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Veuveàtoutjuste25ans,Solveigdécidedeplaquerlepeuqu’illuirestepourparcourirlesÉtats-Unisd’estenouestauvolantdesontasdeferraille.Auboutduvoyage:leprocèsduchauffardquiluiaarrachél’hommedesavie.Maisavantça,lajeuneblondeexplosivevadevoirpartagerunboutdecheminavecDante,unspécimenaussisombreettourmentéqu’elleestsolaireetdélurée.Seulproblème,lebeaubruntatouéetmystérieuxn’aimepasqu’onluidictesaconduite.Entête-à-têtependantcinqmillekilomètres,commentcesdeuxâmescontrairesetcescœursinsoumisvont-ilsfairerouteensemble?Etjusqu’oùceroadtriplesmènera-t-il?

L.S.Ange

CASHGIRLCOMBIEN...TUM'AIMES?

Volume2

Chapitre1

Unesemainequ’ilpleut,mêmelamétéosembles’êtreliguéecontremoi!Unesemainequejetourneenrondentrelesmursdel’écolededanse.J’aibeaucouppleuré,c’estvrai.Lesnuits,jelesaipasséesàmeremémorertouscesmerveilleuxmomentspartagésavecAudric.Jemesuisposédixmillequestions,sanstrouveraucuneréponse…J’aieffacétoussesmessages,sansmêmeyjeterunœil.Jemesuistrouvéelâched’êtrepartiesansmebattre,puisjemesuistrouvéecourageused’avoirpriscettedécision,parceque,pourunefois,jenemesuispaslaissémanipuler.Jemesuisaussidétestéedem’infligertoutcemal.

J’aicommencéparnettoyer les locauxdel’écoled’Éva.Jeculpabilise tellementd’êtreresponsabledetoutceci.J’aiaussividéledistributeurdebarresdecéréalespourmenourrir,maisaujourd’hui,j’aibesoind’unvrairepas.Jemedoucherapidementetj’enfileunpantalonnoirmoulantavecunchemisierblancqu’Évam’aoffertpourmonanniversaire. Jedécidedememaquillerpourcacher lescernesquisemblentneplusvouloirquittermesyeux. Jem’examinedans lemiroirqui surplombe le comptoirdel’accueiletjemetrouvetoujoursaussimauvaisemine,maisjevaisdevoirfaireavec.J’attrapemonsacàmain,mesclés,etmedirigeversl’entrée.JelâcheuncridesurpriseentombantnezànezavecAudric.

–Jesavaisquejetetrouveraislà.Tunerépondspasàmesappels,Caro,jem’inquiétais!

Ilestlà,encostume,ildoitsûrementsortirdesontravail.Sescheveuxsontunpeuébouriffés,cequin’est pas dans ses habitudes, et à y regarder de plus près, il a une barbe de plusieurs jours qui luiassombritlevisage.Engros:ilaaussimauvaiseminequemoi!Sesyeuxvertsmefixent.Ilavanced’unpas.Jereculeinstinctivement.Moncœurtambourinedangereusementdansmapoitrine,àlalimitedemedonnerlanausée.

–J’avaisdebonnesraisons,Audric…–Jesais.

Ilsepasselamaindanslescheveuxetsemblesifragileàcetinstantquej’aienviedeleserrerdansmesbras.Maisjereprendsmesespritsetmerappellesesmensongesetsatrahison.Lacolèrem’envahitànouveau,maisjefaisensortedemaîtrisermavoix:

–Jeveuxquetupartesd’ici.Jenedésireplusjamaistevoir,tun’esqu’unmenteurmanipulateur!–Caro…–Non!lecoupé-je,énervée.

Jemetslesmainssurmesoreillespournepasentendreunmensongedeplus.

–Quoi?C’esttout?Tumeviresdetaviesansmêmemelaisserm’expliquersurcemalentendu?!

Ils’approcheànouveauetsaisitmespoignetspourlesécarterdemonvisage.

–Jeveuxquetum’écoutesdeuxminutes,Caro!Siaprèscesdeuxminutestun’espasconvaincue,jedisparaîtraiettun’entendrasplusjamaisparlerdemoi.

Je n’en reviens pas qu’il soit ici. Je suis tiraillée entre l’envie de l’envoyer promener et celled’entendrecequ’ilaàmedire.J’aiétésimalheureusecesderniersjoursquej’aibesoindesavoircequisepassedanssatête.

Incapabledefairesortirunsondemabouche,j’acquiescemollement.Ilrelâchemesbras,soulagé,etmelaissecommeuneimpressiondevidelorsquejenesenspluslachaleurdesesdoigts.

–Bien.Ya-t-ilunendroitplusconfortablepourdiscuter?–Suis-moi.Maisnet’attendspasàtrouverunpalace!lancé-jesuruntoncinglant.

Jepars endirectionde la sallede reposoù se trouvent toutesmesaffaires. Ilme suit etnousnousinstallonscôteàcôtesuruncanapé.Jereculeleplusloinpossibledelui.Ilsepencheetposelesavant-brassursesgenoux.Ilfaitensuiteletourdelapiècedesyeux,observemesvêtementséparpillésunpeupartoutetsecouelatêteavantdemeregarderànouveau.

–Nemedispasquetuvisici?–Qu’est-cequeçapeuttefaire?lerembarré-jesuruntonglacial.–Tun’avaispasàpartirdelamaison!–Oui,biensûr,etnousaurionsvécuheureux,ensemble,touslestrois!–Arrêteavecça,s’ilteplaît!Jevaistoutt’expliquer.–Jet’écoute,tun’asplusqu’uneminute!

Ilsoupireetseredressepoursetournerfaceàmoi.

–Andréaestunevieilleamie…Nousnousconnaissonsdepuistoujoursetnosfamilles,enfin,surtoutmonpère,œuvrentendoucepournousmarieretainsi réunir lessociétésfamiliales.Moi, jene l’aimepas,mais…ellesefaitdesillusionsetespèrequ’unjournousnousunirons.

–Tulalaissesespérer!–Non,pasdutout!–Alorspourquoitoutcecinéma,hier?–Parcequ’elleaétésurprisedetetrouverlà,et…jeneluiavaispasencoreparlédetoi…–Pourquoia-t-elleposésesvalisesdanstachambre?–Jenesaispas,jetedislavérité.J’ignorecequ’elleavaitentête,maisjetejurequ’ilnesepasse

plusrienentreelleetmoi!–Oh…Doncelleabienététamaîtresse…

Jesensmonventresenouerdejalousie.

–Oui…Jeneveuxpastementir.Aufildesannées,nousavonseudenombreusesrelations,decourteoulonguedurée.Maisjamais,tum’entends,jamaisjen’aieudesentimentspourelle,commej’enaipourtoiàcetinstant,finit-ildansunmurmure.

Jerestemuettedevantcetaveu.Dois-jeluifaireconfiance?Jesuisperdue.Moncorpsmehurledeluidirequejeluipardonne,maislaraisonmesouffledememéfier.Jenedoispastomberdanslepiège.Je

n’auraispluslaforcedemereleverd’unnouveléchec.

–Jesuisdésolée,Audric,maisçan’expliquepaspourquoielleatesclés.Etellearaison:nousnegravitonspasdanslemêmemonde.Tupasserastavieàmecacherparcequetuaurashontedemoi.Ettesamis,tafamille,metraiteronttoujourscommeunemoins-que-rien.

–Tun’espasunemoins-que-rien,Caro!Cesontdesconneries!Etpourlesclés,elle lesadepuislongtemps,maisjeteprometsdelesrécupérer.Tunepeuxpasfoutreenl’airnotrehistoiresuruncoupdetête!C’estvrai,nousvenonsdedeuxuniverstrèsdifférents,maisaufond,est-cesi important?Jememoqueroyalementdecequetuasétéobligéedefairedanstonpassé,cequicompte,c’estaujourd’hui.

Ilmedévisage,l’aireffondré,ettendlamainpourlaposersurmonpoignet.Jesuischambouléeetjechercheaufonddemoilaforcedelerepousser,maisjen’yarrivepas.Jel’aime,c’estunecertitude,etjenesaispluscommentvivre,commentrespirersanslui.Depuisplusieursjours,jesuisterréeentrecesmurs,lamortdansl’âme.J’aiessayédemeconvaincrequejepourraism’ensortiretl’oublier,maisjemementais.Jemesensmortedepuisquejesuisséparéedelui,unvidesidéralm’habite.

Nosregardssoudéssontaussidésespérésl’unquel’autre.Pourrait-ilêtreceluiquibalaieraittousmeséchecs,toutesleschoseshorriblesquej’aidûfairepoursurvivre;unangetombéducielquiviendraitmesortirdececauchemaroùjemeurschaquejourunpeuplus?

– Je sais que tu aspeur,Caro,mais tunepeuxpas renoncer à notrehistoire sur unmalentendu. Jet’aimecommetunepeuxpasimaginer,maisjedoissavoir…jedoissavoirsitoiaussitum’aimesetsituesprêteàtebattrepournotrehistoire.Parceque,crois-moi,monpèreetAndréanes’arrêterontpaslà,etpour les combattre nous allons devoir nous faire confiance et nous serrer les coudes. Je désirais teprotéger,c’estpourcetteraisonque jenevoulaispas teprésenterà lui,mais jemesuis trompé.Nousallonsl’affronterensemble,enfin,situveuxbien…

Jerestesansvoixquelquesminutes,letempsd’assimilertoutcequ’ilvientdemedire.Sijel’aime?Oui,biensûr,plusquetout.SijesuisprêteàaffrontersonpèreetAndréa?Jenesaispas…J’aidéjàtellementdesecretsetdechosesàgérerdemoncôté,j’ignoresij’enaurailaforce.Jeredresselatêtepour observer Audric qui me dévisage, suspendu àmes lèvres. Il attend une réponse, et la profondeangoissequiplanedanssesyeuxm’enditlongsursessentimentsàmonégard.Ilm’aime,c’estcertain,jelevois.

–Dis-moiquetunemequittespasetquetuvasrentreràlamaisonavecmoi,mesupplie-t-il.–Je…jet’aime,Audric,maisjenesaispassij’arriveraiàfairefaceà…–Nousseronsdeux,Caro!mecoupe-t-il.Tun’esplusseule,jesuislà,et,situm’aimes,plusrienne

semettrasurnotreroute,jetelepromets!

Moncœursegonfled’amourpourcethomme.Jesaisque jeprendsdesrisques,mais j’aienviedecroirequenotrehistoireaunechanced’exister.J’iraivoirLuciens’illefautpourtrouverunarrangementetjecontinueraideluiverserdel’argentchaquemois.NoustiendronsAndréaetsonpèreloindenouset,peut-être,jedisbienpeut-être,qu’onarriveraàs’ensortir.

–Sijerentreavectoi,tumeprometsquetun’aurasplusdesecretspourmoi?–Jetelepromets.

–TuvasdireàAndréadepartir,aussi?–Oui.Pendantqueturassemblestesaffairesici,jevaisl’appeleretluidiredes’enalleravantque

nousrentrions.– Très bien. Je veux bien essayer, Audric, mais c’est la dernière chance que je donnerai à notre

histoire.–Jesais,monange,etjevaistoutfairepourquetoutsepassebien.

Monange…C’estlapremièrefoisqu’ilm’appellecommeça,jesuistouchée.Soulagé,ilmeprenddanssesbrasetmeserresifortcontreluiqu’ungémissementm’échappe.J’ignoresijefaislebonchoix,maiscequejesais,c’estquemaplaceestaveclui.Ils’écartelégèrementpourplongersesmagnifiquesyeuxvertsdanslesmiens.

–Jet’aimeCaro,murmure-t-ilenfrôlantmeslèvresavantdes’enempareravecpassion.

Je réponds à son baiser, à ses caresses, et je me colle plus étroitement contre son corps. Meshormoness’agitent,mapeausecouvredefrissonsetmoncœursemetàbattresifortquej’aipeurqu’iln’explosedansmapoitrine.Avecurgence,ilretiremonpantalonetmonchemisier.Messous-vêtementsdisparaissentenunéclair. Ilmesoulèvedanssesbras.Mes jambess’enroulentautourdeseshanches,alorsqu’ilmetransportejusqu’àlatable.Ilmedéposesurlebordetm’ordonnedem’allonger,cequejefaissansmefaireprier.Il remontemesjambessursesépaules, tandisquesabouches’emparedemesreplis humides. Je me cambre et m’agrippe à la table. Sa langue se fait douce, puis insistante. Ellemalmènemonclitorisgonflédedésir.Sesdoigtss’enfoncentenmoietm’arrachentuncri.Ilseredresseet s’écarte. Je le regarde sedévêtir,puis ilm’attrapepar leshanchesetme tirevers lui. Jeposemeschevillessursesépaules,etjesensl’extrémitédesonsexefrôlerl’entréedemonintimité.

Jesuissiheureusedeleretrouver,delesentirvibrersousmesdoigts.Jel’aimesifortquej’aibesoindececontactcharnelentrenous,commeunpactequenouspassons,unepromessequenoussignonsennousunissant.

Jesuisenfeu,j’aideplusenplusdemalàrespirer.Jefermelesyeuxpourressentirchaquesensation,chaqueréactiondemoncorps.Audricsortunpréservatifdesapocheetledéroulesursonsexedressé.Puis,dansunepoussée,ils’introduitenmoiets’immobilise,commepourappréciercemomentrare.Mesdoigtssecrispentsurlatable.Audricentamedelongsva-et-vientdeplusenplusrapidesetbrusques.Sarespiration chaotique et ses gémissements incontrôlés emplissent la pièce. Je sens une chaleurinimaginablem’envahirtoutentière.C’estàlafoisdélicieuxeteffrayant.Jemecambresoussesassautsetjejouisd’unetelleforcequejememordslalèvrepournepascrierdeplaisir.Ilmerejointet,dansunderniercoupdereins,s’abatsurmoi,tremblantetcouvertdesueur.

Nousrestonsunlongmomentainsi,sansbouger,sansparler,commesinousavionspeurdebrisercemomentmagique.Jel’encercledemesbrasetdemesjambes.Jevoudraisquecetinstantduretoujours.Maissontéléphoneportablesemetàsonnerdanslapochedesonpantalonquigîtausol.Ilseredresse,soupire,etdéposeunbaisersurmeslèvres.

–Jedoisrépondre,c’estpeut-êtreimportant.–Oui.Jevaismedoucher,tumerejoins?–OK.

Jeramassemesaffairesetmedirigeverslesdouches.J’entendsAudricparlerautéléphone.Ilsembletrès énervé. Jeme glisse sous les jets d’eau et ferme les yeux. Jeme repasse en boucle les derniersinstants que nous venons de partager. J’ai encore dumal à croire tout ce qu’ilm’a dit,mais, avec letemps, jesauraisi j’aipris labonnedécisionenretournantvivreavec lui.Jemesavonneetmerince,maisAudricnem’atoujourspasrejointe.Inquiète,jemesècheetj’enfilerapidementmesvêtements.Jetraverse le longcouloirquimèneà lasalledepauseenignorant lesgraffitis.Lapièceestvide.Jemeprécipite vers la sortie et trouveAudric figé devant lemur où sont inscrits lesmots pute en grosseslettresavecdelapeinturerouge.Ilaremissoncostume.

–Ah…tueslà!Je…jetecherchais…,lancé-jeenlerejoignant.

Jelefixe,gênéeparcesmotscriantsdevéritéquilesubjuguent.Ilresteimmobile.Seulsonvisageestdéforméparlacolère.Auboutdequelquessecondesquisemblentdureruneéternité,ilsetournefaceàmoietmedemanded’unevoixgrave:

–C’esttoiquiesvisée?Toutcesaccage…tevisetoipersonnellement?

Je ne sais pas si c’est une question ou une affirmation, alors je me contente de répondre par unhochementdetête.

–Jesuisdésolé,Caro…J’auraisdûêtrelàpourtoiquandtuesvenuemevoirdanscefichurestaurantl’autrejour!Jenesuisqu’unégoïste!continue-t-ilenmeprenantdanssesbras.

Jemeserrecontresontorse,soulagéequ’ilmesoutienneenfin.

–Tusaisquiestresponsabledetoutceci?questionne-t-ilauboutd’unmoment.– Non, enfin… je n’en suis pas sûre, peut-être un demes anciens clients, ou… l’autre enfoiré de

Dubret!Jen’aiaucunepreuve,jenesaispasquimeveutdumal.Cequimechagrineleplus,c’estquec’estmonamieÉvaquienfaitlesfrais.Jevaisdevoirarrêterdetravaillerpourellesiçarecommence.

Jedétourneleregard,malàl’aisededevoirluicachercertaineschoses.JenepeuxpasluiparlerdeLucien,çalemettraitendanger.

–Jevaisengagerundétectiveprivé!–Non!m’affolé-je.– Pourquoi ? Il faut découvrir qui est derrière tout ça, avant que ça ne devienne plus grave ! La

prochaine fois, ilpourrait s’enprendreà toi ! Jenepeuxpas rester lesbrascroisésàattendrequeçaarrive!

–Ilsvonts’enprendreàtoiaussi,Audric,ilfautquetumelaissesréglercettehistoiretouteseule!–Maistunesaismêmepasquiteveutdumal!Jesuisdésolé,Caro,maisjet’aimetroppourresterlà

sansrienfaire!–Nefaisrien,s’ilteplaît…–Jene te comprendspas…Bon, jene fais rien,mais aumoindreproblème, jen’hésiterai pasune

seconde,Caro!

Surcesderniersmots, ils’éloignedemoi, le téléphonecolléà l’oreille.Jesens lesembrouillesse

pointer. S’il découvre l’existence de Lucien, je ne donne pas cher de ma peau. Je soupire et,nerveusement,parsrassemblermesaffaires.JevaisrentreravecAudricetnousverronsplustardpourlereste,jevaisréglerunecatastropheaprèsl’autre!

Chapitre2

–Oui,Éva,toutvabien!Audricestadorableavecmoi.Ceweek-end,ilm’emmènedanssamaisondecampagneet,samedisoir,unegrandefêteseraorganiséepourl’anniversairedesonpère.Ilnesaitpasencorequejevaisaccompagnersonfils,çarisqued’êtretendu,maisAudricrefused’yallersansmoi.J’espèrequetoutvabiensepasser…

–Maisoui,Caro,quandilteconnaîtra,ilt’aimeracommesafille!– Je pense que tu te fais des films, Éva ! D’après Audric, son père est un vrai dragon et j’ai un

mauvaispressentimentpourcettesoirée.–Peuimportequ’ilt’apprécieounon.Cequicompte,c’estqu’Audrict’aime!Lereste,tul’oublies!–Facileàdire!JesuisunOVNIdanssonmonde,j’aipeurdeneluiattirerquedesennuis.–C’esttachance,tunedoispaslalaisserpasser,Caro!Tuverrasquetoutirabien,merassure-t-elle.

Aufait,enparlantdecettesoirée,tuasunebellerobeàtemettre?–Euh…non,jen’yaipaspensé.–JetéléphonetoutdesuiteauxboutiquesLarocheettuiraschoisirtoutcedonttuasbesoin.–Éva!–Pasdeprotestations!mecoupe-t-elle.–OK.

Jecalemonportablecontremonépauleletempsdefermermonsacdevoyage.Audricdevraitbientôtarriver.

Plusieurssemainessesontécouléesdepuisquejesuisrentréeàlamaisonettoutsepasseàmerveille.

–Tusaisquand les travauxseront terminésà l’écolededanse?Parcequ’onestbientôtdébut juin,demandé-je,presséedereprendremontravail.

–Àlafindumois,normalement.– Encore quatre semaines à attendre… C’est que les journées sont longues, enfermée dans cette

maison.–Pourquoitunesorspas?–Oh…Je…je…

Jenefinispasmaphrase,jenesaisquelmensongeinventerpournepasdireàmonamiequej’aipeur,que je suis effrayée à l’idée de croiser Lucien ou ses hommes de main. Je reste cloîtrée dans cetteimmensemaison,lesportesetlesfenêtresverrouillées,àmedemanderquandilsvontmetomberdessus.Cequim’inquièteleplus,c’estquejen’aipaseud’autresmessagesouappels,etcen’estpasnormal.C’estsûrementqu’ilestentraindemonterunsalecoup.

–Caro?–Oui,jesuislà.Jedoistelaisser,Éva,jevaisfinirdepréparermesaffaires.Jeteremerciepourtout.–Etvatechoisirunebellerobepourenmettrepleinlavueàsonpère!

–Promis,jevaisyaller.–Àbientôt,bisous.–Bisous.

Jeraccroche,lecœurlourd.Jeneméritepasd’avoiruneamiecommeÉva.Jepassemontempsàluimentirouàluiattirerdesennuis.Jedescendsmonsacdanslehalld’entréequandmontéléphonesemetàvibrer.

[Jevaisêtreenretard.J’aiunrendez-vousdedernièreminute.Jefaisauplusvite,jet’aime.]

[Jedoisfairequelquescourses,

prendstontemps,jet’aimeaussi.]

Jerangemontéléphone,attrapemonsacàmainetparsaprèsavoirverrouillélaporte.Jeprendslebusetnepeuxm’empêcherdetoutobserverautourdemoi.Jerespireànouveauquandjepénètreenfindanslegrandhalld’entréedelatourLaroche.Jemeglissedansl’ascenseuretmontejusqu’auxboutiquesde luxe. Je parcours les allées et écarquille les yeux devant les étiquettes des prix de ces vêtements,accessoiresetchaussures.C’estexorbitant.Jedétonnedanscedécorderêve,habilléedemonjeanetdemonvieuxchemisier.Malàl’aisesousleregarddesvendeuses,jem’empressedesélectionnerquelquestenuesdehautecoutureetm’enfermedanslacabined’essayage,qui,enpassant,faitdeuxfoislatailledemonanciensalon.Toutestdémesuréici.J’optepourunerobelongueentaffetas,aucolenVetaubustierbrodédeperles.D’ungrissombre,ellemetenvaleurmesgrandsyeuxbleus.Jechoisisaussiunepaired’escarpinsnoirsetunepetitepochettepourpouvoiryglissermescigarettes.Jemerendsàl’accueildelaboutiqueavecmesarticlessouslebrasetexpliqueàlavendeusequejeviensdelapartd’ÉvaLarocheetquetousmesachatsdoiventêtremissursoncompte.Celle-cichangecomplètementdecomportementetmetraitecommesij’étaisdevenuelapremièredamedeFrance.Agacée,jerécupèremespaquetsetmedirigeverslasortie.

Jerentrecheznousavecladésagréablesensationd’avoirétéépiéeduranttoutletrajet.J’aieubeauregarderdanstouteslesdirections,jen’airienremarquéd’anormal.

Jedeviensfolle…toutcommecettefoisoùj’aicruquequelqu’unétaitentrédanslamaison…

Jemesersunetassedecaféetjeregardel’heuresurmonportablepourlamillièmefois.Audricesttrèsenretard,jecommenceàmefairedusouci.Jefaislescentpasentrelesalonetlacuisinequandilarriveenfin.Jemejettedanssesbras.

–Quelaccueil!lance-t-ildansunriretoutendéposantunbaisercontrematempe.–Jem’inquiétais!– Je t’ai dit que j’avais une réunion de dernièreminute,mais je suis là,maintenant. Je prends une

douche,jemechangerapidement,etensuitenouspartirons.Tuasfaitquoiaujourd’hui?

Jel’observeretirersacravateetluiréponds:

–JemesuisrendueauxboutiquesLarocheafindemetrouverunerobepoursamedisoir.–Tuauraisdûm’enparler,jet’auraisdonnémacartebancaire!

–Évas’estoccupéedetout,répliqué-je,gênée.–Jepeux t’offrir toutcedont tuasbesoin,Caro!Jeneveuxpasque tusoisembarrasséeavecces

détails. D’ailleurs, dès lundi, je te ferai faire une carte, comme ça, tu seras libre de faire ce que tudésires.

– Non, Audric ! Je ne veux pas profiter de ton argent ! C’est déjà ce que vont penser toutes lespersonnesquetuconnais…

–Jememoquedecequepenserontlesgens!–Oui,ehbienpasmoi!Tusaisquebeaucoupd’hommesd’affairesquetucroisestouslesjourssont

surlalistedemesanciensclients?–Oui,etjem’enfousroyalement!

Ilsemblesûrde luienprononçantcesquelquesmots,mais jene lecroispasuninstant.Sonvisages’estcrispéetsonsourires’esteffacé.Jen’oublieraijamaisquemasituationaétélaraisondel’unedenosinnombrablesséparations.

–Parexemple,samedisoir,àl’anniversairedetonpère,ilyadeforteschancesqueparmilesinvitéssetrouventdeshommesquiontpayécherpourmesservices…Es-tuprêtàaffronterleursregardsetleursjugements?

–Jugements?Caro,tucroisvraimentquecequ’ilspensentm’intéresse?–Etsil’und’euxditàtonpèrequejemeprostitue,tut’enmoquerastoujours?–Personneneferaitunechosepareille!Pourquoies-tusi inquiète toutàcoup?Toutallaitbience

matin.–Je…jenesaispas…

Unequestionmebrûleleslèvresetjenepeuxm’empêcherdelaposer:

–AndréaesttoujoursàParis?–Non,elleestrentréechezelle.Pourquoi?–Pourrien…–OK.Jevaisprendreunedouche,àtoutdesuite.

Chapitre3

–Hélène,avez-vouscontactélefleuristepourmodifierlacommande?–Oui,monsieurBeaumont.Lesrosesrougesserontremplacéespardesblanches.–Merci.Monpèredétestelerouge,autantnepaslecontrarierlejourdesonanniversaire.–Oh,oui,c’estcertain,nousn’avonsplusbeaucoupdetemps,lespremiersinvitésdevraientbientôt

arriver.Jevaisrefaireletourdelasallederéception,vérifierquelebuffetestinstalléetquel’orchestreestenplace.Aumilieudetouscesserveursetdecetteagitation,j’aidumalàyvoirclair!

–Toutvabiensepasser,Hélène,jevousfaisconfiance,larassureAudricenposantunemainsursonépaule.

Moi,jenesuispasàl’aiseaveccetteréception.L’idéederencontrersonpèremeglacelesang.Jenesais pas pourquoi j’ai un mauvais pressentiment, je sens que quelque chose va déraper. Je regardeAudric.

–Jedoismontermepréparer,tuviensavecmoi?–J’arrive,maisavantjedoisréglerquelquesderniersdétails.–Àtoutdesuite,dis-jed’unevoixétranglée.–Attends!mestoppe-t-ilalorsque jemedirigevers lecouloirquimèneauxchambres.Caro…je

saisquetuesinquiète,maisçavaaller.–Etsitonpèremedéteste?–Tueslafemmequej’aime,iln’aurapasd’autrechoixquedet’aimer.Fais-moiconfiance.

C’estbiença,lesouci:laconfiance…

–OK,maisquetum’aimesnechangerapaslefaitquetafamillevamedétester!–Tuvasaussifairelaconnaissancedemamèreetdemasœur,ellesvontt’adorer,tuverras.–Ouais…Jevaismepréparer,tumerejoindrasdèsquetupeux?–Oui,monange,j’arrive.

Aprèsundernierbaiserlégercommel’air,ilmesouritetpartendirectiondescuisines.Jefoncedansnotrechambre,biendécidéeàmefaireplusbellequejamaispourl’hommequej’aime.

Je prends une douche rapide, enfilema somptueuse robe et remontemes cheveux dans un chignonlâche.Unetouchedemaquillage,etletourestjoué.

Jeregardel’heure,Audricn’esttoujourspasmontémerejoindre,qu’est-cequ’ilfabrique?Jesorsduplacardsonmagnifiquecostumed’ungrisprofondassortiàmatenue,etledéposedélicatementsurlelit.Puisjem’assiedssurlereborddelafenêtrepourobserverl’installationdel’immensechapiteautandisque,dansleprévoisin,leschevauxregardentlascène,pasrassuréspartoutecetteagitation.Remarque,jenelesuispasmoi-mêmealorsjelescomprends.

Audricm’inviteàl’anniversairedesonpèreetjepensequejenesuispaslecadeauidéal,toutcequirisquedesepasser,c’estquesonpèrefasseunecrisecardiaqueenmevoyant…

–Çava?

Jesursauteetmeretourne.Perduedansmessombrespensées,jen’aipasentenduAudricarriver.Ilmedévoreduregardetsemblesubjuguéparlespectaclequis’offreàlui.

–Tuesmagnifique,monange…

Jenesaispasquoirépondreetmecontentederougir.Ils’approchedoucementdemoietsaisitmonvisageentresesmainspourm’obligeràredresserlatêteetleregarder.Sesyeuxvertssontdeuxcomèteséblouissantesquidébordentd’amour.Monventresecontracteetj’aidumalàrespirer.

–Jet’aime,Caro,etriennechangeraça,tum’entends?Rien!Nimonpère,nilerestedemafamille,nitesanciensclients!Tueslafemmedemavie,tudoismecroire…Tumecrois?

Sesaveuxmetouchentenpleincœuretdesémotionsjamaisressentiesjusque-làmepercutentdepleinfouet.Jemèneunelutteintérieuretandisqu’ilmefixedesonregardpleind’incertitudeetdepeur.Oui,ilapeurdecequejevaisluirépondre,jelesens.Jeprendsunegrandeinspirationetmelance:

–Oui,jetecrois…maisjesuiseffrayée,sieffrayéeàl’idéedeteperdre,Audric…–Tunemeperdraspas,monange.

Seslèvresfermesetdoucesseposentsurlesmiennes.Cebaiserestemplidepromesses,maisjenepeuxm’empêcherd’êtreinquiète.Audricneconnaîtpasmessombressecretsetnesedoutepasuninstantquejeluimens.Oui,jeluimens…etjen’ensuispasfière,maiscommentluiparlerdeLuciensanslemettreendanger?Jem’écartelégèrementpourlefixer.

–Tudevraistepréparer,Audric,lesinvitésvontarriver.–Oui,tuasraison.Jeprendsunedoucheetjem’habille.

Je l’observe, admirative, tandis qu’il retire ses vêtements.Cet hommeest tout simplement sublime.J’aiencoredumalàcroirequejesuisici,danssachambre.C’estsurréaliste,maisçafaittellementdebien.

DepuisGabriel,monpremier amour, je n’avais pas ressenti ce sentiment d’aimer, et surtout, d’êtreaimée.Çamefaittoutdrôledesongeràlui.Magorgesenouequandsonvisagefigéparlamortenvahitmes pensées. Je soupire et sors mon portable pour voir si j’ai des messages. Rien, le néant… c’estétrange…Jemedemandepourquoijen’aiplusdenouvellesdeLucien,çaneprésageriendebon.

Jefouilledansmavaliseetrécupèreunlargebraceletpourcacherlacicatricesurmonpoignet.

Audricsortdelasalledebainsencaleçon.Jel’aideàenfilersoncostumetandisqu’ilmeracontetoutcequ’ilamisenplacepourlagrandefête.

–Tuestrèsbeau,affirmé-jeenfinissantdenouersacravate.

–Ettoi,tuesmagnifique,àundétailprès…

Ils’écartepourouvrirletiroirdelacommodeetrevientavecunlongécrindeveloursnoir.Ilmeletend.Jelefixeuninstant,surprise,et lesaisis.Jel’ouvreetsuisprofondémentémueendécouvrantuncollierdediamantsd’uneincroyablebeauté.

–C’esttrop,Audric…–Oh,crois-moi,cen’estrienàcôtédelajoiequej’éprouveàvivreàtescôtés!

Ilpassederrièremoietl’attacheàmoncou.

–Merci,murmuré-jeensentant les larmesenvahirmesyeux.Mince, jevaisfoutreenl’air toutmonmaquillageàcausedetoi.

Jemedirigeverslasalledebainspourréparerlesdégâts.Jereviensversluiquelquesminutesplustard,l’embrassetendrementetnouemesmainsautourdesanuque.

–Mercipourtout,Audric.–Allez,viens,nousallonsaccueillirlesinvités,etmafamilledevraitbientôtarriver.–Youpi!ironisé-jeenglissantmesdoigtsdanslessiens.–Jesuiscertainquenousallonspasseruneexcellentesoirée!

Main dans la main, nous sortons de la chambre pour rejoindre l’entrée de la maison. Des rosesblanchesdisposéesunpeupartoutontparfumélespièces.Surlaterrassesedresseunimmensechapiteauoùsontinstallésplusieursbuffets.Ensoncentre,unegrandepistededansen’attendplusquelesinvités.Des ballons gonflés à l’hélium forment un cielmulticolore au-dessus de nos têtes.Audricme fixe et,devantmonémerveillement,ilresserresesdoigtsautourdesmiens.

–Tuaimes?demande-t-il,fierdelui.–Ilfaudraitêtredifficilepournepasaimer.C’estsuperbe,tonpèrevaadorer!–Oh,ça,cen’estpassûr!Toutcequejefaisn’estjamaisassezbienpourlui…

Jeledévisageetremarquelevoiledetristessequis’estdéposésursonvisage.

–Pourquoiai-jecetteimpressionquetun’aimespasbeaucouptonpère?–Toutcequej’aipufairedansmavien’ajamaisétéassezbienpourlui…jenesuisqu’uneminable

répliquedelui,c’estcequ’ilmerépètedèsqu’ilenal’occasion!Maispeuimporte,jepréfèreêtreceluiquejesuisplutôtquelemonstresanscœurqu’ilest.

–Mevoilàrassurée…–Net’inquiètepas,jesuislà.–Jesuisvraimentdésoléepourtoi…monpèren’étaitpasmieux,tusais.–C’estlapremièrefoisquetumeparlesdelui,lance-t-il,étonné.–Oh,iln’yapasgrand-choseàdire,ilestmortetc’estpeut-êtremieuxainsi…–Nousavonsaumoinsunpointencommun:unpèretyrannique!plaisante-t-il.

Je lui rendssonsourirepournepasavoiràendireplus,puisnousnous installonsprèsde l’entréepour accueillir les premiers invités. Plus les minutes passent et plus mon cœur palpite à l’idée de

rencontrer sa famille.Audricme présente à tout lemonde comme sa compagne, je suis profondémenttouchée.

Puislemomenttantredoutéarrive…

–Papa,maman,voiciCarolineDeroy!

Lesouriredesonpères’effacetandisqu’ilmedévisagesansvergogne.Sestraitssesontdurcisetlepliameraucoindeseslèvresneprésageriendebon.Lamèred’Audrics’avance,saisitmesmainsetmesourittendrement.

–Trèsheureusedefairevotreconnaissance,Caroline.Excusezlecomportementdéplacédemonmari,ileststresséàcausedecettesoirée,medit-ellegentiment.

–Jeteprieraisd’éviterdeparleràmaplace!lancefroidementM.Beaumontàsafemme.C’estquoicettemascarade,Audric?Sais-tucequetufais?C’estinacceptable!

Jeblêmisetreculedevantcetélandecolère.Pourquoiréagit-ilainsiàmonégard?Ilnesaitpourtantriendemoi.Voyantmonmalaise,Audricsaisitsonpèreparlebrasetl’entraîneàl’écartdanslapiècevoisine.Moi,jeregardesamèrequisembledanstoussesétatsquandellemedit:

–Jesuisdésolée,jenecomprendspascequ’ilsepasse,venezavecmoi,nousallonsboireunverrepournousremettredecesémotions.

–Avecplaisir,madameBeaumont.–Jevousenprie,appelez-moiRachel.

Lamèred’Audric est trèsgentille et douce, rien àvoir avec sonpère. Je suis encore sous le chocquandj’avaleunegorgéedechampagne.Jedécidedeparlerd’autrechosepourdétendrel’atmosphère:

–Votrefillenedevaitpasvenir?–Violainevaarriver,elleaimesefairedésirer,plaisante-t-elle.Alorsoùvousêtes-vousrencontrés

avecmonfils?

Voilàunequestionàlaquellejen’étaispaspréparée.Jeréfléchisrapidementavantderépondre:

–Lorsd’ungaladecharité,nousavonsdesamisencommun,vouslesconnaissezpeut-être,ils’agitd’ÉvaetAlexLaroche.

–Bien sûr que je les connais, ils sont adorables tous les deux.Oh, voilàma fille, je vais vous laprésenter.

J’observenerveusementlajoliebruneapprocher.Jelareconnais,c’estellequiaccompagnaitAudricaugaladecharitéorganiséparDubret.Elleesttrèsbelleetressemblebeaucoupàsonfrère.

–Bonsoir,machérie,lancejoyeusementRachelenserrantsafilledanssesbras.Jesuisheureusedetevoir.Depuisquetuespartiedelamaison,tesvisitessefontdeplusenplusrares.

–Àquilafaute,maman!Tusaistrèsbienquejenelesupporteplus!

Jedevinetrèsbiendequielleparleetjenepeuxretenirunsourire.

–Tuconnais tonpère, ilnedévoilepas ses sentiments,mais ilvousaime…Enfin,passonsàautrechose,jeteprésenteCaroline,lacompagnedetonfrère.

Elles se tournent toutes les deux dansma direction et je rougis jusqu’à la racine des cheveux.Manouvellebelle-sœurmeregardeavecdesyeuxécarquilléscommedessoucoupes:

–Quelcachottier,cetAudric!s’exclame-t-elleenmesouriant.Ilnem’ajamaisparlédevous!Onpeutsetutoyer?C’estplussimple.

–Oui,biensûr.–Enchantée,jesuisViolaine,ettoi,Caroline,tun’asvraimentrienàvoiravecsesex!–Violaine!Çaneseditpas,voyons!l’enguirlandesamère.–Oh,çava,maman,c’étaituncompliment!–Cen’estpasgrave,jeconnaisjustementl’unedesesex,etjecomprends,plaisanté-je.

NousrionsavecViolaine,alorsqueRachelparcourtlafouleduregard,sûrementàlarecherchedesonmari.J’espèrequetoutsepassebienpourAudric.JeboisuneautrecoupedechampagneavecViolainependantqu’ellemeracontequelquesanecdotesdrôlessursonfrère.Cettefilleestunvrairayondesoleil.

Chapitre4

Je suis seuleprèsdubuffet et je commenceàm’inquiéterdenepasvoirAudric revenir.Rachel etViolaineontrejointlesinvités;jemesensdeplusenplusmal,plantéelàcommeunepotiche.Auboutd’unmoment,agacée,jedécidedepartiràlarecherched’Audric.Jeparcourslafouleduregardet,neletrouvantpas, jepénètredans lamaison. Iln’estnidans lesalonnidans lacuisine. Jecroisequelquesserveurs que j’évite de justesse pour me rendre dans le bureau au fond du couloir. La porte estentrouverte.Jem’immobiliseenentendantlavoixglacialedeM.Beaumontfairetremblerlesmurs:

–Ouvrelesyeux,Audric!Cen’estqu’unevulgaireprostituée!Tamissionétaitdelaséduire,pasdetomberamoureuxd’elle!Quelimbécilejesuis!J’auraisdûmedouterquetuteferaisavoir!

Mesjambessemettentàflageoleretmoncœurs’affoleàlalimitedusupportable.Lagorgenouée,jeme repasse ces mots en tête « ta mission était de la séduire ». Qu’est-ce que ça veut dire ? Je necomprendspas…

–Tunelaconnaispas,papa,ellen’estpascellequetupenses!Elleneferaitdemalàpersonneetellen’apasl’argent!Toutcequetum’asracontéestfaux!

–Jet’aiditlavérité,Audric!Elletement,et,toi,idiotquetues,tut’eslaissémanipuler!

Jesuisperdueetchoquée…Dequoiparlent-ils?

Leslarmesauborddesyeux,jefaisvolte-faceetmeprécipitedansnotrechambre.Jem’effondresurlelit.Audricm’amenti,commentn’ai-jepum’enapercevoir?Pourtantpasplustardquecetaprès-midi,ilmefaisaitdespromessesetmedisaitm’aimer.

Quelconnard!

Je dois savoir de quoi ils parlaient, il faut que je reste et que je fasse comme si je n’avais rienentendu. Facile à dire, mais pas à faire… Je me rends dans la salle de bains pour retoucher monmaquillage.Mesyeuxsontrougis,maisçadevraitpasser.Jeretiensunsanglotetrespireprofondément.Ilfautquejemeressaisissepourdécouvrircequ’Audricmecache.Çanevapasêtreunepartiedeplaisir,mais jesuis forte, jevaisyarriver. Je jetteundernier regardàmonrefletdans laglaceetdécided’yaller.

Quand je me glisse sous le chapiteau, mon cœur est comme serré dans un étau, et j’ai du mal àrespirer.Jecherchel’intéresséetletrouveprèsdelapistededanseenpleineconversationavecsamère.Ilsembleagité.Jem’approchelentement,etj’essaiedemaîtriserlacolèreetladéceptionquifontrageenmoi.Jen’arrivepasàsaisirlepourquoidecettehistoire.Sonpèrepensequej’aidel’argentetquejemenspourmanipulerAudric…C’estcomplètementfaux!D’oùluivientcetteidée?Commentest-ilaucourantquejemeprostituais?Audricsemblaitsisincèrecesderniersjours,quej’aidumalàcroireaufaitqu’ilmementait.Jenesaisplus…etpuisilaprismadéfensefaceàsonpère…

Jeprendsunegrandeinspirationquandj’arriveprèsd’eux.

–Monange,jetecherchais!

Ilm’enlaceparlatailleetmeserrecontrelui.J’évitedecroisersonregardetjeplaqueunsouriresurmeslèvres.Samères’éloignepourdiscuteravecungrouped’amis.Nousrestonsseulsetjemesensplusmalquejamais.

–Ilfautquejeteparle,murmure-t-ilprèsdemonoreilleavantdem’entraînerverslejardinàl’arrièredelamaison.

Ilfaitdéjànuit,nousavançonsdanslapénombreetj’essaiedenepastrébucheravecmestalonshauts.Il s’immobilise près de l’entrée des écuries éclairée par une faible lumière. Je reste silencieuse,magorgeestbientropnouéepourquejepuisseparler.

–Monpère…monpèreesttrèsencolèrecontremoi.SonrêveétaitdemevoirmariéàAndréa…Ilvasecalmeravecletemps,jetelepromets.

Encoreunepromesse…alorsqu’ilvientdemementirsurlesraisonsdelacolèredesonpère.Jesuissouslechocetjemesensanéantie.Jedoisfaireuncauchemar,cen’estpaspossible,jevaismeréveiller.Mesyeuxmebrûlentetjeluttepourretenirmeslarmes.Voyantquejenerépondspas,ilsepencheet,dupouce, redressemonmenton.Monregardseperddans lesienet toutmonuniverss’écroule.Commentvais-jefairepourvivresanslui?

–Quesepasse-t-il,monange?Tunetesenspasbien?

Il faut que jeme sorte de cette situation sansqu’il se doute de rien. Je dois découvrir ce qu’ilmecache.

– Si, tout va bien. La réaction de ton père m’a un peu secouée, mais ça va aller. Nous devrionsrejoindrelesinvités.

–Attends,j’aimeraisprofiterdecemomentseulavectoipourt’embrasser,chuchote-t-il.

Unsouriretaquinillumineseslèvres.Ilm’attireàlui,plusétroitement.Moncœurfaituneembardée.Avecunnœudauventre,jelelaisses’emparerdemabouche,alorsqu’unchagrinimmensemesubmerge.Jemedisquec’estpeut-être ladernièrefoisquenousnousembrassons,alors je fermelesyeuxetmelaissealleràcedernierbaiser.Jel’aimetant!Savoirqu’ilmementesttrèsdouloureux.J’essaiedeluirendre son baiser comme s’il ne venait pas d’éclater mes espoirs en mille morceaux. Pourquoi meprésenteràsonpères’ilsavaitqu’ilallaitêtreencolère?Ils’écarteauboutd’unmomentetmeditlagorgeserrée:

– Je ne veux pas que tu te sentesmal, Caro.Oublionsmon père un instant, et allons nous amuser,danser.Profitonsdecettesoiréeetpuispenseplutôtàmamèreetmasœurquit’ontadorée!Deuxsurtrois,c’estdéjàbien!plaisante-t-il.

–Oui…

Ilm’entraîne jusqu’au chapiteau etme tire sur la piste de danse. Tandis qu’ilm’écrase contre son

torse,jemedisquejenesuispasauboutdemespeines,cesoir.L’orchestrejouemerveilleusementbienetAudricestuncavalier incroyable.Noustournoyonssurunevalse,maismatêteestailleurs.J’ignorecombiendetempsjevaispouvoirluicacherlefaitquej’aisurprisleurconversation.Contrairementàlui,j’aidumalàdissimulermesémotions.

Nousfinissonslasoiréeendansantetenparlantavecdesinvités,puisvientlemomentd’allernouscoucher.Nousavonsfaitensorted’évitersonpère,maisjemedemandecommentsepasseralajournéededemain.Ilrestelerepasdefamilleàaffronteretj’aipeurdecequesonpèrepourraitdireoufairepourmeridiculiserdevanttoutlemonde.

Nousprenonsunedoucheensemble.Audricpensequejeneparlepasàcausedelafatigue.Nousnouscouchonsetjenepeuxm’empêcherdeluitournerledos.Ilsecollecontremoietm’embrasselanuqueetl’épaule. Je reste figée, espérantqu’ilmecroie endormie. Jen’auraispas le couragede faire l’amouraveclui,pasaprèscequej’aientendu.Jedoistirercettehistoireauclair.

S’imaginant que je dors profondément, il finit par s’endormir lui aussi. Je pousse un soupir desoulagement.

Je passe le reste de la nuit, recroquevillée contre cet homme que j’aime, le regard braqué sur lalumièrequicommenceàfiltreràtraverslesvolets,lecœuràl’agonie.

Chapitre5

–Tuasmeilleureminecematin,lanceAudricensortantdelasalled’eau.–Oui,jemesensmieux.

Jemensetmedétournepourfinirdem’habiller.Aujourd’hui,unjeanetunetuniqueferontl’affaire.Jenouemes cheveuxhumides enqueue-de-cheval etmets unpeudemascara pour essayer d’égayermonregard.Peineperdue…

J’ai une boule au ventre à l’idée de descendre. Un brunch est organisé parM. Beaumont. Je vaisencoredevoirmecontenir.Cequimemotive,c’estquenouspartironsjusteaprès.Lesvalisessontfaitesetprêtesàêtrechargéesdansle4x4.Jenesaispascequinousattendunefoisquenousseronsrentrés.J’aitellementdequestionsensuspens.Jedevrailuiparlerdèsquenousseronsseulsàlamaison.

Audricmesouritetmedemandetendrement:

–Onyva?–Oui.

Ilpasseunbrasautourdematailletandisquenousrejoignonslasalleàmanger.Quandnouspénétronsdans l’immense pièce, les conversations s’interrompent et tous les regards se tournent dans notredirection.Jedéglutisavecdifficulté.Mesmainssemettentà trembler, je lesglissedans lespochesdemonjeanpourlesdissimuler.M.Beaumontsetientenboutdetable,safemmeàsadroiteetViolaineàsagauche. Ensuite, je reconnais deux couples de personnes âgées que m’a présentés Rachel, la veille,commeétantlesgrands-tantesetleursépoux.Audrics’installeàl’autreboutdelatable,faceàsonpère,etmedésignelachaiseàsadroite.Jem’assiedsetj’évitedecroiserleregardcourroucédesonpèrequiestbraquésurmoi.

Hélènearriveavecunecarafedejusdefruitsetremplitnosverres.Puis,ayantfaitletourdelatable,elleladéposesurlebuffetetcommenceàretirerlescouvertsentrop,installésàlagauched’Audric.LavoixglacialedeM.Beaumontlacoupenetdanssonélan:

–Netouchezàrien!Nousattendonsencoreunepersonne!

Tout lemonde s’observe, étonné.Moi, jeme demande bien quel sale coup il me prépare. Je fixeAudric,quinebougepasd’unciletsecontented’assassinersonpèred’unregardnoir.

–Quiattendons-nous?questionne-t-il,auboutd’unmoment,agacé.–Moi!lanceunevoixcristallineàl’entréedelapièce.

Je n’ai pas besoin deme retourner pour savoir de qui il s’agit.Mes épaules se voûtent et un feuravageurm’envahit.

J’aicommeuneenviedemeurtretoutàcoup…

Andréa,plusbellequejamaisdansunerobemoulante,faitsonentréethéâtraleetprenddanssesbrastouslesconvives,saufmoi,biensûr,ellem’ignoreroyalement.JeresteassiseetregardeAudricseleverpourluidirebonjour.Ellesejettelittéralementàsoncoupourdéposerunbaiseràquelquesmillimètresdeseslèvres.Ilsembletrèsmalàl’aiseetsetientraidecommeunpiquet.Ilserassied.Elleprendplaceàsagaucheenledévorantduregard.Jemeretrouvebienmalgrémoiinstalléefaceàelle.Ilsuffiraitdepeupourquemafourchettem’échappeetseplanteentresesyeuxquandjelavoisposersesdoigtsauxonglesvernissurceuxd’Audric,quiretirevivementsamaincommes’ilvenaitdesebrûler.Jenepeuxm’empêcherderessentirduplaisirenremarquantqu’elleperdunpeudesonassurance.

Quellegarce!

Jetournelatêteendirectionduvieuxsalopardquiaorchestrétoutecettecomédie.Ilsouritetsemblesatisfaitdumalqu’ilmefait.QuantàRacheletViolaine,ellesmeregardent,l’airdésolé.Personnen’al’aird’avoirlecouragedeprendremadéfense,deseconfronteràcepèreinfâme…

Vivementquececauchemarsetermine!

Je ravalemacolère. Il est horsdequestionque j’entredans son jeu.Audric s’empare alorsdemamainet la serre tendrement. Je suis surprise. Je lui rends son sourire, jene suispas contreunpeudesoutien,etsiçapeutparlamêmeoccasioncontrariersonpère,toutleplaisirestpourmoi.

–Vouspouveznousservir,Hélène,ordonneM.Beaumont.

Elleremplitnosassiettestandisqu’Audricsetourneverslasangsueassiseenfacedemoi.

–Quefais-tuici,jecroyaisquetuétaisrentréecheztoi?–Effectivement,mais,commetunem’aspasconviéeàl’anniversairedetonpère,ilétaittrèsdéçuet

ilm’aproposédeveniràcebrunch.–Tusaistrèsbienpourquoitun’étaispassurlalistedesinvités!–Arrêtedeuxminutes,Audric,aveccetteamourette!C’esttellementridiculequec’enestrisible!Je

teconnaismieuxquepersonneetjesaiscequ’iltefaut!Etcettefille,quisortdejenesaisoù,n’estlàquepourunechose:tonargent!

Jeblêmiset,lorsqueleriredeM.Beaumontéclateàl’autreboutdelatable,jesenslacolèremonterenmoi.

–Andréa!Jet’interdisdedirecesconneriesdevantmoi!Tunelaconnaispas!s’énerveAudric.–Quies-tupourmejuger?m’emporté-jeenfusillantduregardcettemauditefemme.C’esttoiquite

ridiculisesenespérantencoretemarieravecAudric,alorsqueluisecontrefoutdetoi!

JescrutelesvisagesdeM.Beaumontetd’Andréa,touràtour,lâcheunjuronetbalancemaserviettesurlatable.Jemelèvebrutalementetlancesuruntonexaspéré:

–Maisqu’est-cequejefouslà!Vousn’êtesquedeuxidiotségoïstesquinepensentpasunseulinstantaubonheurd’Audric!

Jesorsdelapièceetignorelesappelsdecedernier.Jesuisridiculedeprendresadéfenseaprèscequej’aientendulaveille,maisjel’aime,etjenesupporteplusdevoirlafaçondontsonpèreetl’autresalope le traitent. Jeme rends dans la chambre où je saisisma valise. Audric arrive et me regarde,désespéré:

–Jeviensavectoi!Ilesthorsdequestionquejeresteuneminutedeplusici!Jesuisdésolé,monange…

Ils’approcheetmeprenddanssesbras.Jelelaissefaire,car,àcetinstant,j’enaibesoin.Ils’écartepourplongersonregarddanslemien.

–Nous allons rentrer à lamaison et oublier toute cette histoire !Qu’ils aillent au diable, tous lesdeux!

–Tutravaillesavectonpère,tunepeuxpasrisquerdetoutperdrepourmoi,Audric!–Net’inquiètepaspourça!Jesaiscequejefais,etilyabienlongtempsquejeprendslesdevants

pourm’éloignerdelui!–Qu’est-cequetuveuxdire?–Jesuisentraindemontermonentreprise,jen’aipasbesoindesonargent,j’aiassezdecontactset

d’expériencepourmedébrouillertoutseul!–Tudésirescréertaproprebanque?–Non!LenomdeBeaumontestaussiconnupoursesbijouteriesdeluxe.Jevaislancermachaînede

bijouteriesauxprixaccessiblespourtous.Jevoulaisattendreavantdet’enparler,mais,vucequ’ilsepasse,jepréfèreteledire.

–Peuimporteceque tufais, j’espèreque tune lescroispasquandilsdisentque jenem’intéressequ’àtonargent?

–Biensûrquenon!merépond-ilenmeserrantdanssesbras.

J’ailagorgenouée.Jedevraisluiparlerdecequej’aientendulaveille,mais,là,cen’estpaslebonmoment.Nousverronsquandnousseronsrentrés,etj’espèrepourluiqu’ilauneexcellenteexplication…

***

Noussommesentraindechargernosbagagesdansle4x4quandRachelarrive,leslarmesauxyeux.

–Jesuisvraimentdésolée,dit-elleàsonfilsenleprenantdanssesbras.Sacheque,moi,jesuistrèsheureusepourvousdeuxetj’espèrequevousnemepriverezpasdevotreprésenceàcausedelabêtisedetonpère…

–Net’inquiètepas,maman,Violaineettoiêtesmaseulevraiefamille.Lui,jeneveuxplusjamaislevoir!

–Nedispasça,c’esttonpère,Audric…–Ilaététroploin,jeneluipardonneraipas…J’aimeCarolineetriennipersonnenesemettrasur

monchemin!

Jesuistouchéeparsesparoles.Ilembrassesamère,jelasalueàmontouretnousprenonslaroute.Unsilencepesants’installeentrenous,alorsjetournelatêteverslafenêtreetj’observelepaysage.

Chapitre6

Letrajetpourrentreràlamaisonsembledureruneéternité.Tropdequestionstournentenboucledansmatête.JesuisencolèrecontreAndréaet lepèred’Audric,maisplusque tout, jesuisblesséepar laconversationquej’aimalencontreusementsurprisel’autresoir.Ilfautquejemecalmeetquejedissimuleencoremesémotionsquelquesjours,letempsd’yvoirplusclair.Jevaisfouillersamaisondelongenlarge,espionnersesconversationstéléphoniques,ouvrirsoncourriers’illefaut,maisjedoisabsolumentdécouvrircequemecacheAudric.Ilaétésiprotecteurenversmoicesdernièresheuresfaceàsonpèreque j’avoue ne plus rien y comprendre. Je ne sais plus quoi penser de lui.M’aime-t-il réellement ?Commentêtresûre,aprèscequej’aientendu,qu’ilnememanipulepaspourjenesaisquelleraison?

Jefinisdevideretrangerlesvalises,puisjeparsvoirAudric.Depuisquenoussommesarrivés,ilestenfermé dans son bureau. Je suis inquiète. Je frappe plusieurs fois à la porte, mais, n’ayant aucuneréponse,jel’ouvre.Ilestautéléphoneetsembletrèsénervé:

–Jedoistelaisser.Jeterecontacteplustardetsurtoutquecelaresteentrenous,conclut-ilavantderaccrocher.

Ilmedévisage,seraclelagorgeets’adresseàmoisuruntondistant:

–J’arrive,j’aiencorequelquesdétailsàrégleretjeterejoinspourdîner.–OK.

Je referme la porte derrière moi. Est-ce que je dois m’inquiéter ? À qui parlait-il ? Était-ceprofessionnelou encoreun secret qu’ilmecache ? Je suisbien conscienteque jene suispasuneoieblanchedanscedomaine,maismoi,jefaisçapourleprotéger…

Jerespireungrandcouphistoiredemeremettrelesidéesauclair.Audricenavisiblementpourunbonboutdetempsdanssonbureau.Mêmesijen’ensuispastrèsfière,jedécided’allerfarfouillerdanssesaffaires.Onnesaitjamais,jepourraistombersurunindice,quelquechosequim’expliqueraitcettedrôledeconversationqu’ilaeueavecsonpère.

Jefouinedansses tiroirs,sous le lit,dans lasalled’eau.Ilnemeresteque ledressing,mais,étantdonnélataille,jevaisdevoirfairevite.J’explorelesétagèresetm’attaqueensuiteauxgrandesboîtesderangement.Dansl’uned’elles,jedécouvreuneenveloppedissimuléesousunepiledelinge.

Moncœurcessedebattre.

Jenesaispassijedoisl’ouvrir,j’aitellementpeurdecequejepourraisytrouver.

Je la saisisd’unemain tremblante et la fixequelquesminutes avantdemedécider àdécouvrir soncontenu.Puis,enmoinsd’uneseconde,toutmonuniverss’écroule…Lapeineetlasensationd’êtretrahie

m’envahissentànouveau.

Qu’est-cequ’ilsepasse?QuiestvraimentAudric?

Les yeux pleins de larmes, je fixe les photos qui se sont éparpillées au sol. Des clichés de moi,adolescente,entouréedemesparents.D’autresencompagnied’Évaquandnousvivionsensemble,et…plusieursoùjesuisnueentraindedanserauLoupblanc…Uneviolentedouleurmetraverselapoitrineet une envie de vomir me saisit quand je me rends compte que toute ma vie se trouve dans cetteenveloppe:desrelevésbancaires,desphotocopiesdemesdéclarations,desdoublesdemesfacturesettoutuntasdedocumentsmeconcernant.

Jesuissouslechocetnemerendspascomptetoutdesuitequ’Audricsetientraidecommeunpiquetàl’entréedudressing.Sonvisageestlivide.Ilmefixed’unregardfroidavantdelancerd’unevoixgrave:

–Cen’estpascequetupenses,Caro…–Ahnon?Etqu’est-cequec’est,alors?crié-je,abattue.–Uneenquêtequemonpèreafaitfairesurtoi…pourmeprotéger…–Arrêtedementir!J’aisurprisvotreconversation,lesoirdel’anniversaire,jesaistout!–Quoi?Qu’est-ceque…?–Nememensplus!lecoupé-jeenhurlant.Quies-tu?Etquemeveux-tu?

Jerecule,terrorisée,etmeretrouvedosaumur.

–Tun’aspasàavoirpeurdemoi,Caro…Jeneteveuxaucunmal!Situsavais…situsavaiscommejet’aime…

Ils’approcheettendlamaindansmadirection,maisjel’éviteetlecontournepourretournerdanslachambre.Jemanqued’oxygène.

–Alors,explique-moi!Jet’écoute!Dis-moiquelleétaittamission!Tudevaismeséduireetpuis?Etdansquelbut?

Horsdemoi,jenemecontrôleplus.Jesuisàdeuxdoigtsdetoutcasserdanscettemauditemaison.

Commentai-jepuenarriverlà?

J’avaisespéréavoirledroitd’aimeretsurtoutd’êtreaimée…Monumentaleerreur!Quellefolie!Jesuisdevenuefaibleàcausedecethomme.Jeluiaioffertmoncœuretmaconfiance,etils’enestservicommearmespourmebriser.

–Jevaistouttedire,Caro…maisavant,tudoissavoirquejet’aimecommeunfou!Oui,audébut,j’étaisenmission,mais,trèsvite,jemesuisrenducomptequej’avaisdessentimentspourtoi.

–Jetelaissedixminutes!–OK.Ànotrepremièrerencontre,jesavaisdéjàquituétais,j’avaistoutorganisé.Monpèrem’avait

donnécommemissiondeteséduirepourrécolterlesinformationsqueledétectiven’avaitpastrouvées.–Quellesinformations?Jenecomprendsrien!– Laisse-moi finir ! Ton père, avant de mourir, était un ami de ma famille et il faisait beaucoup

d’affairesavecmonpère.

Jemeprendscommeuncoupdepoignardenpleincœur.C’estencoreàcausedeluiquemaviesetransformeencauchemar?

–Ilaescroquélemiendeplusieursmillions…–MonDieu…çarecommence…

Jem’affoleenpensantàLucien.

–Dequoituparles?–Derien,continue!–Monpèreestpersuadéquetuasl’argent!–Quoi?Maisc’estridicule!Tucroisvraimentquej’auraiscegenredeviesij’avaisdel’argent?

Sais-tucequej’aiendurétoutescesnuitsàmefairebaiserpartouscessalopards?

Leslarmesdévalentlelongdemesjoues.Jesuisstupéfaiteparcettehistoire.

–Jesaistoutça,monange…dit-ild’unevoixdouceens’approchantànouveaudemoi.

Jelelaissefaire.Jen’aipluslaforcedecombattre.Jel’aime,c’estunecertitude,etjenepeuxplusvivresanslui.Ilsaisitmesmainsetplongesonregardtristedanslemien.Ilestbouleversé.

–Jesaistrèsbientoutcequetuastraverséetjesuisdésolépourtoi.Jedonneraisn’importequoipoureffacertoutecettemerdedetavie!Tuaschamboulémonexistence,Caro,etjenesupporteraispasquetumequittes…

–Commenttecroireettefaireànouveauconfiance?demandé-jed’unevoixétrangléeparl’émotion.–Jenesaispas…jenesaispasquoifairepourteconvaincredemasincérité,maiscedontjesuissûr,

c’estquejetedoisdesexcuses.Pourtoi,jesuisprêtàcouperlespontsavecmonpèreetàprendreunnouveaudépart!Crois-moi,monange,jeveuxfairemavieavectoi!

Ilmeserredanssesbras.Moncœursefendillecommedelaporcelaineenvoyantunelarmeroulerlelongdesajoue.Jelèvelamainpourlafairedisparaîtreetjem’accrocheàsesépaules.

–Jet’aime,Audric.J’ignoresij’arriveraiàtepardonner,maisjeveuxbienessayer.– Si tu savais comme je regrette tout ce qui s’est passé !Quand j’ai accepté cettemission, j’étais

persuadéque tuétaiscoupablecomme tonpère ! Jecroyais lemien lorsqu’ilmedisaitque tucachaisl’argent,maisjemesuisviterenducomptequec’étaitfaux.

–Maispourquoimaintenant?Cafaitquatreansqu’ilssontmorts!–Unhommequitrafiquaitavectonpèreestentréencontactaveclemien,ilyaquelquessemaines.Il

sortaitdeprison,pourjenesaisquelleraison.C’estluiquiamisdanslatêtedemonpèrequel’argentdevaitêtrequelquepart,qu’ilnepourraitpasavoirtoutbonnementdisparu.Monpèreacommencéparpasser tous les comptes de ton père à la loupe, c’est facile avec les relations qu’il a partout dans lemilieu,pourvoirs’iln’auraitpasouvertdecomptesauCaïman,àChypre…maisrien.L’idéeafaitsoncheminetmonpèreacommencéàs’intéresseràtoi.Ilm’ademandédetepisterpuisd’entrerencontactavectoi…

–Crois-moiquesij’avaiseucetargent,j’auraisdéménagétrèsloindecettemauditeville!lancé-je

suruntonlas.

JepenseàtoutcequejecacheencoreàAudric.Lucienenvahitmespenséesetmapeausecouvredechairdepoule.Unehorribleidéemevient.

–Audric…tuconnaisuncertainLucien?–Non,pourquoi?C’estqui?–Personne!

Ilal’airsincèrealorsjen’insistepasetl’embrasseavecpassion,ouavecdésespoir,jenesaisplustrop…J’hésiteuninstantàluidiremoiaussitoutelavérité,mais…jenepeuxpas…çalemettraitendangeretjenesuispascertainequ’Audricmepardonne.Jesuisrongéeparlaculpabilité,maisjen’aipaslechoix.

Chapitre7

Unesemaines’estécouléedepuisqu’Audricm’atoutavouéetjenemesenspasmieux.J’aitoujoursdumalàluifaireconfiance.Audricparttôtlematinetrentretardlesoir,cariladémissionnédupostequ’il occupait dans l’entreprise de son père pour créer sa propre affaire. Il veut ouvrir sa premièrebijouterieavantlesfêtesdeNoël.Ilpassesesjournéesenrendez-vousouàvisiterdeslocaux.

Jesuisseuledanscettegrandemaisonetjenem’ysenspasensécurité.

Évam’atéléphoné,cematin,pourmedirequelestravauxavançaientàviveallureetquejepourraisbientôtrécupérermonposte,maisjenesaispassic’estunebonneidée.J’aitellementpeurqu’onnes’enprenneencoreunefoisàsonécolededanseàcausedemoi,malgrélasurveillancequ’elleaprévudemettreenplace.

Je suis perdue dans mes pensées quand la sonnette retentit. Je me dirige vers la porte d’entrée,surprise.Avantd’ouvrir,jeregardelesécransdescamérasdesurveillance.Jemefige,unemainsurlecœur,et jepriepourqu’ilnes’arrêtepasdebattre.Aprèsdessemainesdesilenceradio, ilsepointe,ici…

Luciensetientsurleperronunecigaretteàlabouche.

Jeprendsunegrandeinspirationetmecolledosàlaporte.

Ilvapartir…ilvapartir…

– Je sais que tu es là, Caro… Je surveille cette maison depuis un certain temps ! Je te conseilled’ouvrirrapidementcetteporteavantquejememetteencolèreetquejelafasseexploser!

Jenerépondspas.Lecœurbattant,j’essuieunelarmequidégringolelelongdemajoue.

–Ouvrecetteporte!hurle-t-il.Sinonjefilem’occuperdetonnouveaup’titcopain!

Monsangseglace.Jesaisdequoiilestcapable.Jemetournefaceàlaporteetluirépondsassezfortpourqu’ilm’entende:

–LaisseAudrictranquille!Iln’arienàvoiravectoutça!–Peut-êtrepas,mais ilestextrêmementriche…Ouvrecetteputaindeporte!C’est ladernièrefois

quejeteledemande!

Ilnepartirapas,jelesais,commejesaisqu’iliras’enprendreàAudric.

–Jet’ouvre,maissachequ’ilyadescamérasdesurveillancepartout;situmefaislemoindremal,çaserafilmé!

–Oh,ça,jelesais,machérie,maissitun’ouvrespascettefichueporte,iln’yauraplusdecaméras,nidemaison,nid’Audric!Tuasdixsecondesoujefaistoutpéter!Un,deux,trois,quatre…

–OK!

Jetrembledelatêteauxpiedsquandjedéverrouillelaporteetquejel’ouvre.Ilestlà,etmefixed’unregardsombre.Ilaunemaindanslapoche,del’autre,iljettenégligemmentsonmégotavantdemelancerunsouriremachiavélique.

–Tucroyaispouvoirdisparaîtrecommeça?Sanspayercequetumedois?–Jenetedoisrien!Cesdettessontcellesdemonpère!crié-jeenfaisantunpasenarrière.–Alorslà,mabelle,jem’enbalance!…Maisjevoisquemadameestbieninstallée!

Ils’avanceendirectiondusalon.

Moi,jepaniqueetj’aideplusenplusdemalàmaîtriserletremblementdemesjambes.Jejetteunœildehorsparlaportelaisséegrandeouverte.J’espèrequ’Audricvarentrertardcommelesautresjours.Jenesaispascomment il réagiraiten trouvantcesalopard ici,mais jenedoutepasqueça tourneraitaudrame!

–Qu’est-cequetuveux,Lucien?Jen’aiplusd’argent!–Toi,non,maislui…–N’ypensemêmepas!Jeneluidemanderairien!–Tucroisça?

Jereculeencorefaceàsonaireffrayant.

Je suismorte de trouille pourAudric. Il s’approche à quelques pas demoi et continue d’une voixmenaçante:

–Tusaiscequejepourraistefaire,Caro?Oucequejepourraisluifaireàlui…S’ilmourait,qu’est-cequetudeviendrais?

Ilattrapebrusquementmonpoignet.Jen’aipasletempsderéagirquesonautremainserefermesurmagorge.Monestomacseretourne.Jen’arriveplusàrespirer.J’essaiedemedégager,maisilresserresonemprisealorsjem’immobilise.

–Nejouepasàcepetitjeuavecmoi,Caro!Jetedonnejusqu’àlafindelasemainepourm’apporterl’argentquetumedois,sinontonpetitamicrèvera!Tusaisquejeneplaisantepas!Tuascompris?

Jehochelatête.Ilmelâcheetjemanquedeperdrel’équilibre.Jereprendsmonsouffleetmefrottelagorge,cesalopardm’afaitmal.

Ilmedévisage,unsourirevicieuxauxcoinsdeslèvres:

–Tusaiscequetumedoisenplusdel’argent?

Jefrissonnededégoût.Jesaistrèsbienàquoiilfaitallusion.Jereculeencore,depeurqu’ilnes’en

prenneàmoimaintenant.

–Calme-toi,mabelle!Là,toutdesuite,jen’aipasletempsdem’occuperdetoi,petiteimpatiente…Maisquandtuviendrasmevoirenfindesemaine,jeteferailatotale!

–Tun’esqu’unenfoiré!hurlé-je.–Tuesbienloinducompte,map’tite!Situnefaispasexactementcequejetedis,jeteferaivivreun

enfer!

Ça,c’estdéjàfaitdepuislongtemps…

Je le fixe avec horreur. Je ne sais pas ce que je vais faire ni comment je vaisme sortir de cettesituation.

–Jefile,maisn’oubliepasd’êtreaurendez-vous!Àplus,mabelle!

Ils’éloigned’unedémarcheassurée tandisque jemeprécipitesur laportepour lafermer.Je titubejusqu’àl’escalieretmelaissetombersurlapremièremarche.Levisageinondédelarmes,jeréfléchisaux possibilités qui s’offrent à moi… Je dois trouver de l’argent de toute urgence et il est hors dequestionquejeréclamequoiquecesoitàAudric.Jenevoisqu’unepersonnecapabledem’extirperdecettemerde.Jesorsmonportabledemapocheetcomposelenumérod’Éva.

C’estmondernierespoir.

–Salut,Caro!Commentvas-tu?JustementnousparlionsdetoiavecAlex!–Bien,merci…Quandremontez-vousdanslecoin?–Nous revenons d’un voyage enAngleterre, donc nous allons rester un peu surCassis,mais nous

envisageonsdevenirdansquelquessemainesàParis.Ilfaudraqu’ons’organiseunrepastousensemble!CommentçavaavecAudric?

–Merveilleusementbien,mais…

Jenesaispascommentlancerlesujetalorsjenefinispasmaphrase.

–Qu’est-cequisepasseCaro?–Jesuisdanslamerde,mapoule…–Jesuislà,Caro,raconte-moitout!– J’ai degros soucis d’argent et je nepeux riendemander àAudric, déjà que sonpère en a après

moi…–Àquidois-tucetargent?s’inquiètemonamie.–Jenepeuxrientedire,Éva…–Oh,merde,Caro!Nemedispasquetuprendsdeladrogue?–Tuesfolleouquoi!Jamaisdelaviejeneprendraicettesaloperie!J’aidesdettesetcommetule

sais,j’aiarrêtédemeprostituer!–OK.Jetefaisconfiance.Combientefaut-il?–Dixmilleeuros…,bredouillé-je,honteuse.–Jevaistefaireunvirement,Caro,maisilvafalloirquetucessesdetemettredanscesgalères!–Jesais,Éva…Jesuisvraimentdésoléeetjeterembourseraidèsquejelepourrai!

–Ne te casse pas la tête pour l’argent !Ce que je désire surtout, c’est que tu sortes de toutes cesembrouilles!

–Jet’assurequejefaistoutmonpossiblepourfuirtoutecettemerde,maisellesemblemecolleràlapeau…

–JevoudraistellementtevoirheureuseetenpaixavecAudric…Situasdessoucis,jepeuxcontacternotreavocat!

–Merci,maisçavaaller.

Jenesouhaitesurtoutpasl’impliquerdanstoutecettehistoire.Jerefusedelamettreendanger.

–OK,jesuislà,situasbesoin!–Merci,Éva!Àbientôt,bisous.–Bisous.

Jeraccroche,lecœurlourd.Sij’avaislasolutionmagiquepourmesortirdecemerdier,jen’enseraispaslà,àmendierdel’argentàmesamis.Jesuismalbarrée…Jeviensderepousserleproblème,maisqu’est-cequejevaisfairelemoisprochainquandilfaudraànouveaudonnerdel’argentàLucien?

Jemonteprendreunedouchepourmedétendreet,enrouléedansuneserviettedebain, jem’installesur le canapé. Je zapped’une chaîne à l’autre,mais rien nem’intéresse.Mon regard est constammenthappéparlapendule.Ilestplusde21heuresetAudricn’esttoujourspaslà.Ilvaencorerentrertard…Je me sens de plus en plus seule. Je sais qu’il fait tout ça pour nous, mais le voir si peu me rendmalheureuse.

Jem’endors,épuiséepartoutescesémotionsfortes.

Chapitre8

Jesuisréveilléeparunedoucecaresselelongdemajambe.Jereconnaistoutdesuiteleparfumquiflottedansl’air.Leslèvreschaudesd’Audricsepromènentsurl’intérieurdemacuisse.Ilestàgenouxdevant le canapé, encore en costume. Il fait sombre, seule la télévision éclaire la pièce. Ses mainsexpertesfontglisserlaserviettedebainpours’emparerdemapoitrine,puisellesécartentmesjambes.Je suis allongée sur le dos, les yeux rivés au plafond, lorsque sa langue se faufile dans mes replishumides.C’esttellementdélicieuxquejelâcheungémissement.Quelledoucetorture…

Sa bouche me dévore comme on dévore une gourmandise. Mes mains se perdent dans sa sombrechevelure.Salangueaccélèrepuisralentit.Sesdoigtsécartentmeslèvresets’enfoncentenmoi.Jemecambredeplaisir.Sarespirationdevientchaotiqueenmevoyantmetortillerdedésir.Ilseredressepourretirersavestedecostume.Jesuisimmobile,subjuguéeparcemagnifiquespectaclequis’offreàmoi.Ilmesouritendécouvrantque je l’observeetenlèvedoucement le restedesesvêtements.Sesyeuxsontancrésauxmienscommelesétoiless’accrochentauciel.Toutchezcethommeestsublime;ses largesépaules,sesabdosparfaits,satailleétroiteetsescuissesmusclées…

Lefantasmevivantdetouteslesfemmes!

Ilglisseungenouentremesjambes,sepositionneau-dessusdemoiets’appuiesursesavant-bras.

Ilmedévoreduregard.

–Tuesmagnifique,chuchote-t-il.

Il sepenchepourm’embrasserdoucementpuis, emportésparunemêmepassion,nousnouscollonsl’unàl’autre.Ilcouvresonmembredurcid’unpréservatifpuiss’enfonceenmoi.Jeretiensmonsouffle.

Il change de rythme plusieurs fois.Mon corps est en ébullition. Ses coups de reins s’accélèrent etdeviennentprofonds.Unevaguedeplaisirdéferleenmoi,jejouisetm’accrochedetoutesmesforcesàses épaules. Dans une dernière poussée, Audric me rejoint au septième ciel et lâche un râle à fairetremblerlesmurs.Ilselaissetomberlourdementsurmoi.Sonvisageenfouidansmoncou,sonsoufflechauds’apaisepeuàpeu.

Jereprendsdoucementmesesprits.Jetendslebraspourallumerlalampesurlapetitetableàcôtéducanapé.La lumièrem’éblouit, jemets quelques secondes àm’adapter, puismes yeux se posent sur lapendule.Magorgesenoueenvoyantl’heure.Ilest3heuresdumatin,jemedemandebiencequ’ilafait,etoùilétaitpendanttoutcetemps.Jemeraidissanslevouloiretillesent,alorsilrelèvelatêtepourmedévisagerdesesgrandsyeuxverts.

–Quesepasse-t-il,monange?–Rien…c’estjustequ’ilesttard…

–Oui,jesuisdésolé.

Ilseredresse,s’assiedetprendmesjambessursesgenoux.

–Encemoment,jesuisdébordé.Avecmonéquipe,onfaittoutcequ’onpeutpourfaireavancerleschosesauplusviteetpouvoirainsiouvriravantlesfêtesdeNoël,maismonpèrememetdesbâtonsdanslesroues!

–Pourquoifait-ilça?C’estàcausedemoi?–Oui,etilnesupportepasquejepuissevolerdemespropresailes.Aujourd’hui,nousavonsenfin

trouvéunmagnifiquelocal.Jeteprometsquejeseraiplusdisponiblepourtoi,àl’avenir.Tucomprends,c’esttellementimportant,c’esttoutenotreviequiendépend!

–Jenetefaisaucunreproche,Audric.C’estjustequejemesensseule,toutelajournée,ici…–Mon ange, je suis désolé…Tu veux que je vienne te chercher, demain àmidi ?Nous pourrions

déjeunerensemble.–Oui,j’aimeraisbeaucoup,réponds-jeensouriant.–Trèsbien,jepasseraiteprendreàmidipile,carjen’auraipasbeaucoupdetemps.Et,toi,dis-moi

cequetuasfaitaujourd’hui.

Jem’assiedsàmontouretremontemesgenouxcontremapoitrine.Jevoudraistellementmeconfieràlui et lui parler de la visite de Lucien, de ses menaces, et de ce qu’il va me faire subir en fin desemaine…Uneprofonderépulsions’empareànouveaudemoiàcettepensée.

Je sais trèsbienqu’il va abuserdemoi, comme ladernière fois, et que jedevraime laisser faire.J’ignoresij’aurailaforcedesurvivreàça,maisjen’aipaslechoix,paslamoindreportedesortiedesecours.Jeréponds:

–Alors, aujourd’hui… je n’ai rien fait, comme d’habitude…Ah si ! J’ai euÉva au téléphone. IlsviendrontbientôtàParisetnousorganiseronsunrepastousensemble.

–Trèsbonneidée.–Lestravauxdel’écoleavancent,jepourraibientôtreprendremonjobettoutiramieux!

Jeprononcecesderniersmotssansvraimentycroire,maisjedoisfairebonnefiguredevantAudric.Ilnedoitsedouterderien.Jenesuispasfièredeluimentirainsi,maisjedoisleprotéger.

Ilm’enlaceetmeserrefortcontrelui.C’estunmomentmagiquequifaitdubienetquejegravedansmamémoire.

Auboutd’unmoment,épuisés,nousmontonsnouscoucher,maisjenedorspas.Jepenseàcequivam’arriveràlafindelasemaineetàcequejevaisendurerpourresterenvieetprotégerl’hommequej’aimeplusquetout.

Chapitre9

Jeprendsmonsac,mesclés,etjefileendirectiondel’arrêtdebus.MaintenantquejesaisqueLucienconnaîtl’endroitoùj’habite,jenesuisplusenpaix.Jemarcheàviveallure,ilfaitdéjàtrèschaud,cematin. Je patiente ensuite à l’arrêt de bus et j’espère qu’il va vite arriver, je ne suis pas à l’aise.J’observeautourdemoietmonregardaccrocheunesilhouette.C’estunhommedepetitetaille,lecrânedégarni.Ilporteunevestelongue,cequimesurprendaveccettechaleur.Appuyénégligemmentcontrelemuràl’angledelarue,ilmefixedesesyeuxnoirscommelesténèbres.Jemedéplacepournepluslevoir,cethommemefaitfroiddansledos.Lorsquelebusarrive,jem’yprécipiteetm’installesurlesiègederrière le chauffeur. Jeme retourne plusieurs fois pour être certaine qu’il nem’a pas suivie. Le busdémarreetjepeuxenfinrespirer.

Unmomentplustard,jesonnechezmonamiThomas.Lorsqu’ilm’ouvre,jemejettedanssesbras.Jesuissiheureusedelerevoir.Ilmeserrecontreluietdéposeunbaisersurmonfront.

–Salut,mabelle!Jesuiscontentdetevoir.J’étaisinquietdeneplusavoirdetesnouvelles.

Ilm’entraînedans la cuisine et nousversedeux tasses de café. Jem’installe à table, face à lui. Jeremarqueseulementqu’ilesttorsenuetqu’ilneportequ’unbasdesurvêtement.Sesyeuxsontcernésdenoir,alorsjedemande:

–Tuasbossécettenuit?–Oui,maisparlonsplutôtdetoi!Tunousmanquesauclub,ettuhabitesoù,maintenant?Ilyades

rumeursquicirculentcommequoituvisavecunhomme…–Oui…–Es-tuheureuseaveclui?–Ilestadorableavecmoi.–Alors,c’estl’essentiel!–Quoi…c’esttout?Tunemefaispaslamoraleettunemedispasdefaireattentionparcequetous

leshommespensentàlamêmechose?Tuesbizarrecematin!–Non,c’estjusteque…OK!Jeteracontetout!J’aiunecopine…–C’estcool!Quiest-ce?–Euh…tulaconnais,c’estKaren…–Quoi?Karen?C’estuneblague?–Non.–Benmince,alors,jenel’aipasvuevenircelle-là!–Pourtouttedire,moinonplus!plaisante-t-il.

Sonsourireéblouissantmeréchauffelecœur.Jesuisheureusedelessavoirensemble,cesdeux-là!

–C’estpourcetteraisonquejen’aiplusdesesnouvelles!Elleétaitbientropoccupéeavectoi!–Sûrement!Alors,raconte-moitavie!

–J’habitedansunegrandeetbellemaisonavecAudric,etjetravailledansl’écolededansed’Éva.Enfin…encemomentelleestferméepourdestravaux,carelleaétévandalisée.

Nousbuvonsdeuxautrescafésetdiscutonsunlongmoment.Jesuistellementbienquejenemerendspas compte du temps qui passe. Il est déjà midi. Audric doit m’attendre à la maison. Je décide del’appeler pour qu’il vienneme chercher enbas de l’immeubledeThomas.Quand il arrive, je grimpedansle4x4etl’embrassetendrement.

–Qu’est-cequetufaisaisdanscequartier?questionne-t-ilendémarrant.–Rien…Jesuisvenuevoirunami.–Unami?Quelami?–Thomas,tusais,jet’enaiparlé,ontravaillaitensembleauclub.

JefixeAudricuninstant,etremarquequelestraitsdesonvisagesonttendus.

–Quelquechosenevapas?demandé-je,soucieuse.–Toutvabien!C’estjusteque…jeveuxtoujourssavoiroùtutetrouves!–Jesuissoussurveillance,maintenant?

Montonestcinglant,maisjerefused’êtrefliquée,etqu’onmeprennelepeudelibertéqu’ilmereste.

–Netefâchepas,Caro,c’estseulementque jesaisdequoimonpèreestcapableet jesuis inquietpourtoi.

–Etdequoiest-ilcapable?–Jeneveuxpasparlerdetoutçaavectoi!Jedésirejustequ’àl’avenir,tumetiennesaucourantde

tesdéplacementspourquejepuisseteprotéger!–Oui,ehbienmoi,j’enaiassezdepassertoutesmesjournéesenferméedanscettegrandemaisonoù

tun’esjamais!m’emporté-je,àboutdenerfs.–Jenevaispas te réexpliquer l’importancede toutceque je faisencemoment ! Il fautque tume

fassesconfiancesituveuxqu’ons’ensortetouslesdeux.J’auraiplusdetempsàteconsacrerensuite,jetelepromets.

J’ail’impressiond’êtreuneenfantpourriegâtéequifaituncaprice,j’aihontetoutàcoup.

–Jesuisdésolée,Audric…Lasituationestdifficilepourmoietjesuisàfleurdepeauencemoment.Jesaisquetufaistouttonpossiblepourassurernotreavenir.

–Cen’estpasgrave,monange.Cen’estpassimplepourtoi,toutesceshistoires.

Non,cen’estpassimple,etencoretunesaispastout.

–Jenevaisplusavoirletempsdedéjeuneravectoi,jedoisrepartir,j’aiuneréunionimportante.Jevaisteraccompagner.

Ilme dépose devant l’entrée de lamaison après un dernier baiser plein de promesses. Je reste uninstantimmobilesurletrottoir,lesyeuxperdusdanslevague.Magorgenouéeenditlongsurl’enviequej’aidemeretrouverànouveauseuledanscettemaison.Leventchauddecedébutd’étébalaiequelquesmèchesdecheveuxsurmonvisageetmeramèneàlaréalité.

Jepasse leportillon, traverse lacouretpénètredans lehalld’entréesilencieux.Jesoupireetentredanslacuisine.J’aifaim,jevaismefaireunsandwich.J’ouvrelefrigoetsaisisleplateaudefromages,puisjemetournepourleposersurleplandetravail,maisjesuisstoppéenetdansmonélan.

Moncœurrateunbattement.

Lepèred’Audricsetientàl’entréedelapiècedansuncostumeaussisombrequesonregard.Ilmefixeavecunairécœurésurlevisage.Leplateaum’échappedesmainsetsebriseenmillemorceauxàmespieds.Jereculeettremblequandilfaitunpasenavant.

–Quefaites-vouslà?questionné-jed’unevoixétrangléeparl’émotion.–C’estplutôtàmoidevousledemander!–Jevisici!–Oui,jelesais!Maiscequej’ignore,parcontre,cesontlesvraiesraisonsdevotreprésencedans

cettemaison.Quecherchez-vousàavoirenplusdel’argentquevotrepèrem’avolé?–Quoi?Mais…jen’aijamaiseucetargent,vousvoustrompez!–Nemeprenezpaspourunimbécile,jenesuispasmonfils!Jesaistrèsbienquevouspossédezcet

argent.Sivousêtesiciaujourd’hui,c’estuniquementpourprofiterdemonfils!Vousenvouleztoujoursplus,commevotrepère!

Sacolèremefaitfroiddansledos.

– Je ne suis pasmonpère et je ne profite pas d’Audric ! Je l’aime,mais l’amour est un sentimentinconnupourvous!

– Vous l’aimez ?Mais connaissez-vous réellement mon fils ? Savez-vous qu’il enquêtait sur vousdepuisdesmois?Quedepuistoutcetemps,ilépiaitvosmoindresfaitsetgestes?

–Oui,jesuisaucourant,ilm’atoutdit!

Sonassurances’évapore.Ilestsurprisetrestesansvoixuninstant,maisçanedurepas:

–EtsijeluiparlaisdeLucien…

Jemefige,lecœurbattantàtoutrompre.J’ail’impressiondemanquerd’air.Unsouriredevainqueurapparaîtsurseslèvres.Ilsaitqu’ilvientdemetoucherenpleincœur.Livide,jerelèvelementonpourlefixerdroitdanslesyeux.

–Jenevoispasdequivousparlez!–Ah,non?Quevapensermonfilsenapprenantquetouslesmoisvousdonnezdegrossessommes

d’argentàcetindividuetqu’enplusvousvousfaitesbaiser?

Jeblêmisencoreplus.Monsangsembleavoirdésertémoncorps.

Jesuisfichue…

SiAudricdécouvrequejeluimensdepuisledébut,ilmeraieradesavie…

–Vous n’êtes qu’une vulgaire putain !Mon filsméritemieux que vous ! Rendez-moi cet argent et

disparaissezdesavie!– Je vous répète que je n’ai pas cet argent ! crié-je en sentant les larmes monter. Vous croyez

réellementquesijel’avais,jemèneraiscetteviedemerde?Quejemeseraisprostituée?–Toutcecin’estqu’unecouverture!insiste-t-il.–Vousêtesbienplusconquejelepensais,nepuis-jem’empêcherdelancer.

Samains’abatsivitesurmonvisagequejen’aipasletempsderéagir.Jesuispropulséecontrelemuretjegrimacededouleur,legoûtdusangdansmabouche.Ilsedressedevantmoi.Lediableauraitbienpâlefigureàcôtédecethomme.Jeposelamainsurmajouepouradoucirlabrûlurequimeparalyselecôtégaucheduvisage.Jelefixe,terrorisée.

– Ne jouez pas avec moi ! Vous ne savez pas de quoi je suis capable pour récupérer ce quim’appartientetpourprotégermonfils!Fairesaccagerl’écolededansen’étaitqu’unepartiedeplaisiretdevaitvousservird’avertissement…

–Vousêtesunmonstre…bredouillé-jeentremeslarmes.–C’est exactement cequem’aditvotrepèrequelquesheuresavantdemourir…susurre-t-il enme

souriant.

Jesuisàlalimitedevomirenentendantcesmots.Sepourrait-ilqu’ilsoitresponsabledel’accidentquiatuémafamilleainsiqueGabriel?MonDieu…C’estluiaussiquiafaitsaccagerl’écoled’Éva?

–Jepeuxvousfairedisparaîtredelasurfacedelaterreenmoinsdetempsqu’iln’enfautpourledire,continue-t-il.Jevouslaissejusqu’àdimanchepourm’apporterl’argentoujedévoilerailavéritésurvousàAudric!

Aprèsundernierregardhaineux,ilmejettesacartedevisite,quitombeàmespieds.

–Voicimonnumérodetéléphone.

Ilfaitvolte-facepourdisparaître.Jesais,maintenant,quisetrouvaitdanslamaisonlesoiroùj’aieusipeur…Jerepenseàcequ’ilm’aditetjesupposequec’étaitAudricl’hommedontmatantem’avaitparléautéléphone,celuiquicherchaitdesinformationssurmoi.

Cen’estpasvrai,jenageenpleincauchemar…

Mesjambessedérobentsousmoi.Jem’écrouleausol.Jeramènemesgenouxcontremapoitrinepouryenfouirmonvisage.Jesuissecouéedesanglotstandisquejemedemandecequejevaisdevenir.

Jen’aipascinquantesolutionsquis’offrentàmoi,jen’enaimêmequ’une:jedoisdisparaître…Sij’avouetoutàAudricsurLucien,ilvamehaïretmequitter,alorsquelui,ilaeulecouragededéfiersonpère,demettresonavenirenjeupourmoietdem’avouerlavérité.

Ilnemepardonnerajamais.

Chapitre10

Jemonteprécipitammentdansnotrechambre,sorslesvalisesdudressingetcommenceàlesrempliravec tout cequimepasse sous lamain. Je suis bouleversée. Je ne réfléchis plus, nepenseplus,moncorpsbougecommeunautomate.Jenesaispascequejevaisdevenir,maislà,toutdesuite,jevaismecacheràl’écolededanse.

–Quefais-tu?

Jesursauteetmeretourne.C’estbienmachance,pourunefois,Audricaterminésontravailplustôt!

–Je…je…

Jesuisincapabledefinirmaphrase.Lesbattementsaffolésdemoncœurm’enempêchent.Leslarmesdévalentmesjoues.

–Quit’aprévenue?demande-t-ilenmefusillantduregard.

Jelefixe,surprise.

Dequoimeparle-t-il?

–Tutesauvaisavantquej’arrivepournepasavoiràm’affronter!continue-t-il,horsdelui.–Qu’est-cequeturacontes?–Nemeprendspaspouruncon!

Ilhurlequandiljetteuneenveloppemarronàmespieds.Jesuisperdueetjenecomprendsrienàcequi se passe. J’ignore totalement ce qu’il me reproche. Serait-il déjà au courant pour Lucien ? Non,impossible…Sonpèrenebousilleraitpassonseulmoyendepressionsurmoi.Ils’agitd’autrechose.Jem’accroupispourramasserlafameuseenveloppe.JejetteunregardinquietàAudricetl’ouvre.

Jem’immobiliseetj’écarquillelesyeuxdevantlesphotosquejetiensentremesdoigts.DesclichésdemoidanslesbrasdeThomasquiesttorsenu.Vussouscetangle,nousressemblonsàdesamantsquise quittent après avoir fait l’amour…Elles ont été prises sur son palier quand je lui ai rendu visite.L’hommelouchehabilléàl’arrêtdebusmerevientenmémoire.Çadevaitêtreunjournalisteoujenesaisquoi!IladûmesuivrejusquechezThomas…

–Tun’asrienàmedire?–Quiapriscesphotos?–Jenesaispas!Jelesaitrouvéessurlepare-brisedemon4x4!

Audricsemblebrisé.Jeleregardeuninstant,puisjefixeànouveaulesphotos.Jetienslàmachancededisparaîtredesavie.S’ilmedéteste,ceseraplusfacilepourluidem’oublier.Sijeluidisqueces

photossontunmalentendu,ilnemelaisserapaspartir.Jerivemesyeuxauxsienset,lecœurbrisé,jeluimens:

– Je suis désolée… Je… je voulais te le dire de vive voix. J’aime Thomas, toi etmoi, c’est uneerreur…

–Quoi?Tutemoquesdemoi?J’aifoututoutemavieenl’air!Sais-tuàquoij’airenoncépourvivreavectoi?Dis-moiquec’estuneplaisanterie…

Il s’approcheet tentede saisirmesmains,mais jem’écarte et je tented’ignorer ladouleurquimetraverselapoitrine.Jel’aimetellement.Luimentiretlefairesouffrirm’estinsupportable,maisjen’aipaslechoix.SonpèreluidiralavéritésurLucienetjeleperdraidetoutefaçon.Jedoisleprotéger.

–Jecroyaisquetum’aimais,Caro…Je…jenecomprendsplusrien…Commentj’aipuêtresinaïfetmelaissermanipulerdelasorte?Monpèrearaison,jenesuisqu’unimbécile!Tuvoulaismonargent,tu as toutmanigancé pour que je tombe amoureuxde toi, et ainsi tu pouvais vider tranquillementmoncompteenbanque…

Jesuisprofondémentblesséequ’ilpuissepensercelademoi,mais,enmêmetemps,j’aitoutfaitpour.

–Oui…c’estça…bredouillé-je,anéantie.

Cesderniersmotsm’écorchentleslèvres.J’attrapemesvalisesetmedirigeverslaporte.Ilmefaitbarrageetsembledésespéré.Desesmainsagitées,ilsaisitmonvisagepourm’obligeràleregarder.Sesyeuxtourmentésplongentdanslesmiens.

–Osemedirequetunem’aimespas!

Je reste immobile, incapable de prononcer lemoindremot. Jamais je ne pourrai lui dire que je nel’aimepas,ilesttoutemavie…

–Tunecomprendspas…jedoispartir,Audric,chuchoté-je.

J’essaiedelecontournerànouveau.Ilmeretientenm’attrapantparlepoignet.

–Pourquoi?CeThomastefait-ilchanter?–Non!Jamaisilneferaitunechosepareille!–Alorsqu’est-cequ’ilsepasse?Jenetecroispasuninstant!–S’ilteplaît,Audric,laisse-moipartir,lesupplié-jeàboutdeforce.Jesuisdésolée…

Sesyeuxs’emplissentdelarmes.Moncœursedéchiredelevoirsimalheureux.

Jedégagemonbraset,cette fois, ilme laissem’enaller.Je longe lecouloirdansunétatsecondetdescendsl’escalierlesjambesflageolantes.Unefoisdanslehalld’entrée,jecherchemonsacàmain.Jedéposelesclésdelamaisonsurlaconsole,jen’enauraiplusbesoin.Avantdesortir,jemetournepourobserverleslieuxunedernièrefoisetjedécouvreAudricenhautdel’escalier.Ilsembleabattu.Ilmefixe avec incompréhension et désespoir. J’ouvre la porte et sors précipitamment pour ne pas changerd’avisetmejeterdanssesbras.Jevoudraistantluidirequejel’aimeplusquetout,plusquemapropre

vie…

J’arriveunmomentplustardàl’écolededanse.Lecœurlourd,j’observel’avancéedestravaux,c’estpresqueterminé.Degrandesbâchesenplastiqueprotègentlemobilier,lesportesetlesfenêtres,cequidonneunairlugubreàl’ensemble.Jevaisdanslasallederepos,oùjevaism’installerenattendantdevoircequejevaisdevenir.Jeposemesvalisesdansunangledelapièceetmelaissetombersurundescanapés.Jesorsmonportableetlefixeuninstant.JechercheÉvadansmescontactsetlancel’appel.Jedoisl’informerdemaprésenceici.

–Salut,Éva!Jenetedérangepas?–Non,mapoule!Jesuisheureusedet’entendre!Toutvabien?–Oui…Enfin…jesuisàl’écolededanse…–Maislestravauxnesontpasterminés,s’inquiètemonamie.–Jesais.Cequejeveuxdire,c’estquejevaisvivreici…–Quoi?MaisjecroyaisquetoutallaitbienavecAudric?–Moiaussi,jelecroyais…–Mince…Tut’esdisputéeaveclui?–Oui,etducoup,jenesavaispasoùaller.– Il est hors de question que tu vives aumilieu des travaux ! Tu vas t’installer chez nous ! Nous

n’allonspasrentreravantplusieurssemaines,tuyserastranquille.Jevaisprévenirleservicedesécuritépourqu’ilstedonnentunpass,tun’aurasplusqu’àlerécupérer.

–Merci,Éva.Jenerefusepastonoffre,carjesuisvraimentdésespérée,là…

Jeravalemeslarmes.Cen’estpaslemomentdecraquer.

–Jesuisdésoléepour toi,Caro.J’étais tellementsoulagéede tesavoirà l’abriauprèsd’Audricetsurtoutloindumondedelanuit.Tuavaisl’airsiamoureuse.Ques’est-ilpassé?Jenecomprendsplusrien!

–C’est compliqué ! Pour commencer, son pèrem’amenacée pour que je quitte son fils et ensuitequelqu’unm’afaitsuivreetonm’apriseenphotodanslesbrasdeThomas…

–Quoi?TufréquentesThomas?–Maisnon,Éva!Tusaistrèsbienquecen’estqu’unami!Laphotoaétéprisequandilmeserrait

danssesbraspourmedirebonjouret…ilétait torsenuàcemoment-là…mais jen’yétaispourrien,promis,mejustifié-je,malàl’aise.

–Tuasvraimentlechicpourtemettredansdessituationspaspossibles!–Etc’esttoiquidisça!m’agacé-jeenrepensantàtouteslesgalèresquemonamieatraversées.–Bon,OK,jenesuispasmieux.Tucroisquec’estsonpèrequiaengagéunphotographe?–Jenesaispas.

JepenseàLucien,àAndréa,àDubretetàtouslesennemisdemonpère.Ledécouragements’emparedemoi.Commentmesortirdeceniddefrelons?

–Quoiqu’ilensoit,tuvasallervivreàl’appartement,tuyserasplusensécuritéetenpaix.–Oui,c’estcertain.–EtavecAudric,ils’estpasséquoi,exactement?

Je réfléchisquelquessecondes, jedois faireattentionàceque je luidis.Ducoup, jedécidede luimentirunefoisdeplus:

–Ilaquelqu’und’autredanssavie…–Quoi?Impossible!–Jet’assurequesi!Elles’appelleAndréaetilsdoivents’unirdepuisleurplusjeuneâge!–Jen’enrevienspas,quelenfoiré,cetype!Tuenescertaine?–Oh,oui!–Pourquoitefairecroirequ’ilt’aimait,alors?–Jel’ignore.– Cette histoire est dingue ! Bon, je dois te laisser, Alexm’attend. Je vais prévenir le service de

sécuritépourqu’iltedéposeunpassàl’accueildelatourLaroche.Tut’installerasdanslachambrequetuprendshabituellementet,surtout,faiscommecheztoi.Lecongéloestplein,tun’aurasmêmepasbesoindefairelescourses.

–Mercibeaucoup,Éva!–Derien,etfaisattentionàtoi!–Promis.

Je raccroche, le cœur un peu plus léger. Je me sentirai bien et en sécurité dans le magnifiqueappartementterrassedemesamis.Jerécupèremesvalises,sorsdel’écolededanseetprendsbiensoindetoutverrouiller.Jemarchesurletrottoirlesyeuxrivésaubitume.J’observelesirrégularités,lestrous,lestaches.J’avanceenayantl’impressiond’avoirtoutelamisèredumondesurlesépaules.J’essaiedetoutremettreenordredansmatête,cequin’estpaschosefacile.Jesaismaintenantqu’Audricenquêtaitsurmoidepuisplusieursmois,cequisignifiequec’estluil’hommedontmeparlaitmatante.Est-celuiaussiquiacambriolémonappartement?EtquiaétévoirLilipourmefaireperdremontravailetmaclientèle?Ledoutes’insinueenmoietuneimmensecolèrem’envahit.Est-cequej’aiéténaïveaupointde me laisser manipuler de la sorte ? Les paroles de son père me reviennent en mémoire : « C’estexactementcequem’aditvotrepèrequelquesheuresavantdemourir…»

Aurait-ilassassinémafamille?

Un frisson me parcourt la colonne vertébrale. Je suis en enfer, ce n’est pas possible autrement !Maintenantjesuiscertainequec’estcetenfoiréquifoutlebordeldansmavie!Etquiasûrementessayédemerenverserenvoiturel’autrejour.

JemettaistousmessoucissurledosdeLucien,mais,maintenant,jepensequ’Audricetsonpèresontresponsables de grand nombre demesmalheurs… Je réalise la portée demes pensées et me prendscommeuncoupdepoingdanslapoitrine.Jen’aiétéqu’unemarionnetteentreleursmains…

Audricn’estpassidifférentdesonpère…

Jemontedanslebus,puislemétroetj’arriveenfinaupieddelatourLaroche.Jerécupèrelepassàl’accueiletempruntel’ascenseur.J’ail’impressiond’êtrehorsdemoncorps,devoirtoutelascènedel’extérieur.

Jemesensvide…

Je pénètre dans l’immense appartement. Les lumières s’éclairent toutes seules, la magie dumodernisme. Je me dirige dans le couloir à gauche de l’ascenseur et j’ouvre la deuxième porte. Jeretrouvecettechambrequim’estsifamilière.Jerepenseàmatentativedesuicideetauxquelquesjoursquej’aipassésdanscettepiècepourmereposer.

Un silence pesant règne sur les lieux, je décide d’allumer la télévision, puis je fouille dans lecongélateurettrouveunepizzaauxchampignons.Jelaglissedanslefouretj’ouvreunebonnebouteilledevin.Mon téléphone semet àvibrerdansmapoche.Tandisque je remplisunverre, je regardequim’adresseunmessageàcetteheure.

[Oùes-tu?Jem’inquiète.]

C’estuntextod’Audric.Ils’inquiète?C’estlameilleure,celle-ci!Unecolèrenoirem’emporteetjenepeuxlacontenirpluslongtemps,alorsjetapeàtoutevitesseuneréponse:

[Hypocrite!Jesaisquetutemoquescomplètementdemoi!Toutcequit’intéresse,c’estl’argentquemonpèrevousavolé!Jesuisaucourantquec’esttoiquim’asfaitperdremontravailauLoupblancet

maclientèle!]

Je ne suis sûre de rien,mais je décide de prêcher le faux pour savoir le vrai. Peut-être que jemetrompe…Pourdirevrai,jel’espère,maisquandjereçoislaréponsed’Audric,jemedisquelavieestbiendécidéeàmejouerdevilainstours.

[Tuasraison,c’estmoi.Jedevaistefairetoutperdrepourvoirsitutrouvaisdel’argentailleurs.Jeveuxqu’onenparlefaceàface,oùes-tu?Jevaisvenir.]

J’ai l’impression d’avoir un trou béant à la place du cœur. Audricmement depuis le début et jeréalisequesiLucienaabusédemoi,c’estsafaute…MonDieu…L’enferquej’aivécuestdûàl’hommequej’aimeplusquetoutaumonde.

Jetapeunderniermessageavantdem’effondrersurlecarrelagefroiddelacuisine.

[Jeneveuxplusjamaistevoir.]

Deslarmesamèressillonnentmonvisagetandisquej’éteinsmontéléphone.Jenesaispascequejevais devenir,mais ce dont je suis certaine, c’est que je ne lui pardonnerai jamais. Je ne pourrai pasoubliertoussesmensongesnitoutcequej’aiperdu.

Audricestunsalopard,commesonpère!

Uncrim’échappequandjebalancemonverrecontrelemur.Ilsebriseenmillemorceauxtandisquelevinrougedégoulinesurlapeintureblancheetlesol.Jecachemonvisagedansmesmainspourpleurer.Çafaitsimalquej’ail’impressionquel’onm’arrachelecœurdelapoitrine.

J’aimeraistellementqu’ilressentelamêmechosequemoi.

Enfindesemaine,jedevraiallervoirLucienpourlepayer,maisencequiconcernelepèred’Audric,

jem’enmoquecomplètement.Jeneluidonneraipasuncentime.Detoutefaçon,ilpeutbienracontercequ’ilveutsurmoiàsonfils,çan’apluslamoindreimportance.Qu’ilsaillentaudiabletouslesdeux.JevaispayerLucienetessayerdemeconstituerunenouvelleclientèle.Jen’aipaslechoix,jevaisdevoirrecommenceràvendremoncorpspourm’ensortir,maisentrenous,celanemedérangeplustrop.Moncorpsestmort…monâmeetmoncœuraussi…

Chapitre11

Assisesurunechaiselongue,prèsdelapiscine, j’allumeunecigarette.Jefais tournerdistraitementmon verre de vin entremes doigts tandis quemon regard se perd dans les volutes de fumée.Depuisquelques jours, levinet le tabac sontmes seulesoccupations. Je suis ivredèsmon réveil jusque tarddanslanuit.Jepasseleplusclairdemontempssurcetteterrasseàobserverlenéantabsoludemavie.Plusrienn’ad’importanceàmesyeux.Jesuissiprofondémentmeurtriequejesuiscommeunecoquillevide.

Montéléphonevibredansmapoche.Encoreunmessage.Jelerécupèreetregardel’écranensachantdequiilvient.Audricn’adecessedem’enenvoyer.

[Oùes-tu?Ilfautquenousparlions.Notrehistoirenepeutpassefinirainsi.Réponds-moi,Caro,jet’ensupplie.]

Jereliscemessageplusieursfois.Monestomacsecontracteetjedeviensnauséeuse.

UnautreSMSarrive,jesoupireetl’ouvre.

[Tumemanquestant.Tun’aspasledroitdetireruntraitsurnotrehistoiredecettefaçon.Jet’aime,Caro.]

Leslarmesauxyeux,jenerépondspasetrangemonportable.

Jelehaisautantquejel’aime…Jeneveuxplusjamaislevoirnientendrelesondesavoix.Sonpèreetluiontbousillémonexistence!

Jefinismonverred’untraitetj’attrapelabouteilleposéeàmespieds.Elleestvide.Jesoupireenlareposant. Heureusement pour moi, Alex a une cave à vin presque aussi grande que mon ancienappartement.J’ai lecorpset l’espritengourdis.Hier, j’aiétéàmabanquepourretirer l’argentqu’Évam’aviré,et,cesoir,jedoismerendredansletrouàratsdeLucienpourleluiporter.Àcettepensée,moncœurs’emballeetunesubiteenviedevomirmeprend.PeuimportecequemeferaLucien,plusrienn’ad’importance.Ilpeutmêmemettrefinàmavie,jem’enmoque.Jedécidederentrer,c’estbientôtl’heurepourmoidepartir. Je jette la bouteille dans lapoubelle extérieure, écrasemonmégotdansunpot defleursavantdetituberjusqu’àmachambre.

Jerassemblel’argentdansuneenveloppequejeglissedansmonsacàmain.Jesaisislepassetmedirigeversl’ascenseur.Jesuisaffreusedansmonvieuxjeantroué,maisjesuisbiendécidéeàdéplaireàLucien.Matêtetournelégèrementquandlacabinecommencesadescente.Jem’observedanslemiroiretnemereconnaispas.Monvisageestpâleetmesyeuxcernéssemblentvidesde touteexpression.Mescheveuxlâchésetemmêléssontpitoyables.Jemonteensuitedanslepremierbusquipasse.Jeveuxviteenfiniravectoutcecipourrentreretouvriruneautrebouteille.

***

Je suis devant l’entrée du taudis qui sert de bar, et surtout de couverture, à Lucien. Je balancemacigarettedanslecaniveauetpousselaporte.Sonbarmanm’accueilletoutsouriretandisquejeblêmis.Jesuissaoule,maispasencoreassezpournepasmerendrecomptequejefoncedanslagueuleduloup.Ilm’accompagnejusqu’aubureaudeLucien.

Celui-cim’observe,surpris,quandjepénètredanslapièce.

–Maisquivoilà?Jenepensaispastevoir!

Ilfermelaportederrièremoi.Jetressailleetm’éloignelepluspossibledelui.

–Jet’avaisditquejeviendrais,bredouillé-je,lavoixpâteuse.

Sonsourireméprisants’efface.Ils’approchedemoipourm’observerdeplusprès.Jebaisselevisagepourfixerlesol.

–Tuescomplètementbourrée!s’énerve-t-ilenmebousculant.–J’aitonargent…

Jesors l’enveloppedemonsacet la luidonne.Puis jeretiremeschaussureset faisdescendremonpantalon.Ilmeregardeetécarquillelesyeux.

–Qu’est-cequetufabriques?demande-t-ilénervé.–Jet’aidonnélefricetjesaisquetuvasvouloirmebaiseralorsautantnepasperdredetempsets’y

mettretoutdesuite!

Jeleprovoquemollementduregard.Ilsembledérouté,maisreprendvitedel’assuranceets’approcheànouveaudemoi. Je ferme les yeux en attendant qu’ilme touche,mais rien nevient. Je soulèvemespaupières,inquiète,etledécouvreimmobilefaceàmoi.Ilmedévisageavecundrôled’airetmelanced’unevoixgrave:

– Me taper de la viande saoule ne m’intéresse pas, et le fait que tu te laisses faire ne me faitabsolumentpasbander ! Je fais l’impassepourcette fois,mais, laprochaine fois,ne t’avisepasde teramenerdanscetétat!

Jesuissansvoix.Jenem’attendaispasàçaenvenantici…

–Tuascomprisoutuestropsaoulepourcomprendrequoiquecesoit?

Sesdoigtsserefermentviolemmentsurmonpoignetetmesortentdemonétatcomateux.

–Oui…j’aicompris,mais…laprochainefois,jen’auraipasd’argent…–Qu’est-cequeturacontes?–Jen’aiplusd’argentetjenesuisplusavecAudric…J’aiperdutoutemaclientèle,Lucien,jen’ai

plusrien…

Jeplongemonregarddésespérédanssesyeuxsombres.

–Commentça,tun’asplusdeclients?–Oui,pluspersonneneveutdemesservices,jesuisgrilléedanslaprofession.–Putaindemerde!

Samains’abatsurmonvisage.Jem’écroulesurlecarrelagecrasseux.Jemetsquelquessecondesàreprendremesesprits.Jemeredresseetremonteaupassagemonpantalonquejefermeprécipitamment.

–Etcommenttucomptesmepayer?–Jeviensdetedirequejenepourraipas!crié-jeàboutdenerfs.–Onvaavoirunsouci,alors!

Jemetsmesbrasdevantmonvisageenpensantqu’ilvamefrapperànouveau,maisnon,ilsecontentedemefixer.

–Jevaistetrouverdesclients,maisencontrepartie,tumereverseras70%detesgains!

Unfrissoncourtlelongdemacolonnevertébralealorsqueluisembletrèssatisfaitdesonoffre.

–Maisilnemeresterapresquerien…–Tuasunemeilleureidéepourremboursertesdettes?–Non…Detoutefaçon,ai-jelechoix?–Non.–Tun’esqu’unenfoiré!m’emporté-jeenm’essuyantlesjoues.–Faisattentionàcequetudis!Jevaistetrouverdebonsclients,maistuaurasintérêtàbientetenir,

c’esttadernièrechance!–Dernièrechancedequoi?Detoutefaçon,jen’aiplusrienàperdre!Tuveuxmetuer?Alors,vas-

y!lancé-jeenécartantlesbras.–Oh,non,majolie!Cen’estpasàtoiquejeferaidumalsitudésobéis,maisàtouteslespersonnes

quetuaimes!

Monsangnefaitqu’untour.JepenseàÉva,Thomas,Karen.Jeneprendspassesmenacesàlalégèreetillevoit,carunsourireseformesurseslèvres.

–Jevoisquetuassaisi!–OK!Jeferaitoutcequetuvoudras!–Voilà,c’estmieux!Maintenant,casse-toi!J’aiàfaire!

Je neme fais pas prier et je sors de son bureau en courant. Une fois sur le trottoir, j’allume unecigarette. Je n’en reviens toujours pas qu’il ne m’ait rien fait. Ce type est taré ! J’avance avecl’impressiond’avoirlesjambesencoton.Jemelaissetombersurunsiègeàl’arrêtdebus.

Chapitre12

–Qu’est-cequetudis?–Jetedisquejenebosseraiplusàl’écolededanse!–Pourquoi,Caro?Tunevaspastoutfoutreenl’airpourcemec!s’énervemonamie.–Cen’estpasça,Éva…

Je suis coincée et je ne sais pas quoi inventer pour qu’elle accepte de me laisser partir. Ça faitplusieurs semainesque j’aiquittéAudricetLucienm’a trouvédesclients, jen’auraiplus le tempsdetravaillerpourmonamie.Et,àdirevrai,jepréfèrem’éloignerdesesactivitéspourneplusluiattirerdeproblèmes.Autantcouperlespontstoutdesuite.

–Alorsexplique-moi,parcequejen’ycomprendsrien!Jesaisquetuvasmal,quetoutetavieestànouveauchamboulée,maissitudétruislepeudestabilitéqu’iltereste,tuvassombrer!

–J’aisombrédepuisuneéternité,avoué-jelagorgenouée.Jefaiscequejepeuxpourgarderlatêtehorsdel’eaudepuissilongtemps,Éva,quej’enpeuxplus…

– Bon, écoute, je vais prendre un avion et j’arrive ! Tu m’inquiètes et je ne voudrais pas que turefassesuneconnerie!

–Nevienspas!Resteavectafamille.–Mafamillepeutsepasserdemoiquelquesjourset,detoutefaçon,tufaispartiedemafamille.Je

faismavaliseet,dèscesoir,tum’aurassurledos!–Génial…ilnememanquaitplusqueça!lancé-je,exaspérée.–Tuteplaindrasquandjeserailà!Repose-toietàtoutàl’heure.

Je n’ai pas le temps de protester qu’elleme raccroche déjà au nez. Je posemon téléphone sur lecomptoiretjelâcheuncrienréalisantdansquelétatestl’appartement.L’évierdébordedevaissellesale,des cadavres de bouteilles se dressent un peu partout et je ne parle pas demon linge qui traîne danspresquetouteslespièces.

–Putaindemerde!Évavamedégommer!

Jepaniqueetcommenceàm’agiterdanstouslessens.Jesorsunsac-poubelle,ramasselesdétritusetmaudismonamiedevouloirmevenirenaide.Jesaisquec’estunepertedetemps.Jevaisdevoirmetenircorrectementetarrêterdeboirependantsonséjour.Commentjevaisfairepourtenirlecoup?

Uneheure plus tard, je suis sur la terrasse à ramasser lesmégots de cigarettes que j’ai écrasés oubalancéspartout,mêmedanslapiscine.

Jefaisunderniertourdeslieuxpourm’assurerquetoutestenordreetjefiledanslasalledebains.Ilfautquejemelaveetquejemefasseunravalementdefaçadecompletsijeneveuxpasqu’ellemetraînedanstouscesinstitutsdetorture!JeconnaisÉvaparcœur…Jeprendsunedouche,melavelescheveux,m’épile,etsurtout,jemebrosselesdentspoureffacerl’odeurd’alcoolquinemequittepluscesderniers

temps.Jem’observeenfindanslemiroirengrimaçant.Cen’estpasgagnéd’avance,j’aibeaucouptropmaigrietmonvisageestcreusé.Jem’habilled’unpantalonetd’unetuniqueunpeulargepourcachermontour de taille enmoins. Je relèvemes cheveux etmemaquille soigneusement, en commençant par unebonnecouchedefonddeteint.

Voilà,c’estmieux,pensé-jeenmeregardantànouveaudanslaglace.

Je m’installe sur le canapé, mon ordinateur portable sur les genoux. Je me comporte comme unedroguéeenmanquedepuisplusieurssemaines.Jenepeuxm’empêcherd’allersurInternetpourvoirlesdernièresinfossurAudric.

Jetrouveunarticleoùl’onparledesadémissionetdufaitqu’ilmontesapropreaffaire.Unautreoùl’onparledesesrécentsvoyagesenSuisseetenBelgique.Apparemment,lui,contrairementàmoi,nesemorfond pas au fond de son canapé à se saouler pour oublier…Pff… je suis ridicule. Je rangemonordinateuretsorssurlaterrassepourfumer.Ilfautquejemeressaisisseavantquemonamiearrive.Lasonnerie demon téléphoneme fait sursauter. Je réponds sansmême prendre le temps de regarder quim’appelle.

–Salut,majolie!

Etmerde,ilnemanquaitplusquelui!

–Lucien…quesepasse-t-il?Jecroyaisquej’étaistranquillejusqu’àlasemaineprochaine?–Changementdeprogramme!Unclientabesoind’unecavalièrepourungala,samedisoir,etbien

sûr,ilteveutjusqu’aumatin,susurre-t-ild’unevoixvicieuse.–Maisjesuisoccupéeceweek-end!–Rienàfoutre!Tutepointesàl’adressequejevaistedonnerettulafermes!–Quiestceclient?–Unhommed’affairesdepassageàParis.Tun’aspasbesoind’ensavoirplus!–Bienévidemment…

Agacée, je note l’adresse sur un papier et raccroche. Je vais encore devoir mentir à Éva. Jem’embourbedansmesmensongesetjerisquedeperdrelaseulevraieamiequej’ai.

Enfindejournée,jesorsuneplaquedelasagnesquejemetsaufouretjedresselatablepourdeux.Jedéboucheaussiunebonnebouteilledevin.Jetrépigned’impatienceàl’idéederevoirmonamie.Quandlesportesdel’ascenseurs’ouvrentenfinetqu’elleapparaît,j’aileslarmesauxyeux.Nousnousserronsdanslesbrasl’unedel’autreunlongmoment.

– Je suis contente de voir que tu vas bien, lanceÉva enm’examinant.Tu asmaigri, il va falloir yremédier!

–J’aipourtantmisdesvêtementslargespourlecacher!

Évatiresavalisedanslecouloir.Jelasuis.

–Tut’esbieninstallée?demande-t-elleenouvrantsesbagages.–Oui.Laissetoutça,turangerasplustard,viensboireunverreavecmoi.

–OK.

Nousmarchonsendirectionde lacuisinequandelle s’immobilisepourobserver le salon.Puis sonregardsuspicieuxseposesurmoi.

–C’estétrange,Caro…–Quoidonc?–Toutestbeaucouptroppropre…Tuasfaitleménageàfondavantquej’arrive?ironise-t-elleenme

fixant.–OK.J’avoue,jesuiscoupable!Tumeconnais,tusaisquejesuisbordélique!avoué-je,lesourire

auxlèvres.–Tunechangerasjamais!

Nous nous servons deux verres de vin et nous installons sur le canapé. Mon amie me regardeétrangementetlancelaconversationquejeredoutaistant:

–Alors,raconte-moitoutendétail!–Jet’aidéjàtoutdit,Éva!Ilauneautrefemmedanssavie.–Tuenescertaine?–Oui.Andréa est unevraie salope !Elleme traiteplusbasque terre chaque foisqu’ellemevoit.

Audricetelleseconnaissentdepuistoujours.Leursfamillesrêventdelesunir.–OnnevitplusauMoyenÂge,Caro!Lesmariagesarrangés,çan’existeplus!–Détrompe-toi!Çaexisteencore,etlepèred’Audrics’estempressédemelefairecomprendre.–Cettehistoireestfolle!SiAudricnet’aimepas,alors,explique-moipourquoiilm’atéléphonépour

savoiroùtuétais?

Moncœursefigedansmapoitrine.Vient-ellededirecequejepenseavoirentendu?Non,cen’estpaspossible!Iln’apaspufaireça…Maisàvoirl’airsatisfaitsurlevisagedemonamie,jecomprendsqu’elleditlavérité.

–J’espèrequetuneluiaspasditoùjemetrouvais,m’affolé-je.–Jenesuispasdébile,Caro!Pourtant,Dieusaitqu’ilainsisté…Ilestfoudetoi,j’ensuiscertaine.

Ils’inquiétaitdenepassavoiroùtuétaisetilvoulaitabsolumentteparler.–Oui,ça,c’estcequ’ilteraconte!Ilyabeaucoupdechosesquetuignores,Éva…–Alors,dis-moitout!JesuistonamieetAlexadesrelations,onpeutt’aider!Ilfautjustequetunous

fassesconfiance.

Sic’étaitsisimple…Jerefusede lesmettreendanger.Lucienest incontrôlable, ils’enprendraitàeuxàlamoindreoccasion.

–Jenepeuxpas,jesuisdésolée…

Jesensmesyeuxs’emplirdelarmes.Jen’enpeuxplusdementirauxgensetdelesmanipuler.Jen’yarriveplus.

–S’ilteplaît,Caro,dis-moilavérité…

Je sors un mouchoir de ma poche, je m’essuie le visage et je regarde mon amie, touchée par sasollicitude.

–Sijeteracontetoutelavérité,tuvasmedétester,Éva…Etça,jenelesupporteraipas!–Je teprometsquenon!Onseconnaîtdepuissi longtempset tusaisque je t’aime, riennepourra

changerça!

Jelafixeunmoment.J’hésiteàtoutluiraconter,puisjemedisquejen’aiplusrienàperdre.

–OK.Quand…j’étaisplus jeune, j’aiperdu toutema familleetmonpetit amidansunaccidentdevoiture…Jesuislaseuleàavoirsurvécu.Toutça,tulesaisdéjà,mais…cequetuignoresc’estque…

Évamesaisitlamainpourm’encourageràcontinuer.

–Je…j’aidûarrêter l’écoleetmeprostituerpourpayer lesdettesquem’a laisséesmonpère. Ilaescroquédenombreusesentreprises,etdepuis,onmeréclamechaquemoisdessommesastronomiqueset,sijenepaiepas,onmemenacedenousfairesouffrirmesprochesetmoi…

J’avaleunegorgéedevinpourmedonnerlecouragedecontinuer.Évaestblanchecommeunlinge,ellesemblevraimentcontrariéeparcequejeluiraconte.Jenesaispassijeprendslabonnedécisionenluiparlantdetoutça,maisjenepeuxplusluimentir.

–QuelestlerapportavecAudric?demande-t-elle.–MonpèreaescroquélesienetAudricenquêtaitdepuisdesmoissurmoi.Ilpensaitquejecachais

l’argent.Depuisledébut,ilmementait,Éva,tucomprends?Ils’estservidemoi!C’estluiquim’afaitvirerduLoupblancetquim’afaitperdretoutemaclientèle…etpeut-êtremêmesaccagémonappart…

–Merde… Jamais je n’aurais pensé qu’il puisse te faire ça. Il semble si amoureux de toi. Quelsalopard!s’emporte-t-elle.JevaisprévenirAlexetMarcnotreavocat,ilsvonttoutarranger!

–Non !Tune saispasdansquoi tu t’embarques,Éva !C’estdangereux ! Jeneveuxpasquevoussoyezmêlésàcettehistoire.Detoutefaçon,j’aitrouvéunarrangement,çavaaller,tenté-jedelacalmer.EtLucienvam’aider…

–Quel arrangement ? Tu vas encore te prostituer ? C’est pour cette raison que tu ne désires plustravailleràl’écolededanse…QuiestceLucien,unmaquereau?

–Laissetomber,Éva!Jen’auraismêmepasdûteparlerdetoutça!Jenesuisqu’uneimbécile!

Danstousmesétats, jesorssurlaterrassepourfumerunecigarette.Jesuispaniquéeàl’idéedecequevafairemonamie.Ellenecomprendpasàquelpointc’estdangereux…

Uninstantplustard,Évamerejoint.Ellesemblefollederage.

–Jevaistuercetype!Commenta-t-ilputefairecroirequ’ilt’aimait?C’estinhumaindefaireunechosepareille!J’aiunemeilleureidée,jevaisl’émasculer!

Jenepeuxretenirunsourire.Audric,émasculé?Çavaudraitledéplacement…

–Quandj’habitaischezlui,letempsd’uninstant,j’yaivraimentcru,Éva…Jepensaisenfintoucherlebonheurduboutdesdoigts.Pourquoi?Pourquoifaut-iltoujoursquetoutsoitsicompliqué?J’enpeux

plus…,finis-jedansunmurmure.

Jesensunelarmedévalerlelongdemajoue.Ellemeserredanssesbras,sifortquejecroisétouffer.

–Toutvas’arranger,onvatrouverunesolution,Caro.Jetelepromets.–Iln’yapasdesolution!JevaisfairecommeilestconvenuavecLucien,ettoi,tuvasviterepartir

pourCassis.Ilesthorsdequestionquevousvousmêliezdecettehistoire,c’estbientropdangereux!–Etquoi?Jefaiscommesijen’étaispasaucourantquemonamievituncauchemar?Désolée,Caro,

maisl’amitié,çanemarchepascommeça!–Merde,çavamalfinir!m’affolé-jeenfaisantlescentpassurlaterrasse.–Onvapassercettefindesemainetranquillementici,touteslesdeux,etnousverronsensuite.–Jedoissortirdemainsoiretjenerentreraiquedimanchematin…

Mesjouesdeviennentcramoisiesdehonte.

–Tuvasvoirunclient,c’estça?–Oui,etjenepeuxpasrefuser.JeneveuxpasqueLuciensachequejet’enaiparlé,lasupplié-je.–OK,pour lemoment,mais il va falloir trouverune solution.Tuas raisonpour ceLucien, il vaut

mieuxqu’ilnesedoutederien!Tuvassupporterderesterlanuitavectonclient?–Jen’aipaslechoix,Éva…

Jeluiadresseunfaiblesourire.Nouspassonslasuitedelasoiréeàparler.Jeluiracontetoutdanslesmoindresdétails.J’ignorecequemeréservel’avenir,maiscequejesais,c’estqueçafaitdubiendevidersonsacetdeseconfier.Jemesensbeaucoupplus légère, lepoidssurmesépauless’estallégé,mêmesijesaisquejenesuispassortied’affaire.

Chapitre13

–Qu’est-cequ’ilya?Marobeneteplaîtpas?

Évam’observedelatêteauxpieds,avecunairdésapprobateursurlevisage.

–Euh…c’estjustequ’elleestunpeucourte…etsexy!–Tusaiscommentçamarche.Monclientdoitenavoirpoursonargent!–Ouais,maislà…c’esttropcourtpourungala!insiste-t-elle.

Jeme regardeànouveaudans lemiroir et soupire.Elle a raison.Cette robeest faitepouraller enboîtedenuit,pasàungala.Jevaismeridiculiser,unefoisdeplus.

–C’estquejen’airiend’autreàmemettre,Éva.Jen’aipasrécupérétoutesmesaffaireschezAudric,avoué-jemalàl’aise.

Ellemefixeetsecouelatête.

–Et tunepouvaispasme ledireavant? Jeviensdeperdreuneheureà tedissuaderdeporter ceminusculemorceaudetissu,pourrien!Onvaallervoirdansmondressing!

Évam’entraînedanssachambreetnouspassonsuntempsfouàfairedesessayages.Nousoptonspourunerobebustiercœur,enmousselinecouleurprune.Elleestmagnifique.Je tournedevant lemiroir,etfaisvirevolterlesvoiles.Jem’installeensuitefaceàlacoiffeuseetmelaissemaquiller.Évaatoujoursété douée pour le maquillage et les coiffures sophistiquées. Elle crêpe et laque l’ensemble de machevelurepourluiapporterduvolume.Elleplacesamainàl’arrièredemoncrâne,etenroulemeslongscheveuxchâtainsautourdecelle-ciautantdefoisquepossible.Avecquelquesbarrettesàchignon,ellefixe le tout.Elle fardeensuitemespaupièresdenoir, traceun traitd’eye-liner, etm’appliquedu ricil.Monregardcharbonneuxestenvoûtant.Jem’amusetellementavecmonamiequej’enoublieuninstantlebutdecette soirée.La réalitéme revientenpleine figurequandmesyeux tombent sur lepetitboutdepapier où j’ai griffonné à la va-vite l’adresse demon rendez-vous. Éva surprendmon regard etmonchangementd’attitude.

–Tuessûrequetuveuxyaller?–Jen’aipaslechoix…

Jeplongemesyeuxdanslessiens.Ellesembleinquiète.Commentnepasl’être?Jelesuismoi-même.Jem’étaistellementfaiteàl’idéequelaprostitution,c’étaitfinipourmoi,quej’aidumalàencaisserlaréalité.Cesoir,jevaisdevoircoucheravecunhommequejeneconnaispas.Iln’yapassilongtemps,jelefaisaissansmeposerdequestions,maismaintenant…c’estdifférent.Audricamarquémoncorpsdesonempreinteetjenesuispascertainedesupporterqu’unautrehommemetouche.

– Caro, je te promets que je vais te sortir de là. Je vais en parler à Alex et, avec toutes lesconnaissancesqu’iladanslapolice,ilarrangeraleschoses.

–Jeneveuxpasvousmêleràtoutça…–C’esttroptard!Ilesthorsdequestionquejerestesansrienfaire,surtoutsitavieestenjeu!–Tunepourraspasdirequejenet’aipasprévenue!–Toutvabiensepasser.

J’acquiesce,maisjenecroispasuneseulesecondequ’Alexpourramesortirdecettesituation.

–Jepeuxt’affirmeruneautrechose,c’estquetonAudricauraaffaireàmoisijelecroiseànouveau!–Pour ça, je te fais confiance, et tupeux lui en collerunepourmoi aupassage ! Jevaisdevoir y

aller…,dis-jeenvoyantl’heureclignotersurleréveil.–Oui.Jesuislà,situasunsouci,tun’hésitespasàm’appeler!–Mercipourtout,Éva!–Derien,mabelle.

Ellemeserredanssesbrasetjenepeuxm’empêcherdeculpabiliserdelesmêleràtoutça.Jenesaispluscommentmesortirdecettesituationinfernale,jesuisauborddugouffre.

Jesourisàmonamie.J’attrapemapochetteoùjeglisseunpeud’argentetmescigarettes.Jemontedansl’ascenseuravecunnœudauventre.Onm’enverraitmependrequejeseraismoinsstressée.Ilfautque jeme ressaisisse avant de rencontrermon client. Je prends ensuite un taxi et donne l’adresse auchauffeur.J’ignoreàquoiilressemble,jesaisseulementqu’ilm’attendraà20heurespileàl’entréedecefameuxgala.

Le véhicule s’immobilise face à une vieille demeure parisienne. Quelques personnes patientent àl’extérieur,muniesdeleurscartonsd’invitation.Jedescendsdelavoitureetsensmesjambestrembler.J’avanceenobservant lesgensprésents,mais jenevoisaucunhommeseul. Jedoisêtreenavancedequelquesminutes,jedécidedememettreàl’écartpourfumerunecigarette.

Uninstantplustard,jeremarqueunehautesilhouetteapprocher.C’estunhomme.Grand,brun,ilesttrèsélégantetaunairgentil sur levisage. Jecroise lesdoigtspourquecesoit lui,mon rencard…Ils’immobilise et observe les personnes qui l’entourent jusqu’à ce que son regard se pose sur moi. Ilsemblehésiter,puiss’avancedansmadirection.Moncœurs’emballe.Jesuisstressée,cequin’étaitpasdansmeshabitudesquandjerencontraismesclientsavant.Pourquoisuis-jedanstousmesétats?C’estcemauditAudricquimepourritl’existencemêmequandiln’estpaslà!

–Bonsoir.Êtes-vousRose?questionne-t-ilensouriant.–Oui,c’estmoi.

Jesourisàmontouretm’approchepoursaisirlebrasqu’ilmetend,puisnousnousdirigeonsverslesportes.Jemedisquej’aiquandmêmelachancedetombersurunhommequisemblecharmant.J’auraispumecoltinerunDubret,cequinem’auraitvraimentpasarrangéecesoir.

Nous laissons nos affaires au vestiaire en échange d’un ticket, et mon cavalier donne les cartonsd’invitationau servicede sécurité.Nouspénétronsensuitedansunegrandepiècepleinedemonde. Je

dévisageavechorreurquelquesinvitésquisetrouventêtred’anciensclients.Jebaisselatête,fixelesoletmelaisseentraînerverslebarquisesituedansuneautrepièce,prèsdelapistededanseetàdroited’unimmensebuffetcouvertdemignardisesetdemetsentoutgenre.Monclientsetourneversmoietmedemanded’unevoixdouce:

–Champagneoucocktail?–Champagne.

Ilmetendunecoupe,mefixeintensémentetmeditàvoixbasse:

–Lasituationestunpeugênante,maisj’aimeraisquenouspassionsunebonnesoiréeensemble.Alorssivouslevoulezbien,jemeprésente:DamienDelacroix,maisvouspouvezm’appelerDamien,jeviensdeBretagne,jenesuisàParisquepourlesaffaires.

–Enchantée,Damien!C’estlapremièrefois…quevousfaitesappelàuneescortgirl?demandé-je,curieuse.

–Jepourraisvousdirequeoui,maisjepréfèreêtrefranc,çam’arriverégulièrement.–Oh…

Jesuissurpriseet l’observeendétail. Ilestbeau,pourquoipayerpouravoirde lacompagnie?Enplus,ilsemblesympathiqueetintelligent.Jenepeuxm’empêcherdecreuserpourensavoirplussurcebelinconnu:

–Marié?–Veuf.–Mince…désolée…

Jerougis jusqu’à la racinedemescheveux. Jenesaisplusoùmemettre.Pourquoiai-jeposécettequestion?

–Nesoyezpasgênée.Cesontdeschosesquiarrivent,malheureusement.Monépouseestmortedansunaccidentdevoitureilyaquelquesannées.Depuis,jepréfèrelouerlesservicesdesfemmesplutôtquedem’engagerdansunerelationsérieuse.J’assumemonchoixetcecinedoitabsolumentpasgâchernotresoirée!

Il lèvesonverrepourporteruntoastavecmoi.Je l’imite.Cethommemetoucheparsasincéritéetcettesensibilitéquejecroispercevoirdanssesmots,sesgestesetsonattitude.Ilyaquelquechoseenluiquimedonnel’impressiondeleconnaîtredepuistoujours.Sonsouriremerappelleceluidequelqu’un,maisjen’arrivepasàmettreledoigtdessus.Jedoismefairedesidées.

–Ànotrerencontre!J’espèrequejevousplaisautantquevousmeplaisez.Ilestimportantpourmoid’êtrecertainquelecourantpasse,mêmesijepaiepourvosservices.

Jemanquem’étoufferavecmonchampagneet recrachedansmonverre lagorgéeavec laquelle j’aibienfaillim’étrangler.Pastrèsélégant,jesais,maisilm’asurprisesurcecoup-là.Jamaisaucundemesclientsnem’avaitdemandés’ilmeplaisaitavantdebaiser.Cequejepouvaispenserouressentirétaitbienladernièrechosequilesintéressait.

Cethommeestdécidémentvraimentétrange.

Jel’observeuninstantetjerépondsfranchement:

–Vousêtescharmant,Damien,et…oui,vousmeplaisez.–Trèsbien,alorsnouspouvonscontinueràpassercemomentagréableensemble.Êtes-vousdéjàallée

dansdessoiréescommecelle-ci?–Oh que oui ! Je suismême désolée de vous apprendre que plusieurs des invités se trouvent être

d’anciensclients.– Cela explique les regards gênés de plusieurs hommes que nous venons de croiser, lance-t-il en

souriant.–Çanevousdérangepas?–Non.Êtes-vouscélibataire,Rose?–Oui…depuispeu.–Etcommentfaisiez-vouspourséparervosdeuxvies?Simesquestionsvousembarrassent,dites-le-

moi,jepeuxêtreindiscretparfois.Monfranc-parlerneplaîtpasàtoutlemonde.–Non,iln’yapasdesouci,jen’airienàcacher.

Oupresque…JemesensenconfianceavecDamien;discuteretpassercettesoiréeàsescôtésmefaitdu bien. Jem’attendais au pire ce soir, du coup, le soulagementme donne l’impression de respirer ànouveau.

–Jeneséparaispasmesdeuxvies…Quandj’airencontréAudric,j’aitoutarrêté…Maisçan’apasmarchéentrenous.Voussavezcequ’onditsurlessecrets,ilsdétruisenttout.

–Pourquoiavoirrecommencécetravail?–Pourl’argent.–Vousl’aimeztoujours,jelevoisdansvotreregard.

Sesyeuxnoirsplongentdans lesmiens.Jesuis incapabledementirsurmessentiments,alors jedistoutsimplementlavérité:

–Oui.–Moiaussi…Mêmeaprèscesannées,ilnesepassepasunejournéesansquejepenseàelle.Ilparaît

quel’onnerencontrelevraiamourqu’unefoisdanssavie…jesaisquej’aieucettechance.

L’émotiondanssavoixmemontreàquelpointiladûaimersafemme.Aurai-jelachance,moiaussi,de connaître un jour le même amour ? J’ai un pincement dans la poitrine quand le visage d’Audrics’imposeàmoi.Jesecouelatête.Lefaitdepenseràluiestdouloureuxetmedonnedeshallucinations.Jefermelesyeuxtrèsfortetlesouvreànouveau,etlà,moncœurdégringoledansmapoitrine.

Cen’estpasunehallucination…

Quefait-ilici?

Ilsetientàunedizainedemètresdemoiavecàsonbrasl’autrepested’Andréa…

Pourquoi?Qu’ai-jefaitpourmériterça?

Merde!MERDE!!!Faitchier!

Chapitre14

Ilestmagnifiquedanssoncostumegrisfoncé.Ildiscuteavecunjeunecoupleetnesemblepass’êtreaperçudemaprésence.Mesyeuxseposentsursonvisageetsonsouriremepercutedepleinfouet.Dessemaines que j’agonise alors que lui se porte comme un charme au bras demon ennemie jurée. Elleglousseets’accrocheàsonbras.

–Toutvabien?s’inquièteDamien.

Jesursauteetreportetoutemonattentionsurlui.Jetrembledelatêteauxpiedsetj’ailasensationquemonsangadésertémoncorps.Leslarmesauxcoinsdemespaupièressontprêtesàdévalermesjoues.Jem’affole.

–Je…jedoismerendreauxtoilettespourmerafraîchir,bredouillé-jeenfaisantbrutalementvolte-facepourm’enfuir.

Jeparcoursplusieurscouloirsavantdetrouverunepetiteterrasseàl’arrièredelabâtisse.L’airvientbalayermonvisage inondéde larmes.Desgémissementsm’échappent tandisqu’unedouleuratrocemetraverselapoitrine.Jemepenchepouressayerdel’atténuer.

Peut-onmourird’amour?

Parcequ’àcetinstant,jepourraislecroire.Çafaitmal,tropmal.

Comment vivre après lui, sans lui ? Comment faire pour continuer d’avancer dans la vie sans cethomme qui a marquémon âme à tout jamais ?Malgré ses mensonges, ses manipulations, je ne peuxm’empêcherdel’aimer.Latristessesemélangeàuneragefolledelesavoirtoutprocheaveccettefemmequejedétesteplusquetout.

C’estuncauchemar,jevaismeréveiller!

–Vousallezbien,Rose?

Jeme redresse etme rends compte queDamienm’a suivie. Jem’essuie les joues et je prends unegrandeinspirationpourtenterdemeressaisir.

–Sijepeuxfairequelquechosepourvous,n’hésitezpas!–C’est vous qui payez et c’est vous qui voulez faire quelque chose pourmoi ?C’est lemonde à

l’envers,plaisanté-jeenreprenantpeuàpeulecontrôledemesémotions.–Vousavezl’airbouleversée,alorsjem’inquiète,c’estnaturel.–Jelesuis,effectivement,maisjevaismeressaisiretnousallonscontinuernotresoiréeensemble.–Trèsbien.Voulez-vousresterencoreunpeudehorsoupréférez-vousqu’onailleboireunecoupede

champagne?–Avanttout,jedoisretouchermonmaquillage.Jenepeuxpasretournerlà-basdanscetétat.– Les toilettes sont au bout du couloir à droite, je les ai vues en passant. Je vous attends près de

l’entrée.–Jen’enaipaspourlongtemps.Merci,Damien…

Ilacquiesceenmesouriant.Cethommeestvraimentpleindedélicatesseetdegentillesses.Jeprendsladirectionqu’ilm’aindiquéeettrouverapidementcequejecherche.J’attrapeunmouchoirdansmonsacàmain, l’humidifieetefface les tracesdemaquillagequiontcoulé.Quelquesminutesplus tard, jesuisànouveauprésentable. Je rajustema robeet sorsdes toilettes.Moncœurs’emballe. JedécouvreAudricappuyécontrelemurfaceàlaporte.

Ilm’avaitdoncvue…

Jedétourneleregardetcommenceàm’éloignerensentantmesgenouxs’entrechoquer.Ilm’attrapeparlebras,metireenarrièreetgrognesuruntonmenaçant:

–Ohnon!Cettefois,tunevaspast’échappercommeça!

Ilm’entraînederrièrelui,ouvreuneporteetmepousseàl’intérieurd’unepièce.Ilallumelalumièreetrefermederrièrelui.Jereculeetj’observeleslieux.C’estunesalledebains.Ils’adosseaumuretmetles mains dans ses poches. Son regard vert se braque sur moi et semble vouloir me transpercer. Jetrembledelatêteauxpiedsetjesuisincapabledumoindremouvement.Jemecontentedelefixerdroitdanslesyeux.

–J’airemuécieletterrepourteretrouver,Caro!Tusaiscequej’enduredepuisquetuespartie?Tuignoresmesappelset…

–Ferme-la!hurlé-jehorsdemoi.Toutcequisortdetabouchen’estquemensonges!–Situm’aimaisréellement,tumelaisseraisunechancedem’expliquer!– Ne me parle pas d’amour, tu ne sais pas ce que ça veut dire ! Tu me manipules depuis le

commencement…Tum’asfaitperdremontravailauLoupblancsansréfléchirauxconséquencessurmavie!

–Jepensaisquetucachaisl’argentdemonpère…Jedevaisconnaîtrelavérité,Caro!Oui,j’aifaitdeschosesdontjenesuispasfier.Jesuisvraimentdésolépourtout,maisje…jenepeuxplusvivresanstoi…

–Arrêtedemeparler!Jenesaisplusoùj’ensuis,Audric.–Jesaisquetumecachesdeschoses,quetunemedispas toute lavérité.Pourquoies-tupartiesi

brutalementdelamaison?Est-ceàcausedeça?

Il sort une carte de sa poche, me la tend et je reconnais tout de suite celle que son père m’avaitbalancéelorsdesavisite.

–Jel’aitrouvéeparterredanslacuisine,lejouroùtuespartie.Monpèreest-ilresponsabledetondépart?

–Jeterappelleque,cejour-là,tum’asjetéàlafiguretoutuntasdereprochesaccompagnésdephotoscompromettantes!

–Oui,etdepuis,jemesuisrenseigné,jesaisquecethommeesttonami.–Ohça,jesaisquetun’asdecessedeterenseignersurmoidepuisbienlongtemps!–Tun’aspasréponduàmaquestion!Monpèreest-ilresponsabledetondépart?–Sic’étaitlecas,çachangeraitquoi?Nousdeux,çanemarcherajamais!

Sesmâchoiressecrispent.Iladumalàmaîtrisersesémotions.Ilfaitunpasenavant,maisjereculeetmeretrouveacculéecontrelemur.

– Tu n’as pas le droit de dire ça ! On peut surmonter n’importe quoi quand on s’aime vraiment.M’aimes-tu,Caro?

Ilestsiprochequejedoisreleverlementonpourleregarderdroitdanslesyeux.Jesuisincapabledementirfaceàladouleurquejedécouvredanssesprunelles.

–Oui, je t’aime…Mais je n’ai plus confiance en toi.Enplus, ce soir, tuparades aubrasde cettemauditefemme!

–Jedevaisabsolumentveniraccompagné.Tusaisquejemefouscomplètementd’elle,c’esttoiquejeveux!Quiestl’hommequit’accompagne?

–Unclient!

Jesouhaiteluifairemalautantquejesouffre.Sonvisagesedécomposeetilreculed’unpas.Jeviensdel’atteindreenpleincœur.Ilsepassenerveusementunemainsurlafigureetmeregardeànouveau.

–Tumens!–Pasdutout.C’estunhommecharmantquicherchaitunefemmepourl’accompagnercesoir…–Commentpeux-tutelaissertoucherparunautrequemoi?crache-t-ilhorsdelui.

Ilperdlecontrôle,attrapeunechaiseetl’envoievalsercontrelegrandmiroirquiexplose.

Jemeprotègelevisageetjepousseuncri:

–Maisqu’est-cequetufais?Audric!

Il tourne en rond, comme s’il avait perdu la raison.Des larmes coulent le long de ses joues. Uneimmensetristesses’emparedemoi.

–Jet’aimecommeundingue,Caro!Jenesupporteraipasqu’unautrequemoiposesesmainssurtoi!

Jem’approcheetl’immobiliseenleprenantdansmesbras.Jesuistouchéedelevoirsidémuni.Ilmeserresifortcontreluiquejen’arriveplusàrespirer.J’enfouismonvisagecontresapoitrinepoursentirsonparfumquim’atantmanqué.Nousrestonsunlongmomentainsi,puis,commeilsecalme,jem’écartepoursoudernosregards.

–Dis-moiqu’ilnet’apastouchée…mesupplie-t-il.–Non…pasencore…C’estmavie,Audric,tunedoispast’ymêlercommeça.– Mais tu ne peux pas te prostituer à nouveau, Caro ! Je fais ce que je peux pour prendre mon

indépendancevis-à-visdemonpèrepournousconstruireunavenir,ettoi,tudétruistout!

–Tuavaisdéjàbienémiettélesfondationsdenotrehistoireavectesmanipulationsettesmensonges,Audric ! Ton père n’aura de cesse de vouloir nous séparer et je ne suis pas certaine de pouvoir tepardonner…

Jerefoulemeslarmesetlefixedroitdanslesyeux.Ilsemblesouffrirautantquemoi.Jesuisperdue,alorsjemurmure:

–Laisse-moiunpeudetemps,jenesaisplusoùj’ensuis.J’aitellementdechosesàremettreenordre.–Jepeuxt’accorderdutemps,Caro,maiscequejenepeuxpas,c’esttelaissercontinuerdevendre

toncorps!–Audric…c’estmavie,tunepeuxpasm’empêcherdelefaire.Cesoir,tueslàavecAndréaettuas

l’aird’êtreheureuxavecelle…Je t’aiobservé.Pourêtre franche, jepassaisunesoiréeagréable,moiaussi,jusqu’àcequejetevoie.

–Unesoiréeagréableavecunhommequitepaiepourtesservices?–Oui,Damienestunhommecharmant.–Damien…Tul’appellesparsonprénomenplus!–Etmerde!J’enaiassezdecesconneries!Laisse-moitranquille!Notrehistoireestvouéeàl’échec

etjeneveuxplussouffriràcausedetoi!–Jenetereconnaisplus,Caro!Jenetecomprendspas.–Moinonplus,jenetereconnaisplus.Peut-êtremêmequejenet’aijamaisvraimentconnu…Tout

n’estquemensongesdepuislecommencement.Ilfautarrêterdesedéchirer.

J’ailasensationdemependremoi-même.Jesuisbrisée.SijerepousseAudric,c’estuniquementpourleprotégerdesonpère,deLucienetpeut-êtreaussidemoi…

Il est immobile, les bras le long du corps, les yeux perdus dans le vague. Je vois bien que je l’aiprofondémentblessé,mais jen’aipasd’autrechoix. Il redresse la têtepourmedévisager.Son regardémeraudeest tourmenté. Il faitunpasenarrièreavantdesortirde lapièce.Unsoupirdesoulagementm’échappe.Jem’observedanscequ’ilrestedumiroirpourrectifiermonmaquillageetdécide,lecœurlourd,derejoindremonclient.Laviecontinueet,sijeneveuxpasd’histoiresavecLucien,jedoisfaireensortequeDamiensoitsatisfait.

Chapitre15

–Voussemblezencoreailleurs,Rose!–Oh…pardon,Damien…

Nous sommes installés autour d’une table ronde près de la piste de danse. Je n’arrive pas à meremettrede ladiscussionsurréelleque j’aieueavecAudric. Jeme la repasseenboucle tandisque jel’observequelquesmètresplus loinencompagnied’Andréa. Ilabiencompris lemessageetm’ignoreroyalement. C’est ce que je voulais et pourtant… pourtant les voir ensemble me coupe le souffle.L’irritation m’envahit tout entière quand les doigts d’Audric se mettent à caresser la hanche de sacompagne.

–Vousêtesànouveaupartie!metaquinegentimentDamien.–Jesuisdésolée…

Je me tourne face à lui, les joues cramoisies. J’ai vraiment de la chance qu’il soit si adorable.D’autresclientsm’auraientenvoyéebaladerdepuislongtemps.Jesaisislacoupedechampagneetl’avaled’un trait. Je ne sais plus combien j’en ai bu depuis que j’ai rejoint Damien,mais la têteme tournelégèrement.

–Etsivousmedisiezcequisepasse!–Jenecroispasquecesoitunebonneidée.– Je ne suis pas idiot, Rose. Vous fixez ce couple depuis le début de la soirée, lance-t-il en me

désignantAudricetAndréa.Vouslesconnaissez,c’estévident.–Oui…jelesconnais.–Quisont-ils?–Monex-compagnon,répliqué-je,surprisedeluidévoilersifacilementmavie.–Oh…–Jenem’attendaisabsolumentpasàlevoirici,cesoir.–C’estdoncl’hommequevousaimezencore…–Oui.–Etlafemmequil’accompagne,quiest-ce?–C’est compliqué.C’est une amie d’enfance avec qui il devait semarier, apparemment ça semble

toujoursd’actualité!marmonné-jeenvoyantAndréaenlacerAudricsurlapistededanse.

Jedétourneleregardpourchasserleslarmesquienvahissentmesyeux.

– Je suis désolépourvous.Venezdanser avecmoi, il n’y apasde raisonqu’ils soient les seuls àpasserunebonnesoirée,dit-ilavecunairmalicieuxsurlevisage.

–C’estexact!

Jesaisislamainqu’ilmetend.Ilm’entraînesurlapisteetm’enlaceétroitement.Ilestimmense,alors

jedoispencherlatêteenarrièrepourcroisersonregard.Ilmelanceunsourirequiferaitbattreplusfortlecœurden’importequellefemme,maislemiennebatpluspourpersonne.Jeluirendssonsourire,posemajouecontresontorseetmelaissebercerausondelamusique.Lorsquejeregardedansladirectiond’Audric,jeretiensmonsouffle.Ilmefixed’unregardplusnoirquelesténèbres.Sonvisageestdéformépar la colère. Il a cessé de danser pour nous regarder. Sa compagne s’aperçoit du changement decomportementdesoncavalierettournelatêtedansnotredirection.Enmevoyant,sonsourires’effaceetlaisseplaceàunegrimacedémoniaque.Ellemurmurequelquechoseà l’oreilled’Audricet l’entraîneverslefonddelasalle,làoùjenepourraipluslesvoir.Damiensouritdeplusbelledevantlascènequivientdesedérouleretmelancesuruntonenchanté:

–Etvoilà!C’étaitplusfacilequecequej’imaginais.–Vousl’avezfaitexprès?–Iln’yapasderaisonquevoussoyezlaseuleàsouffrir,dit-ilplussérieusement.

Savoir qu’Audric souffre ne me rend pas la situation plus supportable. Je dirais même que ça lacomplique.

Nous continuons de danser un moment, puis Damien me laisse près du buffet pour se rendre auxtoilettes.Àpeineai-jeletempsdemeremettredemesémotionsqu’Audricarrivedejenesaisoù,etseplantedevantmoi.Àvoirsonvisagecrispé,jedevinequejevaisenprendrepourmongrade.

–Commentpeux-tu te comporter de cette façon ?gronde-t-il enme transperçant du regard.N’as-tudoncaucunrespectpourtoi-même?Ouunminimumdecompassionpourmoi?

–Delacompassion?Tutefousdemoi!Tucroisqueçanemefaitpasmaldetevoirtefrotteràcettegarce!

–Qu’est-cequeçapeutbientefairesitunem’aimespas?meprovoque-t-il.–Je…

Jenefinispasmaphrase.Ilm’apiégéepourvoirmaréaction.Jemesensridiculedem’êtrefaitavoirsifacilement.

–Enpeude temps, j’ai prouvéque tumementais sur tes sentiments,maintenant ceque je souhaitesavoir,c’estlesraisonspourlesquellestusacrifiesnotrehistoire!Jesuistêtu,Caro!Jenerenonceraipasàtoicommeça!

Jerestesansvoix.Incapabledebouger,jemecontentedeleregarder.Monsangpulseàtoutealluredansmesveines.Desfrissonsmecouvrentlapeau.Ilavanceetsepenche.Sabouchefrôlelamienne,unedéchargeélectriquemeparcourtdelatêteauxpieds.J’aidumalàrespirer.Ils’écartelégèrementpourcroisermonregardetmemurmurer:

–Écoutetoncorps,Caro.Voiscommeilvibreàmoncontact,tunepeuxpaslenier…tum’appartiens.

Mes genoux se mettent à trembler. Je ne maîtrise plus rien. Il pose à nouveau ses lèvres sur lesmiennes,puis,aprèsundernierregardpleindepromesses,faitdemi-tourets’éloigneverslasortie.Moncœurn’adecessedefracassermescôtestandisquej’essaiedereprendremonsouffle.Cethommeauneemprisesurmoiquidépassel’entendement.JesuisdanstousmesétatsquandDamienmerejoint.

–Vousêtestoutepâle,Rose.Nousallonspartir.

Ilm’entraîneverslevestiaire,jelesuiscommeunautomate.Jemesensvidée,etl’alcooln’arrangerien.Damienmeguideversunevoitureàl’angledelarue.Ilouvrelaportièreetjemelaissetombersurlesiège.Quandilprendplaceàmescôtés,ilmedemanded’unevoixgrave:

–Désirez-vousquejevousramènechezvous?

Je secoue la tête.S’il y aunechoseque je redouteplusque tout, c’estdeme retrouver seuledansl’immenseappartementd’ÉvaetAlex.Jetournemonvisageverslavitrepourobserverleslumièresdelavilledéfilersousmesyeux,etjebalbutie:

–Je…jenesouhaitepasresterseule…–Trèsbien.Voulez-vouspasserlanuitavecmoi?Enfin…vousn’êtespasobligéede…Vouspouvez

justedormirdansmesbrassivouslesouhaitez…

Touchéeparsacompassionetlaprofondesolitudequejedevinedanssavoix,jetournelatêtepourlefixer.Ilregardedroitdevantlui.Ilestconcentrésurlaroute,pourtantdanssonattitudejesenscommedelanervosité.Cethommeestvraimentmystérieux.

–OK…Enfin,jesuisd’accordpourdormirdansvosbras…

Ilallumel’autoradio.Jemetourneànouveaupourcontemplerlaville.

Chapitre16

–Audricétaitlà?s’étonneÉva.–Oui,etiln’étaitpasseul…

Jesuisrentréetôt,cematin,aprèsunenuitpasséedansunechambred’hôtelàdiscuteravecDamien.Si Lucien l’apprend, je risque deme prendre une grosse raclée,mais Damien a promis de garder lesilence.Cethommeestétrange,maischarmant.J’avaisunechancesurunmilliondetombersurunclientcommelui.

–Nemedispasqu’ilétaitaveccetteAndréa!–Si,malheureusement.–Etqu’a-t-ilfaitentevoyant?–Ilétaittrèsencolèrecontremoi.Ilm’enveutparcequejesuispartieetilnecomprendpastoutce

quisepasse,cequiestnormalpuisqu’ilneconnaîtpastoutelavérité.–Ilestquandmêmegonflédet’envouloiraprèstouslesmensongesqu’ilt’afaits!–Ilditqu’ilm’aimeetqu’ilnerenoncerapasàmoi…–Tulecrois?demandemonamie,sceptique,ennousservantdeuxautrestassesdecafé.– Je ne sais plus ce que je dois croire. Il avait l’air tellement sincère,Éva.Tu aurais dû voir son

regard…–Quefaisait-illàavecAndréa,alors?–Je l’ignore…J’étaisbienàcette soiréeavecunautrehommeetpourtantDieusaitcomme j’aime

Audric…–Oui.Etceclientmystérieux,qu’est-cequetupensesdelui?–Jenesaispastrop.Ilestadorable,c’estvrai,maisquelquechosechezluimedérange…Etpuistu

trouvesnormalqu’unhommepaiesicherpourpasserunenuitavecunefemmeetqu’ilnetentepasdelatoucher?Jesuisdevenuetellementméfiantequejevoistoutennoir!Peut-êtreest-ilsincèreetgentil,etquesonépouseluimanquetantqu’ilajustebesoindecompagnie.Vasavoir!Jenecessedemetrompersurlesgens.

–Oui,jetecomprends,c’estdurdefaireconfiance.Ilvientd’où?–ApparemmentdeBretagne.–Et sonnom,c’estquoi ?demande-t-elle en sortantunboutdepapier etun stylod’un tiroirde la

cuisine.–Delacroix,pourquoi?–Çanecoûteriendevérifier!Commejetel’aidit,Alexadesamisdanslapolice.D’ailleurs,en

parlantdeça,dèsquejerentre,jeluiracontetout!Ilpourrat’aider,j’ensuiscertaine.– De toute façon, ça ne sert à rien que je m’y oppose, tu ne vas en faire qu’à ta tête ! lancé-je,

exaspérée.–Oui!affirme-t-elleenmesouriant.Jerefusequetupasseslerestedetaviedanscettesituationalors

qu’Alexadesrelationsquipeuventt’aider.–C’estjustequejeneveuxpasqu’ilvousarrivequoiquecesoit.Ilss’ensontdéjàprisàtonécolede

danse…–Oui,etc’estaussipourçaqu’ilsdoiventpayer!Nousallonsattendreavantd’ouvrirànouveau.Il

fautréglertoutceci.–Pff…quellemerde!–Jenetelefaispasdire!Jevaisdevoirrepartir,Caro,tucroisqueçairapourtoi?–Oui,net’inquiètepas.

Chapitre17

Depuisdeuxsemaines,jepassechaquesoiréeetchaquenuitencompagniedeDamien.J’aibesoindelui,commeilabesoindemoi.IlpaieLucienàl’avance,cequifaitquecelui-cimefoutlapaixetneposepas de questions.Damien nem’a encore fait aucune proposition déplacée. Je pense que sa femme luimanque terriblement etque le sexeestbien ledernierde ses soucis. Il abesoinde tendresse etde lachaleur d’un autre corps contre le sien pour s’endormir. Nous sommes devenus amis et passons desheuresàdiscuter.Cethommemefait leplusgrandbien,mêmesi jesaisqueçan’ira jamaisplus loinentrenous.Audricoccupechacunedemespensées.Jen’aiplusdenouvellesdeluidepuislegala.Est-ilpasséàautrechose?Jemeposeunmilliondequestionssurlui,etsurmoi.

Damienestundrôledepersonnage.Ilyadesfacettesdecethommequim’intriguent.J’étaissurmesgardeslespremiersjours,puisjemesuisouverteàluienluiparlantdeLucien,decequej’aiendurécesdernierstempsàcausedemonpère.Oui,jeluiaimêmeparlédemonpèreetdel’accident,ouplutôt,del’assassinat,car,maintenant,j’ensuisconvaincue,ilsontétéassassinés.LepremiersuspectsurmalisteestM.Beaumont.

Ça me fait mal pour Audric de penser que son père pourrait être un tueur.Mais comment ne passoupçonnercethommeodieuxquiestprêtàtoutpourretrouversonargent?Etjenepeuxoublierlesous-entenduqu’ilm’afait lorsdesavisite :«C’estexactementcequem’aditvotrepèrequelquesheuresavantdemourir…»Cetenfoiréestunmeurtrier,j’ensuiscertaine!

–Ceque jenecomprendspas,c’estpourquoi tun’espasalléevivrechez ta tanteà lamortde tesparents.

JereportemonattentionsurDamien,installésurlelit,sonordinateurportablesurlesgenoux.

–Ma tante…Ellene s’est jamais souciéenidemoinidema famille. Je croisqu’elle était fâchéecontremonpèredepuisdenombreusesannées.Elleconnaissaittoussestraficsetnesouhaitaitpasyêtremêlée.

–Oui,maistoi,tun’avaisrienàvoiravecceshistoires!–Ellenes’estjamaismariéeetn’ajamaiseud’enfants,elleestunpeuspéciale.–Àtaplace,jeseraisfollederagecontreelle,surtoutavectoutcequetuasdûtraverser.Elleaurait

put’épargnertoutça.– Peut-être, peut-être pas, je ne peux réécriremon histoire,Damien. Et toi, tu as toujours vécu en

Bretagne?Dansquelcoin,d’ailleurs?–ÀMorlaix,c’estunetrèsbelleville,tuaimeraissonviaduc.–Oui,sûrement,répliqué-je,pensive.

Ilyatellementd’endroitsquej’aimeraisvisiter.Jen’aijamaiseulachancedequitterParis.J’auraisaimé,commemonamieÉva,faireletourdumonde,maislavieenadécidéautrement.

–Tuastoujoursvéculà-bas?demandé-je,curieused’enapprendreplussurlui.–Non.JesuispartivivreàMorlaixpourrejoindremafemme.

Sonvisages’assombrit,jen’insistepas.Jebalancesurlatablelemagazinequejetrituredepuisplusd’uneheure.Ilestpresque20heures, jedécided’allermerafraîchir.Jecherchematroussede toilettedansmapetitevaliseetdemande:

–Onsort,cesoir?–Commetuveux,onpeutaussiresterlàetmangerdespizzas,propose-t-il.–Bonneidée,jevaisprendreunedouche,jereviens.–Jevaiscommander,tudésiresquoi?–Uneaméricaine!–OK.

Jefiledanslasalledebainsetmedéshabille.Jemeglissesouslesjetsd’eaufroideetfermelesyeux.Ça fait un bien fou avec cette chaleur. J’attrape le gelmoussant etme savonne lentement. Je pense àAudricetmedemandeànouveaucequ’ilfaitetavecquiilest.Est-cequ’unjourj’arrêteraidepenseràlui?Jen’ensuispascertaine.Jemesècheensuiteetmeglissedansunenuisette.Jesorsdelasalled’eauettrouvelachambrevide.

–Damien?

N’ayantaucuneréponse,jem’installesurlelit.Iladûsortircommanderlespizzas.Jesuisinquiètelorsqu’unmomentplustard,deuxcoupsdiscretssontfrappésàlaporte.J’enfileunpeignoiretentrebâillelebattantpourvoirquiestlà.

–Bonsoir,madame,c’estleserviced’étage.Onnousalivrédespizzaspourvousàlaréception.–Oui,c’estexact.

J’ouvrelaportepourqu’ilpuisseentrerlesdéposersurlatableprèsdelafenêtre.Jefouilledansmonsacàlarecherchedemonnaie,maisnetrouverien.JefaisletourdelachambreduregardetaperçoislavestedeDamienposéesurlefauteuil.Jemedemandeunefoisdeplusoùilestpassé.Jefouilledanssespochesetdécouvresonportefeuille.Jel’ouvreàlarecherched’argent,maisjem’arrêtenet.Jepaniqueetmoncœurs’emballeàlavuedelacarted’inspecteurdepolicecachéesousd’autrespapiers.Voyantquelejeunehommemefixeàl’entréedelachambre,j’attrapeunbillet,leluitendsetluidisdegarderlamonnaiepuisjeluiclaquelaporteaunez.J’aidûrêverouj’aideshallucinationsàcausedelafatigue.Jeregardeànouveaudansleportefeuilleetjemesenstrahie,encoreunefois.

Damienestinspecteurdepolice…

Enquête-t-ilsurmoi?

Jereplacerapidementl’objetdemoncauchemardanssaveste.

–Putaindemerde!

Etdirequejeluifaisaisentièrementconfianceetquejeluiaiouvertmoncœur!Jemelaissetomber

surlachaisefaceauxpizzas.Jemeretiensdelesattraperetdelesbalancercontrelemur.Ilnedoitpass’apercevoirquej’aidécouvertsespetitssecrets.Pourquoienquêtersurmoi?Est-ceàcausedeLucien?Il saitque jemeprostitue,mais…Çan’aaucunsens !Laporte s’ouvre, je sursaute. Il fautque jemecalme.J’essaiedemaîtriserletremblementdemesmains.

–Lespizzassontarrivées,çatombebien,j’aifaim!s’enthousiasme-t-ilens’installantenfacedemoi.Tuavaisdequoipayer?

–Oui…

Nousouvronslesboîtes,maisjen’aipluslecœuràmanger.J’observeDamienàladérobéeetjemedisquec’estunsacréacteur.Siçasetrouve,iln’estpasveuf,etiln’amêmejamaisétémarié!

–Tuétaisoù?demandé-jesuspicieuse.–Autéléphone,pourquoi?–Pourrien,jetecherchais.Etpourquoitunetéléphonespasd’ici?–Jen’avaispasderéseau,j’aidûsortir.

Ilserenfrogne,jen’insistepas,pournepaséveillersessoupçons.Nousmangeonsensilence.Jemecontentedepicorermapizzaetilleremarque:

–Tun’asplusfaim?–Non…Jesuisfatiguée,jevaismecoucher.

Sansmêmeunregard,jemelèveetm’allongesouslescouvertures.Ilmerejointunmomentplustardetmeprenddanssesbras.Jemeraidis.Illesentets’écartepourmedemander:

–Quelquechosenevapas,Rose?–Jet’aidéjàditquemonvraiprénométaitCaroline!m’agacé-je.–OK.Tuesénervée!Jevaistelaissertranquille.

Ilsetournedesoncôtéettientparole.Jenefermepasl’œildelanuit.Jesuisprofondémentblesséedem’êtrefaitavoirunefoisdeplus.

Chapitre18

DamienvientdemedéposeraupieddelatourLaroche.Jenelerevoispasavantlafindelasemaine,carildoitrentreràMorlaixpourréglerquelquesaffaires.Çamelaisseletempsdetirercettehistoireauclair.Quandlesportesdel’ascenseurs’ouvrentenfin,jemeprécipitedanslesalon.Jefarfouilleaufonddemonsacpourensortirmonportable.J’allumeensuiteunecigaretteetmedirigevers la terrasse, letéléphonecolléàl’oreille.

–Éva!Pourquoituessilongueàrépondre?– Désolée, ma poule, j’étais avec un livreur. Que se passe-t-il, pourquoi es-tu si excitée ? me

demande-t-elle,inquiète.–Parcequec’estlamerde,Éva!LaMÉGAMERDE!–Dequoituparles,Caro?Jenecomprendsrien!–Hiersoir,jesuistombéesur…enfin…j’aitrouvéparaccidentleportefeuilledeDamien,ettune

devinerasjamais!–Non,effectivement!s’agace-t-elle.Crachelemorceau!–C’estunflic!Unputaind’inspecteuràlanoix!

Jejettemonmégotet,stressée,j’allumeuneautrecigarette.

–Cen’estpasvrai…–Si,c’estvrai!–Merde…–Oui,c’estcequejetedis!MÉGAMERDE!–OK,restonscalmes!Tucroisqu’ilenquêtesurtoiousurcetteverminedeLucien?–Jen’ensaisrien!Ilsemblaitsigentiletjeluifaisaisentièrementconfiance,jesuismaudite!–Calme-toi,Caro!Çaneveutriendire,ilestpeut-êtresincèreavectoi.–Pourquoimecacherait-ilsaprofessionalors?–Ben,s’ilal’habitudedevoirdesprostituées,ilseprotège,toutsimplement.Ilpourraitperdreson

travailsiçasesavait!–Jen’ycroispasunseulinstant!TuasdemandéàAlexdeserenseigner?–Oui,maisjevaisluidiredefaireaccélérerleschoses!–OK.Moi,jevaisvoirsijetrouvequelquechosesurluietsafemmesurInternet.J’auraisdûvérifier

dèsquej’aifaitsaconnaissance.C’étaittropbeaupourêtrevrai!Unclientquinedésiraitpascoucheravecmoi!Quelleconne!Ilm’aendormieavecsonhistoiredefemmedécédée!

–Onserappelledèsquel’unedenousauneinfo!Moi,jecontacteAlex.–OK,bises.

Je glissemon téléphone dansma poche et fonce dansma chambre récupérer l’ordinateur portable.Puis, la gorge nouée, je m’installe sur le canapé. Je commence par faire des recherches sur DamienDelacroixàMorlaix,maisrien…Ilestinexistantcommejem’endoutais,Delacroixn’estpassonvrai

nomet,commejesuisuneidiote,jemesuisfocaliséesursacarted’inspecteursanspenseràregarderlenom inscrit dessus. Je réfléchis un instant et cherche un accident avec une femme décédée dans unaccidentdevoiture,entre2011et2012,ducôtédeMorlaix.Jemedisqu’avecunpeudechanceilnem’apasmenti sur ça. Bingo !Une jeune femme estmorte en percutant un arbre en pleine nuit. Elle avait27ans,çapourraitcorrespondre.Iln’estpasprécisédansl’articlesielleétaitmariéeounon.Maisjesaismaintenantqu’ellesenommaitClairePrigent.SiDamienditlavéritésursafemme,çanepeutêtrequ’elle. Donc il s’appellerait Damien Prigent, s’ils étaient mariés… Étrange, ça ne colle pas aupersonnage.

Jenepeuxm’empêcherdetaperlenomd’Audricdanslemoteurderecherche.Jen’aipaseudesesnouvellesdepuisplusieurssemaines,jemedemandebiencequ’ilfabrique.JetombesuruneflopéedephotosdeluietAndréa.Moncœursefige.Ilsontvraimentl’airtrèsintimes…Serait-ilpossiblequ’ilssoientànouveauensemble?

Lajalousies’emparedemoialorsquemapoitrinesecomprimeàcetteidée.Ilmeditm’aimerettoutfairepourmerécupérer,maiscequejevoislà,surcesclichés,estàl’opposédesesparoles.Jechasseles larmes quimenacent d’envahirmonvisage, et fermemonordinateur.Audricm’a envoûtée, je suisincapabledel’oubliernimêmederegarderunautrehomme.

J’envoieunmessageàÉvapourlaprévenirdemesdécouvertes.À11heures,jemangerapidementunsandwichetcommenceàtournerenronddanstoutl’appartement.Jesuiscommeunlionencage,commesi lesmursse refermaientpetitàpetit surmoi. J’étouffe, il fautque jesortemarcheravantdedevenirfolle.J’avancesansvraimentfaireattentionàladirectionquejeprends,unpasaprèsl’autre,perduedansmespensées.Jemontedansunbusetmelaissetombersurunsiègeprèsdelavitre.J’observelesgensetlesfaçadesdesbâtimentssansvraimentlesvoir.Cen’estquequandlebuss’immobiliseaucoind’unerueetquej’aperçoisladevanturedurestaurantoùAudricdéjeunetouslesmidisquejemerendscomptede l’endroit où jeme trouve. Je blêmis. J’en suis arrivée à un stade oùmes pas sont guidés parmonsubconscient.Jedescendsvitedubusetmarchejusqu’àl’entréedurestaurant.

Maisqu’est-cequejefous?Jesuisdevenuefolle!

Jeveuxjustel’apercevoir,l’observerquelquesminutes,etrepartird’oùjeviens.J’enaibesoin,c’estvital…

Jeresteunmomentfigéedevantlaporte.Ets’ilmevoyait?

Jedécidedemecacherplusloindanslarue,danslerenfoncementd’uneentréed’immeuble.Delàoùjeme trouve, je vois très bien le restaurant. Et siAudric n’était pas ici ? Je serai vite fixée, je vaisattendre.Jem’adosseaumuretcroiselesbrassurlapoitrine.Jeregardemamontrerégulièrement,maistoujourspasd’Audric.Peut-êtrequedepuisqu’ilnetravailleplusavecsonpère,ilnevientplusdéjeunerici.Jesuisàdeuxdoigtsderebroussercheminquandjevois laportedurestaurants’ouvrir.JeretiensmonsouffleenapercevantAudric.Ilestencostumesombreavecunechemiseblanchequifaitressortirsapeaumate.Ilestsublime,commed’habitude.Moncœurs’affoleetpercuteviolemmentmescôtes.

Il sourit et se tourne vers la porte restée ouverte, je comprends qu’il n’est pas seul.Mon corps seraiditenvoyantlafinesilhouetteauxcheveuxblondslerejoindresurletrottoir.J’aicommel’impression

demeprendreuncoupdepoingdansleventre.Jeposelamainsurmabouchepournepascrierdecolèreou de tristesse.Une larme roule le long dema joue, je l’essuie rageusement.Comment peut-il être sisouriantetsemblersiheureuxalorsquemoi,jesouffrelemartyre?Pourquoicettegarceest-elleencoreaveclui?Audrics’immobiliseetperdsonsourirequandsonregardsebraquesurmoi.Jemeprécipiteenarrièreetmeplaqueaumur.M’a-t-ilvue?Jen’ensuispascertaine.Jenebougeplusetj’essaiederetrouvermonsouffle.J’ail’impressionquemonsangadésertémoncorps.

J’ailasensationqu’uneéternités’estécouléequandjedécidedesortirdemontrou.Ildoitdéjàêtreloin.Jen’aipasletempsdefairedeuxpasqu’ilmetombedessus.Ilm’attendait!Ilmecoupelaroutealorsquej’essaiedelecontournerenbaissantlatête.Jesuismortedehonte.

–Oùcomptes-tuallercommeça?ironise-t-il,unsourireauxcoinsdeslèvres.–Laisse-moipasser,lesupplié-je.–Qu’est-cequetufabriques,planquéeici?Tum’espionnes?–Sûrementpas ! lancé-je en relevant lementonpour leprovoquer. J’aibienplus important à faire

dansmaviequedet’espionnertoiet…tagarce!

Sonsourires’élargitencore,etjen’aiqu’uneenvieàcemomentprécis,c’estdeluiencollerunepourl’effacerdesonvisage.

–Tuesjalouse!ricane-t-il.–Quoi?Maispasdutout!

Mes joues s’enflamment. J’essaie encore une fois de l’esquiver pour m’enfuir très loin, mais ilm’attrapeparlesbrasetm’immobilisefaceàlui.Ilplongesesyeuxvertsdanslesmiensetsonsouriredisparaît.Ladouleursepeintsursestraits.Ilestsiprèsquesonsoufflecaressemonvisage.Moncœurrateunbattement.J’aidumalàmaîtriserlestremblementsdemesjambes.

–Quefais-tulà,monange?–…–Tuneveuxpasmeparler?Onn’estplusdesgamins!Insulte-moi,faiscequetuveux,maisarrêtede

meregarderaveccesyeuxpleinsdereproches…–Etavecquelsyeuxveux-tuquejeteregarde,Audric?

Lacolèreetledésespoirmontentenmoi.

–Chaquejour,j’agonisesanstoi…alorsquetoi,tubatifolesaveccettesalope!–Jenebatifolepasavecelle!–Ahnon,alorsquefais-tu?Tudism’aimeretlaseconded’après,elleestàtonbras!Jen’aipaseu

detesnouvellesdepuislegala…Je…je…

Jesuisincapabledefinirmaphrase.J’enaiassezdemebattre.Jesuisépuisée.Lesbrasballants,jedétourneleregardpourcachermesyeuxpleinsdelarmes.

– Je suis désolé, mon ange. Si je fais tout ça, c’est pour nous. Je t’aime comme tu ne peux pasimaginer… Je sais que tu ne me crois pas, mais il ne se passe absolument rien avec Andréa. Cesdernièressemaines,nousavonseffectivementpartagébeaucoupdemomentsensemble,maisuniquement

pourlesaffaires.Ellem’aideetmeramènedegrosclients,maistoutesmespenséesvontverstoi…Jet’appartiens,Caro…

–Jenesaisplus…Audric,laisse-moiunpeudetempspouryvoirunpeuplusclair.–Jetelaissetoutletempsdonttuasbesoin,maisnerenoncepasànous,jet’ensupplie.

J’acquiesce,lecœurenmiettesdedevoirlequittersansluidirecequejeressens,maisjenedoispasoublierlesmenacesdesonpèreetcelles,encoreplusdangereuses,deLucien.Ilmeprenddanssesbras,jelelaissefaire.J’enaibesoinpourcombattretoutcequim’attenddanslessemainesàvenir.Jefermelesyeuxetposelajouecontresontorse.Sonparfumm’emplitlespoumonsetmebrûlelesentrailles,carjesais…jesaisquelemomentfatidiquedesadieuxapproche.Levisageinondédelarmes,jelerepousseetm’enfuisencourant.Jetraverselaruesansmêmeregardersilefeuétaitvertoupas,etlà,lechoc…Unedouleuratrocemefrappedepleinfouetetjesuisprojetéeenl’air,puisc’estletrounoir…

Chapitre19

Unelumièreaveuglantemebrûlelesyeuxlorsquejelesouvre.Jelesrefermeaussitôt.Qu’est-cequisepasse?Moncœurs’emballealorsquedesdouleurs insupportables surgissentdans toutmoncorps.J’aidumalàrespirer.Chaquefoisquemespoumonss’emplissentd’air,unevivebrûluremedéchirelapoitrine.Jem’efforcederespirerdoucement.Jetenteànouveaud’ouvrirlesyeuxetsuisunefoisdepluséblouie.Jelesplisseetilsfinissentpars’adapter.Lapremièrechosequejevois,c’estlemurblancquimefaitface.Jemerendscomptequejesuisdansunechambred’hôpital.Lapaniques’emparedemoi.UnbruitsurmadroiteattiremonattentionetlavoixdeDamiencomblelesilence:

–Tuesenfinréveillée…–Je…Qu’est-cequejefaislà?

Jesuisperdue.Jenecomprendsplusrien.PourquoiDamienest-ilici?OùestAudric?Jeplongemonregardinquietdanslesienetdemande:

–Ques’est-ilpassé?–Tuasétérenverséeparunevoiture,hier.–Hier?Jesuisicidepuishier?–Oui.–J’aiquoi?demandé-jed’unevoixtremblante.–Tuasdescôtesfêlées,etaussiuntraumatismecrânien.Lechocaétéviolent,j’aieutrèspeurente

voyanttraverser…enfin…tuaseudelachance,çaauraitpuêtrebeaucoupplusgrave!–Qu’est-cequetuviensdedire?–Dequoi?–Tuviensdedirequetum’asvuetraverserlarue?–Euh…non…je…–Arrêtedemementir,Damien!Jesaistout!–…–Tumesurveillais?Dequoijesuisaccusée?Pourquoilesflicsmetournent-ilsautour?

Ilsedécomposesurplace.Sesyeuxsedétournenttandisqu’ilsepasseunemainsurlevisage.Iltirelachaisepourvenirs’installeràmescôtés.Ilprendunegrandeinspirationetmeregardeànouveaudroitdanslesyeux.

–Quesais-tuexactement?–Quetuesunputaindeflic!Quetumemens!–Oui,jesuisinspecteuràlaCriminelle.–Tuenquêtessurmoi?Pourquoi?–C’estpluscompliquéqueçaenal’air,Caroline…–Jenevoispascequ’ilyadecompliqué!Tuesunenfoirédementeur,c’esttout!crié-jeàboutde

nerfs.–Tunesaispastoutet…j’ignoreparoùcommencer…

Jeblêmisenobservantladouleursepeindresursonvisage.Quemecache-t-il?Ilgesticulesursonsiège,l’airmalàl’aiseavantdelancerd’unevoixgrave:

–Tumeconnaisdepuislongtemps…–Non!–Si,Caroline.–Quies-tu?questionné-jeensentantmapoitrineseserrerd’appréhension.–JesuislegrandfrèredeGabriel…

Lechoc,àcetinstant,estencoreplusviolentqueceluid’hieraveclavoiture.J’écarquillelesyeuxenledévisageant.Commentj’aipupasseràcôtédeça?Voilàpourquoisonsourirenem’étaitpasinconnu.IlalemêmequeGabriel…Jenel’aipassouventvu,cegrandfrère,déjàpartidepuislongtempsdelamaisonfairedesétudessupérieures,ilsdevaientavoirdixansd’écart…

–Jenecomprendsrien…Quemeveux-tu?–Àtoi,rien.J’enquêtesurlamortdemonfrèreetdetesparentsdepuislongtemps,commeleurmorta

étéconsidéréecommeaccidentelle,l’affaireaétéfermée.Jetravailleseul,surmontempslibre,çaprenddutemps…J’aienfintrouvéunepiste,ettoutmeconduitjusqu’àLucien,etaussiuneautrepersonne…

–Nemedispasqu’Audricestmêléàcettehistoire,lesupplié-je.–Non,jeparledesonpère.IlestdemècheavecLucienettoutindiquequec’estlui,lecommanditaire

deleurassassinat.–MonDieu…Jem’endoutais.Cethommeestdiabolique!– Je me suis fait passer pour un client pour approcher Lucien et… je suis là ! Je ne savais pas

commentm’yprendrepourtedirelavérité.

Jerestesansvoixquelquesminutes.LevisagedeGabriel,ainsiqueceuxdemesparentsenvahissentmespensées.Touscesmortspourquoi?Del’argent?J’aiunesubiteenviedevomir,jemeredresseetgrimacequandladouleurserappelleàmoi.JemeressaisisetjefixeDamien.J’aidelapeinepourlui,lepauvreaperdusonpetitfrère.

–Jesuisdésoléepourtoi,murmuré-jeensaisissantsamain.Monpèreestresponsabledetout!S’iln’avait pas escroqué tous ces gens, ma vie et celle de beaucoup de personnes auraient été biendifférentes.

–Oui,c’étaitunescroc,maisilneméritaitpaslamortpourautant.J’aiassezdepreuvespourtouslesfairearrêter.J’attendaisdesavoirquelleétaittonimplicationdanscettehistoire.

–Jen’enrevienspasqueM.Beaumonts’ensoitprisàunefamilleentièrepourdel’argent!Gabrieletmoiétionssijeunes,ilneméritaitpasdemourir.

–Non,ilneméritaitpasça…Cemonstrevalepayercher!–TusaissiAudricavumonaccidentous’ilétaitdéjàparti,hier?–Ohqueoui,ill’avu!J’aipresquedûlevirerd’ici,cematin.Ilapassélanuitàteveiller.Ilétait

danstoussesétatsetils’enestmêmeprisàmoidèsqu’ilm’aaperçu.–Toutcequetum’avaisracontéestfauxsurtavie?–Non,toutestvrai.

–Tafemmeestréellementdécédée?–Oui,etjevisbienàMorlaix.–Comments’appelait-elle?–Claire…–ClairePrigent?–Oui,commentlesais-tu?demande-t-il,surpris.–Jenesuispasinspecteurdepolice,mais,moiaussi,jesaismeneruneenquête,glissé-jeententantde

détendrel’atmosphère.Vousn’étiezdoncpasmariéspuisquetonnomestVentura?–Ladateétaitfixée,mais…elleestmorteavant.

IlsemblesitristequejesongeunefoisdeplusàGabriel.Jepensaisnepluspouvoiraimerpersonne,jusqu’àAudric.Ilabouleversémaviedanstouslessensduterme.Jenesaispascequ’onvadevenirsisonpèreestarrêté.Aurons-nousunechanced’êtreheureuxensemble?Jen’ycroisplusvraiment,tropdechosesnousséparent.

–Jevaistelaisser.Jedoismerendreaupostepourremettretouteslespreuvesetfairepréparerlesmandatsd’arrêt.

–Audricnesaitrien?–Non.Ildevraitbientôtrevenir,tuluiexpliquerastout.–Mais…qu’est-cequejevaisluidire?–Lavérité,toutsimplement.Iln’estpasdugenreàprotégersonpèredequoiquecesoit,apriori…Je

tecontacteraidemainpourteteniraucourantdesévénements.–OK.Merci,Damien.–Pourquoi?s’étonne-t-ilenselevant.–Dem’extirperdecetteimpasse…Tunesaispascequej’aienduré.Jenepensaispasm’ensortirun

jour…–Détrompe-toi,Caroline,jesaistout,etj’ensuisvraimentdésolé.

Jeretiensunsanglot.Leslarmesdévalentmesjoues.Jenesauraisdiresijepleuredesoulagementoudepeurfaceàcetteviequim’attend.Jesuiseffrayéed’êtrelibre.Oùvais-jealleretqu’est-cequejevaisdevenirsans toutcestressquimeublaitmonquotidien?Çapeutparaître idiot,mais j’étaishabituéeàvivreainsi,jemesensperduetoutàcoup.

Ilm’embrassesurlefrontets’éloigneendirectiondelaporte.

–Toutvabiensepasser,Caro.Tun’esplusseule,jesuislà,conclut-il.J’aifaitposterdeshommesdevantlaportedetachambre,pourtasécurité.Onnesaitjamais.

Ilmesourittendrementetsort.Jem’essuielesjouesetjesombredansunprofondsommeil.

Chapitre20

Desmots, des paroles lancées sur un ton agressif.C’est la voix d’Audric, je la reconnaîtrais entremille.Jen’ouvrepaslesyeuxetjefaiscommesijedormaisencore.J’écouteetj’essaiedecomprendre.

–Jetedisqu’elleestàl’hôpital!Qu’est-cequetuluiasracontépourqu’elleaitsipeurdevivreavecmoi?

Il sembleabattuet trèsénervéà la fois. Jedevinequ’ilparleà sonpère,cequiveutdirequ’ilestencoreenliberté.Unfrissonmeparcourtlecorps.

Lediableestencorelibredevenirmetuer…

–Jet’interdisdeparlerd’elleainsi!Jel’aimeetriendecequetupourrasfairenem’enempêchera!

Je vais devoir avouer toute la vérité àAudric et je ne sais pas par où je vais commencer. Je vaissuivreleconseildeDamienetdireleschosescommeellessesontpassées.

–Encoredesmenaces!Jepeuxtejurerques’illuiarrivequoiquecesoitjetetue!grogne-t-il.

Jecomprendsqu’ilaraccrochéquandilsaisitmamainpourlaserrerdanslasienne.Moncœurrateunbattement.

MonDieu,quej’aimecethomme…

Ilestlaseulechosequimelieencoreàcettevie.Jeresserremesdoigtsautourdessiensetj’ouvrelesyeux.Jeplongedanssonregardvert.Ilalestraitstirésetsembleépuisé.Ilapeur,jelevoisdanssonattitude.A-t-ilpeurdemeperdre?Oudecequesonpèrepourraitmefaire?Jeculpabilisedeluifaireendurertoutcela.

–Tu es réveillée,mon ange… Jeme suis fait tellement de souci, si tu savais.Quand j’ai vu cettevoiturete…

Savoixsebrise.Maissonvisages’éclaircitquandsesyeuxsesoudentauxmiensetunlégersourireapparaîtsurseslèvres.

–Jevaisbien,Audric.Net’inquiètepascommeça,tenté-jedelerassurer.–Quejenem’inquiètepas?J’aicruquejeteperdais…–Jesuislà,ettoutvabien,enfin…pastout.Ilfautqu’onparle…–Nemedispas,encore,qu’iltefautdutemps!Nemerepousseplus,Caro…

Moncœurs’emballeànouveau.Unnœudseformedansmonventreàl’idéedecequejevaisluidire.

–Tumeparlerasplustard,tudoistereposer,continue-t-il.–Non!C’esttrèsimportantAudric,ilfautquejeteracontetout.–OK.Calme-toi,jet’écoute.

Jemeredressepourmecalercontrel’oreilleretj’ignoreladouleur.Jeprendsunegrandeinspirationavantdecommencermonrécit:

–Commetu lesais,monpèreaescroquébeaucoupdepersonnes…despersonnescommetonpère.Ma famille a été assassinée ainsi queGabriel,monpetit ami de l’époque.Depuis ce jour, j’ai dûmedébrouillertouteseuleetfairedeschosesdontjenesuispasfièrepourm’ensortir.J’aicommencéàmeprostituerlejouroùLucienadébarquédansmavie…

–QuiestceLucien?–Unevermineengagéepourmeréclamerchaquemoisdel’argent…–Engagéeparqui?–Tonpère…

Ilseredressed’uncoupetdevientblême.

–Monpère?Non!Jesaisquec’estunhommedurenaffairesetpassimpleàgérer,maisjamais…

Il s’arrête de parler et semble réfléchir.Le front plissé, les yeux perdus dans le vague, il garde lesilencequelquesminutesavantdereprendre:

–Pourquoim’a-t-ildemandéd’enquêtersurtoi,alors?–Jenesaispas.Malgrélessommesd’argentqu’ilrécupéraittouslesmois,ilrestaitpersuadéqueje

cachais celui que mon père lui avait dérobé. Comme si j’étais tombée dans la prostitution pourm’amuser!Tupensesbienquesij’avaiseutoutcefric,j’auraisdisparudanslanature!

–Jemedemandebiencequetonpèreapuenfaire, ilnes’estpasvolatilisé,onparledeplusieursmillionstoutdemême!

–Jel’ignore…Ilavaitbiendessecrets.Jemerappelleque,lejourdel’accident,iln’étaitpasdanssonétatnormal.Ildevaitpressentirqueleschosesallaient luiexploseràlafigure.Nousétionspasséschezma tantece jour-là,maismonpèrenousavaitordonnéderesterdans lavoiture.Nousentendionsleurs cris depuis la rue. Ils s’étaient disputés,mais jene saispaspourquoi.Quand tu es allévoirmatante,ellet’aditquelquechose?

–Tatante?Maisjen’aijamaisétélavoir…–Si,tuyesallé!insisté-je,sûredemoi.–Jamaisdelavie,Caro!D’aprèsl’enquêtedudétective,jesavaisqu’ilsneseparlaientplusavecton

pèredepuisplusieursannées.C’estpourcetteraisonquejem’étonnequ’ilysoitpassé…

Jemesuistrompée,cen’estpasAudricquiestalléchezelle,maisalorsquiçapeut…?

Jedevinelaréponse:

–Damien!Çanepeutêtrequelui!–Tonclient?Maisqu’est-cequ’ilaàvoirdanscettehistoire,cecon?–Cen’estpasunclient,maisuninspecteurdepoliceetilsetrouvequec’estaussilefrèreaînéde

Gabriel…–Quoi?–Oui,j’allaist’enparler.Ilenquêtedepuisplusieursannéessurlamortdemafamilleetdesonfrère,

ettunevaspasaimercequejevaistedire.–Jet’écoute…–TonpèrevaêtrearrêtéavecLucienpourmeurtreettentativedemeurtre…–Quoi?C’estfaux!Cequetumedisnepeutêtrevrai!s’emporte-t-il.

Ilselèveetfaitlescentpasdanslaminusculepièce,alorsqu’uneangoisseprofondemesubmerge.Ets’ilnemecroyaitpasetqu’ilmedétestaitparcequesonpèrevafinirenprison?

–Damienestcertainquemonpèreapréméditétoutça?–Oui,malheureusement.–Jen’enrevienspas…Jesaisàquelpoint ilpeutêtresansscrupule,maisdelàà tuerdesgens…

Quelenfoiré!Jevaislebuter!s’emporte-t-il.–Nevasurtoutpaslevoir,Audric!Laissefairelapolice,jeneveuxpasteperdretoiaussi…

Les larmes envahissentmes yeux. Il se penche et pose ses lèvres sur lesmiennes avec une infiniedouceur.Moncorpsseréveilleàcesimplecontact.

–Jet’aimetellement,monange…–Moiaussi,jet’aime,Audric.

Ilmeserredoucementcontreluipournepasmefairemal.Jefermelesyeuxetprofitedecemomentdebonheur.Jenesaiss’ilvadurer,sijevaisenfinpouvoirvivrepleinementmonhistoired’amouravecAudric,maisj’aimeycroire…

Chapitre21

–J’aidumalàencaissertoutcequetuviensdemeraconter!s’exclameÉva.

Elleplongeungrosbouquetderosesdansunvase.Monamieestarrivéecematin;alertéeparAudric,elleaprislepremiervolpourvenirmevoiràl’hôpital.

–Onsecroiraitdansunesérietélévisée.Leplusimportant,c’estquecesdeuxmaladesfinissentenprisonetquetupuissesenfinprofiterdetavie.Jesuisheureusepourtoiquetoutceciprennefin.

–Merci,Éva.Jet’avouequejesuisperturbéepartoutecettehistoire.TuterendscomptequeDamienest le frèredeGabriel !C’est incroyable ! Jen’arrive toujourspas à réaliser tout cequ’il a vécu luiaussi.

–Jesupposequec’estpourcetteraisonque l’enquêtemenéeparAlexn’amenéàrien! Ilavaitunfauxnom!

–Oui.Turestesjusqu’àquand?–Jusqu’àcequetusoiscomplètementremise!–Jeteremerciebeaucouppourtoutcequetufaispourmoi,Éva…–Tufaispartiedelafamille,Caro!Commetoutecettehistoireestréglée,tuvaspouvoirreprendre

tonposteàl’écolededanse.Lestravauxsontbientôtfinisetnousnerisquonsplusrien.–Oui.Jevaisavoirdumalàvivresanscespressionsquipesaientsurmoi.–Tuneserasplusseule!Audricabienl’intentiondeneplustelâcherd’unesemelle!–Jenesaisplustropoùnousensommestouslesdeux.–C’estpourcette raisonquedèsque tu seras surpied,vousallezvenirpasserquelques joursà la

maison!–ÀCassis?–Oui!–Audricnevoudrajamais,ilestdébordéavecsesaffaires.–Toutestdéjàorganisé!s’exclame-t-elle,fièred’elle.–Iladitoui?–Personnenemerésiste,tudevraislesavoir!

Sonrireemplitlapièceetc’estcommeunedoucemusiqueàmesoreilles.Çafaitdubiendel’avoirauprèsdemoi.

–Sinon,tuasdesnouvellesdeDamien?–Non,j’attendsqu’ilmecontactepourmedirecequ’ilsepasse.–J’espèrequetoutsedéroulebienetqu’ilslesontarrêtés!–J’espèresurtoutqueDamienavaitundossiersolide,parcequeM.Beaumontnevapasse laisser

faireetilalebraslong!–Bras longoupas,çanedonnepas ledroitde tuer impunément !Maintenantque levieuxesthors

circuit,vousallezpouvoirvousremettreensembleetpeut-êtremêmevousmarier!

–Nemettons pas la charrue avant les bœufs ! La vie nem’a jamais fait de cadeaux, j’attends dedécouvrirleprixàpayerpourmaliberté…,dis-je,peuconfiante.

–Tunepeuxpasêtrepositive,pourunefois!s’agaceÉva.–Pourtomberdeplushautaprès?Non,merci!IlyalongtempsquejenecroisplusaupèreNoël!

Évaéclatederireetjel’imite.

–C’estmarrant,jedisaisçaaussiquandj’airencontréAlex…etpourtant…,finit-elleavecunsouriremalicieuxsurleslèvres.

–Cen’estpaslamêmechose!–Ahbon?Etenquoiest-cedifférent?–Ben…Pourcommencer, tun’aspasunpassédeprostituéesur ledoset tun’aspasunbeau-père

meurtrierquiveutfoutreenl’airtarelation!–Jetel’accorde,maislebeau-pèrevaséjournerunlongmomentenprison,et,pourlereste,ilsuffit

d’oublier.–Facileàdire!–Tu sais par quoi je suis passée,Caro ! s’emporte tout à coupmon amie.Tun’as pas le droit de

renoncersanstebattre!Rappelle-toitoutcequej’aienduré,etregardemavieaujourd’hui…

Jeme remémore les drames traversés par Éva et je détourne le regard, honteuse. Elle a vécu desmomentsatroces.

–Jesuisdésolée,Éva…Etmercipourcesbellesroses.

Elle s’approcheet sepenchepourm’enlacer.Nous restonsquelquesminutesdans lesbras l’unedel’autre,puisÉvamequittepourquejepuissemereposer.Jemeretrouveseuledanscettechambreoùtoutestblancetdéprimant.Jeréfléchisàmonavenir.Évaaraison,jen’aipasledroitd’abandonner,surtoutmaintenantquejesuisdébarrasséedeLucien.Jerécupéreraimonposteàl’écolededanseetreprendraimavieavecAudriccommeavant.Enfin,s’illesouhaite,luiaussi…

Montéléphonesonne,jemetsquelquessecondesàletrouversurlatabledenuit.

–Oui,allô?–Bonjour,Caroline,c’estDamien.–Oh,bonjour,j’attendaistonappel.–Tuvasmieux?–Oui,onpeutdireçacommeça,réponds-jeenriant.

La douleurme rappelle rapidement que j’ai plusieurs côtes fêlées et que je ne dois pas rire… Jegrimaceavantdereprendre:

–Alors,qu’est-cequisepasse?–J’aidebonnesnouvelles!M.BeaumontetLucienontétéarrêtés.–Jesuissoulagéedel’entendre.Tondossierestassezsolide,j’espère?–Ohqueoui!J’aidesenregistrements,desvidéosetdestémoignages.Tun’aspasdesouciàtefaire,

tuesdébarrassée.

–Jen’arrivepasàlecroire.Jetedoislavie,Damien…–N’exagèrepasnonplus,lance-t-ilenriant.–Jet’assurequejen’exagèrepas!Dis-moi,j’aibesoind’unedernièreinfo…–Jet’écoute!–Jevoulaissavoirsic’étaittoiquiétaispasséchezmatante,ilyaquelquesmoisdecela?–J’allaist’enparlerundecesjours;oui,c’estmoi.J’enquêtais,maisjen’airienapprisdenouveau.

Ellem’aremisunevieilleboîtequetonpèreluiavaitlaissée,jetel’apporteraidèsquepossible.–Uneboîte?–Oui,maisriend’importantdedans:devieillesphotos,desclés,deslettres.–OK.Jeregarderaitoutçadeplusprèspourvoirsiçameditquelquechose.–Tusaisquandtusortirasdel’hôpital?–Oui,enfindesemaine,ensuitejeretournechezÉva.–Jepasseraitevoirlà-bas.Soigne-toibien.Jet’embrasse.–Mercipourtout,Damien.

Jeraccroche,lecœurplusléger.

Chapitre22

–J’airangétoutestesaffairesdansledressingetj’airemplilefrigo,tuestranquillepourunmoment.Detoutefaçon,Audricdoitarriverdanslajournée.Jel’aiinstallédansl’autrechambred’ami.

–Jeteremercie,Éva,maisjepouvaistrèsbienresterseule!–Horsdequestion!Audricn’auraitpasacceptédetoutefaçon!Déjàqu’ilétaitencolèrequejenete

ramènepaschezlui!D’ailleurs,jenecomprendstoujourspastadécision…–J’aijustebesoind’unpeudetemps.Ilestvraiqu’onabeaucoupparlécesderniersjoursàl’hôpital,

maisjeneveuxpasmeprécipiter.Cettefois,jedésirefaireleschosescorrectementetbienréfléchir.–Jecomprends,maisnetardepastropquandmême!LepauvreAudricagonisesanstoi,plaisante-t-

elle.–Oui,jesais,ilnecessedemebombarderdemessages.

Unrires’échappemalencontreusementdemeslèvresetm’arracheunegrimacecauséeparladouleur.J’arrêtederespirerletempsqueçasecalmeetjedéplacelesacdeglace.Desfrissonsmeparcourentaucontact mordant du froid. Je suis installée sur le canapé dans l’immense salon. Je peux observer laterrasse et la piscine. Depuis combien de temps ne me suis-je pas sentie si bien ? Je n’ai plusd’angoisses,jen’aipaspeurdulendemain.

Lesdeuxnuisiblesquimepourrissaientlaviesontenprisonetpasserontprochainementenjugement.Je suis enfindébarrasséedeLucienetde sesmenaces. J’ai encoredumalàycroire. Jevaispouvoirreprendre une vie normale et revoir tousmes amis. Je pense à Thomas etKaren, ilsmemanquent etdoiventsûrementm’envouloirdenepasleurdonnerdenouvelles,ilfaudraquejelesappelle.

–Jevaisdevoirpartir,mapoule!Tuasbesoind’autrechose?–Non,merci,Éva.Jevaisdormirunmoment.–Repose-toibien.Je regrettedenepaspouvoir rester,maisnousavionsdéjà toutorganiséetpayé

pournotrevoyageenChine.–Jesaismedébrouillertouteseule!–C’estcequetudis,maischaquefoisquejem’absente,tuenchaîneslescatastrophes!–Nemefaispasrire,Éva,tusaisbienqueçamefaitmal!–Ouais.Enpartant,jevaislaisserunpassàl’accueilpourAudric,ilestaucourant.J’espèrequetout

s’arrangeraentrevous,parcequ’onvousattenddansdeuxsemainesàCassis.–Jesais!Tumel’asrépétéaumoinsvingtfoisdepuiscematin!

Monamiemesouritetvientmeserrerdanssesbras.

–Jet’appelledemain,pouravoirdesnouvelles.–OK,amusez-vousbien!

Évamontedansl’ascenseuretmelanceunderniersourireavantquelesportesneseferment.Jemeretrouveenfinseuleetçamefaitdubien.J’aibesoindetoutmettreenordredansmatête.Audricdevrait

arrivercetaprès-midietjesaisqu’ilnevapasmelâcherd’unesemelle.Moncœurs’emballeàl’idéequenousallonsenfinpouvoirêtreensemble,maisçamestresseaussi.J’aipeurdel’avenir.

Jem’allongeetjefermelesyeux,maisc’estdecourtedurée,carl’interphonesemetàsonner.Jemeredressedoucement.IlesttroptôtpourquecesoitAudric,jemedemandebienquiçapeutêtre.Jemelève et me traîne jusqu’à l’entrée. Je regarde l’écran et découvre Damien. Je lui ouvre les portes etm’appuie contre le mur face à l’ascenseur. Quelques instants plus tard, mon visiteur apparaît etm’embrassesurlajoue.

–Jesuiscontentdevoirquetuvasmieux.–Merci.Tuauraisdûmeprévenirdetavisite,jenesuispashabillée.

Jeresserremonpeignoirautourdemonvieuxpyjama,malàl’aise.Puisj’inviteDamienàmesuivre.Nousnousinstallonssurlecanapéetjeremarquelesacqu’iltientdanslesmains.Ilsuitmonregardetmeletend.

–Jesuisvenut’apporterlaboîtequej’avaisrécupéréecheztatante,maiscommejeteledisais,iln’yariend’intéressant.

–Merci.

Jelasaisisentremesdoigtstremblants.C’estunevieilleboîteencarton.Jelasorsdusacetl’observeen silence. Puis, prenant mon courage à deux mains, je soulève le couvercle. Ma gorge se serre endécouvrantdesphotosjauniesparletemps.Desclichésdemoipetiteavecmesparents.Deslettresquemamère avait écrites pourmonpère les premiersmois de leur rencontre. Je le sais parce que je lesconnais;unjour,jelesavaisdécouverteset,avecmamère,nousavionspasséunaprès-midiàleslireetàrire.Jerefoulemeslarmesenpensantàelle.Jelesposesurlatablebasseetj’observelefonddelaboîte.Jetrouvedesclés,unevieillemontre,desstylos,desobjetssansimportance.JerelèvelementonpourregarderDamien.Ildoitlireladéceptionsurmonvisagepuisqu’ilmeditd’unevoixdouce:

–Jet’avaisprévenuequ’iln’yavaitriend’intéressant.–Cen’estpasgrave…–Jesuisdésolé,Caro.–Cen’estpastafaute,maiscequejenecomprendspas,c’estpourquoimonpèrel’avaitdéposéechez

matante.Peut-êtrequ’ellecontenaitquelquechosequematanteapris…–C’estunmystère.Tonpèreétaitétrange.–C’estlemoinsquel’onpuissedire!Laissonstombercetteboîte!

Jelaposesurlatable,metournefaceàDamien,etmecalecontrelescoussinsducanapé.

–Commentsedéroulel’affairecontreBeaumontetLucien?–Ilssontmalbarrés,lespreuvess’accumulent.–Tantmieux!J’espèrequ’ilsvontcroupirtrèslongtempsenprison!–C’estbienpartipour!

Ilmefixeétrangementdepuisqu’ilestarrivé.Jenesaispascequ’ilsepasse,maisiln’estpascommed’habitude.Jedétourneleregardetdemande:

–Tupensesrentrerbientôtcheztoi?–Oui…justement,je…jevoulaistedemanderquelquechose.–Jet’écoute.–JevoulaissavoirsituétaisànouveauavecAudric?–Tuveuxdireencouple?–Oui,répond-ilenrougissant.–Jenesaispastropoùnousensommes,pourquoi?

Jememordsimmédiatement la lèvre,et jeregretted’avoirposécettequestion.Biensûrquejesaispourquoi,jelevoissursatête.

–Jevoulaist’inviteràdîner,undecessoirs.–Je…jenesaispastrop,jesuisfatiguéeencemoment…–Jesais,maisquandtuirasmieux?–Onenreparlera,d’icilà,jedoismereposer.

Jenesaisplusoùmemettre.Jesaisqu’ilaperdusafemmeetquepourluiçanedoitpasêtrefacile.

–OK.Jecomprends…

Ilselève,l’airdépité,etsetourneversmoi.

–Jeneveuxsurtoutpastemettremalàl’aise.Sijeneteplaispas,jecomprendrai,c’estjustequejetrouvaisquelecourantpassaitbienentrenous…

–Oh…Tues trèsséduisant,Damien,mais j’ignoreoùj’ensuisavecAudric,etpourdirevrai…jel’aime.

– Je n’insiste pas alors. Si tu changes d’avis, tu sais où me contacter, conclut-il en me sourianttristement.

–Jeteremerciepourtoutencoreune…

La sonnerie demon téléphonem’interrompt. J’ai reçu unmessage. SûrementAudric. J’attrapemonportable sur la table basse.Mon sang se glace dansmes veines.Mon cœur se fige dansma poitrine.Qu’est-cequec’estquecettehistoire?Jerelislesquelquesmots:

[Tuvascreversalope.]

Çadoitêtreuneblague,unmauvaistour,cen’estpaspossiblequeçacontinue!Jepensaisenfinêtretranquille,maisnon,çarecommence…Est-ceuncoupdeLucien?

–Tuvasbien?s’affoleDamienenmevoyantdanstousmesétats.

Commejeneréagispas,ils’approcheets’empareduportable.Sonvisagesecrispe.Moi,j’aidumalàrespirer.Jesavaisquejedevaisrestersurmesgardes.

–Tuasuneidéedequipeutt’envoyercegenredemessage?–Oui,maisilestenprison…–Lucien?Non,çanepeutpasêtrelui!

–Alorsqui?–Jenesaispas…Unautreclientdetonpèrequicherchesonargent?–Çanevadonc jamaiss’arrêter !m’énervé-jeenprenantmonvisageentremesmainspourcacher

meslarmes.–Tunedoispastelaisserabattre,Caro!Tun’esplusseule!–Facileàdire…–Changedeportableetdenuméropourêtretranquille.–Oui,jem’enoccuperaidèsquej’iraimieux.–Bon,jedoisyaller,maissituenreçoisd’autres,tumepréviensimmédiatement!–OK.

Ilmesalueets’enva.Jemeretrouveseuleetangoissée.Finalement,jesuispresséedevoirAudricarriver.

Jem’allonge à nouveau sur le canapé et fixe le plafond. Je suis certaine que c’est Lucien qui estderrièretoutça…

Chapitre23

–Çava,monange?

Jesursauteenreconnaissantlavoixd’Audric.Jesoulèvelespaupièresetplongemonregarddanslesien.

–Tueslàdepuislongtemps?balbutié-je,àmoitiéensommeillée.–Oui, tudormaissibienque jenesouhaitaispas tedéranger,mais ilvaêtre l’heurededîneret je

voulaissavoirsituavaisfaim.–Dequoi?Quelleheureest-il?–Presque19heures.–Mince!J’aidormitoutl’après-midi.–Qu’est-cequec’est?demande-t-ilenattrapantlaboîtesurlatablebasse.–Riend’important,devieuxsouvenirsdemonpère.

Jeme redresse et je grimace. Il faut que jeprennemesmédicaments contre la douleur. Je saisis laboîtedemonpèreetmelèvepourlaposersurlebuffet,prèsdel’entrée.Jenesaispasencorecequejevaisenfaire,maiscequiestcertain,c’estquejeneveuxplusl’avoirsouslesyeux.

Audric m’observe avec un air songeur sur le visage. Je le fixe alors qu’il s’approche de moilentement.Moncœurfaitunbondetmesmainssemettentàtrembler.Jel’aimetantquec’enesteffrayant.Ils’immobiliseàquelquescentimètresdemoiet,lesyeuxtoujoursrivésauxmiens,ilmecaresselajoue.Moncorpstoutentiersemetàbouillir.

–Tuessibelle…,murmure-t-ilendescendantsesdoigtslelongdemonbras.

Mapeausecouvredefrissons.Marespirationsefaitlaborieuse.Ilsepenche,et,deseslèvres,frôlelesmiennes.Unedéchargeélectriquemetraverselecorps.

–Qu’est-cequetufais?bégayé-jecontresabouche.–Jet’embrasse…–Cen’estpasunebonneidée…Ilfaut…ilfautprendreletempsde…

Unsoupirs’échappedemeslèvresquandsalanguedescendlelongdemaclavicule.

–Toncorps,lui,meditquec’estunebonneidée!

Ilglisselesmainssousmonpeignoirpours’emparerdemapoitrine.

–Tuvoisbienquejesuishandicapée,jenepeuxpasbougersanssouffrir.–Quitedemandedebouger?

–Quoi?–Tuvast’allongersurlecanapéetjevaism’occuperdetoi,chuchote-t-ilenm’entraînantaveclui.–Mais…–Iln’yapasde«mais»!Allonge-toi!

J’obéis.Detoutefaçon,jesaisqu’ilauralederniermot.Ilsuffitdevoirdansquelétatjesuis.Ilfaitglissermonpeignoiretmonbasdepyjama.Monstringprendlemêmechemin.Ilécartedoucementmescuisses,sonregardsoudéaumien.Jetrembledelatêteauxpiedsetmoncœurs’emballe,àlalimitedusupportable. J’observe sonvisagedisparaître entremes jambes.Son souffle chaudcaressemes lèvreshumides d’excitation alors que sa langue s’immisce entre elles pour venir déguster mon clitoris. Ungémissementm’échappe.C’estsibonquemesongless’enfoncentdansletissuquirecouvrelecanapé.Jefermelesyeux.Letempsd’uninstant,j’enoublieladouleurquemescôtesfêléesm’infligent.Sescoupsdelanguesefontplusrapides,plusinsistants,plusprofonds.Jemetortilleet j’écarte lescuissesqu’ilbloquedesesmains.Ilmordillecepetitboutdechairsisensibleetdéclencheenmoiunorgasmequimesecouetoutentière.Ilseredresseetmedévisage,l’airsatisfait.

–Voilà,mademoiselle,et,maintenantquetuesbiendétendue,jeteconseilledetereposerunpeu,letempsque je nous fasse chauffer quelque chose àmanger. J’ai vuqu’il y avait des tomates farcies aucongélateur,çatedit?

–C’estparfait.

Jeleregardes’éloigneretnepeuxretenirunsourire.Audricestlà,etj’aitoujoursdumalàycroire.Je me cale confortablement contre les coussins et, avec la télécommande, j’augmente l’intensité del’éclairage.Quelque chose semet à vibrer sousmes jambes. Je sursaute et soulèvemon peignoir. Jetrouveleportabled’Audric.

–Audric!Tuasunappel!crié-jeendirectiondelacuisine.

Pasderéponse.Jeregardel’écranetdécouvrelevisagedelafemmequejedétesteleplussurcetteplanète.Qu’est-cequ’elleluiveutencore?Letéléphonearrêtedevibrer,mais,quelquessecondesplustard, il annonce l’arrivée d’un message. Je fixe l’entrée de la cuisine, et, curieuse, j’ouvre la petiteenveloppe.Moncœurcessedebattre.Jen’encroispasmesyeux,quelenfoiré,cetype!

[Jet’aime,Audric,etjesaisquetum’aimesaussi,alorsquefabriques-tuaveccetteprostituée?Nousn’avonsplusbesoindecherchercetargent,tuvasreprendrelatêtedesentreprisesdetonpère.Rentreàlamaison,jet’attends.Andréa]

Je suis sous le choc et ne peux détacher les yeux de cesmots qui font éclatermes rêves enmillemorceaux.Andréa était au courant de toutes lesmanipulations d’Audric et de son père. Ilm’a encorementi…Leslarmesmebrouillentlavueetdégringolentlelongdemesjoues.

–Tusaisqu’Évaveutqu’onaillequelquesjoursaveceuxsurleurbateau?demande-t-ilenpénétrantdanslesalon.Jetrouvequec’estune…

Ilneterminepassaphraseets’approcherapidementdemoi,inquiet.

–Quesepasse-t-il,Caro?

Sesyeuxsefigentsurletéléphonequejetienstoujoursetilmel’arrachedesmainsavantdemedire,agacé:

–Tufouillesdansmonportable,maintenant?–Tun’esqu’unsalopard!Unmenteurcommetonpère!–Dequoituparles?–Arrêtede te foutredemoiet regarde lemessagede ta chèreAndréa !hurlé-je enm’essuyant les

jouesd’unreversdelamain.

Il lit lesquelques lignesetsedécompose.Levisageblême, ilmefixeànouveauetme lanced’unevoixgrave:

–Je…jesuisdésolé…Jenesaispaspourquoiellem’envoiecemessage…–Mensonge!Elleestaucourantdetoutpourl’argent!Elleétaitdansvosmanigances,etquandelle

ditqu’ellet’attendàlamaison,çaveutdirequoi?Elleestcheztoi,là?– Non, je… enfin oui, elle est chez moi, pour régler des affaires de mon père. C’est la panique

généraleparcequ’ilestenprison.J’ailesactionnairessurledos,etjeneparlepasdelapresse!

Il fait lescentpaset sepassenerveusement lesmainsdans lescheveux. Je l’écoute,maisune ragefolles’emparedemoi.

–Pourquoies-tulà?Tuveuxm’anéantir?Tusaiscequej’endureettuconnaismessentimentspourtoi,mais… tun’enas rienà foutre !Tudism’aimeralorsque tout cequi sortde tabouchen’estquemensonges!

–Tudoismecroire,Caro!Jenetemenspas.Jet’aimeetjedésirefairemavieavectoi.Andréaestdésespéréeetellen’admetpasquejenel’aimepas…

–Jenetecroisplus,jeveuxquetudégages!–Tudoisme…–Fouslecamp!lecoupé-je.

Jelefusilleduregard.Ilmefixeensilence, lesyeuxbrillantsdelarmes,ets’envaendirectiondel’ascenseur.Jemelèveetlerejoinsenmetenantlescôtes.Ilsetournefaceàmoietmeditd’unevoixpleinedecolère:

–C’estladernièrefoisquetumejettescommeunchien!Tunemelaissespaslamoindrechancedemedéfendre.Tumejugeset tum’accablessanspenseraumalquetumefais!C’est terminé, tunemeverrasplus!

–Ehbien,dégage!crié-jeenattrapantcequimetombesouslamainpourleluijeteràlafigure,gestequimeterrasse.

C’estquandjevoislesphotosetleslettresserépandresurlesolquejemerendscomptequejeviensdebalancerlaboîtedemonpère.Audricmedévisage,livide,lesyeuxnoirsdecolère.Puisilobservelesobjetséparpillésàsespiedsets’accroupitpourrécupéreruneclé.Illascrutequelquessecondes,meregardeensuiteetmeditd’unevoixglaciale:

–Tusavaisquecettecléétaitdanscetteboîte?

–Oui…Maisjenevoispasenquoiçateconcerne!–Ah,non?Tutefousdemagueule?–Quoi?Je…jenecomprendspas…–C’estbienlaboîtedetonpère?–Oui…–Etça,tunesaispascequec’est?demande-t-ilenmemontrantlaclé.–C’estunevieilleclé,etalors?

Perdrelecontrôledelasituationmefaitenrager.

–Putain,Caro!Nemedispasquetun’aspasvuleBgravédessus!–Non,jetejure!Çaveutdirequoi?–Elleouvreundesancienscoffresdansl’unedenospremièresbanquesBeaumont!–Jenecomprendspas…–TonpèreavaitlouéuncoffredanslesbanquesBeaumont?–Jenesaispas…Maisilestmort,c’estimpossible!– C’est possible si le coffre est au nom de quelqu’un de vivant et s’il avait payé à l’avance les

cotisationsannuelles.Jevaismerenseigneretjetetiensaucourant,maisensuite,jeneveuxplusjamaisentendreparlerdetoietdetonmauditpère!

–OK.Maistulaissescettecléici!–Taconfianceenmoiestvraimentincroyable!ironise-t-il.–Tuastoutfaitpour!

Audricposelaclésurlebuffet.Lesportesdel’ascenseurs’ouvrent.Ilenfranchitleseuiletdisparaîtsansunregard.Jem’effondre.Jesuisbouleverséepartoutecettehistoire;l’argentdérobéparmonpèreaurait-ilétésiprochedemoidepuistoutcetemps?

Chapitre24

J’attrape le téléphone portable et je sors sur la terrasse. J’allume une cigarette et recrachenerveusementlafumée.Toutmefatigue!Audricquinemedonneplusdenouvelles,etlefaitquejesoiscloîtréedanscetappartement.Jevaismieuxdepuisquelquesjours,jevaisenfinpouvoirreprendreuneviepresquenormale.Jedis«presque»,carmoncœurnebatplus.Jesuisàl’agonie.Jenedorsplus,jenemangeplusetmonhumeurestdesplusexplosives.

Depuisqu’Audricestmontédanscetascenseursansseretourner,jeculpabilise.Ilaraison,jenel’aipaslaissérépondreàmesaccusations.J’étaistrèsencolèreendécouvrantlemessagedel’autregarcesursonportable.Ets’ilmedisaitlavérité,sielleétaitenvilleuniquementpourréglerlesaffairesdesonpère?Etd’ailleurs,jenesavaismêmepasqu’elletravaillaitpourlui,cequiexpliquequ’ilsétaientsiprochestouslesdeux.Deuxrequinsensemble,çanepeutquecoller!

J’écrasemacigaretteetmedécideenfinàtéléphoneràÉvapourluidireque,ceweek-end,jeviendraiseule. Ils reviennentdevoyageetneconnaissentpas lesderniers rebondissementsquicompliquentmavie.JedoispasserlesvacancesàCassisetAudricaussiétaitconvié,mais…jevaisdevoiryallersanslui…moncœurseserreàcettepensée.

–Salut,Caro ! Je suisheureuseque tum’appelles, j’allais justement le fairepour tedirequenousétionsbienrentrésdeChine.

–Alorscommentc’était?–On dit que la vie est stressante à Paris ? Eh bien, tumultiplies par dix, là-bas ! Je suis sur les

rotules!Ettoi,tuenesoù?Çavamieux?–Presque…–Quoi?Qu’est-cequ’ilsepasseencore?Tusaisquetavie,c’estpirequeLesfeuxdel’amour?–Ouais,jesais,réponds-jeensouriant.–Raconte!Qu’est-cequ’ilaencorefait,cecon?

J’éclatederire.Elleseulearriveàmefairesouriremêmequandj’ailecœurenmiettes.

–Lepremier jour de son séjour ici, il a reçuunmessage sur sonportable.Comme il était dans lacuisineetquejen’aiplusconfianceenlui,j’yaijetéunœil…

–Nemedispasquec’estencorel’autredragon?–Si,c’estelle…–Chiotte!Etqu’est-cequ’elleluiaécrit?– Qu’elle l’aimait et qu’elle savait que lui aussi l’aimait… qu’il n’avait rien à faire avec une

prostituéecommemoi,surtoutmaintenantqu’ilallaitreprendreladirectiondesentreprisesdesonpère.–Quoi?Quellegarce!Etc’estvrai,ilretournetravailleravecsonpère?Jecroyaisqu’illançaitsa

proprechaînedemagasins?–Tumeposestropdequestionsauxquellesjen’aipaslesréponses,Éva.Etattendslameilleure:elle

s’estinstalléetranquillementchezlui!–Non!–Si!–Quellesangsue,cettefemme!–Jenetelefaispasdire.Ducoup,jen’aiplusdenouvellesdeluidepuiscejour.Nousavonseuune

sérieusedisputeetiladisparudelacirculation.–Unvrailâche,cemec!s’énervemonamie.–Non,nedispasça.La situationest compliquéeentrenousàcausede toutescescatastrophesqui

s’accumulent.Sonpèreestenprisonetjesuisimpliquéedanssonarrestation,alorsjepeuxcomprendrequ’ilm’enveuille.

–Sonpèreestuntueur,bordel!Ettuasledroitdevivreenpaixmaintenant!–Jesais,maisilditqu’ilm’aimeetqu’ilnesepasseabsolumentrienaveccetteAndréa.J’ignoresur

quelpieddanser…Ah!Etilfautquejeteparled’unautretruc!–Jet’écoute.–Damienm’aapportéuneboîtedechezmatante.Elleappartenaitàmonpèreetjusqu’àlacriseavec

Audric,jenesavaispastropquoipenserducontenu,mais…–LacriseavecAudric?Quelrapportaveccetteboîte?–J’allaisteledire,nemecoupepaslaparole!Quandjemesuisdisputéeaveclui,jeluiaienvoyé

cettefameuseboîteàlafigure…–Jetereconnaisenfin!Trèsbonneaction!–Arrêtedemecouperlaparoletouteslesdeuxsecondes,sinonjenevaispasyarriver,Éva!–J’attendslasuite.Continueaulieuderâler!–Tun’espaspossible!soupiré-jeenallumantuneautrecigarette.–Etdis-toiquejesuislamoinspiredesdeux,alorsimagine-toicequejevisauquotidienavectoi!–J’imaginebien!Bon,jereprends:quandlaboîtes’estdéverséeàsespieds,ilaramasséuneclé

avecunBgravédessus.Ilm’aditqu’elleouvraituncoffredansunedespremièresbanquesdesonpère.–Merde,alors!Ettuendéduisquoi?–Jepensequemonpèreacachél’argentqu’iladérobédanscecoffre!–Pourquoitun’yvaspas?–Parcequejeterappellequejesorsdel’hôpitaletquej’étaishandicapéecesdernièressemaines.

Audricdevaitserenseigneretmeteniraucourant,maisjen’aiplusdenouvelles…–Tuneluiaspasdonnécetteclé,j’espère?–Biensûrquenon,Éva!–Alors,contacte-leetvavoircecoffre!Jeterappellequevendredituprendsl’avionpourvenirchez

nous,bouge-toilesfesses!–Oui,jevaism’enoccupermaintenantquejevaismieux.Ducoup,jet’appelaisaussipourça…je

vaisêtreseule…–Ce n’est pas grave ! Vendredi, nous avons une soirée dansante au club et, samedi soir, une fête

organisée par des voisins. Nous n’allons pas nous ennuyer. Tu n’as plus de cavalier et je dois aussim’occuperdeça.

–Ahnon!Tunevaspasencorememettreuninconnudanslespattes!Jevaisvoirdemoncôté.J’aipeut-êtreunepetiteidée!lancé-jeenpensantàDamien.

–Trèsbien,tiens-moiaucourantsiças’arrangeentreAudricettoi.Pourparlerd’autrechose,tuastrouvélesbilletsd’avionaucourrier?

–Jen’aipaspenséàregarder.

–Leconciergeadûleposersurlatabletteàdroitedel’ascenseur.–OK.–Vivementceweek-endquenousnouséclations!–Oui,c’estcertain.–Petitequestion:sil’argentquetonpèreavoléestdanscetteboîte,tuvasfairequoi?–Jenesaispas.Légalement, jen’aipasledroitdelegarder,et jedevraisûrementleremettreàla

justiceouàAudric.J’ignorecequ’ilvasepasser.Ilfaudraitdéjàquemonsieurveuillebienpointerleboutdesonnez!

–Ouais,ouleboutdesaqueue…–Éva!lacoupé-jeenriant.Normalement,desdeux,c’estmoi,lavulgaire,pastoi!–Jesouhaitaistefairerireetçaamarché!–Jeteremercie.Tuesmaseulefamille,Éva,tusais…–Jesais,ettueslamienne!–Jetedisàvendredi,avantdesortirunpaquetdemouchoirs!–Àvendredi.

Jeraccrocheavecunsourireauxlèvres.Cettefemmeestlaplusbellepersonnequej’aieeul’occasionde croiser sur cette planète. Je rentre etme dirige vers l’entrée. CommeÉvame l’a dit, une pile decourrier est posée sur la console près de l’ascenseur. Je la saisis et j’observe les noms sur lesenveloppes.Jetrouvecellequejecherche,maisuneautreaccrochemonregard.UneenveloppeavecunBengrosdansl’angle.Moncœurs’emballe.J’espèrequ’ellen’estpasdupèred’Audric.

Jel’ouvred’unemaintremblanteetjedéplielafeuilleblanchequejetrouveàl’intérieur.Lacolèremegagnequandjedécouvrequeçavientd’Audric.MonsieurmeconvoquedansunebanqueBeaumontsituéeàl’autreboutdeParis.Quelquesmotsfroidsjetéssurunpapier,voilààquoij’aidroit!Qu’est-cequ’ilmeveut?A-t-il trouvédes informations sur lecoffre?Pour le savoir, jevaisdevoirme rendredemainmatinàcerendez-vous.Monventreseserreàl’idéedelerevoir.Ilmemanquetellement…

Chapitre25

C’estpasvrai!Qu’est-cequejefouslà?

Je suis assise dans cette maudite salle d’attente depuis plus d’une heure, il se paye ma tête ! Jedécroise les jambes et redescends la jupe beaucoup trop courte que je porte. J’ai emprunté un petittailleurYvesSaintLaurentàÉva.Oui,jesaisquec’estpuérildemapartdevouloirencoreplaireàcetimbécile,maislecœurasesraisonsquelaraisonignore…

J’airelevémescheveux.Jemesuisaussimaquilléeetparfuméecommeunepoupée.

Je frôle leridicule, pensé-je enobservant les escarpinsqui allongentdémesurémentmes jambes etauxtalonsaiguillesàlastabilitéincertaine…

Pourquoi je fais toutça?Sûrementparceque je suisdésespéréeetque j’aimecethommeplusquetout.Quema vie sans lui n’est qu’un trou noir où je sombre chaque jour un peu plus. Je voudrais leséduire à nouveau et lui dire qu’il est le seul hommepour quimon cœur peut s’emballer, ralentir, sebriserous’arrêter.

Jemeforceàrespirercalmement.Ilfautquejemeressaisisse.JesuissiperturbéeparAudricquej’enoubliepresquelesvraiesraisonsdemaprésencedanscettebanque.

Jeregardel’accueiletdécidedem’yrendrepourlatroisièmefois.

–Vouspensezqu’ilvaarriveravant la findumonde?Parcequesincèrement, jen’aipasqueçaàfaire!m’agacé-je.

–Ehbienlaprochainefois,confirmezlerendez-vous,parcequeM.Beaumontn’apasqueçaàfaire,luinonplus!merembarre-t-elled’untonsec.

–Trèsagréable,merci !Sinonvous l’avezeuau téléphone?Voussavezquand ilarriveou jedoisallerm’acheterunsacdecouchageausupermarchéducoinpourpasserlanuitici?

–Levoilà!s’énerve-t-elleenpointantdudoigtletrottoirdevantlabanque.

Moncœurdégringoledansmapoitrine.Qu’est-cequecettevipèrefaitencoreaveclui?Ilsdiscutentdevantlesportesquelquesminutes,puiselleluirajustesacravateets’envaaprèsunbaiserdéposésursajoue.Ilsemblenerveuxalorsquemoijesuisbouleversée.Commentluiavouermessentimentsaprèscequejeviensdevoir?Jemeprécipitedanslasalled’attente,j’aibesoindereprendremesespritspourl’affronter.Jesuisdosàlaportequandj’entendssavoixgraveetsèchederrièremoi:

–JesuispresséCaro,alorssituveuxmesuivre!

Jemeretourneetlefusilleduregard.

–Commentoses-tumedirecelaalorsquejet’attendsdepuisplusd’uneheure!EtunBONJOUR,çat’écorcheraitlabouche?

–J’étaisenrendez-vousettuauraisdûmepréveniravantdedébarquerainsi!– Oui, j’ai remarqué ton « rendez-vous » quand tu es arrivé, mais tout ceci n’a plus la moindre

importance…–Alorspourquoiperdons-nousnotretempsàparler?grogne-t-il,agacé.–Tuasraison,allons-y!

Jeravalemeslarmesetchercheenmoilaforcedenepasm’effondrerdechagrin.Jenem’attendaispasàdesretrouvailleschaleureuses,maismetraitercommeuneétrangère,c’estplusquejenepeuxensupporter.Jelesuisjusqu’àunbureau.Ilmefaitentreretfermelaportederrièrenous.Ils’installefaceàmoietm’ordonnefroidement:

–Assieds-toi!

Ilfarfouilledanssamalletteetensortundossier.Ilmefixeuninstantetmeletend.

–Tonpèreabienouvertuncoffreàtonnom.Toutétaitpayéd’avance,ilavaittoutprévu.Jevaistedemander de signer quelques papiers et je t’accompagnerai ensuite à ce coffre. Je veux être là àl’ouverturepourm’assurerquel’argentdemonpèren’estpasàl’intérieur!

Le ton sec de sa voix me percute de plein fouet. Qui est cet homme froid face à moi ? Je ne lereconnaisplus.Ilestdevenuunétranger.Jesaisislesfeuillesetlessignesansmêmeprendrelapeinedeleslire.Jememoquecomplètementdececoffre,etdecequ’ilpourraitcontenir,contrairementàlui.

Ilrécupèrelespapiersetmedit:

–Tuaslaclé?–Oui.–Trèsbien,allons-y!J’enaiune,aussi.Ilfautlesdeuxpourl’ouvrir.

Je l’écoute d’une oreille distraite alors que nousmarchons dans un long couloir.Nous descendonsquelquesmarches,puisnousentronsdansunepiècesombreavec,ensoncentre,unetable.Sansmêmemeregarder,ilmefaitsignedel’attendreetmejettepar-dessussonépaule:

–Jereviens,nebougepas.

Commesijepouvaisbougerdansl’étatoùjesuis.Jeresteimmobileetsilencieuse.Ilfautvitequetoutcecisetermineparcequejesuisàlalimitedecraquer.Ilestmagnifiquedanssoncostumegris.Sesyeuxverts,sescheveuxnoirs,toutenluim’électrise.Jesuisfolledecethomme,alorsquelui…semoquedemoietfricoteavecAndréa.Ilrevientetposeunegrosseboîteenfersurlatable.Jememetsàtremblerdetousmesmembres. Jeme demande bien ce quemon père a pu dissimuler là-dedans durant toutes cesannées.Sic’estdel’argent,jevaismesentirtrèsmalfaceàAudric.Sonregardsombrecroiselemienavantqu’ilneglisseunemaindanssavestepourensortiruneclé.Jeprendslamienneetensemblenousles entrons dans les serrures. La boîte s’ouvre. Je retiensma respiration. Ilme fixe à nouveau etmedemande:

–Tuesprête?–Oui…

Ilsoulèvelecouvercleetnousrestonstouslesdeuxfigés.Aufonddelaboîtesetrouveunepochetteenveloursnoir.J’avancelamainpourlasaisir.Mesdoigtssontglacésetfébriles.JelatiensunmomentsanscomprendreetregardeAudric.

–Qu’est-cequec’est,àtonavis?–Ouvreetnouslesaurons!m’ordonne-t-il,agacé.

Jesoupireetm’exécute.Moncœursedécrocheetj’écarquillelesyeuxendécouvrantdesdiamants.

–Oh,merde…Cesontdesvrais?demandé-jeàAudric.–Sitonpèreaprissoindelescachericietd’organisertoutecettemascarade,cesontsûrementdes

vrais!merépond-il,sarcastique.–Qu’est-cequ’ilvasepasser?questionné-je,angoissée.–Àtoidemeledire.Tuvasprendrecesdiamants?Oujereprendscequiappartientàmafamille?

Jeretiensmeslarmesalorsquej’observecebeauvisagequej’aimetant.Sestraitssonttirésetlepliameraucoindesabouchenemeditriendebon.Ilesttrèsencolèrecontremoi.D’unevoixchevrotante,jeluidemande:

–Tupensesquejenesuisiciquepourl’argent?–Pourquoid’autre?meprovoque-t-ilenhaussantlessourcils.–Jepourraisêtrelàpourtoi…–Pourmoi?

Iléclatederireetsepassenerveusementunemaindanslescheveux.

–Pourquoiserais-tulàpourmoi,alorsquetun’aseudecessedem’écarterdetaviecommesijenevalaispasplusquetesautresclients?Oui,c’estcelaquejesuis,pourtoi,unclient!J’aipayépourtebaiser,commelesautres,etpuistuasprismonargent,commetuvaslefaire,ici,maintenant.

–Tun’esqu’unconnard!Jeterappellequec’esttoiquimementaisetmemanipulais!Tut’esservidemoidepuisledébutetjeneparlemêmepasdetarelationavecAndréa!J’avaistoutarrêtépourtoiaupérildemavie…Maistoi,tupensesquejesuislàpourl’argent…

J’aibeaulesretenirdepuisunmoment,leslarmesfranchissentlebarragedemescilsetdévalentmesjoues.Moncœurexplosedansmapoitrinealorsquecethommepourquijedonneraismaviemetraitecommeunemisérablepute.

–Jetelaisseavectesdiamants!Jedoispartir!cracheAudricsuruntonécœuré.

Jelefixesanscomprendre.Pourquoimelaisse-t-ilfinalementlesdiamants?Est-cequ’ilmeteste?Ouveut-ilsedébarrasserdemoiauplusvite,quitteàperdrecesfichuespierres?Jeluirépondssuruntondésespéréetétonné:

–Quoic’esttout?Tuparscommeça,sansunmotdeplus?

–Queveux-tuquejetedise?Tunet’intéressesqu’àmonargent,Andréam’avaitprévenu!–Tuasraison,finalementnousn’avonsriendeplusànousdire!grogné-je,horsdemoi.

Commentose-t-ilmeparlerdecettegarce?Jesuiseffondrée.Sesderniersmotsm’ontmiseencolèreetilvautmieuxqu’ils’enaille.Ilmejetteunregardnoirpleindereprochesettournelestalons.Jesuischoquéeparcequ’ilvientdesepasser.Jem’essuielesjouesetj’étouffeunsanglot.J’observeànouveaulesdiamantsetjereposelapochettedanslaboîtemétallique.Jepourraislesprendre,aprèstout,jelesmériteaprèscecalvaire,maisjen’enveuxpas.Cetargentestunpoison,c’estàcausedeluiquemavieaétébouleverséeetquej’aitoutperdu.Jenevendraipasmonâmeaudiablepourtoutl’ordumonde.Jesouhaitegarderlepeudedignitéqu’ilmeresteetpartirdecettemauditebanque.Jebalancerageusementla clé du coffre sur la table et sors précipitamment de la pièce. Je longe le couloir et espère ne pasrecroiserAudric,maislachancemetourneunefoisdeplusledos.Lorsquej’arriveversl’accueil,jeletrouveencompagnied’Andréa.Ilsontapparemmentuneconversationanimée.Jemefaistoutepetiteenpassantàcôtéd’eux,maisçanesuffitpas.

Lagarcem’interpelle:

–Vousavez toutcequevousvoulez,alors j’espèrequevousallezdisparaîtredenotreviepourdebon,maintenant!

Jemefigeetmetournepourlafusillerduregardetluirétorquerd’unevoixaussifroideettranchantequel’acier:

–C’estvousquiaveztoutcequevousvoulez,moijen’aiplusrien…

Audricmefixe, l’airsurprisparmaréponse,mais jemetourneet jesorsrapidementpourm’enfuirloindecesdeuxmonstres.Jemarchedroitdevantmoi,sansvraimentsavoiroùjevais.J’essaiedenepasmetordreleschevillesaveccesfichustalons.Jesuisàdeuxdoigtsdem’écroulersurletrottoir.Jeviensdelaisserderrièremoimesrêves,moncœurettousmesespoirs.

Chapitre26

J’envoievalserlesescarpinsetfoncedansmachambre.Moncorpsestempliderageetdedéception.Jen’arriveplusàréfléchirniàpenseràquoiquecesoitd’autrequemaboîtedesomnifères.Jevaisenavalerplusieurspourmecalmervoiredormiretoubliertoutecettehistoirequimeravagelecœur.C’estofficiel,jesuisunepoupée,unemarionnettesanscœuretsanscervelle.Jesuisdevenuel’objetd’Audric.Ilmemanipule,merendfolle,medétruit…

Cethommeestlediableenpersonne,ledignefilsdesonpère!pensé-jeenlâchantungémissement.

Monestomacestsinouéquec’enestdouloureux,jesuisàdeuxdoigtsdevomir.J’aienviedehurler,de toutcasser. Jenememaîtriseplus.Une foisdansmachambre, j’avaledeuxcompriméset j’envoievalsertouslespetitsflaconsquiservaientdedécorationsurlacommode.Puis,commesiçanesuffisaitpas,j’arrachelesrideauxetj’exploselemiroirdemonpoing.Quelquesgouttesdesangcoulentlelongdemesdoigtset finissentsur lamoquette.Jemefigepourobserver les tachesrougesse formeràmespieds. Je regardemamaindeplusprèset constatequecene sontquedesblessures superficielles. Jel’enrouledansuneservietteetj’attrapemavalisequej’ouvrebrutalement.Ellesedéverseàmespieds.Je suis dépassée par les événements et je me rends tout à coup compte que je viens de saccager lachambre.Jem’assiedssurleborddulitpourobserverlesdégâts.C’estofficiel,jesuisfolle…

Ensoupirant,jeramassemesvêtementsetmeconcentresurcequejedoisemporterpourmonséjouràCassis.Jem’essuielesyeux,dégoulinantsdemaquillage.Voilàcequ’ilmefaut:m’éloignerdeParis!

Je file dans le dressing d’Éva et sélectionne plusieurs petites robes de cocktail. Je sais que noussommesconviésàplusieursévénements.

Mince!C’estvraiqu’ilmefautuncavalier…

Jeretournedansmachambre,déposelesvêtementsdansmavaliseetattrapemonportable.J’ignoresic’estunebonneidée,maisaprèstout,jen’airienàperdre.

–Jesuisdésoléedetedéranger,Damien,c’estCaro,commencé-jequandildécroche.–Tunemedérangespas,jesuiscontentd’entendretavoix.Tuasunsouci?Encoredesmessagesde

menaces?–Non,dececôté,çava.Jet’appellepourautrechose.–Jet’écoute!–Jemelance,maissiturefusesmaproposition,jenet’envoudraipas.Jevaispasserquelquesjours

àCassis,chezmonamieÉva,etj’aibesoind’uncavalier…–Ah!Jenem’attendaispasàça,mais…avecplaisir,Caro.–Super!–Nousdevonsyêtrequand?–Demain.Jeprendsl’avionpouryaller.

–OK.Donne-moil’adresse,jeterejoindrailà-bas.Jepartiraienvoituretôtlematin.–Çavaêtrelongenvoiture…–J’ail’habitude!Jedoisemporterquelquechose?–Netecassepaslatête!Ramène-toi,ceseradéjàpasmal!–Avecplaisir!–Tupeuxt’absenterdetontravailcommeça?demandé-je,surprise.–Jesuisencongés.–Ah!OK!Àdemain,alors.–Àdemain,Caro.

Jeraccroche,soulagée.Voilàundétailderéglé!EtçaéviteraàÉvalalourdetâchedemeprésentertous lescélibatairesdusudde laFrance!Je laconnais,ellene lâcherapas lemorceau tantque jeneseraipaspasséedevantlemaire!Jefinismavaliseet,épuisée,jeparsm’allongersurlecanapé.Jem’enveuxd’avoirainsidisjoncté.Jem’excuseraiauprèsd’Évaetluirembourserailesdégâts.Jemedisquejevaisdevoirtravaillertoutemaviegratuitementpourelle,pourluirendretoutcequejeluidois.

Jem’assoupisunmoment.C’estlasonneriedemonportablequimeréveille.Jemeredresseaveclasensationd’êtredansducoton.J’aiunpeutropforcésurlessomnifères.Jedécouvrelevisaged’Audricsur l’écran.Moncœurs’emballe.Lesoufflecourt, j’hésiteàrépondre.Quemeveut-il?Jen’aipas lecourage de l’affronter à nouveau. Je ne supporterais pas de me faire insulter une fois de plus. Jecontemple sonmagnifiquevisage et j’ai l’impressionqu’unmillionde couteauxmeperforent le cœur.Comment est-il possibled’aimerunepersonne à cepoint ? Jene sais pas comment je vais fairepourvivresanslui…

Lasonneries’arrêteetsonvisagedisparaît.

Jeretiensmessanglots.Jem’enfoncedanslecanapéet,nesupportantplusd’êtreseule,jedécidedetéléphoner à Thomas. Jem’en veux de l’avoirmis à l’écart,mais j’avais trop de choses à gérer cesdernierstemps.J’attrapemonportableetlecherchedansmescontacts.Ildécrocherapidement.

–C’estpasvrai!Unerevenante!s’exclame-t-ilsuruntondereproche.–Jesais,Thomas,jesuisunevilainefilleetjem’enexcuse.–C’estqu’ons’inquiétaitavecKaren,deneplusavoirdetesnouvelles!Commentvas-tu?–J’aiuneviepalpitantecommed’habitude,maisjenediraispasqueçava…

Mesyeuxseremplissentànouveaudelarmes.Jesuisauboutdurouleau.Thomaslesentets’inquièteimmédiatement.

–Caro,tupleures?Qu’est-cequ’ilsepasse?Tuesseule?–Oui,jesuisseule,jepeuxvenircheztoi?Tunetravaillespascesoir?–Si,maisjevaislesprévenirquejeseraiabsent.Tuesoù,là?–JesuischezÉva.–OK.Jeteprendsdevantl’entréedelatourdanstrenteminutes!–Merci…,balbutié-jeavantderaccrocher.

Soulagéedenepaspasserlasoiréetouteseule,jefilesousladoucheetm’habilleàtoutevitesse.Je

metsaussiplusieurspansementssurmesblessures.Jesuispresséedem’évaderdecettecagedorée.

Jen’aipaslongtempsàpatienterenbasdelatourLaroche.Monamiarriveetseprécipitehorsdesonvéhiculepourmeprendredanssesbras.Ilmelanced’unevoixsoucieuse:

– Putain, Caro ! Ne me fais plus de frayeur comme ça ! J’ai cru que tu allais encore faire uneconnerie!

–Jesuisdésolée…Jesouhaitaisjusteavoirdelacompagniepourcesoir.Demain,jeparsàCassischezÉva.

–OK.C’estpourçaquetuascettevalise?questionne-t-ilenregardantmonbagage.–Oui,jenevoulaispasrepasserici.Jepartiraidirectementàl’aéroport.–Trèsbien,installe-toi,jevaislamettredanslecoffre.

Jeprendsplacedanssavoitureetjepousseunsoupirdesoulagement.Thomasmerejointetdémarre.Jeluidemande,surprise:

–Tuesseul?–Karentravaillecesoir.–Çava,entrevous?–Oui,superbien!Jesuisheureuxavecelle,conclut-ilunsourireauxlèvres.–C’estcool!–Ettoi,tuenesoù?questionne-t-ilavecdespincettes.–C’est unvrai bordel !Mavie est un chantier sans cesse en reconstruction, rienn’avance, tout se

dégrade…–J’endéduisquetun’esplusaveccemec?–Audric?Pff…Ilseservaitdemoi.Maintenantilroucouleavecuneautre!

Lefaitdeprononcersonprénomm’écorchelabouche.Mapoitrinesecomprimeànouveau.

–Jesuisdésolépourtoi,Caro…–C’estlavie!–Qu’est-cequetudésiresfaire,cesoir?–Commetuveux,jetesuis!–Alorsonvabouger.Ilesthorsdequestionquetudéprimes!

Ilmelancesonplusbeausourireetappuiesurlapédaled’accélérateur.Jenepeuxm’empêcherdeluirendresonsourire,cequiestdéjàunexploitdesapart.

Chapitre27

–Quoi?Tupensesvraimentquenoussommestousdessalopards?–Sauftoi,biensûr!précisé-jelorsquejevoissonairfaussementoutré.–Jepeuxt’affirmer,enconnaissancedecause,quelesfemmesnenousfontpasdecadeauxnonplus!

Iléclatederire,secouelatêteetreprend:

–C’estquoicesconversationsdepiliersdebarquenousavons,Caro?Sérieusement, tunepensespasquetuastapartderesponsabilitédanscequis’estpasséavectonmec?Sansvouloirt’offenser,lestortssontsouventpartagés.Tun’espasfacileàvivre,tusais.

Jelefixequelquesminutessansriendire.J’ensuisàmonquatrièmecocktailetj’avoueneplusavoirlesidéestrèsclaires.Jeréfléchisàsaquestionetrétorquesuruntonconvaincu:

–Jet’assurequ’ilatouslestorts!–Voilàuncomportementdefemmedenejamaisreconnaîtrequel’onpeutaussiavoirsesdéfauts!

Jeposemonverresurlecomptoir.Mesyeuxglissentsurlapenduleaccrochéeau-dessusdelaported’entrée.Ilestpresque2heuresdumatin.Jevaisavoirunesacréegueuledeboisdemain.Enfin,onestdéjàdemain…Jejetteunœilautourdemoi,ilyaencoreunpeudemonde.Cepubestplutôtsympasionfaitabstractiondesadécod’uneautreépoqueetdesphotosdeBobMarleyaccrochéesunpeupartout.CommentThomaspeut-ilconnaîtreunendroitpareil?

Jereportemonattentionsurluienfronçantlessourcilsetjeluidemande:

–C’étaitquoitaquestiondéjà?–Putain,t’esbourrée,Caro!s’exclame-t-ilenriant.–Etalors,toiaussi!–OK,jel’avoue!Iln’yavaitpasdequestion,jetedisaisquec’étaitbienuncomportementdefemme

denejamaisreconnaîtresestorts!–Ahoui,c’estvrai!Doncc’estmaintenantquejesuiscenséet’encollerune!Mais,àlaplace,je

vaistepréciserquelquesdétails:Audricétaitavecmoiparcequesonpèreluienavaitdonnél’ordre.Ilsrecherchaientl’argentquemonpaternelleuravaitvoléavantdemourir!Ilafaitensortequejetombeamoureusedeluietm’afaitperdremonjobauLoupblanc.Sonpèreestenprisonactuellement,parcequ’ilestresponsabledelamortdemafamille.Sapetiteamiedetoujoursestdansnospattesetn’adecessedemedirecombien ilss’aimentetque jenesuispasassezbienpourAudric !Etauxdernièresnouvelles, elle habite chez lui, alors si tu me dis encore une fois que j’ai sûrement mes torts, jet’étrangle!

Ilmefixe,lesyeuxcommedessoucoupes,etrétorquesuruntonstupéfait:

–C’estuneplaisanterie?–Non!Jet’assure!–OK,jen’airiendit!

Il commande une autre tournée. Je prends mes cigarettes, descends du tabouret, et lance enm’éloignant:

–Jereviens!N’enprofitepaspourdraguertoutcequipasse!

Jesorssurlaterrasse.Ilfaitnuitetlafraîcheurmefaitleplusgrandbien.J’ailatêtequitourne,maiscettesoiréeàparleravecmonamim’aouvertlesyeux.Mêmesijeneveuxpaslereconnaître,j’aimapart de responsabilité dans notre histoire avec Audric. Moi aussi, je lui ai menti à de nombreusesreprises,etjesaisquejenesuispasfacileàsupporter.Avectoutlestressquej’avaissurlesépaules,jeneluiaipaslaissélamoindrechancedes’expliquer.Jetiresurmacigaretteetobservelesvolutesdefumées’enéchapper.Jemesenscoupabletoutàcoup.Commesij’avaisbesoindeça!Cemecmefaitpasserpartouteslesémotions.C’estvraiquelejourdenotrerencontreàlabanqueilaétéodieux,maispeut-êtrepensait-ilréellementquejevenaisjustepourl’argent.Etsienpluslapested’Andréaluibourrelemouavectoutessesconneries!

Jenesaisplusoùj’ensuisnicequejedoiscroire…

J’écrasemonmégotdanslecendrier,rejoinsThomasetluidemandetrèssérieusement:

–Tucroisquejepeuxêtreégoïste?– Tu es la personne la moins égoïste que je connaisse, Caro ! Je pense seulement que tu es

malheureuseetque,ducoup,tunevoispascequetuasdevantlesyeux.Jet’aime…Karen,ÉvaetAlexaussi !Tun’espas seule !Tuaseuunedéceptionamoureuse, trèsbien.Fais en sortede tirerun traitdessus,etavance!Onn’estquedepassagesurcetteterre.Tun’aspasledroitdefoutretavieenl’air.

Ilserremesdoigtsdanslessiensetmesouritaffectueusement.

–Tusais,ilvoulaits’expliqueretjenel’aipaslaisséfaire…–Tuleregrettes?–Oui…–Tul’aimesvraiment?–Ohqueoui!avoué-jed’unevoixétrangléeparl’émotion.–Alorsqu’est-cequ’onfoutlà?–Quoi?

Jem’affolequandjelevoisboiresonverreculsecetpayerlanote.Ilselèveetm’ordonnedefinirlemien.Jem’exécuteavecunegrimace.Siavecçajenepassepaslanuitàvomirdanssestoilettes,j’auraidelachance…etluiaussi!

Ilm’entraîneendirectiondesavoiture.Jeluidemande,surprise:

–Maisqu’est-cequetufous,Thomas?–Onvavoirtonpote!

Jelestoppedanssacourse,plongemonregardangoissédanslesienetcrie:

–Tuesmalade!Jamaisdelavie!–Tuveuxvivreavecdes regrets?Tu règles leproblèmemaintenantet tupassesàautrechoses’il

s’avèrequ’ilnet’aimepas!–Putain,tufaischier!

Jetourneenronddevantsavoiture.J’aidumalàmeconcentrer.Jem’immobiliseetluidemande,lesyeuxdanslesyeux:

–Ets’ilmeditqu’ilnem’aimepas?Jenem’enremettraijamais…–Parcequ’enfuyantcommetu le fais, tuas l’impressionde t’enremettre?Regarde ta têtedansun

miroir,Caro!Tufaispeuràvoir!Ondiraitunzombie!Tudoiséclaircirleschoses,unebonnefoispourtoutes,etsavoiràquoit’entenir.Seloncequisepasseraaveclui,tuserascertainedenepasraterunebellehistoire.Detoutefaçon,demain,tut’envaspourCassis,autantpartirsansregret.

–Tuescomplètementfou!–Oui!Ettoiaussituesfolle,entempsnormal!

Ilmelanceundesessouriresdontluiseulalesecretetjenepeuxluirésister.

–Onyva!Maissijemeprendsunegamelle,tudevrasmeramasseràlapetitecuillère!–OK!

Nousmontonsdanssavoitureetjeluidonnel’adressequ’ilentredansleGPS.Jesuisauborddelapanique.J’espèrenepasfaireunegrosseconnerie.Jeregardeànouveaul’heureetm’affole:

–Ildoitdormiràcetteheure,Thomas!–Rienàfoutre!Tuvasréglerceproblèmeunebonnefoispourtoutes!–Pff…Detoutefaçonilvam’envoyerchier!Etjevaisêtreencoreplusdépriméeaprès…–S’ilfaitça,jetejurequejeluicollelaracléequ’ilmérite!

Jeregardemonamiavectendresse.C’estunepersonneexceptionnelleetjesaislachancequej’aidel’avoirdansmavie.

–Jet’adore,Thomas,mêmesiencemomentjenesuispastrèssouventprésentepourtoi.N’oubliepasquetucomptesbeaucouppourmoi.

Iltournesonvisagepourmefixeretmeditd’unevoixgrave:

–Tuesimportantepourmoiaussi,Caroet…tuconnaismessentimentspourtoi…Jesaisqu’ilsnesontpaspartagésetquemaintenantj’aiKarendansmavie,mais…jet’aime…

Jemeraidissurmonsiège,gênée.Çamefaitdelapeinedesavoirqu’ilsouffreàcausedemoi.

–Jesuisdésolée,Thomas…JecroyaisquetuavaistiréuntraitsurmoipourvivretonhistoireavecKaren.

–J’essaiedepasseràautrechose,maisquand tuaimesprofondémentunepersonne, tunepeuxpas

l’oublierni larayerde taviecommeça!C’estpourcetteraisonqueje tepousseàallervoircegrosconnard!S’ilya lamoindrechancequ’il t’aimevraiment, ilnepeutpas t’avoiroubliéeensipeudetemps.C’estimpossible!

Jene saispasquoi répondre. Je suischoquéepar ses révélationset, enmême temps,émuedevoirqu’ilmeconduitversunautrehommealorsqu’ilm’aime.

Peuaprès,ilsegaredevantleportaild’Audric.Moncorpssemetàtrembler.JefixeThomasetluidisd’unevoixétranglée:

–C’étaitunemauvaiseidée…Laissetomber!Allonsfinirlanuitcheztoi…–Dégonflée!balance-t-ilsuruntonprovocateur.–Heu…non…jenesuispasunedégonflée!–Si,tul’es!insiste-t-ilenarquantlessourcils.

Ilmelanceunsourireetmeditsuruntondedéfi:

–Situyvas,jeteprometsdetoutfairepourt’oublieretdecommencerunenouvellevieavecKaren!–Putain,tufaischier!–Ouais,jesais.Allez!Saute,etvaappuyersurl’interphone…etquandildécrochera,tuluidiras«

héducon !C’est la femme laplusbelleet laplus intelligentedecetteplanète,alorsbouge tonculetviensmedirequetum’aimes!»

–C’estça,oui!Toi,fautvraimentquetuarrêtesdeboire!

Je sors du véhicule, exaspérée, et claque la portière. Je titube jusqu’à l’interphone et prends unegrandeinspirationavantd’appuyersurlebouton.Qu’est-cequejefousici?Onestaumilieudelanuit,jesuissaouleetcomplètementàlaramasse.Audricvametuer,c’estsûr!

JejetteunœilendirectiondelavoitureetvoisThomasquimefaitdessignesencourageants.Auboutd’unmoment,jemedisquej’aipeut-êtredelachanceetqu’ilestabsent,maisleportillons’ouvre.Mesjambessemettentàflageoleretmoncœurchercheàsefairelamalleenpercutantdangereusementmescôtes. Jepénètredans lacouret j’avanced’unedémarchechancelante jusqu’auporcheéclairé.Audricapparaît. Il porteunbasde survêtement,mais son torse estnu. Il estmagnifique…Jem’immobilise àmoinsd’unmètredecethommequimerenddingue.J’observesonvisageahuri.Sestraitssonttirésetsescheveuxenbataille,maissesyeuxsontgrandsouverts.Ilmedévisagecommesij’étaisuneapparition.Jesaisbienquej’aiunesalemineencemoment,maisquandmême!Jenesuispaslapetitesœurd’E.T.!

Lessourcilsfroncés,ilmelanced’unevoixfroide:

–Qu’est-cequetufousici,Caro?Ilestpresque4heuresdumat’!–Moiaussi,jesuisheureusedetevoir!répliqué-je,agacée.

Jemerenfrogne.Jesavaisquecen’étaitpasunebonneidéedevenir.Ilnem’aimepas,c’estsûr.

–Tuessaouleenplus!TutebaladesenpleinenuitdanslesruesdeParis,bourrée,ettun’asmêmepasconsciencedudanger!

Il plonge son regard dans le mien. Je n’en suis pas certaine, mais il me semble voir un soupçond’inquiétudeetdetendresseletraverser.

– Je…jenevoulaispas tedéranger…c’étaitunemauvaise idée, jevaispartir…,commencé-jeenreculant.

Jemedégonfle,jenesaisplusquoifaire.

Ilavanced’unpasetmelanced’unevoixpluscalme:

–Attends…Reste.Quevoulais-tumedire?

Ilsembletrèsmalàl’aiseetcroiselesbrassursalargepoitrine.Jel’observeet,àbienyregarder,ilestbouleverséluiaussi.Sesyeuxsontcernés,cequidémontrequesesnuitssontchaotiquescommelesmiennes.Jereprendsunpeuconfianceetjem’approcheànouveau.

–Pourquoitun’aspasprislesdiamants?demande-t-iltoutàcoup.

Jelefixe,surprise.Jenem’attendaispasàcettequestion.Jerépondssincèrement:

–Jen’enairienàfoutredecesdiamants,Audric…Jemefousdecefric,demonpère,detonpèreetde tout le reste…Je…jenevisplus sans toi…,avoué-jeensentant les larmes rouler le longdemesjoues.

Moncœurestcommeserrédansunétau.J’ailasensationquec’estmadernièrechance:jedoistoutluidireetluiouvrirmonâmeunebonnefoispourtoutes.

–Maviec’estdelamerde,Audric…J’aipassécesderniersmoisàmeprostituerpourrembourserlesdettesdemonpère.Jemesuisfaitagresser,manipuler,violer…Jenecroyaisplusenriennienpersonnejusqu’àcequejeposelesyeuxsurtoi.Nem’endemandepaslesraisons,jelesignore.Peut-êtrees-tumonâmesœur,celuiquej’attendsdepuistoujours.Jesaiscequetuasfaitoucequetuasdûfairepourtonpère,maisjenet’enveuxplus…Commediraitquelqu’unquejeconnais:lestortssontpartagés.Jen’arrivepasàvivre,àrespirersanstoi,Audric…,finis-je,effondrée.

Ils’avanceetsaisitmesmainsdanslessiennes.Jepenchelatêteenarrièrepourmenoyerdanssesprunelles. Je suis bouleversée ; s’ilme repoussait, je n’y survivrais pas. Ses yeux brillent aussi et latendressequejedécouvresursestraitsmedonnedel’espoir.Ilencadremonvisagedesesmains.Sespoucescaressentdoucementmesjouespouressuyerlesperlesd’eausaléequis’échappentdemesyeux.

– Si tu savais comme je suis soulagé de t’entendre dire que tum’aimes… Je n’y croyais plus. Jepensaisquetuvoulaismonargent…MonpèreetAndréam’onttellementmontécontretoi.Jesuisdésolé,monange,pourtoutcequejet’aifaitetpourtouslesmensonges.J’ail’impressiondedevenirfou.Jenemange plus… Je ne dors plus. Je n’arrive même plus à me concentrer sur les affaires. Je suis unevéritableépavedepuisquetum’asquitté…

Déchiréede levoirsidémuni, jemejettecontre luiet j’enfouismonvisagecontresapoitrinepoursentirsonodeurquim’atantmanqué.Ilresserresesbrasautourdemoietm’écrasecontresoncorps…si

fort.J’aidumalàrespirer,mais,enmêmetemps,j’ailasensationderevivre.

–Jet’aimetellement,murmure-t-ilcontremescheveux.

Jefermelesyeuxpourprofiterdecetinstantmagique.J’aitellementpeurquecenesoitqu’unrêve.Tellementpeurdemeréveillerdemainmatinetdemerendrecomptequej’aidivaguéàcausedel’alcool.Jem’accrocheàsesépaulescommeons’accrocheàunrocherpournepassenoyer.Mongesteestàlafois désespéré et plein d’espoir. Peut-être que cette fois nous avons une chance de vivre enfin notreamouraugrandjoursansavoirpeurdulendemain.

Jesursauteetmoncœurfaitunbonddansmapoitrinelorsqu’uncoupdefeurésonnedanslanuit…

Chapitre28

Audricblêmitetse tournevers laported’entréede lamaison. Il sepositionnedevantmoipourmeprotéger. Jesuis tétaniséeendécouvrantAndréa.Que fait-elleencore ici?Elle tientunearmequ’ellebraquesurnous.Sesjouessontinondéesdelarmes,jenecomprendsrienàcequ’ilsepasse.Magorgeestsinouéequej’aidumalàdéglutir.Jesuisàdeuxdoigtsdel’arrêtcardiaqueenlavoyantagiter lepistoletdansnotredirection.Ellehurlecommeunedémente:

–Jevaistetuer,salegarce!Pourquoiviens-tubousillermonexistence?POURQUOI?TunevoispasquenoussommesheureuxavecAudric!Jet’aipourtantprévenuel’autrejour!Jevaistecrever,salope!

D’unevoixétranglée,jeluidemande:

– C’était toi, ce fichumessage ?!Mais qu’est-ce que j’ai bien pu te faire pour que tume haïssesautant?

–Quelmessage?C’estquoicebordel?intervientAudric.–Pourquoijetehais?Tum’asvolél’hommedemavie!Ettuasenvoyémonamienprison!–Quelami?Lepèred’Audric?Tuescingléemaparole!m’emporté-je.Ilatuémafamille,ilmérite

d’êtreenprison.Ettoi,tuvasbientôtlerejoindre,crié-jeàboutdenerfs.–Nedisplusrien,Caro!Laisse-moiréglerça!m’ordonneAudric.

Il s’éloignedemoipour s’approcherdecette folle. Je remarquequ’ellepointe sonarmesur lui, jem’affole,maisjeresteimmobilepournepasaggraverlasituation.D’unevoixtendue,illuidit:

–Jeneconnaispas lesraisonsdetacolère,Andréa.Tuas toujourssuquetoietmoicen’étaitpaspossible.Tudoisposercettearmeavantque tunecommettesquelquechosed’irréversible.Tuesmonamiedepuissilongtemps,Andréa,çanedoitpastourneraudrame!

Ellesecouelatêteet,entreseslarmes,bredouille:

–Maisjet’aime,moi,Audric…Tun’aspasledroitdem’abandonnerpourcettetraînée!Tunesaispascombienç’aétédurdetevoiravectoutescesautresfemmes!

–Andréa…S’ilteplaît,posecettearme!

Audricnesemblepasmaîtriserlasituation.Elles’agite,hurle,pleure,commesionl’écorchaitvive.Je ne la reconnais plus. La femme que j’ai devantmoi est effondrée, désespérée et prête à tout pourgarderl’amourdesavie.Ellen’aplusrienàvoiraveccetteAndréaquejeméprisetant,froide,hautaineetdétestable.Jeressensdelapitiépourelle,maisj’aipeurpourAudric.

Monattentionestattiréeparunesilhouettequiarriveencourantdelarue.J’aioubliéderefermerleportillon.MoncœurfaituneembardéeenreconnaissantThomas.Ilnousobserve,horrifié,etseprécipitesurmoi.

–C’estquicelui-là?!hurleAndréaenbrandissantsonarmedansnotredirection.

Unsecondcoupdefeuretentit.J’arrêtederespireretregardelascènesedéroulerauralenti…

Audriclaisseéchapperuncrietsejettesurlablondehystérique.Moi,j’observemonamiThomasquis’effondreàmespieds, lesyeuxbraquéssurmoi. Ilgît sur lebitume,sachemisecouvertedesang.Jem’accroupisenm’époumonantpourqu’onviennem’aider.Jefixelevisagedemonamiquidevientblanccomme les nuages. Je le berce contre ma poitrine, comme si cela pouvait soulager sa douleur etl’empêcherdemourir.

Leslarmesauborddesyeuxetsouslechoc,jenemerendspluscomptedutempsquis’écoule.Jesenslafraîcheurduvent,lachaleurdusangdeThomas.J’entendslavoixd’Audric,d’autresvoixaffolées…Puisdessirènes,auloin.Jesuiscommesortiedemoncorps.OnaretiréThomasdemesbrasetonm’aallongéesurunecivière.Jeregardeautourdemoienessayantdem’extrairedecetétatsecond.Ilfautquejesachecommentmonamiseporte.Jemeredresse,chercheAudricetl’aperçoisenpleineconversationaveclapolice.JenevoisplusAndréa,jesupposequ’elleaétéarrêtée.

Mesyeuxn’ontplusdelarmesetmoncœurnebatplus.

Commentensommes-nousarrivéslà?

Pourquoi tous lesgensque j’aime finissent-ilspar souffrir ? Je suismaudite.Cen’estpaspossibleautrement.

J’observeAudric et jeme rends compte qu’il a enfilé un tee-shirt. Il est dans tous ses états. Il estbouleversé,pourvuqueThomassoitencoreenvie…

Auboutdequelquesminutesquimesemblentdureruneéternité,ilsedirigeversmoi,l’airgrave.

Jetrembledelatêteauxpieds.Queva-t-ilmedire?

Ilmeprenddanssesbrasetmeserresifortqueletempsd’uninstantj’enoublielerestedumonde.Ils’écarte,plongesonregardtourmentédanslemien,etmedemanded’unevoixinquiète:

–Commenttuvas,monange?–Moi,çava…EtThomas?Oùest-il?– Ils l’ont transporté à l’hôpital en urgence. Il a pris une balle en pleine poitrine, elle s’est

apparemmentlogéeprèsducœur.Jenevaispastementir,ilestdansunétatgrave…

Jeretiensunsanglotetposelesmainssurmabouchepourm’empêcherdecrierdetristesse.

–Ilfautquetusoisforte,Caro!–Jen’enaipluslaforce,Audric…murmuré-je,abattue.

Ilmeserreànouveaucontresontorseetmedittrèssérieusement:

–JevaistefaireconduirechezÉva,àCassis.Tunepeuxpasresterlà,tuesendanger.

–Quoi?Non!JedoisallervoirThomasàl’hôpital,Audric!–Horsdequestion!Andréaaavouétouteslesmagouillesdemonpèreetilveuttefairesupprimer…

Jenepeuxpasprendrelerisquedeteperdre,monange…

JesuisstupéfaiteetrepousseAudricpourledévisager:

–Pourquoitonpèreveut-ilabsolumentmedétruire?–Tusaistrèsbienqu’ilterendresponsabledesonarrestationetdemonéloignement.–Maisonnedésirepaslamortdequelqu’unpoursipeu!–Jeterappellequ’ilafaitsupprimertafamillepourdel’argent…

Jeréalisequetoutceciestarrivéencoreunefoisàcausedemonpère.

MaisThomasestentrelavieetlamortàcausedemoi…

Sijenel’avaispasappelépourqu’ilmeremontelemoral,hiersoir,riendetoutcelaneseraitarrivé.La culpabilité m’envahit tout entière alors que ma poitrine se comprime à cause de la peine que jeressens.

Audric m’ordonne de le suivre et me fait grimper dans un véhicule après m’avoir embrasséetendrement.

–Je te tiensaucourantdèsque j’ensaisplussurThomas.Tuvasrester tranquillementchezÉva letempsquejerègletoutcemerdierici.Jet’aime,monange.

Incapablederépondre,jehochelatête.Jen’aipluslaforcedemebattre.Jevaisfairecequ’ilmedit.Jeneveuxpasqued’autrespersonnessoientblesséesàcausedemoi.

Chapitre29

–Arrêtedestresser,Caro!–Commentveux-tuquejenestressepas,Éva?Thomasestpeut-êtremortetjen’aiaucunenouvelle

d’Audric!–Tuasessayédelerappeler?– Jene faisqueçadepuishier ! J’aimêmeessayéde téléphonerà l’hôpital,maison refusedeme

renseigner.Jem’enveuxtellementquejen’osepascontacterKaren…–Tun’espasresponsabledesactesdecettetarée!– Peut-être pas,mais c’estmoi qui ai fait sortir Thomas ce soir-là.Mais qu’est-ce qu’il fout, bon

sang ? Il doit bien se douter que je suis morte d’inquiétude ! Ce n’est pas normal. Il doit se passerquelquechose!

–Caro!Arrêtetoutdesuitedet’alarmer!Cesoir,nousavonscettesoiréedansantecheznosamisettuvasveniravecnouspourtechangerlesidées.

–Horsdequestion!Jenevaispasallerfairelafêtealorsquemonamiestentrelavieetlamortàl’hôpital!

–Ettucroisquetemorfondreicichangeraquelquechose?Jeterappelle,aupassage,queDamienestdansnotresalonavecAlex!IlestvenudeParisspécialementpourtoi.Tunepeuxpasleplantercommeça!

–Jesais!Avectoutcequ’ils’estpassé,j’aioubliédeluidiredenepasvenir…–Choisisunerobedansmondressing,tuviensavecnous!Tugarderastonportablesurtoiaucasoù

Audricchercheraitàtejoindre.Detoutefaçontuasl’ordredenepasnousquitterd’unesemelle,tun’aspaslechoix!

Jeregardeànouveauparlafenêtreetjemeperdsdanslacontemplationdelamer.ÉvaetAlexontunesuperbe villa qui donne sur une magnifique plage privée. Nous sommes toujours en été mais j’ail’impression d’être en plein hiver. Peut-être est-ce dû au froid quim’habite depuis que Thomas s’esteffondréàmespieds,couvertdesang.Cetteimageestgravéedansmonespritetnecessedes’imposeràmoi.Mêmecettenuit,elles’estgrefféesousmespaupièrespourvenirtourmentermonsommeil.

Jenesuispassûredepouvoirunjourl’effacerdemamémoire…

–Caro,bouge-toi!–OK.J’aicompris!Tunemelâcheraspaslagrappetantquejen’auraipasditoui,detoutefaçon!–Voilà,c’estça!

Ellemelanceunsourirecompatissantetreprend:

–Jesaisquecen’estpasfacilepourtoi,maistunedoispastelaisseraller.Thomasvas’ensortiretAudricvarevenirtechercher!

–Tuasraison!Jevaismepréparer.

J’essaiedesourireàmontour,maisjen’yarrivepas.JefaisuneffortpourÉvaetDamien,maislecœurn’yestpas.Commentavoirenviedefairelafêtealorsquemonamiestàl’hôpital?

Je farfouille unmoment dans le dressing d’Éva et je finis par dénicher une petite robe en soie decouleur prune.C’est parfait. Jem’apprête et je rejoinsmes amis dans le salon. Ils patientent avec unverreàlamain.Quandjefaismonentréedanslapièce,Damienvientàmarencontre,meserredanssesbrasetmedit:

–Jesuisheureuxdevoirquetuvasbien.ÉvaetAlexm’onttoutraconté.Situveuxtoutannuler, tun’asqu’unmotàdireetjerepartiraipourMorlaix!

–Non,Damien.Tun’aspasfaittoutcecheminpourrien!Detoutefaçon,çanesertàrienquejememorfondeici.J’aimonportable.S’ilyalemoindresouci,onpourramejoindre.

Enfin,j’espère…

Jen’aitoujourspasdenouvellesd’Audric.J’aidûluienvoyerunebonnedizainedemessages.

–OK.Doncjereste!s’enthousiasmeDamien.– Caro ! J’ai contacté quelques amis à Paris pour qu’ils se renseignent sur l’état de Thomas,

m’informeAlex.–Jeteremercie.Jesuisvraimentangoisséedeneriensavoir.–Jecomprends,répond-ilenenlaçantsafemme.–Etsionbougeaitavantd’êtreenretard?lanceÉva.

Nousnousdirigeonstousversl’avantdelamaisonetmontonsdanslavoitured’Alex.Jem’installeàl’arrière, aux côtés de Damien qui semble bien décidé à me changer les idées. Il n’a de cesse deplaisanter,etjedoisdirequejemeprendsaujeu.

Nous arrivons un moment plus tard dans une somptueuse maison qui surplombe les falaises entreCassisetLaCiotat.Leslieuxsontépoustouflants.Uneimmenseterrassefait letourdelapropriété.Laréceptionsedéroulesousungrandchapiteau,àl’arrière,côtémer.Ilyadéjàbeaucoupdemondequandnousarrivons.Unorchestrejouedansunanglealorsqueleballetincessantdesserveursrythmeledébutdesoirée.

Jeboisplusieurscoupesdechampagneencompagniedemesamisetfinisparmedétendre.JedanseaussiquelquesvalsesavecDamienquiestvraimentdebonnecompagnie.C’estenmilieudesoiréequetoutbascule.Alexm’entraîne sur la terrassepourmeparler à l’abrides regards. Ilmeditd’unevoixgrave:

– Je viens d’avoir Audric au téléphone, il vient d’atterrir. Il part de l’aéroport et devrait bientôtarriver…

–Quesepasse-t-il?m’affolé-je.

Jesorsmescigarettesdemapochetteetenallumeune.Jesuisdans tousmesétats.SiAudricvientdirectementici,c’estqu’ilsepassequelquechosedegrave.

–Jenesaisriendeplus,Caro,ilm’ajusteditdeveillersurtoi.

–Merde!Çasentpasbon!

Jenepeuxm’empêcherdetressaillir,j’aiunmauvaispressentiment.

–JedoisrejoindreÉva,çavaaller?s’inquiète-t-il.–Oui…–Jet’envoieDamien!

Il s’éloigned’unpas rapidealorsquemoi j’ai la sensationd’être figée surplace. Je suismortedetrouille et je n’ai plus envie de retourner sous le chapiteau. Damien arrive avec une bouteille dechampagneetdeuxcoupes.Jemedisquecethommeestvraimentparfait!

–J’aipenséqueçateferaitdubien.–Ohqueoui!Jesuisdésoléepourtoi,Damien…Jen’aipluslecœuràfairelafête.Jevaissagement

attendreAudricici.–Pasdesouci,jevaistetenircompagnie,siçanetedérangepas?–Mercipourtout.

Jel’observeremplirdeuxcoupesetm’entendreune.Jelasaisisetl’avaled’untrait.Àdéfautdebienfinir la soirée, jevaism’enivreretainsimedétendre. Je luidemandedemeserviruneautrecoupeetm’assiedssurlamurettequibordelafalaise.

–Faisattention,c’estdangereux,s’inquiète-t-il.–Jamaistunetedemandescequ’auraitététaviesitonfrèreétaittoujourslà?Moi,chaquejour,je

penseàmonpère,àsesconneries…Jemedisques’ilavaitétédifférent,jeseraispeut-êtremariéeavecdesenfants.Jemèneraisuneexistencetranquilledansunebellemaisoncommecelle-ci,conclus-jed’unevoixétranglée.

–JepensesouventàGabriel,avoue-t-il.

Il s’installe àmescôtés. Jedistingue tout juste l’air triste sur sonvisagedans lapénombre.Seulesquelqueslampeséparpilléessurlaterrasseéclairentleslieuxdeleurdoucelumière.Ilplongesonregarddanslemienavantdepoursuivre:

–Quoi qu’il se passe ce soir, tu vas devoir continuer à vivre,Caro.Mon frère et tes parents sontmorts,maislecoupable,maintenant,estderrièrelesbarreaux.Tudoispenseràtoi.Etpuis,tuasAudric!

Les larmes envahissentmes yeux. Je ne sais plus comment vivre…Depuis toutes ces années,monquotidienn’estfaitquededrames,desouffrances,etd’horreursquejenesouhaitemêmepasàmonpireennemi.SijeperdsThomas,jenem’enremettraipas…

Nousnousconfionsl’unàl’autreunmomentetnousfinissonslabouteilledechampagne.J’ailatêtequitourneetjesuisdéprimée.Jesuissaouleetjesensquejenemaîtriseplusrien.

Jenesaispascombiendetempss’écoulequandjedistingueenfinlasilhouetted’Audricquisedirigeversnous.Ilsembleagitéetquandilarrivefaceàmoi,jeremarquesonvisageravagéparl’angoisseoulapeur,jenesauraisdire.Damiens’éclipsediscrètementpournouslaisserseuls.JesensquecequevamedireAudricnevapasmeplaire…

Chapitre30

–Qu’est-cequ’ilsepasse?imploré-jefaceàsonsilence.

Lesjouesinondéesdelarmes,jeledévisage,etjedevineàsonregardqu’ilestarrivéquelquechosedegrave.Jesecouelatêteetjepleureencomprenantquemonamis’enestallé…

–Jesuisdésolé,monange…–Non… non… il ne peut pas êtremort, il n’a rien fait pourmériter ça ! C’est ta faute ! crié-je,

désespérée.Situn’avaispaslaissévivrecettefollecheztoi,ilseraittoujoursenvie!

Jem’essuie les jouesd’ungeste rageur. Je frôle la folie, jen’arriveplus à réfléchir. Je saisismonvisageentremesmainsetrepousseviolemmentAudricquandilessaiedemeprendredanssesbras.

–Jet’interdisdemetoucher!Toiettamauditefamillevousavezbousillémavie!

Jereculeetmeretrouvecoincéecontrelamurette.Jeretiremesescarpins.Jenesais,àcetinstant,sic’estl’alcoolouledésespoirquimepousseàmonterdessus.Audricmehurlededescendre,toutcommeDamienquis’estapproché.JesuisdémolieetlevisagedeThomasnequittepasmespensées.JejetteunœilverslebasdelafalaiseetAudricpanique.

–Nefaispasça!mesupplie-t-il.–RECULEOUJESAUTE!crié-jeenlevoyantfaireunpasenavant.

Des tremblements s’emparent demon corps. Depuis d’interminablesminutes, je suis immobile surcettemurette,quinefaitpasplusdetrentecentimètresdelarge.Mafinerobedecocktaillaissepasserl’airfraisdecettefind’été,ils’infiltredanschaqueparticuledemoncorps,etsemblevouloirmefigersurplace,mestatufier.Moncœur,quantàlui,nebatplus,maiscecin’estpasdûaufroid,non,ceciestdûàl’hommequisetientdeboutfaceàmoi,cethommequim’adonnédefauxespoirsetquim’afaitcroirequetoutétaitpossible,quej’avaisdroitaubonheur,moiaussi…

Mensonges.Manipulations.Trahisons.

Troismotsquirésumentnotrerelationet,peut-êtremême,mavietoutentière.

–Jet’aime,Caro…–Jene croisplus cequi sort de tabouche.Tumedisaisque l’amour était la plusbelle chosequi

pouvaitm’arriver…que sansmoi ta vie n’avait plus de sens !Mensonges,mensonges etmensonges !hurlé-je,follederage.

Emportéeparlacolère,jeperdsl’équilibre.J’écartelesbraspourtenterdemestabiliser.J’entendsAudriccriermonprénometpaniquerenmevoyantvacillerau-dessusduvide.J’arriveàm’immobiliser,

le cœur battant à tout rompre. Je regarde les vagues se briser sur les rochers en contrebas… Je n’aiqu’uneenvieàcetinstant:rejoindrel’écumeetmedisperserdanslamer.

Commentensuis-jearrivéelà?

C’est une longue histoire. Le désespoir peut pousser les gens à faire des choses ou des choixincompréhensibles. La douleur qui semble ne plus vouloir quitterma poitrine ces derniersmois a euraisondemoi.Lavieaungoûtamer,etcetteamertumem’empoisonne,merongecommedel’acide.Jenevoispluslalumièreauboutdutunnel.Jenecroisplusenriennienpersonne.

–Descends de là,Caro, nous allons parler. Tout peut s’arranger !Nous avons la vie devant nous.Laisse-moiunechancedemefairepardonner…

Unrirehystériques’échappedemeslèvres.Jetournelatêteetplongemesyeuxpleinsdelarmesdanslessiens.

–Tepardonner?Crois-tuvraimentquejepeuxfairedisparaîtretoutcequetum’asfaitd’uncoupdebaguettemagique,quejepeuxeffacertesmensonges,effacerAndréadetavieetoubliercequetonpèreaorchestré?Tupensesquejepeuxenleverdemamémoiretoutcequeceshommesrépugnantsm’ontfait?Ilsontsalimoncorpsetmonâme.Jemedégoûteàcaused’eux…àcausedetoi…

Jepleure,jecrie,jenemaîtriseplusrien.Toutcequejesens,c’estcegrandvideàl’intérieurdemoi,cetroubéantàlaplaceducœur.Jesuisbrisée.Chaquejourdepluspassésurcetteterreestunetorture.Jeveuxmourir,neplusrienressentir.

Neplusavoirmal…voilàcequejeveux.

–Ilestmortàcausedemoi,tucomprends?Ilestmort…Jamaisjenepourraimelepardonner,dis-jeensanglotant.

Jelèvelesbrasetfermelesyeux.Jepourraisdéployermesailescommeunoiseauetmejeterduhautdecettefalaise.Leventquimefouettelevisagepourraitbalayertousmessoucis,etl’eauemporteravecellemamisérablevie.

J’entendslescrisd’Audric,maisjeneréagispas.

–CARO!hurle-t-ilentreseslarmes.

Jesuisdéjàloin…

Chapitre31

J’ouvre les yeux, je suis sous le choc, quand je percute la roche. Je suis suspendue par les bras.Audricmeretientalorsquejemebalanceau-dessusduvide.Moncœurs’emballedangereusementetunepeurincontrôlables’emparedemoi.Qu’est-cequej’aifait?Jesuisdevenuecomplètementfolle.

Audriccriemonprénomenessayantdemetirerverslui.Jesensd’autresmainsquiempoignentmesbrasetl’onmeremonte.Audricmeprenddanssesbrasetmesoulèvepourmeporterjusqu’àlaterrasseoù il m’allonge sur une chaise longue. Je pleure sans pouvoir m’arrêter. Mon corps est secoué detremblements.Audricmeserretrèsfortdanssesbrasetmeberce.

–Jesuisdésolé,monange.Tellementdésolé…Situsavaiscommejet’aime…

Jesuisvidéeetincapablederépondre.ÉvaetAlexnousrejoignent,alertésparThomas.

– Je vais te ramener à lamaison, ajoute-t-il.Nous reparlerons de tout ça demain. Il faut que tu tereposes.

J’acquiesceetreprendspeuàpeumesesprits.JeréalisequejenesuisjamaisvenuedanssamaisonàCassis.J’auraistellementaiméqueçasefassedansd’autrescirconstances.J’aihonted’avoirvouluenfiniraveclavie.Jecroisquel’alcoolnefaitpasbonménageavecledésespoir.Audricmeportejusqu’àson4x4etéchangesonnumérodetéléphoneavecDamien.Évam’embrasse.Elleestlivide.J’aidûluifaireunesacréepeur,lapauvre.Audrics’installederrièrelevolantetnouspartonsdanslanuit.

Jefermelesyeux,letempsdutrajet.JeretiensplusieursfoismeslarmesquandlevisagedeThomasenvahitmespensées.Jedonneraisn’importequoipourrevenirenarrièreetmodifiercequis’estpassé.JeseraisrestéechezÉvasansl’appeler.J’auraisprismonavionlelendemainetThomasseraittoujoursenvie…

Je sors de mes sombres songes quand Audric ralentit devant l’entrée d’une propriété. Un portails’ouvreetnouslongeonsunealléed’arbresavantdenousgarerfaceàunegrandemaison.Jenedistinguepasgrand-chosedanslapénombre.Ilsortduvéhiculeetvientouvrirmaportière.

–Tupeuxmarcher?demande-t-il,inquiet.–Oui.

Jelesuisetleregardedéverrouillerlaporte.Ildisparaît,allumeleslumièresetm’inviteàentrer.Jepénètreencelieuinconnu,lamortdansl’âme.Jenedevraispasêtreici,maisàParis.Jenemesenspasàmaplace, pas ce soir où tout déraille.Audricme fait rapidement visiter la cuisine et le salon, puism’emmènejusqu’àsachambre.Ilmefaitvoirlaportedelasalledebainsetmelaisseseule,letempsd’allerpréparerune infusionpourm’apaiser.Commesi çapouvaitme faireoublierqueThomasn’estplusdecemonde…

Jemedéshabilleetmeglissedans ladouchesous les jetsd’eaubouillante. Jem’adosseà laparoivitréeetlaissecoulerl’eausurmoncorpsmeurtri.Jesuiscouverted’hématomesetd’écorchures.Jemerendscomptequ’àcausedemabêtisej’aifailliypasser.Thomasestmortpourmeprotégeretmoij’aivoulusauterduhautd’unefalaise…

Mapoitrineseserre.JemedemandesiKarenestaucourant.Ellenemepardonnerajamais…

Jemesècherapidementetmeglissesouslesdraps.Audricmerejointavecdeuxtassesfumantesqu’ilposesurlatabledenuit.

–Jeprendsunedoucheetj’arrive,dit-ild’unevoixlasse.

Il est épuisé à cause des événements de ces dernières vingt-quatre heures. Le pauvre n’a pas dûbeaucoup se reposer. Jem’installe confortablement contre lesoreillers, la tasse entre lesmains. Jenesuispascertainedepouvoirdormircettenuit.Jesuistropbouleversée.

Audricmerejointets’allongenuàmescôtés.Ilprendluiaussilatassed’infusionetsetourneversmoipourmedévisager.

–Tut’esfaitmalenchutant?demande-t-il,soucieux,enremarquantdestracessurmonbras.–Riendebiengrave.A-t-ilsouffert?

Mavoixn’estqu’unmurmurequandjeposecettequestion.

–Non.Ilétaitinconscienttoutletemps.J’aifaitprévenirsafamilleetj’aicontactéleLoupblanc.–Thomasneméritaitpasça…C’étaitunegentillepersonnequisesouciaitdesautres…J’espèreque

cettepourritured’Andréavalepayercher!–Pourcela,tupeuxenêtrecertaine!Il…ilfautquejeteparle…

Jemeraidis.Autondesavoix,jedevinequejenevaispasaimercequ’ilvamedire.Jeplongemonregardanxieuxdanslesien.Ilestnerveuxetcherchesesmots.

–Je…Ilnefautpasquetupaniques,maisnousallonsdevoirnousenfuir…–Jenecomprendspas.Qu’est-cequisepasse?–Andréa,avantd’êtreemmenéeparlapolice,m’afaitquelquesconfidencespouressayerdesefaire

pardonner.Ellem’aavouéquemonpèrevoulaittamort…Ilnenouslaisserajamaisenpaix,Caro!Ilalesmoyensdefairefairecequ’ilveut,mêmeenferméderrièredesbarreaux.Jenepeuxpasteprotéger!

Audricestblêmeetpaniqué. Jecomprendsque la situationestvéritablementdangereusepourqu’ils’affoledecettefaçon.

–Alorstuproposesquoi?–Dedisparaître!Nouveauxpapiers,nouvellevieloindelaFrance.

J’écarquillelesyeux.J’aidumalàcroirecequej’entends.

–Tuveuxt’enfuir…avecmoi?Es-tucertaindenejamaisleregretter?Tuabandonneraistoutetavie

ettesaffairespourmoi?Ettamèreettasœur,tuypenses?questionné-je,surprise.–Tuignorestoutcedontjesuiscapablepourtoi,Caro!Jet’aimeplusquemaproprevie,ettoutle

resten’apaslamoindreimportance!Quantàmamère,depuisquemonpèreestenprison,elledépensetoutsonargentdansdesvoyagesetmasœurfaitsaviesanssesoucierdesautres.

Ilposesatassesurlatabledenuit,jefaisdemême.Ilsaisitmesmainsdanslessiennesetmedit:

–Jenepeuxplusvivresanstoi,monange…–Moiaussi,jet’aime,Audric,maiscommentallons-nousfairesansargent?–Nousavonslesdiamants,avoue-t-ilensouriant.–Tulesaspris?– Oui. Toi et moi sommes les deux seules personnes à connaître leur existence. Mon avocat va

s’occuperdevendrecettemaisonetcelledeParis.Luiseulpourranouscontacteret je le feraimettresousprotectionpolicière.Jesaisquecequejetedemandeestunénormesacrifice,Caro.TuvasdevoirquitterÉvaetAlex.Nousdevronstireruntraitsurnotrepassé.

Jerestesansvoix.CequemeproposeAudricestfou,maisn’est-cepascequej’aitoujoursdésiré?Commencerunenouvellevielàoùpersonnenemeconnaît,avecl’hommequej’aimeplusquetout?

–Commentvas-tufairepourtrouverdenouveauxpapiers?–TonamiDamienestunepersonnedeconfiance?–Oui,maisjeterappellequ’ilestpolicier.– Je sais, mais j’ai aussi vu à quel point il tenait à toi ce soir ! Il doit bien connaître quelques

faussairestalentueux.Pourteprotégeretenéchanged’unpeud’argent,jesuissûrqu’ilaccepteradenousaider!affirme-t-il.

Ilm’attirecontrelui.Jemeblottiscontresontorse,rongéepardeuxsentimentsopposés:latristessed’avoirperduunamicheret lebonheurdesavoirque jevaism’enfuiravecAudric.Jeculpabilisederessentircetespoirquej’avaisprofondémentenfouiaufonddemoi.Audricresserresonétreinteetposesajouecontremescheveux.

–Jetedemandepardonpourmoncomportementdecesoir…Jenesaispascequim’aprisdevouloirsauterdecettefalaise…

–Net’excusepas,monange.Cesderniers joursontété trèséprouvants.Tues là,dansmesbras,etc’esttoutcequicompte!Jet’aime,Caro,etjeteprometsquelesannéesàvenirserontmagnifiques.

–Jet’aime,Audric.

Épilogue

–Jenemeferaijamaisàcettechaleur!

JemeplainspourlamillièmefoisetAudricnepeuts’empêcherdesourire.

–Tuvast’yfaire,Caro!

Allongéesurunechaiselongue,jeregardeleciel.Noussommesarrivéssurl’îledeBaliilyadéjàplusieursmois,maisj’aidumalàm’habitueràceclimattropical.NousnoussommesinstallésdansunepetitemaisonàDenpasar,lacapitaledeBali.Audricserenseignepouracheterdesrizièresalorsquemoijepassemontempsàbronzer.

NousavonsquittélaFranceprécipitamment.Audricnes’étaitpastrompésurDamien,ilnousatrouvédefauxpapiersenéchangedequelquesbillets.

J’aipuassister à l’enterrementdeThomasaprèsune lutte acharnéeavecAudricqui refusaitdemelaisser y aller. Il était hors de question que je quitte le pays sans lui faire mes adieux ! Karen étaitbouleversée,j’espèrequ’ellerencontreraànouveauquelqu’unquiprendrasoind’elle.

J’aiditaurevoiràmameilleureamieÉva.C’étaittrèséprouvantpourmoi.J’ignoresijelareverraiunjour.Elleacomprisquelasituationétaitdangereuseetquenousn’avionspaslechoix.

–Tusaisquec’esttonanniversaireaujourd’hui?Enfinlevrai…–Oui,jesaisencorequandjesuisnée…–Jet’aifaitunesurprise.Cesoir,noussortons!–Maissitumeledis,cen’estplusunesurprise!letaquiné-je.–C’estvrai!répond-ilavecunairmalicieuxsurlevisage.

Qu’est-cequ’ilmeprépare?Ilmecachequelquechose,c’estcertain!

Enfindejournée,jemechangeet,couverted’unefinerobedecotonrouge,jerejoinsAudricsurlaterrasse.Jerestesansvoix.Ilestsuperbe.Ilamisunpantalonnoiravecunechemiseblanche,cequifaitressortirsonteintmatetsesyeuxverts.Sonsourireestéclatantquandils’approchepourdéposersurmeslèvresunbaiserlégercommelevent.

–Tuesprête?demande-t-ild’unairenjoué.–Toi,tumanigancesquelquechose!–Pasdutout!

Ilmelanceunefoisdepluscesourireespièglequej’aimetant,puisilm’entraîneàsasuite.

–Nouspartonsàpied?m’étonné-je.

–Nousavonsàpeinedeuxcentsmètresàfaire!–Maislavilleestdececôté!

Il me sourit encore. OK, j’ai compris ! Je ne dois plus poser de questions. Nous avançonstranquillementetnousarrêtonsdevantl’entréed’unemaison.

–Jenecomprendsrien,Audric!Oùsommes-nous?–Sonneettuledécouvriras!–OK,oncontinuedejouer!

J’appuiesurlasonnetteetj’attends.Laportes’ouvreetmoncœursedécrochedansmapoitrine.

–Éva?Mais…qu’est-cequetufaislà?

Leslarmesauxyeux,j’observemonamie.

–Ben,j’habiteici,mapoule!lance-t-elleenriant.–Merde!Jenel’aipasvuevenircelle-là!

Jemejettedanssesbras.Ceslongsmoispasséssanslavoirniluiparlerontétédifficilespourmoi.Jem’écartepourlaregarderànouveauetluidemande:

–Vousêtesicienvacances?–Oui!Nousavonsachetécettepetitemaisonpourvenirtevoirplusieursfoisparan.Tunecroyais

quandmêmepas que j’allais passer le reste dema vie sans toi ? plaisante-t-elle.Viens !Alex et lesenfantsnousattendent.

–J’arrive.TupeuxmelaisserquelquesminutesavecAudric?–OK.Àtoutdesuite.

Elles’éloigne.Jemetourneversmonpetitcachottier.

–Tusaisquetuviensdemefaireleplusbeaucadeaudumonde?–Oui,jesais!J’aibienremarquécesderniersmoisqu’Évatemanquait.Nousavonstoutorganiséen

prenantunmaximumdeprécautions.–Jet’aime,Audric…–Moiaussi,monange.Allonsfêterdignementtonanniversaire!Combiençatefaitdéjà,dix-huit?–Pff…cen’estpasenmeflattantquetumemettrasdanstonlitcesoir!–Non,c’estvrai,ceseraitplutôtcommeça!

Ilm’enlaceets’emparedemabouche.Cebaiserestemplidepromesses.

Àcetinstant,jedoisavouerquejenageenpleinbonheur…Sicetinstantpouvaitdurerl’éternité!

FIN.

Égalementdisponible:

EmmaX,Secrèteetinsoumise

Danslavie,Emmasaitcequ’elleveut!Propresurelle,polieetdiscrètelajournée,savraienatureserévèlelesoir.Emmasetransformealorsenfemmesûred’elleséductriceetfièredesesatouts.Elles’estfixédeuxrègles:

protégersonsecretresterlibreetinsoumise.

Alorspourelle,l’amours’apparenteàdesrencontresavecdeshommesqu’ellenereverrajamais.Etçaluisuffit.Maisc’étaitsanscomptersurcethommetroublant,capabledetoutpourl’approcher,mêmedupiredeschantages…

Retrouveztouteslesséries

desÉditionsAddictives

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©EDISOURCE,100ruePetit,75019Paris

Février2017

ISBN9791025736173

ZARO_002