les grandes lignes de la géographie du maroc

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LES GRANDES LIGNES D E

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LES

GRANDES LIGNES DE LA GÉOGRAPHIE

DU MAROC p a r

GEORGES HARDY et JEAN CÉLÉRIER DIRECTEUR DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE

DES BEAUX-ARTS ET DES ANTIQUITÉS DU MAROC

DIRECTEUR D'ÉTUDES A L'INSTITUT DES HAUTES-ÉTUDES

MAROCAINES DE RABAT

É D I T I O N S DU

Bulletin de l' Enseignement Public du Maroc Avril 1922, N° 40

PARIS V ÉMILE LAROSE, LIBRAIRE-ÉDITEUR

11, RUE VICTOR-COUSIN, 11

1922

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PREMIÈRE PARTIE

VUE D'ENSEMBLE SUR LE MAROC

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I . __ La situation du Maroc

Le Maroc est situé à l'extrémité Nord-Ouest de l'Afrique, entre l e 2 8 de latitude Nord. Ces deux faits sont à la base même d'une géographie méthodi- que : observons-les, d'abord sur une carte de l'Afrique ou des pays méditerranéens, puis sur un globe terrestre. LE MAROC

ET L'AFRIQUE Le Maroc apparaît comme fortement soudé à

l'Afrique : de ce continent très massif, il forme l'extrémité Nord-Ouest. A l'Est, il n'a avec l'Algé-

rie qu'une frontière conventionnelle et récente ; le traité franco- marocain de 1845 n'avait précisé cette frontière que dans la zone du Tell, de l'embouchure de l'Oued Kiss au Teniet Sassi. Le Maroc oriental est, en réalité, un prolongement de l'Algérie. Le Maroc fait donc partie intégrante de cette unité géographique si fortement caractérisée qu'on appelle Afrique du Nord, ou Afrique mineure, ou Pays de l'Atlas, ou Berbérie, ou Maghreb, chacun de ces noms faisant ressortir une cause nouvelle d'unité.

Comme l'Algérie et la Tunisie, le Maroc a deux façades, ouvertes, l'une au Nord sur la Méditerranée, l'autre au Sud sur le Sahara. Le désert n'a pas l'apparente précision d'une frontière linéaire, mais la fermeté plus grande d'une zone à peu près vide d'hommes. La mer de sable complète la ceinture d'eaux marines qui entoure l'Afrique du Nord, et celle-ci paraît bien une île, comme le disent les Arabes en leur langue imagée. Mais une île n'est jamais tout à fait isolée. La mer de sable, moins hospitalière que la mer porteuse de navires, n'est pas non plus une barrière infranchissable. Les relations transsahariennes avec l'Afrique tropicale, difficiles, pré- caires même, n'en ont pas moins un grand intérêt, historique et commercial. L'Afrique du Nord oscille entre sa vocation médi- terranéenne et sa vocation africaine. Des trois pays qui la cons- tituent, le Maroc est le plus rapproché des régions soudanaises et ses grands fleuves prolongent au cœur du désert la zone habitable. Il a un rôle prépondérant dans la grande fonction de l'Afrique du

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Nord, qui, au double point de vue géographique et historique, sert de transition entre l'Europe et l'Afrique.

L'INDIVIDUALITÉ DU MAROC

La persistance d'un Etat indépendant, à tra- vers toutes les vicissitudes, dans le cadre géo- graphique du Maroc prouve la force et l'origina-

lité de ses conditions naturelles. Nous verrons comment le relief et le climat, qui établissent une si proche parenté entre le Maroc et l'Algérie ou la Tunisie, contribuent cependant à le différencier de ses voisines. Un simple coup d'œil sur la position du Maroc suffit déjà pour apercevoir les causes profondes de son individua- lité.

Fig. 1

Pour des raisons qu'il n'est plus permis à un écolier d'ignorer, la proximité de la mer est une source d'innombrables avantages : le Maroc offre précisément un grand développement de côtes.

Pour bien mettre en lumière ce fait important, examinons la forme du Maroc et calculons ses dimensions.

Nous pouvons inscrire le Maroc dans un quadrilatère irrégulier

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qui aurait pour sommets : l'embouchure de l'Oued Kiss, le Cap Spartel, l'embouchure de l'Oued Draa, Figuig. Ce quadrilatère aurait ainsi deux faces maritimes et deux faces continentales, dont la longueur respective serait sensiblement la même. Les frontières du Maroc se répartissent donc à peu près également entre la mer et le continent.

Il est assez difficile de préciser la superficie du Maroc, par suite du caractère particulier de la zone méridionale : on peut la faire varier suivant l'étendue de solitudes sahariennes qu'on lui attribue. Limité par la ligne que nous avons tracée du Draa à Figuig, le Maroc a une superficie d'environ 450.000 kilomètres carrés ; mais il faut tenir compte qu'on englobe ainsi de vastes régions à peu près inhabitées. En négligeant les petites irrégularités des côtes, le développement total du front de mer marocain atteindrait environ 1.400 kilomètres. Le Maroc aurait donc 3 mètres de côtes pour 1 kilomètre carré de superficie.

Dans notre Europe occidentale si merveilleusement privilégiée, ce rapport paraîtrait faible, mais, dans l'Afrique aux formes mas- sives, il donne au Maroc une supériorité très nette. Comparée à lui, l'Algérie semble une maison tout en profondeur, n'ayant sur la mer qu'une façade mesquine. La Tunisie pourrait être rapprochée du Maroc, mais elle n'est ouverte que sur la Méditerranée, mer fermée, incapable de modifier fortement les conditions climatiques. Le Maroc participe aux avantages de la Méditerranée, la mer civilisée par excellence, et il bénéficie largement de l'haleine tour à tour humide et adoucissante, tour à tour chaude et fraîche de l'Atlantique.

LE MAROC ET L'EUROPE

De même qu'il est le pays de l'Afrique du Nord le mieux placé pour assurer les relations transsaha- riennes, le Maroc est le plus rapproché de l'Europe.

L'Europe détache au devant de lui la péninsule ibérique, dont le relief et le climat ont un caractère africain si marqué qu'on a pu dire que l'Afrique commençait aux Pyrénées. Le détroit de Gibral- tar est un lien plutôt qu'une séparation entre le Maroc et l'Espa- gne ; il se resserre jusqu'à n'avoir plus que 13 kilomètres de lar- geur ; en temps normal, on ne perd pas de vue les deux côtes. La profondeur de la mer s'abaisse à moins de 300 mètres. Nous ver- rons que la géologie fixe la séparation des deux continents à une date récente, de sorte que les espèces végétales et animales sont les mêmes de chaque côté du Détroit.

Malheureusement, l'action de ces causes profondes de rappro-

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chement a été paralysée par d'autres facteurs, moins essentiels, dont le Maroc a pâti.

Le Maroc occupe sur la Méditerranée une position tout à fait excentrique ; il est, comme disent les Arabes, le Maghreb-el-Aqça, l'Extrême-Couchant, alors que notre civilisation, née dans la Médi- terranée orientale, s'est lentement propagée vers l'Ouest. Tandis que la Tunisie est intimement mêlée à l'histoire de l'Antiquité, le Maroc fut, pour les Grecs, même pour les Phéniciens et les Romains qui l'ont colonisé, un pays de légendes et de mystères. Dans les temps modernes, le Maroc fut aussi désavantagé. Outre les circons- tances historiques et religieuses, sa position a facilité la politique d'isolement volontaire des dynasties chérifiennes. C'est au Nord- Ouest de l'Europe que se trouvent les foyers de la civilisation. La contiguïté avec l'Espagne n'a pu servir au Maroc ; car l'Espagne, pays arriéré, est à l'écart de la grande circulation qui empêche les peuples de se cristalliser dans des formes vieillies.

Le Maroc touche à l'Europe, mais par l'Espagne, et l'Espa- gne a élé pour lui une impasse, non un moyen de communica- tion.

LE MAROC DANS LE MONDE

La 36e parallèle passe par le détroit de Gibral- tar, le 28 est un peu au sud de l'Oued Draa : le Maroc s'étend donc sur un peu moins de 8° de

latitude, et il est à 12° plus au Sud que l'extrême Sud de la France. Sa position est légèrement plus méridionale que celle de l'Algérie, quoique le Sahara algérien remonte beaucoup plus loin vers le Nord que le Sahara marocain. Le Maroc est à peu près à la même latitude que la Basse Egypte, la Syrie-Palestine, la Perse, l'extrême Nord de l'Inde, la Chine Centrale, le Sud du Japon et des Etats-Unis.

Au point de vue de la longitude, le Maroc est situé légèrement à l'Ouest de la France ; il est compris entre le 4 et le 13 degré de longitude Ouest de Paris. L'heure solaire de Rabat retarde d'en- viron trente-cinq minutes sur celle de Paris.

Ces coordonnées géographiques correspondent à une situation privilégiée pour les relations mondiales :

Par le détroit de Gibraltar, le Maroc commande le passage obli- gatoire entre l'Atlantique et la Méditerranée, un des plus fré- quentés qui soient au monde : là se croisent la route de l'Europe du Nord-Ouest vers l'Orient et l'Extrême-Orient, la route de l'Europe méridionale vers les pays de l'Atlantique, la route cir- cumterrestre que jalonnent d'autre part le canal de Panama et le canal de Suez.

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La côte atlantique ouvre au Maroc un horizon pour ainsi dire illimité comme l'Océan. Devant elle passent les deux grandes rou- tes qui mènent de l'Europe soit vers l'Afrique occidentale, équa- toriale et australe, soit vers l'Amérique du Sud.

Fig. 2

Il est possible qu'une voie terrestre dépasse en importance n'importe laquelle de ces routes maritimes. Le Sud de l'Espagne et l e Nord du Maroc s'avancent l'un vers l'autre comme pour inviter les hommes à les rapprocher tout à fait. C'est par le Maroc seul que peut se faire la soudure entre le grand tronc ferroviaire trans- africain et les lignes transeuropéennes. Si le Paris-Dakar paraît encore chimérique, le Paris-Tanger-Casablanca est en voie de réa- lisation.

En somme, peu de pays au monde sont situés à un aussi important carrefour de routes mondiales.

LA BELLE AU BOIS DORMANT

De bonnes marraines avaient donc assuré au Maroc une situation privilégiée. Mais unef trei- zième et méchante fée a rendu stériles tous leurs

dons : elle a mis des grilles à toutes les ouvertures du Maroc sur le monde.

Au Sud, le Sahara raréfie les communications avec les richesses de l'Afrique tropicale : de ce côté, il n'est le plus souvent venu au Maroc que des vagues de pillards fanatiques.

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Du côté de l'Algérie, le Moyen Atlas élève une barrière presque continue : le passage de Taza, gardé par des tribus farouches, a été plutôt un coupe-gorge qu'une voie d'échanges pacifiques.

La Méditerranée, si souvent maternelle, se brise, au Maroc, sur une côte peu hospitalière, en arrière de laquelle la haute muraille du Rif n'est ébréchée que par d'effroyables gorges.

Enfin, l'Atlantique déroule pendant un millier de kilomètres sa côte de fer, défendue en outre par la redoutable barre.

Au lieu de briser ces grilles de la méchante fée, les meilleurs ser- viteurs du Maroc se sont appliqués à les tenir bien fermées, et, comme la belle Princesse du conte, le Maroc s'est endormi.

L'éveil du Maroc à la vie moderne va lui permettre de bénéfi- cier d'une situation privilégiée, dont il n'a pu ni voulu jusqu'ici profiter.

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II. — Le sol et le relief

CARACTÈRES GÉNÉRAUX

Par la nature du sol, la structure du relief et les formes topographiques, le Maroc est étroitement rattaché au reste de l'Afrique du Nord. De l'Atlan-

tique aux golfes tunisiens, des plissements contemporains du sys- tème alpin ont bouleversé ou rajeuni les témoins des plissements de l'ère primaire, qui avaient été plus ou moins recouverts de sédiments pendant l'ère secondaire. Nous trouvons, au Maroc comme en Algérie, trois zones de relief : une chaîne côtière le long de la Méditerranée, Rif et Atlas Tellien, une seconde chaîne en bordure du Sahara, Haut Atlas et Atlas Saharien ; entre les deux chaînes, une zone centrale de Hauts Plateaux.

Mais les différences ne sont pas moins frappantes que les res- semblances. Le relief marocain est plus varié que le relief algérien, et sa disposition plus complexe. Deux causes de différenciation surtout sont importantes et brisent la régularité presque géomé- trique des grandes zones de l'Algérie : l'existence du Moyen Atlas qui forme une barrière transversale, l'ampleur des plaines qui s'insinuent entre les montagnes.

Ces différences physiques ont un double effet sur les conditions de la géographie humaine :

A la division algérienne en régions naturelles qui se succèdent du Nord au Sud se superpose une division en Maroc occidental et Maroc oriental. Cette division est d'autant plus forte que l'in- fluence de l'Atlantique et du climat se combine avec l'influence du relief.

Les grandes plaines, plus favorables, à la vie agricole, aux établissements humains et surtout à la circulation, donnent au Maroc une supériorité très marquée sur l'Algérie.

LES ÉTAPES DE L'HISTOIRE

DU SOL

En géographie comme en histoire, le présent s'explique par le passé. Le relief actuel résulte d'une évolution antérieure plus ou moins boule- versée par les crises.

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Première phase. — A l'époque carbonifère, une grande chaîne plissée surgit au Maroc. Elle est contemporaine du plissement dont le massif Armoricain, le massif Central, les Vosges, l'Ardenne sont en France les témoins. La chaîne carbonifère du Maroc était dirigée du S.-S.-O. au N.-N.-E.; cette direction, à peu près paral- lèle à la côte actuelle de l'Atlantique, est très différente des chaînes que nous voyons aujourd'hui ; nous retrouverons cepen- dant son influence sur d'importants détails du relief et sur l'orien- tation de certains cours d'eau.

Fig. 3. — Croquis schématique de la structure du Maroc (d'après Louis Gentil)

Deuxième phase. — A cette crise de plissement succéda une phase plus calme d'érosion et de sédimentation pendant la fin de l'ère primaire, toute l'ère secondaire et le début de l'ère tertiaire.

Les sommets de la chaîne plissée furent usés, ses dépressions comblées ; elle fut ainsi transformée en une région à peu près uni- forme, où la résistance de quelques roches dures maintenait seule quelques saillies émoussées : c'est ce qu'on appelle une « péné- plaine ». Une partie de cette pénéplaine, malgré les vicissitudes

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qu'elle a subies et qui l'ont abaissée, puis relevée, n'a plus été affectée par des plissements : elle constitue la Meseta marocaine, à laquelle se rattachent les plateaux du Maroc occidental. Les plateaux du Maroc oriental font partie d'une formation analogue, qui englobe les Haut Plateaux de l'Oranie.

La Meseta était encadrée au Nord, à l'Est et au Sud, sur l'empla- cement actuel du Rif, du Moyen Atlas et du Haut Atlas, par des fosses marines profondes.

Troisième phase. — Vers le milieu de l'ère tertiaire, se produit une nouvelle crise de plissement, à laquelle sont dus les grands traits du relief actuel. La surrection de l'Atlas s'accompagne de fractures qui déterminent des effondrements (Sous, Haouz de Mar- rakech) ou des éruptions volcaniques (plateau des Beni-Mguild). Au Nord, les plis du Rif forment avec ceux de la Cordillère bétique une chaîne continue ; l'exaspération du phénomène de plissement amène la fermeture d'un détroit qui séparait la région rifaine de la Meseta et assurait, avant le détroit de Gibraltar, la communi- cation entre l'Atlantique et la Méditerranée.

Fig. 4. — Relief volcanique (dans le Jbel Siroua)

Quatrième phase. — Depuis la fin de l'ère tertiaire, la forme géné- rale du Maroc n'a plus été affectée que par des changements de faible importance. Au pied des montagnes, l'érosion torrentielle a jeté sur les dépressions un épais manteau d'alluvions. A l'Ouest, l'Océan s'est retiré lentement : il s'est ainsi constitué une plaine littorale, sur le bord de laquelle le vent élevait un cordon de dunes.

De celle histoire géologique, il résulte que le relief du Maroc comprend : des chaînes de plissements, des plateaux de forma- tion complexe, des plaines sédimentaires ou alluviales.

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LES CHAINES DE PLISSEMENT

Les chaînes marocaines se partagent entre deux systèmes de plissement, qui sont à peu près contemporains, mais n'appartiennent pas

au même type : le Rif et l'Atlas. Le Rif, dominant la Méditerranée, dessine entre le détroit de

Gibraltar et le cap des Trois Fourches une courbe concave vers le Nord, que la côte reproduit fidèlement. La formation du détroit de Gibraltar, qui l'a séparé de la Cordillère bétique, est récente, et les deux chaînes se correspondent très exactement par leur structure et leur composition. Elles dressent au-dessus de la même fosse marine un versant abrupt ; elles s'abaissent graduellement à l'extérieur de la courbe par des alignements de collines concen- triques. Le Rif ne paraît pas avoir de sommets dépassant 2.500 mètres ; mais la proximité de la mer donne l'impression d'un relief très vigoureux. Sa structure, encore mal connue, rappellerait celle des Alpes.

L'Atlas forme un vaste système montagneux qui comprend plu- sieurs parties. On le divise ordinairement en Haut Atlas, Anti- Atlas et Moyen Atlas, mais les rapports entre ces trois chaînes ne sont pas encore bien établis.

Fig. 5. — Vallée granitique (dans le sud du Haut Atlas)

Le Haut Atlas s'étend sur une longueur de 700 kilomètres, de l'Atlantique aux sources du Guir. A l'Ouest, la côte de l'Océan est perpendiculaire à sa direction O.-E. A l'Est, les plis disparaissent dans une région de hauts plateaux très monotones, où l'on passe sans grand obstacle du versant méditerranéen au versant saharien. Le col de Telouet et le pays Glaoua séparent le Haut Atlas en deux

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zones différentes : dans la région des affluents de gauche du Ten- sift, l'Atlas, constitué par un noyau de roches cristallines ou pri- maires, forme une muraille de 3.000 à 4.000 mètres de haut qui domine brusquement, au Nord la plaine de Marrakech, au Sud le Sous. A l'est du Glaoua, il change sa direction, qui devient O.-S.-O.- E.-N.-E. ; les roches anciennes disparaissent ; l'altitude absolue reste considérable, et le Jbel Ayachi a 3.750 mètres ; mais le socle sur lequel reposent les sommets est plus élevé et les formes topo- graphiques sont plus lourdes ; les plis rappellent ceux du Jura.

L'Anti-Atlas est relié topographiquement au Haut Atlas par le puissant massif volcanique du Siroua. Son altitude ne dépasse pas 2.000 mètres et s'abaisse doucement vers l'Océan.

Le Moyen Atlas fait un angle avec le Haut Atlas, car il est dirigé S.-O.-N.-E. Les sommets les plus élevés sont au N.-E., où quel- ques-uns dépassent 3.000 mètres. Le Moyen Atlas est séparé des avants-monts du Rif par la trouée de Taza ; il semble se prolonger par les massifs isolés de la basse vallée de la Moulouya.

LES PLATEAUX Les plateaux constituent trois masses princi-

pales groupées dans le Maroc oriental, le Maroc saharien et le Maroc occidental.

Les plateaux du Maroc oriental sont le prolongement naturel des Hauts Plateaux oranais. Ils dominent la plaine de la Basse-Mou- louya par un rebord escarpé E.-O. et s'avancent en pointe entre les deux Atlas au-dessus de la plaine de Haute Moulouya. Leur alti- tude atteint de 1.200 à 1.500 mètres et est un peu plus élevée au Sud, où ils relient l'Atlas marocain à l'Atlas algérien.

Fig. 6. — Un Gara (d'après Ch. de Foucauld)

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Le Sahara marocain est constitué par un immense plateau, dont le socle est une ancienne pénéplaine recouverte de sédiments. Mor- celé dans les confins oranais par l'érosion qui a isolé quelques tron- çons de chaînes, le plateau forme du Dra au Tafilelt une masse compacte, dont l'altitude se relève au Nord (2.000 mètres dans le Jbel Sarro). Il s'abaisse à l'Ouest où le Jbel Bani n'interrompt plus la continuité de la plaine désertique que par sa longue et mince arête.

Les plateaux du Maroc occidental, soumis à un climat plus humide, sont moins mornes que ceux du Maroc oriental ou saha- rien. Ils appartiennent à deux types différents, selon qu'ils sont formés de roches cristallines ou de roches sédimentaires.

Les uns montrent la réapparition de la pénéplaine primaire relevée à plus de 1.000 mètres ; le creusement de vallées profondes arrive à donner l'illusion de montagnes : tels sont le Pays Zaër et surtout le Pays Zaïan. Au sud de l'Oum er Rbia, le massif Rehamna, formé de la même façon, n'atteint pas 700 mètres ; mais des accidents locaux ont isolé un fragment de la Meseta de façon à lui donner l'apparence d'une petite chaîne E.-O. ; ce sont les Jebilet, qui ont de 800 à 1.000 mètres.

Entre le Zaër et le Rehamna s'étale un plateau, constitué par des sédiments horizontaux dont la surface calcaire donne une vraie table rocailleuse. Son altitude moyenne de 600 à 700 mètres se relève au N.-E. jusqu'à 1.000 mètres.

Le massif Zaër-Zaïan est étroitement soudé à l'Est à un autre plateau sédimentaire, le plateau des Beni-Mguild. Ce plateau domine par un escarpement la plaine de Fès-Meknès et se relève au Sud-Est, où il dépasse 2.000 mètres. Son originalité est accen- tuée par la présence de cônes volcaniques et de laves récentes.

LES PLAINES Un des traits essentiels du relief marocain, c'est

l'existence de deux longues bandes de plaines. La première se poursuit presque sans interrup-

tions depuis l'embouchure du Tensift jusqu'à celle de la Mou- louya, c'est-à-dire suivant la plus grande diagonale du Maroc. Cette vaste étendue de plaines n'est pas uniforme : elle comprend la plaine subatlantique, les plaines du Sebou, l'étroit couloir de Taza, les plaines de Basse-Moulouya. L'altitude peut atteindre 600 mètres, l'uniformité est quelquefois interrompue par des massifs comme les monts des Guerouan, le Zerhoun ; mais les communications restent toujours faciles et toutes les relations du Maroc ont été fortement influencées par cette grande voie de passage.

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La seconde série de plaines est moins étendue. Elle est formée de deux parties principales : la plaine du Tensift ou Haouz de Mar- rakech et la plaine du Tadla ; entre les deux, la communication est aisée par le seuil large et plat qui sépare les Jebilet du Moyen Atlas. Le Tadla se prolonge aussi au nord des Jebilet par une grande plaine alluviale, la Bahira. Ces plaines, situées au cœur du Maroc occidental, ont, comme les premières, une grande utilité, mais cette utilité est plus restreinte : si la chaîne de collines qui les sépare de la plaine maritime n'est pas un obstacle, la voie de passage qu'elles forment ne mène à l'Est qu'à une impasse, la haute vallée de l'Oum er Rbia.

NATURE DU SOL La nature des roches qui constituent le sol

est un élément essentiel dans la physionomie géographique d'une région, car son action se

retrouve dans les formes topographiques, les aptitudes agricoles et les établissements humains.

Fig. 7. — Paysage schisteux (dans les Aït Mdioual)

ROCHES CRISTALLINES ET MÉTAMORPHIQUES. — Ces roches sont caractérisées par leur imperméabilité et leur résistance à l'érosion ; elles donnent un sol végétal assez médiocre, plus favorable aux pâturages qu'aux cultures. Leur disposition dans le Maroc occiden- tal est très remarquable : alors que l'ancienne chaîne dont elles sont des témoins s'orientait presque S.-N., leurs affleurements sont alignés O.-E. Ces bandes, plus ou moins larges et plus ou moins hautes, sont : l'Anti-Atlas, le Haut Atlas occidental ; les Jebilet et le Rehamna ; le massif Zaër-Zaïan ; le versant méditerranéen du Rif.

Les granites apparaissent surtout dans le massif Rehamna et le Pays Zaër. Les schistes tiennent la plus grande place. Il convient

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de noter le rôle important joué par les quartzites, roches très dures qui constituent des arêtes aiguës fréquentes dans toute la Meseta, les « sokhrat ».

A ces affleurements s'associent en général des roches volcani- ques ; mais d'importantes nappes basaltiques recouvrent les cal- caires des Beni-Mguild.

ROCHES SÉDIMENTAIRES. — Si l'âge de ces roches sédimentaires donne la clef de l'évolution géologique, c'est leur composition qui importe surtout pour la géographie. Tous les types, sables, grès, argiles, calcaires, sont représentés au Maroc.

Les sables constituent une frange presque continue sur tout le littoral atlantique et fréquente sur le littoral méditerranéen ; ils recouvrent la plus grande partie de la plaine inférieure du Sebou. Les grès couronnent beaucoup de sommets sur le versant extérieur du Rif ; très fortement coquilliers et calcarifères, ils forment toute la plaine littorale.

Fig. 8. — Cirque d'Around (vu d'Asni) Au premier plan : formations sédimentaires du crétacé ; Au fond : la haute chaîne cristalline.

Les argiles tiennent une grande place dans la plaine du Sebou. Peu résistantes, elles donnent des formes molles et confuses ; dans les pays élevés, elles se ravinent constamment et provoquent des

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glissements ; après les pluies, elles sont une grande gêne pour les communications.

Les terrains d'âge triasique, formés surtout d'argiles gréseuses, sont très étendus au Maroc : ils forment souvent la base des pla- teaux et, comme ils sont facilement ravinés, ils accentuent encore le relief.

Les calcaires, quand ils ne sont pas plissés, donnent des tables d'autant plus unies et des escarpements d'autant plus abrupts qu'ils sont plus durs. Les types de ces calcaires durs sont les cal- caires d'âge jurassique qui constituent le plateau des Beni-Mguild, le Moyen Atlas, le Haut Atlas, oriental, les hauts sommets du Rif, du Zerhoun, des massifs de Basse-Moulouya. Plus marneux et moins durs sont les calcaires crétacés du plateau de Haute-Chaouïa et les calcaires tertiaires du versant extérieur du Rif.

FORMATIONS SUPERFICIELLES

Les sols superficiels qui résultent de la décom- position des roches du sous-sol, des actions orga- niques et des phénomènes de transport sont

d'une telle importance pour les cultures que les indigènes leur ont donné des noms spéciaux, devenus d'usage courant.

Les « rmel » sont naturellement associés aux formations sablon- neuses. Les « dahs » sont des sols alluvionnaires dont la composi- tion complexe varie suivant les régions parcourues par les rivières. Deux sols ont une valeur particulière : le « hamri », de couleur rouge, argilo-sableux, et le « tirs », de couleur noire, fortement argileux. Le tirs forme une grande zone, étendue du Bou-Regreg au Tensift, éloignée d'une vingtaine de kilomètres de la côte : peu profond au Nord où il apparaît par plaques séparées, il est continu au sud de l'Oum er Rbia, et son épaisseur atteint 1 mètre ; le tirs est le sol d'élection du blé.

Ainsi, favorisé par la disposition du relief où les grandes plaines, s'insinuant entre les massifs, constituent des voies natu- relles de pénétration, le Maroc l'est aussi par l'extrême variété de ses sols, dont la richesse naturelle peut être facilement amé- liorée.

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III. — Climat et végétation

La situation du Maroc el la disposition du relief déterminent des conditions de climat plus favorables que dans les autres pays de l'Afrique du Nord. Ces avantages influencent à leur tour la végétation el l'hydrographie : il en résulte un enchaîne- ment des conditions physiques qui crée un milieu naturel parti- culièrement favorable à la vie humaine.

CONDITIONS GÉNÉRALES DU CLIMAT

Aux conditions générales qui détermi- nent pour tout pays son climat spécial, la position en latitude, la proximité de

la mer, le relief, s'ajoute, pour le Maroc, un fait particulier : le Courant des Canaries.

Par son extrémité méridionale qui atteint presque le 28 parallèle, le Maroc se rattache à la grande zone subtropicale qui, tout autour de la terre, est jalonnée par les grands déserts. Mais comme il s'étend au Nord jusqu'au 36 parallèle, il est compris pour la plus grande partie dans la zone dite méditerranéenne, dont les carac- tères se retrouvent à la même latitude dans des pays qui ne tou- chent pas à la Méditerranée, la Californie par exemple.

L'Océan, qui nourrit les nuées fécondantes, réchauffe les hivers et rafraîchit les étés, est le grand bienfaiteur du Maroc. Nous avons vu que le Maroc buvait largement son humide et tiède haleine. La Méditerranée n'a malheureusement qu'une action très restreinte en intensité comme en étendue ; cette action est même plus faible qu'en Algérie, car la mer, resserrée entre la Cordillère bétique et le Rif, n'a pas le temps d'imprégner d'eau les vents venant du Nord, qui sont, en Algérie, porteurs de nuages de pluie. C'est à la Méditerranée cependant que la région de Basse-Moulouya doit d'être moins désavantagée que le reste du Maroc oriental.

Le relief fait sentir son action non seulement par sa masse ou sa hauteur, mais encore par sa disposition. Cette double influence est favorable au climat du Maroc. Le Rif, et surtout le Grand et le Moyen Atlas, dont certains sommets dépassent 3.000 mètres, sont de merveilleux condensateurs d'humidité, grâce auxquels on trouve

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Rochefort-sur-mer. — Imprimerie A. Thoyon-Thèze.

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