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1 Les jeux de savoir : de nouvelles formes d'expérience éducatives ? Identité des auteurs Nom : Maisonneuve Prénom : Luc Appartenance institutionnelle : IUFM, Université de Brest - CREAD Courriel : [email protected] Nom : Rilhac Prénom : Patrice Appartenance institutionnelle : IUFM, Université de Brest - CREAD Courriel : [email protected] Nom : Motais-Louvel Prénom : Guylène Appartenance institutionnelle : Inspection Académique d'Ille et Vilaine - CREAD Courriel : [email protected] Nom : Quilio Prénom : Serge Appartenance institutionnelle : Institut français de l’éducation – ENS de Lyon Courriel : [email protected] Nom : Go Prénom : Henri Louis Appartenance institutionnelle : Université de Strasbourg – LISEC Courriel : [email protected] Nom : Marlot Prénom : Corinne Appartenance institutionnelle : Université Blaise pascal, Clermont Ferrand - ACTé Courriel : [email protected] Nom : Toullec-Thery Prénom : Marie Appartenance institutionnelle : Université de Nantes - CREN Courriel : [email protected] Nom : Kerneis Prénom : Jacques Appartenance institutionnelle : IUFM, Université de Brest - CREAD Courriel : [email protected]

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Les jeux de savoir : de nouvelles formes d'expérience éducatives ?

Identité des auteurs

Nom : Maisonneuve Prénom : Luc Appartenance institutionnelle : IUFM, Université de Brest - CREAD Courriel : [email protected] Nom : Rilhac Prénom : Patrice Appartenance institutionnelle : IUFM, Université de Brest - CREAD Courriel : [email protected] Nom : Motais-Louvel Prénom : Guylène Appartenance institutionnelle : Inspection Académique d'Ille et Vilaine - CREAD Courriel : [email protected] Nom : Quilio Prénom : Serge Appartenance institutionnelle : Institut français de l’éducation – ENS de Lyon Courriel : [email protected] Nom : Go Prénom : Henri Louis Appartenance institutionnelle : Université de Strasbourg – LISEC Courriel : [email protected] Nom : Marlot Prénom : Corinne Appartenance institutionnelle : Université Blaise pascal, Clermont Ferrand - ACTé Courriel : [email protected] Nom : Toullec-Thery Prénom : Marie Appartenance institutionnelle : Université de Nantes - CREN Courriel : [email protected] Nom : Kerneis Prénom : Jacques Appartenance institutionnelle : IUFM, Université de Brest - CREAD Courriel : [email protected]

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Nom : Blocher Prénom : Jean-Noël Appartenance institutionnelle : IUFM, Université de Brest - CREAD Courriel : [email protected] Nom : Gruson Prénom : Brigitte Appartenance institutionnelle : IUFM, Université de Brest - CREAD Courriel : [email protected] Nom : Kewara Prénom : Punwalai Appartenance institutionnelle : Université Rennes 2 - CREAD Courriel : [email protected] Nom : Le Hénaff Prénom : Carole Appartenance institutionnelle : Université Rennes 2 - CREAD Courriel : [email protected] Nom : Loquet Prénom : Monique Appartenance institutionnelle : Université Rennes 2 - CREAD Courriel : [email protected] Nom : Santini Prénom : Jérôme Appartenance institutionnelle : Université de Nice - ERTé DATIEF Courriel : [email protected] Nom : Nédelec-Trohel Prénom : Isabelle Appartenance institutionnelle : IUFM d'Amiens - Habiter, PIPS-RIICE Courriel : [email protected] Nom : Forest Prénom : Dominique Appartenance institutionnelle : IUFM, Université de Brest - CREAD Courriel : [email protected]

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Identité des coordonnateurs Nom : Gruson Prénom : Brigitte Appartenance institutionnelle : IUFM, Université de Brest - CREAD Courriel : [email protected] Nom : Marlot Prénom : Corinne Appartenance institutionnelle : Université Blaise pascal, Clermont Ferrand - ACTé Courriel : [email protected] Nom : Toullec-Thery Prénom : Marie Appartenance institutionnelle : Université de Nantes - CREN Courriel : [email protected] Réactants : - Gérard Sensevy : sous-symposium en français - Brian Hudson : sous-symposium en anglais – University of Dundee, UK. Le symposium général est composé de deux sous-symposiums spécifiques. Le premier sous-symposium, en français, est composé de 5 présentations :

Luc Maisonneuve Patrice Rilhac & Guilaine Louvel Serge Quillio & Henri-Louis Go Corinne Marlot & Marie Toullec-Théry Jacques Kernéis et Jean-Noël Blocher

Le second sous-symposium, en anglais, est composé de 3 présentations :

Brigitte Gruson, Punwalai Kewara & Carole Le Hénaff Monique Loquet & Jérôme Santini Isabelle Nédélec-Trohel & Dominique Forest

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Les jeux de savoir : de nouvelles formes d'expérience éducatives ?

Problématique générale

Résumé : Ce double symposium s’efforce de mettre au travail, dans une perspective directement inspirée par les approches comparatistes en didactique, des éléments récents élaborés au sein de la théorie de l’action conjointe en didactique (Sensevy & Mercier, 2007 ; Gruson, Forest & Loquet, à paraître). Dans cette perspective, les différentes contributions réunies dans ce symposium visent à rendre compte de recherches sur des pratiques didactiques variées qui sont modélisées, à la suite de Sensevy (2007), sous forme de jeu. Cette modélisation vise à comprendre et expliquer la complexité des situations d'enseignement-apprentissage, selon une approche anthropologique où les faits (didactiques), les valeurs qui les portent et les contextes socio- culturels, ne sont pas dissociés. Au-delà de la dimension explicative, ce travail de modélisation sous forme de jeux d'apprentissage et jeux épistémiques constitue à la fois une tentative de reproblématisation des phénomènes de transposition et une manière d’ajouter au projet descriptif une dimension normative. En effet, le rapport jeux d’apprentissage / jeux épistémiques nous permet d’appréhender, d’un point de vue normatif, l’efficacité de la situation mise en place et conduite par le professeur, et qui doit amener l'élève à vivre de véritables expériences avec le savoir, au sens de Dewey (1938/2006). Le projet d’une science du didactique (Chevallard, 2005) ne peut en effet se développer sans inclure l’idée d’un progrès de l’émancipation par le savoir, en améliorant pour chaque génération la possibilité d’accès aux œuvres de celles qui l’ont précédée, et en garantissant dans le même mouvement la possibilité pour cette nouvelle génération d’agir dans et sur les œuvres.

KNOWLEDGE GAMES: NEW FORMS OF EDUCATIONAL EXPERIENCES?

Abstract : This two-fold symposium seeks to probe, in a perspective directly inspired from comparative approaches in didactcs, recently developed theoretical concepts in relation with the Joint Action Theory for Didactics (Sensevy & Mercier, 2007 ; Gruson, Forest & Loquet, à paraître). In this perspective, the different contributions to this symposium intend to report about research on various didactic practices that are modeled after Sensevy (2007) as games. This model aims to understand and explain the complexity of teaching-learning situations, following an anthropological approach where the (didactic) facts, the values that underpin them and the socio-cultural contexts, are not dissociated. Beyond the explanatory dimension, this modeling of didactic situations as learning games and epistemic games is both an attempt to reproblematize transpositive phenomena and a way to add a normative dimension to the descriptive project. Indeed, the relationship between learning games and epistemic games enables us to understand, from a normative standpoint, the efficiency of the situation implemented and monitored by the teacher in order to bring the student to live real experiences with knowledge, as defined by Dewey (1938/2006). The project of a science of didactics (Chevallard, 2005) cannot indeed be developed without including the idea of developing emancipation through knowledge, by improving for each generation the possibility to access the cultural works elaborated by previous generations and ensuring at the same time the opportunity for the current generation to act in and on these works.

LOS “JUEGOS DE SABER”: NUEVAS FORMAS DE EXPERIENCIA EDUCATIVA?

Resumen : Este doble simposio busca trabajar, desde una perspectiva directamente inspirada por las aproximaciones comparatistas en didáctica, los recientes elementos teóricos elaborados al seno de la teoría de acción en didáctica (Sensevy & Mercier, 2007 ; Gruson, Forest & Loquet, en prensa). Desde esta perspectiva, las diferentes contribuciones reunidas en este simposio proponen dar cuenta de investigaciones sobre prácticas didácticas variadas que son modeladas, después de Sensevy (2007), bajo la forma de juego. Esta modelación intenta comprender y explicar la complejidad de situaciones de enseñanza-aprendizaje, según una aproximación antropológica donde los hechos (didácticos), los valores que estos portan y los contextos socio-culturales, no están disociados. Más allá de la

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dimensión explicativa, este trabajo de modelación bajo la forma de juegos de aprendizaje y juegos epistémicos constituye a la vez una tentativa de reproblematización de los fenómenos de transposición y una manera de agregar una dimensión normativa al proyecto descriptivo de situaciones de enseñanza-aprendizaje. En realidad, la relación juegos de aprendizaje / juegos epistémicos nos permite de aprehender, desde un punto de vista normativo, la eficacidad de la situación llevada a cabo y conducida por el profesor, la cual debe llevar al estudiante a vivir experiencias verdaderas con el saber, en el mismo sentido que propone Dewey (1938/2006). El proyecto de una ciencia de lo didáctico (Chevallard, 2005) no puede en realidad desarrollarse sin incluir la idea de un progreso de la emancipación a través del saber, mejorando en cada generación la posibilidad de acceso a las obras de las generaciones anteriores, y garantizando en ese mismo movimiento, a esta nueva generación, la posibilidad de actuar en y sobre estas obras.

Ce symposium, organisé en deux parties, l’une en français et l’autre en anglais, s’efforce de mettre au travail, dans une perspective directement inspirée par les approches comparatistes en didactique, des éléments récents élaborés au sein de la théorie de l’action conjointe en didactique (Gruson, Forest & Loquet, 2012 ; Sensevy & Mercier, 2007 ; Sensevy 2011).

Les différentes contributions réunies dans ce symposium visent à rendre compte de recherches sur des pratiques didactiques variées que celles-ci se déploient au sein de l’institution scolaire ou en dehors. Dans chacune des recherches présentées dans ce symposium, la diversité des savoirs en jeu permet de travailler à la fois la spécificité et la généricité des processus décrits.

Le fait de modéliser, à la suite de Sensevy (2007), les pratiques d'enseignement-apprentissage sous forme de jeu nous permet, premièrement, de mettre en évidence certains aspects du monde social et de l’activité des hommes dans leurs rapports aux œuvres culturelles. Deuxièmement, cette modélisation nous rend à même de prendre en compte, de manière intégrative : - les dimensions psychiques (dynamique affective et effective du jeu, entre passion et calcul du jeu), - les dimensions sémiotiques (grammaire de signes qui permettent de faire et comprendre, faire faire et se faire comprendre), - les dimensions institutionnelles (conditions d’entrée et de reconnaissance du jeu joué, tacitement ou explicitement exigé) de l’action conjointe en didactique. Cette modélisation vise donc à comprendre et expliquer la complexité des situations d'enseignement-apprentissage, selon une approche anthropologique où les faits (didactiques), les valeurs qui les portent et les contextes socio- culturels, ne sont pas dissociés.

Au-delà de la dimension explicative, ce travail de modélisation sous forme de jeux d'apprentissage et jeux épistémiques constitue à la fois une tentative de reproblématisation des phénomènes de transposition et une manière d’ajouter au projet descriptif une dimension normative. Car, il s’agit bien de porter, à partir de la pratique, un regard sur l’efficacité de cette pratique. En effet, le rapport jeux d’apprentissage / jeux épistémiques nous permet d’appréhender, d’un point de vue normatif, l’efficacité des situations mises en place et conduites par le professeur. Dans la perspective du colloque, l’efficacité est mesurée à l’aulne de la potentialité émancipatrice des situations d'enseignement-apprentissage. En effet, nous considérons à la suite de Dewey (1938/2006) qu’une situation est émancipatrice dès lors qu’elle permet aux élèves de vivre de véritables expériences avec le savoir. La question centrale de notre symposium peut donc s’énoncer de la manière suivante : quelles sont les formes d'enseignement et d'apprentissage – décrites sous forme de jeux de savoir - les mieux à même d’encourager la mise en œuvre de ce processus d’expérience ? (Dewey, ibid)

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Le projet d’une science du didactique (Chevallard, 2005) ne peut en effet se développer sans inclure l’idée d’un progrès de l’émancipation par le savoir, en améliorant pour chaque génération la possibilité d’accès aux œuvres de celles qui l’ont précédée, et en garantissant dans le même mouvement la possibilité pour cette nouvelle génération d’agir dans et sur les œuvres.

La première partie du symposium, en langue française, regroupe les cinq contributions suivantes :

Luc Maisonneuve : « De l’analyse a priori “vue comme” une sorte d’impossible et nécessaire épochè didactique »,

Patrice Rilhac & Guilaine Louvel : « Quelles formes didactiques au service de quel contrat éducatif : études de cas en escalade et en danse »,

Serge Quillio & Henri-Louis Go :

Corinne Marlot & Marie Toullec-Théry : « Impensés et prêts à penser de l’aide ordinaire en mathématiques : le cas de deux séances d’aide personnalisée en maternelle ».

Jacques Kernéis et Jean-Noël Blocher :

Quant à la seconde partie, en langue anglaise, elle rassemble ces trois contributions :

Brigitte Gruson, Punwalai Kewara & Carole Le Hénaff : « Games as Models and Practices in Foreign Language Didactics »

Monique Loquet & Jérôme Santini : « Where are the Epistemics in Didactic Situations? An analysis of Epistemic Games in Two Case Studies »

Isabelle Nédélec-Trohel & Dominique Forest

Bibliographie

Chevallard, Y. (2005). La didactique dans la cité avec les autres sciences. Symposium de didactique comparée : généricité et spécificité didactique. Montpellier, septembre. http://yves.chevallard.free.fr/spip/spip/article.php3 ?id_article =65 [consulté le 14 avril 2011]

Dewey, J. (1938/2006). Logique. La théorie de l'enquête. Paris : PUF.

Gruson, B., Forest, D. & Loquet, M. (2012). Jeux de Savoir. Études de l'action conjointe en didactique. Rennes : PUR.

Sensevy, G. & Mercier, A. (2007). Agir ensemble. L'action didactique conjointe du professeur et de ses élèves dans la classe, Rennes : PUR.

Sensevy, G. (2007). « Des catégories pour décrire et comprendre l'action didactique », In Sensevy G. & Mercier A. [dir.]. Agir ensemble - L'action didactique conjointe du professeur et des élèves. Rennes : PUR, pp. 13-49.

Sensevy, G. (2011). Le sens du savoir – Eléments pour une théorie de l’action conjointe en didactique. Rennes : PUR.

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PREMIERE PARTIE : JEUX DE SAVOIR

DE L’ANALYSE A PRIORI « VUE COMME » UNE SORTE D’IMPOSSIBLE ET NECESSAIRE EPOCHE DIDACTIQUE

Luc Maisonneuve CREAD 3875, IUFM de Bretagne-UBO

Résumé : Cette présentation a pour objectif d’interroger ce que la Théorie de l’Action Conjointe en Didactique appelle l’analyse a priori, c’est-à-dire l’analyse des savoirs sans référence à leur éventuelle didactisation, autrement dit : d’une part, les jeux épistémiques sources, d’autre part, les jeux épistémiques cibles de la situation didactique observée. Selon cette acception, l’analyse a priori ne doit pas être confondue avec la « savantisation » décrite par Lefeuvre (2008) comme le processus par lequel l’enseignant acquiert des savoirs sur l’objet culturel, futur objet d’enseignement. Si l’une et l’autre portent sur des savoirs épistémiques, l’analyse a priori, contrairement à la savantisation, ne s’inscrit pas dans un processus de transposition didactique. Pour autant, elle ne peut ignorer sa participation à ce même processus dans la mesure où elle n’est pas une analyse sans préoccupation didactique : elle produit une analyse des objets culturels et d’enseignement en jeu dans la situation d’enseignement observée. Deux corpus d’analyses a priori issus, l’un d’une formation initiale d’enseignants sans visée didactique, l’autre d’un groupe de recherche ayant pour objectif l’enseignement des savoirs analysés, montrera combien l’adressage explicite ou implicite des situations observées influence l’analyse. C’est donc bien “l’a priori” de cette dernière qui est ici interrogé notamment au travers des présupposés que cet a priori oblige à accepter, d’une part, quant à la pondération et au choix des savoirs dans l’élaboration des objets d’enseignement – références d’institution, voire de légitimation ; d’autre part, quant aux processus de didactisation vus comme dispositifs d’institutionnalisation de ces mêmes savoirs – références d’institutionnalisation, voire de reconnaissance ou d’appartenance (Maisonneuve, 2010).

Introduction

Décrire une situation didactique est sans aucun doute une tâche inépuisable. C'est en effet, à tout le moins, avoir pour projet de décrire des élèves, un enseignant, des savoirs et les relations complexes qui les relient dans le cadre de l'institution scolaire, c'est-à-dire selon une double visée formative et politique. C'est donc toujours, peu ou prou, inscrire cette description dans les lieux, les temps et les durées des diverses scansions des curricula en vigueur. Il faut donc s'efforcer de tenir conjointement deux descriptions des différents paramètres : pris isolément, c'est-à-dire pour eux-mêmes, et dans leurs relations aux autres paramètres, c'est-à-dire dans leurs transactions2. Comme l'écrit Sensevy (2007, p.15), chaque fois et pour chacun d'entre eux, il est en effet nécessaire d'en penser le complément. La théorie de l'action conjointe en didactique (TACD) s'efforce de prendre systématiquement en compte cette complémentarité. Néanmoins, pour les besoins de ma présentation, je vais le plus souvent réduire à deux, voire le plus souvent à un seul élément, certaines des différentes composantes des situations didactiques observées. Ce point sera commenté plus longuement lors de l'exposé proprement dit.

A ce stade de la présentation, la question que je pose est celle de l'analyse a priori des savoirs à enseigner ou enseignés, a priori étant entendu, pour le moment, comme une mise entre parenthèses de l'acte d'enseignement, autrement dit, comme une analyse des savoirs pour eux-mêmes. Par ailleurs, il faut préciser que le terme de “savoirs” ne recouvre

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pas les seuls savoirs “culturels” ou disciplinaires. Ainsi, chacun des paramètres cités plus haut est un savoir ou peut-être l'objet d'un savoir. Il peut par conséquent, en tant que tel, faire l'objet d'une ou plusieurs analyses a priori3.

Tout acte d'enseignement présuppose un objet enseigné ou à enseigner. Il est donc impossible d'apprendre sans apprendre quelque chose comme il est tout aussi impossible de lire sans lire quelque chose : une lettre, un mot, un texte... Enseigner s'entend donc toujours avec un complément d'objet soit explicite, soit implicite. C'est un verbe intrinsèquement transitif, nécessairement transitif. L'objectif de tout enseignement ne réside pas, par conséquent, dans l'acte d'enseigner mais dans l'objet enseigné ou à enseigner en tant que transformation de cet objet (d'objet de savoir en objet de connaissance).

Apprendre, c'est faire l'expérience de cette transformation des savoirs en connaissances dans le sens où l'entendent, 1 : Carrière (2009, p.85) : « Les savoirs c'est ce dont nous sommes encombrés et qui ne trouve pas toujours une utilité. La connaissance, c’est la transformation d’un savoir en une expérience de vie. » et, 2 : Sensevy (2010, p.12) : « Faire une expérience didactique, c’est faire l’expérience d’une certaine résistance à sa pensée et son action, c’est donc constater une certaine forme d’ignorance dans une situation précise. C’est ensuite continuer l’expérience en parvenant à élaborer un savoir [une connaissance, selon les termes de Carrière], sous la forme d’une puissance d’agir, qui permettra de lever l’ignorance. » L'expérience se déroule ainsi selon deux phases complémentaires : 1) la saisie d'un divers comme saisie des divers savoirs sur l'objet de l'expérience, savoirs vus comme extérieurs au sujet connaissant (l'ensemble des savoirs cités plus haut). Ces savoirs peuvent alors se révéler être soit une première étape de la levée de l'ignorance soit un obscurcissement et/ou un renoncement à cette levée dans et devant la pluralité même des savoirs ; 2) la réorganisation (hiérarchisation, catégorisation, digitalisation...) de ce divers comme nouvelle « puissance d'agir », c'est-à-dire comme connaissance : la connaissance comme savoir incorporé (sorte de connaître-dire, de connaître-faire...). L'expérience est alors vue comme ce passage de l'en soi (les savoirs) au pour soi (les connaissances), pour ce qui m'intéresse ici : en lecture, le passage de la compréhension à l'interprétation, de la signification au sens, du texte en soi au texte pour soi (Dorra, 2001 ; Maisonneuve, 2010).

Clarification méthodologique

Dans ce qui va suivre, nous appellerons : objet d'étude, l'objet d'enseignement hors de la pratique même d'enseigner ; objet à enseigner, l'objet d'étude pris dans une perspective didactique, autrement dit ce qui dans l'objet d'étude sera l'objet de l'enseignement ; objet d'enseignement, l'objet à enseigner tel qu'il se décline dans une configuration didactique postulée ; l'objet enseigné, l'objet à enseigner tel qu'enseigné effectivement (Maisonneuve, 2010). Je vais essayer d'examiner des objets de savoir, en l'occurrence littéraires, comme des objets d'étude, c'est-à-dire hors de la relation didactique qui leur a très largement donné leur forme puisque ces objets sont tous issus de pratiques d'enseignement.

À des fins de comparaison, je ferai l'analyse de ces savoirs lors de la même phase de la situation didactique, celle qui porte sur l'objet d'étude et l'objet à enseigner. Il s'agit donc de la phase préalable à l'enseignement proprement dit. Ceci me conduit à distinguer l'analyse a priori d'une part et la « savantisation » d'autre part (Lefeuvre, 2008).

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La savantisation

Je définis cette dernière comme « la dynamique d’étude personnelle (donc dynamique interne) à laquelle se livre un sujet soucieux d’approfondir et d’élargir ses connaissances vis à vis d’un savoir donné » (ibid., 2008, p.23). Au sein de la construction de ce rapport personnel à un objet de savoir, pour moi un objet d'étude, la savantisation du savoir per se est donc le chemin que peut suivre un individu lorsqu’il étudie des savoirs, à partir de ressources considérées par lui comme des savoirs et/ou des connaissances de référence4. La question de la pertinence épistémologique de ses choix de ressources se limitera alors au fait qu’il les considère, à tort ou à raison, comme incluant des savoirs “savants”5. Elle est donc toujours fragile et inachevée.

L’analyse a priori

Je propose d'effectuer ici une analyse a priori des savoirs et connaissances mobilisés ou élaborés lors de la savantisation bien que je tienne à souligner dès maintenant qu'une analyse a priori peut prendre place à tout moment du déroulement d'un dispositif didactique. Mais, comme il me fallait choisir une phase de ce déroulement, j’en ai choisi la phase initiale. Sa situation en amont de la classe, comme première étape de la préparation de celle-ci, me permet de ne prendre en compte que l'objet d'étude et, dans une moindre mesure, l'objet à enseigner. Indiquer cela revient à souligner le lien, déjà mentionné, de cette analyse a priori avec la situation didactique observée. Mettre entre parenthèses cette situation, à tout le moins s'y efforcer, ne doit donc pas être compris comme une négation de celle-ci, mais, à des fins d'analyse, de suspendre provisoirement les conditions qui ont prévalu à ce qu'il en soit ainsi. C'est le sens que je donne ici à épochè (Husserl, 1913-2006)6.

La notion d'exemple exemplaire

Mon exposé s'appuiera sur l'examen de deux exemples que je considère, selon les termes de Kuhn (1977), comme exemplaires7. Les exemplaires, ou la somme des exemplaires couronnés de succès, sont les paradigmes, selon l'expression utilisée par Kuhn (ibid., p.423), qui constituent la matrice disciplinaire. L'ensemble observateur(s) / observés s'inscrit dans une communauté et dans un langage. Cet ensemble constitue le réel, c'est-à-dire en termes derridiens, le « reste »8, autrement dit le tout de l'observation, quelque chose d'assez semblable à la réduction phénoménologique, l'épochè dans l'acception que je retiens ici.

Organisation de l'exposé

Dans un premier temps, je présenterai rapidement les deux objets d'étude, soit Les animaux malades de la peste de Jean de La Fontaine et Le Minotaure de Nathanaël Hawthorne. Ce sont en l'occurrence des objets d'étude littéraires. Je reviendrai alors sur ce point pour définir et justifier ce que j’entends par objet d'étude littéraire, objet de savoir littéraire et objet de connaissance littéraire. Dans un second temps, je présenterai le travail de savantisation effectué sur ces deux objets dans trois configurations différentes : une savantisation des animaux malades de la peste sans visée didactique et deux savantisations avec visée didactique, l'une des animaux malades de la peste, l'autre du Minotaure. Le troisième et dernier temps sera, quant à lui, consacré à l'analyse a priori des savoirs littéraires, des savoirs sur la lecture et des savoirs sur la lecture littéraire convoqués ou construits par les trois savantisations observées. Ceci m’amènera alors à reconsidérer le processus d'analyse a priori non pour le déconsidérer mais pour en montrer, au-delà de ses

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limites ou plus précisément grâce à celles-ci, sa pertinence et l'absolue nécessité d'y recourir systématiquement.

Les deux exemples exemplaires

Dans ce qui suit, considérer ces deux textes en tant qu'objets d'étude, revient à les considérer comme des objets n'ayant pas pour vocation première à devenir des objets d'enseignement. Par ailleurs leur caractère littéraire ou d'objets d'étude littéraires est posé comme une donnée qu'il nous est impossible de justifier pleinement ici9. La variété et l'hétérogénéité des critères esthétiques, le recours à l'histoire littéraire et/ou aux différents régimes de lecture littéraire montrent combien la notion d’objet littéraire est déterminé par ce que l’on pourrait appeler une situation ou un environnement épistémologique – un texte, des savoirs et des pratiques sociales de référence (Martinand, 1986).

Les trois savantisations et les analyses a priori de celles-ci que je vais présenter plus bas reviendront sur ces savoirs (étude du texte littéraire) et savoir-faire (étude de la lecture littéraire) sans chercher une exhaustivité de toute manière impossible à trouver.

Les deux textes retenus partagent les caractéristiques communes suivantes : un caractère “patrimonial” et “culturel” (références à la culture française et à la mythologie) ; un registre de langue courant à soutenu ; une intrigue linéaire ; des motivations à agir complexes ; une possibilité de s’identifier aux personnages ; des textes de type narratif ; des textes intégraux. Afin de faciliter la lecture de l'exposé qui va suivre, en voici les deux résumés. Bien entendu, comme tout résumé, ils proposent une interprétation de ces deux textes. Je ne discuterai pas ce point ici, ces résumés n'ayant pas d'autre objectif que d'en rappeler rapidement au lecteur les intrigues et les fables :

Résumé de Les animaux malades la peste de Jean de La Fontaine10 :

La peste s'abat sur les animaux. Pour le lion, c'est le ciel qui l'envoie sur les animaux afin de les punir de tous leurs pêchés. Il propose que le plus coupable d'entre eux se sacrifie afin d'obtenir la guérison de tous les autres. Il montre l'exemple et avoue ses pêchés : il a dévoré des moutons et le berger qui ne lui avait rien fait. Il souhaite que chaque animal fasse de même dans le but de déterminer lequel d'entre eux est le plus coupable et doit être puni. Mais le renard intervient. Selon lui, le lion a fait honneur aux moutons et au berger en les mangeant, ce ne peut donc pas être considéré comme un pêché. Tous les animaux présents acquiescent d'autant qu'il y a de nombreux prédateurs parmi eux. Vient enfin le tour de l'âne. Il avoue avoir mangé l'herbe d'un pré qu'il n'avait pas le droit de manger. Le loup se lève pour dénoncer le crime abominable de l'âne, démontrant ainsi que la peste ne pouvait être que de sa faute et que c'était donc lui qu'il fallait pendre. La fable s'achève alors sur la morale suivante : « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. »

Résumé de Le Minotaure Nathanaël Hawthorne11 :

Thésée vit seul à Trézène avec sa mère Ethra. Après avoir réussi l’épreuve du rocher, il part pour Athènes, avec le glaive et les sandales découverts sous celui-ci, afin de retrouver son père. Durant le voyage, il combat et triomphe de Procuste et d’un terrible sanglier. Arrivé à Athènes, il déjoue sans le vouloir la ruse de la magicienne Médée et est reconnu par Égée, son père. Mais Thésée apprend bientôt que Minos, roi de Crète, exige que chaque année sept jeunes filles et sept jeunes garçons athéniens soient dévorés par le Minotaure, monstre mi-homme mi-taureau enfermé dans un labyrinthe. Aussitôt, Thésée décide d’aller combattre le monstre. Aidé par la fille de Minos, Ariane, qui lui donne un fil, il

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entre dans le labyrinthe et parvient à tuer le Minotaure. Lors de son retour à Athènes, il oublie, malgré la promesse faite à son père, de hisser des voiles blanches à son navire. Égée, croyant son fils mort, s’évanouit et se noie dans la mer qui porte désormais son nom. Thésée devient alors roi d’Athènes.

La savantisation des deux textes

Dans cette partie, je vais exposer sans commentaire les trois savantisations. Celles-ci seront analysées lors de la troisième partie.

Les animaux malades de la peste Pour ce premier exemple, je vais présenter rapidement deux savantisations, celle

effectuée par des étudiants de Master MEF (Métiers de l'Éducation et de la Formation) de 1ère année dans le cadre de leur formation et celle effectuée par un Professeur des Écoles pour la réalisation d'une séquence d'enseignement analysée dans son mémoire de Master EAD (Éducation, Apprentissage et Didactique) de 2ème année.

La savantisation effectuée par les étudiants n'avait pas initialement une future séance en classe pour objectif. Ils ont réalisé ce travail sur l'injonction de l'un de leur formateur comme une sorte d'entraînement à l'étude des textes, de tous les textes. Nous avons donc ici quelque chose comme un exercice de savantisation éventuellement transférable à d'autres savantisations du même ordre. Que font alors ces étudiants ? Très exactement quatre choses qu'ils nomment ainsi : 1) « l'essentiel du récit » ; 2) « l'essentiel de la morale » ; 3) « l'articulation récit/morale » ; 4) « les critères de compréhension » (Colin & al., 2011, p.2). Ils ne justifient pas le choix de ces quatre éléments : « Avant de pouvoir analyser la façon dont on enseigne les fables et en particulier celle que nous avons choisie […], il semble primordial de s’approprier la fable en question et pour cela il est important de l’avoir analysée » (ibid., p.4). Pourquoi cela est-il primordial, important ? En quoi analyser la fable selon les quatre entrées citées dessus est-il une réponse à cela ? Nous ne le saurons pas.

Dans la sous-partie intitulée « l'essentiel du récit », les étudiants proposent une paraphrase commentée de la fable (en gras dans la citation suivante), par exemple : « Quand vient le tour de l'âne de se confesser (par souci d'égalité), celui-ci raconte alors le souvenir d'un acte qu'il juge être un pêché (car n'ayant pas eu l'autorisation des moines de goûter l'herbe) mais qui est en réalité infiniment insignifiant. » (ibid., p.5). Cette paraphrase est donc une reformulation qui se propose d'être une explicitation explicative de la fable : elle a pour objectif de dire de manière plus claire et/ou plus contemporaine ce qui avait déjà été dit avant par La Fontaine (Foucault, 1971, p.2712 ; Daunay, 2002a, 2002b).

« L'essentiel de la morale » procède un peu comme l'essentiel du récit. L'essentiel semble bien être de comprendre cette morale donc de la réécrire en expliquant ce que certains termes ou certaines expressions pourraient avoir d'obscur. Ainsi, les étudiants expliquent en quoi consiste, à l'époque, un jugement de cour. Cette explication se suffit alors à elle-même. L'avoir faite, c'est avoir fait ce qui devait être fait sans que ce “devoir être fait” soit justifié, par exemple en quoi cette explication a-t-elle un rapport avec l'essentiel de la fable ?

« L'articulation récit/morale » repose sur le rôle du récit dans la fable tel qu'il est analysé par Cartwright (1999, p.37-39)13. Les étudiants se livrent alors à un commentaire du texte de Cartwright, voire à un commentaire du commentaire du texte de Cartwright (Sensevy & Santini, 2006). L'ensemble est alors pris comme un paramètre nécessaire de la compréhension/interprétation du texte, l'utilisation de « il faut » en témoigne, par exemple :

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« Il ne faut pas prendre la fable comme une allégorie car [...]. Il faut analyser la fable de façon à en ressortir des idées [...] » (2010, p.8 – c'est moi qui souligne).

Les « critères de compréhension » reprennent les trois présentations précédentes selon deux axes : la compréhension du récit et la compréhension de la morale (p.9-10). Compte tenu que les étudiants considèrent désormais leurs analyses comme pertinentes, les « critères de compréhension » ne retiennent que l'essentiel des éléments présentés auparavant sans justification quant à la détermination de cet “essentiel”. Les étudiants procèdent selon une démarche qui repose sur une sorte d'argumentation d'autorité, ici, d'une part, Cartwright qui demeure comme garantie de ce qui a été fait mais dont le travail n'est pas utilisé et, d'autre part, l'antériorité des données produites aux phases précédentes du travail. L'autorité repose donc davantage sur le travail effectué (entendu au sens de labeur) que sur la pertinence de celui-ci.

La seconde savantisation effectuée par un Professeur des Écoles (désormais PE) s'interroge tout d'abord sur ce que c'est qu'une fable. Les auteurs convoqués, outre La Fontaine lui-même, sont soit des spécialistes de la fable, soit des didacticiens de la lecture. La fable y est décrite comme un genre complexe et hétérogène mêlant par exemple narration et argumentation, prose et poésie, général et particulier. Quant aux rapports entre la morale et le récit, le PE parvient à peu près aux mêmes conclusions que les étudiants sans toutefois citer Cartwright. La principale différence entre les deux savantisations semble résider dans l'appropriation des références convoquées. Le PE s'efforce d'intégrer celles-ci à sa réflexion, autrement dit de se les approprier14, alors que pour les étudiants elles restent en quelque sorte extérieures à leur réflexion, autrement dit elles leur servent, comme nous l'avons écrit plus haut, d'argument d'autorité.

Le PE analyse ensuite la fable. Il procède alors quasiment de la même manière que les étudiants en effectuant une lecture paraphrastique du texte. La principale différence tient à la volonté implicite de réduire le texte à ses articulations selon les différents épisodes du récit15. Ainsi, alors que les étudiants parviennent à une sorte de résumé commenté de la fable, le PE parvient à extraire une structure narrative et argumentative de celle-ci. Les deux savantisations ont en revanche en commun leur manque de justification quant à la nécessité des résultats obtenus. Autrement dit, leur justification relève du constat plutôt que de la justification argumentée de celui-ci. Je reviendrai plus loin sur cet aspect de la savantisation.

Le Minotaure

La savantisation du Minotaure a produit trois types de documents : un résumé, des considérations critiques et une série de remarques et/ou de questions diverses.

Le résumé proposé plus haut a été élaboré à partir des premières lectures du texte effectuées par huit des membres d'un groupe de recherche sur la compréhension/interprétation des textes à l'école primaire (désormais GRI pour Groupe de Recherche IUFM)16. Les membres du GRI ont spontanément produit des résumés paraphrastiques du texte. La paraphrase pourrait donc être une manière spontanée de s'approprier un texte (littéraire). J’écris “littéraire” entre parenthèses dans la mesure où je n’ai pas testé cette procédure pour des textes non littéraires. Ce point sera développé plus bas.

Les considérations critiques et la série de remarques et de questions diverses ont été, quant à elles, réalisées sur la demande du responsable du GRI. Elles ont permis de mettre en relief : les grandes étapes du récit ; que cette histoire, malgré son titre, n’est pas l’histoire du Minotaure, mais celle de Thésée ou de l’accession au pouvoir de celui-ci ; la morale ou la leçon du texte ; des considérations de type “psychanalytiques” (rapports de Thésée avec sa mère, meurtre du père...) ; les comportements et personnages archétypaux ; quatre

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temporalités : celle de la fiction, celle d'Hawthorne, celle de la traduction/adaptation par Leyris, celle du GRI.

Le travail intitulé “série de remarques et de questions” a consisté à interroger et à commenter quelques-uns des “blancs” du texte et/ou du contexte. Le GRI s'est alors exercé à une lecture “naïve” du texte (naïveté postulée, nous y reviendrons), lecture naïve ayant pour objectif de repérer dans un premier temps les implicites du texte – implicites textuels et implicites du lecteur17 – puis, dans un second, à évaluer leur pertinence pour à la compréhension/interprétation du texte. Si le GRI a relevé l’intérêt de cette explicitation quant à la savantisation opérée (acquisition de nouveaux savoirs par exemple), il n’a pas tranché quant à sa pertinence pour la compréhension/interprétation du texte, notamment sur lorsqu'il s'est agi de pondérer les différents éléments contextuels que cette explicitation a mis en relief. Ceci est le reflet de l’incertitude dans laquelle le GRI était quant au rapport que ces éléments entretiennent avec la compréhension/interprétation du Minotaure. Cet aspect de la lecture des textes (littéraires) est en effet un point particulièrement sensible puisqu’on le retrouve aussi bien sous l’appellation générale de “culture”, en tant que connaissances sur le monde, que de celle, plus précise, de “vocabulaire” ou de “lexique” en tant que dénomination de ces mêmes connaissances. Autrement dit, cela revient, d'une part, à remettre en cause, à tout le moins pour partie, la savantisation, et, d'autre part, à interroger encore ce qui doit être considéré comme des pré-requis lors de toute étude de textes (littéraires), quelque chose comme l'affordance des textes étudiés18.

Analyse a priori des savoirs de ces trois savantisations

L'analyse a priori des savoirs convoqués et/ou élaborés lors de ces trois savantisations montre avant tout un certain nombre de convergences. Deux d'entre elles me paraissent devoir être soulignées : ce que j’appelle la lecture paraphrastique commentée, d'une part, et la prégnance du produit (le texte) sur le processus (la lecture), d'autre part.

Les trois savantisations procèdent spontanément à une lecture paraphrastique commentée des textes. Par lecture paraphrastique commentée, j’entends une lecture qui réécrit le texte sous une forme abrégée tout en y adjoignant, selon les besoins, des commentaires explicatifs (Daunay, 2002a, 2002b ; Sensevy, 2011, p.532-536). Cette lecture paraphrastique commentée est une reformulation du texte original. Les savoirs alors convoqués sont par ordre d'importance des savoirs lexicaux, des savoirs sur le monde, des savoirs littéraires. La reformulation explicite tout en expliquant et argumente tout en racontant. Elle a une fonction d'appropriation qui porte sur des ensembles hybrides constitués de savoirs lexicaux et de savoirs sur le monde, voir par exemple la digression sur les jugements de cour dans l'une des savantisations des animaux malades de la peste (Nogue-Hubert, 2011, p.9-10). Paraphraser semble donc bien être le processus spontané d'appropriation du texte dans des termes compréhensibles, termes compréhensibles étant entendus ici comme le résultat lexical de l'hybridation mentionnée ci-dessus (Daunay, 2002b, p.95). L'explication produite n'est jamais tout à fait neutre. Elle argumente pour elle-même et dit ce qu'il en est pour le lecteur, donc ce que le lecteur comprend de ce qu'il lit, et de fait ce qu'il en interprète. Par ailleurs, elle argumente simultanément et implicitement sur l'image de lecteur que ce dernier est en train de construire pour les autres19. Les savantisations observées en effet sont toutes des savantisations publiques (recherche, certification de type institutionnel). Ce paramètre me conduit à tempérer ce que ces savantisations pourraient avoir d'apparemment naïves. Quoi qu'il en soit, l'analyse critique de ces lectures paraphrastiques commentées, leur résultat, le texte de la paraphrase, fait alors référence. C'est à ce texte sur le texte que feront par la suite essentiellement référence les auteurs de ces savantisations et ce quels que soient les autres savoirs convoqués.

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Ces trois savantisations montrent aussi, par défaut, que ces lectures paraphrastiques ne s'interrogent ni en tant que lectures des textes, ni en tant que résultats de celles-ci. C'est la seconde convergence dont nous traiterons maintenant. Le produit, c'est-à-dire le texte, est le seul objet de savantisation envisagé. Le(s) processus – la (les) lecture(s) – qui ont produit cet objet semblent en quelque sorte transparents à leur objet. Les savoirs sont alors considérés comme des résultats et le texte sur le texte peut alors se présenter, implicitement, en tant qu'analogon autorisé du texte original, c'est-à-dire à la fois similaire et différent (Foucault, 1971) : le résultat d'une expérience, en l'occurrence d'une paraphrase. Cette expérience de lecture en acte, c'est-à-dire d'appréhension par le sujet lecteur de l'objet même de sa lecture (donc une élaboration de connaissances), ne doit pas faire oublier que les savoirs élaborés et la manière dont ils ont été élaborés demeurent d'une certaine manière extérieurs à l'acte de lire, c'est-à-dire au lecteur et à la lecture en acte. Il n’y a en effet aucune interrogation sur le statut de ces savoirs en acte et de ces connaissances en devenir : ni la lecture paraphrastique spontanée du texte, ni la savantisation qui la prolonge ou la complète, n'interrogent pas et ne s'interrogent pas sur les processus et les savoirs qui ont été convoqués (pourquoi ceux-là ?). Ceci ne doit pas être perçu négativement. Peut-être, en effet, n'y-a-t-il pas d'alternative à ce qu'il en soit ainsi sauf, sans doute, à repenser dans la durée l'appropriation de ces savoirs, autrement dit, à faire en sorte que ces derniers soient considérés en tant qu'objets en acte ou objets d'expériences, c'est-à-dire, en tant que processus ouverts d'élaboration de connaissances (selon la définition du terme proposée plus haut).

Éléments de conclusion

J’ai bien conscience d'avoir seulement effleuré la complexité du rapport au(x) savoir(s) enjeu de la savantisation. L'analyse a priori de quelques-uns de ceux-ci a permis malgré tout de rendre compte d'un type privilégié de fonctionnement de la savantisation lors de la préparation de séances de lecture en classe soit : la lecture paraphrastique commentée du texte (produit, résultat) et l'absence de prise en compte des modalités de cette lecture (processus). Bien entendu beaucoup d'autres paramètres seraient à analyser mais, d'une part, la place manquait pour le faire et, d'autre part, cette tâche est infinie. Ce travail n'est donc qu'un exemple. Toute analyse a priori, entendue au sens d'enquête sur le savoir (Dewey, 1938-1990) et j'ajouterai sur la connaissance, doit s'inscrire en effet dans un ensemble d'enquêtes, en ce qui nous concerne ici d'analyses a priori. Ce n'est que si ces analyses sont répétées et confrontées qu'elles pourront prétendre à ce que Dewey appelle l'« assertibilité garantie » (ibid., p.57-80) et à devenir, provisoirement, des exemples cette fois exemplaires. Provisoirement, en effet, car tout savoir, toute connaissance, se doit d'être sans fin réexaminé (ibid.) et soumis à de nouvelles enquêtes. Que cet exemple, même exemplaire, ne soit jamais qu'un exemple provisoire, un peu à la manière de ces gonds dont parle Wittgenstein (1969-1987, §343), n'interdit nullement, bien au contraire, son absolue nécessité. C'est en ce sens qu’il est possible de considérer, finalement, que l'analyse a priori est exemplaire, un exemple exemplaire, autrement dit, perfectible et, à ce titre, bien entendu, éminemment réfutable, par conséquent, éminemment nécessaire.

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1Je tiens ici à remercier Loïs Lefeuvre pour la confiance qu'il m'a témoigné quant à l'usage que j'ai pu faire de son travail de recherche.

2Je reprends ici la définition que donne G. Sensevy de la transaction : « Le préfixe “trans”, en l’occurrence, est donc destiné à attirer l’attention sur le fait que toute action didactique ou de l’élève [je remplace ici “toute action didactique ou de l’élève” par “niveaux d’élaboration”] doit inciter en quelque sorte celui qui la [donc pour moi “qui les”] décrit à chercher son “complément”. » (Sensevy, G. (2007). Des catégories pour décrire et comprendre l’action didactique. In G. Sensevy & A. Mercier (dir.), Agir ensemble. Rennes : PUR, p.16).

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3Par exemple : « Il paraît essentiel de continuer à affiner les différents types d’analyse a priori tels qu’ils sont ébauchés dans ce chapitre et dans d’autres : l’analyse a priori qui tend donc à modéliser (si possible de différentes façons) le problème auquel les élèves sont confrontés dans l’enseignement ; l’analyse a priori des conduites des élèves ; l’analyse a priori des conduites du professeur. Il semble tout aussi nécessaire de penser a priori le système des relations à établir entre ces trois strates d’analyse. » Sensevy & Mercier (2007), p.205.

4 Lorsque l’on « savantise » un savoir, tout peut se passer comme si l’on se rendait capable de (virtuellement) comprendre le discours de savants du domaine, de converser avec eux dans le domaine, voire de les amener à travailler des questions qu’ils ne se sont pas posées, voire même de leur proposer des mises en relations qu’ils n’ont pas (encore) faites.

5Et c’est sans doute là que se croisent ses choix avec le mouvement de savantisation des savoirs dans l’espace social où évolue l’individu tel que Chevallard le définit. Par ailleurs, mais la place manque ici pour en discuter, ne pourrait-on pas parler également de “connaissances savantes” ?

6« Je ne nie donc pas ce monde comme si j'étais sophiste ; je ne mets pas son existence en doute comme si j'étais sceptique ; mais j'opère l'ἐποχή [épochè] phénoménologique qui m'interdit absolument tout jugement portant sur l'existence spatio-temporelle. » Husserl, E. (1913-2006). Idées directrices pour une phénoménologie. Paris : Gallimard, Tel, p.102.

7« Ces problèmes concrets, et leurs solutions, forment ce que j'ai appelé plus haut des exemplaires, des exemples étalons d'une communauté. […] Sans exemplaires, il [l'étudiant] n'apprendrait pas grand chose de ce que le groupe connaît sur des concepts fondamentaux comme force et champ, élément et composé, noyau et cellule. » Kuhn, T. S. (1979-1990). La tension essentielle – Tradition et changement dans les sciences. Paris : Gallimard, Bibliothèque des sciences humaines, p.408.

8« Les morceaux que je coupe et je couds dans le texte désigné par le dénommé Genet ne doivent ni détruire sa forme ou casser son souffle (ne dites pas son unité […]), ni recomposer ou ressaisir l’intégrité dans un de ses filets – formel ou sémantique – que nous avons feint de lancer et de relancer sans compter : seulement pour montrer […] que le filet n’opère que dans la mesure où il est redevable d’un reste. Il ne retient que des restes, de monumentales dépouilles, et laisse tomber le reste. […] Ce qui reste fait texte […] il ne s’agit pas de l’apporter sur un plateau. » (c'est moi qui souligne) in Derrida, J. (1974). Glas. Paris : Galilée, p.191.

9Pour une plus ample information, je renvoie le lecteur intéressé aux textes auxquels je ferai référence dans la troisième partie. Par ailleurs, pour un état de l'art sur le sujet, voir par exemple : Rouxel (1996, 2004), Dufays et al. (1995, 2006), Maisonneuve (2010). Pour une approche par l'histoire et le texte : Barthes, 1971-1993 ; Bourdieu, 1992 ; pour une approche par le régime de lecture : Jauss, 1972/1974-1978 ; Iser, 1976-1985 ; Gervais, 1992 ; Daunay, 1999 ; Maisonneuve, 2004, 2006a, 2006b.

10La Fontaine, J. de (1678). Les animaux malades de la peste. In Les Fables, livre VII – fable 1.

11Hawthorne, N. (1853-1979). Le Minotaure. Traduction et adaptation de P. Leyris (1952), in Le Livre des Merveilles. Paris : Bordas, tome 2, p. 5-24.

12« Le commentaire n’a pour rôle, quelles que soient les techniques mises en œuvre, que de dire enfin ce qui était articulé silencieusement là-bas ” Foucault, M. (1971). L'ordre du discours. Paris : Gallimard, p.27.

13Nous ne développerons pas ici l'argumentation de Cartwright, nous renvoyons à l'analyse qui en est faite par Sensevy et Santini (2006, p.167-169).

14« Construire un comportement de “lettré de fable” consisterait en particulier à sortir de l'idée d'unicité et de percevoir la multiplicité des récits. Cela fournirait également de la matière à une pensée toujours “questionnante” quant à la diversité des relations et des analogies possibles dont chaque expérience morale est tributaire sans la faire résulter d'une seule ligne démonstrative. » (op. cit., p.6).

15« 1. Présentation de la situation » : « 2. Le discours du Lion : on doit sacrifier le plus coupable » ; « 3. Le discours du Lion : il avoue ses méfaits » ; « 4. Le discours du Renard » ; « 5. Ce qu’il en est pour les autres

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puissants » ; « 6. Le discours de l’Âne » ; « 7. Le discours du Loup et la condamnation de l’Âne » ; « 8. La morale » (ibid., p.7-9).

16Ce groupe de recherche de l’IUFM de Bretagne (GRI : Groupe de Recherche IUFM – 2006-2010) était composé de maîtres-formateurs, de formateurs et d’enseignants-chercheurs de l’IUFM de Bretagne.

17Implicite textuel : ce que le texte ne dit pas en clair mais que le lecteur ne peut contester sans remettre en cause le texte lui-même (de type présupposés) ; implicite du lecteur : ce que le texte ne dit pas en clair mais que le lecteur peut élaborer avec une certaine marge de liberté (sous-entendus). Exemple : « Pierre a arrêté de fumer. » Implicite textuel – présupposé : Pierre fumait / Implicite du lecteur – sous-entendus : enfin ; Pierre va faire des économies ; sa maison ne sentira plus la fumée... voir aussi sur le sujet : Giasson, J. (1990). La compréhension en lecture. Paris, Bruxelles : De Boeck Université, p.63, p.227-228 et Maisonneuve, L. (2010), op. cit., p.36-41.

18Concept d’affordance, comme capacité d’un objet, ici d’un texte, à suggérer sa propre utilisation (Gibson, J. J., 1977). Il n'y aurait plus alors à s'interroger sur les pré-requis de la lecture en général mais sur l'affordance du texte lu, c'est-à-dire sur sa capacité à prendre en compte, et en charge, son lecteur.

19Voire, au-delà de l'image de lecteur, l'ethos même de la personne dans son face-à-face avec l'autre – Autre. Voir par ex. : Levinas, E. (1982). Éthique et infini. Dialogues avec Philippe Nemo. Paris : Fayard ; Levinas, E. (1983). Le temps et l'autre. Paris : Presses Universitaires de France, Quadrige ; Poirier, F. (1996). Emmanuel Levinas : Essais et entretiens. Arles : Actes Sud, Babel.

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QUELLES FORMES DIDACTIQUES AU SERVICE DE QUEL CONTRAT EDUCATIF :

ETUDES DE CAS EN ESCALADE ET EN DANSE

Patrice Rilhac CREAD 3875, IUFM de Bretagne-UBO

Motais Louvel Guylaine CREAD 3875

Introduction

Dans le cadre de cette communication, nous nous proposons d’aborder la question du Signe didactique, au sens d’actes de discours (Austin, 1994; Sensevy et Quilio, 2002) produit à des fins de transmettre un savoir. A la fois signe émis par deux professeurs, le premier en Classe de 4ème de collège, le second en cycle 3 en école rurale lorsqu’ils orientent l’activité (Durand et al, 2006) de leurs élèves et le signe perçu[2] en réponse à l’activité professorale, dans le cadre de la relation didactique (Mercier, 2011; Sensevy, 2007).

Alors que les échanges entre professeur-élèves (Auriac-Slusarczyk, 2010) sont au cœur du processus didactique, la notion de réticence semble peu étudiée lors de pratiques de classes effectives. L’objet de cette étude vise donc à rendre compte du discours didactique de professeurs et de la compréhension que peuvent en avoir des élèves en termes de savoirs.

Nous émettons l’hypothèse que c’est parce que professeur et élèves conçoivent conjointement les pratiques didactiques comme relevant davantage d’une activité productive d’un savoir, à transmettre ou à apprendre que comme une activité constructive, construire du savoir par l’expérience, à partir des signes émis et perçus, que le processus d’assimilation du milieu par le contrat didactique constitue un obstacle au processus d’accommodation du contrat par le milieu (Sensevy, 2011).

Approche théorique

Enseigner-apprendre peut être considéré comme un jeu coopératif conjoint (Sensevy, 2007), au sens où un professeur «gagne» dès lors que l’élève parvient à discriminer ce qui, dans un milieu situation d’apprentissage, va lui permettre de convoquer le savoir utile à la résolution d’une situation problématiquei. Réciproquement, un élève «gagne» si le savoir mobilisé répond à une double exigence; produire la «bonne» réponse demandée et mobiliser le savoir attendu par le professeur.

Un milieu Situation d’enseignement-apprentissage peut être envisagée comme un construit sous influence de trois milieux: le milieu constitutif, (Sensevy 2007), le milieu effectif et le milieu subjectif ( Rilhac, 2008).

Le milieu constitutif renvoie à la notion de «contexte cognitif commun» (Sensevy, 2007). Ce milieu se structure à partir des rapports personnels et institutionnels au savoir des personnes. Il est une sorte de «proto-milieu» à partir duquel sont envisagés des «gestes» didactiques spécifiques à une connaissance disciplinaire. Toutefois ce proto-milieu n’est pas statique. Il évolue sous l’influence des milieux effectif et subjectif.

Le milieu effectif correspond au milieu dans lequel évoluent réellement élèves et professeur. Le milieu effectif se construit à partir des situations objectivées, par des objets matériels et des savoirs, et précisées lors des périodes d’interactions professeur–élèves.

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C’est à la suite de ces moments vécus que s’édifie un milieu objectif.

Le milieu subjectif est propre à chaque individu. Il est de l’ordre du senti selon ce que chaque personne perçoit en fonction d’une histoire didactique et des expériences vécues dans le milieu effectif.

Parallèlement, nous devons envisager que tout acte d’enseignement-apprentissage relève d’une activité asynchrone, au sens où l’un sait le savoir, le professeur, alors que l’autre, l’élève, le découvre au fur des situations d’enseignement-apprentissage. Cela suppose donc que les deux parties de coordonner leur activité pour obtenir le gain escompté.

Dans ce prolongement la notion de rapport au savoir (Charnus, Garcia-Debanc & Terrisse, 2008) est consubstantielle à la notion de contrat didactique.

Pour autant, les notions de rapport au savoir, de contrat didactique et de réticence, ne peuvent rendre compte des pratiques effectives en classes. C’est pourquoi nous ferons appel aux notions fonctionnelles de chronogénèse, la topogénèse et la mésogénèse (Amade-Escot, 2003; Chevallard 1991; Sensevy, 2007; Sensevy, Mercier & Schubauer-Leoni, 2000).

Méthodologie

Aspects contextuels de la recherche

En classe de 4ème :

Dans le cadre de cette d’étude notre choix s’est porté sur les élèves d’une classe de 4e de collège composée de 12 filles et de 12 garçons, parce que a) ces élèves étaient considérés, dans leur grande majorité, en difficulté scolaire; b) ces élèves, malgré leur difficulté restaient désireux d’apprendre.

En classe élémentaire, le choix s’est porté sur «une zone blanche», c'est-à-dire éloignée de la vie artistique et culturelle afin de mettre en œuvre une classe en danse avec un artiste chorégraphique. De plus, l’hétérogénéité de l’âge des élèves était un facteur intéressant à questionner dans la construction des savoirs. La classe est ainsi composée de 6 élèves de CE1 de 4 élèves de CE2, et de deux élèves de CM2.

Approche méthodique pour une analyse comparative des pratiques

Analyse a priori

L’analyse a priori (Mercier et Salin, ibid. Assude et Mercier, Ibid.) s’attache à déterminer les savoirs en jeux et les potentialités d’actions pour les élèves vis-à-vis de la situation à laquelle ces derniers sont confrontés. Il s’agit ici de procéder à une cartographie des savoirs nécessaires à la réalisation de la situation.

L’analyse a priori a pour objet de s’intéresser aux effets attendus, en opposition avec les effets observés extraits de l’analyse de la situation elle-même, un type d’analyse que nous avons opérée dans un second temps.

21

Étude des Cas

Escalade

La lecture d’articles (Roggéro, 1997; Marquès, 2000; Renault, 2000; Testevuide, 2003), nous a permis d’identifier cinq grandes catégories de savoirs:

Les savoirs liés à la sécurité, Les savoirs liés à la saisie et à l'utilisation des prises, Les savoirs liés à la variété de ses gestuelles, Les savoirs liés à la lecture et à l'enchaînement des passages d’une voie, Les savoirs liés à l'engagement.

Etude de l’incident didactique

La situation

L'épisode auquel nous allons nous intéresser à présent se situe au temps 35 minutes de la première leçon. Il intervient après que l'élève N ait sollicité le professeur.

Contexte spécifique de la situation : épisode professeur

Tour de Parole

Locuteur Actes de discours

18 N Eh Monsieur!....Une fois qu'on a fait les trois fois***1

19 Professeur

Alors euh.…, on change peut être pas tout de suite (sous entendu de voie). Tu vas monter en essayant de ne pas marquer de temps d’arrêt sur cette petite voie.

20 N ***

21 Professeur

Ou alors un seul arrêt possible. Tu démarres, tu essaies de monter (le professeur mime avec ses bras)*** mais sans temps d’arrêt, ou alors tu t’autorises un arrêt au milieu. (A la suite de ces précisions l'enseignant se dirige vers un autre groupe d'élèves).

Lors de cet acte de discours, le professeur, pour bien se faire comprendre, associe le geste à la parole. Le jeu apprentissage attendu implicitement peut être rattaché principalement à des savoirs liés à la «lecture et à l’enchaînement des passages d’une voie». En effet, demander à une élève de monter «sans temps d’arrêt», doit inciter la grimpeuse à

1  .Indique une partie inaudible 

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se construire un itinéraire à partir d’une «lecture» pré-ascensionnelle de la voie. Dans le cas contraire, si elle n'anticipe pas ses actions au fur et à mesure de ses déplacements, elle augmentera les temps d'arrêts. Or, en agissant ainsi, elle augmente les temps de pauses par une position de placement de mains et/ou de pieds sur un même niveau de prises. Cet indicateur de posture tend à souligner que la grimpeuse s'informe au «coup par coup», ce qui ne favorise pas une grimpe au moindre coût énergétique, informationnel et affectif.

Analyse des actions motrices de N

Phase 1

Phase Photogrammes

1

La première photo de la phase 1 nous montre une grimpeuse en quête d'informations visuelles (corps légèrement en retrait, tête relevée), avant d'opérer une première traction poussée. Cette traction/poussée est elle-même précédée d'une recherche de prise pour la main droite (photo 2.) La photo 3 nous permet d’observer un premier placement des mains à un même niveau de prises (N6). Ce choix aurait pu être évité si N, au moment de la poussée de sa jambe droite et de sa traction avec sa main gauche (photo 2), s'était saisie de la prise située au N7. Prise placée sur son axe de déplacement. Mais il semble que ce choix n'ait pas été retenu, parce que cela l’aurait vraisemblablement trop éloignée d’une posture dans une position en X. (photo 2 et 3), plus «acceptable» au maintien de son équilibre de terrienne. Phase 2

Phase Photogrammes

Placement pied G au N 3.

Photo 4

Recherche de prise pour main droite

Photo 2

23

Phase Photogrammes

2

Lors de cette phase la grimpeuse dispose deux fois ses appuis sur un même niveau de prises (N7) pour les mains, N4 pour les pieds. (Photos 2 et 3). Une seconde fois ce choix de prises aurait pu être différent, si N avait privilégié une poussée de sa jambe droite. Cela lui aurait permis d’atteindre, avec sa main gauche, une des prises placées au N8 (photos 2 et 3). En termes, de choix d’organisation motrice N n’utilise pas tout son potentiel. Elle «oublie» de fournir une poussée complète de sa jambe. Elle risque donc, si elle continue à procéder de la sorte, d’augmenter le nombre d’utilisations de prises pour atteindre le sommet. Phase 3

Phase Photogrammes

Photo 2. La main droite aurait pu être placée sur une des deux prises situées au N8.

Photo 3. Cela aurait permis au pied G de se placer sur la prise située au N5.

24

Phase Photogrammes

3

La troisième phase nous permet de visualiser plusieurs placements des appuis pieds

sur un même niveau de prises (photos 2, 4 et 5), l'utilisation d'une prise à deux mains (photos 1 et 2), et une recherche de prise avec le pied droit (photos 3 et 4.).

Tout d'abord N se saisit d’une prise placée au N8, vraisemblablement parce qu'elle se trouve sur son axe de progression, et parce qu’elle lui permet une «bonne» préhension pour se hisser (photo 1), en raison de la taille et de la forme de cette prise.

Dans le temps de cette traction/poussée (photo 2), N aurait pu venir poser son pied gauche directement sur une des prises situées au N6, au lieu de le placer parallèlement au pied droit. Puis elle aurait également eu l’opportunité d’utiliser la prise située au N9 avec sa main gauche. Elle réalisera cette action (photo 3). Immédiatement après, elle aurait tout aussi bien pu saisir, avec la main gauche, à la prise située au N10. Cela l’aurait (pré) positionnée pour une pose de pied droit au N7. Au lieu de cela nous la retrouvons deux fois dans une position d'appuis pieds sur un même niveau de prises, dans une position peu favorable à la prise d’informations pour la suite de ses déplacements. Phase 4

Phase Photogrammes

...le pied G aurait pu se positionner sur l'une des deux prises situées au N6.Cette unité d'actions aurait pu être évitée

Photo 2.

Au moment de la poussée traction...

À la suite du placement du pied G, il aurait été possible de se saisir de la prise située au N10...

Photo 3

...ce qui aurait pu permettre d'être positionné pour un placement de pied D sur une des prises placées au N7 (prises cachées par les jambes de Nadia.), et ainsi...

Photo 4

...économiser la double action du pied D, tout en maintenant un équilibre plus favorable à une prise d'informations visuelles pour la suite de son déplacement

Photo5

25

Phase Photogrammes

4

La quatrième phase nous permet de visualiser l'utilisation par les deux mains d'une même prise (photos 2 et 5), associée à un nouveau placement de pieds sur un même niveau de prises (photos 2 et 4). Pourtant l'emplacement et le type de prises auraient dû permettre à Nadia de limiter ses poses de pieds en parallèle. Phase 5 et 6

Phase Photogramme Phases Photogrammes

5

6

Les phases 5 et 6 nous semblent particulièrement intéressantes parce qu’elles permettent de relever des attitudes de progression (Testevuide, ibid.) d’une grimpeuse de bon niveau, alors que nous sommes en présence d’une grimpeuse débutante.

Un placement du pied D était envisageable au N7

Photo 1

La saisie de la prise située au N11 aurait du être privilégiée au....

Photo 3

...placement du pied G au même niveau que le pied D, et...

Photo 4

...au placement de la main D sur la même prise que la main G. Cette unité d'actions motrices aurait aussi pu être évitée

. Photo 5.

Cette unité d'actions aurait pu être évitée.

Photo 2

26

En tout premier lieu, N place ses pieds et ses mains sur des niveaux de prises différents (photo 1, phase 5 pour les mains, photos 1 à 3 phases 5 et 6 pour les pieds). Ensuite, nous noterons que les parties des pieds utilisées sont de types carre interne et bout-de-pied. Enfin, il convient de remarquer que l'axe du corps est proche de la ligne d'action dominante. Cette ligne passe par les deux extrémités, pied gauche, main gauche (photo 1). Cela permet à N d’obtenir un faible écart des appuis pieds et des appuis mains au moment de la phase de poussée/traction, par rapport à l'axe du corps. Cette attitude réduit le coût énergétique des déplacements, grâce à l’alignement des forces. Mais qu’est-ce qui fait que Nadia adopte cette attitude précisément à ce moment là?

Tout d'abord nous remarquons que les prises utilisées par Nadia sont assez grosses et qu'elles ont une forme qui favorise une prise d’appuis sur leur partie supérieure (comportements privilégiés par le débutant lorsqu’il veut se saisir d’une prise). Elles sont du type BAC2. De plus, ces prises sont disposées à des niveaux qui permettent de progresser sans avoir à modifier notablement sa motricité usuelle. Enfin, la majorité des autres prises sont plus petites, ou offrent moins de possibilités de préhension, parfois elles associent ces deux caractéristiques. Enfin, c’est sur l’axe de progression «naturel», matérialisé par la corde, que se trouvent les grosses prises. Cela facilite une prise informations visuelles, qui, nous le savons, chez une novice, s’éloigne peu de l’axe de progression et va de la ligne des épaules et s’arrête juste au-dessus de la tête.

En résumé quelles sont les difficultés rencontrées par Nadia ?

Premiers éléments de synthèse

Alors que les contingences de la voie pourraient lui permettent de construire une motricité moins coûteuse en énergie, nous avons pu relever que N arrive au sommet en utilisant 27 prises. Sur cette voie de 5 mètres, en regard de la densité des prises au m², des types (grosseurs, formes, couleurs), de la taille de la grimpeuse (1m60), et de son niveau d'habileté, N aurait pu parvenir au sommet en utilisant nettement moins de prises. Sa motricité reste du type quadrupédique, et organisée au fur et à mesure des différentes phases de l'ascension. En d’autres termes, sa recherche de prises est empirique et consubstantielle à l'espace situé autour de ses pieds et de ses mains. Pourtant, N ne se sent pas en décalage par rapport à la demande du professeur. Au contraire, le fait qu’elle sollicite le professeur pour une nouvelle situation, dès qu’elle est de retour au sol, laisse à croire qu’elle pense avoir répondu au jeu apprentissage attendu.

Le milieu constitutif dans lequel elle évolue lui semble similaire à celui du professeur. Dit plus simplement, elle croit répondre à la forme de contrat défini par le professeur «lire une voie», oralisé sous la forme de «ne pas marquer de temps d’arrêt, ou un seul».

Or, l’analyse des conduites motrices donnent à voir que malgré une grimpe sans temps d’arrêt, l’activité motrice de cette grimpeuse est consubstantielle à une lecture non discriminante de la voie.

N ne semble pas percevoir le jeu de savoirs sous-jacent à cette situation. Pour elle grimper se résume à «arriver au sommet sans trop marquer de temps d’arrêt.», comme le professeur le lui a demandé.

2 . BAC : grosse prise offrant une bonne préhension. On peut replier dessus plusieurs phalanges de quatre doigts, tout comme on peut envisager de placer plusieurs parties du pied (Carre interne et bout de pied, ou carre externe et bout de pied).  

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Une telle compréhension du milieu constitutif nous parait être le résultat d’un aménagement du milieu matériel où sont disposées une très grande quantité de prises, et d’une mise en perspective non discriminante du contrat explicite «pas, ou un arrêt» et sa forme implicite en lien avec l’objet d’étude «lire une voie».

Le milieu effectif de l’élève, parce que dépourvu d’obstacles et compris à l’aulne du contrat explicite «grimper sans temps d’arrêt», favorise un voir comme (Wittgenstein, 1983) qui induit une assimilation du milieu par le contrat «grimper sans temps d’arrêt», au détriment d’une approche réflexive des «gestuelles» constitutives au savoir visé «grimper au moindre coût», une approche qui aiderait à une accommodation du contrat par le milieu.

Pratique chorégraphique

Le contexte de l’œuvre

Le projet engagé par l’enseignant avec l’artiste repose sur une œuvre «Les Fables à la fontaine», initiée par Annie Sellem, fondatrice de l’association la Petite Fabrique. Cette œuvre est composée de petites pièces, chacune créée par un chorégraphe différent. La règle du jeu consiste à s’emparer d’une fable de Jean de La Fontaine, servant de pré-texte à la création narrée et dansée. Seize affabulations sont ainsi réalisées et diffusées. David Monceau, l’artiste associé au projet de la classe a dansé celle de « La C et la F de la F » d’après la Cigale et la Fourmi, chorégraphiée par Herman Diephuis3.

Jeu épistémique source

Pour composer cette pièce, le chorégraphe est parti de cette question : « comment une cigale et une fourmi s’attaquent-elles au texte de la première fable de la Fontaine ? » Réponse : « en se mettant littéralement dans le texte, en s’y collant, en le bouffant, en l’effaçant, en le criant, en s’habillant avec, en le chantant, en l’aspirant et en le phagocytant ».

La lecture vidéo de la pièce permet de dégager les éléments fondateurs de «La C et la F de la F» : à partir d’un travail de caractérisation émergeant de l’analyse de la fable, deux personnages [cigale/ fourmi] sont mis en scène par les actions corporelles chorégraphiées, et par les stratégies des danseurs pour s’emparer des vers de la fable (chanter : ex : la cigale chante une strophe en détournant diverses chansons de variété/aspirer : ex : la fourmi aspire avec son aspirateur, les lettres de vers disposés au sol). Les costumes ainsi que la mise en espace participent également à cette caractérisation. Ainsi, les partitions dansées s’appuient sur des bribes de la Fable qui sont mises en scène à partir des actions nommées dans la problématique du chorégraphe.

Catégories de savoirs mis en œuvre par l’artiste lors de la transmission de l’œuvre 4

Pour un artiste interprète engagé dans un projet auprès des élèves, être passeur d’une danse nécessite de la séparer de ce qu’il a lui-même vécu afin de la rendre ré appropriable par un autre corps.( Motais-Louvel G. 2011).Dans ce projet précis, il ne s’agit pas d’enseigner une partition chorégraphique à l’identique, mais de construire un processus commun de recherche, afin que les réponses trouvées par les élèves puissent devenir des

3   Elève de Mudra, Herman Diephis commence son parcours professionnel en 1984 chez Régine Chopinot, puis collabore aux créations de Mathilde Monnier, Jean-François Duroure, Philippe Découflé et François Verret.  4 À partir de Testevuide (Ibid.).  

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expériences sensibles conjointes entre des éléments fondateurs de l’œuvre et les réponses corporelles, porteuses de sens, conçues par les élèves. L’établissement de conventions pour reconnaître le même dans le différent, l’isolation d’invariants autorisant la répétition d’un geste en deux corps différents, l’appui sur des règles de jeux permettant au geste, dans l’immédiateté de la situation, d’émerger en dehors de tout code et lexique préétablis constituent les savoirs liés à la transmission.

Analyse a priori

Phase 1: Processus de recherche des personnages

L’artiste se situe dans un processus de réactivation, c'est-à-dire de retour sur le personnage qu’il a incarné et sur celui avec lequel il a interagi sur scène. La première phase a nécessité d’amener les élèves à vivre verbalement et corporellement une exploration, puis une exposition de ce qui constitue la singularité de ces deux personnages : cigale et fourmi.

Pour y parvenir l’artiste utilise la pratique de l’improvisation, c'est-à-dire qu’il engage les élèves à développer des réponses corporelles émergeant dans l’instant, nourries d’une attention et une posture d’écoute. En ce sens, l’artiste travaille à une élaboration de l’œuvre à hauteur de l‘appropriation du contrat faite par les élèves. On peut dire que grâce à son incorporation de l’œuvre, il crée un milieu qui engage les élèves dans des stratégies de retraversée du processus d’improvisation et de composition des personnages : il s’agit de ré inventer le matériau de base de l’œuvre en questionnant les éléments fondateurs.

Quels sont les savoirs en jeu ?

Activer sa capacité à symboliser en inventant des formes gestuelles relatives à une fourmi ou une cigale.

Affiner sa conscience corporelle pour ouvrir une multitude de possibles du mouvement. Ouvrir le regard sur l’espace et sur les autres, être capable de le projeter sur un point imaginaire, un objet, les spectateurs. Jouer avec lui pour accompagner sa danse.

Quels sont les problèmes à résoudre?

Faire correspondre une réponse motrice à un mot, un verbe d’action, et lier plusieurs actions différentes à la suite.

Enchaîner les actions dans une phrase chorégraphique à partir des contraintes de succession donnée des trajets dans l’espace imposé.

Stratégies d’un élève générique non expert :

Composition de Mathieu, élève de CM2. «La citable»

Voyelle

Gestes voir colonne 5

Rédaction de la phrase chorégraphique

Espace trajectoires

Gestes

29

Voici l’analyse de cette partition de la Cigale au regard des éléments de savoirs à activer :

Actions

Gratter le ventre avec la main droite ; l’autre bras est tendu

Tendre les deux bras

Marcher à quatre pattes : mettre ses mains devant et les pieds sur la pointe

Mettre les mains sur son ventre

Mettre les mains sur les yeux/ les pieds collés

Symbolisation

Jouer de la guitare

Voler Se déplacer

Avoir mal au ventre

Pleurer

Temps

Faire le geste lentement 6 fois

Ne pas bouger

13pas / 20 secondes

10secondes

15 secondes

Espace

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Phase 2 : Etablissement de règles de jeu afin de mettre en scène ensemble les personnages créés La danse est un art de la performance qui nécessite un lieu où l’on s’adresse à quelqu’un qui regarde. Cette action conjointe constitue l’élément incontournable pour l’émergence d’un objet Co-construit : une danse, une œuvre (Chevallard, 1991). Dans le cas de notre recherche, lorsque chacun a créé sa danse cigale ou fourmi, l’artiste demande à trois élèves de danser ensemble à l’instar des affabulations des « Fables à la fontaine ». La différence cependant réside dans le fait que les partitions de chaque élève vont se croiser, sans déclencher des moments de danse chorégraphiés en commun ; l’accommodation va se jouer dans la capacité à réguler sa danse dans l’espace et dans le temps, en fonction des déplacements et des durées mobilisés par les partenaires, lors des transactions en jeu dans l’instant.

Quels sont les savoirs en jeu ?

Construire une relation méditée [danseur/danseur] par le déroulé du temps et l’occupation de l’espace

Etre capable de se donner des repères par rapport au déploiement des phrases chorégraphiques des partenaires.

Maîtriser et utiliser des relations différentes en fonction d’une intention à destination des partenaires, des spectateurs.

Quels sont les problèmes à résoudre ?

Avoir mémorisé sa phrase chorégraphique afin de pouvoir la reproduire autant de fois à l’identique en conservant la qualité des mouvements liés au sens construit par l’élève qui les a fait émerger.

Repérer et s’appuyer sur des repères spatiaux et temporels pour être capable de reproduire la danse à trois plusieurs fois selon la même trame.

Stratégies d’un élève générique non expert : Chorégraphie de Mathieu

Contrainte de composition :

1. Sur l'axe du temps : enchaîner les cinq mouvements correspondant aux voyelles du titre de la danse « La cigale et la fourmi » et à leur position dans son écriture.

Ce qui donne la partition suivante : 2. Sur l'axe de l'espace : Un procédé aléatoire de composition consiste, pour l’élève, à tirer au sort des étiquettes représentant des formes de déplacements, pour

inscrire la suite chronologique qu’il a chorégraphiée dans le temps, sur un parcours spatial, ainsi contraint par des trajectoires spécifiques. Voici, avec cette contrainte d’écriture, la partition de Mathieu :

a mouvement n°1

e mouvement n°2

i mouvement n°3

o mouvement n°4

u mouvement n°5

la cigale et la fourmi = a i a e e a o u i

31

a i a e e a o u i

Se déplacer en décrivant une spirale ouverte

Se déplacer avec des courbes

Traverser l’espace en diagonale

Se déplacer en dessiant un S

Étude de l’incident didactique :

La situation que nous analysons maintenant correspond à la scène de mise en commun de la partition de Matthieu avec celles de deux autres élèves. En silence, chacun danse avec la contrainte de prendre en compte les trajets des partenaires.

L’artiste pour les engager dans la danse, ne leur donne pas de top départ ; il leur demande de prendre leurs places dans l’espace et introduit le moment de danse avec cette consigne : « on ne se regarde pas /on se regarde si on se voit, on essaie d’écouter les autres partir ». La danse finira lorsque chacun aura terminé de danser sa partition. Elle ne fera l’objet d’aucun commentaire verbal de l’artiste pendant toute sa durée.

Analyse:

A la lecture de la vidéo, on observe que Mathieu, pour tenter de répondre à cette contrainte, perd des éléments de la partition issue du processus développé dans les points précédents.

Raccourcissement de sa partition:

Voici la partition effectivement dansée par Mathieu :

a e i o u

De ce fait, Mathieu ne retrouve plus ses repères spatiaux pour enchaîner ses mouvements, car après chaque déplacement, il ne regagne plus la place qu’il avait l’habitude de trouver pour les enchaîner. Cette perte de la partition initiale déclenche deux sortes de réponses

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corporelles, hors état de danse, que sont d’une part, des déplacements fortuits pour retrouver les repères qu’il s’était construits dans l’espace lors de la conception de sa partition seul, et d’autre part des gestes parasites déclenchés pendant les temps d’hésitation.

Ajouts de déplacements non dansés :

a e i o u

Mathieu traverse l’espace de danse en marchant vite de façon très affranchie de toute écriture chorégraphiée pour retrouver le point de départ de son prochain trajet dansé

Mathieu se relève et après un temps d’arrêt marche de façon spontanée vers le fond de la scène pour retrouver le point de départ de son prochain trajet dansé

Mathieu remonte en fond de scène en marchant à nouveau de façon spontanée pour retrouver le point de départ de son prochain trajet dansé

Apparitions de mouvements parasites

a

Mathieu en regardant le sol mais regarde ses partenaires lorsqu’ils sont dans son champ de vision

e

Arrivé en fond de scène Mathieu se retourne et met une main sur sa poche, l’autre

i

Mathieu se relève en sortant de son état de danse, Attend en passant d’un pied sur l’autre

o u

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Son arrêt est long avant d’enchainer le mouvement suivant

sur sa bouche : il essaie chercher la suite de sa partition

ne sachant que faire en balançant son bras droit, sa main gauche sur la bouche. Puis il va se placer au fond de la scène

Il existe une perte importante de la qualité dansée que Mathieu avait expérimentée au moment de la création de sa partition et, de ce fait, une altération de ce que l’artiste cherche à obtenir : le sens de sa danse. Il apparaît nettement que Mathieu effectue les mouvements sans vraiment les interpréter par rapport à son imaginaire, trop occupé par l’organisation spatiale de sa danse et par le partage de l’espace avec les deux autres élèves danseurs.

Eléments de synthèse :

Ce premier essai de danse collective perturbe Mathieu dans sa propre danse. En ce sens, on peut dire que, pour répondre aux nouvelles attentes du danseur, il surinvestit les consignes données dans la situation, au détriment de la qualité de l’effectuation de sa partition. Pour autant Mathieu a répondu au jeu d’apprentissage attendu, en ce sens qu’il a accommodé sa partition en fonction de ses partenaires : de façon active, en réussissant à évoluer sans entraver sa danse ni celle de ses partenaires, mais également à son insu, car cette contrainte l’a perturbé dans l’effectuation de sa danse, en partie privée de son sens fondateur. En fait, Mathieu croit répondre à la forme de contrat défini par «on se regarde si on se voit, on essaie d’écouter les autres ». Le milieu constitutif, que Mathieu a ainsi participé à créer, lui semble similaire à celui qu’il a perçu dans les attentes de l’artiste.

Or, l’analyse de la partition que Mathieu a réellement dansée, montre que, s’il perçoit le jeu de savoirs sous-jacent à cette situation, il occulte ce qui fait le sens même de la danse à savoir « rester en danse », c’est à dire rester dans un état de corps et de sens du mouvement qui continue à se nourrir des contraintes, au lieu de s’appauvrir et se déliter à cause de ces mêmes contraintes. Pour Mathieu danser en même temps que deux autres partenaires se résume à «ne pas les regarder sauf s’ils se trouvent dans son champ de vision».

Une telle compréhension du milieu constitutif semble le résultat d’un aménagement du milieu où sont implicitement attendues des compétences précédemment appropriées, mais dans un autre rapport contrat/milieu. Le contrat explicite « danser ensemble dans le même espace sans se regarder » se nourrit, dans les attendus de l’artiste, de sa forme implicite, en lien avec l’objet d’étude «écrire et interpréter une partition dansée de la cigale ou de la fourmi ».

Le milieu effectif de l’élève, est trop chargé d’obstacles signifiants implicites, voire

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masqués. Le milieu subjectif montre que l’expérience de Mathieu, en qualité d’interprète de sa propre danse, n’est pas assez active pour lui permettre d’entrer dans le jeu d’apprentissage de cette situation nouvelle.

La transposition de sa partition d’un espace à un autre est, ici, un apprentissage que l’élève doit se construire en interactions, tout en trouvant lui-même des solutions dans les transactions qui se jouent à partir du décryptage des verbalisations de l’artiste, de l’appréhension d’un espace à partager avec des partenaires, de la nécessité de retrouver la symbolisation de sa danse pour en conserver la qualité gestuelle. Répondre aux attentes du danseur nécessite pour l’élève un décryptage et une mise en cohérence des différents signes émis par l’artiste tout au long du processus de création de la cigale fondée sur un savoir en danse comme puissance d’agir (Pouivet5 2010).Il s’agit pour l’élève «de construire, dans le temps, une expérience complète à partir de l’interaction de conditions et d’énergies à la fois organiques et issues de l’environnement» (Dewey6 (1934/2005).

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IMPENSES ET PRETS A PENSER DE L’AIDE ORDINAIRE EN MATHEMATIQUES : LE CAS DE 2 SEANCES D’AIDE

PERSONNALISEE EN MATERNELLE

Marlot Corinne Acté, Université Blaise pascal – Clermont Ferrand

Toullec-Thery Marie

CREN, Université de Nantes

Résumé : C’est sur deux séances « d’aide personnalisée » à destination de 2 élèves de grande section de maternelle, rencontrant des difficultés avec la notion de partage, que nous avons axé nos analyses. Le but de ce travail est de questionner et remettre en jeu certains des « prêt à penser » qui traversent le métier dés lors qu’il s’agit « d’aider » les élèves. Notre travail montre que la plupart du temps, le professeur étudié, ne régule pas l’activité des élèves selon l’analyse épistémique du savoir en jeu, mais plutôt selon ses représentations de ce qu’il faut faire pour « aider » ces élèves. L’objectif du professeur semble être de permettre aux élèves de produire une trace écrite, quelque soit le contenu de cette trace. Tout se passe comme s’il s’agissait de « faire réussir à tout prix » ces élèves en difficulté. Le risque est alors de déconnecter complètement ces élèves de l’enjeu de savoir initial. Pour nous, ce type de réponse à la difficulté, de portée très générique, pourrait jouer le rôle de « prêt à penser », assimilable à une forme de « doxa ». De notre point de vue, le maintien et le renforcement de ces « doxa » pourraient empêcher les professeurs, d’une manière plus générale, de penser véritablement les conditions de l’aide ordinaire.

Introduction

Dans ce travail, nous nous intéresserons particulièrement au dispositif d’Aide Personnalisée à l’école primaire, datant de 2008. Il transforme l’organisation du temps scolaire : deux heures hebdomadaires sont uniquement destinées à des élèves dont les compétences marquent un écart avec celles de la classe. Les circulaires7 maintiennent un certain flou sur les pratiques à privilégier lors de ces temps d’Aides Personnalisées. Il y est seulement question d’« aide individualisée supplémentaire », de mise en œuvre de « travaux particuliers » où l’enseignant pourra « expliquer différemment ».

Nos travaux (Marlot & Toullec-Théry, 2011 & Toullec-Théry & Marlot, 2012) ont permis de contribuer à la caractérisation de certains des gestes professionnels (Sensevy, 2005 ; Bucheton & Dezutter, 2008) de l’aide ordinaire à l’école primaire, que cette aide soit dispensée dans le temps de la classe ou dans celui des temps dédiés à l’aide personnalisée.

L’étude de cas présentée ici 8se fonde sur un ensemble de séances mises en œuvre en grande section maternelle. Nous focalisons notre analyse sur deux séances consécutives d’aide personnalisée qui s’adressent à deux élèves présentant des difficultés avec la notion de partage. Notre ambition est d’affiner et de réinterroger certains des « prêts à penser » qui

7 Circ. 2008-042 du 4/04/2008 Préparation de la rentrée 2008 ; Circ. 2008-082 du 5/06/2008, aménagement du temps scolaire, organisation du temps d’enseignement scolaire et l’aide personnalisée dans le 1er degré ; Circ. 2008-105, du 6/08/2008, obligations de service des personnels enseignants du 1er degré ; Circ. 2010-38 du 18/03/2010, Préparation de la rentrée, dont personnalisation des parcours scolaire. 8 Le recueil de données a été réalisé par Guylène Louvel, IEN de la circonscription de Saint Malo (35) et membre de notre collectif de travail autour de  la TACD, qui a filmé  les séances et s’est entretenue avec  le professeur. Qu’elle en soit ici, vivement remerciée.  

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semblent circuler dans la profession, dès lors qu’il s’agit d’aider les élèves ayant « échoué » des apprentissages en classe. Dans ce travail, nous chercherons à mettre au jour, grâce à la mise en tension de l’analyse didactique de l’action conjointe et de l’analyse du discours du professeur, certains de ces « prêts à penser ». En effet, nous faisons l’hypothèse que les situations mise en place par tout professeur mettent au jour, dans une certaine mesure, les représentations qu’ils se font de la difficulté scolaire.

Cadre théorique

Les outils notionnels de la TACD, théorie de l’action conjointe en didactique (Sensevy & Mercier, 2007; Sensevy, 2011), nous permettent d’engager des analyses propres à estimer l’adéquation entre les conditions de l’apprentissage et l’apprentissage effectif des élèves, pour un savoir considéré.

Nous nous appuyons sur la notion d’épistémologie pratique (Sensevy, 2007; Marlot, 2009). Elle représente l’ensemble des croyances, représentations, théories et savoirs mobilisés par le professeur pour enseigner. Pour autant, si ces éléments d’épistémologie pratique peuvent être appréhendés directement dans les discours des professeurs (ce qu’ils disent de ce qu’ils font), c’est l’analyse didactique de la pratique effective et des écarts observés entre ce qui est attendu par le professeur et ce qui est effectivement réalisé, qui permet de manière indirecte de révéler ces éléments qui jouent un rôle essentiel en tant que déterminants de l’action.

Un second ancrage théorique pose la notion de « jeu » comme centrale. Cette modélisation vise à comprendre et expliquer la complexité des situations d'enseignement-apprentissage, selon une approche anthropologique où les faits (didactiques) et les valeurs qui les portent ne sont pas dissociés.

Dans nos analyses la pratique effective est décrite sous forme de Jeux d’Apprentissage (ce que le professeur fait faire aux élèves dans la situation donnée), ce qui permet d’identifier la ou les pratique(s) de savoirs, c'est-à-dire les capacités effectivement acquises par les élèves, ce que nous appelons, dans le langage des modèles, les Jeux Epistémiques émergents. Ces derniers sont le produit de l’analyse didactique du chercheur. Ils sont en quelque sorte, « décantés » à partir de la description de l’ensemble des Jeux d’Apprentissage mobilisés. Parfois les objets d’apprentissage effectifs s’écartent des objets d’apprentissage attendus et le Jeu Epistémique émergent s’écarte du jeu épistémique qui était visé (le Jeu Epistémique dit source). Nos analyses cherchent à appréhender ces écarts.

Méthodologie

Notre méthodologie de l’étude de cas répond à une forme de raisonnement à partir de prototype (Livet, 2005). L’étude de cas, développée dans ce travail, contribue à l’élaboration d’un prototype de la pratique d’aide ordinaire à l’école primaire.

Pour ce qui est de la construction des données, elles ont été collectées et analysées selon un processus d’enquête, dans le but de construire progressivement un réseau de significations. Chaque séance filmée est toujours précédée d’un bref entretien ante. Le professeur peut y exprimer ses intentions, formuler ses objectifs, identifier les différents temps et les formes de travail envisagées. Après la séance, le professeur, lors d’un entretien post, exprime en quoi ce qui s’est passé est conforme ou non à ses attentes.

Notre analyse, quant à elle, s’élabore selon trois temps successifs (Sensevy, 2007 ; Marlot, Toullec-Théry, 2011) : 1) l’analyse structurelle qui s’intéresse à la manière dont le professeur « construit le jeu » 2) l’analyse de la dynamique du système JA/JE (Jeu d’apprentissage/Jeu épistémique) qui

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correspond à l’analyse des pratiques effectives (comment le professeur « fait jouer le jeu »). 3) l’analyse de l’épistémologie pratique du professeur (les déterminations du jeu) Etude de cas : partager une collection en classe maternelle « traits et couleurs »

Analyse structurelle

Présentation du contexte

Fin janvier, dans cette classe de grande section, la notion de partage a été abordée en situation réelle : il s’agissait de partager des galettes des rois confectionnées le matin. Dans la semaine, un atelier (petit groupe hétérogène dirigé par le professeur) a permis aux élèves de manipuler des galettes miniatures à distribuer entre les participants de l’atelier. Au début du mois de mai et sans manipulation préalable, une fiche photocopiée mettant en jeu une situation de partage a été proposée aux élèves (c.f document 1). Un tiers de la classe a eu des difficultés à résoudre la situation problème.

La semaine suivante, le professeur a proposé un travail en atelier par groupe de 5, pour tous les élèves. [Ew] et [Lé] ont manifesté des difficultés : l’enseignante a alors organisé pour eux deux séances d’aide personnalisée, cette même semaine et la suivante Document 1 : situation de référence « le partage des billes »

Analyse a priori de la situation proposée

La figure ci-dessous donne à voir la succession temporelle et la configuration des différentes situations proposées par le professeur.

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Figure 1 : Chronologie et configuration des différentes situations proposées par le professeur

Cette figure montre le passage progressif et alterné de situations concrètes à des situations plus abstraites, que ce soit dans le cadre de l’atelier en classe ou dans le cas de l’aide personnalisée : 1) distribution de bonbons à des élèves (S1 et S2 atelier), puis à des playmobils (S3 Atelier et S1 Aide personnalisée 1 ); 2) répartition de bonbons dessinés à des personnages sur une feuille (S2 Aide personnalisée 1) puis retour à la situation de référence et répartition de billes à des personnages (S3 Aide personnalisée 1 et S1 Aide personnalisée 2).

Par ailleurs, à chaque nouvelle séance (Atelier en classe, AP1 puis AP2), on assiste à la reprise systématique de la situation proposée en dernier lors de la précédente séance.

L’ensemble des situations semblerait donc avoir été pensée spécifiquement par l’enseignant en réponse à des difficultés rencontrées par les élèves. Pour autant, si l’analyse de ces différentes situations nous permet de relever des enjeux relatifs à la notion de partage (partager équitablement une collection d’objets déplaçables en un nombre déterminé de parties puis partager équitablement une collection d’objets non déplaçables en un nombre déterminé de parties), il apparaît qu’un des enjeux sous-jacents concerne le passage d’une situation concrète (distribution à des élèves ou à des playmobils) à une situation plus abstraite (sur une feuille, répartition d’objets dessinés à des personnages dessinés). Dans notre langage théorique des modèles, nous pouvons dire que deux jeux épistémiques source sont visés par l’ensemble des situations : (JES1) : Rendre les élèves capables de construire des stratégies de partage équitable avec mobilisation d’un travail sur le nombre (JES2) : Rendre les élèves capables de passer d’une situation concrète à une

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représentation abstraite de cette même situation. Nous pouvons dès lors envisager les procédures probables des élèves et les

obstacles qu’ils seront susceptibles de rencontrer selon qu’il s’agit de partager une collection d’objets déplaçables ou non déplaçables.

Toutes ces procédures ne sont pas équivalentes selon que l’élève réalise des répartitions par essai-erreur ou qu’il distribue des objets un par un ou encore par paquets avec cardinal constant ou différent Ces différentes stratégies de dénombrement rendent bien compte du niveau de construction de la notion de nombre : soit l’élève ne mobilise pas le nombre en tant que quantité, soit il le mobilise comme mémoire d’une quantité. Permettre aux élèves de faire de véritables expériences avec le savoir (au sens de Dewey), consistera ici à permettre à tous les élèves d’éprouver ces différents rapports à la notion de nombre et à faire évoluer ces rapports. Il nous apparaît utile de faire la distinction entre ces différentes opérations mathématiques de partage, distribution et répartition qui correspondent chacune à des visées spécifiques. Assimiler une opération à une autre, pourrait amener le professeur à produire des interprétations erronées sur les propositions des élèves et attester de la mobilisation par l’élève de la capacité à réaliser des partages équitables, alors qu’il ne s’agit que d’estimation ou d’une simple correspondance « terme à terme ».

Enfin, si l’on se penche maintenant sur les valeurs numériques des différentes quantités mobilisées, il s’avère que les ordres de grandeur varient peu : le nombre « 5 », résultat de la situation de référence (15/3 = 5), est sur représenté. Cette sur-représentation méritera d’être prise en compte lors de l’analyse de la pratique effective afin de voir ce qu’elle induit chez les élèves.

Analyse didactique des pratiques effectives lors des séances d’aide personnalisée

Nous allons ici nous focaliser sur les 2 séances d’aide personnalisée qui regroupent respectivement 3 situations successives pour la séance AP1 et une seule pour la séance AP2. Le système sémiotique ci-dessous, décrit de manière dynamique le déploiement et le fonctionnement dans le temps des différents Jeux d’Apprentissage en relation avec les Jeux Epistémiques (sources et émergents).

Un récent travail (Marlot, 2009) a permis une catégorisation des Jeux d’Apprentissage (JA) selon leur densité épistémique, c'est-à-dire selon leur degré de proximité avec le savoir en jeu. Ces Jeux d’Apprentissage peuvent alors se déployer selon un gradient épistémique qui propose une répartition des Jeux selon les deux polarités générique (peu dense) et spécifique (plus denses). Les jeux d’apprentissage sont numérotés JA1…JAn dans l’ordre de leur apparition dans le temps, de même, les jeux épistémiques (JE n°1, n°2). Ce système sémiotique est à lire en regard de l’analyse didactique qui suit.

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Figure 2 : dynamique de l’action conjointe selon le système JA/JE

JE Source n°1 : 

Rendre les élèves capables de construire des stratégies de partage équitables avec mobilisation d’un travail sur 

le nombre 

JEU APPRENTISSAGE GENERIQUE                                                          JEU APPRENTISSAGE SPECIFIQUE              

JA1/ S1 AP1

Faire distribuer équitablement 18

bonbons à 3 playmobils  

JA2/ S2 AP1 

Sur une feuille, faire partager

équitablement une collection de 18 bonbons entre 3 personnages, par

attribution avec la technique des traits 

JA3/ S3 AP1

Sur la feuille, faire partager

équitablement par attribution, avec la

technique des couleurs 15 billes

entre 3 personnages  

JE Emergent n°2 : Rendre les élèves capables, par une 

technique d’attribution, d’agir sur une représentation figurée du réel 

JE Emergent n°1 : Rendre les élèves capables d’appliquer la technique des traits  ou des couleurs   pour partager 

équitablement une collection  

JA4/ S1 AP2

Partager une collection en utilisant

des couleurs  

GLISSEMENT DE JA 

APPUI

Jeu Fantôme

Disparition

GLISSEMENT DE JE

GLISSEMENT DE JEDisparition

JE Source n°2

Rendre les élèves capables de passer d’une situation concrète à une représentation abstraite de la même situation

Disparition 

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Situation aide 1 (S1 AP1) 18 bonbons de 3 couleurs différentes/3 Playmobils Aménagement du milieu par le professeur

Situation de manipulation : 18 bonbons de 3 couleurs différentes et 3 playmobils disposés sur la table

Action des élèves [Lé] qui réalise le partage, ne va pas tenir compte de cette « aide » par les couleurs et va distribuer par essai-réajustements. Elle donne pour réponse « 5 bonbons » alors qu’elle en a distribué « 6 » à chaque playmobil. Sa réponse est sans doute orientée par la sur-représentativité du « 5 » (c.f analyse a priori).

Jeux d’apprentissage

JA1« faire distribuer équitablement 18 bonbons à 3 playmobils ».

Jeux épistémiques JESource n°1 « Rendre les élèves capables de construire des stratégies de partage équitable avec mobilisation d’un travail sur le nombre

Faits/Phénomènes didactique

Affaiblissement de l’enjeu didactique (partager de manière équitable en mobilisant des stratégies de dénombrement) : en s’aidant des couleurs des bonbons, les élèves peuvent « réussir » sans mobiliser les connaissances liées à la notion de partage.

Situation aide 2 (S2 AP1) 18 bonbons de 3 couleurs différente/3 personnages Aménagement du milieu par le professeur

Le professeur aide les élèves à passer de la situation concrète (les bonbons et les playmobils) à la situation abstraite (le dessin sur la feuille). La photographie montre qu’il y a conservation : (1) de l’espace de la feuille sous format A3 (2) des valeurs numériques (18 bonbons/3 personnages) et (3) des 3 couleurs des bonbons.

Action des élèves

[Lé] propose une technique de substitution du geste de distribution qui consiste à déplacer les bonbons vers chacun des 3 personnages : la technique des traits (le trait fait le lien entre le bonbon et le sac) [Lé] agit et [Ew] regarde. [Lé] procède de la même manière que dans la situation précédente : elle remplit les deux premiers sacs chacun avec 5

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bonbons en faisant des traits. [Lé] ne se saisit pas la technique de répartition par la méthode « des traits ». Elle arrête donc de tracer les traits lorsqu’il y a 5 bonbons dans les deux premiers sacs. Elle constate alors qu’il reste 8 bonbons non attribués et arrête son geste. Elle] n’utilise pas, là encore, les trois couleurs, ni le résultat qu’elle a pourtant sous les yeux (les 6 bonbons par playmobil).

Jeux d’apprentissage

JA2 : «Sur une feuille, faire partager équitablement une collection de 18 bonbons entre 3 personnages, par répartition avec la technique des traits».

Jeux épistémiques

JESource n°1 « Rendre les élèves capables de construire des stratégies de partage équitable avec mobilisation d’un travail sur le nombre

Fait/Phénomène didactique

Le fait que le professeur se saisit immédiatement de la proposition de [Lé], sans vérifier ce que « faire des traits » signifie pour l’élève et le fait qu’elle a déjà prévu le matériel (On peut faire des traits, alors je vous ai apporté de quoi faire des traits. Est-ce que tu as une autre solution, toi Ew ?) montre qu’elle avait déjà anticipé cette « technique » dans son projet « d’aide » (cf épisode 1 en annexe). La suite « tu auras une autre idée », laisse à penser qu’une autre technique sera proposée ultérieurement.

Situation 3 (S3 AP1) 15 billes/3 personnages (fiche noir et blanc) Aménagement du milieu par le professeur

le professeur reprend la fiche de référence en noir et blanc Toutefois, elle poursuit son souci d’aménager la tâche : (1) il y a analogie dans la disposition des éléments (collection d’objets/personnages/ sacs) (2) il y a le même diviseur (3 personnages) et (3) le dividende est un multiple du diviseur. Cette fois-ci chacun des 2 élèves a une fiche de travail. Le professeur essaie ensuite de faire imaginer aux 2 élèves une autre technique que celle des traits. C’est la technique des couleurs implicitement suggérée dans les situations précédentes où le professeur avait proposé des bonbons de 3 couleurs différentes (autant de couleurs que de personnages). Pour les « aider », elle fait émerger le mot « couleur », comme si ce mot suffisait à lui seul à « appeler » la technique des couleurs : « Ah ben voilà ! les couleurs ! Là, elles sont grises les billes mais d’habitude elles sont de toutes les couleurs. Peut-être avec les couleurs on pourrait s’aider… »

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Action des élèves

Le professeur demande à [Ew] d’utiliser la technique des traits montrée précédemment par [Lé]. [Ew] échoue C’est à [Lé] que le professeur demande « de s’aider avec les couleurs » Elle lui donne un pot de crayons de couleurs. [Lé] ne comprend pas l’intention de l’enseignante, c’est un peu comme une devinette. l’organisation spatiale de la

fiche agit sur la stratégie que met en place [Lé]. Elle fait des paquets de deux (une bille sur la ligne du haut, une autre sur la ligne du bas) et change de couleur à chaque nouveau groupement de 2. [Lé] et [Ew] ont tous deux échoué la tâche Le temps imparti à l’aide personnalisée est terminé et les élèves laissent ainsi leur travail inachevé.

Jeux d’apprentissage

JA3 « Sur la feuille, faire partager équitablement par attribution, avec la technique des couleurs 15 billes entre 3 personnages ».

Jeux épistémiques

Jeu épistémique émergent n°1 : « rendre les élèves capables d’appliquer la technique « des traits » ou « des couleurs », pour partager équitablement une collection ».

Phénomène didactique

Du point de vue du jeu épistémique, un premier « glissement » s’est opéré : le jeu épistémique source visait à « rendre les élèves capables de construire des stratégies de partage équitable d’une collection en mobilisant un travail sur le nombre ». Ce jeu disparaît au profit du jeu épistémique émergent qui vise plutôt à « rendre les élèves capables d’appliquer la technique « des traits » ou « des couleurs », pour partager équitablement une collection ». Ce glissement signe un premier affaiblissement de l’enjeu didactique initial.

SITUATION 4 : S1 AP2 Aménagement du milieu par le professeur

Le professeur réitère la situation S3AP1. Elle demande à nouveau à [Ew] d’utiliser la technique des traits et à [Lé] celle des couleurs Ces deux techniques renvoient à des procédures qui font écran aux véritables enjeux d’apprentissage. La première, celle des traits, correspond à une stratégie d’attribution « 1 à 1 » alors que la seconde, celle des couleurs, correspond plus à une stratégie qui relève du dénombrement avec l’idée de distribution par paquet de cardinal constant et engage donc un travail sur le nombre. Tout se passe comme si l’essentiel était finalement de rendre les élèves capables d’agir sur une représentation figurée du réel, l’opération de partage équitable, devenant alors secondaire.

Sain t Nazaire 12/10/2011 – Marlot C. & Toullec-Théry Marie 24

S3 AP1 15 billes / 3 PERSONNAGES :             15/3= 5

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Action des élèves Si on regarde le résultat final, on a l’impression qu’[Ew] a réussi. Mais si on regarde comment il a procédé, on s’aperçoit que sa technique n’a pas évolué: c’est le « 5 » en tant que bonne réponse supposée qui est toujours mobilisé. Il a mis « 5 » billes dans le premier paquet, puis 5 dans le second, puis 5 dans le troisième. Le nombre « 5 » agit comme un nombre « magique ». En ce qui concerne [Lé], on ne voit pas non plus d’évolution. Elle poursuit son idée de groupements par deux (2 bleus et deux mauves vont dans le premier sac, puis deux marrons, deux jaunes et deux marrons encore vont dans le second sac. Enfin, deux mauves vont dans le troisième sac. Il reste alors trois billes à partager que [Lé] ajoute au troisième sac. La distribution est donc aléatoire et ne montre aucun travail sur le nombre.

Jeux d’apprentissage

JA4 : « Partager une collection en utilisant des couleurs ».

Jeux épistémiques Nous pouvons alors décanter de cette analyse, un nouveau Jeu épistémique émergent n°2 : « Rendre les élèves capables par une technique d’agir sur une reproduction figurée du réel ».

Faits/Phénomènes didactique

C’est le Jeu épistémique source n°2 « Rendre les élèves capables de passer d’une situation concrète à une représentation abstraite de la même situation », qui devient la visée principale des transactions didactiques (et non plus le JE source n°1). Il se produit à ce moment un glissement de jeu épistémique : le JE émergent n°1 disparaît au profit du JE émergent n°2. Le jeu d’apprentissage JA2 «Sur une, faire partager équitablement une collection par répartition avec la méthode des traits» disparaît pour laisser place à ce que nous appelons un jeu fantôme qui dénote d’un effet de leurre. Tout se passe comme si [Ew] avait développé une véritable stratégie d’attribution, alors qu’il n’en est rien. Le jeu apprentissage JA3 « Sur la feuille, faire partager équitablement par attribution, avec la méthode des couleurs 15 billes entre 3 personnages » disparaît. Il est remplacé par un jeu, beaucoup plus générique : le jeu JA4 : « Partager une collection en utilisant des couleurs ». Nous observons cette fois-ci, un phénomène de glissement de jeu d’apprentissage ; ce dernier étant apparemment connecté avec le Jeu épistémique émergent n°2 : « Rendre les élèves capables par

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S1 AP2 15 billes / 3 PERSONNAGES :             15/3= 5

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une méthode de répartition d’agir sur une reproduction figurée du réel ». Sauf que les élèves échouent à appliquer la technique d’attribution. Le Jeu épistémique source visé : « Rendre les élèves capables de passer d’une situation concrète à une représentation abstraite de la même situation », ne peut véritablement être investi par les élèves.

D’un point de vue didactique, l’ensemble des 4 situations d’aide se solde par un

évanouissement des savoirs : on commence par observer une densification épistémique des jeux d’apprentissage joués (JA1, JA2 puis JA3) pour aboutir finalement à la mise en œuvre par [Lé] d’un jeu d’apprentissage vidé de tout contenu épistémique, le jeu JA4. Pour autant, nous assistons à ce que nous appelons un effet « de leurre » où tout se passe comme si, les élèves avaient répondu aux attentes du professeur. Sur les productions des élèves, on voit bien « des traits » et « des couleurs », sauf que ces tâches (échouées) n’ont rien à voir avec un travail sur le nombre, ni même avec l’identification et la mise en œuvre d’une stratégie d’attribution.

Epistémologie pratique et détermination de l’action conjointe : éléments de discussion

La mise en regard de certains éléments de l’épistémologie pratique - inférés par le chercheur dans les discours du professeur - avec certaines des actions, érigées en faits didactiques lors de l’analyse, nous permet de mettre aux jours certaines contradictions. La première contradiction entre le discours et la pratique concerne la question du temps. Pour ce professeur, l’allongement du temps de l’enseignement (notamment en réitérant les situations échouées et en « doublant » les situations d’aide) est une condition majeure de l’aide. « Les enfants qui ont des difficultés à propos ce travail, je vais leur reproposer, peut être pas sous la même forme, mais je vais leur reproposer ». S3AP1 « On n’a pas terminé bien sûr parce que c’est assez court, mais je reprendrai avec eux mardi prochain ».

Or, l’analyse nous montre que si, les élèves disposent effectivement de temps « supplémentaire », ce temps ne leur permet pas de vivre de véritables expériences (au sens de Dewey), avec le savoir. Ils n’ont pas le temps de s’exercer librement. Le temps est tout entier dévolu à l’apprentissage de procédures, de techniques, voire de « trucs », destinés à les mettre en conformité avec les attentes du professeur. L’aide, pensée du point de vue du professeur et non de l’élève, ne recèle pas à notre sens de vertu émancipatrice. Pour ce professeur, aider revient à allonger le temps de l’enseignement et non pas celui de l’apprentissage.

Par ailleurs, si le professeur entend dans son discours, lier difficulté d’apprentissage et sens que l’élève donne à ses apprentissages : S3AP1 (fiche billes) « Pour Ew, lui qui n’avait pas choisi ce système là finalement ne l’a pas compris. Il a fait 5 traits pour symboliser le geste qui met la bille dans le sac. Et là ça m’interpelle ».

Dans les faits - et c’est là, la deuxième contradiction - il s’évertue à leur faire appliquer des procédures d’assez bas niveau qui ne contribuent pas à redonner du sens. Il ne perçoit pas les difficultés potentielles liées à la notion de partage ainsi que la valeur épistémique (Marlot, 2008) des techniques de répartition. De surcroît, les élèves sont amenés à deviner les attentes du professeur. La visée est plus du côté de la réussite « à tout prix », même au prix de l’évanouissement des enjeux didactiques (Toullec-Théry, 2006 ; 2009), plus du côté du « faire faire », que du côté de l’apprentissage de l’élève. Parler

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d’apprentissage consiste en effet, pour nous, à considérer que c’est l’élève lui-même qui opère « en première main » ou dit autrement « de son propre mouvement » (Sensevy, 2007).

Nous ne considérons que les éléments d’épistémologie pratique du professeur – issus tant des discours que des pratiques - peuvent être assimilés à des « prêts à penser ». Nous parlons délibérément de « prêts à penser » car leur pertinence et leur potentialité à aider véritablement les élèves ne sont pas réinterrogés par le professeur. Ces éléments agissent comme des « déclencheurs » de l’action qu’ils orientent en grande partie. Certains sont conscientisés, ils apparaissent dans les discours et sont congruents avec les pratiques : aider c’est reprendre la situation échouée, aider c’est amener l’élève « à faire », aider c’est construire la connaissance de manière linéaire selon une progression du simple au complexe, du concret vers l’abstrait (d’une situation vécue vers la fiche, emblème du format scolaire), aider c’est faire « apprendre » une procédure « efficace » et générale.

D’autres éléments n’apparaissent pas dans les discours, mais se révèlent uniquement au travers de l’analyse des pratiques. Dans la mesure où ils ne sont pas thématisés dans les discours du professeur lors des différents entretiens, nous pouvons penser qu’ils ne sont pas conscientisés. Ils fonctionnent alors comme des allants de soi. C’est pourquoi nous les avons appelés les « impensés de l’aide ».

Les considérations du professeur sur le savoir enseigné nous renseignent en partie sur la place qu’il lui accorde. Or, les contenus de savoir ne sont jamais évoqués, ni en terme d’enjeu ni en terme d’obstacles potentiels générateurs de difficulté d’apprentissage. Tout se passe comme s’ils étaient transparents (Margolinas & Laparra, 2011). Dans cette succession de situations d’aide, attribuer, distribuer, répartir, devraient naturellement et implicitement conduire les élèves à appréhender la notion de partage : c’est comme si la situation était enseignante par elle-même et supposait une interprétation forcément « adéquate » de la part des élèves, pourtant déjà en difficulté. Cet impensé signe une certaine disjonction entre difficulté d’apprentissage et savoirs. Cette disjonction amène le professeur à une réduction tant qualitative que quantitative des objets de savoir qui nous fait parler de phénomène d’évanouissement des savoirs. Cet évanouissement se traduit le plus souvent par une forme de simplification des situations d’enseignement/apprentissage.

Un autre impensé de l’aide, chez ce professeur, concerne le format d’interaction qui n’est pas réinterrogé dans la situation spécifique de l’aide. Le format habituel de la classe (question du professeur/réponse de l’élève/validation par le professeur) prévaut et se retrouve renforcé par la taille réduite du groupe d’aide, ce qui entraîne nécessairement un surguidage de la part du professeur. Cette posture surplombante empêche l’élève de vivre ses propres expériences avec le savoir et hypothèque la possibilité pour lui d’entrer dans un véritable processus d’émancipation. Il nous semble que ces impensés pourraient contribuer au caractère chronophage de ces situations d’aide, sans que paradoxalement, elles permettent aux élèves de renouer avec le temps didactique de la classe.

Conclusion

Cette étude de cas vient en renfort d’autres études réalisées précédemment (Marlot & Toullec-Théry, 2011 ; Toullec-Théry & Marlot, 2012) et participe de la construction d’une collection qui vise à l’émergence de prototypes (Livet, 2005). Le professeur étudié ici développe une posture déjà repérée à plusieurs reprises, dans différents niveaux de classe, et que nous avons qualifié de posture « d’entraîneur ». Dans cette posture, le professeur développe une attitude de surguidage où, à partir d’un apprentissage échoué, il amène les élèves à identifier la procédure (unique) attendue, pour les entraîner ensuite à la reproduire, le plus souvent par imitation. Dans tous les cas, nous observons a minima, un affaiblissement de l’enjeu didactique initial, voire un évanouissement des savoirs. Dans les

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épisodes analysés dans cet article, les élèves sont amenés à produire une trace écrite qui ne fait pas sens pour eux et les jeux d’apprentissage mobilisés dans la situation d’aide ne permettent pas aux élèves de dépasser les obstacles rencontrés lors de la situation initialement échouée. Du côté du professeur, dans ce cas, comme dans ceux déjà étudiés, celui-ci, face à une situation qui lui échappe du point de vue épistémique, va développer des stratégies-recours (Marlot & Toullec-Théry, 2011) : il va prendre en charge l’entière responsabilité de la situation d’enseignement/apprentissage et va dériver vers des zones refuges (ibid.), liées aux habitudes de la classe : faire produire une trace écrite dont l’aspect général semble en lien avec les préoccupations initialement affichées. Ces conduites aboutissent à produire des effets de « leurre » qui permettent, au mieux, de « sauver la face » en maintenant – apparemment – le lien didactique entre le professeur et les élèves. Pourtant, ce cas, dès le départ a attiré notre attention par son caractère énigmatique : le professeur étudié a véritablement pensé et organisé les situations d’aide personnalisée en connexion avec le travail de la classe. L’enchaînement des situations semble obéir à une logique de dépassement d’obstacle, et fait l’objet d’une programmation très construite. Pourtant, l’écart entre l’attendu et le réalisé s’avère important. Ce cas nous permet, in fine, de réinterroger l’idée des conditions nécessaires et suffisantes à l’efficacité de l’aide ordinaire.

La préparation de la situation en amont (la construction du jeu), si elle ne s’outille pas d’un solide arrière-plan notionnel qui permet de cerner les enjeux de l’apprentissage et les obstacles potentiels, ne sera que de peu d’utilité au professeur, lors de la mise en œuvre. En effet, c’est dans la régulation de l’activité des élèves en cours d’action, que se développe la possibilité effective d’un dépassement des obstacles. Encore faut-il que le professeur dispose d’indicateurs fiables pour percevoir les signes de la manifestation de ces obstacles, qu’il se mette en capacité de pouvoir relever ces signes dans le travail des élèves et qu’il ait clarifié pour lui-même les enjeux de la situation, afin d’orienter les élèves vers les objets pertinents (ceux générateurs d’apprentissage).

Il nous semble aujourd’hui essentiel, si nous voulons engager un cercle vertueux où la difficulté scolaire, au lieu d’être source d’aliénation, devienne source d’émancipation pour l’élève, de prendre le temps d’identifier et de réinterroger ces impensés et ces « prêts » à penser » de l’aide ordinaire.

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Le système Jeux d’apprentissage/jeux épistémiques (JA/JE) et son instrumentation :

aspects sémiotiques, méthodologiques et théoriques

Jacques Kerneis CREAD 3875, IUFM de Bretagne-UBO

Jean-Noël Blocher

CREAD 3875, IUFM de Bretagne-UBO

Résumé : Cette présentation prend comme point de départ le schéma produit collectivement dans le livre Jeux de savoir (Gruson, Forest & Loquet, 2012) qui vient d’être publié. Notre objectif est d’une part d’en faciliter la compréhension et d’autre part de le discuter. Ce schéma peut être lu de différentes manières (vertical, transversal, circulaire…) et nous faisons appel à des études de cas qui se situent dans différentes disciplines et différents niveaux d’enseignement pour le questionner d’un point de vue sémiotique, méthodologique et théorique.

Introduction :

Publié en mars 2012, l’ouvrage « jeux de savoir » se ponctue par un schéma qui tente rendre compte des places respectives des jeux d’apprentissage et des jeux épistémiques dans la théorie de l’action didactique conjointe. Cette entreprise avait, à l’époque, suscité de nombreuses réactions au sein même du collectif d'auteurs et plus généralement dans la communauté des chercheurs en didactique9. A l’aune des controverses suscitées et des publications scientifiques parues depuis, mais également avec la sensibilité particulière que requiert l’analyse de ce que « le chercheur donne à voir et à comprendre à ses pairs », nous nous proposons, dans cette communication, de mener une analyse sémiotique du schéma produit. Le schéma suivant symbolise en quelque sorte la dynamique collective qui a permis la réalisation de l’ouvrage « jeux de savoir ». Nous nous en servons ici comme point de départ d’une enquête sémiotique, telle qu’aurait pu le faire Dewey (1938), pour aborder la question de l’instrumentation10 au sein de la théorie de l’action conjointe en didactique (TACD). Cette démarche est celle que nos voulons promouvoir dans les relations que le chercheur peut entretenir avec les enseignants et les élèves avec qui ils travaillent. C’est par cette démarche, élargie à la formation des enseignants, que peut se mettre en place une dynamique pérenne d’émancipation de l’ensemble des acteurs du système éducatif et in fine, celui des élèves.

9  Notamment à l’occasion du symposium organisé à Lille en janvier 2011 lors du deuxième colloque de l’ARCD (association pour la recherche comparatiste en didactique). 10 Nous entendons le terme « instrumentation » comme le résultat d’un couplage structurel entre l’instrument (au sens de Rabardel, 1995) et la théorie, support de l’analyse. Il s’agit en d’autres termes de se centrer sur les apports réciproques des parties en présence, sans les considérer comme indépendantes. 

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JE sources JE sources JE sources

JE émergents(effectifs et potentiels)

JE émergents(potentiels)

JE cibles

JA effectifs JA attendus JA visés

Système de modélisation de l'action didactique conjointe en jeux d'apprentissage (JA) et jeux épistémiques (JE)

essentialisés par le

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Figure 1 : Schéma tel qu'il est produit dans le livre "jeux de savoir" 2012.

Le glossaire figurant en dernière partie de l’ouvrage « jeux de savoir », propose en quelque sorte des règles de lecture qu’il convient de rappeler. Ainsi, les auteurs indiquent en premier lieu que le schéma se base sur une représentation possible de la position du chercheur. Cet indice de lecture est de première importance puisqu’il contraint à une forme particulière d’appréhension. Plus loin dans le texte, les auteurs poursuivent leurs indications de lecture et précisent que le schéma reflète une « mise en œuvre différente de la transposition didactique » et qu’à ce titre, il doit être appréhendé de manière ascendante (partie de gauche), descendante (partie de droite) ou mixte. Enfin, une explication spécifique des flèches encadrant le schéma ouvre des perspectives quant à une commutation des postures en fonction du temps de la recherche d’une part, ou de l’objet d’étude en jeu, d’autre part. Ces éléments confèrent au schéma un dynamisme intéressant et la possibilité pour tout chercheur d’identifier sa pratique à l’une ou l’autre des postures représentées. Forts de ces prescriptions de lecture, il nous a semblé pertinent d’illustrer (autant que possible) chaque partie du schéma par une étude de cas issue des corpus constituant les recherches exposées dans « jeux de savoir ». Pour des raisons de clarté, nous ne présenterons qu’un cas à la fois, rompant provisoirement et pour l’exercice, avec le caractère dynamique évoqué plus haut. Dans le même souci de clarté, le cas étudié sera présenté sous sa forme initiale, puis nous procéderons à l’inclusion de matériaux extraits du corpus et venant en appui à notre argumentaire.

Différents niveaux de lecture

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Ce schéma peut donc être regardé de plusieurs points de vue et c’est ce qui constitue sa puissance heuristique. Nous nous livrons tout d’abord à une analyse sémiotique qui met en évidence cette diversité d’approches.

Une approche verticale

La manière la plus simple de regarder ce schéma est probablement celle qui l’appréhende de manière verticale. Le lecteur peut ainsi directement saisir que l’ensemble du schéma est constitué « du point de vue du chercheur », même s’il n’est pas le seul acteur en présence. Le voir ainsi, permet de distinguer 3 cas de figure, qui correspondent précisément à une posture particulière du chercheur. Nous allons maintenant illustrer chacun de ces cas.

JE sources JE sources JE sources

JE émergents(effectifs et potentiels)

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Figure 2 : Le schéma en version verticale

Nous précisons d’entrée de jeu que la présentation de ces « études de cas » met en évidence une certaine centration des travaux présentés mais ne constitue, en aucune manière, une tentative d’opposer ces travaux et de les placer dans des cases, en dépit des traits épais (verticaux, dans la figure 2), qui les séparent.

Posture n°1

Posture n°2

Posture n°3

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Le cas n°1 correspond à la situation où le chercheur observe l’action ordinaire11 d’un ou de plusieurs professeurs. Ce cas est très fréquent. Il représente 8 cas sur 13 analyses empiriques qui se situent à l’école primaire et au collège et qui sont présentées dans le livre « jeux de savoir ».

Figure 3 : Du cas n°1 à un exemple de JA/JE

Pour l’illustrer, nous nous appuierons sur un épisode analysé dans la contribution de Santini qui ouvre cet ouvrage « jeu de savoir » (p. 16-41 à vérifier). A cours d’un travail qui porte sur les séismes au CM2, cet auteur identifie un ensemble de jeux qu’il présente ainsi :

Cette séance a pour thème « les dégâts des séismes ». C’est dans les dernières minutes de cette séance que le professeur P1 dévoile le thème « mécanisme sismique » comme nouvel enjeu de savoir. Au final, le jeu d’apprentissage débouche sur quatre hypothèses écrites au tableau ».

Nous les retrouvons dans le schéma ci-dessus, dans la colonne de droite. Le chercheur se demande quel(s) jeu(x) épistémique(s) peu(ven)t émerger d’un tel jeu d’apprentissage ? Pour répondre à cette question, nous en formulons une seconde : de quel agir les élèves

11 Le terme « pratique effective » nous amène à faire les deux commentaires suivants. Tout d’abord, Il s’agit d’un terme générique (de type « je didactique ») qui ne vise pas principalement à distinguer pratique ordinaire (on dit aussi authentique) et pratique expérimentale et donc les cas n°1 et n°3. Cette opposition aurait un sens dans le cas d’ingénieries didactiques très prescriptives. D’autre part, il s’agit des pratiques effectives pour le chercheur. Des méthodes d’entretien d’auto‐confrontation avec les enseignants peuvent permettre d’élargir cette compréhension de l’action. Le passage aux jeux d’apprentissage et aux jeux épistémiques ne va d’ailleurs pas de soi. 

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peuvent-ils se rendre capables à partir de ce jeu d’apprentissage ? Nous concluons que le jeu épistémique qui émerge de l’action didactique de P1, lors de S10J5, consiste à expliquer le mécanisme sismique. La stratégie gagnante d’un tel jeu consiste à expliquer le phénomène sismique par une relation causale entre le jeu d’une faille et les ondes sismiques ressenties en surface. Cette stratégie gagnante peut difficilement être approchée, à ce moment de l’intrigue didactique, par les élèves. Elle est un horizon qui n’est pas atteint et sert plutôt de pierre de touche à P1 dans une épistémologie pratique où les conceptions des élèves se mesurent à l’aune du savoir scientifique ».

P Jeu d’apprentissage Jeu épistémique (avec une

imbrication de jeux) Modalité

Durée (mm:ss

) S10J5- [faire produire des]12 hypothèses sur la cause des séismes

expliquer le mécanisme sismique

Collectif 05:02

S11J1- rappel de S10 faire le point sur le travail en cours

Collectif 03:53

S11J2- sismographe, sismogramme et bloc-diagramme

analyser un texte documentaire Collectif 10:05

S11J3- pourquoi des hypothèses de S10J5 sont-elles impossibles ?

argumenter la causalité entre la déforestation et les séismes

Collectif 11:35

S11J4- regarder deux extraits vidéo

Collectif 15:14

S11J5- que nous apprennent-ils ?

analyser un discours de vulgarisation scientifique

Collectif 07:39

Professeur P1

S11J6- trace écrite résumer un texte documentaire Collectif 12:18

Figure 4 : Synopsis large des séances 10 et 11 de P1

Nous pouvons percevoir à travers ce schéma le caractère « non-linéaire » des JA/JE. En effet, ce n’est qu’au 3ème jeu de la séance suivante (S11J3) que ce jeu épistémique « argumenter la causalité entre la déforestation et les séismes » sera abordé.

Dans le schéma d’analyse (Figure 3), nous l’énonçons sous une forme générique : « produire un raisonnement scientifique », qui constitue véritablement un jeu épistémique source plus ou moins distant (selon le moment et l’élève que l’on prend en référence) du jeu épistémique effectif. On le voit, le cas empirique présenté montre la complexité du travail du chercheur qui ne peut pas être réduit au schéma synthétique proposé et dont le but ultime n’est pas d’identifier le jeu épistémique source

Les termes « identifie » et « réfère » utilisés dans les flèches (Figure 3) indiquent une transposition didactique (Chevallard). Dans le cas n°1, elle est ascendante et dans les cas suivant nous allons voir qu’il en est autrement. Le cas n°2 est beaucoup moins présent dans les récentes études menées en TACD. Nous avons considéré, en première analyse qu’il est présent, dans deux chapitres du livre « jeux

12 Les jeux d’apprentissage gagnent à être libellés de la sorte.  

55

de savoir ». Nous nous centrerons, pour l’illustrer, sur le travail de Loquet et Roesslé qui s’intitule « entrée des jeunes enfants dans la culture sportive, la place des jeux épistémiques dans les lieux d’éducation (p. 91-118).

Ce cas ne nous semble pas être de la même nature que le précédent. Pour le dire autrement, ce travail d’analyse a priori (qui peut avoir lieu avant ou après la réalisation de la séance) est un fait présent dans la plupart des articles et constitue, une partie dynamique du travail du chercheur dans chaque enquête.

Nous reprenons ici la structure d’analyse déjà utilisée dans le cas n°1, en modifiant son orientation pour des questions de lisibilité.

Schéma illustré par les données de l’étude

Reprise du schéma initial

Justifications par les matériaux issus du corpus ou du texte :

« Certes, l’analyse didactique de la séquence s’était doublée d’une analyse épistémique des savoirs en jeu. Nous l’avons précisément appelée « analyse a priori d’après coup » car dans les formes non scolaires du didactique, on ne peut imaginer « avant » les régulations effectives, le savoir qui y sera mis en jeu (2007, p. 138). Toutefois, l’analyse des savoirs est restée à la surface du didactique proprement dit. Nous nous efforçons ici, à travers l’analyse du jeu « des bulles sous l’eau », de resserrer les liens entre l’épistémie et l’apprentissage. », (Loquet et Roesslé, p. 90, à vérifier)

Figure 4 : Du cas n°2

Tout d’abord, nous revenons rapidement sur le concept d’analyse a priori en rappelant qu’il n’indique pas qu’elle a lieu avant la réalisation de la séance. La plupart du temps, il s’agit d’une analyse dite a priori-post ou en d’autres termes une analyse a priori d’après-coup. Ils justifient la nécessité d’une telle pratique pour l’étude de leur corpus particulier (« on ne peut imaginer avant les régulations effectives le savoir qui y sera mis en jeu »), mais dans le cas de l’analyse d’une séance ordinaire, ce temps d’analyse du chercheur est tout autant nécessaire. Cela peut même être le cas dans un certain type d’ingénierie coopérative où une

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grande latitude est laissée aux enseignants (Kerneis, 2009 ou Nedelec-Trohel, 2008, par exemple).

Une particularité de ce cas n°2 est qu’il peut, dans une certaine mesure (et momentanément), se passer de l’appui sur un terrain identifié précisément. Il pourrait s’agir typiquement de l’analyse d’une fiche de préparation proposée par un manuel scolaire. C’est la raison pour laquelle le schéma précise « jeux épistémiques émergents (potentiels) », contre « effectifs et potentiels », dans le cas n°1 (Figure n°3).

Une autre question concerne la double direction de travail induite par le schéma : vers les JA attendus d’une part et vers les JE source, d’autre part. Les deux auteurs abordent ces deux dimensions à travers le modèle schématisé ci-dessus et leur démarche qui consiste, in fine, à produire différentes descriptions de l’action. En terme de scènes, de jeux (JA/JE), mais aussi dans le cadre d’une approche institutionnelle. On voit là le signe d’une démarche transpositive mixte (ascendante et descendante).

C’est cette dernière transposition qui dirige le cas n°3 où « le chercheur participe à une ingénierie ». Nous allons maintenant en voir les conséquences.

Le cas n°3 est représenté, en première analyse, trois dans l’ouvrage « jeu de savoir » (Quilio, Nédelec-Trohel et Lefeuvre). Si les deux derniers cas trouvent logiquement leur place dans la partie intitulée « jeux didactique et développement professionnel », la présence du premier texte en début de l’ouvrage, peut utilement nous questionner. En effet, Quilio appuie son travail sur une ingénierie didactique menée par Brousseau (1987) sur « rationnels et décimaux » et il la prolonge par un travail basé sur l’auto-analyse de l’enseignante qui a réalisé la séance. Il débute son article par une analyse épistémique qui pourrait amener à classer son travail dans le cas n°2 et se centre ensuite sur 3 épisodes, pour montrer, à l’aide du langage des modèles de la TACD que « les interactions didactiques sont produites au sein des jeux d’apprentissages, ce qui pourrait situer cette étude dans le cadre du cas N°1. Cet exemple montre d’une part une difficulté que nous avons éprouvée à identifier dans quel cas se positionnait principalement le chercheur dans chacun des chapitres du livre « jeu de savoir ». Il en est d’ailleurs de même, dans celui-ci. Nous fournirons en annexe le fruit de notre classification exploratoire.

Il est aussi là pour montrer que la distinction séance ordinaire/ingénierie ne peut pas être le seul critère retenu pour caractériser le cas n°3.

Une approche lexicométrique permet d’ailleurs de montrer que le terme ingénierie est présent 40 fois dans le corps du texte, hors table des matières et qu’il est exclusivement utilisé par les 3 auteurs cités. Un autre élément nous interpelle également. Le terme ingénierie didactique coopérative, lui n’est utilisé que 10 fois, essentiellement à la fin de l’ouvrage. Nous le faisons remarquer car l’expression n’est pas utilisée dans le titre du cas n°3 : « le chercheur participe à une ingénierie ». On peut supposer qu’il s’agit d’une volonté d’utiliser le terme au sens générique. L’effet produit, est que l’instance enseignante (tout comme l’instance élève, d’ailleurs) est totalement absente de cette schématisation. Ce n’est pas un problème en soi, mais cela entretient le doute sur la nature des ingénieries proposées. Soit il s’agit d’ingénieries au sens classique (Brousseau, par exemple), et le

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chercheur fait plus que participer, il dirige l’ingénierie. Soit elle est (à des degrés divers), de nature collaborative et le chercheur participe avec le ou (le plus souvent) les professeurs.

Nous allons rapidement évoquer le cas du travail de Nedelec-Trohel pour discuter le cas n°3 et voir dans quelle mesure tout l’empan présenté par le schéma, est couvert. Cette centration révèle notre volonté, dans la mesure du possible, d’étalonner les différentes recherches, en fonction de cette répartition (dimension essentielle, centrale de tel ou tel travail de recherche).

Ce chapitre s’intitule précisément « des effets de la coopération chercheur-professeur » et rend compte des interactions entre un chercheur et un maître spécialisé. Nous précisons tout d’abord qu’il y est question de deux ingénieries.

Reprise du schéma initial

Schéma illustré par les données de l’étude

JE cible

Action plus ajustée

Ingénierie re-conceptualisée

3 instances (ou moments)

Posture du chercheur

A Co-définition du savoir visé

Stricto-sensu

B1

Recueil basé sur l’analyse des entretiens pré et post

Empathie propice

B2

Régulation Ingénieur-

didacticien

Et à chaque étape, une place constructive pour l’enseignant.

Figure 5 : Cas n°3

La première est effectivement mise en place et ne satisfait pas l’auteur : « Le chercheur procède en effet par mots-clés ou référents connus de lui, issus de situations de travail étudiées et mises en œuvre, mais qui s’avèrent flous pour le professeur qui met en oeuvre

Elaboration conjointe

du savoir à

Pilotage collaboratif de l’action didactique enseigner

58

ces situations d’apprentissage. » (p. 327). Elle va même jusqu’à écrire : « nous observons dans cette ingénierie une coopération conjointe épistémiquement pauvre. » (p. 300 idem). C’est sans doute la raison pour laquelle elle propose l’idée d’une ingénierie recontextualisée. Arrêtons nous d’abord sur la première ingénierie effectivement vécue pour faire plusieurs remarques par rapport au schéma proposé pour le cas n°1. Il ne fait apparaître que l’aspect « conception », alors que la mise en œuvre de la séance fait aussi partie du dispositif. On se rend compte ici que la présentation linéaire adoptée ne permet pas de rendre compte de la complexité des phénomènes. Structurellement, l’ingénierie didactique consiste à expérimenter la construction échafaudée (collectivement, le plus souvent) et ce même, à plusieurs reprises. Cette réalité peut être rendue par la flèche horizontale inférieure (figure n°1), mais nous y reviendrons. Nous sommes bien conscients que le choix de cette étude de cas amène une lecture particulière du schéma. Il s’agit de l’analyse fine de la coopération entre un seul enseignant spécialisé et un chercheur, et met l’accent, tout au long du chapitre sur l’appropriation de la pratique effective de l’enseignant. « Dans l’instance B1, le chercheur va d’une part recueillir par le biais de la vidéo des éléments prégnants et signifiants pour analyser la pratique du maître spécialisé et en saisir la logique. Dans ce cadre, les entretiens post et d’auto-analyse menés par le chercheur vont favoriser le rapport réflexif au langage du professeur spécialisé qui va alors s’engager à décrire et à analyser son action. Il s’agit d’une réflexion du professeur sur son action in situ. » (p. 329). Il est intéressant de faire remarquer que pour cette auteure, même dans sa version re-contextualisée de l’ingénierie, l’instance A (co-définition du savoir visé) est considérée dans cette étude de cas comme « antérieure au dispositif », alors que le schéma lui donne la place centrale (figure 5, tableau de droite). Pour ce cas particulier, on pourrait donc proposer, de manière exploratoire et singulière le schéma suivant.

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Figure 6 : Schéma exploratoire

La dernière ingénierie didactique présentée dans le livre « jeu de savoir » peut être considérée comme issue d’une « génération ultérieure ». Le schéma la représente de manière beaucoup plus fidèle, même si l’aspect linéaire et l’absence des professeurs

59

coopérateurs du dispositif est aussi problématique. Nous la présenterons dans la section suivante, en montrant qu’elle nécessite circularité une représentation circulaire.

La nécessité d’un modèle circulaire et itératif : Jusque là, nous avons constaté que la plupart des exemples produits se cantonnent à un cas qu’ils ne couvrent parfois pas entièrement. C’est la raison pour laquelle, il nous semble préférable de faire figurer sur ce schéma la flèche horizontale supérieure en pointillés.

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Figure 7 : un schéma remodelé

De plus, le positionnement de cette flèche horizontale supérieure nous pose problème. Par sa présence, nous voulons montrer l’éventuel passage d’une posture du chercheur à une autre, et non pas le passage d’un jeu épistémique source (JES), comme issu d’un processus à un point de départ (dans le cas n°3). Il est envisageable qu’une analyse de type 1 donne ensuite lieu à une ingénierie didactique (d’où la flèche en pointillés), mais nous faisons observer que le savoir épistémique source existe, la plupart du temps en dehors de l’école, même s’il peut n’exister, dans la société, que de manière lacunaire. Nous allons maintenant évoquer rapidement le seul cas de l’ouvrage qui se situe réellement « à cheval » entre le cas n°2 et le cas n°3, tout en bouclant avec le cas n°1. Il s’agit de cette dernière ingénierie didactique déjà évoquée (Lefeuvre) qui aborde la question du nécessaire travail pers se de chaque enseignant. Celui-ci est ensuite repris collectivement, essentialisé, scénarisé et mis en œuvre à plusieurs reprises. C’est le cas qui est le plus proche du schéma tel qu’il est présenté dans le livre « jeu de savoir » et qui paradoxalement le questionne le plus clairement, en précipitant les différents aspects que nous avons déjà mis en évidence : passages parfois seulement envisageables d’un cas à un autre (flèche horizontale supérieure) et passages incontournables (flèche horizontale inférieure).

Nous espérons avoir pu démontrer, à travers cette analyse, la puissance heuristique de ce schéma via l’illustration de ces modes d’appréhension par des études de cas choisies. Nous avons aussi mis en évidence que certains éléments sont de nature à susciter la controverse, voir à définir le complexe comme peu ou pas opératoire pour un lecteur non initié. En

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d’autres termes, la présence de certains ostensifs sur le schéma peut au mieux, en gêner la lecture, au pire, conduire à des interprétations erronées. Ainsi par exemple, la position des cadres indiquant la posture générale du chercheur peut tout à fait sous entendre une lecture diagonale du schéma, d’un complexe de JA effectifs, vers l’identification après analyse a priori de JE émergents puis de JE sources à l’issue d’une ingénierie. Mais cette lecture aurait-elle un sens ? De même la présence des barres verticales de couleur gris foncé renvoie intuitivement à un sentiment d’imperméabilité entre les différents cas, alors même que les flèches situées de part et d’autre du schéma supposent une circulation. En quelque sorte, le schéma induit des interprétations variées, voir paradoxales, procédant par là même à ce que l’on qualifiera de brouillage sémiotique. Il paye le prix de toute modélisation qui vise à rendre compte de la complétude d’un phénomène. En poursuivant cette chimère, il crée paradoxalement de l’incomplétude – notamment ici en ne prenant en compte que le point de vue du chercheur– et les signes qui le composent renvois à des significations multiples. Mais l’écueil principal sur lequel vient se heurter l’œil même le plus averti, demeure la sensation de compartimentation des « cas ». Même si, nous le rappelions plus haut, la présence des flèches horizontales confère au schéma une certaine dynamique, le lecteur est confronté à deux ostensifs paradoxaux. Peirce (1978), distingue 3 dimensions du signe (l’objet, le représentamen et l’interprétant) Dans une analyse assez rudimentaire–, nous pouvons dire que le schéma propose plusieurs representamens conflictuelles, donnant ainsi lieu à la production d’interprétants en duel. En effet les flèches horizontales (representamen 1) supposent un mouvement (objet) que le lecteur identifiera comme la circulation d’un cas vers un autre (interprétant), alors même que les barres verticales (representamen 2) induisent une compartimentation (objet différent) identifiable comme une absence de circulation entre cas (interprétant). Un exemple13 très intéressant de ce type d’interprétation conflictuelle, dans le champ de la sémiotique de l’art, peut illustrer nos propos :

Figure 8 : paradoxes sémiotiques

L’on voit ici deux representamens, certes, non antagonistes en eux-mêmes, mais dont les objets le deviennent après interprétation14. Mais la spécificité même du conflit exposé plus haut quant au schéma JE/JA, réside bien dans le fait qu’il s’agit dès le premier rapport au modèle, de percevoir deux representamens antagonistes. Considérant l’ensemble des aspects soulevés dans ce texte, il nous semble intéressant de produire une version reprise du schéma. Comme nous l’évoquions plus tôt, il s’agira de

13 La trahison des images, par René Magritte, 1929. Huile sur toile, 62.2 x 81. Los Angeles County Museum of art. Copyright ADAGP. Extrait de l’ouvrage Magritte par Lillo Canta (1991).Copyright Casterman 14 Pour une analyse très fine de cette œuvre, voir l’article en ligne de M. Lefebvre à l’adresse http://imagesanalyses.univ-paris1.fr/ceci-pipe-bref-41.html (consultée le 05 janvier 2012).

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produire un visuel visant à montrer la complétude du complexe modélisé. A ce titre, il comportera des éléments inédits par rapport au schéma initial. Schéma spiralaire Cette nouvelle proposition de modélisation, que nous espérons sémiotiquement épurée d’éventuels brouillages, peut alors être éprouvée par la pratique. Il s’agit de tester son caractère opérationnel par une réflexion sur une forme particulière de phénoménotechnique (Bachelard, 1951), ou en d’autres termes de voir en quoi l’utilisation d’instruments ciblés peut permettre de nourrir le modèle, de l’amender, et, finalement de le transcender en donnant à voir et à comprendre les phénomènes en jeu dans l’action didactique conjointe. En accord avec Rabardel, (1995, p. 64), à qui nous empruntons ce concept, l’instrument n’est pas un « donné », il doit être élaboré par le sujet (processus progressif de genèse instrumentale) et en ce sens, même en l’absence de toute mise à jour logicielle, il évolue, pour l’usager, tout au long de ce processus. L’organisation de l’article ne doit pas laisser penser que nous avons une vision dichotomique de l’instrumentation et de la théorie de l’action conjointe et de son développement actuel sous forme de JE/JA identifiés. Nous adoptons cette présentation pour distinguer les atouts réciproques des deux éléments. Nous commencerons par définir ici, plus précisément, ce que nous entendons par instrumentation. Le terme est introduit par Simondon (1975) et repris par Rabardel (1995). Il est opposé à l’outil ou l’artefact qui reste extérieur au sujet. Ici, l’objet est intériorisé et adapté. Ce n’est pas un « donné » et à chaque moment, on en utilise une fonction particulière, adaptée à notre tâche. Albero utilise également ce terme en l’intégrant dans un système « dispositif, instrumentation, configuration » qui le rend opérationnel pour aborder les questions de formations. Nous nous centrerons dans ce chapitre sur l’instrumentation du chercheur, cependant, la diversité des usages constatés nous amène à considérer de près ce système. Les instruments sont donc pour nous les films de classe associés aux logiciels qui permettent de les mettre en perspective, mais également toutes les traces issues de l’action (notes prises par les élèves, exercices réalisés par écrit…) qui peuvent être utiles au chercheur pour mener son enquête.

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Annexe n°1 : extrait de transcript issue de l’étude de cas présentée dans l’analyse de la posture n°1 (tours de parole n°1 à 14)

1- P1 : ok la prochaine fois on va essayer de voir pourquoi à votre avis la terre tremble alors je voudrais juste que vous y réfléchissiez et que vous me disiez à votre avis pourquoi la terre tremble + alors 4- DO : parce qu'il n'y a pas assez d'arbres parce que les arbres avec les racines elles tiennent la terre 5- P1 : alors parce qu'il n'y a plus assez d'arbres à cause de la déforestation les racines tiendraient la terre et s'il y avait plus d'arbres sur la planète ça bougerait moins 6- E : c'est sûr qu'ils manquent 7- E : oui 8- P1 : euh + [note au tableau] à cause 9- E : au Japon y a pas beaucoup d'arbres aussi 10- P1 : du manque d'arbres 11- E : ils ont plus d'immeubles aussi 12- P1 : à cause du manque d'arbres qui 13- E : avec les racines 14- P1 : grâce à leurs racines ++ tiendraient la terre ++ d'accord ça c'est une première hypothèse deuxième hypothèse tu peux copier ceci s'il te plaît euh oui

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Games as Models and Practices in Foreign Language Didactics

Brigitte Gruson CREAD 3875, IUFM of Britany-UBO

Punwalai Kewara

CREAD 3875

Carole Le Hénaff CREAD 3875

Abstract: The main aim of this text is to stimulate discussion about the model of game we use to describe the logical structure of the teaching-learning process. After describing the main features of the joint action theory in didactics (JATD) that constitutes our main theoretical framework and a few key-notions borrowed from the foreign language didactics, we will provide a model of two everyday practices or of what we call connoisseurs' practices. In doing so, we will show what sort of source epistemic games are referred to in the teaching and learning of a foreign language, here English. Then, in an upward transpositive move, we will analyse the distance between the epistemic games the students have to master in class to evolve adequately in the situations designed by the teachers and the previously modelized source epistemic games. This chapter will consequently draw on two empirical studies taken from two different corpuses: a bilingual section in a public school located in in central Thailand, a situation implemented in a French primary class and based on a famous novel "Fantastic Mr Fox" by Roald Dahl.

Introduction

The main aim of this text is to stimulate discussion about the game model we use to describe the logical structure of the teaching-learning process and everyday practices. More particularly it is i) to examine what sort of source epistemic games are referred to in teaching and learning a second language (L2), in this case, English, ii) to analyse the distance between the epistemic games the students have to master in class to evolve adequately in the situations designed by the teachers and the everyday practices modelled as source epistemic games, iii) to try and reveal the effects of that distance on the way primary students develop their language skills. To do so this text draws on two empirical studies taken from two different corpuses. For the first study, we take an example from a situation implemented in a bilingual stream, set up 11 years ago in central Thailand to develop students' language skills in English. In this example, sixth grade Thai students compare two images and mark the differences between them, on the model of very popular "Spot the Difference" games. The second study builds on a situation designed by a team of French researcher-trainer-teacher colleagues. This example derives from a whole teaching unit based on the novel "Fantastic Mr Fox" by Roald Dahl. The situation presented in this text describes the way in which two teams of students compete to identify key characters of the novel from clues projected on an interactive whiteboard. This second example is therefore a kind of guessing game involving teams of contestants. In what follows, we first present the main features of the joint action theory in didactics (JATD), which constitutes our main theoretical framework, and explain the two meanings of

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the word "game" we use. Secondly, we briefly present the main aspects of our methodology and the two research fields. Thirdly, we describe the documents used in each class. The fourth section describes the source epistemic games the didactic situations refer to. In the fifth part of the text, we present a comparative analysis of two case-studies and produce a description of the actual epistemic games involved in both cases. Finally, we discuss our results and try and provide some insights upon the contribution of the game model to future research in the field of comparative and Second Language Didactics (L2D).

Theoretical framework

The main theoretical concepts we use are taken from the The Joint Action Theory in Didactics (JATD) deriving from the works of Brousseau (1997) and Chevallard (1992), both key researchers in the field of mathematics didactics in France and abroad. It is currently being developed by a group of French and Swiss researchers who work in the field of comparative didactics (Ligozat 2011; Sensevy & Mercier 2007, Sensevy 2011a & b).

The concepts of games in JATD

In JATD we describe the didactic transactions between the teacher and the students as a game of a particular kind, a didactic game in which some specific pieces of knowledge are involved. In this description, the didactic game involves two players, A and B. A is the student (the studying pole) and B is the teacher (the teaching pole). B wins if, and only if, A wins, but B must not give A the winning strategy directly. This description allows us to describe the didactic game as a collaborative game, a joint game, within a joint action (Clark 1996).

From the point of view of didactic analysis, modelling joint action in the form of a system of epistemic and learning games allows us to describe the complexity and unity of action from a dynamic viewpoint. The source epistemic game (SEG) refers, in our theoretical vocabulary, to the human practices that exist outside the didactic situation. The actual epistemic game (AEG) is modelled from the analysis of class practices as they occur in situ.

In order to characterize the fundamental grammar of the teaching-learning process more deeply, we use the notion of Learning Game that is fundamentally a joint game, in that it refers to the teacher’s game on the student’s game. Describing Learning Games as they occur in situ requires a structure of particular descriptors. In what follows, we focus on two of them, the didactic contract and the milieu that represent core concepts in our framework.

The dialectic between contract and milieu

The didactic contract is used to describe the system of habits, which is largely implicit, between the teacher and the students in relation to the knowledge in question. On the basis of those habits established in the didactic institution, each participant (the teacher or the student/s) attributes some expectations to the other(s). The didactic contract provides a common background between the teacher and the students, against which the didactic transactions occur.

But this common background has to be renewed. Thus, in order to learn, students have to deal with a situation involving a problem that previous knowledge does not allow them to solve. In the JATD we term this situation a milieu (Brousseau 1997). This concept describes the system of material and symbolic objects in question that corresponds to the new knowledge the students are to acquire. According to this description, the older pieces of knowledge enable the teacher and the students to act jointly whereas the new knowledge involves a kind of resistance to the student’s action.

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The Concepts of contract and milieu in Second Language Didactics

Using these concepts in our research has led us to redefine them in relation to L2D. In the teaching and learning of English, we showed (Gruson, 2009) that the milieu is very complex since, in a L2 class, students have to deal with a wide variety of media and semiotic systems. As for the concept of didactic contract, we set out three specific forms of contract that seem to characterize the ordinary L2 class when the language is taught to young learners. The first refers to the way the L2 is used in the class. The second represents the time devoted to repetition and the last one we term the complete and correct phrase contract.

The dialectic between contract and milieu as a two-fold semiosis

In JATD, the student’s activity is mainly thought of as a semiosis process, of two kinds. The first kind of semiosis refers to the work the student has to do to decipher the signs of the milieu that are non-intentional signs. This first kind of semiosis is enacted against the background of previously taught knowledge representing the epistemic dimension of the didactic contract. Indeed, in JATD, the didactic contract is seen both as an epistemic system and a transactional system: the epistemic system enables the student to deal with the milieu; the transactional system refers to the intentional signs the teacher provides in order to orient the student in the milieu. This transactional process refers to what we call the second semiosis.

With respect to the dialectic we referred to, we can therefore define two main ideal-typical relationships, which can be considered as two poles of a gradient. In the first typical relationship, the contract can be seen as an auxiliary to the milieu. In this case, it means that the student relies on the didactic contract to grasp the knowledge involved in the milieu. In the second typical relationship, the milieu can be seen as an auxiliary to the contract. The most important thing is then the teacher’s discourse or conduct, to the extent that the milieu could be removed from the transactions without impairing the learning involved. An actual didactic process generally mixes these two ideal-typical relationships, according to the characteristics of the knowledge in question.

Games as models versus playing games in the L2 class

In using the concept of game15 to model human activity and more particularly didactic activity, we see human and didactic activities in a way similar to Wittgenstein's use (1997) of the notion of "language game". Consequently, using the notions of epistemic and learning games helps us identify the logic of people's action and to grasp both the constraints they are submitted to and the part of their own intentionality16. In our work, we use the concept of epistemic games us to examine what sort of source epistemic games are implicitly or explicitly referred to in L2 primary classes.

However using this notion when modelling L2 teaching and learning situations can introduce some confusion as games, that is conventional games such as guessing games, board games, etc., are very commonly used in the L2 class. Indeed using games is highly recommended by official French texts setting out the national curriculum for second

15 For the sake of clarification, we will from now on in this text write game in italics when referring to the theoretical concept and use no italics when referring to well-known conventional games. 16 For a more thoroughly description of the reasons prevailing upon the use of the notion of game to describe both human and more particularly didactic activities in relation with JATD, see Sensevy (2011a & b).

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languages in primary education as games are said to have a positive impact on the child's development.

In what follows we will study the learning possibilities involved in two well-known games, a Spot the Difference game and a guessing game, and examine the transformations they undergo when designed and implemented in two L2 classes.

Methodology and research field

A few elements of methodology

The data for the two case-studies consists of video recordings of two complete teaching units and the documents used by the teachers. To make the study possible both units have been converted into synopses allowing the researchers to select the teaching and learning situations to be studied in more detail. Then these situations have been completely transcribed so as to enable the researchers to build a network of meanings relying on different levels of analysis.

A bilingual stream in Thailand

The first case-study focuses on the study of a situation implemented in a class which is part of a bilingual stream in a primary school in Nakhonsawan, central Thailand. In this school, we observed a whole unit implemented in a Grade 6 class composed of 30 Thai students who had been in the bilingual stream for eight years. The main learning objectives of the unit composed of five lessons were related to the use of comparative and superlative forms. For this text, we focus on the third lesson during which the students play a “Spot the Difference” game. The teacher was a native speaker with no special training, temporarily employed at the school to teach English as a L2 and other subjects in English.

A designed unit in a French primary class

The episodes we are going to focus on in the second case-study are extracted from a teaching unit, based on a novel by Roald Dahl, "Fantastic Mr Fox", designed to develop the students' language and intercultural skills in an integrated way. This unit was implemented in a fifth year class composed of 30 students who had been learning English for three years. When the data was collected, the teacher, who was part of the design team, had been teaching English to these students for three years. In sharp contrast with the situation in the Thai bilingual stream, this teacher is a teacher trainer expert in teaching English to primary students.

Before designing the unit, the research team members conducted a prior study of the novel that led to a consensus about what reading and studying "Fantastic Mr Fox" mainly entailed: understanding the unfolding of the story as an echo of the relations between the characters' strong personalities. Following this description the group decided to devote a significant part of their work to helping the students identify the main characteristics of the central characters in the story.

The situation presented in this text corresponds to a game very similar to a guessing game involving teams of contestants. Before presenting the first elements of our analyses it is important to explain that the design team developed the structure of the unit as a whole and provided a selection of suitable games and activities but did not design each situation in detail. Thus the class teacher was left free to decide on the precise implementation of the guessing game.

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Since these two case-studies are very different, we do not aim to compare them in

terms of learning outcomes. What we seek to do is to test the validity of the theoretical tools we use to better understand educational practices and try and specify them to L2D.

Description of the documents used in each class

In the bilingual stream

Let's study the document used in the first game.

The document consists of two juxtaposed

pictures (A and B) placed one under the

other. The students have to find the

differences as indicated in the instructions

followed by a sample sentence.

A close observation of the two pictures reveals that most differences can be found quite easily17. For example, you can spot almost immediately that the man in picture A has black hair and is wearing a hat whereas the man in picture B has blond hair and no hat, etc.

However, some differences are more difficult to identify and a few are unclear. For example, in picture A, the boy has short hair while in the picture B, it seems that his hair is a little longer and even curlier. In addition, in picture A, the boy is shorter and seems fatter but this last distinction is somewhat unclear as is the way the girl's hair appears in both pictures. Consequently, as the number of differences is not indicated on the document, as it is usually done in “Spot the Difference” games, and as some elements remain unclear we cannot know exactly how many differences there are between the two pictures. In addition, as the two pictures are displayed one on top of the other, “the magic eyes” technique (see p. 9) cannot be used to find the differences, which means that it will probably take longer to identify all of them. Lastly we observe that a sample sentence is given indicating that to play the game the students will have to use a sentence composed of an affirmative phrase and a negative phrase linked by the conjunction but. As we know that the students have been studying the comparative forms of adjectives during the first two lessons, we can expect the teacher to encourage them to use these forms and then to go beyond sentences similar to the sample sentence. So the students may produce the following types of sentences:

17 We have circled these differences to make them easier to identify.

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The man in picture A has a hat but the man in picture B does not have a hat. The man in picture A is thinner than the man in picture B.

If the teacher focuses on the sample sentence and asks the students only to produce sentences similar to that example, it is likely that the students' actions will be mainly oriented by the contract, i.e. by the signs provided by the teacher. On the contrary, if the teacher lets the students produce different types of comparative sentences, then the students will rely on the epistemic dimension of the contract to orient themselves in the milieu.

In the French class

In the French class studying Fantastic Mr Fox, the teacher uses four slide-shows projected one after the other on an interactive whiteboard. The slide-shows include clues related to the following characters: Mr Fox, Mr Bunce, Mr Boggis and Mr Bean. Each slide-show consists of seven slides as can be seen here:

In order to play, the two teams of players have to choose a square. The squares are numbered from 1 to 6 and are of different colours. A small white rectangle named “solution” is situated at the bottom right-hand corner. Each time this rectangle is touched, the image of the character appears on the screen. For example, the slide-show for “Mr Boggis” is composed of the following slides:

As can be seen on these slides, there are three clues related to the character Mr Boggis (S1, 2, 5) and three others related to chance (“Miss a turn” and “Play again”). Some clues are visual; others require the participants to understand short written sentences. In

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every slide-show, there are two or three slides (“Miss a turn” and “Play again”) based on chance. The following clues correspond to each character:

Mr Fox Mr Bunce Mr Boggis Mr Bean

He has a beautiful red tail. He is clever. An image from the book suggesting that his tail has been blown off.

An image suggesting that he breeds geese. He is short. An image suggesting that he eats doughnuts.

He is stupid. The image of weighing scales suggesting that he is fat. He is a farmer.

An image from the book of a bottle of cider. He drinks cider. He is clever. An image suggesting that he is rich.

The written and visual descriptions of the characters are unambiguous: they are

related to physical characteristics, to clearly identified activities, and the adjectives used to describe their personalities are the same ones as in the story.

The analysis of the slides allows us to identify the language activities and knowledge involved in this situation. First the students have to understand a few short and unambiguous written sentences that are unlikely to pose difficulties as they involve grammatical structures and lexical items previously used in the teaching unit. In addition, this game draws on the students' ability to use basic structures (e.g. “it is Mr Bunce”) and individual words (e.g. “five and orange”). So if the students limit their oral productions to what is strictly necessary to play the game, they will use very little language. Of course, the teacher may ask the students to read the written sentences, to describe the visual clues. In this case, the production of such sentences, together with the use of “it is” and of both the number and the colour, would be an effect of the “second language-speaking contract” and the “complete and correct phrase contract” (Gruson, 2009) as their use is not made necessary by the milieu.

As can be inferred from this short description, this game, which clearly refers to a guessing game, provides the students with an unambiguous milieu that is unlikely to provide any resistance to the students' action. We can assume that the students will find out the solutions quite quickly, and possibly with the help of only one clue. The only clue that could produce a milieu-driven orientation is the sentence “He is clever” that describes both Mr Fox and Mr Bean. Yet some students may want to see more clues than necessary in which case, we may assume that this will result from the way students interpret signs produced by the teacher. Finally, we can conclude saying that most probably, in this episode, the milieu will be an auxiliary to the contract.

Let’s now provide a description of the source epistemic games these situations seem to refer to and examine the potential distance between them.

Everyday practices modelled as epistemic games

To provide a model of the two conventional games studied in this text, we rely on the three categories used by Sensevy to model human practices as games: definition rules, strategic rules and strategies:

"A game has definition rules (which roughly correspond, in conventional games, to the the rules of the game). It requires strategic rules, which, as described by Hintikka (Hintikka, 1994, Hintikka and Sandu, 2006) clarify how to play the game (e.g. they can be transmitted by a "connoisseur" of the game to someone who is less of a connoisseur), and (effective) strategies, which correspond to the way the

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player must act concretely in a determined praxis, thus (more or less) demonstrating a certain feel for the game18" (Sensevy, 2012, p. 365)

Spot the Difference games

The situation relying on the comparison of two pictures clearly refers to Spot the Difference games, a name given to games where two versions of an image are shown side by side. In that game, players must find a set number of differences between two otherwise similar images. Usually, the image on the left is the original, and the image on the right side has the alterations. Spot the Difference games are commonly found in activity books for children or newspapers. Nowadays, hundreds of versions of this traditional game can be found on the Internet.

Usually, when you play this game, there is no time limit, which means that you can play the game for as long as you like. However, finding all the differences in a matter of seconds requires two things: i) players must have a “magic eye” skill involving being able to cross their eyes, ii) the “Spot the Difference” images need to be side by side for this technique to work. Indeed, Spot the Difference puzzles can be viewed much the same way as autostereograms19 requiring the same kind of work from the brain.

As can be easily inferred from that short description, these games involve no language skills whatsoever. It only requires observation skills and rests on rigorous analysis of the two images. Obviously close observation and being rigorous, plus the ability to cross one's eyes ensure that the player will find all the differences if and only if the two images are side by side and the drawings are clear and unambiguous. However, with the video game version of this traditional game “Foto Frenzy: Spot the Difference” involving up to four players, the basic skills are completed with the ability to describe the differences orally.

Based on that version, we provide here a description of the strategic system players have to engage in to solve the problem when playing Foto Frenzy:

Guessing games

The objective of a guessing game is to guess a piece of information, such as a word, a title, a person, etc. A lot of guessing games are played co-operatively. However the game implemented in the class was not cooperative but involved two teams playing against each other. As such it is quite similar to a famous Lithuanian game called Protmušis (literally "Mindfight" in Lithuanian) that is a team quiz. During the game ten questions are shown on a large screen. Answering the questions requires both general knowledge and the ability to

18 This quotation has been translated by the authors. 19 An autostereogram is a single-image stereogram (SIS), designed to create the visual illusion of a three-dimensional (3D) scene from a two-dimensional image in the human brain. In order to perceive 3D shapes in these autostereograms, the brain must overcome the normally automatic coordination between focusing and vergence.

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think logically. After the question master has read each question, a one-minute timer is started. During that minute players are permitted to discuss the possible answers with the fellow members of their team. Once one of the teams believes that it knows the correct answer, it stops the timer and calls out the answer. If the question master accepts the answer as correct, the answer is shown on the screen and the team is awarded a point. If not, the one-minute timer is restarted and the other team is allowed to go on searching for the answer. The team with most points after all ten questions is declared the winner. As can be seen from this short description, this type of guessing games draws on four main things: cooperation between team members, a large range of general knowledge, logic and speed. In contrast to the previous game, it involves both understanding of written and oral language and speaking skills. Furthermore, as can be read on the site20, a good Protmušis question cannot be answered immediately, but needs team discussion to find the best answer. Thus the strategic system on which players have to draw to win the game can be depicted as follows:

A quick comparison between the two strategic systems on which the games are based reveals a few interesting elements. First, we note that, even after language has been reintroduced in the first game, the second game draws on more language and a greater variety of language activities: reading, listening, speaking and interacting. Furthermore the second game potentially covers a wide range of knowledge items whereas the knowledge involved in the first game is limited to the description of two similar images and therefore to the use of descriptive vocabulary and a set number of sentences expressing comparisons. Yet, in game 1, the students will have to utter quite long sentences whereas the answers in game 2 could consist of single words. Obviously we need to study what happens in situ to describe which actual strategic systems the students actually have to rely upon and to examine the distance between this strategic system and the one corresponding to the description of the source epistemic game.

In situ analyses: what happened in both classes?

Comparing two images

The following excerpts take place at the beginning of the game once the worksheet has been handed-out.

20 The information concerning that game was found on the following web page: http://en.wikipedia.org/wiki/Protmušis

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117- T (0:37:04): [..] the pictures are not the same so just looking here please what can we see in the picture A and B? (the teacher (T) writes on the board) ok today this is not difficult it's quite a simple one it is a comparison but this time we're using verbs it's simply a verb structure using positive and negative verb two clauses an independent clause and a supporting clause joined with a conjunction bbbbbb BUT (T. pronounces the b letter several times before uttering the conjunction but) so the word 'but' can force the comparison by creating a negative verb (T. points to the sentences written on the board to show the comparative structure using the conjunction “but”) + there (T. points to the board) + (T. snaps his fingers twice) there is 178 - Ss: a chair in A but (the students read the sentence aloud all together following the words pointed to by the teacher) 179 - T: but (T. pronounces the conjunction together with the students) 180 - Ss: there isn't a chair in B (The students go on reading the sentence aloud all together. T. points to each word one after the other)

While the students look at the worksheet with pictures A & B, the teacher (T.) provides a long grammatical explanation. In doing so he makes several very obvious signs: he points repeatedly to what is written on the board and produces a phonologically prominent sign when he utters "but". With these two gestures, he makes it very clear that in contrast to what the students have been working on (comparative forms of adjectives) up to now (see "but this time" ST 177), he wants them to use a two clause sentence with a positive and a negative verb. Then pointing to a specific sentence on the board he makes them read aloud a sentence that reflects the example in the worksheet. As they read aloud, he insists again on the use of "but" (ST 179).

Once the students have read the example aloud, T. goes on asking them to produce a second sentence about the man.

181 - T: very good (T. stands in front of the class) the man is he the same? (T. shows the document in his hands) 182 - Ss: no 183 - T: no + the man 184 - Ss: (the students are looking at the document on their tables) the man in picture A is thinner than (all together pronouncing each word very clearly) 185 - T: the man in picture A is (T. interrupts the students) 186 - Ss: thinner than (T. strokes his hair)

187 - T: is wearing a (T. points to his head and glances at the document) + a hat but + 188 - Ss: but the man in picture B isn't wearing a hat (this sentence is pronounced with less regularity) 189 - T: the man in picture A is wearing a hat but the man in picture B (T. snaps his fingers twice) isn't wearing a hat

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Once the students have acknowledged that the man in pictures A & B is different, T. starts the sentence he wants them to produce (ST 183). Quite naturally (ST184) the students produce a statement using the comparative form of the adjective "thin". As this doesn't comply with T's expectations, he immediately interrupts them and repeats the beginning of the sentence thus signalling that that he wants a different structure (ST 185). However the students do not understand and repeat part of their original sentence while T. tries to attract their attention to his head (ST 186). Then he produces the verbal expression he wants them to use (ST 187) pointing to his head to orient the students’ attention to “the man's hat”. As the students do not react immediately, T. is a bit puzzled and has a look at the document to make sure the man is wearing a hat in picture A and not in picture B. Finally the students utter the expected end of the sentence (ST 188), which T. repeats (ST 190) snapping his fingers twice to underline the use of the negative form.

The episodes described above show very clearly that the teacher immediately guides the students very firmly towards the exclusive production of one type of sentence. All his actions, whether verbal or non-verbal, are aimed towards the same and unique goal: to make the students produce sentences similar to the sample sentence. He leaves them no choice: he indicates which structure to use and also which character to describe. Yet, if he had allowed them to describe the differences relying on previous knowledge, they would have encountered a problem: some differences cannot be expressed with comparative forms of adjectives. He could then have helped them draw on their previous knowledge, that is the epistemic dimension of the contract, to produce sentences appropriate to the situation. Indeed as these students are in a bilingual stream, one would assume that they would have no difficulties in using affirmative and negative verb forms. However this seems to correspond to the way this teacher views the teaching and learning of an L2: his approach to knowledge is very segmented; the use of old knowledge is prohibited despite the fact that it would have helped the students cope with the milieu. So in this case, the learning game is mainly oriented by the teacher's expectations, which the students can easily guess because he produces many intentional signs. Consequently, the milieu here (the language involved in relation with the worksheet) is purely an auxiliary to the contract. The actual epistemic game (AEG) can then be described as follows:

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As a result, the main difference between the AEG and the SEG lies in the fact that, in the AEG, the language involved is much more limited. This is quite paradoxical as, in a L2 class, the main aim should be to develop students’ language skills.

Identifying characters from a novel

The episode we focus on occurs just after the students have found out the solution “Mr Fox” with the help of only one clue from the slide-show. 1. Teacher

Be careful , you’ve got ++ you must say if you are sure, OK? (starts a slide-show on the interactive whiteboard) If you are sure! [noise] Just a minute ! Be patient +++ So team B choose a number (picks up a student from Team B) You want to stand up? Team B + choose a number + Enora?

2. Enora Six 3. Teacher Six +++ 4. A student (touches the number 6 on the slide-show and the image of a goose appears) 5. Teacher Be careful, if you don’t know, you’ve got to say “I don’t know” because if not, it’s

zero! (writes “zero” on the board) +++ Are you sure? 6. Team B (talking) 7. Teacher So who is it ? You’ re sure who it is?

We understand from what the teacher says (ST1) that she has understood that the clues (the milieu) are not difficult enough. Thus, she suggests (ST5) that the image of the goose could not be associated with certainty with a character. Yet, in the story, the only character clearly related to geese is Mr Bunce. She even threatens the students with a “zero” if their guess is wrong. However, the students' certainty is already established and they do not need to discuss about it. The following speech turns show that they are right: 8. Enora Mr Bunce! 9. Teacher Go back, look at the solution! (the solution appears : Mr Bunce)

After that, the teacher keeps insisting on possible uncertainty about the clues ( ST 13, 15, 17) and repeatedly asks the students whether they are sure of their answers. 10. Emma (touches number 3 and a sentence appears: He is stupid) 11. Teacher Oh! Do you know? 12. Team A Yes ! Yes ! 13. Teacher No, you can’t know ++ be careful + be careful + Are you sure? 14. Team A Yes ! Yes! 15. Teacher Because if it’s wrong it’s zero (writes on the board) so maybe you’ve got to wait.

+++ So you have decided ? Are you sure ? 16. Team A Yes yes yes! 17. Teacher So, Sarah? 18. Sarah Mr Boggis! 19. Teacher (asks Emma) Can you go back and check? 20. Emma (makes the solution appear : Mr Boggis)

This clearly shows, as we suggested in our analysis, that the teacher tries to orient the students' actions so that they have to deal with the milieu, that is to say, sentences in English and characteristics associated with the characters of the story. Yet the students do not need

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any help to decipher the signs produced by the milieu because the problem is too easily solved. The contract is an auxiliary to the milieu that has assimilated it. Thus, in this episode, what game are the students playing? They are not playing at associating several clues with an answer but at associating one clue with an answer. They are definitely not learning how to define Mr Fox, Mr Bean, Mr Boggis and Mr Bean because they already know their characteristics. This shows that this situation is not appropriate to the didactic time. The actual strategic system that the students effectively activate is the following:

If we refer to the source epistemic game, we understand that the milieu produced in this situation is not of the same kind. The clues are not difficult enough to engage the students. In conclusion, we can even say that what the students do cannot be described as a learning game. To conclude temporarily, we can say that, considering the dialectic “contract and milieu”, it is completely unbalanced as, in both cases, the milieu is merely an auxiliary to the contract. Then when we compare the AEG to the SEG, we note that, in each class, both actual epistemic games are quite different from the source epistemic games. In both instances, the students' verbal productions are very limited. In the bilingual stream, the students are forced to utter single-format sentences and in the French class, the students do no need to meet the teacher's expectations, as the milieu is too weak. As a consequence, the two SEG we identified as potential references are abandoned in favour of more endogeneous epistemic games that could be named, for the first one, expressing comparisons and, for the second one, associating a clue to a character from a novel.

Elements of discussion

In that last part, we will tackle two points. First our analyses reveal that both AEG only share a few commonalities with the SEG. This shows that the specificity of the institutional context has a strong impact on the SEG didactic situations refer to. Consequently, it seems to us that the question of the distance between AEG and SEG should be re-examined, as it is more complex as it seems. Indeed it should be analysed if the fact that primary students’ language skills are much more limited than more advanced learners’ can increase the distance between AEG and SEG. However this remains to be studied in further research together with the need to study in more depth if the distance between both games is or is not detrimental to the development of students' skills. Secondly, we argue that identifying the SEG didactic situations seem to refer to represents a delicate challenge. Indeed, as can be easily inferred from the two SEG described here “Foto Frenzy” and “Protmušis”, these SEG were not immediately identified by the researchers. It was easy to link the situation implemented in the Thai class to a “Spot the Difference” game and to decide that the situation in the French class referred to a guessing game. But this level of description remained insufficient to find the conventional games that involve strategic systems similar to those involved in both situations. So comparing everyday practices and didactic situations in order to identify the distance between them depends on the capacity of

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the researchers to describe as precisely as possible the elements composing the strategic systems involved in both cases. Bringing to light the main components of strategic systems involved in everyday situations and selecting those that are relevant are not easy tasks. Yet it seems to us that taking up this challenge is necessary if we want didactic situations to be more meaningful and to better foster the development of students’ language proficiency. Besides we argue that giving students the possibility to develop strategic systems more similar to those they will have to rely upon outside school is a way of preparing them to solve everyday problems and of offering them emancipatory opportunities.

Elements of bibliography

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Sensevy, G., & Mercier, A. (2007). Agir ensemble. L'action didactique conjointe du professeur et des élèves. Rennes: PUR.

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Sensevy, G. (2011b). Le sens du savoir. Éléments pour une théorie de l'action conjointe en didactique. Brussel, Belgium: De Boeck.

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Wittgenstein, L. (1997). Philosophical Investigations. Oxford: Blackwell.

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Where are the Epistemics in Didactic Situations? An analysis of Epistemic Games in Two Case Studies

Monique Loquet CREAD, University of Rennes 2

Jérôme Santini LAMHESS, University of Nice

This contribution focuses on the knowledge at stake, i.e. the epistemics, in learning games as epistemic games (Santini, 2007; Loquet, 2009) referring to cultural practices. It has two objectives. The first is to characterize specific epistemic games by analyzing the unfolding of learning games in two contrasted cases studies (Santini, 2009; Loquet, 2011) in a bottom-up methodology. The second is to contribute to the development of the Joint Action Theory in Didactics (Sensevy & Mercier, 2007; Sensevy, 2011a, 2011b), following a top-down methodology, by advancing the conceptual work on epistemic games as a theoretical notion.

Characterization of Epistemic Games in Case Studies

We characterize epistemic games in two case studies. The first case study is an educational sequence for toddlers (two years old) with aquatic motor awakening activities, commonly referred to as “swimming babies” (Loquet, op. cit.). The second case study is composed of geosciences sequences in four French fifth grade classes that are videotaped during the study of volcanoes and earthquakes (Santini, op. cit.).

Fist case study: swimming babies

A three-year-old girl (Az) plays with her father (Paz) and her mother (Maz) at the swimming pool. The parents’ objective is to help Az develop a confident relationship with water and, more specifically here, to succeed in making bubbles at the very beginning of the sequence and, later, to shout underwater (playing a lion). We analyse this case study through photograms like the first three below.

M1: Paz waits underwater, takes her hands and watches her making bubbles.

M2: Az has swallowed a mouthful of water. She moves into Paz’s arms.

M3: Maz places Az opposite her. Paz: hey, Az honey, you’re forgetting to make bubbles.

The three photograms indicate both a form of ignorance (Az cannot make bubbles, she cannot imitate Paz), which causes obvious discomfort (Az has swallowed a mouthful of

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water) and a search for comfort (Az moves into Maz’s arms). The first picture (photogram M1, image n° 628) shows an effort to adjust from Az to Paz in the water environment. Paz makes bubbles underwater thus offering Az guidance for her own activity. One can perceive that Az’s attention is focused on Paz (she watches him and grabs his hands) and vice versa. The bottom-up analysis here allows to determine a piece of knowledge, described as the common game of making bubbles underwater – a common game which has not yet been mastered by Az.

M4: Maz shows Az how to make bubbles by immersing her face in the water down to her nose and by blowing.

This means that Maz intervenes to show Az how to make bubbles (photogram M4, image n° 661), thus offering another example of behaviour-in-the-water-environment which is intended to guide her didactic action. The interplay continues with Paz. A form of recurring action initiated by the little girl is established. Here is an example (photograms M5 to M8, images n° 721, 726, 729, 738).

M5: Az swims back to the surface and places her finger in front of her mouth Az: Let’s kiss underwater Paz : Yes, let’s kiss underwater.

M6: Az and Paz swim down and kiss underwater.

M7: Az and Paz swim to the surface and then back down underwater and hug underwater. Az: Let’s cuddle underwater! Paz: cuddling underwater, come on let’s cuddle underwater, one, two, three.

M8: Az and Paz swim down and hug underwater.

Here, an immersion ritual is established: swimming together underwater/performing an action underwater/swimming back to the surface, and so on. In this ritual we can see a kind of micro-unit of shared meaning, which is the first requirement to get the child to act and, eventually, to succeed in the underwater game on her own. The bottom-up analysis of the

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interactions allows us to identify how knowledge gives them a specified form. It thus highlights the didactic purpose of the whole activity. The immersion ritual plays a central part to give Az a certain ease in the water environment, a major requirement for learning. The didactic density is then increased when Paz introduces the game “shouting (playing a roaring lion) underwater” (photograms M9, image n°. 782, and M10, image no. 786):

M9: Paz swims down and shouts underwater. Az watches him.

M10: Paz swims to Az. Paz: come on, we’re going to try to shout underwater, look!

The new game suggested by Paz is a major breakthrough in the didactic interplay. It must be analysed in a specific epistemic context if we want to understand what is concretely at stake in the activity studied. Here is the essential feature (which will be further detailed in the following paragraph). It is the underlying cultural stake (Loquet, op. cit., p. 144). Man is not a water being, he intentionally faces this element and adapts to it. This leads, among other things, to a reflex protecting his primal physiological need to breathe: the laryngeal closure reflex or pharyngo-glottal reflex. This relation to water functions fully in respect of cultural practices such as swimming and other water sports. And that is why, in the roaring lion game underwater, the forced expiration during the immersion of the face is targeted by Paz. Let us add that the forced expiration gesture, which is made while swimming, is a well-known and validated technique in the sport of swimming.

Second case study: earthquakes at grade 5

Our second case study consists of a geoscience education sequence at grade 5. The teacher of the class (called T3) is an experienced teacher. T3 has some twenty years of experience at grade 5 and he is known to be an effective teacher in the local district. This is one of the main reason why we choose T3 since we want to study an expert teaching practice. The studied classroom sequence is the last one of three sequences devoted to the study of earthquakes. In the first sequence, the students have worked on the characterization of earthquakes ans, in the second sequence, they have worked on measuring the strength of earthquakes. In the following, we conduct an analysis of this third sequence so as to reconstruct its didactic plot. T3 begins his teaching sequence with a question written on the blackboard: “What causes an earthquake?”. The causes of earthquakes is then the claimed issue of the sequence. First, T3 has his students working in pairs on an isoseismal map of the 1980 El Asnam earthquake (cf. fig. 1). T3 asks them to find the intensity in different towns (El Asnam, Oran, Alger) and to write an hypothesis explaining these differences of intensity.

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Fig. 1: isoseismal map of the 1980 El Asnam earthquake (from Tavernier & Lamarque, 1996, p. 428)

This map constitutes the first geological model of the sequence. It models the propagation of seismic waves through earthquakes effects. Indeed, isoseismal lines join locations of equal felt seismic intensity. This map thus supports a conceptual model of the propagation of seismic waves. The felt intensity decreases with the distance from the epicenter since the waves are attenuating. In the classroom sequence, T3 has his students write an hypothesis explaining the differences of intensity on the map, i.e. the concentric pattern of isoseismal lines. Then, he conducts the sharing of the students’ hypotheses. T3 states that there are three main hypotheses amongst the class: 1) earthquakes slow down with displacement, 2) the more we move away from the center of the earthquake the less we feel it and 3) it depends on the geography of the area, i.e. if it is near the sea, in the mountains or in the plains. T3 asks the students how to verify an hypothesis in science. A student answers that one have to do more research and another one that an experiment has to be done. T3 agrees with the latter and sets up a simulation of earthquake damages with wooden blocks representing buildings.

Fig. 2: T3's simulation of earthquake damages (upper view)

This simulation is composed of five wooden blocks, a carton sheet and a ruler. The wooden blocks represent buildings. The carton sheet represents the surface of the Earth. Hits on the

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represent various strengths of earthquakes. The five wooden blocks are disposed vertically and aligned with each other. They are also disposed at a distance so that the fell of one them doesn't lead to the fell of another. T3 explicates this simulation before demonstrating it several times. He solicits students' comments after each running of the simulation and asks them to discuss the three previous hypotheses. In the end, T3 validates the hypothesis “the more we move away from the center of the earthquake the less we feel it”. This simulation is the second geological model of the sequence. It is an analogical model of the propagation of seismic waves through their effects at surface. These effects are decreasing with the distance, as in the isoseismal map. At this point of the sequence, the didactic plot consists in articulating two different models of the propagation of seismic waves: the conceptual model of the isoseismal map and the model of the simulation of earthquake damages. This is what T3 wants to keep track of by asking the students to schematize the simulation with an explanation text. While the class is working, he circulates in the classroom and explicates that different views are possible (upper view, side view, perspective view). T3 reminds the students that this work, which is common in the classroom, to keep memory of experience. Then, T3 writes a short lacunary text as a recap of the sequence. He completes the gaps from the students' answers and the students copy the filled text. A student points out that this text doesn't answer to the title question of the sequence “What causes an earthquake?”. T3 agrees and claims that the following will do. After the copying is done, T3 projects a schema (cf. fig. 3) on the blackboard. This schema represents a town on a thickness of Earth's crust. In the middle of the town, a black dot represents the epicenter of an occurring earthquake. This schema has no text. Besides the schema, T3 also projects two pictures of faults damaging human-built structures (cf. fig. 4 and fig. 5). He stresses that this will bring an answer to the previous students' remark.

Fig. 3, 4 and 5: images projected by T3 on the blackboard (Fig. 4 is the cover of Yeats et al., 1997; fig. 5 is from the 1999 Taiwan earthquake)

T3 ask the students to explain the two pictures of faults. They answer with different types of displacements of the ground. T3 continues with the projection on the blackboard of a block-diagram representing the generation of waves along a fault (cf. fig. 6). He demonstrates this elastic rebound by the means of a plastic knife. T3 exerts a pressure on both edge of the plastic knife. It ends on breaking in two pieces. T3 terminates by filling the previous schema (cf. Fig. 7). The sequence ends with the students filling the second part of the lacunary recap.

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Fig. 6: generation of waves along a fault Fig. 7: filled schema

With such a teaching practice, T3 has his students working on four other geological models: two models of exemplar fault slips (fig. 4 and fig. 5) and two conceptual models of the generation and propagation of seismic waves (fig. 6 and fig. 7). Here again, the didactic plot aims at the articulation of more empirical models and more conceptual models.

Refining the Theoretical Notion of Epistemic Game

In the teaching-learning process, we consider epistemic games as embedded within the teacher-student transactions (Sensevy et al., 2008). Under such a perspective, we first refine the notion of epistemic game by making explicit the reasons why some enactements from didactics transactions can be characterized as epistemic ones. We advance that enacted epistemic games are necessarily referred to some of the features of the cultural practice actualized in a given didactic situation. Moreover, we claim that these didactic transactions can support more or less dense and specific enacted epistemic games. Secondly, we address the issue of the epistemic game for itself, i.e. outside the teaching-learning process. From this point of view, epistemic games account for effective cultural practices. They still are knowledge games but learning is not at stake. Efficient uses of knowledge are at stake and this efficiency legitimates to study such uses of knowledge in classrooms. Under this description, epistemic games constitute sources for didactic actions.

An enaction from the didactic action

This section focuses on specifying the epistemic practices embedded in the unfolding of educational practices. We follow Peirce’s principle of individuation (Peirce, 1878) which claims that different knowledges are actualized in different habits of action. If none, there are no different knowledges. For our research in education, we consider the reciprocity of this principle of individuation: different habits of action will lead to different knowledges. We then use the notion of enacted epistemic games to specify the habits of action supported in situ by the didactic game.

Swimming babies

The description of the case study highlights the transition from one game to another: from the making bubbles underwater game to the roaring lion game. In other words, there is a transition from a common game (making bubbles) to a learning game (playing a roaring lion). The common game is recognisable by its strong assimilating structure. The learning game is

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the process through which the parents make the child learn given knowledge; accommodation prevails over assimilation. The progression that the researcher identifies through the bottom-up analysis can be understood as progress towards a issue for Az’s and her parents’ activity. This issue is an epistemic game. Here it is the “forced-blocked expiration game”. Precisely observed, the game can be described as an “immersed locomotion source epistemic game” as practiced by competent swimmers. Indeed, epistemically speaking, the breathing rule makes it possible to encounter a fundamental technical stake in swimming: advancing from immersion without breathing, to immersion with breathing, in other words, from reflex apnoea to voluntary apnoea. Let us then consider a change from an epistemic point of view. When we practice a learning game similar to our case study, what do we ultimately learn? What enacted epistemic game do we become capable of playing? The answer is complex: From an anthropological point of view, three descriptors can be identified, as already mentioned above. Man is not a water being; the process of adjustment to the natural element water is cultural; it is essentially composed of emotions, body transformations and technical stakes.

Which emotions?

Emotions are fundamental for sports activities, collective archaic emotions, as specified by Jeu (1977). The “épreuve” which takes place in the underwater descent expresses an organic fear, the fear of drowning. All the receivers of the face signal the presence of the liquid element. We risk swallowing the water when opening our mouths in order to shout.

What type of body transformation?

In any sport practice, its participants have to transform their usual motor skills, in order to develop sport skills. That is why we have to ask to what extent there is an underwater conquest. As I have already mentioned, this conquest has to do with the voluntary suspension of the pharyngo-glottal reflex or laryngeal closure which usually protects the physiological need to breathe. We might say that there is a kind of dialogue at play, a dialogue between: a motor action (to shout means to practice forced expiration) and underwater perception (to relax the vocal cord muscles means to open the glottis). Both motor action and underwater perception can be associated with the representation (or the probably memorisable image) of the sign of non-drowning.

What is the fundamental technical stake?

The water milieu is alien and one may swallow a mouthful of water in it, as Az does at the beginning of the sequence. In order to become familiar with this milieu, one has to be able to move about naturally in it, to the point that one can “breathe” underwater. First, with this making bubbles common game a certain form of forced expiration is at work. Maz and Paz show Az how to play the game by producing big bubbles. Then, with help of the one, two, three… kissing, cuddling, tickling etc. immersion ritual, Az becomes more conformable, allowing her to imitate Paz in the underwater game, while blocking her breathing, with her mouth closed. Finally, it is her participation in the new roaring lion game which enables her to go one stage further in her forced expiration and her subsequent glottic opening.

Earthquakes at grade 5

Our second case study is a classroom session at grade 5. Its subject-matter at stake concerns earthquakes. In this section, we describe the didactic plot of this teaching sequence: the teacher T3 has his students work on different models of seismic waves and faults to make them reconstruct the earthquake mechanism. This didactic plot refers to an epistemic game of analyzing the dynamics of the earthquake phenomenon.

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The following excerpt is taken from the study of earthquakes mechanism in teacher T3's classroom. This sequence consists of 7 learning games: 1) explaining an isoseismal map, 2) sharing these explanations, 3) running a simulation of earthquakes damages, 4) schematizing the simulation, 5) filling the first part of the recap, 6) explaining pictures of faults and 7) filling the second part of the recap. Our excerpt takes place during the third learning game “running a simulation of earthquakes damages”. In this learning game, the teacher runs a simulation of earthquakes damages as the distance from “epicenter” increases, with wooden blocks representing buildings. After each simulation, the teacher asks the students to discuss the hypotheses from the previous learning game “sharing the explanations”. That's what happens in the excerpt.

267 William There are three that have fallen and this one on the right that has moved

268 Teacher

Yes but that's not enough for me

269 Student

The closest ones to

270 Teacher

There are three that have fallen but they were the closest to how have we called that

271 Student

To the shake

272 Teacher

To the shake or to [looking to the blackboard] the center is it thus the shake that have moved

273 Student

No

274 Teacher

Did it happened here here here [showing three different locations]

275 Monica

No it has just a little

276 Teacher

Thus the sha has the earthquake moved

277 Student

No

278 Teacher

Where did it happened

279 Andrew

It makes a it makes a wave

280 Teacher

Ah it's called a wave that's not the earthquake that has moved that's the wave

Here, the teacher sets up a confrontation between a result from the simulation and one of the hypotheses previously written on the blackboard. What kind of epistemic games could be enacted from this learning game ? We answer this question by analyzing which use of the knowledge may be at stake in the winning strategy of the learning game. The use of knowledge at stake here is to confront hypotheses with results from a simulation so as to state reasons for or against these hypotheses. We then characterize the enacted epistemic game as “critiquing explanations by the means of simulation”.

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To give a precise meaning to “critiquing”, we use here the taxonomy of epistemic tasks designed by Ohlsson (1996). Ohlsson defines critiquing as “to critique a cultural product is to fashion a discourse such that a person who partakes of that discourse becomes aware of the good and the bad points of that product” (op. cit., p. 51). In our specification of epistemic games, we use Ohlsson's taxonomy, and its extension by Tiberghien, Buty and Le Maréchal (2005), as a resource, like above for the definition of critiquing. But, unlike Ohlsson, we do not a priori consider it as exhaustive. Our methodology to characterize enacted epistemic games consists in analyzing the winning strategies of learning games. We then consider the requirements of the less demanding strategy to reconstruct a specific enacted epistemic games. In this analysis, we rely on one leading question: “What are the students made capable of if they win this learning game?”. Our analysis of this case study produces results summarized in the following table.

Learning Games Enacted Epistemic Games Modality Duration (mm:ss)

Explaining an isoseismal map Pair 08:20

Sharing these explanations

Explaining concentric patter of isoseismal lines

Collective 11:24Running a simulation of earthquakes damages

Critiquing explanations by the means of simulation

Collective 08:33

Schematizing the simulation Individual 16:19Filling the first part of the recap

Writing an answer to the question “What causes an earthquake?” Collective 06:40

Explaining pictures of faults Partaking to a discourse of scientific vulgarization

Collective 14:42

Filling the second part of the recap

Writing an answer to the question “What causes an earthquake?”

Collective 08:12

74:10

Table 1: Learning games and enacted epistemic games in the second case study

The geological concept at stake in the case study is the earthquake mechanism. This analysis of enacted epistemic games allow us to characterize the type of conceptual understanding which students might acquire from participating to the classroom session.

A source for the didactic action

The aim of this section is to characterize the cultural practices that serves as references to our two case studies. We account for them as source epistemic games, since they are knowledge games at the origin of these case studies. Indeed, the swimming babies case study refers to swimming underwater and the earthquake case study refers to the concept of earthquake mechanism.

Swimming underwater

Sport techniques are solutions invented by men faced with problems they themselves have created (Léziart, 2010). In our example, there is clearly a rule, which is purely a language and a conventional rule, formulated by the father: you have to learn how to blow underwater if you want to become a good swimmer; but it is the epistemic rule for blowing which determines the outcome, and this rule is physical and functional: the control of the pharyngo-glottal reflex is the technical tool forged by swimmers during a continuous cycle of breathing in/breathing out so as not to get out of breath and to keep on moving underwater and this is of great importance in the case of swimming babies.

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This case study shows that, from the point of view of the epistemic game, our three-year-old girl has made contact with a cultural object that belongs to our sport culture. We can assume that through this contact, the young girl’s body transformations, emotions and techniques can be developed.

Earthquake mechanism

The actual conceptual understanding of the earthquake mechanism refers to the theory of the elastic rebound. This theory was forged by analyzing the dynamics of the earthquake phenomenon. Looking back to the history of seismology, the epistemic game “analyzing the dynamics of the earthquake phenomenon” is composed of three epistemic plays: 1) explicating the dynamics of earthquakes as a wave propagation (Mallet, 1846), 2) arguing whether faults are caused by earthquakes or earthquakes are caused by faults (Kotô, 1893) and 3) explaining how faults can create earthquakes (Reid, 1910). We analyze them in their chronology. In turn, these three epistemic plays can be considered as source epistemic games for the didactic action.

Conclusions: Where are the Epistemics in Didactic Situations?

The epistemics are both embedded in didactic situations and at the origin of didactic situations. In a top-down/bottom-up perspective, we consider two different natures of epistemic games: a) epistemic games enacted from the unfolding of learning games and b) epistemic games referred as sources for learning games.

A foliation of layers of knowledge games

Thus, our analyses in JATD result in a foliation of layers of knowledge games: learning games, enacted epistemic games and source epistemic games. To be more accurate, learning games and epistemic games differ in their nature while the difference between enacted and source epistemic games is a of degrees. Indeed, learning games and epistemic games are different in their nature since the former are organic to the teaching-learning process whereas the latter are outside the teaching-learning process. Concerning enacted and source epistemic games, we consider them in differences of degrees. They both have the same knowledge at stake (the swimming underwater or the earthquake mechanism) but this knowledge is not worked at the same degree of expertise.

A renewed perspective on efficiency in education

Our two case studies show how we produce an account for the knowledge practices embedded in the educational practices. In our analyses, we describe the teaching-learning processes as a succession of games and rules giving meaning to these games. This leads us to characterize the dialectic between learning games and epistemic games enacted from the learning games. We then are able to compare these enacted epistemic games with the source epistemic games, i.e. the effective cultural practices with the knowledges at stake. Our analyses result in a foliation of layers of knowledge games: learning games, enacted epistemic games and source epistemic games. Finally, we address the issue of the efficiency of the teaching practices by analyzing the convergent elements and the divergent elements between these different layers. We conclude that this qualitative distance between the different levels of knowledges games is a determination of the efficiency of the teaching practices.

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A grammar of continuity and distance in the teaching-learning process

Our analyses produce of foliation of knowledge games within the continuity of the teaching-leaning process. We consider the relations of continuity and distance between knowledge games as part of the grammar of the teaching-learning process. First, the teacher designs learning games. Second, these designed learning games become effective learning games in teacher's and students' action. Third, effective learning games may enable the students to gain some elements of knowledges at stake in enacted epistemic games. Due to their difference of nature, we consider a qualitative distance to the gain (Santini, op. cit.) between the learning games and the enacted epistemic games. This distance may be viewed as the amount of “moves” the students need to “play” by themselves so as the teacher can legitimately acknowledge that they learned the knowledge at stake. Fourth and last, the extinction of the didactic relation (Mercier, 1998) leads the students from enacted epistemic games to source epistemic games, whether they are successfully capable of playing them or not. As a final point of conclusion, we summarize this grammar of continuity and distance in the teaching-leaning process with this last figure.

Fig. 8: Continuity and distance between knowledge games

References

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Studying the didactic semiosis of an aid device designed to help students with learning difficulties in mathematics

Isabelle Nédelec-Trohel CAREF

Dominique Forest CREAD 3875, IUFM de Bretagne-UBO

Abstract: This communication focuses on a study of teaching practices with students with learning difficulties in mathematics, in primary school education. The question of subtraction problems is a source of difficulty for many young students (McCarthy, 2004; Carpenter, 2004). In this chapter we observe a special teacher and an ordinary teacher working together with 8-9 year-old students (third level) working on a problem where the unknown term is the second of the additive structure (Vergnaud, 1998), as in 32 + ? = 64. Our research comes under the scope of the Joint Action Theory in Didactics paradigm (Sensevy et Mercier, 2007). We use the model of the game (Sensevy, 2011b) to take into account the logical structure of the teaching-learning process. We describe the situation as a succession of learning games, which are related to cultural practices we modelize as epistemic games. In this chapter we analyze both teachers' (special and ordinary) teaching practices during a solving problem session with the whole class. Doing so, we show how the students get involved in the production of new meanings thanks to specific semiosis processes, including language, proxemic and graphic dimensions, embedded in a succession of learning games.

Introduction

This paper aims to show, in a mathematical situation about subtraction, what kind of verbal and non verbal transactions are going on. The analysis argues that different kinds of knowledge, not only mathematical ones, are at stake in this situation, and that these different types are intertwined in various semiotic processes. Identifying these processes can help to understand some difficulties that are encountered by teachers and students in such mathematical situations. Doing so, we try to illustrate the epistemological potential of the theory we are using for the description of the situation.

In a first part of the paper, we describe the specific school context in which two teachers and their pupils attempt to deal with a subtraction problem, and we describe the session that supports our study. In a second part, we explain some elements from the Joint Action Theory in Didactics (JATD), and from the methodology we are using for video-analysis. In the third part, we describe the situation as a succession of “learning games”, and we go on with the study of “epistemic games”, that we analyze as emerging from the joint action of teachers and students. We conclude with a discussion about the results, from empirical, methodological and epistemological viewpoints.

A context including low achievement students

A specific aid device

In French primary school education, students with learning difficulties are supported in a special teaching device called RASED21. When a student has lasting difficulties in French

21 RASED : Réseaux d'Aides Spécialisées aux Élèves en Difficultés (Network for Specific Help to Low

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or Mathematics, a special teacher is responsible for teaching aid. He has to design an aid-project in collaboration with the ordinary teacher of the class who determines the learning objectives to be reached.

In this kind of project, the special teacher works about 45 mns with small groups of students once or twice a week, for nearly six weeks, in a work structure called “Special Grouping”22 (SG). They work on previous pieces of knowledge on which students failed, and also by anticipating new pieces of knowledge. At the end of these sessions, then these students and the special teacher diffuse the knowledge studied in SG to the other students in the classroom. This session (or sometimes these sessions) is (are) called “dissemination session(s)”. Teachers hope these students will succeed in being involved in class activity (SP) but generally the gap is widening between them and the other students.

The case we studied takes place in primary school, with 8-9 years old students (third grade). Table 1 shows the composition of the aid device :

Table 1: structure of the aid device

After five sessions in SG (Tutorial System), there are four sessions of dissemination about numeration in the classroom (Dissemination). Previously, the ordinary teacher asked the special teacher to work together on solving additive problems in the classroom (Solving Problems). They elaborate and bring jointly an instructional approach in order to involve the low achievement students in class activity. The instructional approach about solving additive problems is composed of seven sessions.

In the second session, students solved an additive problem called “Lucy”, where the unknown term is the second of the additive structure (Vergnaud, 1982), as in 32 + ? = 64. Only eleven students found the correct solution, three students made a miscalculation and seven students developed a wrong strategy. In the third session (Session 3) the special teacher tells the students that the answers are different and he suggests them to find the solution together.

Elements from an a priori analysis of the problem “Lucy”

We update some elements from an a priori analysis (Mercier & Salin, 1988) of the mathematical problem called “Lucy” chosen by the teachers. This additive problem concerns the research of the value of the addition (base complement additions) :

Lucy has a collection of 84 charms. Her friend Julia gives some to her. Lucia now has 104 charms. How many charms did Julia give to Lucy?

It can be symbolized like this (fig 0) :

Above is another representation of the problem « Lucy » :

Achievement Students).

22 French denomination is “Regroupement d’Adaptation” (RA).

92

Three clauses Question

Lucy has 84 charms. Her friend Julia gives her some.

Now, Lucy has 104 charms.

How many charms did Julia give to Lucy ?

Initial state: known value

Mathematical relation : Julia give charms to Lucy.Positive transformation:

unknown value

Last state : known increased value

Attention on Julia’s action

Table 2: Structure of the problem ‘Lucy’

This mathematical wording is made up of three clauses in a chronological order : initial state, positive transformation and last state (Vergnaud, 1986) and a question. Students can meet two difficulties, first, the inversion of the direct transformation : F = T (I) ===> T = F-1 (I) which constitutes a conceptual difficulty and the primitive conception of addition as a benefit and of subtraction as a loss.

Students have to produce a strategy but some of them cannot count with an unknown transformation and others cannot think of transforming the problem to get a solution by counting (from 104 to 84 or from 84 to 104) ; and, some of them could add 84 to 104 (systematic addition) : they could understand “Lucy has now 104 more” or “Julia gives her 104” ; in fine, there is an object of transaction between two characters : who has more and who has less ? Several processes are used : firstly they can mentally count down 20 behind from 104 or count two ten-jumps from 84 to 94 and from 94 to 104 ; secondly, they can count a complement addition ; last, the most expert process is to subtract 84 from 104.

First description of the studied session

We produce a synopsis of the Session 3 which is composed of eight steps (Table 3) and a short abstract of it. Our examples of analysis will mention the grey part, stages 5 and six.

N° Tts Steps

1 1 T2 asks all the students to be careful before beginning the solving problem task in mathematics.

2 1 On the blackboard there is a large paper on which the problem « Lucy » is written. T2 reads it to the students. He gives us their different answers and he leads them to the position of students-researchers to produce a solving strategy collectively.

3 1 to 22 Marjory found zero. T2 asks Marjorie to go to the blackboard to explain her strategy, she does it correctly. T2 asks students to rephrase : who gives who ?

4 22 to 43 T2 tries to stop confusion about the transaction from Julia to Lucy. And T2 brings the first word of the wording (Lucy) to the students’ attention .

5 44 to 71 T2 relies on Fahiza’s utterance to work on temporal structure (beginning and end) with little cards stuck on the mathematical wording.

6

71 to 104 On the blackboard T2 writes two proposals from Fahiza : 84 it is the beginning and 104 it is the end. T2 products a mathematical notation to update the mathematical relation :

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Beginning End 84 104

Controversy between two students Fahiza et Mila : the end of the problem (104) and the end of calculation (84 + ? = 104). Fahiza argues her proposal « 104 it’s the end » telling T2 (Tdp 82) « because if not, there would be another number before”.

7 104 to 118 T1asks T2 to mime the problem. T2 does the confirmation of the students’ results with a staged presentation of the problem.

8 119 to end T2 aks three students to give their process to the other students: Ali tells them he finds 20 without an explanation, Mila draws on the blackboard two decimal jumps from 84 to 104 and Loretta writes her complement addition.

Table 3: Synopsis of the studied session

In stages 1 to 4, T2 guides the students to determine “who gives ?”. He invites Marjorie (a student with learning difficulties in mathematics), who found zero, to explain her strategy. She says she believed “it was Lucy who gave zero charms to Julia”. Then in stage 5, T2 engages students to determine the three states of the problem by a temporal structure (beginning, centre, end) of the wording clauses. In stage 6, the misunderstanding about the “end” (of the story, or of the problem) leads the teacher to draw a table including the data. But Mila and Fahiza do not agree about “result = end”, so P1 asks P2 to mime the wording clauses of the problem. T2 goes on the confirmation of the situation by the staged presentation. By the end, T2 gives students two procedures to find the solution: Mila’s skill is to do two jumps from 84 to 104 referring to the table of numbers and Lola proposes a complement addition with a miscalculation. T2 ends the first part of the session by giving three states : the beginning is 84, we do not know the center, and the end is 104.

JATD: theory and method

What about didactics ?

We name didactic any activity in which someone tries to teach some knowledge to someone who tries to learn. The Joint Action Theory in Didactics (Sensevy et Mercier, 2007, Sensevy, 2011a, 2011b) considers this activity as a system, the didactic system, which can be described through three subsystems, the subsystem of Knowledge (the piece of knowledge at stake), the subsystem of the Teacher, and the subsystem of the Student.

By emphasizing that didactic action is joint action, we argue that if you want to describe didactic transactions, you have to take into account both teacher's and students' joint attention (Eilan et al., 2005), and you have to describe the semiosis process in this joint action, according to knowledge at stake (Sensevy & Forest, in press)..

Teacher paradox and learning games

If we compare a didactic situation with some other in the natural world, we can argue that it is a very particular one: it's a situation where someone wants to have something done by somebody else. But this second person has to do this from themselves, in a proprio-motu way.

Following Sensevy (ibid), we can describe this kind of situation as a game that involves two players, A and B. B (the teaching pole) wins if and only if A (the student pole) wins, but B must not give directly the winning strategy to A. Even in more framed activities, the student needs a certain kind of autonomy, and the teacher has to keep tacit/unstated the

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main knowledge at stake. In order to win the didactic game, the teacher cannot act directly or give the answer to the student, and the student has to act on his own initiative. So, the teacher has to engage students in a succession of activities, where she they can scaffold the student's action to lead them to produce the right way of action, and perception. In the case studied below, students have to see a plot as a problem, and recognize a mathematical structure in this problem. We describe these activities as “learning games”, using for that the notions of “didactic contract”, and “milieu”.

The didactic contract (Brousseau, 1997, Sensevy, 2011b) refers to a system of habits that give students and teacher a common background for the didactic transactions. This system emerges from the repetition of situations, and is fostered by the previous everyday joint action, as a thought style (Fleck, 1981) attached to a kind of problems students have to solve.

The didactic milieu represents a system of objects that can be both material and symbolic, according to the knowledge at stake. In a teaching-learning situation, students have to “adapt” the contract to deal with this milieu, that can be an “antagonist” milieu (Brousseau, 1997), if the teacher’s and students’ joint habits cannot directly deal with it. A fundamental idea is that experiencing the resistance of the milieu makes the students encounter their ignorance, and the need for a knowledge that will bridge this “ignorance gap”. The milieu brings a kind of resistance to the joint action, as we will see in the case studied below.

According to these definitions, a learning game can be seen as a kind of didactic contract that engages students to act in/with/on a kind of didactic milieu. Therefore, describing a learning game consists in describing the milieu and the contract and their relation in the teacher and students joint action. A change in the contract or in the milieu involves, in most cases, a change in the learning game they support.

Knowledge and epistemic game

The knowledge at stake has to be described to analyse didactic transactions. A classroom observation shows that the classroom knowledge can't be the same as the reference knowledge. Describing knowledge as an “epistemic game” attempts to give a more actional description of it. The epistemic game emerges as a skill in the didactic action, from the description of this action.

We call “source epistemic game” the system of capacities, the skills as they can be described when we observe a scholar of a domain acting in this domain. The source epistemic game exists outside the didactic situation. For example the capacity for an educated adult to understand the plot from a story he is listening to, is a kind of epistemic game, studying the story to identify its structure is another one, not exactly the same.

We identify the source epistemic games according to the effective epistemic games enacted during the session. This identification allows us to value the distance between the knowledge in the student's activity (effective epistemic game) and the knowledge in the cultural reference practice for this kind of activity. Such an analysis aims to provide us with a better understanding of the didactic transposition phenomena (Chevallard, 1991)

Describing semiosis process in joint action

According to the necessities of the didactic game, and the proprio motu clause, students have to act in a relevant way, and enact a firsthand relationship with the milieu. In other words, one can say that students have to recognize in the milieu some signs, that are signs of the piece of knowledge at stake, and they may be able to see them in a new way. As

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Sensevy & Forest (2012) say, “They have to build an accurate seeing-as (Wittgenstein, 1997) in a specific thought style (Fleck, 1979)”. So learning can be seen as a semiosis process, in which students produce and decipher two kinds of signs : i) the signs of the milieu, that are not intentional signs, and ii) the signs of the contract, that orient the action in the milieu.

Verbal, non-verbal and spatial phenomena have to be taken into account together in the situation to describe this "twofold semiosis" (Sensevy, ibid). For these reasons, our analyses are grounded in video recording of the sessions (Forest & Mercier, 2011). The non-verbal and spatial fittings are observed by a proxemic analysis (Hall, 1963, 1966, Forest, 2009). The analysis is supported by a hybrid system of representations that combines photograms, utterances, and commentaries.

Description of the situation

A succession of learning games

Two facts question us. First, about the controversy between Mila and Fahiza (phasis 6), the point of view of each student is not easy to detect. Do or do they not agree about “104, it’s the end”? Here we point a difficulty. And we also ask T1’s choice to do a stage presentation of the wording in a way to unravel the controversy. To make a link between these two facts it is necessary to identify precisely what T1 and T2 are doing. Then we criss-cross several watchings of the video, lead a microscopic analysis of the transcript with references to the synopsis and we use the TACD models to question what specific learning games T2 and T1 are making the students play during session 3.

.

Graph 1 : A system of learning games in Session SP3

In this system we observe two types of learning games : those which belong to a narrative world (GA1, GA2 and GA4, grey frames) and those which refer to a mathematical one (GA3, GA5 and GA6, white frames). Now we focus on two specific learning games, GA2 and GA6.

The end of the story is not the end of the problem

At the beginning of the session, some students seemed to have difficulties in identifying the main structure of the problem. The teacher led them to identify who was

GA6 : Making identify the centre of the problem with mathematic notation

GA5 : Making calculate the complement by successive decimal additions

GA4 : Making reproduce a staged presentation from a wording clause with a validation

LGA3: Making identify, complement

LGA2: Making identify the beginning and the end of the working clauses

LGA1: Making understand in a wording clauses « who gives who»

Learning game A solving collectively the problem Lucy (T+)

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giving, and who was receiving. But now, the students have to determine where the missing term is. The episode below (stage 5 of the synopsis) takes place at Speech Turns (ST) 44 to 71, when the teacher invites Fahiza to show the temporal structure of the statement. At ST 48, Fahiza seems to understand the problem, and she rephrases the statement : There is a difference, it is when she has 84 at the beginning, and after Julia gave some to her, she has 104. After asking students to listen, and Fahiza to repeat, the Teacher asks Fahiza to go to the blackboard, showing three labels where the words: Beginning, Middle, End are written (fig 1):

Problem Lucy Lucy has a collection of 84 charms. Her friend Julia gives some to her. Lucia now has 104 charms. How many charms did Julia give to Lucy?

ST 49 – T(eacher)2: Come on, come and put the label where you think there is, it is, it's the beginning. You understand what I mean? Yes? You understand? ST50 – Fa: Yes ST51 – T2: You talked about the beginning, why? Come and show us...

As the difficulty seems to be the localization of the unknown term, the teacher focuses the student's attention on the structure. We have here to note that these three labels were used before by these students, during another lesson, about the narrative. The word problem, at this moment, is seen as a story (fig. 2 and fig.3):

ST 52 – Fa: Lucy, she gets 84... ST 53 – T2: OK, good (she takes the label from the student's hand)

ST 54 – Fa: ...and after, it's the end ST 55 – T2: and here, you say that it is the beginning +++ the beginning of the problem...

In this short extract we see that the student, according to a narrative analysis, points

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the beginning and the end of the statement. We note that the teacher doesn't take back the last utterance of the student, “it's the end”. Instead, she points again the beginning, “the beginning of the problem”. We can observe at this moment a kind of misunderstanding, which will be confirmed later (fig. 4):

ST 55 – T2: ...+++At the moment, we put it like this. And after that, there is another thing to say ? ST 56 – Fa: After that, hu, she has more... ST 57 –Mi: The middle! ST 58 – Fa: She gets 104 … ST 59 – Mi: It's the middle! ST 60 - Fa: She has got 104 ST 61 – T2: So, what would you get? You could choose something here (showing labels) ST 62 – B: The end

We can see through the utterances the contrast between the mathematical world of the teacher (there is another thing to say...), which seems to be shared by some students (the middle !) and the narrative world of Fa (after that, hu, she has more...). Despite numbers and the question “how many?”, the milieu doesn't provide the need of mathematical thinking for Fa and some other students (fig. 5):

ST 62 – B: The end ST 63 – T2: you, you are saying that it is the end, B... ST 64-68 – Students: no! No ! No, It's the middle! It's the middle! ST 69 – T2: Ha, here we don't agree (turning to Fa). What do you say, you ? ST 70 – Fa: The end

A kind of controversy appears between the students, about what the teacher named previously “the other thing to say”. Some of them argue that this "other thing" is the end (of the story), and some others think that it could be the middle. If we analyse the utterances, it seems that Faziha has understood the plot perfectly (ST 52: Lucy, she gets 84 ; ST 54: and after, it's the end ; ST 56: after that, she has more ; ST 58: she gets 104). But the teacher is doing mathematics, and she wants the students to localize what data is missing.

The teacher suggests the students to use labels that come from a previous narrative activity. The statement of the problem includes two numbers and a question. But from a narrative viewpoint, unfortunately, the numbers can be seen as signs of the beginning and of the end of the story. If one sees the statement as a plot, we can consider that when we know

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the outcome of the plot (Lucy has 104 charms), there is no need to go far away. So, we can argue that the learning game that is being played in this episode is a kind of narrative one, in which the students win if they understand the story, and identify its structure: the beginning, the end, and may be the middle.

Using the theoretical categories, the didactic contract seems to be shaped by previous narrative studies, and the milieu (labels, utterances) provide meanings that are partially recovering, for some of the students, the mathematical stake of the situation.

Modeling with a table

After this, we know that T2 asks Fahiza and Mila to mime the wording clauses of the problem to solve the controversy. They give students a staged presentation with a validation. Now we focalize on the learning game GA6 (Making identify the centre of the problem with mathematical notation), when P2 asks Mila to write her procedure on the blackboard (fig. 6):

1.T2 (to Mila) : Go on, you take the chalk and you explain your procedure to us. (to students) Look at what Mila has done. (to Mila) Go on, do your schema and after we will watch. 2. Mi (Mila goes to the blackboard. She writes 84 and 104) : I have done 104 and … 3.T2 : Louder ! 4.Mi : I wrote 104 and hum I told myself hum, I told myself I can do rebounds, 5. T2 : shh, Alan ! 6.Mi : Some jumps of 10, I did one to get to 94 7.T2 : What did you do on your sheet ? Show, do you want me to bring you your sheet ? No, you do remember.

Just before Mila goes on writing her procedure, T2 showed to her with her hand a specific place on the blackboard. It is the reason why Mila draws her schema under the temporal table. So, she writes 84 under 84 (table) and 104 under 104 (table) and she completes the area between those numbers with two jumps in which she writes ten. T2’s intention is probably to help students to make a link between the temporal table (beginning, centre, end) drawn at the top of the blackboard and Mila’s procedure. The jumps drawn by Mila are under the question mark and it can constitute an easy procedure to answer the question of the wording “how many charms did Julia give to Lucy ?”. T2 engages students to symbolize the unknown value with a procedure which refers to decimal counting. On the right side of the blackboard there is a numerical table from 0 to 139. That numerical table was used just before by T2 and Marjory so as to identify the decimal jumps between 84 to 104 (fig. 7):

99

8. Mi (drawing two jumps from 84 to 104, writing 10 in each jump): I jumped 10 and there I did 93 (write 93 on the first jump) 9. T2: Ho ! 10. Mi (rubbing 93 and writing 94): hum 94, and after another jump 10, it is 104 (writing 104 on the second jump)

Mila’s scheme is not correct, she writes 94 at the bottom of the first jump and 104 on the second jump. She is listening to T2’s utterance (fig.8):

11. T2: Oh yes, then, wait, the 94, it is here (showing the place between the jumps), I am going to wipe what you have written, to make it correct, (wiping 10 in each jump and the numbers written on each jump) then be careful, you have done a ten-jump and you made it to 94 (writes 94 on the first jump) and you have done another jump and you made it to 104 (writes 104 on the second jump). Look, it is 20 (circling 20), it is the answer we are expecting (circling 84 and 104 and drawing an arrow from 20 toward the question mark in the temporal table […] (to Mila) Would you like to say something? 12. Yes, first, she has 84 and after we do not know how many she has given and hum it makes 104, as the beginning, the centre and the end. 13. T2 : That's it ! Then, you agree, now? 14. Mi : Yes

T2 goes on correcting Mila’s schema, she wipes the numbers (94 et 104) written at the top of each jump. T2 writes 94 under the jumps and she adds 20 at the top of the jumps. She circles 20, 84 and 104 and she makes an arrow from 20 to the question mark. In doing this, T2 makes a direct link between the result (20) of Mila’s procedure and the centre of the temporal table that is referring to the question of the problem. Mila’s utterance (TS 12) “Yes, first, she has 84 and after we do not know how many she has given and hum it makes 104, as the beginning, the centre and the end” shows two aspects: she uses two temporal connectives (first, after) to structure the wording clauses and she gives a complete reformulation of the "Lucy" problem by using the temporal terms. We can observe that the learning game studied (LG6) belongs to the mathematical world by producing a symbolization of the mathematical relation (84? 104) linked with temporal states (beginning, centre, end) and with decimal jumps (procedure).

Learning games and epistemic games

We produce a new scheme to show the links between learning games and epistemic games we begin to identify in the analysis:

100

According to our short analysis, the learning games studied belong to different worlds. We think that LGA2 would be from the mathematical world and LGA6 from the narrative world. So, it was necessary for us to identify each epistemic games which refers to each learning game. We link LG2 to EG2 : Understand the structure of a story and LG6 to EG6 : Modelize a situation “research of the unknown term of a sum". And in fact we observe that the students are faced with two different frameworks, two different didactic contracts and two different milieu that we have now to go on inquiring.

Conclusion

This paper throws a light on practices of solving problems in a way to fight beliefs we could meet at school. Some teachers think that students fail because they do not understand the story of the wording clauses. But sometimes students fail because they do not get ways to identify the mathematical model. We think the analysis of the semiosis of teachers’ and students’ jointly actions by identifying specific learning games linked to epistemic games could give us counseling to perform mathematical practices at school.

Learning game A solving collectively the Lucy problem (T+)

LGA: Making

understand in a wording clauses

« who gives who»

LGA2: Making identify

the beginning and the end of the working

clauses

LGA3: Making identify,

complement

LGA4: Making reproduce a

staged presentation from a wording clauses with a validation

LGA5: Making calculate the

complement by successive

decimal additions

LGA6: Making

identify the centre of the problem with mathematic

notation

EG2: Understand the structure of an story

EG source: Modelize a situation with additive structure

EG6: Modelize a situation “research of the unknown term of a sum”

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