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QUE SAIS-JE ?

Les politiquesd'éducation

AGNES VAN ZANTEN

Directrice de recherche du CNRS

à l’Observatoire sociologique

du changement de sciences Po

Troisième édition mise à jour

10e mille

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Introduction

ême en limitant l’analyse au champ strict de lascolarisation, les politiques d’éducation recouvrent undomaine si vaste qu’il peut paraître illusoire d’enproposer une synthèse. En effet, sur l’ensemble duterritoire national, elles servent de cadre aufonctionnement de l’enseignement préélémentaire etélémentaire, des différents types d’enseignementsecondaire (général, technique et professionnel) et desdiverses formes d’enseignement supérieur (universités,grandes écoles, instituts universitaires detechnologie…). Elles concernent en fait un ensemblede presque 15 millions d’élèves, d’apprentis etd’étudiants, d’un peu plus de 850 000 enseignants despremier et second degrés et d’environ 195 000personnels administratifs, techniques, d’éducation etde surveillance. Elles s’appliquent en outre à unemultitude de domaines spécialisés : la formation desmaîtres, la définition des programmes, l’organisationdes examens, la gestion des flux d’élèves, l’évaluationdes apprentissages…

À cela, il faut ajouter que les réformes et lesincitations au changement ont fortement augmenté aucours de ce dernier quart de siècle. Cet accroissementest la conséquence de la volonté d’élever le niveau

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général d’instruction et d’ouvrir l’enseignementsecondaire et supérieur aux catégories les plusdéfavorisées de la population grâce à un ensemble demesures qui concernent aussi bien la modification desprocédures de sélection et d’orientation et l’attributionde moyens supplémentaires à certains établissementsque l’incitation à une transformation des méthodespédagogiques. Mais les changements dans lesprogrammes et la création de nouveaux dispositifs etde nouvelles actions résultent aussi de l’extension dela prise en charge éducative et sociale des élèves etdu souci d’améliorer leur formation à la citoyenneté.

En outre, ces politiques ne relèvent plus du seul Étatcentral. La décentralisation encourage unfoisonnement de politiques locales, alors que laglobalisation renforce le rôle en matière d’éducationd’instances transnationales comme l’OCDE,supranationales comme l’Union européenne.

Or, si la diversité et la multiplication des politiquestémoignent du dynamisme de l’action publique dans ledomaine de l’éducation, elles ont pour effet de produireune image brouillée du fonctionnement du systèmescolaire. La difficulté à comprendre les logiques àl’œuvre dans les décisions et les effets de leurimbrication sur le terrain alimente des discours àcaractère idéologique, renforce des positions de repliet de résistance à la base et conduit in fine àdésespérer de la capacité du politique à transformer

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les réalités éducatives.

Analyser en détail chacune des réformes et desinitiatives, même sur une période historique restreinte,n’est pas d’un grand secours à cet égard. Car ce quimanque le plus pour se repérer dans cet universpourtant si familier – comparativement à celui despolitiques monétaires ou même des politiques del’emploi ou de la santé – et néanmoins si complexe,ce ne sont pas des commentaires des lois et desdispositifs ni des chronologies des intentions et desréalisations, mais des cadres et des outils pour penserleurs articulations.

C’est dans cette intention que cet ouvrage a étéconçu. Il entend en effet non pas présenter l’ensembleni même une sélection raisonnée des politiques, maisfournir une grille de lecture de leur construction et deleur mise en pratique. Le plan du livre reflète ce partipris analytique. Il débute par une présentationsynthétique des approches, des modèles et desdémarches qui ont été développés pour étudier lespolitiques d’éducation. L’analyse à proprement parlerdes politiques d’éducation en France commence parl’étude des idées et des valeurs qui orientent les choixéducatifs, de leurs traductions politiques et del’influence des points de vue émanant de différentescatégories d’acteurs. Cette perspective cognitive etnormative est complétée par une approcheorganisationnelle qui examine le degré d’autonomie

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des dirigeants nationaux, les instances et les modesde négociation au sommet ainsi que le fonctionnementde l’administration. L’analyse de la gestion territoriale,de la mise en œuvre des politiques dans lesétablissements d’enseignement et du rôle del’évaluation clôt cet examen des différentescomposantes de l’État enseignant en action.

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Chapitre I

Approches, modèles etdémarches

epuis les années 1960, de nombreux travaux se sontintéressés aux politiques éducatives. Pendantlongtemps plus descriptifs ou normatifs qu’explicatifs,ce n’est que depuis une quinzaine d’années, dans lecontexte français tout au moins, qu’on voit émergerdes modèles ayant pour ambition de comprendre lesorientations des politiques éducatives, leur élaborationet leur mise en œuvre ainsi que leurs effets culturels etsociaux. Par ailleurs, relevant de différentes approchesdisciplinaires et de différents courants théoriques etméthodologiques, ces modèles et les démarches quiles sous-tendent ne commencent que depuis peu àfaire l’objet de confrontations et de synthèses. Or, unevue d’ensemble de leurs apports paraît indispensablepour faire un état des lieux provisoire de ce domained’étude et dégager des pistes pour les recherches àvenir.

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I. L’apport des analyseshistoriques etsociohistoriquesLes analyses historiques et sociohistoriques onttraditionnellement occupé une place importante parmiles travaux consacrés aux politiques d’éducation enFrance. Dans tous les pays qui ont une longuetradition de scolarisation, la compréhension despolitiques scolaires n’est possible qu’en tenant comptedu passé. Néanmoins, cette approche diachroniqueest plus présente en France que dans d’autres payscomparables à la fois en raison du rôle attribué àcertains événements historiques dans la constitutionde l’identité nationale et du caractère très politique dela construction du système éducatif public, le reculhistorique permettant alors, comme le note ÉmileDurkheim dans L’Évolution pédagogique en France, de« réduire les préjugés et les passions contemporaines». À cela, on peut ajouter que le changementadministratif s’y caractérise davantage par lasuperposition d’un type nouveau à un type déjàexistant dont on attend l’extinction progressive, quepar la suppression pure et simple de ce dernier, ce quinécessite de remonter dans le temps pour comprendrel’enchevêtrement des politiques et des dispositifs.

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1. Conjonctures et évolutions delongue durée

Les analyses conduites dans une perspectivehistorique classique ont tendance à privilégier lavolonté des gouvernants et la « mise en intrigue » desévénements (Prost, 1993). Il s’agit, d’une part, demettre en évidence les dispositions, les intentions etles ressources d’acteurs individuels occupant uneposition clé au niveau national (présidents, ministresde l’Éducation, hauts responsables d’unitésadministratives centrales ou régionales) ou d’acteurscollectifs comme les syndicats enseignants. Mais ils’agit également, d’autre part, de produire deschroniques événementielles rassemblant les élémentscaractéristiques d’une conjoncture particulière. Lesinterprétations proposées restent alors, le plussouvent, fortement contextualisées et ne cherchentpas à dégager des conclusions générales. C’est le casde l’ouvrage que Claude Lelièvre et Christian Nique(1995) ont consacré aux politiques scolaires de quatreprésidents de la République : Charles de Gaulle,Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing etFrançois Mitterrand. Ce travail attribue les différencesdans les orientations et les styles d’intervention dansle champ éducatif de ces quatre représentants del’État à leurs convictions éducatives personnelles,forgées par leurs parcours éducatifs et politiques.

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Toutes les analyses diachroniques des politiqueséducatives ne relèvent cependant pas du modèlehistorique classique. Certaines s’appuient davantagesur une approche sociologique à la fois parce quel’éducation a été un domaine de très forte circulationde méthodes entre historiens et sociologues et parceque plusieurs sociologues ont eux-mêmes mené desanalyses sociohistoriques (Passeron et Prost, 1990).C’est le cas du travail de Viviane Isambert-Jamati(1970) qui examine l’évolution des fins poursuivies parl’enseignement secondaire français pendant cent ans(1860-1960) au travers du prisme des discours dedistribution des prix. En montrant que les évolutionsdes finalités de l’enseignement secondaire necorrespondent pas mécaniquement à celles del’économie, de la société ou du pouvoir politique, cetravail fait apparaître une autonomie non négligeabledes institutions d’enseignement. L’école, pourreprendre l’expression utilisée par Guy Vincent (1980),n’apparaît pas comme un « reflet » de la société, maiscomme un « relais ». Dans son propre travail, qui seprésente comme une étude sociologique mais qui alargement recours à une approche historique, cetauteur s’attache à analyser la constitution et ledéveloppement de la « forme scolaire » à partir d’untissage étroit des liens entre le pédagogique, lereligieux et le politique ainsi que les effets de pouvoirspécifiques que produit cette configuration particulière.

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Le travail d’André Petitat (1982) analyse quant à luiquelques moments décisifs de l’évolution desinstitutions scolaires dans le monde occidental etmontre que l’école a joué un rôle important, selon lespériodes, dans la genèse de certains groupes sociauxcomme la médecine d’élite, les professions juridiqueset le clergé lettré au Moyen Âge. Il montre aussiqu’elle a contribué, à partir du xviii e siècle, àl’homogénéisation culturelle de la bourgeoisie et à laconstruction d’une conscience de classe ouvrièretranscendant les particularismes des métiers et desrégions et les mobilités individuelles, sociales etgéographiques. Sur une période plus récente, le travailsociohistorique mené par Anne van Haecht (1985) surl’enseignement « rénové » belge souligne quant à luiles liens entre la crise économique et la crise desréformes égalitaires. L’auteur met cependant en avantl’existence de logiques propres au champ scolaire etpédagogique en montrant notamment que lesrevendications sur l’école sont devenues, à partir desannées 1960, davantage psychopédagogiques quepolitiques et que le pouvoir des enseignants afortement diminué face à la montée en puissanced’autres professionnels comme les travailleurs sociauxet des parents des classes moyennes et supérieures.

2. La régulation politique « par lebas » du système d’enseignement

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D’autres analyses menées par des historiens et dessociohistoriens s’attachent davantage, en recourant àdes monographies locales, à l’étude des faitsinstitutionnels, de l’activité quotidienne des individusconcernés par la scolarisation et de leurs effets. Letravail d’Antoine Prost (1986) sur la démocratisation del’enseignement, qui analyse une période courte detrente-cinq ans entre la fin de la Seconde Guerremondiale et le début des années 1980, met enévidence un bel exemple d’« effets pervers », c’est-à-dire d’effets non recherchés par les promoteurs desréformes, voire contraires aux finalités qu’ilspoursuivaient. Il montre en effet que la démocratisationa surtout progressé entre 1945 et 1965, alors que lesystème était encore régi par la réforme conservatricede 1941. Contrairement à des approches mettant enavant le rôle des orientations émanant de l’État centralet de la « demande d’éducation » des familles, cetteétude de la ville d’Orléans montre aussi l’influencedéterminante de l’offre d’enseignement locale qui sedéveloppe, certes, sous l’impulsion des directivesnationales, mais également grâce à l’actionpartiellement autonome des administrations éducativeslocales, des municipalités et des chefsd’établissement.

L’étude de Jean Peneff (1987) sur le développement dela scolarisation dans l’Ouest de la France montre,quant à elle, qu’il a fallu un énorme travail de

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persuasion de la part des inspecteurs primaires, descommissions scolaires, des délégués cantonaux etdes enseignants, une grande souplesse face à lafréquentation irrégulière et courte de certains enfantsainsi que l’organisation d’un ensemble de prestations àbas prix pour vaincre les résistances de certainespopulations à la scolarisation. L’auteur met égalementen évidence que les progrès et les reculs de lascolarisation ont aussi dépendu de l’attitude desmunicipalités à l’égard de l’école publique, del’intensité de la concurrence des écoles privées et dela dynamique même de la fréquentation.

Mais ce sont sans doute les sociologues Jean-PierreBriand et Jean-Michel Chapoulie (1992), dans le cadrede la très importante recherche qu’ils ont consacréeaux « collèges du peuple », c’est-à-dire aux diverstypes d’enseignement postprimaire qui se développententre 1880 et 1960, qui ont mis en évidence, de lafaçon la plus nette, les apports spécifiques del’analyse sociohistorique « par le bas ». Privilégiantune perspective qui donne un rôle premier auxinstitutions scolaires dans le développement de lascolarisation, les deux auteurs analysent leurfonctionnement interne, mais également leurs liensavec les différentes populations concernées parchaque niveau et type de scolarisation, avec lesdiverses instances (collectivités locales,administrations d’État, patronat, Église) qui exercent

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une autorité sur elles et contribuent à leurfinancement, et avec les autres institutions, scolaireset non scolaires, susceptibles d’accueillir les mêmespopulations. Dans cette approche, le long termes’impose. D’une part, parce qu’elle part du principeque les transformations de l’enseignement quiapparaissent réalisables aux responsables de lapolitique scolaire sont généralement inscrites dans unÉtat institutionnel construit en amont. D’autre part,parce qu’elle pose que le travail d’interprétation desdécisions et des réglementations ne s’achève pasavec leur mise en œuvre, mais se poursuit dans lefonctionnement ordinaire des institutions.

II. Les analysessociologiquesLes recherches sociologiques ont, jusqu’à une périoderécente, accordé assez peu d’intérêt à l’analyse despolitiques éducatives. Le développement actuel detravaux dans ce domaine obéit à une double logique,scientifique et politique. Sur le plan scientifique, laperte d’influence des théories structuralistes a permisle développement d’approches de typeinstitutionnaliste ou constructiviste. Sur le planpolitique, la globalisation et la décentralisation ontcontribué à l’émergence de travaux comparatistes et

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d’analyses plus sophistiquées de la construction et dela réception des politiques.

1. Les travaux fondateurs de lasociologie de l’éducation

Une des raisons principales de l’absence de modèlesambitieux d’analyse des politiques éducatives au seinde la sociologie de l’éducation française est le poids,dans les travaux fondateurs, des approchesstructuralistes dans lesquelles l’insistance sur lesdéterminismes sociaux, culturels et économiqueslaisse peu d’autonomie au politique. Les analyses àdominante consensualiste, comme celles de TalcottParsons, insistent ainsi sur le rôle d’intégrationnormative, au travers de l’inculcation de valeurscomme l’accomplissement individuel, et d’intégrationfonctionnelle, grâce à une sélection méritocratiquepermettant l’accès à des statuts sociaux hiérarchisés,que joue l’école dans les sociétés modernes. À aucunmoment n’est cependant abordée la question desgroupes qui influent sur le choix des valeurs et desmécanismes de sélection. De leur côté, les analysesconflictualistes de type marxiste considèrent l’écolecomme « un appareil idéologique d’État », selon laformule de Louis Althusser. Pour Christian Baudelot etRoger Establet dans L’École capitaliste en France(1971), alors qu’elle se présente comme homogène etégalitaire, l’institution scolaire divise chaque génération

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d’élèves, en fonction de leur origine sociale, entre ceuxqui sont destinés à rejoindre la bourgeoisie et ceux quiiront nourrir les rangs du prolétariat. Or, si l’État joueun rôle central dans ces analyses, la détermination deson action par l’économie et la structure de classe nelaisse aucune place pour l’autonomie des gouvernantsni des acteurs de la base.

Empruntant des concepts et des modes d’analyse à lafois aux théories marxistes et aux travaux d’ÉmileDurkheim et de Max Weber, la théorie développée parPierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron dans LaReproduction (1970) insiste, quant à elle, sur le pouvoird’imposition de l’école. Tout en inculquant des savoirsconformes à la culture des groupes dominants et enassurant par divers mécanismes l’accès de cesderniers aux positions de pouvoir, l’institution scolaireréussit néanmoins à apparaître comme un espaceneutre confrontant les élèves à des savoirs universels,grâce au travail de maîtres qui donnent l’illusion deprocéder à une sélection des meilleurs sur une basestrictement méritocratique. Cette approche théorique apermis le dévoilement des fonctions et desmécanismes institutionnels cachés par le discoursofficiel. Toutefois, en se focalisant prioritairement surles catégories, les classements et les arrangementsinstitutionnels, elle tend à rendre invisible l’actionpolitique qui leur a donné naissance et contribue, àtous les échelons du système, à leur maintien (van

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Zanten, 2005).

Le travail de Raymond Boudon (1973) sur l’inégalitédes chances adopte, en revanche, un point de vueradicalement différent en posant qu’il est possible defaire l’économie d’une théorie macrosociale desrapports sociaux. Combinant une approcheéconomique (la comparaison coûts-avantages) etpsychosociologique (la théorie du groupe deréférence), cette analyse conçoit les inégalitéssociales comme le résultat de la concurrence sur unmarché d’individus faisant des calculs différents desavantages et des risques potentiels en fonction deleurs univers de référence et de leurs ressources. Elleexclut ainsi largement toute réflexion sur le rôle desacteurs institutionnels. Pourtant, en montrantcomment les « effets agrégés » des comportementsindividuels sont parfois très divergents de ceuxrecherchés par les utilisateurs et par les responsablesdu système d’enseignement, ces analyses inaugurentune réflexion sur les conséquences, à l’origine denombreux travaux sur l’évaluation des politiques.

2. Les comparaisons internationalesde configurations nationales et deleurs effets

Les comparaisons internationales de politiqueséducatives sont en plein développement, mais relèvent

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d’une pluralité de perspectives. Le travail de MarcMaurice, François Sellier et Jean-Jacques Silvestre(1982) a ouvert une voie féconde d’analyse autour de lanotion de « cohérence sociétale ». Au sein de cetteapproche, les différences entre pays sont examinéesen tenant compte des liens entre les modalités deformation, les pratiques organisationnelles desentreprises et l’action collective des salariés. Cesrelations permettent de comprendre l’existence, enFrance, d’un système de formation générale qui, touten excluant des formes trop radicales de ségrégation,débouche, en dernier ressort, sur une sélectivitéscolaire et sociale très forte, alors qu’en Allemagne lesphénomènes de ségrégation précoce concourent à laconstruction d’un système de formationprofessionnelle autonome et puissant.

Les analyses d’Éric Verdier (2008) ont permis deprolonger et d’enrichir cette perspective à partir de lanotion de « régime national d’éducation » qui désignela configuration d’acteurs engagés dans la production,l’organisation et la valorisation du service d’éducationet de formation. Dans cette optique, il apparaît que lerégime national français s’appuie sur une vision de lacompétition scolaire entre individus dont la pureté etl’équité doivent être garanties par le recours à uncritère objectivé, la performance scolaire ainsi que parl’intervention d’un État investi d’une forte légitimitépolitique et la mise à l’écart des influences locales,

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professionnelles et marchandes. En revanche, lerégime national allemand comporte une forteorientation professionnelle et le régime nationalanglais, une forte dimension marchande. Une optiquesimilaire est adoptée dans l’enquête de FrançoisDubet et al. (2010). Mobilisant des donnéesstatistiques issues notamment des enquêtes PISA(Programme for International Student Assessment),les auteurs avancent l’idée que le système français secaractériserait, comparativement à d’autres, par unetrès forte emprise du diplôme sur l’emploi et la mobilitésociale, ce qui contribuerait à la fois à tendre lesrelations sociales à l’intérieur des institutionsd’enseignement et à recréer des inégalités fortes entreles individus en fonction de leur appartenance socialeà la sortie.

D’autres travaux comparatifs s’intéressent plutôt àl’organisation et à la régulation interne des systèmesd’enseignement. Margaret Archer (1979) a ainsimontré que, dans les systèmes décentralisés commele système anglais, le changement est constammentinitié, modifié et contre-attaqué à l’échelle de l’école, lacommunauté locale et la nation, alors que dans lessystèmes centralisés comme le système français, lesconcessions et les compromis au sommet, quipermettent à la réforme de voir le jour, conduisentinévitablement à une dilution importante des finspoursuivies par ses promoteurs, ce qui suscite le

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besoin incessant d’une nouvelle réforme. Des travauxplus récents insistent néanmoins sur les phénomènesde convergence entre ces deux pays, liés àl’introduction de nouveaux outils de régulation (cf.chap. iii et iv). Patricia Broadfoot (1996) a ainsi montréque, si elles se sont longtemps caractérisées par desmodèles très différents d’évaluation des activitésd’enseignement et d’apprentissage, l’Angleterre et laFrance tendent toutes les deux à donner une placegrandissante à la comparaison des résultats desélèves et des établissements.

Le travail comparatif mené sous la direction deChristian Maroy (2006 a) dans six espaces scolaireseuropéens met néanmoins en évidence l’existence dedeux types idéaux de régulation : le modèle de l’Étatévaluateur, fondé sur l’introduction par lesadministrations étatiques de divers outils d’impulsion,d’accompagnement et d’évaluation de l’actionéducative, et celui du marché, fondé sur la compétitionentre établissements et le choix des usagers. Danschaque contexte et dans chaque pays, ces deuxmodèles s’imbriquent de façon différente et s’hybridentavec des formes antérieures, ce qui fait qu’in fine lesdifférences nationales évoluent, mais se maintiennent.Au travers d’une enquête quantitative, mobilisant lesenquêtes PISA, Nathalie Mons (2007) met, quant àelle, en évidence trois tendances majeures dessystèmes d’enseignement : la décentralisation,

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l’individualisation des parcours et le libre choix del’école. Ces trois tendances empruntent cependantdes voies diverses selon les pays, donnant lieu à deuxnouveaux modèles scolaires : celui de la différenciationintégrée, articulant une décentralisation modérée, uneindividualisation intégrée des parcours et le libre choixrégulé de l’école, auquel sont associées des inégalitésmodérées entre élèves, et le modèle de l’intégrationdésarticulée, caractérisé par une décentralisation forte,la différenciation des parcours et le libre choix total del’école, plus porteur d’inégalités scolaires et sociales.

3. Les analyses constructivistes desprocessus politiques à l’échellelocale

Stephen Ball a été un des premiers sociologues àdévelopper une approche constructiviste des politiqueséducatives. Dans ses différentes publications (Ball,1994, 2006), il invite à examiner les politiqueséducatives comme des discours exprimant un «régime de vérité » (comme le néolibéralisme), dont lacrédibilité et la cohérence reposent sur le travail d’«intellectuels politiques ». Il insiste aussi cependant surla nécessité d’analyser les politiques en acte entenant compte de deux grands types de contextes : lecontexte de formulation et de production des politiqueset celui de leur mise en pratique. Le premier comprend

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les luttes qui prennent place au niveau de l’État centralentre membres des élites au pouvoir autour del’adoption de différentes orientations et programmesd’action. Le second, le travail de réinterprétation,d’adaptation et de transformation des politiques auquelse livrent continuellement les acteurs locaux. Lespolitiques éducatives comporteraient ainsi deuxvisages : fortement structurées par les modèlesdominants à une époque donnée, leur devenir sur leterrain demeurerait largement indéterminé.

Dans le sillage de ces analyses ou avec d’autresperspectives, la multiplication des réformes, d’abordsous des gouvernements conservateurs, puis, de façonplus accélérée encore, après l’arrivée du New Labourau pouvoir, a favorisé l’émergence d’un grand nombrede recherches sur les politiques éducatives enAngleterre. Ces travaux ont donné la priorité à deuxthématiques : l’évolution des conceptions de la justicesociale qui transparaît dans les rhétoriques et leschoix des promoteurs de ces initiatives, et lesprocessus d’élaboration et de mise en œuvre desréformes au travers notamment de nouveauxpartenariats, à l’échelle nationale et locale, entreacteurs du secteur public, du secteur privé et dusecteur associatif (Whitty, 2002 ; Fitz et al., 2006 ;Ball, 2007).

L’accroissement des réformes mais aussi laperception d’un décalage persistant entre les

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intentions affichées au sommet et les dynamiques à labase ont également suscité de nombreuses analyseslocalisées de politiques éducatives dans la sociologiefrancophone. Deux recherches de grande ampleur ontainsi été menées sur la réforme du premier degré del’enseignement secondaire en Belgique. S’inspirantdes travaux du sociologue britannique Basil Bernsteinet des théories de la traduction, Éric Mangez (2008)s’est intéressé à la carrière de cette réforme depuis saproduction dans la sphère politique jusqu’à sa mise enœuvre dans les classes, en mettant en lumière le rôlede médiation que jouent les réseaux sociopolitiques etscolaires et le travail d’interprétation qui prend placedans les établissements en lien avec leur positiondans la hiérarchie locale. Dans une perspectiveinstitutionnaliste, Hugues Draelants (2009) a montré,quant à lui, le rôle de nombreux pédagogues, agissantcomme des entrepreneurs politiques, dans lalégitimation cognitive, morale et pragmatique de cetteréforme, mais aussi la façon dont ces acteurs se sontheurtés, à la base, à des entrepreneurs du maintien dustatu quo, notamment des enseignants, ce qui aprogressivement entraîné la délégitimation desnouvelles institutions.

D’autres courants encore ont été mobilisés pourétudier les politiques françaises. Après avoir analysé latransition d’un modèle standardisé d’école à unepluralité d’arrangements locaux et ses effets sur la

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justice du système éducatif, Jean-Louis Derouet aétudié avec Yves Dutercq (Derouet, 1992 ; Derouet etDutercq, 1997) les principes mobilisés par les acteurspour construire des accords au sein desétablissements scolaires, en les référant à quatregrands modèles politiques : « civique », «communautaire », « industriel » et « marchand ». Lesanalyses de terrain montrent cependant que lesacteurs fonctionnent moins sur des accords que surdes compromis autour de ces diverses références. Lestravaux d’Yves Dutercq (2000) sur les politiqueséducatives régionales, départementales et localessoulignent, quant à eux, le rôle qui y jouent denouveaux réseaux coordonnés par des « macroacteurs», qui en fondent leur légitimité et s’en servent pourenrôler d’autres acteurs, négocier avec eux etdévelopper de nouveaux partenariats plus ou moinsofficiels.

D’autres travaux se sont intéressés à ces mêmesdynamiques locales à partir d’une perspective entermes de mobilisation collective de ressources.Agnès van Zanten a ainsi étudié la façon dont les élusde certaines grandes villes ont développé despolitiques municipales d’éducation en mettant en avantdes valeurs comme la créativité ou l’efficacité poursusciter de nouveaux engagements et en mobilisantde nouveaux outils comme les projets locaux pourcréer des cadres d’action communs et asseoir leur

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compétence technique et leur légitimité politique dansle secteur de l’éducation (van Zanten, 1997). Un autretravail du même auteur analyse la situation spécifiquedes établissements de la périphérie en mettantl’accent sur les interactions entre, d’une part, lespressions normatives et organisationnelles émanant deleur environnement politique, institutionnel et social et,d’autre part, les orientations éducatives et lesarrangements institutionnels privilégiés par lesprofessionnels de l’éducation de ces établissements. Ilmontre la difficulté qu’éprouvent les acteurs de la baseà passer d’un ordre local fondé sur des arrangementstolérés ou encouragés par les administrations localesà une vision proprement politique des orientations etdes modes d’organisation à promouvoir pour réduireles inégalités d’éducation (van Zanten, 2001).

L’analyse de ce nouvel ordre éducatif local a étépoursuivie dans les travaux de Choukri Ben-Ayed(2009). Cet auteur s’est intéressé aux mobilisationséducatives locales en montrant le décalage croissantentre un ordre éthique et moral porté par des groupesd’acteurs engagés et un ordre bureaucratique encoretrès sourd à la diversité et à la complexité locales. Il aégalement examiné les tensions à l’œuvre au sein dessystèmes éducatifs régionaux, notamment entre lestenants d’un régionalisme fonctionnel, s’adossantencore fortement à l’appareil centralisé, et ceux quipromeuvent un régionalisme politique, affirmant

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l’autonomie relative des visées et des projets descollectivités territoriales.

III. Les analyses despolitiques publiquesLes recherches des sociologues de l’éducation ontpermis de mieux appréhender certaines dimensionsessentielles des politiques éducatives notamment àpropos des valeurs ou des intérêts qui les fondent, desprocessus qui interviennent dans leur mise en œuvreet de leurs effets. Elles s’intéressent cependanttendanciellement moins que celles des politologues àl’ensemble des processus politiques, administratifs etorganisationnels qui participent à l’élaboration et àl’équipement des décisions émanant des autoritéspubliques. Or, si les analyses des dynamiquesspécifiques au secteur éducatif qui mobilisent lesconcepts et les outils de la science politique ou de lasociologie politique de l’action publique sont encorepeu nombreuses, elles font l’objet d’un intérêtcroissant de la part des nouvelles générations deschercheurs.

1. Des politiques publiquesd’éducation ?

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Il n’y a pas de définition parfaitement consensuelleparmi les spécialistes des traits distinctifs d’unepolitique publique. Pour Yves Meny et Jean-ClaudeThoenig (1989), une politique publique est un problèmequi comprend un contenu et un processus de travail etqui participe à la constitution et à la transformationd’un espace politique. Elle comporterait cinq traits : 1/un contenu, c’est-à-dire des ressources mobiliséespour générer des résultats ou des produits ; 2/ unprogramme articulant les actes autour de quelquesaxes spécifiques ; 3/ une orientation normative, car lesactes satisfont des intérêts et sont porteurs de valeurs; 4/ un facteur de coercition, car l’activité publiqueprocède de la nature autoritaire dont est investi l’acteurgouvernemental et 5/ un ressort social dans la mesureoù les actes ont pour but d’agir sur des segmentsspécifiques de la population. Bruno Jobert et PierreMuller (1987) mettent de leur côté en avant deuxdimensions : une dimension cognitive et normative etune dimension organisationnelle. Une politiquepublique se présenterait ainsi d’abord comme unereprésentation plus ou moins vague ou précise dusystème sur lequel on veut intervenir, et ensuitecomme un ensemble de procédures, de techniques etde relations de pouvoir renvoyant à un processussocial concret.

Dès le début des années 1980, certains travaux, quis’inspirent des recherches conduites aux États-Unis

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au cours des deux décennies précédentes, déplacentnéanmoins le regard de la construction des politiquesà leur mise en œuvre. Or, ce renversement deperspective, dont témoignent à la fois les écrits deJean-Gustave Padioleau (1982) et de PierreLascoumes (1994), met à mal l’idée d’une actionpolitique uniforme et cohérente. L’hétérogénéité desintérêts en présence, la complexité des stratégiesd’acteurs concernés, les méandres de la prise dedécision publique, les réinterprétations lors de la miseen œuvre concrète, les effets en retour et lesréajustements réguliers des dispositions initialesrendent impossible tout raisonnement linéaire etcausal. Il conduit aussi à mettre en lumière les limitesde la capacité d’innovation et d’action de l’État quiprocède plutôt au coup par coup ou en réassemblant,dans une perspective incrémentaliste, des élémentsantérieurs.

Dans son travail de synthèse, Patrice Duran (2010 a)propose ainsi d’écarter la notion de « politique publique» qui favoriserait une vision trop unilatérale, cohérenteet maîtrisée d’une activité gouvernementale dont on nepeut déterminer le plus souvent qu’ a posteriori, enexaminant l’articulation des enjeux, des acteurs et descontextes institutionnels, si elle présente ou non lecaractère d’une politique délibérée, au profit de celled’« action publique » qu’il a contribué à populariser. Endéfinissant cette dernière comme « le produit d’un

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processus social, se déroulant dans un temps donné,à l’intérieur d’un cadre délimitant le type et le niveaudes ressources disponibles à travers des schémasinterprétatifs et des choix de valeurs qui définissent lanature des problèmes publics posés et les orientationsde l’action », il met fortement l’accent sur lesconfigurations institutionnelles, les instruments degouvernement et les conséquences prévisibles et nonprévisibles des choix.

Les politiques éducatives peuvent-elles êtreapprochées à partir de ces définitions et desapproches qui les sous-tendent ? Contrairement auxsouhaits de certains chercheurs (Van Haecht, 1998),ce mode d’appréhension de l’action publique éducativen’a été adopté que par une minorité de travaux jusqu’àune date récente, sauf dans le domaine del’enseignement supérieur. Les recherches sur cesegment du système éducatif ont en fait été de longuedate à l’origine de concepts comme celui d’« anarchieorganisée » (Cohen, March et Olsen, 1972) qui ontinspiré de nombreux travaux sur la décision dans lesorganisations. Dans le contexte français, les enquêtesde Christine Musselin (2001) en particulier mettent enavant l’intérêt d’étudier les universités comme desconfigurations – c’est-à-dire comme des dispositifsinstitutionnels qui cadrent mais ne déterminent pas lespratiques, ni les représentations – au sein desquelless’articulent trois formes d’action collective, les

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universités, les autorités de tutelle, la professionuniversitaire. Chacune de ces formes constitue unordre local incomplet qui ne prend sens que dans lecadre plus large des interdépendances avec lesautres. Il apparaît ainsi que les processus de décisionet les formes de gouvernement au sein des universitésne peuvent être expliqués par les seules régulationsendogènes. Celles-ci interagissent avec des formes derégulation exogènes en provenance de l’État et de laprofession universitaire, ce qui n’empêche pasl’existence de fortes différences entre desétablissements soumis à un même type de pilotagegouvernemental et de régulation professionnelle.

2. La réorganisation managériale etdécentralisée de l’Éducationnationale

Le désintérêt des chercheurs travaillant sur l’éducationpar ces approches s’explique, entre autres choses,par deux caractéristiques de l’Éducation nationale, quil’ont fait longtemps apparaître comme figured’exception par rapport à d’autres domainesd’intervention étatique, ayant connu depuis les années1960 d’importantes transformations. La première a traità la prédominance dans ce secteur de l’actionpublique d’une conception hégélienne de l’État. Cetteconception, incarnée concrètement en France dans la

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figure de l’État républicain, dote ce dernier d’unecapacité quasi magique à construire l’universel et àaffirmer l’intérêt général en transcendant les intérêtsparticuliers multiples de la société civile. Cettereprésentation va de pair avec la prégnance d’uneconception charismatique de l’action politique commede l’action pédagogique (van Zanten, 2008). Cetteconception privilégie la vision et la volonté, innées ouissues de l’expérience, de personnalités d’exception àla place de la mobilisation raisonnée et pragmatiquede connaissances et de compétences par lesdirigeants et les professionnels. La secondecaractéristique concerne le poids majeur, notammentdans les administrations locales, d’une organisationque Michel Crozier (1964) lui-même a qualifiée de «quintessence de la bureaucratie », en se focalisantnéanmoins, de façon critique, sur une seule dimensionde cette forme sociale, à savoir la formalisation deséchanges sociaux au moyen de systèmes de règles etde procédures qui s’imposent aux acteurs (Duran,2010 b).

L’émergence de nouveaux travaux dans ce domainequi traitent de l’État enseignant « en action »s’explique par une plus grande circulation d’idées entreles spécialistes des politiques publiques et lesspécialistes de l’éducation, mais surtout par deschangements dans la conduite de l’action politique etdans le fonctionnement des administrations éducatives

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(Dutercq et van Zanten, 2001). Malgré les résistancesqu’expriment jusqu’à aujourd’hui les acteurs del’Éducation nationale à se détacher d’une logiquepurement sectorielle, celle-ci est confrontée,davantage même que d’autres secteurs de l’actionpublique en raison des multiples fonctions du systèmed’enseignement, à l’émergence de problèmes, créésen partie par l’expansion et la différenciation de l’actionétatique, dont la solution dépasse le cadre d’une seuleorganisation et d’un seul secteur. De ce fait, onconstate en France comme ailleurs l’intervention d’unemultiplicité d’acteurs, publics et privés, qui se situentsouvent à l’intersection de plusieurs domaines d’action(Ball, 2007). Par ailleurs, l’éducation est un desdomaines essentiels de mise en œuvre de la nouvellegestion territoriale, et son organisation n’a pas résistéau tournant managérial de l’administration française(Duran et Thoenig, 1996 ; Bezès, 2009).

Certains travaux ont ainsi mis en évidence que laterritorialisation du service public d’éducationtransforme les habitudes administratives et lescultures professionnelles des fonctionnaires dans lemême sens que ce qui a pu être observé dans d’autresadministrations comportant des directionsintermédiaires. Parallèlement, l’approche différenciéedes besoins sociaux y favorise, comme ailleurs, lademande de droits individuels, ainsi que l’expressionde revendications collectives sur une base

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communautaire ou identitaire (Morel, 2001). D’autrestravaux ont étudié la façon dont de nouveauxdispositifs, comme les « bassins de formation »,contribuent à coordonner l’intervention d’une pluralitéd’acteurs et à faire dialoguer des approches différentesd’un même problème en réduisant le poids des ordresd’enseignement, des logiques catégorielles et de lasegmentation du traitement administratif ordinaire(Buisson-Fenet, 2005).

D’autres recherches encore ont montré que leslogiques du nouveau management public(rationalisation des ressources, flexibilité desstructures, autonomie plus large des organisations debase, individualisation de la relation au client-usager)s’introduisent de façon parallèle dans les hôpitaux etles établissements scolaires. Elles y épousentcependant des logiques différentes en fonction dustatut social fort distinct de l’élève et du malade, del’organisation interne et des jeux d’acteurs propres àchaque institution. Dans l’Éducation nationale, onconstate notamment une grande ambivalence deschefs d’établissement à l’égard de principes defonctionnement qui entrent en tension avec ceuxhabituellement associés au service public (Demailly etDembinski, 2000 ; Barrère, 2006).

On observe en effet le maintien de certainesspécificités du secteur éducatif. Elles sont liées, d’unepart, au maintien d’une coupure encore forte entre la

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prise de décision politique et la gestion au sein desadministrations de l’Éducation nationale et dudécouplage persistant, malgré quelques efforts pour leréduire, entre la gestion administrative et l’activitépédagogique. De ce fait, les tentatives pour introduiredes régulations de type postbureaucratique à toutesles échelles du système éducatif ont pour l’instant unimpact limité. À cela, il faut ajouter les moyenspuissants que déploient encore les acteursadministratifs et les enseignants pour définir leur cadred’intervention de sorte à maintenir à distance lescollectivités territoriales, d’autres professionnels et lesusagers (van Zanten, 2004).

3. Les instruments des politiquesd’éducation

L’analyse de l’instrumentation de l’action publiqueconcerne, selon la formule de Lascoumes et Le Galès(2004), « l’ensemble des problèmes posés par le choixet l’usage des outils (des techniques, des moyensd’opérer, des dispositifs) qui permettent de matérialiseret d’opérationnaliser l’action gouvernementale ». Cetteapproche est d’autant plus féconde dans le champ del’éducation qu’on y observe à tous les échelons lacohabitation d’instruments anciens relevant d’unerégulation a priori par des normes et des règles etd’instruments nouveaux relevant d’une régulationmanagériale continue ou a posteriori. Dans le domaine

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du curriculum, cela se traduit, par exemple, par unepluralité de prescriptions contradictoires. Celles-ci ontjusqu’à présent été principalement véhiculées par unoutil traditionnel, les programmes d’enseignement,dont la fabrication repose sur des négociations entredes décideurs politiques (président de la République,Premier ministre, ministre de l’Éducation), des experts(inspecteurs généraux, universitaires, membresd’associations de spécialistes et de syndicatsenseignants) et des représentants de la société civile(par exemple, pour les programmes d’histoire,membres d’associations d’anciens combattants)(Legris, 2009). Ces prescriptions entrent néanmoins entension avec celles émanant d’instruments plusrécents comme les projets d’établissements ou,davantage encore, le socle commun desconnaissances et des compétences.

Ayant été en France un laboratoire importantd’expérimentation des nouvelles approchesmanagériales, la politique de zones d’éducationprioritaire (ZEP) a fait l’objet de diverses études.Celles-ci se sont intéressées au rôle joué par lesprojets de zone ou les contrats de réussite éducative,en montrant cependant les limites rencontrées par cesoutils incitatifs au sein d’un système hiérarchique etbureaucratique qui reste largement inchangé(Glasman, 1999). D’autres instruments ont enrevanche été mieux intégrés dans le fonctionnement

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ordinaire des administrations et des établissementsZEP. Initialement conçue pour mobiliser les ressourceslocales autour de l’école, l’approche par zone a étéprogressivement abandonnée au profit, d’une part,d’une approche par réseaux permettant d’échapperaux représentations négatives associées à ce terme etd’une gestion par le biais de cartes élaborées parl’administration centrale, visant à réduire les risquesd’une trop forte autonomie locale. Le recours à laprocédure de « deux élèves de moins par classe »témoigne quant à lui d’un glissement de l’objectif initialde correction des inégalités sociales des élèves, quiaurait nécessité une réduction massive du nombred’élèves, associée à des pratiques pédagogiquesadaptées, vers la prise en compte globale de lapénibilité de l’exercice du métier d’enseignant en ZEP.Dans les deux cas, on observe que des instrumentsen apparence neutres font en fait l’objetd’appropriations et de transformations en lien avec lesenjeux politiques et pédagogiques dont ils sontinvestis (Robert, 2009).

Des recherches récentes se sont égalementintéressées à un autre instrument, l’évaluation. Lestravaux de Lise Demailly et al. (1998) ont ainsi mis enavant la coexistence, au sens de l’administration, deplusieurs « référentiels d’action publique », au seindesquels l’évaluation des élèves ou desétablissements prend des sens différents. Alors que

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les cadres, qui adhèrent au modèle traditionnel ou aumodèle « néojacobin », résistent à l’introduction del’évaluation ou s’en servent pour renforcer leur pouvoirhiérarchique, les tenants du « modernismeorganisationnel » ou de la « régulation néolibérale » enfont une dimension importante d’un pilotage dusystème éducatif par les outils managériaux ou par lademande parentale. Ceux qui adhèrent à une visiondémocratisante l’intègrent à leur tour dans un projetvisant la réduction des inégalités scolaires. Lesenquêtes d’Yves Dutercq (2001) mettent quant à ellesplutôt l’accent sur l’usage de l’évaluation en tantqu’outil de coordination et de communication par lescollectivités territoriales alors que celles d’Agnès vanZanten (2009) montrent comment les évaluationsformelles et informelles des établissements sontmobilisées par les familles dans leurs choix scolaires.

Le travail de Xavier Pons (2010 a) sur les méthodesd’analyse des groupes professionnels, comme lesinspecteurs généraux ou les statisticiens du ministère,montre par ailleurs que celles-ci n’ont pasradicalement changé après le passage de ces groupesà une logique d’évaluation. Au contraire, derrièrel’usage d’un vocable moderniste commun, onassisterait à la reconversion de sciences degouvernement anciennes en fonction des identitésprofessionnelles des évaluateurs et de la concurrencecognitive qu’ils se livrent entre eux. Plus qu’un nouvel

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instrument d’action publique, dont l’institutionnalisationreste par ailleurs incomplète, l’évaluation désigneraitde fait un espace de production de connaissancesutiles aux décideurs de nature fort diverse. Elleapparaît ainsi comme un idiome réformateur, c’est-à-dire comme un outil de communication, pris dans unprocessus de réforme politique permanent, que lesacteurs politiques ou administratifs mobilisent poursuggérer un changement souhaitable de leurspratiques ou de l’ensemble du système d’actionsociale dans lequel ils évoluent, sans pour autant êtretoujours capables de précisément définir le contenu decet outil.

Cette brève synthèse des différentes approches despolitiques d’éducation a surtout pour but de montrerque leur analyse scientifique suppose des modèles etdes démarches spécifiques qui se distinguent duregard stratégique ou évaluatif que les décideurs ou lesmembres de l’administration scolaire peuvent portersur leur action et du point de vue du sens commun quechaque citoyen est en droit d’avoir sur lefonctionnement de l’institution scolaire. Elle ne visepas, en revanche, à proposer un cadre d’analyseunique des politiques d’éducation, mais au contraire àmettre en lumière la diversité des théories et desméthodes. Cette diversité reflète des logiques internesà l’organisation de la recherche et notamment desoppositions et des différences entre disciplines, entre

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écoles de pensée et entre modes de travail. La priseen compte de ces diverses perspectives peut amplifierla compréhension des phénomènes, mais elle peutparfois obscurcir les principaux enjeux et lesprincipaux processus si des efforts plus importants nesont pas faits par les chercheurs pour montrer lesconvergences et les complémentarités.

Mais la diversité des approches reflète aussi lamosaïque des types et des niveaux des politiques.Elle renvoie à l’extension et à la complexification del’État enseignant et de ses champs d’action. En effet,des approches comparatives sont de plus en plusnécessaires pour tenir compte de la diffusion, àl’échelle globale, d’idées et de dispositifs éducatifs,ainsi que de nouvelles constructions politiquessupranationales, notamment à l’échelle européenne.En même temps, des approches localisées sontégalement indispensables pour saisir les effets de ladécentralisation et de la plus grande autonomie desacteurs de la base. Le regard sociologique estnécessaire sur ces deux dimensions, mais l’histoireapporte aussi des éclairages fondamentaux grâce àl’analyse des fonctions remplies par les systèmesd’enseignement et du rôle des acteurs institutionnelset de terrain dans l’impulsion et la traduction despolitiques à différentes périodes. Enfin, l’approche entermes de politiques publiques permet de nuancer etd’enrichir des analyses souvent excessivement axées

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sur la spécificité de l’école par la mise en lumière dessimilitudes et des différences entre les divers secteursde l’action étatique.

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Chapitre II

Valeurs, idées et finalités

’étude des politiques d’éducation ne peut ignorerleurs orientations morales et intellectuelles tant il estvrai que dans ce champ de l’action publique la prise dedécision se fait le plus souvent au nom de grandesvaleurs universalistes et s’accompagne d’intensesdébats intellectuels dont les médias se font l’écho. Ilfaut souligner cependant que, s’il ne peut y avoir dansles régimes démocratiques de politiques publiquessans un effort de justification, les valeurs et les idéesne suffisent plus à y fonder l’action. L’appréciation desconséquences de celle-ci, en lien avec les moyensdéployés, participe non seulement des évaluations aposteriori, mais aussi de choix a priori qui sonteffectués. Autrement dit, l’intervention des pouvoirspublics est guidée par des systèmes de raisons quiincluent tout à la fois des prémisses de valeurs et desprémisses factuelles (Duran, 2010 a). Il convientégalement de délimiter l’autonomie des gouvernantsdans ce domaine. En effet, si les modalités concrètesde formulation et de mise en œuvre des politiquesrestent relativement indéterminées, les matrices

L

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normatives et cognitives globales d’une société fontl’objet d’une forte définition structurelle, et il est difficilede les faire évoluer dans le court terme (Muller, 2000).

I. Laïcité, citoyenneté etethnicité1. D’un enjeu philosophique etpolitique à des choix de société

L’idéal de laïcité est au cœur du projet de l’Écolerépublicaine en France. Il est impossible de retracer enquelques lignes le processus de construction de cetensemble de valeurs, d’idées et de finalités au xix e

siècle, mais il est important de souligner le mariagecomplexe de plusieurs composantes. Unecomposante cognitive, tout d’abord. L’influence desLumières et l’influence positiviste conduisent lesdéfenseurs de la laïcité à mettre l’accent sur le rôle dela connaissance dans la construction d’individusautonomes et dans le progrès intellectuel et social.Une composante normative, ensuite, car à laprétention de l’Église à exercer une direction morales’oppose au tournant des xixe et xxe siècles la volontédes républicains de promouvoir, au travers de la laïcité,une éthique collective qui ne soit pas absorbée par le

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religieux. Une composante politique, enfin, car seull’État apparaît en mesure d’incarner ce modèleuniversel (Déloye, 1994). Or, si cet idéal était moinscohérent que ne l’affirment ses défenseurs et si sadiffusion dans l’espace national s’est accompagnéed’adaptations substantielles en fonction des contexteslocaux, il n’en demeure pas moins qu’il permit à l’Étatpendant plusieurs décennies d’assurer un fort contrôleidéologique de la population à travers l’école etnotamment à travers l’école primaire, l’« école dupeuple ».

L’influence de ce modèle est encore visible dans lecontenu des programmes scolaires, dans les éthiquesprofessionnelles des enseignants et dansl’organisation du système d’enseignement.Néanmoins, depuis la Seconde Guerre mondiale et defaçon accélérée depuis les années 1970, on assiste àdes changements qui fragilisent ses bases cognitiveset normatives. D’une part, à la critique sociologique dusavoir comme forme sociale de domination s’estajoutée une mise en cause plus vaste de la sciencecomme instrument de création des risques, ce qui nepeut qu’éroder la croyance dans le rôle émancipateuret progressiste des institutions d’enseignement.D’autre part, le relativisme des valeurs et l’émergencede revendications fondées non pas sur l’idéal d’uneégale dignité de tous les citoyens, mais sur la prise encompte des identités culturelles et du besoin

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d’autoréalisation personnelle de chaque individu ou dechaque groupe au nom d’un nouvel idéal d’«authenticité » (Taylor, 1997), questionnent fortement lemodèle laïque d’inculcation d’un code commun et lapromotion d’une citoyenneté universelle abstraite.Enfin, les évolutions politiques et sociales, notammentles demandes nouvelles de reconnaissance depopulations arabo-musulmanes installées de façondurable sur le sol français et la concurrence demodèles beaucoup plus ouverts au multiculturalismedans l’espace européen, poussent l’État laïquefrançais à se transformer et érodent son pouvoir tantsur la scène internationale que sur le territoire national.

Ces évolutions ont contribué à un renouvellement desrhétoriques politiques. Le contenu de celles-citémoigne cependant moins d’un projet politiqueautonome que d’une volonté de l’État de se fairel’interprète de la transformation des points de vue ausein de la société civile. L’évolution de la perception del’enseignement privé et de sa place dans le systèmescolaire et social a ainsi conduit le gouvernement dugénéral de Gaulle à renoncer à une position quiassociait la neutralité confessionnelle de l’écolepublique à une position combative et à se présenter,au contraire, comme le garant d’une pluralitéd’idéologies (Tanguy, 1972). De même, dans lesaffaires du « foulard islamique » des années 1980,l’État a plutôt limité les ardeurs des tenants d’une

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laïcité exclusive, fondée sur le refus de touteexpression religieuse à l’école, et encouragéindirectement les tenants d’une laïcité ouverte mettantl’accent sur la tolérance à l’égard des croyances. Maisc’est sans doute autour des politiques d’intégration endirection des immigrés que l’on observe actuellementle plus d’efforts pour développer un moded’argumentation prenant en compte les revendicationsculturelles et sociales sans sembler renoncer à l’idéaluniversaliste laïque.

2. Des compromis politiques

Ces rhétoriques accompagnent ou légitiment aposteriori des décisions fondées sur des compromispolitiques entre des points de vue contradictoiresémanant de différents lieux de production del’expertise et de différents groupes d’intérêt. Plusieursdécisions témoignent ainsi de la transition d’uneconception idéologique et partisane de la laïcité à uneconception pragmatique et pluraliste, transitiontoutefois non linéaire et non exempte de conflits. Cetournant est clairement amorcé par la loi Debré (1959)qui reconnaît aux établissements privés une missiond’intérêt général et, par conséquent, le droit d’êtrefinancés par la puissance publique dans le respect deleur « caractère propre », c’est-à-dire de leur libertéd’exprimer des choix culturels et pédagogiquesspécifiques. Un temps menacé par le projet de «

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service public unifié et laïque de l’Éducation nationale» lancé par Alain Savary au lendemain de l’arrivée dela gauche au pouvoir en 1981, ce compromis nesemble pas pouvoir être remis en cause de sitôt. Il aen effet été plébiscité par l’opinion publique dans larue, à l’occasion de manifestations de très grandeampleur qui se sont opposées à sa disparition. Il l’estencore au quotidien par des parents qui ont recours àl’enseignement privé moins en raison de leursconvictions religieuses ou politiques que pouréchapper aux effets négatifs associés à lafréquentation de certains établissements publics(Prost, 1993 ; van Zanten, 2009).

Le traitement scolaire des questions liées à la religiontémoigne aussi de cette recherche de compromis.Interpellé par la première affaire de « foulard islamique» en 1989, le ministre de l’Éducation Lionel Jospin arefusé de prendre position et demandé l’avis duConseil constitutionnel. Celui-ci a prôné une « laïcitéouverte » en estimant que, « dans les établissementsscolaires, le port par des élèves de signes par lesquelsils entendent manifester leur appartenance à unereligion n’est pas, par lui-même, incompatible avec lalaïcité », sous réserve qu’ils ne constituent pas desactes de prosélytisme et ne perturbent pas l’ordredans les établissements d’enseignement. Confirméepar la jurisprudence ultérieure, cette position, quipermet de facto aux élèves de faire valoir dans

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l’espace public une dimension de leur identité jusque-là essentiellement privée, était cependant en décalageavec celles d’une large majorité d’enseignants et d’unefraction de l’opinion publique. C’est pourquoi elle a étépartiellement corrigée par la réglementation émanantdu ministère de l’Éducation qui bannit la présence dessignes ostentatoires des établissements scolaires,mais incite les chefs d’établissement et lesenseignants à convaincre avant d’exclure dans lecadre d’une laïcité moins « ouverte » que celle desjuges, mais plus « délibérative » que la laïcitétraditionnelle (Lorcerie, 1996). Pourtant, la « Charte dela laïcité dans les services publics », publiée en 2007,a encore récemment rappelé que si les agents desservices publics ont le devoir de respecter uneneutralité stricte, les usagers ont le droit d’exprimerleurs convictions religieuses pour autant que cela nenuise au bon fonctionnement desdits services.

À cela s’ajoute l’introduction de l’enseignement du faitreligieux dans les établissements d’enseignementsecondaire dans les années 2000, avec pour objectifde favoriser une meilleure appropriation par les élèvesdu langage symbolique associé aux religions et dupatrimoine culturel français dans ce domaine, ainsique d’élargir le champ de l’éducation à la citoyenneté.Cette innovation curriculaire, dont il faudrait examinerle degré de pénétration et les modalités d’applicationdans les classes et les établissements, est conçue

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non pas comme une rupture avec le modèle laïque,mais comme son renouvellement par le passage d’unelaïcité ignorante à une laïcité informée. Elle sedémarque ainsi clairement des enseignementsreligieux gérés conjointement par des autoritéséducatives et religieuses dans les nombreux payseuropéens qui n’ont pas procédé à une séparationstricte de l’Église et de l’État (Willaime, 2005).

L’évolution des conceptions de la laïcité va de pair aveccelle de la citoyenneté, ces deux dimensions étant,dans le modèle français, étroitement liées.L’enseignement de la citoyenneté s’ouvre en effet à denouvelles pratiques et à de nouveaux univers. Dans leprimaire, on constate le maintien de l’instructioncivique et morale, instaurée par Jules Ferry, maisaussi l’introduction, dans certaines écoles, de conseilsd’élèves devant permettre à ces derniers des’approprier de façon active les règles du vivre-ensemble. Dans le secondaire, l’analyse de l’évolutiondes programmes montre le développement progressif,malgré de fortes résistances institutionnelles, d’unmodèle de « citoyenneté plurielle », davantage ouverteà l’Europe, mais aussi, plus timidement, aux « oubliésde l’histoire française », comme les immigrés d’outre-mer. L’enseignement de l’histoire en particulier setrouve de plus en plus chargé de jouer un rôlesymbolique de réparation et de conciliation desdiverses mémoires (nationales, régionales,

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européennes, minoritaires ou religieuses) (Legris,2010). À cela s’ajoute l’encouragement à l’exercice dela citoyenneté au sein même des établissementsscolaires par des procédures évoquées dans lechapitre iv.

3. Des résistances et des tensions

Ces évolutions se heurtent néanmoins à desrésistances plus ou moins vives en provenance dumonde enseignant. Il en va ainsi pour la laïcité qui fut,au moins jusqu’aux années 1970, le conceptunificateur des représentations dominantes au sein del’espace syndical enseignant, la pensée laïque étantfortement liée à une idéologie professionnelleprogressiste revendiquant le caractère « libérateur » dela scolarisation et à une idéologie institutionnelleattachée à la défense des institutions républicaines etde l’unité du corps enseignant (Geay, 1997). Cettevision de la laïcité n’a de validité que si la société, par-delà les oppositions qui la traversent, se reconnaîtentièrement dans le corps enseignant et ses valeurs.Or, le corps enseignant apparaît de plus en plusfragmenté, non seulement, ni même principalement,entre enseignants du privé et du public, mais entre uneminorité qui défend des positions laïques fermées etune majorité, notamment de jeunes enseignants, quipeine à donner un sens contemporain à cette notion,particulièrement dans les établissements de la

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périphérie caractérisés par une présence massived’élèves issus de l’immigration. Les syndicats eux-mêmes évitent de mettre trop en avant cette questionpeu consensuelle et peu mobilisatrice.

Des tensions semblables s’observent à propos desévolutions de la « citoyenneté ». Les initiativesémanant de responsables politiques ou d’acteurs deterrain visant à prendre en compte la pluralité culturelledes élèves et de la société française se heurtent à laposture d’« indifférence aux différences » et de déni del’existence de discriminations ethniques et raciales denombreux acteurs du monde scolaire, ainsi que d’uncertain nombre d’intellectuels et de chercheurs.Certes, dès les années 1970, on observe l’émergencede politiques éducatives partiellement «différencialistes » en rupture avec le modèle «assimilationniste » en vigueur jusqu’à alors. Unedistinction assez nette délimite néanmoins deuxpopulations : une population d’enfants étrangersarrivant par le biais du regroupement familial et unepopulation d’enfants étrangers ou d’origine étrangèresortis de la phase d’accueil ou nés en France. Cettedistinction organise les discours et les actions. Dansle premier cas, l’argumentation renvoie à l’origineethnoculturelle des immigrés et à la tradition d’accueilde la France, et le traitement se focalise sur la priseen charge des problèmes linguistiques dans lesclasses et les dispositifs spécifiques dans les

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établissements d’enseignement, encore en vigueuraujourd’hui. Dans le second, en revanche,l’argumentation se fonde sur le lien entre cettepopulation et la population française défavorisée et surla prise en charge des problèmes d’apprentissage etde socialisation des élèves dans le cadre notammentde dispositifs comme les zones d’éducation prioritaires(Morel, 2001).

Si les problèmes d’intégration des membres dusecond groupe, beaucoup plus large, sont au centrede débats, contribuant ainsi à une « ethnicisation »croissante du discours sur cette question, le mondeenseignant, comme une partie de la société françaisese refuse à traiter cette question, sauf de manièreindirecte, en s’appuyant sur l’outil territorial et, plusrécemment, sur la rhétorique de la « diversité », avec,pour justification principale, celle d’éviter des dérivescommunautaristes (Lorcerie, 2003 ; Doytcheva, 2007).Quant à la lutte contre les discriminations, ellesupposerait de pouvoir conduire une réflexion tenantcompte simultanément des inégalités socio-économiques et des formes diverses de déni dereconnaissance dont font objet les élèves immigrés, enmobilisant le modèle d’analyse développé par NancyFraser (Fraser, 2005 ; Lynch et Payet, 2011 ; Power,2012). Or, cela nécessite de pouvoir prendre appui surdes études précises alors que les chercheurs eux-mêmes sont divisés entre ceux opposés à une prise

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en compte des origines ethniques de la populationdans les enquêtes, et ceux qui s’efforcent de réduire ledécalage entre la représentation statistique desimmigrés, qui ne prend en compte traditionnellementque le critère juridique de la nationalité, et la réalitésociale, qui est celle d’une stigmatisation socialeimportante des jeunes issus de l’immigration (Simon,2008).

II. L’égalité, l’équité et lajustice1. Un basculement des principes

C’est sa capacité à évaluer le mérite qui a fait del’école l’instance égalisatrice par excellence dans lessociétés modernes, en France peut-être plusqu’ailleurs étant donné l’importance accordée à ladimension intellectuelle dans l’accès à la pleinecitoyenneté par la philosophie rationaliste et positivisteet le projet révolutionnaire. Mais les perceptions dumérite et de l’égalité ont changé au fil des décenniesen lien avec les transformations sociales et politiqueset celles de l’école elle-même. Au xixe siècle, il s’agit,pour l’État et pour la classe moyenne émergente, debouleverser les hiérarchies sociales fondées sur lanaissance et l’argent en opérant une sélection juste,

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sur la base de compétences avérées, en vuenotamment de l’accès à des fonctions placées sous laresponsabilité de l’État. En revanche, dans la premièremoitié du xx e siècle, le mérite apparaît comme unevaleur centrale pour répondre aux nouveaux besoins del’économie par l’élargissement de la base derecrutement de l’élite en fonction des aptitudes(Goldthorpe, 1996).

Au début du xxie siècle, le mérite scolaire apparaîtplutôt comme une « fiction nécessaire » mise auservice du maintien de l’intégration sociale maisrenvoyant aux valeurs d’une société individualiste :responsabilité, implication, compétition. Cette fictionocculte, d’une part, les liens toujours très forts entreles positions sociales de départ et d’arrivée dans lasociété française en mettant l’accent sur la capacitédes individus à modifier leur destin grâce à leurmobilisation scolaire et, d’autre part, contribue àsoutenir cette mobilisation, sur fond de concurrenceinterindividuelle, au sein des institutionsd’enseignement. L’accord de principe autour de cettenotion permet ainsi de limiter les risques de conflitsocial à l’intérieur et à l’extérieur de l’institution, maissuscite néanmoins de fortes tensions interindividuellesainsi que de profondes désillusions aussi bien parmiceux qui, ayant adhéré à l’idéal méritocratique sansréussir à l’école, courent très fortement le risque denourrir les rangs des travailleurs précaires que chez

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ceux qui s’aperçoivent que les diplômes ne protègentpas du risque d’une mobilité descendante (Beaud,2002 ; Duru-Bellat, 2009 ; Dubet, 2010).

Au cours des dernières décennies, l’allongementgénéral des scolarités et l’ouverture de l’enseignementsecondaire et, à un moindre degré, supérieur à toutesles couches sociales ont en effet contribué à montrerles limites de la méritocratie à l’intérieur et à l’extérieurde l’école. La massification a produit un phénomènenouveau, l’« échec scolaire », qui montre que les deuxdimensions du mérite, le « talent » et l’« effort »,peuvent être fortement dissociées et doivent peut-êtreêtre différemment récompensées (Dubet, 2000). Elle aaussi mis en évidence le rôle de mécanismes deségrégation entre les établissements et à l’intérieur deces derniers dans la reproduction des inégalités(Merle, 2000 ; van Zanten, 2001). En même temps,l’augmentation du nombre des diplômés est allée depair avec la dévaluation des titres scolaires tant auniveau instrumental, car ces derniers ne donnent pasaccès aux mêmes positions qu’auparavant, qu’auniveau plus qualitatif, car l’accès aux meilleurespositions exige des compétences non directementsanctionnées par les diplômes.

La perception des imperfections de l’égalité formelle etdu mérite a conduit à modifier partiellement lesorientations des politiques éducatives. Au sein d’uneréflexion qui reste principalement axée sur l’égalité de

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droit et les principes qui la fondent, ce sont en effetinsinuées des perspectives orientées vers la recherchede voies concrètes permettant d’atteindre une plusgrande égalité de fait. Ces perspectives ont amené lesdécideurs et les acteurs à sortir du domaine étroit del’action de l’école pour réfléchir aux moyens decompenser les inégalités qui résultent de l’action desfamilles et de l’environnement local. Elles ont favoriséune réflexion critique sur la diversification desressources internes les plus à même d’opérer cetteégalisation face à l’échec de la standardisationformelle des contenus d’enseignement et dufonctionnement des établissements d’enseignement.Elles ont ainsi conduit les responsables politiques às’intéresser timidement à la façon dont lesbénéficiaires s’emparent des politiques. L’analyse dessituations concrètes montre en effet qu’il ne suffit pasqu’un bien soit formellement accessible à tous pourque tous s’en saisissent au même degré. Desdifférences de goûts, de motivations, de capacitésstratégiques font obstacle à l’égalité d’accès (Duru-Bellat, 2002).

Les débats sur la démocratisation tendent en fait à sefocaliser sur la tension, dans les sociétésdémocratiques libérales, entre deux impératifs. Lepremier est la nécessité d’égaliser les résultats afin defournir à tous les conditions d’une « vie bonne » etd’élever le niveau général de la population en vue de

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l’amélioration de la productivité nationale et de lacompétitivité internationale. Le second est le souci derespecter la liberté pour chacun de développer soncapital humain et d’aider davantage ceux qui feront lemeilleur usage des ressources en fonction de leurscapacités ou de leurs compétences supérieures(Meuret, 1999). Le second impératif prend néanmoinstrès souvent le dessus dans le cadre françaistémoignant de la difficulté à penser ensembleenseignement de tous et dégagement d’une élite(Meuret, 2007 ; Baudelot et Establet, 2009).

2. L’enchaînement des politiques

Les politiques suivies reflètent l’évolution de cesconceptions. Les choix effectués par les réformateursau xix e et dans la première moitié du xx e siècleconsistent, dans la logique de l’égalité formelle deschances, à rendre l’éducation accessible à tous grâceà la disparition progressive des barrières juridiques,institutionnelles, financières et matérielles. Cespolitiques égalisatrices ne concernent dans un premiertemps que l’enseignement primaire rendu gratuit etobligatoire par les lois fondamentales de la IIIeRépublique (1880-1882), mais dont la fréquentation nedeviendra régulière que vers 1940 par la mise en placed’un réseau d’écoles publiques, dense et proche despopulations, et par le lien établi entre l’octroi desallocations familiales et l’obligation scolaire. L’accès

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généralisé à l’enseignement secondaire est plus tardif.Cet enseignement devint gratuit en 1930, mais ildemeura l’apanage des classes supérieures, car lalongueur des études et l’absence de continuité avec leprimaire au niveau des cursus et des programmesdécourageaient de nombreuses familles de la petitebourgeoisie et a fortiori des milieux populairesd’engager leurs enfants dans cette voie. L’ouverture del’enseignement secondaire à d’autres catégoriessociales s’est en fait effectuée d’abord grâce audéveloppement des enseignements intermédiaires(l’enseignement spécial, les enseignementstechniques, les écoles primaires supérieures et lescours complémentaires). Ces « collèges du peuple »dont le développement est autant dû à l’action desdirections ministérielles qu’à celles desadministrations locales et des municipalités ontfavorisé la prolongation des études de beaucoupd’enfants de milieu modeste en leur permettant d’avoiraccès à des postes d’encadrement moyen (Briand etChapoulie, 1992).

La guerre de 1914 a néanmoins suscité des réflexionsnouvelles autour de la notion d’une « école unique ».Ce projet, porté notamment par les Compagnons del’Université nouvelle, un groupe d’universitaires ancienscombattants, supposait la construction d’un « tronccommun », c’est-à-dire la mise en correspondance dusecondaire (général, technique et professionnel) et du

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primaire. Il se présente sous la forme la plusaccomplie dans le plan Langevin-Wallon (1947). Ceplan proclame le droit égal pour tous les enfants,quelles que soient leurs origines familiales ousociales, au développement maximal avec pour seulelimitation celle de leurs aptitudes, et recommande lacréation d’un tronc commun jusqu’à 15 ans (cycled’orientation), suivi d’un cycle de détermination de 15 à18 ans comportant des sections pratiques,professionnelles et théoriques. Il ne fut jamaisappliqué, mais demeura pendant de longues annéesune référence quasi mythique pour les syndicatsenseignants et les partis de gauche. Il inspira en outrefortement les réformes institutionnelles de la Ve

République qui aboutirent à la construction d’un «système éducatif » se voulant à la fois juste et efficacegrâce à la création d’un « collège unique », maiségalement au maintien, après 16 ans, de filièresfortement hiérarchisés, du point de vue du prestige etdu devenir ultérieur des élèves (Bongrand, 2012).

Pourtant, dès la fin des années 1960, il devint évidentque l’augmentation du nombre de places, lastandardisation et le rapprochement de l’offre, commele report du moment de l’orientation, ne permettaientpas de fournir à tous les enfants le même bagagescolaire. La réforme Haby (1975) introduisit alors lespremières mesures compensatoires par ledéveloppement de l’enseignement préscolaire et des

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actions de soutien au collège. Le véritablebasculement idéologique s’opère néanmoins avec lamise en place des zones d’éducation prioritaires (ZEP)en 1981, qui s’inspirent des Educational Priority Areascréés en Angleterre à la fin des années 1960 et, pluslargement, de l’éducation compensatoire américaine.Entrent alors en tension la conception libérale del’égalité jusqu’alors dominante (nul ne doit êtreempêché de poursuivre la scolarité qu’il mérite ou qu’ilsouhaite) et une conception plus sociale (desprocédures spécifiques doivent être mises en œuvrepour éliminer ou atténuer les facteurs concrets quiplacent certaines catégories sociales dans unesituation défavorable devant l’école) (Meuret, 1994). Cesont les territoires qui deviennent officiellement lessupports légitimes de la discrimination positive, et ce,de façon encore plus accentuée par la suite en raisondu rapprochement de la politique ZEP et de la politiquede la ville (Kherroubi et Rochex, 2002). Ces politiquesont néanmoins souffert jusqu’à aujourd’hui de la faiblerégulation des dynamiques locales et de l’évaluationpeu systématique des progrès des élèves, en sachantnéanmoins que l’évolution vers une plus granderesponsabilisation et vers une obligation de résultatsdes enseignants et des établissements, comme c’estle cas de la politique américaine comparable de NoChild Left Behind, peut s’accompagner égalementd’effets pervers divers (Gamoran, 2012).

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Au cours des années 2000, on observe néanmoins unnouveau tournant dans l’action compensatoire, marquépar deux tendances. La première consiste à opérerdes distinctions parmi les élèves scolarisés dans deszones et des établissements concentrant de grandesdifficultés, notamment entre, à un extrême, les élèvesen situation de réussite ou montrant une fortemotivation pour les études et, à l’autre, les élèves enéchec ou en rupture scolaire (Bongrand, 2010). Laseconde est l’individualisation croissante du traitementde ces différentes catégories d’élèves. Grâce à la miseen place de divers dispositifs d’ouverture sociale desétablissements d’élite, reposant sur des nouveauxpartenariats entre ces établissements et des lycéesdéfavorisés, mais aussi grâce à la priorité donnée auxboursiers méritants de choisir leur collège ou lycée età des dispositifs comme les internats d’excellence, lesbons élèves sont pris en charge pour leur permettre depoursuivre des études hors de leur environnement dansde bonnes conditions (van Zanten, 2010). À celas’ajoute l’accès privilégié à divers types d’options leurpermettant de suivre des parcours protégés dans lesétablissements locaux. Les élèves en difficulté sevoient quant à eux offrir des « programmespersonnalisés » ou des contrats éducatifs visant, enprincipe tout au moins, à leur faire acquérir lesconnaissances et les comportements requis parl’école, mais aussi à les faire endosser une plusgrande part de responsabilité dans leur réussite ou leur

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échec. Cette tendance à la diversification de l’actionéducative en fonction des publics a également étéencouragée en Grande-Bretagne sous Tony Blair, avecdes effets globalement négatifs en termes de justicesociale (Gamarnikow et Green, 2003 ; Olssen, Codd etNeill, 2004).

3. Consensus, clivages et expertisescientifique

L’analyse des politiques éducatives montre une grandecontinuité dans la poursuite de l’égalisation deschances, d’abord dans le cadre du modèle formel del’égalité de droit, puis dans celui de l’égalité de fait oude l’équité, même si des différences sont perceptiblesdans la conception de la sélection que présentent leplan Langevin-Wallon et la réforme Berthoin, conçuesous la présidence du général de Gaulle, ou dans lapriorité accordée aux zones d’éducation prioritaires parles gouvernements de gauche et de droite qui se sontsuccédé depuis vingt ans. Cette continuité témoignedu caractère relatif de l’autonomie des gouvernantsdont les catégories d’action doivent tenir compte deslimites des politiques antérieures et dont lescatégories de pensée sont influencées par lesreprésentations dominantes à une époque dans lesecteur considéré et dans l’ensemble de la société(Robert, 2010).

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Les clivages apparaissent plutôt autour de l’articulationentre fins et moyens, notamment autour du degrénécessaire d’adaptation des savoirs, des pratiquespédagogiques et des éthiques professionnelles quesuppose la recherche de l’égalité, de l’équité ou de lajustice. Ils opposent de façon schématique lespartisans « réformistes » d’une redéfinition de laculture commune, de la différenciation pédagogiqueainsi que de la participation active des élèves et del’élargissement de la dimension éducative du travailenseignant, aux « restaurateurs » défenseurs del’excellence, de la pureté des savoirs disciplinaires etde la priorité de l’instruction sur l’éducation (Blais etal., 2002).

Ces questions divisent également de longue date lessyndicats enseignants pour qui le modèle de l’égalitéformelle des chances fut longtemps une référence,mais qui interprétèrent de façon très différente sonarticulation avec les pratiques pédagogiques enfonction de leurs idéologies professionnelles et deleurs intérêts corporatifs. Pendant longtemps, le SNI,principal syndicat des instituteurs, porta peud’attention aux pratiques, la rhétorique dominanteétant celle des instituteurs serviteurs des enfants dupeuple dont ils étaient issus et mettant en œuvre unepédagogie naturellement progressiste. Toutefois, lenouveau SNUIPP, syndicat issu de la scission de laFEN et toujours majoritaire chez les instituteurs,

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accorde une place centrale à l’évolution du métier sansnégliger la question des inégalités, notamment auniveau territorial. Au SNES en revanche, syndicatmajoritaire chez les professeurs du secondaire avantet après l’éclatement de la FEN, prédomine encoreune scission entre des analyses macrosociales trèsattentives aux inégalités sociales et des analysesencore insuffisantes des effets des pratiquesquotidiennes et des modes de coordination du travailéducatif dans les établissements sur la production deces inégalités (Robert, 1995). On observe en outre queles réticences des syndicats, à l’exception du SGEN,aux modèles de l’égalité des résultats et de l’équité autravers des politiques de discrimination positive ont eupour effet de délégitimer leur intervention sur lecontenu des politiques égalisatrices (Geay, 1997).

La reconquête de cette légitimité passe de plus enplus pour les syndicats, comme pour les politiques,par le recours à l’expertise scientifique. Le risque quecelle-ci soit convoquée pour justifier des positions oudes décisions prises en amont plutôt que pour informerles choix ou examiner sereinement leurs effets estnéanmoins élevé. Ce risque se trouve renforcé parl’éclatement de la production des connaissances enéducation, entre, d’un côté, des équipes dechercheurs privilégiant des approches disciplinaires,théoriques et méthodologiques différentes et, del’autre, un nombre croissant d’organismes ayant pour

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mission ou s’attribuant un rôle d’évaluation despolitiques éducatives. Ce nouveau « marché » desconnaissances permet en effet aux acteurs de choisircelles qui vont dans le sens de leurs intérêts ou quicorrespondent le mieux à leur façon de penser lesréalités éducatives (van Zanten, 2008 ; Pons, 2010 a).

III. Efficacité, marché etexpressivité1. Des nouvelles valeurs ?

La laïcité et l’égalité continuent à jouer un rôle majeurdans la défense rhétorique du modèle françaisd’éducation. Plus discret, le thème de l’efficacité n’acependant pas cessé de gagner du terrain à partir dumilieu des années 1980. Mais l’efficacité est-elle une «valeur » au même titre que la laïcité et l’égalité ? Sonstatut à cet égard est ambigu dans la mesure où lediscours sur l’efficacité vise à définir les problèmeséducatifs comme des problèmes purement techniquesnécessitant la mise en œuvre de savoir-fairespécifiques, mais dont la définition ferait l’objet d’unconsensus tacite (Derouet, 1992). Autrement dit, lalégitimité procédurale prend le pas sur la légitimitésubstantielle. Cette légitimité procédurale reposenéanmoins sur des valeurs sous-jacentes. Elle renvoie

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à des considérations d’efficience économique, c’est-à-dire à la nécessité de faire des choix fondés moins surdes convictions que sur l’appréciation du rapportcoûts/avantages entre plusieurs moyens d’action, lesproblèmes éducatifs étant attribués principalement àune sous-utilisation ou à une mauvaise utilisation desressources. Mais elle renvoie également aux modesd’organisation et de coordination de l’action associésau « Nouveau management public » et empruntés àl’entreprise privée autour des notions de responsabilité,de projet, de concertation et de communication, ainsiqu’à l’exigence croissante de reddition de comptes ouaccountability permettant une régulation fondée sur lesrésultats de l’action éducative.

Dans de nombreux pays, le plaidoyer en faveur d’uneplus grande efficacité s’est accompagné d’unerhétorique en faveur de l’introduction des logiques demarché dans les systèmes d’enseignement, lecontrôle hiérarchique a priori des moyens par l’Étatdevant céder la place à l’organisation directe ouindirecte des meilleures conditions de rencontre del’offre et de la demande de l’éducation. À l’idéal de la «démocratie citoyenne », qui considère l’éducationcomme un bien commun à charge de l’État et deprofessionnels de l’éducation jouissant d’une relativeautonomie, se substitue celui de la « démocratie deconsommation » fondée sur les principes de lasouveraineté des consommateurs et de la compétition

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entre les petites unités de production que seraient lesétablissements scolaires (Ball, 2006).

Ces orientations s’inspirent largement des principeslibéraux. Les hypothèses sous-jacentes sont que lechoix des établissements par les parents etl’autonomie desdits établissements permettront unemeilleure adéquation entre la diversité de l’offre et ladiversité de la demande d’éducation, accroîtront laresponsabilité des parents et celle des professionnelsde l’éducation et augmenteront la productivitémoyenne des systèmes éducatifs. Débattues au seind’un très grand nombre de systèmes nationaux, cesidées ont été très peu examinées publiquement enFrance, au point que l’on peut presque parler d’une «exception française » à cet égard. En effet, pour desraisons étroitement liées aux modèles politiques etéducatifs qui se sont progressivement imposés aprèsla Révolution, les hommes politiques et les cadres del’Administration répugnent à associer directement desvaleurs marchandes à l’activité d’enseignement, ce quin’empêche que se développent, en creux desdispositifs officiels ou en lien avec eux, des « quasi-marchés éducatifs locaux » (Delvaux et van Zanten,2006 ; Felouzis, Maroy et van Zanten, 2013).

Parallèlement, et en contrepoint à ces discours, sedéveloppe une autre forme de consensus implicite,plus « expressive », autour d’une valeur incontestable,« l’élève au centre du système éducatif », qui a

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organisé toutes les dispositions de la loi d’orientationde 1989. Plus qu’une véritable utopie éducative, «l’enfant au centre », avec sa traduction législative enélève, paraît être un topos, lieu commun qui permetdes jugements contraires sur des questions à proposdesquelles le consensus fait défaut. Ce lieu communrassemble en fait plusieurs courants qui, au sein de lapsychanalyse, de la psychologie, de l’éducationnouvelle et, plus récemment, du droit, concourent àmettre la cause des enfants au centre despréoccupations de la société. Toutefois, si le thème del’enfant qui, en tant qu’élève, peut être appréhendé tourà tour comme stratège, partenaire et citoyen permetde concilier de multiples logiques, il n’est pas trèsmobilisateur. Son rôle est plus de désamorcer lestensions que de proposer des orientations pourl’action, ce qui fait que le consensus de principe setraduit par une très grande hétérogénéité de pratiquesqui s’en réclament (Rayou, 2000).

2. Des décisions éclatées

Ce renouvellement des valeurs accompagne desdécisions politiques qui n’ont pas bénéficié desmêmes effets d’annonce que les choix en matière delaïcité ou d’égalité et qui ont été prises sans rupturemajeure entre les gouvernements de droite et degauche. Elles ont surtout bénéficié d’une impulsion,discrète mais importante, dans le cadre de la

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déconcentration et de la décentralisation. En effet, lecaractère souvent implicite des fins affichées favorisel’émergence de consensus locaux fondés sur desdispositifs, des procédures, des repères territoriauxcomme la proximité et l’identité qui se différencientnettement de l’élaboration intellectuelle et normativedes politiques publiques nationales.

En raison du flou idéologique et de la territorialisationdes politiques, l’influence de ces nouvelles orientationsest difficile à évaluer. Les administrations localesfonctionnent encore largement comme desbureaucraties, étant donné le poids desréglementations sur les décisions. Toutefois, certainsoutils managériaux (projets, contrats, partenariat)commencent à être appliqués et contribuent àcomplexifier les modes de régulation. Un mouvementsimilaire est à l’œuvre dans les collectivitésterritoriales qui s’appuient largement sur des logiquesmanagériales, et notamment sur l’évaluation, pourétendre leur domaine d’intervention dans le secteuréducatif. Le management a également pénétré lesétablissements par le biais des chefs d’établissementqui sont encouragés à maîtriser leurs contextesorganisationnels et à mobiliser leurs personnels enayant recours à de nouveaux outils comme le projetd’établissement ou le travail en équipe (cf. chap. iv).

L’introduction des logiques de marché n’est pas nonplus facile à analyser, étant donné le décalage entre

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les rhétoriques, les décisions prises au niveau nationalet les réalités du fonctionnement au niveau local. Ladécentralisation fonctionnelle a doté lesétablissements d’une marge d’action plus importantesur les plans financier et pédagogique, mais sans leurpermettre officiellement de recruter leurs élèves. Or,les établissements publics les plus attractifsaccueillent de fait des élèves hors de leur secteur, ceque l’Administration tolère le plus souvent etencourage parfois par le maintien ou le développementd’options ouvrant droit à des demandes de dérogation.Parallèlement, des mesures visant à assouplir lesconditions d’affectation des élèves dans lesétablissements scolaires publics en fonction du lieu derésidence ont longtemps été prises avec une grandediscrétion jusqu’à l’annonce très médiatisée en 2007du lancement d’une nouvelle procédure devantconduire à la suppression de la carte scolaire en 2010.Les effets de ce nouveau dispositif dans différenteslocalités font en revanche l’objet d’une faible attentionpolitique, cela étant encore plus vrai desréaménagements des secteurs scolaires derecrutement des établissements, réalisés par lesautorités éducatives locales ou par les collectivitésterritoriales. Ces choix sont en effet souvent justifiéspar des considérations pragmatiques, notamment lanécessité de tenir compte des évolutionsdémographiques et de faire face à la concurrence dusecteur privé, sans mettre en avant les enjeux

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politiques qui les sous-tendent, ce qui conduit à prêterpeu d’attention à leur mise en œuvre concrète et àl’évaluation de leurs conséquences à court et moyenterme (van Zanten et Obin, 2010).

Les décisions qui se rattachent à la nouvelle valeur del’élève au centre sont multiples. Elles concernent desinitiatives visant à faire participer les élèves à la vie desétablissements en investissant les conseils dedélégués d’élèves ou les maisons des lycéens. Dansle même esprit est reconnu le droit des élèves àbénéficier de libertés d’expression, d’association, deréunion et de publication. Les établissementsscolaires sont ainsi assimilés à des espaces publicsoù doit prendre place une construction « active » de lacitoyenneté grâce à la mise en œuvre d’initiativesfavorables à la prise de responsabilité par les élèves(Rayou, 1998). D’autres initiatives qui visent à encadrerla vie des enfants et des jeunes à l’extérieur desétablissements ont été prises en lien avec lescollectivités territoriales. On peut citer à cet égard lespolitiques d’aménagement du temps scolaire etd’aménagement des rythmes de vie des enfants. Àcela s’ajoutent les politiques centrées sur la notion d’«enfant citoyen » qui ont débouché sur la création deconseils municipaux d’enfants et de jeunes.

3. Les influences internationales etlocales

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L’émergence de nouvelles valeurs autour dumanagement et du marché est convergente avec desévolutions semblables dans d’autres pays. On observeen effet une certaine globalisation du discours éducatifau travers des pressions exercées par des instancessupranationales et des médiations diverses d’expertset de consultants qui influent fortement sur lesorientations des États, mais de façon différente selonles contextes nationaux (cf. chap. iii). Toutefois, alorsque plusieurs gouvernements conservateurs ont, pourdonner davantage de légitimité à leur adoption depolitiques libérales et managériales en éducation, prisappui sur l’exemple de l’Angleterre, présentée commeun véritable laboratoire des politiques éducatives, enFrance aucune référence à l’étranger n’a été mobilisée.En fait, les gouvernements successifs ont introduitcertains principes d’action de ces politiques en lesintégrant dans une rhétorique globale de modernisationdu service public d’éducation.

L’analyse de l’élaboration des politiques autour de cesnouvelles valeurs montre également qu’il est de plusen plus difficile d’isoler le processus de formulationdes politiques au niveau national de celui de leur miseen œuvre au niveau local, étant donné le rôle crucialque jouent les acteurs de la base dans leur traductionconcrète. Il y a, de façon évidente, une convergencevers l’établissement qui devient le lieu central decoordination des politiques nationales et locales. Une

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grande responsabilité est dévolue au chefd’établissement qui doit défendre les intérêts desélèves et des parents contre ceux des seulsenseignants et intégrer l’activité pédagogique de cesderniers dans les contextes plus larges del’établissement et de l’espace local environnant. Maisun rôle important d’interprétation des principes etd’impulsion des actions est aussi dévolu auxinstances locales. Or, les choix de celles-ci, etnotamment ceux des pouvoirs locaux, remettentparfois en cause les politiques centraliséessectorielles sur au moins deux dimensions. D’unepart, elles fondent de plus en plus leur légitimité sur laréponse aux besoins des enfants, des jeunes et desfamilles et non pas des seuls élèves. D’autre part,elles cherchent à insérer l’école et ses professionnelsdans des réseaux locaux auxquels participe unepluralité de partenaires associatifs et institutionnels.

Au terme de ce bref aperçu des évolutions despolitiques d’éducation peut-on conclure à unetransformation des « référentiels sectoriels », duchamp éducatif, c’est-à-dire des catégories et desnormes permettant à ce secteur de conserver unecertaine autonomie tout en se situant par rapport au «référentiel global » qui condense les valeurscommunes à la société globale à une période donnée(Jobert et Muller, 1987) ? L’analyse des principesaffichés montre des évolutions à l’intérieur des grandes

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valeurs de référence du système d’éducation – lalaïcité et l’égalité – qui témoignent de l’émergence d’unmodèle national plus perméable aux particularismesculturels et religieux, plus sensible aux disparitésentre l’égalité de droit et les inégalités de fait, et plusouvert aux valeurs managériales et libérales. Pourtant,l’analyse des relations entre les évolutions desrhétoriques politiques et des décisions prises montredes écarts importants entre ces deux dimensions.D’un côté, certaines valeurs affichées comme l’«intégration » et l’« équité » ont en fait, pour l’instant,des traductions politiques assez modestes. D’autrepart, certaines décisions, comme celles concernantl’articulation de l’offre et de la demande sontofficiellement ou de facto déléguées aux échelonslocaux. Enfin, beaucoup de décisions relèvent d’unconsensus mou autour de valeurs floues comme «l’élève au centre » et donnent lieu à une grandediversité de pratiques. Tout cela incite à ne pas déduireautomatiquement les logiques d’action des principesde justification.

Il faut par ailleurs souligner que, si les discours et leschoix politiques changent, leur évolution repose engrande partie sur l’impulsion d’acteurs extérieurs ausecteur autrefois clairement délimité de l’Éducationnationale. Les influences internationales ne sont pasnégligeables dans l’ouverture à une « citoyennetéplurielle », dans le passage de l’égalité à l’équité et, de

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façon plus prégnante encore, dans les évolutionsmanagériales et libérales. Sur le plan national, lecercle d’acteurs participant aux débats, aux choix etaux évaluations sur ces questions s’est égalementélargi. Enfin, au niveau local, on observe l’influencegrandissante des collectivités territoriales. Enrevanche, alors que le mouvement syndical enseignants’est, depuis ses débuts, caractérisé par sa capacitéà établir un lien entre les intérêts des professions qu’ilreprésente et des idéaux universels, on constateaujourd’hui que le système de ses représentationspolitiques est devenu plus flou dans ses contours etqu’il reste en partie à l’écart de ces évolutions (Geay,1997).

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Chapitre III

Autonomie, élaborationet impulsion

’analyse des politiques suppose une prise en comptede la façon dont fonctionnent les différentes instancesqui participent à leur élaboration et à leur impulsion.En matière d’éducation, la tendance dominanteconsiste encore en France à réfléchir en privilégiantune instance unique, l’État central, à laquelle onattribue une grande légitimité, une forte cohérenceinterne et une importante capacité d’action. Pourtant,les caractéristiques de l’État central doivent êtreréévaluées à l’aune de la globalisation qui a suscitél’émergence d’un faisceau de normes et de formesd’action publique dont la production échappe auxacteurs nationaux. La cohérence interne dansl’élaboration des politiques doit également êtreexaminée, car elle repose sur un agencementcomplexe qui évolue vers l’intégration de dynamiqueset d’acteurs extérieurs au champ traditionnel del’enseignement. Enfin, la capacité d’action de l’Étatest plus postulée que véritablement observée, si l’on

L

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s’en tient au très faible nombre d’études menées surune administration dont le rôle d’impulsion a subid’importantes transformations.

I. La globalisation etl’autonomie despolitiques nationales1. La diffusion de modèlestransnationaux

L’originalité française concernant la relation entrel’école et l’État central est souvent affirmée,notamment depuis qu’elle semble menacée par lapénétration de logiques communautaires oumarchandes que l’on suppose dominantes dansd’autres pays. Il se pourrait pourtant que ce modèlesoit moins spécifique qu’il n’y paraît. En effet, lescomparaisons historiques internationales mettent enévidence que la création de systèmes nationauxd’enseignement a été partout intimement liée à lanécessité d’asseoir la légitimité d’un État sur unterritoire par la diffusion d’une langue, d’une culture etd’une idéologie nationale communes et par laformation d’un personnel destiné à remplir desfonctions étatiques. L’idéologie du progrès et la

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standardisation des programmes d’enseignement, sifréquemment associées au modèle de l’écolerépublicaine française, seraient de fait caractéristiquesd’un modèle transnational d’« école de masse ». Cemodèle se serait diffusé dans les sociétésoccidentales avancées au cours du xixe siècle, pardes processus de « mimétisme institutionnel », puisdans le reste du monde en lien avec la colonisation etle développement ultérieur de nouveaux États-nations,notamment en Asie du Sud-Est où l’éducation joua unrôle essentiel dans le processus de formation étatiquequi précéda et suivit l’industrialisation et ledéveloppement économique après 1945 (Meyer et al.,1992 ; Green 2013).

Si la circulation d’idées et de dispositifs éducatifs nedate donc pas d’aujourd’hui, elle s’est fortementintensifiée en lien avec l’accroissement de lacompétition économique entre pays et de la part qu’yest supposée prendre l’économie de la connaissance.Parallèlement à des investissements massifs dans lesnouvelles technologies et dans la recherche-développement dans les entreprises, cette économie,tournée vers la production de nouveaux savoirs et desinnovations, repose en effet sur le travail de personnesdotées d’un haut niveau de formation, capables d’unegrande créativité et flexibilité (Foray, 2000). Toutefois,alors que les dirigeants nationaux sont de ce faitincités à réorienter les dépenses d’éducation pour

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atteindre une plus grande efficacité en matière depoursuite d’études dans l’enseignement supérieur, lesétudes existantes montrent que les promesses de cetappel à de nouveaux talents n’ont pas été tenues. Enraison des choix stratégiques des firmes, qui n’ont pascréé au même rythme des emplois permettantd’employer ces nouveaux diplômés, ni de lesrémunérer à la hauteur des investissements étatiqueset personnels dans leur formation, ainsi que de l’entréedans la compétition des pays comme la Chine oul’Inde et de leurs propres diplômés, c’est en fait à une« mise aux enchères » mondiale des prétendants àdes postes hautement qualifiés à laquelle on assiste(Brown et al., 2010).

À ces processus économiques s’ajoutent desprocessus culturels, l’isomorphisme entre systèmeséducatifs s’expliquant aussi par un accroissement dela circulation d’idées concernant le bon fonctionnementdes systèmes éducatifs du point de vue de l’efficacité,mais aussi d’autres objectifs comme l’équité ou lacohésion sociale. La dissémination mondiale de cesidées peut relever de processus relativement diffus,liés par exemple à la mobilité des étudiants vers lespôles dominants en matière d’enseignementuniversitaire en Amérique du Nord et en Europe. Cesderniers tendent en effet par la suite, de façonassumée ou inconsciemment, à devenir les porte-parole des modèles éducatifs et sociaux auxquels ils

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ont été acculturés pendant cette période, au détrimentdes modèles de leur pays d’origine (Resnik, 2008).

Cette dissémination relève cependant aussi dudéveloppement plus ambitieux et intentionnel duprocessus de « prêt » et d’« emprunt » de politiquesentre pays (Steiner-Khamsi, 2004). Dans ceprocessus, certains types d’échanges bilatéraux (entreles États-Unis et la Grande-Bretagne ou entre laFrance et l’Allemagne, par exemple) ont joué un rôleclé depuis le xix e siècle. Mais on observe unetendance croissante à mobiliser la comparaison avecd’autres pays afin d’encourager l’adoption à l’échellenationale des modèles et dispositifs « qui marchent »ailleurs, au nom de l’efficacité ou de l’équité (Whitty,2012 ; Novoa et Yariv-Mashal, 2013). Certains paysjouent un rôle majeur à cet égard en apparaissantcomme des « laboratoires politiques » de la mise enœuvre de différentes réformes éducatives. En Europe,c’est le cas notamment de l’Angleterre, dont lesystème éducatif, après avoir connu d’importantschangements d’orientation libérale, a fait l’objectif deplusieurs expérimentations relevant de la « troisièmevoie » socio-démocrate.

Le « co-apprentissage » entre pays est favorisé par ledéveloppement des nouvelles technologies del’information et de la communication, mais aussi parl’émergence de nombreux réseaux relativementautonomes ou impulsés par diverses instances

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transnationales dans lesquels, par le biais de réunionsrépétées, un processus d’échange et de création denouveaux projets prend place entre représentantsnationaux (Freeman, 2008 ; Lange et Alexiadou,2010). Très souvent, des individus et des groupes liésà ces réseaux jouent un rôle d’« entrepreneurs depolitiques » à l’échelle internationale et contribuent àfaire voyager des concepts et des dispositifs associésà ces réformes. Certains chercheurs ont ainsi joué unrôle important dans la promotion d’un modèlemanagérial d’« école efficace » de même que certainsthink tanks conservateurs ont favorisé la diffusiond’idées autour de l’introduction des logiques demarché dans les systèmes éducatifs (Ball, 2006 ;Lingard et Ozga, 2007). Dans des pays en voie dedéveloppement, on observe également l’influenced’organisations non gouvernementales (ONG). Ellessont toutefois très diverses, tant en ce qui concerneleur capacité d’action que leurs orientations, certainescherchant à favoriser à une échelle réduite des projetsindigènes, d’autres visant clairement la diffusion demodèles transnationaux. Une tendance plus récenteencore est l’émergence de réseaux transnationaux oùse rencontrent des philanthropes, des représentantsdes firmes et des décideurs politiques qui participent àl’exportation marchande des politiques éducatives etcontribuent ainsi à la privatisation croissante dessystèmes éducatifs (Ball, 2012).

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2. Le rôle des agencesinternationales et des entitéssupranationales

La globalisation des politiques éducatives reposeaussi, et de plus en plus, sur le travail intentionneld’agences internationales dotées d’importantesressources organisationnelles et financières (Dale etRobertson, 2012). Dans les pays les plus dépendantséconomiquement, dont la planification éducative estdavantage orientée vers le développement destratégies pour accéder au financement internationalque vers la résolution des problèmes nationaux, laBanque mondiale et le Fonds monétaire internationalexercent une influence considérable. Pour obtenir desaides substantielles, ces pays ont en effetmassivement souscrit aux recommandations de cesacteurs en matière de réduction de la dépensepublique, de privatisation, de décentralisation et desupervision accrue des enseignants. Le but affiché estd’augmenter l’efficacité de leurs services éducatifsmais les effets apparaissent au mieux mitigés etd’autant plus qu’ils ne bénéficient pas toujours d’untransfert de connaissances leur permettant d’évaluerles effets de ces choix et d’élaborer des projetsautonomes (Molla, 2013).

En Europe, c’est l’Organisation de coopération et dedéveloppement économique (OCDE) qui joue

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actuellement un rôle central en matière d’impulsion depolitiques transnationales. Cette institution, crééedans le sillage du plan Marshall et attentive auxdimensions qualitatives de la croissance économique,a donné une place importante aux questionsd’éducation dès 1968 en créant dans son sein leCentre pour la recherche et l’innovation dansl’enseignement (CERI). Elle a néanmoinsprofondément évolué dans sa philosophie comme dansson mode de gouvernance. Alors qu’au départ, desprogrammes éducatifs d’orientations diverses étaientportés par les représentants des pays membres etlaissaient une grande latitude d’action à ces derniers,à partir des années 1980, de nombreux rapportspubliés par cette institution témoignent de la prioritédésormais accordée à l’impulsion autonome d’un trèsgrand nombre de questions néanmoins toujoursétroitement liées au développement économique. Lapromotion de l’économie de la connaissance, celle dela formation tout au long de la vie en vue d’unemeilleure employabilité ou encore celle dudéveloppement du capital social afin de mariercroissance économique et cohésion sociale sontdevenus les thèmes centraux. Le mode degouvernance a lui aussi connu un tournant avec lavolonté de plus en plus clairement affichée par sesresponsables d’infléchir, et non seulement d’informer,les politiques éducatives des pays membres, et aussinon membres, dans le sens de réformes de fond mais

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aussi de modes d’organisation relevant du nouveaumanagement public (Henry et al., 2000 ; Kallo, 2009).

Les enquêtes PISA ont joué un rôle capital dans lalégitimation et l’instrumentation de ce nouveau moded’intervention. La construction d’un consensuspolitique entre des pays membres porteurs d’intérêtsdivergents, l’appui sur diverses « communautésépistémiques » de chercheurs et la mobilisationd’importantes ressources humaines, techniques etfinancières ont permis en effet à l’OCDE de construireun outil qui, non seulement mesure les résultats desélèves, mais oriente les choix politiques nationaux dupoint de vue aussi bien des objectifs à atteindre quedes moyens de leur réalisation (Normand, 2010).L’autorité de cet outil repose sur la qualité et laneutralité apparente de l’expertise scientifique surlaquelle il s’appuie et sur l’universalité de l’outilstatistique, alors que son pouvoir est étroitement liéaux connexions qu’il a réussi à établir entre différentsmondes (ceux de la recherche, de la politique, del’entreprise privée, des médias) et sur les effets d’«émulation compétitive » engendrés par les procéduresde comparaison et de classement des pays enfonction des résultats de leurs systèmes éducatifs(Grek, 2009 ; Carvalho, 2013). L’influence de cesenquêtes n’a cessé de s’étendre entre 2003 et 2012car, en raison de leur écho médiatique, elles modifientla façon dont les opinions publiques nationales

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perçoivent l’efficacité et l’équité des systèmesd’enseignement et interpellent leurs dirigeants. Leschercheurs eux-mêmes se voient contraints d’intégreret d’exploiter leurs conclusions sans pouvoirfacilement s’affranchir des catégories et des modes derecueil et de traitement des données qu’ellesprivilégient, ni les confronter à d’autres enquêteséquivalentes, trop coûteuses à entreprendre (Rochex,2006 ; Mons, 2008).

L’influence de l’OCDE est par ailleurs fortementrelayée par celle de l’Union européenne. Selon leprincipe de subsidiarité, l’UE aurait dû se limiter àstimuler ou à renforcer l’action des États en matièred’éducation, ce qu’elle a fait dans les années 1990grâce à un ensemble de « livres blancs », deprogrammes d’échange, de coopération et derecherche et du réseau d’information Eurydice. En2000 cependant, l’instauration au Conseil de Lisbonnede la « méthode ouverte de coordination » a marqué latransition vers un nouveau mode de gouvernance d’unespace éducatif européen dont les principalesorientations concernent, à nouveau, la constructiond’une économie de la connaissance, le développementde la formation tout au long de la vie et l’harmonisationdes systèmes d’éducation, dans ce dernier cas ens’emparant – partiellement, car ses initiateurs ontcherché à préserver une certaine autonomie vis-à-visdes stratégies de contrôle de la Commission

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européenne – du processus intergouvernemental dit «de Bologne » (Croché, 2009 ; Ravinet, 2011). Ce modede gouvernance « douce » repose sur des réseauxd’acteurs qui incluent des élites politiques etadministratives, des chercheurs, des experts et desconseillers éducatifs et des professionnels du secteurpublic et privé, ce qui donne l’illusion de préserverl’autonomie des dirigeants nationaux et facilite les va-et-vient des idées. Il repose aussi sur des outils, nonlégislatifs, comme les indicateurs statistiques ou lapromotion de « bonnes pratiques », permettant decontourner les résistances que rencontrent lesrégulations à caractère contraignant et d’exercer uneinfluence diffuse, mais loin d’être négligeable, sur leschoix politiques à l’échelle nationale (Lawn, 2006).

3. Variations et traductionsnationales

La plupart des travaux cités dans la sectionprécédente supposent une influence importante de laglobalisation sur les agendas politiques nationaux,sans pouvoir souvent s’appuyer, à quelques raresexceptions près (Sotiria et al., 2009), sur desenquêtes empiriques pour étayer cette hypothèse. Onpeut en outre faire aisément le constat du maintien defortes variations entre les pays concernant lesobjectifs, les arrangements institutionnels et lespratiques en éducation. Pour expliquer cet état de fait

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sans nécessairement écarter l’idée d’une influenceimportante d’orientations extérieures, on peut d’embléesouligner le manque de cohérence entre lesorientations proposées par les différents acteurstransnationaux. Au sein de l’OCDE par exemple asubsisté, jusqu’à la fin des années 1980, une tensionentre des orientations tournées vers la poursuite d’uneplus grande équité des systèmes éducatifs, portéespar les sociaux-démocrates, et des orientations enfaveur de l’efficacité, promues par les néolibéraux. Demême, dans l’Union européenne, les impératifséconomiques conduisent à mettre l’accent sur lacompétitivité et la qualité des systèmes, alors que lesouci de fonder une légitimité transnationale conduit àinsister parallèlement sur la participation desinstitutions éducatives à la construction d’unecitoyenneté européenne (Novoa et Lawn, 2002).

Les variations nationales peuvent aussi être attribuéesà la polyphonie d’un certain nombre de concepts,comme « décentralisation », « imputabilité »(accountability), « marchandisation », «managérialisme » ou « professionnalisation », qui sontutilisés au niveau transnational pour agir sur lesrelations entre le niveau central et le niveau local, entrele secteur public et le secteur privé, et entre lesprincipaux acteurs du système d’enseignement. Ladécentralisation est ainsi présentée tantôt comme unmouvement vers une plus grande démocratie locale par

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l’élargissement de la capacité d’intervention desparents et des communautés locales à la base, tantôtcomme un renforcement du contrôle à distance del’enseignement par l’État central. De façon similaire, leconcept de professionnalisation a pu être utilisé pourrenforcer la compétence et l’autonomie desenseignants ou pour introduire de nouveaux modes desupervision de leur activité (van Zanten, 2002).

Une autre raison pouvant expliquer le maintien degrandes variations entre contextes nationaux concernele degré auquel ces derniers sont en mesure derésister aux pressions des organisationsinternationales et d’instances supranationales. Il existeen effet des différences considérables entre les paysayant des économies fortes et ceux plus dépendantsde sources extérieures de financement. Les premierspeuvent tenir certaines influences à l’écart ou lesincorporer partiellement et progressivement à leursmodèles culturels et scolaires. Les seconds lessubissent davantage et doivent parfois procéder, sousla pression d’agences extérieures, à de véritablesrestructurations forcées de leurs systèmesd’enseignement (Ozga et Jones, 2006 ; Lingard etOzga, 2007).

En outre, pour étudier l’influence des politiques quicirculent au sein d’espaces transnationaux, il ne suffitpas de constater leur degré d’adoption par les élitespolitiques nationales. D’une part, cette adoption peut

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être purement discursive. Les décalages entre lesrhétoriques politiques de gouvernants qui, confrontés àdes problèmes et à des critiques, sont de plus en plustentés d’avoir recours à des références externes dansleur politique symbolique, et leurs choix concrets, quitiennent compte d’un ensemble de contraintes etd’opportunités internes, ne sont pas rares. D’autrepart, les dirigeants nationaux tendent à mobiliser defaçon sélective, en lien avec leurs intérêts du moment,les recommandations émanant d’instancesextérieures. Même dans le cas des enquêtes PISA, ceque l’on observe dans les différents contextesnationaux, c’est moins une rationalisation de l’actionpublique guidée par la connaissance qu’uneappropriation politique par les responsables éducatifsde leurs résultats et de leurs procédés dedémonstration.

Enfin, les agendas politiques globaux ne remplacentpas les orientations et les pratiques nationales etlocales, mais doivent composer avec elles. Les travauxdes anthropologues de l’éducation montrent que latransposition des politiques s’accompagne partout deprocessus de « créolisation », c’est-à-dire detraduction dans des catégories pertinentes pour lesacteurs concernés et d’accommodation aux nouveauxcontextes institutionnels et sociaux (Sutton etLevinson, 2001 ; Anderson-Levitt, 2003). De ce fait,même l’adoption de modèles forts au niveau

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transnational comme celui de l’État évaluateur setraduit rarement par un mode unique de régulation auniveau national ou local. La pénétration de cesmodèles donne plutôt lieu à de formes diverses demultirégulation (Maroy, 2008).

II. L’élaboration et lanégociation au niveaucentral1. Acteurs et influences au sein dusystème politique

La globalisation n’est pas le seul élément nouveaudans l’élaboration des politiques. D’autres évolutionssont perceptibles dans le jeu des acteurs au niveaunational. La première a trait à la répartition descompétences en matière d’éducation entre le pouvoirexécutif et les pouvoirs législatif et judiciaire.Actuellement, aux termes de la Constitution de 1958,le Parlement doit fixer les principes générauxapplicables à l’enseignement et contrôler leurapplication alors que le gouvernement doit définir etmettre en œuvre la politique éducative. Le poids dugouvernement était néanmoins devenu très importantdepuis les années 1980, car, avec la raréfaction des

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grandes lois de réforme, l’action du Parlement s’esttrouvée considérablement réduite. Toutefois, depuis lemilieu des années 2000, sous l’influence de la loiorganique relative aux lois des finances (LOLF) quiorganise le budget de l’État en fonction de missions,programmes et actions, et introduit un principed’évaluation des objectifs de performance de chaqueprogramme par le Parlement (qui peut pour celas’appuyer sur le travail de la Cour des comptes), lerôle de ces deux instances s’est trouvé renforcé. Lafocalisation sur le système éducatif comme élémentclé de la croissance et de la cohésion sociale les aconduites en outre à multiplier les rapports d’étude surdifférentes dimensions de la politique éducative.

Parallèlement, en raison de la difficulté qu’éprouventles gouvernants à trancher entre des optionsconcurrentes dans la résolution de problèmescomportant des choix majeurs de société comme leport du voile islamique à l’école et de la pression desusagers qui se manifeste notamment dans tout ce quia trait à la sécurité et à la protection des enfants, lepouvoir judiciaire joue un rôle plus importantqu’auparavant. Comme dans d’autres domainesd’action, le juge devient en fait un arbitre qui n’édicte niles finalités ni le contenu de l’action, mais qui proposedes médiations procédurales entre des points de vuedivergents (Duran et Thoenig, 1996).

Une autre évolution concerne le poids des différents

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groupes au sein du pouvoir central. Traditionnellement,on distingue au sein de celui-ci les présidents de laRépublique et les Premiers ministres qui donnent lesimpulsions et rendent les arbitrages, le ministre del’Éducation et son cabinet, plus sensibles auxpressions des syndicats, des usagers et de l’opinionpublique, et les hauts fonctionnaires du ministère plustournés vers la faisabilité technique des réformes(Prost, 1993). Une tension, consubstantielle à ladivision entre le domaine du politique, et celui del’Administration, existe depuis toujours entre leministre, fort de sa légitimité politique et les membresdes directions ministérielles, qui se réclament de leurlégitimité technique et bureaucratique. Toutefois,depuis plusieurs décennies, les fréquentschangements de gouvernement et de ministres, maisaussi la multiplication et la « technicité » croissantedes dossiers qu’il faut traiter, renforcent le pouvoir desresponsables des services, et ce, d’autant plus quepeu de ministres de l’Éducation agissent comme deschefs de leur Administration. En même temps, lepolitique reprend le dessus par le biais des membresde cabinets de plus en plus pléthoriques. Ces derniersse substituent à l’Administration en instruisant lesdossiers et en communiquant directement avec leschefs de bureau ou l’instrumentalisent par la demandeincessante d’études et d’informations et la politisationde toutes les décisions (Joutard et Thélot, 1999).

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La nécessité d’une plus grande expertise technique etd’une plus forte légitimité politique a par ailleursfavorisé le développement de nombreuses instancesde concertation au cours des trente dernières années.Celles-ci réunissent tantôt des experts internes etexternes à l’appareil éducatif comme dans le Conseilnational des programmes, tantôt des représentantsdes acteurs du système éducatif, comme dans leConseil supérieur de l’éducation, qui donne des avissur les objectifs et le fonctionnement du systèmepublic d’éducation. Toutefois, en raison de leur nombre,de la durée de vie éphémère de certaines d’entre elleset du caractère flou de leur domaine d’action, ainsi quede la structuration interne de la prise de décision auniveau national, ces instances influent de façonfluctuante sur les orientations des politiqueséducatives (Clément, 2012 ; Legris, 2014).

Cette politique de concertation s’étend également, au-delà des instances permanentes rattachées auministère, à des commissions consultatives créées àl’occasion de telle ou telle réforme et composéesgénéralement de représentants des syndicatsd’enseignants, des associations de parents et dumonde de l’entreprise, ainsi que de chercheurs etd’intellectuels. Le rôle de ces commissions est denourrir les projets et de cautionner les décisions, maisaussi de diffuser dans l’institution des idées nouvellesdans l’espoir qu’elles feront leur chemin dans le moyen

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terme. On observe en outre une institutionnalisation durecours à des experts scientifiques qui assument desfonctions autrefois dévolues à certaines catégories dehauts fonctionnaires, et notamment aux inspecteursgénéraux. Leur liberté d’expression est importante, carils sont souvent considérés comme des intellectuelsplus que comme de simples experts. Toutefois, leurpouvoir « technocratique » au nom d’une compétencescientifique, mais aussi de leur capacité à produire unsavoir à usage pratique et politique, reste très faiblepar rapport au pouvoir politique (Tanguy, 1995 ;Bongrand, 2010).

Une autre évolution a trait à l’affaiblissement del’autonomie et de l’isolement du champ éducatif parrapport à d’autres domaines d’action. On observe eneffet, en premier lieu, l’influence croissante del’économie dans l’élaboration et la mise en œuvre despolitiques éducatives. Cette influence s’est exercéed’abord, dans les années 1960, au travers de laplanification éducative centralisée qui prenait appui surles plans du commissariat général au Plan. Elle a prispar la suite un caractère moins dirigiste et plusdécentralisé, car l’État se réserve le choix despriorités, mais renvoie sur d’autres acteurs sociaux, etnotamment sur les collectivités locales et lesorganisations patronales ou professionnelles, laresponsabilité d’une planification plus fine, liée à unterritoire ou à un secteur économique (Charlot, 1995).

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Elle s’affirme à nouveau au niveau central depuisquelques années au travers de l’objectif de réductionde dépenses publiques qui donne un rôle trèsimportant, entre autres, aux experts de l’inspectiondes Finances.

La seconde tendance concerne la plus grandearticulation des politiques d’éducation avec d’autrespolitiques sectorielles, rendue nécessaire parl’indivisibilité et la complexité des problèmes que l’Étatactuel doit résoudre en réponse aux demandes de plusen plus nombreuses qui lui sont adressées, maisaussi en réaction aux effets de son action antérieure(Duran, 2010 a). Certes, la tendance globale audéveloppement de politiques interministériellestransversales rencontre encore de fortes résistancesau sein d’un État enseignant très attaché à sonautonomie et génère des tensions avec les autresadministrations aux niveaux national et local. Toutefois,la politique des zones d’éducation prioritaires, lancéeen 1981, a joué un rôle pionnier en la matière par lacoordination nationale et locale avec la politique de laville qui s’est renforcée au fil des années. Cettecoordination concerne autant les finalités et lesprincipes des politiques d’éducation prioritaire et de laville qui concourent tous les deux à la lutte contrel’exclusion sociale, que la définition des aires de miseen œuvre, des démarches et des procédures. Elle setraduit également par le financement commun de

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diverses actions (Morel, 2001 ; Robert, 2009).

2. La négociation avec la professionet les syndicats

En France, la construction des politiques publiquessectorielles repose sur l’interaction entre lesreprésentants politiques et des organisations socialesreconnues et soutenues par l’État comme partenairessociaux qui consentent à imposer une certainediscipline à leurs ressortissants en contrepartie de leurparticipation active à la définition, voire à la mise enœuvre des politiques publiques les concernant (Jobertet Muller, 1987). Le secteur de l’éducation est l’un desplus représentatifs de ce modèle, car le système dedécision y repose sur une alliance historique entrel’État et les enseignants, représentés par leurssyndicats. Il combine en fait une coconstruction desréformes avec la profession enseignante au niveaucentral avec une imposition autoritaire de ces mêmesréformes par les administrations centrales et locales.Ce modèle de régulation corporative et bureaucratiques’oppose à une régulation par le marché, fondée surl’alliance entre l’État et les parents d’élèves, et à unerégulation communautaire impliquant des accordsentre les enseignants et les parents (Barroso, 2000).

La capacité de représentation des syndicats était trèsétroitement liée à leur implantation dans la profession.

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Dans le passé, le taux d’adhésion très élevé desenseignants a permis à leurs syndicats de jouer unrôle comparable aux centrales interprofessionnellesdans les négociations collectives avec l’État. Lepouvoir de médiation de ces derniers a aussilongtemps reposé sur leur capacité à épouser lesspécificités du monde enseignant tant du point de vuedes identités professionnelles des adhérents que del’organisation administrative. Cela s’est traduit par ledéveloppement d’un syndicalisme enseignantautonome et par la constitution de syndicats pourchaque corps ou catégorie de personnels quirecoupent et renforcent les divisions historiquesinternes entre le primaire et le secondaire et entre lespersonnels enseignants et non enseignants (Geay,1997). Enfin, les syndicats enseignants ont aussi bâtileur puissance sur leurs liens avec des associationsprofessionnelles, des mouvements pédagogiques, desmutuelles et des coopératives pouvant prendrepotentiellement en charge toutes les dimensions de lavie des enseignants.

Les syndicats ont participé à la construction despolitiques éducatives sur un triple mode. En effet, lesyndicalisme enseignant ne se situe pas seulementsur le terrain de la lutte telle qu’elle s’est constituéedans l’histoire du mouvement ouvrier, mais aussi surcelui de la régulation des groupes professionnels ausein desquels ils recrutent leurs adhérents (Robert,

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1995). D’une part, les syndicats organisent desactions d’opposition aux projets en cours via lespétitions, les communiqués de presse, les grèves etles manifestations. Mais, d’autre part, ils sontconsultés et associés de façon formelle ou informelleau processus d’élaboration des politiques et suiventtrès étroitement chaque dossier de réforme. Ilsparticipent également à de nombreux organismesconsultatifs et notamment au Conseil supérieur del’éducation, où ils jouent un rôle essentiel dansl’élaboration des textes et leur discussion publique.

À cela se rajoute la participation au niveauacadémique et départemental des représentantssyndicaux à la cogestion des carrières. En amont, lessyndicats négocient avec la direction des personnelsenseignants ou avec les membres du cabinet duministre le contenu des circulaires régissant l’accès àun corps et avec l’Inspection générale de la manièred’attribuer ou d’harmoniser les notes pédagogiquesque reçoivent les enseignants. Dans les commissionsparitaires, ils n’interviennent pas seulement pour veillerà l’application des règles et des procédures, maisparticipent au préalable à leur élaboration, analysenten détail les situations individuelles et font despropositions. S’agissant des mutations, dossiersensible où se joue une grande partie de la crédibilitédes organisations syndicales au quotidien, celles-cifont remplir à leurs adhérents des fiches de mutation

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parallèlement à celles qu’ils renvoient àl’Administration, procèdent à des vérifications,avancent des solutions et informent leurs collègues defaçon souvent plus rapide et plus complète que lesinstances officielles. Ces organisations ont ainsi sucombiner de façon très efficace la défense des intérêtsindividuels des adhérents et la gestion bureaucratiquedu système main dans la main avec l’Administration.

Toutefois, depuis les années 1990, on constate uneforte baisse du taux de syndicalisation, qui va de pairavec le développement d’un rapport essentiellementutilitariste au syndicalisme de la part des jeunesenseignants, en même temps qu’avec une moindreefficacité des modes d’intervention des organisationssyndicales. Les actions collectives des enseignants,traditionnellement plus disciplinées et moinscombatives que celles des syndicats paysans etouvriers, sont moins contrôlées par les dirigeantsqu’autrefois. Des « coordinations » externes auxsyndicats ont vu le jour, et les grèves, comme cellesdu printemps 2003, sont désormais plus suivies etplus longues, notamment dans les établissements lesplus en difficulté, ce qui s’explique à la fois par laprésence plus active de jeunes enseignants et parl’influence croissante de militants d’extrême gauchequi jugent la mobilisation dans la rue trop modéréepour être efficace. L’influence croissante desorganisations internationales, ainsi que de différents

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groupes de pression sur la prise de décision au niveaunational, tend par ailleurs à affaiblir le pouvoir denégociation des syndicats avec les instancescentrales. Enfin, la participation à la cogestion dusystème au niveau local, sans véritable poids politiquedans les instances de concertation comme lesconseils académiques ou départementaux, limitefortement leur capacité à infléchir les orientations despolitiques éducatives locales.

III. L’impulsion et lamédiation del’Administration1. Une administrationbureaucratique originale

L’analyse de la construction des politiques n’esttoutefois complète que si l’on intègre lefonctionnement de l’Administration, composanteorganisationnelle de l’État, qui joue un rôle centraldans l’impulsion et la traduction réglementaire despolitiques. L’administration de l’Éducation nationale secaractérise tout d’abord par sa place spécifique ausein de l’appareil administratif étatique. En effet,l’Université impériale fondée par Napoléon en 1806 a

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disposé dès ses débuts d’une grande marged’autonomie par rapport au gouvernement et auxautres administrations, car elle était supposée assurerune fonction de magistrature morale. Cet héritage estencore présent aujourd’hui, notamment dans lesattributions des recteurs qui ont autorité sur tous lesordres d’enseignement, de la maternelle à l’université,et disposent d’une grande autonomie administrative,leurs missions échappant en grande partie à la tutelledes préfets de région. Cette administration occupeaussi une place à part au sein de l’Administrationétatique par le mode de recrutement interne de sespersonnels d’encadrement. Les responsables desdirections centrales, des services extérieurs del’Éducation nationale et des établissements sont eneffet majoritairement issus du corps enseignant soitpar tradition, soit en raison de dispositionsréglementaires, et on y trouve un très faible nombred’énarques.

La centralisation, qui atteint son apogée sous la Ve

République, période pendant laquelle on assiste à unvaste mouvement de rationalisation administrative,institutionnelle et pédagogique du systèmed’enseignement, est un autre trait caractéristique del’administration de l’éducation. L’Administrationcentrale conserve encore des compétencesessentielles, mais, en raison de la déconcentrationprogressive entreprise depuis les années 1960, elle

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assume essentiellement des tâches de réglementationde l’action administrative qu’il revient aux « servicesextérieurs » (rectorats, inspections académiques etétablissements) de mettre en œuvre. Cetteréglementation, valable sur l’ensemble du territoirenational, concerne la définition du curriculum (parcourséducatifs, programmes et méthodes d’enseignement,examens et procédures d’orientation), la gestion despersonnels (recrutement, carrières, mouvement), larépartition des moyens budgétaires et l’évaluation desactions et des résultats obtenus. Il faut néanmoinssignaler que, contrairement à ce que l’on pourraitimaginer, le droit joue un rôle mineur dans l’impulsiondes réformes au sein de l’Éducation nationale. Lesadministrations centrales privilégient en effet desprocédures, comme les circulaires et les notes deservice, au bas de la hiérarchie juridique. Justifiées parl’urgence et par la nécessité de mieux faire accepterles mesures préconisées avant de les rendrecontraignantes, ces procédures contribuent à unempilement et à une sédimentation de consignes peupropices à la fixation et au rappel ultérieur despriorités, brouillant et affaiblissant les messages quel’autorité centrale adresse à ses agents (Gauthier,2001).

Un autre trait important de l’administration del’éducation est la segmentation interne des directions,des services et des tâches. Cette segmentation est

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déjà très marquée au sein de l’Administration centraledans laquelle l’intitulé très changeant des directions asouvent entériné dans le passé et, à un moindre degré,entérine encore aujourd’hui les divisions entre lesordres et les types d’enseignement (primaire,secondaire, technique et professionnel, supérieur). Ellecaractérise aussi les rectorats et les inspectionsacadémiques au sein desquels le cloisonnement et ladivision technique du travail sont extrêmement fortsentre les services et à l’intérieur des services. Cettesegmentation se double du caractère impersonnel,standardisé et routinier des activités, notamment ausein des administrations locales, traditionnellementinstances d’exécution dont les missions, les objectifs,les moyens budgétaires et les principaux moyensorganisationnels étaient, jusqu’à récemment,étroitement définis au niveau central.

À ces traits s’ajoute l’omniprésence de la hiérarchiedans les discours et les relations entre les agents. Lesorganigrammes des rectorats et des inspectionsacadémiques permettent de repérer une lignehiérarchique fonctionnelle principale qui va du recteurou de l’inspecteur d’académie et ses adjoints ausecrétaire général, aux chefs de division et aux chefsde bureau. Les agents prennent rarement d’initiativessans l’aval de leurs supérieurs hiérarchiques, ce quialourdit considérablement la prise de décision et lacirculation des informations. Il faut par ailleurs noter

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que la hiérarchie fonctionnelle est renforcée par lahiérarchie statutaire dans la mesure où l’on observeune forte correspondance entre les rôles, les fonctionset les statuts, ces derniers étant très variés etlocalisés sur une échelle comportant une pluralité decorps, de grades et de classes. Serait-on donc face àun modèle parfait de bureaucratie organisationnelle ?En fait, les recherches montrent que dans l’activitéinterne des administrations, le poids des traditions, ducharisme et des affinités, ainsi que celui de la gestioncorporatiste du système par les personnels, limitel’emprise interne de la bureaucratie qui se donne à voirsurtout dans les relations avec l’extérieur (Giraud etMilly, 2003).

En outre, et avec des conséquences beaucoup plusimportantes dès lors que l’on s’intéresse aux effets del’action administrative, on constate un fort découplageentre celle-ci et le cœur de l’activité qu’elle est censéeencadrer, c’est-à-dire l’action pédagogique dans laclasse. Deux hiérarchies verticales, avec des objectifset des modes d’action spécifiques, ont longtempscoexisté sans s’interpénétrer : une hiérarchie «administrative » qui descend des directeurs del’Administration centrale vers les recteurs, lesinspecteurs d’académie et les chefs d’établissement,et qui se charge de l’organisation de l’enseignement,et une hiérarchie « pédagogique » qui relie directementl’Inspection générale aux enseignants via les

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inspecteurs pédagogiques régionaux et assume lagestion pédagogique du système (programmes,horaires, examens) et des enseignants (recrutement,carrière, contrôle). Cette division a entraîné uneséparation entre l’administration et la pédagogie plusforte que dans d’autres systèmes d’enseignement etaffaibli la légitimité de l’administration aux yeux desenseignants (Toulemonde, 2003).

2. De la bureaucratie à lapostbureaucratie ?

On observe cependant, depuis quelques années, unerelative ouverture aux innovations mises en œuvre dansd’autres administrations et des tentatives pourtransposer les analyses menées sur celles-ci avecpour résultat la banalisation relative d’uneadministration très attachée à sa spécificité (Dutercq,2001). Peut-on néanmoins parler déjà d’une évolutionde l’idéal de type bureaucratique vers un idéal de typepostbureaucratique ? On observe en fait, à ce stade,une prise de conscience des nouveaux rôles quel’Administration doit jouer qui s’accompagne d’unetimide rénovation des pratiques. Cette prise deconscience est perceptible dans la diffusion d’unenouvelle définition de la compétence des personnelsd’encadrement qui doivent être non seulement expertsdans leurs domaines d’intervention, mais capables dedévelopper des projets, d’animer des équipes et de

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mener des évaluations. Cela a conduit à mettre enplace des formations à l’encadrement jusque-làlargement inexistantes avec la création, en 1987, d’uncentre de formation des cadres rattaché àl’Administration centrale qui deviendra, en 1990, leCentre national de formation des personnelsd’inspection et de direction, dit centre Condorcet et en1994, l’École supérieure des personnelsd’encadrement puis, en 2003, l’École supérieure del’Éducation nationale (ESEN) basée à Poitiers.L’autonomie de fonctionnement de cette instance estcependant fortement limitée par son rattachement à ladirection de l’Encadrement du ministère de l’Éducationnationale. La contribution des formations proposées aupassage de l’administration au management est enoutre très modérée, en raison du mode de recrutementdes cadres, du caractère limité et haché de leurformation initiale et de l’absence d’une formationcontinue pleinement intégrée à l’exercice de leursfonctions.

Dans un contexte de globalisation et dedécentralisation, le renouvellement de l’Administrationsuppose en outre la redéfinition d’un centre stratégiquequi fixe les règles du jeu, identifie les acteurs légitimeset veille à la répartition équitable des coûts et desbénéfices (Duran et Thoenig, 1996). Ce renouvellementdoit procéder non pas par le haut, mais par le bas,c’est-à-dire en recomposant l’Administration centrale à

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partir des besoins des enseignants et desétablissements scolaires. Des évolutions s’amorcentdans ce sens. Toutefois, ainsi que le relèvent plusieursrapports, la constitution de ce centre stratégique resteencore problématique, notamment en raison dumaintien des cloisonnements entre les directions, quine permettent ni la globalisation des moyens ni desactions communes, et du caractère encore trèsréglementaire de la régulation hiérarchique. Au niveaudes rectorats et des inspections académiques, onconstate également des évolutions dans l’organisationqui sont moins liées à une réflexion globale internequ’à des pressions externes : l’augmentation de lamasse des prestations à fournir en lien avecl’expansion du système d’enseignement, lamultiplication des politiques, la déconcentration et ladécentralisation, et les exigences nouvelles desfamilles et des entreprises (Demailly, 1992).

On observe également une évolution progressive de lanotion de « responsabilité administrative ». Si lacoupure entre ce qui relève de la stratégie politiqueglobale, c’est-à-dire de la détermination des finalités etdes règles du jeu, et ce qui relève de la compétenceadministrative se maintient, il ne s’agit plus pour leséchelons locaux, comme dans le cadre bureaucratiqueclassique, d’ajuster les moyens aux finalités, mais dechoisir et adapter des moyens ou, plus largement, dessolutions en fonction de l’intérêt général local, c’est-à-

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dire de réfléchir non pas en termes de conformité auxrègles, mais en termes de résultats et deconséquences des actions (Duran, 2010 a). Cetteconception se traduit dans les rectorats et lesinspections d’académie par l’émergence de nouvellescompétences techniques (connaissance fine desterritoires, développement de nouveaux outilsd’impulsion, de contrôle et d’évaluation) et politiques(capacité à clarifier, hiérarchiser et rendre opératoiresles objectifs et les efforts à fournir par chacun). Deschangements sont aussi intervenus dans le mode degestion des personnels : mise en place d’une gestionprévisionnelle tenant compte des départs à la retraiteet de la carte de formations projetée par chaqueacadémie, différenciation des trajectoiresprofessionnelles, création de nouvelles catégories depersonnels pour faire face aux besoins desétablissements. Toutefois, ces changements, conduitsdans une période de baisse de ressources financières,sont trop modestes pour que l’on puisse parler d’unevéritable gestion qualitative des ressources humaines(Buisson-Fenet, 2008).

Par ailleurs, la mise en place de ces nouvellesdémarches se heurte au maintien, voire aurenforcement de la logique hiérarchique. Ainsi, si l’Étatcentral s’est officiellement dessaisi de plusieurscompétences, il cherche par diverses voies à maintenirun pouvoir de contrôle sur les échelons locaux.

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Plusieurs observateurs notent ainsi que les «dialogues de gestion » menés dans le cadre desnouvelles politiques de contractualisation avec lesacadémies sont plutôt l’occasion pour lesreprésentants du ministère d’évaluer le degré auqueldes objectifs fixés au niveau central ont été atteints,que pour les recteurs de défendre la possibilité de lesadapter aux spécificités régionales. À leur tour, du faitdu nombre croissant de compétences qui leur sontattribuées, les rectorats tendent à se comportercomme de « petits ministères » à l’égard desinspections académiques, dans la continuité plutôtqu’en rupture avec leur rôle de représentant direct dupouvoir central chargé d’affirmer ses prérogatives ausein d’un espace géographique particulier (Condette,2009). Les recteurs comme les IA maintiennent aussiune relation d’autorité forte avec des chefsd’établissement dont ils cadrent de fait, de mille et unefaçons, l’autonomie de décision. Il y a donc un risquenon négligeable de voir les nouveaux modes derégulation retraduits dans des catégories et desmodes de fonctionnement caractéristiques du modèlebureaucratique toujours en vigueur (Lang, 2005).

On constate certes que la séparation entre lahiérarchie administrative et la hiérarchie pédagogiquetend à s’estomper sous l’influence de ladéconcentration et de la décentralisation. D’une part,alors que les administrations locales ont été

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dessaisies par la décentralisation de la prise encharge des conditions matérielles de fonctionnementdes établissements, confiée aux collectivitésterritoriales, elles ont reçu, dans le cadre de ladéconcentration, de nombreux pouvoirs de gestionpédagogique en matière de cadrage d’impulsion desprojets d’établissement et d’impulsion de tous lesnouveaux dispositifs pédagogiques. D’autre part, enlien avec cette évolution, l’organisation et les missionsde la hiérarchie pédagogique ont dû être revues. Lerôle des IPR, qui sont depuis 1990 sous la tutelle desrecteurs, consiste de plus en plus non seulement àinspecter individuellement les enseignants, mais àconseiller les autorités académiques et les chefsd’établissement. L’IGEN joue de son côté un rôle plusimportant de conseil et d’aide à la mise en œuvre de lapolitique éducative auprès du ministre, mais aussi despersonnels de l’encadrement territorial. En somme, lesystème tend à « pédagogiser » la hiérarchieadministrative et à demander à la hiérarchiepédagogique d’intégrer les dimensions administrativeset financières. On est loin cependant encore d’uncouplage satisfaisant de ces diverses fonctions dansl’activité ordinaire de l’institution (Toulemonde, 2003).

Longtemps taxée d’un fort immobilisme, l’Éducationnationale apparaît actuellement en pleine mutation.Peu enclins à adopter une rhétorique valorisant laglobalisation des réformes éducatives, les dirigeants

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politiques et les responsables administratifs ontnéanmoins « importé » de l’étranger de nombreuxconcepts et dispositifs aujourd’hui en vigueur dans lechamp de l’éducation. Réticents au départ auxévaluations internationales, ils doivent néanmoins tenircompte de leurs enseignements en vue du maintien dela compétitivité de la France au niveau international,dans laquelle l’éducation joue un rôle central.L’harmonisation européenne engendre par ailleurs deschangements importants, pour l’instant surtout visiblesau niveau de l’enseignement supérieur.

Parallèlement, d’autres évolutions sont en cours dansle système de décision au niveau national. Il s’agitcependant d’évolutions qui proviennent davantage del’extérieur que de l’intérieur du système, commel’influence croissante du pouvoir législatif ou duministère des Finances, ou qui témoignent de sonaffaiblissement comme la moindre efficacité desmodes traditionnels d’intervention des syndicats. Enfait, le sommet du système politique commel’Administration centrale, qui sont interdépendants,mais qui ne travaillent pas nécessairement de façoncoordonnée, semblent avoir du mal à se transformer.Les changements les plus importants sont à l’œuvre àl’intérieur des administrations déconcentrées qui, sousla pression des usagers et des collectivitésterritoriales, développent de nouvelles procédures derégulation. Ces dernières sont néanmoins freinées

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dans leur action par la répartition complexe descompétences dans le cadre de la déconcentration etde la décentralisation, par l’organisation segmentée etbureaucratique des services, et par leur manque delégitimité pédagogique auprès des enseignants.

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Chapitre IV

Gestion, mise en œuvreet évaluation

’étude des politiques d’éducation ne peut s’arrêter àl’analyse de leur élaboration par le pouvoir politique etde leur traduction réglementaire par l’Administration auniveau central. On sait en effet que beaucoup deréformes n’ont jamais été appliquées sur le terrain oul’ont été sous des formes divergentes, voire contrairesaux intentions des réformateurs. En outre, l’analyse dela gestion et de la mise en œuvre locale prendactuellement une importance plus grande que par lepassé en raison de l’autonomie dévolue à la base et dela nécessité d’adapter le traitement des problèmes àl’hétérogénéité des territoires. Les acteurs locauxjouent dès lors un rôle central dans l’évaluation de lafaisabilité locale des politiques et la création desconditions de leur réalisation. Le travail d’adaptation etde médiation qu’ils doivent accomplir renforce aussi lerôle de l’évaluation, celle-ci devant estimer les effets aposteriori de leur action.

L

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I. La gestion éducativeterritoriale1. L’articulation de ladéconcentration, de ladécentralisation et de laterritorialisation

Pour comprendre la gestion éducative territoriale, il estnécessaire de tenir compte de l’enchevêtrement àl’échelle locale des processus de déconcentration, deterritorialisation et de décentralisation. Ladéconcentration administrative est la procédure la plusancienne. Mise en œuvre dès les premières années dela Ve République pour alléger la lourdeur dufonctionnement étatique en créant des centres deresponsabilité soumis à l’autorité du pouvoir centralmais dotés d’une autonomie administrative, elledevient dans les années 1980 l’accompagnementnécessaire à la décentralisation, permettant auxresponsables des collectivités territoriales d’avoir à leurniveau des interlocuteurs étatiques responsables.Depuis l’établissement de la « charte de ladéconcentration » (1992) et de la loi surl’aménagement et le développement du territoire(1995), elle est devenue une réforme de fond visant à

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faire des services déconcentrés un outil d’adaptationdu service public aux besoins différenciés desterritoires. Dans le domaine de l’éducation, ladéconcentration s’est traduite par la délégation auxéchelons locaux, et notamment aux recteurs, decompétences concernant la gestion pédagogique del’offre de formation et la répartition des moyens qui fontl’objet d’une dotation globalisée, ainsi que lemouvement des enseignants.

La démarche de « territorialisation » des politiqueséducatives se fonde, quant à elle, sur deux principes :la prise en compte des disparités spatiales en matièred’éducation et l’appui sur l’échelon local pour lesréduire. On peut en distinguer deux modalités. Lapremière, interne à l’Éducation nationale, se traduit parune répartition inégalitaire des moyens en faveurd’établissements et de zones choisis selon desindicateurs sociaux et scolaires : les politiques d’«établissements sensibles » ou de « zones violence »sont des exemples de cette orientation. La secondese base sur la mise en place de partenariats entrel’Éducation nationale, d’autres ministères (Justice,Culture, Sports…) et des collectivités territoriales. Cesdispositifs comprennent les contrats éducatifs locaux,les contrats de ville, les contrats locaux de sécurité oules contrats d’accompagnement scolaire. Les zonesd’éducation prioritaires, qui constituent le dispositif leplus ancien (1981) et le plus emblématique de cette

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démarche, participent de ces deux modalités. Ellescombinent en effet une « discrimination positive paraire » et des formes novatrices d’articulation avec lescontrats de ville et les autres dispositifs contractuelsau niveau local.

La décentralisation éducative territoriale, qu’instaurentles lois de 1983 et 1985 dans le cadre plus global dela réforme institutionnelle de 1982, avait pour objectifinitial de transférer aux collectivités locales lefonctionnement matériel des établissements dans unesprit de rationalisation et de gestion de proximité deslocaux et des équipements scolaires. Cela a conduit àl’attribution de blocs de compétences similaires enmatière de construction, de reconstruction,d’extension et de fonctionnement des établissementsscolaires pour les différents niveaux à chaquecollectivité. Les communes sont compétentes auniveau des écoles, les départements pour les collègeset les transports scolaires, les régions pour les lycéeset la formation professionnelle, tandis que l’Étatconserve la responsabilité de l’enseignementsupérieur. Toutefois, la décentralisation est alléebeaucoup plus loin dans les faits. Les collectivitésterritoriales ont largement investi les domaines del’offre de formation et de l’orientation, du soutien et dela médiation scolaires et même le financement desuniversités et des IUT alors que l’enseignementsupérieur avait été exclu des lois de décentralisation.

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L’entrecroisement sur le terrain de ces différentsprocessus rend la gestion territoriale particulièrementcomplexe, car il s’agit de gérer des interdépendancesdans un univers décisionnel fragmenté entre agencespubliques et entre niveaux de gouvernement (Duran,2010 a). À l’intérieur de l’État déconcentré,l’harmonisation des compétences est problématiqueentre les inspections académiques, responsablesprincipalement de l’enseignement primaire et descollèges, et les rectorats, qui sont particulièrementconcernés par les lycées, car dans la pratique, lescompétences se chevauchent : les collèges dépendentdes inspections académiques, mais ce sont lesrectorats qui gèrent les personnels qui y exercent leuractivité ; les lycées dépendent du recteur, mais c’estl’inspecteur d’académie qui y affecte les élèves.L’harmonisation est aussi problématique entre lesservices déconcentrés de l’Éducation, d’autresservices déconcentrés et les préfectures de région oude département à propos de la conduite des politiquesterritoriales interministérielles. La belle architecture parniveaux de la décentralisation est également mise encause dans l’activité ordinaire des institutions, carbeaucoup de décisions, notamment en matière deconstructions scolaires, impliquent simultanémentdeux, voire les trois niveaux. Ces problèmesd’articulation ne sont pas purement techniques, maisaussi politiques. Ainsi entre les rectorats et lesinspections académiques, les problèmes de

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coordination sont en fait la conséquence des pouvoirsde plus en plus étendus des recteurs, qui menacentl’autonomie déjà très limitée des inspecteursd’académie, dont il apparaît nécessaire de redéfinir lerôle. De même, les tensions entre les recteurs, lesinspecteurs d’académie et les préfets de région et dedépartement supposent une analyse politique dufonctionnement de l’« interministérialité » au niveaulocal.

Mais, parce que ses conséquences sont plusimportantes, c’est surtout sur le jeu déconcentration-décentralisation qu’il faut se pencher. On observe à cetégard des évolutions allant dans le sens d’unrenforcement de l’implication et de l’autonomie descollectivités territoriales. Concernant les dynamiqueséducatives à l’échelle régionale, et notamment laconstruction de l’offre de formation, les recherchesmontrent que le mode de coordination des années1980 dans lequel le conseil régional entérinait lesinitiatives du rectorat cède la place, depuis la loiquinquennale, à un autre dans lequel c’est àl’Éducation nationale d’argumenter ses choix face auxpouvoirs locaux (Verdier, 2006). De même, lesanalyses sur l’action de certains départements enmatière d’accompagnement de l’action éducative et dedélimitation des secteurs scolaires des collègesmettent en évidence des efforts considérables pourinfléchir les dynamiques sociales et pédagogiques

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(Dutercq, 2000 ; van Zanten et Obin, 2010). On voitmême certaines municipalités développer despolitiques éducatives ambitieuses au-delà del’enseignement primaire pour lequel elles sontresponsables grâce au financement de projets dansles établissements et au recours à des intervenantsextérieurs (van Zanten, 1997).

Or, ces évolutions vont de pair avec de nouvellesformes de politisation. Les tensions qui émergentconcernent parfois des divergences dans lesorientations politiques à propos de sujets comme lesoutien aux établissements privés, la libéralisation dela carte scolaire ou le développement del’apprentissage dès le collège (Verdier 2006 ; Dupuy,2010). Plus souvent cependant, ce sont des questionsliées à la délimitation du rôle de chacun, au partagedes informations ou aux modalités de concertation quidonnent lieu à des conflits (Ben-Ayed, 2009). Au cœurde ces tensions se trouvent les atouts différents del’État et des collectivités territoriales. Le premierconserve encore une forte légitimité en tant que garantdes valeurs du service public d’éducation surl’ensemble du territoire, mais sa capacité d’action, à lafois en raison du manque de ressources et del’affaiblissement de son emprise sur les acteurslocaux, s’est fortement érodée. En revanche, certainescollectivités territoriales tout au moins possèdent lesmoyens financiers et humains pour intervenir

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localement, y compris au-delà de leurs domainesformels de compétence, mais leur action bénéficierarement du même consensus normatif que celle del’État (van Zanten, 2004).

2. De l’encadrement hiérarchique àla régulation procédurale ?

La gestion territoriale repose aussi sur un ensemble deprocédures qui sont mobilisées pour contrôler le travaildes acteurs locaux et susciter leur engagement.Traditionnellement, dans le système éducatif français,la régulation de l’activité dans les établissements étaitassurée par deux mécanismes majeurs. Le premiercomprenait un ensemble de règles juridiques ettechniques valables pour l’ensemble du territoire, maisavec la possibilité pour les autorités locales, qui yfondaient une grande partie de leur pouvoir, d’opérerdes arbitrages d’opportunité et des dérogations afin detenir compte des contextes et des situationsparticulières. L’emprise limitée de cette régulation detype bureaucratique sur le travail enseignant étaitcompensée par un autre mécanisme, à savoirl’inculcation de valeurs communes auxquelles il étaitfait appel ensuite. Ce mécanisme a étéparticulièrement efficace dans le cas des instituteursformés dans les écoles normales, véritables «institutions totales », et dont toute la carrière sedéroulait à l’intérieur du monde très fermé de

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l’enseignement primaire. Or, si ces modes derégulation n’ont pas disparu, ils ne s’avèrent plus aussiefficaces que par le passé. L’uniformité des règlesn’est pas adaptée à la prise en compte des différencesparmi les publics scolaires. Dans les établissementsde la périphérie, notamment, soumis à de nombreusespressions externes et internes, les contournements etles arrangements se multiplient. Et, parallèlement, larégulation normative s’affaiblit en lien avec le flou quientoure les finalités des réformes et les changementsdans les modalités de recrutement et de formation desenseignants. Elle est remplacée, particulièrementdans les établissements recevant le plus d’élèves endifficulté, par des tentatives de moralisation renvoyantaux responsabilités individuelles (van Zanten, 2001).

Pour pallier ces dysfonctionnements, on voit émergerde nouvelles procédures. Le « projet », qui metl’accent sur la responsabilité des acteurs et leurcapacité à proposer des solutions collectives adaptéesaux situations locales, en est une des principales.C’est en effet autour d’un « projet de zone » que l’onincite les bonnes volontés à l’intérieur et à l’extérieurde l’école à se mobiliser dans les zones d’éducationprioritaires. C’est aussi en développant des politiquesincitatives de financement de projets que lescollectivités territoriales, notamment les municipalitéset les conseils généraux, ont pu légitimer leurparticipation au fonctionnement pédagogique des

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établissements (van Zanten, 1997). Les projets sontaussi une composante importante de la modernisationdes services déconcentrés. Ils ont été conçus commeun élément central de l’autonomie des établissements,la loi d’orientation sur l’éducation de 1989 en faisantune obligation pour tous les lycées, collèges etécoles. Les académies elles-mêmes et, de plus enplus, leurs différents services doivent aussi avoir desprojets.

La notion de « contrat », plus tardive dans le discoursofficiel que celle de projet, lui est étroitement liée dansla mesure où il s’agit de formaliser un engagementréciproque de volontés autonomes, s’inscrivant dans leregistre de la coopération et non pas de la commande,autour d’un ou des projets. Les contrats ont dans unpremier temps été utilisés davantage comme unmoyen d’apprentissage collectif et de mobilisation desacteurs que comme une convention : l’engagement ausens d’« implication » l’emportait sur l’engagement ausens d’« obligation » (Glasman, 1999). Ils ont connuun développement très important dans le cadre despolitiques éducatives locales à caractèreinterministériel. Actuellement, ils se répartissent endeux catégories : ceux à vocation large, comme lescontrats de ville et les contrats éducatifs locaux (CEL),et ceux à visée sectorielle, comme les contrats locauxde sécurité (CLS) et les contrats locauxd’accompagnement scolaire (CLAS). La relance des

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zones d’éducation prioritaires s’est égalementaccompagnée d’une idée neuve, le « contrat deréussite », censée lutter contre l’image d’échecassociée aux ZEP et recentrer les activités sur lesapprentissages, mais aussi renforcer l’engagementdes différents participants et notamment del’encadrement. L’association plus étroite desprocédures contractuelles à la réorganisationmanagériale de l’Éducation nationale a néanmoinscontribué à accentuer la dimension de contrôle de laréalisation d’objectifs au détriment de l’engagementvolontaire et de l’apprentissage collectif (Gaudin,2007).

La notion de « partenariat » se développe de façonparallèle à celles de projet et de contrat pour faireréférence aux alliances entre les différents acteurs quiparticipent aux nouvelles formes de l’action publiquelocale. Elle a été, dès le départ, un des pivots de lapolitique des zones d’éducation prioritaires, la luttecontre l’échec scolaire y devant prendre appui sur lacollaboration entre des acteurs de terrain mais aussientre différents financeurs. Des partenariats entre les «opérateurs » et entre les concepteurs et les financeursdes actions sont aussi au cœur des politiques localesinterministérielles. À la notion de partenariat, on peutadjoindre celle de « réseau », utilisée dans la relancedes ZEP en 1998 pour contrecarrer l’image négative dela notion de zone, introduire des modes de

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collaboration plus souples entre les établissements etfavoriser les sorties du dispositif, et prédominante dansle discours administratif sur les relations qui doivents’établir entre les établissements appartenant à unemême entité géographique.

Peut-on néanmoins conclure à l’émergence d’une «gouvernance » éducative locale, c’est-à-dire d’unecoordination moins marquée par la régulationhiérarchique et bureaucratique des activités associantune diversité d’acteurs (Le Galès, 1998) ? Le recoursau « projet », au « contrat » ou au « partenariat »s’inscrit dans une logique visant à favoriserl’autonomie, l’innovation et la souplesse dans lesadministrations éducatives locales et lesétablissements, mais ces instruments ont étéincorporés à un cadre réglementaire resté largementinchangé. C’est le cas des projets d’établissementobligatoires qui font l’objet d’un fort cadrage par lesrectorats et les inspections académiques et dontl’ambition se heurte au maintien des normescentralisées concernant les contenus d’enseignement,ce qui explique qu’ils ne contribuent qu’à la marge à lamobilisation des acteurs et des établissements. L’Étatconserve par ailleurs le contrôle de leur mise en œuvrealors que l’instabilité des personnes en charge dansles administrations locales, le décalage entre leurformation et les nouveaux rôles qu’elles doiventassumer et le manque de ressources limitent

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fortement leur développement. À cela s’ajoute le faitque ces procédures souffrent clairement d’uneabsence de légitimité. Alors que, comme le notePatrice Duran (2010 b), la bureaucratie, telle quel’analyse Max Weber, est à la fois « autorité », c’est-à-dire constitution d’un ordre social légitime, et « pouvoir», c’est-à-dire mode d’organisation du travail en vue dela résolution de problèmes pratiques, ces nouvellesprocédures sont orientées vers l’action, mais secaractérisent par un grand flou quant à leursfondements normatifs. Or, une telle situation estpropice à des soupçons concernant les motivations deceux qui en sont les porteurs et à la dénonciation ducaractère arbitraire de leurs choix.

De ces limites témoigne a contrario l’action d’unnouvel acteur des politiques publiques d’éducation, lesgrandes écoles. En effet, ces institutions, quis’investissent depuis 2001 dans des actions en faveurde l’égalité des chances et de la diversité, ont mieuxréussi que les administrations locales à mobiliser cetensemble d’instruments, en contournant, voire eninfléchissant certaines pesanteurs réglementaires, endéveloppant de nouvelles compétences et en levantdes fonds publics et privés. Très autonomes parrapport aux administrations locales et aux collectivitésterritoriales, elles ont aussi mieux réussi à établir leurautorité autour d’un objectif délimité : la sélection etl’accompagnement de bons élèves issus

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d’établissements défavorisés pour favoriser leur entréedans des filières d’élite (van Zanten, 2010).

II. La mise en œuvredans les établissements1. Les dynamiques externes

Des changements sont aussi observables à proposdes établissements scolaires, qui ne doivent pas êtreconçus comme des espaces d’exécution, mais decontextualisation et de transformation des politiquesentretenant des relations relativement autonomes avecleur environnement social, institutionnel et politique.On peut souligner à cet égard la création récented’espaces locaux administratifs ayant pour butd’instaurer un dialogue moins formel entrel’Administration et les établissements et de développerdes formes nouvelles de coopération entre cesderniers. Les « bassins de formation » ont ainsi pourmission principale d’associer les lycées d’une mêmeaire géographique à la construction et àl’harmonisation de l’offre de formation. À une échelleplus réduite, les « districts scolaires » doiventpermettre aux inspections académiques d’harmoniserle fonctionnement pédagogique des lycées et descollèges. Ces instances ne jouent cependant qu’un

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rôle encore modeste de régulation, car l’Administrationa du mal à passer de la logique traditionnelled’encadrement hiérarchique à une logique d’«animation », et à articuler ce nouveau type derégulation de contrôle avec la régulation autonomemise en œuvre par les chefs d’établissement quicherchent, dans ce cadre, à échanger des idées et àajuster leurs pratiques.

Par ailleurs, n’ayant pas été conçues dans cetteoptique, ces instances, qui n’intègrent pas lesétablissements relevant du secteur privé et ne sepenchent pas habituellement sur les flux locauxd’élèves, n’infléchissent qu’à la marge la compétitionentre établissements. Cette compétition n’est pas unphénomène nouveau, mais a été aiguisée par lesstratégies de choix des parents et par l’accroissementdes filières et d’options. En effet, pour retenir unepopulation flottante de familles prête à se tourner versun enseignement privé qui paraît proposer un cadre descolarisation plus favorable à la réussite et audéveloppement personnel des élèves ou à déployerbeaucoup d’énergie pour que leurs enfants accèdentaux établissements publics situés en haut de l’échellede prestige, beaucoup de lycées et de collègespublics développent leur offre pédagogique soit pourattirer de bons élèves extérieurs à leurs secteurs derecrutement, soit pour offrir à l’interne des parcoursattractifs à côté d’options réservées aux élèves les

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plus en difficulté. Ces stratégies sont tolérées, voireencouragées par les autorités éducatives ou politiqueslocales qui visent également ainsi à mettre en valeurl’offre éducative sur leur territoire (Delvaux et vanZanten, 2006 ; Broccolichi, Ben-Ayed et Trancart, 2010; Barrault, 2012).

Les chefs d’établissement jouent un rôle central dansces dynamiques. Leur position est devenue pluscomplexe, car ils se trouvent à la croisée de ladéconcentration en tant que représentants de l’État etde la décentralisation fonctionnelle, en tant queprésidents du conseil d’administration des EPLE(établissements publics locaux d’enseignement). Leurrelation avec leurs autorités administratives de tutelleévolue globalement dans le sens d’une régulation àdominante contractuelle par le biais de diagnosticsd’établissements et des lettres de mission qui leurpermettent de négocier partiellement les objectifs etles moyens de leur action. Leur position change aussivis-à-vis des collectivités territoriales avec lesquellesdes échanges beaucoup plus intenses que par lepassé ont lieu autour du bâti et des équipements,mais aussi de l’offre de formation ou des problèmes deprévention et de sécurité. Beaucoup se sententnéanmoins tiraillés entre les logiques d’action de cesdeux tutelles (Dutercq, 2001). Ils sont également trèsimpliqués dans la promotion ou la défense de leurétablissement au travers du développement de l’offre

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éducative, mais aussi de diverses actions decommunication, dans un marché scolaire où ladifficulté à évaluer la qualité du service éducatif desétablissements scolaires laisse une large place aux «réputations » construites autour de savoirsd’expérience et de rumeurs qui circulent dans lesréseaux locaux de parents (Felouzis et Perroton, 2007; van Zanten, 2009).

2. Les dynamiques internes

Cette implication dans des logiques concurrentiellescrée des conflits normatifs chez les chefsd’établissement, qui interagissent avec les désaccordsque suscite la pression administrative, visant à leurfaire assumer un rôle de managers de projets et deressources humaines à l’intérieur des établissements.Les valeurs et les qualités attendues chez eux, dansles deux cas, entrent en effet en tension avec lesnormes du service public, notamment avec l’égalitéformelle de traitement des élèves et des personnels(Barrère, 2006). Les proviseurs et les principaux desétablissements publics ne disposent pas par ailleursde l’autorité, du pouvoir et des ressources nécessairespour assumer leurs nouvelles fonctions managériales.Le rôle d’animateur de nouveaux dispositifsd’enseignement qu’ils sont censés jouer, et auquel ilsadhèrent en majorité, se heurte à leur manque delégitimité pédagogique auprès des enseignants en

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même temps qu’au fait qu’ils ne peuvent ni lesrecruter, ni gérer leur carrière, ni jouer un rôle majeurdans leur évaluation. Ils peuvent néanmoins exercerune influence indirecte sur l’acte pédagogique par lebiais de la dotation horaire globalisée (DHG), quipermet aux EPLE d’organiser leurs structures enfonction de leurs spécificités et de leurs projets, par lemode d’organisation qu’ils adoptent pour la confectiondes emplois du temps, la répartition des classes oul’orientation des élèves et par leur rôle dans l’accueildes nouveaux enseignants ainsi que dans la formationcontinue des personnels. Leur implication dans ledomaine de la « vie scolaire » ne soulève pas lesmêmes problèmes. Bien que les questions desécurité, de surveillance et d’intégration des élèvessoient un souci croissant des chefs d’établissementpar la responsabilité morale et juridique qui leur estassociée et qu’ils disposent d’une marge d’action plusgrande auprès des personnels non enseignantsimpliqués dans ces activités, beaucoup d’entre euxrépugnent à s’investir dans ces domaines, moinsprestigieux à leurs yeux que celui de l’enseignement(Grellier, 1998).

Les dynamiques internes reposent aussi, dans unelarge mesure, sur l’activité des enseignants. Cesderniers disposent d’une grande liberté dans leursclasses, y compris dans les systèmes centraliséscomme le système français, car le cadrage de

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l’activité par les programmes nationaux et l’évaluationdes inspecteurs ne concerne pas directement lesméthodes d’enseignement et s’accompagne d’un faiblepouvoir de contrôle de la part du chef d’établissementet des parents. Or, si cette liberté est indispensable àl’interaction avec des publics diversifiés d’élèves, ellepeut être source d’inégalités, car les enseignants,comme tous les street level bureaucrats  [1] (Lipsky,1980), cherchent à réduire l’écart entre les normescentralisées et l’idéal de service qui régissent leuractivité d’une part et les caractéristiques de leurs «clients » et de leurs cadres de travail d’autre part, parla construction de représentations stéréotypées deleurs élèves, l’adaptation des pratiquesd’enseignement, de discipline et d’évaluation, etl’élaboration d’éthiques professionnellescontextualisées. Cette liberté individuelle fait aussiactuellement obstacle à la négociation deschangements à l’échelle des établissements. En effet,la régulation collégiale est très faible parmi lesenseignants en raison de l’organisation desétablissements scolaires en « cellules » étanches,mais aussi du fait qu’ils échangent et travaillent encommun en fonction d’affinités électives davantage quedes difficultés qu’ils rencontrent ou de projetspédagogiques qu’ils envisagent de mettre en œuvre(Tardif et Lessard, 1999). Cela les conduit à opposerdes résistances individuelles plutôt qu’à chercher àexercer une influence en tant que collectif

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professionnel sur l’évolution de leurs contextes detravail.

Bien que les enseignants y occupent encore une placeprédominante, ils ne sont pas les seuls professionnelsà travailler dans les établissements. De façongénérale, mais plus accentuée dans lesétablissements de la périphérie, on observe unaccroissement et une diversification des personnels(conseillers d’orientation, documentalistes, conseillersd’éducation, surveillants mais aussi assistantessociales scolaires, infirmières scolaires, assistantsd’éducation) qui prennent en charge de nombreusestâches éducatives, sociales et sociomédicales enprincipe complémentaires aux activitésd’enseignement (Tardiff et Levasseur, 2010). Dans lesfaits, cependant, entre les enseignants et les non-enseignants prédominent souvent des formesd’ignorance réciproque, de contrôle de l’information, dedélégation du « sale boulot » ou d’empiétement dansla conduite des actions qui nuisent à l’efficacitéglobale de l’établissement. Ces relationsproblématiques sont dues à la difficulté à segmenterdes tâches d’éducation, dont l’indivisibilité est lacaractéristique première, et aux différences de statutet de prestige, d’emplois du temps et de présencedans l’établissement ainsi que de modes d’échangesavec les élèves. Mais ils résultent aussi de la faibleattention qui a été accordée dans les réformes

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récentes à la coordination des activités dans lesétablissements et au faible rôle fédérateur des chefsd’établissement (van Zanten, 2001).

3. La place des usagers

Le rôle des « usagers » a été fortement revalorisé dansles discours sur la rénovation des services publics,mais davantage comme objets que comme sujets desnouvelles régulations. Dans l’enseignement, en outre,les relations entre l’administration et les usagersprésentent des traits particuliers. D’une part, en raisondu caractère obligatoire de la scolarisation, les parentset les élèves sont des « usagers captifs ». D’autrepart, le rôle d’usager est partagé : c’est l’enfant quireçoit les services, mais c’est le parent qui est enmesure d’apprécier leur efficacité, notamment au débutde la scolarité.

Étant donné la nature du travail pédagogique, saqualité comme les satisfactions professionnelles qu’ilprocure dépendent étroitement de l’implication desélèves dans les tâches prescrites et de leuracceptation des normes scolaires. On constate doncsans surprise que les enseignants opèrent desdistinctions entre leurs contextes de travail etconstruisent des carrières professionnelles moins enfonction des caractéristiques des environnementsprofessionnels que de celles des usagers élèves.

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Occupant ainsi une place centrale en tant qu’objets del’action pédagogique et éducative, les élèves ont enrevanche beaucoup de mal à se faire reconnaîtrecomme des sujets politiques dans les établissements.Si l’on constate une juridicisation croissante desrelations entre les professionnels et les usagers, c’estbien davantage au profit des premiers, qui demandentà disposer des outils pour limiter leur responsabilité etlutter contre la violence scolaire, que des seconds, quivoient souvent leurs droits en matière de respect ou deconfidentialité bafoués (Merle, 2005). Certes, lesélèves ont gagné progressivement des nouveaux droitsen matière d’expression, d’association, de réunion etde publication dans les établissements, mais ils lessous-utilisent en raison du cadre normatif dans lequelils doivent les exercer. Les enseignants restent le plussouvent maîtres des décisions, percevant le droit desélèves plus comme un droit au savoir que comme undroit à l’expression, et les établissements comme deslieux de préparation à la citoyenneté plutôt qued’exercice de cette dernière. Les élèves, de leur côté,développent plutôt des formes d’autoprotection qui leurévitent d’entrer dans une trame d’engagementssociaux avec des adultes (Rayou, 1998).

La place des usagers parents est non moins ambiguë.Leurs pratiques « consuméristes » sont souventcritiquées par les professionnels de l’éducation et parl’Administration car, invoquant les dimensions éthique

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et politique de leur rôle de promotion de l’intérêtgénéral, ces derniers refusent de se voir comme desimples prestataires de services (Buisson-Fenet,2004). Toutefois, le refus d’une proportion croissantede parents d’endosser le rôle d’« administré assujetti »que leur attribuent les agents scolaires est rarementmis en relation par ces derniers avec le fait quel’administration scolaire a surtout, ces dernièresannées, élargi les droits individuels des parents enmatière d’orientation et de choix de l’établissement oude recours en justice par la voie de la médiation ou ducontentieux légal, au détriment de leur participationcollective au fonctionnement des établissements etdes instances de décision à l’échelle locale (vanZanten, 2009 ; Barrault, 2011).

En effet, c’est seulement en 1968 que lesreprésentants des parents ont été admis à participeraux conseils d’administration et aux conseils declasse dans les collèges et les lycées, en 1975qu’apparaissent les premiers conseils d’école dans lesécoles primaires et maternelles et en 1985 que lesconseils académiques s’ouvrent aux représentants desusagers en lien avec la décentralisation du systèmeéducatif. Des évolutions sont perceptibles concernantle rôle des parents dans l’élaboration des politiquesd’établissement ou de politiques éducatives émanantdes collectivités territoriales, notamment desmunicipalités. Elles restent cependant modestes non

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seulement en raison de la méfiance historique del’administration et des enseignants à l’égard desusagers et des groupements locaux, mais aussi del’incapacité des parents à construire une causecommune à partir des attentes différentes etconcurrentes qu’ils ont pour leurs enfants et de pointsde vue divergents concernant les objectifs de leuraction et leurs modes d’intervention. De ce fait, lesassociations de parents d’élèves, qui ont une certaineinfluence sur les décisions au niveau national, ont plusde mal à jouer un rôle de médiation au niveau local, etce, d’autant plus que leur représentativité reste faibleet très variable entre les établissements (Barthélemy,1995).

III. Évaluation etrégulation1. Le développement de l’évaluation

Les changements dans la gestion territoriale et dans lamise en œuvre des politiques éducatives vont de pairavec le développement de l’évaluation. La mesure desacquisitions des élèves et le contrôle de la qualité dutravail des maîtres sont, depuis leur création, au cœurde l’activité de l’Administration et des corpsd’inspection. Ce n’est néanmoins que depuis une

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vingtaine d’années, avec la création en 1987 de ladirection de l’Évaluation et de la Prospective (DEP) etl’extension, avec la loi d’orientation de 1989, du rôledes inspections générales pour inclure l’évaluation desréformes, des formations, des programmes, desméthodes et de résultats des élèves, mais aussi desétablissements et des académies, que les pouvoirspublics tentent de faire de l’évaluation un outil derégulation.

On observe néanmoins de nombreuses fluctuationsdans les choix politiques qui n’ont pas permis à cejour l’institutionnalisation de l’évaluation. Si la DEPjoua un rôle important pendant une dizaine d’annéesgrâce à la réalisation de nombreuses études et à lamise à disposition de leurs résultats auprès del’Administration et des professionnels, mais aussi dugrand public par le biais de deux publicationsgénéralistes, L’État de l’école et Géographie del’école, ses prérogatives ont été limitées par la suite.Entre 2000 et 2005, la coordination des évaluations futconfiée à une instance consultative, le Haut Conseild’évaluation de l’école, et celle qui en a pris la suite, leHaut Conseil à l’éducation, n’a pas repris toutes sesactivités, notamment celle cruciale de productiond’états des lieux de la recherche autour de questionscentrales de politique éducative. Quant auxinspecteurs généraux, s’ils ont été jusqu’en 1992 lesacteurs centraux de la politique française d’évaluation,

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ils se trouvent actuellement en concurrence avecd’autres producteurs de connaissances au niveaunational, notamment les magistrats de la Cour descomptes, qui mènent des enquêtes thématiques surcertains aspects du fonctionnement du systèmeéducatif, et au niveau international, principalementl’OCDE, et font l’objet depuis quelques années d’unefaible sollicitation de la part du ministre (Pons, 2010a).

En l’absence d’une politique cohérente en matièred’évaluation, on assiste à la coexistence de troisgrands types d’opérations de collecte d’informationssur le système éducatif informant, à des degrés divers,les politiques éducatives. Le premier, le plusdéveloppé, correspond aux évaluations des résultatsdes élèves, qui comprennent à leur tour deuxmodalités. Il y a tout d’abord les évaluations, dites «de masse », des acquis des élèves introduites par laDEP en 1989 et dont l’objectif principal est d’aider lesenseignants à situer les forces et les faiblesses dechaque élève, afin de pouvoir adapter leurs pratiqueséducatives aux besoins de leur public, mais égalementd’informer individuellement les parents pour qu’ilspuissent suivre de plus près la scolarité de leursenfants (Pons, 2010 b). S’y ajoutent celles del’Observatoire permanent des acquis des élèves, qui,dans la tradition des enquêtes par panel développéespar le service de statistiques du ministère dans les

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années 1970, mène des évaluations des compétencestransversales des élèves dans des domaines variéscomme l’apprentissage de la lecture ou de lacitoyenneté.

La collecte, le traitement et la diffusion des donnéessur les établissements, est plus récente puisque cen’est qu’en 1995 que furent créés les indicateurs pourle pilotage des établissements du second degré(IPES). Ces indicateurs ont une double fonction. Lapremière est de fournir des informations sur la valeurajoutée des lycées, c’est-à-dire sur l’écart entre letaux de réussite des élèves au baccalauréat et celuiattendu en fonction de leurs caractéristiques socialeset scolaires. Cette démarche répond tardivement à lapublication de palmarès des lycées par la pressehebdomadaire et vise à informer les choix des famillesmais aussi, et surtout, à accroître la capacité decontrôle de l’État. La seconde fonction est depermettre aux établissements d’autoévaluer leurspoints forts et leurs points faibles et de fournir àl’administration de nouveaux outils pour leur pilotagegrâce à la mise au point d’indicateurs relatifs à lapopulation accueillie, aux moyens, au fonctionnementinterne, aux relations avec l’environnement et auxrésultats. L’Inspection générale, comme la Cour descomptes mènent aussi, plus ponctuellement, desétudes qualitatives, sur la base d’échantillons réduits,sur des aspects précis de leur fonctionnement.

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À ces démarches, il faut ajouter l’examen de politiqueset d’innovations éducatives. Sur le plan national, levolume d’évaluations est étroitement corrélé àl’importance accordée à telle réforme ou à telle actionen raison de sa place dans l’ensemble du système etde la conjoncture politique et éducative. Sur le planlocal, on observe la multiplication d’études etd’expertises qui permettent de percevoir les effets detel ou tel dispositif, mais non d’avoir une vued’ensemble des conséquences de la décentralisation.À ces différentes échelles, on observe aussi depuis lemilieu des années 2000 le développementd’expérimentations, c’est-à-dire de dispositifs limitésdans le temps et l’espace permettant de tester denouvelles approches, favorisé par la possibilité dedéroger aux textes nationaux ouverte par la loid’orientation de 2005 et par la création d’un fondsd’expérimentation pour la jeunesse en 2008 (Bernardet Michaut, 2012). Les évaluations par expérimentationrandomisée, souvent menées par des économistes,essaient de s’affranchir des biais de sélectioninhérents aux évaluations conduites à l’aide dedonnées d’observation non expérimentales enproposant d’affecter de manière aléatoire lesétablissements scolaires, classes ou élèves choisis àun groupe de traitement qui bénéficiera du dispositifdevant être évalué, ou bien à un groupe de contrôle quin’en bénéficiera pas. Toutefois, les expérimentationsnon seulement se heurtent souvent sur le terrain à des

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réticences d’ordre éthique (notamment le déni detraitement au groupe de contrôle), mais comportentégalement plusieurs biais liés aux réactions desacteurs concernés qu’il est important de chercher àréduire ou à intégrer dans les interprétations (Fougère,2012).

2. Limites et usages de l’évaluation

Les évaluations ne constituent pas l’outil majeur derationalisation de l’activité éducative que certainsappellent de leurs vœux pour diverses raisons. Lapremière a trait à leur base scientifique. Les scienceshumaines et sociales appliquées à l’éducation ne sontpas en mesure de produire ni des savoirs totalementexhaustifs ni totalement neutres : elles ne peuventproduire au mieux que des modèles simplifiés desréalités éducatives et élucider leurs liens avec lescatégories indigènes et les valeurs qui les fondent. Cetidéal modeste est néanmoins lui-même difficilementatteint pour des raisons liées à l’organisation descommunautés scientifiques. En éducation, lesrecherches sont nombreuses, mais peu coordonnéespar un ministère qui ne comporte pas de direction nimême de sous-direction de la recherche et qui a trèspeu commandé depuis les années 1980 des études etdes travaux à un Institut national de recherchepédagogique dont les missions ont étéprogressivement réduites, et dont la production a été

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peu évaluée, mal diffusée et sous-utilisée (Prost,2001). De cette sous-utilisation des recherches defaçon plus générale sont aussi en partie responsablesles chercheurs dont l’attitude dominante fut longtempscelle du mépris et de la critique du politique. Cesrapports ont pourtant beaucoup évolué au point quecertains travaux dénoncent aujourd’hui une sociologiede l’éducation qui serait devenue une science auservice de l’État (Poupeau, 2003).

Les faiblesses du dispositif français d’évaluations’expliquent aussi par la concurrence entre leschercheurs et les évaluateurs officiels et entre cesderniers autour de la production des connaissancesles plus à même de rendre compte de la complexitédes réalités éducatives et les plus pertinentes pouréclairer l’action des décideurs, de l’administration etdes enseignants (Pons, 2010 a ; Bressoux et Lima,2011). Cette concurrence est d’autant plus vive qu’ellese heurte au flou qui entoure la demande politiqued’évaluation. Ce flou s’explique par l’importance de lacomposante charismatique dans le système éducatiffrançais : les qualités intellectuelles et morales desresponsables sont perçues comme plus importantesque les connaissances auxquelles ils pourraient faireappel pour fonder leurs décisions. Il est dû aussi à lanécessité, dans le cadre du système néocorporatisteencore partiellement en vigueur, de limiter les conflitsavec la profession enseignante (van Zanten, 2008).

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Ces deux facteurs expliquent aussi pourquoi lesdirigeants ont tendance à mettre l’accent sur desfinalités très générales, sans clarifier et hiérarchiserles objectifs, ni les moyens d’action, ce qui ne favoriseguère le recours à des données précises, ni avant niaprès le lancement des réformes (Duru-Bellat etJarousse, 2001). Enfin, le tempo politique, dicté par lerythme rapide des élections et des changements degouvernement, conduit les responsables politiques àmultiplier les effets d’annonce, en se servant de façonsélective des résultats à court terme de l’évaluation àdes fins de communication, et à se désintéresser deseffets à moyen et à long terme des réformes.

L’évaluation se heurte aussi aux résistances del’Administration et des enseignants. Dans les deuxcas, on observe une faible croyance dans la capacitéde la connaissance à favoriser la rationalisation del’action publique et une forte valorisation del’expérience. Les analyses et les propositions d’uneadministration, qui a encore tendance à croire qu’ellepeut se penser elle-même grâce à une « scienceétatique » dont seraient dépositaires ses élites, sesinspecteurs et ses fonctionnaires, se fondent ainsimoins sur des hypothèses et des outils de rechercheet d’évaluation, même si l’on observe une pénétrationpartielle de l’approche scientifique dans son activitéordinaire, que sur la familiarité de ses membres avecles institutions éducatives. Cette familiarité est liée à

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la longue fréquentation des institutions scolaires entant qu’élèves, au fait que de nombreux responsablesadministratifs sont d’anciens enseignants et à destrajectoires professionnelles fondées sur l’exercice defonctions d’encadrement dans différents niveaux etlieux du système éducatif.

Chez les enseignants, on observe une conjonction deformes de résistance d’ordre cognitif et politique. Pourque ces derniers s’approprient les résultats desévaluations, il faut d’abord qu’ils pensent qu’elles ontquelque chose à leur apprendre. Or, leur formation,dans laquelle la place de la recherche en éducationest fortement minorée, et leur socialisationprofessionnelle, qui repose largement sur le contactindividuel avec les élèves, les conduisent surtout à sefier à des analyses personnelles de cas empiriques quivont parfois à l’encontre des résultats des travauxmettant en œuvre une approche scientifique. Mais lesenseignants résistent aussi aux évaluations, car ils lesperçoivent comme un accroissement du contrôlerapproché de leur activité par les administrationslocales et les chefs d’établissement, ainsi que par lesparents, quand les résultats sont rendus publics(Maroy, 2006 b). Les politiques fondées sur l’accountability, comme No Child Left Behind aux États-Unis, sont, de ce point de vue, loin de faire l’unanimité(Meuret, 2012). Les chefs d’établissements, eux-mêmes soumis à ces pressions, y voient aussi une

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réduction de leur autonomie, mais s’y soumettent plusvolontiers que les enseignants tout en demeurantambivalents quant à leurs conséquences sur laperception par leurs supérieurs, par les enseignants etpar les parents de la légitimité et de l’efficacité de leuraction (Barrère, 2011). Les évaluations sont par ailleursmobilisées de façon limitée par les parents soit parceque ces derniers ne maîtrisent pas suffisamment leursfondements techniques pour comprendre leursimplications (ce qui est le cas aussi parfois desenseignants et des chefs d’établissement), soit parceque leurs conclusions ne suffisent pas comme pointd’appui pour la construction de stratégies individuelles(Felouzis, Maroy et van Zanten, 2013).

Mais les évaluations ont des usages autres que celuide fournir les bases d’une « injonction argumentée »pour transformer les pratiques. Ce sont aussi desoutils destinés à partager les connaissances pourencourager l’engagement des acteurs, favoriser lanégociation et la prise de décision et élargir le débatdémocratique. Elles sont porteuses alorsd’apprentissages collectifs concernant l’explicitationdes problèmes, la création des valeurs communes oul’institutionnalisation de l’action publique. Tel sembleavoir été le cas de la première vague d’évaluation de lapolitique de décentralisation de la formationprofessionnelle qui a permis de tester les capacitésrelatives de la région et de l’État, d’analyser la

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pertinence du Plan régional de développement desformations (PRDF) et d’explorer diverses modalités decoopération (de Montricher, 1998). Cette utilisationpose néanmoins des problèmes, car on tente ainsi derésoudre des problèmes de coordination entreministères ou entre acteurs locaux qui résultent desdivergences dans les finalités poursuivies ou desrapports de force que l’évaluation ne peut à elle seulerégler. Par ailleurs, si l’intégration d’acteurs extérieursau jeu politique et notamment des usagers àl’évaluation peut permettre d’accroître leur réflexivité etleur implication (Warin, 1993), il y a un risque àconfondre consultation et avis expert, participation etconstruction de la décision, comme dans le cas desconsultations des lycéens.

Enfin, les évaluations sont aussi utilisées pourrenforcer la crédibilité, l’autorité et la légitimité desinstances qui les conçoivent et les mettent en œuvre.On observe notamment qu’à l’échelle locale lesacteurs politiques, particulièrement les institutionsrégionales, ont dans un premier temps investi dutemps et de l’argent dans le recueil et le traitementd’informations, notamment de type statistique, pourrenforcer leur légitimité et accroître leur capacitéd’action (Verdier, 2006). Le contrôle de l’évaluationdonne aussi prise à de nombreux jeux de pouvoir entreles administrations déconcentrées, qui conduisent leplus souvent des expertises internes, et les conseils

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généraux ou certaines municipalités, qui ont davantagerecours à des expertises en provenance de cabinetsde consultation privés, et se servent de l’évaluationpour constituer des réseaux d’action élargis renforçantleur pouvoir, ainsi qu’à des fins de communicationpolitique, le choix des opérateurs permettant decontrôler l’objet de l’évaluation, sa conduite et samédiatisation (Dutercq, 2000).

L’analyse de la gestion et de la mise en œuvre localesdes politiques montre les difficultés d’élaboration denouveaux modes de régulation. Ces difficultés ontplusieurs explications. La première est que lesprocessus de déconcentration, de décentralisation etde territorialisation ne répondent pas à une demandede la base. Ils sont perçus comme des injonctionsd’un État central soupçonné de vouloir se décharger deses responsabilités politiques et financières et dedémanteler ainsi les bases du service publicd’éducation. À cela s’ajoute le manque de légitimitédes instances locales et des procédures qu’ellesmettent en œuvre, les chevauchements des instanceset des niveaux d’intervention et les limites que pose lemaintien des nombreux traits du cadre réglementaireancien.

En outre, les professionnels de l’éducation ont du malà s’inscrire pleinement dans ce processus. Longtempshabitués à dialoguer sur un mode individuel et parfois «clientéliste » avec l’Administration, les chefs

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d’établissement peinent à développer de nouvellesformes de négociation. Cette négociation est parailleurs rendue plus délicate par l’absence deconsensus interne entre les chefs d’établissement etles enseignants, très libres dans leur classe mais trèsfaiblement organisés au niveau de l’établissement, lesnon-enseignants, qui ont du mal à légitimer leur rôle,et les parents qui exercent une influence importante àtitre individuel, mais dont la prise de parole en tant quecollectif est problématique. L’évaluation peut aider àrésoudre une partie de ces problèmes en tendant auxacteurs un miroir de leur action et en favorisant desformes nouvelles de participation et d’exercice del’autorité. Toutefois, il est illusoire de penser qu’ellepeut réduire des résistances ou réguler des pratiquesqui ne relèvent pas seulement du registre de larationalité scientifique ou qu’elle peut permettre declarifier les finalités du système éducatif et dedistribuer des sanctions et des récompenses en sesubstituant au politique.

Notes

[1] Une traduction approximative et réductrice de ceterme pourrait être « fonctionnaires de terrain ».

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Conclusion

près la période des grandes réformes éducatives desannées 1960-1970, nous assistons depuis unetrentaine d’années à une fragmentation de l’actionpublique en éducation. Pour tenir compte des limitesdes politiques antérieures en matière dedémocratisation et d’intégration, ainsi que desdemandes croissantes à l’égard du système scolaireen provenance d’autres secteurs de l’État et de lasociété civile, les institutions politiques ont dûmultiplier et varier leurs modes d’intervention. Plus quejamais, il est nécessaire de parler des politiquesd’éducation au pluriel. Or, cette évolution, qui pourrait apriori s’inscrire dans une logique d’extension et derenforcement du pouvoir de l’État éducateur, l’a rendude fait plus fragile et plus ouvert aux critiques que parle passé.

Une première raison en est la modification desfrontières de l’État qui intervient sans que lesresponsabilités des différents niveaux de décision aientété clarifiées. La décentralisation a favorisé l’éclosionde politiques locales qui remettent de fait en causel’étagement par niveaux – les écoles aux communes,les collèges aux départements et les lycées auxrégions – et les domaines d’intervention prévus par la

A

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loi. La légitimité de l’action des collectivitésterritoriales est fragilisée par la non-prise en compte deces évolutions par l’État central et par l’absenced’évaluations globales de leurs effets. Parallèlement,de nouvelles instances supranationales comme l’Unioneuropéenne cadrent beaucoup plus fortement que parle passé les orientations des politiques nationales, ycompris dans le domaine de l’éducation qui relève enprincipe de la compétence de chaque État. Pourtant,on observe un grand vide de réflexion politiqueconcernant l’impact de ces tendances sur l’autonomiedes systèmes d’éducation nationaux et sur la capacitédes États à coordonner leur action au-delà desfrontières traditionnelles.

Une deuxième raison renvoie au fait que l’État apparaîtincapable d’établir des priorités en l’absence d’unconsensus social fort sur les finalités du systèmed’enseignement. Il est vain d’imaginer qu’un granddébat sur l’école permettra de trancher définitivemententre les valeurs et entre les idées qui doivent orienterles choix politiques. Une certaine pluralité estnécessaire et même souhaitable pour tenir comptedes besoins et des souhaits différenciés des individuset des groupes dans les sociétés contemporaines, cequi suppose plutôt le fonctionnement permanent dedivers forums de discussion. Mais il est égalementimportant de tenir compte des implications des choix.Cela suppose une grande attention aux glissements

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entre les déclarations de principe et les choix effectifstels qu’ils résultent de la négociation politique, de latraduction technique par l’Administration et desconditions de la mise en œuvre sur le terrain. Maiscela suppose aussi une analyse des effets despolitiques sur leurs destinataires et, plus largement,sur l’évolution du système scolaire et social.

Une troisième raison tient à la dissociation entrel’action politique et celle de l’Administration. Une desgrandes forces du système éducatif français estl’existence d’une administration autonome par rapportau système politique, qui garantit la continuité dansl’application des règles en dépit des changements degouvernement et des pressions extérieures. Pourtant,cet isolement de l’Administration nuit actuellement àson action, notamment dans un contexte de plusgrande déconcentration de l’action éducative. En effet,pour améliorer la capacité des administrations àréguler l’activité des institutions et des acteurs dusystème d’enseignement, leur rôle politique dans latraduction concrète des réformes et dans leuradaptation à la diversité des contextes locaux doit êtrereconnu et soutenu. De même, pour pouvoircoordonner les initiatives des autres administrations,des collectivités locales et des usagers directs ouindirects du système d’enseignement (parents,entreprises, associations), il est nécessaire que lesadministrations développent, au-delà de la logique

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dominante des arrangements et des ajustements, denouvelles formes de négociation.

Enfin, une quatrième raison tient au divorce croissantentre l’État et les enseignants, qui fait apparaître ungrand nombre de réformes comme des velléités dechangement s’arrêtant aux portes de la classe. Cedivorce est la conséquence de l’affaiblissement de larégulation normative qui renvoie aux difficultés del’institution à énoncer ses finalités, mais aussi àl’impact limité des institutions de formation sur lasocialisation professionnelle et à l’importantrenouvellement démographique de la profession. Ilrésulte également des problèmes réels que posel’articulation de la gestion administrative et de lagestion pédagogique du travail dans lesétablissements d’enseignement. Ainsi, l’impulsion denombreuses réformes repose actuellement sur leschefs d’établissement. Mais, alors que ces dernierss’inscrivent clairement dans la chaîne hiérarchique quilie les établissements aux administrationsdéconcentrées et à l’Administration centrale, leurautorité pédagogique n’est pas reconnue par une largefraction des personnels. Le rétablissement d’undialogue nécessite donc d’autres manières de déclinerles objectifs des politiques et de transposer celles-cisur le terrain. Il doit aussi reposer sur une associationplus étroite des représentants des enseignants àl’élaboration et à la mise en œuvre locale et non

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seulement nationale des réformes.

Le renforcement de la légitimité et de l’efficacitéétatiques suppose une meilleure connaissance de cesenjeux, de ces écueils et de ces conséquences. Dece point de vue, il apparaît nécessaire que lesrésultats des recherches, sans constituer la seulebase d’analyse, soient davantage pris en compte dansla prise de décision, la conduite des actions et leurévaluation grâce à des collaborations plus étroitesentre décideurs et chercheurs. Mais, plus largement, ilest souhaitable que la connaissance scientifique, entreautres par le biais de la formation initiale et continueaux métiers de l’encadrement et de l’enseignement,contribue à accroître la capacité réflexive etstratégique des acteurs qui, du sommet à la base,participent à la gestion, à l’adaptation et à la mise enœuvre des politiques d’éducation.

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