les hébreux en classe de 6e, nouvelles problématiques · ils trouvèrent des concordances entre...

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Site académique Aix-Marseille Histoire et Géographie Les Hébreux en classe de 6 e , nouvelles problématiques Nadine Baggioni-Lopez Le 30 novembre 2005 Professeure d’histoire-géographie Académie d’AIX-MARSEILLE [email protected] Table des matières Avant-propos I) Histoire des Hébreux et des Juifs dans l’Antiquité : rappels et nouvelles voies de la recherche - Bibliographie - La Bible, des Bibles et brève histoire de la recherche - Abraham - Le récit de la Torah : d’Abraham à Moïse - Les récit des prophètes antérieurs : conquête et monarchie unifiée - Les premiers Israélites : ce qui dit l’archéologie - Les royaumes d’Israël et de Juda - L’exil, le retour de l’exil et le second Temple - Les Juifs et l’hellénisme : les dominations grecques et romaines - Après 70 : la naissance du judaïsme rabbinique II) Approches didactiques, propositions pédagogiques A) Quels problèmes pose l’étude de cette civilisation en classe de 6 e ? - 1. Les résonances contemporaines de l’étude pour les élèves - 2. Le vocabulaire, les notions et leurs résonances contemporaines - 3. Résonances dans la transposition didactique : les programmes - 4. Résonances dans la transposition didactique : les manuels scolaires et les exercices proposés aux élèves B) Problématiser : quelle approche sur le programme de 6 e en général et sur cette leçon en particulier ? - 1. Problématique générale du cours de 6 e - 2. Insertion de la leçon sur les Hébreux : réutilisation des leçons précédentes

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Site académique Aix-Marseille Histoire et Géographie

Les Hébreux en classe de 6e, nouvelles problématiques

Nadine Baggioni-Lopez Le 30 novembre 2005 Professeure d’histoire-géographie Académie d’AIX-MARSEILLE [email protected]

Table des matières

Avant-propos

I) Histoire des Hébreux et des Juifs dans l’Antiquité : rappels et nouvelles voies de la recherche

- Bibliographie

- La Bible, des Bibles et brève histoire de la recherche

- Abraham

- Le récit de la Torah : d’Abraham à Moïse

- Les récit des prophètes antérieurs : conquête et monarchie unifiée

- Les premiers Israélites : ce qui dit l’archéologie

- Les royaumes d’Israël et de Juda

- L’exil, le retour de l’exil et le second Temple

- Les Juifs et l’hellénisme : les dominations grecques et romaines

- Après 70 : la naissance du judaïsme rabbinique

II) Approches didactiques, propositions pédagogiques

A) Quels problèmes pose l’étude de cette civilisation en classe de 6e ?

- 1. Les résonances contemporaines de l’étude pour les élèves

- 2. Le vocabulaire, les notions et leurs résonances contemporaines

- 3. Résonances dans la transposition didactique : les programmes

- 4. Résonances dans la transposition didactique : les manuels scolaires et les exercices proposés aux élèves

B) Problématiser : quelle approche sur le programme de 6e en général et sur cette leçon en particulier ?

- 1. Problématique générale du cours de 6e

- 2. Insertion de la leçon sur les Hébreux : réutilisation des leçons précédentes

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3. Quelques problématiques pour la leçon sur les Hébreux ?

C) Quelques pistes pour une application pédagogique

- 1. Première période. Le royaume de Juda au temps du roi Josias, le peuple juif au temps de l’exil et du retour : la rédaction de la Bible

- 2. Deuxième période. Le second Temple, sa destruction, la naissance du judaïsme rabbinique.

- 3. Évaluations :

Conclusion

Annexes

L’alphabet hébraïque

Carte du Proche-Orient ancien

Hébreux et Juifs dans l’Antiquité : chronologie

Tableau comparatif sur la Bible : histoire réelle et ce que veulent prouver les rédacteurs (version remplie)

Tableau comparatif sur la Bible : histoire réelle et ce que veulent prouver les rédacteurs (version élèves)

L’hellénisation des peuples barbares dans l’Orient hellénistique

Comparer deux textes qui se ressemblent : contrôle sur le Déluge

Comparer deux textes qui se ressemblent : contrôle sur l’Exode et le retour d’exil

Avant-propos

Refaire toute la séquence de 6e sur les Hébreux me trottait dans la tête depuis longtemps. Je n’étais absolument pas satisfaite de la

manière dont je l’enseignais. J’avais déjà réfléchi sur le programme de 6e en mettant en problématique centrale les idéologies,

j’enseignais aussi depuis un certain temps la période du second Temple dans le cadre de la civilisation hellénistique. J’avais aussi dû

aborder l’histoire hébraïque dans mes recherches (DEA et thèse en cours) en histoire littéraire byzantine. Je passais également un

certain temps à expliquer aux élèves la complexité de ce document particulier qu’était la Bible.

Je continuais cependant à faire comme tous mes collègues, suivre le manuel, et donc observer avec les élèves la carte des migrations

des Hébreux, Abraham, Joseph, Moïse, la royauté unifiée, etc. Je me contentais d’apporter quelques nuances et d’émettre des doutes.

Je savais surtout que j’enseignais des choses douteuses, où la légende se mêlait confusément à la vérité historique, et je faisais part de

mes interrogations aux élèves ! Je séparais aussi clairement que possible les Hébreux d’hier et les juifs d’aujourd’hui.

Je me suis décidée à prendre le taureau par les cornes quand j’ai reçu dans ma classe en 2004 un stagiaire en pratique accompagnée

qui s’est chargé de cette séquence avec une classe de 6e. Cet enseignant débutant a bien évidemment fait toutes les fautes des

débutants ; confusion entre récit historique et récit biblique voire… filmographie hollywoodienne avec une classe enthousiaste. Je lui ai

fait des remarques, je l’ai rassuré aussi, cette leçon est la plus dure de toutes les leçons de collège ! Je lui ai alors promis de réfléchir

moi-même à cette leçon pour voir ce qui allait et ce qui n’allait pas. Je me suis plongée dans des lectures universitaires récentes, j’ai

discuté avec des personnes qui étudient la question et je me suis penchée sur les pratiques pédagogiques et leurs implications.

3

Mon travail a débordé le cadre initial que je m’étais fixé mais je pense que cela en valait la peine. J’attends à présent des critiques de ce

travail, susceptibles de m’aider à l’améliorer.

Pour toutes les raisons qui vont être développées, l’enseignant se doit d’être exigeant avec lui-même sur un tel sujet où tout le monde

(y compris moi-même !) dérape et doit avoir une attitude d’historien : connaître l’Histoire, et à partir de là, problématiser, comparer et

critiquer les sources, et mettre ces outils à disposition des élèves. Il s’agit d’enseigner le fait religieux dans le cadre de la laïcité, donc

d’enseigner de l’Histoire avant tout, en se dégageant du poids des habitudes et des pressions religieuses.

I) Histoire des Hébreux et des Juifs dans l’Antiquité : rappels et nouvelles voies de la recherche

Bibliographie

BASLEZ, M.-F., Bible et Histoire, Fayard, 1998.

BORDREUIL, P., BRIQUEL-CHATONNET F., Le temps de la Bible, Fayard, 2000.

DEVER, W.G, Aux origines d’Israël (quand la Bible dit vrai), Wm Eerdmans P., 2003, trad. Bayard, 2005.

FINKELSTEIN I., SILBERMAN, N.-A., La Bible dévoilée, les nouvelles révélations de l’archéologie, Free Press, New York, 2001, trad.

Bayard, 2002.

HARL M., DORIVAL G., MUNNICH O., La Bible grecque des Septante, 1988.

MOMIGLIANO A.D., Sagesses barbares, les limites de l’hellénisation, Cambridge University Press, 1976, trad. Maspero, 1979.

VIDAL-NAQUET P., « Flavius Josèphe ou du bon usage de la trahison ». Préface à Flavius Josèphe, La Guerre des Juifs, traduction de P.

Savinel, Paris 1976.

SARTRE, Maurice : D’Alexandre à Zénobie, Histoire du Levant antique, IVe siècle av. J.-C. – IIIe siècle ap. J.-C., Fayard, Paris, 2001.

Dictionnaire de la Théologie chrétienne, Encyclopædia Universalis, 1998.

La Bible de Jérusalem, Editions du Cerf, 1955.

Septuaginta, edidit Alfred RAHLFS, Stuttgart, 1935.

http://www.la-bible.net/bible/segond1910/table.html (Traduction de la Bible par Louis Segond en 1910 révisée en 2002)

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Le présent exposé ne prétend pas faire le tour de la question, ni exposer toutes les voies de la recherche actuelle sur ce sujet. Il fait le

point sur les découvertes récentes des chercheurs en particulier en archéologie1. Ces quelques pages traitent de l’histoire des Hébreux

et des conditions d’élaboration de la Bible, de l’histoire des royaumes d’Israël et de Juda, de l’histoire des Juifs durant le second Temple

puis des juifs après 702.

La Bible, des Bibles et brève histoire de la recherche

Les études bibliques sont aussi vieilles que la Bible elle-même. C’est cependant au XVIIe et XVIIIe siècles qu’est née la critique biblique,

c’est-à-dire l’analyse philologique de la Bible et de ses contradictions internes. Les savants du XIXe siècle poussèrent encore plus loin

ces études. On distingue depuis celles-ci dans la Torah plusieurs sources issues de milieux différents que l’on désigne par des lettres :

source J (yahviste, essentiellement le royaume de Juda), source E (élohiste, royaume d’Israël), source D (deutéronomiste, issue du

Temple de Jérusalem), source P (sacerdotale, surtout pour ce qui touche au culte et aux lois du sacrifice) et source R (rédacteur, des

soudures du texte). La Torah est bien un patchwork. Les savants ont longtemps pensé que sa rédaction datait de la monarchie unifiée.

Depuis, les études ont revu la datation d’une somme qui est le fruit d’une écriture et de compilations remontant à des époques

différentes : de la fin des monarchies d’Israël et de Juda pour le début de la composition, à la période exilique, post-exilique ou durant

la période hellénistique. Il en est de même pour les livres des prophètes antérieurs et postérieurs et les chroniques, troisième volet

historique portant sur cette période. La composition d’un ouvrage comme la Bible est forcément liée à un stade avancé de

développement social c’est-à-dire à un État organisant un pouvoir central, des institutions nationales dont la légitimité se fonde soit sur

un culte officiel, soit sur une monarchie, voire les deux. La monarchie au temps de David et de Salomon n’avait pas ce stade de

développement économique et social, les fouilles l’ont confirmé. Cela ne l’a été qu’à la fin du VIIe siècle dans le royaume de Juda ; les

débuts de la rédaction de la Bible (histoire deutéronomiste) reflètent l’idéologie de la réforme religieuse et des ambitions territoriales de

ce royaume sous le règne du roi Josias, la suite de la rédaction et sa mise en forme reflètent celle de la période de l’exil, du retour d’exil

et des siècles qui suivirent. Loin d’être une compilation de chroniques ou de mémoires, la Bible raconte une histoire reconstituée a

posteriori et sujette à caution : aucune fouille n’a pu donner corps ni aux patriarches, ni à l’Exode, ni à la conquête de Canaan et

l’existence de la monarchie unifiée fait débat. Et autant qu’un patchwork, l’unité de la Bible est due aux rédacteurs qui ont mis en forme

ces morceaux au retour d’exil : le texte reflète l’idéologie et les espérances de leur époque, le second Temple, leur vision du monde et

des relations entre Dieu et les hommes. La Bible obéit à un schéma, et les événements de l’histoire humaine se mesurent à l’aune du

plan divin.

Les autres livres historiques de la Bible retracent l’histoire juive après l’exil, jusqu’au triomphe de la monarchie asmonéenne. Leurs

dates de composition sont variées, ils ont été rédigés en différentes langues (araméen et grec). Les livres de sagesse datent quant à

eux pour la plupart de cette époque du second Temple. Tous ces livres ne sont pas acceptés comme canoniques par les différentes

religions, et vont jusqu’à comprendre des versions différentes. Il en a toujours été ainsi. A Qûmram, les manuscrits proposaient trois

versions de la Bible : celle qui deviendra au VIe siècle la Bible massorétique, la version hébraïque, celle qui a inspiré la traduction

grecque de la Septante à Alexandrie, et une version du Pentateuque samaritain pour les fidèles du temple du mont Gazirim. Le canon le

1 « L’archéologie est devenue et demeurera la source principale d’où découleront les nouvelles données qui permettront la réécriture de l’histoire de l’Israël primitif » (William

Dever, op.cit, 2003). 2 Je remercie pour leur aide Pierre Stambul vice-président de l’UJFP (Union Juive Française pour la Paix) et Hervé Bismuth.

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plus étroit est celui de la Bible hébraïque, le plus large celui de la Septante. Citons encore les livres apocryphes qui intéressent

l’historien, surtout pour la période hellénistique et romaine.

La Bible n’est pas la seule source à retracer l’histoire de ce peuple et de cette terre. Dès le XIXe siècle, les savants ont fouillé les terres

bibliques ainsi que l’Égypte et la Mésopotamie. Ils trouvèrent des concordances entre les résultats des fouilles et le monde décrit par la

Bible, mais aussi des contradictions évidentes. Longtemps, les archéologues ont pris la Bible au pied de la lettre (« la Bible dans une

main et la truelle dans l’autre »3) au lieu de prendre les sources archéologiques comme sources indépendantes. Il faut dire que nombre

de missions étaient menées par des clercs ou des pasteurs ou financées par des Églises. Les années 1970 ont vu un tournant dans

l’archéologie « biblique »4. Tout d’abord après 1967, les archéologues israéliens ont eu accès à la Cisjordanie, c’est-à-dire les hautes

terres, celles des premiers Israélites où, de manière systématique, ont été menées des prospections de surface ou des fouilles.

L’occupation du Sinaï a aussi permis de nombreuses fouilles. D’autre part, on y a désormais appliqué les méthodes de l’anthropologie

pour chercher la réalité humaine et non illustrer la Bible. Celle-ci a été analysée comme un artefact au même titre que tous les objets

sortis des fouilles. L’école traditionnelle pour laquelle le récit biblique prime est aujourd’hui obsolète. On trouve à l’opposé l’école

minimaliste pour laquelle la Bible n’est qu’une construction sociale datant du retour d’exil et de la période hellénistique et pour laquelle

l’ancien Israël de la Bible n’est que pure invention. La majorité des chercheurs sont aujourd’hui sur une position médiane, celle d’un

dialogue entre la Bible, l’archéologie et les autres sciences de l’histoire pour restituer ce que fut l’antique Israël : l’étude philologique et

textuelle de la Bible, l’archéologie, l’épigraphie, l’ethnographie, la linguistique… Une partie des conclusions fait à l’heure actuelle

l’unanimité dans le monde scientifique. D’autres point font débat, de manière plus ou moins acharnée dans le contexte géo-politique

tendu où se trouve la région.

Les correspondances dans la Bible : une histoire en miroir

Abraham

• Reçoit l’alliance

Le temps

reconstitué de

l’histoire

providentielle :

Moïse et Aaron (le prêtre)

• Sortie d’Égypte

• Établissement de la Pâque

• Renouvellement de l’Alliance

• Reçoit la Loi

• Interdiction de se mêler aux femmes étrangères (les filles de

Moab)

un modèle Josué — David — Salomon

3 On ne peut s’empêcher de penser à autre champ archéologique, celui du monde Homérique, où pendant des années des archéologues, tel Schliemann, fouillèrent, « Homère dans

une main et la truelle dans l’autre ».

Par ailleurs, sur ces deux terrains, la recherche ethnographique a servi d’outil aux historiens : Moses I. Finley se servit en 1954 des thèses de Milman Parry sur les bardes serbes,

de même, Albrecht Alt et Martin Noth se servirent dans les années 1920-30 des observations ethnographiques sur les nomades de Transjordanie. 4 On trouvera un historique des fouilles en Israël dans DEVER, W.G, op. cit., 2003.

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mythique recréé. • Conquête de Canaan, extermination des peuples autochtones

• L’onction royale, preuve de l’Alliance

• Conquête de Jérusalem établie comme capitale

• Fondation du Temple

• Interdiction de se mêler aux femmes étrangères

(transgressée par Salomon : rupture de l’Alliance, division du

royaume)

Le temps de la

fixation des

règles et de la

constitution des

mythes comme

histoire nationale.

Josias (nouveau David)

Début de la rédaction de la Bible (l’histoire deutéronomique)

VIIe siècle av. J.-C.

• Rénovation du Temple, lieu unique du culte de Yahvé, Dieu unique

• Exclusion des cultes étrangers, hénothéisme

• ―Redécouverte‖ de la Loi

• Renouvellement de l’Alliance

• Remise à l’honneur de la Pâque, culte royal.

Les anciennes fêtes agraires (Pâque, Soukkot, Roch Hachanah, Kippour, Chavouot) deviennent des fêtes historico-religieuses.

Un roi/un peuple

Un dieu

Une loi

Nehémie (le gouverneur) et Esdras (le prêtre) : Rédaction et mise en forme de la Bible

Ve siècle av. J.-C.

• Retour d’exil

• Refondation du Temple

• Exclusion de ceux qui se sont mêlés aux étrangers, hostilité

de la population locale

• Monothéisme.

• Remise à l’honneur de la Pâque (fête du peuple de Yahvé)

Se définir face aux

gentils et au milieu

Monarchies hasmonéennes et iduméennes

IIe siècle av. J.-C- Ier siècle ap. J.-C.

• Pourim, Hannouka : fêtes de la mémoire nationale

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• Maccabées, Judith, Esther : les livres de la défense nationale

des gentils (les

nations)

Diaspora

Après le IIe siècle ap. J.-C.

• Talmud : les commentaires

• L’adaptation à la vie au milieu des nations

Le récit de la Torah : d’Abraham à Moïse

Abraham serait venu de la ville d’Ur dans le sud de la Mésopotamie. Il se serait établi à Haran (aujourd’hui dans le Nord de la Syrie) et

serait enterré à Hébron en Palestine. Il n’y a pas de trace archéologique d’une telle migration vers Canaan et pas de texte en

Mésopotamie. Aucun mouvement subit et massif de population ne s’est déroulé, ni à cette époque, ni plus tard. Le texte de la Genèse

parle même de dromadaires alors que leur domestication aura lieu des siècles plus tard. De même, les Philistins, largement cités dans la

Genèse, n’apparaissent dans la région que vers 1200 av. J.-C., six cent ans après Abraham. Le récit des patriarches est d’abord une

géographie mythique construite suivant un point de vue, celui du royaume de Juda, au moment de la rédaction de la Bible.

En ce qui concerne Moïse, les archéologues rencontrent les mêmes problèmes. Même en faisant abstraction du chiffre de six cent mille

esclaves qui seraient sortis d’Égypte, un tel événement aurait forcément laissé des traces écrites ou archéologiques dans un pays où

tout était soigneusement relaté : souverains, guerres, ennemis, peuples soumis, vie quotidienne … S’il n’y a absolument rien pouvant

ressembler à l’histoire biblique dans les chroniques égyptiennes, il y a quand même des indices sur l’origine de la légende. Au

IIe millénaire av. J.-C., les populations de Canaan se réfugient souvent dans le delta du Nil (qui était beaucoup plus étendu

qu’aujourd’hui) en période de sécheresse. Les Hyksos qui dominent l’Égypte vers 1600 av. J.-C. sont venus partiellement de Canaan. Ils

sont violemment chassés du pays. L’épisode de Moïse, censé se passer au XVIe siècle av. J.-C., parle d’une ville égyptienne (Pi-Ramsès)

fondée trois siècles plus tard. L’Exode a-t-il pu avoir lieu au XIIIe av. J.-C. siècle sous Ramsès II ? À cette époque, l’empire égyptien est

à son apogée. Un système sophistiqué de forteresses contrôle toutes les routes du Sinaï. On voit mal comment une armée de fugitifs

aurait pu passer dans cette région sans se faire remarquer et il n’y a pas la moindre trace archéologique d’un tel passage dans le Sinaï.

L’emplacement du Sinaï est en fait celui du monastère orthodoxe Sainte-Catherine fondé à l’époque byzantine. Après avoir reçu une

aide divine (la mer qui s’ouvre), Moïse aurait rencontré des ennemis à Arad (nord du Néguev) et à Edom (sud de la Jordanie). Or

l’archéologie est formelle : ces régions ne seront peuplées que huit cents ans plus tard. Alors pourquoi une telle histoire ? Parce qu’à

l’époque où la Bible est écrite, profitant de l’affaiblissement des Assyriens, l’Égypte reprend une politique impérialiste. Le roi Josias, sera

d’ailleurs tué par les Égyptiens. Il était idéologiquement utile de descendre de gens qui avaient été des héros face aux pharaons. Puis

lors du retour de l’exil, ces histoires et la promesse divine qui les accompagnent trouvent un écho très fort pour ceux qui revenaient de

Mésopotamie. Dans la Bible, les épisodes du passé mythique répondent aux épisodes contemporains. L’Exode nous raconte aussi le

retour de Babylone après quarante-neuf ans d’exil. La figure de Joseph, patriarche en exil et serviteur de Pharaon, est en revanche le

prototype du juif de Diaspora.

Les récit des prophètes antérieurs : conquête et monarchie unifiée

La description dans le livre de Josué de la conquête de Canaan, de la conquête des villes du pays une par une, est une succession

d’atrocités et de massacres. Les impies sont massacrés jusqu’au dernier, Dieu ayant ordonné leur extermination.

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L’archéologie et de nombreux documents égyptiens découverts à Tell-el-Amarna montrent qu’au XIVe et XIIIe siècles av. J.-C. les cités-

états de Canaan sont vassales de l’Égypte et contribuent aux échanges avec la Mésopotamie et l’empire hittite. Comment la puissance

égyptienne aurait-elle pu regarder passivement le massacre d’un vassal ? La première stèle égyptienne qui parle d’Israël date de 1207

av. J.-C., et elle parle d’un groupe établi ailleurs, dans les collines. Les trompettes n’ont pas sonné à Jéricho où l’archéologie relève de

nombreuses traces d’occupation avant ou après, mais nullement à l’époque présumée de Josué.

Alors d’où vient cette histoire ? D’une part, Canaan sera détruit mais plus tard et par d’autres (les Peuples de la Mer). La légende a dû

garder ce souvenir tout comme les ruines gigantesques encore apparentes à la fin de la monarchie de Juda ; le livre de Josué est aussi

une description géographique du royaume de Juda et de l’ancien royaume d’Israël dont le récit est ponctué de notations comme

« encore visible jusqu’à aujourd’hui » (Josué, 7, 26), « qui existe jusqu’à aujourd’hui » (Josué, 8, 28). D’autre part, quand la Bible est

écrite, sous Josias, puis à la reconstruction du Temple, il y a un besoin d’affirmer l’existence nationale du royaume de Juda ou du peuple

des Juifs. Cette identité se construit par opposition à tous les autres et en particulier à ceux dont les Dieux continuent d’être honorés

dans la région, dans l’idée d’une reconquête possible du royaume d’Israël dans une perspective deutéronomiste (un seul dieu, un seul

temple, un seul royaume) ; cette perspective entretient la haine et les massacres contre Canaan et les Philistins. De même, ceux qui

revinrent de l’exil de Babylone durent s’opposer à ceux qui étaient restés sur place. Dans les livres d’Esdras et de Néhémie, c’est Cyrus,

parce qu’il avait permis aux Juifs de revenir d’exil, qui était l’oint du seigneur, le machiakh dont le sens de « messie » dérive peu à peu

vers celui que l’on connaît actuellement. Yahvé lui attribuerait le même rôle que celui qu’il attribue aux juges lors de la conquête de

Canaan.

Correspondances entre les récits de la Bible : l’Exode et le Sinaï (Moïse), la grande réforme religieuse deutéronomiste

(Josias) et le retour d’exil (Esdras et Néhémie).

Moïse Josias Esdras

La date du départ

« Yahvé dit à Moïse et à

Aaron au pays d’Égypte :

« ce mois sera pour vous

en tête des autres mois, il

sera pour vous le premier

mois de l’année. » (Exode 12,2)

« [Esdras] avait en effet

fixé au premier jour du

premier mois son départ

de Babylone. » (Esdras 7,9)

Une route miraculeuse

« Les Israélites

pénétrèrent à pied sec au

milieu de la mer, et les

eaux leur formaient une

muraille à droite et à

gauche. » (Exode 14,22)

« Une voix crie : « dans le

désert, frayez le chemin

de Yahvé, dans la steppe,

aplanissez une route pour

notre Dieu, que toute

vallée soit comblée, toute

9

montagne, et toute colline

abaissées, que les lieux

accidentés se changent en

plaines et les

escarpements en large

vallée ; alors la gloire de

Yahvé se révélera et toute

chair d’un coup la verra,

car la bouche de Yahvé a parlé. »

(Isaïe 40, 3-5)

Appel de Dieu à prendre possession du pays et à

ne pas

se mélanger aux

autochtones

« Et maintenant Israël,

écoute les lois et les

coutumes que je vous

enseigne aujourd’hui pour

que vous les mettiez en

pratique : afin que vous

viviez, et que vous entriez,

pour en prendre

possession, dans le pays

que vous donne Yahvé, le

Dieu de vos pères. […]

Lorsque Yahvé ton Dieu

t’aura fait rentrer dans le

pays dont tu vas prendre

possession, des nations

nombreuses tomberont

devant toi. […] Tu les

dévoueras par anathème.

Tu ne concluras pas

d’alliance avec elles, tu ne

leur feras pas grâce. Tu ne

contracteras pas de

mariage avec elles, tu ne

donneras ta fille à leurs

fils, ni ne prendra leur fille

« Ainsi parle l'Éternel:

Voici, je vais faire venir

des malheurs sur ce lieu

et sur ses habitants, selon

toutes les paroles du livre

qu'a lu le roi de Juda.

Parce qu'ils m'ont

abandonné et qu'ils ont

offert des parfums à

d'autres dieux, afin de

m'irriter par tous les

ouvrages de leurs mains,

ma colère s'est enflammée

contre ce lieu, et elle ne s'éteindra point.

(2 R, 22, 16-17)

Le roi profana les hauts

lieux qui étaient en face

de Jérusalem, sur la droite

de la montagne de

perdition, et que Salomon,

roi d'Israël, avait bâtis à

Astarté, l'abomination des

Sidoniens, à Kemosch,

l'abomination des

« Le pays où vous entrez

pour en prendre

possession est un pays

souillé par la souillure des

peuples des pays, par les

abominations dont ils l’ont

infesté d’un bout à l’autre

avec leurs impuretés. Eh

bien ! Ne donnez pas vos

filles à leurs fils et ne

prenez pas leurs filles

pour vos fils ; ne vous

souciez jamais de leur

paix ni de leur bonheur,

afin que vous deveniez

forts, que vous mangiez

les meilleurs fruits du

pays et le laissiez en

patrimoine à vos fils pour

toujours. » (Esdras, 9, 11-12)

10

pour ton fils. Car ton fils

serait détourné de me

suivre ; il servirait d’autres

dieux ; et la colère de

Yahvé s’enflammerait

contre vous et il

t’exterminerait

promptement »

(Deutéronome, 4, 1 et 7, 1-6).

Moabites, et à Milkom,

l'abomination des

Ammonites. » (2 Rois, 23, 13)

Hostilité du peuple du pays à l’égard des

Israélites

« N’ayez pas peur, vous,

du peuple de ce pays

[Canaan] car nous n’en

ferons qu’une bouchée.

Leur ombre protectrice les

a quittés, tandis que

Yahvé est avec nous. N’en

ayez donc pas peur. » (Nombres, 14, 9)

« Alors le peuple du pays

se mit à décourager les

gens de Juda et à les

effrayer pour qu’ils ne

bâtissent plus. » (Esdras 4, 4)

Découverte (ou redécouverte) de la

Loi et

l’Alliance

« Lorsque Moïse

redescendit de la

montagne du Sinaï, les

deux tables du

Témoignage étaient dans

la main de Moïse. […]

Aaron et tes les chefs de la

communauté revinrent

alors vers lui, et Moïse leur

parla. Ensuite tous les

Israélites s’approchèrent,

et il leur ordonna tout ce

dont Yahvé avait parlé sur

« Alors le roi [Josias] fit

convoquer tous les

anciens de Juda et de

Jérusalem et le roi monta

au Temple de Yahvé avec

tous les hommes de Juda,

les habitants de

Jérusalem, les prêtres, les

lévites et tout le peuple,

du plus grand au plus

petit. Il lut devant eux

tout le contenu du livre de

l’Alliance trouvé dans le

« Ils dirent au prêtre

Esdras d’apporter le livre

de la Loi de Moïse, que

Yahvé avait prescrite à

Israël. Alors le prêtre

Esdras apporta la Loi

devant l’assemblée, qui

se composait des

hommes et des femmes

et de tous ceux qui

avaient l’âge de raison.

[…] Tout le peuple tendait

l’oreille au livre de la

11

le mont Sinaï. » (Exode, 34, 29-32)

Temple de Yahvé. Le roi

était debout à son poste,

et il conclut devant Yahvé

l’alliance qui l’obligeait à

suivre Yahvé. » (2 Chroniques, 34, 29-30)

Loi. » (Néhémie 8, 1-2)

Célébration de la Pâque

« Moïse convoqua tous les

anciens d’Israël et leur

dit : « Allez-vous procurer

du petit bétail pour vos

familles et immolez la

Pâque. […] Quand vous

serez entrés dans la Terre

que Yahvé vous donnera

comme il l’a dit, vous

observerez ce rite. Et

quand vos fils vous

demanderont : “Que

signifie pour vous ce

rite ?” vous leur direz :

“C’est le sacrifice de la

Pâque pour Yahvé qui a

passé au delà des maisons

des Israélites en Égypte,

lorsqu’il frappait l’Égypte,

mais épargnait nos

maisons. » (Exode, 12, 21-27)

« Le roi ordonna cet ordre

à tout le peuple :

« Célébrez une Pâque en

l’honneur de Yahvé notre

Dieu, de la manière qui

est écrite dans ce livre de l’alliance. »

On n’avait pas célébré une

Pâque comme celle-là

depuis les jours de juges

qui avaient régi Israël. » (2 Rois, 23, 21-22)

« Mangèrent la Pâque :

les Israélites qui étaient

revenus d’exil et tous

ceux qui, ayant rompu

avec l’impureté des

nations du pays, s’étaient

joints à eux pour chercher

Yahvé le Dieu d’Israël. » (Esdras, 6, 21)

D’après la Bible, David, mi-berger, mi-bandit de grand chemin, aurait combattu les Philistins (et leur chef Goliath) puis serait devenu roi

d’un grand royaume unifié dont Jérusalem était la capitale. Il aurait défait tous les peuples voisins (Ammonites, Moabites, Edomites).

Son fils Salomon aurait régné sur un empire très riche et aurait fait construire un temple immense et magnifique à Jérusalem.

Là encore, l’archéologie est têtue. Les très nombreuses fouilles faites à Jérusalem ont permis de trouver des vestiges de nombreuses

époques. Il n’y a rien sur les XIe et Xe siècles av. J.-C., ni palais, ni temple, ni même simples vestiges. On a longtemps attribué à

Salomon les palais découverts à Meggido ou Haçor. Il est avéré aujourd’hui qu’ils sont plus tardifs d’au moins deux siècles et que les

12

mines du roi Salomon qu’on peut visiter près d’Eilat sont clairement égyptiennes. Enfin, les pays vaincus par David n’existent pas à son

époque. Les archéologues ne sont pas unanimes sur l’existence de David et Salomon, mais les hautes terres où se trouve Jérusalem

n’avaient pas la structure démographique et économique pour faire émerger une puissante monarchie telle qu’elle est décrite dans la

Bible5. Le roi Salomon dont le royaume est si puissant et dont « la renommée s’étendait à toutes les nations alentour » (1 Rois, 5, 11)

n’a laissé de trace dans aucune de celles-ci, ni épigraphique, ni littéraire. Si David et Salomon ont existé, ils étaient tout au plus des

chefs de clans. Une inscription d’un roi de Damas datant du IXe siècle av. J.-C. indique qu’il a vaincu « un roi de la maison de David ».

Cela se passe deux siècles après l’histoire de David.

C’est la disparition du royaume d’Israël au VIIIe siècle qui a permis au royaume de Juda — celui de la lignée Davidique — de

revendiquer l’héritage des deux royaumes. De même la recomposition du peuple après l’exil revendiquera un Israël unique. Par ailleurs

les livres écrits sous la monarchie asmonéenne soulignent eux aussi l’unité du peuple juif ; il est remarquable que l’action dans le livre

de Judith, la Juive, se passe en Samarie, le royaume du Nord.

L’unité des tribus et des royaumes : une reconstitution a posteriori

Le schisme

politique

après Salomon

« Dans ce temps-là, Jéroboam, étant sorti de Jérusalem, fut rencontré

en chemin par le prophète Ahiyya de Silo, revêtu d'un manteau neuf.

Ils étaient tous deux seuls dans les champs. Ahiyya saisit le manteau

neuf qu'il avait sur lui, le déchira en douze morceaux, et dit à

Jéroboam: Prends pour toi dix morceaux! Car ainsi parle l'Éternel, le

Dieu d'Israël: Voici, je vais arracher le royaume de la main de

Salomon, et je te donnerai dix tribus. Mais il aura une tribu, à cause

de mon serviteur David, et à cause de Jérusalem, la ville que j'ai choisie sur toutes les tribus d'Israël. » (1 Rois, 12, 29-32)

« Ainsi le roi n'écouta point le peuple; car cela fut dirigé par l'Éternel,

en vue de l'accomplissement de la parole que l'Éternel avait dite par Achija de Silo à Jéroboam, fils de Nebath.

Lorsque tout Israël vit que le roi ne l'écoutait pas, le peuple répondit

au roi: « Quelle part avons-nous avec David ? Nous n'avons point

d'héritage avec le fils d'Isaï ! A tes tentes, Israël ! Maintenant, pourvois à ta maison, David ! «

Et Israël s'en alla dans ses tentes. Les enfants d'Israël qui habitaient

5 Le territoire du royaume de David et de Salomon qui va jusqu’à l’Euphrate porte la trace de sa date de rédaction, la période achéménide : il correspond ˆ la satrapie de

Transeuphrat•ne ˆ laquelle appartient la JudŽe.

« David battit Hadadézer, fils de Rehob, roi de Tsoba, lorsqu'il alla rétablir sa domination sur le fleuve de l'Euphrate. » (2 Samuel, 8 ,3)

« Et Salomon bâtit Guézer, Beth Horon la basse, Baalath, et Thadmor[Palmyre], au désert dans le pays. » (1 Rois, 9, 18)

13

les villes de Juda furent les seuls sur qui régna Roboam. Alors le roi

Roboam envoya Adoram, qui était préposé aux impôts. Mais Adoram

fut lapidé par tout Israël, et il mourut. Et le roi Roboam se hâta de

monter sur un char, pour s'enfuir à Jérusalem. C'est ainsi qu'Israël

s'est détaché de la maison de David jusqu'à ce jour. » (1 Rois 12, 16-19)

Reconstitution

de l’unité par Josias

« Il renversa aussi l'autel qui était à Béthel, et le haut lieu qu'avait

fait Jéroboam, fils de Nebath, qui avait fait pécher Israël ; il brûla le

haut lieu et le réduisit en poussière, et il brûla l'idole. Josias, s'étant

tourné et ayant vu les sépulcres qui étaient là dans la montagne,

envoya prendre les ossements des sépulcres, et il les brûla sur l'autel

et le souilla, selon la parole de l'Éternel prononcée par l'homme de

Dieu qui avait annoncé ces choses. […] Josias fit encore disparaître

toutes les maisons des hauts lieux, qui étaient dans les villes de

Samarie, et qu'avaient faites les rois d'Israël pour irriter l'Éternel; il fit

à leur égard entièrement comme il avait fait à Béthel. Il immola sur

les autels tous les prêtres des hauts lieux, qui étaient là, et il y brûla

des ossements d'hommes. Puis il retourna à Jérusalem. » (2 Rois, 23, 15-20)

Esdras, l’unité

des douze tribus

« Ils offrirent, pour la dédicace de cette maison de Dieu, cent

taureaux, deux cents béliers, quatre cents agneaux, et, comme

victimes expiatoires pour tout Israël, douze boucs, d`après le nombre

des tribus d`Israël. » (Esdras, 6, 17)

Les premiers Israélites : ce qui dit l’archéologie

L’archéologie donne une autre origine aux Israélites. Deux grandes modèles s’opposent : celui de l’infiltration pacifique et celui de la

révolte paysanne. Tous deux donnent aux Israélites une origine autochtone due aux bouleversements des XIIIe et XIIe siècles av. J.-C.

Le premier modèle est celui de l’infiltration pacifique des nomades : il a été développé dans les années 1920-30 par Albrecht Alt et

Martin Noth. Ce modèle, basé sur l’archéologie et des études ethnographiques modernes, est celui que défend Israël Finkelstein

(archéologue, directeur de l’institut d’archéologie de Tel-Aviv). Des peuples autochtones semi-nomades vivaient depuis longtemps en

bordure du désert. Ils avaient des troupeaux. Vers le XIIIe siècle, ils migrent massivement vers les hautes terres de Judée et de

Samarie. Sans doute à cause de la destruction des cités de Canaan par les Peuples de la Mer. Le système d’échange entre éleveurs et

cultivateurs n’existe plus et oblige les anciens nomades à occuper de nouvelles terres et à devenir cultivateurs. Ces villages de

14

montagne (on en a retrouvé beaucoup) sont peu peuplés et la population des collines est évaluée à quarante-cinq mille habitants vers le

Xe siècle.

L’autre modèle est celui de la révolte paysanne ou du retrait : il a été développé dans les années 1960 par George Mendenhall de

l’université du Michigan et les années 1980 par Norman Gottwald de l’université de Berkeley. Il est aujourd’hui défendu par William G.

Denver de l’université d’Arizona. Ce modèle s’appuie sur l’archéologie en Israël et en Égypte, entre autres les tablettes et Tell Armana et

la stèle de Méneptah. Des populations rurales se seraient retirées sur les hautes terres au XIIIe siècle pour échapper au contrôle des

cités-états de la côte. Elle auraient organisé un mode de vie relativement communautaire avant de s’organiser en états plus structurés

et moins égalitaires.

Quoi qu’il en soit, ces deux thèses montrent que les premiers Israélites n’étaient pas différents des Cananéens qu’il sont pourtant, selon

la Bible, censés avoir âprement combattus. Les Israélites ont un Dieu (Yahvé) qui cohabite avec toutes les divinités de la région (ce que

la bible reconnaît). Les fouilles des ossements de ces premiers villages Israélites ont révélé une particularité qui les distingue des

peuples voisins : ils ne mangent pas de porc.

Les royaumes d’Israël et de Juda

D’après la Bible, l’empire de Salomon éclate à sa mort en deux royaumes : Israël au nord (capitale Samarie) et Juda au sud (capitale

Jérusalem). En fait, il semble bien que les deux royaumes n’ont jamais été unis mais tous les deux avaient beaucoup de points

communs : ils vénéraient Yahvé — entre autres divinités — avaient un fond commun de contes et des héros, des langues proches, un

même alphabet. Leurs réalités géographiques sont très différentes. Israël a de nombreuses terres fertiles et se spécialise dans l’olivier

et la vigne. Le pays est traversé par la grande route commerciale qui relie l’Égypte à la Mésopotamie. Il compte trente-cinq mille

habitants avant sa défaite face aux Assyriens. Juda est un territoire inhospitalier entre Jérusalem, Hébron et Beersheba, un pays

rocailleux, escarpé et isolé.

Dans le royaume d’Israël, les Israélites se sont mélangés à d’autres populations autochtones. On y célébrait tous les dieux. Ce royaume

est au IXe siècle une puissance régionale d’importance. Les fouilles des années 1980-90 ont définitivement attribué à la dynastie omride

les constructions autrefois attribuées à Salomon comme les écuries de Meggido. Alors que ce pays a connu une authentique prospérité,

en particulier au VIIIe siècle mais aussi de graves inégalités sociales dénoncées par les premiers prophètes, il est décrit dans la Bible

comme corrompu et impie ; ses rois vénèrent d’autres dieux, se marient à des princesses étrangères (le modèle est Jézabel la fille du

roi des Sidoniens, la femme d’Achab, fils d’Omri dans le premier Livre des Rois), et donc rompent l’Alliance avec Yahvé. Les rédacteurs

de la Bible rejettent le modèle de ce pays cosmopolite ouvert à toutes les influences étrangères, aux cultes polythéistes mais aussi aux

élites arrogantes stigmatisées par les prophètes.

Le royaume d’Israël fait au VIIIe siècle des conquêtes au-delà du Jourdain avant de se heurter à la puissance de l’Assyrie ; cet empire

ne se contente plus d’avoir des vassaux qui peuvent se révolter. En dix ans, entre 730 et 720 av. J.-C., le royaume d’Israël est détruit,

sa capitale Samarie est brûlée et les élites du pays sont déportées en Assyrie. Une partie de la population reste dans le pays et certains

15

se réfugient dans le royaume frère voisin, le royaume de Juda qui a conservé son indépendance6, tandis que des Assyriens sont installés

en Samarie.

Après la disparition du royaume du nord, le royaume du sud connaît une évolution accélérée. Pendant deux siècles, ce royaume

marginal avec une population dispersée (pas plus de quarante mille habitants au milieu du VIIIe siècle av. J.-C.) double le nombre de

ses habitants. Jérusalem devient une véritable ville de quinze mille habitants environ avec un grand temple. L’écriture et

l’alphabétisation se développent. Comme son voisin du nord, il compte de nombreux cultes, à Jérusalem et dans les campagnes, à

Yahvé, à Ashérah sa déesse associée et d’autres divinités. La chute du royaume d’Israël, l’arrivée massive de réfugiés parmi lesquels

des élites intellectuelles, change les structures démographiques et économiques du pays. Le royaume de Juda connaît une forte

croissance économique (production d’huile) avec un renforcement des inégalités sociales. Ces transformations permettent de soutenir le

développement d’un état de sa bureaucratie.

Deux attitudes s’offrent à ce royaume : la soumission aux puissants voisins (Assyrie puis Égypte) ou l’affirmation d’une identité

nationale et d’une indépendance sourcilleuse. Dans la première attitude, tous les dieux seraient célébrés : Yahvé mais aussi Baal et bien

d’autres. Dans la seconde, Yahvé devient l’unique Dieu et le peuple qui le vénère le peuple élu. C’est cette tendance qui triomphe

définitivement avec le roi Josias (639-609 av. J.-C.) dans une perspective hénothéiste7. Les autres cultes doivent être éradiquées. Josias

fait rénover le Temple de Jérusalem et y ―découvre‖ le livre de la loi censé être le code légal que Dieu avait remis à Moïse8. Durant cette

fin de VIIe siècle, la loi et l’écriture de la Bible, ou plutôt sa première compilation sont l’œuvre des scribes et des prêtres du Temple de

Jérusalem. Leur but est de légitimer le royaume de Juda, de lui donner des origines nobles, une histoire édifiante, de disqualifier tous

les ennemis, d’identifier la survie du royaume à l’affirmation d’une religion unique et particulière et d’expliquer que tous ceux qui se sont

écartés de cette voie ont été punis par Dieu. L’archéologie cependant ne valide pas la destruction par Josias des autres cultes, temples

et autels que celui de Yahvé à Jérusalem, mais le Deutéronome et toute la littérature deutéronomiste portent traces des réformes

engagées sous le règne de ce nouveau David, renouvelant l’Alliance avec le Dieu unique.

Profitant de la chute de l’Assyrie, le royaume de Juda tente de s’étendre et d’essayer de reconquérir une partie de l’ancien royaume

d’Israël. Il est défait par les Égyptiens, puissance montante de cette fin de VIIe siècle. Les Babyloniens qui ont détruit l’empire assyrien

donnent le coup final au royaume de Juda, en 586 av. J.-C., le Temple est détruit.

L’exil, le retour de l’exil et le second Temple

L’exil à Babylone concerne une partie de la population seulement : la famille royale, les élites et les artisans spécialisés sont déportés. À partir de 539 av. J.-C (Édit de Cyrus) et tout au long du Ve et du IVe siècles av. J.-C., les Juifs (on appelle dès lors ce peuple descendant

6 D’autres encore partent en Égypte comme en témoigne le culte dans la communauté d’Eléphantine d’Ashim-Béthel et Anat-Béthel dont le nom est lié au grand sanctuaire du

nord. La destruction de Jérusalem et du royaume du sud en 587 donne à cette première Diaspora une dimension nouvelle. Désormais une partie des Israélites se trouve hors du

territoire national, à Babylone ou en Égypte. 7 Idée selon laquelle on réserve sa dévotion et son culte à un seul dieu, sans nier l’existence des autres. J’utilise plutôt le mot monolâtre pour les élèves dans l’application

pédagogique. 8 Là encore les épisodes de la destruction des autres lieux de culte, de la redécouverte de la Loi, de la refondation du Temple et de la fête de Pessah sont à prendre avec

précautions dans le deuxième Livre des Rois. Il fait tenir compte des anachronismes et de la réécriture lors du retour de l’exil.

16

du royaume de Juda, Yehouda, les Yehoudim, leur terre est Yehoud, la Judée, les noms viennent de l’araméen) rentrent d’exil et

refondent le Temple (livres d’Esdras et de Néhémie). Ce retour ne se fait pas sans conflits avec les voisins. La reconstitution de la

communauté se fait autour du Temple restauré et du Grand Prêtre. Pourtant une grande partie des Juifs ne rentre pas et reste en

Diaspora. Ce poids de ces groupes d’expatriés restés dans les capitales est essentiel dans la rédaction des livres bibliques et cette

dimension de la Diaspora est à prendre pour tout le reste de l’Histoire juive.

Si une partie du texte biblique a été écrit sous Josias, beaucoup de passages ont été écrits ou réécrits à Babylone pendant l’exil, puis en

Judée au retour d’exil. La rédaction finale et la mise en forme de la Bible hébraïque date des deux siècles de la domination achéménide,

et l’idéologie qu’elle véhicule reflète cette époque ; la réflexion se porte sur la punition divine qui a entraîné la destruction du Temple et

la fin de la monarchie. Yahvé remplace les rois déficients comme souverain de son peuple, et l’existence du peuple juif s’affirme avec un

Dieu unique et un Temple central à Jérusalem. La fixation des grandes fêtes juives et du sabbat date de cette époque et a pour but de

souder la communauté9. Dans l’exil, la religion s’est transformée car elle n’avait plus d’Etat : multiplication des aspects rituels et des

signes distinctifs pour ne pas se fondre dans la société des non-Juifs, respect rigoureux de la Torah. De peuple polythéiste avant Josias,

les Hébreux sont devenus hénothéistes, puis monothéistes lors du second Temple. Leur Dieu n’est plus seulement Dieu unique d’un

peuple, mais Dieu universel, seul vrai Dieu devant lequel toutes les nations doivent s’incliner10.

Durant l’exil puis le second Temple, la Bible écrite sous le roi Josias est alors retravaillée, pour donner définitivement à ce peuple

désormais sans roi une identité par sa religion, un peuple à présent dirigé par son clergé. Les causes de l’exil sont mises en évidence.

Ce sont les infidélités récurrentes du peuple et de ses rois qui ont entraîné la sanction divine, la servitude et l’exil : alliance divine,

infidélité et châtiment, puis miséricorde et salut, tel est le schéma qui traverse toute la Bible. La refondation du Temple par Esdras doit

mettre fin à cet enchaînement. L’image du prophète telle qu’elle se dégage de la Bible actuelle se fixe aussi à cette époque avec cette

relecture providentielle de l’histoire du peuple élu. La prophétie disparaît avec la fin de l’espoir de la restauration de la monarchie

davidique mais l’image du prophète joue désormais un rôle dans la formation de la conscience nationale et l’espérance du salut :

successeurs des patriarches et des juges— le premier d’entre eux est le prêtre Samuel — porteurs de la parole de Dieu à son peuple, les

prophètes se sont plus les messagers envoyés vers le roi mais les hérauts de la royauté de Yahvé. Plus que les rois qui ont failli, les

prophètes deviennent centraux dans l’économie du salut d’Israël. La perspective de restauration monarchique enterrée est relayée par

l’espérance messianique : messie signifie en hébreu l'oint, l’onction divine passe des rois à une espérance de salut.

Voici ce que dit le prophète Isaïe de cette espérance messianique :

« Il arrivera, dans la suite des temps,

Que la montagne de la maison de

« Le peuple qui marchait dans les

ténèbres voit une grande lumière;

9 Rappel : la fête de Pessah est à l’origine une fête pastorale et familiale du printemps. Le roi Josias en fait une célébration accomplie par le roi pour son Dieu (Rois 2, 23). Lors

du retour d’exil, cette fête commémore la délivrance d’Égypte — lire de Babylone — à laquelle participe tout le peuple, ceux revenus d’exil comme ceux qui étaient restés (Esdras,

6). Elle cimente l’unité du peuple, et la fête pastorale devient la célébration de l’histoire du Salut. 10 Les livres écrits durant la domination perse marquent clairement ce tournant :

« Avant moi aucun Dieu n’a été formé et après moi il n’y en aura pas. Moi c’est Yahvé, et en dehors de moi il n’y a pas de sauveur » (Isaïe, 43).

« Il (Yahvé) jugera le monde en justice et les peuples en sa vérité » (Psaumes, 96).

« Nul autre avec moi n’est Dieu ! » (Deutéronome, 32).

17

l'Éternel

Sera fondée sur le sommet des

montagnes,

Qu'elle s'élèvera par-dessus les collines,

Et que toutes les nations y afflueront.

Des peuples s'y rendront en foule, et diront :

Venez, et montons à la montagne de l'Éternel,

A la maison du Dieu de Jacob,

Afin qu'il nous enseigne ses voies,

Et que nous marchions dans ses sentiers.

Car de Sion sortira la loi,

Et de Jérusalem la parole de l'Éternel.

Il sera le juge des nations,

L'arbitre d'un grand nombre de peuples.

De leurs glaives ils forgeront des hoyaux,

Et de leurs lances des serpes :

Une nation ne tirera plus l'épée contre

une autre,

Et l'on n'apprendra plus la guerre.

Maison de Jacob, Venez, et marchons à la lumière de l'Éternel! » (Isaïe, 2, 1-5)

« Écoutez donc, maison de David !

Est-ce trop peu pour vous de lasser la patience des hommes,

Que vous lassiez encore celle de mon Dieu ?

C'est pourquoi le Seigneur lui-même vous

donnera un signe,

Voici, la jeune fille deviendra enceinte,

elle enfantera un fils,

Et elle lui donnera le nom d'Emmanuel. »

(Isaïe, 7, 13-14)

Sur ceux qui habitaient le pays de

l'ombre de la mort une lumière resplendit.

Tu rends le peuple nombreux, Tu lui accordes de grandes joies ;

Il se réjouit devant toi, comme on se réjouit à la moisson,

Comme on pousse des cris d'allégresse

au partage du butin.

Car le joug qui pesait sur lui, le bâton qui frappait son dos,

La verge de celui qui l'opprimait,

Tu les brises, comme à la journée de Madian.

Car toute chaussure qu'on porte dans la

mêlée, et tout vêtement guerrier roulé

dans le sang, Seront livrés aux flammes, pour être dévorés par le feu.

Car un enfant nous est né, un fils nous est donné,

Et la domination reposera sur son épaule ; on l'appellera

Admirable, Conseiller, Dieu puissant, Père

éternel, Prince de la paix.

Pour que s’étende le pouvoir dans une

paix sans fin

Sur le trône de David et sur son royaume,

Pour l’affermir et le soutenir dans le droit et la justice,

Dès maintenant et à jamais :

Voilà ce que fera le zèle de l'Éternel des armées. »

(Isaïe, 9, 1-6)

18

Alliance divine, infidélité, châtiment, miséricorde et salut :

Schéma récurrent des récits bibliques, quelques exemples

Alliance divine Infidélité Châtiment Miséricorde et

salut

Le jardin d’Eden Le fruit défendu Adam et Eve

chassés du Paradis

Corruption de

l’humanité

Déluge L’arche de Noé et

le sacrifice sur le mont Ararat

Sortie d’Égypte et

Alliance sur le Sinaï

Le veau d’or Errance de

quarante ans dans le désert

La Terre promise

La Terre promise Idolâtrie et

mélange aux autres peuples

Malheurs Les Juges

Onction donnée à

David et à sa descendance

Idolâtrie Destruction du

royaume et exil

Restauration du

Temple et des sacrifices

Exemple d’un récit autour de ce schéma récurrent :

« Toute cette génération fut recueillie auprès de ses pères, et il s'éleva après elle une autre génération, qui ne connaissait point

l'Éternel, ni ce qu'il avait fait en faveur d'Israël. Les enfants d'Israël firent alors ce qui déplaît à l'Éternel, et ils servirent les Baals. Ils

abandonnèrent l'Éternel, le Dieu de leurs pères, qui les avait fait sortir du pays d'Égypte, et ils allèrent après d'autres dieux d'entre les

dieux des peuples qui les entouraient; ils se prosternèrent devant eux, et ils irritèrent l'Éternel. Ils abandonnèrent l'Éternel, et ils

servirent Baal et les Astartés. La colère de l'Éternel s'enflamma contre Israël. Il les livra entre les mains de pillards qui les pillèrent, il les

vendit entre les mains de leurs ennemis d'alentour, et ils ne purent plus résister à leurs ennemis. Partout où ils allaient, la main de

l'Éternel était contre eux pour leur faire du mal, comme l'Éternel l'avait dit, comme l'Éternel le leur avait juré. Ils furent ainsi dans une

grande détresse. L'Éternel suscita des juges, afin qu'ils les délivrassent de la main de ceux qui les pillaient. Mais ils n'écoutèrent pas

même leurs juges, car ils se prostituèrent à d'autres dieux, se prosternèrent devant eux. Ils se détournèrent promptement de la voie

qu'avaient suivie leurs pères, et ils n'obéirent point comme eux aux commandements de l'Éternel. Lorsque l'Éternel leur suscitait des

juges, l'Éternel était avec le juge, et il les délivrait de la main de leurs ennemis pendant toute la vie du juge; car l'Éternel avait pitié de

leurs gémissements contre ceux qui les opprimaient et les tourmentaient. Mais, à la mort du juge, ils se corrompaient de nouveau plus

que leurs pères, en allant après d'autres dieux pour les servir et se prosterner devant eux, et ils persévéraient dans la même conduite

19

et le même endurcissement. Alors la colère de l'Éternel s'enflamma contre Israël, et il dit: Puisque cette nation a transgressé mon

alliance que j'avais prescrite à ses pères, et puisqu'ils n'ont point obéi à ma voix, je ne chasserai plus devant eux aucune des nations

que Josué laissa quand il mourut. C'est ainsi que je mettrai par elles Israël à l'épreuve, pour savoir s'ils prendront garde ou non de

suivre la voie de l'Éternel, comme leurs pères y ont pris garde. Et l'Éternel laissa en repos ces nations qu'il n'avait pas livrées entre les

mains de Josué, et il ne se hâta point de les chasser. » (Juges 2, 10-23)

Les Juifs et l’hellénisme : les dominations grecques et romaines

Elle nous est beaucoup mieux connue grâce à la multiplicité des sources écrites, en particulier grecques ou latines, et juives hors de la

Bible (Philon d’Alexandrie, Flavius Josèphe…) et les sources archéologiques. Les récits de la Bible concernant cette période ne sont pas

reçus comme canoniques dans toutes les traditions : il faut dire que les livres de Judith ou des Maccabées, tout nationalistes qu’ils

soient, ont été rédigés en grec et donc rejetés ultérieurement dans la tradition juive. Il est vrai que cette période se caractérise par

l’ouverture de la tradition biblique et par sa traduction, à commencer par la Bible d’Alexandrie (les Septante) et le rajout d’une

cinquantaine d’autres écrits, dont certains sont reçus comme canoniques par les traditions chrétiennes et d’autres non ; ce sont les

livres deutérocanoniques ou apocryphes. Par exemple, les Maccabées n’existent pas dans la Bible juive, il y a deux livres dans la Bible

catholique et dans la Bible protestante (mais rangés au nombre des livres apocryphes), et quatre livres dans la Bible orthodoxe. C’est

que la Bible, ta bibla en grec, n’est pas un livre, c’est une bibliothèque dont la pluralité est inscrite jusque dans le pluriel de son

signifiant.

Comme toutes les civilisations à la période hellénistique, le judaïsme rencontre les autres civilisations, à commencer par l’hellénisme

après la conquête d’Alexandre (333 av. J.-C.), puis la domination romaine (63 av. J.-C. prise du Temple par Pompée). Si cette rencontre

ne se fait pas sans heurts, elle est également une période de rencontres, de mélanges à commencer par la traduction dans le cadre de

la Diaspora à Alexandrie. C’est aussi la naissance d’une littérature de combat, les apocalypses, depuis le livre de Daniel jusqu’aux

apocalypses rédigées au Ie siècle, qui marquent une ambiance de crise morale et religieuse et au point de vue du dogme l’invention de

la notion du Salut11.

Sans entrer dans les détails, on constate à la fois une lutte contre l’hellénisme (par exemple contre les réformes du grand prêtre Jason

sous la domination Séleucide) et une forte influence de celui-ci. Les dynasties hasmonéennes et iduméennes, autonomes mais

dépendantes des rois hellénistiques puis de Rome, ont joué plusieurs cartes dont celles-là, sans compter celle du nationalisme. Il

faudrait aussi revenir sur les tensions sociales fortes qui expliquent également la révolte de 70, et sur le rôle des sectes juives durant ce

premier siècle qui est aussi celui de Jésus-Christ. C’est au cours de cette période qu’est embelli le Temple par Hérode, un roi, juif de

fraîche date et fortement hellénisé, temple dont le Mur des Lamentations est le mur occidental.

La révolte juive de 70 (La Guerre des Juifs selon Flavius Josèphe) conclut cette période. Cette révolte à la fois sociale et nationale

commence en 66 et se termine par le siège de Jérusalem et la destruction du Temple, la fin du culte sacrificiel. La Judée perd son

indépendance et le vainqueur soumet les Juifs à des mesures vexatoires. En 132-135, la révolte de Bar Kokhba échoue, dorénavant

Jérusalem, devenue Aelia Capitolina, est interdite aux Juifs, et l’emplacement du Temple accueille des sanctuaires païens ; de nombreux

villages de Judée et Samarie sont alors abandonnés, la province s’appelant dorénavant Syrie-Palestine.

11 Notons que les apocalypses se placent définitivement dans une perspective monothéiste, le Dieu d’Israël est Dieu universel.

20

Après 70 : la naissance du judaïsme rabbinique.

Après 70 et surtout après 135, les Juifs sont devenus minoritaires en Palestine, et même si la Terre promise reste un idéal, elle est

peuplée de goyim et les frontières de cet Eretz Israel sont de plus en plus floues. Aux nombre des juifs « de souche » peuplant le monde

on ajoutera les prosélytes12, nombreux durant cette période autour du bassin méditerranéen et jusqu’en Mésopotamie

13. L’avenir des

juifs se joue en Palestine paganisée et dans la Diaspora.

La question du culte sans le Temple s’était déjà posée lors de la période exilique (après 586 av. J.-C.) et dans la Diaspora. La chute du

Temple est une rupture, mais avant cette chute des solutions de continuité du culte avaient déjà été élaborées autour de la Torah, des

synagogues et des rabbis. Le sacrifice sanglant et l’institution du Temple avaient déjà été remis en cause avant 70, par exemple par une

secte comme les Esséniens. Les solutions se sont élaborées sur une interprétation plus spirituelle du texte et de ses obligations.

Commence alors un travail de transmission, de commentaires et d’exégèses qui engage le judaïsme dans une voie nouvelle. Ce travail

est compilé dans la Mishna, et les Talmud (Jérusalem et Babylone), il est composé de commentaires de nature juridique, la Halakha, et

d’autres de nature historico-doctrinale, la Haggada.

L’importance de cette œuvre peut faire apparaître le judaïsme comme ritualiste et juridique, commentant la Loi à l’infini. Mais de

nombreuses sentences de rabbis rappellent que la morale et la spiritualité sont supérieures. Et les juifs vivent désormais au milieu des

païens et doivent s’adapter au monde, vivre pieusement sans se couper du reste de la société ; c’est à ces très nombreuses questions

que doivent répondre les rabbis de manière pragmatique. Cette adaptation conduit parfois jusqu’à un certain syncrétisme, comme on

peut le voir sur le programme pictural de la synagogue de Doura-Europos en Mésopotamie. Le judaïsme doit dorénavant s’adapter sans

se renier. Les juifs doivent s’adapter au monde tout en gardant leur spécificité.

II) Approches didactiques, propositions pédagogiques

A) Quels problèmes pose l’étude de cette civilisation en classe de 6e ?

1. Les résonances contemporaines de l’étude pour les élèves

Les Hébreux — le peuple de la Bible — est le deuxième chapitre étudié en Histoire en classe de 6e. C’est également celui qui pose le plus

de problèmes, tant du point de vue de l’objet étudié que pour la transposition didactique ou l’appropriation des savoirs par les élèves. À

ceci j’attribue plusieurs raisons :

De toutes civilisations étudiées dans ce programme, c’est celle qui pose le plus de problèmes scientifiques : masse beaucoup moins

importante de source, moins variées qu’ailleurs, prédominance d’une source littéraire, la Bible, qui n’est pas sans poser problème.

La question de la foi, il y a les croyants pour qui la Bible est aussi un livre de foi, et pour certains un livre de foi et de vérité historique à

prendre au pied de la lettre. Remarquons la constante confusion entre Histoire et religion : dans les librairies, les livres sur l’Histoire des

Hébreux sont la plupart du temps rangés dans les rayons sur la spiritualité ou la religion.

12 La notion de Dieu universel et non plus celle de Dieu d’un peuple, le monothéisme, ne contient-il pas par essence celle de la conversion des nations, les goyim ? 13 On trouve des témoignages littéraires sur ces prosélytes dans les Actes des Apôtres (6, 5 et 10, 1-2) ou dans Flavius Josèphe (La Guerre des Juifs).

21

Ces problèmes se retrouvent dans l’approche grand public des récits de la Bible où elle est présentée comme vérité. La littérature grand

public reprend le récit biblique quasi à la lettre. Comptons aussi sur le légendaire colporté par la littérature et les médias modernes :

tous les élèves ont vu le film Les dix commandements ou le dessin animé Le prince d’Égypte et l’imaginaire biblique est omniprésent

dans les productions américaines. À l’extrême, outre les sectes type Témoins de Jéhovah, il y a d’autres incidences. C’est ainsi que j’ai

entendu : Adam et Eve c’est vrai, c’est dans le Coran14.

Le conflit au Proche-Orient n’aide en rien notre approche. Nos élèves ne sont pas neutres, ils connaissent ou croient connaître ce qui se

passe au Proche-Orient, et selon leur entourage, ont un point de vue. Ils colportent des on-dit, peuvent croire qu’il y a des races, y

compris la race juive, et juif est une insulte dans certains quartiers, dans la cour de certains établissements. La clarification des termes

est essentielle, il est important que l’enseignant soit bien au clair pour lui-même sur les mots qu’il emploiera et qu’il fera employer aux

élèves.

Toutes ces raisons donnent des difficultés plus importantes à l’enseignant dans la transmission aux élèves d’un savoir historique solide

et l’approche d’un esprit critique dans leur formation. Ce peut être alors un des moments que l’on pourrait privilégier pour leur faire

aborder cette formation.

2. Le vocabulaire, les notions et leurs résonances contemporaines

Ces difficultés supplémentaires sont sources de confusions pour les élèves et les enseignants eux-mêmes :

Les juifs d’aujourd’hui ne sont pas les Hébreux et les Juifs de l’Antiquité. Le judaïsme est une religion et une culture qui se sont

construites dans la Diaspora après la destruction du second Temple. Au point de vue religieux, la fin du culte sacrificiel a radicalement

changé la manière de rendre hommage à la divinité. Or les manuels scolaires mélangent tout, premier, second Temple et judaïsme

moderne. De plus la culture juive est très diverse : cultures ashkénaze, séfarade, judéo-arabe pour les principales… falacha pour les

plus exotiques, les langues, yiddish, ladino, arabe, l’hébreu n’étant qu’une langue liturgique avant sa renaissance moderne en Israël. Il

est hors de question de faire des juifs les descendants des Hébreux, tout au plus en sont-ils des héritiers qui plus que d’autres brouillent

le message.

La Bible15, laquelle ? Les canons de la Bible sont très divers, ils ont été fixés tardivement. La littérature deutérocanonique compte aussi.

L’étude juive dans les Yeshiva est plus centrée sur le Talmud, commentaire de la Bible, que sur la Bible elle-même, ce qui n’est pas le

moindre des paradoxes : les manuels titrent sur le peuple de la Bible, certes, mais puisque l’on doit parler des juifs, ce n’est pas un seul

livre mais un livre et ses commentaires.

J’utilise quant à moi pour des raisons pratiques la Bible de Jérusalem qui suit le canon catholique, mais je suis obligée pour les élèves de

donner aux personnages leur nom sous leur forme traditionnelle ce qui n’est pas le cas dans cette traduction. J’ai dû également utiliser

14 Alors qu’il est facile d’isoler dans la classe la parole des élèves qui rapportent ce qui est dit chez les Témoins de Jéhovah , il est beaucoup plus difficile de le faire avec ce type

de réflexion car témoigner de ce qu’il a dans le Coran donne une légitimité dans ces classes avec une écrasante majorité d’élèves issus de milieux de confession musulmane. 15 J’utilise les titres de la Bible hébraïque dans le présent exposé, sauf pour les livres qui ne s’y trouvent pas où j’utilise les titres du canon catholique. C’est ainsi que j’écrirai

Torah et non Pentateuque (canon catholique) ou Livres de Moïse (canon protestant). On retrouve dans les annexes un tableau comparé des canons hébraïques, catholiques et

protestantes.

22

pour mes recherches en byzantinologie la Bible grecque qui admet comme canonique des livres apocryphes et contient des versions plus

longues de certaines autres livres. Remarquons en outre que, dans certains quartiers, les Bibles les plus courantes sont celles des sectes

américaines — Témoins de Jéhovah, Evangélistes, Mormons… — qui donnent ou vendent à bas prix des Bibles ou des petits manuels de

la Bible pour enfants dans des versions très douteuses. Rappelons pour mémoire qu’il n’y a qu’un Coran, et que la plupart des

musulmans pensent qu’il fut écrit par Mohammed, directement inspiré par Dieu ; ceci explique une certaine vision de la Bible pour

certains d’élèves.

La plupart des textes que l’on trouve dans les manuels sont extraits de la Torah et des prophètes antérieurs. Pour ma part j’utilise en

classe d’autres passages, par exemple des extraits des Maccabées puisque j’aborde la période du second Temple.

La Terre promise. C’est d’abord une question de foi puisqu’elle est promise par Dieu à Abraham puis à Moïse. Dans la Torah et dans

Josué, la Terre promise est un objet concret géographique. Mais quelle est-elle dans la tradition juive ? L’An prochain à Jérusalem est

une image, c’est seulement le Sionisme moderne qui a pris l’expression au pied de la lettre. Dans la tradition protestante, l ’étude

vétéro-testamentaire est centrale. Les migrants du Mayflower, les Afrikaans, mais aussi les Gospel afro-américains ont nourri leur

imaginaire du thème de l’Exode et de la Terre promise, avec des transpositions concrètes dans une histoire providentielle ou dans une

théologie de la libération des opprimés16. Plus récemment, les sionistes chrétiens — souvent antisémites par ailleurs — qui interprètent

le texte biblique à la lettre pensent accélérer la seconde Parousie en favorisant le retour des juifs sur leur terre promise.

Ce pays, quel est son nom et sous quel nom le désigner ? Canaan, c’est le nom de la Genèse et de la conquête dans le livre de Josué,

Israël, c’est le nom du peuple mené par Moïse, celui d’un des royaumes des Hébreux et le nom moderne d’un pays. Royaume d’Israël ?

Royaume de Juda ? La Judée ? La Palestine est le nom grec et romain mais Palestinien désigne aujourd’hui un peuple. C’est

étymologiquement la terre des Philistins, ce qui donne de drôles de résonances aux conflits contemporains. La Terre Promise ? La Terre

Sainte ? Ce sont des points de vue religieux qu’on ne peut utiliser à l’école laïque. J’utilise plutôt en classe le mot Canaan car il n’a

aucune résonance dans le présent, ou le nom des deux royaumes, royaume d’Israël et royaume de Juda. Mais il n’est pas valable sur la

période du second Temple où j’utilise le mot Judée.

Ce peuple, quel est son nom, comment le désigner ? Dans la Torah, il s’appelle Israël, les descendants de Jacob-Israël et de ses douze

fils, les douze tribus d’Israël, mais ce nom sème la confusion avec les autres sens du mot Israël. Ce peuple est aussi appelé les Hébreux

et plus tard les Israélites. Les archéologues appellent Israélites les habitants des hautes terres de Canaan. J’utilise les mots habitants du

royaume de Juda, ou Judéens et habitants du royaume d’Israël ou Israélites lorsque cela est nécessaire. J’utilise aussi le mot Hébreux

avant l’exil, car il a le mérite de la simplicité et qu’il renvoie à la lettre des programmes (donc des titres des leçons du livre !), le mot

Juifs après l’exil et le mot juifs après la destruction du second Temple dans le cadre de la Diaspora17.

16 Ce thème de l’Exodus traverse une bonne partie de la culture afro-américaine. Le Rastafarisme a voulu en faire une application concrète : prêché dès 1916 par son prophète

Marcus Garvey, il s’agit de quitter Babylone (l’Amérique) pour retourner en Afrique. Égypte, Babylone de l’exil, Europe de l’intolérance, Amérique esclavagiste, ce sont les mêmes

thèmes : oppression et libération. 17 J’écris Juif avec majuscule lorsqu’il s’agit d’un peuple et juif avec minuscule lorsqu’il qu’il s’agit d’une religion. La chute du second Temple en 70 constitue à cet égard un

événement décisif.

23

3. Résonances dans la transposition didactique : les programmes

Ces problèmes se retrouvent dans la transposition didactique. Commençons par les programmes qui sont en vigueur depuis 1995.

Programme officiel

II. LE PEUPLE DE LA BIBLE : LES HÉBREUX (3 à 4 heures)

- Carte : le Croissant fertile.

L'étude des Hébreux est abordée à partir de la Bible, document historique majeur et livre fondateur de la première religion

monothéiste de l'Antiquité, et des sources archéologiques.

- Repères chronologiques : le temps de la Bible (2eme - 1er millénaire av. J.C.).

- Documents : extraits de la Bible. Le Temple de Jérusalem.

Les documents patrimoniaux sont au cœur du programme d’histoire de 6e. C’est à ce titre que figure l’histoire des Hébreux, rédacteurs

de la Bible : le livre certes, mais aussi les grands personnages et épisodes qui y figurent et le type de religion qu’elle fonde. Les repères

géographiques et chronologiques sont étendus, les documents conseillés sont larges et laissent à l’enseignant beaucoup de latitude :

mais est-ce pour étudier la fameuse carte du déplacement des Hébreux que l’on conseille la carte du « Croissant fertile » ? Est-ce pour

introduire dans une chronologie les patriarches de la Genèse, l’Exode et la conquête de Canaan que l’on met le « deuxième millénaire »

dans les repères chronologiques ? Est-ce pour étudier le Temple de Salomon que l’on conseille le « Temple de Jérusalem » à titre de

document ? Voici ce que disent les documents d’accompagnement des programmes :

Le programme d’histoire de la classe de 6e met en évidence une liste volontairement limitée mais conçue comme indispensable de

repères chronologiques, de cartes et de documents. Ces choix expriment la nécessité de la construction par l’élève d’une culture et

d’une identité nourries par le patrimoine. Ces indications ont une double finalité: elles orientent la compréhension des intitulés du

programme, elles permettent d’en cerner les ambitions et d’éviter ainsi la tentation encyclopédique.

A. Repères chronologiques et cartes

Le programme de 6e fournit la liste d’un certain nombre de repères chronologiques destinés à être mémorisés, parce qu’ils constituent

la charpente du programme. Les quinze repères chronologiques proposés sont porteurs de sens, ils sont en même temps des repères

culturels et doivent être enseignés comme tels :

[…]

– longue durée d’une civilisation étudiée dans sa continuité (l’Égypte antique, le temps de la Bible);

[…]

La civilisation égyptienne, par exemple, doit être abordée comme un ensemble, comme "le temps d’une civilisation". Cela exclut toute

autre exigence chronologique. De même pour l’histoire des Hébreux18.

[…]

A. Le peuple de la Bible: les Hébreux

18 C’est moi qui souligne, ainsi que dans la suite de la citation.

24

C’est évidemment à cause de leur apport dans le domaine religieux que les Hébreux figurent dans le programme, à la différence de

nombre d’autres petits peuples de l’Antiquité. Il ne s’agit donc pas, en trois à quatre heures, de surcharger et disperser l’étude en

tentant de présenter les différents aspects de la civilisation du peuple hébreu (économie, société, etc.). C’est le fait religieux qui est

central : il s’agit de présenter la première religion monothéiste de l’Antiquité; le contraste s’impose avec le polythéisme des peuples

voisins, notamment celui de l’Égypte, que les élèves viennent d’étudier. Les caractères essentiels de la religion des Hébreux sont à

souligner : le lien entre l’histoire concrète d’un peuple et la transcendance se manifeste dans l’épisode de la sortie d’Égypte; le

Décalogue, en relation avec le monothéisme, place au centre de la loi l’appel à la conscience morale, constitutif de la religion; plus tard

le prophétisme, dans un autre style, fait écho à cet appel. L’étude est abordée à partir de la Bible. Comme pour toutes les autres

rubriques du programme, la démarche ne peut être que celle de l’historien, et son esprit celui de la laïcité, respectueuse de la

conscience et des convictions diverses des élèves. La Bible est envisagée ici comme un document historique à un double titre: c’est un

témoignage parmi d’autres sur l’histoire des Hébreux (à mettre en relation avec d’autres sources, notamment archéologiques) ; et

surtout elle nous renseigne sur leurs croyances, leur vision du monde. Il n’est pas souhaitable, au niveau de la 6e, d’égarer les élèves

dans le labyrinthe des divers documents de base (yahviste, élohiste, deutéronomique, sacerdotal) que les spécialistes s’attachent à

distinguer, avec leurs différences et leurs influences, dans la rédaction de la Bible. Il suffit de leur faire comprendre que la Bible est un

recueil de traditions orales mises par écrit, de textes et de livres de nature fort diverse, rédigés et rassemblés au long d’une histoire

millénaire. En revanche, il est indispensable de leur présenter un certain nombre d’épisodes et de personnages (Abraham, Moïse et

David par exemple) dont la valeur patrimoniale dans la culture occidentale est évidente et dont l’ignorance prive les élèves de

références lorsqu’ils abordent, en classe pendant toute leur scolarité ou hors de la classe, des œuvres littéraires et artistiques de toutes

les époques. Cette présentation peut être assurée par la lecture guidée, à la maison ou au C.D.I., de passages de la Bible, par l’étude de

plus courts extraits en classe, par le récit bref et vivant fait par le professeur, etc.

Les passages que j’ai soulignés sont incompatibles entre eux et avec la recherche historique pour quiconque souhaite enseigner avec

« la démarche de l’historien » (et communiquer la moindre sensibilisation à cette démarche !). Outre le fait que les personnages cités ne

sont pas historiques (mais rien n’empêche de voir aussi en classe Ulysse ou Énée), que « l’épisode de la sortie d’Égypte » n’est pas de

« l’histoire concrète d’un peuple », que la Loi n’est pas « un appel à la conscience morale », pas plus que le « prophétisme », on ne peut

enseigner ce qu’est la Bible sans avoir une « exigence chronologique »19. La Bible est liée aux époques où elle a été rédigée, elle les

reflète, elle en est le produit. De même, le monothéisme est une construction historique qui a duré plusieurs siècles. Il faut bien

réintroduire de la chronologie, qui est indispensable pour donner du sens à l’étude de ce peuple (sans s’attarder certes sur « économie,

société ») et de son livre, pour l’envisager comme « un témoignage parmi d’autres sur l’histoire des Hébreux (à mettre en relation avec

d’autres sources, notamment archéologiques ) ».

Je soulignais pour commencer quelle latitude permettaient les repères et les documents conseillés. L’application pédagogique que je

propose en dernière partie du présent mémoire suit la lettre des programmes, mais de manière différente de ce qu’ils nous encouragent

à faire. L’étude est centrée sur la Bible, à laquelle est consacrée plus de la moitié du temps, et qui sert de support pour l’évaluation. Elle

est étudiée et confrontée à d’autres sources historiques parmi lesquelles l’archéologie, l’épigraphie et d’autres sources littéraires. La

19 Tous les manuels depuis toujours ont d’ailleurs une exigence chronologique en traçant la carte du déplacement des Hébreux : ils racontent l’Histoire des Hébreux et situent ces

événements dans le temps. Mais ce ne sont pas ces événements-là qui appartiennent à l’Histoire.

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carte est bien celle du croissant fertile, les repères chronologiques sont décalés puisqu’ils vont de 1000 av. J.-C. à 200, de l’apparition

des monarchies d’Israël et de Juda jusqu’à la dispersion. L’exigence chronologique est forte puisque le document patrimonial, la Bible,

est évolutif sur la période, lié aux événements ainsi que la création tardive du monothéisme. Je ne propose pas d’étude du Temple de

Jérusalem ; d’ailleurs lequel ? Celui de Salomon, qui n’a d’existence que dans la Bible, le Temple « restauré » par Josias ou celui

d’Esdras, restauré par Hérode ? Ou bien s’agit-il de celui de la littérature religieuse, auquel cas il s’agirait d’un temple exclusivement

littéraire et liturgique ? Beaucoup de manuels en proposent l’étude sous le titre patrimoine ; mais est-ce le patrimoine bâti et encore

vivant — id est le Mur des Lamentations à visiter —, le lieu de mémoire — id est la colline du Temple (et… sa mosquée, ce qui pose des

problème insolubles) — ou le patrimoine imaginaire qu’est le Temple de Salomon, fonds commun culturel qu’il est nécessaire de

connaître ?

4. Résonances dans la transposition didactique : les manuels scolaires et les exercices proposés aux élèves

Rappelons que la plupart des enseignants lisent plus les manuels que les programmes. Dans la majorité de ces manuels, la confusion

entre récit biblique et récit historique est constante, dans le cours et dans les documents proposés comme supports à ces cours.

Un manuel parmi d’autres : manuel paru aux éditions Hatier en 2000 sous la direction de Martin Ivernel.

Un manuel parmi d’autres :

manuel paru aux éditions Hatier en 2000 sous la direction de Martin Ivernel

Pages 44-45 : « Les Hébreux, le peuple de la Bible »

Photographie d’un manuscrit de la mer morte et sommaire de la bible hébraïque, frise chronologique et carte du déplacement des

Hébreux (migrations des patriarches et Exode).

La note précise qu’il s’agit de textes de la Bible ou de textes religieux écrits en hébreu ou en araméen (sans précisions sur ce qu’est

l’araméen) entre le Ie siècle av. J.-C. et le Ie siècle ap. J.-C. Rien n’est dit sur la ou les dates de rédaction de la Bible (qui n’est pas celle

des manuscrits de la mer morte) ou sur les différents canons de la Bible, pourtant présents à Qûmram.

Pages 46-47 : « Les premiers Hébreux »

- Ensemble de cinq textes illustrant les déplacements des Hébreux, extraits de la Torah, fresque égyptienne (les Hébreux arrivent en

Égypte), photographie du mont Sinaï. Un bref paragraphe explique : « L’histoire des premiers Hébreux nous connue essentiellement par

la Bible. Mais il faut prendre ce qu’elle raconte avec précaution, car elle mélange les faits historiques aux croyances et aux légendes ». Il

est heureux que les rédacteurs du manuel l’aient précisé car jusqu’ici ils ont manqué eux-mêmes de précautions ! La fresque égyptienne

à l’appui des textes bibliques fait encore débat chez les historiens, rien n’assure que ces nomades sont les Hébreux. L’emplacement du

mont Sinaï est en fait celui du monastère orthodoxe Sainte-Catherine. La photographie présente un mérite, on y voit un parfait désert

où difficilement six cent mille esclaves auraient pu survivre durant quarante ans… Les colons israéliens les plus extrémistes appuient

leurs revendications sur un de ces textes : (Dieu s’adresse à Moïse) « J’établirai votre territoire entre la mer Rouge, la Méditerranée, le

désert arabique et l’Euphrate. Je livrerai les habitants du pays et vous les expulserez devant vous »(Exode, 19, 23).

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Pages 48-49 : « Les Hébreux en Canaan »

- Leçon portant sur l’histoire biblique de l’installation en Canaan à la dispersion.

- Bas-relief mésopotamien (voir remarque ci-dessus sur la fresque égyptienne), photographie de la vallée du Jourdain titrée « Vue de la

“Terre Promise” » (noter les guillemets), carte des royaumes de David et Salomon, la monarchie unifiée, qui inclut des territoires à l’est

et au nord qui seront conquis un siècle plus tard par la dynastie israélite omride, trois textes extraits des Psaumes, 1 Samuel (« David

et Goliath ») et 1 Rois (« Le jugement de Salomon »). Aucune dimension critique ni sur les documents, ni sur la leçon.

Pages 50- 51 : « La religion des Hébreux ».

- Leçon sur le dogme (le monothéisme, la place de la Bible, l’Alliance et la Terre promise, place des prophètes et attente du messie) et

les pratiques (les règles, les fêtes, le Temple puis les synagogues).

- Textes (« Le Décalogue », un extrait du Lévitique sur les interdits alimentaires), liste des fêtes juives, photographie de juifs lisant la

Torah lors d’une Bar Mistvah.

Même s’il est fait une distinction entre avant et après la dispersion, la confusion est totale entre judaïsme antique et judaïsme moderne,

entre Histoire et Connaissance du Monde Contemporain.

Pages 52- 53 : « Le Temple de Jérusalem (sous le chapeau Patrimoine) ».

- Courte leçon qui entretient la confusion entre le premier et le second Temple.

- Texte extrait de 1 Rois sur la construction du Temple par Salomon, photographie du Mur des Lamentations sans datation ni précision,

dessin du Temple de Salomon, bas-relief de l’arc de Titus (« les Romains pillent le Temple 70 après J.-C. » toujours sans précision autre

que celle de l’article défini : le Temple).

Pages 54- 55 : Récits de la Bible (sous le chapeau Patrimoine).

- Textes extraits de la Genèse et des Juges sans appareil critique. Mosaïque d’une synagogue ayant pour motif le sacrifice d’Abraham.

Pages 56- 59 : exercices.

L’on voit ici que les rédacteurs des manuels se trouvent face à des difficultés insolubles quant à la transmission des savoirs, car il y a

constamment confusion entre histoire biblique et Histoire. Et c’est bien souvent — trop souvent ? — l’histoire biblique qui l’emporte au

détriment de l’esprit critique !

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Un TP parmi d’autres :

un questionnaire trouvé sur Internet

(site Les Clionautes, http://www.clionautes.org/)

NB : J’ai ôté les lignes destinées aux réponses des élèves.

Les Hébreux, le peuple de la Bible : 2ème activité : le peuple élu. Introduction :

Que raconte la Bible ?

Le départ

D’après la Bible, de quelle région seraient partis les Hébreux ?

D’après la Bible, pourquoi Abraham quitte-t-il Harran ?

Le pays de Canaan et l’Alliance

Dans ce passage, que fait Dieu avec Abraham ? Que lui donne-t-il ?

Quelle expression indique que les Hébreux sont encore nomades ?

Note la définition du mot circoncision :

L’agneau

D’après ce passage, que sacrifie Abraham à la place de son fils ?

La descendance d’Abraham

Quels éléments montrent qu’il ne s’agit pas d’un texte historique ?

Joseph

D’après la Bible, dans quel pays part Joseph ? Quelle fonction occupe-t-il dans ce pays ?

Dans quel pays part Joseph ?

La famine

Pourquoi les Hébreux auraient-ils quitté le pays de Canaan ?

Comment sont-ils accueillis ? Justifie ta réponse.

L’Égypte

Dans ce passage, quelle est la situation des Hébreux ?

Qui intervient pour les sauver ?

L’Exode

Dans ce passage, qui intervient pour sauver les Hébreux ?

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Ce passage n’est pas réaliste, comment peut-on le qualifier ?

Les Dix commandements.

Quel commandement impose le monothéisme ?

Comment s’appelle le jour de repos et à qui est-il consacré ?

Quels commandements règlent les relations des Hommes entre eux ?

Les tables de la loi

Comment s’appellent les pierres sur lesquelles figurent les dix commandements ?

L’installation à Canaan

Explique l’expression Terre promise :

Conclusion : Pourquoi peut-on dire que les Hébreux sont le peuple élu dans la Bible ?

Outre la pauvreté pédagogique de l’exercice, on peut noter ses dérives douteuses, que je ne commenterai pas. L’exercice est au mieux

une paraphrase des trois premiers livres de la Torah. La plupart des cahiers de TP ont des exercices du même tonneau avec plus de

richesse pédagogique pour la plupart : tracer la carte du grand Israël « du fleuve d’Égypte à l’Euphrate » (Genèse, 15, 18), utiliser des

éléments trouvés sur un plan du Temple de Salomon — reconstitué d’après la Bible, ce que le manuel ne précise jamais.

Un manuel à part :

manuel paru aux éditions Delagrave en 2005, sous la direction de Paul Stouder.

Pages 32-33 : « Le peuple de la Bible, les Hébreux ».

- Exposé des problématiques sur un royaume, un peuple, une religion, un livre.

- Carte du croissant fertile, avec les principales localisations, où ne figure pas le fameux déplacement des Hébreux, et les frontières des

états ne sont pas figurées. Photographie du mur des Lamentations, le commentaire précise bien qu’il s’agit du Temple d’Hérode.

Pages 34-35 : « La Bible et les sources archéologiques »

- Deux textes (« Abraham » tiré de la Genèse et « Moïse » tiré de l’Exode), deux documents archéologiques (la stèle du pharaon

Merneptah mentionnant « Israël », photographie du site de Meggido). Les documents ne sont pas commentés : on ne sait pas quelle est

cette stèle ni de quel Israël il s’agit, ni ce que l’on trouve à Meggido.

- Le cours compare la Bible et l’archéologie, en soulignant que le texte a une écriture tardive, à but religieux et non historique. Le récit

s’arrête à l’installation sur les hautes terres de Canaan. Cependant le récit est parfois confus.

Pages 36-37 : « De l’unité à la Diaspora »

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- Trame chronologique de la monarchie unifiée à Massada, bas-relief de l’arc de triomphe de Titus, deux textes (la chute de Jérusalem,

le monothéisme dans Isaïe), carte des deux royaumes sans leurs frontières.

- Le cours fait le récit des événements de la monarchie unifiée à Massada. La période du second Temple est aussi développée que la

période royale. Le cours précise que le monothéisme et la loi sont proclamés durant cette période.

Pages 38-39 : « Une religion monothéiste »

- Deux textes (« Les dix commandements » tiré de l’Exode, « Les interdits alimentaires » tiré du Lévitique), la reconstitution du Temple

de Salomon (sans préciser sur quoi se base uniquement cette reconstitution), le plan d’une synagogue antique.

- Le cours distingue le monothéisme et son apparition progressive et le culte avant et après la destruction du Temple.

Pages 40-41 : « Pour en savoir plus »

Le texte de la Bible est comparé à d’autres documents, littéraires et iconographiques.

Pages 42-43 : « Exercices »

Les rédacteurs de ce manuel ont intégré dans l’exposé les recherches de ces trente dernières années. Ainsi les patriarches et l’Exode se

trouvent sortis de l’Histoire pour entrer dans le mythe. Moïse revient tout de même comme personnage historique, page 35. On ne

trouve pas non plus l’apparition providentielle de Dieu et la création tout aussi providentielle du monothéisme.

Les documents et le cours sont cependant assez confus, les documents peu commentés, en tout cas inabordables par les élèves de

manière autonomes.

B) Problématiser : quelle approche sur le programme de 6e en général et sur cette leçon en particulier ?

1. Problématique générale du cours de 6e

Il s’agit non pas de juxtaposer l’étude de civilisations très exotiques (et qui plaisent aux élèves), mais de donner un sens aux

civilisations. Je propose, dans la façon dont j’aborde le programme, que l’on tourne autour de ce qu’une civilisation se raconte à elle-

même pour justifier son existence et la manière qu’elle a de s’organiser en fonction de ce qu’elle se raconte. En un mot son idéologie.

Ce sont ces constructions idéologiques qui ont permis que ces civilisations laissent des traces dans notre patrimoine (la pyramides, la

Bible, les mythes grecs, la démocratie, la citoyenneté…).

- Naissance de l’agriculture et de l’écriture. Les groupes humains deviennent plus grands, il se crée des sociétés, des pouvoirs qui ont

besoin d’un outil pour échanger, s’organiser et se raconter : l’écriture.

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- L’Égypte. Une théocratie qui explique le monde et une bureaucratie qui en émane. Elles encadrent la société et justifient le

prélèvement de la rente foncière et de la force de travail sous forme de corvées.

- Les Hébreux et les juifs. La construction d’une religion monolâtre puis monothéiste et la rédaction d’un livre, la Bible, référent d’une

monarchie dans un contexte obsidional puis d’une société sans indépendance politique, puis sans unité géographique.

- Les Grecs. Ici pas de pouvoir central mais une civilisation qui trouve son unité dans la culture (au sens large). L’adhésion à cette

culture, la païdeia, crée la condition de Grec, et sur d’autres critères émane la condition de citoyen. Ces deux identités créent la

légitimité.

À partir des conquêtes d’Alexandre, la civilisation grecque rencontre les autres civilisations, et la culture (la paideia) n’est plus celle qui

appartient à un peuple, mais celle qui intègre d’autres peuples :

> en Égypte, la civilisation grecque élabore une synthèse limitée aux cités de type grec ; ailleurs, les rois grecs reprennent la légitimité

pharaonique dans une société qui reste immobile ;

> chez les Juifs, la civilisation grecque est source à la fois de synthèse et de conflit car les deux légitimités s’estiment en concurrence.

- Les Romains. Cette civilisation évolue au fur et à mesure de ses rencontres avec les autres. L’évolution politique en est le reflet : une

oligarchie légitimée par un ensemble de citoyens devient un empire providentiel apte à résoudre les crises créées par les conquêtes.

Celles-ci permettent la création d’un empire qui se voit universel, et donc intégrateur (reprise du projet hellénistique). La légitimité

politique de cet empire engendre une civilisation de synthèse de l’Antiquité : la civilisation gréco-romaine qui est un modèle culturel.

• Le Christianisme. Dernière synthèse à la fois culturelle puis politique (l’Empire chrétien) : le monothéisme des Juifs, la culture gréco-

romaine et l’universalisme politique des Romains. La réussite du christianisme est également la synthèse de toute l’Antiquité dans cet

outil idéologique.

2. Insertion de la leçon sur les Hébreux : réutilisation des leçons précédentes

A l’occasion de ces deux leçons précédentes (La naissance de l’agriculture et de l’écriture et L’Égypte), les élèves auront vu que :

— Les sociétés antiques ont besoin d’un fonctionnement collectif avec des groupes humains élargis, car ce sont des sociétés qui

connaissent une division du travail (l’agriculteur, l’éleveur, les artisans spécialisés…) et ont bâti des villages et des villes.

— Cette division du travail entraîne la création de classes sociales, divisées en deux groupes, les puissants et le peuple, les puissants

vivant du fruit du travail des dominés.

— Ce fonctionnement suppose l’organisation de structures de pouvoir, c’est-à-dire un pouvoir royal et une structure étatique (des

fonctionnaires, des scribes, des prêtres…).

— Cette structure de pouvoir a besoin de l’écriture et de sa maîtrise.

31

— La justification du prélèvement de la rente foncière et du fruit du travail (la corvée), la légitimité du pouvoir pour les sociétés passe

par des idéologies. C’est parce que sa présence explique le monde, en maintient l’équilibre et participe du dialogue avec la (les)

divinité(s) que le roi a le pouvoir et qu’il le délègue à ses fonctionnaires (cités-états de Mésopotamie, Égypte).

Pour l’Égypte, les dieux sont garants de l’équilibre du monde (la crue, le soleil, la pousse des plantes et du blé, les naissances, la mort

etc…) qui tient sur leur bienveillance et éloigne leur malveillance. Le pharaon aidé des prêtres dialogue avec les dieux et assure pour

l’ensemble de la société cet équilibre. La divinité et le mythe — même ceux auxquels ont ne croit pas à la lettre20 — sont une explication

du monde et de la société dans ce monde21.

3. Quelques problématiques pour la leçon sur les Hébreux ?

Les deux leçons précédentes ont porté sur la justification idéologique d’une organisation sociale et économique. Il s’agit avec la leçon

sur les Hébreux de voir comment une société crée un outil culturel, la Bible, et un dogme, l’hénothéisme puis le monothéisme, qui sont

utiles pour cette société à ce moment-là. Ceci passe forcément par un tableau de cette société au moment où est rédigé (ou compilé) ce

livre, et à partir de quels matériaux ce livre est créé.

Nous avons vu dans la première partie du présent mémoire que la Bible a été rédigée et compilée d’abord à la fin du VIIe siècle pour

servir les desseins politiques et religieux de la monarchie puis pour souder une communauté qui avait perdu son indépendance politique.

Les textes qu’on y trouve sont une justification a posteriori avec des résonances fortes pour ceux qui les rédigent (voir les tableaux dans

la première partie).

Il est intéressant aussi de voir comment ce peuple se construit une identité face aux autres en affirmant qu’il n’y a qu’un seul Dieu :

cela se passe après l’exil, lorsqu’il rencontre une civilisation qui se veut intégratrice, l’hellénisme. Il y a alors à la fois rejet nationaliste

et intégration malgré tout des valeurs de l’hellénisme. C’est pourquoi j’étudie avec les élèves un extrait du texte des Maccabées, avec

pour but de leur faire sentir les subtilités d’un discours contradictoire, et que j’évoque ensuite la création du judaïsme rabbinique après

70.

Dans cette perspective, les périodes étudiées ne sont plus du tout les mêmes que dans l’approche classique – mais fausse

historiquement — de l’histoire de ce peuple : les manuels s’attardent sur les périodes entre les patriarches et la fin de la monarchie

unifiée, il s’agit pour nous d’étudier le royaume de Juda, sa chute, l’exil, le second Temple et la Diaspora. Dans les manuels, la Bible est

la source d’un récit mythique lu comme un récit historique ; dans cette nouvelle approche, la Bible devient le centre de l’étude, y

20 Dès l’Antiquité, les mythes sont très rarement pris à la lettre. Les grands textes, à commencer par Homère, sont lus de façon allégorique, et beaucoup de mythes sont interprétés

selon la méthode de l’evhémérisme. Lorsque les grandes synthèses des mythes sont faites dès l’époque hellénistique, on rationalise, on compile, on compare les traditions

mythiques.Le christianisme continue dès le IIe siècle cette tradition, reprend les mythes antiques sans se contredire puisqu’ils sont rationalisés.Remarquons aussi que le christianisme

dès l’Antiquité et jusqu’au XXe siècle utilise les méthodes de l’allégorie éprouvées d’abord sur Homère pour l’exégèse biblique. La lecture à la lettre de la Bible est une invention

contemporaine, toutes les religions ont fait la part de l’interprétation à commencer par les contradictions internes, nombreuses, dans la Bible.

On peut utilement lire VEYNE, P., Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ? Seuil, 1983. 21 « Ils s’inventent des histoires parce qu’ils en ont besoin, pour se prouver quelque chose » (Mathilde 6ème 2, année 2000-2001, collège du Jas de Bouffan, Aix, à propos du

mythe de Romulus et Rémus).

32

compris les conditions historiques de sa rédaction. Cette approche permet de pleinement respecter la lettre et l’esprit du programme de

6e, l’approche « patrimoniale », ici la Bible.

C) Quelques pistes pour une application pédagogique22

De nombreuses difficultés se présentent dans la mise en œuvre de ce projet pour les élèves :

— La problématique est compliquée mais pas inabordable, même pour des publics d’élèves en grande difficulté scolaire.

— Le manque de documents23 : la Bible certes, mais il ne reste plus que la parole de l’enseignant pour l’interpréter et avec quelles

difficultés… Quant à la situation du royaume de Juda au temps du roi Josias et celle de la Judée au retour d’exil, quels documents

utiliser ?

— Le conformisme des manuels scolaires et des enseignants, le poids des habitudes, les pré-acquis des élèves, les questions de foi.

Quelques pistes sont présentées ici. Certaines ont déjà été essayées avec succès devant des élèves, d’autres le seront prochainement.

Je divise l’étude en deux périodes distinctes dans l’année. La première est faite a moment de l’étude des Hébreux (entre l'étude de

l’Égypte et celle de la Grèce), la deuxième de manière plus brève à la fin de l’étude de la civilisation hellénistique, avant Rome.

1. Première période. Le royaume de Juda au temps du roi Josias, le peuple juif au temps de l’exil et du retour : la rédaction de la Bible

Entrée en matière : la page de présentation.

Document et objectif : comme pour toutes les civilisations étudiées dans ce programme, les élèves commencent par une double page de

présentation. Sur la page de gauche, ils collent l’alphabet (pour les Égyptiens ce furent des hiéroglyphes, pour les Grecs, l’alphabet

grec) et écrivent leur prénom avec cet alphabet . Sur la page de droite, ils écrivent « Les Hébreux » et peuvent soit coller des images,

soit faire un dessin. Outre l’aspect ludique de l’exercice, et l’aspect soin du cahier qui fait que l’élève a du plaisir à le consulter, cette

entrée en matière marque que l’écriture et son usage sont une marque de civilisation et que les différentes écritures les déterminent

entre elles.

Déroulement : cet exercice se fait rapidement en classe ou à la maison

La leçon se présente en trois volets :

1— Présentation de la Bible dans ses différents canons, et dans ses différentes parties : 30 à 40 mns

22 Je remercie pour avoir testé les exercices proposés aux élèves Léo (13 ans), Emma (8 ans) et Agnès (14 ans). 23 Les documents présentés aux élèves se trouvent en annexes.

33

Documents : tableau comparatif de trois canons (juif, catholique, protestant). Extrait du Lévitique sur les interdits alimentaires, extrait

des Psaumes.

Objectifs : la Bible n’a pas de version universelle. C’est un livre de foi où l’on trouve des récits, des prières, des règles de vie, des

poèmes etc…, en bref une bibliothèque avec des rédactions très diverses.

Déroulement : ce tableau est volontairement donné tout seul aux élèves. Il leur est demandé de l’observer plus que de le lire et de

trouver ce qu’ils pourraient y trouver d’étrange. Selon les classes les interrogations sont plus ou moins pertinentes : certains trouvent

tout de suite la piste que j’essaie de leur faire suivre24, d’autres rester incrédules face à ce document. Le livre de la foi ne peut pas avoir

plusieurs versions.

Puis rapidement, dans le manuel, je fais lire à voix haute par des élèves des courts extraits des Psaumes et du Lévitique. On voit aussi

dans le tableau que certains livres sont dits « historiques ». Selon le niveau de la classe ou des élèves, ils rédigent en autonomie plus ou

moins grande une phrase sur les types de textes que l’on trouve dans la Bible (Exemple : « On trouve dans la Bible des livres qui

parlent de l’histoire, des lois, des poèmes, des prières »).

On finit en repérant sur la chronologie que je distribue aux élèves à ce moment-là les dates de rédaction de la Bible. Les élèves

rajoutent eux-mêmes à la fin de la phrase précédente : « Elle a été rédigée entre le VIIE et le Ier siècles av. J.-C. »

2— Le royaume de Juda et le peuple des Juifs au moment de la rédaction de la Bible : de Josias à l’exil et au retour : 30 mns environ.

Documents : carte du Proche-Orient du VIIIe siècle av. J.-C. au Ier siècle ap. J.-C. (les deux royaumes israélites et leurs voisins,

évolution postérieure jusqu’à la destruction du second Temple, mouvements de population). Chronologie de l’histoire des Hébreux et

des Juifs du Xe siècle av. J.-C. au Ier siècle ap. J.-C. (la carte et la chronologie resserviront au moment de l’étude de la période du

second Temple et de l’interrogation écrite).

Objectifs : cette leçon et ses documents racontent l’histoire de ce peuple et de ce livre.

Déroulement : je fais le récit en cours magistral de l’histoire des Hébreux et des Juifs du Xe et IVe av. J.-C. (des premiers Israélites au

second Temple). Au fur et à mesure, je complète avec les élèves la chronologie et la carte avec les couleurs idoine.

3— Histoire des Hébreux : version de la Bible, version de l’historien : 1h à 1h30

Documents : tableau où des extraits de la Bible sont confrontés au projet des rédacteurs et à l’histoire vue par les historiens et les

archéologues. Carte du déplacement des Hébreux dans le manuel scolaire (Abraham, Joseph, Moïse). Carte et chronologie du cours

précédent.

24 « Il n’y a pas de Bible universelle. » (Mathilde 6e 2, année 2000-2001, collège du Jas de Bouffan, Aix, au moment de la distribution du tableau).

34

Objectifs : comparer les textes, les intentions des auteurs et les matériaux historiques qu’ils utilisent. Comment et pourquoi se construit

un document à forte portée idéologique. Il s’agit de confronter le texte biblique illustré par la carte qui le synthétise au contexte de son

écriture : confronter le projet des rédacteurs (colonne de gauche) à ce que raconte l’historien (colonne de droite).

Déroulement : selon le niveau de la classe, les élèves peuvent être en plus ou moins grande autonomie pour l’exercice avec le tableau.

De bons élèves peuvent le faire tous seuls et même aller très vite en utilisant certaines stratégies (des mots-clefs). C’est la correction

qui pourra donner lieu à une réflexion plus approfondie.

Dans la plupart des classes, il faut faire du pas à pas avec les élèves : lire les textes de la Bible au centre et trouver les correspondances

dans les deux colonnes. La grande difficulté vient de la lecture de textes longs et inhabituels pour les élèves. Ils cherchent seuls puis la

correction est faite au fur et à mesure au rétroprojecteur en mettant les lettres et les chiffres correspondants dans les cases. Les élèves

ne découperont et ne colleront les étiquettes qu’à la fin ou chez eux. La carte du déplacement des Hébreux sert d’appui au texte

biblique, la chronologie d’appui à la colonne de droite. Dans chaque case, on retrouve les deux temps de la rédaction de la Bible, la

réforme du roi Josias et le retour d’exil. L’exercice doit se passer en constants allers-retours entre le tableau et les autres documents qui

lui donnent du sens.

2. Deuxième période. Le second Temple, sa destruction, la naissance du judaïsme rabbinique.

4— Le judaïsme confronté à l’hellénisme : métissage ou rejet ? : 1 heure

Documents : long texte extrait du deuxième livre des Maccabées avec questionnaire sur la réforme hellénique à Jérusalem et son échec.

Texte à trous, réutilisation de la carte et de la chronologie données lors du cours sur les Hébreux.

Objectifs : cette leçon se situe après les séquences sur la Grèce, au milieu de la séquence sur la période hellénistique, juste avant les

séquences sur Rome. Les objectifs cognitifs ne concernent pas seulement l’histoire juive, mais aussi l’histoire du monde gréco-romain

(voir les problématiques générales de 6e ci-dessus). L’intérêt est enfin de donner encore plus de sens à l’étude historique pour les

élèves : l’étude des civilisations ne se fait pas de façon cloisonnée, il y a des passerelles.

Déroulement : la chronologie donnée lors de la leçon sur les Hébreux sert à donner de la cohérence pour les élèves à cette deuxième

période. C’est d’ailleurs par elle que commence la leçon : raconter la suite de l’histoire, la déportation, l’exil, le retour, la refondation du

Temple, les conquêtes en particulier celle d’Alexandre. Les lieux sont pointés au fur et à mesure sur la carte. Les élèves doivent trouver

dans le texte tout ce qui relève de l’hellénisme puis analyser le texte sur les formes et les moteurs de l’hellénisation : par exemple, c’est

le grand prêtre qui est à l’origine cette hellénisation, ce texte la condamne, mais il est écrit en grec par un juif de la Diaspora.

C’est à la fin que l’enseignant évoque avec la classe la suite de l’histoire qui est résumée dans un bref paragraphe à trous après

l’exercice que les élèves remplissent à l’aide de la chronologie. C’est seulement à ce moment-là que l’on pourra voir avec eux les

éléments du culte juif tels qu’on les trouve dans les manuels (par exemple aux pages 50, 51 et 53 du manuel édité chez Hatier). Et à

cette occasion voir avec les élèves que les juifs aujourd’hui sont les gens qui confessent la religion juive et en aucun cas une race ou

une nationalité ; je leur parle brièvement des différentes cultures du judaïsme et de ses langues.

35

3. Évaluations :

1— À la fin de chaque civilisation, les élèves remplissent en classe un tableau récapitulatif avec les item suivants : « situation

géographique », « situation chronologique », « organisation politique », « organisation sociale », « religion », « art », « traces

aujourd’hui ». Ce tableau qui sert d’évaluation sommative non notée, peut être fait à la fin de la première période ou est reporté à la fin

de la deuxième période et porter sur les deux périodes. Il donnera ainsi l’occasion de dégager la complexité de cette étude historique et

la faire saisir aux élèves ; par exemple pour l’item « organisation politique », plusieurs réponses seront à donner, ou pour l’item

situation chronologique, l’on peut prendre un temps court (le royaume de Juda), un temps moyen (jusqu’en 70, avant la dispersion), ou

un temps très long (jusqu’à nos jours). Par expérience, je peux témoigner que les élèves, même dans des classes très faibles, se

piquent souvent au jeu quand on leur demande de relever la complexité.

2— Le contrôle noté : je présente ici deux interrogations écrites possibles.

Elles portent toutes les deux sur le texte de la Bible. Dans l’un il est comparé à un texte extérieur, dans l’autre les élèves travaillent

dans l’intertextualité. Dans les deux cas, le contrôle se fait à cahier ouvert car les élèves ont à chercher dans le cours (la chronologie

surtout) des éléments de réponses. L’objectif de ces deux contrôle est le même, comme l'exercice où l'on a dû comparer des textes de

la Bible à des conclusions d’historiens : mettre en relation des textes qui se ressemblent, percer les intentions des auteurs au moment

de la rédaction (ici au moment de la reconstruction du second Temple).

Contrôle sur le déluge

C’est un classique de comparer le texte de la Genèse avec celui de l’Epopée de Gilgamesh. Je reprends d’ailleurs à la question 1 le

questionnaire classique qui oblige les élèves à lire correctement les deux textes. Les questions suivantes portent le contexte de

rédaction et les intentions des auteurs. La dernière les oblige à rechercher dans le manuel des histoires qu’ils connaissent déjà qui leur

font toucher au-delà du récit historique et du « métier » d’historien (en herbe), la dimension patrimoniale de la Bible. Peut-être certains

n’auront même pas à ouvrir le manuel pour répondre à cette question.

Contrôle sur l’Exode et le retour d’exil

C’est le même exercice qu’en classe : mettre des textes à leur place dans des cases pour reconstituer le sens. Les meilleurs des élèves

utiliseront certainement les mêmes stratégies (des mots-clefs). Le deuxième exercice les oblige à comparer à nouveau les textes entre

eux, et à trier entre les deux lequel est un récit « d’histoire » (avec des intentions qui ne sont pas historiques) et lequel est un récit

symbolique : ils doivent pour cela se souvenir de qui a été fait en classe sur les intentions des auteurs de la Bible.

Lors de ces deux contrôles, les mots difficiles seront expliqués au fur et à mesure au tableau à la demande des élèves.

Conclusion

Les exercices que je présente ici peuvent paraître complexes pour des élèves de 6e. Ils le sont et certainement dans certaines classes

presque inabordables. Il faudra alors les simplifier. Ils permettent aussi de travailler en pédagogie différenciée car il peuvent se voir à

plusieurs niveaux, de manières différentes selon le degré d’autonomie des élèves.

36

La difficulté ne nous dispense pas d’enseigner correctement cette histoire à toutes les classes. Même les élèves les plus faibles peuvent

aborder la complexité de l’histoire et du réel25, et des notions compliquées. De plus je ne suis pas convaincue que la manière

traditionnelle d’aborder cette leçon fasse plus de sens ou soit moins difficile pour les élèves. Soulignons à nouveau qu’elle fait enseigner

des erreurs ! Une utilisation plus grande de l’image serait souhaitable, mais les images sont rares ; le judaïsme n’est pas totalement

aniconique mais je refuse d’utiliser les images chrétiennes postérieures comme le font les manuels scolaires, ce sont des illustrations

d’un livre, la Bible, à d’autres époques, et non des documents d’histoire.

Je finirai par la dimension de cette leçon en Éducation civique au sein de l’enseignement laïque. Celle-ci qui n’est pas la plus négligeable.

J’ai commencé le présent exposé en soulignant les chausse-trappes de cette période, en particulier ses résonances contemporaines. En

clarifiant ces périodes antiques, on peut mieux comprendre les périodes contemporaines, défaire l’écheveau des incompréhensions26

dont les échos se retrouvent jusque dans nos classes.

25 « Et alors, est-ce qu’il y a des Gitans juifs ? » (Marine, élève très faible et très absentéiste appartenant à la communauté gitane, 6e4, collège Jas de Bouffan, Aix, année 2004-

2005). Marine découvrait la complexité du réel, elle pour qui les gitans, les juifs et les arabes étaient des races. Ce sont les élèves qui lui ont répondu « Pourquoi pas ? » en lui

faisant remarquer qu’un des patriarches de la communauté gitane du Jas s’était converti à l’Islam. Marine est alors tombée dans un océan de perplexité ; une partie de ces certitudes

s’écroulaient devant elle. 26 Il n’y a bien entendu ni Alliance, ni Terre promise, ni mont du Temple (lequel ?), ni patriarches enterrés à Hébron ! Il y a des gens qui habitent cette région et qui doivent

s’efforcer d’y vivre tous ensemble maintenant en bonne harmonie. Mais le chemin est encore long…

37

ANNEXE 1 : L’ALPHABET HEBRAIQUE

38

39

Tableau comparatif sur la Bible : ce que disent les historiens et ce que

veulent prouver les rédacteurs.

40

Ce que les rédacteurs veulent

démontrer

Passages de la Bible Selon l’archéologie et les

historiens

Les patriarches nomades

Le seigneur dit à Abraham : « Pars de ton pays, de ta famille, de la

maison de ton père vers le pays que je te ferai voir ». Abraham partit comme

le seigneur le lui avait dit : « C’est à ta descendance que je donnerai ce pays.

Genèse 12.

L’Egypte et la fuite d’Egypte

Ils dirent à Pharaon : « Nous sommes venus dans le pays, car il n’y a plus de pâture pour les troupeaux : la famine, en effet, accable le pays de Canaan. » Genèse, 47. On annonça à Pharaon que les Hébreux avaient fui. Il

fait atteler son char et prit six cents des meilleurs

chars, montés par les meilleurs équipages. […] Moïse étendit la main sur la mer. Les eaux recouvrirent toute l’armée du Pharaon. Exode, 14.

Les brillants rois, David et Salomon

Salomon dominait toute la région comprise entre l’Euphrate et la Méditerranée depuis le fleuve jusqu’au pays des Philistins et jusqu’à la frontière de l’Egypte. Les Hébreux habitaient en sécurité, chacun sous sa vigne et sous son figuier. […] Le roi Salomon

devint le plus grand des rois de la Terre en richesse et en sagesse. 1, Rois, 4.

Un seul Dieu, Yahvé, passe un Alliance

avec son peuple et lui donne la Terre promise [Moïse s’adresse aux Hébreux] « Ecoute Israël ! Yahvé notre Dieu est le seul et unique Dieu. Tu aimeras Yahvé ton Dieu de tout ton cœur, tout ton être, de toute ta force. Les paroles, les

commandements que je te donne aujourd’hui seront présents à ton cœur ; tu les répéteras à tes fils.

Quand Yahvé ton Dieu t’auras fait entrer dans le pays qu’il a promis de te

donner, garde-toi bien d’oublier Yahvé. C’est ton Dieu que tu craindras, c’est

41

lui que tu serviras. Vous ne suivrez pas d’autres dieux parmi ceux des peuples

qui vous entourent car c’est un Dieu jaloux. La colère de ton Dieu

s’enflammerait contre toi et il te ferait disparaître de la face de la terre ».

Deutéronome 6.

Yahvé punit ceux qui le trahissent

Le roi d’Assyrie envahit tout le pays et vint assiéger

Samarie pendant trois ans. Cela arriva parce que les

Israélites avaient péché contre Yahvé leur Dieu. Ils adorèrent d’autres dieux, ils suivirent les coutumes des nations que Yahvé avait chassées devant eux, et celles établies par les rois d’Israël. 2 Rois, 17..

42

Vignettes à coller

dans la colonne de gauche

Vignettes à coller

dans la colonne de droite Consignes

1 • Josias et Esdras • Nous n’avons

qu’un seul Dieu, mais il est le seul et

il nous protège car nous avons passé

une Alliance avec lui. Il nous a donné

la Terre promise que nous gardons

tant que nous lui sommes fidèles.

Nous ne devons pas avoir d’autres

dieux et nous ne pouvons donc pas

nous mélanger avec les autres

peuples, les polythéistes, même ceux

qui habitent la même terre que nous.

A • A cette époque, le royaume de Juda

était minuscule et Jérusalem un village.

Jérusalem est devenu une ville et le

Temple a été bâti plus tard, sous le roi

Josias, puis au retour d’exil.

Lis attentivement tous les

textes et place dans les cases

du tableau les bons numéros

et les bonnes lettres.

2 • Josias • Notre roi descend de rois

très puissants, David et Salomon, qui

ont fondé une capitale, Jérusalem et

bâti un Temple pour notre Dieu.

Esdras • Aujourd’hui, sans roi, nous

avons un seul Dieu (Yahvé) dans un

seul lieu (Jérusalem).

B • Le royaume du nord (Israël) a disparu

en 720. Ils étaient polythéistes, et

métissés. Ils avaient fait des conquêtes,

mais se sont fait battre par les Assyriens.

• Le royaume de Juda a été détruit par les

Babyloniens, ses élites parties en exil

pendant 47 ans ont pu revenir en Judée

où les populations polythéistes leur

étaient hostiles.

Tu peux t’aider des mots

qui reviennent sur une

même ligne et des titres

de la colonne centrale.

3 • Josias • Nous devons respecter

les règles de l’Alliance sinon notre

Dieu nous punit. Pour avoir été

mauvais et s’être mélangés à ses

voisins, le royaume d’Israël a été

envahis par les Assyriens.

Esdras • Il est arrivé la même chose

au royaume de Juda (exil à

Babylone) mais en refondant le

Temple, nous devons respecter cette

alliance.

C • Le royaume de Juda a été polythéiste

puis monolâtre (un seul Dieu adoré mais

les autres peuples ont leurs dieux) sous le

roi Josias qui a rénové le Temple et fait

rédiger la Bible.

• Durant l’exil à Babylone, garder son

Dieu c’était garder son identité ; les

Hébreux sont devenus alors monothéistes

(un seul Dieu universel).

Découpe ensuite les

vignettes et place-les

dans les cases

correspondantes aux

passages de la Bible de

la colonne centrale.

43

4 • Josias • Nos ancêtres ont été

esclaves en Egypte puis, avec l’aide

de leur Dieu, ils ont humilié le plus

grand des rois, le Pharaon.

Esdras • Nous revenons de l’exil vers

notre Terre promise (Babylone =

Egypte)

D • Les ancêtres des Israélites étaient des

semi-nomades sédentarisés.

• La rédaction de la Bible s’est faite en

grande partie au retour d’exil de Babylone

et de Mésopotamie.

Attention découpe puis

colle la colonne de

gauche avant de faire

celle de droite,

5 • Josias • Nos ancêtres étaient des

nomades venus de Mésopotamie à

qui Dieu a donné la Terre promise.

Esdras • Ils ont voyagé de

Mésopotamie (où il y a Babylone)

jusqu’à la Terre promise.

E • Quand il y avait de mauvaises récoltes

en Canaan, les gens allaient travailler en

Egypte puis revenaient.

• De Babylone, où ils étaient prisonniers,

des Juifs sont revenus d’exil.

sinon tu risques de

mélanger les étiquettes.

44

Tableau comparatif sur la Bible : ce que disent les historiens et ce que

veulent prouver les rédacteurs. Ce que les rédacteurs veulent

démontrer

Passages de la Bible Selon l’archéologie et les

historiens

5 • Josias • Nos ancêtres

étaient des nomades venus de

Mésopotamie à qui Dieu a

donné la Terre promise.

Esdras • Ils ont voyagé de

Mésopotamie (où il y a

Babylone) jusqu’à la Terre

promise.

Les patriarches nomades

Le seigneur dit à Abraham : « Pars de ton pays, de ta famille, de la

maison de ton père vers le pays que je te ferai voir ». Abraham partit comme

le seigneur le lui avait dit : « C’est à ta descendance que je donnerai ce pays.

Genèse 12.

D • Les ancêtres des

Israélites étaient des

semi-nomades

sédentarisés.

• La rédaction de la Bible

s’est faite en grande partie

au retour d’exil de

Babylone et de

Mésopotamie.

4 • Josias • Nos ancêtres ont

été esclaves en Egypte puis,

avec l’aide de leur Dieu, ils ont

humilié le plus grand des rois,

le Pharaon.

Esdras • Nous revenons de

l’exil vers notre Terre promise

(Babylone = Egypte)

L’Egypte et la fuite d’Egypte

Ils dirent à Pharaon : « Nous sommes venus dans le

pays, car il n’y a plus de pâture pour les troupeaux :

la famine, en effet, accable le pays de Canaan. » Genèse, 47. On annonça à Pharaon que les Hébreux avaient fui. Il fait atteler son char et prit six cents des meilleurs chars, montés par les meilleurs équipages. […] Moïse étendit la main sur la mer. Les eaux recouvrirent

toute l’armée du Pharaon. Exode, 14.

E • Quand il y avait de

mauvaises récoltes en

Canaan, les gens allaient

travailler en Egypte puis

revenaient.

• De Babylone, où ils

étaient prisonniers, des

Juifs sont revenus d’exil.

2 • Josias • Notre roi descend

de rois très puissants, David et

Salomon, qui ont fondé une

capitale, Jérusalem et bâti un

Temple pour notre Dieu.

Esdras • Aujourd’hui, sans roi,

nous avons un seul Dieu

(Yahvé) dans un seul lieu

(Jérusalem).

Les brillants rois, David et Salomon

Salomon dominait toute la région comprise entre l’Euphrate et la Méditerranée depuis le fleuve

jusqu’au pays des Philistins et jusqu’à la frontière de

l’Egypte. Les Hébreux habitaient en sécurité, chacun sous sa vigne et sous son figuier. […] Le roi Salomon devint le plus grand des rois de la Terre en richesse et en sagesse. 1, Rois, 4.

A • A cette époque, le

royaume de Juda était

minuscule et Jérusalem un

village.

Jérusalem est devenu une

ville et le Temple a été

bâti plus tard, sous le roi

Josias, puis au retour

d’exil.

1 • Josias et Esdras • Nous

n’avons qu’un seul Dieu, mais

il est le seul et il nous protège

car nous avons passé une

Alliance avec lui. Il nous a

donné la Terre promise que

nous gardons tant que nous lui

Un seul Dieu, Yahvé, passe un Alliance

avec son peuple et lui donne la Terre promise [Moïse s’adresse aux Hébreux] « Ecoute Israël !

Yahvé notre Dieu est le seul et unique Dieu. Tu aimeras Yahvé ton Dieu de tout ton cœur, tout ton être, de toute ta force. Les paroles, les

commandements que je te donne aujourd’hui seront présents à ton cœur ; tu les répéteras à tes fils.

C • Le royaume de Juda a

été polythéiste puis

monolâtre (un seul Dieu

adoré mais les autres

peuples ont leurs dieux)

sous le roi Josias qui a

rénové le Temple et fait

45

sommes fidèles. Nous ne

devons pas avoir d’autres

dieux et nous ne pouvons donc

pas nous mélanger avec les

autres peuples, les

polythéistes, même ceux qui

habitent la même terre que

nous.

Quand Yahvé ton Dieu t’auras fait entrer dans le pays qu’il a promis de te

donner, garde-toi bien d’oublier Yahvé. C’est ton Dieu que tu craindras, c’est

lui que tu serviras. Vous ne suivrez pas d’autres dieux parmi ceux des peuples

qui vous entourent car c’est un Dieu jaloux. La colère de ton Dieu

s’enflammerait contre toi et il te ferait disparaître de la face de la terre ».

Deutéronome 6.

rédiger la Bible.

• Durant l’exil à Babylone,

garder son Dieu c’était

garder son identité ; les

Hébreux sont devenus

alors monothéistes (un

seul Dieu universel).

3 • Josias • Nous devons

respecter les règles de

l’Alliance sinon notre Dieu nous

punit. Pour avoir été mauvais

et s’être mélangés à ses

voisins, le royaume d’Israël a

été envahis par les Assyriens.

Esdras • Il est arrivé la même

chose au royaume de Juda

(exil à Babylone) mais en

refondant le Temple, nous

devons respecter cette

alliance.

Yahvé punit ceux qui le trahissent

Le roi d’Assyrie envahit tout le pays et vint assiéger Samarie pendant trois ans. Cela arriva parce que les Israélites avaient péché contre Yahvé leur Dieu. Ils adorèrent d’autres dieux, ils suivirent les coutumes des nations que Yahvé avait chassées devant eux, et celles établies par les rois d’Israël. 2 Rois, 17.

B • Le royaume du nord

(Israël) a disparu en 720.

Ils étaient polythéistes, et

métissés. Ils avaient fait

des conquêtes, mais se

sont fait battre par les

Assyriens.

• Le royaume de Juda a

été détruit par les

Babyloniens, ses élites

parties en exil pendant 47

ans ont pu revenir en

Judée où les populations

polythéistes leur étaient

hostiles.

46

L’hellénisation des peuples barbares dans l’Orient hellénistique A l’aide la frise chronologique complète les textes dans les encadrés.

Durant l’exil à ………… les descendants du Royaume de Juda, les Juifs continuent de rédiger la …

qui devient le seul support de leur religion. Au … siècle certains rentrent d’exil en Judée (la région des Juifs) et reconstruisent le ………… Après

Alexandre, la Judée est dominée par des rois ………

La réforme hellénique à Jérusalem

au temps du grand-prêtre Jason

« Quand Séleucos eût quitté la vie et qu’Antiochos IV son fils eût hérité du royaume, Jason accéda par fraude à la fonction de Grand-Prêtre du Temple [de Jérusalem], après avoir promis au roi de lui offrir 440 talents d’argent ; en outre il s’engageait à en payer 150 autres si on lui concédait le droit de fonder de sa propre autorité un gymnase et un éphébeion1

et d’établir une liste des Antiochéens de Jérusalem2. Le roi ayant dit oui, Jason s’empara aussitôt du pouvoir et fit passer les Juifs au mode de vie des Grecs. Rejetant les mesures royales de bienveillance prises en faveur du mode de vie traditionnel

des Juifs, et abolissant les institutions légales, il établit des coutumes nouvelles contraires à la Loi3. Tout content, en effet, il fonda un gymnase au pied de l’Acropole et y amena l’élite des jeunes gens. La mode de l’hellénisme et la montée du paganisme, grâce à l’extrême insolence de Jason — impie et non Grand-Prêtre ! — furent telles que les prêtres, n’ayant plus

aucun zèle pour le service du Temple, le dédaignaient et s’empressaient de participer dans le gymnase aux jeux contraires à la Loi4, sitôt donné le signal de lancer le disque, ne comptant ainsi pour rien les honneurs de leurs ancêtres et tenant pour

plus belles les gloires helléniques. Car se conduire de façon impie vis-à-vis des lois divines n’est pas de tout repos : la période qui suit le montrera.

Comme on célébrait à Tyr des jeux quinquennaux5, auxquels le roi assistait, l’impur Jason y délégua, en qualité d’Antiochéens de Jérusalem, des spectateurs qui apportaient 300 drachmes destinées au sacrifice d’Héraclès ; mais ceux

qui les portaient demandèrent qu’elles ne fussent pas utilisées pour le sacrifice, parce ce que cela ne convenait pas, et qu’on les affectât à une autre dépense. Ainsi cet argent, destiné par celui qui l’envoyait au sacrifice d’Héraclès, servit, grâce à ceux qui l’apportaient, à l’équipement des trières6. »

D’après le deuxième livre des Maccabées (4, 7-29). Ecrit vers 124 av. J.-C. Traduction du grec.

1 Ephébeion : salle d’entraînement pour les jeunes gens près du gymnase. 2 Les Antiochéens de Jérusalem : le Grand-Prêtre Jason transforme la ville de Jérusalem en cité grecque qu’il nomme Antioche en l’honneur du roi Antiochos. Ceux qui veulent vivre

selon la paideia en sont alors citoyens, les Antiochéens. 3 La Loi : il s’agit ici de la Bible ou Torah qui est utilisée comme code de loi par les juifs.

4 Aller au gymnase n’est pas contraire à la Torah, mais être nu oui, car la Torah recommande la pudeur.

5 Le roi Antiochos en bon grec a créé des jeux panhelléniques en Orient qui permettent à ceux qui veulent vivre à la grecque de “faire” grec et d’étaler leur paideia.

6 En fait, ces Juifs hellénisés envoyés comme spectateurs ne peuvent faire un sacrifice à un dieu païen et préfèrent mettre cet argent à une dépense militaire sans valeur religieuse.

47

1 Présenter le document : sa nature, sa date, où se trouve-t-il, par qui a-t-il été rédigé et dans quelle langue.

2 Relever dans le texte (souligne et explique) les signes d’hellénisation d’une partie de la population juive au début du IIIe s. av. J.-C.

3 Qui est à l’initiative de cette hellénisation ? Les rois grecs séleucides l’ont-ils exigée ? Expliquer.

4 Montre que tous les Juifs n’adhèrent pas à cette hellénisation. Au nom de quoi la rejettent-ils ? L’auteur du texte y est-il lui-même favorable ?

Suite de l’histoire : la Révolte des Maccabées, la destruction du temple et la dispersion.

L’hellénisation en Judée se passa très mal ; une partie du peuple mené par les frères Maccabées se révolta en …… contre les Juifs hellénistes. Ces derniers reçurent

le soutien du roi Antiochos IV qui persécuta les Juifs et voulu leur interdire la Torah (la Bible). La révolte devint guerre que perdit le roi grec. Ayant aussi d’autres

problèmes dans le royaume, ses successeurs cédèrent, et donnèrent même leur autonomie aux Juifs qui furent gouvernés par la famille des Maccabées (les

Asmonéens) puis celle d’Hérode (les Iduméens). Celui-ci embellit le ……………. Le royaume fut semi-autonome jusqu’en ……ap. J.-C., date à laquelle les Juifs se

révoltèrent contre les Romains. Le Temple de Jérusalem fut alors rasé et les Juifs …………… : la Diaspora dut inventer alors un nouveau type de culte, basé

uniquement sur la Torah et ses commentaires (le Talmud) et non plus sur les sacrifices dans le Temple de Jérusalem. Ce judaïsme ………………… créé par la

diaspora autour des synagogues et des rabbins est encore celui de la religion juive d’aujourd’hui.

La révolte des Juifs est la seule que l’on connaisse dans le monde antique contre l’hellénisation. Au contraire la plupart des élites des peuples barbares soumis en

Orient se font volontiers grecs.

48

Comparer deux textes qui se ressemblent : contrôle sur la Bible et les Hébreux La Bible

Dieu vit que la méchanceté de l’homme se

répandait sur la terre. Il dit : « J’effacerai de la

surface du sol l’homme que j’ai créé, les bêtes, les

petites bêtes et même les oiseaux du ciel car je ne

suis pas content de les avoir faits. » Mais Noé

trouva grâce aux yeux de Dieu. […]

« Fais-toi une arche (un bateau) de bois

résineux. […] Entre dans l’arche, toi et

avec toi tes fils, ta femme, et les

femmes de tes fils. De tous les animaux,

tu introduiras un couple dans l’arche

pour les faire survivre avec toi. » […] Le

déluge (la pluie) eut lieu sur la terre

pendant quarante jours. […] Au

septième mois, l’arche arriva sur le mont

Ararat. […] Au bout de quarante jours, il

lâcha le corbeau qui s’envola, allant et

revenant. Il lâcha la colombe ; elle

revint à lui, et voilà qu’elle avait au bec

un frais rameau d’olivier ! […] Noé éleva

un autel (table de sacrifice) pour Dieu et

fit des sacrifices. Dieu respira le parfum

et dit à Noé accompagné de ses fils :

« je vais établir mon alliance avec vous,

avec votre descendance (vos enfants)

après vous et avec tous les êtres vivants

qui sont avec vous. »

La Bible, Genèse, 6-9

Une légende mésopotamienne

écrite

au IIe millénaire av.J.-C.

L’envie prit aux plus grands des dieux de

provoquer le déluge. Ô roi de Shurupak,

démolis ta maison pour te faire un bateau !

Renonce à tes richesses pour te sauver la

vie ! Mais embarque avec toi des spécimens

de tous les animaux ! […] Six jours et sept

nuits durant, vents violents, pluies battantes,

ouragans et déluges continuèrent de ravager

la terre. Le septième jour arrivé, tempête,

déluge et morts en nombre cessèrent. […] A

l’horizon une langue de terre émergeait [de

l’eau]: c’était le mont Nisir où accosta le

bateau. […] Je pris une colombe et la

lâchais ; elle s’en fut puis revint. Je pris un

corbeau ; il s’en fut, mais ayant vu les eaux

se retirer, il ne revint plus. […] Je fis un

sacrifice pour les dieux au sommet de la

montagne. Les dieux sentant la bonne odeur,

s’attroupèrent comme des mouches autour de

moi.

L’épopée de Gilgamesh, onzième tablette.

49

Trouvée dans la biblioth•que d'Assourbanipal,

un des rois de Babylone.

1) Ces deux textes racontent presque la même histoire. Complète le tableau :

Bible Epopée de

Gilgamesh

Qui ordonne le déluge ?

Quel homme est sauvé ?

Combien de temps dure le

déluge ?

Quels oiseaux en annoncent la fin

?

Sur quelle montagne arrive le

bateau ?

Que fait le personnage sur la

montagne ?

2) Souligne dans les deux textes ce qui t’as permis de remplir la case « type de religion » (une demi-ligne au maximum) :

Bible Epopée de

Gilgamesh

Type de religion (entoure le

bon mot)

Monothéiste -

Polythéiste

Monothéiste -

Polythéiste

Le peuple chez qui ce texte a

été écrit

3) Cherche dans la chronologie sur ton cahier :

• Quand le peuple du premier texte a été en contact avec ceux du deuxième texte : …………

• Ce qui a été détruit puis reconstruit à cette époque : ………………………………………

4) Les significations de ce texte pour ceux qui l’écrivent (texte de la Bible)

Complète les correspondances avec les histoires du Déluge (texte de gauche) :

La déportation à Babylone (l’événement dramatique) = ……………………………………………

Le Temple de Jérusalem (le lieu des sacrifices) = ……………………………………………………

Le prêtre Esdras qui ramène les exilés (le guide) =……………………………………………………

5) Recherche dans ton livre d’autres personnages bibliques qui ont des histoires semblables :

Ils ont été punis par Dieu pour avoir mangé un fruit défendu : ………………………………………

Il était prêt à sacrifier sur une montagne son fils à Dieu : ……………………………………………

50

Comparer deux textes qui se ressemblent : contrôle sur la Bible et les Hébreux

1) Reconstruire les récits de la Bible : mettre les chiffres et les lettres correspondants :

La sortie d’Egypte : l’Exode Le retour d’exil de Babylone

La date de départ devient le premier jour de l’année

Numéro de la case :…………………………… Lettre de la case : ……………………………

Une route miraculeuse

Numéro de la case :…………………………… Lettre de la case : ……………………………

Appel de Dieu à prendre possession du pays et à ne pas se mélanger aux gens

du pays

Numéro de la case :…………………………… Lettre de la case : ……………………………

Découverte (ou redécouverte) de la Loi

Numéro de la case :…………………………… Lettre de la case : ……………………………

Célébration de la Pâque

Numéro de la case :…………………………… Lettre de la case : ……………………………

1 • Et maintenant peuple des Hébreux,

écoute ce que je vous ordonne […]

Lorsque ton Dieu t’aura fait rentrer

dans le pays que tu vas prendre, il y

aura des peuples étrangers. […] et tu

n’en auras pas de pitié. Tu ne te

marieras pas avec eux, tu ne donneras

ta fille [en mariage] à leurs fils, ni ne

prendra leur fille pour ton fils. Car ton

fils serait détourné de ton Dieu, et il

rendrait un culte à d’autres dieux ; et

la colère de Dieu s’enflammerait contre

vous et il vous tuerait. (Deutéronome,

4, 1 et 7, 1-6).

A • [Esdras parle à ceux qui reviennent

d’exil] : « Le pays où vous entrez pour en

prendre possession est un pays sali par

les peuples étrangers, par les saletés [de

leurs dieux].

Eh bien ! Ne donnez pas vos filles

[comme épouses] à leurs fils et ne

prenez pas leurs filles pour vos fils ; ne

les laissez jamais tranquilles c’est vous

qui devez manger les meilleurs fruits du

pays et les transmettiez à vos fils pour

toujours. » (Esdras, 9, 11-12)

2 • Dieu dit à Moïse et à son frère le

prêtre Aaron au pays d’Egypte : « ce

mois sera pour vous le premier mois de

l’année. » (Exode, 12,2)

B • [Esdras] avait en effet fixé au

premier jour du premier mois son départ

de Babylone.

(Esdras 7,9)

3 • Lorsque Moïse redescendit de la

montagne du Sinaï, les deux Tables de

la Loi étaient dans la main de Moïse.

[…] Aaron et les chefs des Hébreux

C • Une voix crie : « dans le désert,

préparez le chemin de Dieu, tracez une

route pour notre Dieu, que toutes les

montagnes et toutes les collines soient

51

revinrent alors vers lui, et Moïse leur

parla. Ensuite tous les Hébreux

s’approchèrent, et il leur ordonna tout

ce dont Dieu avait parlé sur le mont

Sinaï. (Exode, 34, 29-32)

abaissées, que les ravins se changent en

plaines ; alors la gloire de Dieu se

révélera à tout le monde. » (Isaïe 40, 3-

5)

4 • Les Hébreux pénétrèrent à pied sec

au milieu de la mer Rouge ouverte par

Dieu, et les eaux leur formaient une

muraille à droite et à gauche. (Exode,

14,22)

D • Mangèrent l’agneau de la Pâque : les

Juifs qui étaient revenus d’exil et tous

ceux qui, ayant renié les dieux du pays,

s’étaient joints à eux pour chercher le

Dieu d’Israël. (Esdras, 6, 21)

5 • Moïse convoqua tous les Hébreux

et leur dit : « Allez-vous procurer des

agneaux pour vos familles et tuez-les

pour manger à la fête de la Pâque. […]

Quand vous serez entrés dans la Terre

que Dieu vous donnera comme il l’a

dit, vous observerez cette fête en

souvenir de la sortie du pays d’Egypte.

» (Exode, 12, 21-27)

E • Ils dirent au prêtre Esdras d’apporter

le livre de la Loi de Moïse, que Dieu avait

prescrite à Israël. Alors le prêtre Esdras

apporta la Loi devant l’assemblée, qui se

composait des hommes et des femmes

et de tous ceux qui avaient l’âge de

raison. […] Tout le peuple tendait l’oreille

au livre de la Loi. (Nehémie 8, 1-2)

2) Comprendre les textes (s’aider de la chronologie sur le cahier)

L’Exode hors d’Egypte Le retour d’exil de

Babylone

Nom du héros

Où passe la route du retour

Sur quoi est écrite la loi

Ce que l’on mange pour la Pâque

Ce que l’on ne doit pas faire

52

Date de cet événement (attention une des deux dates n’existe pas)

Entoure le bon mot Réalité – Fiction –

Symbole

Réalité – Fiction –

Symbole