir ou protéger... Ces visions furent étroitement marquéespar les préoccupations et les intérêts successifs des observateurs.

    L'atelier explorera précisément le développement des sciences du végétal sousles tropiques dans ses relations avec les modes de gestion de la nature et deses ressources mis en oeuvre par les pouvoirs coloniaux.

    On examinera la dynamique de l'essor des recherches végétales -telles l'agro-nomie tropicale, l'écologie et la foresterie tropicale- sous les tropiques: struc-turation de communautés. de disciplines, de traditions de recherche scienti-fiques. dispositifs de construction et de circulation des savoirs, etc. Parmi lesparamètres qui seront soulignés par les intervenants, signalons dès mainte-nant:

    • la demande variable de science induite par les différents systèmes d'exploi-tation (colonie de peuplement. grandes concessions, plantations euro-péennes, traite des produits de l'agriculture indigène. etc.), par les différentespratiques administratives ou entrepreuneuriales sur le terrain (place de larecherche dans différentes entreprises privées, conditions matérielles de larecherche, rapports des administrateurs à la science, pressions utilitairesvariables. etc.) ;

    * REHSEIS (Recherches épistémologiques et historique sur les sciences exactes et lesinstitutions scientifiques), Paris - France

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  • SCIE CES DU VÉGÉTAL ET GESTIONS COLONIALES DE LA NitruRE TROPICALE

    • la structure diverse du champ des sciences du végétal dans les métropoles,les styles dominants et leur dynam"ïsme d'expansion vers l'Empire (poids desbiologistes fondamentaux, des naturalistes. caractéristiques et degré d'institu-tionnalisation de l'agronomie et de la foresterie, etc.).

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  • SCIENCES DU VÉGÉTAL ET GESTIONS COLONIALES DE lA NATURE TROPll

    Atelier

    fJ siècle de cartDgr

  • SOE1ŒS DU VÉGÉTAl nGESnONS COLONIAlES DE lA NATURE TROPICALE

    Après la Première Guerre mondiale, la création, par le gouverneur Lamblin,d'un réseau routier de 4 200 km en cinq ans marque un tournant, d'autantplus que les populations sont regroupées au long de ces axes carrossables:administrateurs, commerçants, missionnaires les empruntent; il n'y a plusguère que les prospecteurs miniers et les chasseurs pour s'aventurer dans levaste hinterland. Des documents cartographiques inédits montrent que lescompagnies minières accomplirent un important travail de prospection à larecherche de l'or et du diamant essentiellement. la seule mission scientifiqueofficielle du début du siècle fut celle du Professeur A. Chevalier (1902-1904).

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  • SCIENCES DU VÉGÉTAL ET GESIIONS COLONIALES DE LA NATURE TROPI LE

    Atelier

    ~PolitiqUe forestière c10niale britannique en Inde

    d Sud. une politique non scientifique ou inadap-té?

    Marlène BUCHY·

    Le district de Nord Canara est situé au nord de l'Etat du Karnataka face à lamer d'Oman à la limite du territoire de Goa. D'une superficie de 10291 km2,le district administrativement découpé en Il taluks, peut être subdivisé entrois zones géographique:

    - la zone côtière, au climat chaud et humide;- la zone de montagne des Ghats occidentaux dont l'altitude s'étend

    entre 300 et 1 000 mètres, très humide vers le Sud;- la zone de transition vers le plateau du Karnataka et le district de

    Dharwar, plus sèche.

    En suivant le relief et le climat. plusieurs communautés rurales distinctes ontélaboré différents systèmes de production agricole et pastoral : les rizièresbordées de cocoteraies occupent la plaine, les jardins d'épices ont été instal-lés au coeur de la montagne boisée et l'élevage extensif de bovidés occupe leplateau. Les zones de sols ferralitiques recouvertes de forêts sont entrecou-pées de zones alluvionnaires abritant l'agriculture.

    Ces forêts produisent également le bois d'oeuvre et le bois combustible ainsiqu'un nombre impressionnant de produit forestiers mineurs. Ces produits peuprisés par les marchés coloniaux, exception faite de certaines épices, jouaientun rôle important dans la vie quotidienne des sociétés paysannes locales. Lefonctionnement des systèmes de production et dans une certaine mesure leursurvie, dépendaient du libre accès au milieu naturel.

    Les forêts du district étaient riches en bois durs (Teetona grandis. Terminaliasp.), indispensables à la construction des navires britanniques puis, plus tard,au développement du 'chemin de fer. Très vite un conflit d'intérêt entre l'Etatet les populations locales s'est développé.

    Lecturer, School of Agricultural and Forest Sciences, University College of NorthWales, Bangor, United Kingdom

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  • SCIE CES DU VÉGÉTAL ET GESTIONS COLONIALES DE LA NATURE TROPICALE

    Cette communication présente les principales caractéristiques de la politiqueforestière britannique dont la stratégie reposait essentiellement sur la mise enplace d'une législation forestière complexe et autoritaire, un découpage arbi-traire des terres forestières, excluant les populations locales, et la préparationdes plans d'aménagements forestiers, prétendus garants d'une exploitationéquilibrée.

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    HISTOIRE

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    Le nouveau découpage administratif de la forêt, soutenu par un code forestierélaboré, avait pour but princip~1 de faciliter l'application de la foresteriemoderne dont les principes sont exposés dans les Working Plans (plansd'aménagement forestiers) mais aussi de contrôler l'accès à la forêt ainsi quede limiter au strict minimum l'ampleur de l'exploitation forestière privée.

    L'héritage colonial pèse lourd dans la gestion forestière contemporaineindienne. L'orientation de la politique forestière a eu des conséquences impor-tantes à différents niveaux: le paysage forestier s'est sensi~lement modifié, lapression sur le milieu s'est accrue à certains endroits, l'agriculture locale a étéfortement perturbée, la relation entre la population et les forestiers s'esttendue et aggravée.

    L'analyse de l'idéologie politique et scientifique de la foresterie colonialebritannique, elle-même fortement influencée par les idées continentales, peutnous aider en partie à démêler la crise sociale et politique que traverse ledistrict d'Uttara Kanada, en cette fin de vingtième siècle.

    La recherche est essentiellement basée sur la lecture des archives colonialesbritanniques conservées à Londres ainsi que dans différentes villes indiennes.Les données se rapportent pour la plupart, à la forêt du district de NordCanara (Uttara Kanada) dans les Ghats occidentaux, de l'Etat du Karnataka enInde du Sud.

  • SCIENCES DU VÉGÉTAL ET GESll0NS COLONIALES DE LA NA1'URE TROPI LE

    Atelier

    ~i toire, idéologie et impact social des politiques

    co oniales et néocoloniales pour la préservation del'e vironnement en Afrique subsaharienne

    Richard H. GROVE*

    Depuis une vingtaine d'années, les dimensions écologiques de l'impérialismeeuropéen font l'objet d'une nouvelle et foisonnante historiographie. j'enexposerai de façon critique les principales thèses et résultats. j'analyseraiensuite, suivant les régions, l'impact européen sur l'environnement: ainsi queses effets sur la formation de politiques et d'idéologies de conservation (dessols, des forêts, des eaux). comme d'organisation de la chasse.

    En cherchant à comprendre la dynamique des conflits d'aménagement etd'occupation des sols, ainsi que les origines de certaines phases coloniales etpost-coloniales de résistance et de rébellion, nous percevons de mieux enmieux la nécessité d'étudier attentivement les motivations et les idéologiesqui ont présidé aux stratégies européennes d'aménagement en Afrique, leursorigines intellectuelles et leurs connexions hors d'Afrique, les variantes localesqui se sont développées comme alternatives aux directives générales de lapolitique coloniale. On peut voir en cela un exercice quelque peu révision-niste. Cet exercice est cependant indispensable. Il implique une meilleureappréhension de l'histoire institutionnelle des organismes ou lobbies concer-nés par l'aménagement du territoire, et de l'histoire des communautés scien-tifiques. Il n'est absolument pas satisfaisant ni rigoureux sur le plan historiquede considérer les stratégies coloniales de préservation de l'environnementcomme une simple extension du bras oppresseur de l'administration colo-niale, même si cela était souvent le cas. Au contraire, elles constituent undéveloppement curieusement paradoxal dans l'histoire de l'impérialisme, desurcroît un développement fréquemment novateur, axé sur la recherche etrelativement sensible aux conditions locales, notamment en Afrique occiden-tale.

    En un sens, l'Afrique subsaharienne est le lieu idéal pour étudier l'évolutiondes réactions coloniales à l'environnement et à ses changements, car ellepossède une histoire écrite plus ancienne que presque toutes les autresrégions du monde colonisé dans lesquelles l'environnement a été modifié. En

    * Chercheur, Research School of Social Sciences, Australian National University,Canberra (Australie)

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  • SCIE CES DU VÉGÉTAL ET GESTIONS COLONIALES DE LA NATURE TROPICALE

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  • SCIENCES DU VÉGÉTAL ET GESTIONS COLONIALES DE LA NATURE TROPlm~E

    riques, idéologiques et pratiques ; ils entretenaient les mêmes controversesdans leurs relations respectives avec les centres impériaux.

    Il est difficile de généraliser à l'échelle subsaharienne l'histoire et le caractèredes politiques coloniales de défense de l'environnement de 1800 à 1960... Ilest encore plus difficile de généraliser sur la signification des constructionspré-coloniales de la nature, des pratiques coloniales d'aménagement du terri-toire et des réactions des autochtones face aux interventions des Européenssur la nature. Dans le cadre de cet exposé, l'histoire des réactions indigènessera secondaire par rapport au thème central de l'évolution des politiquesdans ce domaine. Il s'agit sans nul doute d'une distinction arbitraire, puisquel'histoire de la résistance populaire aux politiques coloniales d'environnementa énormément compté dans l'histoire politique de l'Afrique subsaharienne etdans l'évolution de ces politiques. Dans la mesure où l'on peut distinguer laprotection des sols, des forêts et des eaux, l'élément chronologique s'avèredéterminant dans les colonies africaines. Jusqu'en 1925, en général. la préser-vation de l'environnement par l'état se situait essentiellement au niveau de laprotection des forêts. Par la suite, la conservation des sols devint prédomi-nante, notamment dans certaines colonies, alors que dans d'autres territoireselle ne constitua jamais un enjeu politique déterminant. Parallèlement, lapréservation du gibier, bien que moins ancienne que la préservation desforêts, se développait à sa manière. On peut affirmer qu'en règle générale, cestrois aspects de la défense environnementale sont restés nettement séparés,'parfois même fortement contradictoires, dans la majorité des colonies. EnAfrique britannique et francophone, la préservation des forêts était générale-ment régie par les traditions de l'Inde et de l'Asie du Sud-Est. Beaucoup plusexclusive que la conservation des sols, on peut dire qu'elle a profité davantageà l'état colonial au détriment du paysage, notamment dans la ceinture fores-tière équatoriale de l'Afrique occidentale. En outre, d'un point de vue histo-rique et pratique, les plans de conservation des forêts étaient plus complexesque ceux de la conservation des sols. Ils ont influencé les pratiques gouver-nementales en matière de défense de l'environnement ainsi que l'orientationdes institutions créées à cet effet bien au-delà de l'Afrique, en particulier auxEtats-Unis, où les premiers partisans d'un office fédéral des forêts étaientfortement influencés par les précédents et la propagande de l'Afrique australe,et de l'Inde dans une moindre mesure.

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  • SCIENCES DU VÉGÉTAL ET GESTIONS COLONIALES DE LA NAJURE TROPI LE

    Atelier

    IJ professionnalisation des agronomes coloniauxljnçais : "école de Nogent

    Mina KLEICHE*

    Créée en 1902, dans le Jardin colonial fondé trois ans plutôt, l'école nationalesupérieure d'agriculture coloniale de Nogent (ENSAC). a pour vocation laformation des cadres des services agricoles des colonies françaises. Cet ensei-gnement agricole spécialisé a pour but d'aider l'installation d'une agriculturede type «moderne»(I) dans le nouvel Empire colonial français.

    L'école de Nogent est basée de par son organisation sur le modèle de l'écolecoloniale, formatrice des cadres de l'administration coloniale et fortementinspirée dans son contenu des écoles nationales d'agriculture métropolitaines.

    Cependant. très concurrencée dès le départ par les écoles dont elle s'inspireainsi que sur un autre plan par le Muséum, l'école de Nogent va au gré desréformes devenir le passage obligé de tout agronome désireux d'effectuer unecarrière dans les territoires d'outre-mer.

    En effet. de la formation de techniciens capables d'encadrer et de structurerdes exploitations agricoles. sortira, de Nogent. un nouveau groupe de cher-cheurs spécialisés: les ingénieurs d'agronomie tropicale(2) ouvrant undomaine de recherche nouveau: l'agronomie tropicale.

    L'évolution des noms de baptême de l'Ecole traduit la volonté de se démar-quer du politique et de construire une discipline nouvelle: l'agronomie tropi-cale, corps de connaissances autonomes.

    Qui est à l'origine de la création de l'ENSAC? Pourquoi créer une école alorsque la chaire ou les conférences sur les cultures coloniales existent déjà en cedébut du XXe siècle dans les écoles d'agriculture, au Muséum et dans les

    * Recherches épistémologiques et historiques sur les sciences exactes et les institu-tions sciemifiques.(1) Rapport du ministre des Colonies suivi d'un décret du 29/03/1902 créant l'ENSAC.(2) Le terme apparaît officiellement pour la première fois dans le décret du 03/08/1920.

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  • SCIE CES DU VÉGÉTAL ET GESTIONS COLONIALES DE LA NATURE TROPICALE

    universités? Pourquoi la créer en métropole alors qu'elle est destinée aux colo-nies? En quoi l'école de Nogent se démarque-t-elle des autres écoles d'agri-culture métropolitaines ou des colonies?

    L'école de Nogent s'organise en même temps que les services agricoles colo-niaux dont elle forme les cadres. Cela nous amènera à nous pencher sur l'his-toire de l'administration coloniale. Comment fonctionne le ministère desColonies, au niveau de l'administration centrale à Paris d'une part. et auniveau de l'administration locale d'autre part? Comment fonctionnent lesservices de la recherche agronomique?

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  • SCIENCES DU VÉGÉTAL ET GESTIONS COLONIALES DE LA NATURE IROPI

    Atelier

    !Jions européennes: les sciences, les tropiques elljonqUête de la nature

    Michael A. OS&ORNE*

    Le concept même de «tropiques» est indissolublement lié à la vision euro-péenne des colonies. Les tropiques étaient et continuent d'être considéréscomme des régions fertiles et productives du globe, gorgées de vie. Dans lesannées qui ont précédé la fondation de l'ORSTOM, la valeur d'une colonie semesurait à la magnitude ses différences avec la France. Commercialement. lescolonies françaises étaient censées produire des denrées «exotiques». Au XIXesiècle, étaient «exotiques» tous les produits que la métropole ne pouvaitproduire elle-même, comme le tabac de qualité, les gousses de vanille ou lesucre de canne. Tout ce qui passait à l'époque pour exotique était lié auxtropiques, ou aux productions de régions proches des tropiques que la Frances'efforçait de modeler en environnement tropical modifié. Au début du siècle,les colonies offraient encore en abondance fruits et autres denrées exotiquesprisés du public. Mais elles offraient surtout un autre produit dont manquaitla métropole, à savoir des hommes pour le service militaire et la main-d'oeuvre; ainsi des milliers de soldats venus des colonies ont combattu lorsde la Grande Guerre, et plus tard, au moment de la fondation de l'ORSTOMsous la France de Vichy, les colonies devaient de nouveau fournir des soldatspour les armées de la Seconde Guerre mondiale.

    Aux yeux des Français, la productivité potentiellement extraordinaire desmilieux tropicaux et parfois pré-tropicaux nécessitait une rationalisation etune gestion scientifique. Au XIXe siècle, l'économiste et démographe JulesDuval définissait l'essence de la colonisation comme «l'exploration, le peuple-ment et le défrichement agricole du globe». Pour lui, les Français étaient desti-nés à coloniser le milieu tropical et ày mettre de l'ordre en vertu de leur supé-riorité scientifique. La science devenait plus qu'une alliée: elle était la clef. Levéritable combat, selon Duval. opposait les colons «à une nature sauvage etindomptée... ennemie farouche» non encore adoucie par

  • S(IENCES DU VÉGÉTAL ET GESTIONS COLONIALES DE LA NATURE TROPICALE

    coloniales, devenait une chose à dompter. Pourtant, la France avait besoin despeuples colonisés. Comme l'a formulé un contemporain de Duval, Africainset colons devraient unir leurs forces «afin de lutter contre (un) ennemi invi-sible plus formidable que l'homme -le c1imat.»

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  • SCIENCES DU VÉGÉTAL ET GES110NS COLONIALES DE LA NATURE 'rROPIDlllE

    Atelier

    ~• mpire. notre miroir: réflexions sur la recherche

    a onomique pour le développement dans lem nde colonial et post-colonial

    Paolo PALLADINO·

    Depuis la fin des années 1960, les critiques exprimées à l'égard de la «révo-lution verte» portent largement sur la relation entre l'innovation scientifiquevisant à accroître la productivité agricole et la distribution équitable des coûtset des bénéfices aux producteurs des pays moins développés d'Asie etd'Afrique. L'introduction de variétés de riz, de blé et de maïs à haut rende-ment, alliée aux changements concomitants des pratiques agronomiques(avec tout ce que cela impliquait comme dépendance directe ou indirecte vis-à-vis des compétences techniques nord-américaines et européennes),semblent avoir amoindri l'indépendance économique des cultivateurs etaugmenté les inégalités entre les membres les plus riches et les plus pauvresde ce groupe. Cette situation a conduit à considérer les sciences appliquéesau développement économique comme un vecteur du néocolonialisme, unethèse largement soutenue par les historiens qui s'intéressent au lien entre lessciences et l'impérialisme. Ces derniers ont beaucoup étudié l'émergence.dans les comptoirs impériaux de la Grande-Bretagne, de la France et des Etats-Unis, de sciences nettement impérialistes. Impérialistes car la médecine etl'agriculture tropicales se caractérisaient par une approche pragmatique, verti-cale et technocratique qui recouvrait une définition très limitée des problèmessocio-économiques en présence, afin de favoriser les visées politiques despuissances impériales. Si cette perspective historique était plus que superfi-ciellement comparative, il faudrait alors réétudier sérieusement la différenceentre les sciences orientées vers le monde colonial (ou post-colonial) et lessciences des métropoles nord-américaines et européennes. Tel est le sujet dema communication.

    Je passerai d'abord en revue la littérature relative à "organisation des institutsnationaux de recherche agricole, notamment en matière d'amélioration descultures et de recherche agronomique, tels qu'ils se sont développés enFrance, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne dans la première moitié de notresiècle. Je suggère que, malgré d'importantes différences entre les expériencesde ces trois pays (comme on pouvait s'y attendre étant donné leurs histoiressociales et politiques propres), les objectifs de leurs institutions respectives

    * Assistant Chercheur, Wellcome Unit for the History of Medicine, University ofManchester (Royaume Uni)

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    HISTOIRE

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  • SCIENCES DU VÉGÉTAL ET GESTIONS COLONIALES DE lA NATURE TROPICALE

    étaient les mêmes, à savoir imposer l'agriculture comme partie intégrante dela société industrielle moderne et comme un marché mondial d'aliments peucoûteux destiné à nourrir les classes laborieuses toujours agitées. De plus, cetobjectif commun fut réalisé avec des moyens similaires, c'est-à-dire en adop-tant partout une approche intégrée, pragmatique et verticale qui était fonda-mentalement technocratique dans sa redéfinition des problèmes de l'écono-mie agricole en problèmes de biologie appliquée. Peu d'attention fut accordéeaux répercussions socio-économiques de cette définition réductrice sur l'or-ganisation sociale de la vie rurale: en fait, ces problèmes étaient parfois redé-finis eux aussi comme techniques plutôt que politiques, afin de les rendre«gérablesl> par les agronomes et les sociologues du monde rural.

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  • SCIENCES DU VÉGÉTAL ET GESnONS COLONIALES DE lA NAJLlRE TROPI LE

    Atelier

    ~planteurs privés au service des sciences fonda-

    m ntales? Expérience des stations sucrières expéri-m ntales de java (1885-1940)

    Wim J. Van Der SCHaaR·

    Sans nul doute, la biologie fut l'une des sciences coloniales les plus en vogueaux 1ge et 20e siècles. Elle avait sans doute quelques liens avec "agriculture,bien que cet aspect soit rarement documenté par la littérature historique. La«biologie coloniale» apparaît comme un étrange mélange de «plantes utiles»,d'expéditions plus ou moins périlleuses, de rares et magnifiques orchidées,d'oiseaux de paradis, et de jardins botaniques nationaux, souvent associés (etcomme tels dépréciés) à des collections de spécimens et à la recherche «seule-ment appliquée». Il est significatif. à cet égard, que les stations agricoles expé-rimentales soient parfois appelées «stations d'essais», ce qui implique qu'ellesétaient simplement destinées à effectuer des tests de routine sur les engrais,etc, Cela est vrai dans certains cas, et faux dans d'autres.

    Dans cet exposé, je me propose d'analyser l'angle sous lequel les programmesde recherche ont été mis au point et de souligner le caractère scientifique desstations agricoles expérimentales coloniales et privées dans les anciennesIndes orientales néerlandaises (actuellement l'Indonésie). je ne prétends pascréer une galerie de «grands scientifiques» ni dénoncer les «outils de l'exploi-tation». je m'efforcerai simplement de situer les chercheurs, la recherchescientifique et les instituts de recherche dans le contexte particulier des colo-nies.

    Mon héros sera la Station sucrière expérimentale de Java. Sur cette île, laculture extensive de la canne à sucre fut déterminante dans l'évolution de lasociété, de l'économie, de l'agriculture, de l'écologie coloniales etc. et elle aégalement été modelée en retour par des contraintes sociales, politiques,hydrologiques, technologiques et autres. De la même manière, la recherchescientifique conditionnait (et elle a été conditionnée par) les divers contextesspécifiques des entreprises coloniales agricoles sous les tropiques. On peutétablir une comparaison (des contemporains l'ont souvent fait) avec laStation sucrière expérimentale de l'Association hawaïenne des planteurs decanne à sucre.

    * Chercheur, Institut de l'histoire des Sciences, Université d'Utrecht (Pays-Bas)

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  • SCIE CES DU VÉGÉTAL ET GESTIONS COLONIALES DE LA NATURE IROPICALE

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  • SCIENCES DU VÉG~AL ET GESTIONS COLONIALES DE lA NAlURE TROPllques» et chercheurs «théoriques». De plus, au fil du temps, le contrôle desstations expérimentales passa des planteurs des Indes orientales aux conseilsd'administration des Pays-Bas et à leurs agents.

    L'extension des activités de recherche et de vulgarisation imposait desexigences spécifiques à l'organisation des stations expérimentales et provo-quait des réflexions sur les liens entre science fondamentale et science appli-quée. Des directeurs de station expérimentale comme le botaniste v.j.Koningsberger (1926-1934), nommé pour élever la tenue scientifique de lastation préféraient une recherche de nature plus fondamentale, plus biolo-gique. Cela s'expliquait. en partie, par une rivalité entre les biologistes desuniversités hollandaises et les agronomes, exacerbée en 1918 par l'institution-nalisation de l'agronomie au niveau universitaire à Wageningen au Pays-Bas.Cette situation fut remise en cause dans les années 30, quand les stationsexpérimentales durent économiser et que la recherche plus fondamentale futcontestée. .....

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  • LES selENllFIQUES : FIGURES DE PROUE ET STYLES DE sel NeE

    Atelier

    Otures scientifiques de la médecine militlire enljérie: autour de la figure de Laveran

    Yamina BETTAHAR*

    La médecine militaire offre un terrain privilégié pour mesurer l'utilité et ladiffusion de la science européenne hors d'Occident.

    En Algérie, la médecine militaire française s'est constituée en véritable instru-ment au service de la politique coloniale. En effet. face aux grands fléauxauxquels durent faire face les troupes du corps expéditionnaire de l'arméefrançaise d'occupation, il fallait à la fois prévenir et guérir des maladies etépidémies largement répandues comme la dysenterie, le paludisme, la varioleet la peste.

    Face à ces grands fléaux, les médecins militaires durent combiner la fonctionmilitaire à une activité médicale savante. La nécessité imposée par cettedouble fonction joua un rôle majeur dans les découvertes opérées par certainsmédecins. De façon générale, le séjour au Maghreb, et tout particulièrementen Algérie, s'avéra pour quelques médecins, particulièrement fructueux sur leplan intellectuel et institutionnel. favorisa, pour certains, la découverte d'unevocation scientifique.

    Parmi ces médecins, Ch. L.A. Laveran attire le premier notre attention: cecipour plusieurs raisons. De 1878 à 1883, ce praticien issu d'une lignée demédecins militaires alsaciens, inspecteur des armées et directeur du Val-de-Grâce, est affecté en Algérie, à l'hôpital militaire de Constantine. Durant sonséjour, confronté aux épidémies et à diverses maladies qui sévissent dans l'estalgérien, il découvre l'agent responsable de la transmission du paludisme. Nuldoute que son séjour algérien et sa découverte détermineront sa vocationscientifique, puisque dès 1897, il démissionna de son corps d'armée, pourrejoindre l'équipe pastorienne de Paris et se consacrer exclusivement à sestravaux et à sa carrière scientifique pastorienne jusqu'à sa mort en 1922.

    L'intérêt d'une telle étude se justifie à plus d'un titre:

    • le portrait et l'itinéraire de Laveran, figure de proue, qualifié par ses pairs«d'esprit indépendant», apparaît véritablement comme l'un des plus grands

    * ProFesseur assistant. université d'Alger (Algérie)

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  • LES CIENTIFIQUES: FIGURES DE PROUE ET STYLES DE SCIENCE

    précurseurs de la microbiologie. Laveran illustre bien cette nouvelle générationde scientifiques professionnels, toute attachée à l'étendue et à la qualité deson oeuvre scientifique.

    • par ailleurs, nos lectures révèlent que sa découverte, qui lui valut la recon-naissance (tardive) de ses pairs et la considération scientifique internationalepar l'attribution, en 1907, du prix Nobel de physiologie et de médecine étaitdevenue, à son époque, un lieu de confrontation, d'oppositions et d'enjeuxscientifiques, socio-politiques et idéologiques importants.

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    HISl'OlRE

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    L'histoire de la réussite scientifique et tout spécifiquement de la découvertede Laveran, est exemplaire des controverses dans lesquelles s'étaient engagésles scientifiques de l'époque. Ces oppositions et les débats savants généréspar cette découverte hors d'Occident ne révèlent-ils pas en fait l'existence decourants scientifiques antagonistes, porteurs d'un développement séparé deprojets d'orientation et d'action scientifique, voire de «styles scientifiques))divergents? Et ceci entre d'une part la médecine clinique et la médecine delaboratoire, et entre médecine savante et médecine militaire?

    L'objet de notre communication se situe au croisement de deux axes deréflexion:

    • sur un premier axe, on mettra en perspective les contextes socio-politiqueet scientifique et les structures institutionnelles mises en place par le pouvoircolonial en Algérie pour favoriser la diffusion de la science en milieu euro-péen,

    • sur un deuxième axe, on mettra en perspective les stratégies mises enoeuvre par les individus et/ou groupes professionnels qui s'opposent, d'unepart à propos de l'intérêt et de la relation entre pratique militaire et pratiquemédicale savante, et d'autre part à propos de l'apport d'une pratique savantehors d'Occident.

    Matériaux Utilisés

    Archives

    • En Algérie: exploration des archives de l'Institut Pasteur d'Algérie, de laBibliothèque nationale, du Centre de recherche scientifique et technique surles zones arides,

    • En France: exploration des Archives nationales; celles de la Bibliothèquenationale, du fonds d'archives de l'Institut Pasteur de Paris, du Musée du Val-de-Grâce.

    Entretiens

  • LES SOENTIFIQUES : FIGURES DE PROUE ET smES DEJNeEAtelier

    rI science et em~re. enlre Ilotlnique et agronomie:6;ste Chevalier, savant colonialChristophe BONNEUIL·

    Auguste Chevalier (1873-1956), par l'ampleur de ses travaux de botanique etde phytogéographie tropicales, par l'étendue des réseaux qu'il tissa à l'inter-face des milieux scientifiques et coloniaux, est certainement la figure centraledes sciences du végétal dans l'empire français. Dès sa première mission dansle sillage des troupes coloniales au Soudan français en 1898-1899, Chevaliers'implique également dans les questions relatives à la «mise en valeur)) dudomaine colonial conquis depuis peu. Il exercera une grande influence dansla mise en place des politiques agricoles et forestières en Afrique tropicale eten Indochine.

    En partant de l'étude scientométrique de l'oeuvre de Chevalier (plus de 1200publications), on mettra en lumière les principales étapes de sa carrière. Ondistinguera alors le Chevalier «explorateur)) d'avant 1914 du Chevalier «patronmétropolitain)) de l'entre-deux-guerres en caractérisant à chaque fois le stylede science et les relations avec les différents acteurs de la colonisation quisont à l'oeuvre.

    La première période est en effet celle des missions d'explorations botaniques.Parti au Soudan français en 1898, presque à contre-coeur car un voyage ledétournait de son travail de thèse, Chevalier consacrera les 15 annéessuivantes à parcourir l'Afrique sur un trajet de 50 000 km. On décriracomment s'est forgé l'explorateur et selon quelles procédures il construisit desfaits scientifiques stables et généraux, à partir d'une multitude d'observationslocalisées, à partir d'une réappropriation de savoirs d'interlocuteurs africains etd'informations fournies par les officiers et administrateurs coloniaux. Quellesfurent ses relations avec les différents agents de la colonisation? Tout merce-naire scientifique qu'il était, en remplissant des missions pratiques variablesselon la configuration de la colonie qui utilisait ses services, Chevalier retiraitde chaque exploration la matière de travaux publiés dans les revues scienti-fiques les plus prestigieuse de la métropole et sut gérer sa trajectoire scienti-fique. La géobotanique constitute à cet égard un axe important.

    * Recherches épistémologiques et historiques sur les sciences exactes et les institu-tions scientifiques.

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  • LES CIENllFIQUES: FIGURES DE PROUE ET STYLES DE SCIENCE

    En 1911 (création du laboratoire d'agronomie coloniale, et de la miSSionpermanente d'étude des cultures et des jardins d'essais coloniaux) et 1919,Chevalier se voit confier, en concurrence avec le Jardin colonial de Nogent,institution chapeautant l'agronomie dans l'Empire, une maison de supervisionde l'encadrement et de la recherche agricole outre-mer. Comme nous l'avonsdéjà montré ailleurs, Chevalier y joua un rôle moteur dans la mise en place destations de recherche agronomiques spécialisées en Afrique de l'Ouest, puisen Indochine où il pilota l'action agricole, sous la direction d'Albert Sarraut.

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  • LES SCIENTIFIQUES: FIGURES DE PROUE ET STYLES DE SCI NCE

    Atelier

    rJveffiité et pratiques scientifiques. la biomé

  • LES SCIENTIFIQUES: FIGURES DE PROUE n STYLES DE SCllNŒ

    Atelier

    r;]Virologie des plantes en Afrique tropicale:LJ styles anr!ais el françaisDenis FARGETTE*J. Mike THRESH**Jean-Claude THOUVENEL***

    Les étapes essentielles de la virologie en Afrique tropicale sont décrites dansce texte. Les contributions respectives de la recherche britannique et françaisesont précisées en soulignant la transformation des modalités de travail, lesdifférences et les convergences des approches et en s'interrogeant sur leurévolution dans les prochaines années.

    La virologie en Afrique fête son «centenaire». C'est en 1894, en effet, quefurent décrits pour la première fois les symptômes de la mosaïque africaine dumanioc, considérée maintenant comme la principale maladie virale enAfrique. La mosaïque de la canne à sucre est une autre maladie virale à avoirattiré l'attention dès le tournant du siècle. Dans les années 1931, d'autresviroses furent étudiées, telles l'enroulement du coton et son aleurode vecteurau Soudan et au Nigeria et le maize streak virus au Kenya. En fait. l'intérêtprécoce pour ces maladies virales reflétaient déjà leur impact économiquesévère. Des observations, des expérimentations et de véritables programmesde recherche furent entrepris par des agronomes, des sélectionneurs, despathologistes et des virologues. Les objectifs des recherches étaient multiples:description des symptômes, répartition géographique de la maladie, épidé-miologie, mode de transmission, résistance variétale. La qualité des résultatsobtenus, en dépit des connaissances alors presque inexistantes sur l'agentcausal et avec des techniques virologiques encore rudimentaire, traduit l'acti-vité soutenue de scientifiques de haute qualité.

    Jusque dans les années 1950 ces équipes étaient surtout britanniques. H.H.Storey (1894-1969) commença sa carrière scientifique en Afrique du Suddans les années 1920 avant de séjourner à Amani (Tanzanie) puis à Muguga(Kenya). Ses travaux sur la rosette de l'arachide, sur la mosaïque du maniocet sur la transmission du maize streak sont considérés comme des classiquesen virologie et largement cités dans les livres de référence. La qualité du travail

    * Chercheur, LPRC (Laboratoire de phytovirologie des régions chaudes, OR5TOM(Institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération),Montpellier (France)** NRI (Natural Resources Institute), Clatham, Kent (Grande Bretagne)*** Chercheur, OR5TOM, Faculté d'Agriculture, Le Caire (Egypte) HISTOIRE

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  • LES CIENTIFIQUES: FIGURES DE PROUE ET STYLES DE SCIENCE

    de Storey a d'ailleurs été pleinement reconnue par ses contemporains et , en1946, il devint l'un des premiers virologues de plante à être élu membre de laRoyal Society. De 1937 à 1949, A.F. Posnette, autre membre de la RoyalSociety, commença aussi sa carrière comme membre des services coloniauxde l'agriculture dans ce qui allait devenir le Ghana. Ses travaux sur l'étiologie,la transmission, l'écologie et le contrôle du cacao swollen shoot font autorité.

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  • LES SCIENTIFIQUES: FIGURES DE PROUE ET STYLES DE SCI NCE

    Grande-Bretagne sur quelques uns des principaux virus tropicaux: les gémi-nivirus, la rosette de l'arachide... La France suivait, avec un décalage d'unedizaine d'années, le même mouvement lors de la fermeture du laboratoire deCôte d'Ivoire et avec la création, à Montpellier, du laboratoire de phytovirolo-gie des régions chaudes (LPRC), consacré exclusivement aux virus tropicauxet s'attachant à l'étude du rabougrissement de l'arachide, du maize streakvirus, du banana bunchy top et du rice yellow mottle.

    Vers la fin des années 1980 ont été formés les premiers virologues africains.Les dispositifs français et britanniques s'efforcent maintenant, chacun à leurfaçon, de faciliter leurs efforts en complétant les études de terrain menées parles uns, par les études de laboratoire réalisées par les autres, en développantdes programmes conjoints et en travaillant sous forme de réseaux informels.cet apport est essentiel car les progrés récents de la biologie moléculaire et dugénie génétique renouvellent les connaissances et le contrôle des maladiesvirales. progrès dont il convient de faire bénéficier les régions d'Afrique tropi-cale.

    HISTDIRE

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  • LES SCIENTIFIQUES: FIGURES DE PROUE ET STYLES DE SCI :N(jE

    Atelier

    I]gration scientifique Sud-Nord ou Nord-Nord ell:frière du chercheur

    Dominique MARTIN-ROYET·

    Lorsqu'un scientifique effectue un long séjour à l'étranger en début de carrièresoit pour faire une thèse ou un postdoc, on a coutume d'en clamer les avan-tages, de s'extasier sur les bienfaits de l'internationalisation de la science etdes chercheurs. Cependant. il convient d'analyser les facteurs économiques,sociologiques, politiques et scientifiques qui interviennent dans un tel phéno-mène. L'influence de la discipline scientifique sur la pratique du voyage scien-tifique ne doit pas masquer un autre aspect, tout à fait capital, qui est leniveau de développement scientifique et technique de leur pays d'origine,comparé à celui du pays d'accueil.

    Nous avons interviewé, au cours des cinq dernières années, environ 700 cher-cheurs français et étrangers qui avaient effectué un long séjour à l'étranger endébut de carrière, tous en sciences expérimentales et principalement :physique, chimie, ingénierie, sciences de la vie.

    Que ce passe-t-il dans les pays industrialisés ? Les français étaient partissurtout aux Etats-Unis ou dans un autre pays d'Europe, donc soit vers lecentre ou dans les pays européens considérés de même niveau; la motivationest alors l'internationalisation, ou l'attirance vers un centre de la discipline. Leseuropéens, les anglais, par exemple, effectuent le même type de démarche.Les américains, se considérant au centre en général, ont peu tendance à fairece type d'expérience: et si ils font un long séjour à l'étranger c'est plutôt sousla forme d'une année sabbatique ou en tant que chercheur invité (rang deseniors).

    Le cas des scientifiques des pays en développement, est lui particulièrementmarqué, ce sont dans notre échantillon, des maghrébins, mexicains, colom-biens, brésiliens, chiliens, chinois. Il s'agit pour eux d'acquérir une formationqu'on ne trouve pas «à la maison», le but avoué étant l'évasion vers le centreou le retour pour mettre ses connaissances au service du développement dessiens.

    * Chercheur, OST (Observatoire des sciences et des techniques), Paris - France

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  • LES CIENIIFIQUES: FIGURES DE PROUE ET STYLES DE SCIENCE

    Evidemment. toutes les nuances existent entre ces deux pôles, mais la diffé-rence de carrière développée au retour dans son pays d'origine est un élémentcaractéristique.

    Nous avons choisi de présenter l'étude comparée de la carrière de deuxpersonnalités notoires du même âge (55 ans), dans une discipline scientifiquebien délimitée de la chimie (chimie de coordination). L'un est mexicain,l'autre britannique.

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    HISTOIRE

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    Le premier a soutenu une thèse de doctorat en France et effectué un séjourpostdoctoral en Californie. De retour au Mexique, il a participé au développe-ment de l'industrie énergétique de son pays en dirigeant d'abord la recherchechimique de la toute nouvelle commission nationale de l'énergie nucléaire,puis celle de l'Institut mexicain du pétrole. Ce n'est pas beaucoup plus tardqu'il a pu retrouver la recherche académique de ses débuts pour devenirprofesseur d'Université. Une trentaine de publications, dont une bonne partiedans des journaux latino-américains attestent de son activité scientifique, aucoté d'une série de. postes de responsabilité nationale.

    Le deuxième, après le doctorat dans un laboratoire prestigieux de son proprepays, le Royaume-Uni, a effectué plusieurs séjours de durées moyennes (6mois) au Canada, en France, aux Etats-Unis. A son retour, il a occupé rapide-ment un poste à Oxford, réalisé une carrière académique typique et brillante,émaillée de récompenses et a produit plus de trois cents publications, dans lesjournaux du main stream.

    Aujourd'hui. tous deux professeurs d'université, ils ont eu cependant descarrières bien différentes, comme le révèlent l'analyse bibliométrique de leurproduction scientifique, l'étude approfondie de leur curriculum vitae et delongues interviews réalisées en France et dans leurs laboratoires respectifs.

    Il apparaît que les mécanismes de prise de décision d'orientation de carrièresont divers mais qu'à valeur égale et dans une même discipline, l'état de déve-loppement du pays d'origine de chacun joue un rôle décisif. La liberté derester dans la recherche académique pour un chercheur doué et d'emprunterla voie royale reste encore le plus souvent l'apanage des pays industrialisés;le rôle politique et économique direct d'un scientifique de haut niveau dansun pays en développement apparaît sans ambiguïté. Ce qui frappe aussi c'estl'impact scientifique et sociologique de la mobilité internationale pouratteindre leurs objectifs: constituer leurs réseaux professionnels, acquérir unecrédibilité scientifique et ce aussi bien dans la communauté scientifique deleur discipline ou même le collège invisible de leur champ de recherche quedans les instances de décision de la politique scientifique et technique.Aujourd'hui. plus que jamais, les acteurs scientifiques sont internationaliséset leurs lieux traversent les frontières nationales. Ce sont ces lieux où lascience et la technique se fabriquent qu'il faut investir ou construire.

  • LES SCIENTIFIQUES: FIGURES DE PROUE ET STYLES DE SCI NCE

    Atelier

    Ge n - Thadée Dybowski (1856-1928) - Initiateur dela recherche agronomique tropicale moderne etcr ateur de l'enseignement agronomique tropicalBernard SIMON*

    Ancien élève de l'école de «Nogent.> et agronome tropical, mais historienamateur, nous avons tenté, dans cette biographie sans prétention, de rappelerle souvenir et de faire rendre ce qui lui est dû à un agronome français tropoublié de nos jours: Jean-Thadée Dybowski.

    Enfant de nobles polonais émigrés en France en 1830, Jean-Thadée Dybowskinaît à Charonne en 1856. Après ses études à l'Ecole nationale d'agriculture deGrignon puis en stage au Muséum pour parfaire ses connaissances en bota-nique, il prend en 1879 un poste de répétiteur de botanique à Grignon et yest nommé maître de conférences d'horticulture. Il publie un guide du jardi-nage en 1889.

    Remarqué par Eugène Tisserand, directeur de l'Agriculture, il est chargé demissions d'exploration scientifique dans le Sud algérien (1889) et au Sahara(1890). Il Y montre ses capacités et surtout son sens de l'agriculture compa-rée. Sa réputation d'agronome - explorateur le fait choisir pour diriger unemission à envoyer en Afrique centrale en soutien de celle de Crampe!.

    Dybowski séjourne au Congo en 1891/1892. Apprenant l'assassinat deCrampe!, il gagne le bassin du Chari. retrouve les assassins et «fait justice». Deretour à Bangui. il veut donner quand même un contenu scientifique à samission, remonte la Kémo en faisant des observations, collectant des échan-tillons et y crée des postes dans lesquels il installe des «jardins potagers d'ex-périence». Malade, il est rapatrié mais repart explorer la côte gabonaise dès1894, puis la Guinée en 1895/1896.

    Entre temps, il avait été nommé, par Tisserand, professeur de cultures tropi-cales à l'Institut agronomique, poste créé pour lui qu'il occupera jusqu'à samort. Le même Tisserand le fait nommer, en 1896, directeur de l'Agricultureet du Commerce de la Régence de Tunis où il succède à Paul Bourde. C'estdans ces fonctions que Dybowski croit réaliser un de ses voeux les plus chers:créer une véritable école d'agriculture coloniale, en raison de l'existence d'unjardin d'essais déjà réputé.

    Il arrive à ses fins malgré l'hostilité des colons, mais écoeuré par tant d'in-compréhension, il quitte la Tunisie en 1898 et retourne enseigner à l'Institutagronomique. Il n'y reviendra que pour assister en mai 1899 à l'inauguration

    Ingénieur général d'agronomie (hon.), animateur de la Cellule de recherches histo-riques, CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pourle développement), Paris (France)

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  • LES ~ CIENTIFIQUES : FIGURES DE PROUE ET STYLES DE SCIENCE

    de ce qui n'est plus tout à fait «son» école. (C'est en effet maintenant l'écoleet non l'agriculture qui est «coloniale»!). Ce que Dybowski n'a pu réaliser enTunisie, il va le tenter en métropole. En effet, une commission gouvernemen-tale dont il est membre, recommande la création à Paris d'un jardin d'essais,sur le modèle de celui de Kew.

    En trois jours de janvier 1899, le (~ardin colonial de Nogenb> est créé etDybowski en est nommé directeur. Mais il ne s'arrête pas là et arrive à fairecréer de surcroît, en 1902, l'école dont il rêvait: l'Ecole nationale supérieured'agriculture coloniale, s'affranchissant au passage de la tutelle du Muséum.

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  • SCIENCES COLONIALE ET POST-COLONIALE: INSlTlllTIONS ET POUTI UES1ère partie: DU NO D•.•

    Atelier

    ~herche scientifique et politique coloniale. les

    c mins de la création de l'ORSlDM, du Front Populaireà 1 Ubération en passant par Vichy, 1937-1947

    Christophe BONNEUIL'*Patrick PE11TJEAN**

    On ne peut manquer d'être intrigué par la continuité apparente dont semblentavoir été l'objet à la Libération un certains nombre d'organismes, parmilesquels le CNRS aussi bien que l'ORSTOM (au-delà des changements dedénomination). Ce fait est d'autant plus intéressant que cette dernière insti-tution fut explicitement constituée comme l'instrument scientifique de lapolitique coloniale.

    L'objectif de la présente communication est de s'interroger sur cette conti-nuité, d'en démonter les différents aspects et d'en rechercher les fondements,en retraçant le mouvement qui conduit du comité de la France d'Outre-Merinstitué le 25 septembre 1937 auprès du conseil supérieur de la recherchescientifique à la mise en place de l'Office de la recherche scientifique colo-niale, créé par la loi du Il octobre 1943, confirmé par l'ordonnance du 2novembre 1944. Les équipes du Front Populaire, avec Jean Perrin, ont jeté lesbases de cet organisme scientifique et colonial. le Gouvernement de Vichy l'amis sur pied et celui de la Libération en a assuré le développement.

    Pendant l'Entre-Deux-Guerres, la question de l'organisation des sciences colo-niales est à la croisée du mouvement général d'organisation de la recherchescientifique en France et d'une volonté de «rationaliser» la gestion des terri-toires administrés par la France. Elle est rendue particulièrement pressante parl'apparition d'une communauté de chercheurs scientifiques oeuvrant dans ouen direction des colonies, que les conditions de travail mettent souvent enopposition avec les différentes administrations.

    Organisé par l'association colonies-sciences en 1937. le congrès de larecherche scientifique dans les territoires d'Outre-Mer, témoigne de l'essornumérique des chercheurs coloniaux et porte leurs revendications. En butte àdes logiques administratives, dispersés entre différentes institutions aux finan-cements aléatoires, les chercheurs coloniaux réclament avant tout une plus

    * Recherches épistémologiques et historiques sur les sciences exactes et les institu-tions scientifiques

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    HISTOIRE

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  • ScJCES COLONIALE ET POST-COLONIALE: INSTITUTIONS ET POLITIQUES1ère parUe: DU NORD•.•

    grande autonomie vis-à-vis des administrations coloniales, des garanties pourla pérennité de leurs entreprises, leur reconnaissance dans la communautéscientifique et ses institutions. Les premières réalisations de l'ORSC concer-neront directement les intérêts professionnels de ce groupe: des formationsque n'assurait pas toujours l'enseignement supérieur, un statut de fonction-naire, des moyens de travail et de communication, etc.

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  • SCIENCES COLONIALE ET POST-COLONIALE: INSTITUl10NS ET POLITI UES1ère partie : DU NO

    loppement). la gestion optimale des ressources naturelles et humaines del'Empire. selon les besoins affichés de la métropole. La nécessité d'une «poli-tique scientifique coloniale» avec une traduction institutionnelle s'imposaitdonc plus clairement que celle de la science métropolitaine. Cette précocité semanifeste d'ailleurs dans certaines mesures pionnières du jeune ORSTOM,préfigurant la naissance du chercheur fonctionnaire et celle du troisièmecycle.

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  • SCIENCES COLONIALE ET POST-COLONIALE: INS1TrllTlONS ET pOLIn UES1ère parUe: DU NO D•••

    Atelier

    GNESCO et l'internationalisme scientifique

    Aant ELZINGA*

    Cet exposé, axé sur l'histoire des premières années de l'UNESCO, tente d'étu-dier les idéaux et les réalités de l'internationalisme scientifique. On sait que,dans sa genèse, l'UNESCO se rattachait au discours de reponsabilité sociale del'entre-deux guerres, confronté au fascisme naissant des années 30. Lemouvement des Relations sociales de la science ( RSS ) qui influait aussi surle Conseil international des unions scientifiques opposait ses idéaux d'univer-salité et d'internationalisme au concept traditionnel de science pure, c'est àdire l'idéologie de .. la science pour la science ", qui, en pratique, se révélaitimpuissant et vulnérable face aux projets agressivement nationalistes et chau-vinistes des grandes puissances qui mobilisaient la science et sa puretésymbolique au service de politiques particularistes.

    A l'intérieur du discours anti-traditionnaliste sur l'internationalisme, toutefois,existait une tension épistémologique et idéologique entre un programmelibéral pragmatique et un programme plus radical. marxiste. Tous deux, néan-moins, s'appuyaient sur une rhéthorique des Lumières. I.:UI\JESCO, à sesdébuts, combinait les deux approches, mais ne fut pas capable d'en empêcherle divorce sous la pression de la Guerre froide. Le maintien de l'unité se fit auprix d'une technicisation en grand et d'un scientisme, accompagnés d'uneconception instrumentaliste de la connaissance. Il y eut une tentative derenversement de la tendance au milieu des années 70, lorsque les nations duTiers monde réclamèrent un Nouvel ordre mondial dans les sciences, lesmédias, et le flux d'information et de ressources, dans l'espoir de corriger lebiais impérialiste. Ce processus s'accompagna d'une dé-technicisation partielledu discours sur la science et l'information.

    Cet exposé utilisera le cas de l'UNESCO pour étudier certaines questionsfondamentales issues du rapport science/politique.

    La science est supposée être internationale et universelle. Cet ethos commu-nément admis est entretenu à l'intérieur par des requisits épistémologiques etmatériels inhérents aux pratiques scientifiques : standardisation des instru-ments, calibrage des unités de base, méthodes de mesure et consensus

    * Professeur, Université de Gôteborg (Suède)

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  • scJCES COLONIALE ET POST-COLONIALE: INSTITUTIONS ET POLITIQUES1èr partie: DU NORD...

    existant sur les méthodologies et concepts adoptés. et division du travailparmi les divers groupes scientifiques. les institutions et les Etats. Ceci estparticulièrement le cas aujourd'hui dans les projets de mégascience et dans larecherche sur l'effet de serre et les changements climatiques.

    A l'extérieur, le motif institutionnel pour utiliser la science comme véhicule dela politique concourt à des situations où la rhéthorique internationaliste et lareprésentation d'une connaissance prétendûment affranchie des contraintesde temps et de lieu peuvent promouvoir exactement le contraire, c'est à direle nationalisme et des intérêts enracinés dans le régional et le particulier. Lascience. parce qu'elle n'est pas désincarnée, mais bien une force matérielle,devient la continuation de la politique par d'autres moyens.

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  • SCIENCES COLONIALE ET POST-COLONIALE: INSTITUTIONS ET POI.111 LIES1ère partie : DU NO D•..

    Atelier

    ~sion civilisatrice et personnes pragmatiques. En

    . lis nt les discours de la science impériale et colo-ni le dans les expériences françaises et britanniques

    Roy Mac LEOD*

    Au cours des dernières années, les spécialistes de l'histoire de la science impé-riale et coloniale ont beaucoup écrit sur les relations scientifiques entrel'Europe métropolitaine et la «périphérie», à partir du XVIIIe siècle. Des étudesempiriques importantes ont été faites par des scientifiques dans les anciennescolonies tandis que des spécialistes ont essayé, en Europe et aux États-Unis,d'évaluer l'impact des expéditions, des institutions, des idées et des personnessur la construction des identités scientifiques nationales, internationales etinterdépendantes. L'essentiel de ce travail, cependant. s'est fait au sein detraditions historiques particulières, linguistiques et culturelles - comme parexemple à l'intérieur des empires britannique, français, hollandais ou ibérique.Il y a également un bon nombre de travaux sur des institutions scientifiquesspécifiques, plutôt que sur l'histoire de la technologie, du commerce, ou surles questions centrales pour l'histoire géopolitique et diplomatique.

    Il est temps maintenant d'élargir notre programme de recherche et d'amplifiernos perspectives théoriques. Parmi nos préoccupations actuelles se trouventplusieurs travaux susceptibles d'introduire une dimension technologique dansl'étude de la science coloniale: de montrer si les flottes de commerce ont étéprécédées par les navires amiraux de la science, et comment de démêler lesassociations complexes entre «acteurs» impériaux et savoir colonial. Il est enoutre impératif de déterminer certaines similitudes et différences entre lesdivers systèmes impériaux, dans leur façon d'utiliser la science et de privilé-gier des métaphores et des mentalités scientifiques très différentes. Alorsmême que bon nombre de travaux étudient chaque cas pour ainsi dire verti-calement. à l'intérieur de disciplines et de sphères culturelles déterminées,nous n'avons que peu d'éléments pour des études comparatives horizontales,capables de traverser les frontières culturelles.

    Cet article esquissera une approche de la discussion des expériences françaiseet britannique quant aux encouragements, à l'aide et à la légitimation appor-tées à l'exploration et à la découverte impériale, ainsi qu'à la recherche scien-tifique coloniale, dans le contexte des intérêts métropolitains de 1850 à 1939.

    * Professeur, University of Sydney (Australie)

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  • ScJCES COLONIALE ET POST-COLONIALE: INSTITUTIONS ET POLITIQUES1ère partie: DU NORD...

    S'appuyant sur des exemples de l'histoire française et britannique, il explorerales tentatives de théorisation des différences entre les sciences impériale etcoloniale dans ces deux empires qui ont eu une trajectoire parallèle et qui ontété des rivaux pendant au moins une partie de cette période. Il suggérera quedes études au niveau d'un empire masquent parfois une réalité faite de solu-tions similaires trouvées pour des problèmes différents. Il cherchera en mêmetemps à comprendre pourquoi l'histoire des sciences coloniales émerge defaçon assez différente dans les deux contextes. Ce travail comprendra, à unpremier niveau, un élément d'anatomie politique comparative, en ce sens quenous cherchons à développer un vocabulaire politique des synonymes pourdes homologies entre structures institutionnelles et pour des analogies entrefonctions représentatives. Sur un autre niveau, cet essai servira d'avertisse-ment contre l'acception facile du faux raisonnement selon lequel l'existenced'une idée est considérée comme une explication suffisante de sa cause.Pendant deux siècles, les trajectoires impériales de la France et de la Grande-

    .... Bretagne ont convergé et ont divergé, et nous découvrons, en les suivant. des= hypothèses importantes sur la place spécifique de la science dans les relations

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    HISTOIR!

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  • SCIENCES COLONIALE ET POST·COLONIALE : INSTITUTIONS ET POLITI UES1ère partie: DU NO D...

    Atelier

    Qire de la programmation scientifique à

    ~TOM

    Marie-Lise SABRJE*

    Quels sont les principaux thèmes et perspectives qui ont animé lesprogrammes de recherche à l'ORSTOM depuis 1944 ?Comment et pourquoiont-ils évolué en un demi-siècle? Telles seront les principales questions quesoulèvera cette communication. Celle-ci sera nourrie des recherches et desréflexions nées d'un travail conduit pendant près d'un an en étroite collabo-ration avec des chercheurs de l'ORSTOM et confié par l'Institut à ClioMédia -agence d'historiens dont je suis l'une des collaboratrices - en vue de réaliseret publier, dans le cadre du Cinquantenaire de l'Institut, un mini-dictionnaireencyclopédique recensant, au travers une centaine d'articles, cinquante ans derecherche à l'ORSTOM.

    De nouveaux terrains scientifiques : de l'inventaire à la mise envaleur (1944-1960)

    Lorsque, au lendemain de la seconde guerre mondiale, les chercheurs del'Office de la recherche scientifique coloniale (ORSC, ancienne appellation del'ORSTOM) partirent pour leurs premières missions dans les colonies fran-çaises d'Afrique, de Madagascar et du Pacifique, d'immenses pans de ces terri-toires restaient à explorer scientifiquement, même si des recherches avaientdéjà été ici ou là entreprises par des instituts scientifiques tropicaux créésplusieurs années auparavant.

    Dans l'histoire de la programmation scientifique à l'ORSTOM, ces quinzepremières années d'existence se sont caractérisées par un intense activité d'in-ventaire et de prospection sur le terrain quelle que soit la discipline concernéedans les sciences physiques, biologiques ou humaines. «Dans un monde neufoù la tâche est illimitée», comme le soulignait le premier directeur de l'Office,Raoul Combes, en 1945, il fallait aux chercheurs de l'Orsc créer la donnée.

    Cependant, un autre objectif était étroitement associé à l'exploration de cenouveau champ d'expérience scientifique qu'offraient les territoires français

    ClioMédia, Paris (France)

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  • SCIE CES COLONIALE ET POST-COLONIALE: INS111'UTIONS ET POLlIlQUES1ère partie: DU NORD•••

    sous les latitudes tropicales : celui de développer des programmes derecherche permettant de mettre en valeur ces terres insuffisamment dévelop-pées et d'y accomplir une «mission civilisatrice» (R. Combes) auprès de popu-lations autochtones tenues trop longtemps à l'écart du progrès.

    Dans quelle mes~re et comment les activités de chercheurs de l'Orstom ont-elles répondu à ce double objectif d'inventaire et de mise en valeur des terri-toires coloniaux au cours de cette première période de "histoire de l'Institut?C'est à cette question que s'attachera à répondre en premier lieu notrecommunication.

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  • SCIENCES COLONIALE ET POST-COLONIALE: INSTITUTIONS ET POUTI UES1ère partie : DU NO

    scientifique que l'on accusait de se limiter trop souvent à une recherche desubstitution, par l'émergence de structures de recherche nationales dans lespays en développement dont il convenait de tenir compte ainsi que par unevolonté politique affichée - notamment dans le cadre du Vllème plan natio-nal de la recherche française (1976) et de la loi d'orientation et de program-mation pour la recherche et le développement technologique de la France(Programme mobilisateur N°4, 1982) - de développer la recherche françaisedans le tiers-monde.

    La mise en oeuvre de cette politique de coopération présupposait une réformeen profondeur de l'Institut dont l'organisation et les principes de programma-tion scientifique n'avaient pas été modifiés depuis le décret de 1960 promul-gué au lendemain des indépendances. Adoptée en juin 1984, cette réformefixa à l'OR5TOM les principes de son actuelle organisation. L'Institut avaitdésormais pour mission de promouvoir et réaliser des recherches scientifiqueset techniques susceptibles de contribuer de façon durable au progrès écono-mique, social et culturel des pays en développement. Se substituant auxanciens comités techniques et à une programmation strictement disciplinaire,des départements scientifiques pluridisciplinaires, correspondant à de grandsdécoupages thématiques, furent institués de façon à servir de cadre de défini-tion aux programmes de recherche conçus et réalisés avec des instituts scien-tifiques et des chercheurs des pays partenaires. Signe de ces changements,l'Office, tout en conservant son ancien sigle Orstom, a été rebaptisé «Institutfrançais de recherche scientifique pour le développement en coopération».

    Quelle nouvelle programmation scientifique vit le jour au cours de cettepériode? Quels ont été les facteurs (de l'évolution de la technologie scienti-fique à la réforme institutionnelle de l'Institut) qui ont contribué à cetteévolution? Telles seront les interrogations qui seront au centre de la troisièmepartie de notre communication.

    Références bibliographiques

    Cette communication se fondera sur la recherche documentaire que nousavons effectuée en vue de la réalisation du mini-dictionnaire encyclopédique,à savoir pour l'essentiel. un dépouillement exhaustif des rapports d'activité del'ORSTOM de 1943 à 1992 (soit plus d'une vingtaine de volumes) et unesérie d'entretiens avec une vingtaine de chercheurs de l'ORSTOM.

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  • SCIENCES COLONIALE ET POST-COLONIALE: INSUrLI110NS ET POLITI UES2ème partie: ... AU SUD

    Atelier

    rJ lutte internationale conue les criquets enljique pendant la première moitié du 20e siècle

    Antonio BUJ*

    Certaines espèces de criquets sont endémiques en Afrique. Les invasions decriquets, historiquement responsables de famines, ont encore des conséquencescatastrophiques, comme cela s'est vérifié récemment sur ce continent.

    Les premières mesures de lutte internationale contre les criquets ont été prises dansla deuxième décennie du siècle au sein de l'Institut agricole international. créé àRome en 1905. A l'initiative de cet organisme, une rencontre entre plusieurs paysse tint sur ce sujet en octobre 1920. Les représentants des colonies françaises etitaliennes en Afrique avaient refusé d'y participer. Il fallut attendre la décenniesuivante pour voir s'organiser les conférences internationales qui marquaient uneapproche résolument scientifique du problème. La première convention eut lieu àRome en 1931, la dernière à Bruxelles en 1938. Toutes ces réunions placées sousles auspices de la métropole européenne traitaient essentiellement des criquets enAfrique.

    La multiplication des invasions en Afrique après 1928 explique cette intense acti-vité. Sur ce continent, gouverné à l'époque par les métropoles européennes, l'en-tomologie appliquée commença dès le début du siècle à tenir une place active dansce que l'on appela plus tard «l'impérialisme constructif» et la «mission civilisatrice»ou la «mise en valeuP) dans les colonies françaises. Parallèlement à l'intensificationdu fléau, les publications scientifiques se mirent à fleurir. On retiendra notammentle travail de Boris P. Uvarov, Locusts and Grasshoppers (Londres, 1928, «Criquetset sauterelles»), l'ouvrage de référence de tous les spécialistes, ainsi que les remar-quables travaux de Paul Vayssière, directeur-adjoint de la Station entomologique deParis. Avec Auguste Chevalier, autre chercheur qui réalisa des études intéressantessur le criquet. Vayssière participa à la fondation de l'Académie des sciences colo-niales (1922), et de l'Association Colonies-Sciences (1926). Chevalier comptaitégalement parmi les orateurs les plus attendus au Congrès de la recherche scienti-fique dans les territoires d'Outre-Mer (1937).

    Cette présentation tente d'analyser les raisons qui ont stimulé l'intérêt scientifiquedes métropoles européennes pour le criquet africain.

    * Université de Barcelone (Espagne)

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    HISTOIRE

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  • SCIENCES COLONIALE ET POST-COLONIALE: INSTITUllONS ET POLITI UES2ème partie: ••• AU SUD

    Atelier

    @e en scène de la science et métaphore del' dre: La société de géographie du Caire (Egypte)(1 75-1925)

    Jean-Noël FERRlE*Gilles SOETSCH**

    A la suite de l'ouvrage d'Edward Saïd (1978), un certain nombre d'auteurs onttenté de démontrer comment les savoirs «occidentaux» sur les sociétés non-occidentales avaient à la fois inventé les «sociétés indigènes» - en les figeantdans des catégories descriptives stables et stigmatisantes - et leur avaientimposé cette image d'eux-mêmes comme cadre d'une action disciplinaire parlaquelle se serait exercé le pouvoir colonial. Ce point de vue foncièrementidéaliste - puisqu'il suppose que des catégories savantes peuvent être d'effi-caces moyens de pouvoir- s'appuie, la plupart du temps, sur une lecture deFoucauld. Il a été illustré, à propos de l'Egypte, par Timoty Mitchell (1988).

    Suivant ces conceptions, la géographie et l'anthropologie ont assez souventété considérées comme des «sciences coloniales», c'est-à-dire des sciencesservant précisément à discipliner les sociétés indigènes, à les inclure dans dessystèmes de savoir qui seraient aussi des systèmes de pouvoir. Dans cecontexte, des institutions comme la Société de Géographie du Caire -créée parle Khédive Tawfik-Pacha dans le dernier quart du XIXe siècle- peuvent passerpour toutes dévouées à un projet «disciplinaire». Dirigée, en majorité, par desEuropéens et destinée à favoriser une connaissance détaillée et systématiquede l'Egypte, cette société présente toute les caractéristiques de la mise enoeuvre de l'adage baconien «knowledge is power».

    La présente communication a pour but de démontrer qu'une telle interpréta-tion n'est pas soutenable: on ne peut assimiler savoir et pouvoir sur autrui.Pour autant. elle ne prétend pas nier le projet de mise en ordre qui animait lescréateurs de la Société de Géographie, comme, plus largement. les élitessavantes du XIXe siècle: elle invite, toutefois, à ne pas confondre le projet etsa réalisation, la formation des savoirs et la construction de modèles pour l'ac-tion, le réductionnisme organisateur inhérent à l'activité de laboratoire et leréductionnisme en cours dans le discours colonial courant. Faute d'une telledistinction, l'histoire de la formation des savoirs sur autrui risque de ne plus

    * Chercheur, CEDEJ (Centre d'études et de documentation économique. juridique etsociale), Le Caire (Egypte)** Chercheur, CNRS (Centre national de la recherche scientifique), Aix en Provence(France)

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  • SCIE CES COLONIALE ET POST-COLONIALE: INSTITUTIONS ET POLITIQUES2èm partie: ... AU SUD

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    être lue que comme le mode d'expansion, par excellence, de l'hégémonieoccidentale et la critique généalogique du savoir (d'où il vient) pourrait, partrop, prendre le pas sur la prise en considération de sa pertinence. L'un desraccourcis que nous critiquons ici est celui consistant à avancer que des caté-gories de «laboratoire» offrent. par leur simple déplacement dans d'autreschamps, la structure d'un système d'action. Or, nous allons nous attacher àmontrer que les catégories de laboratoire n'ont de pertinence qu'à l'intérieurdu public de laboratoire, c'est-à-dire auprès des savants eux-mêmes et desélites intéressées par le développement de la Science. En fait, un événementcomme le cinquantenaire de la Société de Géographie, qui correspondait aussià la tenue d'un congrès international de géographie, témoigne moins de laposition subalterne de l'Egypte dans le monde de l'entre-deux guerres que deson inscription dans des réseaux scientifiques transnationaux.

    Dans ces conditions, ce qui valide un savoir (la production scientifique de laSociété de Géographie) n'est pas son inscription dans le contexte politiquelocal (la colonisation, pour dire les choses assez rapidement) mais sa capacitéà s'inscrire dans un réseau de connaissances admises pour validés et formu-lées indépendamment des contextes locaux. Le cinquantenaire de la Sociétéde Géographie du Caire met en scène ce réseau et non une situation dedépendance. La question de l'>>ordonnancement>> de la Société égyptienne doitêtre pensée en fonction de la philosophie des lumières et par rapport à lasociété occidentale elle-même. La Société de Géographie est, de ce point devue une institution destinée à rationaliser le réel en l'insérant dans un savoirsystématique et dans un lieu construit à cet effet. Mais cet ordre n'existe qU'àdéfaut de l'ordre réel, il est un substitut plutôt qu'un véritable programme,une métaphore de l'ordre plutôt qu'un ordre en projet.

    Références

    Mitchell. T. 1988 Colonising Egypt. Cambridge University Press: Cambridge;Saïd E. 1978 Orientalism Pantheon: New-York.

  • SCIENCES COLONIALE ET POST-COLONIALE: INSTITUTIONS ET POLIll UES2ème partie: ... AU SUD

    Atelier

    ~sociétés de géographie : un instrument de

    p~ pagande scientifique en Amérique latine aud ut du XXe siècle (1900-1914)

    Leoncio LOPEZ-OCON*

    Au début du XXe siècle, un siècle après l'indépendance de la plupart despays d'Amérique latine, on constate dans cette région une prolifération desociétés scientifiques. Ce phénomène semble avoir deux sources: la tenta-tive des élites culturelles de plusieurs Etats latino-américains de consoliderune dynamique locale de développement de pratiques et de connaissancesscientifiques, et leur volonté de participer aux réseaux internationaux decommunication scientifique. Ce mouvement associatif latino-américain estalors soumis à une forte tension entre une rhétorique nationaliste et unepratique internationaliste.

    L'objectif de cette communication est de montrer comment s'exprime cettetension dans le fonctionnement des sociétés géographiques, qui constituentl'épine dorsale de ce mouvement associatif.

    Pour y arriver, nous analysons la triple dimension de la propagande faite parplusieurs des sociétés géographiques qui furent actives en Amérique latineentre 1900 et 1914, comme la Société mexicaine de géographie et de statis-tique, la Société géographique de Rio de Janeiro, la Société géographique deLima, l'Institut géographique argentin, l'Institut de géographie physique duCosta Rica et les Sociétés géographiques de la Paz et de Sucre en Bolivie.

    D'une part, ces associations sont le moteur d'une action de diffusion scien-tifique à l'intérieur des milieux sociaux où elles agissent. Cette action a pourbut la construction et le développement d'une idéologie territorialisée et sertà l'élaboration d'une rhétorique nationaliste. Les sociétés accomplissentdiverses tâches comme, par exemple, la promotion de l'exploration locale dela nature, l'inventaire des ressources naturelles du pays, la création d'unemémoire scientifique autochtone ou l'élaboration d'un goût pour la connais-sance du passé et des anciennes cultures du territoire national.

    * Chercheur, CRHST (Centre de recherche en histoire des sciences et des techniques)ICSI (Cité des sciences et de l'industrie), CSI (Centra superior de investigacionescientificas)

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  • SCIE CES COLONIALE ET POST-COLONIALE: INS1TI'UTIONS ET POl.lllQUES2èm partie: •.. AU SUD

    Ces associations firent également des travaux de diffusion scientifique à l'ex-térieur des Etats nationaux où elles étaient influentes. En union avec desorganismes pour la colonisation et l'immigration, plusieurs de ces sociétésgéographiques ont entrepris des campagnes internationales pour mettre enrelief les richesses naturelles de leur pays, et pour défendre l'habitabilité desrégions tropicales américaines pour des Européens.

    Enfin, les membres de ces sociétés se considéraient comme une partie de lacommunauté scientifique et en défendaient l'etho; ils se firent les porte-parole des progrès scientifiques de la géographie au niveau international.

    Cette triple activité propagandiste s'est effectuée à travers la création deréseaux de communications qui eurent une véritable extension spatiale, dansla mesure où ils pouvaient s'étendre du milieu nation~1 à l'espace latino-américain, voire au niveau international. Pour évaluer plus précisément l'im-=> pact international des activités propagandistes des Sociétés géographiques

    >< latino-américaines, nous conclurons 'notre communication par une analyse.... de leurs relations avec la Société de géographie de Paris entre 1900 et 1914......::z::o'-':::z::....'"....::::::J

  • SCIENCES COLONIALE ET POST·COLONIALE : INSTll'UIIONS ET POUTI UES2ème partie: ••• AU SUD

    Atelier

    ORSlOM en A.O.F.. de sa créalion aux indépen-ljcesSaliou MBAYE*

    Genèse de la recherche scientifique en A.O.f.

    Les débuts de la recherche scientifique dans les colonies françaises d'Afriqueremontent à la deuxième moitié du XIXème siècle. Celle-ci fut à l'origineinitiée et menée par des individus isolés notamment des explorateurs,missionnaires et colons si ce ne sont pas des savants envoyés de la Métropole.Alors que des questions d'ordre scientifique se posaient avec acuité, l'ondéplora souvent l'absence dans les possessions coloniales africaines de toutcentre de recherche.

    Il fallut attendre 1890, point de départ des recherches scientifiques dans laFrance d'outre-mer sur des bases permanentes. C'est en effet à cette date quefut créé le laboratoire de microbiologie implanté à Saïgon par le DocteurCALMETIE sous les auspices du savant Louis PASTEUR et qui allait devenirle premier institut Pasteur d'outre-mer.

    En A.OJ., en 1912 fut créé le Comité d'études historiques et scientifiques. Ilallait donner naissance à l'IFAN en 1938.

    On assiste ensuite à la création de service scientifiques qui s'étendirent auxdifférents territoires africains de l'Ouest. En agriculture en particulier, desstations expérimentales furent créées entre 1924 et 1926. Ces créations qui secaractérisaient par leur dispersion et leur manql.!e de coordination avaient desmotivations souvent divergentes.

    Durant la même période, des associations de recherche dynamiques se firentremarquer dans de nombreux domaines. C'est le cas notamment del'Association scientifique internationale d'agronomie tropicale créée en 1906et surtout du Congrès pour la recherche scientifique dans les colonies qui,réuni en 1931 et 1937, réitère la nécessité de la création d'un institut pour larecherche scientifique dans les colonies.

    * Directeur des Archives du Sénégal. Dakar (Sénégal)

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  • SCIE CES COLONIALE ET POST-COLONIALE: INSlTl'U110NS ET POIJIlQUES2èm partie: ... AU SUD

    Pourtant, il fallut attendre six ans encore pour qu'enfin soit publiée la loi créantl'Office de la recherche scientifique outre-mer (ORSOM). C'était en 1943.

    L'ORSTOM - Historique

    La création de l'Office de la recherche scientifique d'outre-mer résulte de la loivalidée du Il octobre 1943. Cette loi crée un Office de la recherche colonialequi devient Office de la recherche sdentifique' outre-mer par le décret du 28mai 1949 puis Office de la recherche scientifique et technique outre-mer parla loi du 17 novembre 1953.

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  • SCIENCES COLONIALE ET POST-COLONIALE: INSnlllTlONS ET POI.lll UES2ème partie: ••• AU SUD

    Atelier

    rJpeur de la lèpre en Colombie: savoiffiel usageslj savoirsDiana OBREGON*

    Au début du 20e siècle, la lèpre constituait un important sujet de recherchepour les médecins et les bactériologistes colombiens. Ces scientifiques étaientgénéralement des chercheurs «amateurs», qui travaillaient avec leurs fondspropres dans des laboratoires qu'ils avaient eux-mêmes construits à l'époqueoù la recherche scientifique n'était pas institutionnalisée dans le pays. Pourconvaincre le gouvernement de la nécessité de lutter contre cette maladie,qu'ils jugeaient extrêmement contagieuse, les médecins colombiens dévelop-pèrent une rhétorique dans laquelle les considérations nationalistes et l'exa-gération tenaient une grande place. Face à l'étendue et la gravité de lamaladie, certains docteurs suggérèrent que le gouvernement devait isoler leslépreux sur une île, proposition qui ne fut jamais appliquée: les malades rési-daient dans des léproseries bâties depuis le 1ge siècle. Selon les médecins,l'exemple de la Norvège prouvait qu'un isolement rigoureux constituait leseul moyen de résoudre le problème de la lèpre. En fait, plutôt que de suivrel'exemple norvégien, il