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LesjoursdePépin

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Page8:illustrationdel’auteur

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Prendsletemps

«Prends le temps»estundesfleuronsdenotrecollectiondemots.Avec«maman»,biensûr.Celui-là,onpeutdirequetuaurasmis le tempspour le prononcer : il a fini par tomberduboutdetalanguequandtuavaisneufansdéjà.Cejour-là,j’étaisenfin«Maman»,tamaman.Commepourrattrapertoutletempsperdu, depuis, tu me le serines chaque jour en boucle, adlibitum, jusqu’à ce que je finisse par sortir de mes gonds.«Maman!Maman!Maman!Maman!»

Lamamandespoissonselleestbiengentille5!BobbyLapointe

Danstapépinière,ouhôpitaldejour–lemotheurte–,ontelaisse prendre le temps. On ne dresse pas la liste de tous tesmanques.Onnecherchepasàtefaireentreràtoutprix,àtouteforce,danslemoule.OntientcompteduPépinquetues,petitboutd’humanitéuniqueaumonde.Onprendsoinde te laissergermeràtonrythme.Pasdeforçagedanscejardin-là.

Irrégulier

C’estainsiquel’onnommaitlesenfantscommetoi,quinerentrent dans aucun moule, avant la guerre. Irrégulier, tu l’esassurément,Pépin:tuévoluesendentsdescie,unpasenavant,troisenarrière,parsaccades.Parjenesaisquelprodige,depuiscet été, tes progrès semblent se stabiliser. Bienheureusepuberté !Làaussi, tues« irrégulier»,dans lesensoù tun’esjamais là où l’on t’attend. Chez toi, l’âge ingrat, c’étaitl’enfance.

« Irrégulier » : le mot sonne comme un commentaire debulletinscolaire,unjugementsansappel.Oh,s’ilvousplaît,nenousjugezpas,maisregardez-nousplutôt!Pourquoibaisserlatête ? Pourquoi devrions-nous nous cacher ? J’aime que l’onnous regarde,que l’onnous sourie.Oui, car ilyaura toujoursquelqu’un que nous aurons réussi à faire sourire dans la rue,dans le bus, dans la queue du magasin. Et ce petit rien, cetéchangefugace,presqueimperceptible,c’estencoreunmomentoùletempssesuspend.Tuviensnousapporterlagrâceaucœurdenotrebanalité.Commentnepasêtrefièred’êtretamère,cherPépin?

Laporteétroite

Tuseraspeut-êtreétonné,Pépin,maisc’estbientamaladiedite de l’enfermement quim’a appris àme libérer.À force devivre à la lisièredenosdeuxmondes– ton îlevierge, et celuid’oùjeviens–,àforcedemevoiraurefletdumiroirquetumeprésentes, j’ai fini par y apercevoir mes pesantes chaînes :certitudes, vieilles peurs, accablant héritage de notre culture.Tout le malheur du monde ! L’homme de notre civilisationembrouillée aime amasser encore et encore. Pépin, je te rendsgrâce de m’enseigner chaque jour le dépouillement et de mereconduire vers la légèreté du temps de l’innocence. Tu m’aspermis de redevenir une tendre enfant et de franchir la porteétroitepourallerà larencontredecequelquechoseenmoideplus grand, deplus noble, qui s’étonnede tout et s’émerveilled’unrien.

Êtresimplesansplusattendre6.Verlaine

Tuaimes joueravecdesbrindillesque tu ramassesdans larue : tu les agites en inclinant joyeusement la tête, tu dansesavec.Petit faune, tunousapprendsàcélébrer labeauté laplushumble.Cellequel’onfoule,indifférents.«C’estminuscule»,me répètes-tu de temps à autre avec gourmandise à propos derien. On dit de vous autres, autistes, que vous avez unesensibilitéauxdétailsexacerbée,etunrapportautempsconfus.La maman que je suis a besoin de rêver à une réalité moinsclinique. Vraiment, j’aime mieux me laisser emporter par lepoèteetimaginerquetupeux«voirununiversdansungrainde

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Undialogue

–Tuveuxquelquechose,Pépin?–Uneballe,s’ilteplaîtmaman.Je pars tranquillement chercher ta balle, comme si ce qui

venaitdeseproduireétaitlachoselaplusnaturelleaumonde:undialogueentreunemèreetsonenfant.Or,pournous,c’estunprodige:tum’asrépondu,Pépin!Uneréponse,enfin.Auboutde onze longues années. Je n’ai jamais cherché à user dedressage pour te faire perdre tes mauvaises habitudes au plusvite, et je ne suis pas le mode d’emploi d’une méthode derééducationenvogue.J’essaiedet’éduquer,toutsimplement,àmafaçon,etc’estendéfinitivecellequimeconvientlemieux.

Il y aurait beaucoup à puiser et àméditer dans l’œuvre deJohn Locke, ce grand inspirateur de la philosophie desLumières:«Quiconqueayantformélegénéreuxdesseindenepas vivre d’aumône, je veux dire de ne pas se reposernonchalammentsurdesopinionsempruntéesauhasard,metsespropres pensées en œuvre pour trouver et embrasser la vérité,goûtera du contentement dans cette chasse, quoi que ce soitqu’ilrencontre10.»

Après avoir été tentée par diverses approches toutes plusalléchanteslesunesquelesautres,j’aifaitlechoixd’accueillircequetumanifestes,det’aimer(tehaïrparfois)telquetues,etdem’en contenter. Ton éducation est une longue patience : jetâchedet’accompagnerhumblementlelongduchemin.Depuisque jevais puiser enmoi les réponses aux énigmesque tumeprésentes chaque jour, force est de constater que tes diverstroubles, qu’ils concernent l’alimentation, la propreté, lesautomutilations,lesmanies,commecelle,trèspersistanteettrès

pénible,quel’onappellepica,etquiconsisteàavalern’importequoi, ont tous fini par disparaître. Certes, certains peuventréapparaître sousdes formes très édulcorées les jours où tu esplus fatigué, mais sans communemesure avec ce qui a existéjusqu’àunpassérécent.J’osecroirequecesontlàlesfruitsdemaconfianceabsolueenl’Amour.

Tuconnaîtraslajustessedetoncheminàcequ’ilt’aurarenduheureux.

Aristote

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Apprentissages

Voilà,lacriseestpassée.Ilabienfalluquelquesjourspourque je reprenne des forces. Quels enseignements en tirer ?Plein : d’abord que je ne suis pas seule et abandonnée. Il y al’homme qui est à mes côtés, il y a l’équipe qui s’occupe denous à l’hôpital de jour, nos familles aussi. C’est bon de lesavoiretdelesremercier:oui,merciinfinimentpourvotreaideetvotresoutien,papaetmaman.

Deuxièmeconstat:lescrisessontcommedegrossesvaguesqui viennent remettre de l’ordre quand les convictions et leshabitudescommencentànousfiger.Lavieahorreurdecegenredechoses,ellequiestlesouffle,l’énergie,lechangement.Aprèssongrandcoupdepieddansnosbellescertitudes,leterrainestà nouveau vierge, l’instinct peut revenir. Le silence de MaAnanda Moyî, voilà peut-être une clé que je n’avais pas susaisir.Apprendreàêtre«trèssincèrementsilencieux»,commeilest indiquésur lapartitionde la troisièmeGnossienne, afindemieux voir le riant petit ruisseau qui danse tout près de nous.Aller dans une bonne boulangerie acheter un bon pain decampagne. T’apprendre à le goûter, à l’apprécier. Coupé enpetitsmorceaux,c’estbien,tuaimes.Jemefaisunpetitplateauavecunpeud’huilepourytremperlepainetdufromagefrais.Une tasse d’eau chaude agrémentée d’une larme d’achilléemillefeuille. Côte à côte sur le canapé, nous savourons notregoûterausondesvalsesdeChopinprêtéesparunamicher,etnous contemplons la pluie de Paris de ce gris après-midi.J’oubliaislabougieencired’abeille.Noussommesheureux.Etpuis,ultimeleçonàméditer :encherchantàl’extérieur,onestsûrdefairefausseroute.

Oui Jean.Ouimon amou’.Ouimon petit amou’. Le petitamou’àsamaman.Lepetitamou’àg’and-pè’.Lepetitamou’àg’and-mè’.

Pépin

Àtâtons

Bon, le lendemain, tun’asplusvouludemonbonpaindecampagne. Avec toi, on ne peut jamais se reposer sur seslauriers. En même temps, tu commences à te réadapter àl’appartement, après la pause des vacances chez tes grands-parents.

En somme, je fais comme Montaigne : je m’essaie parl’écriture, je m’interroge. Et je raconte mes essais avec monPépin.

Jenemettraiiciquecequiestbonetquifaitdubien.C’estlaseulechosequivaillelapeine.

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lesidéesreçuesculpar-dessustête.

TadémarchelégèrePartoutmeprécède.Tuescheminetpierre,Tueslaterreetl’eau23.ÉtienneRoda-Gil,AngeloBranduardi

Lumière

Pourquoi croyons-nous plus volontiers les oiseaux demalheur ? « Ils n’ont pas l’air de croire à leur bonheur », ditencoreVerlainedanssonClairdeLune.QuandonaunPépincomme toi à faire germer, on ne peut pas se permettre cepenchantmaladifpourl’ombre.Nousn’avonspasd’autrechoixqueceluiderayonner.

Sij’aipuapporterunpeudelumièredansmajournée,alorsjem’endorsheureuse.

Labonté,c’estnotrevie24.Verlaine

Assisterà tonréveilchaquematin,àconditionquetunousaieslaissésdormirunevraienuit,cequiestpratiquementlecasdepuis plusieurs mois heureusement, est un ravissement sansnom.Tujaillistelunpetitsoleil,toutcontentdelajournéequivacommencer.Tuilluminesnosmatinsdetagaieté.

Tume fais rire : on se brosse les dents côte à côte, tantôtfaceàface, tantôtfaceaumiroir.Ils’agitdetemimerlesbonsgestespourhabituerpetitàpetittamainàbienfairesontravail(avectoi,lesbrossesàdentsneviventpaslongtemps).Onnesequittepasdesyeux,onchantonne,ongrimace.Lavieestbelle,etilenfautvraimentpeupourêtreheureux.

Laplusbelle,c’estlavie.Pépin

Châteauintérieur

Avec tes pauvres mots, tu as parfois un sens inouï duraccourcietdelaformule.«MonsieurDit»estlenomquetuastrouvépourunmonsieurqui leporteassezbien,ma foi.Nousn’aurionspasfaitmieux.

Ellefaitsafière,Mariequinecomptepas25.AnneSylvestre

Lemonde est plein deMonsieur etMadameDit. À treizeans, j’adorais déclamer lemonologue deRuyBlas,Le Lac deLamartine, et tous les grands classiques. C’était ma façond’exprimermesémotions,undéfouloircommeunautre. Jemerappelle alors cette enseignante, professeur de français, quifaisaitautoritéaucollège,etquipourmonbienm’avaitassénécette sentence : « Attention, la vie n’est pas un rêve. » Ellevoulaitquejeredescendesurterre.Merci,Madame,jen’aipasoublié votre douche froide.Malgré tout, je ne suis pas fâchéed’avoiremportéces joyauxdansmabesace:grâceàeux,nousavons pu survivre aux tempêtes. J’avoue que je n’arrive pas àprendre au sérieux les théoriciens de la vie, ceux qui saventcommentçamarche. J’ai souventpuconstaterquecen’étaientpastoujourslesmieuxchaussés.

Danssonchâteau leSeigneurdesBauxprend lapluieauvisage26.ÉtienneRoda-Gil,AngeloBranduardi

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Muses

Dépouillement

Notregrandetglorieuxchef-d’œuvre,c’estdevivreàpropos.

Sansboussole

Hérosfragiles

Musiquesintérieures

Apprentissages

Àtâtons

Épreuves

Exilés

Augrédesvagues

Chantercommedesfous

Atteindrelarive

Lamain,lepied

Çanesevoitpas

Tenourrir

Lesairsàfairefuir

Lumière

Châteauintérieur

Contredanses

Danslemonde

Lechœur

Tremplin

Plushaut!

1. Jonathan SWIFT,Œuvres, Gallimard, collection « Bibliothèque de laPléiade»,1965.

2.PaulVERLAINE,Écoutezlachansonbiendouce,1878.

3. CASANOVA, Histoire de ma vie, tome I, Robert Laffont, collection«Bouquins»,2001.

4. Jacqueline KELEN, Marie Madeleine ou la beauté de Dieu, LaRenaissanceduLivre,2004.

5.BobbyLAPOINTE,LaMamandespoissons,1969.

6.PaulVERLAINE,Écoutezlachansonbiendouce.

7.WilliamBLAKE,Auguresd’innocence,1803.

8.ErikSATIE,Écrits,Champlibre,1981.

9.JeanRACINE,Jean-BaptisteLULLY,Idyllesurlapaix,1685.

10. John LOCKE, « Épître au lecteur »,Essai sur l’entendement humain,1689.

11. Lewis Carroll, De l’autre côté du miroir, 1871, suite des aventuresd’AliceauPaysdesMerveilles.

12.FabienneVERDIER,Passagèredusilence,LeLivredePoche,2005.

13. Un petit poisson un petit oiseau, Jean-Max RIVIÈRE/GérardBOURGEOIS,1966.

14.VOLTAIRE,Lettreàl’abbéTrublet,1761.

15.JcaquesOFFENBACH,LaBelleHélène,ActeIII,1864.

16.MONTAIGNE,Essais,LivreIII,chapitre13.

17.MARCAURÈLE,Penséespourmoi-même.

18.JeannetteMOUGENOT,InventetonProverbechinois,Édite,2013.

19.AndréGIDE,LesNourrituresterrestres,1897.

20.JeanCOCTEAU,LeRappelàl’ordre,1926.

21.JacquesOFFENBACH,LaPérichole,acteII,1868.

22.ErikSatie.

23. Paroles françaises : Étienne RODA-GIL, musique : AngeloBRANDUARDI,Vaoùleventtemène,1980.

24.PaulVERLAINE,Écoutezlachansonbiendouce.

25.AnneSYLVESTRE,Marie,1964.

26. Paroles françaises : Étienne RODA-GIL, musique : AngeloBRANDUARDI,LeSeigneurdesBaux,1980.

27.Collectif,Marie-LaurenceGaudrat,Somogy,2001.

28.PsaumeI.

29.MarieDIDIER,DanslanuitdeBicêtre,Folio,2006.

30.«Seigneur,vite,venezm’aider!»